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1 Le mercredi 15 mars 2006
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 16 heures 57.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Voudriez-vous, s'il vous plaît,
9 prendre la carte qui vous est tendue et lire à haute voix la déclaration
10 solennelle.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
13 LE TÉMOIN: TEMOIN P-009 [Assermenté]
14 [Le témoin répond par l'interprète]
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous
16 asseoir.
17 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Smith, c'est à vous.
19 M. SMITH : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame et
20 Monsieur les Juges.
21 Interrogatoire principal par M. Smith :
22 Q. [interprétation] Voici une feuille de papier que je voudrais vous
23 montrer et qui comporte votre nom, votre date de naissance et lieu de
24 naissance. Voudriez-vous, s'il vous plaît, vérifier si ces renseignements
25 sont exacts, s'il vous plaît ?
26 M. SMITH : [interprétation] Monsieur l'Huissier, je voudrais également
27 demander que cette feuille soit laissée auprès du témoin.
28 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que ces renseignements sont exacts ?
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1 R. C'est exact.
2 Q. Vous voyez également sur cette feuille quatre noms qui sont indiqués la
3 personne A, la personne B, la personne C et la personne D. Lorsque vous
4 ferez votre déposition et chaque fois que l'une de ces personnes présentera
5 une pertinence avec ce qui est dit, nous utiliserons les lettres plutôt que
6 le nom proprement dit.
7 R. Oui.
8 Q. Parce que vous êtes un témoin protégé.
9 R. Oui, s'il vous plaît.
10 M. SMITH : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement
11 de ce document au dossier sous pli scellé.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document est déposé sous pli
13 scellé.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce à conviction 274,
15 Monsieur le Président.
16 M. SMITH : [interprétation]
17 Q. Témoin, vous êtes un autre de ces personnes très impressionnantes qui
18 peuvent parler plus d'une langue. A ce que je comprends, le B/C/S est votre
19 langue maternelle, mais vous préférez parler anglais aujourd'hui; est-ce
20 exact ?
21 R. C'est exact.
22 M. SMITH : [interprétation] Monsieur le Président, pouvons-nous aller un
23 instant à huis clos partiel de façon à ce que l'on puisse évoquer certains
24 détails concernant la personne ?
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Audience à huis clos partiel.
26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos
27 partiel, Monsieur le Président.
28 [Audience à huis clos partiel]
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13 Page 6067 expurgée. Audience à huis clos partiel.
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9 [Audience publique]
10 M. SMITH : [interprétation]
11 Q. Témoin, vous avez été élevé à Vukovar; est-ce exact ?
12 R. C'est exact, Monsieur.
13 Q. Vous avez vécu là avec votre beau-père et votre mère ?
14 R. C'est exact.
15 Q. A l'époque où vous étiez élevé, est-ce que vous avez eu connaissance de
16 la composition ethnique de la ville de Vukovar, des principaux groupes
17 ethniques qui s'y trouvaient ?
18 R. Non, Monsieur. Cela n'a jamais été une question ou un sujet abordé chez
19 moi.
20 Q. En juin 1990, est-ce que vous avez achevé vos études et est-ce que vous
21 avez pu aller à l'université ?
22 R. Oui.
23 Q. Se peut-il que vous ayez reporté l'université et que vous ayez
24 entrepris de faire votre service militaire avec la JNA ?
25 R. C'est exact, Monsieur.
26 Q. Au cours de quel mois avez-vous commencé votre service national ?
27 R. Le 17 septembre 1990.
28 Q. Où êtes-vous allé en premier lieu pour votre entraînement ?
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1 R. Slavonska Pozega. J'y ai été posté.
2 Q. Témoin, si je peux regarder juste un instant un peu ces réponses, en
3 particulier en ce qui concerne les noms, afin qu'ils soient parfaitement
4 enregistrés.
5 R. Oui.
6 Q. Quelle était votre spécialité ? A quoi étiez-vous formé comme
7 spécialité ?
8 R. J'étais formé là-bas comme conducteur, chauffeur de camion.
9 Q. Combien de temps vous êtes-vous formé avant d'être posté quelque part
10 ailleurs ?
11 R. Trois mois.
12 Q. Où avez-vous été posté ou muté ?
13 R. J'ai été muté à Kranj, en Slovénie.
14 Q. Est-ce que c'est sur la frontière entre la Croatie et la Slovénie ?
15 R. Non. C'est sur la frontière entre la Slovénie et l'Autriche.
16 Q. Quelles étaient vos fonctions là-bas ?
17 R. J'étais le chauffeur, le conducteur, c'était à cela que j'étais formé.
18 Q. Quelles étaient les tâches de l'unité qui s'y trouvait ?
19 R. Nous étions une unité frontalière.
20 Q. Quel était le rôle principal de cette unité ?
21 R. C'était de garder les frontières de l'ancienne République fédérale de
22 Yougoslavie.
23 Q. Est-ce que vous pourriez expliquer un instant à la Chambre l'uniforme
24 que portaient les soldats réguliers de la JNA à l'époque ?
25 R. C'était un uniforme de couleur vert olive lorsque j'étais stationné à
26 Pozega, avec des brodequins ou des bottes noires, la casquette type Tito
27 avec une étoile dessus, un ceinturon brun marron typique. Voilà ce qui
28 était, en quelque sorte, le soldat typique en uniforme sur ce point.
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1 Q. Le chapeau Tito, est-ce qu'il avait dessus des emblèmes ou des
2 marques ?
3 R. Il y avait une étoile dessus, oui, une étoile rouge.
4 Q. Est-ce que les soldats de l'armée régulière ne portaient jamais des
5 casques ?
6 R. Oui. Mais ceux-ci ne le faisaient que dans des situations, disons,
7 lorsqu'il se produisait quelque chose, un type de situation qui nous
8 obligeait à les porter. A ce moment-là, oui.
9 Q. Si l'on portait des casques, y avait-il des symboles sur ces casques ?
10 R. Il y avait une étoile rouge dessus également.
11 Q. Est-ce que c'était l'uniforme que l'appelé normal de la JNA porterait ?
12 R. Oui, Monsieur. Cela peut être considéré comme un uniforme typique de
13 soldat.
14 Q. A la différence des appelés qui étaient en formation, les personnes qui
15 avaient été mobilisées avant d'avoir fini leur formation, quel type
16 d'uniforme portaient-elles ?
17 R. Mobilisées en quel sens ? Pourriez-vous, s'il vous plaît, préciser
18 votre question ?
19 Q. Si quelqu'un avait fini son entraînement dans la JNA et qu'on lui
20 confiait des tâches normales, mais en étant mobilisé, c'est-à-dire aux fins
21 de l'effort de guerre, quel type d'uniforme porteraient ces personnes par
22 rapport à l'appelé normal qui faisait leur formation ou --
23 R. Je crois que c'était le même uniforme.
24 Q. En janvier 1991, est-ce que vous avez laissé Kranj et est-ce que vous
25 êtes allé en permission de retour à Vukovar ?
26 R. Oui, Monsieur.
27 Q. Avant que vous n'alliez à Vukovar, est-ce qu'il y a eu un incident qui
28 s'est produit à Vinkovci ?
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1 R. Oui, il y en a eu un. Excusez-moi. Oui.
2 Q. Pourriez-vous expliquer brièvement à la Chambre ce qui vous est arrivé
3 à Vinkovci avant que vous n'arriviez à Vukovar ?
4 R. Bien, nous étions très excités en ce qui concerne ce train. Nous étions
5 trois. La police croate, à ce moment-là -- bon, les gens qui avaient des
6 symboles croates sur leurs uniformes, nous ont arrêtés -- ce qui était
7 inhabituel à l'époque pour la police, la police civile régulière, d'arrêter
8 quelqu'un de l'armée et de demander son identité. Ils ont demandé notre
9 identité. Ils nous ont arrêtés. Nous étions plus nombreux qu'eux, qui
10 étaient trois. Ils nous ont arrêtés et ils voulaient voir notre identité.
11 Ils voulaient savoir qui nous étions, où nous allions et quelle était notre
12 origine ethnique. Fondamentalement, en fait, ils nous ont harcelés pendant
13 près de plus d'une demi-heure, ce qui était inhabituel de la part de
14 policiers civils, pour ce qui est de se mêler de quelque chose qui avait à
15 voir avec l'armée à ce stade.
16 Q. Après cette demi-heure, est-ce que vous avez poursuivi votre voyage à
17 Vukovar ?
18 R. Oui, nous sommes rentrés chez nous. Je suis rentré chez moi.
19 Q. Quand vous dites que vous êtes rentré chez vous, est-ce que vous êtes
20 rentré chez vous où vivait votre famille à Vukovar ?
21 R. Oui. C'est là qu'elle résidait, oui.
22 Q. Cette nuit-là, est-ce que quelque chose de plus s'est passé ? Si c'est
23 le cas, pouvez-vous nous expliquer ce qui s'est passé ? Pouvez-vous
24 l'expliquer à la Chambre ?
25 R. Oui. Nous sommes allés -- enfin, nous avions parlé, et vous savez,
26 j'avais parlé à mes parents, et ensuite nous sommes allés nous coucher --
27 bon, je ne sais pas exactement à quelle heure, mais du côté de 1 heure ou 2
28 heures du matin, avant que quatre personnes n'entrent brusquement dans
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1 notre appartement en défonçant la porte. Elles m'ont fait sortir du lit,
2 ont poussé ma mère au sol, m'ont fait sortir et m'ont jeté dans une
3 voiture. Ils criaient contre moi que j'étais un Chetnik. C'est à ce stade
4 que j'ai été battu. Ils me battaient et ils me frappaient dans la voiture.
5 Vous savez, tous portaient des masques. Je ne pouvais rien voir. Ils
6 étaient essentiellement en vêtements civils. Ils m'ont emmené dans un bois
7 qui était proche, près de Vukovar. Ils m'ont encore battu davantage en
8 criant que j'étais un Chetnik. Je suis un soldat, et ce genre de chose.
9 Puis, ils ont sorti un bout de papier où il était dactylographié, vous
10 savez, on voyait cette phrase, qu'ils allaient me tuer. C'est ce qu'ils
11 m'ont dit. Ils m'ont dit de la lire à haute voix, et comme j'avais vraiment
12 reçu des coups terribles à ce stade, j'ai à peine pu lire toute la phrase,
13 tout ce qui était sur ce papier. J'ai pensé qu'à ce stade j'allais être
14 tué. Enfin, je ne savais pas ce qui allait se passer fondamentalement. Ils
15 m'ont obligé à mettre ce papier dans ma bouche et à l'avaler, et ils m'ont
16 laissé là.
17 Q. Je vous remercie. Témoin, je voudrais vous demander -- parfois je parle
18 un peu vite dans cette salle d'audience, ainsi que vos réponses sont
19 parfois un peu rapide, donc si nous pouvions ralentir un peu le rythme de
20 façon à ce que tout puisse être enregistré, tout ce que vous dites. Je vous
21 remercie.
22 R. Oui.
23 Q. Ils vous ont laissé sur place. Ensuite, comment est-ce que vous avez
24 réussi à revenir de --
25 R. Ma mère --
26 Q. -- cet endroit ?
27 R. Ma mère a contacté la police, et je pense que c'est la police militaire
28 qui m'a trouvé dans la matinée. Ils m'ont emmené à l'hôpital où je me suis
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1 retrouvé avec un grand nombre d'ecchymoses et de blessures. Après cela,
2 j'ai été renvoyé à mon unité, enfin, à laquelle je ne suis jamais retourné
3 fondamentalement. J'ai fini à l'hôpital et je me suis servi de cette
4 possibilité pour quitter l'armée. J'ai mis cela à profit.
5 Je me plaignais de traumatisme psychologique que j'avais subi, et vous
6 savez, j'avais quand même un grand nombre d'ecchymoses et tous ces
7 problèmes. Je n'ai pas voulu retourner à l'armée. Dans la situation dans
8 notre caserne, là où je servais, c'était déjà difficile quand je servais
9 dans l'armée dans cette caserne. Ils ne voulaient pas nous laisser nous
10 servir des téléphones pour appeler nos familles. La situation en Slovénie
11 était difficile à ce moment-là. Excusez-moi.
12 Q. Est-ce que vous pouvez vous arrêter un instant là.
13 R. Oui.
14 Q. Vous avez dit que ces hommes vous avaient appelé Chetnik. Ils avaient
15 dit que vous étiez un Chetnik. Qu'est-ce que vous pensez que Chetnik
16 voulait dire ?
17 R. Je suppose qu'ils voulaient parler de moi comme étant un Serbe, ou que
18 j'avais quelque chose à voir avec la Serbie, ou je suppose que Chetnik
19 c'était toute l'armée serbe d'avant la Deuxième guerre mondiale.
20 Q. Vous avez dit qu'avant que vous n'arriviez à Vukovar que la police
21 croate vous avait harcelé. Pouvez-vous dire à la Chambre, en janvier 1991,
22 s'il y avait des tensions particulières dans Vukovar et autour de Vukovar
23 entre les Croates et les Serbes d'une façon générale ?
24 R. Pas que je le sache, non. Je ne peux que faire des hypothèses à ce
25 sujet. Je ne suis pas sûr.
26 Q. Environ pendant combien de temps êtes-vous resté à l'hôpital ?
27 R. Environ une semaine et demie à deux semaines.
28 Q. Ensuite, vous êtes retourné à votre unité, et combien de temps êtes-
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1 vous resté auprès de votre unité ?
2 R. J'ai été relâché de l'hôpital pour aller directement chez moi.
3 Q. Vous avez été également relâché de votre service militaire ?
4 R. Oui.
5 Q. En 1991, est-ce que vous êtes allé à Belgrade à un moment donné ?
6 R. Oui. Je suis allé à Belgrade avec ma sœur et ma mère en juillet.
7 Q. A partir du mois de janvier jusqu'à juillet, vous viviez à Vukovar;
8 c'est bien cela ?
9 R. C'est exact, Monsieur.
10 Q. Au cours de cette période, est-ce que vous étiez au courant de tensions
11 ethniques entre les Croates et les Serbes ?
12 R. Il y en avait beaucoup, tout particulièrement près de l'endroit où
13 j'habitais.
14 Q. Pourriez-vous décrire cette tension, comment elle était ? Comment est-
15 ce que vous pourriez la décrire ? Comment la voyiez-vous ?
16 R. Ce que je pouvais voir là où j'avais l'habitude de vivre, c'est qu'il y
17 avait beaucoup de gens de l'armée croate. Il y avait un grand rassemblement
18 de gens de l'armée croate en uniformes militaires différents, portant les
19 symboles croates sur leurs uniformes. Ils arrivaient dans des voitures qui
20 n'avaient pas de plaques d'immatriculation. Ils appelaient -- je ne sais
21 pas si c'étaient eux, mais nous avons reçu un grand nombre de coups de
22 téléphone de menaces à domicile, notamment en disant à ma mère qu'elle
23 était chetnik et qu'elle devait quitter sa maison.
24 Il y avait beaucoup, beaucoup de coups de téléphone de menaces, et c'était
25 tout à fait remarqué. Il y avait également beaucoup de polices et de
26 membres de l'armée croate. Je crois qu'ils étaient de nationalité croate à
27 ce stade.
28 Q. Dans quelle partie de la ville, dans quel quartier de la ville est-ce
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1 que vous viviez, d'une façon générale ?
2 R. Je vivais très près de l'hôpital, de l'hôpital général de Vukovar.
3 Q. Lorsque vous avez déclaré que vous aviez vu un rassemblement de
4 personnes de l'armée croate dans des uniformes différents, c'était dans
5 quel secteur ? Dans le secteur où vous viviez ? Ou est-ce que c'était
6 également dans d'autres secteurs ?
7 R. Juste à l'endroit où j'avais l'habitude de vivre, oui. Ils utilisaient
8 ce qui avait été le quartier général de la compagnie Vupik, très près du
9 château du conte Eltz là-bas, dans l'ensemble de ce secteur, et il y avait
10 le bâtiment de la Défense territoriale également de l'autre côté de la rue.
11 Tout cela était plein de soldats et de policiers croates.
12 Q. Est-ce que vous avez su si quelque chose d'autre se passait du point de
13 vue militaire de l'autre côté de la rivière Vuka, sur le côté sud de la
14 rivière Vuka --
15 R. Non.
16 Q. -- pendant ce temps-là ?
17 R. Non, pas à ce moment-là. Nous avons entendu différentes choses, mais je
18 n'ai pas vu ou je n'ai pas été témoin de quoi que ce soit de ce genre.
19 Q. Pendant cette période, entre janvier et juillet, qu'est-ce que vous
20 faisiez ?
21 R. Rien. On ne pouvait pratiquement aller nulle part. Il était dangereux
22 d'aller et venir. Dès qu'il commençait à faire un peu plus sombre la nuit,
23 on ne sortait plus du tout. On avait peur pour sa vie. On entendait
24 beaucoup d'histoires différentes et effrayantes de ce qui se passait en
25 ville, et vous savez, ce n'était pas vraiment sûr d'aller quelque part ne
26 serait-ce que même pendant la journée.
27 Q. Brièvement, pourquoi est-ce que ce n'était pas sûr pour vous d'aller
28 quelque part ? Est-ce que vous voulez parler de vous en particulier ou des
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1 gens d'une façon générale ?
2 R. Je parle des gens d'une façon générale, la nuit ou dès qu'il commençait
3 à faire nuit, oui.
4 Q. Quel était le danger que vous sentiez qu'il y avait ?
5 R. Il y avait de l'armée un peu partout. Il y avait de la police partout.
6 Il y avait ces personnes qui venaient, comme je le disais, dans ces
7 véhicules sans plaques et qui agitaient leurs revolvers ou leurs fusils, et
8 qui parlaient de différentes choses qu'ils faisaient la nuit, vous savez.
9 Ce n'était vraiment pas sûr. Nous ne nous sentions pas du tout en sûreté.
10 Plus tout ce harcèlement et ces coups de téléphone que nous recevions à la
11 maison, je ne me sentais vraiment pas en sécurité pour ce qui était d'aller
12 où que ce soit à l'époque.
13 Q. Vous avez déposé et vous avez dit que vous étiez allé à Belgrade en
14 juillet; est-ce exact ?
15 R. C'est exact.
16 Q. Pourriez-vous expliquer pourquoi vous êtes allé à Belgrade ?
17 R. Bien, la situation s'était beaucoup détériorée. Elle commençait à
18 devenir très dangereuse. On pouvait entendre des coups de feu la nuit, en
19 particulier après le 2 mai lorsque l'attaque sur Borovo Selo a eu lieu.
20 Vous pouviez entendre des soldats croates qui chantaient des chants
21 nationaux concernant le fait de tuer des Serbes et ils étaient proches de
22 nous, et nous ne nous sentions pas en sécurité du tout. Ma mère a été
23 appelée si souvent, mon beau-père a été appelé de nombreuses fois pour
24 qu'il quitte Vukovar parce qu'il vivait avec une Chetnik. Un jour, ils sont
25 entrés brutalement dans notre maison et ils ont emporté toutes les armes
26 qu'il y avait, parce qu'il était chasseur.
27 Q. Lorsque vous dites qu'ils sont brusquement entrés dans votre maison,
28 que voulez-vous dire par "ils" ?
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1 R. La police croate à ce stade.
2 Q. Où avez-vous habité à Belgrade ?
3 R. J'ai habité chez ma tante. La maison de ma tante, oui.
4 Q. Pendant combien de temps êtes-vous resté à Belgrade ?
5 R. Pratiquement jusqu'à la mi-octobre.
6 Q. Qu'avez-vous fait pendant ces mois à Belgrade ?
7 R. Je pourrais dire que, pour l'essentiel, je me cachais. Il y avait un
8 grand nombre de rumeurs. On avait vu beaucoup d'exemples de mobilisation
9 qui avait lieu à ce stade à Belgrade. Les gens étaient -- plus ou moins, on
10 les prenait dans la rue, on les emmenait -- enfin, ils étaient formellement
11 mobilisés à ce moment-là.
12 Nous savions que la guerre se poursuivait et on pouvait voir qu'il y
13 avait un grand nombre de militaires et un grand nombre de mouvements de
14 l'armée, un grand nombre de polices militaires, et donc nous ne faisions
15 pas grand-chose. Nous étions restés essentiellement dans la maison tout le
16 temps. Si on voulait sortir, il fallait juste aller au magasin rapidement.
17 Q. Où êtes-vous allé après Belgrade ?
18 R. Nous sommes allés à Bijeljina. Nous sommes allés en Bosnie.
19 Q. Qu'avez-vous fait à Bijeljina ?
20 R. On se sentait plus en sécurité là-bas parce que rien ne se passait. Il
21 n'y avait pas de guerre ou quoi que ce soit. Ma mère a demandé à être
22 considérée comme réfugiée, et donc nous avons pu obtenir cette maison pour
23 habiter à Bijeljina, de sorte que nous avons décidé de déménager. C'était
24 beaucoup plus sûr pour nous d'aller là-bas.
25 Q. Se fait-il que vous n'avez pas voulu être mobilisé dans la JNA ?
26 R. C'est exact. Ni moi, ni mon beau-père.
27 M. SMITH : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que brièvement
28 nous pourrions aller en audience à huis clos partiel ?
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Audience à huis clos partiel.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos
3 partiel, Monsieur le Président.
4 [Audience à huis clos partiel]
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25 [Audience publique]
26 M. SMITH : [interprétation]
27 Q. Combien de temps êtes-vous resté à Bijeljina ?
28 R. Pas très longtemps. De la mi-octobre au 4 novembre. Donc, je dirais de
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1 15 à 20 jours.
2 Q. Qu'est-ce que vous avez fait le 4 novembre ?
3 R. Je suis allé avec un de mes amis que j'avais rencontré à Bijeljina.
4 Nous sommes allés voir Sid. Enfin, nous avons décidé d'aller voir Sid.
5 J'avais entendu que l'un de mes amis vivait à Sid à ce moment-là, de sorte
6 que nous avons voulu aller voir quelqu'un qui y vivait et nous avons décidé
7 de prendre un train et de nous rendre à Sid.
8 Q. Je vais maintenant vous poser quelques questions concernant ce qui
9 s'est passé à Sid. Si vous pouvez jeter un coup d'œil sur la feuille de
10 papier devant vous et me dire si vous reconnaissez le nom de ces personnes
11 qui y figurent, ou si vous pouvez simplement utiliser la lettre.
12 R. Oui.
13 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre ce qui s'est passé lorsque vous êtes
14 arrivé à Sid ?
15 R. Lorsque nous sommes arrivés à Sid, j'ai remarqué qu'il y avait beaucoup
16 de militaires, je veux dire beaucoup de personnes en uniforme qui s'y
17 trouvaient. Il y en avait partout. Je ne pense pas que j'ai vu beaucoup de
18 civils, tout au moins d'hommes en vêtements civils. J'ai remarqué l'un de
19 mes amis, que je vais nommer comme étant la personne A sur la liste, qui
20 m'a reconnu et qui m'a demandé d'aller -- et bien, il a dit : "Bonjour.
21 Comment est-ce que tout va ?" Il a commencé une conversation. Il a dit :
22 "Bien, écoute, allons quelque part prendre un café." Donc, nous avons
23 décidé, allons-y.
24 En route vers le café, il a dit qu'il voulait aller prendre certaines
25 choses à la maison devant laquelle nous passions, de sorte que -- il a dit
26 : "Viens avec nous." Nous étions deux. Nous sommes entrés en poussant la
27 porte, et il y avait cet autre ami. J'ai remarqué qu'il y avait une sorte
28 de bureau de commandement militaire à ce stade.
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1 Ils sont devenus très agressifs à notre égard. Ils nous ont dit de
2 nous tenir là. C'est ce que j'ai fait à ce moment-là, je pense que peut-
3 être pendant 15 ou 20 minutes, peut-être un peu plus longtemps, je ne peux
4 pas donner la durée exacte, mais il est parti. Il y avait d'autres soldats
5 qui étaient là et ils m'ont mis sur un camion, un camion militaire.
6 Ils ont vérifié notre identité avant cela; excusez-moi, j'avais
7 oublié de le dire. Ils ont relâché mon ami parce qu'il était de Bosna. Ils
8 m'ont mis sur camion militaire avec trois ou quatre autres personnes
9 assises dans ce camion à l'arrière, avec deux gardes également sur ce
10 camion.
11 Q. Si je peux -- enfin, je vous remercie. Je voudrais vous arrêter là.
12 Vous avez dit qu'il y avait ce commandement militaire où il y avait
13 d'autres soldats qui étaient entrés. Est-ce que vous savez de quelle armée
14 ils étaient ou à quelle unité ou à quel type de groupe militaire ils
15 appartenaient ?
16 R. Je ne pourrais pas le dire, mais ils portaient un uniforme militaire
17 typique de la JNA. Je ne suis pas vraiment sûr.
18 Q. A cet endroit de commandement militaire, c'était une maison; c'est bien
19 cela ?
20 R. Oui, c'est exact.
21 Q. Est-ce qu'on vous a posé des questions dans cette maison ?
22 R. Non, si ce n'est de demander mon identité -- noter mon identité, un
23 certain nombre de détails, à savoir d'où j'étais. Mais pas tant de
24 questions.
25 Q. Est-ce qu'ils vous ont dit ce qui allait vous arriver ?
26 R. Non. On ne me l'a pas dit. On m'a simplement dit de monter dans le
27 camion.
28 Q. Les deux gardes dont vous avez parlé, est-ce qu'ils étaient sur le
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1 camion ? Que portaient-ils ? Savez-vous à quel groupe militaire ils
2 pouvaient appartenir ?
3 R. Ils portaient des uniformes militaires, mais leurs tenues n'étaient pas
4 vraiment en bon état. Pour autant que je me souvienne, ils portaient des
5 barbes. Je pourrais dire que je pense que c'étaient, en quelque sorte, des
6 réservistes, ce genre de personnel à ce stade. Mais ce n'est qu'une
7 hypothèse.
8 Q. Des réservistes de quelle armée ?
9 R. De la JNA.
10 Q. Les uniformes militaires, de quelle couleur étaient-ils ?
11 R. Ils étaient tous verts. Ils avaient des survêtements verts, des
12 ceinturons marron, des bottes noires. Ceci, pour moi, serait typiquement un
13 uniforme militaire.
14 Q. Vous avez peut-être déjà mentionné cela, mais pour les quatre autres
15 personnes qui se trouvaient sur le camion, est-ce que vous avez entendu des
16 renseignements généraux en ce qui les concernaient ?
17 R. Au début, lorsqu'on m'a fait monté dans le camion, on nous a dit de
18 nous taire, de garder le silence, de ne rien dire, de ne pas parler à moins
19 qu'on ne nous demande quelque chose. J'avais tellement peur à ce moment-là
20 que je ne savais pas quoi faire. En fait -- j'étais en vêtements civils à
21 ce stade et j'ai pensé, bon, je vais être mobilisé ou quelque chose. Je ne
22 sais pas ce qui se passe.
23 Par la suite, quand nous avons commencé à nous déplacer dans le
24 camion, je crois que nous sommes entrés dans la région où la guerre faisait
25 rage, nous sommes arrêtés dans quelle région, je ne sais pas. Nous nous
26 sommes arrêtés une ou deux fois. Je suppose que c'étaient des points de
27 contrôle, où les gardes descendaient du camion. En fait, ils restaient dans
28 le camion, mais ils descendaient un instant à ce point de contrôle. J'ai pu
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1 parler à l'un d'entre eux, et il a dit qu'il avait été relâché de la prison
2 de Mitrovica et qu'il était là pour peut-être une affaire de viol ou
3 quelque chose de ce genre. Il était prisonnier là-bas. C'est ce que j'ai
4 compris de ce qu'il était.
5 Q. Qu'en est-il des trois autres ? Est-ce que vous avez appris des
6 renseignements généraux les concernant ? Qui étaient-ils ?
7 R. A mon avis, je pense que tous venaient du même endroit. Il ne
8 s'agissait pas vraiment des gens qui parlaient, mais j'ai pu parler à l'un
9 d'entre eux. L'un d'entre a dit ceci.
10 Q. Je voudrais vous demander, s'il vous plaît, de ralentir encore un tout
11 petit peu parce que ce serait mieux pour le compte rendu. Il y a un certain
12 nombre de mots qui manquent de temps en temps.
13 R. Excusez-moi.
14 Q. Je vous remercie. Je pense que je devrais ralentir mes questions aussi
15 parce que moi-même aussi je vois qu'il manque un certain nombre de mots
16 dans ce que j'ai dit.
17 Vous avez dit que vous aviez pensé que vous étiez mobilisé. Mobilisé dans
18 quelle armée ?
19 R. Dans la JNA.
20 Q. Lorsque vous étiez à Belgrade et lorsque vous étiez à Bijeljina, est-ce
21 que vous regardiez les médias, la télévision, ou vous lisiez les journaux
22 pour ce qui se passait à Vukovar avant que vous n'alliez à Sid ?
23 R. Oui. Les médias faisaient état de la guerre et relataient ce qui se
24 passait à Vukovar et autour de la ville de Vukovar, et dans les villages
25 avoisinants de Vukovar. Les médias montraient la guerre, des photos de la
26 guerre, et il y avait des articles sur cela.
27 Q. La guerre opposait quels camps ?
28 R. D'après ce que j'ai cru comprendre de la télévision, j'ai cru
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1 comprendre que la JNA essayait de libérer Vukovar, qu'il essayait de la
2 libérer des organisations paramilitaires croates à ce moment-là.
3 Q. Vous avez dit que vous avez été placé dans un camion, que vous êtes
4 passé par des postes de contrôle. Où êtes-vous arrivé ?
5 R. Est-ce que je parle trop vite ?
6 Q. Non, je pense que votre cadence est meilleure maintenant.
7 R. Très bien. C'était la nuit lorsque nous sommes arrivés, et je me suis
8 retrouvé à Velepromet.
9 Q. Est-ce que vous aviez jamais été à Velepromet auparavant ?
10 R. J'avais vu cet endroit auparavant, oui.
11 Q. Comment est-ce que Velepromet était utilisée auparavant ?
12 R. D'après ce que je sais, Velepromet faisait office d'entrepôt.
13 Q. Est-ce que vous aviez jamais été à Velepromet avant que vous n'y
14 arriviez ce soir-là ?
15 R. Je pense que j'y avais été une ou deux fois, oui.
16 Q. Lorsque vous êtes arrivé à Velepromet, est-ce que vous pouvez relater à
17 la Chambre ce qui s'est passé au début ?
18 R. Tous les quatre, nous sommes descendus du camion. Les trois autres ont
19 été emmenés -- en fait, je ne sais pas où est-ce qu'ils les ont emmenés,
20 mais toujours est-il qu'à moi, ils m'ont dit de m'asseoir, de rester assis
21 et d'attendre. Ils m'ont pris mes papiers d'identité. Je me suis assis et
22 j'attendais que quelque chose se passe. Il y avait quelques gardes à la
23 porte. J'ai attendu pendant assez longtemps, dirais-je.
24 Q. Qui vous a pris vos documents d'identité ? Est-ce que c'est le garde
25 qui se trouvait dans le camion ? Est-ce que c'est quelqu'un de Velepromet ?
26 R. C'étaient les gardes de Velepromet.
27 Q. En ce qui concerne ces gardes, est-ce que vous savez à quel groupe ils
28 appartenaient ?
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1 R. A ce moment-là, je ne savais pas à quel groupe ils appartenaient. Plus
2 tard, j'ai appris qu'ils étaient tous de la Défense territoriale.
3 Q. La Défense territoriale de quelle armée, je vous prie ?
4 R. De Vukovar, je suppose. Je ne comprends pas votre question lorsque vous
5 me demandez de quelle armée.
6 Q. Vous avez raison. La question était mal formulée.
7 Est-ce que vous connaissiez l'appartenance ethnique de cette Défense
8 territoriale à laquelle vous faites référence ?
9 R. Je dirais --
10 Q. Quelle était l'appartenance ethnique ?
11 R. Serbe, je pense.
12 Q. Que s'est-il passé lorsqu'ils ont pris vos papiers d'identité ? Vous
13 attendiez, donc que s'est-il passé alors ?
14 R. Il y a un des gardes qui est venu me trouver et qui m'a dit : "Est-ce
15 que c'est ton nom ?" J'ai dit : "Oui." Il m'a dit : "Qu'est-ce que tu fais
16 ici ?" J'ai répondu : "Bien, je ne sais pas trop ce que je fais ici."
17 A ce moment-là, j'étais vraiment terrifié. Il a dit : "Nous, nous
18 savons ce que tu fais ici. Suis-moi." Puis, il m'a emmené dans une salle où
19 j'ai vu Zigic. Je suppose qu'il était commandant à ce moment-là. En tout
20 cas, c'est lui qui assumait le commandement dans cette salle.
21 Q. Est-ce que vous pourriez nous décrire la tenue vestimentaire de Zigic
22 ainsi que son apparence ?
23 R. Il portait un uniforme de la JNA. C'était une personne âgée, pour moi.
24 Il avait 40, 45 ans à ce moment-là. Il avait les cheveux gris. Voilà ce
25 dont je me souviens maintenant.
26 Q. Est-ce qu'il vous a posé des questions dans cette pièce ? Lorsque vous
27 répondez à ma question, ne parlez pas de quelque chose qui pourrait
28 divulguer votre nom.
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1 R. Oui, tout à fait. Il m'a demandé où se trouvait mon beau-père. Il m'a
2 demandé où est-ce que j'avais été tout ce temps-là, où se trouvait ma mère,
3 ce que je faisais là, comment est-ce que je m'étais retrouvé à cet endroit.
4 Il m'a demandé ce que je faisais à Vukovar, parce qu'apparemment quelqu'un
5 m'avait vu à Vukovar deux jours auparavant, sur une moto à Vukovar, alors
6 que les combats faisaient rage. Je n'avais aucune réponse. Je lui ai dit
7 que j'étais réfugié à Belgrade et que j'essayais de me protéger.
8 J'étais absolument mort de peur. Lorsque je n'avais pas de réponse à
9 lui fournir, il y avait dans la même pièce avec nous une personne qui me
10 frappait, parfois très, très fort. Il me frappait à la tête toujours.
11 Parfois, c'étaient des claques, parfois il me frappait très, très, très
12 fort. Une ou deux fois, il m'a frappé très, très fort à la tête, donc je
13 suis tombé par terre. Puis, il répétait les mêmes questions, pour
14 lesquelles je n'avais pas de réponses d'ailleurs. Il me frappait, il me
15 donnait des coups de pied dans l'estomac, et ensuite il me faisait rasseoir
16 sur la chaise et il me reposait les mêmes questions : où est ton beau-père,
17 est-ce que je ne savais pas qu'il avait fait des choses horribles au début
18 de la guerre. Je lui disais : Mais, ce n'est pas possible parce qu'il a
19 toujours été avec nous. Il est réfugié, mon beau-père. Je lui ai dit que ma
20 mère était serbe. J'ai essayé de me défendre dans la mesure du possible,
21 mais il ne voulait pas véritablement comprendre et écouter les réponses que
22 je lui fournissais.
23 Q. Merci. Je pense qu'il faudrait peut-être essayer de ne pas parler aussi
24 vite.
25 R. Oui, Monsieur.
26 Q. Cette personne qui vous frappait, est-ce que vous savez de qui il
27 s'agissait ?
28 R. A ce moment-là, non, je ne savais pas qui il était. Mais
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1 ultérieurement, lorsque je suis revenu à Velepromet deux semaines plus
2 tard, j'ai entendu dire qu'il s'agissait du garde du corps de Miroljub
3 Vujovic.
4 Q. Est-ce que vous pourriez nous répéter son nom de famille, je vous
5 prie ?
6 R. [aucune interprétation]
7 Q. Le nom de famille de Miroljub.
8 R. Je m'excuse. Miroljub Vujovic.
9 Q. Après ce passage à tabac, que vous est-il arrivé ?
10 R. J'ai été emmené -- je ne savais pas qu'il s'agissait d'une cellule de
11 prison, mais j'ai été emmené dans une pièce par deux gardes. Cette pièce se
12 trouvait de l'autre côté de l'enceinte de Velepromet. Ils m'ont placé dans
13 une pièce où se trouvaient une trentaine de personnes. D'après ce que j'ai
14 compris, il y avait une trentaine de personnes, parce que la pièce était
15 plongée dans la pénombre. J'entendais des voix de personnes. Ils ont fermé
16 la porte et ils ont cadenassé la porte à l'aide d'une chaîne.
17 Je n'ai pas été passé à tabac à ce moment-là, ou cette nuit-là
18 d'ailleurs. J'ai trouvé un endroit où m'allonger. Il n'y avait rien
19 d'ailleurs. Nous avons dormi tous à même le sol, sur du béton. Je pouvais
20 entendre par la fenêtre que j'avais de la chance qu'il y avait un type du
21 Kosovo qui n'était pas présent à ce moment-là à Velepromet et que s'il
22 était présent, il me réglerait mon compte et m'abattrait comme un poulet.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Lukic ?
24 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Monsieur les
25 Juges, d'après ce que je sais, nous continuons demain matin. Je regarde le
26 compte rendu d'audience, et le compte rendu d'audience ne sera peut-être
27 pas utile demain matin parce qu'il y a quand même beaucoup de vides et de
28 blancs dans ce compte rendu d'audience. Donc, j'aimerais vous demander de
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1 ne pas parler aussi vite que cela, et ce pour le compte rendu d'audience.
2 Parce qu'il y a tant de mots incomplets et de blancs sur ce compte rendu
3 d'audience que je ne sais pas comment nous allons pouvoir avoir tout cela
4 prêt pour demain matin. Si nous avions le temps de remplir les blancs, ce
5 ne serait pas un problème, mais j'aimerais que le bureau du Procureur
6 prenne la peine de s'exprimer moins rapidement.
7 M. SMITH : [interprétation] Je suis d'accord. Je pense --
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, nous comprenons tout à fait. Mais
9 vous pourriez peut-être demander au témoin de temps à autre de ralentir le
10 rythme.
11 M. SMITH : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je comprends qu'il a un débit assez
13 rapide et qu'au vu des circonstances, il parle encore plus rapidement.
14 M. SMITH : [interprétation] Oui, je vous remercie, Monsieur le Président.
15 Q. Monsieur, je pense qu'il faudrait que nous ne parlions pas aussi
16 rapidement parce que ce que vous nous dites est très, très important et il
17 faut que tout soit consigné au compte rendu d'audience.
18 R. Oui, Monsieur.
19 Q. Les deux gardes qui vous ont conduit dans cette pièce où vous avez
20 dormi, que portaient-ils ?
21 R. Je ne m'en souviens pas maintenant. Je ne m'en souviens vraiment pas.
22 Q. Dans la pièce où vous avez dormi, est-ce qu'il y avait des fenêtres ?
23 R. Il y avait des cadres de fenêtre, mais il n'y avait plus de fenêtre
24 parce qu'elles avaient été cassées, je suppose du fait de la guerre.
25 Q. Je pense que vous avez dit qu'il y avait une trentaine de personnes
26 dans cette pièce.
27 R. Oui, c'est ce que j'ai dit.
28 Q. Est-ce qu'il s'agissait d'hommes, de femmes, et quel était l'âge de ces
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1 personnes ?
2 R. Il y avait surtout des femmes, d'après ce que j'ai vu le lendemain
3 lorsqu'il faisait jour et lorsque j'ai pu voir à l'intérieur. Il n'y avait
4 pas beaucoup d'hommes, mais il y avait -- ces femmes avaient entre 60 et 70
5 ans, 65 ans.
6 Q. Est-ce qu'il y avait des matelas, par terre ?
7 R. Non. C'était tout simplement du béton, du ciment.
8 Q. Quelle était la température à ce moment-là ?
9 R. Il faisait très, très froid. Il ne neigeait pas et il ne pleuvait pas,
10 mais il faisait très, très froid, d'après ce dont je me souviens.
11 Q. Quelles étaient les conditions hygiéniques ? Je pense aux toilettes,
12 par exemple. Est-ce que vous aviez accès à des toilettes pendant la nuit ?
13 R. Non. Nous n'avions pas accès aux toilettes. Il y avait une poubelle au
14 milieu de la pièce que nous utilisions lorsque nous voulions l'utiliser,
15 mais nous avons utilisé la même poubelle.
16 Q. Le lendemain matin, que s'est-il passé ?
17 R. Ils nous ont laissé sortir. Il y avait une pièce adjacente à la pièce
18 où nous avions été détenus. Nous pouvions y marcher un peu, et on pouvait
19 voir ce qui se passait dans la cour de Velepromet -- enfin, de cet
20 entrepôt, mais rien d'autre. Les gardes étaient toujours là. Ils montaient
21 la garde. Il y avait des gens qui vaquaient à leurs occupations. Il y avait
22 des gens qui nettoyaient, d'autres qui coupaient du bois.
23 Q. Merci.
24 M. SMITH : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
25 Juges, je dirais, à propos du compte rendu d'audience, que lorsqu'il y a
26 ces blancs, parfois ce n'est pas que le témoin dise quelque chose. Je sais
27 que cela peut induire en erreur, mais ce n'est pas forcément qu'il y a des
28 choses qui ont été omises dans le compte rendu d'audience. Je viens de le
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1 remarquer déjà un certain nombre de fois. C'est juste que le témoin ne dit
2 rien.
3 Q. Est-ce que vous avez vu Zigic à nouveau ce jour-là ?
4 R. Oui, on m'a conduit dans son bureau plus tard ce jour-là.
5 Q. Vous a-t-il parlé de quelque chose, et le cas échéant de quoi vous a-t-
6 il parlé ?
7 R. A nouveau, il m'a posé les mêmes questions : qu'est-ce que je faisais
8 là-bas, qu'est-ce que je faisais dans le centre de Vukovar deux jours
9 auparavant sur une motorisée, où se trouvait mon beau-père, comment se
10 faisait-il que je me retrouvais là. Puis, il a dit : "Je n'ai pas encore
11 décidé ce que je vais faire de lui, donc faites-le sortir de cette pièce."
12 Q. Ce premier jour que vous avez passé à Velepromet, est-ce que vous avez
13 vu, à un moment donné, quelqu'un que vous connaissiez ?
14 R. Oui. J'avais vu l'une de mes connaissances de l'école.
15 Q. Est-ce que vous avez dit quelque chose à cette connaissance ?
16 R. J'ai essayé d'attirer son attention. J'ai essayé de lui parler, parce
17 que je connaissais cette personne. J'ai essayé de faire tout ce que je
18 pouvais faire pour attirer son attention, pour qu'il me remarque, mais il
19 n'était pas véritablement intéressé et il n'est pas venu me parler.
20 Q. Ce jour-là, est-ce que vous avez également vu un ami de votre famille ?
21 R. Oui, j'ai vu une personne qui se trouvait dans la cour de Velepromet.
22 Q. Est-ce que vous avez pu finalement parler à cette connaissance ? Est-ce
23 que vous avez pu lui demander de faire quelque chose ?
24 R. Oui, je l'ai fait. J'ai réussi à lui demander s'il pouvait parler à la
25 personne B parce que c'était un ami de ma famille, et j'ai essayé de sortir
26 coûte que coûte, de sauver ma vie aussi rapidement que je le pouvais. Oui,
27 il lui a parlé, effectivement.
28 Q. Est-ce que vous avez encore passé la nuit à Velepromet la deuxième
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1 nuit ?
2 R. Oui, Monsieur.
3 Q. Dans quelle pièce vous trouviez-vous ?
4 R. Nous étions dans la même pièce où l'on m'avait emmené la première nuit.
5 Q. Est-ce que les conditions étaient les mêmes, pas de matelas, et il
6 faisait froid ?
7 R. Rien n'avait changé. De toute façon, c'était la même chose tous les
8 jours.
9 Q. Que s'est-il passé le deuxième jour, après la deuxième nuit ?
10 R. La personne B est finalement venue me parler. Le premier jour, j'avais
11 réussi à prendre contact avec lui par l'entremise de cette connaissance,
12 mais il n'est pas venu me parler à ce moment-là. Le lendemain, il est
13 revenu et il m'a dit qu'il allait m'aider à sortir.
14 Il est allé parler à Zigic, et ils ont eu une altercation parce
15 qu'apparemment, je n'étais pas censé être libéré. Après un moment, il est
16 revenu et il a dit : "Ne te préoccupe pas, je vais te prendre avec moi et
17 je serai responsable de toi." Un plus tard, l'après-midi, j'ai été libéré
18 de cet endroit.
19 Q. Cette personne B, est-ce qu'il faisait partie d'un groupe militaire ?
20 R. Oui, Monsieur. Il faisait partie de la Défense territoriale.
21 Q. Où vous a-t-il emmené ?
22 R. Il m'a emmené chez lui, près d'un endroit qui s'appelle Petrova Gora.
23 C'est là que nous sommes allés.
24 Q. Avant que je ne vous pose des questions à propos de votre séjour dans
25 cette maison, je pense à la trentaine de personnes qui se trouvaient dans
26 la même pièce que vous à Velepromet. J'aimerais savoir si ces personnes ont
27 eu la possibilité de rester ou de quitter Velepromet ?
28 R. Non, je ne le pense pas, Monsieur. Nous sommes tous restés pendant la
Page 6091
1 nuit. Il faut savoir que la porte était cadenassée tout le temps, donc je
2 suppose qu'ils étaient là-bas en tant que prisonniers également.
3 Q. Est-ce que vous avez pu apprendre l'appartenance ethnique de ces
4 personnes ?
5 R. Non, Monsieur. Non, je ne l'ai pas appris.
6 Q. Pour ce qui est des deux jours que vous avez passés à Velepromet, est-
7 ce que vous avez vu ce qui se passait à Velepromet ? Il y avait un groupe
8 qui avait été enfermé dans une cellule, mais est-ce qu'il y avait d'autres
9 choses qui se passaient à Velepromet ?
10 R. Il y avait, au milieu de Velepromet, un endroit où il y avait une pompe
11 à essence. Je pouvais le voir très clairement de la pièce où je me
12 trouvais. Les camions arrivaient et faisaient le plein. Il y avait une
13 cuisine, et je suppose que cela faisait partie d'une cuisine publique. Les
14 soldats entraient et prenaient leurs repas. La plupart des camions
15 faisaient le plein. C'était en quelque sorte un endroit où ils venaient
16 faire le plein. Puis, il y avait des camions aussi qui partaient avec des
17 vivres à bord. Ce sont les camions que j'ai vus là-bas.
18 Q. Est-ce qu'il s'agissait de camions militaires de la JNA ou est-ce qu'il
19 s'agissait de camions d'autres groupes militaires ?
20 R. Non, je pense que c'étaient les camions de la JNA. Je le pense.
21 Q. A Velepromet, quels sont les types d'uniformes que vous avez vu portés
22 par les personnes ? Est-ce que vous pourriez nous les décrire ?
23 R. Il y avait plusieurs types d'uniformes. Il y avait des gens qui
24 portaient la tenue vestimentaire complète, donc la tenue verte de la JNA.
25 Il y en avait d'autres qui avaient des éléments de la tenue de la JNA avec
26 des redingotes de couleurs différentes ou des couvre-chefs tout à fait
27 différents. Il y avait plusieurs types d'uniformes. Il y avait également
28 des treillis de camouflage.
Page 6092
1 Q. Vous avez dit que les camions venaient faire le plein. Vous avez dit
2 que certains étaient des camions militaires de la JNA. Avec quelle
3 fréquence est-ce qu'ils venaient à Velepromet pour faire le plein pendant
4 les deux jours où vous vous y êtes trouvé ?
5 R. Je ne pense pas que je puisse vous fournir une réponse. Je n'en sais
6 rien. Peut-être que j'en ai vu une dizaine, une quinzaine. Je ne sais pas
7 d'ailleurs de quelle période vous parlez, Monsieur, ou quelle précision
8 vous voulez obtenir.
9 M. SMITH : [interprétation] Je souhaiterais que la pièce 262 soit placée
10 sur l'écran, je vous prie.
11 Est-ce que l'on pourrait agrandir cette photographie, je vous prie.
12 Merci.
13 Q. Monsieur, vous voyez cette photographie à l'écran, est-ce que vous la
14 reconnaissez ?
15 R. Oui, Monsieur. Il s'agit de l'entrepôt de Velepromet.
16 Q. Vous avez dit que vous avez été interrogé le premier soir lorsque vous
17 êtes arrivé à Velepromet et que vous avez été interrogé par Zigic. Est-ce
18 que vous pourriez apposer la lettre A sur cette photographie pour nous
19 indiquer la pièce où vous avez été interrogé ?
20 R. Oui.
21 Q. Avec la lettre A majuscule.
22 R. [Le témoin s'exécute]
23 Q. Est-ce que vous pourriez, avec la lettre B, nous indiquer la pièce où
24 vous avez dormi ?
25 R. Oui, Monsieur. [Le témoin s'exécute]
26 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
27 Juges, je m'excuse.
28 J'ai réagi un peu plus tôt parce que nous n'avions pas la lettre A. Nous
Page 6093
1 voyons la lettre B très clairement, mais la lettre A, nous ne la voyons
2 pas. Maintenant, nous la voyons. Je vous en remercie.
3 M. SMITH : [interprétation]
4 Q. Monsieur, vous avez également parlé d'une pièce qui servait à faire de
5 l'exercice, où vous avez été conduit pendant la journée. Est-ce que vous
6 pourriez nous l'indiquer grâce à la lettre C, je vous prie ?
7 R. Oui. Voilà. Il y avait un mur là qui séparait cela, et la pièce était
8 là.
9 Q. Merci. Monsieur, cette trentaine de personnes, que faisaient-elles
10 pendant qu'elles étaient à Velepromet ?
11 R. Pendant que j'y ai été, pendant ces deux jours, j'ai vu qu'elles
12 nettoyaient la cour, qu'elles coupaient du bois. Il s'agit d'activités
13 physiques. Voilà ce que j'ai observé. Voilà ce que faisaient ces personnes.
14 Q. Est-ce que savez où est-ce qu'ils coupaient du bois, sur cette
15 photographie ?
16 R. Où est-ce qu'ils coupaient du bois ?
17 Q. Oui.
18 R. Oui. Est-ce que vous voulez que j'appose une lettre ?
19 Q. Oui, la lettre D, je vous prie.
20 R. [Le témoin s'exécute]
21 Q. Donc, ils coupaient du bois à l'intérieur de ce bâtiment ?
22 R. Oui. En fait, il y avait trois pièces et il y avait un mur qui
23 divisait, pour la troisième pièce. Puis, il y avait également une salle de
24 bain que nous avions le droit d'utiliser pendant la journée.
25 Q. Vous avez donc divisé le bâtiment en différentes pièces grâce aux
26 lignes rouges ?
27 R. Oui, Monsieur.
28 Q. Vous avez mentionné les camions militaires qui venaient faire le plein.
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1 Est-ce que vous savez plus ou moins où est-ce qu'ils le faisaient ?
2 R. Oui, Monsieur. Ici, précisément.
3 Q. Est-ce que vous pourriez nous mettre la lettre E et un cercle autour de
4 cet endroit.
5 R. [Le témoin s'exécute]
6 Q. Merci.
7 M. SMITH : [interprétation] Je souhaiterais verser cette photographie au
8 dossier.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce à conviction 275.
11 M. SMITH : [interprétation]
12 Q. Monsieur, un peu plus tôt, vous nous avez dit que la personne B, qui
13 était une de vos connaissances, avait pu convaincre Zigic de vous libérer;
14 est-ce que cela est exact ?
15 R. La personne que je connaissais a parlé à la personne B et elle a
16 convaincu Zigic, oui.
17 Q. La personne B était un ami de votre famille; est-ce exact ?
18 R. Oui, c'est exact, Monsieur.
19 M. SMITH : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
20 Juges, je souhaiterais que nous passions à huis clos partiel pendant un
21 petit moment.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel.
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
24 partiel.
25 [Audience à huis clos partiel]
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27 (expurgé)
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3 (expurgé)
4 [Audience publique]
5 M. SMITH : [interprétation]
6 Q. Témoin, nous allons parler de cette personne comme étant la personne B.
7 Il vous a remmené dans la maison; est-ce exact ?
8 R. Oui. La maison qu'ils utilisaient pendant la guerre, là où ils étaient
9 pendant toutes les activités qui ont eu lieu là-bas.
10 Q. A quelle distance cela se trouvait par rapport à Velepromet ?
11 R. Je dirais dix minutes à pied, à peu près, de Velepromet.
12 Q. Cette maison, est-ce qu'elle se trouvait dans la région serbe ou dans
13 la région croate de Vukovar ?
14 R. Je dirais plutôt dans la région serbe de Vukovar.
15 Q. En ce qui concerne le quartier où se trouvait cette maison, est-ce que
16 vous pourriez nous dire si ces quartiers étaient endommagés, et cetera ?
17 R. Non. Je ne dirais pas qu'il y a eu des dégâts dans ces quartiers
18 précisément.
19 Q. Quel était l'accord que vous aviez avec cette personne B ?
20 R. [aucune interprétation]
21 Q. Est-ce qu'il devait normalement vous sortir de Velepromet ? Est-ce que
22 vous deviez faire quelque chose ensuite ?
23 R. D'après ce que j'ai compris, il devait être responsable de moi. Je
24 devais rester chez lui dans sa maison, et ensuite il devait m'emmener chez
25 ma mère en toute sécurité. C'est exactement ce qu'il a dit, mot pour mot.
26 Q. Quand vous êtes arrivés dans sa maison, est-ce que sa famille y était ?
27 R. Oui. Son épouse et ses deux fils.
28 Q. Sans dire leurs noms, il y avait aussi trois autres personnes qui
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1 étaient dans la maison ?
2 R. Oui. C'est tout à fait exact.
3 Q. Est-ce que c'étaient des hommes, ces trois autres personnes ?
4 R. A l'époque, oui.
5 Q. Est-ce qu'ils avaient un rôle à jouer dans le conflit à Vukovar à
6 l'époque, ces personnes de sexe masculin qui étaient dans la maison ?
7 R. Oui. D'après ce que j'ai compris, c'étaient des soldats à l'époque.
8 Q. Est-ce qu'ils étaient dans la Défense territoriale, tout comme la
9 personne B, ou vous ne le saviez pas ?
10 R. Non. A l'époque, je ne le savais pas.
11 Q. Comment ces gens qui étaient dans la maison ont réagi en vous voyant
12 dans la maison ?
13 R. C'était une réaction un peu mitigée. Ils ne me faisaient pas vraiment
14 confiance, je pense, à cause de mes origines. Enfin, ils étaient bien, ils
15 étaient corrects. Ils n'étaient pas vraiment particulièrement désagréables
16 ou quoi que ce soit. Mais j'ai ressenti quand même une certaine tension.
17 Q. Est-ce que vous êtes resté dans cette maison jusqu'à la chute de
18 Vukovar ?
19 R. Oui, effectivement.
20 Q. A quelle date, d'après vous, Vukovar est-elle tombée ?
21 R. D'après moi, c'était le 18 novembre.
22 Q. Entre le moment où vous êtes arrivé dans cette maison jusqu'au 18
23 novembre, que faisiez-vous ?
24 R. J'étais en général chez moi dans la maison. Je sortais deux ou trois
25 fois par jour jusqu'à la cuisine commune pour prendre un repas avec
26 d'autres civils de la région. Je m'occupais de ses enfants et je restais en
27 général dans la maison, sans bouger.
28 Q. Les trois autres hommes, que faisaient-ils ?
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1 R. Ils partaient vers 6 heures du matin ou 7 heures du matin et ils
2 s'occupaient de leurs affaires.
3 Q. Saviez-vous ce qu'ils faisaient à l'époque ?
4 R. Non, Monsieur, je ne le sais pas.
5 Q. Est-ce que vous avez jamais été mobilisé pour faire partie de la
6 Défense territoriale pendant que vous étiez dans cette maison ?
7 R. Le lendemain, oui, Monsieur. Le lendemain, un certain Zarko Amidzic est
8 venu me voir et il m'a dit que je devais normalement prendre un uniforme si
9 je voulais rester là-bas et prendre une arme. Il y avait une personne qui
10 était parfaitement contre cela. Je ne sais pas si c'était parce qu'il ne
11 voulait pas que je fasse partie de ces troupes ou parce qu'il ne me faisait
12 pas confiance.
13 Ensuite, deux soldats sont venus et ils m'ont envoyé au lieu de
14 commandement qui se trouve à Petrova Gora. Ils m'ont dit qu'il fallait
15 absolument que je mette un uniforme et que je prenne une arme, et
16 effectivement je suis devenu membre de la Défense territoriale.
17 Q. Cette personne qui est venue vous voir en premier, quel était son nom
18 de famille ?
19 R. Amidzic.
20 Q. Et les deux soldats qui vous ont dit de vous rendre au poste de
21 commandement, d'où venaient-ils ?
22 R. C'étaient les gens du cru, même s'ils portaient les uniformes de la
23 JNA. Mais je dirais plutôt qu'ils étaient membres de la Défense
24 territoriale.
25 Q. Et l'uniforme que vous avez reçu, quel était cet uniforme ?
26 R. C'était un vieil uniforme de la JNA couleur vert olive.
27 Q. Vous avez dit que Zarko est venu vous parler et ensuite vous avez dit
28 que la personne B, je pense, que la personne B ne voulait pas que vous
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1 soyez mobilisé; est-ce exact ?
2 R. Oui, c'est exact.
3 Q. Pourquoi l'a-t-il fait ?
4 R. Parce qu'il ne voulait pas que je porte des armes. Il a dit "que je
5 n'étais pas là pour cela." Il m'a dit "qu'il était entièrement responsable
6 de moi et qu'il fallait que je reste dans la maison, qu'il allait me
7 ramener chez moi, chez ma mère et me garder en vie."
8 Q. Finalement, vous recevez une arme au commandement de la Défense
9 territoriale ?
10 R. Oui, effectivement. J'ai reçu un uniforme et ensuite une arme, un fusil
11 M-48.
12 Q. Est-ce que vous l'avez gardé ?
13 R. Non. (expurge) l'a pris tout de suite et il m'a dit qu'il allait l'utiliser
14 pour la chasse.
15 M. SMITH : [interprétation] Je voudrais demander que l'on expurge à la
16 ligne 2, de la page 37.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous pouvez me dire à quel moment vous
18 souhaitez prendre une pause ?
19 M. SMITH : [interprétation] Maintenant, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons prendre une
21 pause de 20 minutes.
22 Je voudrais demander que cette expurgation soit faite en 20 minutes. Si
23 ceci n'est pas possible, nous allons être obligés de prendre une pause
24 d'une demi-heure.
25 M. SMITH : [interprétation] Je crois que c'est possible.
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons reprendre nos travaux à 18
27 heures 25.
28 --- L'audience est suspendue à 18 heures 07.
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1 --- L'audience est reprise à 18 heures 27.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Smith, c'est à vous.
3 M. SMITH : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Q. Témoin, avant la suspension de séance, vous avez dit que vous avez reçu
5 l'ordre de prendre un uniforme et une arme du centre du commandement de la
6 Défense territoriale, et que cette personne B a décidé de vous la
7 reprendre; est-ce exact ?
8 R. C'est exact.
9 Q. Vous avez également dit que, pendant cette période de 11 jours pendant
10 laquelle vous avez été à la maison de cette personne B, pour l'essentiel,
11 vous restiez dans la maison plutôt que d'aller à cette cuisine publique,
12 disons deux ou trois fois par jour; est-ce exact ?
13 R. Nous y allions seulement pour des repas, mais en fait nous restions --
14 je restais la plupart du temps à la maison, oui.
15 Q. Quelle était la distance, à peu près, entre cette cuisine publique par
16 rapport à la maison dans laquelle vous vous trouviez et qui la dirigeait ?
17 R. Je pense que c'était la Défense territoriale ou -- je pense la Défense
18 territoriale, et c'est environ à trois minutes de marche de la maison où
19 nous nous trouvions.
20 Q. Est-ce que c'était seulement la Défense territoriale qui utilisait
21 cette cuisine publique ou est-ce qu'il y avait un autre groupe militaire
22 qui s'en servait aussi ?
23 R. J'ai vu un grand nombre de personnes qui venaient là. Je ne peux pas
24 dire quels étaient les groupes militaires qui s'en servaient.
25 Q. Pendant cette période de 11 jours, est-ce que vous portiez un
26 uniforme ?
27 R. Oui. Dans la maison, oui.
28 Q. Même quand vous vous rendiez dans la cuisine publique, commune ?
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1 R. Oui, j'étais obligé.
2 Q. Pourriez-vous aux Juges comment vous sentiez-vous du point de vue de
3 sécurité et ce que vous faisiez dans la maison ?
4 R. J'étais un peu soulagé parce que j'avais quelqu'un qui s'occupait de
5 moi à l'époque. Je ne me sentais pas vraiment en sécurité quand j'allais
6 là-bas parce que les gens parfois me montraient du doigt en disant : "Oui,
7 oui, je sais qui est-ce," quelque chose dans ce sens-là. Je ne peux pas
8 vraiment dire que la sécurité était au point -- je ne me sentais pas en
9 sécurité quand j'y allais tout seul, donc j'y allais toujours accompagné.
10 Mais dans la maison et autour de la maison, je me sentais bien.
11 Q. Est-ce que vous pourriez nous expliquer pour quelle raison vous ne vous
12 sentiez pas en sécurité, par opposition aux autres personnes qui faisaient
13 partie de la Défense territoriale ?
14 R. Je dirais que c'est à cause de mes origines ethniques, parce que les
15 gens savaient qui j'étais.
16 Q. Quand vous parlez de vos origines, vous parlez de vos origines
17 ethniques ?
18 R. Oui, effectivement. A cause de mon appartenance ethnique.
19 Q. Vous avez dit que Vukovar est tombé le 18 novembre. La veille, on a
20 emmené une femme dans la maison où vous habitiez. Est-ce que quelqu'un l'a
21 emmenée là-bas ?
22 R. Oui, c'est exact.
23 Q. Est-ce que vous pourriez dire aux Juges de la Chambre ce qu'elle a dit
24 de ce qu'elle a vécu à Vukovar ?
25 R. Elle a dit que pendant qu'elle était à Vukovar pendant la guerre, elle
26 a dit que son mari est décédé puisqu'il a essayé d'aller chercher de l'eau
27 dans un puits. Il est mort à cause d'un obus, et elle a survécu. Elle l'a
28 enterré. Ce qui était vraiment surprenant pour nous, c'est qu'elle nous a
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1 dit que, même juste quelques jours auparavant, elle a pu se rendre dans un
2 grand magasin à Vukovar pour acheter de la marchandise là-bas. Cela nous
3 semblait être complètement incroyable. On n'arrivait pas à y croire. Mais
4 elle nous l'a dit, elle a dit qu'elle l'a fait. Cela étant dit, je ne sais
5 pas si elle disait la vérité. En tout cas, c'est ce qu'elle a dit.
6 Q. Pourquoi cela vous paraissait si incroyable que cela ?
7 R. A cause de tous ces obus qui tombaient sans arrêt, sans arrêt partout.
8 Vous pouviez les entendre jour et nuit. Cela commençait tôt le matin et
9 cela se terminait tard dans la nuit, et toute la nuit. Je ne vois pas
10 comment qui que ce soit pouvait se sentir en sécurité pour aller faire ses
11 courses, marcher dans la rue et aller faire ses courses.
12 Q. Cette femme, saviez-vous si elle était serbe ou croate ? Quelle était
13 son origine ethnique ?
14 R. Cela, je n'en suis pas sûr.
15 M. SMITH : [interprétation] Pourrais-je demander que l'on place sur l'écran
16 la pièce 156. Je voudrais que l'on élargisse le centre-ville. Merci.
17 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous reconnaissez ce que l'on voit sur
18 l'écran ?
19 R. Oui, Monsieur. Il s'agit de la carte du plan de Vukovar.
20 M. SMITH : [interprétation] Je voudrais demander que l'on passe à huis clos
21 partiel, s'il vous plaît.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous sommes à huis clos
23 partiel.
24 [Audience à huis clos partiel]
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13 Pages 6103-6111 expurgées. Audience à huis clos partiel.
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23 --- L'audience est levée à 18 heures 56 et reprendra le jeudi 16 mars 2006,
24 à 9 heures 00.
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