Page 2710
1 Le vendredi 2 décembre 2005
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Je vais vous inviter,
7 Madame, à donner lecture du texte qui est sous vos yeux.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai
9 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
10 LE TÉMOIN: MARA BUCKO [Assermentée]
11 [Le témoin répond par l'interprète]
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez, vous
13 asseoir.
14 Madame Tuma.
15 Mme TUMA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Mesdames,
16 Messieurs, Madame, Monsieur le Juge, confrères, consoeurs de la Défense.
17 Interrogatoire principal par Mme Tuma :
18 Q. [interprétation] Puis-je demander au témoin de décliner son
19 identité ? Pouvez-vous le faire, Madame ?
20 R. Je suis Bucko Mara.
21 Q. Vous êtes née en quelle année, s'il vous plaît ?
22 R. En 1943.
23 Q. Merci. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire quel a été votre
24 parcours professionnel ? Merci.
25 R. J'ai fait l'école primaire à Djakovo. Puis, l'école des études
26 médicales à Osijek. J'ai commencé à travailler en 1962, à Vukovar en tant
27 qu'infirmière. J'ai travaillé là-bas jusqu'au
28 20 novembre 1991.
Page 2711
1 Q. Je vous remercie. Pendant que vous travailliez à Vukovar, vous résidiez
2 également dans la ville de Vukovar ?
3 R. Oui.
4 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire si vous étiez mariée à cette
5 époque, si vous aviez des enfants, une famille ?
6 R. Je suis mariée. J'ai deux enfants, j'ai un fils et une fille. A
7 l'époque, c'est ce que j'avais.
8 Q. Je vous remercie. Est-ce qu'ils résidaient avec vous à Vukovar, à l'été
9 1991, à partir du mois de juin jusqu'à l'automne 1991 ? Vos enfants et
10 votre mari.
11 R. Mon fils, il était marié, il était dans la même maison avec nous, mais
12 il venait de se trouver un appartement. Ma fille, mon mari et moi-même,
13 nous vivions ensemble.
14 Q. Votre époux, est-ce qu'il vivait avec vous ?
15 R. Oui.
16 Q. Où est-ce que vous viviez très précisément à Vukovar ? Quelle était
17 votre adresse ?
18 R. Ma maison se trouve à Sajmiste. Elle s'appelait Slavonski Brigada 28.
19 Q. Merci. Vous venez de dire que vous travailliez comme infirmière à
20 l'hôpital de Vukovar. Est-ce que vous étiez spécialisée dans un domaine
21 particulier ? Si oui, pouvez-vous nous le préciser ?
22 R. Oui. Au départ, je travaillais au service de chirurgie. J'y ai
23 travaillé pendant des années. Après, on a construit un nouveau bâtiment,
24 ils ont créé un service d'urgence chirurgicale et à partir de ce moment-là,
25 j'ai été transférée au service de stérilisation. C'est là qu'on préparait
26 tout le matériel. Ce service central de stérilisation, c'est là qu'on
27 préparait tout le matériel, les instruments stériles pour les interventions
28 ainsi que tout le matériel nécessaire aux pansements et bandages.
Page 2712
1 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous pouvez vous souvenir à peu près à
2 partir de quel moment, dans votre carrière d'infirmière à Vukovar, vous
3 avez travaillé sur cette stérilisation de matériel ?
4 R. Non, je ne pourrais pas me rappeler l'année, non.
5 Q. A l'été 1991, est-ce que vous travailliez à ce poste-là ?
6 R. Oui. J'ai apporté mon aide également lorsqu'il fallait qu'on aide avec
7 les blessés et quand les besoins se présentaient.
8 Q. Pendant que vous vous occupiez des stérilisations, est-ce que vous
9 étiez, en particulier, assignée à une partie de l'hôpital en tant
10 qu'infirmière ? Est-ce que c'est dans un endroit précis que vous
11 travailliez ?
12 R. Oui, c'est en bas du couloir. Cela, voyez-vous, c'est un couloir --
13 enfin, c'est le couloir qui mène à l'abri atomique.
14 Q. C'était situé dans quelle partie de l'hôpital ? Nous savons tous que
15 l'hôpital consiste de différents bâtiments, disons.
16 R. C'est la nouvelle aile de l'hôpital, le nouveau bâtiment.
17 Q. Tout au long de l'été et de l'automne 1991, est-ce que vous avez
18 continué de travailler au même endroit, pendant tout ce temps-là ?
19 R. Non.
20 Q. Quelle en a été la raison ?
21 R. Parce qu'il y a eu des bombardements, des destructions et on ne pouvait
22 plus travailler en nous servant de nos appareils habituels, ceux qui sont
23 installés sur place. On transportait les stérilisateurs dans une petite
24 pièce qui était située à l'abri atomique. Au départ, on s'est aussi servi
25 d'une partie des laboratoires d'analyses.
26 Q. Ce bombardement de l'hôpital, vous n'êtes pas le seul témoin qui nous
27 en parle, mais pourriez-vous, s'il vous plaît, brièvement nous dire à quel
28 moment cela a commencé et quelle en a été l'intensité ? Merci.
Page 2713
1 R. Pour le premier bombardement, je peux vous en parler parce que j'étais
2 chez moi, à la maison. C'était vers midi, un dimanche, le 25 août. J'ai vu
3 les avions dans le ciel. J'étais en train de préparer le déjeuner et je
4 n'ai pas terminé de cuisiner parce que j'ai reçu un appel par téléphone. On
5 m'a dit qu'une ambulance allait venir me chercher à partir du moment où le
6 bombardement se serait calmé parce qu'il fallait que je me rende au
7 travail, s'il y avait besoin de matériel stérile et d'aider les blessés; il
8 fallait que je sois sur place.
9 Q. Est-ce que vous vous êtes rendue à l'hôpital ?
10 R. Oui.
11 Q. Que s'est-il passé, par la suite ? Vous avez dit que c'était le 25
12 août, que vous avez vu des avions dans le ciel de Vukovar. Est-ce par la
13 suite qu'il y a eu des bombardements ? Pouvez-vous nous parler des
14 bombardements concernant l'hôpital lui-même ?
15 R. Ce jour-là, on est venu aider. On faisait descendre les patients du
16 service de chirurgie qui étaient au deuxième étage de notre nouvel hôpital.
17 On les poussait dans leurs lits, dans le couloir. Puis, lorsque cela se
18 terminait, on les ramenait dans leurs chambres. Je ne pourrais pas vous
19 dire exactement combien de temps cela a duré, combien de jours, combien de
20 semaines. C'était selon le besoin.
21 Q. Est-ce que vous avez refait cette chose une autre fois ?
22 R. Oui.
23 Q. A quelle fréquence ?
24 R. Cela, je ne saurais pas vous dire combien de fois il a fallu qu'on le
25 fasse. Parfois, c'était deux, voire plusieurs fois en l'espace d'une même
26 journée. On les apportait à bord de leurs lits dans l'abri, puis, dans les
27 ascenseurs. On les ramenait là-haut au service, mais je ne saurais pas vous
28 dire exactement combien de temps cela a duré.
Page 2714
1 Q. Est-ce qu'il vous est arrivé de ne pas pouvoir ramener des patients
2 dans leurs chambres, qu'ils ne soient pas en état d'être ramenés ?
3 R. Oui.
4 Q. A quel moment ?
5 R. Cela, je ne saurais pas vous le dire, l'heure exactement, si c'était
6 vers la fin du mois de septembre, au début du mois d'octobre car il y a eu
7 des pilonnages, des destructions. On a dévasté l'hôpital, les fenêtres, les
8 murs. Comme cela progressait, on descendait de plus en plus bas. Si vous
9 voulez que je vous dise combien de jours cela a pris, je ne m'en souviens
10 pas. Je ne pourrais pas vous donner cette précision-là.
11 Q. Merci. Est-ce qu'il y a eu des moments où le pilonnage a été plus
12 intense qu'à d'autres, le pilonnage de l'hôpital ?
13 R. Oui. Le 5 octobre, une bombe larguée par un avion est tombée sur
14 l'hôpital. Je me suis trouvée à proximité, mais heureusement, cette bombe
15 n'a pas explosé et c'est grâce à cela que je suis ici aujourd'hui. Pendant
16 ce mois-là, le mois d'octobre, jusqu'à la fin, c'était intense. Nos
17 patients étaient dans l'abri. Ils étaient dans les couloirs. C'était là
18 qu'ils étaient allongés et dans le hall du service de gynécologie, puis,
19 entre nous, la chirurgie et le service en bas, en passant par le couloir
20 qui mène dans l'ancien bâtiment, partout à ces endroits-là et dans l'abri
21 atomique.
22 Q. Je vous remercie. Vous-même, est-ce que vous résidiez encore chez vous
23 à la maison, à ce moment-là ? Est-ce que vous rentriez chez vous après le
24 travail ?
25 R. Au départ, quand le bombardement a commencé le 25 août, je me rendais
26 au travail tous les jours. Un jour sur deux, un jour, je partais au
27 travail, puis, le lendemain, je rentrais chez moi. C'est comme cela que
28 j'ai fonctionné jusqu'à la mi ou la fin du mois de septembre. Je suis
Page 2715
1 restée chez moi, dans ma maison. Après, je ne rentrais plus chez moi.
2 J'étais sans arrêt à l'hôpital.
3 Q. Pour quelle raison ne pouviez-vous pas rester chez vous ?
4 R. Mon époux, il était dans notre quartier, à la maison. Il est venu à
5 l'hôpital un jour et il m'a dit que les maisons étaient pilonnées, qu'elles
6 étaient en flammes, que la nôtre aussi avait été endommagée, qu'il y a eu
7 un incendie. C'est là que j'ai pris la décision de ne pas revenir chez moi,
8 mais de rester à l'hôpital tout le temps.
9 Q. Est-ce qu'il a été nécessaire que vous travailliez à l'hôpital tout le
10 temps, en tant qu'infirmière, dans le cadre de vos compétences ?
11 R. Oui.
12 Q. Vous êtes restée à l'hôpital, disons, à partir de la
13 mi-septembre jusqu'au 20 novembre 1991 sans interruption. Vous ai-je bien
14 compris ?
15 R. Oui.
16 Q. Votre mari, où était-il pendant cette période-là ? Vous avez quitté la
17 maison, vous vous êtes installée à l'hôpital et votre époux et le reste des
18 membres de votre famille, où étaient-ils ?
19 R. Jusqu'à ce qu'il vienne me rejoindre à l'hôpital pour me dire ce qu'il
20 en était des maisons, il résidait dans notre quartier, dans notre maison.
21 Quand il est arrivé chez moi à l'hôpital, il y est resté. Précédemment, ma
22 belle-fille était enceinte. Elle est partie sur l'île de Krk avant
23 d'accoucher. C'est le 18 août qu'elle a accouché à Rijeka. Mon fils, lui,
24 il est parti. Je ne saurais pas vous dire exactement la date. Il est parti
25 de Vukovar un petit peu avant la fin du mois d'août. Il est allé chez sa
26 femme et n'est plus revenu à Vukovar.
27 Quant à ma fille, je l'ai envoyé à Miklosevci. C'est un village d'où est
28 originaire mon époux. D'après ce qu'elle m'a raconté quand on s'est
Page 2716
1 retrouvé, elle a été transférée à Ilok de ce village-là. Elle a dit que
2 l'armée, au début du mois d'octobre, les a emmenés d'Ilok. Elle est partie
3 pour Djakovo, chez ma famille.
4 Q. Merci. Votre époux, vous avez dit qu'il est resté dans le voisinage de
5 votre maison. Qu'entendiez-vous par là ?
6 R. Il est resté à la maison. Après, je ne saurais pas vous dire comment il
7 a vécu, où il a circulé. J'étais 24 heures sur 24 à l'hôpital. Qu'est-ce
8 qu'il a fait pendant ce temps-là, je ne pourrais pas vous en donner des
9 détails.
10 Q. Votre mari était-il membre d'une unité armée ?
11 R. A l'époque, au moment où ils ont commencé à organiser des choses selon
12 les quartiers, chez nous, il y avait Mitnica et Sajmiste. Les gens ont
13 commencé à s'organiser pour la défense. Lui, il a rejoint notre rue dans ce
14 sens-là.
15 Q. Est-ce que vous savez quel a été le nom de ce groupe ?
16 R. Je l'ai appris à Zagreb quand j'y suis allée. J'ai appris qu'ils l'ont
17 appelé Corps de la Garde nationale et après, j'ai appris qu'on l'a appelé
18 204e Brigade.
19 Q. Est-ce que vous savez à quel moment on a créé la
20 204e Brigade ?
21 R. Je peux vous le dire maintenant, puisque je l'ai entendu à la radio, à
22 la télévision. Il paraît que cela a été au mois de septembre, mais je ne
23 peux pas vous le confirmer.
24 Q. Vous êtes partie, vous vous êtes installée à l'hôpital. Lui, il est
25 resté à la maison. Est-ce qu'il vous est arrivé de revoir votre mari ? Est-
26 ce qu'il est venu vous voir, par exemple, à l'hôpital ? S'il est venu vous
27 voir, comment était-il vêtu à ce moment-là ?
28 R. Je vous ai dit que je travaillais pendant 24 heures et après, je me
Page 2717
1 rendais chez moi pendant 24 heures. C'est lui qui m'emmenait en voiture au
2 travail, puis, il me raccompagnait, il me ramenait à la maison le lendemain
3 matin. Quand il est venu à l'hôpital, il était en civil et à la maison, il
4 était toujours en civil.
5 Q. Ne l'avez-vous jamais vu en uniforme ?
6 R. Non.
7 Q. Merci. Ne l'avez-vous jamais vu porter une arme ?
8 R. Ecoutez, quand ils se sont organisés dans la rue, selon les moments où
9 ils étaient de garde, ils remettaient l'arme l'un à l'autre et cela
10 passait. Mais quant à savoir de quelle arme il s'est agi, cela, je ne
11 saurais pas vous le dire.
12 Q. Vous a-t-il parlé de ce qu'il a fait ou n'a pas fait, de ce qui se
13 passait, de ce qu'il a vécu ? Est-ce qu'il vous en a parlé ?
14 R. Il a dit qu'il montait la garde pour protéger les maisons, pour qu'on
15 ne les pille pas, pour qu'on ne rentre pas dans les maisons d'où les gens
16 étaient partis, qu'il n'y ait pas de vol. C'est cela qu'il m'a dit car dans
17 nos quartiers, dans les rues, il y a eu des gens qui sont partis, qui ont
18 quitté Vukovar.
19 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire quelle est la date de la chute de la
20 ville de Vukovar ?
21 R. La seule chose que je puisse vous dire, c'est que le
22 18 août, j'ai entendu dire qu'il y a eu un accord avec Mme le
23 Dr Bosanac et M. Hebrang, un accord portant sur l'évacuation des blessés et
24 du personnel et qu'ils allaient être évacués pour partir vers Zagreb, en
25 Croatie.
26 Q. Vous ai-je bien entendu, Mme Bucko ? Vous avez parlé du
27 18 août ?
28 R. Non, non. Le 18 novembre. Excusez-moi, si j'ai fait une erreur. Le 18
Page 2718
1 novembre. C'était en fin d'après-midi, les premières heures de la soirée,
2 ma collègue m'a dit : j'ai entendu dire qu'il y aurait une évacuation.
3 C'est là que je l'ai appris, c'est comme cela que je l'ai su. Pour la chute
4 de Vukovar, je l'ai appris le matin quand mon époux est arrivé à l'hôpital.
5 A ce moment-là, il m'a dit que Vukovar était tombé.
6 Q. Le 18 novembre, vous travailliez à l'hôpital, ce jour-là ?
7 R. Oui.
8 Q. Est-ce que vous pouvez nous décrire ce qui s'est passé à l'hôpital ce
9 jour-là, brièvement ? Vous, vous faisiez votre travail ?
10 R. Oui, tout ce qui était nécessaire pour s'occuper des blessés, pour
11 s'occuper de leurs blessures, des pansements, tout ce qu'il fallait, on
12 s'entraidait, on faisait tout ce qui était nécessaire.
13 Q. Vous avez dit qu'on vous a mise au courant d'une évacuation ?
14 R. Oui.
15 Q. Est-ce que vous pouvez nous donner plus de détails au sujet de la
16 personne qui vous a informé et quelle a été la teneur de cet accord ?
17 R. J'étais dans le couloir, près de la salle de stérilisation et une
18 collègue est arrivée. Je pense qu'elle s'appelait Mrgan ou Mrdan, c'était
19 son nom de famille, quelque chose de comparable. Elle m'a dit qu'elle a
20 entendu une conversation et qu'il paraît qu'il y aurait une évacuation. Du
21 moins, c'est ce qu'elle nous a dit, à nous qui étions en bas, dans ce
22 couloir.
23 Q. Qui feraient l'objet de cette évacuation, d'après ce que cette collègue
24 vous a dit ?
25 R. Les malades, les blessés et le personnel médical.
26 Q. Ce jour-là, le 18 novembre, est-ce que vous aviez une idée des
27 organisateurs de cette évacuation ? Est-ce qu'on en a parlé ? Est-ce qu'on
28 vous en a informé ?
Page 2719
1 R. Il a été question, c'est ce que j'ai appris plus tard, que nos
2 employés, les employés du centre hospitalier aideraient, que les époux de
3 nos collègues qui travaillaient à l'hôpital nous aideraient à faire cela.
4 Q. Est-ce qu'on aurait mentionné d'autres acteurs qui faciliteraient la
5 tâche ?
6 R. Je ne le sais pas.
7 Q. Très bien. Au cours de cette journée du 18 novembre, vous travailliez à
8 l'hôpital, vous vous occupiez des blessés, des patients. Est-ce que vous
9 avez vu quelqu'un arriver à l'hôpital, ce jour-là ?
10 R. Je n'arrive pas à m'en souvenir.
11 Q. Très bien. Est-ce qu'il s'est passé quoi que ce soit de particulier, ce
12 jour-là, en plus de ce que vous nous avez dit, quelque chose dont vous vous
13 souviendriez maintenant ?
14 R. Non, je ne me souviens de rien.
15 Q. Bien. Nous allons passer à la journée suivante, celle du 19. Est-ce que
16 vous avez passé la nuit à l'hôpital, la nuit du 18 au 19 ?
17 R. Oui.
18 Q. Veuillez nous dire ce qui s'est passé le matin du 19. Vous vous êtes
19 réveillée ce matin-là, pouvez-vous nous dire ce qui s'est ensuite produit ?
20 R. Nous avons continué à nous occuper des patients, à faire notre travail,
21 à faire ce qu'il fallait faire. Mais dans l'intervalle, à un endroit dans
22 le bâtiment, je ne sais pas exactement où, j'ai rencontré l'époux d'une de
23 mes collègues qui m'a dit : "Ton mari est arrivé. Il est dans le couloir du
24 service de médecine interne." Je suis montée à l'étage pour le trouver.
25 Dans le corridor, il y avait beaucoup de monde. Je l'ai trouvé. Je l'ai
26 ramené avec moi au rez-de-chaussée et je suis allée voir l'infirmière
27 Binazija Kolesar et je lui ai dit que si c'était possible, mon mari aussi
28 pourrait transporter les malades ou les blessés parce qu'on en avait parlé
Page 2720
1 précédemment, du fait que les époux pourraient participer au transport des
2 blessés. Elle a été d'accord. Elle lui a donné une blouse et il a enlevé ce
3 qu'il avait, lui, son manteau et il a quitté la pièce où on était et il a
4 enfilé le vêtement qu'elle lui a donné.
5 Q. De quel type de vêtement il s'agissait ?
6 R. Vous voulez demander si c'était blanc ? Son manteau ?
7 Q. Celui qui lui a été donné par Kolesar pour remplacer le sien.
8 R. C'était un vêtement court, de couleur blanche, qui ressemblait à une
9 sorte de manteau. Ce n'était pas très long.
10 Q. Pourquoi est-ce qu'il ne pouvait pas porter ses vêtements habituels
11 pour transporter les blessés ?
12 R. Parce que ce qu'il portait, c'était très sale. Il s'est changé et il
13 s'est lavé pour être plus propre.
14 Q. Quand vous l'avez rencontré ce matin-là, à l'hôpital, qu'est-ce qu'il
15 vous a dit ?
16 R. Il se trouvait au château parce que quand il est venu me voir à
17 l'hôpital, il est resté un certain temps. Il a aidé, il a fermé des
18 fenêtres pour qu'il ne fasse pas trop froid. On était au début octobre, fin
19 septembre. Je ne sais pas exactement. Puis, des gens sont venus, ils les
20 ont emmenés. Certains d'entre eux, ils ont dit que tout ce monde-là devait
21 aller sur leur position et en ce qui le concerne, lui, on l'a emmené au
22 château d'Eltz. Il y est resté jusqu'à la chute de la ville. Le matin du
23 19, c'est ce qu'il m'a expliqué plus tard, leur chef est arrivé et il leur
24 a dit : "Mais qu'est-ce que vous faites encore là ? L'armée se trouve au
25 niveau du pont. Il vaudrait mieux que vous alliez à l'hôpital." Mon mari
26 s'est mis en route et c'est comme cela qu'il est arrivé et qu'il m'a
27 retrouvé à l'hôpital.
28 Q. Que voulait-il faire à l'hôpital ? Qu'est-ce qu'il vous a dit ?
Page 2721
1 R. Il m'a dit que Sremac lui avait dit que Vukovar était tombé, qu'il
2 fallait aller voir l'infirmière Biba et qu'ils aideraient à transporter les
3 blessés et les patients au moment de l'évacuation.
4 Q. Est-ce qu'il a été en mesure d'apporter une aide quelconque à l'hôpital
5 puisque, après tout, il n'avait aucune formation médicale ?
6 R. Je ne peux pas vraiment vous répondre, mais tout le monde peut
7 transporter des brancards ou pousser des chariots. On transférait les
8 patients à partir des lits sur des brancards et s'il fallait pousser les
9 lits où se trouvaient les patients, c'était possible de le faire pour eux.
10 Q. On lui a remis ce vêtement blanc, cette espèce de blouse, il l'a
11 enfilée. C'était le matin du 19.
12 R. Oui.
13 Q. Que s'est-il passé ensuite ?
14 R. Oui.
15 Q. -- pendant cette journée ?
16 R. Voyez-vous, j'étais avec mes collègues et lui, il circulait dans
17 l'hôpital, dans les couloirs de l'hôpital. Les gens discutaient, tout le
18 monde ressentait une grande incertitude. On se regardait. Certains avaient
19 peur, d'autres plus que d'autres. Je ne peux pas vous dire franchement que
20 je pensais à quoi que ce soit de bien précis.
21 Q. Que s'est-il passé ce jour-là ? Est-ce qu'il y a eu d'autres
22 évacuations ?
23 R. Non.
24 Q. Que s'est-il passé d'autre pendant cette journée à l'hôpital, en ce qui
25 vous concerne personnellement ?
26 R. La situation était normale, comme jusqu'à ce moment-là.
27 Q. Avez-vous vu des soldats à l'hôpital ?
28 R. Vers midi et peut-être un peu après midi, je ne peux pas vous dire
Page 2722
1 exactement quand, je n'ai pas regardé ma montre, mais c'est à ce moment-là
2 que l'armée est arrivée. J'ai vu Arivani [phon] dans l'entrée du service
3 des urgences, mais je ne l'ai pas vu dans le bâtiment. Il y avait un homme
4 que je connaissais. Il était assis sur un brancard, à l'entrée de l'hôpital
5 et il y avait deux ou trois autres personnes. Je ne peux pas vous donner de
6 chiffre exact. Il avait des pantalons civils, une veste verte et il avait
7 un chapeau en fourrure sur la tête, Maksimovic.
8 Q. Vous nous dites que l'armée est arrivée à l'hôpital.
9 R. Oui.
10 Q. De quelle armée s'agissait-il ?
11 R. L'armée populaire yougoslave.
12 Q. Est-ce que vous l'avez vue de vos yeux ?
13 R. Oui. J'ai vu des jeunes hommes.
14 Q. Comment avez-vous pu conclure qu'il s'agissait des hommes de l'armée
15 populaire yougoslave, de la JNA ?
16 R. Ils portaient des uniformes verts olive.
17 Q. Pouvez-vous nous dire combien de soldats vous avez vu arriver à
18 l'hôpital, ce 19 novembre ?
19 R. Je ne peux pas vous donner de chiffre exact. J'en ai vu quelques-uns et
20 j'en ai vu beaucoup pendant la journée. Dans l'après-midi, quand on nous a
21 demandé, nous, les membres du personnel, de venir dans la salle des
22 pansements, M. Sljivancanin Veselin s'est adressé à nous et il nous a dit
23 que ce jour-là, il ne pouvait pas y avoir d'évacuation parce qu'il était
24 trop tard, que l'évacuation aurait lieu le lendemain. Il a dit que nous
25 pouvions continuer à travailler à l'hôpital parce qu'on aurait besoin du
26 personnel hospitalier. Il m'a dit à moi, parce que je m'occupais de la
27 stérilisation, il m'a dit de rester à mon poste et Biba Kolesar,
28 l'infirmière chef, devait rester aussi et il fallait que certains d'entre
Page 2723
1 nous, un petit nombre d'entre nous, restent à l'hôpital pour y travailler.
2 Q. Quand ceci s'est-il produit ? Quand avez-vous rencontré le commandant
3 Sljivancanin à l'hôpital ? Vous dites que c'était le 19, mais est-ce que
4 vous pouvez nous dire à quel moment de la journée ?
5 R. Je crois que c'était dans l'après-midi, en début de soirée. Je ne peux
6 pas vous donner d'heure exacte. Je n'ai pas vraiment fait attention à
7 l'heure. Je ne savais même pas quel jour on était.
8 Q. Où l'avez-vous rencontré ? Pouvez-vous nous dire en détail ce qui s'est
9 passé ? Est-ce qu'il vous a dit de venir le voir ou de voir quelqu'un
10 d'autre ? Pouvez-vous nous donner plus de détails sur cette rencontre ?
11 R. Nous nous sommes rendus dans la salle des pansements. Les membres du
12 personnel ont été convoqués dans cette salle. C'est là que M. Sljivancanin
13 s'est adressé à nous. Il est venu dans la salle des pansements. Est-ce
14 qu'il y était déjà, est-ce qu'il est arrivé plus tard, je n'en sais rien.
15 Je ne m'en souviens pas. Il nous a fait ce discours, comme je vous l'ai
16 déjà dit, à ce moment-là. Il a dit que le Dr Bosanac n'était plus le
17 directeur de l'hôpital, qu'un commandant allait la remplacer. Je ne me
18 souviens pas du nom de ce commandant, il a dit que c'est lui qui serait à
19 la tête de l'hôpital et qu'il fallait que nous restions sur place et que
20 nous continuions à travailler.
21 Q. Comment savez-vous que cet homme, c'était le commandant Sljivancanin ?
22 R. Dans la salle des pansements, il s'est présenté. Alors, est-ce qu'il a
23 dit qu'il était commandant ou est-ce qu'il s'est présenté avec un autre
24 grade, je ne sais pas, je ne peux pas le dire, mais ce qui est sûr, c'est
25 qu'il a dit qu'il s'appelait Veselin Sljivancanin.
26 Q. Pendant qu'il vous a parlé, est-ce qu'il a dit quoi que ce soit au
27 sujet du personnel médical ?
28 R. Oui. Il a dit que si on voulait, on pouvait rester et continuer à
Page 2724
1 travailler. Rien d'autre. Il a dit que ce jour-là, il ne pouvait pas y
2 avoir d'évacuation, que l'évacuation aurait lieu le lendemain.
3 Q. Est-ce qu'il a mentionné d'autres catégories de personnes dans la même
4 idée ?
5 R. Je ne m'en souviens pas.
6 Q. Pour ce qui est des membres de la famille du personnel médical ?
7 R. Oui. Il a dit que notre famille pourrait nous accompagner au moment de
8 l'évacuation, que nos maris pourraient nous accompagner, nous, les membres
9 du personnel, une fois qu'on serait évacué.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Faites attention à ne pas poser des
11 questions trop orientées.
12 Mme TUMA : [interprétation] Oui, je sais. Merci.
13 Q. Est-ce qu'il s'est passé autre chose pendant cette réunion dont vous
14 pourriez nous faire part ?
15 R. Non.
16 Q. Qui était là ? Vous avez dit que vous étiez plusieurs; "nous," vous
17 avez employé ce mot.
18 R. C'étaient les infirmières du centre médical de l'hôpital général de
19 Vukovar. Elles n'étaient pas toutes là, mais il y en avait un bon nombre.
20 Q. Combien étiez-vous ?
21 R. Je ne peux pas vous dire exactement, peut-être 40, 50, 30.
22 Q. Dans la nuit du 19 au 20, où étiez-vous ?
23 R. Dans une petite pièce qui se trouve à côté de la salle de stérilisation
24 principale. Il y avait là un certain nombre de mes collègues, mon mari
25 aussi. On est resté assis à discuter en attendant le lendemain, en
26 attendant de voir ce qui allait se produire.
27 Q. Le lendemain, au matin, que s'est-il passé ?
28 R. Le matin, quelqu'un a frappé à la porte. Il nous a dit que les
Page 2725
1 infirmières devaient se rendre dans la salle des pansements pour une
2 discussion. On a dit à mon mari de rester sur place, mais il a refusé, il
3 est sorti. J'ai fermé la pièce à clé et on s'est rendu à la salle des
4 pansements.
5 Q. Merci. Vous dites que quelqu'un est venu frapper à votre porte ?
6 R. Oui.
7 Q. Est-ce que vous avez vu cette personne ?
8 R. Oui.
9 Q. Pouvez-vous nous décrire cette personne ?
10 R. Il s'agissait d'un homme encore jeune, en uniforme. Il nous a
11 simplement dit qu'il fallait que nous allions dans la salle des pansements.
12 Lentement, nous nous sommes préparés, nous sommes allés là-bas. Il a
13 continué le long du couloir, vers l'abri central, pour convoquer d'autres
14 personnes.
15 Q. Est-ce qu'il vous a expliqué pourquoi il avait frappé à la porte ?
16 R. Non.
17 Q. Que vous a-t-il dit ?
18 R. Il a dit qu'il fallait que nous allions dans la salle des pansements
19 pour une discussion.
20 Q. Est-ce qu'il a dit qui allait vous parler ?
21 R. Non.
22 Q. Après, une fois que cet homme vous a dit cela, qu'avez-vous fait ?
23 R. Nous nous sommes lentement dirigées vers la salle des pansements. Je
24 parle de ceux qui étaient là.
25 Q. "Nous," cela représente qui ?
26 R. Les infirmières qui étaient en ma compagnie, cette nuit-là, dans cette
27 petite pièce.
28 Q. Où êtes-vous allées ?
Page 2726
1 R. Vers la salle de pansements, au bout du couloir. Nous avons pris la
2 direction de la salle des pansements.
3 Q. Qui se trouvait dans cette salle des pansements ?
4 R. Il y avait déjà tous les membres du personnel. Puis,
5 M. Veselin Sljivancanin est arrivé et il s'est mis à nous parler. Il nous a
6 dit que le commandant qui allait devenir le directeur de l'hôpital ou
7 plutôt, il l'a présenté. Cet homme était là. Il a parlé du travail de
8 l'hôpital et il a dit qu'il fallait que nous restions sur place,
9 continuions à travailler. Il a dit que si certains d'entre nous restaient
10 sur place, on pourrait rester avec les membres de notre famille, nous
11 reposer un peu, d'abord, ensuite, reprendre le travail dans cet hôpital.
12 Q. Est-ce qu'ils ont dit quoi que ce soit au sujet de l'évacuation ?
13 R. Je n'ai rien entendu sur ce point.
14 Q. Qui s'est adressé à vous ? Est-ce qu'une seule personne s'est adressée
15 à vous ou plusieurs autres personnes se sont adressées à vous dans cette
16 salle ?
17 R. Non. Dans la salle des pansements, c'est M. Sljivancanin qui nous a
18 parlé. Puis, je ne sais pas si c'était dans l'après-midi du 19 ou le matin
19 du 20, je ne sais pas exactement quand le nouveau directeur de l'hôpital
20 s'est adressé à nous. Je ne peux pas vous dire exactement quel jour, mais
21 ils se sont, tous deux, adressés à nous. On nous a expliqué qu'il était
22 maintenant le nouveau directeur, que Mme Bosanac n'était plus directrice,
23 qu'il fallait qu'on obéisse aux ordres du nouveau directeur et que c'est
24 lui maintenant qui était responsable et qui donnait des ordres.
25 Q. Combien y avait-il de personnes dans la salle des pansements ?
26 R. Trente, 40, 50, dans ces eaux-là. Les autres se trouvaient dans le
27 couloir qui mène de la salle des pansements à l'autre salle d'attente.
28 Q. Quand M. Sljivancanin s'est adressé à vous, de quelle manière l'a-t-il
Page 2727
1 fait ?
2 R. C'était un homme fier, un homme de haute taille. Comment dire ?
3 Quelqu'un de stable. Il parlait très distinctement. Il nous a donné des
4 ordres.
5 Q. A qui a-t-il donné des ordres et de quel type d'ordre s'agissait-il ?
6 R. Il nous a dit qu'il fallait que maintenant, nous les écoutions, eux et
7 que le nouveau directeur de l'hôpital était là, qu'il fallait que nous
8 restions sur place, que nous continuions à travailler, qu'il n'allait rien
9 nous arriver, qu'il fallait que nous nous sentions tout à fait libres de
10 rester à l'hôpital pour y travailler. Voilà ce qu'ils ont dit.
11 Q. Combien de temps a duré cette réunion ? Je sais très bien que dix ans
12 après les faits, il est difficile de répondre à une telle question, mais
13 est-ce que vous avez une petite idée de la durée de cette réunion ?
14 R. Vraiment, je ne pourrais vous le dire.
15 Q. Bien. Avez-vous observé quoi que ce soit quand vous vous teniez dans
16 cette salle des pansements ?
17 R. Pendant que nous étions dans cette salle des pansements, Mme Selebaj
18 est arrivée, il s'agit d'une infirmière, elle m'a dit : "Écoute, ton mari
19 te cherche." Je me suis rendue près de la porte et il m'a dit : "Toi, tu es
20 là, enfermée dans cette salle des pansements, alors qu'ils nous emmènent.
21 Moi aussi, il va falloir que je m'en aille. Donne-moi la clé pour que je
22 récupère ma veste." Ensuite, il a enlevé la veste de l'hôpital qu'on lui
23 avait donné précédemment.
24 Q. Quels sont les termes exacts qu'il a employés; vous en souvenez-vous ?
25 Quelle impression vous a-t-il donné quand il a prononcé ces mots ?
26 R. Il avait peur. Je n'en suis pas sûre, mais je pense que c'est ce qu'il
27 a dit. Je cite : "On est en train de nous emmener, alors que vous, vous
28 êtes enfermés dans cette salle des pansements et il va falloir que j'y
Page 2728
1 aille, sans doute."
2 Q. Ce "nous" qu'il a employé, qui désignait-il ? Est-ce qu'il vous l'a
3 expliqué ?
4 R. Non. On n'a pas parlé pendant très longtemps, à ce moment-là.
5 Q. Que s'est-il passé ensuite ? Est-ce que vous êtes restée dans cette
6 pièce avec votre mari ?
7 R. Non. Je suis retournée à la salle des pansements. On était sans doute
8 arrivé à la fin de la réunion. M. Sljivancanin a demandé s'il y avait des
9 questions. J'ai dit que j'avais une question. J'ai levé la main et j'ai dit
10 que j'avais une question. Je lui ai dit : "Hier, vous nous avez promis que
11 nos maris pourraient venir avec nous. Or, maintenant, vous les avez
12 emmenés." M. Sljivancanin a répondu que c'était faux, qu'ils étaient là.
13 Alors, je lui ai répondu que c'est ce qu'il disait qui était faux,
14 puisqu'on les emmenait et où, je ne savais pas.
15 Q. Cela va, Madame Bucko ? On peut faire une pause si cela ne va pas bien.
16 Je comprends que cela soit très difficile pour vous. Est-ce que cela va ?
17 R. Cela va. Je peux continuer. J'ai quand même vécu tout cela. Je peux
18 tenir ici.
19 Q. D'accord.
20 R. Merci.
21 Q. Prenez votre temps.
22 R. Ensuite, j'ai dit à ce monsieur qu'ils avaient emmené nos maris, ce à
23 quoi il a répondu : "Prenez un papier et un stylo et écrivez dessus les
24 noms de vos maris et nous allons les ramener. Mais cela, uniquement, s'ils
25 n'ont pas de sang sur les mains."
26 Je suis allée dans une autre pièce, c'est le cabinet médical. J'ai sorti un
27 papier d'un tiroir. J'avais un stylo dans ma poche et j'ai commencé à
28 écrire des noms. Je voulais remettre cette feuille de papier à d'autres
Page 2729
1 personnes qui se tenaient dans le couloir pour qu'il y ait autant de noms
2 que possible sur le papier. M. Sljivancanin ne m'a pas laissé faire, si
3 bien que lorsqu'on est revenu avec cette feuille de papier dans la salle
4 des pansements, il a fallu la lui remettre, cette feuille de papier. Quand
5 on lui a remis, cette feuille comptait 15, 16, voire 17 noms. Je ne peux
6 pas vos donner de chiffre exact. Il s'est emparé de cette feuille de papier
7 et il a dit qu'il allait envoyer quelqu'un pour chercher les hommes. Je ne
8 sais pas qui M. Sljivancanin a envoyé. Je n'ai rien vu, non plus.
9 Nous sommes sortis de la salle des pansements. J'ai vu que mon mari n'était
10 pas là. Ensuite, j'ai frénétiquement fait le tour de l'hôpital. Je le
11 cherchais. J'ai vu beaucoup de monde sur la droite de l'entrée de secours
12 et sur la gauche aussi. Ils ont dit que tous ceux qui se trouvaient à
13 droite, ils étaient nombreux, allaient aller à Novi Sad, puis, ceux qui
14 étaient à gauche, eux, ils iraient à Zagreb.
15 Q. Merci, Madame Bucko. Vous dites que vous vous êtes munie d'une feuille
16 de papier, que vous aviez un stylo dans la poche, que vous avez écrit des
17 noms sur ce papier, qui étaient au nombre de 15 ou 16. Ce sont les noms de
18 qui que vous avez écrits sur cette feuille de papier ?
19 R. Autant que je m'en souvienne, il s'agissait de Kolesar, Stanek, Sic,
20 Selebaj, c'est-à-dire, lui et son père. Puis, l'homme qui vivait avec Rada.
21 Je ne sais pas son nom. Rada, c'est une infirmière, puis, elle vivait avec
22 cet homme.
23 Q. Vous venez de nous mentionner un certain nombre de noms. Qui étaient
24 ces personnes ? Est-ce qu'ils avaient des liens avec d'autres personnes ?
25 R. Il s'agissait des maris des membres du personnel hospitalier. Je n'ai
26 pas encore donné le nom de mon mari. Je voulais donner son nom en dernier
27 parce que je pensais que je me souviendrais peut-être d'autres noms avant
28 de donner le sien, mais franchement, je n'arrive pas à me souvenir de ces
Page 2730
1 noms, d'autres noms.
2 Q. Merci, Madame. Vous avez également déclaré avoir remis cette feuille de
3 papier à Sljivancanin. Pourquoi ?
4 R. Il nous l'a demandé. Il a voulu qu'on lui remette cette feuille de
5 papier où figuraient les noms.
6 Q. Est-ce que vous avez essayé de lui refuser, de ne pas le faire ?
7 R. Non.
8 Q. Qu'est-ce que vous vouliez faire avec cette liste, vous-même ?
9 R. Il m'a traversé l'esprit que s'il les renvoyait, nous serions peut-être
10 en mesure de les sauver. Nous ne savions pas ce qui allait nous arriver à
11 nous, mais je pensais que s'il était avec moi, nous deux, nous aurions le
12 même sort.
13 Q. Madame Bucko, lorsque vous me dites cela, vous avez pensé que vous
14 pouviez les sauver, qu'est-ce que vous vouliez dire par "sauver ?"
15 R. Puisqu'il nous avait promis que rien ne nous arriverait, nous, le
16 personnel médical et à nos maris, j'ai cru que nous serions sauvés.
17 Q. Sauvés de quoi ?
18 R. Je ne serais pas en mesure de vous dire précisément sauvés de quoi. Il
19 a simplement dit cela. Il a dit que -- je pensais que nous serions sauvés.
20 Je ne savais pas de quoi. Je ne savais pas où ils allaient, où ces gens
21 étaient emmenés ou pourquoi.
22 Q. Aviez-vous peur ?
23 R. Très peur.
24 Q. De quoi ? Pourquoi ?
25 R. Ecoutez, j'avais peur de tout. Je ne savais pas où on nous emmènerait,
26 comment on irait. Notre maison était détruite. Je ne savais pas ce qui
27 allait nous arriver.
28 Q. Je vous remercie, Madame Bucko.
Page 2731
1 Vous avez dit que vous aviez quitté la salle des pansements.
2 R. Oui.
3 Q. Cela va, Madame Bucko ? Oui. Vous avez dit que vous avez quitté la
4 salle des pansements. Où êtes-vous allée ?
5 R. Je suis allée à l'extérieur pour essayer de retrouver mon mari parce
6 que je ne l'avais pas vu dans le couloir qui était l'endroit où nous avions
7 parlé pour la dernière fois, dans le couloir qui était proche de la salle
8 des pansements. Je suis allée dans les bâtiments pour le chercher dans
9 l'enceinte de l'hôpital et je ne l'ai pas trouvé. J'ai supplié, j'ai
10 commencé à courir dans tous les sens pour le retrouver, puis, l'infirmière
11 Biba m'a rejointe. Elle cherchait également son mari, comme nos autres
12 collègues. Elles sont allées partout où elles pouvaient pour essayer de
13 retrouver dans l'enceinte de l'hôpital. Je me suis, à ce moment-là,
14 adressée au Dr Ivankovic, on lui demandait de nous aider auprès du nouveau
15 directeur de l'hôpital, pour voir s'il pourrait nous aider, pour faire en
16 sorte, pour garantir que nos maris pourraient venir avec nous. Le Dr
17 Ivankovic s'est rendu dans une petite pièce qui était une petite salle où
18 on traitait des patients qui avaient besoin de chirurgie légère. Le Dr
19 Ivankovic a expliqué quelle était notre requête et le nouveau directeur
20 s'est levé et a dit qu'il nous aiderait.
21 Q. Que s'est-il passé, après cela ?
22 R. Comme j'allais dans tous les sens en courant dans l'enceinte de
23 l'hôpital, en face de l'entrée, de l'autre côté de l'enceinte de l'hôpital,
24 en face de l'hôpital, j'ai vu un car. Je me suis précipitée vers ce car. Je
25 voulais parler à mon mari que j'ai aperçu là-bas. Un soldat assez jeune,
26 dans un uniforme, il portait un uniforme, j'ai supposé que c'était un
27 uniforme militaire, m'a empêché de passer. Je suis allée jusqu'à la vitre,
28 vers l'arrière du car. J'ai frappé sur la vitre, mais je n'ai pas réussi à
Page 2732
1 établir une communication.
2 Là, encore, je suis repartie en courant vers l'hôpital. L'infirmière Biba
3 se trouvait avec moi, le Dr Ivankovic et le nouveau directeur. Nous avons
4 parlé, puis, nous sommes sortis. Nous avons vu M. Sljivancanin qui se
5 tenait à l'extérieur avec notre Bogdan. Nos maris étaient déjà redescendus
6 du car, on les avait faits descendre, on les avait alignés près de l'allée.
7 Q. Que s'est-il passé ensuite ? On a fait aligner vos maris près de
8 l'allée. Où étiez-vous lorsque vous avez vu cela ?
9 R. A la grille qui se trouvait à l'arrière, du côté gauche, c'est à cet
10 endroit-là qu'on les a alignés et nous, nous somme sortis pour demander à
11 M. Sljivancanin de les laisser partir. Le nouveau directeur a dit que les
12 noms de mon mari et du mari de Biba devraient être appelés. Il a fait
13 l'appel de leurs noms. Nous nous approchions de lui lentement. Il a demandé
14 à Bogdan -- je crois, je pense que
15 M. Sljivancanin a demandé à Bogdan si Bogdan connaissait mon mari. Il a dit
16 que non. Puis, mon mari, je crois, s'est vu demander s'il connaissait
17 Bogdan, et mon mari a dit que non. M. Sljivancanin a
18 dit : "Allez. Disparaissez." J'ai cru qu'à ce moment-là, vous pouvez nous
19 dire de disparaître autant que vous voulez, mais laissez-nous tout
20 simplement en vie et continuer notre vie.
21 Q. Je vous remercie, Madame Bucko. Vous avez dit que vous aviez demandé à
22 Sljivancanin ou vous-même et les autres, aviez demandé à Sljivancanin de
23 les laisser partir, de les laisser aller. Pourquoi est-ce que vous vous
24 êtes approchée de Sljivancanin pour lui demander cela ?
25 R. Parce que j'avais eu un contact avec lui dans la salle des pansements,
26 parce que je lui avais donné cette liste avec les noms. C'est pour cela que
27 j'ai pensé qu'il était en charge de ce qui se passait.
28 Q. Que vous a-t-il répondu ?
Page 2733
1 R. Je n'ai pas très bien compris ce que vous demandez.
2 Q. Lorsqu'il a été demandé à Sljivancanin de les laisser partir,
3 est-ce qu'il a dit quoi que ce soit à ce moment-là ? Est-ce qu'il a fait
4 quelque chose ?
5 R. Non. Il a simplement posé cette question à Bogdan et il a dit, à ce
6 moment-là, à mon mari : "Disparais. Dégage." Après cela, je n'ai rien
7 entendu d'autre. D'autres personnes sont restées sur place. Mon mari et
8 moi-même avons quitté cet endroit et nous sommes allés dans une autre
9 partie de l'enceinte de l'hôpital et nous nous sommes tenus là-bas. De
10 l'autre côté, se trouvaient les cars qui attendaient pour nous emmener à
11 une autre destination.
12 Q. Dans votre description maintenant, vous avez dit que vous alliez et
13 veniez en courant dans l'enceinte et vous avez vu un car. Où ce car était-
14 il situé ?
15 R. Je ne sais pas de quel car vous voulez parler. Il y avait celui qui les
16 avait emmenés dans la rue Gunduliceva.
17 Q. Vous venez de parler de ce que vous avez vu, vous avez décrit que vous
18 aviez vu un car, alors que vous étiez en train de courir dans l'enceinte de
19 l'hôpital et ce car, vous vous en êtes approchée plus tard. Où se trouvait
20 ce car ?
21 R. Cette rue, c'était la rue Gunduliceva. Lorsque je suis sortie, j'ai vu
22 le car dans la rue Gunduliceva. Je me suis approchée de ce car et j'ai vu
23 qu'il y avait des gens. Je suis arrivée à la porte et cet homme, ce jeune
24 en uniforme ne m'a pas laissé entrer, ne m'a pas laissé monter. Je suis
25 partie à l'arrière du car. J'ai frappé sur la vitre et je n'ai pas réussi à
26 établir une communication avec mon mari.
27 Q. Est-ce que vous avez vu votre mari à l'intérieur du car ?
28 R. Oui.
Page 2734
1 Q. Y avait-il d'autres personnes dans le car, au même moment ?
2 R. Oui.
3 Q. Est-ce que vous avez pu reconnaître quelqu'un ?
4 R. Kolja Selebaj. Sic. Je n'arrive pas à me souvenir maintenant de ces
5 noms.
6 Q. Bien. Lorsque vous dites que les maris s'étaient trouvés à l'extérieur
7 sur le trottoir, est-ce que vous l'avez vu de vos yeux ?
8 R. Oui. Ils étaient alignés, l'un à côté de l'autre. Ils se tenaient sur
9 un rang.
10 Q. Est-ce qu'il y avait des soldats à côté ?
11 R. Cela, je ne l'ai pas vu.
12 Q. Vous avez dit, un peu plus tôt, qu'il y avait un jeune homme dans le
13 car et qu'il n'avait pas pu établir de contact. Quel homme était-ce ?
14 R. C'est un soldat qui se trouvait à la porte du car, tandis que les
15 hommes se trouvaient à l'intérieur du car. Je voulais pouvoir monter dans
16 le car ou obtenir que mon mari puisse descendre du car, mais nous n'avons
17 pu faire ni l'un, ni l'autre. C'est pour cela que je suis allée frapper à
18 la vitre du car pour essayer d'attirer son attention, à mon mari, pour lui
19 dire -- je ne sais pas ce que je lui aurais dit, ce que j'allais lui dire,
20 mais quelque chose dans le genre qu'il fallait qu'il descende de ce car. Je
21 voulais simplement que nous puissions être ensemble et aller ailleurs
22 ensemble.
23 Q. Ce soldat que vous venez de mentionner, quel genre de soldat était-ce ?
24 Est-ce que vous vous en souvenez ?
25 R. C'était un homme plutôt jeune, mais je ne serais pas capable de vous le
26 décrire.
27 Q. Pourriez-vous dire à quel type d'armée il appartenait ?
28 R. Oui, il portait un uniforme vert olive, mais quant à savoir si c'était
Page 2735
1 un uniforme de la JNA, je ne suis pas en mesure de vous le dire avec
2 certitude.
3 Q. Après cela, que s'est-il passé ? Est-ce que vous avez rejoint votre
4 mari ?
5 R. Oui.
6 Q. Après cela, que s'est-il passé ?
7 R. Nous sommes repartis en direction de la rue principale qui était
8 l'endroit où les cars étaient garés. Le Dr Ivankovic nous a souhaité bon
9 voyage, bon trajet. Nous sommes restés là et comme nous nous approchions de
10 cet endroit, nous sommes montés dans les cars.
11 Q. Lorsque vous dites "nous," vous voulez dire qui, par nous ?
12 R. Je parle de mon mari et de moi-même.
13 Q. Y a-t-il eu d'autres personnes qui sont montées dans le car ? Quelles
14 personnes étaient-ce ? A quelle catégorie appartenaient-elles ?
15 R. Oui. C'étaient des gens de l'hôpital, qui se trouvaient à l'hôpital ce
16 jour-là. Ils sont montés sur différents cars. Je ne pourrais vous dire
17 exactement combien il y avait de cars, mais ils sont montés dans ces cars
18 et ils sont restés en attendant le départ.
19 Q. Vous avez dit que c'étaient des gens de l'hôpital. Est-ce que vous
20 pourriez décrire ce qu'étaient ces personnes de l'hôpital, de façon plus
21 précise ?
22 R. C'était le personnel qui y travaillait, le personnel de nettoiement,
23 les infirmières, les techniciens paramédicaux, tous ceux qui se trouvaient
24 à l'hôpital sont montés dans les cars, sauf ceux qui sont restés à
25 l'hôpital. Mais tout le reste, nous sommes montés dans les cars. Mais avant
26 que mon mari et moi-même ne soyons arrivés, il y avait déjà des personnes à
27 l'intérieur des cars. Mais je ne serais pas en mesure de vous dire combien
28 il y en avait.
Page 2736
1 Q. Les patients, les malades, où étaient-ils ?
2 R. Je ne sais pas. Je ne les ai pas vus.
3 Q. Que s'est-il après cela ? Vous êtes montés dans le car avec votre
4 mari ?
5 R. Oui.
6 Q. Après cela ?
7 R. Nous avons traversé le centre de la ville en passant la rue de
8 Radiceva, la rue Sajmiste. Nous sommes passés par un quartier où se trouve
9 ma maison. Nous avons roulé dans la direction de Velepromet. Nous avons
10 tourné à droite vers la rue Petrovacka et à la fin de ce quartier, il y a
11 un bâtiment qui est consacré à une installation d'industrie textile où il y
12 avait un grand nombre de femmes. Elles nous ont fait un signe de la main.
13 Elles ont frappé aux vitres du bus. Nous sommes restés assis dans le bus.
14 Nous nous sommes arrêtés. Ils ne nous ont pas emmené en Croatie en passant
15 par Petrovac, mais les cars sont partis dans la direction inverse, vers
16 Negoslavci, Orolik, Tovarnik, Sid et sont allés finalement à Sremska
17 Mitrovica.
18 Q. Là, que s'est-il passé ?
19 R. A Sremska Mitrovica, lorsque nous sommes arrivés, nous avons entendu
20 dire que cette installation était une sorte de centre athlétique. Comme il
21 faisait nuit, on ne pouvait pas bien voir le bâtiment et je ne serais pas
22 en mesure de vous le décrire. Nous ne pouvions pas entrer dans ce bâtiment
23 parce qu'il y avait déjà beaucoup de gens. Nous sommes descendus du car en
24 pensant que nous finirions par rentrer dans ce bâtiment. Mais il n'y avait
25 pas de place pour nous et nous sommes remontés dans le car et ils nous ont
26 emmené à un autre centre. Je ne sais pas comment il s'appelait. Je n'étais
27 pas intéressé, d'ailleurs, à apprendre comment il s'appelait et nous avons
28 passé toute la nuit dans le car à cet endroit. Le jour suivant, dans la
Page 2737
1 matinée, on nous a emmené plus loin. Je crois que nous sommes entrés en
2 Bosnie et là, il y a eu un échange. Les personnes sont allées d'un car à un
3 autre car et à ce moment-là, nous avons été emmenés en Croatie.
4 Q. Je vous remercie, Madame Bucko.
5 Je voudrais maintenant -- enfin, vous nous avez raconté tout ce qui
6 vous est arrivé là, ce que vous avez vu, quelle a été votre expérience à
7 l'hôpital au cours de ces journées et avant même. Je voudrais maintenant
8 vous poser des questions parce que vous vous êtes approchée de M.
9 Sljivancanin à plusieurs reprises, comme nous l'avons entendu ici, à
10 l'hôpital. Quel type d'accueil vous a-t-il fait ? Quelle était sa manière
11 de réagir ? Quelle a été sa réaction, lorsque vous vous êtes approchée de
12 lui ? Vous avez eu l'impression que c'était qui ? Veuillez nous le décrire,
13 s'il vous plaît.
14 R. Mon impression, c'est que c'était un homme de grande taille, bien bâti,
15 portant moustache. Comment pourrais-je vous le décrire ? Il parlait de
16 façon très claire, très articulée. Il était fier et mon impression
17 personnelle, c'était qu'il était très important et c'était l'attitude qu'il
18 avait, lui-même. Il était responsable. Il était en charge de ce qui se
19 passait sur place. Il était le commandant et nous devions l'écouter, faire
20 ce qu'il disait.
21 Q. Je vous remercie, Madame Bucko. Vous avez dit qu'il était un
22 commandant. Pourriez-vous décrire de façon plus détaillée pourquoi vous
23 avez eu cette impression ?
24 R. Dans la salle de pansements, je lui ai parlé deux fois. Après cela, je
25 ne lui ai plus parlé à cause de son attitude.
26 Q. C'est-à-dire quel type d'attitude ?
27 R. Comme je vous l'ai déjà décrit, c'était quelqu'un qui parlait de façon
28 sévère. Je ne sais pas très bien comment vous le décrire.
Page 2738
1 Q. Merci, Madame Bucko.
2 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
3 Juges, je vous prie de m'excuser.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic ?
5 M. VASIC : [interprétation] J'ai une correction à demander pour le compte
6 rendu à la page 28, ligne 21 et 22. Lorsque ma consoeur lui a posé une
7 question concernant les événements survenus en Bosnie, je crois que le
8 témoin a dit qu'ils avaient changé de car, qu'ils étaient descendus d'un
9 car pour monter dans un autre, tandis que dans le compte rendu, on a
10 l'impression qu'il y a eu un échange. Je crois qu'ils ont simplement changé
11 de car, mais qu'ils n'ont pas fait l'objet d'un échange.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Peut-être qu'on
13 pourrait vérifier cela, Madame Tuma.
14 Mme TUMA : [interprétation] Oui, certainement. Merci, Monsieur le
15 Président.
16 Q. Madame Bucko, vous avez entendu le commentaire fait par
17 Me Vasic ?
18 R. Oui.
19 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous éclairer sur ce point ?
20 R. Oui, je peux. Les cars se sont arrêtés. Nous sommes descendus de notre
21 car. Nous en sommes sortis. Nous avons quitté les cars dans lesquels nous
22 étions arrivés et un peu plus loin, se trouvaient d'autres cars dans
23 lesquels nous sommes montés.
24 Dans notre car, je le dis ici, devant cette Chambre de première instance,
25 je voudrais exprimer ma gratitude au conducteur qui nous conduisait. Il
26 était très aimable et il s'est excusé en nous expliquant qu'il ne faisait
27 pas cela librement, de sa propre volonté. Il avait reçu l'ordre de nous
28 conduire comme il l'avait fait.
Page 2739
1 Q. Est-ce que vous étiez censés faire l'objet d'un échange ou est-ce que
2 vous avez simplement changé d'un car pour aller dans un autre, si j'ai bien
3 compris la question de Me Vasic ?
4 R. Oui, nous étions venus dans un groupe de cars et nous sommes repartis
5 dans un autre groupe de cars.
6 Q. Bien. Je vous remercie, Madame Bucko.
7 Mme TUMA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. J'en
8 ai terminé de mon interrogatoire principal. Merci.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Madame
10 Tuma. Il est évident que ceci conviendrait bien pour faire une suspension
11 de séance.
12 Nous reprendrons l'audience à 11 heures moins cinq.
13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 24.
14 --- L'audience est reprise à 10 heures 58.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Domazet.
16 Contre-interrogatoire par M. Domazet :
17 M. DOMAZET : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président.
18 Q. Bonjour. Bonjour, Madame Bucko.
19 R. Bonjour.
20 Q. Je suis Vladomir Domazet. Je vais me présenter. Je suis le co-conseil
21 de M. Mrksic et je vais vous poser quelques questions.
22 Ma consoeur vous a posé des questions aujourd'hui et en répondant, vous
23 avez dit que le premier bombardement de Vukovar s'est produit un dimanche,
24 très précisément, le 25 août 1991; est-ce bien cela ?
25 R. Le 25 août, oui.
26 Q. Est-ce que vous vous souvenez, est-ce que vous avez vu,
27 personnellement, à ce moment-là, vu ou entendu parler, par la suite, du
28 fait que la veille, un jour avant cet événement dont vous avez parlé, un
Page 2740
1 avion appartenant à l'aviation de guerre de la JNA avait été abattu dans le
2 ciel de Vukovar ?
3 R. Non.
4 Q. Lorsque vous dites "non," cela veut dire que vous n'en avez jamais
5 entendu parler ?
6 R. Non.
7 Q. Ou c'est à ce moment-là que vous n'en avez pas entendu parler ?
8 R. A ce moment-là, je n'ai pas entendu dire qu'un avion avait été abattu.
9 Q. Plus tard, l'avez-vous appris ?
10 R. Quand on s'est trouvé à l'hôpital, au travail, il y a eu des histoires
11 disant qu'effectivement, on avait abattu un avion. C'était déjà au début du
12 mois de novembre que j'en ai entendu parler. Je ne peux rien vous dire de
13 précis là-dessus.
14 Q. Vous ne pouvez pas me dire à quel moment on l'a abattu. Cela, je vous
15 comprends parfaitement. C'est bien cela.
16 Ce jour-là, le 25 août, la journée que vous avez mentionnée comme
17 ayant été la journée où il y a eu des bombardements et où un avion ou des
18 avions auraient largué des bombes, est-ce que c'est ce jour-là que
19 l'hôpital a été touché ou était-ce plus tard ?
20 R. Je ne peux pas vous dire si c'est ce jour-là que l'hôpital a été
21 touché. Au cours de l'après-midi de ce jour-là, on a descendu les patients
22 en bas, plus bas, aux étages inférieurs de l'hôpital. Vous savez, j'étais
23 chez moi, puis, on m'a appelé pour que je me rende au travail. A Vukovar,
24 en traversant les rues à bord d'une ambulance par laquelle on m'a emmené au
25 travail, j'ai vu une voiture calcinée. On m'a dit que cette voiture avait
26 brûlé pendant le bombardement, que c'était dû à cela.
27 Q. Merci. Vous avez dit, aujourd'hui, que c'est à cause de ce type de
28 situation que pendant quelque temps, vous vous êtes trouvée forcée à
Page 2741
1 descendre les patients en bas, vers le rez-de-chaussée ou dans l'abri,
2 puis, que par la suite, vous les rameniez aux étages supérieurs avec
3 l'ascenseur et que cette situation a duré quelque temps. Si j'ai bien
4 compris, vous ne pouviez pas dire exactement jusqu'à quel moment, mais
5 c'était jusqu'à la fin du mois de septembre ou jusqu'au début du mois
6 d'octobre, à peu près. C'est ce que vous avez dit aujourd'hui ?
7 R. Je crois que c'est cela qui s'est passé fin septembre, mais je ne peux
8 pas vous donner la date précise.
9 Q. Merci. Jusqu'à un certain moment, c'est ainsi que vous avez procédé ?
10 R. Oui. C'est ce qu'on a fait jusqu'à un certain moment avec nos patients,
11 avec nos blessés.
12 Q. Madame Bucko, pendant que vous viviez chez vous et vous vous rendiez au
13 travail, vous avez dit que le matin, votre mari vous emmenait au travail,
14 en voiture et qu'il venait vous chercher pour vous ramener à la maison.
15 D'après ce que j'ai compris, vous n'avez pas dit qu'est-ce qui est fréquent
16 dans ce domaine médical. Vous travailliez 24 heures ? Est-ce que c'est bien
17 une relève qui durait 24 heures et après vous étiez libre pendant 24
18 heures, la même durée ?
19 R. Oui. Il y avait la même durée du repos, par la suite.
20 Q. Merci. C'est la période où vous viviez encore chez vous. A partir du
21 moment où vous avez, disons, déménagé à l'hôpital pour y découcher, est-ce
22 qu'à partir de ce moment-là, vous aviez le même type de relève et des
23 pauses ou c'était différent ?
24 R. Parfois, il y avait des pauses, mais parfois, quand c'était nécessaire,
25 on travaillait.
26 Q. Vous avez parlé de cette période-là, vous avez parlé de cette période
27 où vous passiez la nuit à l'hôpital, vous avez dit que c'était à partir du
28 moment où votre mari vous a dit que votre maison avait été endommagée, que
Page 2742
1 c'est à ce moment-là que vous avez décidé de rester à l'hôpital; c'est bien
2 cela ?
3 R. Oui.
4 Q. A l'époque, votre époux avait-il déjà été mobilisé ou s'était-il porté
5 volontaire ou quelle que soit la manière dont il a rejoint la Garde
6 nationale ?
7 R. C'est par quartier des villes qu'on s'est organisé chez nous et c'est à
8 ce moment-là qu'il les a rejoints.
9 Q. Merci. Si je vous ai bien compris, lui-même ainsi que d'autres, enfin,
10 la plupart d'autres personnes, c'étaient des voisins ou des gens qui
11 vivaient dans le quartier. Ils recevaient des armes au début de leur
12 relève, puis, ils rendaient ces armes à la fin de leur tour de service;
13 vous ai-je bien comprise ?
14 R. Oui.
15 Q. Cependant, dans votre déposition, aujourd'hui, en répondant aux
16 questions de ma consoeur, vous avez mentionné autre chose. Vous avez dit
17 qu'à un moment donné, votre époux se trouvait au château Eltz, que c'était
18 là qu'il était de service; c'est bien cela ?
19 R. Oui.
20 Q. Etait-ce après cette première mission que c'est à ce moment-là qu'il a
21 été transféré, occupait une position au château Eltz ?
22 R. Plusieurs civils ont été emmenés de l'hôpital, c'est là, quand il est
23 venu, qu'il m'a dit qu'il a été au château Eltz.
24 Q. Je vous comprends. C'est ce qu'il vous a dit ?
25 R. Oui, c'est ce qu'il m'a dit.
26 Q. Vous n'êtes jamais allée le voir là-bas ?
27 R. Non.
28 Q. Vous me dites qu'il est venu vous voir et qu'il a emmené quelques
Page 2743
1 civils; de quoi il s'est agi ? Etaient-ce des blessés, des patients qu'il
2 est venu prendre à l'hôpital ? De quoi s'est-il agi ? C'était autre chose ?
3 R. Ils étaient deux ou trois qui sont arrivés. Ils ont pris plusieurs de
4 nos maris et les ont emmenés.
5 Q. Emmenés au château, occuper des positions ?
6 R. Il y a un homme, je ne sais pas quelle était sa fonction et je lui ai
7 posé une question, tout comme j'ai posé ma question à Sljivancanin au sujet
8 de mon mari. Monsieur, j'ai fait la même chose. Je lui ai posé la question
9 et il m'a dit qu'ils ont été emmenés aux positions au château.
10 Q. Merci. Vous souvenez-vous, éventuellement, ce qui s'est passé à partir
11 de ce moment-là, où votre mari s'est trouvé au château Eltz, jusqu'au 19
12 novembre ? Vous avez dit qu'il est arrivé à l'hôpital. Est-ce que vous
13 savez si, entre-temps, il est venu vous voir ? L'avez-vous revu ou non ?
14 R. Si.
15 Q. De quelle manière ? C'est lui qui venait vous voir parce que vous avez
16 dit que vous ne sortiez pas.
17 R. C'est lui qui venait à l'hôpital pour me voir et il revenait là d'où il
18 était venu.
19 Q. Je suppose que vous n'aviez pas d'autres moyens de communiquer ou si
20 vous en aviez, par téléphone ou quelque chose de comparable ?
21 R. Non.
22 Q. Vous avez dit que vers le 18 novembre, dans l'après-midi, votre
23 collègue, une femme vous a dit qu'une évacuation était en train de se
24 préparer. D'après ce que j'ai compris, vous n'étiez pas en mesure de
25 relayer ces informations à votre mari, vous n'aviez pas la possibilité de
26 le faire ?
27 R. Non.
28 Q. Toutefois, vous avez dit que le lendemain matin, le 19, dans la
Page 2744
1 matinée, il est arrivé et il vous a dit, lui-même, que Vukovar était tombé
2 et que son commandant lui a dit de se rendre à l'hôpital; c'est bien cela ?
3 R. Oui.
4 Q. Vous a-t-il dit qu'il est venu seul ou en compagnie de ses collègues ?
5 R. Stanek est venu, je pense, Vasos et un autre, je ne suis pas certaine
6 s'il y en avait un autre ou non. Je ne peux pas vous le dire précisément.
7 Q. Merci. Puisque je vois que vous êtes en mesure d'identifier par leurs
8 noms ou prénoms ces deux hommes, pouvez-vous nous dire qui ils étaient ?
9 R. Stanek, c'était l'époux de Marica Stanek, notre infirmière. Vasos
10 [phon], mon époux le connaissait et c'est comme cela que je l'avais
11 rencontré avant. Je ne le connais pas autrement.
12 Q. Il n'avait rien à voir avec l'hôpital. Il n'avait pas d'épouse ou
13 quelqu'un d'autre qui travaillait à l'hôpital ?
14 R. Je ne peux pas vous le dire pour Vasos. Pour ce qui est de Stanek,
15 c'est le même cas de figure que moi, son épouse travaillait à l'hôpital.
16 Q. Après avoir dit que ce matin-là, le commandant leur a dit quelque
17 chose, vous avez dit dans la phrase suivante : Sremac leur a dit. Sremac,
18 était-ce le nom de famille de ce commandant ?
19 R. Sremac Stanislav, Stanko Stanislav, je ne suis pas sûre. C'était le nom
20 et le prénom de leur commandant. C'est mon époux qui me l'a dit et c'est ce
21 qui m'a permis d'arriver à mes conclusions parce que lui, il m'a dit que
22 c'était leur commandant. Or, je ne l'ai pas vu.
23 Q. Je vous remercie. Vous avez dit que vous avez entendu parler, pour la
24 première fois, de l'évacuation dans l'après-midi du 18 ou en fin d'après-
25 midi, vers la soirée. C'est votre collègue, Mrgan, qui vous en a parlé ?
26 R. Oui.
27 Q. Est-ce qu'elle vous a donné des détails ou c'est comme cela, de manière
28 vague, qu'elle vous a dit qu'il allait y avoir une évacuation ?
Page 2745
1 R. C'est juste comme cela vaguement, on nous a dit qu'il allait y avoir
2 une évacuation. Elle nous l'a dit, mais elle ne nous a pas donné de
3 détails, rien d'autre.
4 Q. Un peu plus tard, vous avez dit que vous vous êtes adressée à
5 l'infirmière Kolesar. Elle était l'infirmière en chef à la chirurgie; c'est
6 cela ?
7 R. Oui.
8 Q. Que vous vous êtes adressée à elle en lui demandant de laisser votre
9 mari sur place pour qu'il puisse aider pendant les préparatifs à
10 l'évacuation qui allait avoir lieu.
11 R. Oui. Quand il est arrivé du château, ce matin-là, c'était le 19.
12 Q. Oui, tout à fait. C'était après son arrivée, puisque vous nous avez dit
13 que vous ne saviez pas qu'il allait venir et que lui, non plus, n'était pas
14 au courant. C'était le 19, après son arrivée.
15 R. Oui.
16 Q. Est-ce que c'était un souhait qu'il a exprimé ou c'est quelque chose
17 qui est venu de vous ? C'était votre initiative, l'idée que vous avez eue ?
18 R. Ecoutez, nous nous sommes mis d'accord tous les deux et lui aussi, il
19 pensait, il faut qu'on parte ensemble et quoi qu'il advienne, on sera
20 ensemble, déjà que nos enfants n'étaient plus avec nous.
21 Q. Savez-vous si votre collègue dont le mari est venu avec votre mari à
22 vous, est-ce que vous savez si elle a fait de la même sorte, s'ils ont
23 procédé de la même sorte que vous ?
24 R. Cela, je ne l'ai pas su.
25 Q. Excusez-moi. Je voudrais revenir un instant à la journée du 18, la
26 veille. Ma consoeur vous a demandé si vous aviez remarqué des arrivées de
27 gens à l'hôpital et vous avez répondu en disant que vous n'arriviez pas à
28 vous en souvenir. Maintenant, je vais vous demander la chose suivante :
Page 2746
1 très concrètement, avez-vous vu arriver bien davantage de gens et en
2 particulier, de civils à l'hôpital, de femmes, d'hommes, un nombre accru de
3 civils ? Est-ce que vous avez éventuellement remarqué cela ce jour-là, dans
4 l'après-midi ?
5 R. Non, pas le 18. Mais le 19, quand je suis allé dans le hall pour aller
6 chercher mon mari, j'ai vu beaucoup de civils dans ce hall. Quant à savoir
7 quand ces gens sont arrivés, je ne sais pas quand.
8 Q. Vous pouvez confirmer que c'était le cas le 19. Mais pour le 18, vous
9 maintenez votre réponse disant que vous ne vous rappelez pas avoir vu des
10 gens arriver en plus ou en particulier ?
11 R. Oui, c'est cela.
12 Q. Savez-vous qui était Marin Vidic, surnommé Bili ?
13 R. J'ai entendu ce nom. Je ne le connaissais pas. Mais j'ai entendu dire
14 qu'il était soit notre président de la municipalité ou autre chose. Je ne
15 peux pas vous dire exactement, mais j'ai entendu parler de lui, sauf que je
16 ne le connaissais pas directement, personnellement et je ne l'avais pas vu
17 jusqu'à mon arrivée à Zagreb.
18 Q. Savez-vous ou est-ce que quelqu'un vous a dit, puisque vous me dites
19 que vous ne l'avez pas rencontré avant Zagreb ou vu avant Zagreb, est-ce
20 que vous avez entendu dire que ce monsieur s'est rendu à l'hôpital ces
21 jours-là, le 18, 19, 20 ?
22 R. Je ne l'ai pas vu. Il est possible qu'il soit passé par là, mais je ne
23 connaissais pas l'homme. Je ne peux pas vous le confirmer.
24 Q. Merci. A l'époque, vous ne saviez pas quel était son aspect extérieur;
25 c'est cela ? Vous ne l'aviez jamais vu ?
26 R. C'est cela.
27 Q. Vous avez parlé de la journée du 19. Votre collègue vous a informé du
28 fait que votre mari était dans le hall et vous avez dit que vous avez vu
Page 2747
1 beaucoup de gens là-bas et que vous aviez eu du mal à le retrouver, à le
2 repérer, tellement les gens étaient nombreux; c'est bien cela ?
3 R. Oui.
4 Q. Mais lorsque nous parlons du hall, je voudrais que ce soit tout à fait
5 clair, nous parlons du rez-de-chaussée de l'hôpital ?
6 R. Oui, c'est cela. C'est l'entrée, le rez-de-chaussée de l'hôpital et
7 après, à partir de là, on pouvait prendre l'ascenseur, je veux dire quand
8 on travaillait, quand tout fonctionnait, on pouvait aller aux étages. Mais
9 le hall, c'est au rez-de-chaussée ou plutôt, au premier étage car il y
10 avait aussi le rez-de-chaussée plus bas. C'est là que nous nous trouvions,
11 nous.
12 Q. Vous m'avez redit en répondant à mes questions qu'il y avait beaucoup
13 de gens là-bas. Est-ce que vous avez été polarisée sur le fait qu'il
14 fallait que vous retrouviez votre mari ou est-ce que vous avez pu voir qui
15 étaient ces gens ? Est-ce qu'il y a des gens que vous avez reconnus là,
16 dans le hall ?
17 R. Je ne peux pas vous dire qui était là car j'essayais de repérer mon
18 époux. Je ne prêtais pas attention aux autres.
19 Q. Merci. C'est tout à fait logique. Je vais vous demander autre chose. On
20 a parlé de blouses blanches. A l'époque, quels étaient les vêtements que
21 vous portiez, vous qui travailliez à l'hôpital ? Partons des médecins. Est-
22 ce qu'ils avaient des blouses blanches quand ils étaient de service ou est-
23 ce qu'ils étaient vêtus d'une autre façon ?
24 R. Il y avait des blouses blanches, mais il y en avait aussi de vertes
25 dans le bloc opératoire. Puis, dans les couloirs, on a pu voir les gens
26 déambuler en blouses vertes car je ne sais pas s'il y en avait assez à
27 l'époque. Oui, pour les pantalons, je ne sais pas s'il y en avait assez et
28 des vestes vertes. Mais cela aussi, on en a eu.
Page 2748
1 Q. Vous voulez dire que c'était cela, les vêtements habituels des
2 personnes qui travaillaient au bloc opératoire ? Il y avait des vestes
3 vertes assorties aux pantalons verts; c'est cela ?
4 R. Oui.
5 Q. Comment étaient vêtues les infirmières ?
6 R. J'avais un uniforme. C'était une jupe et un chemisier. C'était blanc et
7 bleu.
8 Q. Est-ce qu'il y avait une différence ? Est-ce qu'il y avait des moments
9 où on portait plutôt blanc ou bleu ?
10 R. Non. C'était au hasard. On enfilait ce qui était disponible ou ce qu'on
11 pouvait.
12 Q. Un autre détail pour que ce soit tout à fait clair. Il me semble que
13 vous en avez déjà parlé, mais je vais vous reposer ma question pour ne pas
14 faire d'erreur. Est-ce que les médecins ou le personnel médical a également
15 porté, non seulement les blouses blanches, mais des vestes blanches, ces
16 vestes qui sont beaucoup plus courtes que les blouses ? Est-ce que cela a
17 fait partie de l'uniforme des médecins ?
18 R. Ecoutez, cela, il y en a eu à l'hôpital. Quant à savoir qui a porté
19 quoi, à quel moment, cela, je ne peux pas vous le dire.
20 Q. Naturellement, je ne vous demande pas qui était vêtu de quelle manière.
21 Je demande ce qu'il y avait.
22 R. Il y avait soit des vestes qui arrivaient au genou, soit il y avait des
23 blouses qui étaient beaucoup plus longues, comme des manteaux.
24 Q. Vous avez parlé des médecins, des infirmières, puis, le personnel
25 technique auxiliaire. Comment étaient vêtus ces gens-là ?
26 R. Ils étaient soit en gris, soit en rose.
27 Q. C'est ainsi qu'on pouvait faire une différence entre eux et vous, le
28 personnel médical ?
Page 2749
1 R. Mais cela, c'était déjà bien avant que ce mal ne se produise.
2 Q. Oui.
3 R. Après, on a porté ce qu'on a pu. Le rose, c'était pour les
4 puéricultrices. Dans mon service, c'était le gris. Pour les infirmières,
5 c'était le bleu et les médecins, hommes ou femmes, étaient en blancs.
6 Après, il y a eu aussi des uniformes blancs portés par des infirmières. On
7 faisait ce qu'on pouvait par la suite.
8 Q. Lorsque je parle de personnel auxiliaire, les gens qui faisaient des
9 travaux physiques, qui sortaient la poubelle, comment étaient-ils vêtus ?
10 Est-ce qu'ils avaient un uniforme ?
11 R. Pour nos employés, je pense qu'il y avait une sorte de blouse bleue.
12 Q. Je vous remercie. Je voudrais reparler maintenant de la matinée du 19.
13 Vous avez demandé à Mme Kolesar d'accepter que votre mari reste avec vous
14 et qu'il aide à transporter les blessés ou probablement qu'il fasse autre
15 chose, qu'il aide pendant l'évacuation et vous avez dit qu'elle a accepté
16 et qu'elle lui a donné une blouse blanche. Cette blouse, est-ce qu'elle
17 portait un insigne permettant de voir que lui était un membre du personnel
18 médical ? Est-ce que c'est vous qui avez demandé qu'on lui donne une blouse
19 blanche ou est-ce que c'était un hasard qu'il ait eu cela ?
20 R. Je n'ai pas vu d'insigne là-dessus, rien. Mais on a demandé qu'il se
21 change parce que son anorak ou sa veste était bien sale.
22 Q. Mais vous avez compris ce que je vous ai demandé. On aurait pu lui
23 donner un uniforme bleu parce que c'était quelqu'un qui venait aider en
24 tant qu'auxiliaire. Est-ce que vous savez s'il aurait pu avoir le bleu ?
25 R. Ecoutez, je suppose que l'infirmière Biba lui a donné ce qu'elle a pu.
26 Cela, je ne sais pas.
27 Q. Je vous remercie. Madame Bucko, aujourd'hui, pendant l'interrogatoire
28 principal et aussi dans la déclaration que vous avez donnée auparavant aux
Page 2750
1 enquêteurs, vous avez décrit un homme portant une toque avec un anorak vert
2 et plusieurs personnes qui étaient avec lui, mais dans cette déclaration
3 écrite, vous avez dit quelque chose que vous n'avez pas répété aujourd'hui,
4 probablement parce qu'on ne vous a pas posé la question. J'aimerais savoir
5 si qui que ce soit a interdit l'entrée de ces gens à l'hôpital et si oui,
6 qui.
7 R. Ecoutez, c'était un militaire qui portait un uniforme, il était assez
8 jeune. Il ne les a pas entrés par la porte des urgences. Ils sont restés à
9 l'extérieur.
10 Q. Je vous remercie. C'est la même chose que vous avez dit dans votre
11 déclaration. Vous ne faites que confirmer ce même fait. Merci.
12 À en juger d'après ce que vous nous avez dit aujourd'hui et aussi d'après
13 ce qu'on lit dans votre déclaration, je vois que vous faisiez une
14 distinction très nette, à l'époque, entre les soldats réguliers de la JNA
15 et les autres, d'après leur aspect, d'après leurs uniformes, et cetera.
16 R. Ecoutez, pour autant que je le sache, la JNA portait l'uniforme vert
17 olive.
18 Q. Merci. Vous avez parlé du fait qu'on vous a présenté, mais vous ne
19 savez pas si c'était dans l'après-midi du 18 ou dans la matinée du 19 qu'on
20 vous a présenté un commandant qui allait devenir le directeur de l'hôpital.
21 Est-ce que vous pouvez nous dire si quelque chose vous permettait de savoir
22 qu'il venait de la VMA ? Vous savez ce que c'est ?
23 R. Oui, c'est l'académie militaire.
24 Q. Est-ce qu'on vous a dit que l'hôpital serait placé sous l'égide de
25 l'armée ?
26 R. Ecoutez, je ne peux rien vous affirmer parce que je ne m'en souviens
27 pas. Je suppose qu'il en a été question, mais je ne peux pas vous le dire
28 exactement.
Page 2751
1 Q. Merci. Vous avez dit, ensuite, pour la soirée du 19, que votre époux
2 était avec vous, que vous ainsi que certains de vos collègues ou certaines
3 de vos collègues étaient avec vous dans une pièce où, je suppose, vous
4 passiez la nuit quand vous étiez à l'hôpital; c'est cela ?
5 R. Oui.
6 Q. Quel est l'emplacement précis de cette pièce ? Pouvez-vous nous le
7 dire ?
8 R. C'est tout de suite à côté du centre de stérilisation. C'est là qu'on
9 gardait le matériel prêt pour passer aux stérilisations. Il y avait des
10 gants, des blouses, des pantalons, des compresses, ce qu'il fallait
11 stériliser pour procéder à une intervention chirurgicale.
12 Q. La pièce à côté de celle-là ?
13 R. Oui.
14 Q. Mais dites-moi, décrivez-moi, en plus de ces pièces-là -- enfin,
15 commençons par le couloir par lequel on sort, est-ce qu'il y avait déjà des
16 malades, des patients, des blessés ? Est-ce que c'était cela la partie de
17 l'hôpital où il y en avait ?
18 R. Oui. C'est un couloir où étaient déjà allongés des patients, des
19 malades et on pouvait descendre un petit peu. Il y avait comme une pente et
20 là aussi, il y avait un couloir et sur la droite, on pouvait accéder à
21 l'abri atomique et au-delà, le couloir menait à l'ancien bâtiment de
22 l'hôpital.
23 Q. Merci. Si je vous ai bien comprise, une fois que vous avez quitté la
24 pièce où vous avez passé la nuit, vous avez constaté que partout, il y
25 avait des lits, des patients ?
26 R. Oui, tout à fait. Les patients étaient partout, dans les corridors,
27 dans les abris, et cetera, partout.
28 Q. Merci. Vous dites avoir passé plusieurs nuits avec ces personnes. Qui
Page 2752
1 étaient les infirmières avec qui vous avez passé cette nuit-là et d'autres
2 nuits ?
3 R. Perovic Magda qui travaillait également au service de stérilisation,
4 Jelka Novak, Vera, Graf. Je crois que Jelka Selebaj était là également
5 ainsi que mon mari et moi-même. C'est nous qui étions là, cette nuit-là. Je
6 ne suis pas sûre à 100 % pour Jelka Selebaj.
7 Q. Mme Jelka Selebaj avait-elle un mari qui était à l'hôpital ?
8 R. Oui. Son mari aussi était à l'hôpital ainsi, d'ailleurs, que son beau-
9 père, le père de son mari.
10 Q. J'aimerais que nous fassions la lumière sur un nom, que nous précisions
11 un point. Il y a, je crois, une erreur au compte rendu d'audience. Veuillez
12 répéter le nom. Mme Novak, quel est son prénom ?
13 R. Ilonka.
14 Q. Ilonka. Bien. Je souhaitais simplement préciser ce point.
15 Vous nous avez expliqué, aujourd'hui, que cette nuit-là, vous avez
16 veillé très tard. Vous avez discuté longtemps. J'ai eu l'impression que
17 soit vous n'avez pas du tout dormi, soit que vous vous êtes couchée
18 extrêmement tard. Est-ce que je me trompe ? Est-ce que vous avez veillé
19 longuement ? Vous êtes restée à discuter avec votre mari et vos collègues ?
20 R. Oui, on a veillé très longtemps. On est resté là, à
21 discuter dans cette pièce.
22 Q. Merci. Vous souvenez-vous s'il s'est passé quoi que ce soit de
23 remarquable cette nuit ? D'abord, est-ce que la situation était calme à
24 l'hôpital pendant que vous étiez dans cette pièce ?
25 R. Personnellement, je n'ai rien vu. Je n'ai rien entendu. J'étais dans
26 cette pièce, mais je ne peux rien vous dire des autres parties de
27 l'hôpital.
28 Q. Vous nous dites que cette nuit-là vous n'avez rien entendu, mais est-ce
Page 2753
1 que le lendemain matin on vous a dit ce qui s'était passé ? S'il s'était
2 passé quelque chose à l'hôpital ?
3 R. Je n'ai rien entendu à ce sujet.
4 Q. Maintenant que nous sommes en train de parler de ce sujet, je voudrais
5 que vous me disiez si vous connaissez le nom du mari d'Ilonka Novak ?
6 R. Je crois que c'est Veljko Novak.
7 Q. Merci. Vous avez dit aujourd'hui qu'au matin, je ne vais pas vous poser
8 de questions au sujet de l'heure exacte parce que je vois que vous avez des
9 difficultés à répondre à ce type de questions. Vous dites qu'au matin, un
10 soldat est venu frapper à votre porte, il vous a dit que tous les membres
11 du personnel médical devaient se réunir dans la salle des pansements; est-
12 ce bien exact ?
13 R. Oui.
14 Q. Vous nous avez expliqué qu'il y avait là un certain nombre de
15 personnes, enfin, de mémoire. Ma question est la suivante : avez-vous vu le
16 Dr Bosanac dans la salle des pansements ?
17 R. Non, je ne l'ai pas vu.
18 Q. Est-ce que vous y avez vu le Dr Njavro ?
19 R. Je ne crois pas mais je ne m'en souviens pas.
20 Q. Est-ce que vous avez vu le Dr Ivankovic ?
21 R. Dans la salle des pansements ? Je ne peux pas confirmer l'avoir vu.
22 Q. Vous avez dit l'avoir vu plus tard. Vous ne vous souvenez pas l'avoir
23 vu dans la salle des pansements. Le Dr Njavro, est-ce que vous vous
24 souvenez l'avoir vu plus tard tout comme le Dr Ivankovic ?
25 R. Non.
26 Q. Vous nous avez relaté la manière dont votre mari est arrivé. Vous dites
27 que vous avez quitté la pièce et que votre mari vous a dit : "Alors que
28 vous êtes enfermées là, ils sont en train de nous emmener." Il vous a
Page 2754
1 également demandé la clé de la pièce pour qu'il puisse aller récupérer sa
2 veste. D'après ce que vous avez dit, il me semble que vous n'étiez pas
3 enfermées dans cette pièce puisque vous avez pu la quitter, vous l'avez
4 quittée avec Mme Selebaj. Vous n'étiez pas enfermées à clé dans cette
5 pièce.
6 R. Non, on n'était pas enfermé à clé.
7 Q. Vous pouviez sortir quand vous le souhaitiez ?
8 R. Oui. Je suis allée jusqu'à la porte et je me tenais dans l'encadrement
9 de la porte. J'ai parlé avec mon mari. On pouvait effectivement entrer et
10 sortir et j'ai pu le faire.
11 Q. Vous dites que votre mari vous a demandé de lui donner la clé de la
12 pièce pour qu'il puisse aller récupérer sa veste. Avez-vous dit qu'il avait
13 rendu sa blouse blanche ? Je n'ai pas très bien compris.
14 R. Il a dit qu'il voulait aller chercher sa veste. Je ne sais pas s'il a
15 enlevé la blouse et s'il l'a laissée là, parce que je ne l'ai pas vue plus
16 tard.
17 Q. Quand vous avez revu votre mari par la suite, est-ce qu'il portait sa
18 veste ou la blouse blanche ?
19 R. Sa veste.
20 Q. Il n'avait pas la blouse blanche à la main, il ne la portait pas non
21 plus, il n'en était pas vêtu.
22 R. Non, je ne l'ai pas vue.
23 Q. Il m'avait semblé que vous aviez déclaré qu'il vous avait dit qu'il
24 allait rendre la blouse blanche, mais vous ne vous en souvenez pas ?
25 R. Non. On n'a pas parlé très longtemps. Il m'a simplement demandé la clé.
26 Je la lui ai remise. Il a dit qu'il allait se changer, qu'il allait prendre
27 sa veste. Il a dit : "Vous, vous êtes enfermées dans la salle des
28 pansements, pendant que nous, on nous emmène." Nous n'avons parlé de rien
Page 2755
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 2756
1 d'autre.
2 Q. Merci. Vous avez eu des difficultés à nous parler de la crainte que
3 vous avez ressentie à ce moment-là. Pouvez-vous nous parler de cette
4 crainte qui était la vôtre ? J'imagine que vous-même et votre mari vous
5 n'aviez aucune raison d'avoir peur de la JNA, puisqu'à l'époque, c'était
6 l'armée de la Yougoslavie, n'est-ce pas ?
7 R. J'étais inquiète. Je me demandais ce qui allait nous arriver, où on
8 allait aller. Je ne peux pas vous dire comment il se fait que j'éprouvais
9 tous ces sentiments. J'ai simplement pensé, on est là tous les deux, nos
10 enfants ne sont plus avec nous, j'ignorais où ils étaient. Ce qui était en
11 train de leur arriver. Ce n'était pas facile pour moi de quitter ainsi mes
12 enfants et de continuer à travailler. Je n'ai cessé de me dire : "Bon, j'ai
13 déjà un certain âge, je ne suis pas sûre de pouvoir trouver un travail
14 ailleurs, donc il faut que je continue à travailler ici pendant toute la
15 guerre parce qu'il faut bien que je survienne à mes besoins. Il faut bien
16 que je me fasse une retraite." C'est pour cela que j'ai continué à
17 travailler à l'hôpital.
18 Q. Madame, merci. Veuillez vous calmer. Ce n'était nullement mon intention
19 quand je vous ai posé cette question de vous bouleverser ainsi. Je voulais
20 simplement avoir de votre part une explication.
21 R. Oui. On était séparé. Les membres de notre famille étaient séparés.
22 Q. Je voudrais vous poser simplement une autre question. Est-ce qu'il
23 circulait des rumeurs sur la propagande ? Enfin, est-ce qu'il y avait de la
24 propagande qui circulait ? Est-ce que vous avez entendu quoi que ce soit
25 qui soit à l'origine de la peur qui était la vôtre ?
26 R. Non, personne ne m'a rien dit. Simplement, quelque chose, un sentiment
27 qui est né en moi, personnellement.
28 Q. Merci. Est-ce que peut-être à l'époque vous avez entendu dire que la
Page 2757
1 veille un groupe de 200 personnes, à Mitnica, s'était rendu sans aucun
2 problème ?
3 R. J'en ai entendu parler plus tard à Zagreb. On était en train de parler
4 de ce qu'on avait vécu à Vukovar.
5 Q. Merci. Vous nous avez parlé de l'autocar dans lequel vous avez vu votre
6 mari. Est-ce que cela s'est passé après le retour du bus ou est-ce que ce
7 car est resté là tout le temps ou est-ce qu'il est revenu après votre
8 intervention ?
9 R. Je crois qu'il est revenu après l'intervention dont je vous ai parlé.
10 Q. Vous avez parlé d'un dénommé Bogdan, est-ce que c'était le Bogdan qui,
11 avant la guerre, travaillait à l'hôpital ?
12 R. Oui.
13 Q. Merci. Vous dites que vous êtes allés vers les autocars qui
14 attendaient. Vous étiez à cet endroit en compagnie de votre mari. Il y
15 avait là d'autres personnes déjà. Il s'agissait de membres du personnel et
16 d'autres membres de leurs familles. Est-ce qu'il y avait d'autres membres
17 du personnel qui emmenaient les membres de leurs familles vers ces autocars
18 quand vous-même vous avez quitté l'hôpital ?
19 R. Je ne peux pas vous dire combien il y avait de membres des familles. Je
20 n'ai pu reconnaître que les membres du personnel parce qu'ils étaient déjà
21 dans les autocars avec mon mari. Je suis venue dans l'un des derniers
22 autocars parce que je l'attendais. J'essayais de le sauver. Je voulais
23 qu'on soit ensemble quoiqu'il arrive. L'heure tournait. Il y avait déjà
24 beaucoup de gens qui étaient montés à bord des autocars sans que je l'aie
25 vu.
26 Q. Merci. Quand ces bus sont partis, vous nous en avez déjà parlé. Vous
27 nous avez expliqué quelles étaient les rues qu'avait empruntées l'autocar.
28 J'imagine que vous avez pu voir où vous vous dirigiez. Si j'ai bien
Page 2758
1 compris, vous avez pris la direction de la Croatie ?
2 R. Le bus est revenu de l'hôpital vers la partie orientale de la Croatie.
3 On pouvait aller à Zagreb en passant par l'ouest, par le village de Nustar,
4 à une vingtaine de kilomètres. C'est par là qu'on pouvait passer pour aller
5 en Croatie. Non, on ne nous a pas fait tourner dans les rues.
6 Q. J'ai bien compris mais j'avais cru comprendre que vous aviez déclaré
7 que les bus étaient déjà partis dans cette direction ?
8 R. Depuis Velepromet, le bus a tourné à droite vers la route qui mène à
9 Petrovci, et dans le grand virage, là où la route est très, très large,
10 l'autocar a fait demi-tour. Ils ont dit qu'il fallait en Serbie parce que
11 Tudjman ne voulait pas nous accepter.
12 Q. Merci. Ce que je voulais savoir, c'est où l'autocar avait rebroussé
13 chemin. Est-ce que quelqu'un est intervenu ? Est-ce que quelqu'un a dit
14 quelque chose ? Vous dites ce que vous venez de nous dire, c'est-à-dire
15 qu'apparemment, la Croatie, Tudjman ne voulait pas de vous.
16 R. Les bus se sont arrêtés près de l'usine de textile. On a vu des femmes
17 emprisonnées. Je ne peux pas vous dire qui a déclaré que la Croatie ne
18 voulait pas de nous. Je ne peux pas décrire la personne qui a dit cela mais
19 on se le disait. Les autocars sont retournés à Negoslavci, puis à Orolik, à
20 partir d'Orolik, j'ai déjà dit Tovarnik Sid, Sremska Mitrovica.
21 Q. Merci. J'attends que vos propos soient consignés au compte rendu
22 d'audience.
23 Avant de prendre la direction que vous venez de nous indiquer, vous avez
24 parlé de Petrovci. Est-ce que c'était la route de Vinkovci, à ce moment-
25 là ?
26 R. Si on était allé à Petrovci, on serait arrivé finalement à Vinkovci,
27 cela aurait été plus près que Sremska Mitrovica.
28 Q. Merci. Si j'ai bien compris, vous dites qu'à Sremska Mitrovica, vous
Page 2759
1 vous êtes arrêtés devant un centre sportif mais qui était bondé. Vous
2 n'avez pas pu y rester.
3 R. C'est exact. On est descendu du bus. On est entré dans le gymnase. Il y
4 avait beaucoup de monde, trop de monde. On nous a fait rebrousser chemin.
5 Je ne sais pas qui mais on nous a dit : "Retournez au bus." C'est qu'on a
6 fait. J'ai entendu dire que c'était une sorte de détention. Je ne sais pas
7 exactement de quel type. C'était la nuit. Je n'ai pas vraiment fait
8 attention. On est resté assis dans le bus toute la nuit.
9 Q. Si j'ai bien compris, il n'y avait pas suffisamment de place pour vous.
10 Vous avez passé la nuit dans les autocars et au matin, vous êtes repartis.
11 R. Oui. Le lendemain matin, quand on a repris la route, avant on est allé
12 aux toilettes dans le bâtiment. Il y avait des gens en bas. J'ignore
13 vraiment qui étaient ces gens. En bas, il n'y en avait pas beaucoup.
14 Q. Vous n'avez pas reconnu ces gens ?
15 R. Non mais c'est là qu'est morte la mère de l'infirmière Biba.
16 Q. Je crois que le compte rendu d'audience ne reprend pas une phrase que
17 vous avez prononcée. Vous dites que vous avez vu des gens qui étaient
18 étendus sur des brancards, n'est-ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Vous avez également dit que ces autocars sont d'abord entrés en Bosnie.
21 C'est là qu'on vous avait changés de bus, n'est-ce pas ?
22 R. Je pense qu'on est passé par la Bosnie et c'est ce qu'ils nous ont dit.
23 Vous dire si c'est le territoire de la Bosnie ou encore de la Serbie ou
24 d'un autre territoire, je ne sais pas. On nous a dit que c'était la Bosnie.
25 C'est là qu'on est descendu de l'autocar dans lequel on était arrivé, puis
26 on est monté à bord d'autres autocars.
27 Q. Merci. Vous avez bien expliqué tout cela et vous dites qu'il n'y a pas
28 eu d'échanges à cet endroit. Je vais cependant vous demander la chose
Page 2760
1 suivante : personne n'est monté dans les autres autocars où vous êtes vous-
2 même montée pour reprendre votre place. Les autocars, dans lesquels vous
3 avez embarqué, vous attendaient. Ils étaient vides.
4 R. Oui. Ils étaient vides et je ne sais pas ce qu'il en est advenu des
5 autocars que nous avons laissés. Je ne sais pas s'ils sont restés sur place
6 ou s'ils sont repartis. Je ne sais pas.
7 Q. Merci beaucoup. Nous en avons terminé de ce point.
8 Madame Bucko, j'aimerais maintenant vous poser une question au sujet
9 de la vie à l'hôpital et à Vukovar avant tous ces événements. Vous dites
10 que vous habitiez à Sajmiste, n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 Q. Est-ce que c'était une partie de la ville où il y avait un grand nombre
13 de familles croates et serbes ?
14 R. Dans mon quartier, dans ma rue, il y avait pas mal de Serbes, peut-être
15 pas la moitié mais en fait, il y a certains endroits où ils constituaient
16 même la majorité.
17 Q. C'est le nombre de statistiques dont je dispose aussi.
18 R. Je peux même vous donner leurs noms si vous le souhaitez.
19 Q. Merci. Puisque vous nous dites que vous les connaissez personnellement,
20 j'imagine que vous aviez des relations avec ces gens. Quelle était la
21 nature de vos relations avec vos voisins serbes dans les années 1990 ou
22 jusqu'en 1991 ?
23 R. Jusqu'aux événements de Borovo Selo, on avait des relations
24 excellentes. On se parlait. On se fréquentait. Puis avec Borovo Selo, ils
25 ont commencé à nous éviter. Ils ont cessé de nous parler. Ces contacts se
26 sont faits plus rares. Ils se sont mis à s'en aller et à quitter leurs
27 maisons.
28 Q. Ce qui explique ce changement parce que si on revient sur Borovo Selo,
Page 2761
1 je me souviens de ce qui s'est passé le 2 mai 1991 avec un conflit armé au
2 cours duquel, c'est un policier croate qui a été tué, n'est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Q. A partir de cet incident, vous nous avez expliqué que les familles
5 serbes vivaient dans la crainte et que beaucoup d'entre elles se sont en
6 allées, si j'ai bien compris ?
7 R. Je ne sais pas s'ils avaient peur. A la fin de l'année scolaire, un
8 enseignant, plutôt deux enseignants qui habitaient dans notre rue sont
9 partis en Serbie avec leurs enfants.
10 Q. Est-ce que ces gens sont revenus ? Est-ce que vous vous en souvenez ?
11 R. Je ne les ai jamais revus.
12 Q. Vous parlez de personnes qui s'en allaient pendant longtemps, mais ceux
13 qui avaient un emploi, est-ce qu'ils ont simplement quitté leur emploi ?
14 Est-ce que vous vous souvenez de cas de ce genre à l'hôpital où vous
15 travailliez ?
16 R. Le Kombinat de Borovo continuait à fonctionner, mais moins bien. Il y a
17 un jour en septembre, je ne me souviens pas exactement du jour, mais ce
18 jour-là, une de mes collègues qui travaillait dans le service de
19 stérilisation est partie, elle est partie en Croatie. Je ne sais pas
20 pourquoi elle est partie. Je ne peux pas vous le dire.
21 Q. Merci. Ma question était une question de portée générale. Je voulais
22 savoir si c'était un phénomène généralisé. Avez-vous remarqué que certaines
23 personnes ne venaient plus travailler ? Est-ce que l'hôpital a rencontré
24 des difficultés sur ce point ? Est-ce que le directeur de l'hôpital de
25 l'époque a été confronté à certaines difficultés de ce faire ?
26 R. Je viens de vous dire qu'il y a des collègues qui sont partis; il y en
27 a une qui est partie avant, l'autre après. Je ne peux pas vous parler des
28 autres. Je ne peux vous parler que de mes collègues au service de
Page 2762
1 stérilisation, qui étaient chargés de la stérilisation à l'hôpital. Magda
2 Cerevic et Ilonka Novak sont venues les remplacer.
3 Q. Qui était à la tête de l'hôpital avant le Dr Bosanac ?
4 R. Je crois que c'était le Dr Rade Popovic qui était directeur, mais je
5 n'en suis pas sûre à 100 %. Je crois que c'était lui.
6 Q. Je crois que vous avez raison. Mais est-ce que vous vous souvenez que
7 celui qui était directeur avant Mme Vesna Bosanac, vous souvenez-vous qu'il
8 a été remplacé, qu'il a eu des problèmes avec les autorités justement parce
9 qu'il a accordé des congés à beaucoup de ses employés qui avaient cessé de
10 travailler ? Est-ce que vous en avez entendu parler ?
11 R. Je n'en ai pas entendu parler. J'ai seulement entendu parler du Dr
12 Stanimirovic qui était là avant Mme Bosanac. J'ai entendu dire que le Dr
13 Rade Popovic était parti au Monténégro. Voilà ce que j'ai entendu dire.
14 Mais je ne sais pas où il est allé.
15 Q. En ce qui vous concerne, personnellement, qui était votre supérieur ?
16 R. Vous voulez dire dans le service de chirurgie ?
17 Q. Oui.
18 R. Le Dr Ivankovic. Ensuite, quand la guerre a éclaté, c'est le Dr Njavro
19 qui était responsable de tout. Il a beaucoup travaillé, il a fait des
20 opérations, et cetera.
21 Q. D'abord, le Dr Ivankovic et ensuite, le Dr Njavro.
22 R. Oui, c'est ce que j'ai entendu dire. Le Dr Ivankovic était à la tête du
23 service quand le Dr Sokacic a pris sa retraite. C'est à ce moment-là qu'il
24 a pris la tête du service.
25 Q. Est-ce que le Dr Ivankovic est resté à l'hôpital pendant toute la
26 guerre ? Est-ce qu'il a réalisé des opérations comme les autres médecins ?
27 R. Oui.
28 Q. Est-ce que cela est valable pour les autres docteurs ou plutôt, les
Page 2763
1 autres chirurgiens ?
2 R. Oui. Le Dr Manojlovic, le Dr Stanojevic, le Dr Njavro, le Dr Ivankovic.
3 Q. Merci. Pouvez-vous me dire ce qu'il en était des dossiers des patients
4 à l'époque ? Comment étaient-ils conservés et tenus, je parle des
5 registres, toutes ces sortes de choses. Que pouvez-vous m'en dire ?
6 R. Il y avait un employé, Vera Graf, qui était chargé des dossiers avec
7 Mme Biba, l'infirmière. Vous parlez de la manière exacte dont ils s'y
8 prenaient, comment ils rédigeaient les dossiers, et cetera, je n'en sais
9 rien, je n'étais pas là. Je ne peux pas vous répondre. Mais je sais que
10 c'étaient eux qui étaient chargés des archives, des dossiers. Je ne sais
11 pas dans combien de temps ils ont fait cela, non plus.
12 Q. Pouvez-vous nous dire à quoi ressemblaient ces registres, ces notes
13 courantes, la manière dont les registres étaient tenus ? Vous avez sans
14 doute des informations, vous avez sans doute participé.
15 R. Ces registres, ils étaient tenus à la clinique, dans le service de
16 chirurgie où se trouvaient les bureaux de l'administration. Je me tenais le
17 plus souvent dans le service de stérilisation au rez-de-chaussée, là où il
18 y a les couloirs et l'abri antiatomique. Parfois, j'allais à la clinique
19 pour aider. Mais je ne participais pas à d'autres activités.
20 Q. Pendant le conflit, je suppose qu'il a dû y avoir un nombre de plus en
21 plus important de blessés qui ont été amenés à l'hôpital ?
22 R. Oui.
23 Q. Je suis sûr qu'il y avait des blessés civils, mais ce qui m'intéresse,
24 ce sont les blessés militaires, les soldats. Est-ce qu'il y a eu des
25 membres du ZNG blessés ou de la police croate qui ont été amenés à
26 l'hôpital ou de la JNA ou d'une autre formation ?
27 R. Notre hôpital admettait tous les blessés, toutes les personnes
28 blessées, sans qu'il soit tenu compte de leur origine ethnique ou de leur
Page 2764
1 appartenance politique. Nous les admettions et nous les soignions. Par la
2 suite, lorsqu'il n'y a plus eu de place à l'hôpital, ceux qui étaient
3 légèrement blessés étaient transférés à Borovo Komerc.
4 Q. Est-ce que vous avez été personnellement en contact ou est-ce que vous
5 avez été en mesure d'être en contact avec ces blessés ou à cause de la
6 nature de votre travail, vous n'étiez pas en mesure d'avoir des contacts
7 avec eux ?
8 R. Etant donné la nature de mon travail, j'avais moins de contacts avec
9 les blessés que mes collègues.
10 Q. Avez-vous pu voir s'il y a eu des cas de ce genre, qu'il y avait des
11 hommes armés qui gardaient certains patients ou certains blessés ? Je veux
12 parler plus particulièrement de blessés qui étaient membres de la JNA.
13 R. Non, je ne serais pas en mesure de vous dire cela parce que je n'ai
14 rien vu de la sorte.
15 Q. Quand vous dites que vous n'avez pas vu cela, est-ce que c'est parce
16 que vous aviez très peu de contact avec les blessés, compte tenu de votre
17 travail dans le service de stérilisation ?
18 R. Je vous ai dit comment étaient les choses.
19 Q. Vous rappelez-vous si l'hôpital avait du personnel chargé de la
20 sécurité ? Y avait-il des fonctionnaires de la sécurité, soit à
21 l'extérieur, soit à l'intérieur ?
22 R. Je ne serais pas en mesure de vous le dire. Je ne participais pas à
23 cela. Cela ne m'intéressait d'ailleurs pas. Personnellement, je travaillais
24 à l'intérieur du bâtiment et je ne pourrais pas vous dire ce qui se passait
25 à l'extérieur du bâtiment. Je ne sortais pas fréquemment.
26 Q. Savez-vous si l'hôpital avait des lignes téléphoniques donnant sur
27 l'extérieur, le monde extérieur et si ces lignes ont été coupées, savez-
28 vous quand ?
Page 2765
1 R. Je sais que les lignes téléphoniques fonctionnaient, mais jusqu'à quel
2 moment, je ne serais pas capable de vous le dire parce que cela ne faisait
3 pas partie de mon travail.
4 Q. Avez-vous eu l'occasion d'entrer dans la pièce qui était le bureau de
5 votre directeur de l'hôpital, le Dr Vesna Bosanac ? Est-ce que vous y avez
6 passé un certain temps ?
7 R. Oui. Mais ce n'était pas nécessaire et cela ne m'intéressait pas. Il
8 n'y avait aucune raison pour moi d'entrer dans ce bureau et d'y passer du
9 temps. J'ai fait mon travail de mon mieux. Je ne me suis pas préoccupée des
10 affaires des autres.
11 Q. Je vous ai demandé si vous étiez entrée dans cette pièce et si vous y
12 êtes entrée, si vous pouvez vous rappeler quels objets il y avait dans
13 cette pièce.
14 R. Je ne me souviens pas.
15 Q. Nous venons de parler des relations, des rapports, vous avez dit
16 qu'elles s'étaient détériorées après l'incident de Borovo Selo.
17 Immédiatement avant cet incident, est-ce qu'on avait commencé à élever des
18 barrages dans certains villages autour de Vukovar ?
19 R. Je ne saurais dire quoi que ce soit à ce sujet.
20 Q. Lorsque vous dites que vous ne pouvez rien nous en dire, est-ce que
21 c'est parce que vous ne vous en souvenez pas ? Est-ce que vous vous
22 rappelez que des personnes parlaient du fait qu'il y avait des barrages qui
23 les empêchaient de circuler d'un endroit à l'autre ?
24 R. Je me rappelle que des gens en ont parlé. Quant à savoir qui se
25 trouvait à ces barrages ou barricades et où on les avait élevés, je ne le
26 sais pas.
27 Q. Bien. Je vous remercie. Vous nous avez dit que vous bougiez très peu,
28 que vous alliez et veniez très peu. Vous avez dit que vous n'aviez pas
Page 2766
1 quitté Vukovar du tout, que vous vous déplaciez seulement entre votre
2 maison et l'hôpital et par la suite, que vous étiez restée à l'hôpital de
3 façon constante.
4 R. Oui, c'est vrai.
5 Q. Est-il vrai que le quartier où vous viviez, qui s'appelait Sajmiste,
6 était très proche ou relativement proche de la caserne de la JNA à
7 Vukovar ?
8 R. Oui, c'est exact. Je ne sais pas quelle était la distance, mais ma rue
9 est proche de la caserne.
10 Q. Savez-vous qu'à un moment au cours de cette période, avant l'événement
11 du 25 août, il y a eu des problèmes concernant la caserne, que la caserne
12 avait été encerclée, que l'eau et l'électricité avaient été coupées ? Est-
13 ce que vous avez entendu parler de cela à votre travail ?
14 R. Non.
15 Q. Est-ce que vous avez entendu dire que pendant cette période, et là, je
16 veux me référer également à la période qui précède l'incident de Borovo
17 Selo et après cela, il y a eu des cas où on a fait sauter des maisons à
18 l'explosif, où on a incendié des maisons et où le stand de journaux de
19 Borba a explosé, on l'a fait sauter ?
20 R. On en a parlé. Les gens ont dit que le stand de journaux de Borba et
21 Vjesnik ont également sauté et que toutes sortes de stands de journaux
22 étaient minés, et qu'on les faisait sauter. Je ne sais pas qui l'a fait,
23 toutefois.
24 Q. Lorsque vous dites que les deux types de stands de journaux, on les a
25 faits sauter, qu'est-ce que vous aviez à l'esprit ? Vous voulez dire que ce
26 n'était pas juste celui de Borba, mais qu'il y en avait également eu
27 d'autres ?
28 R. Il y avait le stand de journaux de Vjesnik. C'est vous-même qui avez
Page 2767
1 parlé du centre de journaux de Borba. C'est la raison pour laquelle j'ai
2 parlé des deux stands de journaux, Vjesnik était le journal croate du soir
3 et nous avions également Vecernje et Borba.
4 Q. C'est précisément pourquoi cela que je vous ai posé cette question
5 parce qu'il se peut que la Chambre de première instance ne soit pas au
6 courant.
7 Qu'en est-il des maisons qu'on a fait sauter ? Est-ce qu'il était
8 très facile de savoir qui en étaient les propriétaires, n'est-ce pas ?
9 R. En rentrant chez moi du travail, je pouvais voir qu'il y avait déjà un
10 certain nombre de maisons qui avaient été détruites, tant dans ma rue que
11 dans d'autres rues. Mais indépendamment de savoir à qui appartenait ces
12 maisons, si elles appartenaient à un Serbe ou à un Croate, lorsqu'un obus
13 atterrissait ou un autre type d'explosif tombait sur ces maisons, elles
14 étaient détruites quels qu'aient été leurs propriétaires.
15 Q. Oui. Je comprends cela quand on en vient à la question du bombardement
16 ou du pilonnage, mais ce n'est pas dans ce sens-là que je voulais dire les
17 choses. Ma question avait trait à une période bien avant que le
18 bombardement de Vukovar ne commence. Ceci avait trait à la période avant
19 cela, alors que vous viviez encore ensemble, disons, dans des circonstances
20 normales. C'était l'époque où ces stands de journaux ont été détruits,
21 ainsi que des maisons et ainsi de suite. Maintenant, je veux parler des
22 maisons qu'on a fait volontairement sauter.
23 R. Je viens de vous le dire en ce qui concerne les stands de journaux et
24 les maisons et je ne peux rien vous dire de plus. Je ne sais pas si les
25 gens sont venus pour faire sauter ces maisons.
26 Q. Bien. Madame, est-ce que vous savez qui était Tomislav Mercep ?
27 R. J'en ai entendu parler. Je ne le connais pas. Je l'ai vu seulement
28 lorsque je suis arrivé à Zagreb.
Page 2768
1 Q. Savez-vous quel était son poste à Vukovar ?
2 R. D'après ce que j'ai entendu dire, il avait pris la tête de la Défense
3 territoriale et l'avait organisée. Je ne sais pas si ceci est vrai.
4 Q. Avez-vous entendu dire que pendant cette période, lorsqu'il a organisé
5 la Défense territoriale, des rumeurs ont fait état du fait que certaines
6 personnes avaient disparu, qu'elles avaient été ou tuées ou qu'elles
7 avaient simplement disparu ? Est-ce que vous vous rappelez qu'on a parlé de
8 cela ?
9 R. Je ne peux pas le confirmer.
10 Q. Quand vous dites que vous ne pouvez pas le confirmer, cela veut-il dire
11 que vous ne vous en souvenez pas, vous ne vous souvenez pas d'avoir entendu
12 quelque chose de cette nature ?
13 R. Je ne me rappelle pas avoir entendu quoi que ce soit de ce genre et je
14 n'en ai pas discuté avec qui que ce soit de façon approfondie. Je vous ai
15 dit, un peu plus tôt, que je me concentrais sur ce qui concernait ma
16 maison, ma famille et mon travail qui était censé assurer ma pension de
17 vieillesse.
18 Q. Bien. Je vous remercie. Maintenant, vous avez mentionné votre maison et
19 vous nous avez dit qui vivait dans ce quartier, veuillez nous dire : est-ce
20 que vous vous entendiez bien avec vos voisins, en particulier, vos voisins
21 serbes ? Est-ce que vous aviez eu des problèmes avant le conflit ?
22 R. Non, je n'avais pas de problèmes.
23 Q. Dans la déclaration que vous avez faite aux enquêteurs, vous avez dit
24 qu'outre ce que faisait votre mari et dont vous nous aviez parlé, il était
25 également membre de la police militaire. Or, aujourd'hui, vous n'avez pas
26 mentionné cela. Pourriez-vous nous dire quand c'était ?
27 R. Lorsqu'ils l'ont emmené de l'hôpital, il est revenu et il a dit qu'il
28 allait à la police militaire. Maintenant, savoir s'il y est véritablement
Page 2769
1 allé ou non, je ne le sais pas. Qu'il appartenait à la police militaire, je
2 ne sais pas qui organisait la police militaire.
3 Q. Mais vous faites bien référence, de façon très certaine, à la police
4 militaire qui existait au sein du Corps de la Garde nationale, le ZNG ?
5 R. C'est exact.
6 Q. Bien. Précisons et clarifions ce point. Vous êtes maintenant en train
7 de parler de la période pendant laquelle il est allé au château d'Eltz ?
8 R. Oui.
9 Q. Bien. Je vous remercie, Madame Bucko. Je vous remercie de vos réponses.
10 Je n'ai pas d'autres questions à vous poser. Je vous remercie.
11 M. DOMAZET : [interprétation] En anglais, je vous remercie, Monsieur le
12 Président, Madame, Monsieur les Juges. J'ai terminé mon contre-
13 interrogatoire.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Maître
15 Domazet.
16 Je pense que nous pourrions faire la chose habituelle, Maître
17 Borovic, à savoir, suspendre la séance maintenant afin que vous puissiez
18 commencer juste après la suspension de séance.
19 Nous allons suspendre la séance et nous reprendrons à 1 heure moins
20 20. La séance est suspendue.
21 --- L'audience est suspendue à 12 heures 14.
22 --- L'audience est reprise à 12 heures 44.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Borovic, c'est à vous.
24 M. BOROVIC : [interprétation] Merci.
25 Contre-interrogatoire par M. Borovic :
26 Q. [interprétation] Bonjour, Madame le Témoin. Mon nom est Borivoj
27 Borovic. Je suis conseil de la Défense pour Miroslav Radic.
28 Ma première question, Madame, concerne le quartier où vous viviez tout au
Page 2770
1 long de cette période. Vous avez dit que pratiquement la moitié des maisons
2 appartenaient à des Serbes; est-ce exact ?
3 R. Oui.
4 Q. Est-ce que la majorité des gens ont quitté leurs maisons pendant cette
5 période ?
6 R. L'enseignant Milicevic l'a fait, Radicic, Vracaric. Mme Guzic est allée
7 retrouver sa fille à Belgrade. Sa fille s'appelle Milica.
8 Q. Madame, je n'étais pas sur le point de vous demander de me donner tous
9 ces noms. Je voulais simplement savoir si la majorité de ces personnes
10 avaient quitté leurs maisons dans cette période qui précède le mois de
11 novembre. Est-ce que vous le savez, cela ?
12 R. Je pense que oui, je pense que oui.
13 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous leur avez parlé avant qu'ils ne
14 quittent leurs domiciles ?
15 R. Non.
16 Q. Merci. Vous avez dit que votre mari était membre du ZNG, le Corps de la
17 Garde nationale et membre de la 204e Brigade; est-ce exact ?
18 R. Oui. Ils ont dit que c'était cela le nom de cette unité.
19 Q. Je vous remercie. Vous avez dit que dans presque toutes les rues, les
20 gens étaient organisés et prenaient des tours de garde. Pendant quelle
21 période ? C'était à quel moment ?
22 R. C'était en juillet, mais je ne pourrais pas vous dire les dates
23 précises.
24 Q. Bien, merci. Savez-vous qui procurait des armes pour ceux qui montaient
25 la garde ?
26 R. Je ne sais pas.
27 Q. Merci. Vous avez dit que dans presque toutes les rues, dans divers
28 quartiers, il y avait des gens qui montaient la garde; est-ce exact ?
Page 2771
1 R. Oui. Dans différents quartiers, oui. Sajmiste avait leur garde. Mitnica
2 avait leur garde. Ces gens s'organisaient dans différents quartiers.
3 Q. Bien. Quand avez-vous appris le fait, que dans différents quartiers,
4 ceci était organisé ?
5 R. Dans notre rue, quand ils ont commencé à s'organiser, lorsqu'ils ont
6 demandé à des gens de les rejoindre, c'est à ce moment-là que je l'ai
7 appris. C'était vers la mi-juillet ou à la fin de juillet. Je n'en suis pas
8 sûre.
9 Q. Bien. Vous avez dit qu'ils avaient commencé à réunir des gens, les gens
10 de la protection civile qui prenait cette initiative ?
11 R. Les gens de telle ou telle rue allaient de porte à porte, pour demander
12 que des volontaires viennent et qu'on puisse les organiser.
13 Q. Bien. Connaissez-vous les noms de ceux qui voulaient organiser ces
14 choses ? Est-ce que votre mari en faisait partie ?
15 R. Non, mon mari ne faisait pas partie des organisateurs. Il a été invité
16 à se joindre au groupe et à donner son accord.
17 Q. Je vous remercie. Puisque vous viviez ensemble, savez-vous qui l'a
18 invité à joindre et quand ?
19 R. Je ne suis pas en mesure de dire qui a été la première personne qui a
20 commencé à organiser les choses dans notre communauté locale. De toute
21 façon, je ne veux pas donner de noms parce que je ne suis pas sûre.
22 Q. Bien, merci Madame. Lorsque votre mari a rejoint ce groupe, est-ce
23 qu'il a également rejoint la 204e Brigade ou est-ce que c'est seulement
24 plus tard ?
25 R. Ecoutez. Je ne peux pas vous confirmer quand le Corps de la Garde
26 nationale a été fondé ou la 204e Brigade. Ce n'est qu'à Zagreb que j'ai
27 entendu dire que la Brigade portait ce chiffre de 204e. Mais je ne peux
28 vous dire ni la date, ni le mois à laquelle elle a été créée.
Page 2772
1 Q. Bien. Vous avez dit que lorsque votre mari était venu vous rendre
2 visite à l'hôpital, ils l'avaient emmené de là. C'est à ce moment-là que
3 vous avez appris de lui qu'il allait être membre de la police militaire;
4 est-ce exact ?
5 R. Oui.
6 Q. Ceux qui l'ont emmené, étaient-ils en uniforme ?
7 R. Non. Ils portaient des vêtements civils. C'est comme cela qu'ils sont
8 venus à l'hôpital et ils ont emmené plusieurs de nos maris.
9 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous rappelez s'ils avaient des armes ?
10 R. Je ne sais pas. Nous étions dans ce couloir là-bas dont je vous ai
11 parlé tout le temps, qui était au service de stérilisation.
12 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous avez vu le moment où ils ont été
13 emmenés ou pas ?
14 R. Oui. Je l'ai vu parce que le moment était très difficile pour moi,
15 puisque j'ai vu emmener mon mari. Néanmoins, il a fallu qu'il parte.
16 Q. Je vous remercie. Est-ce que cela veut dire qu'il n'est pas parti
17 librement ou est-ce que vous avez dit qu'ils l'ont forcé de partir ?
18 R. Lorsqu'ils sont venus le chercher, lorsqu'ils en ont emmené plusieurs,
19 ils sont partis, personne n'a demandé : "Est-ce que vous êtes d'accord ou
20 pas d'accord ?" En tous les cas, je n'ai rien entendu de la sorte.
21 Q. Etait-il opposé à l'idée de partir ? Est-ce qu'il voulait rester ?
22 R. J''étais opposée à cela.
23 Q. Et votre mari ? J'espère qu'il avait son mot à dire aussi.
24 R. Oui, mais en fait, je ne peux vraiment pas vous dire comment cela s'est
25 passé pour lui à ce moment-là.
26 Q. Je vous remercie. Les autres maris qui ont été emmenés, est-ce que vous
27 rappelez des noms ?
28 R. Stanek, Behlic, mon mari, je ne peux pas m'en rappeler d'autres.
Page 2773
1 Q. Je vous remercie. Combien approximativement il y en avait-il ? Quel
2 nombre, pas les noms ?
3 R. Je ne pense pas qu'il y avait tant que cela à l'époque. Je ne crois pas
4 qu'un trop grand nombre ait été emmené.
5 Q. Je vous remercie. Lorsqu'ils les ont emmenés, qu'est-ce que portaient
6 vos maris à ce moment-là ?
7 R. Mon mari portait des vêtements normaux. Je ne sais pas s'il portait des
8 jeans ou des pantalons normaux. Je ne peux pas le dire maintenant. Il
9 portait également un tee-shirt, une chemise, une veste, comme toute autre
10 personne.
11 Q. Qu'en est-il des autres maris qui se trouvaient être à l'hôpital à ce
12 moment-là ? Est-ce que peut-être eux-mêmes portaient des vêtements
13 médicaux ?
14 R. Je n'ai vu aucun vêtement de l'hôpital sur eux.
15 Q. La question précédente était : comment se fait-il qu'ils se trouvaient-
16 là précisément ce jour-là où votre mari est venu vous rendre visite ?
17 Comment est-ce que ces autres maris se trouvaient également à l'hôpital ?
18 R. Il est probable que les épouses amenaient leurs maris à l'hôpital là,
19 parce qu'ils travaillaient là et qu'ensuite ils amenaient leurs familles.
20 Q. Je vous remercie. Il faut que vous essayiez nous aider un petit peu.
21 Est-ce qu'ils étaient employés ? Comment pouvaient-ils tout simplement être
22 amenés à l'hôpital et n'y rien faire ? Je vous ai posé intentionnellement
23 cette question de façon à ne pas vous causer de confusion. Je vous ai
24 demandé s'ils portaient des vêtements du personnel de l'hôpital. Que
25 faisaient-ils là ?
26 R. Quand mon mari est venu me voir, il travaillait mais il portait des
27 vêtements civils. Il était en train de condamner les fenêtres avec des
28 planches de façon à ce que nous ne souffrions pas du froid. Notre chauffeur
Page 2774
1 Sime, lui, était en train de faire cela. Je ne sais pas s'il y avait
2 quelqu'un d'autre parce que je n'ai pas suivi ce qu'ils faisaient. Je n'ai
3 essayé pas de les suivre pour voir ce qu'ils faisaient.
4 Q. Ces maris, ces époux ont-ils fait autre chose ou est-ce qu'ils se sont
5 simplement cachés à l'hôpital, si vous me permettez de poser la question ?
6 R. Je vous permets de poser la question, mais je ne connais pas la réponse
7 et je ne peux pas vous donner de réponse. Je ne vous donnerai pas de
8 réponse.
9 Q. Je vous remercie. Lorsqu'il a été emmené, lorsqu'il est devenu un
10 policier militaire, selon vous, d'après ce que vous avez entendu dans
11 l'intervalle, est-ce que votre mari est venu vous rendre visite à
12 l'hôpital ?
13 R. Oui, il l'a fait.
14 Q. Je vous remercie. Pourriez-vous maintenant nous décrire quel était
15 l'uniforme qu'il portait ou ce qu'il portait lorsqu'il est venu vous voir ?
16 R. Non, parce qu'il portait des vêtements civils et il ne portait pas
17 d'uniforme.
18 Q. Je vous remercie. Pourriez-vous nous dire la raison pour laquelle il
19 est venu en vêtements civils s'il était policier militaire ? Quelle était
20 la raison ? Des questions de sécurité ou d'autres raisons ?
21 R. Je ne sais pas, mais je pense qu'à l'époque, il n'avait même pas
22 d'uniforme. Je ne l'ai jamais vu porter un uniforme.
23 Q. Je vous remercie. En novembre, lorsqu'il est venu vous voir, vous avez
24 dit qu'il portait un uniforme, non ?
25 R. Non, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai. Je n'ai jamais vu mon mari
26 dans un uniforme et il n'est pas venu en uniforme.
27 Q. Bien.
28 R. Il était venu portant une veste assez sale et des pantalons assez sales
Page 2775
1 et une paire de chaussures vraiment très mauvaises et d'une façon générale,
2 il était peu soigné dans sa mise.
3 Q. Je vous remercie. Puisque nous avons l'occasion d'entendre sous peu
4 votre mari, je pense que ces renseignements vont dans le sens contraire,
5 mais nous lui poserons la question.
6 R. Continuez.
7 Q. Au mois de novembre, lorsqu'il est venu pour une journée, savait-il que
8 l'évacuation allait avoir lieu ou non ?
9 R. Il m'a dit que la ville était tombée et que Stanek leur avait dit, dans
10 la matinée, de se rendre à l'hôpital, que c'était ce qu'il y avait de mieux
11 à faire et que c'était là qu'il devrait chercher un abri.
12 Q. Je vous remercie. Pourquoi est-ce que c'était le meilleur endroit pour
13 lui ? Pourquoi est-ce qu'il devait essayer d'y trouver un abri ?
14 R. Je ne peux pas le dire.
15 Q. C'est ce que votre mari vous a dit ?
16 R. C'est ce que mon mari m'a dit. Mais M. Sremac lui a dit cela,
17 probablement compte tenu du fait que j'y travaillais et probablement parce
18 qu'il avait été emmené de l'hôpital.
19 Q. Je vous remercie. Si je vous dis qu'il avait les motifs en tant que
20 membre du ZNG, ce qui est maintenant incontesté d'après ce que vous avez
21 dit, de se cacher à l'hôpital, de sorte que la JNA ne pourrait pas
22 l'arrêter, pouvez-vous confirmer cela ? Est-ce que c'est une possibilité
23 envisageable, valable ou non ?
24 R. Je ne peux pas répondre à cette question.
25 Q. Je vous remercie. Est-ce qu'à un moment quelconque, sauf pour cette
26 liste de quelque 15 ou 16 maris ou conjoints dont vous avez parlé, est-ce
27 que vous n'avez jamais demandé à l'infirmière Kolesar d'écrire le nom de
28 votre mari sur la liste d'évacuation ?
Page 2776
1 R. Oui.
2 Q. Merci. Pourquoi avez-vous fait cela, si vous saviez qu'il venait
3 d'arriver du ZNG et qu'il n'avait aucune raison de se trouver sur cette
4 liste ?
5 R. Je ne vois pas comment vous pouvez continuez de dire cela, qu'il était
6 avec le ZNG, s'il ne portait pas d'uniforme. S'il se trouvait dans notre
7 quartier, dans notre maison aussi longtemps qu'il a pu y rester, dans notre
8 rue. Ensuite, il est venu me voir à l'hôpital.
9 Q. Je vous remercie. Je soutiens cela pour la simple raison que vous-même,
10 vous avez dit qu'il était membre du ZNG. Veuillez me laisser terminer. Vous
11 avez, vous-même, dit qu'il était membre de la police militaire et quand mon
12 confrère, Me Domazet, vous a posé la question, vous avez dit qu'il
13 s'agissait de la police militaire ou du ZNG et par la suite, à Zagreb, vous
14 avez appris que la brigade à laquelle il appartenait était la 204e Brigade.
15 Ceux-ci sont des renseignements que vous nous avez fournis et c'est pour
16 cela que je vous pose la question de savoir si, en tant que policier du
17 ZNG, il a fait ce qu'il a fait. C'est pour cela que je soutiens qu'il était
18 membre du ZNG sur la base de vos propres déclarations. Poursuivons.
19 C'est une affirmation qui est basée sur ce que vous avez dit.
20 Poursuivons. Vous avez dit que sa position militaire, son
21 poste, c'était au château d'Eltz.
22 R. C'est ce qu'on disait.
23 Q. Qu'est-ce qu'il vous a dit à vous ? Qu'est-ce qu'il disait ? J'espère
24 que vous en avez parlé.
25 R. Oui. Il a dit qu'il y avait des œuvres d'art qui devaient mis à l'abri
26 de façon à être protégées et je ne sais rien d'autre.
27 Q. Je vous remercie. Est-ce qu'il vous a dit, par la suite, s'il avait
28 réussi à les mettre à l'abri, à les protéger ? Qu'est-ce qu'il avait fait,
Page 2777
1 à ce moment-là ? Cela fait 15 ans. Mais vous savez ?
2 R. Pour autant que je le sache, tout a été mis dans le sous-sol parce
3 qu'il n'était pas question de faire sortir quelque chose de ce bâtiment.
4 Ils n'ont pas véritablement réussi à le faire.
5 Q. Je vous remercie. Si je vous dis que le maire, comme vous l'avez dit,
6 de la ville de Vukovar à l'époque, avait précédemment pris une décision qui
7 était de prendre toutes ces œuvres d'art et de les retirer du château
8 d'Eltz avant qu'elles ne soient prises par le ZNG, pourriez-vous appuyer
9 cette affirmation que je viens de faire ou est-ce que vous avez
10 connaissance de la question ?
11 R. Je n'en sais rien. Je sais simplement ce dont j'ai parlé avec mon mari.
12 Q. Je vous remercie. Votre mari arrive le 19. Vous mentionnez quelques
13 personnes qui sont venues avec lui; c'est bien cela ?
14 R. Oui.
15 Q. Qu'en est-il des personnes, de ces autres personnes, est-ce qu'elles
16 appartenaient au ZNG, d'après ce que vous savez, ces personnes qui sont
17 venues ce jour-là ou plus tard ?
18 R. Je ne le sais pas.
19 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous avez demandé à votre mari comment il
20 se faisait qu'il soit venu avec ces personnes ? Ils sont venus ensemble ?
21 R. Ils sont venus ensemble. Il est venu avec ces personnes parce qu'il
22 avait été emmené avec elles de l'hôpital.
23 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous savez qui était
24 M. Kolak ? Avez-vous entendu parler de lui ?
25 R. Oui.
26 Q. Qui était cet homme ?
27 R. C'était un jeune homme d'une rue voisine qu'on appelait Patkovica. Oui,
28 je le connais.
Page 2778
1 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous savez s'ils étaient des ZNG, les fils
2 de ce M. Kolak ?
3 R. Ecoutez, je ne peux pas dire, je ne sais pas ce que c'était exactement
4 ce ZNG. On avait l'habitude d'appeler cela le Corps de la Garde nationale
5 et par la suite, la 204e Brigade. Je ne peux vraiment pas le dire.
6 Q. Madame, je vous pose la question très soigneusement. Je ne vous demande
7 pas ce que veut dire ZNG et ce que cela représente ou si la 204e Brigade
8 avait été créée. Je demande si les Kolak étaient membres d'une formation
9 militaire ou paramilitaire.
10 R. Comment voulez-vous que je puisse vous répondre ?
11 Q. Ce jour-là, le 19, quand votre mari s'est changé parce que ces
12 vêtements étaient sales, il était sale et vous avez dit qu'il s'était lavé
13 le visage. J'aimerais savoir si ces camarades qui étaient venus avec lui du
14 château Eltz, eux aussi, s'ils avaient pris un bain, s'ils s'étaient
15 changés ?
16 R. Mais il n'était pas question de prendre un bain. Ils ont juste enlevé
17 leurs anoraks ou leurs vestes. Je peux vous parler de lui, mais je ne peux
18 pas vous parler des autres car je ne sais pas.
19 Q. Merci. A cette occasion, lorsque votre époux s'est changé, les autres
20 étaient-ils présents, étaient-ils au même endroit, ceux qui avaient été
21 emmenés de l'hôpital en même temps que lui ?
22 R. Non, on n'était pas tous ensemble parce que chacune était aux côtés de
23 son époux, à différents endroits.
24 Q. Très bien. Est-ce qu'on peut en conclure que chacun de ces hommes avait
25 trouvé un poste de travail auprès de son épouse ?
26 R. Non, je ne peux pas dire que c'était le cas. Je ne peux pas dire qu'il
27 était sans arrêt avec moi pendant qu'il était à l'hôpital. Je vous ai déjà
28 dit précédemment qu'il est venu aider notre chauffeur, Sime.
Page 2779
1 Q. Excusez-moi. Je vais vous interrompre. C'était auparavant.
2 R. Oui.
3 Q. Mais le 19, c'est la journée dont je parle maintenant, ils arrivent à
4 l'hôpital et vous dites qu'ils étaient embauchés auprès de leurs épouses ?
5 R. Non, je n'ai pas dit qu'on les a embauchés là-bas. C'est vous qui
6 l'avez dit.
7 Q. Très bien. Je vous laisse nous raconter ce qu'ils faisaient.
8 R. Ce qu'ils faisaient ?
9 Q. Le 19.
10 R. Le 19, mon époux est arrivé, il était en bas, mais il n'était pas tout
11 le temps sans arrêt avec moi.
12 Q. Je vous remercie. Savez-vous quel a été le nombre de vos époux présents
13 au château d'Eltz, d'après les histoires que vous avez entendues ?
14 R. Non, je ne peux pas vous donner le nombre. Je peux vous citer quelques
15 noms, les noms que je suis prête à vous énumérer à tout moment du jour ou
16 de la nuit, à vous de choisir.
17 Q. Très bien. Je ne le souhaite pas du tout, mais je vais vous demander
18 maintenant quel était le nombre des membres de la ZNG qui étaient présents
19 là-bas ? Je ne parle pas maintenant d'époux.
20 R. Cela, je ne le sais pas.
21 Q. Très bien.
22 Pouvez-vous nous expliquer quelle est la raison pour laquelle, à un
23 moment donné, vous avez enfermé à clé votre époux ?
24 R. Je ne l'ai pas enfermé à clé. J'avais l'intention de le faire, je
25 voulais le faire et ce, pour qu'il reste là, pour que je me rende dans la
26 salle des pansements ou des plâtres avec mes collègues. Mais lui, il n'a
27 pas voulu le faire. Il est sorti.
28 Q. Je vous remercie. Pourquoi avez-vous voulu l'enfermer à clé ?
Page 2780
1 R. Comment voulez-vous que je vous cite la raison maintenant ? Je ne sais
2 pas. Cela m'est venu à l'esprit à ce moment-là, mais quelle en a été la
3 raison ? Je ne sais pas.
4 Q. Merci. Vous avez dit que vous ne saviez pas ce qui était en train de se
5 passer autour de l'hôpital. Ce que j'aimerais savoir, c'est la chose
6 suivante : y avait-il une sécurité interne de l'hôpital pendant que vous
7 étiez ? Est-ce que quelqu'un assurait votre sécurité ?
8 R. Je n'y ai pas pris part. Quant à savoir s'il y en a eu, je dois dire
9 que je ne le sais pas.
10 Q. Très bien. Pendant cette période-là, avez-vous quitté le bâtiment de
11 l'hôpital pendant ces deux ou trois mois ?
12 R. Quand je suis arrivée de chez moi et quand j'ai travaillé à l'hôpital,
13 je n'ai plus quitté l'hôpital.
14 Q. Merci. A un moment quelconque, est-ce que vous êtes allée aux étages
15 supérieurs ? Depuis la cave, êtes-vous allée à la porte d'entrée pendant
16 ces deux ou trois mois où vous étiez à l'hôpital ?
17 R. Je suis allée uniquement dans le hall de la médecine interne et je suis
18 allée dans ce couloir, j'y ai porté le matériel stérile pour qu'on puisse
19 changer les pansements des blessés.
20 Q. Merci. A cette entrée dans ce couloir, vous est-il arrivé de voir des
21 policiers en arme qui assuraient votre sécurité ?
22 R. Non, je n'en ai pas vu.
23 Q. Il n'y avait personne ?
24 R. Je suis en train de vous dire que je ne les ai pas vus parce que
25 j'arrivais en empruntant un escalier depuis le couloir, je montais et
26 j'accédais immédiatement dans le hall.
27 Q. Très bien. Très bien. Je comprends. Merci.
28 Pendant cette période-là, avez-vous remarqué ce que faisaient le Dr Vesna
Page 2781
1 Bosanac et le Dr Njavro ?
2 R. Pour ce qui est de Mme Vesna Bosanac, je ne peux rien vous affirmer à
3 son sujet parce qu'elle était à un bout du bâtiment et j'étais à l'autre
4 bout. Pour ce qui est du Dr Njavro, je peux vous confirmer que, que ce soit
5 de jour ou de nuit, il était dans le couloir et il était dans l'abri pour
6 aller voir les blessés.
7 Q. Le Dr Bosanac, est-ce qu'elle se rendait dans votre partie de l'hôpital
8 pour voir les blessés ?
9 R. Je l'ai vue plusieurs fois, mais je ne peux pas vous dire exactement
10 combien de fois.
11 Q. Merci. Avant que le conflit armé n'éclate, vous, vous connaissez bien
12 le schéma de l'hôpital, le plan de l'hôpital ?
13 R. Oui.
14 Q. L'entrée principale de l'hôpital, est-ce qu'il y a un escalier qu'il
15 faut escalader avant de rentrer ? Est-ce qu'il y a un large escalier ?
16 R. Oui. Il y a des marches, un escalier, cela vous permet d'arriver à ce
17 niveau qu'on appelle le rez-de-chaussée.
18 Q. C'est l'entrée principale ?
19 R. Oui.
20 Q. De l'autre côté, un instant, s'il vous plaît, un instant. De l'autre
21 côté de l'hôpital, est-ce qu'il faut également emprunter un escalier ou
22 c'est au même niveau ?
23 R. Non, on descend vers le bas et là, il y a l'entrée des urgences du
24 service de chirurgie et il n'y a pas autre chose.
25 Q. Merci. Avant de vous installer à l'hôpital et de cesser de sortir, est-
26 ce que vous avez remarqué, dans l'enceinte de l'hôpital, un drapeau de la
27 Croix-Rouge ou non ?
28 R. Sur le toit, il y avait là --
Page 2782
1 Q. Où, sur le toit ?
2 R. Du bâtiment de l'hôpital, on a indiqué par une croix rouge.
3 Q. Quoi ? Soyez plus précise. Qu'est-ce qu'on a marqué par la croix
4 rouge ?
5 R. En haut, sur le toit du bâtiment de l'hôpital, on a mis la croix rouge
6 pour indiquer que c'était le bâtiment de l'hôpital.
7 Q. Oui, je vous entends. Mais soyez gentille, précisez de quel symbole il
8 s'agit, comment est-ce que cela a été dessiné ou comment est-ce que c'est -
9 -
10 R. Ecoutez, je ne sais pas comment c'est arrivé là-haut. Je l'ai vu,
11 c'était du blanc, du rouge. Est-ce que c'était dessiné, est-ce qu'on l'a
12 installée autrement, je ne sais pas qui l'a installée, ni comment.
13 Q. Je vous remercie. Mais ce symbole, ce signe, est-ce qu'on pouvait le
14 voir de l'avion ?
15 R. C'était sur le toit.
16 Q. Je vous remercie. Mais vous, comment est-ce que vous pouviez le voir,
17 alors que vous étiez près de l'hôpital et c'était sur le toit ?
18 R. Oui, sur notre bâtiment, le toit est en pente. Je ne peux pas vous dire
19 s'il y avait des symboles ou autre chose ailleurs, mais j'ai vu celui-là
20 ici, sur cette partie inclinée du toit.
21 Q. Très bien. Merci. A quel moment l'avez-vous vu ?
22 R. C'était au début. Je ne peux pas vous dire exactement maintenant. Je ne
23 me souviens pas du mois.
24 Q. Savez-vous qui l'a installée ?
25 R. Non.
26 Q. Merci. Je ne vais pas vous dire ce que d'autres personnes ont dit à ce
27 sujet. Sasa Jovic, est-ce que vous en avez entendu parler ? C'est un
28 soldat.
Page 2783
1 R. Qui a été blessé ?
2 Q. Oui.
3 R. Je pense qu'il y avait un Zoran et un Sasa. C'est tout ce que je peux
4 vous dire.
5 Q. Vous avez entendu parler de Sasa. Qu'est-ce que vous avez entendu dire,
6 à quel moment, quand est-ce qu'on l'a amené à l'hôpital, puisque vous dites
7 que vous en avez entendu parler ?
8 R. Oui, je l'ai entendu de la part de mes collègues qu'il a été blessé. Où
9 il a été blessé, comment il a été blessé, cela, je ne le sais pas. J'ai
10 entendu dire qu'il était à l'hôpital. Je ne l'ai pas vu directement. Je ne
11 me suis pas occupée de lui. C'est tout ce que je peux vous dire à son
12 sujet.
13 Q. Très bien. Votre collègue, qu'est-ce qu'elle vous a dit à son sujet ?
14 Elle vous a parlé de Sasa Jovic. Qu'est-ce qui vous permet de vous rappeler
15 sur-le-champ, immédiatement de quoi il s'agit ?
16 R. Ecoutez, j'ai supposé que c'était Sasa Jovic parce que j'ai un fils qui
17 s'appelle Zoran et c'est pourquoi j'ai mémorisé l'autre.
18 Q. Sasa Jovic, comment avez-vous mémorisé le nom de famille ?
19 R. Ecoutez, ni le nom de famille, ni le prénom. Tout simplement, parce que
20 vous avez commencé à en parler et j'ai cru que c'était cela.
21 Q. Je vous remercie. Est-ce que cela veut dire que ces hommes étaient des
22 exceptions, que c'était exceptionnel que ces deux soldats de la JNA se
23 trouvent en tant que blessés à l'hôpital et que c'est pour cela que vous
24 les avez mémorisés, que tout le reste, c'étaient des membres de l'armée
25 croate ?
26 R. Non.
27 Q. Comment avez-vous pu mémoriser cela ?
28 R. Ecoutez, je n'ai pas prêté attention absolument, pas du tout, je n'ai
Page 2784
1 pas prêté attention à l'origine des gens, ni à ce qu'ils étaient, les uns
2 ou les autres.
3 Q. Très bien. Est-ce qu'il y a eu des membres de la Garde nationale qui
4 étaient soignés à l'hôpital ?
5 R. Tous ceux qui étaient blessés étaient amenés à l'hôpital.
6 Q. Je vous pose ma question au sujet de la ZNG.
7 R. Je ne peux pas vous en parler parce que ce n'est pas moi qui tenais le
8 registre des gens. Je ne sais pas qui est qui, ni qui est quoi.
9 Q. Merci. Pour ce qui est de la protection civile dans votre rue, est-ce
10 que vous connaissiez quelqu'un qui en faisait partie ? Est-ce que quelqu'un
11 est venu à l'hôpital chercher de l'aide ?
12 R. Cela, je ne saurais pas vous le dire.
13 Q. Merci. Cette histoire nous a permis de comprendre que votre mari était
14 engagé dans le combat d'une manière armée.
15 Est-ce que vous savez si l'époux de Vesna Bosanac était là ?
16 R. Je ne sais pas.
17 Q. L'époux du Dr Striber ?
18 R. Je ne sais pas.
19 Q. Savez-vous qui est l'infirmière Marica qui a travaillé à l'hôpital de
20 Vukovar ?
21 R. Ecoutez, il y avait pas mal de prénoms de ce type-là. Je ne sais pas à
22 qui cela se rapporte.
23 Q. Est-ce que vous connaissez le nom de famille d'une infirmière qui
24 s'appelait Marica ?
25 R. Non. Il y avait des Marica.
26 Q. Très bien. Mais est-ce que vous connaissez un nom de famille ?
27 R. Marica Stanek. Moi aussi, on m'appelait Marica souvent, alors que je
28 m'appelle Mara.
Page 2785
1 Q. Très bien. C'est bien le Stanek qui est venu avec votre époux ?
2 R. Oui.
3 Q. Bradaric, est-ce que c'est le nom de famille d'une des infirmières que
4 vous connaissez ?
5 R. Bradaric, il y a eu quelqu'un, mais je ne me rappelle plus qui. Je ne
6 me rappelle plus le visage.
7 Q. Son époux était-il membre de la police ?
8 R. Je ne sais pas.
9 Q. Merci. D'après ce que vous en pensez, vos évaluations, pouvez-vous nous
10 dire pendant ces trois mois, il y eu combien de médecins à l'hôpital, à peu
11 près ?
12 R. Je ne peux pas vous dire cela. Il faudrait que j'essaie d'énumérer ceux
13 dont je me rappelle pour pouvoir vous citer un chiffre.
14 Q. Merci. Si je vous dis que c'était 36, 36 médecins à l'hôpital de
15 Vukovar, est-ce que vous pouvez le confirmer ou rejeter ?
16 R. Je ne peux pas vous le confirmer, parce que --
17 Q. Est-ce que vous niez qu'il y a eu autant de médecins ?
18 R. Je ne peux pas le nier non plus, puisque je ne connais pas le chiffre.
19 Q. Très bien. Merci. Si je vous dis qu'il y avait 107 infirmières et
20 infirmiers à l'hôpital de Vukovar, est-ce que vous pouvez confirmer cela,
21 puisque c'était vos collègues ? Est-ce que c'était à peu près ce chiffre-
22 là ?
23 R. Je vais vous répondre comme pour la question précédente. Ce n'est pas
24 moi qui tenais les registres, ni les listes. Je ne sais pas combien il y
25 avait de personnes.
26 Q. Merci. Vous avez mentionné certaines de vos collègues et leurs époux.
27 Si vous souhaitez savoir quel est le chiffre auquel je suis arrivé au cours
28 de mes enquêtes, je vais vous dire que pratiquement pour toutes ces
Page 2786
1 infirmières, leurs époux ont pris part aux combats, d'une manière ou d'une
2 autre. Qu'est-ce que vous allez me dire suite à cela ?
3 R. Je ne peux pas réagir. C'est la conclusion à laquelle vous êtes arrivé.
4 Je ne peux pas fléchir vos conclusions, mais je ne peux pas réagir non
5 plus.
6 Q. Merci. Est-ce que vous comprenez la langue anglaise ?
7 R. Non.
8 Q. Merci. Quand vous avez fait votre déclaration en 1995 aux enquêteurs,
9 est-ce qu'ils vous ont donné lecture de cette déclaration avant que vous ne
10 la signiez ? Excusez-moi, l'avez-vous signée ?
11 R. Je pense que oui.
12 Q. Très bien. Avant que vous ne signiez, est-ce qu'ils vous ont donné
13 lecture de la déclaration ?
14 R. Oui, mais un peu en diagonale, rapidement. Je ne me suis pas forcément
15 posée la question sur la teneur.
16 Q. Cela ne vous a pas empêchée de signer, n'est-ce pas ?
17 R. Vous savez, j'étais vraiment hors de moi à l'époque, comme aujourd'hui.
18 Q. Je vous remercie, mais j'essaie de faire preuve d'un comportement tout
19 à fait correct.
20 R. Ecoutez, d'après vos questions, il faudrait que je confirme plein de
21 choses dont je n'ai pas l'ombre d'une idée.
22 Q. Très bien, merci. A cette occasion, lorsque vous avez fait votre
23 déclaration auprès des enquêteurs, est-ce que vous avez tracé un croquis de
24 l'hôpital, de certaines parties de l'hôpital ?
25 R. Non.
26 Q. Non ?
27 R. Non.
28 Q. Merci.
Page 2787
1 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que l'on peut
2 placer sur le rétroprojecteur ce croquis ? Le Procureur l'a, je n'ai pas
3 communiqué cela avant de m'en servir.
4 Q. Est-ce que vous voyez cela à l'écran ?
5 R. Oui.
6 Q. Un instant. Est-ce que l'on peut montrer la partie inférieure, s'il
7 vous plaît ? La régie, encore un petit peu. Voilà. Voyez-vous la signature
8 maintenant à côté de ce chiffre ?
9 R. Je le vois.
10 Q. Un instant, s'il vous plaît. C'est votre signature ?
11 R. Mais je voulais vous le dire.
12 Q. Est-ce que c'est votre signature ?
13 R. Oui.
14 Q. Un instant.
15 Maintenant, je voudrais que l'on voie le haut du croquis. Merci,
16 c'est bien.
17 Avez-vous dessiné ce croquis ?
18 R. Non.
19 Q. Qui a dessiné pour vous ce croquis ?
20 R. Je ne le sais pas.
21 Q. Vous ne savez pas ? Vous ne l'avez même pas vu ? Vous avez simplement
22 signé.
23 R. Je n'ai pas vu ce croquis à ce moment-là. Je vous en prie, transmettez
24 cela -- d'après l'écriture, d'après les lettres, il faudrait savoir s'il
25 s'agit de mon écriture on non.
26 Q. Je vous remercie. C'est de votre plein gré que vous avez fait votre
27 déclaration ?
28 R. Oui.
Page 2788
1 Q. A ce moment-là, ce croquis, si je ne me trompe, n'a absolument pas fait
2 l'objet de votre déclaration ?
3 R. C'est cela.
4 Q. Et vous ne l'avez jamais vu jusqu'à aujourd'hui; c'est bien cela ?
5 R. Je l'ai vu --
6 Q. A quel moment ?
7 R. Quand je suis arrivée à La Haye, ici.
8 Q. Merci. A ce moment-là, vous avez signalé que vous n'avez pas dessiné
9 cela et que ce n'est pas votre croquis ?
10 R. Oui et je maintiens ce que j'ai dit.
11 Q. Je vous remercie, Madame.
12 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, afin de contribuer à
13 l'exigence de l'économie de nos débats, j'en ai terminé.
14 Excusez-moi.
15 Avant d'en terminer réellement, je vais demander le versement de ce
16 croquis, puisque nous avons la signature du témoin à la fin, et le témoin
17 vient de confirmer qu'il s'agit bien de sa signature. Je vous remercie.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document sera versé au dossier.
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce 128, Monsieur le
20 Président.
21 M. BOROVIC : [interprétation] J'en ai terminé. Je vous remercie. J'en ai
22 terminé avec mon contre-interrogatoire.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Borovic.
24 Maître Bulatovic.
25 M. BULATOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Mesdames,
26 Messieurs, bonjour.
27 Contre-interrogatoire par M. Bulatovic :
28 Q. [interrogation] Madame Bucko, je suis l'un des conseils de M.
Page 2789
1 Sljivancanin. Mon nom est Bulatovic. Je vais vous poser quelques questions,
2 et je vais vous demander de vous détendre et d'y répondre brièvement. Nous
3 allons essayer d'en terminer dans le temps d'audience qui nous reste
4 aujourd'hui, puisque vous avez déjà répondu à beaucoup de questions posées
5 par mes confrères.
6 En plus de ces déclarations que vous avez données aux représentants
7 du bureau du Procureur, à partir de 1991, avez-vous fait une autre
8 déclaration, quelle qu'elle soit, orale, écrite ou autre chose à ce sujet ?
9 R. Non, non.
10 Q. Merci. Dites-moi, s'il vous plaît, la date de l'arrivée de votre époux,
11 c'était bien le 19, dans la matinée, si je ne me trompe ?
12 R. Oui.
13 Q. A ce moment-là, avant qu'il n'arrive à l'hôpital, est-ce qu'il y avait
14 d'autres époux de vos collègues, et savez-vous à quel moment eux étaient
15 arrivés ?
16 R. Il y avait des maris, mais quand ils sont arrivés, cela je ne le sais
17 pas.
18 Q. Savez-vous ce qu'ils faisaient, ces maris de vos collègues ? Ce qu'ils
19 faisaient à l'hôpital pendant qu'ils y étaient ? Quelles étaient les tâches
20 qu'ils avaient ? On vous a déjà posé la question, mais ce n'est toujours
21 pas tout à fait clair.
22 R. Oui, je sais, mais je ne peux pas vous le préciser, puisque je vous ai
23 déjà dit que je ne suis pas intéressée à cela, et que je ne sais pas ce
24 qu'ils faisaient.
25 Q. Vous avez dit qu'à un moment donné, vous avez envoyé votre fille à
26 Miklosevci, que votre belle-fille est partie à l'île de Krk. Au bout de
27 quelque temps, votre fils est parti la rejoindre. J'aimerais savoir
28 maintenant si vous pouvez me confirmer les dates. Si ce ne sont les dates
Page 2790
1 précises au moins des dates approximatives ou le mois.
2 R. De manière approximative, c'était fin août que ma fille est partie, ou
3 éventuellement était-ce au début du mois de septembre. Cela, je ne peux pas
4 vous le dire précisément. Pour ne pas être témoin de ce mal, mon beau-père
5 vivait dans le village et elle est partie. Je pensais que moi aussi,
6 j'allais pouvoir la rejoindre, peut-être aller la voir quand j'aurais un
7 petit moment de libre. Cependant, je n'ai pas pu le faire. Quand elle a
8 quitté le village, et d'après ce qu'elle m'a dit, elle est partie pour
9 Ilok, et l'armée l'a emmenée d'Ilok et elle est arrivée à Djakovo auprès de
10 ma famille.
11 Q. Excusez-moi, mais la seule chose qui m'intéressait, c'était le moment,
12 les dates et pas les raisons ?
13 R. Mon fils, lui, il est parti, ma petite fille est née, le 18 août, mon
14 fils est parti à peu près, à ce moment-là, fin août, début septembre. C'est
15 à ce moment-là qu'il est parti pour rejoindre son épouse et sa petite
16 fille. Il n'est plus revenu.
17 Q. Merci. Savez-vous si vous avez d'autres voisins, amis, connaissances,
18 qui ont envoyé des membres de leurs familles ailleurs, qu'ils les ont fait
19 partir de Vukovar pendant la guerre. Répondez, je vous prie, par oui ou par
20 non ?
21 R. J'en connais quelques-uns.
22 Q. Savez-vous si au cours du mois d'août 1991, les médias, j'entends par
23 là la télévision et la radio, savez-vous s'ils ont diffusé l'information
24 suivante, à savoir qu'il y aurait évacuation ?
25 R. Je n'en ai pas entendu parler.
26 Q. Bien. Vous nous avez dit que le 19, vous êtes allée chercher votre mari
27 dans cette grande salle, qu'il y avait beaucoup de monde. Est-ce que c'est
28 la grande salle où l'on arrive après avoir emprunté l'entrée principale ?
Page 2791
1 R. Il s'agit de la grande salle qui se trouve tout à côté de l'entrée
2 principale de l'hôpital après les escaliers.
3 Q. Est-ce que vous savez combien il y a de marches ?
4 R. Je l'ignore. J'ai emprunté cet escalier à de très nombreuses reprises
5 mais je n'ai jamais compté les marches.
6 Q. Plus de cinq marches au moins ?
7 R. Plus de cinq marches.
8 Q. Bien. Quand vous êtes entrée dans cette grande salle qui fait office de
9 hall d'entrée, il y a là des couloirs qui vont vers la gauche ou vers la
10 droite ou tout droit, n'est-ce pas ?
11 R. Quand on emprunte ce hall, on peut aller à droite ou à gauche. On peut
12 aller vers le service de médecine interne. Puis, il y a des escaliers qui
13 mènent au rez-de-chaussée et d'autres qui mènent aux étages supérieurs. Il
14 y avait aussi un ascenseur, un ascenseur de service et un ascenseur pour le
15 personnel.
16 Q. Merci. De votre point de vue, il y avait combien de civils à cet
17 endroit dans les couloirs et dans le hall ?
18 R. Je ne peux pas vous le dire parce que je cherchais mon mari. Si on
19 m'avait demandé comment je m'appelais, je n'aurais pas pu le dire tellement
20 j'étais bouleversée.
21 Q. Parlons de cette réunion dont vous nous avez parlé qui a eu lieu le 19
22 novembre. Vous nous avez expliqué que vous ne saviez pas exactement à
23 quelle heure ceci s'était produit. Quand vous avez fait votre déclaration
24 au Procureur, vous avez dit que c'était un officier de la JNA qui était
25 venu vous voir. C'est ce qui figure dans votre déclaration. Et il avait dit
26 que toutes les infirmières devaient aller dans la salle des pansements ?
27 R. Oui. Le 19, on a dû toutes participer à une réunion dans la salle des
28 pansements. Je sais que c'était l'après-midi mais je ne sais pas à quelle
Page 2792
1 heure exactement.
2 Q. Tout ce qui m'intéresse, c'est de savoir si c'est un officier de la JNA
3 qui vous l'a dit comme cela figure dans votre déclaration écrite ?
4 R. Je n'y connais rien en grade. Je ne peux pas le savoir. Cet homme, en
5 tout cas, portait un uniforme.
6 Q. Vous dites quand vous êtes arrivée sur place, il y avait là un autre
7 officier dont vous avez dit que c'était mon client, M. Sljivancanin ?
8 R. J'ignorais que c'était Veselin Sljivancanin. C'est lui-même qui s'est
9 présenté, qui nous a donné son nom.
10 Q. Bien. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre ainsi qu'à tous ceux qui
11 sont présents ici et de manière circonstanciée, je vous prie, ce dont vous
12 vous souvenez de cette conversation avec le personnel médical, le 19, dans
13 l'après-midi ?
14 R. Je ne peux vous parler de ce dont je me souviens. On était dans cette
15 salle de pansements. Ce monsieur s'est présenté. Je ne peux pas vous dire
16 s'il a dit qu'il était capitaine ou commandant. En tout cas, ce qu'il a
17 dit, c'est : "Je m'appelle Veselin Sljivancanin. Le Dr Bosanac n'est plus
18 rien. Vous allez avoir un nouveau directeur. J'ignore son grade. J'ignore
19 son nom. Vous, membres du personnel médical, vous pouvez continuer à
20 travailler ici. Vous n'avez pas à avoir peur. L'hôpital va continuer à
21 fonctionner. Vous allez travailler ici." Je ne sais pas quoi d'autres vous
22 dire. J'ai déjà parlé de tout cela.
23 Q. Oui, c'est exact. Merci. Au cours de cette réunion, savez-vous s'il y
24 avait des médecins présents ?
25 R. Je ne peux pas affirmer avec une absolue certitude si le Dr Matos était
26 là. Quant aux autres, je ne les ai pas vus.
27 Q. Merci. Vous souvenez-vous de la durée de cette réunion ?
28 R. Je ne sais pas. Franchement, je ne m'en souviens pas.
Page 2793
1 Q. Savez-vous encore si lors de cette réunion, M. Sljivancanin a fait une
2 proposition ? Peut-être en avez-vous déjà parlé mais peu importe. N'a-t-il
3 pas proposé que vous preniez quelques jours de congé avant de revenir au
4 travail ?
5 R. Oui.
6 Q. Merci. Dans la soirée du 19, vous vous trouvez dans cette pièce avec
7 votre mari et des collègues. Vous étiez en train de parler de tout ce qui
8 passait. Est-ce que vous avez parlé à ce moment-là de ce qui s'était
9 produit dans la salle des pansements, des changements à la direction de
10 l'hôpital, de cette proposition de jours de congé, du retour au travail.
11 Est-ce que vous avez parlé de tout cela ?
12 R. On en a parlé un petit peu. Personnellement, j'avais le sentiment que
13 quelqu'un avait fait naître une certaine crainte en moi mais je ne peux pas
14 dire vraiment.
15 Q. Le 20, au matin, il y a de nouveau eu réunion dans la salle des
16 pansements ?
17 R. Oui.
18 Q. Vous souvenez-vous de la personne qui vous a appelée pour participer à
19 cette réunion ?
20 R. Un jeune homme en uniforme a frappé à la porte. Il nous a dit d'aller
21 participer à une réunion à la salle des pansements. Je l'ai dit à mes
22 autres collègues et il a continué son chemin. Il a continué jusqu'à l'abri
23 antiatomique en disant à ceux qu'il rencontrait qu'il fallait qu'ils
24 aillent dans la salle des pansements pour la réunion.
25 Q. Est-ce que cela veut dire que lorsque vous êtes arrivée dans la salle
26 de pansements, il y avait déjà des membres du personnel médical et que
27 d'autres ont continué à arriver après votre arrivée, à vous.
28 R. Oui.
Page 2794
1 Q. Est-ce que vous avez vu des médecins dans cette salle ?
2 R. Non.
3 Q. Aucun ?
4 R. Je ne peux pas l'affirmer. Je ne me souviens pas avoir vu de docteurs.
5 Q. Combien de temps a duré la réunion du 20 dans la salle des pansements ?
6 R. Je ne peux pas vous le confirmer parce que je ne m'en souviens pas.
7 Q. Vous souvenez-vous du sujet de la réunion, de ce qui a été dit par les
8 uns et les autres ?
9 R. Tout comme la veille, ce jour-là, on nous a répété qu'il fallait que
10 nous continuions à travailler à l'hôpital, qu'il fallait prendre quelques
11 jours de congé auprès de notre famille, que l'hôpital continue à
12 fonctionner et qu'on allait avoir un nouveau directeur.
13 Q. Merci. Vous avez déclaré qu'au cours de cette réunion, un collègue vous
14 avait fait savoir que votre mari était arrivé et vous en avez parlé. A ce
15 moment-là, vous êtes partie ?
16 R. Oui.
17 Q. Pendant combien de temps avez-vous parlé à votre mari ?
18 R. Très brièvement.
19 Q. Est-ce que la réunion continuait toujours pendant ce temps-là dans la
20 salle des pansements ?
21 R. Oui parce qu'ensuite, je suis revenue dans la salle des pansements.
22 Q. Combien de temps s'était encore écoulé après votre retour dans la salle
23 des pansements ?
24 R. Je ne peux pas vous le dire exactement. Vous pouvez faire vous-même vos
25 propres déductions. J'ai parlé à M. Sljivancanin. J'ai établi cette liste.
26 Lui, il est resté pendant tout ce temps-là dans la salle des pansements. Il
27 a dit qu'il allait ramener nos maris. Je ne sais pas combien de temps tout
28 cela a duré. Je ne sais pas qui il a envoyé chercher les maris. Je ne sais
Page 2795
1 pas qui est allé chercher nos maris.
2 Q. Merci. Ces discussions dont vous nous parlez, ces réunions avec M.
3 Sljivancanin qui ont trait à des listes, à la remise de listes, est-ce que
4 tout cela s'est déroulé à l'hôpital ?
5 R. Il y a une partie de tout cela qui s'est déroulé à l'hôpital, puis, je
6 voulais ouvrir la porte et faire circuler la liste dans le couloir, mais je
7 n'ai pas pu le faire. Il y avait d'autres membres du personnel qui se
8 trouvaient dans le couloir et je voulais que leurs maris figure aussi sur
9 la liste.
10 Q. Bien. Pourquoi avez-vous inscrit ces 17 noms en particulier ? Est-ce
11 que ces gens étaient là ou est-ce que vous disposiez d'informations sur les
12 gens que vous deviez faire figurer sur la liste ? Vous avez parlé de 15 à
13 16 noms.
14 R. Je n'avais pas d'autres informations. Nous savions qui étaient les
15 maris en question. Nous étions là dans la salle des pansements, on écrivait
16 les noms. Il y en avait peut-être plus, je ne sais pas. Il y en avait peut-
17 être moins, je ne peux pas vous dire exactement.
18 Q. Si j'ai bien compris, vous avez dit ne pas avoir établi cette liste
19 dans la salle des pansements, mais dans une autre pièce ?
20 R. Ce n'est pas vrai. Je suis simplement sortie pour aller trouver une
21 feuille de papier dans le cabinet médical. J'ai trouvé cette pièce dans un
22 tiroir, je l'ai ramenée dans la salle des pansements et c'est là qu'on a
23 établi la liste.
24 Q. Excusez-moi. Je vous ai peut-être mal compris, c'est possible,
25 effectivement. Mais alors que vous étiez en train d'établir cette liste
26 dans la salle des pansements, est-ce que M. Sljivancanin était là ?
27 R. Oui.
28 Q. Est-ce qu'il y avait d'autres officiers de la JNA ?
Page 2796
1 R. Le nouveau directeur s'est présenté. Son discours, est-ce qu'il nous
2 l'a tenu ce jour-là ou un autre jour, je ne peux pas vous le dire. Je ne
3 m'en souviens pas.
4 Q. A partir du moment où vous avez remis la liste à
5 M. Sljivancanin et jusqu'au moment où vous avez quitté l'hôpital et où vous
6 avez commencé à circuler dans l'enceinte de l'hôpital, savez-vous combien
7 de temps s'est écoulé ?
8 R. Non.
9 Q. Votre mari n'était pas là ?
10 R. Non. C'est pour cela que j'étais frénétiquement en train de chercher de
11 l'aide.
12 Q. Combien de temps s'est écoulé ?
13 R. Je ne sais pas, je ne m'en souviens pas.
14 Q. Attendez d'écouter mes questions avant de répondre.
15 J'essaie de déterminer si vous avez une idée du temps qui s'est
16 écoulé, de la chronologie de tous ces événements, et cetera, du temps, des
17 durées, des distances, et cetera.
18 Entre le moment où vous avez quitté l'hôpital, en constatant
19 que votre mari n'était pas là et le moment où vous l'avez vu dans
20 l'autocar, combien de temps s'est écoulé une demi-heure, une heure ?R. Je
21 ne sais pas. Je peux simplement vous dire qu'on nous a demandé de nous
22 rendre dans la salle des pansements à 7 heures 30 ou 8 heures. Je ne sais
23 pas exactement quand on l'a emmené. Ils sont revenus vers midi à peu près,
24 il faisait jour. Mais je ne peux pas vous dire à quel moment je suis partie
25 de cette salle des pansements.
26 Q. Vous nous dites vous être rendue jusqu'aux autocars et vous êtes,
27 ensuite, retournée à l'hôpital; le soldat a refusé de vous laisser entrer,
28 vous avez demandé à voir le Dr Ivankovic et Veselin Sljivancanin et vous
Page 2797
1 avez parlé à Sljivancanin, n'est-ce pas ?
2 R. Je cherchais le Dr Ivankovic -- enfin, on cherchait le
3 Dr Ivankovic, l'infirmière Biba et moi-même, pour que le Dr Ivankovic nous
4 permette d'obtenir que nos maris nous accompagnent; on voulait que M.
5 Ivankovic intercède pour nous auprès du nouveau directeur, il a dit qu'il
6 allait nous aider. Il est sorti du bâtiment en notre compagnie. On était en
7 route à pied et là, j'ai vu que les époux étaient déjà sortis. M.
8 Sljivancanin était là et Bogdan aussi.
9 Q. Après cette conversation avec le Dr Ivankovic, avant de voir les maris
10 descendre de l'autocar, est-ce que vous avez parlé à M. Sljivancanin ?
11 R. Je crois que dans la cour, alors qu'on était complètement paniqué, je
12 lui ai demandé de faire en sorte de ramener les hommes.
13 Q. Encore une chose. Le commandant Sljivancanin, puisque c'est ainsi qu'il
14 s'est présenté à l'hôpital, est-ce qu'il a fait une proposition aux termes
15 de laquelle ceux qui accepteraient de rester seraient transportés sur le
16 lieu de résidence des membres de leurs familles ?
17 R. Oui.
18 Q. Quand votre mari est revenu, quand Sljivancanin est revenu, il y a eu
19 ce processus d'identification et vous êtes partie avec votre mari.
20 R. Oui.
21 Q. Après ce dialogue que vous nous avez rapporté, est-ce que vous êtes
22 allée directement jusqu'à l'autocar, avec votre mari, qui se trouvait,
23 d'ailleurs, ce bus, près de l'entrée principale ?
24 R. Je ne peux pas vous donner d'information spécifique quant à l'heure où
25 tout cela s'est produit. Mais on est allé de l'autre côté, vers l'entrée
26 principale, l'entrée principale de l'hôpital. C'est là qu'on les avait
27 emmenés. Peu à peu, on nous a fait monter à bord d'autocars et c'est là
28 qu'on a attendu qu'on nous emmène ailleurs.
Page 2798
1 Q. Vous dites avoir emprunté la route de Petrovci, puis, à un moment
2 donné, au niveau d'un virage, l'autocar a fait demi-tour, vous n'êtes pas
3 allés en Croatie. Est-ce que le chauffeur dont vous nous avez dit que
4 c'était quelqu'un de bien vous a dit quoi que ce soit ?
5 R. Il ne nous a rien dit. Mais celui qui nous amenait de Sremska
6 Mitrovica, lui, c'était quelqu'un de très bien, très juste. Mais je ne sais
7 pas qui a conduit l'autocar de Vukovar à Sremska Mitrovica.
8 Q. Est-ce qu'il y avait un ou plusieurs autocars ?
9 R. J'ignore leur nombre, mais il y en avait plusieurs.
10 Q. Est-ce que vous vous trouviez au début ou à la fin du convoi ?
11 R. Plutôt vers la fin.
12 Q. Barak a été mentionné. Est-ce que c'est un lieu où on a proposé de vous
13 emmener ?
14 R. Oui.
15 Q. Est-ce que c'est le commandant Sljivancanin qui a fait cette
16 proposition ?
17 R. Il a dit que si je voulais, je pouvais descendre à Barak pour aller au
18 village de Miklosevci pour m'y reposer avant de revenir travailler.
19 M. BULATOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame,
20 Monsieur les Juges. J'en ai terminé de mon contre-interrogatoire. Je n'ai
21 pas d'autres questions à poser au témoin.
22 Q. Je vous remercie, vous aussi, Madame Bucko.
23 R. Je vous en prie.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Bulatovic.
25 Madame Tuma.
26 Mme TUMA : [interprétation] Merci, j'ai une seule question afin de préciser
27 un point.
28 Nouvel interrogatoire par Mme Tuma :
Page 2799
1 Q. [interprétation] A plusieurs reprises, Madame Bucko, vous avez évoqué
2 le nom de Bogdan en rapport avec l'hôpital. Qui était-ce ?
3 R. C'était le concierge, le portier.
4 Q. Vous nous en avez parlé ce matin en nous disant qu'il se déplaçait dans
5 l'enceinte de l'hôpital avec M. Sljivancanin. Vous souvenez-vous du nom de
6 famille de ce Bogdan ?
7 R. Je n'en suis pas sûre. Mais je crois que son nom de famille, c'était
8 Kuzmic ou quelque chose de ce style.
9 Q. Quand vous avez vu ce Bogdan Kuzmic, si c'est véritablement son nom,
10 quelle était sa tenue vestimentaire ? Vous en souvenez-vous ?
11 R. Je ne m'en souviens pas.
12 Q. Est-ce que vous avez pu, à sa manière d'être, déterminer à quel titre
13 il se trouvait là ?
14 R. Je ne sais pas à quel titre il se trouvait là.
15 Q. Merci.
16 Mme TUMA : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions à poser au
17 témoin.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.
19 Maître Borovic.
20 M. BOROVIC : [interprétation] Je souhaiterais simplement, par votre
21 truchement, poser une question à l'Accusation car nous avons maintenant la
22 bonne habitude d'annoncer les témoins pour la semaine qui vient. Or, nous
23 n'avons pas bien compris quels seront les témoins que nous entendrons à
24 partir de lundi. Il est vrai que des changements ont eu lieu, nous
25 l'acceptons, mais il serait bon que nous disposions d'une liste des témoins
26 afin que l'égalité juridique soit respectée, l'égalité juridique entre la
27 Défense et l'Accusation.
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, j'abonde tout à fait dans votre
Page 2800
1 sens, Me Borovic. Il serait bon qu'on sache quels sont les témoins qui vont
2 être entendus lundi. Je crois qu'on est en train d'essayer de vous
3 répondre.
4 Mme TUMA : [interprétation] D'après mes informations, le témoin suivant
5 sera le mari de Mme Bucko et notre intention est de le citer à la barre
6 lundi.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Est-ce que, par hasard,
8 pour sauriez qui est le témoin suivant ?
9 Mme TUMA : [interprétation] Oui. Nous avons des témoins bénéficiant des
10 mesures de protection mardi.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] P029 ?
12 Mme TUMA : [interprétation] Non, il s'agit du témoin P032.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Y a-t-il d'autres témoins
14 que vous envisagez de citer à la barre ?
15 Mme TUMA : [interprétation] Monsieur le Président, il est possible
16 que nous vous communiquions des informations supplémentaires dont je n'ai
17 pas connaissance actuellement sur ce point, que nous vous les communiquions
18 cet après-midi.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien. S'agissant des témoins,
20 vous savez déjà à quoi vous attendre lundi et mardi, Maître Borovic.
21 M. BOROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci.
22 Cela nous convient.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Bucko, vous allez apprendre
24 avec satisfaction sans doute que nous en sommes arrivés à la fin de votre
25 déposition. Vous pouvez maintenant rejoindre votre foyer et partir, si vous
26 le souhaitez, puisque d'après ce que je comprends, votre époux va déposer
27 ici, lundi. Il vous appartient, à vous, de décider si vous souhaitez rester
28 à La Haye ou si vous souhaitez rentrer chez vous. Quoi qu'il en soit, les
Page 2801
1 Juges de la Chambre souhaitent vous remercier d'avoir fait l'effort de
2 venir comparaître devant nous. Ils vous remercient du concours que vous
3 avez apporté au travail du Tribunal.
4 Nous allons maintenant suspendre nos débats jusqu'à lundi dans l'après-
5 midi, puisque nous nous retrouverons, à ce moment-là, à
6 14 heures 15.
7 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le lundi
8 5 décembre 2005, à 14 heures 15.
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28