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1 Le lundi 6 mars 2006
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 2 heures 20.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour à tous. A ce que je comprends,
6 il y a une question que le conseil souhaite évoquer.
7 Maître Vasic, je vous écoute.
8 M. VASIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
9 Monsieur les Juges.
10 Je vous remercie beaucoup. En fait, ce que les équipes de la Défense
11 souhaitent faire, c'est répondre aux points qui ont été évoqués par M.
12 Moore vendredi, au cours de notre dernière séance de vendredi en ce qui
13 concerne les questions particulières, les questions précises. En réponse à
14 votre question en ce qui concerne les faits qui sont contestés et les faits
15 admis. L'autre question concerne les délais et les dates d'expiration des
16 délais pour toute documentation concernant les interrogatoires des témoins
17 auxquelles ont procédé l'une ou l'autre partie.
18 Quant aux faits admis et aux faits qui sont encore contestés, tout ce que
19 je dois dire, c'est que nous avons eu un certain nombre de séances
20 officieuses avec nos collègues du bureau du Procureur. Je vous ai informé
21 des résultats en janvier. Nous avons réussi à nous mettre d'accord sur 34
22 points. On a parvenu à cet accord en janvier de cette année. Nous avons
23 également confirmé notre accord auprès du bureau du Procureur par écrit,
24 sur quoi M. Moore nous a envoyé une demande en plus d'un autre fait
25 concernant le lieu du site des exhumations à Grabovo.
26 Nous avons informé le bureau du Procureur qu'en ce qui concernait les faits
27 relatifs à Grabovo, nous avions déjà convenu deux théories fondamentales.
28 Mais la façon dont l'Accusation a présenté un accord possible concernant
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1 les faits n'était pas acceptable pour la Défense, parce que c'était en
2 dehors même de la portée de l'acte d'accusation proprement dit.
3 Quant au lieu, au site proprement dit, celui de Grabovo, la Défense était
4 d'accord lorsqu'on a d'abord trouvé ce lieu, que tout avait été fait de
5 façon professionnelle et impeccable. Nous n'avons pas contesté l'identité
6 de certaines personnes qui ont été trouvées là dont les corps ont été
7 identifiés à la suite d'une autopsie conformément aux règles et critères
8 appliqués en matière d'analyse d'ADN. Je crois que dès que le mois de
9 janvier, la situation était telle que l'on pouvait soumettre tous ces
10 éléments à la Chambre.
11 Je pense que nos équipes ont fait de leur mieux pour progresser. Nous
12 sommes toujours disposés à continuer nos entretiens avec nos amis du bureau
13 du Procureur tout au long de ce procès en ce qui concerne des faits qui
14 viendraient toujours. Nous nous efforcerons de nous mettre d'accord sur le
15 plus grand nombre de faits possibles. Je pense, toutefois, que la plus
16 grande partie des faits admis peut maintenant être présentée à la Chambre
17 de première instance, parce qu'en fait, ces faits ont fait l'objet d'un
18 accord. Il se peut qu'il y ait des questions supplémentaires au cours de ce
19 procès qui résultent de nos entretiens de l'avenir, et ces questions
20 pourraient à leur tour aboutir à un accord supplémentaire ou
21 complémentaire.
22 Quant aux autres questions qui ont trait aux dates limites des
23 délais, M. Moore, mon confrère très estimé, a fait sa proposition. Il a dit
24 que les deux parties devraient soumettre tous documents à utiliser et à
25 être examinés dans les 24 ou 48 heures précédant leur utilisation. Vous
26 avez dit, Monsieur le Président, qu'en ce qui concerne le fond de ce que
27 représente vraiment un contre-interrogatoire et l'objectif d'un contre-
28 interrogatoire faisant partie de la Défense d'un accusé, si on est convenu
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1 de changer la règle fondamentale, à savoir que la Défense n'a pas à
2 communiquer des documents, mais que c'est le bureau du Procureur qui est le
3 seul qui a l'obligation de communiquer des documents à la Défense, à ce
4 moment-là, je crois que la pratique qui a été suivie jusqu'à présent, les
5 24 heures, serait tout à fait suffisante, compte tenu du fait que
6 l'objectif, tout au moins que je le comprends, c'est d'avoir un objectif de
7 cette date limite, c'est de permettre aux parties d'avoir assez de temps
8 pour pouvoir éventuellement contester l'authenticité de certains documents.
9 Je crois que c'est l'essentiel de cette question de date limite, et ceci
10 donne également le temps suffisant pour procéder ou préparer un contre-
11 interrogatoire.
12 La pratique suivie jusqu'à présent dans le présent procès, je crois, le but
13 c'est qu'il n'y ait pas de problème à ce sujet, et le procès se déroule de
14 façon aussi harmonieuse que possible. C'est pour cela que nous pensons
15 qu'un délai de 48 heures, tel que proposé par M. Moore, nous semble trop
16 long. Je crois qu'un délai si long peut avoir une incidence sur
17 l'efficacité de notre contre-interrogatoire en particulier, compte tenu du
18 fait que la Défense se trouve dans une position concernant certains aspects
19 du contre-interrogatoire surtout, dans une position telle que nous
20 dépendons de ce que le témoin peut dire ou ne pas dire au cours des
21 différents stades de l'interrogatoire principal.
22 En gardant cela à l'esprit, un délai de 48 heures rend les choses
23 pratiquement impossibles, parce qu'on en vient à contre-interroger le
24 témoin que lorsque le bureau du Procureur a terminé son interrogatoire
25 principal. De plus, la Défense estime que tous les documents 65 ter
26 devraient être exemptés de cette règle, tous ces documents tels qu'ils nous
27 ont été communiqués par le bureau du Procureur. Ce sont les documents
28 qu'ils connaissent bien, et dans lesquels ils ne trouvent aucune
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1 difficulté. C'est le but essentiel ou l'objectif essentiel pour lequel on
2 fixe un délai quel qu'il soit.
3 Quant à l'article 68 et les documents visés par cet article, ces documents
4 qui ont été communiqués, la même chose s'applique, telle que je l'ai dit ma
5 conclusion précédente. Ces documents étaient connus en temps utile par
6 l'Accusation qui nous ont communiqué ces documents. Ils ont eu suffisamment
7 de temps de vérifier l'authenticité desdits documents, documents qui
8 faisaient partie de ce jeu.
9 C'est tout ce que j'ai à dire, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les
10 Juges, sur ces deux points.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Vasic.
12 Maître Lukic, j'allais vous demander si M. Borovic voulait ajouter quelque
13 chose.
14 M. BOROVIC : [interprétation] Je vous remercie.
15 Je veux simplement garder les meilleures relations possibles avec la
16 Chambre, et je voudrais que ma position ne devienne pas un peu trop
17 agressive, s'il vous plaît.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il s'agit d'une nouvelle semaine,
19 Maître Borovic.
20 Maître Vasic, vous vouliez --
21 M. VASIC : [interprétation] Non, je n'ai rien à ajouter. Mais il y a tout
22 de même quelque chose qu'il faut que je dise en ce qui concerne le compte
23 rendu à la page 3, ligne 21, qui a été communiqué.
24 Je crois que je parlais des documents 65 ter, ceux qui nous sont
25 communiqués par le bureau du Procureur. Je n'ai pas mentionné M. Vujic du
26 tout.
27 L'INTERPRÈTE : Les interprètes non plus n'ont pas mentionné le nom de
28 Vujic.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Alors, tout le monde a déclaré à ce
2 sujet comme n'étant pas responsable.
3 M. LUKIC : [interprétation] Juste quelques mots.
4 L'INTERPRÈTE : Est-ce que le conseil pourrait parler plus près du
5 microphone ?
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous êtes prié de parler un peu plus
7 près du microphone, Maître Lukic. Il faudra que vous ayez les jambes plus
8 courtes ou que vous ayez un microphone plus élevé. Je ne sais pas lequel
9 des deux.
10 M. LUKIC : [interprétation] J'étais beaucoup plus à mon aise en salle
11 numéro III avec les microphones à longue tige. Je dois le dire.
12 Ce que je voulais dire, c'est qu'il y a une ordonnance concernant le
13 délai et dont nous discutons maintenant. Je voudrais dire d'emblée pour la
14 Défense cela va très bien, que ceci nous soit communiqué de façon
15 électronique. La Défense n'a pas de doute que c'est l'esprit même de
16 l'ordonnance concernant les communications par voie électronique.
17 Toutefois, si nous acceptons les règles du jeu, il se peut que nous soyons
18 à même de le faire demain ou à un moment donné dans l'avenir, d'avoir
19 également nos propres documents soumis comme des documents 65 ter. Ayant
20 accepté ces règles, nous savons que la partie adverse connaîtra nos propres
21 documents 65 ter et pourra les utiliser.
22 C'est précisément ce que je voulais faire remarquer. Car jusqu'à
23 présent - enfin, il y a eu un problème concernant l'authenticité d'un
24 document particulier et la vérification de son authenticité. Je peux penser
25 qu'un document ne soit pas contesté, mais la partie adverse peut utiliser
26 un de mes propres documents
27 65 ter. Ils n'ont pas besoin de m'en informer, en l'occurrence, de cette
28 intention.
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1 Il semble que je vais trop vite. Je vais dire très brièvement ceci.
2 Nous pensons que si des documents sont sur la liste 65 ter, la partie
3 adverse ne devrait pas devoir annoncer qu'elle va utiliser ce document.
4 Elle ne devrait pas être obligée de l'annoncer d'avance. Si lors d'un
5 contre-interrogatoire par exemple, je décide de contester l'authenticité
6 d'un document, alors ceci est une procédure tout à fait régulière. Nous
7 acceptons ces règles, parce qu'un de ces jours, lorsque nous traitons nos
8 propres témoins, lorsque nous avons notre propre liste 65 ter, j'accepte
9 bien que l'Accusation ne souhaite pas utiliser tel document dans un contre-
10 interrogatoire. S'ils veulent le faire, ils n'ont pas nécessairement besoin
11 de nous en informer d'avance. Ce qui est incontesté, c'est que tous les
12 documents doivent être présentés sous forme électronique.
13 Je vous remercie.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
15 Monsieur Smith, c'est quelque chose que votre confrère,
16 M. Moore, avait dit. Est-ce que vous voulez en traiter maintenant ou est-ce
17 que vous souhaitez que ce soit lui qui vous donne des conclusions ?
18 M. SMITH : [interprétation] Je crois que la préoccupation essentielle de M.
19 Moore, c'était que lorsque l'affaire deviendra un peu plus complexe en ce
20 qui concerne les numéros des documents, en particulier des documents
21 militaires, si un certain nombre de documents doit être utilisé soit par
22 l'Accusation, soit pas la Défense, alors à l'évidence, le temps pour
23 vérifier l'authenticité devient très réduit pour chaque document.
24 Je crois qu'on ne se préoccupe pas maintenant du passé, mais plutôt
25 de l'avenir. Peut-être que la position de l'Accusation serait à ce stade-
26 ci, je crois que toute coopération, je suis d'accord avec M. Vasic, la
27 coopération a été bonne. Je ne crois pas qu'il y ait eu de nombreuses
28 difficultés en ce qui concerne la communication jusqu'à maintenant, mais
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1 peut-être qu'à ce stade jusqu'à ce que la documentation commence à être
2 très nombreuse et quand il faut revenir sur certains points, qu'il faut 48
3 heures pour certains points. Je dirais qu'à ce stade --
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous parlez de la règle des 48 heures
5 ? De quelle règle s'agit-il ?
6 M. SMITH : [interprétation] Je croyais que c'était la règle que M. Moore
7 proposait.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il y a eu une indication de 24 heures
9 de la Chambre. N'avons-nous jamais atteint 48 heures ?
10 M. SMITH : [interprétation] Non, je crois que c'est M. Moore qui essayait.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, c'était lui qui essayait de
12 sortir de cela.
13 M. SMITH : [interprétation] Si nous pouvions revenir sur cette question,
14 s'il y avait des complications qui se posaient, peut-être que l'on
15 pourrait, en ce qui concerne l'article 68, prendre cela très sérieusement,
16 et s'il y a des documents qu'il faut communiquer, nous les communiquerons.
17 En ce qui concerne les faits admis, il y avait également un point qui
18 restait pendant, que l'Accusation voulait régler avec la Défense, c'était
19 essentiellement lorsque la fosse d'Ovcara avait été découverte par des
20 membres de la communauté internationale. Je pense, qu'à ce moment-là,
21 malheureusement, il y a désaccord sur ce point. Je dirais maintenant que
22 nous serions à même de déposer un document sur les faits admis sur lesquels
23 nous sommes parvenus à un accord.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'avais compris, d'après ce qu'a dit
25 M. Moore, qu'il y avait eu certaines questions qui avaient fait l'objet
26 d'un accord verbal. Il me semble que ce soit ce qu'a dit également Me
27 Vasic. M. Moore pensait qu'il y avait la possibilité d'évoquer une ou deux
28 autres questions supplémentaires, et que si elles pouvaient être discutées
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1 avec une certaine priorité, il semblait, à ce moment-là, qu'on pourrait
2 parvenir à un accord officiel ou formel sur un certain nombre de faits
3 admis, et ceci pouvait faire l'objet d'un accord formel. Je voudrais
4 demander que l'on prenne cette voie entre les conseils en vue de faire en
5 sorte que ces faits soient admis et que cet accord puisse être consigné
6 dans le compte rendu comme cela a été fait précédemment pour d'autres faits
7 admis par le passé.
8 M. SMITH : [interprétation] Je comprends que cette question est à résoudre.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pas trop de chiffres. N'oublions pas
10 ce qu'a dit M. Borovic tout à l'heure.
11 Cela, c'est pour la question des faits admis. En ce qui concerne la
12 communication, les conclusions ont peut-être fait une confusion entre une
13 ou plusieurs questions. Il est clair qu'il y a des obligations de
14 communication qui incombent à l'Accusation en vertu des dispositions de
15 l'article 66 et de l'article 68. Elles sont de nature différente. La
16 première est essentielle. Il faut qu'il y ait toujours communication assez
17 tôt pour ce qui est de la documentation qui fait partie des thèses de
18 l'Accusation sur lesquelles elle se fonde. Tandis que l'article 68, c'est
19 la documentation ou d'autres éléments qui pourraient avoir une pertinence
20 pour ce qui est de la Défense et dont l'Accusation a connaissance. Ainsi,
21 on peut être sûr que la Défense a eu la possibilité de voir toute la
22 documentation qui pourrait avoir un caractère à décharge, comme
23 présenteront leurs moyens de Défense.
24 Leur obligation de communication à la Défense, c'est lorsque la
25 Défense a d'autres obligations de communication, ceci faisant partie de
26 leur mémoire préalable à la Défense. C'est un stade auquel nous ne sommes
27 pas encore parvenus. Indépendamment de cela, selon le régime "e-court" qui
28 permet matériellement au système électronique de fonctionner, il y a une
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1 obligation qui incombe à chacune des parties qui a l'intention d'utiliser
2 un document, que ce soit au cours d'un interrogatoire principal ou d'un
3 contre-interrogatoire, qui doit être remis au Greffier, enfin le Greffier
4 doit être avisé de ce document de façon à ce que ce document puisse être
5 préparé et mis sur le système électronique informatique, donner également
6 avis de cela et de notifier également la partie adverse.
7 Il y a des cas où une partie ne se rend compte de la nécessité d'utiliser
8 un document qu'après avoir entendu au cours de l'interrogatoire principal
9 certains points qui soulèvent d'autres questions ou lorsque le témoin a
10 fait l'objet d'un contre-interrogatoire et quelque chose de nouveau est
11 apparu à la suite de contre-interrogatoire, la partie qui fait entendre ce
12 témoin ou la Défense, par la suite, peut au cours des questions
13 supplémentaires souhaiter présenter un document au témoin, mais il s'agit
14 de quelque chose qui évidemment s'est fait jour lors du contre-
15 interrogatoire.
16 Tous ces cas sont soumis à des directives de procédure par rapport au
17 système "e-court." Les textes actuels exigent une notification de 24 heures
18 de la partie adverse. Dans le cas d'une vraie surprise, il se peut que cela
19 ne soit pas possible, mais il faut vraiment que ce soit une vraie surprise
20 et la Chambre devra vérifier que les parties ne manquent pas l'observation
21 de la règle des 24 heures.
22 Pour le moment, la Chambre n'a pas l'intention de changer la
23 directive actuelle qu'il faut qu'il y ait au moins 24 heures de préavis. Ce
24 préavis demeure 24 heures, mais c'est une règle pratique. Elle n'a pas plus
25 d'importance que cela dans le procès, et si ce délai ne paraît pas
26 suffisamment long à cause disons du volume, des documents qui doivent être
27 utilisés au cours de la déposition d'un témoin, alors il peut y avoir des
28 raisons de développer cela et d'aller jusqu'à 48 heures. Je sais que
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1 certaines Chambres donnent des délais plus longs encore. Pour le moment,
2 nous continuerons avec le délai de 24 heures et nous verrons si ceci se
3 révèle adéquat dans la pratique, comme il semble que ce soit le cas jusqu'à
4 présent. Par courtoisie et par commodité, ce n'est pas pour jouer certains
5 jeux, et il est clair que si on peut donner à la partie adverse et au
6 conseil et aux autres équipes de la Défense également, mais également à
7 l'Accusation ou les trois équipes de la Défense et l'Accusation fera en
8 sorte qu'ils aient la possibilité de savoir quel document va être présenté
9 et la possibilité de l'examiner pour voir notamment s'il se pose des
10 questions d'authenticité qui auraient dû déjà être réglées et document qui
11 se trouve déjà sur la liste de l'article 65 ou 66, mais peut-être pas
12 encore sur la liste de l'article 68. C'est également une question de donner
13 des conditions de travail raisonnables, si vous voulez que -- sinon les
14 conseils ne dormiraient jamais, on leur donne un préavis de 24 heures pour
15 un très, très grand nombre de documents. Cela ce serait jouer un jeux qui
16 n'a pas lieu d'être.
17 Vous vous rendrez compte qu'il y a deux obligations distinctes :
18 l'une, c'est l'obligation officielle ; et l'autre c'est la façon dont les
19 choses se font en pratique dans le procès de façon à ce que tout un chacun
20 ait la possibilité d'identifier et d'examiner un document avant qu'il ne
21 soit utilisé, de sorte que si quelque chose doit être dit en réponse ou si
22 une contestation se fait sur elle, l'authenticité soit possible d'agir en
23 conséquence.
24 Tout ceci étant dit, nous en restons au délai de 24 heures du point
25 de vue procédure tel que cela a été ordonné et si cela ne convient pas,
26 nous prendrons une autre ordonnance. Les conseils de l'Accusation et de la
27 Défense examineront cette question des faits admis.
28 Je vous remercie. Maintenant que ces questions ont été évoquées, peut-être
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1 pourriez faire entrer le témoin.
2 M. SMITH : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je pense que nous
3 rencontrons exactement le même problème à savoir que notre écran ne bouge
4 plus, je parle là du compte rendu d'audience. Je pense que les conseils de
5 la Défense ont pris part du même problème.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. Le temps s'est arrêté.
7 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
8 M. SMITH : [interprétation] On m'a dit que si vous l'ouvrez par le biais du
9 programme "e-court", cela va marcher.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vais demander à quelqu'un de s'en
11 occuper pendant que je m'occupe d'autre chose parce que je ne suis pas en
12 mesure de le faire moi-même.
13 Bonjour, Monsieur. Pourriez-vous, s'il vous plaît, pendre la carte qu'on va
14 vous donner et lire les informations qui y figurent.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je déclare
16 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la
17 vérité.
18 LE TÉMOIN: HAJDAR DODAJ [Assermenté]
19 [Le témoin répond par l'interprète]
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Vous pouvez vous asseoir. M.
21 Smith va vous poser un certain nombre de questions.
22 Je vous donne la parole, Monsieur Smith.
23 Interrogatoire principal par M. Smith :
24 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous donner
25 votre nom et votre âge, s'il vous plaît ?
26 R. Je m'appelle Hajdar Dodaj, et je suis né le 21 septembre 1971, c'est la
27 date de mon anniversaire.
28 Q. Vous avez dit 1991 ?
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1 R. Non, non. 1972. Je suis né en 1972, excusez-moi.
2 Q. Maintenant, nous allons poser des questions plus dures que cela,
3 Monsieur le Témoin, je dois vous dire malheureusement.
4 Monsieur le Témoin, vous avez vécu dans un village en Croatie pendant votre
5 enfance, n'est-ce pas ?
6 R. Oui.
7 Q. Mais vous êtes-vous né au Kosovo et vous êtes d'appartenance ethnique
8 albanaise ?
9 R. Oui.
10 Q. Mais vous vous êtes allé à l'école et vous avez été éduqué en Croatie
11 principalement ?
12 R. Oui.
13 Q. A l'âge de 19 ans, vous avez fait votre service national ?
14 R. Non. Je n'ai pas pu le faire jusqu'au bout.
15 Q. A quel moment avez-vous commencé votre service militaire dans l'armée
16 yougoslave ?
17 R. Je l'ai commencé le 18 mars 1991.
18 Q. Où est-ce que vous avez fait cela ?
19 R. A Petrovac Na Mlavi.
20 Q. Est-ce en Serbie ?
21 R. Oui.
22 Q. Pourriez-vous nous dire dans quelle unité vous avez fait votre service
23 et quelle est la formation que vous avez faite à l'armée ?
24 R. Je faisais partie du 2e Détachement de la 2e Compagnie de la 2e unité
25 motorisée. J'ai été entraîné à viser depuis un véhicule blindé BVB. Sinon,
26 cette caserne c'était une caserne où se trouvait une unité des blindés
27 puisque nous avions les blindés de transport de troupes et nous avions
28 aussi des chars dans notre unité.
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1 Q. Vous avez fait votre entraînement à Petrovac. Est-ce qu'à un moment
2 donné vous avez décidé de quitter la JNA et vous avez pris cette décision
3 vous-même ?
4 R. Oui. J'ai pris cette décision trois mois plus tard, j'ai quitté la JNA.
5 J'ai fui en quittant la caserne trois mois après le début de mon service
6 militaire.
7 Q. Pourquoi avez-vous décidé de quitter cette caserne, de vous échapper ?
8 Je pense que normalement vous étiez obligé de continuer votre
9 entraînement ?
10 R. Oui, mais je considérais que cette armée n'était plus la même. On me
11 disait que c'était l'armée populaire yougoslave, et que tous les gens
12 faisant partie de cette armée, qu'ils avaient les mêmes droits. Je me suis
13 rendu compte que ce n'était pas la même armée, que ce n'était pas le cas.
14 C'est pour cela que j'ai décidé de partir, de quitter cette armée, parce
15 que je ne voulais pas servir une armée serbe.
16 Q. Je voudrais vous poser quelques questions à ce sujet. Pourquoi vous ne
17 pensiez pas que c'était encore l'armée populaire yougoslave ? Qu'est-ce que
18 vous avez vu là-bas qui était différent par rapport à ce que vous pensiez
19 trouver là-dedans ?
20 R. Voyez, l'armée s'était déjà retirée de la Slovénie. En Croatie -- par
21 exemple, à Petrovac Na Mlavi, ils avaient déjà mobilisé les réservistes. Au
22 fur et à mesure que ces réservistes arrivaient, on le voyait bien, il y en
23 avait qui avaient des étoiles rouges, d'autres qui avaient des drapeaux. Il
24 y en avait qui portait des couvre-chefs habituels de l'armée yougoslave,
25 mais il y en avait qui portaient des couvre-chefs typiques serbes, des
26 cocardes. C'est là que j'ai pris la décision de m'échapper. Puis aussi,
27 l'armée yougoslave quittait certaines villes en Croatie, et c'est pour cela
28 que j'ai décidé de m'échapper, parce que ce n'était pas la même armée. Ce
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1 n'était pas l'armée devant laquelle j'ai prêté serment de défendre
2 l'intégrité territoriale yougoslave. A partir du moment où cette armée
3 s'est retirée de la Slovénie, mon serment n'avait plus aucune raison
4 d'être.
5 Q. Quand vous dites que ce n'était plus l'armée devant laquelle vous avez
6 prêté serment, est-ce que vous pouvez nous dire si la composition du point
7 de vue ethnique des soldats de l'armée ou des recrues a changé ? Est-ce que
8 vous avez entendu ma question ?
9 M. VASIC : [interprétation] Messieurs et Madame les Juges.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Vasic.
11 M. VASIC : [interprétation] Je pense qu'il s'agit là d'une question qui
12 induit le témoin, qui le guide, vu surtout la réponse précédente du témoin.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est un cas limite, Monsieur Vasic,
14 parce qu'on pose une question toute particulière au sujet d'un aspect
15 particulier, mais sans suggérer qu'elle serait être la réponse. Je
16 comprends que vous êtes sensible sur ce point, et c'est pour cela que je
17 dis qu'il s'agit d'une question limite.
18 Cette fois-ci, Monsieur Smith, oui, je vous laisse poser la question.
19 M. SMITH : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. De toute façon,
20 je pense que je vais poser la question différemment.
21 Q. Monsieur le Témoin, vous avez dit que vous ne vouliez pas servir au
22 sein de l'armée serbe, en tout cas, vous ne vouliez plus le faire. Qu'est-
23 ce que vous voulez dire par là ?
24 R. Nous étions à peu près 15 Croates dans la caserne, et à partir du
25 moment où les réservistes sont arrivés dans la caserne, il y avait plus de
26 représentants de la nation serbe avec ces réservistes, et c'est tout
27 simplement comme je vous ai dit que je n'avais plus rien à faire là-dedans,
28 dans cette armée-là. Vous savez, tous les matins on devait écouter des
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1 discours politiques de la part du commandant de la caserne qui nous disait
2 qu'une armée yougoslave était en train d'être créée en Croatie, que c'est
3 un régime oustachi qui était au pouvoir en Croatie, et cetera, et cetera.
4 C'est le genre de choses qu'on disait là-bas, que l'armée yougoslave allait
5 survivre même si les Croates souhaitent avoir une autre armée, et cetera,
6 et cetera.
7 Q. Vous avez dit que le nombre de Serbes a augmenté, surtout avec ces
8 réservistes qui sont arrivés dans les casernes. Qu'en est-il des membres
9 des autres groupes ethniques ? Est-ce qu'il y avait des membres d'autres
10 groupes ethniques qui sont arrivés dans la caserne avec ces réservistes ?
11 R. Non.
12 Q. Vous avez dit que vous avez quitté la caserne et que vous êtes échappé.
13 Vous êtes partie où ?
14 R. Je suis partie en direction de Pozarevac, et j'y suis allé à pied avec
15 Lorenc Dohanaj. C'est à peu près une quarantaine de kilomètres, et ensuite
16 nous avons pris un train en direction de Zemun. Nous sommes arrivés à Zemun
17 à peu près tôt le matin, et le contrôleur du train est allé nous dénoncer
18 auprès de la police civile, en disant que deux soldats avaient déserté
19 l'armée.
20 A ce moment-là, la police civile est arrivée. Je me souviens très
21 bien de la marque de la voiture; c'était un Zastava 101. Ils se sont
22 approchés de moi, ils m'ont demandé mon livret militaire. Ils m'ont demandé
23 aussi le permis de rester dans la ville. Je leur ai dit que je n'avais rien
24 de tout cela. Je n'avais rien sur moi. C'est là que le policier m'a demandé
25 si j'étais un déserteur, si j'étais en train de quitter l'armée yougoslave.
26 Je lui ai dit que oui.
27 Il m'a demandé où j'allais. Je lui ai dit que j'allais rentrer chez
28 moi, vers Zagreb. Il m'a demandé si j'allais faire partie de l'armée de
Page 5502
1 Tudjman.
2 Il m'a menotté. Ils nous ont mis dans ce véhicule, et ils nous ont
3 amenés dans la poste de police de Zemun, moi et Lorenz. Nous y avons passé
4 à peu près quatre heures. Nous avons été placés en détention, et c'est là
5 que la police militaire est arrivée. Ensuite, nous avons été pris par la
6 police militaire. Ils nous ont amenés à Topcider. Nous avons fait une
7 déclaration préalable là-bas pour expliquer les raisons de notre fuite pour
8 dire où nous allions, et cetera. Ensuite, ils nous ont envoyé à Pozarevac,
9 et ensuite à Petrovac. C'est là que j'étais placé en détention pour 60
10 jours. Ils m'ont dit que mon service militaire allait être prolongé de 21
11 jours. Mais finalement, j'ai eu plus que cela.
12 Q. Je pense que nous n'avons pas entendu le nom de la personne avec
13 laquelle vous étiez partie. Ceci ne figure pas au compte rendu d'audience.
14 R. Lorenz Duhanj, son prénom et son nom.
15 Q. Vous avez dit que vous avez été condamné à une peine de 60 jours de
16 détention militaire, mais vous avez passé combien de temps exactement en
17 détention ?
18 R. Trente cinq jours.
19 Q. Pourquoi n'avez-vous pas terminé cette période jusqu'au bout ? Pourquoi
20 vous n'y êtes pas resté 60 jours ?
21 R. C'était une raison toute simple. Ils nous ont envoyé sur le terrain, un
22 groupe. Une unité, la 2e Unité mécanisée a été transférée en direction de
23 Bogojevo. Nous avons été déployés à proximité de Bijelo Brdo, à proximité
24 d'Osijek.
25 Q. Est-ce qu'on vous a dit quelles étaient les raisons de votre
26 déploiement ? Est-ce qu'on vous a dit pourquoi vous avez été envoyés là-
27 bas ?
28 R. Non. Ils nous ont tout simplement dit que nous allions sur le terrain.
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1 Ils ne nous ont pas donné des raisons de notre déploiement là-bas.
2 Q. Comment êtes-vous arrivés à Bijelo Brdo ? Est-ce que vous avez été
3 équipé ? Est-ce que vous avez pris votre équipement ?
4 R. Nous n'avons pris que des armes légères et des sacs à dos de combat. Au
5 début, nous étions à Bogojevo, et c'est à Bogojevo que nous avons reçu des
6 munitions. Ensuite, en traversant le pont de Bogojevo, on nous a transférés
7 à Bijelo Brdo.
8 Quand nous sommes arrivés à Bijelo Brdo, nous étions réduits à la
9 relève d'une unité. Je ne sais pas quelle était cette unité, mais c'était
10 une unité qui avait des lance-roquettes multiples, des canons sans recul,
11 des chars et des véhicules de transport d'infanterie. Nous y sommes restés
12 deux ou trois semaines, mais je ne sais pas combien de temps. En tous cas,
13 tous ces chars, toutes ces armes d'artillerie étaient là pour tirer sur
14 Dalj, Erdut et Sarvas.
15 Q. Vous étiez combien de membres de votre unité qui sont partis de là pour
16 se rendre à Bijelo Brdo ?
17 R. Je pense que nous étions à peu près 40 ou 60. Peut-être, plutôt 40,
18 parce que c'est effectivement le nombre des personnes qui pouvaient monter
19 dans le bus.
20 Q. Quand vous êtes arrivés là-bas, pourriez-vous nous dire ce qu'ils
21 avaient fait de votre unité ?
22 R. Il y en avait qui était des tireurs des chars ou ils étaient à
23 l'intérieur dans les chars. Ils étaient en train de tirer sur Sarvas et
24 Dalj. Nous, les autres membres de l'infanterie, on leur accordait des
25 munitions et on montait la garde autour des positions. Ceux qui étaient des
26 conducteurs de chars, ils étaient à l'intérieur; ils restaient dans les
27 chars.
28 Q. Pouvez-vous ralentir un peu pour pouvoir garder les noms dans le compte
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1 rendu d'audience. Vous avez dit que vous deviez tirer sur deux endroits,
2 Dalj et un autre endroit. Quel était le nom de l'autre endroit ?
3 R. Erdut, Sarvas.
4 Q. Pendant que vous y étiez, à quelle fréquence a-t-on tiré sur ces
5 endroits ?
6 R. On tirait en général dans la nuit, à partir du coucher du soleil et
7 pendant la nuit. On a tiré de façon quotidienne. Tous les soirs on ouvrait
8 les feux. Parce que les lance-roquettes multiples étaient stationnés là-
9 bas, et la nuit ne leur posait pas de problèmes. On pouvait tirer depuis
10 ces engins la nuit.
11 Q. Est-ce que vous saviez sur quoi vous tiriez ? Est-ce qu'on vous l'a
12 dit ? Est-ce que vous le saviez ? Est-ce que vous savez sur quoi vous
13 tiriez exactement à l'intérieur de ces villages ?
14 R. Les officiers disaient qu'un certain nombre d'Oustachi était stationné
15 là-bas, et qu'il fallait détruire cet endroit. Nous, nous n'avons pas vu
16 d'hommes là-bas. Nous ne pouvions voir que des villages; nous ne pouvions
17 pas voir des hommes. Je ne sais pas s'ils y étaient vraiment. Toujours est-
18 il que nous avons visé, tiré sur ces villages.
19 Q. Qu'en est-il de la riposte ? Est-ce qu'on ripostait depuis ces
20 villages ?
21 R. Vers nos positions, pendant que j'y étais, non, on n'a jamais riposté
22 du côté croate.
23 Q. Est-ce que vous étiez à mesure de voir s'il y a eu des dégâts infligés
24 ou des pertes humaines ?
25 R. Non, je ne l'ai pas vu. On pouvait voir le feu. Surtout la nuit, on
26 pouvait voir le feu. Mais je n'ai pas vu de corps sans vie.
27 Q. Vous avez dit que vous êtes resté à cet endroit pendant deux ou trois
28 semaines. En partant, vous êtes parti où ?
Page 5505
1 R. Après cela, on m'a ramené à Petrovac Na Mlavi. J'ai été enfermé à
2 nouveau jusqu'à ce qu'ils fassent venir un réserviste. Ils l'ont détenu
3 avec nous.
4 C'est là que je suis allé voir mon capitaine. Je lui ai demandé qu'il
5 nous laisse partir, Zlatko et moi. Il l'a fait. Il nous a fait réintégrer
6 les dortoirs. A peu près une dizaine de jours plus tard, ils ont choisi à
7 peu près une quinzaine de soldats. Mon capitaine m'a dit qu'il allait me
8 donner une autre chance pour m'échapper, parce qu'il voyait que j'avais du
9 courage. Ils ont choisi 15 soldats parmi nous. Des cars sont venus nous
10 chercher. Ils nous ont dit que nous allions renforcer une unité à
11 Smederevo. Nous sommes arrivés à Pozarevac, nous avons fait monter encore
12 quelques soldats. Ils nous ont transportés jusqu'à Sremska Mitrovica.
13 Nous avons formé une unité là-bas. Nous avons reçu des chars, des
14 véhicules de transport des troupes, des munitions. Nous y avons passé trois
15 jours à peu près. Après cela, nous sommes allés jusqu'à Sid avec nos chars
16 et nos véhicules de transport de troupes. Nous y sommes restés à peu près
17 deux jours. Deux jours plus tard, on nous a transportés à Negoslavci.
18 Q. Est-ce que je peux vous arrêter un instant ? Vous dites que vous êtes
19 allés à Sremska Mitrovica, que vous avez reçu des chars et des véhicules
20 armés, des munitions, et cetera. Est-ce que vous pouvez nous dire combien
21 de chars à peu près vous avez reçus dans votre unité ?
22 R. Je pense que nous avons reçu entre cinq et sept chars de calibre de 55
23 et 74, et à peu près sept véhicules de transport de troupes.
24 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu combien de véhicules armés.
25 M. SMITH : [interprétation]
26 Q. Vous avez reçu combien de véhicules armés, ou plutôt combien de
27 véhicules de transport de troupes ? Pourriez-vous, s'il vous plaît, parler
28 plus lentement ?
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1 R. Nous avons reçu entre cinq et six véhicules de transport de troupes.
2 Q. Les gens qui ne savent pas ce que c'est qu'un char T-55 ou T-84,
3 pourriez-vous nous dire quel genre de munition on utilise pour tirer de ces
4 chars ?
5 R. Pour T-55, je pourrais dire que c'est un char d'un calibre de 100-
6 millimètres. C'est un vieux modèle. Alors que le char 74, c'est un char
7 plus moderne dont le canon a un calibre de 120-millimètres.
8 Q. En ce qui concerne les véhicules blindés transport de troupes, est-ce
9 qu'il y avait des armes qui étaient attachées à ces véhicules, et le cas
10 échéant, quelles étaient ces armes ?
11 R. Un char est souvent monté d'une mitrailleuse. On l'appelle un PAT.
12 D'ailleurs, les deux types de chars ont cela. Ils ont souvent aussi un
13 canon PAT à côté.
14 Q. Nous ne parlons pas des chars mais des véhicules blindés de transport
15 de troupes. Est-ce que ces véhicules-là avaient des armes ?
16 R. Oui. Un canon de calibre de 20-millimètres, un PKT aussi, puis des
17 roquettes; des Maljutka.
18 Q. Est-ce que vous avez aussi reçu des armes des infanteries à Sremska
19 Mitrovica ? Est-ce que vous les avez amenées avec vous ?
20 Là-bas, nous n'avons reçu que des munitions.
21 Q. Est-ce qu'à Sremska Mitrovica, on vous a dit quelles seraient vos
22 missions ?
23 R. A Sremska Mitrovica, ils nous ont alignés. Un officier - je pense qu'il
24 était lieutenant-colonel - nous a dit comme suit : "Mes chers soldats, vous
25 partez en guerre en direction de Vukovar. Vous savez que nous n'avions rien
26 contre le peuple croate, mais nous allons à Vukovar pour détruire à peu
27 près 20 000 Oustachi."
28 Q. Que pensiez-vous en entendant cela ?
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1 R. Je savais que ce n'était pas vrai. Je le savais personnellement. Je
2 savais qu'il n'y avait pas d'Oustachi à Vukovar, et même en Croatie. Je
3 savais très bien qu'il n'y avait pas d'Oustachi là-bas.
4 Q. Quand vous dites "Oustachi," vous pensez à quoi
5 exactement ?
6 R. Du coté croate. Je ne sais pas comment répondre.
7 Q. Est-ce que vous faites référence aux combattants croates ?
8 R. Oui, oui. L'armée populaire yougoslave prêtait sous le nom d'Oustachi.
9 Qu'il s'agisse de policiers, des membres de la Garde nationale, des civils,
10 pour eux, ils étaient tous des Oustachi.
11 Q. Avant d'arriver à Negoslavci, vous dites que vous vous êtes arrêtés à
12 Sid. Pourquoi et qu'est-ce que vous y avez fait ?
13 R. Nous attendions un ordre de poursuivre en direction des lignes. Nous
14 attendions l'instant où ils allaient nous dire qu'il fallait continuer.
15 Nous nous sommes reposés un petit peu aussi, c'est vrai.
16 Q. A quel moment êtes-vous arrivés à Negoslavci, à peu près, au cours de
17 quel mois ?
18 R. Je pense que c'était fin août, début septembre 1991.
19 Q. Votre unité s'est arrêtée à Negoslavci ou est-ce que vous avez continué
20 ?
21 R. Non, nous nous sommes arrêtés. Nous avons passé à peu près une heure à
22 Negoslavci. En passant par Negoslavci, on a pu voir le drapeau serbe qui
23 était hissé, et pas le drapeau yougoslave. Il y avait beaucoup d'autres
24 soldats, plusieurs autres soldats qui étaient stationnés. J'ai vu des chars
25 également stationnés à Negoslavci, garés à cet endroit-là. Je crois qu'il y
26 avait également leur commandement. Je crois que la JNA avait leur
27 commandement à Negoslavci. J'avais l'impression que c'était depuis cet
28 endroit-là que l'on donnait des ordres.
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1 Q. Pourquoi pensez-vous que la JNA avait son commandement à cet endroit-là
2 ?
3 R. Il y avait une maison dans laquelle se trouvait pour la plupart des
4 officiers, des colonels, des sous-lieutenants, des commandants, des
5 capitaines. Notre capitaine était avec nous. Lorsque nous sommes arrivés à
6 cet endroit-là, il est entré dans la maison. On l'avait appelé à venir
7 assister à une réunion. Ensuite, nous nous sommes dirigés en direction de
8 Dubrava. C'était un endroit tout près de Vukovar.
9 Q. Vous avez dit qu'il y avait également d'autres soldats stationnés à cet
10 endroit-là ou cantonnés à cet endroit-là. A qui faites-vous référence ?
11 R. D'après leur aspect, c'étaient des soldats de réserve, des volontaires,
12 des Aigles blancs. Ils portaient des brassards blancs. Il y avait également
13 des hommes qui portaient des uniformes bigarrés avec des couvre-chefs avec
14 des cocardes. Il y avait des gens également qui étaient habillés comme
15 nous, vêtus comme nous, en vêtements, en militaire. Il y avait également
16 des Serbes qui étaient habillés comme des soldats. Certains portaient des
17 cocardes, d'autres des drapeaux, brandissaient des drapeaux. Il y avait
18 d'autres personnes qui portaient une étoile à cinq branches.
19 Q. Vous avez dit que vous étiez à Dubrava après Negoslavci ?
20 R. Oui.
21 Q. Qu'est-ce que vous avez fait là-bas ?
22 R. Nous y avions passé la nuit, je crois. Ensuite, nous attendions de
23 recevoir les ordres nous disant de changer de positions. Nous nous étions
24 quelque peu reposés.
25 Q. Est-ce que vous avez reçu effectivement l'ordre de vous déplacer et
26 aller vers vos positions ?
27 R. Oui. On nous a dit de prendre nos positions, de couper la route entre
28 Vukovar et Vinkovci, de prendre cette route-là à Vukovar-Vinkovci,
Page 5509
1 Vinkovci-Vukovar.
2 Q. Outre le fait de vous demander de couper la route entre ces deux
3 villes, est-ce que vous aviez reçu d'autres ordres de types généraux, à
4 savoir, où aller à Vukovar, quoi faire, et cetera ?
5 R. Nous avons reçu l'ordre de couper cette route pour que les Oustachi ne
6 s'enfuient pas vers Vinkovci, de Vukovar à Vinkovci.
7 Q. Pourriez-vous nous dire combien y avait-il de personnes dans votre
8 unité ?
9 R. Entre 70, 80. Entre 75 et 80 hommes, je ne sais pas exactement combien
10 il y avait de personnes. A Dubrava, il y avait beaucoup plus de soldats. Je
11 vous parle pour mon unité à moi, l'unité qui était envoyée de Sremska
12 Mitrovica et qui s'était dirigée vers Negoslavci. Nous avions rencontré à
13 cet endroit-là plusieurs soldats, un très grand nombre plutôt de soldats.
14 Q. C'était la seule unité de Sremska Mitrovica qui s'est rendue à cet
15 endroit-là pour couper la route ou est-ce qu'il y avait d'autres personnes
16 qui avaient rejoint les rangs de votre
17 unité ?
18 R. Oui, il y avait des réservistes avec nous.
19 Q. Lorsque vous avez parlé des réservistes, est-ce que vous faites
20 référence aux hommes qui sont mobilisés au sein de la JNA ou est-ce que
21 vous parlez d'autres soldats ?
22 R. Je crois que c'étaient des hommes qui étaient mobilisés, qui étaient
23 venus des rangs de la JNA. C'étaient des Serbes pour la plupart. Ils
24 étaient venus de Vukovar.
25 Q. Ce groupe de personnes était juste à côté de vous. Quel type d'uniforme
26 ils portaient ?
27 R. C'étaient des uniformes vert olive. Ils portaient le même uniforme que
28 moi.
Page 5510
1 M. SMITH : [interprétation] Monsieur le Président, peut-on, je vous prie,
2 prendre la pièce 156 ?
3 Q. Monsieur le Témoin, je vous demanderais de nous montrer un endroit sur
4 la carte, j'aimerais savoir si vous pouvez nous dire l'endroit précis où
5 votre unité était située à ce moment-là.
6 Pourrait-on faire un agrandissement, zoomer deux fois, je vous prie. En
7 fait, agrandir une fois suffirait.
8 Témoin, en regardant la carte qui se trouve sous vos yeux, dites-nous si
9 vous pouvez apercevoir des villages qui étaient situés près de l'endroit où
10 vous vous trouviez ?
11 R. Tout à fait. Nous voyons ici Bogdanovac. C'est la route qui mène vers
12 Vukovar que nous avons coupée. On peut apercevoir également Luzac ici de ce
13 même côté.
14 Q. Est-ce que vous pourriez nous indiquer à l'aide d'un cercle la position
15 qu'occupait votre unité ?
16 R. C'est à peu près ici. Nous étions à peu près ici.
17 Q. Nous avons un léger problème technique, mais je crois que nous allons
18 pouvoir résoudre ce problème, Monsieur le Président.
19 Monsieur, nous allons laisser de côté cette carte pour l'instant mais
20 confirmez-nous, je vous prie : est-ce exact de dire que votre unité était
21 située entre ces deux villages, alors que vous essayiez de couper la route
22 entre Vukovar et Vinkovci ?
23 R. Oui.
24 Q. L'unité qui était cantonnée à cet endroit-là, était-ce l'unité qui
25 disposait de six chars, six blindés de transport de troupes, et qui était
26 composée d'environ 70 à 80 hommes ?
27 R. Je ne sais pas combien il y avait de personnes exactement, mais je sais
28 qu'ils avaient des blindés de transport de troupes. Ils étaient également
Page 5511
1 munis de chars, mais pour vous dire quel était le nombre exact de soldats,
2 cela je ne peux pas vous dire. Nous n'avions pas vraiment de contacts avec
3 ce dernier.
4 Q. Vous avez parlé d'un groupe de réservistes qui se trouvaient devant
5 vous. Est-ce qu'ils étaient plus près de Vukovar ou étaient-ils un peu plus
6 loin ?
7 R. Ils n'étaient pas devant nous. Ils étaient à côté de nous. Ils étaient
8 plus proches de Vukovar, en fait.
9 Q. Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre quelle était la taille
10 de ce groupe-là ?
11 R. Entre 60 à 70 hommes à peu près. Il est bien difficile de vous donner
12 un chiffre exact. Ils étaient tous éparpillés. Il était très difficile de
13 les compter, de vous donner un chiffre exact.
14 Q. Ces réservistes, est-ce que vous savez si c'étaient des soldats
15 d'origine croates ou serbes ou s'ils appartenaient à un autre groupe
16 ethnique ?
17 R. Je crois qu'ils étaient tous Serbes.
18 Q. Lorsque vous êtes arrivés sur cette position, je crois que c'était au
19 tout début du mois de septembre, comme vous l'avez dit, que se passait-il à
20 Vukovar à l'époque ?
21 R. Nous étions d'abord cantonnés. Nous étions d'abord stationnés sur cette
22 position. Nous avions reçu l'ordre de tirer. Les combats ont duré peut-être
23 une heure, une heure et demie. Devant nous, il y avait des champs de maïs.
24 A droite, il y avait des maisons. Nous pouvions également apercevoir la
25 ville à la droite. C'est là que nous avons ouvert le feu. Une heure et
26 demie plus tard, nous avons cessé de tirer. Nous avions creusé les chars.
27 C'est ce que nous avions reçu pour ordre de creuser des tranchées afin de
28 dissimuler les chars à l'intérieur. Nous avions également recouvert de
Page 5512
1 terre les blindés de transport de troupes. Ensuite, nous avions reçu
2 l'ordre de descendre sur la route afin d'empêcher les Oustachi de fuir de
3 la ville de Vukovar en direction de Vinkovci.
4 Q. L'unité qui tirait, de toutes leurs armes, tirait en quelle direction ?
5 R. En direction de Vukovar, en direction de la ville, en direction de
6 Bogdanovci. Devant nous, on tirait également. C'est vers ces directions-là
7 que nous avions ouvert le feu.
8 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire si vous aviez reçu des instructions
9 spécifiques, à savoir, si vous avez des cibles particulières ?
10 R. Non.
11 Q. Est-ce qu'il y avait d'autres combats ? Est-ce qu'il y avait d'autres
12 armes depuis lesquelles on a ouvert le feu dans la ville outre le feu
13 ouvert par votre unité ?
14 R. Je n'ai pas du tout saisi votre question.
15 Q. Vous avez dit que lorsque vous êtes arrivé, votre unité avait ouvert le
16 feu. Y avait-il d'autres unités qui tiraient dans Vukovar, autour de
17 Vukovar; est-ce que vous le savez ?
18 R. Probablement que oui. Il y avait des soldats de réserve, que j'imagine
19 avaient ouvert le feu également. Vous savez, c'est très difficile de dire
20 de quel côté on tirait. Quand un obus tombe d'un char, cela retentit dans
21 nos oreilles, cela nous assourdit un peu. Nous nous étions dans les
22 blindés de transport de troupes lorsque le feu avait été ouvert vers ces
23 positions.
24 Q. Combien de temps êtes-vous resté déployé à cet endroit-là avec votre
25 unité ? Combien de jours avez-vous passé sur cette position ?
26 R. Je crois que j'y ai passé 24 jours, environ.
27 Q. Au cours de cette période de 24 jours, est-ce que vous avez appris s'il
28 y avait d'autres unités qui étaient situées soit dans la ville de Vukovar
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1 ou autour de la ville de Vukovar, des unités de la JNA, j'entends ?
2 R. Il y avait également d'autres unités. Pour vous donner un exemple, à
3 Negoslavci, il y avait des chars, des blindés qui avaient été également
4 enterrés, des lance-mortiers. L'armée était déployée de façon considérable.
5 Il y avait également les volontaires serbes qui avaient pris la position
6 après nous dans Dubrava. On tirait de tous les côtés. Je peux vous parler
7 de mon unité à moi, car j'ai passé 24 jours. Il n'y avait pas un seul jour
8 où on n'ait pas tiré.
9 Q. Lorsque vous dites "qu'il n'y a pas eu une seule journée sans que l'on
10 ouvre le feu," est-ce que vous parlez de votre unité ou d'autres unités ?
11 R. Je parle de la mienne.
12 Q. Vous avez également dit qu'il y avait des chars, des blindés de
13 transport de troupes. Que faisaient ces blindés de transport de troupes ?
14 Est-ce que l'on tirait depuis ces derniers également ?
15 R. Oui.
16 Q. Parlons maintenant de chars. Au cours des 24 jours que vous avez passés
17 sur cette position, à quelle fréquence est-ce que l'on tirait depuis les
18 chars ? Je ne parle que de chars présentement.
19 R. Vous savez, il n'y a pas eu une seule journée où on n'ait pas ouvert le
20 feu. On ouvrait le feu plutôt pendant la nuit, car devant nous il y avait
21 des champs de maïs, et lorsque le vent soufflait et faisait bouger les
22 arbres, même si on entendait un tout petit bruit, les gars tiraient
23 immédiatement et en se servant de tous les moyens aussi.
24 Q. Lorsque vous dites que l'on tirait depuis les chars de façon
25 quotidienne, est-ce que vous pourriez nous donner le nombre d'obus qui
26 avaient été tirés depuis ces cinq à six chars ? Est-ce que vous pourriez
27 nous dire combien y a-t-il d'obus par jour qui pouvaient être tirés ?
28 R. De façon quotidienne, enfin pendant le jour, plus de 100 obus, et là
Page 5514
1 je compte la nuit également.
2 Q. Les blindés de transport de troupes, est-ce que l'on tirait depuis les
3 blindés également, tous les jours ?
4 R. Oui.
5 Q. Pendant cette période de 24 jours, quelle a été votre tâche
6 particulière ? Quelle était votre mission ?
7 R. J'étais dans un fossé. Zlatko Zlogledja et moi-même, nous étions tous
8 les deux dans un fossé. Nous avions reçu pour ordre de faire attention que
9 les Oustachi ne viennent pas nous attaquer depuis les champs de maïs, mais
10 j'étais tout à fait sûr qu'aucun Oustachi n'allait commencer à nous
11 attaquer depuis les champs de maïs. Je n'ai jamais ouvert le feu. Au cours
12 des 24 jours, je n'ai jamais tiré un seul coup de feu alors qu'il y avait
13 un très grand nombre de personnes qui venaient chercher des munitions, et
14 Zlatko et moi, nous n'avions pas du tout tiré un coup de feu. Le capitaine
15 enfin nous a appelé et nous a dit : "Est-ce que vous tirez sur quelqu'un,
16 qu'est-ce que vous faites dans cette armée, vous n'ouvrez pas le feu sur
17 personne ? Qu'est-ce que vous faites ?".
18 Je lui ai répondu : "Mais je ne vois personne. Sur qui vous voulez
19 que je tire, puisque je ne vois personne."
20 Q. Je vous arrête ici, merci. Je crois que mon éminent confrère souhaite
21 élever une objection ou faire un commentaire.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, je vous écoute, Maître Vasic.
23 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, merci chers
24 confrères.
25 Je n'ai qu'un léger commentaire quant au compte rendu d'audience. A
26 la page 27, ligne 25, lorsque le témoin parle des coups de feu, il a dit
27 aussitôt qu'on entendait un bruit. Alors que là, ici on parle de voix
28 d'enfants. Je souhaiterais que l'on corrige ceci au compte rendu
Page 5515
1 d'audience.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.
3 M. SMITH : [interprétation] Merci.
4 Q. Monsieur, il apparaît au compte rendu d'audience que vous auriez parlé
5 de murmures d'enfants. Est-ce que c'est cela que vous vouliez dire ?
6 R. Non, je parlais du bruit que produisent les épis de maïs lorsqu'ils
7 bougent au vent.
8 Q. Très bien, merci. Maintenant nous avons parlé de blindés de transport
9 de troupes, est-ce que vous savez en quelle direction ces derniers
10 tiraient-ils ?
11 R. On tirait sur le château d'eau, on tirait sur la ville, sur Bogdanovci
12 également. Devant nous, il y avait des maisons, et je crois que c'était
13 justement cette position qui s'appelait Luzac, en direction de ces maisons.
14 Mais les cannons étaient, pour la plupart, tournés vers la ville car on
15 tiraient en direction de la ville.
16 Q. Est-ce que vous aviez reçu des ordres pour vous dire de quelle façon
17 sélectionner vos cibles, où vous deviez tirer, et cetera ? Est-ce que votre
18 commandant vous a donné des instructions semblables ?
19 R. Non.
20 Q. Est-ce que vous savez si les tireurs qui étaient à bord de chars ou à
21 bord de blindés de transport de troupes, si ces derniers avaient reçu des
22 instructions particulières leur disant où diriger leurs tirs ?
23 R. Oui, je m'étais entretenu avec les tireurs dans les chars. Ils avaient
24 reçu l'ordre de tourner des canons vers un certain endroit, et lorsqu'ils
25 recevaient l'ordre d'ouvrir le feu, ils étaient tenus d'ouvrir le feu.
26 Depuis les blindés de transport de troupes, les hommes qui tiraient depuis
27 les canons 20 millimètres, eux, ils tiraient en direction des maisons. Ils
28 n'avaient pas vraiment reçu de positions particulières ciblées. On leur a
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1 dit de tirer vers ces positions-là, et c'est tout.
2 R. Est-ce que c'est ce que vous avez appris de par les conversations que
3 vous avez eues avec les tireurs ?
4 R. Oui.
5 Q. Au cours des 24 jours pendant lesquels vous occupiez cette position,
6 est-ce que vous pouvez nous dire ce que faisaient ces réservistes, les
7 Serbes qui occupaient des positions tout près de Vukovar ?
8 R. Ils tiraient également sur Vukovar.
9 Q. Est-ce qu'ils ont eu des contacts avec votre unité ? Est-ce que vous
10 savez ? Est-ce qu'ils communiquaient avec votre unité, ces réservistes ?
11 R. Il y avait des soldats de nationalité serbe dans notre unité, ils
12 allaient s'entretenir avec eux. Personnellement, je ne suis pas allé les
13 voir pour leur parler.
14 Q. Je souhaiterais maintenant parler des tirs de riposte, est-ce qu'il en
15 a eu sur vos positions ? Vous avez occupé cette position pendant 24 jours,
16 est-ce qu'il y a eu des tirs de riposte ?
17 R. Entre le 14 et le 16, pour vous donner un exemple, lorsque la JNA avait
18 attaqué Vukovar de façon plus intense, on ouvrait le feu depuis les avions,
19 on tirait sur nos positions à nous également, des chars, des lance-mortiers
20 également, la ville au complet était presque complètement incendiée,
21 brûlait, elle était en flammes. Ensuite, on nous a expliqué que les
22 Oustachi allaient lancer une attaque très féroce, très importante, et qu'il
23 nous fallait être prêts. Je crois que nous n'avions reçu que trois ou
24 quatre obus de 60 millimètres provenant de lance-mortiers, c'est tout. Je
25 n'ai rien vu d'autre. Des fois, ils ouvraient le feu depuis les tirs
26 d'infanterie, ce n'était pas très impressionnant comparativement aux armes
27 que nous avions.
28 Pour vous donner un exemple concret, ce jour-là trois civils
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1 s'étaient rendus à l'armée. Ils ne faisaient pas confiance aux réservistes,
2 et ils voulaient recevoir l'aide de l'armée. Par contre, c'était la même
3 chose lorsqu'ils se sont livrés à nous. L'un d'entre eux avait une
4 Kalachnikov, c'était un fusil automatique. On leur a demandé : "Où allez-
5 vous ?" ils ont expliqué que dans la ville c'était un chaos total et qu'il
6 était absolument impossible de rester dans la ville puisqu'un si grand
7 nombre d'obus pleuvaient sur la ville. Ils disaient qu'ils essayaient de se
8 réfugier chez l'armée.
9 Malheureusement, les soldats leur ont lié les mains.
10 Ils sont restés là, toute la nuit. Devant nos positions, il y avait
11 un arbre, et c'est là qu'ils étaient restés toute la nuit avec les mains
12 ligotées autour de cet arbre.
13 Le matin lorsque je les ai vus, je suis allé leur parler, je leur ai
14 dit : "N'ayez pas peur, je suis de Bjelovar." Ils avaient montré des signes
15 de joie parce que je leur ai parlé, mais malheureusement plus tard, on les
16 a emmenés vers Negoslavci.
17 Q. Ces trois civils, est-ce que vous savez -- ou plutôt de quel groupe
18 ethnique ils appartenaient ?
19 R. Non. Je n'avais pas demandé de quelle appartenance ethnique ils
20 étaient, mais je crois qu'ils étaient de nationalité croate. Car plus tard,
21 lorsque j'ai demandé à savoir ce qui leur était arrivé, on m'a dit qu'ils
22 avaient été tués.
23 M. SMITH : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que le moment
24 est opportun pour prendre la pause. Qu'en pensez-vous ?
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien, Monsieur Smith. Nous allons
26 prendre une pause et nous reprendrons à 16 heures 05.
27 --- L'audience est suspendue à 15 heures 43.
28 --- L'audience est reprise à 16 heures 13.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Smith, je vous écoute.
2 M. SMITH : [interprétation]
3 Q. Monsieur le Témoin, avant la pause, vous avez dit qu'entre le 14 et le
4 16 septembre, un pilonnage intensif s'est fait sentir par la JNA en
5 direction de la ville de Vukovar, et la ville de Vukovar était en feu, en
6 flammes. Est-ce que vous pourriez nous dire, si au cours de cette période,
7 la ville avait fait l'objet d'une attaque provenant d'ailleurs ?
8 R. Non, la ville n'avait pas fait l'objet d'attaque. Il y avait certes un
9 pilonnage intensif. Ce jour-là, le pilonnage s'est fait sentir de façon
10 plus intense.
11 Q. Vous avez dit que vous vous êtes trouvé à cet endroit-là, sur cette
12 position pendant 24 jours. Après cette période, pourquoi est-ce que vous
13 avez abandonné votre position ? Qu'est-ce que vous avez fait ?
14 R. Le 24 décembre j'ai décidé de m'enfuir. J'étais accompagné de cinq
15 autres soldats, en fait, quatre autres personnes; quatre autres soldats.
16 Nous étions cinq en tout. Comment vous dire ? Lorenc Duhanj était d'un
17 endroit tout près de Marinci. Il ne pouvait pas croire que nous étions en
18 train de détruire une ville sans raison valable, seulement parce qu'ils
19 nous ont dit que notre seule raison de détruire la ville était parce qu'on
20 nous a dit qu'il y avait des Oustachi, des Kurdes, des Roumains, des
21 Albanais, et qu'ils étaient tous dans la ville. C'est pourquoi nous avions
22 décidé de fuir.
23 Nous avons fui, donc. Je crois que c'était peut-être vers midi. Nous
24 sommes arrivés jusqu'où il y avait des civils. Nous avons rencontrés des
25 civils, et ces civils nous ont ramenés jusqu'aux gardes. Ensuite, les
26 gardes nous ont transférés au poste de police de Vukovar. Nous avons été
27 placés dans la cave. On nous a posé plusieurs questions, à savoir, qui nous
28 étions, d'où nous venions, et cetera. Ils ont vérifié les adresses que nous
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1 leur avons données. Ensuite, ils nous ont laissé partir. C'était une sorte
2 détention préventive, si vous voulez; garde à vue.
3 Ce jour-là, ils avaient fait prisonniers ces trois soldats depuis ces
4 mêmes positions, depuis desquelles nous nous étions enfuis. Ils étaient
5 emmenés eux aussi au MUP. Même s'ils étaient attrapés, ils étaient heureux
6 d'avoir pu s'échapper et s'évader de l'armée.
7 Q. Vous dites qu'ils semblaient heureux d'avoir pu échapper à l'armée, ces
8 trois autres personnes. Il y a un moment, vous avez dit qu'ils avaient été
9 faits prisonniers et capturés. Est-ce que ces trois autres ont été capturés
10 ou est-ce qu'ils se sont enfuis ?
11 R. Ils ont été capturés. Capturés, mais ils étaient aussi heureux qu'ils
12 avaient pu s'échapper.
13 Q. Si vous pouviez --
14 R. Ils étaient heureux de ne plus être dans la JNA.
15 Q. Si nous pouvions avoir les quatre noms des personnes qui sont échappées
16 avec vous, si vous pouvez les citer lentement, et juste dire qui ils
17 étaient et de quelle origine ethnique ils étaient, les quatre qui se sont
18 échappés avec vous.
19 R. Zlatko Zlogledja. Il est de Kostajnica, des environs, c'est un Croate
20 du point de vue ethnique. Lorenc Dohanaj, des environs de Marinci, je
21 crois, mais près de Vinkovci. C'est un Albanais de souche, d'origine
22 ethnique. Samir Hrkic de Zavidovici, village voisin. Je crois qu'il est de
23 Bosnie au point de vue origine, un Musulman de Bosnie. Puis, Srecko
24 Ravlija, qui était Croate au point de vue ethnique.
25 En ce qui concerne les trois qu'ils ont capturés, il y avait Petar
26 Kuscevic. Je crois qu'il était Croate d'origine ethnique, des environs de
27 Split. Rasid Hadzibegovic. Je ne sais pas d'où il est, mais quelque part en
28 Bosnie. Je crois que lui aussi était Musulman de Bosnie. Marko Kobas, des
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1 environs de Brcko ou Orasje. Je crois que c'est un Croate, mais je n'en
2 suis pas sûr.
3 Q. Lorsque vous êtes arrivés au poste de police, vous avez dit que vous
4 aviez été mis dans la cave. Combien de temps est-ce que vous avez été
5 gardés à la cave pendant qu'ils vérifiaient vos adresses ?
6 R. Entre trois et cinq jours.
7 Q. Vous avez dit que vous avez été relâchés par la police, il semble,
8 trois ou cinq jours plus tard. Pourquoi avez-vous été relâchés, et de quoi
9 avez-vous parlé, la police et vous ?
10 R. Ils voulaient nous emmenés à Vinkovci. Ils savaient que j'étais des
11 environs, et les autres gars étaient de leurs lieux d'origine, ceux que
12 j'ai mentionnés. Ils voulaient à tout prix nous emmener à Vinkovci, parce
13 que nous avions fui la JNA, nous avions déserté. Ils cherchaient des
14 moyens, mais n'y avait aucun moyen de quitter Vukovar à l'époque. Un chef
15 de la police nous a dit qu'il était vraiment désolé, mais qu'il n'y avait
16 aucun moyen de partir parce que Vukovar était assiégée. Ce n'était plus
17 qu'une question de temps avant que Vukovar ne tombe.
18 Q. A ce stade, est-ce que vous vouliez quitter Vukovar une fois que vous
19 avez été relâché ?
20 R. Oui.
21 Q. Les trois autres hommes qui avaient été capturés, est-ce qu'ils ont
22 également été relâchés ? Pouvez-vous expliquer ?
23 R. Oui.
24 Q. Quand ont-ils été relâchés, au moment où vous-même avez été relâché ?
25 R. Le même jour.
26 Q. Vous avez dit que quelqu'un du poste de police a dit qu'il n'y avait
27 aucun moyen pour vous de quitter Vukovar. Est-ce qu'on vous a proposé de
28 faire quelque chose ? Est-ce qu'il vous a proposé à vous de faire quelque
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1 chose ?
2 R. Ils étaient en train de réfléchir à quelle route était encore ouverte,
3 de façon à pouvoir nous faire parvenir à Vinkovci, mais il ne nous ont pas
4 demandé où nous voulions aller. Ils nous ont simplement demandé si nous
5 voulions rester ou partir. Nous avons tous demandé à partir. Ils ont semblé
6 certains qu'ils seraient capables de nous faire arriver à Vinkovci, mais
7 ils n'ont pas réussi.
8 Q. Qui était le chef de la police qui vous a parlé ? Quel était son nom ?
9 R. Stipe Pole.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Smith, nous avons eu sept
11 noms en tout. Pour moi, ce n'est pas très clair. Je n'arrive pas à voir
12 quels sont les quatre et quels sont les trois autres. Est-ce qu'on pourrait
13 préciser les choses ?
14 M. SMITH : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
15 Q. Témoin, pourriez-vous, s'il vous plaît, dire quels étaient les quatre
16 soldats de la JNA qui se sont échappés avec vous ? Simplement leurs noms,
17 s'il vous plaît.
18 R. Zlatko, Lorenc, Srecko et Samir. Je ne sais pas si vous voulez leurs
19 noms de famille.
20 Q. Je crois que cela va pour le moment. Les trois autres étaient ceux qui
21 ont été faits prisonniers ou capturés; c'est bien cela ?
22 R. Oui.
23 Q. Vous expliquez que le chef de la police a expliqué vous ne pouviez pas
24 sortir de Vukovar. Qu'est-ce que vous avez décidé de faire ? Qu'est-ce qui
25 s'est passé ensuite, après cela ?
26 R. Pour ma part, j'ai demandé à rejoindre l'administration de la police,
27 c'est-à-dire, le MUP. Zlatko, Lorenc et moi avons demandé. Ils nous ont
28 rendu les armes que nous portions lorsque nous étions arrivés. On nous a
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1 donné des uniformes de la police, de l'administration de la police, et nous
2 sommes restés avec eux dans la cave. Plus tard, nous sommes allés à un
3 autre endroit pour des raisons de sécurité, parce que le bâtiment de la
4 police était bombardé quotidiennement ainsi que le quartier tout autour.
5 Q. Srecko, qu'est-ce qu'il a fait, lui ? Est-ce qu'il vous a rejoint
6 aussi ?
7 R. Srecko, peu de temps après, Srecko a eu sa jambe emportée. Il y a eu un
8 obus de mortier qui a atterri dans la cour du bâtiment de la police, et sa
9 jambe a été déchirée. Nous l'avons transporté à l'hôpital. C'est là qu'il
10 est resté.
11 Q. Vous dites que vous avez demandé à rejoindre la police. Vous vous
12 attendiez à quoi ? Qu'est-ce que vous vous attendiez à faire ? Quelle était
13 votre tâche ?
14 R. Je ne m'attendais pas à ce que l'on me confie des tâches. Ils ne nous
15 ont même pas demandé d'aller dans une position où on tirait, où nous
16 serions exposés au feu. Cela ne faisait pas beaucoup de différence. Qu'on
17 se trouve au front ou qu'on se trouve au milieu de la ville, la pluie
18 d'obus était la même partout. C'était pour notre sécurité personnelle que
19 nous avons gardé ces armes que nous avions apportées avec nous. Ils ne nous
20 ont rien demandé de faire. Ils ne nous ont pas confié de tâches
21 particulières ni dit d'aller quelque part. C'est de notre propre mouvement,
22 librement, que nous avons accepté cela.
23 Q. S'ils ne vous ont pas donné de mission ou de tâche particulière, est-ce
24 qu'ils vous ont confié des tâches générales que vous deviez accomplir ou
25 pas ?
26 R. Non.
27 Q. Qu'avez-vous fait à partir de ce moment-là ?
28 R. Le bâtiment de la police avait été soumis à un tel bombardement que
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1 huit d'entre nous, de la police, nous sommes allés dans une autre cave près
2 du Danube. Nous sommes restés là. A la tombée de la nuit, nous montions la
3 garde pour nous assurer qu'aucun passant ne jetterait quelque chose dans
4 notre cave. A certains moments, nous voyions notre ville bombardée de
5 l'autre côté du Danube. On pouvait voir les canons tirer, des canons de
6 tanks, des lance-roquettes multiples. Nous passions la plus grande partie
7 de notre temps à observer cela.
8 Q. Pourquoi est-ce que la police vous a donné un uniforme ?
9 R. Ils ne nous ont pas donné un uniforme; nous avons demandé qu'on nous
10 donne un uniforme. Nous nous sommes débarrassés de l'uniforme de la JNA.
11 Ils n'avaient pas de vêtements civils à nous donner.
12 Q. Avec votre arme de la JNA, pendant que vous vous trouviez à votre poste
13 à l'extérieur de Vukovar, qu'est-ce que vous avez fait avec cela ? Est-ce
14 que vous aviez encore cela lorsque vous avez rejoint la police ? Est-ce que
15 vous l'aviez encore ?
16 R. Oui, oui.
17 Q. Vous êtes resté à Vukovar jusqu'à quelle date ? Quand avez-vous quitté
18 Vukovar ?
19 R. Quand j'ai quitté l'hôpital le 20 novembre 1991.
20 Q. Pourriez-vous expliquer avec un peu plus de détails, pendant les deux
21 mois que vous avez passés à la police, quelles étaient vos fonctions ? Est-
22 ce que vous pourriez expliquer un peu plus ? Vous avez expliqué que vous
23 gardiez la cave qui vous servait d'abri ?
24 R. Pour commencer, la première chose que je voulais faire après avoir
25 échappé à la JNA, était de voir où se trouvait ces 12 -- je veux dire, ces
26 20 000 Oustachi étaient stationnés, dont il nous avait parlé. Toutefois,
27 une fois que j'ai eu remarqué les forces de police, j'ai vu qu'il y avait
28 également des soldats qui portaient certaines armes - je ne sais pas très
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1 bien comment dire cela - ce n'était pas une armée organisée, suffisamment
2 organisée pour résister au type de force qui était utilisée pour avancer
3 vers la ville. Ce que je voulais vraiment savoir, c'est s'il y avait des
4 Chemises noires à Vukovar, ou des Oustachi dont il nous avait parlé dans la
5 JNA. Tout ce que j'ai vu là, c'était des personnes qui défendaient leurs
6 maisons, leurs voisinages et des membres de la police.
7 Ma tâche personnelle, ma mission personnelle, était parfois d'aller
8 dans les boutiques prendre des vivres, des boîtes de conserve ou des choses
9 de ce genre pour apporter aux civils. Chaque fois qu'on ouvrait un magasin,
10 tous les civils sortaient de leurs caves pour aller à ce magasin et voir
11 s'ils pouvaient se procurer des vivres. Les gens étaient affamés, ils
12 avaient soif. Ils ne pouvaient pas aller et venir à cause des pilonnages,
13 la pluie d'obus. Tout le monde avait peur des obus. Ce n'était pas comme si
14 une douzaine d'obus tombaient tous les jours. C'était des centaines qui
15 tombaient.
16 De sorte que c'est ce que j'ai vu lorsque je suis arrivé là. Ma
17 tâche, c'était également de monter la garde là où je l'ai dit, en face au
18 Danube, mais de voir si cette armée allait peut-être commencer à traverser
19 le Danube.
20 Q. Est-ce que cette armée a traversé le Danube pendant que vous étiez à
21 cette position au cours de cette période ?
22 R. Non, non.
23 Q. Qu'est-ce que vous auriez fait si l'armée avait traversé le
24 Danube ? Qu'est-ce que vous croyez que vous étiez censé faire si vous étiez
25 censé faire quelque chose ?
26 R. Vous voulez dire s'ils avaient traversé le Danube vers nous ? Il est
27 probable que nous aurions ouvert le feu contre eux.
28 Q. Pendant combien de temps êtes-vous restés au poste de police environ ?
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1 R. Je ne peux pas vraiment dire combien de temps nous y sommes restés. Un
2 mois, moins d'un mois, deux ou trois semaines. Je ne sais pas. Je suis
3 resté jusqu'à ce que -- je ne peux pas vraiment dire combien de temps je
4 suis resté. Peut-être 20 jours. Je ne peux pas vous dire avec certitude
5 vraiment combien de temps cela a duré.
6 Q. Environ combien de temps êtes-vous restés à cet autre endroit, cet
7 autre endroit où vous vous êtes rendus, où vous vous êtes déplacés ?
8 R. Vukovar est tombée le 17. Le 17, nous nous sommes retirés. Je crois que
9 nous nous sommes retirés vers un abri où il y avait un très, très grand
10 nombre de civils, un nombre très important de civils. Certains ont réussi à
11 quitter Vukovar, d'autres y sont restés. Certains ont essayé de faire une
12 percée, une sorte de percée, mais n'ont pas réussi. Lorenc et moi, même
13 s'il a mis le pied sur cet engin qui a fait éclaté son talon, nous l'avons
14 emmené à l'hôpital. Donc, c'est à l'hôpital que j'étais jusqu'au moment où
15 l'armée est arrivée.
16 Q. Vous dites qu'on vous a fourni ou que vous aviez encore votre arme
17 lorsque vous travailliez avez la police ou que vous portiez un uniforme de
18 police. Combien d'hommes environ y avait-il en ville qui portaient des
19 armes, que vous ayez pu voir au cours de cette période de deux mois où vous
20 étiez en ville ?
21 R. J'ai vu des policiers, des gardes, quand ils venaient chercher de la
22 nourriture pour la police. C'est cela que j'ai vu. J'ai ôté l'uniforme au
23 bout de 20 ou 30 jours. J'ai trouvé des vêtements civils. C'était très
24 sale. On ne peut pas vraiment passer un mois dans un seul uniforme. Par la
25 suite, l'ensemble des fonctionnaires de police, l'administration du
26 bâtiment a brûlé. Il n'y restait plus que les murs. Tout l'intérieur avait
27 brûlé.
28 Q. Est-ce que vous avez su si d'autres Croates défendaient la ville de
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1 Vukovar pendant que vous étiez là ?
2 R. Je ne comprends pas votre question, excusez-moi. Est-ce que je
3 connaissais d'autres Croates ?
4 Q. Savez-vous s'il y avait d'autres Croates, que vous les connaissiez ou
5 pas, qui défendaient la ville de Vukovar pendant que vous y étiez ?
6 R. Oui, il y en avait. Les gens défendaient leur propre ville; je veux
7 dire, qui ne le ferait pas ?
8 Q. D'après ce que vous avez vu, combien de personnes avez-vous vues qui
9 défendaient la ville, d'après ce que vous avez vu, d'après votre expérience
10 pendant cette période de deux mois ?
11 R. Je peux dire combien il y avait d'effectifs en ce qui concerne la
12 police. Je crois qu'ils étaient une centaine de personnes que j'ai vues. Je
13 ne sais pas s'il y en avait davantage ou non. Cela, je ne peux pas le dire.
14 Q. Est-ce que vous avez vu si on utilisait des armes autres que des fusils
15 ou le type d'armes utilisées pour défendre la ville ?
16 R. La police n'avait que des armes légères.
17 Q. Pour ce qui est de chars et de mortiers, y en avait-il ?
18 R. Ils n'avaient pas de chars. Je pense, qu'à un moment donné, l'armée a
19 abandonné des chars dans une certaine partie de la ville, et qu'un soldat
20 qui était un conducteur de char est allé le chercher, ce char, et l'a
21 amené. C'était, je crois, dans un atelier. Il y avait quelque chose qui ne
22 marchait pas dans ce char. Ils étaient en train d'essayer de le rendre
23 opérationnel, mais un obus est tombé quelque part et les mécaniciens ont
24 été tués à l'intérieur. Donc, le char est resté là. Je pense même qu'ils
25 ont dû tirer un ou deux obus dans ce char, des obus qui y étaient restés.
26 Ils ont réussi à les tirer. Ils ont réussi à faire fonctionner le char. Je
27 ne sais pas s'il était à court de carburant ou quelque chose, mais je sais
28 qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas.
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1 Q. Pour ce qui est des mortiers, savez-vous si des mortiers étaient
2 utilisés pour défendre la ville ?
3 R. Je n'ai pas vu de mortiers.
4 Q. Vers quelle date êtes-vous arrivé à l'hôpital de Vukovar ?
5 R. Je crois que c'était le 18. Je ne peux pas être sûr à
6 100 %, mais je crois que c'était le 18. Je crois que j'ai passé une ou deux
7 nuits sur place. Je n'en suis pas sûr moi-même combien de nuits.
8 Q. Pourrions-nous parler du jour où vous avez quitté l'hôpital de Vukovar.
9 Vous y aviez passé la nuit précédente. Pourriez-vous nous dire ce qui s'est
10 passé le lendemain, le 20 ?
11 R. Le 20, la veille, on nous avait dit que ceux qui voulaient aller à
12 Zagreb pouvaient aller à Zagreb. Je ne peux pas être absolument certain de
13 cela, mais je crois qu'il y avait des listes de personnes qui avaient été
14 établies pour savoir qui voulait aller à Zagreb, qui voulait aller à
15 Belgrade, que ceux qui voulaient rester pouvaient rester. Toutefois, le 20,
16 nous avons reçu l'ordre de quitter l'hôpital. On nous a dit qu'il fallait
17 que nous quittions l'hôpital. A ce moment-là, les femmes, des enfants et
18 des personnes âgées ont été mis d'un côté. On nous a fait nous aligner
19 devant l'hôpital sur une seule ligne.
20 Q. Qui vous a donné l'ordre de quitter l'hôpital ?
21 R. Les gens qui travaillaient à l'hôpital nous ont dit que nous devions
22 quitter l'hôpital, qu'ils avaient l'ordre de quitter l'hôpital.
23 Q. Où vous trouviez-vous quand on vous a dit cela, dans quelle partie de
24 l'hôpital ?
25 R. J'étais dans la cave. J'étais plus près de la sortie, de la porte de la
26 sortie de l'hôpital. Je me trouvais dans la cave. Nous avons été ceux qui
27 sont partis les premiers, ceux qui n'étaient pas blessés. Après cela, il y
28 a eu les blessés qu'on a fait sortir.
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1 Q. Que s'est-il passé lorsque vous avez quitté l'hôpital, lorsque vous
2 êtes partis par cette sortie. Que s'est-il passé ensuite ?
3 R. On nous a fait nous aligner sur place, comme je l'ai dit. Puis, le
4 commandant Sljivancanin se trouvait devant l'hôpital. Il a dit -- il s'est
5 présenté comme étant le commandant Sljivancanin. Il a dit que personne
6 n'aurait d'ennui, l'armée populaire yougoslave avait libéré la ville, et
7 qu'à partir de ce jour, Vukovar était une ville libre. Il a ordonné aux
8 gardes de Belgrade de nous fouiller. Ils n'avaient rien à me confisquer.
9 J'avais simplement une montre. Ils ont pris cette montre. Lorsqu'ils ont
10 fouillé les gens, il a dit : "Allons-y soldats, nous n'allons pas rester
11 ici jusqu'à demain."
12 Des cars attendaient à l'extérieur. Ils nous ont donné l'ordre de
13 monter dans ces cars. Nous y sommes montés un par un. Tout le monde devait
14 s'asseoir dans le car. Je me trouvais dans l'avant-dernier car. Zlatko
15 Zlogledja se trouvait dans l'avant-dernier car aussi, ainsi que Petar
16 Kuscevic, ainsi que Samir Hrkic, qui se trouvait aussi dans l'avant-dernier
17 car. J'étais assis avec un homme appelé Horvat, qui était un policier à
18 Vukovar. Il était né à Vinkovci, incidemment. Lui-même m'a dit : "Nous ne
19 verrons jamais Zagreb."
20 Les cars se sont mis en route et ils sont allés à la caserne de
21 Vukovar.
22 Q. Je vous arrête là, un instant, et je dois vous poser quelques questions
23 sur la façon dont vous avez quitté l'hôpital. Vous avez dit que le
24 commandant Sljivancanin s'était présenté. Est-ce que vous connaissiez le
25 nom de cette personne avant ce jour-là ?
26 R. Je crois que le Dr Vesna Bosanac était en train de négocier à partir du
27 19 parce que l'armée est entrée à l'hôpital dès le 18. Le 18, on ne pouvait
28 plus entrer à l'hôpital ou le quitter. Je ne sais pas exactement à quelle
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1 heure ils sont arrivés. A l'intérieur de la caserne, un officier de la JNA
2 est venu à l'hôpital avec une caméra pour faire des films ou des photos de
3 l'intérieur de l'hôpital. Le commandant Sljivancanin marchait le long du
4 couloir avec le Dr Bosanac à l'intérieur de l'hôpital. C'est à ce moment-là
5 que je l'ai vu à l'intérieur. Ils ont tout photographié et ils sont partis.
6 Je pense que c'est plus tard, le 20, ils se trouvaient à l'extérieur. Il y
7 avait des personnes de la communauté internationale. Je me rappelle un
8 monsieur qui portait une boucle d'oreille, il portait des vêtements blancs,
9 son pantalon était déchiré. Toutefois, ils n'ont pas été autorisés à entrer
10 dans l'hôpital. Ils se trouvaient à côté de l'hôpital.
11 Q. Il faut que je vous arrête un instant. La première fois que vous avez
12 vu le commandant Sljivancanin, c'était quel jour ?
13 R. Je crois que c'était le 19. Oui, le 19.
14 Q. Après que vous ayez quitté Vukovar, et après que vous soyez retourné en
15 Croatie, n'avez-vous jamais vu le commandant Sljivancanin d'une manière ou
16 d'une autre ?
17 R. Oui, à la télévision. On le voyait souvent à la télévision.
18 Q. Dans quel contexte est-ce qu'il apparaissait à la télévision, de quoi
19 s'agissait-il ?
20 R. Lorsque je me trouvais dans une prison serbe, ils l'ont présenté comme
21 étant un héro qui avait libéré la ville tandis que la partie croate le
22 présentait comme un criminel qui avait causé des dommages à Vukovar.
23 Q. Je vous remercie. Vous avez également mentionné le fait que les gardes
24 de Belgrade vous avaient fouillé quand vous avez quitté l'hôpital. Comment
25 savez-vous que c'étaient des gardes de Belgrade, et que portaient-ils ?
26 R. Ils portaient des gilets pare-balles multicolores et également des
27 casques et des vestes. C'étaient des uniformes de camouflage. Il y avait à
28 l'intérieur de l'hôpital des blessés qui étaient soignés par les médecins
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1 de l'hôpital, et ils négociaient avec le commandant Raseta. Je crois qu'il
2 avait été à Zagreb pour arrêter le bombardement de l'hôpital de Vukovar.
3 Toutefois, plus tard, lorsque l'armée a atteint l'hôpital, elles se
4 trouvaient à la sortie de l'hôpital, ces personnes qui avaient reçu des
5 soins, et elles montraient ou plus directement, elles désignaient des
6 personnes qui les avaient maltraitées ou qui les avaient insultées dans
7 l'hôpital. Toutefois, personne ne les avait maltraitées. Il y avait des
8 gardes qui étaient postés à l'extérieur des portes des chambres de
9 l'hôpital, mais personne ne les avait maltraitées.
10 Q. Vous dites que vous êtes monté dans un car. Environ combien de cars y
11 avait-il devant l'hôpital ?
12 R. Je ne sais pas s'il en avait six. Je sais que j'étais dans le car
13 avant-dernier. Il y avait un car derrière le mien. Il y avait cinq ou six
14 cars, je ne me rappelle pas le chiffre exact. Je sais que j'étais dans
15 l'avant-dernier car.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Lukic.
17 M. LUKIC : [interprétation] Une correction, ou plutôt je voudrais ajouter
18 quelque chose. Au compte rendu d'audience, le témoin, à la page 44, quand
19 il a décrit les uniformes des membres de la garde, a dit qu'il y avait un
20 sergent et deux soldats dans l'hôpital. Ceci ne figure pas au compte rendu
21 d'audience. Ensuite, il a dit qu'ils ont été blessés, et ils étaient à
22 l'intérieur de l'hôpital. Il parlait de ce sergent et de ces deux soldats
23 ordinaires qui étaient soignés à l'hôpital.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
25 Monsieur Smith, est-ce que vous souhaitez vérifier cela ?
26 M. SMITH : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
27 Q. Monsieur le Témoin, vous nous avez dit -- enfin tout d'abord, pouvez-
28 vous nous dire où sont partis les autocars ?
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1 R. Vers la caserne.
2 Q. Que s'est-il passé à la caserne ?
3 R. A partir du moment où nous sommes entrés dans les bus, il s'agissait là
4 des autobus civils. Le soldat de la JNA était debout, devant nous. Il était
5 armé. Le chauffeur du bus était lui aussi armé. Ils portaient des fusils
6 automatiques avec la crosse qu'on pouvait rabattre. Ils nous ont pris et
7 ils sont arrivés jusqu'au bus. Un capitaine est entré dans le bus où
8 j'étais. Il a donné lecture des noms d'un certain nombre de personnes qui
9 se trouvaient dans ce bus ou plutôt les gens dont le nom a été lu sortaient
10 du bus. Et au fur et à mesure qu'ils sortaient, ils étaient passés à tabac.
11 Ils étaient passés à tabac à l'aide des crosses de fusil, à l'aide des
12 battes. Ils tournaient autour du bus et ils nous injuriaient, nous et nos
13 mères d'Oustachi. Ils disaient : "Vous vouliez votre Etat, où est l'Europe
14 aujourd'hui ? Où est votre Tudjman maintenant pour vous défendre ?" Et
15 cetera, et cetera. C'est ce qu'ils disaient.
16 Q. On a appelé le nombre de combien de personnes à peu près dans votre
17 autobus ?
18 R. A peu près dix personnes, mais je ne suis pas sûr de leur nombre parce
19 que vous savez, c'était la panique, la peur. Vous ne pouviez pas tout
20 entendre. Je sais que six personnes à peu près sont sorties du bus, cinq ou
21 six personnes.
22 Q. Vous avez dit qu'un capitaine était monté dans l'autocar pour appeler
23 les noms d'un certain nombre de personnes. Pourriez-vous décrire son
24 uniforme ?
25 R. Il y avait un uniforme vert olive de l'armée yougoslave. Il était
26 bronzé sans avoir la peau tout à fait mate, cheveux bruns. Je sais que les
27 Chetniks étaient là et ils voulaient entrer dans le bus, mais il ne les a
28 pas laissés entrer dans le bus. Il leur a donné l'ordre de sortir du bus
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1 justement, au contraire.
2 Q. Il mesurait combien à peu près ? Quelle était la couleur de ces cheveux
3 ? Son âge ?
4 R. Ses cheveux étaient bruns foncés. Il mesurait à peu près un mètre 75,
5 un mètre 80. Il avait à peu près 90 kilos, 80 ou 90 kilos. Il était bronzé,
6 c'est vrai. Quel âge avait-il ? C'est entre 35 et 40 ans, ce qu'il pouvait
7 avoir à peu près.
8 Q. Vous avez dit que les gens qui sortaient du bus étaient passés à tabac.
9 Qui les frappaient ?
10 R. Dans la cour de la caserne, il y avait des gens qui portaient des
11 uniformes de camouflage, des uniformes militaires. Il y en avait qui
12 arboraient des bandeaux blancs, des rubans, leur Défense territoriale
13 aussi. Il y en avait qui portaient des cocardes sur leurs couvre-chefs. Il
14 y avait beaucoup de soldats, en tout cas, là-bas.
15 Q. Vous, vous avez vu à peu près combien de soldats dans cette caserne ?
16 R. Personnellement, j'en ai vu plus que 50, mais je ne connais pas le
17 nombre exact évidemment.
18 Q. Est-ce que vous avez vu combien ils étaient à avoir participé aux
19 passages à tabac des gens descendus des autocars ?
20 R. Vous avez à peu près quatre personnes qui frappaient un seul homme, en
21 moyenne, parce que dans la cour de l'hôpital de Vukovar, il y avait un
22 char, il y avait des blindés de transport de troupes, des camions
23 militaires. Il y avait pas mal de soldats dans l'enceinte de l'hôpital.
24 Q. Nous étions en train de parler de ce qui se passait à la caserne, alors
25 que là, vous parlez de l'hôpital, de l'hôpital de Vukovar. Pouvez-vous nous
26 dire quels véhicules vous avez vus à la caserne quand vous êtes arrivé ?
27 R. Il y avait aussi des chars dans l'enceinte de la caserne.
28 Q. Vous avez dit qu'un certain nombre de soldats de la Défense
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1 territoriale étaient là. Vous avez aussi parlé des soldats avec des
2 cocardes sur leurs couvre-chefs. Vous avez également mentionné des soldats
3 arborant des uniformes de camouflage et des uniformes militaires aussi.
4 Pouvez-vous décrire le groupe auquel appartenaient ces autres soldats ? Là,
5 je parle des soldats qui ne faisaient pas partie de la Défense
6 territoriale, si vous le savez bien évidemment.
7 R. Ceux qui arboraient des cocardes sur leurs couvre-chefs étaient des
8 Chetniks. Ensuite, vous aviez des Aigles blancs. Ils portaient aussi des
9 cocardes, mais ils avaient aussi des rubans blancs, et ensuite vous avez
10 des réservistes qui avaient des uniformes de l'armée yougoslave. Vous aviez
11 aussi des soldats de l'armée régulière. Ce qui fait la différence entre les
12 deux, c'est leur âge. Ils étaient tous à l'intérieur de la cour de la
13 caserne.
14 Q. Vous avez dit que vous pensiez qu'il y avait à peu près une
15 cinquantaine de soldats là-bas. D'après vous, il y avait combien parmi eux
16 qui faisaient partie de l'armée régulière de la JNA ?
17 R. Je ne saurais répondre avec certitude, presque 50 soldats en tout cas,
18 mais je ne saurais vous dire combien parmi eux faisaient partie de l'armée
19 yougoslave. Ce que je peux vous dire, en revanche, c'est que nous, nous
20 avons été gardés pendant tout ce temps-là par un soldat de la JNA dans
21 l'autocar.
22 Q. Pourriez-vous nous donner un chiffre minimal de soldats de la JNA que
23 vous avez pu voir là-bas ? Le nombre minimal de soldats ?
24 R. Je ne sais pas. Dix, plus que dix, moins de dix. Je ne sais pas. Je ne
25 pourrais vous avancer un chiffre.
26 Q. Qu'en est-il de la Défense territoriale ? Est-ce que la situation est
27 la même; est-ce que vous avez du mal à évaluer leur nombre ?
28 R. Oui, ce serait difficile de le dire, très difficile de faire la
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1 distinction et de compter combien il y en avait qui faisait partie d'une
2 armée, et combien il y en avait qui faisait partie de l'autre unité.
3 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre quelle était l'ambiance dans
4 l'enceinte de la caserne pendant que vous, vous étiez assis dans le bus, et
5 à l'extérieur, il y avait des gens qui se faisaient passer à tabac ?
6 R. Nous, nous étions à l'intérieur du bus et pour nous, c'était terrible
7 que de regarder cela. Nous savions très bien que le même sort nous était
8 réservé. Cet homme, qui était assis à côté de moi, il s'appelait Horvat. Il
9 a sorti la photo de sa femme et de ses deux petits enfants, et il m'a dit :
10 "Mais je ne les verrai plus. Je ne les verrai plus jamais." Je lui ai dit :
11 "Ne t'inquiètes pas. On les verra. On rentrera chez nous." Il m'a dit :
12 "Mais regarde ce qu'ils leur font à ces gens qui sont sortis."
13 Alors qu'eux, ils étaient très contents. Ils étaient, de leur part, très
14 contents d'avoir arrêté autant de gens, de pouvoir les passer à tabac,
15 alors qu'on ne savait pas pourquoi ils les frappaient. On ne pouvait même
16 pas dire que c'étaient des sauvages. Vous ne pouvez même pas imaginer à
17 quel point ils les frappaient, comment ils les frappaient. Ils les
18 frappaient avec les crosses des fusils. Ils leur donnaient des coups de
19 pied dans la tête quand ils tombaient. C'était terrible, terrible à
20 regarder cela. Ils ont braqué leurs fusils sur nous, vers le bus, les gens
21 dans l'autobus, en disant qu'ils allaient nous tuer nous, que notre
22 dernière heure avait sonné, et cetera. C'est ce qu'ils disaient. Evidemment
23 que nous avions tous peur.
24 Q. Votre bus, il est resté pendant combien de temps dans la caserne de la
25 JNA ?
26 R. Entre une heure et deux heures. J'avais l'impression que j'ai passé
27 deux ans là-bas.
28 Q. Est-ce qu'à l'époque vous aviez une montre ?
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1 R. Non. C'était à peu près une heure ou deux heures. Peut-être que nous y
2 avions passé un petit peu plus ou un petit peu moins de temps. C'est
3 difficile d'évaluer le temps.
4 Q. Que s'est-il passé ensuite ? Quand vous avez quitté la caserne de la
5 JNA, pouvez-vous nous dire comment cela s'est-il fait et pourquoi ? Où est-
6 ce que vous êtes allé ensuite ?
7 R. Les bus ont continué leur chemin en direction d'Ovcara. Les étables,
8 les hangars, un complexe agricole. Il y avait des soldats qui nous ont
9 suivi pour nous accueillir. Au fur et à mesure que les autobus arrivaient,
10 ils ouvraient la porte, ils ordonnaient aux gens de sortir. D'un côté vous
11 avez 15 personnes, de l'autre côté 15 personnes aussi. Vous étiez obligés
12 de passer au milieu entre les deux rangs. Ils les passaient à tabac. Ils
13 les tiraient par les mains. Il y en avait qui ne pouvaient même plus
14 marcher. Ils les ont tirés jusqu'à là-dedans. Quand le tour est arrivé à
15 mon bus, c'était pareil. Il a fallu que l'on sorte. Petar Kuscevic était
16 sorti parmi les premiers. Un Chetnik lui a donné un coup de crosse de
17 fusil. Il est tombé. Il a dit : "Ne me touchez pas, je suis un soldat de la
18 JNA. J'ai été arrêté par les Oustachi."
19 A proximité de là se tenait un capitaine. Je pense que c'était ce même
20 capitaine, celui qui avait donné lecture des noms des personnes, qui a lu
21 la liste de noms dans le bus. Là, il lui avait demandé s'il y avait
22 d'autres soldats parmi eux, et il m'a montré moi, Zlatko et Hrkic, et ils
23 nous ont séparés.
24 A côté de cet hangar se trouvait deux officiers de la JNA, des lieutenant-
25 colonels, je pense. Ils nous ont demandé de venir, et ils nous ont posé des
26 questions. Ils voulaient savoir d'où on venait, qui nous étions, ce que
27 nous faisions. Un officier a dit : "Comment se fait-il qu'il n'y a pas de
28 Serbes parmi vous ?" Ensuite, il nous a montré les champs et il a dit :
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1 "Regardez ces champs. Mon fils s'est battu là-dedans dans ces champs. Il
2 s'est battu corps à corps. Nous allons bien voir qui a été arrêté et qui a
3 été capturé et qui étaient des déserteurs parce que vous, vous êtes des
4 déserteurs. Vous êtes partis, vous avez fui la JNA." Ensuite nous avons
5 regardé ces gens qui étaient en train de se faire passer à tabac.
6 Je me souviens qu'il appelait un certain Ivan. Il lui a demandé s'il
7 était Croate ou Serbe. Cet homme ne savait pas quoi répondre. Il avait une
8 main qui était bandée, il lui a cassé son bras tout simplement. C'était
9 tout simplement du passage à tabac, une horreur, un chao tout entier,
10 absolu.
11 Ensuite, ils ont vidé tous les bus, et ensuite un réserviste est
12 monté sur un bulldozer, un bulldozer jaune qui était garé près du hangar.
13 Il l'a allumé et il l'a laissé en marche. A ce moment-là, un officier de la
14 JNA est arrivé, il est arrivé dans un véhicule du type Puch, et il avait un
15 chauffeur, c'est un chauffeur qui l'a amené là-bas. Il a quitté le
16 véhicule, il a marché jusqu'au hangar. Il a parlé avec les soldats et il
17 nous ordonné d'entrer dans les véhicules. Nous avons été quatre à être
18 montés dans ce véhicule, et ensuite ils nous ont emmenés à Negoslavci.
19 Q. Pourriez-vous à nouveau nous dire qui étaient ces quatre personnes qui
20 sont montées dans ce véhicule avec l'officier de la JNA ?
21 R. Zlatko Zlogledja, Petar Kuscevic, Samir Hrkic et moi-même.
22 Q. Il est exact, n'est-ce pas, que vous vous êtes battus, tous les quatre,
23 avec la JNA à Vukovar ?
24 R. Je ne vous ai pas très bien compris, excusez-moi.
25 Q. Vous, tous les quatre, vous faisiez au départ partie de la JNA, vous
26 étiez dans une unité de la JNA à Vukovar ?
27 R. Oui, oui.
28 Q. Pourquoi pensez-vous qu'on vous a choisi, vous précisément, pour monter
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1 dans ce véhicule plutôt que de vous laisser dans le hangar. Est-ce que vous
2 savez pourquoi ?
3 R. Parce que Petar Kuscevic a dit que nous avons été capturés par les
4 Oustachi. C'est comme cela que nous avons pu sauver notre peau.
5 Q. Nous allons revenir sur cet instant où vous arrivez pour la première
6 fois dans cet hangar. Combien d'autobus sont arrivés là-bas y compris les
7 vôtres ?
8 R. Il y avait à peu près cinq ou six bus qui sont arrivés. Je sais très
9 bien que je faisais partie de l'avant-dernier bus et que j'ai pu observer
10 ces gens en train de vider cet autre autocar. C'est difficile de vous
11 répondre. Je dirais qu'il y en avait quatre, cinq ou six.
12 Q. Vous avez dit qu'au moment où vous avez quitté l'hôpital, il y avait un
13 soldat de la JNA qui agissait en tant que gardien dans votre autobus.
14 Qu'est-ce qui s'est passé avec ce soldat de la JNA ?
15 R. Il est arrivé à Ovcara avec nous. Ensuite il a quitté l'autocar. Je ne
16 sais pas ce qui lui est arrivé par la suite. Il était là-bas devant le
17 hangar, dans l'enceinte.
18 Q. Vous êtes resté pendant combien de temps dans le hangar, donc entre le
19 moment où vous êtes arrivé par l'autocar et le moment où vous partez dans
20 ce véhicule en compagnie de cet officier de la JNA ?
21 R. Entre une heure ou deux heure à peu près. Je me souviens que c'était
22 une belle journée ensoleillée.
23 Q. Peut-être que vous l'avez déjà dit au cours de votre déposition, mais
24 pourriez-vous nous dire combien de personnes à peu près ont participé aux
25 passages à tabac de ces hommes qui sont descendus des autocars ?
26 R. Cette haie d'honneur était composée d'une trentaine de personnes, 15
27 personnes de chaque côté. Il y en avait qui tournaient aussi autour des
28 bus, et cetera. Il y en avait un peu partout.
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1 Je me souviens très bien au moment où nous avons discuté avec ces
2 officiers de la JNA, quand un Chetnik était arrivé pour lui poser une
3 question, lui dire qu'un Serbe se trouvait dans le hangar, qu'Ivan était
4 coupable de rien et que ce Serbe lui avait demandé de le laisser partir de
5 cet hangar. Il lui a demandé donc de le laisser partir parce qu'il le
6 connaissait, lui-même personnellement. Cet officier lui a donné la
7 permission de le faire sortir. Et il y est allé, il est allé là-bas pour le
8 laisser partir.
9 Q. Est-ce que vous savez à quels groupes appartenaient les groupes de
10 personnes qui passaient à tabac les détenus, les détenus qui descendaient
11 de l'autocar ? Vous nous avez parlé des Chetniks, vous avez parlé de la
12 Défense territoriale, vous avez parlé de ces soldats de réserve, même des
13 soldats de l'armée régulière. Qui étaient ces gens-là ?
14 R. Quand ils les appelaient par leurs noms, il s'agissait des Serbes de
15 Vukovar, mais il y avait aussi des réservistes qui étaient là. Ceux qui
16 passaient à tabac, je dirais plutôt que c'étaient les gens du cru.
17 Q. Quand vous parlez des réservistes, pourriez-vous nous dire quelle était
18 leur tenue vestimentaire ?
19 R. Ils portaient des uniformes de la JNA.
20 Q. Vous nous avez dit qu'il y avait à peu près une trentaine de personnes
21 qui ont participé au passage à tabac. Vous nous avez dit qu'il y avait
22 d'autres personnes qui étaient là aussi. En tout, il y avait combien de
23 personnes présentes pendant que l'on passait à tabac ces hommes, y compris
24 les gens qui passaient à tabac, justement ?
25 R. C'est difficile de vous répondre de façon exacte. Il y en avait qui
26 étaient derrière les bus, devant les bus. C'était difficile d'avoir une
27 image précise à l'époque de leur nombre, mais ils étaient assez nombreux.
28 Il y en avait plus que 50 en tout cas.
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1 Q. Pourriez-vous dire aux Juges à quoi ressemblait l'ambiance au moment où
2 arrivez devant cet hangar et vous voyez ces hommes en train de se faire
3 passer à tabac ?
4 R. En ce qui nous concerne nous, nous étions apeurés, terrifiés alors
5 qu'eux, ils étaient très contents de pouvoir passer à tabac les gens comme
6 cela. Ils étaient contents d'avoir libéré Vukovar. Ils étaient heureux, ils
7 étaient heureux. J'étais furieux contre les Oustachi. Voilà, l'ambiance
8 était comme cela.
9 Q. Vous avez dit que deux lieutenant-colonels de la JNA, vous pensez qu'il
10 s'agissait de gens qui avaient le grade de lieutenant-colonel qui vous ont
11 interrogé. Est-ce que vous pourriez les décrire, leur âge, leur tenue
12 vestimentaire, et cetera ?
13 R. Ils avaient à peu près ma taille. Ils avaient des uniformes de la JNA;
14 des anoraks de couleur vert olive. Ils avaient des cheveux grisâtres, des
15 cheveux courts. Ils étaient propres sur eux. Je ne saurais vous donner leur
16 âge. Ils avaient plus que 40 ans, en tout cas, d'après ce que je pouvais
17 voir. J'étais sûr qu'ils avaient une certaine importance, parce que ce
18 Chetnik était venu voir ces officiers pour demander qu'on le libère, ce
19 Serbe. Ils lui ont donné leur accord pour cela. Comme ils ont pu le libérer
20 lui, le sauver lui, ils auraient pu les libérer tous, les sauver tous.
21 Q. Comment ils étaient bâtis ? Est-ce qu'ils étaient maigres, plutôt forts
22 ?
23 R. Je dirais qu'ils étaient plutôt forts.
24 Q. Vous avez dit qu'ils avaient à peu près votre taille. Vous, vous
25 mesurez combien ?
26 R. Je ne sais pas combien je mesure. Je dirais un mètre 70.
27 Q. Vous avez dit aussi qu'il y avait une excavatrice ou un engin de
28 terrassement qui se trouvait là-bas. Pourriez-vous nous dire de quoi il
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1 s'agissait ? Vous avez dit qu'ils avaient allumé cet
2 engin.
3 R. J'appelle cela ICB. Il y avait une pelle assez importante. C'est une
4 excavatrice, je pense, couleur jaune, avec des pneus, des pneus de même
5 taille, avec une cabine, une petite cabine.
6 Q. Est-ce qu'il y avait quoi que ce soit devant ?
7 R. Oui. Devant, il y avait cette pelle pour charger la terre, des gravats,
8 et cetera. Je pense que l'on peut y placer deux mètres cubes de gravats
9 dans cette pelle.
10 Q. Vous avez parlé d'un bulldozer jaune. Est-ce que vous l'avez vu partir
11 où que ce soit ?
12 R. Non. J'ai simplement vu qu'ils avaient allumé l'engin, qu'un soldat a
13 sauté, a bondi à l'intérieur, et il a laissé le moteur allumé.
14 Q. Vous nous avez dit qu'on vous a emmenés à Negoslavci, que c'était un
15 officier de la JNA qui vous y a emmenés; est-ce que c'est exact ?
16 R. Oui.
17 Q. Pourriez-vous relater aux Juges de la Chambre ce qui s'est passé
18 lorsque vous êtes arrivés à Negoslavci. Où êtes-vous allés exactement ?
19 R. Nous sommes arrivés d'abord devant une maison à Negoslavci. Lorsque
20 nous sommes sortis de ce véhicule, on nous a lié les mains, on nous a bandé
21 les yeux, ensuite, on nous a emmenés dans une cave. Dans cette cave, il y
22 avait un banc, ou plutôt c'était une planche. Nous nous sommes assis
23 dessus. J'avais entendu des voix provenant de l'intérieur. Il y avait
24 d'autres civils qui s'y trouvaient déjà. Il y avait également un policier
25 de Varazdin. Il avait été blessé et était allongé sur une civière. Les
26 soldats de la JNA ont monté la garde autour de cette pièce. Il y en avait
27 un qui venait de Cacak. Il y en avait un autre de Karlovac. Pour les
28 autres, je ne sais pas d'où ils étaient originaires.
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1 Q. Combien de soldats de la JNA montaient la garde et assuraient la garde
2 de votre groupe à l'intérieur ?
3 R. Ils se relayaient par groupe de travail. Des fois, ils étaient trois,
4 d'autres fois, ils étaient quatre.
5 Q. Combien de temps êtes-vous restés dans cette maison à Negoslavci ?
6 R. Deux nuits ou trois nuits. Je ne sais pas exactement.
7 Q. Vous avez dit avoir entendu dire, ou plutôt vous aviez entendu des voix
8 provenant d'autres civils qui étaient enfermés à cet endroit. Est-ce que
9 vous aviez pu voir d'autres personnes à l'intérieur de la maison avant que
10 vous et les autres soldats de la JNA n'entriez ?
11 R. Il y avait des gens qui venaient, les Chetniks venaient. Je me
12 souviens de cet homme de Varazdin qui avait été passé à tabac. L'un d'eux
13 lui posait la question : "Qu'est-ce que tu faisais ici à Vukovar, tu viens
14 de Varazdin." Il a expliqué qu'il avait été envoyé. Ensuite, il a sorti un
15 couteau, et l'a tellement battu, que le couteau accroché par le fusil
16 automatique s'était détaché et s'était cassé. Il l'a tellement frappé fort
17 à l'œil, que je croyais que cet homme a sûrement perdu son œil. Je ne sais
18 même pas s'il est encore en vie.
19 En tout cas, ce qu'ils faisaient aussi, ils mettaient la musique, ils
20 dansaient avec eux, et leur donnaient des coups de pied avec leurs bottes.
21 Ensuite, on les a fait sortir de cette cave avant que nous n'y arrivions.
22 Je ne sais pas où ils les avaient emmenés. Pour ce qui est de Negoslavci,
23 lorsque nous étions dans cette cave, c'étaient les officiers de sécurité de
24 la JNA qui nous ont interrogés. Ils nous ont demandé : "Comment cela se
25 fait que les Oustachi vous ont fait prisonniers ?" C'est à ce moment-là que
26 Petar Kuscevic a raconté que ces deux-là avaient été faits prisonniers par
27 lui et Samir Hrkic, alors que Hrkic Samir s'était évadé seul, alors que moi
28 et Zlatko, nous nous étions évadés ensemble, nous nous étions enfuis
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1 ensemble. Ils nous ont fait passer à tabac à l'intérieur. Ils nous ont
2 interrogés avec beaucoup d'insistance. Ensuite, nous avons été transférés à
3 Topcider. Nous avons été placés dans la caserne de Topcider. C'est là que
4 nous avons passé 14 jours.
5 Q. Je vais vous arrêter ici pour l'instant pour vous poser la question
6 suivante : vous avez dit qu'il y avait une personne qui avait été passée à
7 tabac, vous nous avez expliqué que d'autres personnes avaient été passées à
8 tabac également. Combien de personnes est-ce que vous avez vues avec vos
9 propres yeux se faire passer à tabac dans cette maison ?
10 R. Je crois qu'il y en avait 20. Il y avait à peu près
11 20 civils que j'ai vus. C'était pour la plupart des hommes un peu plus
12 âgés. Ce n'était pas des personnes très jeunes. Il n'y avait pas un seul
13 homme qui avait moins de 40 ans.
14 Q. Pouvez-vous expliquer aux Juges de la Chambre à quoi ressemblaient ces
15 passages à tabac ? S'agissait-il de passages à tabac légers ou était-ce des
16 passages à tabac vraiment très graves, très sérieux ? Comment étaient-ils ?
17 Pouvez-vous nous l'expliquer ?
18 R. Je ne sais pas comment vous l'expliquer. Je peux simplement vous dire
19 que lorsque vous portez une botte de soldat et que vous frappez quelqu'un à
20 la jambe, ce n'est pas un coup de pied léger. C'étaient des douleurs assez
21 fortes. Il arrivait aux personnes qui se faisaient passer à tabac de
22 tomber, de s'écrouler. Les soldats les relevaient pour continuer de les
23 battre.
24 Q. Vous nous avez dit que les soldats de la JNA leur donnaient des coups,
25 c'est eux qui faisaient, qui étaient les auteurs de ces passages à tabac.
26 Est-ce que vous savez de quelle unité ils provenaient ?
27 R. Je ne le sais pas.
28 Q. Est-ce que vous savez à quelle distance de cette maison se trouvait le
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1 QG, pour lequel vous croyez, était à Negoslavci lorsque vous êtes arrivés ?
2 R. Je ne sais pas. A Negoslavci, vous savez, il y a un magasin, un
3 commerce. En fait, la maison était plus rapprochée de Vukovar. Je ne sais
4 comment vous l'expliquer. Je sais qu'il y avait un commerce. Pendant que
5 nous étions à Negoslavci, vers 6 heures du matin, 7 heures du matin,
6 c'était le changement de garde. Il y avait un soldat de Cacak qui venait à
7 ce moment-là, le matin. Il avait dit à nous et aux collègues : "Savez-vous
8 ce qu'il y a de neuf à Ovcara; nos Chetniks ont tué environ 600 Oustachi."
9 Nous étions étonnés. Nous ne pouvions pas comprendre qu'ils avaient
10 tué un si grand nombre d'hommes. Zlavko a dit : "C'était probablement
11 toutes ces personnes qui étaient dans cet autobus. Ils ont dû se faire
12 abattre tous."
13 Q. Vous avez dit que le soldat de Cacak expliquait à ses collègues ce qui
14 s'était passé. Portait-il un uniforme ? Que portait-il ? Comment était-il
15 vêtu, cet homme de Cacak ?
16 R. Il portait un uniforme de la JNA. C'était un soldat régulier de l'armée
17 populaire yougoslave. Je crois même qu'il avait terminé ses cours en mars.
18 On les appelait les gens du mois de mars.
19 Q. Pourquoi croyez-vous cela ?
20 R. Parce qu'il nous avait demandé dans quelle caserne nous avions été
21 avant d'aller faire notre service militaire. Il voulait savoir à quelle
22 génération nous appartenions. Lui, il nous a expliqué que c'était la
23 génération du mois de mars.
24 Q. Vous avez vu des soldats se faire passer à tabac. Est-ce que vous
25 pouvez nous dire si vous savez à quel groupe ethnique ils appartenaient ?
26 R. Je crois que c'étaient des Croates, puisqu'ils injuriaient leurs mères
27 d'Oustachi. Donc, j'imagine qu'il s'agissait de Croates.
28 Q. Vous nous avez dit qu'après avoir passé quelques jours dans cette
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1 maison, on vous a emmenés à Topcider. Où se trouve cet endroit ?
2 R. Topcider est en Serbie. C'est une très grande caserne tout près de
3 Zemun.
4 Q. Qui vous y a emmenés ? De quelle façon est-ce que vous vous y êtes
5 rendus ?
6 R. C'était un panier à salade militaire. C'étaient les policiers
7 militaires de la police militaire qui nous ont transférés à bord d'un
8 véhicule destiné aux détenus.
9 Q. Qui étaient les personnes qui étaient avec vous, les personnes qui vous
10 ont accompagnés à Topcider ?
11 R. Zlatko Zlogledja, Petar Kuscevic et Samir Hrkic.
12 Q. Vous dites que l'on vous a emmenés à Topcider, et que vous y avez passé
13 environ 14 jours. Pourriez-vous nous expliquer, brièvement, que s'est-il
14 passé une fois rendus à Topcider ?
15 R. C'était l'enfer à Topcider. C'était les soldats qui nous
16 interrogeaient. Ils voulaient savoir combien de Serbes nous avions tués,
17 combien de Serbes nous avions égorgés, pourquoi vous êtes-vous enfuis de
18 l'armée yougoslave populaire. Ils nous ont battus. On m'a cassé toutes les
19 côtes du côté droit. Ma colonne vertébrale est endommagée, mon bras avait
20 été complètement écrasé.
21 C'est tellement difficile d'expliquer ce qui s'était passé. Nous
22 perdions connaissance à force de coups. Zlatko Zlogledja avait si souvent
23 perdu connaissance, qu'il fallait que je le sorte de là. C'était les
24 soldats de la JNA, les soldats réguliers de l'armée. Il y avait également
25 des réservistes qui s'adonnaient à ce genre de mauvais traitements.
26 Q. Au cours de cette période de 14 jours, combien de fois êtes-vous passé
27 à tabac, vous pouvez nous le dire ?
28 R. Tous les jours.
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1 Q. Est-ce que vous avez donné une déclaration aux personnes de Topcider
2 concernant vos activités à Vukovar ?
3 R. Oui. Je crois qu'il s'agissait d'un adjudant. C'était la deuxième fois
4 que je venais à Topcider puisque je m'étais enfui de la caserne. On m'a
5 d'abord emmené là-bas. J'avais donné une déclaration à Topcider. Lorsqu'ils
6 avaient compris que j'étais là pour la deuxième fois, c'était pire. On nous
7 a interrogés, à savoir, ce que nous avions fait à Vukovar, quelle était
8 notre mission à Vukovar. Ils nous ont demandé pourquoi est-ce que vous vous
9 êtes enfuis. Ils nous ont dit, est-ce que vous pensiez que la Croatie
10 deviendra un état un jour, pourquoi êtes-vous allés rejoindre les rangs de
11 l'armée de Tudjman, et ainsi de suite.
12 Q. J'avais l'impression lorsque vous nous avez parlé de la première fois
13 où vous vous étiez enfui de la caserne, que vous vous étiez rendu à Zemun.
14 Je ne sais pas si je vous ai mal compris. Est-ce que c'est à Topcider que
15 vous êtes allé ou à Zemun lors de cette première fois, lors de cette
16 première fuite ?
17 R. La caserne se trouve tout près de Zemun. Topcider se trouve près de
18 Zemun. C'était la deuxième fois que je me suis retrouvé à Topcider, lorsque
19 je m'étais enfui de la caserne de Petrovac, et la deuxième fois, lorsque
20 j'avais été emmené de Vukovar. Pour vous expliquer un peu la géographie,
21 Topcider se trouve tout près de Zemun.
22 Q. Est-ce que vous avez fait une déclaration lors de cette deuxième fois
23 que vous vous êtes trouvé à Topcider ?
24 R. Oui. Oui, c'était le même adjudant, ce même adjudant qui m'a interrogé
25 une première fois. C'était tout à fait un hasard, mais il a fallu que lui
26 fasse une deuxième déclaration.
27 Q. Cette deuxième déclaration, est-ce que c'était une déclaration
28 véridique qui reflétait réellement ce que vous aviez fait à Vukovar ?
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1 R. Non. J'avais dit que je m'étais enfui. J'avais dit que j'avais été
2 capturé parce que je m'étais enfui. Je n'avais pas dit la vérité puisque je
3 craignais pour ma vie, ma sécurité. J'avais peur de me faire tuer. J'ai
4 essayé d'esquiver, de m'en sortir de toutes les façons possibles et
5 imaginables.
6 Q. Après Topcider, où êtes-vous allé ?
7 R. Après Topcider, j'ai été transféré au tribunal d'instruction militaire
8 de Belgrade.
9 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire la date ?
10 R. Je ne me souviens vraiment pas, mais je sais que j'ai passé le Nouvel
11 An en prison. La veille du Nouvel An, je me suis trouvé en prison.
12 Q. Combien de temps êtes-vous resté dans la prison militaire de Belgrade ?
13 R. Environ sept mois dans ce tribunal d'instruction militaire. J'ai été
14 trouvé coupable, et on m'a donné une peine de cinq ans.
15 Q. Vous aviez été trouvé coupable de quoi exactement ?
16 R. J'ai été accusé d'avoir été déserteur, d'avoir déserté la JNA, d'avoir
17 volé des armes de la JNA et d'avoir organisé une insurrection armée contre
18 la JNA. Lorsqu'on a accumulé toutes les peines, lorsqu'on les a
19 additionnées, la somme totale faisait cinq ans. On m'a enlevé une année,
20 puisque je n'avais jamais commis de délit dans l'ex-Yougoslavie. Donc, je
21 n'avais pas de casier judicaire.
22 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire à quelle date vous avez été libéré de
23 prison ?
24 R. Le 20 novembre 1993, environ. En 1993, en tout cas. Je suis sûr que
25 j'avais été libéré en 1993.
26 Q. Vous avez purgé une peine de deux ans, est-ce que c'est exact ?
27 R. Oui, deux ans.
28 Q. Lorsqu'on vous a libéré, est-ce que vous êtes allé en Croatie ?
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1 R. Oui.
2 Q. Est-ce que vous avez demandé que l'on vous prodigue des soins médicaux
3 pour les passages à tabac que vous aviez subis à Topcider ?
4 R. J'ai été hospitalisé à l'institut de recherche médicale militaire à
5 Zagreb. J'ai passé trois semaines. On a pris des radios de mes côtes, de ma
6 main. On a constaté que mes côtes avaient été cassées, que ma main
7 également avait été complètement broyée. On a également trouvé qu'un nerf,
8 quelque chose était arrivé à un nerf. J'avais subi une commotion cérébrale
9 légère. Je crois qu'ils n'avaient pas bien posé leur diagnostic puisque
10 après cette période, j'ai été gravement malade. J'ai failli y passer.
11 J'avais subi une opération très sérieuse. J'avais eu un caillot et d'autres
12 problèmes. Maintenant, quand je retournerai, j'ai une opération au genou de
13 prévu. J'ai également un problème d'acidité, et je souffre d'enflures aux
14 jambes. Tout ceci grâce à l'armée yougoslave populaire.
15 Q. Monsieur le Témoin, si je puis revenir en arrière. Vous avez passé sept
16 mois à Belgrade, vous nous avez dit dans la prison militaire de Belgrade.
17 Où est-ce que vous avez purgé votre peine ?
18 R. J'ai d'abord été transféré à la prison centrale de la Serbie de la
19 prison d'instruction. J'y ai passé quelque temps. Après cela, j'ai été
20 transféré au centre correctionnel de Valjevo. C'est là que j'ai purgé le
21 restant de ma peine. Par la suite, j'ai été libéré justement de cette
22 prison-là.
23 Q. Je vous remercie, Témoin. J'allais justement vous poser une question.
24 Je voulais que vous examiniez quelques documents qui apparaissent sur
25 l'écran. Le premier porte la cote 103. Il s'agit d'une carte nous montrant
26 la partie orientale de la Croatie. Ce n'est pas 103, en fait, -- oui, c'est
27 la pièce 103. Pourriez-vous, je vous prie, faire un zoom.
28 Monsieur le Témoin, il s'agit de la pièce 156. Est-ce que vous reconnaissez
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1 cette carte ? Vous voyez la carte à l'écran, la reconnaissez-vous ?
2 R. Oui, c'est Bogdanovci, Vukovar, Luzac, oui, oui.
3 Q. A l'aide du stylo, pourriez-vous, je vous prie, tracer un cercle rouge
4 autour du village de Bogdanovci, et pourriez-vous tracer un cercle autour
5 de la ville de Luzac ?
6 R. [Le témoin s'exécute]
7 Q. Pourriez-vous nous montrer l'endroit où votre unité était située, et où
8 vous étiez cantonné pendant les 24 jours pendant lesquels vous avez servi
9 dans les rangs de la JNA ?
10 R. [Le témoin s'exécute]
11 Q. Très bien. Merci beaucoup. Voilà. Je ne vous demande que de nous
12 montrer la région approximative, l'endroit approximatif où vous vous
13 trouviez.
14 R. [Le témoin s'exécute]
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il s'agira de quelle cote, Monsieur Le
16 Greffier.
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la cote 233, Monsieur le
18 Président.
19 M. SMITH : [interprétation] Pourrait-on placer la pièce 103 maintenant à
20 l'écran, je vous prie.Très bien. Merci.
21 Pourriez-vous, je vous prie, faire un zoom d'un degré, zoomer une
22 fois. Merci.
23 Maintenant, je demanderais de déplacer légèrement vers la gauche
24 cette carte. Voilà. Merci.
25 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous voyez la carte devant vous ?
26 R. Oui, je la vois.
27 Q. Vous avez dit lorsque vous vous êtes rendu en Croatie pour la première
28 fois avec la JNA, vous êtes allé à Bijelo Brdo qui se trouve tout près
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1 d'Osijek. Cet endroit ne figure pas sur cette carte, n'est pas indiqué sur
2 la carte. Vous avez également dit que l'unité dans laquelle vous étiez
3 avait tiré sur quelques villages. Pourriez-vous tracer un cercle autour des
4 villages sur lesquels votre unité a ouvert le feu, à l'aide d'un stylo, je
5 vous prie ?
6 R. [Le témoin s'exécute]
7 Q. Merci. Vous avez tracé un cercle autour de Sarvas, Erdut et Dalj. Même
8 si Bijelo Brdo ne figure pas sur la carte en tant que tel, pourriez-vous
9 nous indiquer l'endroit approximatif où se trouve ce village. Si vous ne le
10 pouvez pas toutefois, nous comprendrons.
11 R. Je ne peux pas.
12 Q. Vous n'êtes pas en mesure de le faire ? Très bien.
13 R. Je crois que le pont de Bogojevo devrait se trouver dans les alentours,
14 mais je ne sais pas. Je ne peux pas vous dire exactement l'endroit. Bijelo
15 Brdo pourrait être peut-être ici, mais je ne suis pas tout à fait certain.
16 Je ne peux pas vous l'indiquer avec une certitude absolue. C'est environ
17 ici. Peut-être un plus à gauche, peut-être un peu plus à droit.
18 M. SMITH : [interprétation] Je vous remercie. Je demanderais que cette
19 carte versée au dossier.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Elle sera versée au dossier.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 234.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
23 M. SMITH : [interprétation] Je demanderais que l'on place la pièce 170 sur
24 l'écran, je vous prie. Il s'agit d'une photographie, de la photographie 11
25 de la pièce 170.
26 Q. Monsieur, en regardant cette photo qui se trouve devant vous sur
27 l'écran, dites-nous si vous la reconnaissez ?
28 R. Oui.
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1 Q. Que représente cette photographie ?
2 R. Vous avez l'entrée de l'hôpital juste ici. Voici le mur contre lequel
3 nous étions alignés. Je crois que c'est l'entrée des urgences ici.
4 Q. Pourriez-vous tracer une ligne sur cette photographie nous montrant
5 l'endroit exact où vous étiez alignés lorsque vous étiez alignés avec ces
6 autres personnes dont vous nous avez parlé ?
7 R. Ici.
8 Q. Combien de personnes y avait-il dans cette ligne ou alignées contre le
9 mur ?
10 R. Je ne sais pas, mais nous étions tous alignés le long du mur, les uns à
11 côté des autres, de cet endroit-là jusqu'à la porte. Le long du mur, il y
12 avait plusieurs personnes.
13 Q. Pourriez-vous tracer une flèche nous montrant la direction que vous
14 avez prise lorsque vous vous êtes dirigés vers les autobus ?
15 R. [Le témoin s'exécute]
16 Q. Merci.
17 M. SMITH : [interprétation] Je demanderais que ce document soit versé au
18 dossier, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document sera versé au dossier.
20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 235.
21 M. SMITH : [interprétation] Et la dernière pièce qui est versée au dossier
22 en vertu de l'article 65 ter, c'est la pièce 228. Je souhaiterais avoir la
23 photographie 22 de 26, je vous prie. Je vous remercie.
24 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous voyez la photographie qui se trouve
25 à l'écran informatique devant vous ?
26 R. Oui.
27 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce qui se trouve dessus ?
28 R. Oui.
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1 Q. Vous avez dit que les détenus, on les a fait descendre du car, et qu'on
2 les a fait entrer dans le hangar. Savez-vous dans quel hangar on les a
3 mis ?
4 R. Le premier.
5 Q. Veuillez-vous tracer un cercle autour du hangar en question, s'il vous
6 plaît ?
7 R. [Le témoin s'exécute]
8 Q. Avec une croix, pourriez-vous marquer l'endroit où se trouve l'entrée
9 du hangar par laquelle entraient les détenus que vous avez vus ?
10 R. Marquer avec quoi ?
11 Q. Avec une croix ou un X.
12 R. [Le témoin s'exécute]
13 Q. Vous avez dit que vous aviez vu un soldat commencer à faire démarrer
14 un bulldozer jaune. Est-ce que vous êtes en mesure de dire, en ce qui
15 concerne ce hangar, où se trouvait ce bulldozer, où il l'a fait démarrer ?
16 R. Ici.
17 Q. Pourriez-vous mettre là la lettre A majuscule, s'il vous plaît, à côté.
18 La lettre A.
19 R. [Le témoin s'exécute]
20 M. SMITH : [interprétation] C'est peut-être la faute de mes lunettes,
21 Monsieur le Président, mais je vais supposer qu'il s'agit bien de la lettre
22 A.
23 Monsieur le Président, voilà pour les questions que voulait poser
24 l'Accusation.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous demandez le versement
26 de ce document au dossier ?
27 M. SMITH : [interprétation] Oui, je demande le versement au dossier.
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il sera versé au dossier.
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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la
2 pièce à conviction 236.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons suspendre la séance
4 maintenant, et nous reprendrons à 18 heures 10.
5 --- L'audience est suspendue à 17 heures 48.
6 --- L'audience est reprise à 18 heures 13.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Domazet, vous avez la parole.
8 M. DOMAZET : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
9 Contre-interrogatoire par M. Domazet :
10 Q. [interprétation] Monsieur Dodaj, bonjour. Je suis Vladimir Domazet,
11 l'un des conseils de la Défense pour M. Mrksic. Je vais vous poser des
12 questions et je voudrais vous prier de faire une pause avant de commencer
13 vos réponses parce que nous utilisons tous les deux la même langue, et si
14 nous ne faisons pas de pauses, cela rend les choses plus difficiles pour
15 les interprètes.
16 R. Bonjour à vous aussi.
17 Q. Monsieur Dodaj, en tant que témoin vous avez fait des déclarations à
18 des membres de la police et des institutions judiciaires à plusieurs
19 reprises ?
20 R. Oui.
21 Q. Vous rappelez-vous à qui vous avez fait ces déclarations concernant
22 toutes les questions dont vous avez parlé aujourd'hui ?
23 R. J'ai fait une déclaration à l'administration de la police à Bjelovar, à
24 Zagreb; je crois aussi que j'ai fait une déclaration en 1998, j'ai fait une
25 déclaration ici à La Haye, et en 2004 à Belgrade et encore une fois ici.
26 Q. Je vous remercie. Je voudrais vous rappeler, et vous me direz si vous
27 vous souvenez de la cela et si c'est exact, nous allons voir si peut-être
28 il y aurait une déclaration dont je n'ai pas entendu parler ou que vous ne
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1 vous rappelez pas. Vous avez mentionné Bjelovar. Vous avez fait une
2 déclaration au MUP de Bjelovar; vous vous rappelez de cela ?
3 R. Oui.
4 Q. D'après les renseignements que j'ai, c'était en 1994.
5 R. Oui, je crois que oui.
6 Q. Après cela, vous avez fait une déclaration aux enquêteurs du Tribunal
7 de La Haye. C'était du côté du mois d'avril 1996. Vous rappelez-vous de
8 cela ?
9 R. Oui. Je crois que c'était bien cela.
10 Q. Est-ce que c'était la seule déclaration que vous ayez donnée aux
11 enquêteurs de La Haye jusqu'au moment où vous êtes revenu cette fois-ci ?
12 R. Je crois que j'ai également fait une déclaration en 1998 dans l'affaire
13 de Dokmanovic.
14 Q. Vous rappelez-vous que cette même année, 1996, vous avez fourni une
15 déclaration à un tribunal à Bjelovar ?
16 R. Oui, je crois que oui.
17 Q. Vous rappelez-vous à propos de quelle affaire ?
18 R. Je pense que c'était le procès contre Veljko Kadijevic et consorts.
19 Q. Je vous remercie. Vous avez dit que vous avez fait une déclaration à
20 Zagreb en 2004 ?
21 R. Non. Je n'ai pas dit en 2004.
22 Q. Alors, expliquez.
23 R. J'ai fait une déclaration à Belgrade en 2004. J'ai été interrogé par
24 des enquêteurs de Belgrade à Zagreb. Cela, je ne sais pas si c'était un
25 mois plus tôt, je ne suis pas absolument sûr de la date, mais c'était en
26 2004.
27 Q. Oui. J'allais précisément dans cet ordre-là. La déclaration que vous
28 avez fournie aux enquêteurs à Zagreb, c'était avant que vous ne déposiez à
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1 Belgrade; c'est bien cela ?
2 R. Oui.
3 Q. D'après mes renseignements, vous avez déposé à Belgrade en octobre 2004
4 au procès proprement dit; c'est bien cela ?
5 R. Oui.
6 Q. Ce que vous avez dit pour ce qui est de Zagreb, comme ayant eu lieu
7 plus tôt, vous avez dit que vous avez fait une déclaration à des
8 enquêteurs. Est-ce que j'ai raison de penser que ceci était devant le
9 tribunal de district de Zagreb, proprement dit, et que vous étiez
10 questionné par le juge d'instruction là ?
11 R. Oui. C'est exact, c'était le juge chargé de l'enquête. Mais cette
12 personne, cet homme était de Belgrade.
13 Q. Oui. Vous rappelez-vous qu'il y avait un juge de Belgrade en plus d'un
14 procureur ? Est-ce exact ? En tout état de cause, il y avait un certain
15 nombre de personnes qui participaient à cet interrogatoire ou votre
16 déposition ?
17 R. Oui.
18 Q. Sauf la déclaration faite à Zagreb lorsque les gens de Belgrade étaient
19 présents, est-ce que vous avez fourni d'autres déclarations à Zagreb ?
20 R. Je ne crois pas.
21 Q. Bien. Je voudrais vous demander ceci, en particulier des questions
22 concernant votre personne, qui ne vous ont pas encore été posées. Dur la
23 base des renseignements disponibles, vous êtes né à Djakovica. Djakovica se
24 trouve au Kosovo, n'est-ce pas ?
25 R. Oui, à Novoselle.
26 Q. Près de Djakovica ?
27 R. Oui.
28 Q. Toutefois, dès votre enfance, vous avez vécu en Croatie, n'est-ce pas ?
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1 R. Oui.
2 Q. Vous rappelez-vous l'année parce qu'il y a certains renseignements
3 selon lesquels c'était à partir de 1978; pouvez-vous nous le confirmer ?
4 R. Oui, à partir de 1978.
5 Q. Vous aviez à peu près six ans à ce moment-là ?
6 R. Oui, six ans.
7 Q. Je suppose qu'à ce moment-là toute votre famille s'est déplacée pour
8 s'installer à Bjelovar; est-ce exact ?
9 R. Ma mère, mon père, mes frères et sœurs, oui.
10 Q. Vous aviez une sœur et quatre frères qui vivaient avec vous; est-ce
11 exact ?
12 R. Oui.
13 Q. Je suppose que votre père, vos parents s'occupaient de vous. Que
14 faisait votre père ?
15 R. Pendant un certain temps, il s'occupait de l'agriculture. Il a ensuite
16 obtenu un travail pour ce qui est de l'entretien des routes, et il a passé
17 quelque temps à travailler en Suisse aussi. Maintenant, il est agriculteur.
18 Q. Est-ce que vous avez votre maison celle où vous aviez vécu ou vivez
19 encore ?
20 R. Oui. Nous avons acheté une maison en 1978, mais maintenant j'ai ma
21 propre maison.
22 Q. Vous avez dit qu'à un moment donné du côté de mars 1991, vous êtes allé
23 servir pour faire votre service militaire dans la JNA. Sur la base des
24 renseignements que vous avez fournis, je suppose que vous avez été appelé à
25 Bjelovar; est-ce exact ?
26 R. Oui, par le département de la Défense de Bjelovar.
27 Q. C'est donc là que vous avez été recruté, vous avez passé toutes les
28 visites médicales nécessaires et autres examens qui étaient nécessaires.
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1 Puis ensuite, vous êtes allé servir dans l'armée. Le premier endroit où
2 vous avez commencé votre service c'était Petrovac Na Mlavi; c'est exact ?
3 R. Oui.
4 Q. A Petrovac Na Mlavi, où vous avez commencé votre service militaire,
5 vous avez parlé de ce qui s'était passé là-bas quelques mois plus tard.
6 Lorsque vous êtes juste arrivé, l'unité dans laquelle vous vous trouviez,
7 ai-je raison de dire qu'à ce moment-là, c'était une unité qui était
8 multiethnique et qui comportait des soldats de divers groupes ethniques de
9 l'ex-Yougoslavie ?
10 R. Oui. On peut dire cela. Ils étaient de Croatie, de Bosnie et de
11 Macédoine. Il n'y avait cependant personne de la Slovénie.
12 Q. Savez-vous pourquoi il n'y avait pas de soldats de Slovénie ? Est-ce
13 que c'était déjà une question du fait que la Slovénie n'envoyait pas
14 d'appelés là-bas ou est-ce que qu'il y avait quelque chose de ce genre ?
15 R. Il y avait un Slovène à la caserne. Lorsque la JNA s'est retirée, il a
16 été autorisé à partir.
17 Q. Je vous remercie. J'ai compris que dans votre génération il n'y avait
18 pas de Slovènes ?
19 R. C'est exact. Il n'y avait pas de Slovènes dans mon unité.
20 Q. Votre commandant à l'époque, à quel groupe ethnique appartenait-il ?
21 R. Le commandant de la section était Halilovic, Esad Halilovic. Le
22 commandant de la 2e Compagnie était capitaine Majtan Mihajl. Le commandant
23 de la caserne était un capitaine de première classe, Radenko Jovic. Je
24 crois que c'était cela son nom.
25 Q. Je vous remercie. Ce capitaine Majtan, je me rappelle son nom de
26 famille. Je crois que vous avez discuté avec lui. Vous avez dit qu'il était
27 Hongrois, je crois.
28 R. Je pense qu'il était Hongrois. Je pense que c'était son groupe
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1 ethnique. Il était originaire de là.
2 Q. N'a-t-il jamais dit quoi que ce soit lors de conversations avec vous à
3 ce sujet ou est-ce que vous avez simplement eu l'impression qu'il était
4 d'origine hongroise ?
5 R. C'est ce que disaient les soldats qui étaient de Vojvodine. Il y avait
6 des Hongrois d'origine, des soldats d'origine hongroise, qui disaient que
7 son nom de famille était hongrois.
8 Q. Cet Esad que vous avez mentionné, d'où était-il ?
9 R. Je crois qu'il était de Novi Pazar.
10 Q. Est-ce que vous savez quelle était son origine ethnique ?
11 R. Je ne sais pas quel était son groupe ethnique, mais je crois qu'il
12 était Musulman de religion.
13 Q. Je vous remercie. Lorsque vous avez parlé de ce que j'appellerais votre
14 première tentative de quitter la JNA, vous nous avez raconté comment vous
15 étiez parvenu à Zemun par train, puis qu'un fonctionnaire vous a, à ce
16 moment-là, amené à la police. Est-ce que vous voyagiez en uniforme ou en
17 vêtements civils ?
18 R. En uniforme, en uniforme de la JNA.
19 Q. Est-ce que vous aviez des vêtements civils avec vous ?
20 R. Oui, à la caserne j'en avais.
21 Q. Juste pour informer les Juges de la Chambre, ils ne sont peut-être pas
22 au courant de la question. A l'époque, des soldats qui faisaient leur
23 service militaire dans la JNA étaient en droit d'avoir leurs vêtements
24 civils. Ils pouvaient les porter lorsqu'ils étaient en permission ou
25 lorsqu'ils n'étaient pas à la caserne ?
26 R. Oui, c'est exact, mais pas dans leurs armoires. C'était une pièce
27 différente où on conservait des vêtements civils. Par exemple, lorsque l'on
28 quittait la caserne pour aller en ville, il fallait signer pour les
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1 vêtements civils. Au moment où j'ai fui la caserne, je n'ai pas pu
2 récupérer mes vêtements civils, donc je me suis échappé en uniforme.
3 Q. Est-ce que vous portiez des armes ou quoi que ce soit ?
4 R. Non, je n'avais pas d'armes.
5 Q. Cet officiel du train, comment a-t-il appris qui vous étiez ? Est-ce
6 qu'il vous a dit quelque chose ? Est-ce qu'il vous a posé une question ou
7 est-ce qu'il avait des soupçons ? Est-ce que vous lui avez donné des
8 raisons de penser que vous étiez des déserteurs ?
9 R. Oui. Lorsque nous avons quitté le train à Pozarevac, nous avons voulu
10 acheter un billet pour Belgrade. Nous ne nous sommes pas rendus compte que
11 le train allait seulement jusqu'à Zemun. C'est sur le train que nous avons
12 commencé à parler à cet employé des chemins de fer. Nous avons appris que
13 ce train allait jusqu'à Zemun. Il a dit : "Vous allez à Belgrade ou à
14 Zemun ?" Nous avons dit : "Nous allons à Zemun." C'est probablement ce qui
15 nous a trahi, et il a commencé à avoir des soupçons pour ce qui est de
16 savoir qui nous étions.
17 Q. Vous avez d'abord été emmenés à Topcider, ensuite, à Petrovac Na
18 Mlavi ?
19 R. D'abord Pozarevac, ensuite à Petrovac.
20 Q. Vous avez -- des mesures disciplinaires ont été prises contre vous.
21 Vous n'avez pas eu à faire face à un conseil de guerre, une cour martiale ?
22 R. Non. C'était simplement de la salle de police, parce que c'était après
23 60 jours. Lorsqu'il y a plus de 60 jours, à ce moment-là, on est convoqués
24 devant un tribunal militaire.
25 Q. J'attends l'interprétation. Il faut que nous ralentissions pour le
26 compte rendu.
27 Donc, il n'y a pas eu de poursuite exercée contre vous ou votre camarade.
28 Vous avez simplement été punis. C'est cela, 60 jours d'arrêt ?
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1 R. Oui.
2 Q. Je suppose que c'est à ce moment-là que vous avez été envoyés pour
3 purger votre peine ?
4 R. Oui. Il y avait un local pour les arrêts à l'intérieur de la caserne.
5 C'est là que nous avons été mis aux arrêts.
6 Q. C'était dans la même caserne que celle où vous faisiez votre service
7 militaire ?
8 R. Oui.
9 Q. Vous avez dit que vous étiez partis au bout de 35 jours. Est-ce que
10 c'est parce que --
11 R. Je n'ai pas dit après 35 jours; j'ai dit que c'était au total 35 jours
12 de service que j'ai fait.
13 Q. Donc, le total avant et après. Qu'en est-il avant que vous soyez
14 parti ?
15 R. Peut-être 28 jours, juste moins d'un mois.
16 Q. D'après ce que j'avais compris, vous avez été relâchés de prison de
17 façon à aller prendre cette nouvelle mission que vous avez décrite ?
18 R. Oui, nous sommes allés vers Bijelo Brdo.
19 Q. Bijelo Brdo ?
20 R. Oui.
21 Q. L'autre soldat, est-ce qu'il est parti avec vous de la même manière ?
22 R. Oui.
23 Q. Je suppose -- ou plutôt, peut-être que vous, vous pourrez me le dire,
24 si toute cette unité y est allée ou seulement une partie de l'unité ?
25 R. Un car plein de soldats. Environ 40 personnes de la
26 2e Compagnie.
27 Q. Pas toute l'unité, juste une quarantaine de personnes; c'est cela ?
28 Juste 40 personnes ?
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1 R. Oui. Une poignée de soldats de la 2e Compagnie sont restés sur place.
2 Q. Vous nous avez dit aujourd'hui que lorsque vous êtes revenus, vous avez
3 continué à purger votre peine, la peine qui vous avez été infligée; c'est
4 exact ?
5 R. Oui.
6 Q. Vous vous rappelez probablement le jour où vous êtes partis pour aller
7 à cette position en Vojvodine ou de l'autre côté du Danube, quelque part;
8 c'est bien cela ?
9 R. C'était vers la fin du mois de juillet. Je sais qu'il faisait très
10 chaud. Nous portions des chemises, chemisettes. Vers la fin de juillet,
11 début du mois d'août, à un jour près, à un ou deux jours près. Je pense
12 qu'il était peut-être même déjà au mois d'août.
13 Q. Bien. Vous y passez deux semaines, ensuite, vous revenez ?
14 R. Oui, c'est ainsi que l'on pourrait le dire.
15 Q. De votre retour, vous continuez à purger votre peine, vous et votre
16 collègue. Mais cette fois-ci, encore une fois, vous ne l'avez pas purgé
17 jusqu'au bout ?
18 R. Oui, effectivement.
19 Q. Pourquoi l'avez-vous arrêtée ?
20 R. Parce qu'un réserviste est venu dans notre cellule. On l'accusait
21 d'avoir tuer un de ses hommes pendant la garde. Il était en état d'ébriété
22 au moment où il est arrivé. Un sergent était de garde. La police militaire
23 lui a cherché ses poches. Ils n'ont pas tous pris. Il avait gardé un petit
24 couteau militaire qui sert à ouvrir des conserves, et cetera. Nous étions
25 tous dans cette cellule qui n'avait qu'un seul lit. A partir du moment où
26 on l'a emmené dans la cellule, il a dit que lui il allait dormir dans le
27 lit, et que nous, nous allions dormir par terre. Je lui ai dit que ce
28 n'était pas possible parce que c'était mon lit.
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1 Là, il a sorti ce petit couteau. J'ai frappé sur la porte. Le sergent
2 est arrivé. D'abord, un soldat de garde est arrivé. Il a ouvert la porte.
3 Je lui ai dit : "Vous n'avez même pas vérifié ce qu'il avait sur lui, cet
4 homme." Il avait encore un couteau. C'est à ce moment-là que l'officier de
5 garde est arrivé. Il lui a assené un coup sur la tête. Il lui a dit : "Je
6 t'ai bien dit de ne pas toucher ces hommes." Je lui ai demandé qu'il nous
7 fasse revenir dans le dortoir, parce que nous ne voulions pas rester avec
8 lui dans la même cellule. C'est comme cela qu'il nous a fait revenir dans
9 le dortoir.
10 Q. A part cet entretien, est-ce que vous avez fait des promesses quant à
11 votre conduite future, et cetera ? Est-ce que vous avez discuté d'autres
12 choses quant à la conduite future de votre part, et cetera ? Est-ce que
13 cela n'était pas une raison pour vous laisser partir ?
14 R. Vous savez, j'étais un soldat exemplaire dans l'armée. Je n'étais pas
15 un brigand; les officiers m'aimaient bien. Le capitaine, il m'a appelé lui-
16 même, Monsieur Mihad. Il m'a dit : "Je te donnerai encore une chance pour
17 fuir l'armée, parce que je vois bien que tu n'as pas envie de rester."
18 C'est pour cela que mon capitaine m'a envoyé à Vukovar.
19 Q. Quand vous dites cela - d'ailleurs, vous l'avez dit quelque part dans
20 votre déposition - est-ce que d'après vous, ce capitaine était vraiment
21 sérieux ou est-ce que c'était une blague en quelque sorte ou est-ce que
22 vraiment il le pensait sérieusement ? Est-ce que vous pensez que vous avez
23 été choisi pour cela ?
24 R. A partir du moment où j'ai été choisi, j'ai compris qu'il était
25 sérieux, alors qu'à l'époque, pour moi, c'était plutôt une plaisanterie.
26 Q. Merci. Vous partez à Sremska Mitrovica. Il y a justement une petite
27 partie de l'unité qui part là-bas, n'est-ce pas ?
28 R. Oui, nous étions à peu près 15. A Pozarevac, l'autobus s'est rempli.
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1 Entre Pozarevac et Sremska Mitrovica, l'autocar, l'autobus était plein.
2 Q. Quand vous avez fait votre déposition, vous avez donné des lectures
3 différentes des événements. Parfois, vous avez dit que vous y êtes allés
4 directement, que vous ne vous étiez arrêtés nulle part, et parfois, vous
5 avez dit que vous vous êtes arrêtés à Smederevo, et cetera. Est-ce que vous
6 vous souvenez exactement de la façon dont vous y êtes allés ?
7 R. A partir du moment où on nous a alignés, on nous a dit que nous allions
8 renforcer une unité à Smederevo. Nous ne sommes pas arrivés à Smederevo,
9 nous sommes à Pozarevac. C'est là qu'on a rempli l'autocar avec d'autres
10 soldats, et on nous a tous envoyés à Sremska Mitrovica.
11 Q. Est-ce que vous conviendrez que Pozarevac se trouve sur le chemin de
12 Smederevo ? Pour arriver à Smederevo il fallait continuer ?
13 R. Nous ne sommes jamais allés à Smederevo, finalement.
14 Q. Vous avez dit que ce sont les réservistes qui faisaient partie de cette
15 unité.
16 R. Non, non, je ne l'ai jamais dit.
17 Q. Ce ne sont pas les réservistes qui faisaient partie de votre unité ?
18 R. Cette unité qui a été envoyée à Smederevo, là, il ne s'agissait que de
19 soldats, de recrues. Et les réservistes, on les a choisis parmi les soldats
20 dans la caserne.
21 Q. De quelle caserne parlez-vous ?
22 R. Petrovac Blaka.
23 Q. C'est exactement la question que je vous ai posée. Est-ce que là il y
24 avait des réservistes ? Parce qu'il me semble, qu'en répondant à la
25 question du Procureur, vous avez dit que les réservistes avaient été
26 mobilisés et envoyés avec vous ?
27 R. Non, non, pas avec nous. Ils n'ont pas été envoyés avec nous à Sremska
28 Mitrovica; ils sont restés dans la caserne.
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1 Q. Bien. Mon éminent collègue vous a posé une question justement au sujet
2 des ces réservistes et de leur appartenance ethnique. Vous avez dit, qu'en
3 général, il s'agissait des Serbes ou qu'ils étaient tous Serbes. Ces
4 soldats de réserve sont, en général, n'est-ce pas, les gens qui habitent
5 cette ville-là, la ville où ils sont mobilités, et c'est comme cela qu'on
6 les choisit ?
7 R. Oui.
8 Q. Petrovac sur Mlava, là où vous avez fait votre service militaire, c'est
9 un village, une ville en Serbie ?
10 R. Oui.
11 Q. Est-ce que cet endroit était habité par des Serbes ou exclusivement par
12 des Serbes ?
13 R. Oui. Je ne sais pas s'il y avait d'autres groupes ethniques qui y
14 habitaient, mais en général, c'était des Serbes. Oui, effectivement.
15 Q. On en arrive à une conclusion logique qu'il serait logique que ces
16 membres de soldats de réserve qui ont répondu à l'appel, qu'ils soient
17 Serbes puisqu'ils habitent Petrovac et ses environs ?
18 R. Oui.
19 Q. Vous arrivez à Sremska Mitrovica, et vous partez vers Vukovar. Vous
20 avez parlé des positions de votre unité. Vous avez dit qu'il y avait aussi
21 les membres de la JNA à vos côtés, mais en réalité, il y avait aussi les
22 réservistes de la JNA mais composées des réservistes ?
23 R. A partir du moment où nous sommes arrivés sur les positions, oui.
24 Q. Est-ce que cette unité faisait partie de votre unité ou est-ce que
25 c'était une unité à part ?
26 R. Une unité à part.
27 Q. Quand vous avez parlé de ces réservistes, est-ce que c'était le même
28 type de réservistes que ceux qui avaient été mobilisés à Petrovac Na Mlavi,
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1 donc les gens qui ont répondu à l'appel lancé par la JNA et qui se sont
2 présentés pour la mobilisation. Ils ont été envoyés sur les lignes ou sur
3 les positions dans le cadre de leur propre unité ?
4 R. Oui, effectivement.
5 Q. Cela ne faisait pas partie de la Défense territoriale qui était crée
6 d'une autre façon ?
7 R. Oui, c'était vraiment des réservistes, proprement dit.
8 Q. Votre unité et cette autre unité qui était à côté de vous, est-ce que
9 vous savez de quelle unité ils faisaient partie ? Puisque cette unité avait
10 été créée en Sremska Mitrovica, quel était le nom de cette unité ?
11 R. Je ne le sais pas. Nous étions une unité de blindés, une unité
12 mécanisée. Mais je ne sais pas quel était le nom de notre unité.
13 Q. Vous ne savez de quelle autre unité elle relevait, de quelle instance
14 elle relevait ?
15 R. Non, mais notre commandant --
16 Q. Le capitaine, votre capitaine que vous avez mentionné, vous avez dit
17 que c'était un Macédonien, n'est-ce pas ?
18 R. Non, non. Macédonien, c'était à Sremska Mitrovica. C'est lui qui nous a
19 dit qu'on allait faire la guerre, qu'on allait détruire les 20 000
20 Oustachi. Il disait qu'il n'avait rien contre le peuple croate, qu'ils
21 allaient libérer la ville de Vukovar et ces gens, ces habitants, les
22 habitants de Vukovar. C'est ce qu'il a dit.
23 Q. C'était votre supérieur hiérarchique à l'époque ?
24 R. A Sremska Mitrovica, oui.
25 Q. Ce terme "Oustachi", est-ce que ce terme comprenait toutes les
26 personnes qui se battaient contre la JNA; les ennemis de la JNA ?
27 R. Moi, si je pensais cela ?
28 Q. Pas seulement vous, aussi les gens qui parlaient des Oustachi en
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1 général ?
2 R. Oui. Sans doute, qu'ils pensaient aux gens qui combattaient la JNA. A
3 l'époque, j'ai compris, en réalité, que tous ceux qui étaient contre la
4 JNA, c'étaient des Oustachi, et que le gouvernement croate, d'après eux,
5 c'était un gouvernement Oustachi.
6 Q. Dites-moi, à l'époque où vous faisiez votre service militaire, vous
7 veniez de Bjelovar, vous saviez sans doute, donc à l'époque, la Croatie
8 avait-elle son armée, une armée régulière à part la JNA ?
9 R. Je ne le sais pas. Je sais que nous avions une police, le MUP. Y avait-
10 il une autre armée ? Je n'en sais rien. Je sais que la Croatie avait sa
11 propre police. C'étaient des policiers, c'est-à-dire qu'on ne s'appelait
12 plus Milicija [phon], comme dit-on de la Yougoslavie, mais "Policajci."
13 Q. Oui. Cela, c'était la police. Mais il n'y avait pas deux polices en
14 Croatie, n'est-ce pas ?
15 R. Non. C'était la seule police qui existait, enfin je n'en sais rien.
16 Peut-être qu'il y en avait une autre, mais je ne suis pas au courant de
17 cela.
18 Q. Est-ce que vous avez entendu parler du ZNG, la Garde nationale ?
19 R. Oui.
20 Q. Quelle était cette formation ?
21 R. C'était l'armée croate.
22 Q. Est-ce que cette armée existait d'ores et déjà à l'époque quand il y eu
23 le combat pour Vukovar ?
24 R. Oui, c'est ce qu'ils nous disaient. Ils disaient qu'il y avait des ZNG,
25 oui. C'est comme cela qu'ils les appelaient. Ils nous disaient qu'il y en
26 avait, qu'il y avait la police aussi qui était là-bas.
27 Q. Quand vous dites "ils nous disaient," vous parlez sans doute de vos
28 supérieurs hiérarchiques ?
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1 R. Mais non. Ils ne parlaient pas des ZNG. Ils parlaient des Oustachi.
2 Q. Mais vous avez dit qu'ils parlaient aussi bien de la police et de ces
3 unités de la Garde nationale ?
4 R. Vous savez, les officiers de la JNA, ils ne faisaient pas la différence
5 entre le ZNG et la police. Pour eux, c'étaient des Oustachi. Ils étaient
6 tous des Oustachi. Des formations paramilitaires, des Oustachi, des ZNG,
7 peu importe. Ils voulaient leur Etat. Ils voulaient créer leur Etat. Ils
8 voulaient se séparer de la Yougoslavie, c'est ce qu'ils voulaient. C'est
9 cela qui est important.
10 Q. Vous avez dit tout à l'heure que l'on parlait d'"Oustachi" lorsque l'on
11 parlait des personnes qui faisaient partie des ZNG, de la police croate, et
12 lorsqu'on faisait référence aux Oustachi, c'était les ennemis; c'est cela ?
13 R. Oui.
14 Q. Vous nous avez dit que les ZNG, pour vous, c'était l'armée croate ?
15 R. Oui.
16 Q. Est-ce que la JNA considérait les ZNG comme étant des unités
17 paramilitaires ?
18 R. Vous savez, j'ai servi. J'ai fait mon service militaire en Serbie. Je
19 ne pouvais pas entendre les infos croates. Je ne pouvais pas regarder la
20 télévision croate. L'information que nous recevions, c'était l'information
21 du commandant de la caserne, et lui il disait que c'était un gouvernement
22 oustachi qui souhaitait se séparer de la Yougoslavie.
23 Pour vous dire juste quelque chose, lorsque je me suis enfui, et lorsqu'on
24 m'a ramené à la caserne, on m'a mis sur un podium, on m'a pointé du doigt,
25 moi et le collègue qui s'était enfui avec moi, et on a dit : "Voilà, c'est
26 cela, c'est des gens comme eux que nous combattons. Ces gens, ce sont des
27 déserteurs, c'étaient des gens que l'on tuait pendant la Deuxième Guerre
28 mondiale."
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1 Q. Vous avez donc parlé de l'armée croate. Vous nous avez dit qu'il n'y
2 avait pas d'armée. Vous nous avez dit que les ZNG, c'était l'armée d'une
3 certaine façon.
4 R. Oui.
5 Q. Est-ce que nous pourrions être d'accord pour dire qu'il ne s'agissait
6 pas d'une formation militaire reconnue, et qu'il s'agissait plutôt de
7 groupes paramilitaires pour ce concerne la JNA ?
8 R. La JNA les considérait comme étant des groupes paramilitaires, alors
9 que les Croates estimaient qu'il s'agissait de l'armée régulière de l'Etat
10 croate, de la Croatie. L'armée populaire yougoslave, elle est considérée
11 comme étant des unités paramilitaires. Je ne comprends pas comment se fait-
12 il qu'ils ne considéraient pas que les Chetniks faisaient également partie
13 d'unités paramilitaires.
14 Q. En donnant une réponse tout à l'heure au compte rendu d'audience, je
15 crois qu'une erreur s'est glissée. Vous nous avez dit qu'on vous a placé
16 sur la scène, et quelqu'un avait que pendant la Deuxième Guerre mondiale,
17 des gens comme vous auraient été fusillés. Qui avait dit cela ?
18 R. C'était le commandant de la caserne.
19 Q. D'accord, merci.
20 Est-ce que vous vous souvenez si, à l'époque, s'agissant de la
21 période dont nous parlons puisque la Yougoslavie existait encore, n'est-ce
22 pas, est-ce que vous vous rappelez qui était le président de la présidence
23 de ce pays ?
24 R. Le président de la présidence ?
25 Q. Oui.
26 R. Je ne me souviens pas du tout. Je ne sais pas ce que, à l'époque, ce
27 que Stipe Mesic était.
28 Q. Justement. Voilà, ma question fait référence à cela. Est-ce que vous
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1 vous souvenez que M. Mesic du début de 1991 jusqu'à la fin de 1991 était le
2 président de la Yougoslavie, président de la présidence de cette
3 Yougoslavie unie ?
4 R. Je ne me souviens pas. Peut-être que oui, peut-être que non. Je sais
5 qui était le président de la Croatie.
6 Q. Qui était le président du gouvernement fédéral ? Vous souvenez-vous de
7 cela ?
8 R. Non, je ne me souviens vraiment pas de cela.
9 Q. Si je vous disais que c'était M. Ante Markovic, est-ce que cela
10 rafraîchirait votre mémoire ?
11 R. Oui, peut-être que c'était lui. Je ne sais pas, vous devez sans doute
12 mieux savoir que moi. La politique ne m'intéressait pas beaucoup à
13 l'époque.
14 Q. Vous savez sans doute que les deux personnes que j'ai évoquées tout à
15 l'heure, M. Mesic et M. Markovic, tous les deux étaient Croates, n'est-ce
16 pas ?
17 R. Ils sont probablement Croates. Aujourd'hui, il est président de la
18 Croatie, et j'espère bien qu'il est Croate.
19 Q. Cela ne veut pas nécessairement vouloir dire qu'il fallait absolument
20 que ce soit un Croate. Quelqu'un pourrait être élu à la présidence d'un
21 pays sans être nécessairement membre ?
22 R. Oui. J'imagine que quelqu'un pourrait être nommé à la tête d'un pays
23 sans être membre du groupe ethnique du pays en question grâce à un mérite
24 particulier.
25 Q. Nous avons parlé de quelque chose d'autre. Nous allons parler
26 maintenant de véhicules de combat. Vous nous avez parlé de chars. Vous nous
27 avez parlé de huit chars. Aujourd'hui, vous en comptez six. Dites-moi,
28 cette unité dont vous faisiez partie, cette unité, est-ce qu'elle était
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1 devenu une unité élargie ?
2 R. Je n'ai jamais dit qu'il y avait huit chars. Il y avait peut-être cinq
3 à six blindés de transport de troupes. C'est bien difficile d'évaluer le
4 nombre exact. Mais en tout cas, il n'y en avait pas huit, c'est certain.
5 Q. Est-ce que vous vous souvenez lorsque vous vous êtes dirigé vers
6 Vukovar, est-ce que sur la route vous avez rencontré des obstacles, des
7 barricades ? Est-ce qu'il vous a fallu enlever un barrage routier ?
8 R. Oui. Il y avait une forêt, c'est une forêt de chênes. Sur la route, il
9 y avait des troncs d'arbres, mais comme nous avancions à bord de char, ce
10 char pouvait très facilement enlever tous troncs d'arbres qui se trouvaient
11 sur la route. Personne n'a ouvert de feu sur nous, et nous non plus
12 d'ailleurs. Nous n'avions ouvert de feu sur personne.
13 Q. Justement. Vous rencontriez des barricades, des obstacles. Vous les
14 écartiez à l'aide de chars, mais à l'époque, vous n'étiez pas attaqués,
15 c'est-à-dire, que ces dernières n'étaient pas défendues par qui que ce
16 soit.
17 R. Non.
18 Q. Est-ce que vous avez rencontré des mines antipersonnel quelque part ?
19 R. Non.
20 Q. Vous nous avez également parlé de votre tâche. Vous nous avez dit que
21 votre tâche consistait à couper l'axe d'accès qui menait de Vinkovci à
22 Vukovar. Cette route avait été ouverte auparavant, n'est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 Q. Vous avez également expliqué que vous avez mené à bien votre mission,
25 vous avez fermé cette route ?
26 R. Oui.
27 Q. De quelle façon ?
28 R. Lorsque nous sommes arrivés à Negoslavci, et nous étions stationnés à
Page 5572
1 Dubrava. De Dubrava, nous nous sommes dirigés vers cette position, et
2 lorsque nous nous approchions de cette route, nous ouvrions le feu. Nous
3 n'avons pas eu de résistance, personne n'a rien fait. Nous sommes arrivés
4 là avec nos chars, nous nous sommes arrêtés, immobilisés et nous les avons
5 creusées.
6 Q. Tout près de la route ?
7 R. Oui, nous avions passé de l'autre coté de la route, nous avons traversé
8 la route. C'est à ce moment-là que nous avons creusé des tranchés pour
9 dissimuler les chars, c'était dans une route. Ce n'était pas un terrain
10 plat, il était quelque peu vallonné.
11 Q. Mais toujours est-il c'était tout près de la route, et vous aviez pu
12 cacher dans ces fossés tous vos chars, tous vous blindés ?
13 R. Oui.
14 Q. Est-ce que c'est la position sur laquelle vous vous êtes trouvés
15 pendant 24 jours ?
16 R. Oui.
17 Q. Vous n'avez donc jamais quitté cette position au cours des 24 jours ?
18 R. Non.
19 Q. Je vous prierais de ménager une pause entre les questions et les
20 réponses pour que vos réponses soient bien consignées au compte rendu
21 d'audience.
22 Vous aviez des armes légères n'est-ce pas ? Vous n'étiez pas tireur à bord
23 du char, comme vous nous avez expliqué, mais votre tâche consistait à
24 assurer la sécurité de cette unité. Vous nous avez dit également que vous
25 avez passé la majorité de votre temps dans le fossé que vous avez creusé,
26 vous faisiez attention pour que quelqu'un ne s'avance pas pendant la nuit,
27 est-ce exact ?
28 R. Oui.
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1 Q. Donc vous vous étiez positionnez à une certain endroit, vous avez passé
2 24 jours à cette endroit-là. Vous avez creusé des fossés dans lesquels vous
3 avez placé vos chars. Vous nous avez également expliqué au cours de votre
4 témoignage aujourd'hui que vous n'avez pas ouvert le feu depuis ces chars.
5 Lors d'une occasion par contre on a ouvert le feu à votre endroit, n'est-ce
6 pas ?
7 R. Et le capitaine avait été grièvement blessé sur cette position à ce
8 moment-là.
9 Q. Est-ce que vous savez de quelle façon il a été blessé ? Est-ce que
10 c'est quelque chose vous aviez vu ?
11 R. J'ai vu lorsqu'un obus de 60-millimètres est tombé, il se trouvait sur
12 la route, sur l'asphalte. Cet obus est tombé juste à coté de lui et il a
13 été grièvement blessé sur le flanc et sur le côté droit de son corps. C'est
14 là qu'on l'a transporté à l'aide d'hélicoptère à l'hôpital. Je crois qu'il
15 y avait également un autre soldat qui avait été blessé aux genoux lors de
16 cette même attaque.
17 Q. C'est la route principale, n'est-ce pas, cet axe principal sur lequel
18 le capitaine avait été blessé. Vous nous avez dit je crois que ce capitaine
19 est mort à la suite de ses blessures après avoir séjourné à l'hôpital
20 militaire de Belgrade ?
21 R. C'est ce que j'avais entendu dire, mais je ne pas vous l'affirmer.
22 Q. C'est dans votre unité que vous aviez entendu cela ?
23 R. Oui, les autres soldats m'ont informé de ce fait.
24 Q. A la demande de mon éminent confrère, je crois que vous aviez même
25 tracé les positions, vous avez tracé un cercle autour des positions sur
26 lesquelles vous vous êtes trouvées. Pourriez-vous nous dire ce que vous
27 pouviez apercevoir depuis l'endroit où vous étiez stationnés, vous nous
28 aviez parlé de champ de maïs. Vous étiez dans une tranchée. Qu'est-ce que
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1 vous pouviez voir ?
2 R. On pouvait voir le château d'eau très clairement. Les maisons qui
3 étaient devant nous étaient visibles également, très clairement, mais il y
4 avait des épis de maïs d'un côté. Donc les épis à gauche, les maisons à
5 droite, c'est ce que nous pouvions voir.
6 Q. Les maisons que vous évoquez se trouvaient à quelle distance de vos
7 positions ?
8 R. Je dirais qu'elles se trouvaient environ à 300 mètres de nous.
9 Q. Est-ce que c'était un endroit habité, c'était les premières maisons
10 d'une agglomération que vous pouviez distinguer ou est-ce que vous pouviez
11 distinguer toutes les maisons de l'agglomération ?
12 R. C'était des maisons complètement abandonnées. Nous-mêmes nous allions
13 dans ces maisons pour nous procurer certaines choses, mais elles étaient
14 complètement abandonnées, c'était des grandes maisons.
15 Q. Ces maisons appartenaient à quelle agglomération ?
16 R. Je crois que cela faisait partie de Vukovar, c'était la banlieue de
17 Vukovar. Je ne dirais pas qu'il s'agisse de village dans ce cas-ci.
18 Q. Vous venez de nous dire que vous alliez dans ces maisons vous-mêmes, et
19 que vous preniez des sous-vêtements, des vêtements ?
20 R. Oui.
21 Q. Selon une évaluation personnelle, puisque vous nous dites que vous
22 pouviez voir très clairement le château d'eau, est-ce que vous pouvez nous
23 dire à quelle distance se trouvait ce château d'eau de vos positions ?
24 R. Je ne peux pas vous dire à quelle distance il se trouvait de l'endroit
25 où nous étions ou de la ville, mais le char à 30 kilomètres, c'est-à-dire
26 depuis un char, il est possible de voir à une distance de 30 kilomètres du
27 char en question. Donc le château d'eau était très clairement visible
28 depuis nos positions.
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1 Q. Vous parlez des directives, des ordres reçus par des personnes qui
2 étaient les tireurs à bord de ces chars. Si j'ai bien compris, vous-même
3 vous n'avez pas été présent lorsqu'on a émis ces ordres, mais plus tard
4 lors de diverses conversations on, vous a relaté ce que ces ordres étaient
5 ?
6 R. Oui.
7 Q. La raison pour cela c'était parce que vous vous trouviez à l'extérieur
8 de ces chars, de ces blindés. Vous étiez dans une tranché, vous étiez
9 stationné à cet endroit-là; est-ce exact ?
10 R. Oui.
11 M. DOMAZET : [interprétation] Monsieur le Président, je viens de terminer
12 un sujet particulier et pour ne pas aborder un nouveau sujet, je crois que
13 l'heure est opportun pour lever la séance d'aujourd'hui. Je vois qu'il est
14 19 heures.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Domazet.
16 Effectivement, l'heure est arrivée de lever la séance. Nous reprendrons nos
17 travaux à 9 heures du matin, demain matin. Donc la séance est levée.
18 --- L'audience est levée à 19 heures 00 et reprendra le mardi 7 mars 2006,
19 à 9 heures 00.
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