Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 23 novembre 2005

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 33.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Je vais vous demander à

6 présent de bien vouloir donner lecture du texte qui figure sur le bout de

7 papier qui vous est remis, s'il vous plaît ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

9 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

10 LE TÉMOIN: TÉMOIN P-016 [Assermenté]

11 [Le témoin répond par l'interprète]

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous en prie, asseyez-vous.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Tuma ?

15 Mme TUMA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour, Monsieur

16 le Président, Madame, Monsieur les Juges. Je souhaite le bonjour également

17 à mes confrères de la Défense.

18 Nous avons ici un témoin protégé. Par conséquent, l'Huissier

19 pourrait-il m'aider ? Je souhaiterais que M. l'Huissier lui remette cette

20 feuille, et que le témoin ne donne pas lecture de ce qui figure sur ce

21 document tant qu'on aura pas été à huis clos partiel.

22 Interrogatoire principal par Mme Tuma :

23 Q. [interprétation] S'il vous plaît ne donnez pas lecture de cela. Je

24 demanderais au témoin de se familiariser avec ce qui est écrit sur ce bout

25 de papier, en particulier pour ce qui est de sa date de naissance et de son

26 nom, et de confirmer ou d'infirmer les informations qui figurent ici. Je

27 vous remercie.

28 R. C'est exact.

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1 Mme TUMA : [interprétation] Merci. Avant de procéder dans le cadre de mon

2 interrogatoire principal, je voudrais fournir quelques informations à la

3 Chambre, quelques informations qui portent sur ce témoin. Des mesures de

4 protection ont été accordées à ce témoin comme nous le savons, à savoir, la

5 déformation de sa voix et des traits de son visage. Un pseudonyme lui a été

6 attribué, on s'adressera à lui en l'appelant P16. Toutefois, la profession

7 de ce témoin est telle qu'il se peut que je demande que l'on passe à huis

8 clos partiel de manière plus importante que ce que je ne ferais

9 éventuellement avec un autre témoin. S'agissant de la profession du témoin

10 pendant la période couverte par l'acte d'accusation, il n'y a eu en tout et

11 pour tout que 15 autres personnes qui ont exercé la même profession. C'est

12 la raison pour laquelle quelques éléments d'information pourraient révéler

13 son identité, des éléments d'information fournis par le témoin. Je voulais

14 simplement qu'on le sache avant de commencer, merci.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

16 Mme TUMA : [interprétation] Est-ce que l'on peut commencer à huis clos

17 partiel, s'il vous plaît, car je vais demander au témoin de parler de son

18 parcours professionnel.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel.

20 Mme TUMA : [interprétation] Merci. A l'intention du témoin, je vais

21 expliquer que nous sommes à huis clos partiel.

22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

23 le Président.

24 [Audience à huis clos partiel]

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25 [Audience publique]

26 Mme TUMA : [interprétation] Je vous remercie.

27 Q. A l'époque où vous avez (expurgé)

28 (expurgé), est-ce que vous pourriez nous décrire le genre de (expurgé)

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5 R. Madame, vous avez dit que j'avais été assez particulier, de toute

6 façon, ma position était si particulière que chaque fois que je

7 mentionnerais un nom ou un événement, il sera toujours possible de

8 m'identifier. Car cette possibilité existe toujours. Il y a toujours

9 quelqu'un qui peut établir le lien entre ce que je dis et mon identité. Je

10 ne peux que présenter mes excuses, bien que cela ne soit absolument pas de

11 ma faute. Bien entendu, je suis tout à fait disposé à partager toute

12 information avec vous, mais, bien entendu, je ne souhaiterais pas

13 malheureusement que le public en soit informé. Je vais essayer de répondre

14 à la question toutefois.

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20 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous aviez une (expurgé) ?

21 Mme TUMA : [interprétation] Je pense que nous pourrions peut-être passer à

22 huis clos partiel. Je souhaiterais que nous passions à huis clos partiel

23 avant que le témoin ne réponde à cette question.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel.

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12 Mme TUMA : [interprétation]

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22 R. J'essaie de penser à un événement précis, parce qu'il y avait, bien

23 entendu, toujours quelque chose qui se passait. Je ne sais pas quel

24 événement mériterait d'être présenté ici. Peut-être est-ce que vous

25 pourriez développer un peu votre idée et me dire exactement ce dont vous

26 souhaiteriez que je parle?

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4 Q. Je m'excuse, je parlais à notre commis aux affaires, et je n'ai pas

5 entendu ce que vous venez de dire, Monsieur. Vous voulez repasser à huis

6 clos partiel, c'est cela ?

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La question qui vous a été posée était

8 comme suit. Est-ce que vous pensez qu'il soit pertinent d'aborder le détail

9 du travail effectué à Knin ? A première vue, cela n'est pas pertinent.

10 Mme TUMA : [interprétation] Oui, mais pour qui est du Procureur, cela

11 pourrait avoir une pertinence.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] En quel sens.

13 Mme TUMA : [interprétation] Bien entendu, cela va dépendre de la réponse du

14 témoin. Mais si le témoin venait à mentionner des noms précis, des noms de

15 certains combattants, cela aura une pertinence pour cette affaire, pour ce

16 qui est de la responsabilité pénale individuelle de l'un des accusés.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit d'identifier une

18 personne à Knin ou le comportement d'une personne à Knin ?

19 Mme TUMA : [interprétation] Il s'agit plutôt du comportement de cette

20 personne à Knin.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] En quoi cela est pertinent par rapport

22 aux événements de Vukovar ?

23 Mme TUMA : [interprétation] A Knin, bien entendu, je ne peux pas vous dire

24 ce que le témoin peut nous dire.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Certes. Mais si le témoin a fait

26 certaines choses à Knin, comment est-ce que cela peut prouver qu'il a fait

27 la même chose ou des choses analogues à Vukovar, si c'est bien ce à quoi

28 vous voulez en venir ?

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1 Mme TUMA : [interprétation] Si le témoin répond d'une certaine façon, il se

2 peut qu'il mentionne le nom d'un combattant qui était présent à Vukovar, et

3 ce, pendant la période couverte pas l'acte d'accusation. En fait, j'essaie

4 d'obtenir des renseignements à propos du comportement de cette personne à

5 Knin, une personne que le témoin a rencontrée.

6 [La Chambre de première instance se concerte]

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons passer à huis clos

8 partiel.

9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

10 le Président.

11 [Audience à huis clos partiel]

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1 Mme TUMA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

2 Q. Je voudrais que nous parlions maintenant de Vukovar. Je voudrais

3 demander au témoin de nous indiquer quand est-ce qu'il a été présent à

4 Vukovar.

5 R. Là, le problème se pose. Je crois que ceci est important. Je suis en

6 train de commencer à parler de noms très concrets aux fins de donner une

7 réponse valable à votre question, et je préférerais que cette audience se

8 fasse à huis clos.

9 Mme TUMA : [interprétation] Monsieur le Président, je vais redemander un

10 huis clos partiel, et je vous en remercie.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel.

12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

13 le Président.

14 [Audience à huis clos partiel]

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15 [Audience publique]

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Nous avons atteint

17 l'heure où il convient de changer les bandes, c'est pourquoi nous allons

18 faire une pause. Etant donné qu'il faudra procéder à des expurgations au

19 compte rendu d'audience, nous allons faire une pause d'une demi-heure.

20 Madame Tuma, le témoin a procédé à des marquages sur la carte. Est-ce que

21 vous voulez que ceci soit versé au dossier ?

22 Mme TUMA : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président. J'aimerais

23 que cela soit fait avant que cette audience-ci soit levée. J'aimerais que

24 cette pièce-là soit versée au dossier.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] On s'est arrêté à Negoslavci, c'est

26 bien ce que vous voulez ?

27 Mme TUMA : [interprétation] Oui, mais le témoin a procédé à un marquage sur

28 cette carte allant de Sid jusqu'à l'entrée de Vukovar.

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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, vous avez raison très bien. Ce

2 sera versé au dossier.

3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce à conviction numéro 111,

4 Madame et Messieurs les Juges.

5 Mme TUMA : [interprétation] Merci.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons lever l'audience et nous

7 allons reprendre à 4 heures et quart.

8 --- L'audience est suspendue à 15 heures 47.

9 --- L'audience est reprise à 16 heures 19.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Madame Tuma. Veuillez continuer,

11 je vous prie.

12 Mme TUMA : [interprétation] Est-ce que nous sommes toujours à l'huis clos

13 partiel ?

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non. Vous voulez que nous allions à

15 huis clos partiel ?

16 Mme TUMA : [interprétation] Je demande un huis clos partiel, oui, merci.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel.

18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

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1 Mme TUMA : [interprétation] Je voudrais que l'on examine une autre carte

2 qui a déjà été utilisée en l'espèce. C'est la pièce 48. Son numéro ERN est

3 04639058. Je vous remercie.

4 Le témoin voit-il le croquis sous les yeux ?

5 R. Oui. J'ai le croquis, mais le tracé est pâle, et c'est un croquis

6 réduit.

7 Q. Nous allons voir si on peut vous aider à voir mieux.

8 R. Si on peut maintenant réduire légèrement et montrer le haut. C'est

9 bien.

10 Q. Très bien. Alors, vous avez atteint l'hôpital, et à partir de ce

11 moment-là, où vous êtes-vous rendu ? Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous

12 indiquer cela sur le croquis ? Vous pouvez inscrire le chiffre 1.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic ?

14 M. BOROVIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président,

15 j'interromps immédiatement. D'après moi, ce croquis qui a été réalisé par

16 un des témoins de l'espèce, constitue une manière de poser des questions

17 directrices de la part du Procureur. Nous avons ici ce qui a été inscrit à

18 la main par ce témoin, et ceci dirigera d'une certaine façon le témoin. Il

19 y a beaucoup de mentions qui sont déjà inscrites ici. Il faudrait plutôt

20 demander au témoin de les inscrire lui-même et de lui poser les questions

21 par la suite. Il me semble que j'ai raison de soulever cela.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, je pense que le plan

23 de l'hôpital, les grandes lignes de ce plan ne constituent pas un point

24 suffisamment contesté pour que ceci empêche le témoin de nous indiquer sur

25 ce plan où il se trouvait, pour autant que je le sache, et il se peut que

26 la suite vous donne raison. Mais pour autant que je sache, il ne va pas

27 nous détailler le schéma de l'hôpital, de tout ce qui se trouvait à

28 l'hôpital. Il va simplement nous dire où il se trouvait, et il peut le

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1 faire en se servant de ce plan. Merci.

2 Mme TUMA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

3 Q. Le témoin peut-il inscrire le chiffre 1 pour nous montrer où il s'y

4 trouvait ? Où étiez-vous lorsque vous êtes arrivé à l'hôpital ? Pouvez-vous

5 nous en parler également ?

6 R. Comme je l'ai dit, j'ai quitté la rue principale. D'après moi, on

7 pouvait identifier cela comme rue principale à l'époque. Donc, je suis

8 descendu. C'était une rue en pente. En quelques minutes, je me suis trouvé

9 devant ce bâtiment annexe. D'après moi, c'était l'aile nouvelle de

10 l'hôpital, parce que c'est la seule que j'ai vue. Je suis arrivé là, ici

11 donc. Il y avait une voie plutôt large, goudronnée. Il y avait un escalier

12 qui n'était pas très escarpé. On voyait la façade de l'hôpital. Pour autant

13 que je m'en souvienne, c'étaient des parois vitrées. En fait, il y avait

14 deux volets de portes vitrés. Et dans le prolongement - je ne sais pas

15 exactement sur quelle distance se prolongeait cette voie goudronnée - dans

16 ce prolongement, on voyait garées des ambulances militaires. C'est la

17 première scène que j'ai vue quand je suis arrivé devant l'entrée de cette

18 partie de l'hôpital.

19 Q. Je vois que vous avez inscrit quelque chose en rouge. Ce signe, est-ce

20 que le témoin peut nous l'expliquer ?

21 R. Ce signe rouge indique l'endroit où je me suis arrêté.

22 Q. Merci. Pendant que vous étiez là, qu'avez-vous vu ?

23 R. Je me tenais là. La première chose que j'ai vue, pendant ce temps-là

24 sur la gauche, c'était un tas immense de pansements sales. C'est la

25 première chose sur quoi se sont posés mes yeux. Quand j'ai regardé droit

26 devant moi, j'ai vu une petite chaise ou un petit tabouret. Sur cette

27 chaise, il y avait un sac à poubelle, noir. On voyait un avant-bras coupé,

28 et la main, comme je suis en train de montrer cela, appartenant à un homme,

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1 cela, c'était appuyé contre le mur. Cela, c'est la première photo que j'ai

2 prise à Vukovar. Je pense que j'ai pris deux ou trois photos de cette scène

3 en me déplaçant à gauche ou à droite en cherchant l'angle le plus

4 approprié.

5 Q. Merci. Je voudrais que l'on reparle de la petite croix que vous avez

6 inscrite sur le croquis. Est-ce que vous pouvez inscrire le chiffre 1 à

7 côté ? Pourriez-vous, s'il vous plaît, le faire, inscrire le 1 à côté de

8 l'endroit où vous vous étiez.

9 R. [Le témoin s'exécute]

10 Q. Je vous remercie.

11 Mme TUMA : [interprétation] Je demande le versement de cette pièce.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Y aura-t-il d'autres mentions que vous

13 souhaiteriez faire porter par le témoin ou ce sera la seule ?

14 Mme TUMA : [interprétation] Cela dépendra des réponses du témoin, mais il

15 se peut qu'il y ait le numéro 2 aussi.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si vous avancez vite, on pourrait

17 peut-être avoir cela aussi.

18 Mme TUMA : [interprétation] Avec tous mes respects, je préfère avoir deux

19 pièces distinctes.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce 112, Monsieur le

22 Président.

23 Mme TUMA : [interprétation]

24 Q. Pendant que vous vous teniez là, d'après vos souvenirs, pourriez-vous

25 nous dire à quel moment de la journée c'était ?

26 R. C'était au début de l'après-midi et c'était vraiment une belle journée

27 ensoleillée. (expurgé)

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4 Q. Merci. Pendant que vous étiez là, vous êtes-vous adressé à qui que ce

5 soit ?

6 R. Tout d'abord, je me suis polarisé sur cette main, et quand j'ai levé

7 les yeux j'ai vu l'entrée de l'hôpital, et là, entre ses portes, la

8 première et la deuxième porte, j'ai vu deux policiers, deux grands

9 policiers, et tout de suite sur la gauche, j'ai vu un capitaine. En

10 arrivant, je ne l'avais pas aperçu. J'ai vu un capitaine qui s'était appuyé

11 contre le mur et il tenait les mains derrière son dos.

12 Q. L'avez-vous reconnu ?

13 R. J'ai cette chance d'avoir une mémoire photographique, du moins c'est ce

14 qu'on a pu établir quand on a passé des tests pendant mes années d'étude,

15 donc j'ai une mémoire phénoménale pour ce qui est des images, des endroits,

16 des visages. Je n'attache pas tant d'importance aux numéros et aux noms,

17 mais si je revois quelqu'un deux ou trois fois, je m'en souviens. J'ai

18 reconnu là le capitaine Radic. Je savais que c'était son nom de famille

19 mais je ne connaissais pas son prénom, car, généralement, on retient, soit

20 le nom de famille, soit le prénom, soit le surnom. A ce moment-là, je

21 l'avais enregistré comme cela dans ma mémoire.

22 Q. L'aviez-vous vu précédemment dans un autre contexte ?

23 Mme TUMA : [interprétation] Est-ce que nous pouvons à présent à huis

24 clos partiel ?

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] A huis clos partiel.

26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

27 le Président.

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21 Mme TUMA : [interprétation] Merci.

22 Q. Pendant que vous vous teniez là et lorsque vous avez vu le capitaine

23 Radic avez-vous quoi que ce soit d'autre pendant que vous vous teniez là ?

24 Est-ce que vous pouvez nous décrire ce que vous avez vu d'autre, si tel a

25 été le cas ?

26 R. A ce moment-là, j'ai vu les policiers militaires ouvrir la porte et

27 j'ai vu des soldats sortir en transportant, d'après moi, enfin à ce moment-

28 là j'ai repéré cela comme des prisonniers de guerre croates, enfin, je les

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4 ambulances de la JNA.

5 Q. Est-ce que vous pouvez nous donner une évaluation du nombre de

6 personnes que vous avez vues à ce moment-là ?

7 R. Pendant que j'étais à cet endroit, pendant une quinzaine de minutes, je

8 peux affirmer avec certitude qu'entre 15 et 20 blessés ont été sortis sur

9 des civières.

10 Q. De quelle manière étaient vêtues ces personnes qui étaient allongées

11 sur des civières ?

12 R. Ce qui m'a frappé à ce moment-là, d'après les images que j'ai vues à

13 Vukovar, ils étaient la seule chose rationnelle qu'on pouvait voir à ce

14 moment-là à Vukovar. A savoir, ils étaient rasés, les cheveux peignés, leur

15 pyjama était propre de couleur bleu ciel avec de jolies rayures fines.

16 J'avais l'impression qu'on s'était bien occupé d'eux comme si ce n'était

17 pas un moment de guerre à Vukovar. C'est cela l'image dont je me souviens.

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé) Certains avaient des blessures visibles. J'ai vu

23 des pansements sur des gens au bout des bras. Tandis que d'autres n'avaient

24 pas de blessure visible du tout. Même, il y en avait qui étaient des

25 civières dans une position à moitié assise. Ils n'étaient pas allongés. Ils

26 étaient à moitié assis. D'après moi, du moins pour ce qui est de ces 15 à

27 20 que j'ai vus, c'étaient de jeunes hommes âgés de 20 à 30 ans, de belle

28 apparence. Peut-être qu'il n'y en avait pas qui avait plus que 25 ans, et

Page 2179

1 c'étaient vraiment des hommes jeunes.

2 Q. Merci. Vous êtes resté là pendant 15 minutes. Est-ce que vous avez eu

3 une conversation avec quelqu'un pendant ce temps-là, et si oui, avec qui ?

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé). J'ai salué le capitaine Radic, cependant il n'a pas

8 répondu suite à mes salutations.

9 Q. Est-ce qu'il y a eu d'autres mots qui ont été prononcés à ce moment-

10 là ? Je tiens à rappeler au témoin que nous sommes en audience publique.

11 R. A peu près à ce moment-là, ce qui m'a semblé étrange et je me suis

12 senti mal à l'aise, c'était que cette personne ne me répondent pas. Vous

13 savez quand vous saluez quelqu'un et qu'il ne vous répond pas, il a regardé

14 ailleurs. J'ai essayé de nous tirer de l'embarras. Je lui ai demandé

15 combien il y avait de blessés, tout simplement juste comme cela pour avoir

16 de la conversation, donc le nombre ne m'intéressait pas à ce moment-là.

17 Encore une fois, il ne m'a pas répondu. Puis, j'ai commencé à parler à

18 haute voix tout seul, et j'ai dit à peu près la chose suivante : "C'est

19 bien qu'il y en ait le plus grand nombre possible pour qu'on puisse les

20 échanger contre nos prisonniers." Lui, il regardait vers ces blessés qu'on

21 était en train de sortir de l'hôpital, et il m'a dit : "Mais sais-tu quel

22 est le nombre des nôtres qui ont été tués par ces hommes ?" A ce moment-là,

23 il m'a été plus facile de continuer. Puis, je lui ai dit : "Non, je ne le

24 sais pas puisque personne en parle, et personne n'écrit rien là-dessus."

25 On regardait ces blessés, et ce que j'ai déjà dit au départ, à ce moment-

26 là, c'est d'une manière automatique que j'ai dit : "Comme ils sont bien

27 rasés, tiens." Parce que pour moi vraiment, c'était la seule image

28 rationnelle dans cette ville irrationnelle de Vukovar. A cela il m'a

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1 répondu : "Ce sont des hommes morts." là, j'ai réagi comme on dit d'une

2 manière réflexe, automatique. J'ai dit : "Mais ils sont bien en vie." Il

3 m'a répondu que je ne voyais pas bien et que : "C'étaient des hommes

4 morts." Vraiment, je me suis senti mal à l'aise.

5 J'avais déjà pris l'habitude de vivre plein de choses, enfin toutes sortes

6 de choses dans la guerre. Alors je me suis avancé vers l'hôpital, j'ai fait

7 deux pas vers l'hôpital et je me suis dit à haute voix : "Pour moi, je m'en

8 vais travailler." C'était comme une espèce de mécanisme de défense chez moi

9 pour me sortir de cette situation gênante. En haut au début du couloir,

10 j'ai vu le commandant Sljivancanin, et là je me suis dit : "Vraiment, t'as

11 pas de chance, je vais éviter celui-là," et j'ai rebroussé chemin, et je

12 suis reparti en empruntant le même chemin que celui par lequel je suis

13 arrivé devant l'hôpital.

14 Je ne suis pas entré dans l'hôpital à cause de Sljivancanin. Je peux même

15 préciser pour quelles raisons. Les soirées passées, il a rencontré un

16 représentant de la Croix Rouge internationale. Le moins que je puisse dire

17 c'est que j'ai trouvé cela très embarrassant. Je me souviens de pas mal de

18 choses, même si beaucoup de temps s'est passé depuis. Enfin, il a essayé de

19 lui expliquer notre histoire, nos problèmes, enfin du genre : "Que fais-tu

20 ici, laisse-nous faire la guerre comme on sait le faire, comme on peut."

21 Puis, ce qui est intéressant, c'est que nous avons fait des commentaires

22 dans mon service avec mes collègues. Naturellement, tous mes collègues ont

23 dit : Celui-là, il a vraiment trouvé un interlocuteur à qui il allait

24 expliquer notre histoire et nos problèmes. Parce qu'en réalité, il y a

25 quelque chose qu'on dit chez nous, je ne sais pas comment on le traduit en

26 anglais, mais on dit : Celui-là, il est vraiment rasant. Donc c'était cela

27 la conversation qu'on a eue dans notre service, avec les collègues. Donc

28 pour les rencontres précédentes, et en particulier pour ce qui est de cette

Page 2181

1 rencontre qui a été vraiment désagréable avec le représentant de la Croix

2 Rouge internationale.

3 Si on passe à huis clos partiel, je peux fournir un autre élément

4 d'information, un élément de plus pour que l'image soit complète. En fait,

5 ce sera bref.

6 Mme TUMA : [interprétation] Avant que de faire cela, je voudrais revenir en

7 arrière de quelques questions pour demander au témoin davantage de

8 renseignements au sujet de cet incident.

9 Q. Vous nous avez dit, et nous sommes encore en audience publique, vous

10 avez dit tout à l'heure que vous vous sentiez embarrassé lorsque vous avez

11 entendu le capitaine Radic dire qu'il s'agissait là de gens qui étaient

12 morts. Est-ce que vous pouvez étoffer votre propos ? Que vouliez-vous dire

13 lorsque vous avez dit que vous vous sentiez embarrassé ?

14 R. Je m'efforçais d'être rationnel. Si à deux mètres de vous, vous voyez

15 des jeunes gens de 20, 22, 25 ans et si on vous disait que c'était des

16 morts, alors là vraiment vous vous sentez, pour le moins qu'on puisse dire,

17 tout à fait chose. Vous vous mettez à douter de la rationalité de votre

18 interlocuteur. Vous vous demandez de quoi il en retourne là. Je ne pouvais

19 pas bien sûr aller si loin. Je n'ai pas réfléchi à la chose, mais je dirais

20 que la situation était assez désagréable. J'avais pas mal d'expérience de

21 guerre, je m'étais habitué à certaines choses. Mais tout à coup vous avez,

22 même dans cette situation, une lampe rouge qui s'allume dans votre cerveau,

23 et vous vous demandez qui est-ce qui est fou dans cette histoire, du moins

24 c'est ainsi que je me suis senti.

25 Q. Merci. Où êtes-vous allé après l'hôpital ?

26 R. Après l'hôpital, je suis retourné par la même route, et là il y a eu un

27 événement que je pourrais peut-être expliquer.

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Un moment, je vous prie.

Page 2182

1 Monsieur Borovic.

2 M. BOROVIC : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président, mais

3 peut-être n'ai-je pas bien expliqué les choses au départ. Il serait peut-

4 être préférable de montrer à quelqu'un qui témoigne pour la première fois

5 au Tribunal une photo de l'hôpital, et qu'il nous dise par où il est passé,

6 parce que ce schéma nous laisse entendre, et cela lui donne la possibilité

7 de donner lecture des inscriptions qui figurent sur les pièces. J'aimerais

8 que l'on procède de façon plus objective, en montrant d'abord au témoin la

9 photo de l'hôpital.

10 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

11 L'INTERPRÈTE : Les interprètes signalent qu'il y a un bruit dans les

12 écouteurs.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Tuma, j'aimerais tout d'abord

14 que vous demandiez au témoin qu'il décrive l'endroit où il est allé.

15 Ensuite, il serait bon de lui demander de nous le montrer sur une carte ou

16 sur un plan. Je ne sais pas si les difficultés mentionnées par Me Borovic

17 vont se manifester, mais je crois que cela dépendra de la description que

18 nous fournira le témoin. D'abord, entendons cela. Ensuite, nous allons voir

19 s'il y a nécessité de nous pencher sur la carte, et au cas où cela serait

20 le cas, on devrait voir de quelle carte il s'agira.

21 Mme TUMA : [interprétation] J'ai compris, Monsieur le Président. Merci.

22 Q. Je demanderais maintenant au témoin, avant que de procéder à quelque

23 marquage que ce soit, de nous fournir une description de l'endroit où il

24 est allé après l'hôpital.

25 R. Je ne suis pas entré dans à l'hôpital comme je vous l'ai déjà dit.

26 Après l'hôpital, j'ai repris le même chemin pour rentrer. Je n'ai peut-être

27 pas parcouru plus de cinq ou six mètres après le coin de l'hôpital et, du

28 coup, j'ai été dépassé par deux jeunes femmes. L'une d'entre elles était

Page 2183

1 brune et l'autre avait des cheveux châtains. Je me suis tourné et, sous

2 leurs manteaux, elles avaient des blouses blanches. Elles devaient avoir 20

3 à 23 ans, et d'après ces blouses blanches, j'ai supposé qu'il s'agissait

4 d'infirmières. Elles sont passées juste à côté de moi et celle qui avait

5 des cheveux bruns était en larmes. Celle qui avait des cheveux châtains

6 avait passé son bras par-dessus l'épaule de l'autre. J'ai entendu la brune

7 dire : "Comment peuvent-ils dire que nous sommes tous des Oustachi ?" Elle

8 a continué à pleurer et elles sont allées dans la direction par où j'étais

9 venu.

10 Il y avait une espèce de muret de quelque trois mètres de haut, et étant

11 donné que cette annexe, ce bâtiment annexe à l'hôpital était enfoui quelque

12 peu au sous-sol, j'ai vu le monsieur qui travaillait pour la Croix Rouge,

13 parce que c'est quelqu'un que j'ai reconnu, puisque deux ou trois soirs

14 avant cela, on l'avait vu à la télévision. C'est lui qui avait eu ce débat

15 assez virulent avec le commandant Sljivancanin. Lui était debout et ne

16 bougeait pas. Il regardait en direction de l'hôpital.

17 Il y avait à côté de là un véhicule, une jeep, je pense que c'était une

18 Toyota, avec l'insigne de la Croix Rouge internationale avec l'inscription

19 Genève dessus, l'autre était vêtu de blanc avec les insignes de la Croix

20 Rouge et l'inscription Genève. C'est ce que j'ai vu lorsque j'ai quitté

21 l'accès à l'hôpital.

22 Q. Merci. Avez-vous vu d'autres représentants ou d'autres membres du

23 personnel de la Croix Rouge ?

24 R. Pour autant que je m'en souvienne, il se peut qu'il y a en ait eu un

25 dans le véhicule. Mais à l'extérieur du véhicule, il n'y a que cet homme

26 que j'ai reconnu, parce que je l'avais vu à la télévision.

27 Q. Merci. Qu'avez-vous fait alors ?

28 R. Je me suis dirigé vers la rue, j'ai descendu le long de la rue, et j'ai

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1 vu un tas de reporters et de photographes plus bas, en contrebas. Il devait

2 y avoir un parc, à mon avis, à cet endroit-là. Une image assez choquante

3 m'a frappé. On avait rangé là des cadavres en plusieurs rangées, et suivant

4 une appréciation à vue d'œil, je m'étais dit qu'ils devaient être 80. Je me

5 suis trompé de trois. Par la suite, on a dit qu'ils étaient 83 à être

6 alignés là et couverts d'une espèce de bâche transparente. Plusieurs de ces

7 cadavres avaient des blessures apparentes. La scène était très pénible. Il

8 y avait des femmes, des hommes, des hommes de tout âge. Heureusement, il

9 n'y avait pas d'enfants, mais l'image était vraiment pénible, terrible. Je

10 dirais que je pouvais supporter pas mal de choses, mais à voir tant de

11 cadavres à un seul endroit, il était difficile de rester indifférent(expurgé)

12 (expurgé)

13 Q. Avez-vous reçu des renseignements concernant l'origine de ces

14 cadavres ?

15 R. Oui. Oui, justement. Cela m'intéressait. J'ai vu qu'il n'y avait pas de

16 blessures par balles, parce que ce sont des blessures auxquelles je m'étais

17 déjà habitué. Il y avait davantage de civils que de soldats. Je n'ai pas

18 cherché à savoir qui étaient ceux qui étaient allongés dans le parc. Une

19 femme cependant m'avait dit que c'étaient des personnes décédées qui

20 venaient de l'hôpital, et qui ont été apportées là parce qu'il n'y avait

21 pas les conditions requises pour procéder aux enterrements. C'est

22 l'information qu'on m'a communiquée. C'était des gens qui étaient morts de

23 mort naturelle ou suite à des blessures, mais à l'hôpital et qui, compte

24 tenu des circonstances de guerre, n'ont pas pu être enterrés.

25 Q. Merci. Avez-vous vu quoi que ce soit d'autre dans la rue principale ou

26 le long de la rue principale ?

27 R. Je pense vous avoir déjà dit que pendant une bonne partie de la

28 journée(expurgé)

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1 (expurgé)

2 (expurgé)Il a fallu que je repose mes yeux.

3 C'est alors que j'ai vu que de toutes ces rues-là, de toutes les

4 directions, il affluait des civils. Il faisait très chaud pour cette

5 période de l'année. Toutefois, j'ai vu des gens qui portaient deux manteaux

6 à la fois. Les manteaux étaient sales et d'après l'apparence de leurs

7 cheveux, on a pu voir qu'ils n'ont pas pu les laver pendant des mois. Il y

8 avait une odeur très lourde, une odeur assez indéfinissable.

9 J'ai même vu une femme avec un bébé. (expurgé)

10 (expurgé). Je me suis approché de cette jeune femme qui

11 devait avoir 20 et quelque ans, 22, 23 -- j'ai appris que le bébé n'avait

12 que dix jours et que le bébé était né dans les souterrains(expurgé)

13 (expurgé)j'ai pris ses renseignements.

14 Elle, elle pleurait. C'était un bébé mignon, comme tous les bébés.

15 Les autres n'avaient pas du tout envie de me parler. Ils étaient tous assez

16 abattus. Je me souviens d'une grand-mère. Elle s'est assise face au soleil,

17 et son visage ressemblait à une feuille de papier. Elle m'a dit : "Laisse-

18 moi, fils. Laisse-moi prendre un peu de soleil après plus de trois mois

19 dans des caves." Alors, je ne voulais pas les fatiguer davantage avec mes

20 questions, et bon nombre d'entre eux pleuraient. Ils n'avaient pas du tout

21 envie de communiquer de quelque façon que ce soit.

22 Q. Merci. Quoi d'autre avez-vous encore vu lorsque vous avez marché le

23 long de la rue principale ?

24 R. J'ai suivi la rue principale et on revient à l'irrationnel. Quelqu'un

25 nous a dit qu'il fallait passer par le milieu de la rue en raison des

26 mines, je le savais même sans avertissement. Vous ne pouviez pas aller ou

27 suivre le milieu de la rue parce qu'il y avait des soldats de toutes sortes

28 d'unités qui conduisaient des voitures sans plaque d'immatriculation, des

Page 2186

1 motocyclettes. J'ai vu une voiture qui devait avoir été criblée d'un

2 millier de balles, parce que je crois qu'à chaque centimètre carré il y

3 avait au moins une trace de balle.

4 (expurgé)

5 (expurgé)A ce moment-là, lorsque j'ai suivi cette rue, j'ai

6 vu une colonne d'autocars. C'étaient des véhicules qui portaient les

7 insignes de la JNA. J'ai même reconnu l'un des chauffeurs. Il me semble

8 même qu'il m'avait -- peut-être c'est lui qui me donnait des cigarettes ou

9 moi-même en avais-je donné quelques-unes à lui, enfin, c'était quelqu'un

10 que j'avais déjà connu, et on s'était demandé comment se fait-il qu'il

11 était là ou que j'étais là. Je lui ai dit que : J'étais venu pour prendre

12 des -- non, il m'a dit que : "Il était venu évacuer la population."

13 J'ai continué à descendre la rue. J'ai reconnu le foyer des travailleurs de

14 Vukovar parce que j'avais vu une photo, quoique je ne fusse pas venu

15 auparavant à Vukovar, j'ai reconnu quand même l'endroit. Je sais que

16 c'était un bâtiment où s'étaient tenus des congrès. C'était un bâtiment

17 facilement reconnaissable. J'ai vu ensuite quelque chose qui ressemblait à

18 un bâtiment, mais je ne pouvais savoir que c'était l'hôtel Dunay. Ce sont

19 des jeunes qui m'ont dit que ce bâtiment avait été auparavant un hôtel

20 appelé l'hôtel Danube. (expurgé)

21 (expurgé) un jeune homme s'est approché de moi, il portait la barbe, et il

22 m'a demandé, (expurgé)

23 Or, nous avons eu des instructions explicites disant que ces gens-là

24 portant des barbes, qu'il fallait que nous fassions exactement ce qu'ils

25 nous demandaient, qu'il fallait être très avenant à leur égard. (expurgé)

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6 Q. Je vais vous interrompre et je demanderais au témoin de nous parler de

7 ce qu'il a vu pendant qu'il était encore à Vukovar.

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9 Q. Vous nous avez dit que vous l'avez protégé. Qu'avez-vous fait pour ce

10 faire ?

11 R. Bien, tout simplement, je me suis mis devant le canon de son fusil face

12 aux soldats et, dans mon dos, il y avait le journaliste américain. Cela

13 avait été une réaction des plus ordinaires, des plus normales, parce que je

14 me suis dit que l'autre n'allait pas me tirer dessus à moi. En pensant à la

15 chose par la suite, je me suis dit que c'était quand même assez risqué

16 parce que certains d'entre eux avaient des bouteilles sur eux et ils

17 étaient assez alcoolisés, donc ils devaient avoir la gâchette facile.

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 Mme TUMA : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais passer

21 maintenant à huis clos partiel, je vous prie.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel, je vous prie.

23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes huis clos partiel, Monsieur

24 le Président.

25 [Audience à huis clos partiel]

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8 [Audience publique]

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que nous devrions maintenant

10 avoir une autre pause. Il y a des expurgations qui devront être faites, et

11 nous reprendrons à 18 heures.

12 --- L'audience est suspendue à 17 heures 33.

13 --- L'audience est reprise à 18 heures 05.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Tuma, nous sommes en audience

15 publique.

16 Mme TUMA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'aimerais

17 demander que nous passions à huis clos partiel, car nous allons poursuivre

18 l'examen de cette photographie, ce qui pourrait révéler l'identité du

19 témoin.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel.

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

22 le Président.

23 [Audience à huis clos partiel]

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27 [Audience publique]

28 Mme TUMA : [interprétation] Merci.

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1 Q. Que s'est-il passé ensuite ? Que s'est-il passé après que vous avez vu

2 Sljivancanin ? Qu'avez-vous fait ?

3 R. Entre-temps, mes collègues étaient arrivés. L'un d'eux a dit : "Nous

4 avons maintenant un thème et un sujet très intéressant à exploiter, à

5 aborder." Il avait reçu des informations lorsqu'il se trouvait de l'autre

6 côté de la ville. Il avait entendu dire qu'il y aurait une évacuation de

7 civils de Vukovar, et que cela était dans l'air, qu'on en parlait, et

8 qu'ils seraient tous amenés au centre de réception. Je me suis assis avec

9 eux. Je ne peux pas vous décrire l'itinéraire que nous avons emprunté pour

10 arriver à l'autre bout de la ville. Nous sommes arrivés au niveau d'un

11 plateau où il y avait des cabanes assez basses qui s'y trouvaient. Lorsque

12 j'ai vu cet endroit, la première chose à laquelle j'ai pensé, c'était une

13 société de transport routier. C'était un espace assez grand avec une aire

14 de stationnement.

15 (expurgé)

16 (expurgé)Sur ce plateau qui avait une forme plutôt

17 rectangulaire, vous aviez donc du côté du versant sud qui se trouvait vers

18 la ville, il y avait environ une vingtaine de tables. A ces tables étaient

19 assis des officiers, des soldats, des officiers de grade inférieur. Sur

20 chaque table, il y avait une pancarte où il était écrit, "Centre de

21 réception, Sremska Mitrovica." Il y avait tous ces noms d'endroits. Il y en

22 a certains dont je me souviens. Des colonnes ont été formées là, et les

23 noms des personnes ont été consignés sur une liste. On leur a donné de la

24 nourriture en boîte, du pain, à la suite de quoi ils ont été montés à bord

25 de bus. Etant donné qu'il y avait beaucoup de personnes, ils ont utilisé

26 des camions. (expurgé) mais nous n'avons pas parlé à ces

27 personnes. D'ailleurs, point n'était besoin de leur parler.

28 Q. Avez-vous vu quoi que ce soit de spectaculaire à ce moment ?

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1 R. Non. Rien de spectaculaire, vraiment. Ce n'est que lorsque le plateau

2 s'est vidé, lorsque tout cela s'était terminé que j'ai vu un groupe où il y

3 avait environ une centaine ou peut-être 200 personnes. Ces personnes

4 étaient debout. On approchait du crépuscule, j'ai traversé la rue, il y

5 avait un entrepôt où se trouvaient du bois ainsi que du charbon. Il y avait

6 un groupe de personnes qui étaient debout là, et il y a une femme qui avait

7 à peu près la quarantaine qui est venue vers moi et qui m'a dit : "Nous

8 sommes des Croates." Elle m'a saisi la main et je sentais qu'elle

9 tremblait. Elle m'a

10 dit : "Monsieur, qu'allons-nous devenir ?" C'est la première fois que j'ai

11 senti que non seulement le bras de quelqu'un pouvait trembler comme cela,

12 mais également sa jambe. J'avais l'impression que son pied tremblait

13 tellement qu'il a failli sortir de sa sandale. J'ai essayé de la rasséréner

14 en lui disant que : "Il n'y aurait pas de problème. Qu'une fois qu'il en

15 aurait fini avec les Serbes qu'ils allaient être évacués également." Je lui

16 ai dit cela pour la calmer, pour la rasséréner parce que je ne savais

17 véritablement pas quel allait être le sort de ces personnes.

18 Donc, il y avait ce groupe d'une centaine de personnes ou de 200 personnes,

19 il n'y avait que des femmes, des enfants et quelques hommes âgés, mais ils

20 n'étaient pas plus que six ou sept en fait. Dans ce groupe, il s'agissait

21 essentiellement de femmes et d'enfants, d'enfants qui avaient jusqu'à

22 environ 15 ans pour la plupart. Puis, à un moment donné, un camion

23 militaire est arrivé et a débarqué une quinzaine de boîtes de rations

24 sèches. Il s'agit de la sorte de rations qui est utilisée en temps de

25 guerre. Il s'agissait de rations de la JNA pour les soldats sur le terrain.

26 Toutefois, seuls les enfants en ont obtenu. Aucune des personnes âgées

27 n'étaient d'humeur à aller récupérer ces rations, donc seuls les enfants

28 l'ont fait. Ils ont regardé les boîtes de conserve et le pain, et pendant

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1 que je parlais à cette femme, j'ai vu un sous-officier qui s'approchait de

2 moi. Je ne sais pas s'il s'agissait d'un caporal ou d'un caporal-chef. Il

3 est venu près de moi, et il m'a dit : "Il n'a rien pour vous ici. Vous

4 pouvez retourner de l'autre côté de la rue." Evidemment, j'ai obéi à ses

5 instructions. J'ai traversé la rue, de toute façon, la nuit était en train

6 de tomber et nous devions nous préparer pour rentrer vers Sid en voiture.

7 Je ne sais pas ce qu'il est advenu de ces personnes. Je ne sais pas si

8 elles ont été évacuées et je ne sais pas comment elles ont été évacuées, si

9 tel fut le cas. Je ne sais pas quelle fut la destination de ces personnes.

10 Je n'en sais rien.

11 Q. Merci. Où avez-vous passé la nuit ?

12 R. Oui. Il était difficile de passer. Il a fallu croiser cette colonne

13 immense qui était composée d'autocars et de camions. Nous sommes parvenus à

14 Sid tard dans la nuit et c'est là que nous avons passé la nuit. C'est à Sid

15 donc.

16 Q. Le lendemain, où êtes-vous allé ? Qu'avez-vous fait le lendemain ? Ce

17 sera donc le 19 novembre.

18 R. Excusez-moi, avec tous mes respects, sommes-nous à huis clos partiel ?

19 Est-ce toujours un huis clos partiel ?

20 Q. Nous sommes en audience publique.

21 R. Maintenant, vu qu'il va falloir évoquer des personnes et prononcer

22 leurs noms, il faudrait revenir à huis clos partiel.

23 Mme TUMA : [interprétation] Monsieur le Président, il faudrait que l'on

24 passe à huis clos partiel.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous rappelle le fait que l'on

26 s'est demandé si les noms pouvaient permettre l'identification du témoin.

27 Néanmoins, je demanderai un huis clos partiel.

28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Huis clos partiel.

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1 [Audience à huis clos partiel]

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22 [Audience publique]

23 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Vasic.

25 M. VASIC : [interprétation] En fin du compte rendu d'audience, je pense

26 qu'il faut que je réagisse. Page 59, ligne 2, il me semble que le témoin a

27 dit : "centre de la presse," mais que ceci n'a pas été consigné au compte

28 rendu d'audience. C'était juste cette remarque-là que je souhaitais faire.

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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Les collègues sont partis pour

2 Belgrade et lui il est allé au centre de presse. C'est la note que j'ai

3 prise, oui.

4 Mme TUMA : [interprétation]

5 Q. Pouvez-vous nous décrire ce que vous avez fait par la suite ? Est-ce

6 que vous avez eu ce véhicule ? Où êtes-vous parti ?

7 R. Comme je l'ai dit, ce collègue avait un véhicule et il avait son

8 chauffeur personnel. Je me suis joint à eux, c'est tout. On a pris le

9 chemin le plus court possible et on a eu pour mission de rentrer à Borovo

10 Naselje pour voir la situation. D'après mes connaissances en géographie,

11 cette partie-là où il y avait la zone industrielle Vutex, Borovo, enfin,

12 ces entreprises importantes de Borovo Naselje, c'est là qu'on souhaitait

13 entrer et voir cette autre partie de Vukovar, cette nouvelle Vukovar. Nous

14 avons pu parcourir cette distance en empruntant ce chemin-là et, sans

15 problème, nous sommes entrés à Borovo Naselje. Naturellement, on pouvait

16 voir les traces de la guerre.

17 Mais ce qui était intéressant d'après mes souvenirs, c'est le lendemain

18 après la chute de Vukovar, on voyait brûler des bâtiments, des tours, de

19 hautes tours. Je me rappelle une tour de 20 étages, c'est à partir du 15e

20 étage qu'il y avait les flammes, qu'elle brûlait. On s'est demandé mais

21 comment était-ce possible qu'un jour après la fin des combats, on voit des

22 bâtiments et des tours brûler. Alors l'information qu'on a eue, c'était que

23 c'étaient ces éléments paramilitaires qui se livraient à des incendies, des

24 pillages; du moins c'est ce qu'on nous a dit. Maintenant, on allait vers le

25 centre et, ces tours, on pouvait les voir à une distance de plusieurs

26 kilomètres.

27 Dans une rue, une rue que j'ai pu identifier par la suite, elle s'appelait

28 Vinogradska. Sur le côté gauche, il y avait des excavations, en fait, on a

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1 creusé des trous. On a vu des personnes qui avaient des impers en

2 caoutchouc avec des masques de protection. Quand on s'est rapproché, on a

3 vu que, dans les cours des maisons particulières, tout cela c'étaient des

4 maisons neuves, de belles maisons, qu'ils transportaient des cadavres et

5 qu'ils les jetaient dans ces trous. Naturellement, j'ai posé une question.

6 J'ai demandé pourquoi ils faisaient cela, ils m'ont répondu en disant

7 qu'ils le faisaient pour éviter qu'il y ait contagion. Donc j'étais là avec

8 mon collègue, on s'est séparé. Je suis rentré dans une maison, une maison

9 qui était neuve et belle. Tout de suite derrière le portail, j'ai vu

10 vraiment là une scène qu'on pourrait difficilement oublier. On voyait,

11 allongés en se tenant dans les bras, enfin c'est comme cela que j'ai

12 supposé que c'était, une mère et son fils. La veille dame pouvait avoir

13 environ 70 ans, elle avait des cheveux blancs grisonnants et son fils, je

14 suppose que c'était son fils, je suppose qu'il a essayé de la protéger et

15 ils ont été fauchés et ils sont tombés de telle sorte que sa tête, la tête

16 de la dame reposait sur l'avant-bras de l'homme. C'est ainsi qu'ils étaient

17 embrassés. Sous les jambes, il y avait une femme d'une trentaine d'année.

18 Naturellement, elle était morte. Elle avait été tuée. Ce qui m'a vraiment

19 stupéfait, c'était un enfant, comment dirais-je, vers une sorte de cave ou

20 de garage plus près de là. Il pouvait être âgé de trois ou quatre ans. Il y

21 a eu la pluie et la poussière et, à cause de tout cela, ses cheveux étaient

22 ébouriffés comme s'il avait mis du gel pour se coiffer. Il avait reçu une

23 balle dans le front. Cela m'a vraiment stupéfait. A chaque fois que j'en

24 parle, que je me souviens de cela, cela m'émeut énormément. J'étais habitué

25 à voir la mort des adultes, cela j'arrive à comprendre, mais j'ai du mal à

26 comprendre qu'on puisse tuer un enfant.

27 Il y en a eu davantage dans cette même rue. Il y avait plusieurs familles,

28 ils avaient tous été tués et aucun d'entre eux n'a succombé à un éclat

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1 d'obus. Cela je l'ai bien vu, et j'ai eu même une querelle avec l'un de ces

2 fossoyeurs, enfin l'une de ces personnes qui transportaient ces cadavres et

3 qui étaient vêtues de la manière dont je l'ai décrit, car ils ont balancé

4 le corps d'une femme et on a vu sa jupe se retrousser. J'ai dit : "Vous ne

5 pouvez pas agir de manière plus humaine ?" Ils m'ont dit : "Mais si cela te

6 plaît pas pourquoi tu ne le portes pas toi-même."

7 Voilà, c'était cela l'histoire des cadavres et de ces fosses. Cela me

8 perturbe toujours ces scènes qui impliquent les enfants. J'ai du mal à

9 comprendre cela. Les adultes j'y arrive, mais qu'on se mette à tuer des

10 enfants, cela vraiment je ne l'accepte pas.

11 Enfin, on a poursuivi notre chemin, on est parti vers le centre de

12 l'agglomération, et là on a vu une scène. Il y avait un soldat qui avait

13 une toque et qui était en train d'écraser la tête d'un autre soldat. Alors

14 mon collègue et moi, on s'est dit sur le champ que c'était un soldat croate

15 ou un prisonnier et que l'autre voulait l'écraser, l'écrabouiller là sur

16 l'asphalte. On est sorti et on a demandé ce qui était en train de se

17 passer. Puis, on voyait qu'il y avait déjà 20 centimètres de sang qui

18 s'écoulaient sur le trottoir du nez de l'autre. C'était vraiment une

19 situation tragique. Comme ils se sont disputés au sujet d'une Golf, l'autre

20 voulait écraser son crâne pour s'approprier la Golf. Je crois même que mon

21 collègue a dit : "Mais enfin, qu'est-ce qui vous prend de vous disputer au

22 sujet de cette Golf ? Ne croyez-vous pas que vous pouvez choisir la voiture

23 que vous voulez ?" Et c'était vrai.

24 A Borovo Naselje, il y avait plein de ces membres des unités

25 paramilitaires, territoriales, des unités locales. J'ai compris la raison,

26 c'était parce qu'il y avait quoi piller sur place. Donc ils se sont trouvé

27 bien chez eux. Ils avaient ces chaussures jaunes, je m'en souviens très

28 bien. Chacun d'entre eux avait accroché autour de leur cou une paire de ces

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1 chaussures jaunes qui étaient à la mode, fabriquées par Borovo, cette

2 saison-là. Chacun d'entre eux avait une paire de ces chaussures jaunes

3 autour du cou et il y avait plein d'autres choses. Mais enfin je me

4 souviens particulièrement de ces chaussures jaunes.

5 Q. Je vous remercie. Vous venez de dire qu'il y avait des unités

6 paramilitaires et des unités de la Défense territoriale. Mais de quelle

7 manière pouviez-vous savoir que ces soldats appartenaient à ce genre

8 d'unités ?

9 R. Mais cela ne constituait pas un problème pour moi puisque j'avais une

10 riche expérience. Cela a été vraiment le dernier de mes problèmes de savoir

11 comment reconnaître les différents soldats, les différents membres des

12 unités paramilitaires. A cette réserve près que les comportements des

13 soldats réguliers et des soldats paramilitaires pouvaient devenir les mêmes

14 à un certain moment. Donc il fallait faire preuve de prudence lorsqu'on les

15 reconnaissait ou lorsqu'on définissait qui était qui. Donc les uns comme

16 les autres pouvaient boire de l'alcool, piller, et cetera. Ces deux là qui

17 se sont disputés au sujet de cette Golf, ils appartenaient à une formation

18 qui s'appelait les Aigles blancs. Quant à savoir si c'était vrai, vous

19 savez ils pouvaient faire partie de ces bandes où les gars qui habitaient

20 dans une même quartier se rassemblaient et ils partaient à la guerre. Puis,

21 ils s'attribuaient des noms, et cetera. Mais il faut savoir qu'ils se

22 reconnaissaient entre eux, et qu'on pouvait les reconnaître. Si on avait un

23 peu d'expérience, on pouvait les identifier avec certitude d'après leur

24 apparence extérieure, leur aspect physique. Ils avaient généralement des

25 barbes, des toques, des cocardes, des insignes, que sais-je, voir même des

26 insignes d'appartenance aux différents partis politiques. D'après leurs

27 conversations, on pouvait savoir à quel parti ils appartenaient. Ils

28 parlaient facilement, ils ne s'en cachaient pas. Vous savez dans les

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1 Balkans, on a l'habitude de parler beaucoup, on n'est pas vraiment discret.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Lukic ?

3 M. LUKIC : [interprétation] Juste une petite intervention au sujet de la

4 traduction et l'interprétation pour que cela ne prête pas à confusion

5 lorsque le témoin a parlé du véhicule dans sa déposition, il a parlé d'un

6 véhicule qui était une Golf. Or ici, page 63, on lit "Golf car" et je ne

7 voudrais pas que l'on pense qu'il s'agit de la petite charrette ou du petit

8 chariot pour jouer au golf.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Lukic. Je

10 vois sur quoi se portent vos pensés actuellement.

11 Mme TUMA : [interprétation] Je voudrais que l'on parle de la carte, puisque

12 le témoin a parlé du village de Borovo Naselje. C'est le numéro ERN

13 04626621. Ce sera la carte numéro 5 dans la série de cartes. Je saisis

14 l'occasion pour demander que l'on verse au dossier cette pièce, puisque

15 d'après ce que j'en sais, on ne lui a pas encore attribué une cote.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que vous pouvez assumer que

17 la Chambre connaît cet endroit où il se situe sur la carte. Elle peut se

18 repérer sur la carte.

19 Mme TUMA : [interprétation] Très bien.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si vous voulez simplement la verser au

21 dossier, c'est possible.

22 Mme TUMA : [interprétation] Merci.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que les conseils de la

24 Défense connaissent l'endroit également. Nous allons verser la carte au

25 dossier.

26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce 115, Monsieur le

27 Président.

28 Mme TUMA : [interprétation] Merci.

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1 Q. Que s'est-il passé par la suite ?

2 R. Comment dirais-je, on n'est pas resté longtemps sur place. On ne s'est

3 pas attardé, parce que mon collègue, il voulait voir Vukovar mais de

4 l'autre côté. Nous sommes revenus sur nos pas car il avait des missions

5 spécifiques qu'il s'est vu confiées, et il fallait qu'il s'en occupe. Cela

6 me convenait, puisque moi aussi j'avais une mission à mener à bien dans

7 l'ancienne partie de la ville de Vukovar, donc dans l'autre partie.

8 Q. Quelle était cette mission ? Pouvez-vous nous dire ? Pouvez-vous nous

9 décrire ce que vous deviez faire, et ce que vous avez pu remarquer dans le

10 cadre de l'exécution de cette mission ?

11 R. Est-ce que nous pouvons fermer l'audience puisqu'il va y avoir des noms

12 de personnes.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous passons à huis clos partiel.

14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

15 le Président.

16 [Audience à huis clos partiel]

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19 [Audience publique]

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque j'ai terminé cette conversation avec

21 ledit monsieur en disant que nous allons nous revoir dans des circonstances

22 plus normales et que nous allions parler de toutes ces choses-là d'une

23 autre façon, nous en sommes venus à nous séparer. Je suis reparti vers la

24 vieille partie de la ville de Vukovar, telle que définie par mes soins

25 auparavant.

26 Mme TUMA : [interprétation]

27 Q. Après cela, avez-vous rencontré quiconque ? Si c'est le cas, pouvez-

28 vous nous dire ce que vous avez vu ou ce qui vous a été dit ?

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1 R. Ce que je dois vous raconter maintenant est, de mon avis, très

2 important, mais nécessite des mesures de protection une fois de plus. Je

3 vais parler de ma rencontre avec une connaissance à moi.

4 Q. Est-ce que je puis demander au témoin s'il a l'intention de mentionner

5 un nom qui serait censé ou susceptible de dévoiler votre identité à vous ?

6 R. Non. Il ne s'agit pas seulement d'un nom, mais il y a aussi des

7 explications qui sont directement liées à mon identité.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel.

9 Mme TUMA : [interprétation] Merci.

10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

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4 [Audience publique]

5 Mme TUMA : [interprétation] Ouis, je le pense aussi.

6 Q. Est-ce que le témoin pourrait nous dire s'il y a des choses concrètes

7 d'un incident concret qui s'est produit pendant que vous étiez avec cette

8 personne ? Si oui, pouvez-vous nous le décrire ?

9 R. Est-ce que vous pouvez reposer la question parce que je commence à être

10 un peu fatigué ?

11 Q. Cette personne vous a-t-elle donné la description d'un autre

12 combattant, d'un autre soldat ? Si oui, qu'est-ce que cette personne a-t-

13 elle fait par la suite ?

14 R. Je ne sais pas. Mis à part cette conversation à cet endroit-là, il ne

15 s'est rien passé d'autre, d'après mes souvenirs à moi.

16 Q. Fort bien.

17 R. Avant que nous n'allions à un autre endroit.

18 Q. Je vais revenir maintenant vers la personne dont nous avons parlé. A-t-

19 il parlé ? A-t-il dit quoi que ce soit au sujet du butin de guerre ?

20 R. Cela s'est produit lorsque je suis allé avec cette connaissance à moi

21 pour passer un certain temps - peu de temps, d'ailleurs - avec certains de

22 ses co-combattants. Puis, nous sommes allés vers une maison où il y avait

23 le QG de l'une de leurs unités. Je ne suis pas du tout au courant de la

24 composition des unités qui ont participé aux opérations de Vukovar, et la

25 chose ne m'intéressait pas. Je n'étais pas censé savoir cela. Il s'agissait

26 d'un lieutenant-colonel. Je suppose que c'était un chef d'état-major d'un

27 groupement quelconque. Ce n'était pas un commandant, certainement pas. Il

28 m'a accueilli de façon peu aimable. C'est tout juste s'il ne m'a pas

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1 injurié. Il a commencé à raconter que tout ce qui se passait n'était pas

2 présenté de la bonne façon. Il a dit qu'il avait perdu beaucoup de jeunes

3 gens qui finiraient par être rapidement oubliés. Il était véritablement

4 très en colère, furieux à l'égard du commandement Suprême, qui n'a pas

5 réalisé de façon appropriée cette opération Vukovar. Il était notamment en

6 colère contre ceux qui ont permis aux unités paramilitaires de prendre part

7 au combat à Vukovar.

8 Il m'a raconté une scène - je dirais même comique. Il a dit qu'il lui est

9 arrivé des ordres aux termes desquels il fallait qu'il cède deux blindés de

10 transport de troupes à la Garde des Volontaires serbes, à la garde d'Arkan

11 parce qu'ils avaient bon nombre de blessés. Alors, il envoyait deux blindés

12 de transport de troupes. Mais d'après lui, ces blindés de transport

13 n'arrêtaient pas de circuler non loin de là où il avait son QG, et ce QG

14 était à proximité immédiate de la rue. Il a dit qu'il a fini par sortir de

15 la cave pour stopper l'un de ces blindés de transport de troupes et pour

16 demander au chauffeur de quoi il s'agissait au juste. Alors, l'autre se

17 taisait.

18 Il lui a donné l'ordre d'ouvrir la porte d'accès, et il a trouvé le

19 blindé de transport plein de téléviseurs, de magnétoscopes, de machines et

20 de tout ce qui est, en quelque sorte, de l'électroménager. Il a fait venir

21 ces soldats. Ils ont jeté tout cela dans un fossé. Il a fait la même chose

22 avec l'autre blindé de transport de troupes qui, lui aussi, était plein à

23 craquer d'électroménagers. En réalité, que s'est-il passé ? Au bout d'une

24 heure, le commandant du Corps d'armée de Novi Sad, Andrija Biorcevic, le

25 général Andrija Biorcevic a voulu lui passer un coup de fil pour lui dire

26 qu'il n'avait pas le droit de saccager, dorénavant, le butin de guerre.

27 Alors, lui, me pose la question à moi pour dire : Savais-tu que les

28 téléviseurs, les magnétoscopes, l'électroménager, d'une manière générale,

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1 constituent du butin de guerre ? Je suis resté coi, bien sûr. Voilà ce qui

2 s'est passé à ce poste de commandement.

3 Q. Merci. Ceci, c'est la journée du 19 novembre ?

4 R. Oui, c'est la journée du 19, donc le lendemain.

5 Q. Le jour d'après, à savoir, le 20, étiez-vous toujours à Vukovar ?

6 R. J'y étais, ou plutôt je n'étais pas à Vukovar même. Je me trouvais à 30

7 ou 40 mètres de Vukovar, à un autre site.

8 Q. Merci. A un moment donné, après ce séjour à Vukovar, vous êtes-vous

9 entretenu avec quelqu'un de façon très concrète sur le sujet de Vukovar ?

10 R. Oui. J'ai eu l'occasion de le faire, en effet. On devait être vers la

11 fin novembre 1992. Je le sais, parce que le

12 28 novembre de cette même année, je suis rentré au bout d'un mois de séjour

13 à un autre endroit. Il s'agissait d'une rencontre fortuite en ville.

14 L'intéressé, lui, avait été membre de l'unité que j'ai mentionnée tout à

15 l'heure, l'unité à laquelle appartenait également le jeune homme au sujet

16 duquel j'ai dit qu'il circulait sur une motorisée, à la différence près que

17 l'intéressé, à présent, lui, se trouvait être officier. D'après mes

18 informations, c'était lui le plus capable, le plus apte des membres de

19 ladite unité. Il avait assumé des responsabilités de commandement. Je ne

20 suis pas tout à fait certain du fait qu'il se trouvait être commandant de

21 cette unité. Il pouvait bien l'être, d'ailleurs. Ce n'était pas quelqu'un

22 qui se trouvait être ressortissant de la Serbie ou du Monténégro. Il s'est

23 plaint d'avoir été transféré des effectifs opérationnels pour faire partie

24 du personnel des bureaux.

25 Je ne puis qu'imaginer comment cet homme-là se sentait, parce que

26 pour moi, à l'époque où je les ai connus, eux n'avaient pour tâche que de

27 s'entraîner. Il fallait qu'ils soient entraînés pour le mieux aux fins

28 d'accomplir les tâches qui étaient censées être les leurs. Nous nous sommes

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1 parlés dans la rue. Il s'est mis un peu de côté pour que les gens ne

2 puissent pas nous entendre. J'ai réalisé qu'il se trouvait être très blessé

3 par la chose. Je ne l'ai pas très bien compris à ce moment-là, mais je l'ai

4 compris quand la même chose m'est arrivée à moi deux mois plus tard. Il

5 s'agissait de la journée du 28 novembre 1992, et la même chose m'est

6 arrivée le 23 février 1993, donc deux mois plus tard à peine.

7 Entre autres, je ne sais pas si c'était de l'amertume qu'il

8 ressentait. Je suppose que c'était le cas. Il ne m'aurait certainement pas

9 dit la chose si la situation avait été normale. Il m'a dit : "Voilà, ils

10 ont distribué des grades, des médailles aux héros de Vukovar, et regarde un

11 peu ce qui m'est arrivé à moi." Puis, il m'a dit que toute la gloire est

12 revenue à Mrksic et Sljivancanin. Il a parlé de richesses saisies dans le

13 palais du compte Eltz. Il a parlé de sous, et il a dit à peu près, que la

14 vérité au sujet de Vukovar ne sera jamais connue. Il entendait par là la

15 partie sombre du récit, la partie occultée du récit.

16 A un moment donné, il a dit que : "Mrksic et Sljivancanin ont donné

17 l'ordre d'exécuter des gens de l'hôpital." Je l'ai regardé, et je n'en

18 revenais pas, parce que cette information, moi, je ne me la suis pas

19 procurée du tout. Ce que je pourrais dire, c'est que j'étais quelqu'un de

20 très bien informer. Comme j'avais vu ces gens-là vivants, j'ai demandé à

21 cet homme-là de me raconter quelques détails, de me dire comment les choses

22 se sont passées. Voilà ce qu'il ma raconté. Il a dit que : "Sljivancanin et

23 Radic avaient trié des soldats, des sous-officiers, des officiers, qui

24 étaient des hommes de confiance pour sécuriser les lieux." Il m'a dit que

25 les gens de l'hôpital ont été exécutés à un endroit plutôt désertique. Je

26 me souviens de cet endroit désertique. Ce n'est que bien plus tard ou bien

27 des années après, qu'on a commencé à parler d'Ovcara. A dire vrai, je ne me

28 suis pas senti très à l'aise d'avoir eu vent de la chose.

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1 Parce qu'à l'époque, à l'époque que nous avons vécue, le mieux,

2 c'était d'en savoir le moins possible. Moins on en savait, plus on était en

3 sécurité. Du moins, c'était le raisonnement que je maintenais.

4 Je ne savais pas où il vivait, je ne savais pas ce qu'il faisait.

5 Parce que mes contacts à moi ont été interrompus pratiquement tous en 1993.

6 Je ne me suis plus intéressé ni aux personnes ni aux événements de cette

7 partie-là de ma vie.

8 Q. Est-ce que cet officier a mentionné l'identité de ceux qui ont exécuté

9 les gens ?

10 R. Oui. La fatigue a fait son travail et ma concentration n'est plus des

11 meilleures. Il a indiqué, en effet, et cela je m'en souviens, il m'a dit

12 que c'étaient des gens de la Défense territoriale et des paramilitaires qui

13 avaient exécuté ces personnes. La Défense territoriale que j'ai vue là-bas

14 et les unités paramilitaires et le lieu du crime a été sécurisé par des

15 unités régulières de la JNA.

16 Q. Merci. Savez-vous nous dire le nom de cet officer, et si c'est le cas,

17 nous allons passer à huis clos partiel ?

18 R. Non, je l'avais su à un moment donné, mais cet homme-là n'avait pas été

19 ressortissant de la Serbie ni du Monténégro. C'est tout ce que j'ai su.

20 Q. Merci.

21 Mme TUMA : [interprétation] Mon interrogatoire principal vient de prendre

22 fin, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Nous sommes allés au-delà de

24 l'horaire de travail prévu pour aujourd'hui. Nous allons lever l'audience

25 et reprendre demain à 2 heures et quart.

26 --- L'audience est levée à 19 heures 07 et reprendra le jeudi 24 novembre

27 2005, à 14 heures 15.

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