Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 5 décembre 2005

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

8 M. LE JUGE PARKER : Pourriez-vous, s'il vous plaît, donner lecture du texte

9 qui figure sur la feuille qui vous est remise ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

11 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

12 LE TÉMOIN: IRINEJ BUCKO [Assermenté]

13 [Le témoin répond par l'interprète]

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous en prie, asseyez-vous.

15 Monsieur Moore.

16 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie.

17 Interrogatoire principal par M. Moore :

18 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, pourriez-vous, s'il vous plaît,

19 décliner votre identité ?

20 R. Bucko, Irinej.

21 Q. Et il est exact, n'est-il pas, que vous êtes né le 29 août 1942; est-ce

22 exact ?

23 R. Oui.

24 Q. Vous avez fait votre service dans la JNA --

25 R. Oui.

26 Q. -- en 1963 ?

27 R. Oui.

28 Q. Vous avez travaillé en tant que menuisier militaire en Slovénie; c'est

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1 exact ?

2 R. Oui.

3 Q. Vous vous êtes marié en avril 1963 ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous avez bâti votre maison à Vukovar ?

6 R. Oui.

7 Q. Et c'est là que vous avez vécu depuis 1970 ?

8 R. C'est exact.

9 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire dans quel quartier vous avez

10 vécu à Vukovar ?

11 R. Le quartier s'appelle Sajmiste.

12 Q. Sajmiste. C'est là que vous avez vécu. Je vous remercie.

13 R. Oui.

14 Q. A quel moment êtes-vous parti de Sajmiste ?

15 R. Quand est-ce que j'ai quitté Sajmiste ? C'est au mois de septembre.

16 Q. De quelle année ?

17 R. En 1991.

18 Q. Est-ce que vous avez vécu dans ce quartier entre 1970 et 1991 ?

19 R. Oui.

20 Q. Je vous remercie.

21 M. MOORE : [interprétation] J'ai l'impression que nous avons un petit

22 problème, Monsieur le Président. Je sais que nous avons déjà eu des

23 problèmes avec notre électricien [comme interprété].

24 M. LE JUGE PARKER : Je vous prie, allez-y, Monsieur Moore.

25 M. MOORE : Très bien. Je vais continuer.

26 Q. On peut dire que vous vous êtes porté volontaire pour défendre Vukovar;

27 est-ce exact ?

28 R. C'est exact.

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1 Q. Vous avez décidé de leur prêter assistance à peu près à partir du mois

2 de juillet 1991 ?

3 R. C'est exact.

4 Q. Qu'est-ce qui vous a incité à rejoindre la défense de Vukovar ou de

5 vous porter volontaire pour défendre Vukovar en juillet 1992 ? Pouvez-vous

6 nous le dire ?

7 R. C'est ma ville.

8 Q. Oui. Est-ce qu'il s'est passé quelque chose ? Est-ce qu'il a eu quelque

9 chose qui vous a incité à vous porter volontaire à rejoindre la défense ?

10 R. C'est là que je suis né. J'aime ma ville et j'ai combattu pour ma

11 ville.

12 Q. Je crois que vous êtes d'appartenance ethnique croate; c'est bien

13 cela ?

14 R. Je suis Ruthène, mais, en fait, je suis de la même religion que les

15 Croates. En fait, je suis catholique de l'Eglise de Rome.

16 Q. Les Serbes, que faisaient-ils en juillet 1991 ?

17 R. Pardon ?

18 Q. Les Serbes, que faisaient-ils ?

19 R. Je crois qu'ils bombardaient la ville. C'est bien cela.

20 Q. D'accord. Voyons maintenant si on peut parler du mois d'août 1991.

21 R. Du mois d'août, bien, le mois d'août, là, j'étais au chômage. Mon

22 entreprise avait fait faillite et j'étais tout le temps chez moi à la

23 maison. Au mois d'août, non, cela n'a pas commencé en août, cela a commencé

24 le 2 mai à Borovo Selo. Ils ont tué à ce moment-là nos policiers à Borovo

25 Selo. Le 8 mai, le pilonnage a commencé de Vukovar. C'est l'aviation qui

26 l'a bombardée. Le 25.

27 Q. Monsieur Bucko.

28 R. Oui.

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1 Q. Je sais que vous souhaitez plutôt vous exprimer et d'écrire les choses

2 par vos propres mots, donc, vous exprimez plus longtemps, mais est-ce que

3 vous pouvez écouter mes questions et répondre à mes questions ?

4 R. Oui, oui, d'accord.

5 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous vous rappelez que la ville de Vukovar

6 a reçu des bombes larguées par des avions ?

7 R. Oui. J'étais à la maison.

8 Q. Est-ce que vous vous rappelez la date où cela s'est produit pour la

9 première fois ?

10 R. C'était le 25 août.

11 Q. Donc, en 1991, n'est-ce pas ?

12 R. Oui, oui, bien sûr. C'est toujours la même année que nous parlons.

13 Q. Oui, tout à fait. Et vous, que faisiez-vous d'un point de vue militaire

14 à ce moment-là ?

15 R. A ce moment-là, pendant cette période, j'étais chez moi.

16 Q. Oui, mais vous nous avez dit que vous étiez l'un des volontaires pour

17 défendre Vukovar. Est-ce que vous étiez dans un service d'active à ce

18 moment-là en août ?

19 R. Je venais de commencer à peine.

20 R. Le bombardement par les avions, quel effet ceci a eu sur la ville ?

21 R. Or, vous savez comment quelles sont les conséquences quand on jette des

22 bombes depuis le ciel.

23 Q. Malheureusement, je ne peux pas déposer moi-même. Est-ce que vous

24 pouvez dire à la Chambre, s'il vous plaît, quel a été l'impact sur la ville

25 de Vukovar de ce bombardement ?

26 R. Quelles ont été les conséquences ? Bien, elles ont été affreuses. Les

27 avions passaient dans le ciel et larguaient leurs armes.

28 Q. Est-ce que vous avez vu où on atterri les bombes ?

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1 R. J'étais dans la ville chez moi dans la cour de ma maison.

2 Q. Oui. Mais mis à part votre jardin, est-ce que vous avez vu dans quels

3 quartiers les bombes sont-elles tombées ?

4 R. Eux, ils ont utilisé des avions pour survoler en arrivant depuis le

5 château d'eau, près de chez moi. Puis, ils faisaient demi-tour, et ensuite,

6 ils visaient partout dans Vukovar.

7 Q. Monsieur Bucko, je souhaiterais vous demander la chose suivante, s'il

8 vous plaît. Je vais parler de ce que j'appellerais la chute de Vukovar. A

9 peu près des dates du 17, 18, 19 novembre. De quoi vous rappelez-vous ?

10 R. Vukovar est tombée le 18.

11 Q. Et vous, que faisiez-vous à ce moment-là lorsque Vukovar est tombée ?

12 R. Ce que je faisais quand Vukovar est tombée, j'étais dans l'immeuble le

13 château du comte Eltz.

14 Q. Que faisiez-vous dans ce bâtiment ?

15 R. On a été posté là pour surveiller les objets d'artillerie qui

16 appartenaient au musée.

17 Q. Je crois qu'on peut dire que vous avez abandonné les objets qui

18 faisaient partie de la collection du musée, et que vous êtes allé à

19 l'hôpital ?

20 R. Non. Je suis arrivé là-bas au mois de septembre. Pendant le mois de

21 septembre, j'y suis allé, je crois pour la dernière fois voir ma femme,

22 puis je suis revenu au château.

23 Q. Merci. Pouvez-vous nous parler maintenant de votre retour à l'hôpital

24 vers le 17, le 18 ou le 19 novembre ?

25 R. Le 17, 18, 19 novembre, je suis arrivé le 19, dans la matinée, le 19,

26 vers 8 heures ou 9 heures. C'était quelque chose de cet ordre-là.

27 Q. Nous parlons de l'hôpital, n'est-ce pas ?

28 R. Oui, oui. Je suis arrivé à l'hôpital dans la matinée du 18.

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1 Q. Dans la matinée du 18 ou dans la matinée du 19 ? Vous vous rappelez de

2 cela ?

3 R. Non, non, non, non. Le 18, Vukovar est tombée. Je suis arrivé à

4 l'hôpital le 19 novembre. Non, non, non.

5 Q. Merci. Vous avez pu entrer à l'hôpital ?

6 R. Non. Je n'ai pas pu rentrer à l'hôpital par la porte des urgences, par

7 celle qui me semblait plus facile d'accès, donc je suis allé là-haut. Comme

8 la vitre était brisée, on n'a pu rentrer.

9 Q. A quoi ressemblait l'hôpital ? Est-ce que vous pouvez dire cela à la

10 Chambre, qu'avez-vous vu sur place ?

11 R. C'était beaucoup de dégâts, beaucoup.

12 Q. Est-il vrai que votre femme était à l'hôpital à ce moment-là ?

13 R. Elle était infirmière.

14 Q. L'avez-vous rencontrée quand vous êtes allé à l'hôpital ?

15 R. Oui.

16 Q. Avez-vous pu lui parler au sujet de toute cette situation, de tout ce

17 qui se passait ?

18 R. Oui, oui, oui.

19 Q. Qu'avez-vous fait, vous et votre épouse ?

20 R. Rien. J'ai dit qu'il fallait qu'on attende pour voir ce qui allait

21 advenir de nous, qu'on n'avait plus rien à faire, nous.

22 Q. Etes-vous resté les bras croisés ou êtes-vous allé ailleurs ?

23 R. Je suis resté sur place. Elle m'a emmené en bas, et elle est allée chez

24 l'infirmière Biba et lui a demandé de me donner une blouse blanche pour que

25 je puisse l'enfiler parce qu'elle a dit qu'on allait avoir l'évacuation des

26 malades et des blessés, et qu'ils allaient faire partie d'un convoi.

27 Q. Vous parlez d'une personne que vous appelez Biba. Etait-ce bien Biba

28 Kolesar; c'est bien cela ?

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1 R. Oui, oui, tout à fait.

2 Q. Qui a eu l'idée que vous deviez enfiler une blouse blanche ? C'était

3 Biba ou votre femme ?

4 R. Non, non, ma femme, personne d'autre. C'est ma femme qui m'a dit cela.

5 Qui d'autre pourrait me donner des ordres ?

6 Q. Est-ce que vous l'avez fait ? Est-ce que vous avez enfilé cette veste

7 blanche ?

8 R. Je n'aimais pas vraiment l'idée, mais je l'ai fait.

9 Q. Je vous remercie. A ce moment-là, avez-vous vu des membres de la JNA à

10 l'hôpital, qui que ce soit de la JNA ?

11 R. J'en ai vu.

12 Q. Est-ce que vous pouvez dire à la Chambre, s'il vous plaît, à quel

13 moment vous avez vu pour la première fois des hommes de la JNA à

14 l'hôpital ?

15 R. Ecoutez, comment étaient-ils -- j'ai croisé M. Sljivancanin ainsi que

16 le Dr Ivankovic.

17 Q. Oui. Voyons maintenant ce qui en est de la journée où vous avez

18 rencontré Biba. Votre épouse vous a dit d'enfiler un manteau blanc et vous

19 l'avez fait. Que s'est-il passé par la suite ?

20 R. Que s'est-il passé ? Bien, comme cela, je suis arrivé le 19. J'ai passé

21 la nuit, cette nuit-là, dans une sorte de petite pièce avec ces

22 infirmières. Puis le lendemain, dans la matinée du 20, que s'est-il passé ?

23 Ils ont dit : Il va y avoir le convoi, et donc nous, je suppose, on allait

24 transporter les blessés.

25 Q. Je vous remercie. Pouvez-vous patienter un instant ? On va parler du

26 19, uniquement de la journée du 19. Pour ce qui est de cette journée-là,

27 vous avez vu Biba. Vous avez vu votre femme ?

28 R. Oui.

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1 Q. Que s'est-il passé ?

2 R. Oui, tout à fait, le 19.

3 Q. Pouvez-vous vous rappeler ?

4 R. Oui.

5 Q. On ne parle que du 19, s'il vous plaît.

6 R. Oui, oui, juste le 19.

7 Q. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé le 19 à partir du moment où

8 vous avez mis cette blouse ou ce manteau blanc ?

9 R. Je sais ce qu'on nous ordonnait de faire ce 19. Il y a eu des gens qui

10 ont eu des manteaux blancs, d'autres qui n'en ont pas eu. Puis on attendait

11 le 20. En attendant, on était à côté de la salle des pansements dans une

12 sorte de couloir, et c'est là qu'on se tenait. On s'est adossé au mur, et

13 là sont arrivés, je ne sais pas comment les appeler, je dirais des

14 Chetniks. Ils sont arrivés à la porte du service des urgences et quand ils

15 sont entrés, ils ont demandé de voir le Dr Ivankovic. Je ne sais pas où il

16 était, lui. Un homme s'est levé et il s'est mis à les pousser dehors.

17 Pendant ce temps-là, Ivankovic est arrivé et il s'est approché d'eux. Puis,

18 ils se sont mis comme pour faire un rapport : "Moi, je suis duc," et

19 l'autre dit : "Moi, je suis un assistant." Puis, les deux autres étaient

20 juste là et ils ne disaient pas un mot.

21 Q. Qu'avez-vous entendu dire ? Qu'ont-ils dit au Dr Ivankovic ?

22 R. Oui, j'ai entendu ce qu'ils ont dit. Et il y avait une autre dame avec

23 eux là-bas.

24 Q. Très bien. Alors, occupons-nous de la dame, et après on verra ce qu'il

25 en est de la conversation. Est-ce que vous avez reconnu la dame ?

26 R. Oui, oui, d'accord. Je n'ai pas reconnu la femme. J'ai juste reconnu la

27 figure. Je crois qu'elle vivait rue Raviceva, et je crois que son homme

28 était journaliste. Je ne sais pas si c'est à 100 % sûr, mais je crois que

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1 c'est à 100 % sûr.

2 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous connaissez le nom du journaliste

3 auquel elle était mariée ?

4 R. Stankovic, mais je ne connais pas son prénom.

5 Q. Je vous remercie. Alors, vous nous avez dit qu'il y a eu des gens qui

6 sont venus pour parler au Dr Ivankovic. Est-ce que vous vous rappeler avoir

7 dit cela ?

8 R. Oui tout à fait, je m'en souviens.

9 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire ce qu'ils ont dit, eux ?

10 R. Ils se sont présentés. Comme je l'ai dit, l'un a dit qu'il était un

11 duc, et l'autre, qu'il était un assistant. Les deux autres étaient

12 silencieux et ils ont dit : Vos fils vont venir ici pour vous voir.

13 Q. Est-ce que vous avez entendu la réponse du Dr Ivankovic ?

14 R. Il n'a rien dit. Il s'est tu.

15 Q. Merci. Vous nous avez dit que vous avez vu des gens que vous avez

16 décrits comme étant des Chetniks. Vous les avez vus arriver dans l'hôpital.

17 Est-ce que vous les avez vus le 19 ?

18 R. Oui, oui, oui, tout à fait, le 19.

19 Q. Les Chetniks, comment se sont-ils comportés le 19 ?

20 R. Comment se sont-ils comportés ? Ils disaient : "Mais donnez-nous des

21 Oustachi pour qu'on les égorge."

22 Q. Lorsqu'ils disaient des choses de ce type-là : Trouve-moi un Oustachi

23 pour que je lui coupe la gorge, quel effet est-ce que cela avait sur les

24 patients ou sur d'autres personnes qui l'entendaient ?

25 R. Cela avait un effet terrible sur nous qui étions là en train d'attendre

26 le convoi. Mais il y avait d'autres personnes qui les embrassaient, qui

27 disaient : "Voici nos sauveurs qui arrivent."

28 Q. Pour ce qui est des autres, est-ce qu'eux aussi les accueillaient comme

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1 leurs sauveurs ?

2 R. Il y avait des gens qui les embrassaient, les prenaient dans leur bras.

3 Ils sortaient de leurs chambres. Il y avait une infirmière qui s'appelait

4 Bilic. Je me souviens d'elle. Elle, elle s'est mise à les prendre dans ses

5 bras.

6 Q. Les Chetniks disaient-ils souvent qu'ils allaient égorger --

7 R. Je ne sais pas.

8 Q. Attendez. Je vais vous poser ma question et après, vous allez me

9 répondre que vous ne le savez pas. Quelle a été la fréquence de leurs

10 menaces contre les Oustachi ?

11 R. A plusieurs reprises. Ecoutez, cela ne s'est pas passé hier. Je ne peux

12 pas me souvenir exactement combien de fois ils ont crié cela.

13 Q. Je vous remercie. Vous nous avez parlé de Chetniks. Vous nous avez dit

14 qu'ils ont crié des menaces. Est-ce que cela s'est arrêté à un moment

15 donné ?

16 R. Arrêtez ? Mais comment arrêtez ? Un soldat est arrivé, il a fait

17 quelques pas par là, il a pris une Kalachnikov et il a dit : "Allez, sortez

18 de là. Sinon, je vais tous vous exécuter."

19 Q. Vous avez utilisé le terme "tous" en pensant aux Chetniks. Combien de

20 Chetniks -- pouvez-vous, s'il vous plaît, me laisser terminer. A ce moment-

21 là, il y avait combien de Chetniks à l'hôpital, à peu près ?

22 R. A l'hôpital, quatre.

23 Q. Sont-ils partis ?

24 R. Ils sont partis quand il les a chassés, l'autre.

25 Q. Qu'avez-vous pensé ? Qu'avez-vous ressenti à ce moment-là quand vous

26 avez vu les Chetniks ?

27 R. Que pensait-on ? On attendait le convoi et on espérait que le

28 lendemain, on serait mieux.

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1 Q. A quel moment pensiez-vous que le convoi allait arriver ?

2 R. On pensait dans la matinée, vers 8 heures.

3 Q. Pouvez-vous nous dire ce que vous avez fait dans la soirée du 19 ? Est-

4 ce que vous pouvez vous souvenir de l'endroit où vous vous êtes trouvé ?

5 R. Oui, oui, je m'en souviens. J'étais en bas. J'étais dans l'abri, là où

6 il y avait les blessés.

7 Q. Où dormiez-vous, si jamais vous avez eu l'occasion de dormir ?

8 R. Je n'ai dormi nulle part. J'étais dans une pièce.

9 Q. Il y avait combien d'autres personnes dans cette pièce avec vous ?

10 R. Attendez. Il y avait ma femme Ilonka, et Magda et moi.

11 Q. Elles, comment se sentaient-elles à ce moment-là ?

12 R. Pas très bien. On attendait la matinée du lendemain pour le convoi.

13 Q. Je voudrais maintenant parler de la matinée du 20, d'accord, Monsieur

14 Bucko ?

15 R. Tout à fait.

16 Q. Alors, parlons de cette matinée. Dans la matinée du 20, n'avez-vous

17 jamais quitté cette pièce ?

18 R. Si. Je me suis promené dans le couloir et il m'est arrivé de sortir

19 dehors.

20 Q. Pendant que vous étiez dans le couloir, vous est-il arrivé de voir

21 quelqu'un qui aurait fait naître des inquiétudes dans votre esprit ?

22 R. Oui.

23 Q. Qui avez-vous vu ?

24 R. Quand je suis sorti, c'était vers 8 heures, je ne sais pas, peut-être

25 un peu plus, mais à peu près dans ces zones-là, 8 ou 9, il y avait des

26 militaires, des autocars qui étaient arrivés.

27 Q. Je voudrais maintenant que l'on parle du temps qui a précédé l'arrivée

28 des autocars. Donc, occupons-nous maintenant de cette période de la matinée

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1 du 20 pendant laquelle vous étiez à l'hôpital.

2 R. Oui.

3 Q. Vous nous avez dit que vous êtes allé dans le couloir. Est-ce que vous

4 avez vu quelqu'un dans le couloir, quelqu'un que vous connaissiez ?

5 R. Oui, oui, tout à fait, dans le couloir. Oui, j'en ai vu.

6 Q. Est-ce que vous avez eu une conversation avec eux ou eux, vous ont-ils

7 adressé la parole dans le couloir ?

8 R. Je me suis adressé à eux.

9 Q. Pouvez-vous nous dire à qui vous avez parlé ?

10 R. J'ai parlé à M. le commandant Sljivancanin et j'ai aussi -- pardon.

11 Q. Etait-il seul ou y avait-il quelqu'un avec lui ?

12 R. Il y avait le Dr Ivankovic.

13 Q. De quoi avez-vous parlé avec M. Sljivancanin et Ivankovic ? Vous en

14 souvenez-vous ?

15 R. Puisque j'ai vu ce qui était en train de se passer, tout cela dehors,

16 je voulais m'adresser à lui pour lui dire quelque chose.

17 Q. Merci. De quoi avez-vous parlé ? Quelle conversation avez-vous eue ?

18 R. J'ai dit que je n'étais coupable de rien, que j'étais un civil et que

19 je ne voulais pas quitter ces lieux, sortir de là.

20 Q. A qui avez-vous dit cela ?

21 R. A Ivankovic.

22 Q. Quand vous avez dit cela à Ivankovic, est-ce que Sljivancanin était

23 toujours avec lui ?

24 R. Oui.

25 Q. Quand vous avez dit cela à Ivankovic, est-ce qu'Ivankovic ou

26 Sljivancanin ont répondu ?

27 R. Ivankovic a répondu qu'il n'était plus le patron, que c'étaient eux qui

28 étaient désormais les patrons.

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1 Q. Quand il a dit "eux," il pensait à qui ?

2 R. C'était au commandant Sljivancanin qu'il pensait.

3 Q. Sljivancanin, vous a-t-il dit quelque chose, à vous ?

4 R. Oui, oui.

5 Q. Que vous a-t-il dit ?

6 R. Ce qu'il m'a dit, il m'a dit : "En quoi est-ce que tu serais

7 meilleur ?"

8 Q. Vous a-t-il expliqué ce qu'il voulait dire par là ?

9 R. Il a dit : "En quoi est-ce que tu es meilleur que ceux qui ont les

10 mains tâchées de sang ?"

11 Q. Avez-vous répondu quelque chose à cette question que vous a posée

12 Sljivancanin ?

13 R. Non. Je me suis retourné et je suis allé dans la direction où se

14 trouvait ma veste, pour m'habiller.

15 Q. Où se trouvait votre épouse à ce moment-là ? Vous souvenez-vous de

16 cela ?

17 R. Dans la pièce où se faisaient les plâtres.

18 Q. Vous nous avez dit, il y a quelques instants, que lorsque vous êtes

19 sorti, vous vous êtes rendu compte de ce qui se passait à l'extérieur ? Que

20 se passait-il à l'extérieur ?

21 R. Toutes sortes de choses. Ils chargeaient les blessés, et de l'autre

22 côté de la dernière cour de l'hôpital, il y avait encore un autobus dans la

23 rue. Comment elle s'appelle ? Je ne me rappelle pas comment s'appelle cette

24 rue. Mais en tout cas, c'est à l'arrière de l'hôpital, la rue qui se trouve

25 de l'autre côté de l'hôpital.

26 Q. Les avez-vous vus emmener les blessés ou charger des blessés à bord de

27 véhicules quelconque ?

28 R. Oui.

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1 Q. Pouvez-vous décrire aux Juges de la Chambre ce que vous avez vu ?

2 R. Ce que j'ai vu ?

3 M. LE JUGE PARKER : Maître Lukic, vous avez une objection ?

4 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, une objection tout de

5 même. Nous n'avons pas réagi jusqu'à présent. Nous avons fait preuve de

6 compréhension à l'égard de la façon dont le Procureur pose ses questions.

7 Mais dans la dernière question posée par lui, il y avait vraiment une

8 suggestion trop importante, puisqu'il a dit : "Est-ce que vous avez vu des

9 blessés ?" Je pense tout de même qu'en interrogeant le témoin, il devrait

10 lui demander s'il a vu quelqu'un qui était chargé à bord de véhicules, sans

11 préciser qui. La question était beaucoup trop directrice.

12 M. LE JUGE PARKER : Maître Lukic, vous auriez pu avoir tout à fait raison

13 si la chose était venue d'elle-même. Mais si vous regardez la dernière

14 réponse du témoin, vous trouverez les mêmes mots prononcés par le témoin,

15 et le Procureur n'a fait que reprendre, si je ne m'abuse, les mots déjà

16 prononcés par le témoin dans sa dernière réponse.

17 Veuillez poursuivre.

18 M. MOORE : Merci beaucoup.

19 Q. Pouvez-vous, je vous prie, décrire aux Juges de la Chambre ce qu'il est

20 advenu des blessés, ce que vous avez vu de vos yeux ?

21 R. Ce qu'il est advenu ? Il y avait tous ces malheureux, les blessés et

22 les civils qui étaient à l'hôpital, et on les chargeait tous à bord des

23 autobus.

24 Q. Mais qu'en est-il plus précisément des blessés, puisque nous parlions

25 d'eux ? Pouvez-vous nous dire ce qu'il est advenu d'eux ?

26 R. Les blessés graves, on le descendait de leurs lits et on les

27 transportait jusqu'aux camions.

28 Q. Vous venez d'utiliser le mot "camion." Est-ce que, pour vous, ce mot

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1 est synonyme d'ambulance ? Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce que

2 vous entendez exactement par le mot "camion" ?

3 R. Mais non. Un camion, c'est un véhicule militaire. Un camion, c'est un

4 camion comme n'importe quel camion. Mais là, c'était un véhicule militaire.

5 Q. Est-ce que les blessés étaient chargés à bord des camions avec un

6 certain soin, avec certaines précautions ?

7 R. Sans le moindre soin, sans la moindre précaution.

8 Q. Pouvez-vous décrire plus complètement aux Juges de la Chambre ce qu'il

9 en était de ce transport ?

10 R. Oui, oui, je peux. Je n'ai pas vu le moindre médecin ou la moindre

11 infirmière à bord de ces autobus, ni des personnes qui pouvaient aider.

12 Q. Parlons maintenant de vous et de votre épouse uniquement, d'accord ?

13 R. Oui, oui, d'accord.

14 Q. Avez-vous quitté le bâtiment ? Quand je dis "vous," je pense à vous

15 uniquement, vous en personne.

16 R. Oui, j'ai quitté. Je suis sorti de l'hôpital tout seul.

17 Q. Dans quelle condition ? Comment êtes-vous sorti ?

18 R. Tout simplement. Parce que j'ai raconté que je les avais rencontrés, et

19 j'ai poursuivi mon chemin jusqu'à la pièce où se trouvait ma veste. J'ai

20 pris ma veste, et j'étais sur le point de me retourner quand je me suis

21 rendu compte que derrière moi se trouvait un soldat.

22 Q. Qu'est-il arrivé avec ce soldat ?

23 R. Il m'a pris par l'épaule et il m'a fait sortir.

24 Q. Quand il vous a fait sortir, y avait-il d'autres soldats là-bas ou

25 pas ?

26 R. Il m'a poussé à l'extérieur et il m'a dit qu'il fallait que j'aille un

27 peu plus loin où se trouvaient deux autres soldats qui faisaient la

28 fouille. C'étaient des soldats.

Page 2817

1 Q. Ces hommes qui faisaient des vérifications, est-ce qu'ils étaient des

2 soldats ou pas ?

3 R. Non, des civils. Non il y avait des soldats qui vérifiaient des civils.

4 Q. Où êtes-vous allés ?

5 R. Nous sommes montés à bord de l'autobus.

6 Q. Etes-vous montés à bord de l'autobus ?

7 R. Oui, oui, oui. Nous sommes tous montés à bord de l'autobus. Le bus

8 était plein. J'y suis monté le dernier.

9 Q. Vous a-t-on dit de prendre un siège particulier dans l'autobus, de vous

10 y asseoir dans un ordre particulier ?

11 R. Devant l'hôpital, on nous a rien dit.

12 Q. Est-ce que vous aviez le droit de regarder ce qui se passait hors de

13 l'autobus ?

14 R. Je voyais ce qui se passait par les vitres.

15 Q. Combien d'autobus avez-vous vu à ce moment-là ?

16 R. A ce moment-là, devant l'hôpital, il n'y en avait pas d'autre que le

17 nôtre. Un seul, le nôtre.

18 Q. Avez-vous vu des femmes à bord de cet autobus ?

19 R. Non.

20 Q. L'autobus a-t-il quitté le secteur de l'hôpital ?

21 R. Il a fermé la porte, n'est-ce pas, et il fallait qu'il fasse demi-tour.

22 Q. Le bus a démarré et il est allé où, je vous prie ?

23 R. Non, il fallait qu'il fasse demi-tour. Je n'ai pas dit qu'il avait

24 démarré. J'ai dit qu'il fallait qu'il fasse demi-tour.

25 Q. Est-ce que quelqu'un à bord de l'autobus -- quand je dis "quelqu'un,"

26 je veux dire vraiment n'importe quelle personne, est-ce que quelqu'un vous

27 a parlé à bord de l'autobus ?

28 R. Oui. Personne ne nous a parlé. Il y avait deux soldats qui avaient des

Page 2818

1 Kalachnikovs et il y avait le chauffeur qui nous a parlé effectivement,

2 mais il nous a parlé d'une mauvaise façon.

3 Q. Vous dites que le chauffeur vous a parlé d'une mauvaise façon. Que vous

4 a-t-il dit exactement ?

5 R. Je sais ce qu'il a dit. Il s'est levé, il a dit : "Je suis Monténégrin.

6 J'ai des voisins monténégrins, croates, serbes, et de toute sorte autour de

7 moi. Nous sommes tous bien les uns avec les autres. Et vous, les Chetniks,"

8 non, il a dit : "Les Oustachi," là, je me suis trompé, parce que je pensais

9 à eux dans ma tête, il a

10 dit : "Vous, les Oustachi, vous avez égorgé nos enfants et vous vous êtes

11 mis plein de sang sur les mains."

12 Q. Est-ce que finalement cet autobus à bord duquel vous vous trouviez a

13 quitté l'hôpital ?

14 R. Oui. Nous avons pris une direction inconnue.

15 Q. Pendant le trajet qu'a effectué l'autobus à bord duquel vous vous

16 trouviez --

17 R. Oui.

18 Q. -- y avait-il quelqu'un dans cet autobus que vous avez été surpris de

19 voir en votre compagnie à bord de cet autobus ?

20 R. Comment j'ai été surpris. Un homme s'est levé et il s'est mis à taper

21 sur une fenêtre et il criait : "C'est mon frère qui est là dehors." Lui,

22 c'était un soldat. Il a dit : "On m'a interpellé. J'étais blessé, et dans

23 l'hôpital on m'a versé du sang sur le corps et on m'a dit que j'avais

24 égorgé et tué des gens." Le chauffeur n'a pas arrêté l'autobus. Il a

25 simplement dit : "Seul ton frère peut te sauver."

26 Q. Aviez-vous vu l'homme qui se trouvait à l'extérieur de l'autobus avant

27 que l'homme à l'intérieur de l'autobus ne se mette à l'appeler ?

28 R. Oui. Je l'avais vu, mais il était un peu différent. Je pense que

Page 2819

1 c'étaient deux frères. A l'extérieur, c'était un homme qui avait les

2 cheveux noirs, qui était assez grand, et je pense qu'il s'appelait Faca.

3 Son père s'appelait Milan Husnik, mais je pense que tous les deux, ils

4 étaient frères.

5 Q. Vous dites que vous l'avez vu dans des vêtements différents. Quels

6 étaient les vêtements qu'il portait et qui étaient différents ?

7 R. Le couvre-chef.

8 Q. Quel genre de couvre-chef l'aviez-vous vu porter avant ?

9 R. Avant c'était ce couvre-chef en fourrure.

10 Q. Où aviez-vous vu cet homme quand vous l'avez vu avec un couvre-chef ?

11 R. Dans la rue Kras, du côté du quartier Sajmiste. Je me suis tout de

12 suite rendu compte de l'endroit où nous nous trouvions parce que j'habitais

13 dans le quartier de Sajmiste.

14 Q. L'autobus a-t-il fini par s'arrêter quelque part ?

15 R. Il s'est arrêté, mais dans la caserne. C'est là qu'il s'est arrêté.

16 Q. Etait-ce bien la caserne de la JNA de Vukovar ?

17 R. De la JNA, oui. De l'armée qui s'était trouvée autrefois à Vukovar.

18 Q. Quand l'autobus s'est arrêté devant la caserne de la JNA de Vukovar --

19 R. Oui.

20 Q. -- avez-vous vu s'il se trouvait au même endroit à ce moment-là

21 d'autres autobus ?

22 R. Comment est-ce que je ne les aurais pas vus, puisqu'il y avait quatre

23 autobus qui étaient là ? Nous les avons contournés et nous sommes arrivés à

24 l'avant de la colonne. De plus l'arrière, nous les avons dépassés, et nous

25 avons fini par être le premier autobus sur les cinq au total qu'ils y

26 avaient, avec quatre autobus derrière nous.

27 Q. Quelqu'un est-il sorti de l'autobus à bord duquel vous vous trouviez

28 quand celui-ci s'est arrêté ?

Page 2820

1 R. Oui. Il y en a un qui est sorti. Comme j'étais entré le premier,

2 j'étais tout près de la porte. Il est sorti. Il y avait là des soldats, des

3 Subaraci [phon], ou je ne sais pas comment on les appelle, ceux qui portent

4 ces couvre-chefs spéciaux. Ils se sont dirigés depuis notre autobus

5 jusqu'aux autres autobus.

6 Q. Pourrais-je vous parler ou peut-être serait-il préférable que je dise,

7 pourrais-je vous poser quelques questions au sujet de cet homme qui a

8 quitté l'autobus ? Vous nous avez dit qu'à la sortie il y avait des

9 officiers.

10 R. [aucune interprétation]

11 Q. Est-ce que ces officiers sortaient de l'autobus qui s'était arrêté ?

12 R. Bien, c'est cela qui avait été prévu dans le cadre du plan préexistant.

13 Ils étaient là à côté des portes des autobus.

14 Q. Combine d'officiers avez-vous vus, d'après vous ?

15 R. Je ne saurais vous le dire exactement. Deux ou trois, peut-être. Je ne

16 sais pas combien exactement. J'ai simplement vu qu'ils étaient là, alignés,

17 et qu'ils avaient des insignes qui montraient que c'étaient des officiers.

18 Q. Est-ce que vous seriez et pourriez-vous faire la différence entre ce

19 que j'appellerais pour ma part des officiers de la JNA d'actives et des

20 officiers réservistes de la JNA ?

21 R. Comment est-ce que je ne saurais pas faire la différence, puisque j'ai

22 fait mon service.

23 Q. Ces officiers dont vous venez de parler, étaient-ils des officiers

24 réguliers ou des officiers irréguliers ?

25 R. Des officiers réguliers de la JNA, de l'armée.

26 Q. Vous venez de nous dire qu'ils se trouvaient là trois ou quatre

27 officiers réguliers. Avez-vous vu d'autres soldats devant la caserne de la

28 JNA lorsque votre autobus s'est arrêté ?

Page 2821

1 R. Des simples soldats, il y en avait plusieurs mélangés avec les autres.

2 Q. Quand nous parlons des autres, pourriez-vous nous dire à peu près quel

3 était leur nombre de ces autres ?

4 R. Je dirais, je ne sais pas combien il y en avait, mais je dirais une

5 cinquantaine.

6 Q. Quelle était l'ambiance générale au moment où les autobus se sont

7 arrêtés ?

8 R. Une ambiance triste.

9 Q. Qu'entendez-vous par "triste" ?

10 R. Parce que dans les autobus, ils distribuaient des coups. Ils criaient,

11 ils insultaient, en disant : "Vous, les Oustachi, on encule Tudjman, on

12 encule votre arrière train." Enfin, c'était des mots terribles, des mots

13 que je n'ai jamais entendus.

14 Q. L'un ou l'autre des officiers de la JNA, a-t-il empêché ces hommes de

15 lancer ces insultes et ces menaces ?

16 R. Ils n'ont pas bougé le petit doigt.

17 Q. Quel effet tout cela a-t-il eu sur vous, le fait de vous entendre dire

18 qu'ils allaient coupé la gorge des Oustachi ?

19 R. Les gens n'ont pas ressenti la moindre conséquence. Vous savez

20 pourquoi ? Parce que c'était des civils qui n'avaient pas la moindre

21 culpabilité, qui aimaient leur ville et qui s'étaient sacrifiés pour elle.

22 Q. Comment se comportaient les gens qui étaient à l'extérieur ?

23 R. Ne me le demandez même pas.

24 Q. Je suis en regret de dire qu'il est de mon devoir de vous le demander.

25 Pouvez-vous apporter une réponse à la question ?

26 R. Ils étaient nombreux ces shubara sesarquaci [phon], je ne sais pas

27 comment on les appelle - des commandants, des gens qui portaient ces

28 couvre-chefs à poil, ces toques. Ils étaient de toute sorte à l'extérieur.

Page 2822

1 Quand les gens ont commencé à descendre des autobus, puisque les autres

2 avaient à la main des bâtons, des battes, les coups ont commencé à pleuvoir

3 de toute part, les coups, les gifles, puis un capitaine est arrivé.

4 Q. Vous dites que ces gens qui descendaient des autobus ont été frappés,

5 mais avec quoi ?

6 R. Avec quoi ils ont été frappés; avec des bâtons, avec des morceaux de

7 bois, avec tout ce qu'ils avaient sous la main. Quand on vous frappe, on

8 vous frappe. On ne regarde pas de quoi exactement.

9 Q. L'une ou l'autre des personnes qui a été frappée, est-elle tombée au

10 sol ?

11 R. Tombée, mais bien sûr, qu'il y en a qui sont tombées.

12 Q. Que s'est-il passé quand ces personnes sont tombées au sol ? Est-ce que

13 les coups ont cessé de pleuvoir ?

14 R. Non, enfin, je ne sais pas qui a fait quoi exactement, mais le passage

15 à tabac a commencé au moment où un officier est arrivé dans notre autobus.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic ?

17 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je prie mon

18 collègue de l'Accusation de m'excuser pour cette interruption, mais j'ai

19 une objection par rapport au compte rendu d'audience, page 21, ligne 15.

20 Les termes, au long terme, "tous" figure au compte rendu d'audience dans la

21 réponse fournie par le témoin, et la question est de savoir si certaines

22 personnes sont tombées au sol. Or, le témoin n'a pas dit "tous," il a dit

23 "certains". Peut-être mon collègue de l'Accusation pourrait-il tirer cela

24 au clair. Je vous remercie.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Vasic.

26 Oui, veuillez poursuivre, Monsieur Moore.

27 M. MOORE : [interprétation]

28 Q. J'aimerais simplement vous poser une nouvelle fois une question déjà

Page 2823

1 posée pour que tout soit clair. Vous nous avez dit que les gens étaient

2 frappés --

3 R. Oui.

4 Q. -- que certains sont tombés au sol. Est-ce qu'il s'agit de certaines

5 personnes qui sont tombées au sol, ou avez-vous dit que toutes les

6 personnes étaient tombées au sol ?

7 R. Mais non, mais les gens descendaient des autobus de la façon suivante,

8 et maintenant je vais vous dire comment cela s'est passé : Un capitaine est

9 arrivé et il a pénétré dans notre autobus avec deux soldats. Ils avaient un

10 bout de papier à la main. A ce moment-là, il y a en a un qui est arrivé

11 depuis l'autre côté, depuis le sixième autobus, et il a dit : "Tous ceux

12 dont je vais prononcer le nom qui figure sur ce bout de papier, je vous

13 demande de sortir et d'aller dans ce sixième autobus."

14 C'est ce qui s'est passé. Il a appelé mon nom, puisque j'étais dans le

15 premier autobus. J'étais parmi les premiers noms. Il n'arrivait pas à lire

16 mon nom, il bredouillait un peu. Finalement, il a lu mon nom et il a dit :

17 "Toi, tu sors de cet autobus et tu vas dans l'autre autobus là-bas." Je

18 suis sorti et j'ai pris place dans l'autre autobus. De mon autobus sont

19 sortis Selebaj et son père. Tous les deux s'appellent Selebaj. Nous avons

20 pris place dans l'autre autobus.

21 Entre-temps, deux policiers militaires sont arrivés, qui étaient amenés par

22 un capitaine encore. Ils sont montés à bord et le capitaine a dit : "Ne les

23 frappez pas." A ce moment-là, on a commencé à faire sortir des gens

24 d'autres autobus pour les faire monter à bord du mien, et c'est là que les

25 coups ont commencés.

26 Q. Je vous interromps ? Vous nous avez dit qu'un officier avait dit : "Ne

27 les frappez pas." Les coups ont-ils cessés quand cet officier a dit cela ?

28 R. Mais non. Lui, il a dit cela aux policiers parce que quand on faisait

Page 2824

1 monter les gens à bord, on les poussait, et on les frappait, et après, ceux

2 qui étaient à l'intérieur continuaient à être frapper à l'intérieur, n'est-

3 ce pas ?

4 Q. Mais l'officier était-il sérieux quand il a prononcé les mots : "Ne les

5 frappez pas ?"

6 R. Cela, je ne le sais pas comment je pourrais le savoir. Je ne peux

7 vraiment pas le savoir.

8 Q. Au moment où les coups pleuvaient, est-ce que l'officier a tenté

9 d'empêcher ces officiers de vous frapper ?

10 R. Il a disparu.

11 Q. Pourquoi ? Pourquoi a-t-il disparu ?

12 R. Mais il a disparu. On ne l'a plus vu.

13 Q. Que s'est-il passé pendant qu'on vous frappait ?

14 R. Ce qui s'est passé ? En dehors, ils tapaient, mais les policiers ont

15 continué.

16 Q. Dans toute cette période, est-ce que l'un ou l'autre des officiers de

17 la JNA a fait la moindre tentative pour mettre un terme à ce passage à

18 tabac ?

19 R. Mais personne. Personne ni de près, ni de loin.

20 Q. Vous nous avez dit que vous êtes monté à bord d'un autobus vide, et je

21 crois vous avoir entendu dire que d'autres également l'ont fait après vous;

22 est-ce exact ?

23 R. Oui, oui. Exact, exact, exact.

24 Q. Qui a été le premier à monter à bord de cet autobus vide ?

25 R. Moi, moi.

26 Q. Est-ce que vous avez vu les autres montés à bord ?

27 R. Oui.

28 Q. Avez-vous vu si l'un ou l'autre des autres hommes qui ait monté à bord

Page 2825

1 de cet autobus vide, après vous, avait été frappé avant ?

2 R. Comment est-ce qu'ils n'auraient pas été frappés, puisqu'il y en avait

3 un qui avait du sang sur le visage et qui se tenait un bout de chiffon sur

4 le visage quand il est monté à l'intérieur.

5 Q. Combien d'hommes finalement sont montés à bord de cet autobus vide ?

6 R. Il est monté, bien, écoutez, 15 hommes ou même plus, plus que 15, 15 ou

7 je ne sais pas. Je ne sais pas exactement, mais 15 sûrement.

8 Q. Combien de temps a-t-il fallu pour que ce que j'appelle l'autobus vide,

9 en tout cas un autobus dans lequel vous vous trouviez, pour que cet autobus

10 quitte l'enceinte de la caserne de la JNA ?

11 R. Il n'est pas parti. La porte a été fermée, et ceux qui portaient des

12 blouses blanches et qui étaient censés transporter les blessés,

13 malheureusement, ils ont reçu des coups. On les a frappés dans tous les

14 sens.

15 Q. Où cela s'est-il passé ?

16 R. Dans l'autobus. La police frappait.

17 Q. Etait-ce l'autocar à bord duquel vous étiez vous-même ou un autre que

18 vous pouviez voir ?

19 R. Non. Là où j'étais, le seul. Je n'en ai pas vu d'autres. Celui qui

20 avait été vide et qui s'est rempli de gens.

21 Q. Donc, votre autobus, est-ce qu'il a quitté la caserne de la JNA à ce

22 moment-là ?

23 R. Oui. Il est parti. Mais malheureusement, on ne savait pas où on allait,

24 dans quelle direction.

25 Q. Est-ce que vous vous rappelez ce trajet de retour à bord de l'autocar ?

26 R. La seule chose dont je me souviens c'est que j'ai vu que nous étions de

27 nouveau près de ma maison.

28 Q. Avez-vous vu quelque chose se produire pendant que vous étiez à bord de

Page 2826

1 cet autocar qui revenait ?

2 R. Rien ne se passait. Ils faisaient ce qu'ils voulaient. Ils nous

3 criaient dessus : "Vous avez égorgé nos enfants, tué."

4 Q. Pouvez-vous dire --

5 R. Enfin, plein de choses qu'on ne peut pas reproduire. Vous savez comment

6 c'est quand on est enfermé.

7 Q. Pouvez-vous dire à la Chambre ce qu'ils disaient qu'ils allaient vous

8 faire ?

9 R. Qu'ils allaient nous tuer; c'est cela. Quoi d'autre ?

10 Q. Il est exact de dire que l'autocar est revenu et qu'il s'était arrêté

11 près de l'hôpital; est-ce que cela est exact ou non ?

12 R. Cela, c'est exact.

13 Q. Lorsque l'autocar s'est arrêté, est-ce que vous êtes descendu ?

14 R. L'autocar s'est arrêté, mais on n'est pas descendu. Celui qui était en

15 sang, il est descendu. Les militaires l'ont pris et ils l'ont emmené

16 quelque part, je suppose à l'hôpital.

17 Q. Est-ce que vous avez entendu ce qu'ils ont dit à cet homme dont la tête

18 était en sang ?

19 R. Ils n'ont rien dit à ce moment-là. Mais avant, ils avaient dit des

20 choses. Là, il est parti vers l'hôpital. Je n'ai pas vu ou entendu ce

21 qu'ils lui ont dit.

22 Q. Est-ce que vous avez revu votre femme ce jour-là ?

23 R. Elle est venue près de l'autocar et elle s'est mise à taper dessus en

24 criant. Elle voulait rentrer pour me sauver, mais pas question, ils ne

25 voulaient pas la laisser monter à bord de l'autocar.

26 Q. Mais finalement, vous avez pu descendre de l'autocar ?

27 R. M. Sljivancanin est arrivé, et Bogdan, le concierge et un commandant.

28 Je ne sais pas exactement qui était-ce. Je ne l'ai pas bien vu. Je ne l'ai

Page 2827

1 pas reconnu. Ils ont dit : "Descendez. Vous avez été des soldats."

2 Q. Etes-vous descendu de l'autocar ?

3 R. Je suis descendu le premier. Il m'a dit : "Placez-vous au bord du

4 trottoir. Alignez-vous ici."

5 Q. L'avez-vous fait ? Vous êtes-vous aligné le long du trottoir ?

6 R. Nous tous, tous qui étions dans l'autocar, nous nous sommes mis en

7 rang.

8 Q. Que s'est-il passé à ce moment-là ?

9 R. M. Sljivancanin a demandé à Bogdan s'il me connaissait.

10 Q. Et Bogdan, qu'a-t-il dit ?

11 R. Il a dit qu'il ne me connaissait pas.

12 Q. M. Sljivancanin, a-t-il dit encore quelque chose après cela ?

13 R. Il m'a demandé à moi si je connaissais Bogdan.

14 Q. Lui avez-vous répondu ?

15 R. Je lui ai dit que je ne le connaissais pas.

16 Q. Que s'est-il passé par la suite ?

17 R. M. Sljivancanin a dit : "Circule."

18 Q. L'avez-vous fait ?

19 R. Oui, bien entendu. Puisqu'il m'a dit, circule, je suis parti vers

20 l'hôpital.

21 M. LUKIC : [interprétation] Page 26, ligne 14, l'interprétation ne

22 correspond pas à ce que le témoin a dit. Donc, je souhaite que l'on

23 interprète exactement les propos du témoin. Page 26, ligne 14.

24 M. LE JUGE PARKER : Je vous souhaite, bonne chance, Monsieur Moore.

25 M. MOORE : Je vous remercie vivement, Monsieur le Président.

26 Q. Pouvez-vous nous dire encore une fois ce que le commandant Sljivancanin

27 vous a dit lorsque vous lui aviez fait savoir que vous n'aviez pas reconnu

28 Bogdan ? Pouvez-vous vous rappeler la phrase qu'il a utilisée ?

Page 2828

1 R. Il a dit : "Circule, circule." Je ne vois pas quel autre terme.

2 "Circule." Je ne sais pas quel sens cela avait pour lui.

3 Q. Qu'en est-il des autres de l'autocar ? Qu'est-il advenu de ces gens-

4 là ?

5 R. Je ne sais pas, parce qu'ils sont partis après moi.

6 Q. Est-ce que vous connaissez les noms des gens qui étaient à bord de

7 l'autocar ?

8 R. Oui, bien sûr. Il y a Kolja, Sime.

9 Q. Avant que vous ne continuez, est-ce que vous connaissez le nom de

10 famille de Kolja ?

11 R. Kolesar.

12 Q. Je vous remercie. Quels sont les autres noms que vous pouvez nous

13 donner, s'il vous plaît ?

14 R. Sime. Lui, il était chauffeur de l'ambulance.

15 Q. Y avait-il qui que ce soit d'autre ?

16 R. Sic.

17 Q. Et Sic, qui était-il ?

18 R. Sic ?

19 Q. Oui, Sic.

20 R. C'est un autre homme qui lui aussi faisait partie de ceux que je

21 connaissais dans l'autocar.

22 Q. L'aviez-vous connu, Sic, auparavant ?

23 R. Bien sûr que je l'ai rencontré. Sa femme, je sais qu'elle travaillait à

24 l'hôpital. Donc, je les connaissais, puisqu'ils venaient nous voir.

25 Q. Et qui que ce soit d'autre qui serait monté à bord de cet autocar ?

26 R. C'était le frère de Sime.

27 Q. Quel était son nom, le frère de Sime ?

28 R. Jakov, je crois.

Page 2829

1 Q. Est-ce que vous connaissez d'autres noms ?

2 R. Celui dont la tête était ensanglantée, celui qui est descendu.

3 Q. Connaissez-vous son nom ?

4 R. Adzaga.

5 Q. Vous nous avez parlé de Bogdan. Pourriez-vous dire aux Juges qui était

6 Bogdan ?

7 R. Bogdan, il était portier à l'hôpital et il nous connaissait tous.

8 Q. Savez-vous de quelle appartenance politique était Bogdan ? De quel côté

9 allaient ses préférences ?

10 R. Cela, je ne peux pas vous le dire parce que je n'ai jamais eu de

11 contact avec lui. Je sais qu'il était à l'entrée quand je venais à

12 l'hôpital, qu'il était concierge. Quand je venais voir ma femme, je le

13 voyais.

14 Q. Quand vous êtes parti, on vous a dit de circuler ?

15 R. Oui.

16 Q. Avez-vous vu ce qui est advenu du reste des hommes qui étaient à bord

17 de l'autocar ?

18 R. Non, non. Cela, je ne sais pas ce qui est arrivé par la suite, parce

19 que nous sommes tous descendus. Alors, comment ils sont descendus ? Est-ce

20 qu'ils ont été contrôlés eux comme moi, cela, je ne sais pas, parce que

21 j'étais parti. Je ne sais pas ce qu'il est advenu d'eux. On m'a dit :

22 "Circule," et j'ai circulé.

23 Q. Où êtes-vous parti lorsqu'on vous a dit de quitter les lieux ?

24 R. Je suis parti en direction de l'entrée principale, du portail, et c'est

25 là que j'ai vu ma femme.

26 Q. Après avoir rencontré votre femme, qu'avez-vous fait ?

27 R. On est parti dans l'enceinte devant le portail. C'est là que tout le

28 monde se tenait. C'était là et autour de l'hôpital.

Page 2830

1 Q. En fin de compte, avez-vous quitté Vukovar ?

2 R. Oui.

3 Q. Comment avez-vous quitté Vukovar ?

4 R. Ce n'était pas drôle. On nous a embarqués à bord des autocars. Ils ont

5 demandé qui voulait aller à Novi Sad et qui voulait aller pour Zagreb.

6 Q. Est-ce que vous souhaitiez à ce moment-là quitter Vukovar ?

7 R. Mais bien sûr que non. J'ai défendu ma ville. Je ne voulais pas quitter

8 Vukovar.

9 Q. Finalement, où êtes-vous allé ?

10 R. Où voulez-vous qu'on aille ? A Mitrovica. Je peux vous dire

11 l'itinéraire qu'on a emprunté.

12 Q. Je voudrais qu'on en parle brièvement. Est-ce que vous étiez à bord

13 d'un autocar ou à bord d'un autre véhicule ?

14 R. A bord de l'autocar.

15 Q. Etait-ce en tant que partie d'un convoi ou non ?

16 R. Non, non, c'étaient des autocars civils, l'un derrière l'autre.

17 Q. Il y avait combien d'autocars ?

18 R. Cela, je ne pourrais pas vous le dire parce que je ne sais pas combien

19 il y en avait devant ni derrière. Je ne pouvais pas tourner la tête.

20 Q. Est-ce que vous vous rappelez votre évacuation ou non ?

21 R. Si, bien sûr que je m'en souviens. Je ne vais jamais, jamais l'oublier

22 tant que je vis.

23 Q. Alors, pouvez-vous, s'il vous plaît, raconter à la Chambre votre

24 évacuation ?

25 R. Oui volontiers, je vais leur raconter. Nous sommes partis de l'hôpital,

26 mais dans une direction qui nous était inconnue. Quand on a pris la route

27 de Negoslavci, immédiatement j'ai su où on allait partir, car ce n'était

28 pas pour Zagreb qu'on se dirigeait.

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1 Que s'est-il passé ? De Sajmiste, ils nous ont emmenés vers

2 Negoslavci, et on pensait qu'on allait partir pour Zagreb. On avançait

3 doucement, calmement, et comme cela, on est arrivé.

4 Q. Où êtes-vous arrivés en fin de compte ?

5 R. On est arrivé à Mitrovica.

6 Q. Vous nous avez parlé de deux occasions où vous avez rencontré le

7 commandant Sljivancanin ?

8 R. Oui.

9 Q. Comment savez-vous que cet homme auquel vous vous référiez s'appelle

10 Sljivancanin ?

11 R. Bien, voilà. Il est arrivé. Je pense qu'il n'est pas arrivé pour la

12 première fois le 20. Je pense qu'il a dû se trouver à l'hôpital dès le 19,

13 car on racontait à l'hôpital comment il était, qui il était, et ils ont dit

14 qu'il s'était présenté. Donc c'est cela ce type-là.

15 Q. Seriez-vous en mesure de décrire à la Chambre l'individu que vous avez

16 appelé Sljivancanin ? Est-ce que vous pouvez dire quelle est sa taille ?

17 R. Il est grand de taille, plutôt grand. Il a une moustache. Il est plutôt

18 fort.

19 Q. Et l'homme que vous avez décrit en tant que Sljivancanin, quel était

20 son grade ? Est-ce que vous le saviez ?

21 R. Je pense que son grade était celui du commandant. Mais vous savez, je

22 ne connais pas bien les grades parce que cela faisait longtemps que j'avais

23 fait mon service.

24 Q. L'homme que vous avez décrit en tant que Sljivancanin, comment s'est-il

25 conduit lorsque vous l'avez rencontré ? Est-ce que vous pouvez nous dire

26 l'impression qu'il vous a faite, quelle a été son attitude ?

27 R. C'était comme un paon. Il n'arrêtait pas de rouler les mécaniques.

28 M. MOORE : [interprétation] Je n'ai pas d'autre questions. Je vous

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1 remercie.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Moore.

3 Maître Domazet ?

4 C'est Me Domazet qui vous posera quelques questions à présent, Monsieur

5 Bucko.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.

7 Contre-interrogatoire par M. Domazet :

8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Bucko.

9 R. Bonjour.

10 Q. Je suis Vladomir Domazet. Je suis l'avocat de M. Mrksic. Je vais vous

11 poser quelques questions. En répondant, je vais vous demander tout d'abord

12 d'attendre de voir apparaître la question à l'écran et de ne commencer qu'à

13 ce moment-là. Comme nous parlons la même langue, ceci rend le travail des

14 interprètes un peu difficile. Ils doivent tout traduire.

15 R. D'accord, c'est bien.

16 Q. Vous avez répondu aux questions posées par mon confrère aujourd'hui, et

17 ce faisant vous avez dit que d'après vous, tout a commencé le 2 mai 1991,

18 avec Borovo Selo; ai-je raison ?

19 R. Oui.

20 Q. Savez-vous ce qui s'est passé exactement le 2 mai ? Puisque vous vous

21 êtes contenté de dire que, comme vous l'avez dit, certains des nôtres ont

22 été tués, des policiers à nous.

23 R. Non, pas des nôtres, des policiers croates.

24 Q. Très bien. Je vous demande précisément de nous dire si vous savez ce

25 qui s'est passé. Comment est-ce que cela s'est produit ? Qu'est-ce qu'il a

26 provoqué ?

27 R. Je ne me suis pas trouvé sur les lieux. Je ne me suis trouvé que devant

28 l'hôpital au moment où ils étaient déjà morts, où on allait les emporter.

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1 Tout simplement, on a raconté qu'ils allaient partir là-bas pour négocier.

2 Q. Donc, vous avez entendu dire qu'ils se sont rendus là-bas aux

3 négociations et qu'ils ont été tués ?

4 R. Oui, c'est cela.

5 Q. Est-ce que vous avez entendu dire quel a été le nombre de policiers qui

6 se sont rendus là-bas, ou combien d'autocars, ou combien de camions ?

7 R. Je ne peux pas vous dire exactement, un ou deux ou trois. Je n'y ai pas

8 été.

9 Q. Pouvez-vous me dire pourquoi quelle raison il a fallu qu'il y ait des

10 négociations ?

11 R. Ne me posez pas ce genre de questions. Je ne suis pas un politicien.

12 Q. Mais vous avez dit vous-même que vous avez entendu dire qu'ils étaient

13 partis là-bas pour négocier. Je suppose qu'on a pu vous dire aussi quel

14 devait être l'objectif de ces négociations ?

15 R. Mon cher Monsieur, je suis un simple citoyen de la ville de Vukovar.

16 Q. Je n'en doute pas une seconde, Monsieur Bucko, mais en tant que simple

17 citoyen, précisément, vous pouviez avoir une information. C'est pour la

18 première fois aujourd'hui que j'entends qu'il s'est agi de négociations.

19 Comment avez-vous su qu'il devait y avoir de négociations là-bas ?

20 R. Mais pourquoi vous ne posez pas cette question à ceux qui sont assis

21 là-bas ?

22 Q. Monsieur Bucko, je suis obligé de vous poser des questions. Si vous ne

23 souhaitez pas me répondre --

24 R. Mais je n'avais rien à dire. Je suis ni historien, ni politicien, et je

25 n'y ai pas été.

26 Q. Très bien. On va passer à autre chose. Dites-moi, que s'est-il passé

27 après cette journée du 2 mai 1991 ?

28 R. Mais que voulez-vous qu'il se produise. Vous savez qu'est-ce que c'est

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1 quand quelqu'un attaque votre maison ?

2 Q. Mais quelle maison ? Ces policiers sont-ils arrivés dans les maisons de

3 ceux qui leur ont tiré dessus ?

4 R. Non, ils ne sont pas venus pour tirer, mais c'est l'armée, la JNA, qui

5 a tiré sur eux. On ne va pas se voiler la face.

6 Q. De quel incident parlez-vous ?

7 R. De celui de Borovo Selo, de celui au sujet duquel vous m'avez posé

8 votre question.

9 Q. Vous voulez dire que c'est en réalité la JNA qui a tiré sur les

10 policiers ?

11 R. Non la JNA. Enfin, l'armée qui s'est trouvée sur place. Je ne peux pas

12 accuser une seule partie. Peut-être que c'était la JNA. Peut-être que

13 c'était mixte. Je ne sais pas. Je n'étais pas sur place.

14 Q. Mais je ne vous posais plus de questions au sujet de cet incident. Je

15 vous ai dit, bon, laissons cela, passons à autre chose.

16 R. Vous n'arriverez à rien avec moi. De toute façon, vous ne pouvez pas

17 vous y prendre comme cela avec moi. De toute façon, je ne vais plus

18 répondre à vos questions. Vous ne pouvez pas me forcer.

19 Q. Monsieur Bucko ?

20 R. Oui.

21 Q. Monsieur Bucko, après le 2 mai, c'est cela que je vous demande, au mois

22 de mai ou plus tard, au mois de juin, pouvez-vous nous dire quelle a été la

23 situation à Vukovar, dans les environs ? Vous étiez toujours à Vukovar.

24 Vous résidiez toujours à Sajmiste. Vous avez répondu à des questions que

25 vous a posées le Procureur là-dessus. Je vais vous demander maintenant de

26 bien vouloir répondre à mes questions.

27 R. Mais, dites-moi quelles sont les questions que vous souhaitez me

28 poser ? Quels sont les événements sur lesquels vous souhaitez que je vous

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1 répondre ?

2 Q. Très concrètement ?

3 R. Voilà.

4 Q. Est-ce qu'on a commencé à dresser des barrages dans certains quartiers

5 ou dans les environs de Vukovar, dans la ville même de Vukovar, à Borovo

6 Selo, Borovo Naselje ?

7 R. Si, je suis de Sajmiste. Je peux vous dire ce qui se passe dans ma rue,

8 dans mon pâté de maison, enfin, mon quartier. Je sais ce qu'il en est de

9 l'endroit où je suis, mais je ne peux vous parler des endroits où je

10 n'étais pas. Je faisais la navette entre chez moi et l'hôpital, aller-

11 retour, tout le temps, jusqu'à la fin de la guerre. Cela ne sert à rien

12 qu'on se courre après. On n'arrive à nulle part.

13 Q. Monsieur Bucko, qu'entendez-vous par là lorsque vous

14 dites : "Ne nous entraînons pas l'un l'autre ?"

15 R. Je ne peux pas vous répondre au sujet des choses que je ne connais pas.

16 Je me suis engagé à dire la vérité. Maintenant, vous me demandez ce qui

17 s'est passé à Borovo, à Berak. Je n'en sais rien. Là où je vivais, rue

18 Slavonie Brigada [phon], Istarska, et cetera, ces rues où je vivais, bien

19 là, il n'y avait aucune brigade, aucune barricade. Enfin, vos barricades,

20 elles n'existaient pas là. Dites-moi, vous, ce qui s'est passé là où je

21 n'étais pas ? Je ne veux pas que l'on en arrive au point où je dirais que

22 je ne veux plus avoir de conversations avec vous. Ne me forcez pas à vous

23 parler des choses que je ne connais pas où je n'ai pas été. Posez-moi des

24 questions sur la partie du quartier que je connais, de telle rue à telle

25 rue; sinon, ce ne sera pas possible. Il faudrait y mettre fin.

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Bucko, je vous demanderais de

27 concentrer votre attention sur les Juges de la Chambre pour quelques

28 instants. Vous êtes ici pour tenter de nous aider à mieux comprendre ce que

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1 vous savez des événements survenus à Vukovar. Nous, les Juges, nous

2 n'étions pas là-bas, mais il nous faut essayer d'apprendre ce qui s'y est

3 passé. Vous, vous étiez sur place, donc, nous sommes dans l'obligation de

4 tenter d'apprendre de votre bouche ce que vous savez des événements. Vous

5 nous sauriez d'un grand secours si vous pouviez nous dire ce que vous savez

6 de ces événements.

7 La façon dont on vous demande de nous aider consiste à écouter les

8 questions qui vous sont posées par les différents représentants de la loi

9 présents ici.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ils vont vous interroger au sujet d'un

12 certain nombre d'éléments qui sont importants dans le cours de ce procès.

13 Si l'objet d'une question correspond à des éléments que vous

14 connaissez, dites-nous ce que vous savez. Dans le cas où vous n'avez aucun

15 renseignement, aucune information en rapport avec la question qui vous est

16 posée, dites simplement : "Je suis désolé, je ne suis pas au courant. Je ne

17 sais pas." A ce moment-là, on vous interrogera au sujet de quelque chose

18 d'autre. Vous n'avez aucun besoin de vous mettre en colère à cause d'une

19 question, simplement parce que vous ne savez pas comment y répondre. Car,

20 c'est seulement si on vous pose la question et que vous répondez en disant

21 : "Je ne sais pas quelle est la réponse," que nous, les Juges, pouvons

22 savoir les éléments qui, chez vous, correspondent à ces choses que vous

23 savez et les éléments qui, chez vous, correspondent à des choses que vous

24 ne savez pas.

25 Donc, si vous aviez bien compris ce processus, je dirais qu'il est possible

26 que ce processus ne soit pas quelque chose à quoi vous êtes très habitué,

27 mais, en tout cas, ne vous inquiétez absolument pas si on vous pose une

28 question dont vous ne connaissez pas la réponse. Dites simplement :

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1 "Ecoutez, je suis désolé, je ne sais pas." J'aimerais que vous vous

2 efforciez de nous aider à partir de maintenant en écoutant les questions

3 que vous pose la personne qui vous interroge en essayant d'y répondre mieux

4 de vos capacités et en disant, le cas échéant, que vous ne pouvez pas

5 répondre si vous ne le savez pas. Nous vous serons dans ce cas très

6 reconnaissants.

7 Maître Domazet, vous pouvez poursuivre. Je vous remercie.

8 M. DOMAZET : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

9 Q. Monsieur Bucko, mes questions portaient sur les barrages. Est-ce que

10 vous avez la moindre information au sujet de ces barrages ? Savez-vous

11 s'ils ont existé ? Si oui, parlez-nous de ces barrages.

12 R. J'ai entendu parler de ces barrages, mais qui les ont érigés, je ne

13 sais pas. Ce que je sais, c'est que dans ma rue et dans mon quartier, il

14 n'y en avait pas. Pour le reste, j'ai répondu. Donc, non.

15 Q. Suis-je en droit de comprendre, après avoir entendu votre dernière

16 réponse et votre réponse précédente, que pour l'essentiel dans cette

17 période, vous circuliez dans votre rue et les quelques rues avoisinantes et

18 pas plus loin que cela ?

19 R. Toutes ces rues font au total un cercle d'un kilomètre, ou peut-être,

20 comment est-ce que je pourrais dire, dix kilomètres, d'un côté de l'autre.

21 Vous voyez, les rues sont étroites. C'est un petit quartier, quatre rues

22 habitées, et plus loin, tout descend vers la ville. C'est une colline. Vous

23 voyez, ce n'est pas loin de la caserne. Ceux qui savent où est la caserne,

24 savent à quoi ressemble le quartier. Qui est-ce qui aurait pu imaginer que

25 quelqu'un dresse un barrage à côté d'une caserne ?

26 Q. Vous décrivez ce quartier qui compte quelques rues. Je me demande, si

27 j'ai bien compris, ce que vous avez dit précédemment, à savoir que dans

28 cette période vous n'avez circulé que dans votre rue et quelques rues

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1 voisines, que vous n'êtes à aucun moment allé ailleurs, plus loin ?

2 R. Oui. Bien voilà. Je ne suis à aucun moment allé plus loin.

3 Q. Mais vous avez parlé aussi d'un trajet jusqu'à l'hôpital, et pour

4 autant que je le sache ce n'est pas si près que cela de chez vous.

5 R. J'accompagnais ma femme à l'hôpital en voiture, comme cela tout sera

6 clair pour vous, tant que j'ai pu le faire, puisque je n'avais plus de

7 travail. Tant que c'était possible, ne vous imaginez pas des choses, tant

8 que cela a été possible.

9 Q. A bord de votre véhicule personnel, vous accompagnez votre épouse à

10 l'hôpital et rentriez chez vous à la maison après l'avoir accompagnée ?

11 R. Non, non. Elle est arrivée à l'hôpital le 25 août. Elle a été appelée

12 par téléphone le 25 août pour la première fois, et l'ambulance est venue la

13 chercher. Elle est montée dedans et elle est allée à l'hôpital parce

14 qu'elle était obligée d'aller travailler. Comme cela, ce sera clair pour

15 vous, parce que je ne vois pas comment je peux l'expliquer autrement. Quand

16 elle est arrivée, on leur a donné des horaires de travail de 24 heures sur

17 24. Quand elle pouvait m'appeler, elle m'appelait, et je venais la chercher

18 quand c'était possible. Si je ne pouvais pas, quand je n'ai plus pu le

19 faire, je suis allé à l'hôpital quand les choses se sont corsées et je suis

20 resté. Dans l'hôpital, pour que vous sachiez ce que je faisais, bien j'ai

21 installé des fenêtres. J'ai fait cela très bien.

22 Q. Merci, merci.

23 R. Ecoutez, non, n'essayez pas de me tromper. Vous essayez de me prendre

24 au piège et de me faire dire quelque chose qui ne sera pas juste. Je ne

25 mens pas. Je ne sais pas comment on ment. Je ne sais pas mentir. Chez moi,

26 personne ne ment.

27 Q. Monsieur Bucko, on ne demande que la vérité et rien que la vérité.

28 R. Rien que la vérité et toute la vérité. Ne me tendez pas de piège.

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1 Q. Ne m'interrompez pas, je vous prie.

2 R. [aucune interprétation]

3 M. DOMAZET : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

4 Juges, je pense que l'heure de l'interruption est arrivée.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est l'heure effectivement. Les

6 représentants des deux parties sont déjà au courant que les Juges doivent

7 maintenant participer à la réunion plénière des Juges. C'est regrettable,

8 mais ce sont des choses qui arrivent.

9 Monsieur Bucko, je crains fort de devoir vous annoncer qu'il nous faut

10 maintenant suspendre l'audience et nous reprendrons nos débats demain.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est possible. Quand vous voudrez. D'accord,

12 d'accord.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous prie de m'excuser. J'aimerais

14 terminer. Reprise de l'audience demain à 9 heures du matin.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien. D'accord, je suis d'accord.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'espère que cela ne vous dérangera

17 pas de vous lever pour participer à l'audience.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Rien de tout cela ne me dérange. Si ce qui

19 s'est passé là-bas ne m'a pas dérangé, ici rien ne peut me déranger.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Magnifique état d'esprit. S'il vous

21 est possible de ne pas oublier une chose d'ici à demain matin, et nous

22 allons essayer de terminer les interrogatoires que vous subirez le plus

23 rapidement possible en avançant rapidement dans les questions. Si vous

24 pouvez nous aider dans ce processus, c'est en écoutant attentivement les

25 questions et en y répondant précisément et le plus brièvement possible,

26 cela vous évitera des tracas exagérés. Cela permettra à chacun d'en arriver

27 au bout de votre déposition le plus rapidement possible, ce qui, j'en suis

28 sûr, correspond à vos vœux les plus chers.

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1 Nous suspendons et nous reprendrons nos débats demain -- Monsieur Moore ?

2 M. MOORE : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes arrivés à la

3 dernière semaine de cette partie du procès. Il y aura bien sûr contre-

4 interrogatoire de la part de mes collègues de la Défense. Je crois que ces

5 contre-interrogatoires pourraient sans doute durer la majeure partie de la

6 journée de demain, mais ils pourraient, si tout va bien, se terminer

7 demain.

8 Nous avons encore deux témoins. Nous pensons qu'il faudra à peu près un

9 jour, un jour et demi pour interroger chacun d'entre eux, ce qui veut dire

10 que nous en arriverons à jeudi après-midi.

11 Nous avons un autre témoin qui est disponible mais qui n'est pas encore

12 arrivé ici. Etant donné les horaires que je viens d'évoquer, j'ai quelques

13 réticences à l'idée de commencer l'audition d'un témoin jeudi en fin

14 d'après-midi et pour poursuivre vendredi matin sans terminer. Il serait

15 très utile que la Chambre nous dise peut-être si nous aurons le temps de

16 terminer l'audition de ce témoin après l'audition des deux autres dont j'ai

17 déjà parlé sans perte de temps. Dans ce cas-là, nous ferons venir le

18 troisième témoin à La Haye.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que les conseils de la

20 Défense n'auront pas d'objection à ce que nous procédons ainsi ?

21 M. VASIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Pas d'objections de

22 notre part. Nous souhaitons terminer le contre-interrogatoire, et

23 l'Accusation n'aura pas besoin de faire venir un témoin dont elle ne pourra

24 pas terminer l'audition avant vendredi.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Vasic.

26 Monsieur Moore, vos prières ont été exaucées.

27 M. MOORE : [interprétation] Merci beaucoup.

28 --- L'audience est levée à 15 heures 50 et reprendra le mardi

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1 6 décembre 2005, à 9 heures 00.

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