Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 25 mai 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 37.

6 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

7 Malheureusement, ce sera encore une journée sans le Juge Parker. Le Juge

8 Thelin et moi-même, conformément aux Règlements siégerons seuls.

9 Monsieur Moore, vous avez la parole.

10 M. MOORE : [interprétation] Bonjour, notre témoin suivant est Mme Florence

11 Hartmann.

12 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Madame Hartmann, veuillez

13 vous lever et prononcer la déclaration solennelle qui vous est présentée.

14 LE TÉMOIN : Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la

15 vérité et rien que la vérité.

16 LE TÉMOIN : FLORENCE HARTMANN [Assermentée]

17 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Merci beaucoup, vous pouvez

18 vous rasseoir.

19 Monsieur Moore.

20 M. MOORE : [interprétation] Merci beaucoup.

21 Interrogatoire principal par M. Moore :

22 Q. [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, décliner votre identité.

23 R. Florence Hartmann.

24 Q. Je crois qu'il est exact de dire que vous êtes née le 17 février 1963,

25 est-ce que c'est exact ?

26 R. [hors micro]

27 Q. Il est également exact que vous avez demandé à déposer en français.

28 R. [hors micro]

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1 Q. J'aimerais que nous parlions de votre parcours. Il est vrai, n'est-ce

2 pas que vous êtes journaliste de profession, n'est-ce pas ?

3 R. [hors micro]

4 Q. S'agissant de questions qui vous concernent personnellement, assez

5 rapidement, il est exact n'est-ce pas que vous êtes diplômée en littérature

6 et civilisations étrangères de l'Université de Paris, en 1985 ?

7 R. [hors micro]

8 Q. Vous vous êtes mariée en 1986, vous vous êtes mariée à Belgrade, n'est-

9 ce pas ?

10 R. [hors micro]

11 Q. Votre époux, quelle langue parlait-il ?

12 R. Il est d'origine ex-yougoslave et sa langue maternelle est le B/C/S.

13 Q. En 1988, vous avez eu un enfant, un petit garçon, et en 1989 une petite

14 fille; vous avez deux enfants ?

15 R. [hors micro]

16 Q. Est-ce que vos deux enfants sont nés dans l'ex-Yougoslavie ?

17 R. Ils sont nés en France.

18 Q. Maintenant, j'aimerais que nous parlions de la période qui va de 1986 à

19 1990. Où viviez-vous à l'époque ?

20 R. Principalement en ex-Yougoslavie. Mais je souhaitais que mes enfants

21 naissent en France.

22 Q. Si on devait faire une estimation du temps que vous avez passé en ex-

23 Yougoslavie entre 1986 et 1990, quelle est la proportion du temps que vous

24 avez passé en ex-Yougoslavie ?

25 R. Les trois-quarts de l'année en ex-Yougoslavie.

26 Q. Quelle langue parliez-vous à la maison avec votre mari ?

27 R. Le B/C/S. Principalement.

28 Q. J'aimerais maintenant que nous parlions de votre travail, de vos

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1 activités professionnelles pendant cette époque. Quel était votre emploi

2 entre 1986 et 1990 ?

3 R. Free-lance. Je n'avais pas d'employeur précis. Je travaillais sur la

4 presse et les événements en ex-Yougoslavie pour différentes personnes.

5 Q. Quand vous dites que vous travailliez pour "diverses personnes",

6 pouvez-vous nous dire quels types d'activités vous avez accomplies pour ces

7 personnes ?

8 R. -- presse des événements en ex-Yougoslavie à travers la presse

9 principalement, pour des ambassadeurs et également pour l'envoyé spécial du

10 journal Le Monde, pour lequel je travaillerais ensuite.

11 Q. Pendant cette période, en tant que journaliste free-lance, est-ce que

12 vous avez interviewé des politiques dans le cadre de votre travail ?

13 R. Pas précisément, non.

14 Q. Dans ces conditions, comment se fait-il que vous fussiez free-lance ?

15 Free-lance en quoi ?

16 R. Ce n'était pas pour une rédaction précise. Dans le cadre de mes

17 activités, lorsque je vivais en ex-Yougoslavie, je suivais la presse, donc

18 j'assistais à des journalistes qui venaient, notamment du Monde pour les

19 briefer sur les événements en ex-Yougoslavie, la couverture de ces

20 événements dans la presse, faire une revue de presse pour ces personnes-là,

21 choses que je faisais également pour des ambassades en signalant les

22 événements importants, les interviews importantes de personnalités dans les

23 différents journaux, donc par rapport à des sources publiques.

24 Q. Merci beaucoup. J'aimerais que nous parlions maintenant de la période

25 qui part de l'année 1992. Il est exact, n'est-ce pas, qu'en octobre vous

26 avez appris qu'il y avait eu une conférence de presse à Zagreb au cours de

27 laquelle on avait annoncé qu'un charnier aurait été trouvé dans la zone de

28 Vukovar; est-ce exact ?

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1 R. [hors micro]

2 Q. A ce moment-là, est-ce que vous avez rédigé des notes pour vous aider

3 dans votre travail de journaliste ?

4 R. [hors micro]

5 Q. Oui. Est-ce que vous avez rédigé des notes ? Est-ce que vous aviez un

6 calepin, un cahier, qui vous servait pour faire votre travail de

7 journaliste ?

8 R. Je tiens à préciser que je suis devenue journaliste permanente pour Le

9 Monde en 1990. Dans ce cadre-là, dans mon travail de journaliste pour une

10 rédaction, j'ai effectivement pris tout le temps des notes de mes

11 rencontres, de mes interviews ou de mes reportages.

12 Q. Nous parlerons du Monde et de votre travail au Monde, mais je voudrais

13 que nous parlions de votre carnet.

14 R. [hors micro]

15 Q. Il est exact, n'est-ce pas, que je vous ai remis une liasse de

16 documents où ont été photographiés divers documents qui vous concernent,

17 est-ce exact ?

18 R. [hors micro]

19 M. MOORE : [interprétation] J'indique que nous avons également des copies

20 pour la Défense et pour les Juges. Mais bien entendu, nous n'avons besoin

21 que de deux liasses pour les Juges aujourd'hui.

22 Q. Je vous demande de laisser les documents de côté et d'écouter mes

23 questions. J'aimerais que vous examiniez la liasse de documents que vous

24 avez sous les yeux parce que ce qui m'intéresse c'est la manière dont les

25 documents ont été organisés, ont été préparés pour qu'il n'y ait aucun

26 malentendu. Tous ces documents portent un numéro de référence et nous avons

27 une table des matières avec six intercalaires. A l'intercalaire numéro 1,

28 il y a les notes manuscrites, et on voit que sur le tableau, il y a ensuite

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1 la date du document. Il en va de même pour tous les documents qui figurent

2 dans cette liasse. Je pense qu'il serait utile pour tout le monde de tracer

3 une ligne entre les intercalaires 3 et 4, puisque là on passe à une période

4 de temps complètement différente.

5 Parlons d'abord de l'intercalaire numéro 1. Je signale à l'attention

6 des Juges que nous avons préparé les documents de la manière suivante :

7 c'est-à-dire que nous avons au début les photocopies des notes manuscrites.

8 Puis, au fur et à mesure que l'on feuillette les pages, on devrait trouver

9 la traduction des notes en anglais et en B/C/S. Je le signale à l'attention

10 de tout le monde pour que l'on sache exactement de quoi il s'agit. Ce sont

11 des documents que mes collèges de la Défense ont déjà vus.

12 Parlons maintenant de la manière dont ces documents ont été créés, Madame

13 le Témoin. L'intercalaire numéro 1, tout d'abord, je vous prie.

14 R. [interprétation] Oui.

15 Q. Je vais faire référence aux numéros. Est-ce que vous voyez le numéro

16 0469-2369 ? Est-ce que vous le voyez ? C'est sur le côté.

17 R. Oui.

18 Q. Est-ce qu'il s'agit là de la première page de votre carnet au sujet du

19 27 octobre ?

20 R. [hors micro]

21 Q. J'aimerais que nous parlions du carnet et des événements qui en ont

22 découlé dans l'ordre chronologique. Parlons d'abord du mois d'octobre. Est-

23 ce qu'au mois d'octobre, vous avez assisté -- ou est-ce que vous êtes allée

24 dans la zone de Vukovar ?

25 R. [hors micro]

26 Q. Pourquoi êtes-vous allée dans la région de Vukovar ?

27 R. [interprétation] Quand ou pourquoi ?

28 Q. Pourquoi.

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1 R. Parce que la Commission des droits de l'homme des Nations Unies avait

2 annoncé avoir découvert un charnier dans la région de Vukovar sans plus de

3 détails.

4 Q. Est-ce qu'on peut éviter d'éteindre et d'allumer constamment mon micro,

5 parce que cela me gène.

6 J'aimerais qu'on parle de la première entrée qui figure dans votre

7 carnet du 27 octobre 1992.

8 R. [hors micro]

9 Q. Veuillez avoir l'amabilité de donner lecture de ce passage à partir de

10 l'original, si vous l'avez, ou à partir de la photocopie ?

11 R. [hors micro]

12 Q. Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, donner lecture de l'entrée

13 consacrée au 27 octobre 1992, la première chose que vous avez écrit à ce

14 sujet ?

15 R. "L'enquête de l'ONU dirigée par Mazowiecki, deux médecins légistes et

16 un spécialiste des exécutions sommaires. Dr Clyde Snow a déclaré jeudi à

17 Zagreb que plusieurs squelettes avaient été trouvés et semblent indiquer la

18 présence d'un charnier pas touché avant la venue d'une commission

19 internationale d'experts. La FORPRONU a été chargée d'assurer la garde nuit

20 et jour."

21 "22 octobre, jeudi, annonce officielle. Refuser de dire où cela se

22 trouve 'pour des raisons évidentes.'"

23 "Nous avons suivi la trace de témoignages faisant état, en 1991,

24 d'exécutions extrajudiciaires."

25 Q. J'aimerais que nous parlions de cette entrée qui figure dans votre

26 carnet. Je voudrais savoir à quel moment vous l'avez écrite.

27 R. C'était en octobre 1992 pendant mon trajet de Belgrade en direction de

28 Vukovar.

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1 M. MOORE : [interprétation] J'ai des problèmes avec mon micro, parce je ne

2 sais pas si l'on entend tout à fait bien mes questions, parce que mon micro

3 est sans cesse coupé.

4 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Il n'y a aucun problème de

5 mon côté. Cela semble marcher.

6 M. MOORE : [interprétation] Alors, c'est sans doute mon micro.

7 Q. Nous allons parler de l'entrée au sujet de l'ensemble des indices.

8 Quels indices avez-vous suivis à Vukovar ?

9 R. Le témoignage d'un survivant, apparemment, qui avait été publié dans un

10 journal croate, Vjesnik, le 2 octobre et qui était extrêmement précis.

11 Lorsque plus tard en octobre, Mazowiecki et les membres de la Commission de

12 l'ONU ont annoncé avoir trouvé un charnier dans la région de Vukovar.

13 Il était possible qu'il y ait un lien entre ces deux informations.

14 C'est la raison de mon reportage, c'est vérifier si les témoignages publiés

15 dans Vjesnik qui faisaient un lien entre un charnier dans la région de

16 Vukovar et les disparus de l'hôpital, était le charnier retrouvé par la

17 Commission des droits de l'homme de l'ONU qui n'avait pas voulu donner de

18 détails.

19 Mon reportage avait donc pour but de révéler l'énigme sur les

20 disparus de l'hôpital de Vukovar.

21 Q. Merci beaucoup. Quand vous êtes allée à Vukovar, est-ce que vous y êtes

22 allée toute seule ou est-ce que vous y êtes allée avec quelqu'un ?

23 R. Avec une collègue de l'AFP, de l'agence France-Presse qui était basée

24 également à Belgrade et qui parlait également le B/C/S.

25 Q. Pouvez-vous nous donner son nom ?

26 R. Hélène Despic-Popovic.

27 Q. Parlons du moment où vous êtes allée à Vukovar vous-même et à

28 l'itinéraire que vous avez emprunté. Pouvez-vous, s'il vous plaît, vous

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1 reporter à la page 0469-2371 ? Vous avez trouvé la page ?

2 R. Oui.

3 Q. Pouvez-vous donner lecture de cette entrée, s'il vous plaît ? Ensuite,

4 je vous poserai un certain nombre de questions au sujet des conclusions que

5 vous avez tirées.

6 R. "Beaucoup d'autres, en dessous, doivent être".

7 La phrase n'est pas complète, ce sont des notes.

8 Q. Veuillez avoir l'amabilité de vous reporter à la page précédente. Avec

9 la phrase : "En novembre 1991." C'est exact, n'est-ce pas ?

10 R. Cette phrase mais -- c'est la fin de la phrase de la page précédente.

11 C'est lié à la date des exécutions extrajudiciaires présumées, à l'époque

12 présumées.

13 Q. Je sais. J'essaie de procéder par ordre. Donc novembre 1991, à Vukovar,

14 qui est écrit ici, c'est en rapport avec la page précédente, n'est-ce pas ?

15 R. [hors micro]

16 Q. Sur l'original, il y a ensuite un trait. Pourquoi voit-on ici ce

17 trait ?

18 R. -- qui est dans le domaine public déjà, tandis que la partie sous le

19 trait concerne les informations que je suis en train de recueillir lors de

20 mon reportage.

21 Q. J'aimerais que l'on parle de cette page 2 370 et en commençant par la

22 phrase : "En chemin vers Vukovar." Est-ce que vous voyez cela?

23 R. [hors micro]

24 Q. Je vais vous demander de donner lecture de ce passage, s'il vous plaît.

25 R. "Entre sorties de Vukovar vers la caserne, passe le lieu-dit Ovcara-

26 Grabovo, après le creux de la route à gauche, un bosquet, au bout du

27 bosquet, au bord d'un champ qui a été labouré. C'est gardé par six soldats

28 russes de la FORPRONU qui en interdisent l'accès. Ils ont vu des crânes,

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1 des membres qui sortaient du sol détrempé par la pluie."

2 Q. Passons à la page suivante, je vous prie, page 2 371 pour terminer la

3 lecture de ce passage.

4 R. "Beaucoup d'autres doivent être en dessous."

5 Q. Est-ce que vous arrivez à lire ce que vous avez écrit, à vous relire,

6 ensuite ?

7 R. "Les spécialistes ont constaté la présence d'un charnier mais aucune

8 équipe d'exhumation ne devrait venir avant le printemps." C'est une

9 citation aussi, on voit les guillemets. "D'ici là, cela doit être sous

10 garde. Dans le creux, on ne voit rien, on ne voit pas les camions de

11 l'ONU."

12 Q. Oui, j'aimerais que nous parlions de cette entrée. Je voudrais vous

13 demander à quel moment vous avez rédigé ceci.

14 R. Donc, le 27 octobre 1992.

15 Q. Merci. Pourquoi êtes-vous allée dans la zone, cette zone d'Ovcara-

16 Grabovo ?

17 R. -- témoignage du survivant qui était présenté dans l'article publié

18 dans Vjesnik le 2 octobre 1992. Avait utilisé le nom, un pseudonyme Ivan,

19 donnait ces précisions dans cet article. Donc, nous avions l'article avec

20 nous et nous suivions toutes les informations qui étaient données.

21 Notamment, il y avait à Ovcara, il se souvenait avoir été emmené dans un

22 camion depuis Ovcara en direction de l'étang de Grabovo. Le témoignage

23 d'Ivan précisait que sur la route, ils avaient tournés à gauche, avant donc

24 l'étang de Grabovo. Nous faisions exactement le chemin décrit par le

25 témoin.

26 Q. J'aimerais que vous examiniez la pièce 256/20.

27 M. MOORE : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait la voir s'il vous plaît ?

28 Nous y voici. Malheureusement, mon écran n'est pas très bon, comme

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1 d'habitude.

2 Q. C'est une photographie, nous le savons, du hangar d'Ovcara et juste

3 pour donner des précisions je vais signaler qu'il y trois toits argentés et

4 il y a une route qui va de gauche à droite. Est-ce que vous reconnaissez

5 cette photographie particulière et cet itinéraire ?

6 R. [hors micro]

7 Q. Et alors vous parlez --

8 R. [hors micro]

9 Q. -- d'aller vers Ovcara Grabovo et en allant vers un secteur boisé, est-

10 ce que c'est une photographie qui peut vous aider dans ce processus ?

11 R. [hors micro]

12 Q. Ce que je voudrais que vous fassiez, s'il vous plaît, nous avons un

13 stylo magique et un écran magique qui vous permet de toucher un endroit et

14 cela laisse une marque. On va vous montrer comment cela marche.

15 R. [hors micro]

16 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, lentement passer la ligne de

17 l'itinéraire que vous avez suivi pour autant que vous puissiez vous en

18 rappeler et expliquer, au fur et à mesure, exactement ce que vous avez vu

19 et ce que vous avez fait ? Vous avez compris ?

20 R. [interprétation] Très bien.

21 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, dessiner une ligne, tracer une ligne

22 qui devrait être en rouge de l'itinéraire que vous avez suivi ?

23 R. A Ovcara, nous avons cherché la route qui pouvait nous mener en

24 direction de l'étang de Grabovo. Cette route était particulière puisqu'elle

25 était entourée de -- enfin, il y avait des arbres le long de la route. On

26 la reconnaît très bien ici. [Le témoin s'exécute] Sur le chemin, il y avait

27 beaucoup de feuilles mortes sur la route. Il mouillait, ce qui nous

28 permettait de voir des traces de pneus. Cela nous rassurait puisqu'on avait

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14 intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15 versions anglaise et française

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1 peur que la route soit minée parce qu'il n'y avait vraiment personne dans

2 la région.

3 Nous avons pris cette route et l'étang de Grabovo, il me semble qu'on

4 ne le voie pas ici sur la photo, mais il doit être par ici.

5 Q. Merci beaucoup.

6 R. [hors micro]

7 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire, ou est-ce que vous pouvez voir sur la

8 carte, où vous avez tourné et où vous êtes arrivée ?

9 R. -- témoignage de celui qui se présentait sous le nom d'Ivan, nous avons

10 cherché à tourner à gauche, puisque le témoignage le précisait et nous

11 avons tourné en utilisant l'élément qui donnait le bosquet. Nous avons

12 tourné dans une piste boueuse à travers les champs où il y avait des traces

13 de camions le long du bosquet. Nous sommes arrivés, comme le disait le

14 témoignage, à l'extrémité, au bout du bosquet.

15 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, dessiner une autre ligne en rouge pour

16 montrer où c'était, que vous êtes allée et où vous avez trouvé le site des

17 fosses ?

18 R. -- ce n'était pas vert à l'époque, c'était fin octobre, c'était tout

19 en boue. [Le témoin s'exécute] Je ne peux pas vous préciser si on a tourné

20 à gauche devant ou juste derrière le bosquet, mais on est allé jusqu'à

21 l'extrémité où il y avait une tente pour les casques bleus.

22 Q. Auriez-vous la bonté de mettre la lettre G avec un cercle autour ?

23 R. [aucune interprétation]

24 Q. Encerclez le G. Vous écrivez un G et vous mettez un cercle autour du G,

25 à l'endroit où se trouve la tombe.

26 R. Un X.

27 Q. Ou vous pouvez mettre un X.

28 R. Cela doit être par là.

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1 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, mettre un G, la lettre G, j'ai une

2 raison pour cela.

3 R. [Le témoin s'exécute]

4 Q. Je vous remercie.

5 M. MOORE : [interprétation] Je voudrais demander que ceci soit versé au

6 dossier, s'il vous plaît.

7 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Versé au dossier.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera une image qui devient la pièce à

9 conviction 520.

10 M. MOORE : [interprétation]

11 Q. Je voudrais revenir, s'il vous plaît, Madame Hartmann, sur une partie

12 de la déposition que vous avez déjà faite. J'attendrais simplement qu'on

13 ait conclu pour l'ensemble. Je vous remercie beaucoup.

14 Dans vos notes, les notes que vous avez prises, vous parlez de six soldats

15 russes qui interdisaient l'accès au site. Comme c'était le cas qu'ils

16 interdisaient l'accès, comment est-ce que vous avez réussies à y arriver ?

17 R. Lorsque nous cherchions, en suivant la description du témoin, l'endroit

18 où il fallait tourner à gauche, nous n'étions pas certaines parce qu'il y

19 avait, à différents endroits dans les champs, des pistes qui allaient vers

20 la gauche et nous avions peur aussi que ces champs soient minés.

21 Nous sommes allées un tout petit peu trop loin. Nous sommes arrivées

22 à l'étang de Grabovo. Nous savions que c'était avant, donc nous nous sommes

23 arrêtées parce que nous étions allées trop loin et au moment où nous sommes

24 arrêtées sur le côté droit de la route, juste sur le bord, il y avait un

25 petit hangar. A ce moment-là, il y a une petite barque qui est arrivée sur

26 la berge parce que l'étang était jusqu'en contrebas et des locaux sont

27 sortis et ils nous ont demandé nos papiers et ils nous ont demandé ce qu'on

28 faisait là. Ils ont posé quelques questions et quelques minutes plus tard

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1 un camion de l'ONU est arrivé avec à son bord deux soldats des Nations

2 Unies, deux casques bleus qui étaient de nationalité russe. Ils ne nous ont

3 pas demandé de partir et ils se sont -- on a assisté à la rencontre des

4 locaux qui étaient des locaux serbes et les Russes.

5 Ils ont discuté, mangé quelque chose, un sandwich je crois, bu un

6 verre. Ensuite, les Russes ont donné des jerricanes d'essence aux locaux

7 serbes. Ces derniers sont partis avec les jerricanes et nous sommes

8 retrouvés ensuite, ma collègue et moi, prêtes à repartir en voiture et les

9 Russes prêts à faire demi-tour pour repartir de cet endroit où on s'était

10 arrêtées. C'est là qu'on a noté la plaque d'immatriculation du camion de

11 l'ONU, qu'on leur a dit que s'ils ne nous disaient pas où ils

12 travaillaient, nous ferions état du trafic d'essence.

13 Donc, ils nous ont proposé de les suivre et c'est comme cela qu'on a

14 trouvé l'endroit exact où il fallait tourner.

15 Q. Merci beaucoup. Pourrions-nous essayer d'avoir des réponses un

16 peu plus brèves, s'il vous plaît, si c'est possible. Je sais que c'est

17 difficile.

18 Pourrions-nous passer maintenant en allant en avant dans le temps par

19 rapport à vos notes. Vous dites que vous avez vu des crânes et des parties

20 de squelettes, ceci se comprend tout seul. Mais il y a un membre de phrase

21 où vous dites : "Il peut y en avoir beaucoup plus en dessous." Qui a dit

22 cela, s'il vous plaît ?

23 R. Cette phrase a été dite par le soldat russe qui nous a emmenées

24 jusqu'au charnier.

25 Q. Merci. Pour finir, si vous regardez vos notes vous voyez l'entrée qui

26 dit : "A partir de ce creux, on ne peut plus rien voir, on ne peut pas voir

27 les camions de l'ONU."

28 Qu'est-ce que veut dire cette entrée ?

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1 R. On ne peut pas voir le camion de l'ONU ou la tente de l'ONU parce que

2 le champ est un peu -- il y a une élévation, donc depuis la route, on est

3 dans un creux et on ne voit pas à distance ce qu'il peut y avoir sur le

4 champ.

5 Q. Merci. Voici une situation où vous vous trouvez, vous pensez avoir

6 retrouvé un charnier, ceci est lié dans votre esprit aux personnes qui

7 auraient été emmenées de l'hôpital de Vukovar. Pour vérifier cela, est-ce

8 que vous avez fait quelque chose ?

9 R. Oui. Le lieu et le témoignage mettaient en évidence le lien entre les

10 disparus de l'hôpital et ce charnier, mais cela ne suffisait pas. C'était

11 un premier élément. Nous sommes allées au QG de l'ONU dans la région, qui

12 était à Erdut. Ce n'est pas très, très loin. Nous sommes allées parler à la

13 représentante des affaires civiles qui est chargée de ces questions-là.

14 Q. Merci bien. Je voudrais qu'on passe maintenant en allant un peu plus

15 loin dans vos notes vers la fin de la page 92 371, et cela se continue, 2

16 372, 2 373 jusqu'à 2 377. Je ne veux pas regarder chacune des entrées qui y

17 figurent, mais je crois qu'on peut dire que ces notes ont trait à une

18 conversation que vous avez eue avec une dame appelée Blandine Negga; c'est

19 cela ?

20 R. [hors micro]

21 Q. Veuillez nous dire, s'il vous plaît, qui était Blandine Negga ?

22 R. Blandine Negga était la représentante, le chef des affaires civiles de

23 l'ONU dans le secteur est.

24 Q. Pourquoi lui avez-vous parlé à elle ?

25 R. Pour lui dire, nous avons trouvé le charnier. Confirmez-nous, puisque

26 nous le savons où il se trouve.

27 Q. En termes généraux -- d'une façon générale, si je dois préciser, je le

28 ferai ensuite. Mais d'un point de vue général, qu'est-ce que vous lui avez

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1 dit ?

2 R. Nous lui avons dit : nous avons trouvé le charnier. Ce sont les

3 disparus de l'hôpital. Le charnier est à tel endroit. Elle était

4 extrêmement surprise que nous ayons réussi à le trouver toutes seules. Et

5 elle nous demandé -- on a dit que c'était sur la base d'un reportage, et

6 elle en a fait la photocopie de l'article de Vjesnik que nous avions avez

7 nous.

8 Q. Lorsque vous avez écrit ces notes concernant cette conversation avec

9 cette personne, quand est-ce que vous les avez écrites ?

10 R. -- puisque nous sommes allées immédiatement après avoir été sur les

11 lieux d'Ocvara-Grabovo, nous sommes allées immédiatement à Erdut. C'était

12 le même jour, le 27 octobre 1992.

13 Q. Merci beaucoup. Pourquoi a-t-il été nécessaire, si c'était nécessaire,

14 d'aller lui parler à cette dame de ce que vous avez découvert ?

15 R. Parce que nous avions besoin de corroborer et surtout d'avoir une

16 source officielle, et pas simplement notre source propre. Une source

17 officielle.

18 Q. Nous allons aller un peu plus loin en avant et voir un article que vous

19 avez écrit pour Le Monde dans un instant. Mais pourquoi, en tant que

20 journaliste, est-il nécessaire d'avoir une source officielle ou une

21 confirmation de quelque chose de ce genre ?

22 R. -- vous trouvez le premier charnier en Europe depuis la Seconde Guerre

23 mondiale. Votre rédaction ne va pas vous croire, va mettre en doute peut-

24 être votre reportage. Pour le lecteur, puis pour convaincre aussi vos

25 rédacteurs en chef, vous avez besoin -- c'est une chose extrêmement grave,

26 extrêmement sérieuse, vous avez besoin de recouper vos sources et d'avoir,

27 sur un sujet comme cela, une confirmation officielle d'autant que l'ONU

28 avait annoncé la découverte d'un charnier. Il fallait obtenir de l'ONU de

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1 nous dire, oui, c'est ce charnier.

2 Q. Merci bien. Je voudrais maintenant passer brièvement à l'intercalaire 2

3 et à l'intercalaire 3. Je crois qu'on peut dire que vous aviez encore votre

4 collègue avec vous. Elle était également journaliste, Hélène Despic-

5 Popovic. Je pense que, du point de vue journalistique, vous aviez le

6 malheur que son article ait été publié le 28 octobre, tandis que le vôtre,

7 il a été le 29, malheureusement.

8 R. -- 29 octobre, mais il sort à Paris le 28. L'AFP est sortie une heure

9 avant Le Monde, et c'était l'accord qu'on avait eu pour que cela sorte à

10 peu près au même moment. Les deux papiers ont été publiés le 28 octobre,

11 mais Le Monde est toujours daté d'un jour après, parce qu'il n'est pas

12 vendu dans toutes les régions le 28, mais le 29.

13 Q. Je crois qu'on peut dire que son article est paru une heure avant le

14 vôtre, donc peut-on --

15 R. [aucune interprétation]

16 Q. -- rectifier les choses, rectifier l'équilibre, et traiter de ce que

17 vous avez, vous-même, raconté ?

18 A l'intercalaire 3, cela doit être une photocopie de l'article que vous

19 avez écrit à ce moment-là. Si on regarde derrière la photocopie, il y a une

20 traduction en anglais et une traduction en B/C/S, là encore je ne veux pas

21 entrer dans les détails de façon trop détaillée, mais si je résume de cette

22 manière, est-il juste, est-il exact, qu'il s'agit des atrocités dans l'ex-

23 Yougoslavie, de l'enquête des Nations Unies pour le charnier de Vukovar ?

24 Ensuite, vous passez -- vous parlez de l'essentiel de l'article, à savoir

25 le témoignage d'Ivan, comme on l'appelle, et nous avons cette phrase : "De

26 notre envoyée spéciale, notre correspondante spéciale." Je voudrais traiter

27 de ceci, parce que vous n'aviez pas cet emploi après 1990.

28 R. [hors micro]

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1 Q. Qu'est-ce que veut dire "correspondante spéciale" ?

2 R. -- personne qui, pour un journal, est installée dans un pays. En

3 l'occurrence, j'étais correspondante permanente du Monde dans l'ex-

4 Yougoslavie.

5 Envoyée spéciale, "special envoy," qui est le terme utilisé, c'est lorsque

6 nous nous déplaçons de notre siège, qui était en l'occurrence pour moi

7 Belgrade à l'époque, correspondante permanente à Belgrade, et lorsque je me

8 déplace en reportage, le titre est envoyée spéciale.

9 Q. Pour revenir à la question de votre engagement, de votre emploi de

10 1990, je crois qu'on peut dire que vous étiez devenue correspondante du

11 Monde, c'est bien cela ?

12 R. [hors micro]

13 Q. Ici, entre 1990 et 1992, c'était votre titre, n'est-ce

14 pas ?

15 R. [hors micro]

16 Q. Mais ici, en ce qui concerne ce document-ci, l'article -- vous devenez

17 envoyée spéciale ?

18 R. -- exact.

19 Q. Merci. Je ne vais pas rentrer dans les détails de l'article comme j'ai

20 dit, mais il est exact de dire que lorsque vous avez rédigé ce document,

21 vous vous êtes servie de vos notes et de vos souvenirs, n'est-ce pas ?

22 R. [hors micro]

23 Q. Merci bien.

24 M. MOORE : [interprétation] Madame le Juge, Monsieur le Juge, je n'allais

25 pas traiter en totalité du document. Je voudrais passer à d'autres sujets.

26 Il se peut qu'au contre-interrogatoire, il y aura des questions qui

27 reviendront. Je voudrais également demander que ces pièces puissent devenir

28 des pièces à conviction, mais à la fin. Si vous souhaitez, je peux le faire

Page 9621

1 maintenant.

2 Q. Passons maintenant -- allons un peu en avant. Voilà l'article qui est

3 publié dans Le Monde, nous voyons 28/29 octobre. Est-ce que vous aviez reçu

4 des communications d'autres journalistes en ce qui concerne cet article ?

5 R. Qu'entendez-vous par "communications" ? Des appels ? Une fois l'article

6 publié ?

7 Q. Oui. Est-ce que quelqu'un vous a téléphoné pour vous féliciter ou

8 critiquer ?

9 R. -- de l'article, dès le 28 au soir en fait et le lendemain le 29, j'ai

10 eu beaucoup d'appels sur mon téléphone à Belgrade de collègues pour me

11 féliciter du travail que j'avais fait. Dans la terminologie journalistique

12 même si, compte tenu de la gravité des choses, cela ne va pas très bien, on

13 appelle cela un scoop.

14 Q. Traitant de cette question du scoop, avez-vous reçu des coups de

15 téléphone ou des contacts ou des visites de quelqu'un à titre officiel pour

16 vous poser des questions concernant ce charnier ?

17 R. [hors micro]

18 Q. Avez-vous reçu ou avez eu connaissance de critiques ou de

19 félicitations, de louanges dans les cercles officiels ?

20 R. Des "cercles officiels" locaux ou étrangers ?

21 Q. Je voulais dire à Belgrade, y avait-il des contacts du tout ?

22 R. Silence radio.

23 Q. Savez-vous, si à ce moment-là, ce que j'appellerais la presse

24 étrangère, la presse européenne, était considérée à Belgrade, était

25 examinée par des journalistes ou par des parties officielles ?

26 R. Ce qu'écrivaient les journalistes étrangers était suivi par les

27 autorités pratiquement systématiquement.

28 Q. Comment le savez-vous ?

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1 R. Parce quand on - on ou moi-même - enfin mes collègues ou moi-même

2 interviewions des officiels, on avait en général droit à un monologue de

3 cinq ou 10 minutes sur ce qu'on écrivait. Des commentaires, en général,

4 pour nous critiquer. Il y avait un suivi extrêmement précis de tous nos

5 articles.

6 Q. Merci bien. Cela, c'est la première période dont je voulais traiter. Je

7 voudrais maintenant que nous passions au mois de novembre 1992 et que l'on

8 parle du 18 novembre, un an après la libération de Vukovar. Avez-vous

9 assisté à cette cérémonie, à Vukovar proprement dit ?

10 R. Le 18 novembre 1992, oui.

11 Q. Au sujet de cet anniversaire, est-ce que vous avez pris des notes à ce

12 moment-là ou pas ?

13 R. [hors micro]

14 Q. Regardons l'intercalaire 4 maintenant. Y a-t-il là la photocopie de

15 notes que vous avez prises ?

16 R. Absolument.

17 Q. Pouvons-nous parler d'un ou deux aspects de votre visite à Vukovar, à

18 ce moment-là. Etiez-vous la seule journaliste présente, ou y avait-il un

19 grand nombre de journalistes ?

20 R. Un grand nombre.

21 Q. Avant de vous y rendre, à cette cérémonie du 18 novembre, connaissiez-

22 vous le nom de M. Sljivancanin ?

23 R. Bien sûr, comme tout le monde.

24 Q. Qu'est-ce que vous croyiez à ce moment-là ? Qu'est-ce que vous pensiez

25 de l'activité ou de la participation de M. Sljivancanin aux activités de

26 Vukovar en 1991 ?

27 R. Il était le symbole de l'évacuation de l'hôpital de Vukovar puisqu'il

28 avait été filmé et les images avaient été diffusées pendant des jours sur

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1 la télévision de Belgrade lorsqu'il empêchait le représentant du CICR

2 d'entrer dans l'hôpital. C'est quelqu'un qui s'était exprimé publiquement

3 et devant la presse, devant les caméras à la chute de Vukovar à de

4 multiples occasions. C'était la personnalité publique au moment de la chute

5 de Vukovar.

6 Q. A ce moment-là, je voudrais que l'on parle de ce que l'on croyait. Est-

7 ce que l'on croyait qu'il y avait un lien entre M. Sljivancanin avec le

8 charnier ou les meurtres des personnes de l'hôpital de Vukovar ?

9 R. -- évident que tout le monde devait se poser puisqu'il était présent

10 lors de l'évacuation de l'hôpital et les personnes qui avaient été évacuées

11 étaient portées disparues. Donc la question se posait.

12 Q. Pourrions-nous parler d'un incident qui s'est produit lorsque vous

13 étiez là, avez-vous vu Sljivancanin alors qu'il était là ?

14 R. Oui.

15 Q. Où l'avez-vous vu, à quel endroit ?

16 R. A plusieurs endroits, puisque la cérémonie s'est déroulée en plusieurs

17 phases. Le premier endroit, c'était au cimetière de Vukovar. Je le verrai

18 ensuite sur la place centrale de Vukovar où il y a eu des discours.

19 Q. Avez-vous eu la possibilité d'avoir une conversation avec le commandant

20 Sljivancanin alors que vous étiez à Vukovar ce jour-là ?

21 R. Oui. Justement, au début de la journée, au cimetière de Vukovar.

22 Q. Auriez-vous la bonté de dire aux Juges, comment cela s'est fait que

23 vous avez pu finalement avoir une conversation avec Sljivancanin ?

24 R. -- arrivés au cimetière parce qu'il y avait un horaire précis où il y

25 aurait une cérémonie. Nous étions déjà sur place et Sljivancanin est arrivé

26 dans le cimetière et je l'ai vu arriver et je me suis dirigée vers lui en

27 le voyant pour lui poser une question.

28 Q. Pouvez-vous nous dire comment vous avez cela ?

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1 R. Je me suis séparée des autres journalistes pour m'avancer en sa

2 direction parce que la question que je voulais lui poser n'était pas une

3 question qu'on pouvait poser devant tout le monde. C'était une question un

4 peu particulière. C'était justement voir qu'est-ce que représentait pour

5 lui Ovcara ? Donc je me suis approchée près de lui et je lui ai

6 immédiatement posé ma question.

7 Q. Pouvez-vous nous dire ce que vous lui avez dit et ce que sa réponse a

8 été, s'il a répondu ?

9 R. Je me rappelle de la question en Serbe, je me rappelle de la réponse en

10 français. Sa réponse a été : "Il faut bien enterrer les corps quelque

11 part."

12 Q. Avant que nous passions à la réponse, pourrions-nous ravoir la

13 question ?

14 R. [hors micro]

15 Q. Et quelle a été la réponse ?

16 R. "Il faut bien enterrer les corps quelque part."

17 Q. Quand il vous a dit cela, quelle a été votre réaction ?

18 R. J'étais bouleversée.

19 Q. Là encore, lorsqu'on parle à une personne, on peut poser une question,

20 et il se peut qu'il y ait un petit moment de réflexion par la personne qui

21 répond. Est-ce que cela a été le cas ici ou est-ce que c'était une réponse

22 immédiate ?

23 R. C'était une réponse spontanée, parce que je l'avais pris un peu à part,

24 un peu par surprise d'une certaine manière. C'était une réponse spontanée.

25 Il aurait pu me répondre, [B/C/S parlé], "Je n'en sais rien." Mais il a

26 répondu spontanément cette première réponse.

27 Q. Je voudrais qu'on parle d'un ou deux autres aspects de votre carnet. Il

28 est exact de dire que cette entrée ne figure pas dans votre carnet, n'est-

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1 ce pas ?

2 R. -- que non.

3 Q. On passera à la question pourquoi pas, mais je voudrais que l'on parle,

4 pour le moment, d'autres éléments qui se trouvent dans le carnet.

5 Pourriez-vous, s'il vous plaît, passer à la page -- arriver à la page

6 2 400. J'espère que c'est bien la bonne page.

7 Oui, avant, vous l'avez maintenant ? Est-ce que vous avez réussi à

8 retrouver l'original ?

9 Parlons tout d'abord, si vous me le permettez, des notes proprement dites

10 et de leur caractère en général. Vous avez rédigé des notes prises à partir

11 des discours faits par différentes personnes à différents moments ?

12 R. [hors micro]

13 Q. Cette page que j'ai citée, je voudrais que l'on en parle, et il s'agit

14 d'un monsieur, cité tout en bas de la page. Vujovic. Le voyez-vous ?

15 R. [hors micro]

16 Q. Il y a une entrée manuscrite. Quand est-ce qu'elle a été rédigée par

17 rapport à cet homme appelé Vujovic ?

18 R. Le 18 novembre 1992, comme toutes les notes qui sont dans cette partie

19 de mon carnet.

20 Q. Pouvez-vous dire aux Juges, ce que disait cet homme ?

21 R. "Vukovar, deuxième Hiroshima --

22 [interprétation] Nous la reconstruirons.

23 Q. Ceci a été traduit et il y a le mot "clair" et c'est cela que vous

24 vouliez dire ?

25 R. [aucune interprétation]

26 [en français] J'ai marqué "pur" et "plus sain"

27 Q. Ce qui serait pur et plus sain.

28 R. C'est bien.

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1 Q. Comment décririez-vous le ton et l'atmosphère générale d'un grand

2 nombre des discours qui ont été faits ce jour-là à Vukovar, un an plus

3 tard ?

4 R. C'était la célébration de ce que les gens percevaient comme une

5 libération. C'était pour légitimer. Tous les discours légitimaient la

6 guerre, mais la destruction et les crimes également. C'était pour dire ici,

7 il y a beaucoup de citations, ici c'est la Serbie, ils étaient en

8 territoire conquis et fiers.

9 Q. Pouvons-nous passer à la page 2 404. Non, ce n'est pas là ?

10 R. [hors micro]

11 Q. Regardons votre carnet, c'est certainement dans votre carnet. Le nom

12 Sljivancanin y figure deux pages plus loin.

13 R. 402.

14 Q. Oui, 2 402, alors je vous remercie. C'est donc 046 -- je voudrais vous

15 demandez de regarder ce qui est dit au sujet de M. Sljivancanin, vous

16 l'avez ici ?

17 R. [hors micro]

18 Q. Encore --

19 R. [hors micro]

20 Q. -- les commentaires qui sont liés à cela entre guillemets. Que disait

21 exactement Sljivancanin ce jour-là ?

22 R. Le premier mot est en B/C/S et la suite est en français, [en B/C/S].

23 "C'est la Yougoslavie, c'est la Serbie, c'est le Monténégro, je suis venu

24 sans passeport."

25 Q. Pouvons-nous parler des notes que vous avez prises vous-mêmes. Il est

26 clair qu'il y a là des entrées concernant des discours qui ont été faits.

27 Ici, vous avez eu une brève conversation avec Sljivancanin où

28 essentiellement il a dit : "Il faut bien enterré les corps quelque part."

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1 Pourquoi cela ne figure pas dans le carnet ?

2 R. -- une telle question en essayant d'avoir une réponse spontanée avec un

3 crayon et un carnet, les gens ne vous parlent pas.

4 Q. Mais bien sûr, vous avez toujours la possibilité de l'écrire plus

5 tard ?

6 R. -- nécessaire. La phrase est restée imprimée dans ma mémoire et les

7 quelques autres phrases qu'il a dites au cimetière de Vukovar n'ont pas été

8 non plus notées dans mon carnet et elles sont retranscrites pourtant --

9 elles sont paraphrasées dans mon article.

10 Q. Juste pour être complet, je crois que l'on peut dire qu'à

11 l'intercalaire 5, nous avons un article encore du Monde concernant Vukovar

12 proprement dit. C'est bien cela ? Vukovar un an plus tard ?

13 R. [hors micro]

14 Q. Je n'y retournerai pas. Là encore, cela se comprend tout seul. Je ne

15 vais pas traiter des détails. Pourquoi n'avez-vous pas mis dans cet

16 article, dans Le Monde, la phrase que Sljivancanin vous avait dit

17 concernant l'enterrement des corps ?

18 R. -- traitait, l'accusait et que cette accusation était extrêmement grave

19 et que je ne pouvais pas me permettre sur cette seule phrase de faire un

20 article l'accusant. Les critères du Monde sont très spécifiques, de

21 beaucoup de journaux, pas seulement du Monde, on était extrêmement

22 prudents. Un journal ne peut pas accuser quelqu'un sans avoir d'autres

23 éléments pour corroborer une telle accusation. C'est pour cela que j'ai

24 paraphrasé sa phrase parce que j'aurais implicitement accusé si je l'avais

25 mis entre guillemets.

26 Q. Passons maintenant à l'intercalaire 5, vous avez l'article pour Le

27 Monde. Vous nous avez parlé des critères très stricts.

28 R. [hors micro]

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1 Q. Je voudrais que l'on parle de la mention de Sljivancanin dans cet

2 article. Je vais en donner lecture et nous allons parler. Vous avez cet

3 article à l'intercalaire 5 ?

4 R. [aucune interprétation]

5 Q. Je vais lire pour tout le monde en anglais, plutôt qu'en français,

6 heureusement.

7 "M. Sljivancanin a déclaré de façon catégorique que l'armée n'avait pas

8 fait d'exécutions sommaires. A l'époque, toutefois, toutes les formations

9 paramilitaires et les volontaires qui combattaient sur la ligne de front se

10 trouvaient sous le commandement de l'armée fédérale. Un an après la fin du

11 siège de Vukovar, 3 000 personnes sont toujours portées disparues."

12 Pourquoi, -- enfin je vois que Me Lukic a une préoccupation, j'espère que

13 ce n'est pas à cause de mon anglais par rapport au français.

14 M. LUKIC : [interprétation] Madame le Juge, peut-être que nous pourrions

15 laisser ceci pour le contre-interrogatoire. Peut-être que la phrase entière

16 devrait être lue pour remettre les choses dans le contexte complet puisque

17 ceci concerne directement mon client.

18 M. MOORE : [interprétation] Si ceci peut aider à la Défense, je serais

19 heureux de le faire. Est-ce que Me Lukic souhaite qu'on lise l'ensemble du

20 paragraphe parce qu'il s'agit -- enfin, pour ma part, je n'ai besoin que de

21 la dernière partie. Mais pour être juste, je suis tout à fait d'accord pour

22 lire l'ensemble du paragraphe ou seulement cette partie du paragraphe.

23 Peut-être que Me Lukic pourrait m'aider avec ce qui le préoccupe ?

24 M. LUKIC : [interprétation] Je voudrais vous demander de bien vouloir lire

25 l'ensemble de la phrase et pas seulement la moitié de la phrase.

26 M. MOORE : [interprétation] Cela ce lit comme suit : "Quelques heures plus

27 tard, Veselin Sljivancanin a pris la ville et est entré dans l'hôpital.

28 D'après le rapport très spécial de l'ONU, Tadeusz Mazowiecki : "175

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1 patients croates auraient été évacués et exécutés. Leurs corps devraient se

2 trouver dans le charnier aux environs de Vukovar, remarquant qu'il devait y

3 avoir beaucoup de charniers à Vukovar où l'on enterait les victimes des

4 affrontements, M. Sljivancanin a catégoriquement affirmé que l'armée ne

5 pratiquait pas d'exécutions sommaires. Or, l'armée fédérale avait, à

6 l'époque, sous son commandement toutes les formations paramilitaires et les

7 volontaires qui se battaient sur le front. Un an après la fin du siège de

8 Vukovar, 3 000 personnes sont encore portées disparues."

9 J'espère que ceci suffit.

10 Q. Pourquoi l'avez-vous formulé de cette manière s'il vous plaît, plutôt

11 que de donner une citation exacte ?

12 R. -- auparavant parce que la "quote" l'accusait beaucoup trop sans avoir

13 d'autres éléments, donc j'ai dû paraphraser.

14 Parce qu'Ovcara était le symbole d'un crime et M. Sljivancanin aurait

15 pu me dire : "Je ne sais pas ce qu'est Ovcara." Parce que quand mon article

16 est sorti, le monde entier en a entendu parler. La dépêche de l'AFP aussi,

17 mais il y avait un silence total à Belgrade dessus, donc il aurait pu

18 ignorer ce qui se passait à Ovcara. C'est pour cela que j'ai dit, il aurait

19 pu me dire mais : "Qu'est-ce que c'est Ovcara ? J'en sais rien de ce qui

20 s'est passé à Ovcara." Mais il me parle de corps. Cela l'accusait beaucoup,

21 donc j'ai paraphrasé et ajouté, en respect de ce qu'il m'avait dit, les

22 éléments suivants, parce qu'il a nié qu'il y avait eu des exécutions de

23 masse dans la région de Vukovar et qui seraient sous la responsabilité de

24 la JNA. Mais quand je lui ai dit le mot Ovcara, il a dit corps.

25 Q. Parlons maintenant, s'il vous plaît --

26 Entre 1992 et 1994, est-ce que vous travailliez encore à Belgrade ?

27 R. [hors micro]

28 Q. Tout au long de cette période, avez-vous interviewé ce que

Page 9631

1 j'appellerais des hommes politiques importants ou des personnes qui

2 méritaient des nouvelles ?

3 R. [hors micro]

4 Q. Pour autant que je vous le sachiez et pour autant que vous puissiez

5 vous en souvenir, est-ce que vous les avez interviewés en français, en

6 espagnol, en anglais, en B/C/S ?

7 R. [hors micro]

8 Q. Quand vous avez fait ces interviews, c'était personnellement ou avec un

9 interprète ?

10 R. Jamais avec un interprète. Parfois certains officiels venaient avec --

11 avaient un interprète à leur disposition, mais la personne sortait,

12 s'assurant dès le début de la conversation que la traduction était inutile.

13 Q. Avez-vous eu des plaintes selon lesquelles vos capacités linguistiques

14 étaient insuffisantes, par exemple, que vous auriez eu besoin d'un

15 interprète ou est-ce qu'il y a eu des plaintes quant à votre capacité de

16 parler le B/C/S ?

17 R. Je fais des fautes de déclinaison certes, mais la compréhension est

18 totale et je n'ai jamais eu besoin de -- ou jamais eu de critiques sur les

19 propos rapportés dans les interviews, par exemple, publiées dans mon

20 journal.

21 Q. Merci. Passons maintenant à 1994. Est-il vrai -- je vais employer le --

22 que vous avez, je dirais, cessé de travailler à Belgrade; c'est bien cela ?

23 R. Comme une quinzaine de journalistes étrangers, j'ai eu le retrait de

24 mon accréditation de journaliste puisque nous avions besoin d'une

25 autorisation officielle pour exercer le métier de journaliste, donc je

26 n'avais plus le droit de travailler comme journaliste. Nous étions une

27 quinzaine de correspondants étrangers.

28 Q. En 1994, est-ce qu'à ce moment-là vous avez quitté Belgrade ?

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1 R. Oui.

2 Q. Entre 1994 et l'an 2000, je vais prendre cette date pour des raisons

3 qui seront évidentes dans un instant, quel était votre travail ?

4 R. Je suis rentrée à Paris. J'ai travaillé à la rédaction du Monde à

5 Paris. J'ai continué à aller dans les Balkans, sauf en Serbie.

6 Q. Pouvons-nous maintenant parler de 2000. Je crois qu'on peut dire que

7 vous avez été candidate et vous avez effectivement été nommée comme porte-

8 parole du Procureur, au bureau du Procureur ici ?

9 R. En octobre 2000.

10 Q. Vous avez rempli ces fonctions jusqu'en 2006. Il est juste que vous

11 soyez toujours employée par le bureau du Procureur, mais on vous a donné

12 d'autres tâches maintenant ?

13 R. [hors micro]

14 M. MOORE : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à vous poser. Je

15 voudrais maintenant qu'on parle des pièces à conviction si ceci m'est

16 autorisé. Je vous remercie.

17 En ce qui concerne les notes manuscrites à l'intercalaire 1, je vais donner

18 les numéros ERN si c'est nécessaire. Pour l'original français, c'est 0469-

19 2368 se finissant à 2377. Je demande que ceci devienne une pièce à

20 conviction, s'il vous plaît.

21 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Versé au dossier.

22 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce 521.

23 M. MOORE : [interprétation] Je ne vais pas demander quel article concernant

24 l'intercalaire 2 devienne une pièce. Cela peut être le cas en temps utile.

25 En ce qui concerne l'article qui est à l'intercalaire 3, l'article du

26 Monde, numéro ERN en français 0469-2380, je voudrais demander que ceci

27 devienne une pièce à conviction.

28 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Ceci est reçu.

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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Numéro 522.

2 M. MOORE : [interprétation] A cause du fait qu'il s'agit d'un extrait, je

3 demande les directives de la Chambre à ce sujet. Je voudrais demander que

4 ceci devienne une pièce à conviction avec un numéro de pièce différent. Je

5 suis entre les mains de la Chambre de sorte que ceci pourrait être aussi le

6 521, mais il serait peut-être plus commode aux fins de comparaison que ceci

7 soit vraiment la pièce suivante 523. Le numéro ERN est le 0469-2381 et se

8 conclut au 2402.

9 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Je pense que ceci doit

10 avoir un numéro de pièce différent.

11 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie.

12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce à conviction 523.

13 M. MOORE : [interprétation] L'article du Monde que je n'allais, mais peut-

14 être que je devrais puisqu'il va y avoir contre-interrogatoire à ce sujet.

15 C'est le 0469-2403. Je voudrais demander qu'on en fasse une pièce à

16 conviction.

17 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Pièce reçue.

18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 524.

19 M. MOORE : [interprétation] Bon. Pour en terminer comme -- mais je n'ai pas

20 d'autres questions mais je voudrais poser quand même cette question.

21 Q. Ceci a trait à l'intercalaire numéro 6 et c'est un extrait d'un livre

22 que vous avez écrit au sujet de M. Milosevic. Je pense que si c'est juste.

23 Vous avez dit que vous l'avez écrit en 1999 ?

24 R. [interprétation] Oui.

25 M. MOORE : [interprétation] Je ne vais pas demander que ce livre ne soit

26 pas une pièce pour le moment.

27 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Je vous remercie. J'ai

28 compris que vous aviez dit un livre pour M. Milosevic ?

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1 M. MOORE : [interprétation] En ce qui concerne M. Milosevic.

2 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

3 M. MOORE : [interprétation] Non, pas pour lui. Je vous remercie beaucoup.

4 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Je vous remercie.

5 Je suis en train de regarder la pendule. Maître Vasic, Maître

6 Domazet, pouvons-nous commencer le contre-interrogatoire ou est-ce que vous

7 souhaitez qu'on fasse une suspension ? Voudriez-vous, préféreriez-vous que

8 --

9 M. DOMAZET : [interprétation] Oui, dix minutes environ.

10 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Souhaitez-vous qu'on ait la

11 suspension maintenant ou voulez-vous commencer ?

12 M. DOMAZET : [aucune interprétation]

13 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : -- contre-interrogatoire et les avocats de

14 l'accusé vont vous poser quelques questions.

15 Contre-interrogatoire par M. Domazet :

16 Q. Madame Hartmann, bonjour. Je suis Vladimir Domazet, un des conseils de

17 M. Mrksic. Etant un peu francophone, je vais essayer de vous poser les

18 questions, de mener ce contre-interrogatoire en votre langue, aussi la

19 langue maternelle de ma mère. Je m'excuse, parce que quand même ma

20 connaissance de la langue française n'est pas du tout parfaite, mais

21 j'espère qu'on va se comprendre.

22 D'après que vous avez donné les renseignements ou les réponses à mon

23 collègue M. Moore, vous êtes diplômée à Paris la littérature et la

24 civilisation, n'est-ce pas ? C'est cela. Est-ce qu'avant de venir à

25 Belgrade en Serbie, vous avez eu des connaissances, ou vous avez eu peut-

26 être des cours d'histoire de Serbie ou l'histoire de

27 Yougoslavie ?

28 R. Avant 1985, non, sauf la culture générale, qui est sur l'ex-Yougoslavie

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1 et la Deuxième Guerre mondiale, la période titiste, des connaissances

2 générales, historiques ou lues dans les journaux publics.

3 Q. Oui. Si je comprends bien, Madame Hartmann, vous n'avez pas eu des

4 connaissances approfondies sur l'histoire surtout la Deuxième Guerre

5 mondiale, la formation de cette deuxième Yougoslavie, ce qu'on appelle des

6 fois chez nous ?

7 R. J'avais des connaissances générales.

8 Q. Avez-vous des connaissances de ce qui s'est passé pendant cette guerre,

9 surtout sur le territoire si vous nous pouvons dire croate, de l'Etat

10 indépendant croate pendant la Deuxième Guerre mondiale ?

11 R. Oui, cela fait partie des choses que je savais et des choses que j'ai

12 étudiées de manière plus approfondie ensuite, autant que cela pouvait être

13 utile dans mon travail.

14 Q. On va revenir peut-être un peu après sur ce thème, mais c'est dit que

15 depuis l'année 1990, je crois, vous étiez correspondante de Belgrade,

16 correspondante du journal Le Monde, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Est-ce qu'à cette époque-là, vous êtes arrivée en Serbie, ou vous étiez

19 déjà avant cela ?

20 R. J'étais déjà en Serbie depuis 1986 pratiquement tout le temps.

21 Q. Vous avez commencé à apprendre la langue, vous dites B/C/S, serbe, ou

22 serbo-croate comme elle s'appelait à l'époque, une fois venue à Belgrade,

23 ou vous aviez déjà une connaissance avant de venir à Belgrade ?

24 R. Non, j'ai commencé sur place à partir des périodes où je venais, à

25 partir de 1985 et ensuite.

26 Q. Oui. Parce qu'on voit dans vos carnets que déjà en 1991, vous avez

27 utilisé cette langue. Est-ce qu'on peut dire qu'à cette époque-là, vous

28 parliez déjà assez couramment cette langue ?

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1 R. Sans doute, puisqu'en 1988, je suis devenue membre officiel de

2 l'association des traducteurs professionnels de Serbie pour le serbo-

3 croate, le français et l'espagnol.

4 Q. Vous connaissiez les deux écritures, n'est-ce pas ? Cyrillique aussi,

5 vous pouvez écrire ou lire ?

6 R. Je peux lire le cyrillique. Je l'écris comme un enfant en bas âge, mais

7 je peux le lire, puisque c'était indispensable pour la lecture de certains

8 articles dans les journaux.

9 Q. Bien sûr, déjà à cette époque-là, vous avez pu lire en cyrillique ? On

10 parle de 1991, parce que c'est l'époque.

11 R. En 1991. Mais pas le cyrillique écrit à la main.

12 Q. Vous avez parlé, en répondant à une question de M. Moore, de votre

13 mariage en Serbie. Est-ce qu'on peut savoir quelle est l'occupation ou le

14 métier de M. Hartmann ?

15 R. Je porte mon nom de jeune fille. Mon mari a un autre nom de famille.

16 Monsieur est ingénieur en génie civil.

17 Q. Est-ce que vous ne voyez pas d'inconvénients que je vous demande aussi

18 l'ethnicité de votre mari, ce qui est des fois dans les Balkans assez

19 important en tout cas ?

20 R. Si cela a à voir avec l'affaire.

21 Q. Vous pouvez répondre ?

22 R. Mon mari était citoyen de l'ancienne Yougoslavie, d'origine mélangée,

23 comme beaucoup d'autres. Je dois répondre à la question de l'origine

24 ethnique de son père et de sa mère, si vous voulez allez plus loin.

25 Q. Non, vous avez dit que c'est un mélange. Je suppose que c'était un

26 mariage mixte croate serbe ou serbo-croate, n'est-ce pas ?

27 R. Oui.

28 Q. Oui. Oui, ça va. En tout cas, il n'était pas de la profession que vous

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1 utilisez, n'est-ce pas ? C'est tout à fait une autre profession ?

2 R. C'est exact.

3 Q. Merci. Vous avez dit qu'en lisant, au début du mois d'octobre 1992, cet

4 article de Vjesnik, vous avez eu des renseignements qui vous ont servi de

5 s'orienter à Ovcara et de trouver finalement la place où on a trouvé des

6 corps après. Ma question est : quand vous vous êtes trouvée là-bas sur

7 place, vous avez dit, si j'ai bien remarqué, qu'il y avait des traces de

8 camions, que cela vous a aidé de -- vous avez vu quand même qu'il y a un

9 trafic de la ferme d'Ovcara jusqu'à la place où vous avez trouvé les

10 soldats russes, n'est-ce pas ?

11 R. Très peu. C'était complètement désert, mais il y avait -- on pouvait

12 voir une trace qui pouvait être récente ou de quelques jours, je ne sais

13 pas, sur les feuilles mouillées, ce qui nous montrait que quelqu'un était

14 au moins passé, et qu'il n'y avait pas de mines. Mais cela, je parle de la

15 route entre Ovcara et Grabovo. Je ne parle pas des pistes dans les champs.

16 Q. Madame Hartmann, quand vous utilisez le nom de Grabovo, est-ce que ce

17 n'est pas vrai qu'il y a un Grabovo dans les environs d'Ovcara, mais que ce

18 n'est pas la place où vous étiez et- où vous avez vu les soldats russes ?

19 Grabovo, cela doit être une localité ou un petit village ou --

20 R. Non, c'est un étang --

21 Q. -- ou quelque chose comme cela, si je ne me trompe pas ?

22 R. Le témoignage précisait que c'était à la sortie d'Ovcara en direction

23 de l'étang de Grabovo. On a effectivement trouvé un étang à cet endroit-là

24 et on a trouvé le charnier. S'appelle-t-il Grabovo ou pas ? Autant que je

25 sache, oui, puisque nous avons trouvé la direction. Il y a peut-être

26 d'autres lieudits Grabovo dans la région.

27 Q. Dans votre livre, vous avez utilisé à un moment lac de Grabovo. Est-ce

28 qu'il y avait un lac à côté du charnier ?

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1 R. Non, je n'ai pas utilisé le terme de "lac", j'ai utilisé le terme

2 d'étang.

3 Q. Peut-être c'était une traduction comme cela, mais en tout cas il y

4 avait cela à côté de ce charnier ?

5 R. A droite de la route, il y avait -- et c'était le repère géographique

6 pour ne pas aller plus loin, mais le charnier n'était pas au bord de

7 l'étang. Le charnier était à gauche, l'étang à droite, et le charnier était

8 au bout du bosquet, au bout des arbres.

9 Q. Une dernière question sur ce thème. C'est déjà le temps de faire la

10 première pause.

11 Seulement, est-ce qu'il y avait, vis-à-vis des soldats, est-ce qu'il y

12 avait leur véhicule sur place, est-ce que vous avez, comme cela, pu

13 identifier ou vous avez, si je peux dire vous êtes tombée sur les soldats

14 en arrivant sur place là-bas ?

15 R. Vous parlez de quels soldats, de l'ONU ?

16 Q. Des six soldats russes de l'ONU qui étaient sur place là-bas ?

17 R. Ils avaient une tente et leurs véhicules et des camions, des petits

18 camions, sur le site du charnier, mais nous les avons trouvés parce que

19 deux d'entre eux étaient sortis à côté de l'étang de Grabovo, dans leur

20 camion.

21 Q. D'accord. Merci, Madame Hartmann.

22 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Merci, Monsieur Domazet.

23 On procédé à la pause pendant 20 minutes. On reprendra d'ici 20 minutes.

24 --- L'audience est suspendue à 11 heures 02.

25 --- L'audience est reprise à 11 heures 25.

26 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : Monsieur Domazet.

27 M. DOMAZET : Merci, Madame le Juge.

28 Q. Madame Hartmann, nous allons continuer.

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1 Quand il s'agit de ce charnier, puisque vous avez parlé de ce que

2 vous avez vu sur place, n'est-il pas vrai que vous avez parlé de cela, que

3 quelques jours avant, six jours avant, si je me rappelle, il y avait une

4 conférence de presse à Zagreb où Dr Snow a déclaré la retrouvaille d'un

5 possible charnier ? A l'époque, on pensait que c'était possible, n'est-ce

6 pas ? Seulement, le lieu était encore un secret, le lieu exact, mais

7 l'endroit n'était pas quand même un secret, j'ose croire ?

8 R. Si l'endroit était tenu secret, l'information publique à l'issue de

9 cette conférence de presse était qu'un charnier, un possible charnier avait

10 été trouvé dans la région de Vukovar. Il n'y avait pas d'autres

11 indications, nous ne savions pas quelles pouvaient être les victimes.

12 Q. Oui, d'accord. Mais en faisant une combinaison avec l'article sorti à

13 Vjesnik du témoignage d'Ivan qui a décrit quand même assez précisément où

14 cela se trouvait, vous avez pu avoir l'idée de l'endroit, n'est-ce pas ?

15 R. Après l'annonce officielle de la découverte d'un charnier de Vukovar,

16 l'article est devenu intéressant. Nous avons, ma collègue et moi, imaginé

17 qu'il pouvait y avoir un lien, et le but de notre reportage était de

18 vérifier s'il y en avait bien un.

19 Q. Quand il s'agit de votre carnet, M. Moore a demandé que vous lisiez une

20 partie. C'était, je crois -- je vous prie de le prendre, la page 2 400, je

21 crois. Vous avez lu un fragment de vos notes dans le carnet. Est-ce que

22 vous pouvez trouver cette place ? Ce que vous avez lu, vous vous rappelez

23 que vous avez lu à la demande de M. Moore --

24 R. -- deux parties de mes notes du 27 octobre 1992.

25 Q. Je vais vérifier si c'est bien cette page, mais je crois que c'est

26 cela.

27 Oui, comme vous savez, c'est cela. Vous vous rappelez ? Il s'agissait, je

28 crois, de quelque chose qu'un certain Miroljub Vujovic a dit.

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1 R. C'est le 18 novembre 1992.

2 Q. Voilà, c'est cela, c'est passé. Alors vous avez lu, là où il a dit :

3 c'est un deuxième Hiroshima, nous allons construire, et tout cela. Mais je

4 vous prie de lire encore une sentence qui est après, où, dans la langue

5 B/C/S, il est écrit : "Jive cimo inaque davise me cimo dozvole ti" [phon].

6 Je vous prie de voir ce que vous avez noté là, juste après la phrase que

7 vous avez lue à la demande de M. Moore.

8 R. C'est à la page suivante sur le carnet ?

9 Q. Oui, tout à fait, oui.

10 R. Il est écrit : "Nous vivrons et ne permettrons jamais plus d'être

11 abusés."

12 Q. Madame Hartmann, abusés par qui et comment ? Comment vous avez compris

13 cela ? Est-ce que vous avez demandé de quoi il s'agissait, de quoi M.

14 Vujovic se plaignait, que nous ne permettrons plus d'être abusés ?

15 R. Je ne lui ai pas posé la question pour la simple raison qu'il

16 s'agissait d'un discours sur la place centrale de Vukovar, pendant la

17 cérémonie de l'anniversaire de la libération, tel qu'ils l'appelaient, de

18 Vukovar.

19 Q. D'accord, mais comment vous avez compris cela, comme journaliste ? Vous

20 saviez bien la situation qui était avant tout ce qui s'est passé en

21 Yougoslavie à l'époque, parce que vous y viviez une dizaine d'années avant

22 cela. Alors, qu'est-ce que vous avez pu comprendre par cela ?

23 R. J'imagine, abusés par les Croates.

24 Q. Est-ce que vous avez pu, comme journaliste, avoir des différentes

25 choses que les Serbes en Croatie, dans l'époque juste avant, dans les

26 années 1990, une année avant, après l'arrivée de M. Tudjman au pouvoir en

27 Croatie, ont commencé de se plaindre ou d'avoir peur qu'ils vont être

28 abusés ou même quelque chose qui pourrait être même pire que cela ?

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1 R. C'est effectivement le discours des officiels serbes de l'époque.

2 Q. Oui, mais je vous demande -- oui, je connais bien et je me rappelle

3 bien des discours officiels. Mais en tant que journaliste, est-ce que vous

4 avez pu lire ou avoir des contacts, peut-être en Croatie ou avant cela,

5 avec les gens ordinaires, pas avec les politiciens, pas avec les

6 dirigeants, d'avoir un peu l'impression de ce qui se passe et de quoi les

7 Serbes en Croatie ont peur après l'arrivée de M. Tudjman au pouvoir ?

8 R. Oui, bien sûr, j'ai rencontré des officiels et des gens ordinaires, et

9 dans les notes, même en 1992, vous avez différents discours de Serbes à

10 Vukovar; certains rappelant la manière dont ils vivaient avant les

11 bombardements de la ville, certains parlant de leur peur des Croates,

12 d'autres soulignant qu'ils vivaient en bonne harmonie avec toutes les

13 autres communautés ethniques.

14 Q. Tout à fait nous avons eu ici des témoignages des Croates et des Serbes

15 aussi qui disaient qu'ils vivaient bien avant la guerre, parce que vous le

16 savez aussi, la ville de Vukovar elle-même, toute cette région était --

17 avait non seulement des Croates et des Serbes, mais aussi d'autres

18 minorités : Hongrois, Ruthéniens et autres.

19 Mais je vous demande si vous avez pu avoir des contacts avec -- pas

20 avec des officiels, mais si vous avez eu des entretiens avec des gens qui

21 vous -- qui ont pu parler de la peur de Serbes avec des changements de

22 régime en Croatie, changement de la constitution Croate. Est-ce que vous

23 vous rappelez de cela ?

24 R. Oui, bien sûr.

25 Q. Vous vous rappelez que, je crois que c'était décembre de l'année 1990,

26 que la Croatie a changé sa constitution ? Est-ce que vous pouvez me dire,

27 est-ce que c'était une chose qui occupait les Serbes en Croatie parce

28 qu'ils n'étaient plus un peuple comme avant, noté dans la constitution

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1 comme un peuple intégratif dans le sol de l'ancienne République de

2 Croatie ?

3 R. Oui. Les Serbes, dans leurs discours officiels ou chez les personnes

4 ordinaires, soulignaient qu'ils craignaient être traités en citoyens de

5 seconde zone, suite aux changements constitutionnels.

6 Q. Est-ce que vous vous souvenez peut-être qu'il y avait aussi un doute

7 parce qu'il y avait des changements d'uniformes des policiers en Croatie,

8 des symboles que certains Serbes craignaient que c'étaient des symboles qui

9 venaient de l'époque de la Croatie, de la Deuxième Guerre mondiale, un des

10 cas de Parelic [phon], et qu'ils ont eu peur, avec tout ce qui s'est passé

11 pendant cette période ?

12 R. Ce sont des choses qu'ils disaient, oui.

13 Q. Est-ce que vous étiez à Vukovar avant cette visite que vous avez bien

14 décrite au mois d'octobre ? Est-ce qu'avant cette guerre, vous étiez dans

15 la région de Vukovar ou à Vukovar même, ou non ?

16 R. Oui, plusieurs fois, mais tout dépend de la date de la guerre, parce

17 que j'étais en -- que vous considérez. J'étais à Vukovar à plusieurs

18 reprises en juillet 1991.

19 Q. Oui. Si vous y étiez en juillet 1991, c'était déjà -- pas peut-être une

20 guerre, mais le début peut-être des hostilités ou comment on peut le

21 décrire. Il y avait une tension, certainement. Est-ce que vous pouvez

22 décrire un peu ces tensions des Croates, des Serbes et qu'est-ce qui se

23 passait à cette époque-là ?

24 R. La tension était très forte. Il y avait des barrages militaires --

25 enfin, de personnes armées dans la région de Vukovar. Les villages, en

26 fonction de leur majorité ethnique, étaient -- tous les villages aux

27 alentours de Vukovar étaient sous contrôle de milices serbes avec

28 différentes sortes d'insignes. Il y avait aussi des routes qui étaient

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1 barrées par des mines antichars, qui avaient été mises par la JNA, et on

2 pouvait très difficilement circuler. Il fallait parfois un jour et demi

3 pour faire 20 kilomètres. Il y avait des forces croates dans la ville de

4 Vukovar.

5 Q. Bon, quand vous dites qu'il y avait des forces croates à Vukovar, vous

6 avez vu cela ? Qu'est-ce que vous pouvez décrire ? Qu'est-ce que c'était,

7 comme forces croates ?

8 R. Si mes souvenirs sont bons, c'était les --

9 Q. Vous avez pu remarquer, je crois, beaucoup plus de soldats qui étaient

10 normalement dans la période -- avant cela, vous avez vu beaucoup de soldats

11 ou peu, ou est-ce que vous pouvez nous dire ce qui se passait ?

12 R. Les ZNG et les soldats croates, je les ai vus dans leur QG en ville,

13 parce que nous sommes allés les interviewer pour leur demander quelle était

14 la situation. Les autres soldats qui étaient beaucoup plus nombreux, qui

15 étaient des milices ou des milices en général dans les villages, étaient

16 Serbes.

17 Q. Est-ce qu'il y avait des milices croates, aussi, dans les villages

18 croates aux environs de Vukovar ?

19 R. Les villages où je suis allée -- parce qu'en juillet, la tension était

20 très grande, les hostilités avaient en fait commencé. On se posait la

21 question : est-ce que la guerre a commencé, ou non ? C'étaient des villages

22 serbes, ceux qui entouraient Vukovar. Peut-être à Ilok, il y avait aussi

23 des soldats croates.

24 Q. Si je comprends bien, vous vous êtes intéressée pour ces villages

25 serbes où il y avait des milices serbes qui gardaient les villages, c'est

26 pour cela que vous ne savez pas pour les villages croates, vous n'avez pas

27 visité, si j'ai bien compris votre réponse.

28 R. Mon voyage, en juillet 1991, consistait à aller de Belgrade à Vukovar,

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1 à vérifier quelle était la situation, et nous sommes allés jusqu'à

2 Vinkovci. J'ai vu aussi des soldats croates à Vinkovci. Entre Vinkovci et

3 Vukovar, des villages contrôlés par des barrages de milices serbes, et

4 ensuite à Vukovar même, à nouveau des soldats croates, en fonction de qui

5 contrôlait quel village le long des principales routes.

6 Q. Oui. D'accord, Madame Hartmann. Mais vous venez de dire que Vinkovci,

7 n'est-ce pas, était une ville croate toute cette période, n'est-ce pas ? Et

8 vous avez vu les soldats croates à Vinkovci ? Mais en voyageant de Vinkovci

9 vers Vukovar, certainement que vous trouvé aussi des soldats croates, puis

10 après des soldats serbes. Est-ce que vous vous rappelez de l'endroit,

11 village où vous avez vu pour la première fois les soldats que vous disiez

12 serbes ?

13 R. Je ne sais pas si c'est le premier, mais celui dont je me souviens,

14 c'est à la sortie de Vukovar et c'est en direction de Borovo Selo. Il y

15 avait un barrage, on ne pouvait pas sortir et on a tourné beaucoup, parce

16 qu'on arrivait à un barrage et on n'avait pas le droit de passer le

17 barrage. On parlait aux gens, et c'est pour cela que je sais qui était

18 serbe et qui était croate, en fonction des insignes et du territoire. Mais

19 on était dans une situation où il n'y avait pas la guerre, mais les

20 hostilités étaient fortes, puisqu'il y avait des forces armées aux

21 différents endroits.

22 Q. Oui, mais si je me rappelle bien, il s'agit du nord de la ville de

23 Vukovar, quand vous parlez de Borovo. Vinkovci est quand même au sud. Si

24 vous arrivez de Vinkovci, ou vous êtes passé peut-être par le nord ? Je ne

25 sais pas. Vous parlez de l'entrée de Vukovar. Où vous êtes entrée à

26 Vukovar ? Voilà, c'est ma question.

27 R. Il faudrait que je prenne mes notes de l'époque ou mes articles, comme

28 on a circulé dans toute la région. C'était après un incident qui s'était

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1 produit à côté d'Erdut. Nous sommes allés photographier la situation pour

2 expliquer au public qu'il y avait une situation d'avant-guerre. Je ne peux

3 pas me souvenir, tant d'années après, exactement tous les villages où nous

4 sommes passés, mais je les ai décrits à l'époque et je peux vérifier dans

5 mes notes.

6 Q. Oui, d'accord. Mais si vous parlez -- si vous étiez avant à Erdut, cela

7 c'est quand même le nord, alors c'est possible que vous ayez voyagé après

8 Erdut, que vous êtes venue à Borovo Selo.

9 R. Non, nous ne sommes pas allés à Erdut. Nous n'avons pas pu aller à

10 Erdut, justement parce que les routes étaient barrées.

11 Q. Mais entre Borovo Selo et la ville de Vukovar, est-ce qu'il y avait

12 Borovo Naselje qui était peuplé et tenu par les Croates ?

13 R. Oui. Vous aviez -- nous, comme journalistes, on pouvait généralement

14 passer d'une zone à l'autre, sauf à certains endroits où les villages

15 étaient entièrement bloqués. Donc, là où les Croates tenaient le

16 territoire, il y avait des soldats croates, et à l'entrée des villages

17 serbes, il y avait des barrages, des mines antichars et des miliciens qui

18 étaient sur le bord de la route pour empêcher les gens de traverser. Il y

19 avait déjà eu des affrontements depuis le mois de mai.

20 Q. Oui. D'accord. Quand vous avez parlé des soldats à Vukovar, est-ce que

21 vous, personnellement, vous avez visité ou vu l'hôtel Danube à Vukovar ?

22 R. Oui.

23 Q. Est-ce que certains de ces soldats ou ces soldats étaient stationnés

24 là-bas, à cet hôtel ? Est-ce que vous vous rappelez de cela ?

25 R. Cette fois-ci, non, mais je suis allée les voir dans leur QG, qui était

26 un bâtiment à côté de la mairie de Vukovar.

27 Q. D'après vous, de ce que vous avez vu, est-ce que ces soldats sont venus

28 des autres bouts du Croatie ? Ce n'était pas des gens du milieu ? C'étaient

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1 des soldats ZNG de où ? Vous ne savez pas ?

2 R. Je ne sais pas, parce que le chef que j'ai vu était quelqu'un de local.

3 Pour les autres, je ne sais pas.

4 Q. Est-ce qu'ils portaient des uniformes ?

5 R. Oui. Ils, au pluriel, oui. Je ne sais plus si le commandant, lorsqu'il

6 nous a reçus, était en uniforme, mais j'en ai vu en uniformes, oui.

7 Q. Est-ce que vous vous rappelez, Madame Hartmann, de quel uniforme il

8 s'agissait ?

9 R. Je me rappelle de l'écusson.

10 Q. Vous vous rappelez peut-être des signes qu'il y avait sur l'uniforme ?

11 R. Oui.

12 Q. Qu'est-ce que c'était, d'après ce que vous vous rappelez ?

13 R. Le damier du drapeau croate.

14 Q. Quelque chose d'autre, ou non ?

15 R. Pas de mon souvenir.

16 Q. Est-ce que cela vous dit quelque chose, HOS ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous saviez à l'époque qui dirigeait HOS ?

19 R. Je crois, M. Paraga.

20 Q. Oui, je parle de lui. Est-ce que vous savez que lui aussi, HOS, avait,

21 si on peut dire, ses forces ? Je ne vais utiliser le nom "paramilitaire" ou

22 cela, parce que même -- c'est discutable, même des soldats croates, est-ce

23 qu'ils étaient paramilitaires ou non ? Mais est-ce que ces soldats de HOS,

24 est-ce que vous avez pu les voir à Vukovar, à l'époque ?

25 R. A Vukovar non, mais je crois, dans un village en dehors.

26 Q. Est-ce que vous pourriez m'expliquer comment on a pu voir que c'étaient

27 des différents soldats de ceux du ZNG ?

28 R. Parce qu'ils avaient des uniformes noirs, une combinaison noire, et

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1 qu'on en concluait, à tort ou à raison, que c'était sans doute les gens du

2 HOS.

3 Q. Oui. Vous avez parlé maintenant de vos impressions de Vukovar et des

4 environs du mois de juillet, n'est-ce pas, 1991 ? Est-ce que c'était la

5 dernière visite à Vukovar avant --

6 R. Non.

7 Q. Vous y étiez après aussi ?

8 R. Oui, dans le cadre d'une visite officielle organisée par l'armée, la

9 JNA, par l'officier qui général, je crois, Gvero.

10 Un voyage de presse organisé; je crois que c'était le 20 ou le 21

11 novembre 1991, dans les jours qui ont suivi la chute de Vukovar. L'armée a

12 emmené la presse de Belgrade et la presse internationale qui était basée à

13 Belgrade à Vukovar.

14 Q. Merci. Mais bon, je m'intéresse surtout pour la période avant. Alors,

15 c'était la dernière visite jusqu'à la fin de la guerre pour Vukovar, n'est-

16 ce pas ? Cela, au mois de juillet, c'était la dernière fois que vous étiez

17 à Vukovar ?

18 R. Oui, parce que les bombardements ont commencé ensuite et c'était

19 difficile.

20 Q. Maintenant, vous avez parlé dans vos carnets ou livres d'un certain M.

21 Sinisa Glavasevic.

22 R. Oui.

23 Q. Qu'est-ce que vous pouvez dire sur lui ? Vous le connaissiez

24 personnellement, ou seulement parce que son métier ou ce qu'il faisait à

25 l'époque ?

26 R. Par son métier. Je ne le connaissais pas personnellement.

27 Q. Est-ce que vous pourriez dire comment -- qu'est-ce que vous avez pu

28 avoir comme information sur lui ou comment vous avez eu ces connaissances

Page 9650

1 de ce qu'il faisait ?

2 R. C'était le journaliste qui informait depuis Vukovar vers l'extérieur de

3 ce qui se passait dans la ville qui était bloqué, donc son nom était

4 célèbre dans l'information qui pouvait venir de l'intérieur. Ensuite, vous

5 savez qu'en tant que journaliste, lorsqu'un journaliste est porté disparu,

6 le corps professionnel est solidaire et s'intéresse à savoir ce qu'il est

7 advenu.

8 Q. D'accord, est-ce vous étiez au courant des appels, à l'époque, qu'il a

9 faits vers M. Tudjman, vers le président de Croatie ?

10 R. Je n'écoutais pas ces chroniques de Vukovar. J'en ai entendu parler, lu

11 des articles de ceci, mais je ne suivais pas, ne pouvant pas entendre la

12 radio Vukovar depuis Belgrade.

13 Q. Est-ce que quand même vous avez entendu qu'il a sévèrement critiqué la

14 politique de Tudjman vers Vukovar et tout ce qui s'est passé ? Il pensait

15 que Tudjman et le gouvernement croate n'a pas aidé la défense de Vukovar,

16 comme il l'appelait.

17 R. Il me semble l'avoir su, mais il n'était pas le seul. D'autres

18 personnes également ont critiqué. C'était un des éléments de notre

19 connaissance journalistique sur Vukovar dans le camp croate.

20 Q. Si j'ai bien compris votre réponse, Madame Hartmann, vous dites que

21 même d'autres, d'autres sources -- vous savez que Tudjman et le

22 gouvernement croate étaient critiqués pour l'absence de l'aide -- ou pas

23 aidé suffisamment la défense de Vukovar, n'est-ce pas ?

24 R. Oui. Les forces étaient disproportionnées, et ils se sont sentis

25 abandonnés. Ils auraient voulu avoir des renforts de Zagreb.

26 Q. Est-ce que vous avez pu entendre aussi de ces sources, je parle de

27 cercles croates, comme je vous ai dit, des raisons pourquoi le gouvernement

28 croate et le président Tudjman n'ont pas aidé Vukovar à essayer de se

Page 9651

1 défendre ou même de survivre, si vous voulez ?

2 R. Différentes spéculations dont je ne connais pas la valeur ou le

3 fondement.

4 Q. Est-ce qu'une des spéculations était que cela, peut-être, arrangeait

5 Tudjman pour essayer d'avoir la reconnaissance internationale de

6 l'indépendance de la Croatie, avec une ville martyre comme vous aviez, et

7 pas seulement vous, dit de Vukovar ?

8 R. L'une des spéculations dont je me souviens surtout, c'est qu'il y avait

9 un accord entre Tudjman et Milosevic.

10 Q. Est-ce que vous vous rappelez, un matin à l'époque, aussi de quelque

11 chose qui s'est passé, je crois que c'était au mois d'octobre 1991, à

12 Gospic, un massacre des civils serbes qui a eu beaucoup d'influence dans

13 les médias et dans, bien sûr, les politiques entre les deux parties ?

14 R. Bien sûr.

15 Q. Qu'est-ce que vous savez de cela ?

16 R. J'ai su beaucoup de détails sans pouvoir en établir la réalité, mais

17 par les articles qui sont sortis, et principalement, je citerais en

18 particulier les articles de Feral Tribune qui se sont intéressés à cette

19 question-là et qui étaient très factuels et qui sortaient d'accusations

20 propagandistes. Il y avait des faits précis.

21 Q. Des faits précis, des meurtres des civils serbes à Gospic, la région

22 qui était assez peuplée par les Serbes --

23 R. De crimes contre les Serbes par des forces croates à Gospic.

24 Q. Est-ce que vous vous rappelez, à l'époque, de la réaction du

25 gouvernement croate de Tudjman, de ce qui s'est passé à Gospic ?

26 R. Tous les gouvernements à l'époque niaient les crimes qui étaient commis

27 par leurs forces.

28 Q. Alors ce gouvernement et Tudjman aussi, d'après votre avis, n'est-ce

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1 pas ?

2 R. Bien sûr, tout le monde disait que c'était une invention de la presse

3 étrangère, les crimes.

4 Q. Mais est-ce que nous pouvons être d'accord que cela, ce qui s'est passé

5 à Gospic, a eu des influences ou pouvait beaucoup gêner la Croatie pour

6 avoir cette reconnaissance internationale, à l'époque ?

7 R. Sans doute.

8 M. MOORE : [interprétation] Je suis désolé, mais je suis -- je dois

9 m'opposer à ce contre-interrogatoire, puisqu'on ne parle absolument pas de

10 la question essentielle qui occupe les Juges de la Chambre. On demande au

11 témoin de se lancer dans des conjectures, des spéculations, d'abord au

12 sujet d'un incident, et ensuite, on lui demande de faire part de ses

13 conclusions politiques. Donc, je demanderais que l'on mette un terme à ce

14 contre-interrogatoire.

15 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Oui, je suis d'accord avec

16 vous, Monsieur Moore.

17 Donc, je vais demander à Me Domazet de recentrer ses questions, de se

18 concentrer sur les questions qui nous intéressent ici.

19 M. DOMAZET : [interprétation] C'était la dernière question de ce thème,

20 mais je pensais vraiment avoir une vue d'une journaliste, à l'époque, qui a

21 vraiment pu voir tous les éléments qui se passaient en Croatie, et je

22 pensais que cela peut être utile, mais en tout cas, merci. J'ai terminé

23 avec cette question-là, ce thème, si vous voulez.

24 Q. Quand vous avez dit "commandants de Vukovar", est-ce que vous rappelez

25 qui étaient les commandants croates à Vukovar ?

26 R. Celui que j'ai rencontré n'était pas le commandant, puisqu'il me semble

27 que c'était Mercep et qu'il avait quitté Vukovar vers la mi-juillet.

28 C'était son adjoint. Il me semble qu'il s'appelait Gagro, ou un nom comme

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1 cela, et qu'il a été tué ensuite.

2 Q. Est-ce que vous vous rappelez, Madame Hartmann, après cela, d'avoir

3 entendu comme commandant des forces croates à Vukovar, un certain Jastreb,

4 grand Jastreb, petit Jastreb, après, si vous vous rappelez de cela ?

5 R. Bien sûr, et pour une raison très particulière. C'est que l'un des

6 Jastreb était Serbe et il était l'un des commandants de la défense croate

7 de Vukovar.

8 Q. Est-ce que, comme journaliste, vous étiez au courant de ce qui s'est

9 passé après la chute de Vukovar, plusieurs mois après, avec ces commandants

10 de Vukovar ?

11 R. Certains ont eu des problèmes avec les autorités croates, je crois. Il

12 y a eu des divergences et des critiques.

13 Q. Est-ce que vous vous rappelez qu'ils étaient même arrêtés et mis en

14 prison, qu'on avait une instruction contre eux ?

15 R. Mes souvenirs ne sont pas très précis, mais effectivement qu'ils aient

16 été arrêtés, oui.

17 Q. Autre chose encore. Quand vous avez parlé de certains noms de gens

18 disparus, quand vous avez parlé de votre collègue journaliste, M.

19 Glavasevic, vous avez noté aussi un nom qui ne se trouve pas jusqu'à

20 présent sur la liste des personnes identifiées comme -- mais il s'agissait

21 d'un certain Jean-Michel Nicolier. Je pense, et vous devez peut-être mieux

22 savoir, qu'il n'était pas croate, n'est-ce pas ?

23 R. Il était Français.

24 Q. Un des, si je peux dire, soldats croates à Vukovar, ou --avez-vous

25 cette information ou non ?

26 R. Il se battait du côté des forces croates.

27 Q. Est-ce que vous saviez qu'il était membre de HOS, la formation qu'on a

28 parlé dont on a parlé tout à l'heure ?

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1 R. Non, je ne savais pas membre de quelle unité. Je savais qu'il se

2 battait du côté des forces croates.

3 Q. D'accord. Vous avez mentionné aussi un certain M. Slavko Dokmanovic,

4 n'est-ce pas ?

5 R. Hm-hm.

6 Q. Si je me rappelle bien, vous avez indiqué que c'était un des anciens

7 communistes du Parti démocratique serbe à l'époque. Ma question est : est-

8 ce que vous vous rappelez que ce M. Dokmanovic était le maire ou le

9 président de l'assemblée municipale à Vukovar juste avant la guerre de

10 Vukovar ?

11 R. Oui, mais je le sais surtout parce qu'il a été inculpé et que tous ces

12 détails sont dans les inculpations. Je ne l'ai pas rencontré en juillet

13 1991 à Vukovar. Le poste était occupé par M. Didic Bili. Il m'a parlé de

14 Dokmanovic, mais je ne le connaissais pas plus.

15 Q. Oui. A cette époque-là il n'était plus maire, mais est-ce que vous

16 savez que c'était par une décision du gouvernement croate qu'ils ont

17 supprimé M. Dokmanovic du poste du maire de Vukovar et ils ont mis ce M.

18 Bilic comme son successeur ?

19 R. Oui, il y ait eu un décret croate.

20 Q. On parle de ce M. Didic Bili. Est-ce que vous vous rappelez, est-ce que

21 vous avez vu des informations que juste -- oui, le transcript a appelé ce

22 Didic, Bilic, vous voyez ? Vidic. Comme il était peut-être plus haut

23 fonctionnaire civil à Vukovar à l'époque, est-ce que vous vous rappelez

24 d'avoir entendu des informations que même juste - je crois que c'était le

25 17 novembre - qu'à Zagreb, dans la réunion du gouvernement croate, on

26 parlait d'admettre que M. Vidic ait des négociations avec Goran Hadzic ?

27 Est-ce que vous avez entendu parler de cela, quelque chose ?

28 R. A l'époque, je couvrais l'ensemble de l'ex-Yougoslavie. Je ne suis pas

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1 au faîte de toutes les négociations, et en tout cas je n'en ai pas le

2 souvenir. Je ne sais pas.

3 Q. En tout cas, si j'ai bien compris, jusqu'à 1994 vous étiez à Belgrade,

4 n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Plusieurs années après cela -- et même après, vous étiez à Paris, mais

7 vous avez voyagé dans les pays des Balkans. Mais si je me rappelle, vous

8 avez dit mais pas en Serbie. Est-ce qu'il vous était interdit d'entrer ou

9 vous n'avez pas voulu venir à Belgrade à cette époque ?

10 R. Non, je n'obtenais pas, en dépit de mes demandes permanentes auprès de

11 l'ambassade de la SFRY à Paris, je n'obtenais jamais de visa, ni à titre

12 privé, ni à titre professionnel, jusqu'en janvier 2001.

13 Q. Mais après en 2001, après octobre 2000, vous avez pu venir en Serbie,

14 n'est-ce pas ?

15 R. Absolument. Entre-temps, j'ai vu voyager au Monténégro qui suivait une

16 autre politique des visas vis-à-vis des journalistes étrangers.

17 Q. Est-ce que vous vous rappelez, Madame Hartmann, à cette époque, en

18 1991, juste les mois de la bataille pour Vukovar, qu'il y avait quelque

19 chose je peux dire qui se passait, c'était sûrement dans la presse,

20 j'espère que vous avez vu, une opération Opéra et opération Labrador

21 aussi ? Est-ce que vous vous rappelez de cela ?

22 R. Oui, je connais ces noms.

23 Q. Quelles sont vos informations à cette époque-là de -- que cela

24 s'agissait d'Opéra ? A votre connaissance, qu'est-ce que c'était à

25 l'époque ?

26 R. J'ai essayé de résumer ce que je savais dans mon livre que j'ai écrit

27 en 1999. A l'époque, on ne savait pas très bien. Si mes souvenirs sont

28 bons, on pensait que c'était une opération organisée par le KOS, K-O-S.

Page 9656

1 Mais cela faisait partie des choses qui n'étaient pas très claires pour

2 nous dans les relations internes à l'ex-Yougoslavie, l'armée, les nouvelles

3 républiques.

4 Q. L'autre opération Labrador qui touche la Croatie comme territoire, est-

5 ce que vous vous rappelez de quoi il s'agissait ?

6 R. Plus ou moins la même chose. Mais à l'époque, on avait très peu de

7 connaissances. Quelques articles étaient éventuellement écrits. Je crois

8 que c'est le journal Vreme qui a été le plus précis, mais difficile de

9 corroborer ces informations avec d'autres sources. C'était --

10 Q. Une question seulement avec cela. Est-ce que vous rappelez qu'à

11 l'époque il y avait des arrestations en Croatie, des arrestations de gens

12 soi-disant qu'ils appartenaient à ce groupe Labrador ? Ils appartenaient à

13 l'armée yougoslave à différents services par le gouvernement croate de

14 Tudjman ?

15 R. Sans doute.

16 Q. Si je peux vous rafraîchir la mémoire. Est-ce que vous rappelez de

17 l'échange, si je peux dire des Croates, Serbes, ou prisonniers, puisqu'il y

18 avait pas cela, un grand échange, où du côté croate, ils ont échangé juste

19 ces gens qui étaient arrêtés dans cette opération de Labrador ? Cela,

20 c'était quand même à l'époque quelque chose, et je crois que les

21 journalistes devaient suivre cela ou peut-être --

22 R. Mes souvenirs sont très vagues, parce que comme nous ne savions pas les

23 dessous de cette histoire et tous les éléments de cette histoire, nous ne

24 pouvions pas écrire ou vraiment enquêter, puisqu'il s'agissait du contre-

25 espionnage militaire de deux relations, des choses tenues très secrètes.

26 Mes souvenirs sont vagues, parce que je n'ai jamais réussi à établir les

27 faits et trouver suffisamment de sources pour pouvoir vraiment travailler

28 sur cette histoire.

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1 Q. Merci, Madame Hartmann. Je voulais seulement vous poser quelques

2 questions qui s'agissaient de votre carnet qui est marqué ici par ce numéro

3 DVR 01. La première page, je crois, c'est le 2 368.

4 R. Oui.

5 Q. Je crois que c'est juste la première page. Je crois que là, c'est

6 marqué seulement cette page-là, Vukovar et Sandzak. Sandzak, c'est tout à

7 fait une autre région, n'est-ce pas, en Serbie ? Est-ce que vous pourriez

8 expliquer comment se trouve ce nom Sandzak là ? Est-ce qu'il s'agissait de

9 quelque chose ? Parce que je n'ai pas vu dans votre carnet quelque chose

10 qui a des ressemblances avec cela.

11 R. Parce que sur le même carnet, j'ai fait deux reportages différents à

12 des périodes différentes. Mais dans la même année 1992, la première partie

13 a été utilisée pour le voyage le 27 octobre 1992 à Vukovar, et plus tard je

14 suis repartie faire un autre reportage dans Sandzak. La partie concernant

15 l'affaire a été photocopiée, l'autre partie a été fermée.

16 Q. D'accord. L'autre page, n'est-ce pas, la première date que vous avez

17 marquée, c'est le 27 octobre 1992, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Vous pouvez passer quelques pages et voir la page 2 372, s'il vous

20 plaît ? C'est quelques pages après. J'ai vu dans votre carnet une autre

21 date, antérieure c'est-à-dire le 18 octobre 1992. Dans la traduction,

22 c'était marqué que c'était dimanche, mais là je crois que vous avez un

23 samedi. C'est écrit un samedi le 18 octobre 1992. Comment peut être cette

24 date après le 27, après ce que vous avez mis, si c'est vraiment cela ?

25 R. Vous devez regarder la page précédente.

26 Q. Oui.

27 Q. Je suis en train de noter les informations que me donne Blandine Negga,

28 la chef des affaires civiles des Nations Unies du secteur est à Erdut et

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1 elle me fait le récit depuis septembre 1992 jusqu'au 18 octobre 1992,

2 lorsque le charnier a été découvert par les services du rapporteur de la

3 Commission des droits de l'homme des Nations Unies. C'est ce qu'on peut

4 appeler le background qu'elle me donne.

5 Q. Oui, d'accord, je comprends. A cause de cela c'est daté, noté après le

6 27, vous avez marqué ce que vous avez su sur le 18.

7 R. Vous avez effectivement raison, le 18, c'était un dimanche et non un

8 samedi.

9 Q. Oui, mais en tout cas, ce n'est pas important, pas du tout. C'était

10 dans la traduction en B/C/S, je crois que c'est marqué dimanche, mais chez

11 vous là c'est un samedi si je ne me trompe.

12 Mais une question sur le livre de Milosevic dont on a parlé un peu. Vous

13 avez dit, je crois, que vous avez écrit cela en 1999 ? C'était cela ?

14 R. Il a été publié en octobre 1999.

15 Q. Pour la première fois, où, en France ?

16 R. En France.

17 Q. Le titre est exact, le titre du livre ?

18 R. Milosevic :

19 Q. Diagonale du fou.

20 R. "La diagonale du fou."

21 Q. Mais ce livre a, je crois, 2002, il se peut que je me trompe de

22 l'année, était publié à Belgrade aussi, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Le titre à Belgrade n'était pas le même ?

25 R. Oui et non.

26 Q. Est-ce que vous pouvez expliquer, s'il vous plaît ?

27 R. Le titre en français, "La diagonale du fou," c'est un terme d'échecs,

28 dans la stratégie des échecs. Je n'ai pas eu contrôle de la traduction ni

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1 en Serbe, puis ultérieurement en Croate et le titre en Serbe a déformé la

2 signification en français. La référence était le terme d'échecs, mais le

3 mot "fou" en français comme vous le savez, veut dire également autre chose.

4 Il y a un jeu de mots dans le titre français qui est difficile à traduire,

5 mais c'est "laufer" le terme d'échecs et il a été traduit dans une langue

6 avec "laufer" et dans une autre langue avec "ludjaka".

7 Q. D'accord. Parce que moi voyant le titre en français, je pensais bien

8 que "diagonale du fou" que le fou c'est ce que vous savez ce qu'il signifie

9 en français.

10 R. Il n'y a pas de doute en français puisque ce terme a déjà été utilisé

11 d'ailleurs dans un film qui fait référence aux échecs et mon éditeur avait

12 vérifié s'il n'y avait pas de copyright sur le titre, donc le terme est un

13 terme d'échecs en français.

14 Q. Est-ce que votre livre a été publié en Croatie ou en Slovénie ?

15 R. En Croatie.

16 Q. Avec quel titre ? Le même comme à Belgrade ou quelque chose d'autre ?

17 R. En Croatie le titre a été : "Milosevic : Dijagonala Ludjaka." En Serbe,

18 il a été traduit : "Dijagonala Laufer." Mais comme je vous ai dit, je n'ai

19 eu aucun contrôle sur la traduction du livre ou du titre. J'étais à

20 l'époque déjà au TPI.

21 Q. Il y avait des erreurs dans le procès-verbal. Je crois d'abord la

22 première fois qu'on a marqué le titre, je crois on voit d'entrer c'était :

23 "Milosevic : Diagonale du fou", n'est-ce pas. Mais si j'ai bien compris, en

24 Croatie, ils ont utilisé le mot qui signifie le propre mot "fou" en

25 français et vous avez bien dit "ludjaka," ou quelqu'un qui est mentalement

26 ou je ne sais pas comment on peut l'expliquer, mais je crois qu'on comprend

27 très bien ce qu'il s'agissait ?

28 R. C'est une interprétation qui n'est pas de mon fait. Le livre porte

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1 clairement sur la stratégie de Milosevic, le terme "diagonale du fou" est

2 un terme de stratégie aux échecs.

3 Q. Mais comme auteur, vous avez pu avoir quand même la possibilité

4 d'intervenir à Zagreb ou à Belgrade si on n'était pas content avec le titre

5 parce que le titre c'est quand même quelque chose qui est très important.

6 R. Je n'avais pas la capacité de m'occuper de mes affaires antérieures à

7 mon travail en tant qu'employée du TPIY et la traduction ne n'a pas été

8 soumise, ni du titre ni du livre. Il y a d'autres erreurs dans le livre

9 importantes dans la traduction que je n'ai pas fait révisées.

10 Q. Mais pas de changements de votre texte, vous personnellement vous

11 n'avez pas changé de texte du livre publié à Paris, Belgrade et Zagreb.

12 R. Je ne suis pas intervenue sur la publication et j'ai renoncé à mes

13 droits lors de la publication.

14 Q. D'accord.

15 R. Donc je n'ai eu rien à voir.

16 Q. Bien. Merci, Madame Hartmann. Je n'ai plus d'autres questions à vous

17 poser. Merci pour les réponses.

18 M. DOMAZET : [interprétation] Merci, Madame et Monsieur les Juges.

19 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : Merci, Maître Domazet.

20 M. BOROVIC : [interprétation] Je pense qu'il serait bon de faire la pause

21 déjeuner avant que je ne commence puisqu'il ne me reste que dix minutes,

22 Madame le Juge. A moins que vous ne pensiez que je doive commencer dès

23 maintenant.

24 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Très bien. Peut-être que

25 nous pourrons en terminer de la déclaration de ce témoin cet après-midi. En

26 tout cas, c'est ce à quoi nous nous attendons.

27 Nous allons effectivement faire la pause déjeuner maintenant et nous

28 reprendrons à 13 heures 45.

Page 9662

1 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 19.

2 --- L'audience est reprise à 13 heures 48.

3 M. DOMAZET : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, seulement une

4 chose avant que M. Borovic commence, une erreur, page 41, ligne 17. Au lieu

5 de régime de Karadzic, vous avez --

6 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [aucune interprétation]

7 M. DOMAZET : [interprétation] – Oui --

8 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] -- j'ai aussi référé.

9 M. DOMAZET : [interprétation] Voilà, merci.

10 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Monsieur Borovic.

11 Contre-interrogatoire par M. Borovic :

12 Q. [interprétation] Bonjour, je m'appelle Borivoje Borovic, je suis avocat

13 à Belgrade. Ma première question est la suivante : au sujet de votre

14 arrivée à Ovcara en 1991, est-ce que vous avez fait une interview à un

15 magazine de Belgrade en 1997 ?

16 R. C'est possible. Je me souviens avoir donné une interview à ce journal,

17 mais je ne me souviens pas exactement quel était le thème.

18 Q. Merci. Est-ce que vous avez décrit votre arrivée à Ovcara et avez

19 découvert la fosse ?

20 R. [hors micro]

21 Q. Merci.

22 R. A partir de ce moment-là, comment êtes-vous parvenu au hangar

23 d'Ovcara ? Est-ce que vous aviez un passe qui vous permettait de vous

24 déplacer ?

25 R. [hors micro]

26 Q. Mais le lieu où se trouvait le charnier, est-ce qu'il y avait des

27 restrictions ou des déplacements à cet endroit ? Est-ce qu'il fallait avoir

28 un sauf-conduit ?

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1 R. -- spéciale de Belgrade, comme journaliste. A l'époque, je pouvais

2 circuler sans accréditation différente sur les territoires sous contrôle

3 serbe en Croatie.

4 Q. Merci. Est-ce que cela signifie que vous êtes arrivée sur place sans

5 aucun problème et que vous avez trouvé les soldats que vous avez

6 mentionnés ?

7 R. Sans grande difficulté effectivement, sauf au moment où on a été

8 contrôlés, mais il n'y a pas eu plus de difficultés.

9 Q. Merci. Dans votre livre, vous avez déclaré qu'au moment du massacre

10 d'Ovcara, il y avait un quartier général de la garde mécanisée; est-ce que

11 c'est exact ? C'est ce qu'on lit dans votre livre.

12 R. Le livre a été écrit en 1999, publié en 1999. C'est possible, mais

13 j'aimerais que vous me citiez. Vous parlez de l'armée, de quelle armée ?

14 Q. Je parle de la JNA. Page 185; est-ce bien exact ?

15 R. [hors micro]

16 Q. De quelle sorte de QG parliez-vous à ce moment-là ? Est-ce que vous

17 entendiez par là un poste de commandement, un état-major ? A quoi pensiez-

18 vous quand vous avez dit dans votre livre qu'il y avait des QG à cet

19 endroit à Ovcara ? Est-ce que c'était un poste de commandement de la JNA ?

20 R. Je n'ai pas utilisé le mot "stozer" parce que j'ai écrit en

21 français, donc en anglais, c'est "command".

22 Q. D'accord, bien. Dans la traduction dont vous nous dites que vous ne

23 l'avez pas vérifiée, il est écrit QG, mais pas commandement.

24 R. [hors micro]

25 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire si savez de quel type de

26 commandement il s'agissait à Ovcara, le commandement de la JNA ? Que

27 saviez-vous de cela avant de l'écrire dans votre livre ? Qui était le

28 commandant d'Ovcara.

Page 9664

1 R. -- livre, publié en 1999, se base sur les données d'accès public,

2 notamment les journaux, les informations publiques et même les inculpations

3 du Tribunal. Les références sont données dans le livre en général.

4 Q. Merci. En tant que journaliste d'investigation, vous avez travaillé sur

5 le crime d'Ovcara, et au moment de ce crime, est-ce que vous saviez qui

6 était le commandant d'Ovcara, puisque vous avez parlé de ce poste de

7 commandement dans votre livre ?

8 R. En 1992, je ne savais pas qui était commandant de cet endroit en

9 particulier, ni au moment même des exécutions. Cela faisait partie des

10 questionnements que j'avais.

11 Q. Merci. Vous avez travaillé longuement pour le bureau du Procureur. Est-

12 ce que vous disposez maintenant de ces informations ? Est-ce que vous savez

13 cela maintenant ?

14 R. J'ai lu les inculpations, qui était commandant de quoi, précisément. Je

15 peux me tromper. Mon rôle en 1992 comme journaliste était de vérifier s'il

16 y avait effectivement un charnier d'où provenaient les victimes, qui

17 éventuellement en avait la responsabilité, mais je ne suis pas juriste et

18 je n'étais que journaliste et je rapportais les faits autant qu'on puisse

19 les établir, et ce n'était pas mon rôle d'identifier la chaîne de

20 commandement.

21 Q. Merci. Donc, nous n'allons pas nous appesantir sur ce point. Nous

22 allons passer à autre chose, puisque vous dites que vous ne le savez pas.

23 Nous connaissons bien l'affaire en l'espèce, et il n'est fait mention de la

24 présence d'aucun commandement de la JNA à Ovcara à l'époque. Mais cela

25 s'inscrivait dans le cadre de vos activités de journaliste, donc je ne vais

26 pas vous poser plus de questions sur ce point.

27 Est-ce que la fosse a été découverte par vous et votre collègue, M.

28 Mazowiecki ?

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1 R. -- membre de la Commission, je ne suis allée qu'ensuite retrouver le

2 site par mes propres moyens et obtenir la confirmation du lien qu'on

3 pouvait établir entre le site et les disparus de l'hôpital de Vukovar.

4 Q. Merci. Le livre dont nous parlons a été publié --

5 R. -- en français, il a été ensuite traduit dans deux pays, en Serbie, à

6 Belgrade et en Croatie.

7 Q. J'ai découvert une information selon laquelle une autre personne qui a

8 été témoin des événements de Vukovar a publié un livre sur ce point. Avez-

9 vous entendu parlé du Dr Jure Njavro ?

10 R. Pardon. Si j'ai déjà entendu ce nom, mais je ne m'en souviens pas.

11 Q. Mais peut-être pourrais-je vous rafraîchir la mémoire ? Il était

12 chirurgien à Vukovar. Il a écrit un livre au sujet des événements de

13 Vukovar. Est-ce que cela vous aide ?

14 R. [hors micro]

15 Q. Vous avez écrit que vous saviez que quelque 600 Croates, ont été

16 victimes des événements de Vukovar et que le nombre de victimes de la JNA

17 est inconnu, que ces données sont secrètes, ou en tout cas, c'était le cas

18 à l'époque, elles étaient secrètes.

19 R. Il n'y avait pas de publicité de faite sur les victimes, en termes

20 généraux, du côté serbe, ni à Vukovar ni dans d'autres endroits,

21 d'ailleurs. Peut-être qu'elles sont publiques depuis, mais longtemps, nous

22 avions des difficultés pour obtenir des chiffres.

23 Q. Si je devais vous dire que c'est le Dr Njavro qui a écrit dans son

24 livre que quelque 600 Oustachi -- enfin, je m'excuse, 600 Croates ont été

25 tués, et qu'il sait que 8 000 Serbes civils ou membres de la JNA ont été

26 tués. Est-ce que cela vous dit quelque chose ? Est-ce que vous avez fait

27 des recherches au sujet des personnes tuées du côté de la JNA ?

28 R. Un journaliste ne peut pas se permettre de spéculer sur les chiffres,

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1 il peut citer des sources officielles si elles sont rendues publiques, mais

2 ce n'est pas mon rôle de confirmer ou d'infirmer un chiffre surtout quand

3 on prend une période longue. En général, nous utilisons des chiffres des

4 disparus, de préférence des organisations internationales comme le CICR ou

5 les chiffres que pouvaient apporter les Nations Unies. Mais tous les

6 chiffres sont encore sujets à caution.

7 Q. Merci. Mais pourtant c'est ce que vous avez fait s'agissant des Croates

8 puisque là vous avez donné un chiffre précis, même si ce n'était pas le

9 chiffre officiel à l'époque. Sur la base de quelles informations avez-vous

10 inclu ce chiffre dans votre livre ? Si vous vous en souvenez, sinon passons

11 à autre chose.

12 R. -- un des chiffres apporté par des structures officielles, des

13 associations de disparus ou des chiffres, si on parle du livre, qui étaient

14 mentionnés dans des documents comme ceux du TPI, par exemple.

15 Q. Merci. Quand vous avez répondu aux questions du Procureur, et au début

16 du contre-interrogatoire vous avez parlé des forces croates dans les

17 villages croates, alors qu'en parlant des forces serbes vous avez utilisé

18 le terme d'unités "paramilitaires". D'où il en vient que je vous pose la

19 question suivante : dans les villages croates, est-ce qu'il y avait des

20 troupes croates ou des unités paramilitaires ?

21 R. Je n'ai pas utilisé le terme de "paramilitaires", j'ai dit milices. Il

22 était difficile d'identifier précisément en 1991 la nature de ces milices.

23 En général, il s'agissait de ce qu'on appelait la TO, la "Territorial

24 Odrana" [phon].

25 Q. Merci. Vous avez interviewé l'adjoint de Mercep, est-ce qu'il s'appelle

26 Blago Zadro ?

27 R. [hors micro]

28 Q. Merci. Est-ce que vous saviez que les unités de Mercep étaient des

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1 unités paramilitaires à Vukovar à l'époque. Les ZNG à l'époque, c'étaient

2 des unités paramilitaires.

3 R. [hors micro]

4 Q. Merci. Etant donné que cela nous intéresse au plus haut point et que

5 vous avez une longue expérience de correspondante de guerre. Je voudrais

6 savoir si ces unités étaient des unités de paramilitaires, les unités ZNG ?

7 R. Tout dépend du point de vue juridique où on se trouve, du point de vue

8 de l'ancienne Yougoslavie, tout ce qui n'était pas la police régulière ou

9 la JNA était para quelque chose. C'est difficile de répondre. On peut

10 considérer que les milices serbes, les milices croates, tout était

11 paramilitaire, c'est une analyse juridique qui n'est pas de ma compétence.

12 Q. Les HOS, cela c'est quelque chose dont vous nous avez également parlé

13 dans le cas de votre déposition. Est-ce qu'il s'agissait là d'une autre

14 formation paramilitaire à l'époque en Croatie ?

15 R. On avait tendance à tous l'appeler paramilitaire parce que c'était une

16 milice dépendant d'un parti politique à l'idéologie très précise.

17 Q. Merci. Cette idéologie que vous évoquez, est-ce que c'est l'idéologie

18 oustacha, peut-être. Est-ce que vous savez ce que recouvre ce terme ? Et ma

19 deuxième question : c'est de savoir s'ils ont adopté le programme du parti

20 oustacha de la Deuxième Guerre mondiale pour ce qui est de l'uniforme, de

21 leur politique, et cetera ?

22 R. C'était une milice d'un parti extrémiste, effectivement.

23 Q. D'accord, merci. En juillet 1991, à Vukovar, pour ce qui est des forces

24 croates, est-ce qu'il y avait une unité qu'on appelait la force de

25 protection civile croate ? Est-ce que vous en avez entendu parler à

26 l'époque ?

27 R. Je ne suis pas certaine que je connaisse exactement ce mot-là, mais

28 j'étais justement sur le terrain pour constater par moi-même de la présence

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1 de différentes unités qui n'existaient pas dans les structures de

2 l'ancienne Yougoslavie et qui étaient toutes liées à des groupes ethniques.

3 Q. Merci. Est-ce que vous avez jamais eu des informations selon

4 lesquelles, à Vukovar, les Croates ont fait appel à un grand nombre

5 d'étrangers ou de mercenaires étrangers qui étaient payés pour combattre à

6 Vukovar ? Est-ce que vous avez reçu des informations dans ce sens ?

7 R. J'ai entendu de telles allégations dans le cadre de la guerre en

8 Croatie comme en Bosnie-Herzégovine, des allégations qui portaient

9 d'ailleurs sur toutes les parties.

10 Q. Merci. Je vous posais la question au sujet de votre visite à Vukovar.

11 Est-ce que vous avez rencontré quelqu'un, les gens qui étaient venus là

12 pour se battre aux côtés des unités croates ?

13 R. En juillet 1991, je n'ai rencontré aucun étranger combattant.

14 Q. Merci. Quand vous avez interviewé les officiers du ZNG ou les officiers

15 de ces unités paramilitaires, enfin c'est la position des équipes de la

16 Défense, je voudrais savoir si ces unités étaient en train de piéger toute

17 la ville, étaient en train de poser des mines absolument partout. Est-ce

18 que vous avez eu besoin d'assistance pour éviter les champs de mine, pour

19 arriver au QG des unités croates ?

20 R. Les seules mines que j'ai vues étaient sur la route, et elles étaient à

21 côté de camions militaires appartenant à la JNA. C'étaient des mines

22 antichars qui sont rondes et très grosses, dont le but était de bloquer la

23 sortie de Vukovar, que les habitants de Vukovar ne puissent pas aller vers

24 le village serbe qui était sur cette route plus loin.

25 Q. Merci. Est-ce que cela signifie que les membres de la JNA eux-mêmes ne

26 pouvaient pas traverser ce champ de mines ? Ils devaient bien rester en

27 deçà, n'est-ce pas, à ce moment-là ?

28 R. Il y avait les mines et un camion militaire, mais je n'ai pas vu de

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1 soldats à cet endroit-là, à ce barrage-là, de soldats de la JNA. De l'autre

2 côté, il y avait des milices serbes à qui nous avons pu parler.

3 Q. Merci. Finissons-en de l'examen de ce sujet précis. Vous nous dites que

4 ces mines, elles avaient été posées pour empêcher les Croates d'entrer dans

5 les villages serbes. Est-ce que c'est exact ? Je ne vois pas d'autre

6 raison, parce qu'après tout, il y avait quand même la guerre à ce moment-

7 là.

8 R. Je n'ai pas dit "prodru."

9 Q. Attaque à ce moment-là ?

10 R. -- était bloqué et les gens ne pouvaient pas circuler librement. Les

11 raisons exactes, je ne les connais pas. Mais tout le monde avait peur de

12 tout le monde, effectivement.

13 Q. Fort bien, merci. En juillet, à titre de journaliste, est-ce que vous

14 êtes allée à la caserne de la JNA à Vukovar, afin d'obtenir des

15 informations au sujet des positions occupées par l'armée en ville ?

16 J'imagine que vous connaissiez leur rôle sur place, n'est-ce pas ?

17 R. Bien sûr.

18 Q. Merci. Est-ce que vous avez obtenu des informations de la part des

19 membres de la JNA au sujet de la situation à Vukovar, puisque vous dites

20 vous être rendue à la caserne ? Est-ce que les soldats pouvaient se

21 déplacer librement à Vukovar à l'époque ? Je parle des "soldats" de la JNA.

22 R. Je crois que j'ai fait une erreur, la caserne que j'ai visitée, c'était

23 à Vinkovci.

24 Q. Merci.

25 R. -- militaire, et dans la région et à Belgrade sur la situation, et la

26 position de l'armée était claire.

27 Q. Merci. En juillet 1991, vous êtes allée au quartier général de l'état-

28 major du ZNG. Comment avez-vous pu rentrer dans Vukovar ? Pouviez-vous vous

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1 déplacer librement ou y avait-il besoin d'une escorte ? Quelqu'un a-t-il dû

2 vous escorter jusqu'aux unités ZNG qui se trouvaient là ?

3 R. -- une voie d'accès jusqu'à Vukovar qui passait, si je me trompe, par

4 Ilok - il faudrait que je regarde la carte - où il n'y avait aucun village

5 serbe sur la route ou de barrages serbes sur la route. Depuis la Serbie,

6 par cette route-là, par contre pas par d'autres, nous avons pu rentrer sans

7 difficultés à Vukovar. Mais en tant que journaliste, nous pouvions

8 également traverser des villages serbes. Les barrages concernaient la

9 population locale, dans Vukovar, nous sommes allés voir les officiels, le

10 maire et le QG des forces croates qui était juste à côté pour se rendre

11 compte de la situation.

12 Q. Merci. Qui a organisé ce rendez-vous pour vous avec les membres de

13 l'état-major croate ?

14 R. -- part, nous nous sommes rendus à la mairie pour rencontrer le maire,

15 enfin la personne qui avait été nommée par Zagreb à la tête des autorités

16 civiles de Vukovar. Ensuite, nous sommes allés sur place. Alors, est-ce

17 qu'un coup de téléphone, je ne me souviens pas, a été passé par le maire

18 pour aller voir le QG ? C'était juste à côté ? Mais quand vous faites un

19 reportage, vous ne prenez pas toujours des rendez-vous à l'avance. Vous

20 essayez d'observer la situation.

21 Q. Merci. Vous n'êtes pas allée aux casernes de la JNA à Vukovar cette

22 fois-là, et vous ne connaissiez pas la situation de la JNA à l'intérieur de

23 Vukovar à l'époque, n'est-ce pas ?

24 R. J'étais basée à Belgrade, donc la position officielle de l'armée

25 m'était connue, je suis allée en reportage pour observer la situation et me

26 rendre compte de la présence de différents groupes armés et des risques

27 réels d'un conflit armé qui était juste à ses débuts. C'était l'objectif de

28 mon reportage qui devait aller au-delà des discours, qui sont souvent de

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1 propagande.

2 Q. Merci. Vous êtes-vous rendue compte que les casernes de la JNA, la

3 caserne de la JNA à ce moment-là, étaient encerclées par un certain nombre

4 d'unités paramilitaires croates ?

5 R. Pas sous cette forme. Il y avait dans la région une présence de forces

6 armées diverses importantes, mais pas d'encerclement particulier, mais une

7 difficulté de circulation pour les locaux.

8 Q. Merci. Saviez-vous que Tomislav Mercep commettait des crimes contre la

9 population civile à l'époque ? Peut-être que vous le savez aujourd'hui, et

10 pas à l'époque ?

11 R. -- rumeurs. Comme il y avait beaucoup de rumeurs sur des crimes d'une

12 partie contre l'autre en fonction du groupe ethnique à qui vous posiez la

13 question. De nombreux articles de presse ont été écrits depuis sur des

14 crimes allégués de Mercep, mais je ne suis pas enquêteur et je ne peux pas

15 confirmer s'il y a eu ou non, mais il est suspecté dans de nombreux

16 articles.

17 Q. Merci. Pour finir, dans l'un ou l'autre de vos articles sur les crimes

18 commis sur des civils serbes, en avez-vous écrit, et quand ?

19 R. [hors micro]

20 Q. Merci.

21 R. Dans mon livre.

22 Q. Savez-vous qui est Markica Rebic ?

23 R. Je connais son nom, oui.

24 Q. Si je vous disais qu'il était à l'époque l'adjoint du ministre de la

25 Défense croate; est-ce que nous pensons à la même personne ?

26 R. [hors micro]

27 Q. Merci.

28 M. BOROVIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, j'aimerais que

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1 l'on produise la pièce 229. La version en B/C/S est

2 2D08-0064, et en anglais il s'agit de 2D08-0084.

3 Q. Est-ce que vous voyez ce document sur l'écran ?

4 R. [hors micro]

5 Q. C'est un document qui a été envoyé au ministère de la Défense, au

6 président Franjo Tudjman, donc président de la République de Croatie à

7 l'époque. En bas, vous voyez que Markica Rebic a signé ce document. Est-ce

8 que vous le voyez ? Markica Rebic, donc ministre adjoint.

9 R. [hors micro]

10 M. BOROVIC : [interprétation] Bien. J'aimerais que l'on montre maintenant

11 les pages que j'ai demandées, 2D08-0064.

12 Est-ce qu'on pourrait zoomer sur cette page, s'il vous plaît ? Merci.

13 Q. Est-ce que vous voyez le chiffre V ? Il y est dit : "Récoler des

14 témoins pour d'autres procès à la Cour pénale internationale ou dans les

15 tribunaux pénaux internationaux."

16 R. [hors micro]

17 Q. Alors ici, on fait référence au service secret, non pas au ministère,

18 puisque ce sont eux qui ont produit ce document et nous en avons demandé le

19 versement au dossier. Il est dit que ce service a contribué au récolement

20 de témoins à charge, au cas où il y ait mise en accusation de M.

21 Sljivancanin, Mrksic et aussi dans la préparation du procès Dokmanovic.

22 Donc, il y a une liste de noms de témoins. Ce n'est pas la peine que je

23 vous en donne lecture. Je suppose que vous l'avez lue, n'est-ce pas ?

24 Alors point 2, paragraphe 6, éléments de renseignement ou d'activités

25 de renseignement et de contre-renseignements effectuées ou menées par ce

26 service. Vous le voyez, n'est-ce pas ?

27 R. [micro]

28 Q. Merci.

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1 M. BOROVIC : [interprétation] Je vous dirai plus tard pourquoi je procède

2 de manière progressive.

3 Q. Donc au point 2 : "Après différentes activités du service de contre-

4 renseignements, et cetera, les services ont vu que plusieurs autres actes

5 d'accusation allaient être portés contre les Croates de Bosnie centrale."

6 Est-ce que vous voyez cela ?

7 R. [hors micro]

8 Q. Enfin, je vais vous donner lecture du dernier point : "Il est possible

9 que puisqu'il n'y avait pas d'appui en matière de renseignements, les

10 services aient procédé à leur propre analyse et à leur propre recherche

11 afin de pénétrer le système des tribunaux pénaux internationaux."

12 Est-ce que vous voyez cela ?

13 R. Oui.

14 Q. Merci. Pour conclure sur ce point, les trois dernières lignes du point

15 5 disent la chose suivante : "C'est au travers de cette coopération que les

16 services ont jusqu'à présent recueillis en nombre important des documents

17 des tribunaux pénaux internationaux (environ 70 dossiers constituaient des

18 documents originaux)."

19 "Par le biais de nos aides, nous avons également reçu des informations

20 actuelles sur des actes d'accusation secrets ainsi que sur les intentions

21 du Procureur et la participation de témoins."

22 C'est ce qui est dit dans ce document au point 5, n'est-ce pas ?

23 R. -- pas la dernière phrase. Non, non, mais --

24 Q. Essayez, recommencez. Donc, la dernière phrase se trouve maintenant sur

25 votre écran, la première. Est-ce que vous la voyez ?

26 R. [hors micro]

27 Q. Merci. Bien. Alors vous confirmez que ce dont je viens de donner

28 lecture est exact; n'est-ce pas ?

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1 R. Oui, en effet. C'est une lecture exacte.

2 Q. Depuis combien de temps travaillez-vous pour le Procureur ?

3 R. [hors micro]

4 M. MOORE : [interprétation] Excusez-moi, je ne voulais pas me mêler de ce

5 qui était en train de se passer. J'attendais de voir, mais c'est un

6 document qui a été créé avant que Mme Hartmann ne soit recrutée par le

7 bureau du Procureur. Il semblerait que ce document remonte au 4 juin 1998,

8 donc c'est la première objection.

9 La seconde porte sur la question de savoir vers quoi allons-nous par

10 rapport à la source des actes d'accusation, les points de contacts, qu'est-

11 ce que ceci a à voir avec la déclaration qu'elle a faite. Je le rappelle,

12 ce document remonte à deux ans avant qu'elle ne rejoigne le Tribunal.

13 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Monsieur Borovic.

14 M. BOROVIC : [interprétation] Merci. La première objection manque de

15 fondement. Je traite le témoin avec justesse, à savoir que je voulais

16 savoir -- je voulais qu'elle nous dise quand elle avait commencé à

17 travailler pour le Tribunal parce que je ne voulais pas qu'elle pense que

18 nous la mettions dans une situation où nous essayions de la représenter

19 comme étant l'une des personnes ayant aidé les Croates. Je crois que le

20 témoin n'a pas d'objection à ma première question.

21 Q. [aucune interprétation]

22 R. [hors micro]

23 Q. En ce qui concerne l'autre aspect des choses, je procède au contre-

24 interrogatoire d'un témoin qui a été la porte-parole du bureau du

25 Procureur, et je lui demande si le bureau du Procureur a mené une

26 quelconque enquête afin de vérifier l'authenticité de ce rapport.

27 R. Je n'en ai pas la moindre idée. Ce n'est pas le genre d'information qui

28 était en ma possession.

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1 Q. Merci. Quelle fonction exercez-vous à l'heure actuelle au sein du

2 bureau du Procureur ?

3 M. MOORE : [interprétation] Excusez-moi, mais là encore, quelle est la

4 pertinence de ces questions par rapport à la question qui nous intéresse ?

5 M. BOROVIC : [interprétation] Une nouvelle fois, au moment où Mme Hartmann

6 a été envisagée comme témoin, pour l'Accusation, elle était encore porte-

7 parole, et soudain, elle occupe de nouvelles fonctions. Peut-être que ceci

8 à un rapport avec l'affaire.

9 C'est la raison pour laquelle j'avais souhaité poser ce genre de

10 question. J'insiste donc, à obtenir réponse à cette question, quelles sont

11 ses fonctions actuelles, de manière à ce que nous puissions vérifier

12 d'autres informations, informations dont je dispose sur les activités à

13 l'heure actuelle par le bureau du Procureur.

14 [La Chambre de première instance se concerte]

15 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] La Chambre estime, Monsieur

16 Borovic, que vous avez suffisamment creusé la question. Je vous invite donc

17 à passer à autre chose.

18 M. BOROVIC : [interprétation] Merci. C'était une manière assez élégante de

19 dire les choses, si je peux me permettre.

20 Le témoin a déclaré avoir travaillé pour plusieurs ambassades à l'époque et

21 qu'elle faisait des reportages sur la région qui était en guerre à ce

22 moment-là en Yougoslavie. Elle a déclaré avoir envoyé certains rapports et

23 des informations à différents ambassadeurs dans le cadre de son travail de

24 journaliste en Yougoslavie.

25 Q. [aucune interprétation]

26 R. [hors micro]

27 Q. Peut-être que j'ai mal compris ce que vous avez dit lorsque vous avez

28 dit que vous aviez travaillé pour un certain nombre d'ambassades. C'est ce

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1 que vous avez dit aujourd'hui.

2 R. Vous vous trompez de période. J'ai fait des revues de presse pendant la

3 période antérieure à mon travail de correspondante du Monde, donc avant

4 1990, des revues de presse pour des étrangers, et notamment, des

5 ambassades, et je n'écrivais pas d'articles dans Le Monde à l'époque et je

6 ne couvrais pas les événements de la guerre, comme vous le dites. Donc,

7 c'était antérieur à 1990. Je n'ai jamais plus eu de contacts autres que

8 pour poser des questions journalistiques avec toute ambassade, quelle

9 qu'elle soit, à partir du moment où j'ai été journaliste du Monde.

10 Q. Merci, bien. Connaissiez-vous un général du nom de Doman Kusic ?

11 R. [hors micro]

12 Q. Est-il Croate ?

13 R. Ethniquement, oui.

14 Q. Je vois que la réponse du témoin ne figure pas au compte rendu. Je

15 crois que le témoin avait répondu "oui", lorsqu'on lui avait demandé si

16 elle connaissait le général Doman Kusic [phon].

17 Ce général, à votre connaissance, était-il général dans le KOS, dans le

18 service de contre-espionnage ?

19 R. Entre 1971 et 1974, j'ai rencontré mon mari en 1982, lorsque mon beau-

20 père était déjà depuis de longues années à la retraite.

21 Q. Vous venez de dire que cette personne était le père de votre mari,

22 n'est-ce pas ?

23 R. [hors micro]

24 Q. Merci. En tant que porte-parole, n'avez-vous jamais suggéré que des

25 sanctions soient à nouveau imposées à la Serbie, parce qu'elles avaient été

26 imposées dans un premier temps puis levées ? Avez-vous jamais suggéré

27 qu'elles soient réinstaurées ?

28 M. MOORE : [interprétation] Je suis désolée, j'objecte. Il est dit qu'en

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1 tant que porte-parole, il semblerait que vous fassiez référence ici à une

2 fonction occupée au sein du bureau du Procureur. Je crois que ceci n'a

3 absolument rien à voir avec le témoignage que nous avons entendu

4 aujourd'hui.

5 M. BOROVIC : [interprétation] Je crois que si. Il y a une certaine

6 pertinence. Ceci a trait à la crédibilité même du témoin. Je n'avais pas

7 l'intention de poursuivre mes questions dans ce sens, mais le témoin a

8 fourni un certain nombre de réponses au cours de l'interrogatoire principal

9 qui m'ont poussé à le faire. Or, ma question est relativement simple. Elle

10 est ici en tant que témoin du bureau du Procureur, alors qu'elle occupe

11 encore des fonctions au bureau du Procureur. Alors, je lui demande si elle

12 a suggéré la réintroduction de sanctions contre la Serbie.

13 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] J'accepterais l'objection.

14 Je prie donc de passer à la question suivante, Maître Borovic.

15 M. BOROVIC : [interprétation] Merci, Madame le Juge, je vais me conformer à

16 votre instruction. J'en ai donc terminé de mes questions.

17 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Monsieur Lukic.

18 M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Madame le Juge, Messieurs les Juges,

19 bonjour à tous.

20 Contre-interrogatoire par M. Lukic :

21 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Hartmann. Je m'appelle Novak Lukic et

22 je représente M. Sljivancanin. Je vais me concentrer sur la période

23 cruciale de ce témoignage, alors que vous étiez correspondante à Belgrade

24 pour Le Monde. Nous avons parlé de deux articles au cours de

25 l'interrogatoire principal, j'y reviendrai et je reviendrai également à vos

26 deux visites à Vukovar.

27 Comme vous l'avez dit vous-même, vous étiez correspondante pour Le Monde à

28 Belgrade entre 1990 et 1994. Je suppose que vous couvriez l'ensemble de la

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1 Yougoslavie, le bureau donc qui se trouvait à Belgrade.

2 R. [hors micro]

3 Q. Je sais que vous comprenez notre langue, mais les interprètes ont un

4 peu de mal à ménager les transitions. On me le fait savoir une nouvelle

5 fois, je vous invite donc à ménager des pauses entre les questions et les

6 réponses. Peut-être que vous pourriez parler dans ma langue, si cela vous

7 facilite la tâche.

8 Je suppose qu'en tant que correspondant à Belgrade, vous deviez suivre tous

9 les événements politiques d'importance, et Dieu sait s'il y en a eu à

10 Belgrade et dans l'ensemble de la Yougoslavie à l'époque, n'est-ce pas ?

11 R. C'est exact.

12 Q. Si je ne m'abuse, Le Monde était un journal de bonne réputation à

13 l'époque, à l'époque notamment ?

14 R. [hors micro]

15 Q. Excusez-moi, je n'ai pas entendu l'interprétation en B/C/S, mais j'ai

16 compris votre réponse.

17 Dans vos articles, je crois qu'aucune pression n'est exercée sur vous

18 s'agissant de la teneur de ce que vous écriviez. Il n'y avait pas de

19 censure non plus, n'est-ce pas, par rapport à vos écrits ?

20 R. Non, il n'y avait pas de censure. Il y avait des appels à la

21 prudence et à la vérification des faits.

22 Q. Dans la rédaction de vos articles, et je m'intéresse surtout en 1990,

23 1991 et 1992, y a-t-il eu une quelconque censure dans le sens traditionnel,

24 ou plutôt y a-t-il eu une quelconque opposition de la part des autorités

25 yougoslaves, autorités qui essayaient de vous empêcher de faire figurer

26 certaines choses dans vos articles ? Ces articles étaient-ils vérifiés

27 avant d'être envoyés au Monde ?

28 R. C'est impossible. Sinon, un journal n'aurait pas de correspondants dans

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1 un pays si les autorités exigeaient de lire les articles avant. Il était

2 possible que lors de certaines interviews, un officiel haut placé demande

3 le droit d'autoriser le texte, qui est courant dans le monde entier. Mais

4 aucun journal occidental n'aurait eu de correspondant en Yougoslavie si les

5 autorités avaient le droit de lire le texte avant. A votre question,

6 précisément, non.

7 Q. Peut-être que ma question vous semblait un peu naïve, mais je voulais

8 simplement exclure toutes hypothèses ou possibilités de pression qui

9 auraient été exercées sur vous par les autorités locales.

10 R. [hors micro]

11 Q. D'après les réponses que vous avez données à M. Moore, il me semble que

12 vous avez réalisé un grand nombre d'interviews avec des personnalités

13 publiques en ex-Yougoslavie. Pourriez-vous peut-être nous donner le nom de

14 certaines de ces personnalités politiques de premier rang que vous avez

15 interrogées ? Comment avez-vous contacté ces personnes ?

16 R. Je vais choisir des noms qui concernent la période dont on parle

17 aujourd'hui, 1991 et 1992. Ces interviews ont toutes été conduites en

18 B/C/S. Borisav Jovic, Momir Bulatovic, Vladislav Jovanovic, Franjo Tudjman,

19 Radovan Karadzic, Vinko Pandurevic, Vojislav Kostunica, Vuk Draskovic,

20 Dobrica Cosic, Ita Kodalj [phon].

21 Q. Bien. Avez-vous essayé de rencontrer mon client à un moment ou un

22 autre ?

23 R. -- Je lui ai parlé le 18 novembre 1992 au cimetière de Vukovar, sans

24 avoir pris rendez-vous auparavant. Je lui ai parlé lors de conférences de

25 presse à la caserne de Vukovar, lors du voyage de presse organisé par

26 l'armée autour du 20 ou 21, je ne sais plus, novembre 1991. Il a parlé

27 ensuite au reste de la presse au cimetière de Vukovar le 18 novembre 1992.

28 Mais une interview individuelle, non.

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1 Q. C'était justement ce à quoi je voulais en venir. Au cours de votre

2 témoignage, vous avez décrit le contact que vous aviez eu avec lui. Vous

3 étiez à Belgrade entre 1990 et 1994, vous étiez journaliste pour Le Monde,

4 avez-vous demandé à avoir un entretien avec lui ? Je crois que ce dont vous

5 parlez ici, ce sont des événements disons journalistiques avec d'autres

6 journalistes qui étaient présents avec vous sur place, mais ma question est

7 de savoir si vous avez tenté d'obtenir un entretien en tête-à-tête avec

8 lui ?

9 R. Non.

10 Q. Merci. Vous avez dit ici qu'en 1994, vous avez été déclarée persona non

11 grata en Serbie. En 1990, 1991 et 1992, avez-vous eu des informations

12 suggérant qu'à l'époque, de même qu'en 1994, vous n'étiez pas la bienvenue

13 en Yougoslavie ? Ou pour dire les choses plus simplement, avez-vous jamais

14 rencontré des problèmes à prolonger, disons, votre séjour à l'époque ?

15 Quelle était l'attitude des autorités par rapport à votre présence dans le

16 pays ?

17 R. Mon accréditation en tant que journaliste était renouvelée à chaque

18 année jusqu'à ce qu'elle ait été interrompue en avril 1994.

19 Q. Merci. Dans les réponses que vous avez données aux questions de M.

20 Moore, lorsque vous avez tenté d'expliquer le type d'activités qui étaient

21 les vôtres en tant que journaliste, vous avez expliqué les fonctions d'un

22 correspondant spécial. Il me semble que le principal travail que vous

23 réalisiez, c'était précisément de servir de correspondante pour votre

24 journal, de formuler des observations sur les événements qui survenaient.

25 Mon interprétation est-elle exacte ?

26 R. Le travail d'un correspondant permanent dans un pays quel qu'il soit

27 est de couvrir les événements, d'analyser la situation, mais par

28 particulièrement de faire des commentaires, les commentaires dans le cadre

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1 du journalisme relevant plus du travail des éditorialistes. Donc, c'est

2 rapporter les faits.

3 Q. Toutefois, après lecture de vos articles, je me rends compte que ce

4 n'est pas une manière de présenter les choses comme l'agence France Presse,

5 par exemple. Dans vos articles, vous faites figurez des descriptions et des

6 impressions, voire même des observations personnelles. Vous ne vous

7 limitiez pas aux faits, n'est-ce pas ?

8 R. Mais je ne travaille pas pour une agence de presse. Je travaille pour

9 un quotidien où vous avez des articles qui sont plus riches qu'une dépêche

10 factuelle. Vous devez apporter les éléments décrivant la situation et

11 qu'ils soient vivants et qu'ils puissent éclairer les seuls faits en

12 complément.

13 Q. En réalité, si je puis le dire, vous étiez correspondante pour

14 une maison d'édition, enfin en tout cas pas un magazine, mais vous aviez,

15 disons, plus de liberté dans la manière dont vous exposiez les faits que si

16 vous aviez travaillé pour une agence de presse, par exemple ?

17 R. C'est une question de liberté, c'est une question de forme. Les

18 critères professionnels sont les mêmes et vous devez vérifier vos

19 informations. Il y a plus de place dans un article de journal que dans une

20 dépêche d'agence. Mon travail était similaire à celui de tous les autres

21 correspondants de quotidiens internationaux.

22 Q. A votre visite d'octobre 1992, si je puis appeler cela une visite, la

23 première donc, sachant que vous aviez déjà été sur place avant. Ce qui

24 m'intéresse en particulier c'est cette conférence de presse de Zagreb,

25 celle organisée par Clyde Snow et M. Mazowiecki. Est-ce que c'est là un

26 exemple type de journalisme d'investigation ? Vous avez pris la décision de

27 vous rendre sur place et de décider d'essayer de trouver le lieu exact du

28 charnier ?

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1 R. Je ne souhaite pas mettre ce reportage dans une catégorie particulière.

2 Il fait partie du travail d'un journaliste qui doit essayer de rapporter

3 les faits, de découvrir la vérité sur une situation. Parfois, ce travail

4 suppose effectivement une enquête qui ressemble à un travail

5 d'investigation. Mais c'était pour essayer d'établir des faits et répondre

6 à l'énigme sur les disparus de l'hôpital de Vukovar, sans savoir quel

7 serait le résultat.

8 Q. Serait-il faux de dire que si vous, en tant que correspondante

9 étrangère, vouliez vérifier ce type d'informations, vous auriez dû parler à

10 Clyde Snow ou à M. Mazowiecki qui étaient là pendant cette conférence de

11 presse. Vous avez pourtant choisi de faire autrement, de vous rendre sur

12 place et de vérifier vous-même ces informations. C'est pour cela que j'ai

13 dit que vous faisiez en réalité du journalisme d'investigation.

14 R. Il est très important de vous expliquer que ma collègue avec qui j'ai

15 fait ce reportage Hélène Despic-Popovic était à la conférence de presse à

16 Zagreb, avait déjà lu l'article d'octobre de Vjesnik avec le témoignage de

17 la personne sous le nom d'Ivan et a posé la question à Mazowiecki et à son

18 équipe et qu'ils ont refusé de répondre. Quand elle est rentrée de Zagreb à

19 Belgrade où elle était basée, elle m'a dit on y va ensemble, on va vérifier

20 si cela a un lien puisqu'ils ont refusé de répondre.

21 Q. Dans votre article, vous avez écrit que les Nations Unies avaient

22 refusé de se prononcer sur ceci pour des raisons évidentes, parfaitement

23 évidentes. Je parle du site et de ce qui avait été découvert, c'est ce que

24 vous avez écrit dans cet article, n'est-ce pas ? Vous n'avez obtenu aucune

25 information de leur part, donc vous avez décidé de tenter votre chance et

26 de chercher des réponses vous-même ?

27 R. -- où se trouvait le charnier pour des raisons évidentes comme ils ont

28 dit pour protéger le site, éviter que des éléments de preuve soient enlevés

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1 ou que la presse aille sur place, et parce qu'ils ne voulaient pas dire qui

2 étaient les victimes et qui étaient les suspects. Quelle partie était

3 suspectée de ces crimes.

4 Q. Ce jour-là quand vous avez interrogé le représentant civil à Erdut, je

5 crois que c'était là, n'est-ce pas ? Vous avez demandé confirmation

6 officielle des informations que vous avez communiquées à M. Moore et cette

7 dame a été surprise, n'est-ce pas ? Est-ce que vous lui avez dit que vous

8 alliez bientôt publier ce que vous aviez trouvé ? Et quelle a été sa

9 réaction si effectivement vous lui avez parlé de tout cela ?

10 R. Elle était surprise que nous ayons trouvé le lieu parce que l'équipe

11 avait eu du mal à le localiser. Ils cherchaient depuis septembre. Elle

12 ignorait que nous avions le témoignage. Elle n'avait sans doute pas été

13 informée que le témoignage avait été publié dans la presse croate. Lorsque

14 nous avons présenté l'article, elle a compris comment nous avions trouvé le

15 lieu. Elle s'est rendue à l'évidence et nous a confirmé l'historique et

16 elle savait que nous allions le publier.

17 Q. Est-ce qu'elle vous a autorisé à le faire ? Est-ce qu'elle a dit : oui,

18 vous pouvez publier cet article ou est-ce qu'elle a dit, je ne sais pas que

19 c'est dans l'intérêt des Nations Unies que ceci soit publié ?

20 R. Elle n'a pas pour autant mentionné qu'il était nécessaire pour les

21 besoins de l'enquête ou pour la protection des éléments de preuve de ne pas

22 le publier. Elle nous a laissé la liberté de faire notre travail qui est

23 une attitude courante et qui ne nous a pas surprises. Nous n'avons pas

24 demandé l'autorisation.

25 Q. Mais elle a quand même indiqué que ce n'était pas dans l'intérêt des

26 Nations Unies à l'époque de voir ce type d'information publiée à ce moment-

27 là ?

28 R. Non. Elle n'a pas mentionné. Elle n'a pas dit cela. Elle n'a rien dit à

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1 ce sujet-là. La presse est indépendante. Elle a une information. Elle avait

2 juste le choix de refuser de nous la confirmer et nous fermer la porte ou

3 de nous dire en effet. Lorsque la dépêche de l'AFP une heure avant que mon

4 article soit publié dans Le Monde est sortie, Mazowiecki lui-même, je ne

5 sais plus où il se trouvait à ce moment-là, a confirmé que le charnier

6 trouvé quelques jours plus tôt par la commission était bien le charnier

7 d'Ovcara.

8 Q. Je crois que l'interprétation n'était pas correcte s'agissant de mes

9 propos. Page 82, ligne 22, j'ai obtenu ce qu'elle voulait. Mais je

10 comprends la réponse suivante. Mon interprétation n'était pas exacte. Je

11 vois ce qui est écrit en anglais et cela me semble correct. Je parle de la

12 page 82, ligne 23 ou ligne 22. Je cite : "Pour la protection des éléments

13 de preuve, nous ne devrions pas le publier."

14 Est-ce que c'est ce que vous avez déclaré, Madame ?

15 R. Non.

16 Q. Parce que là, j'ai l'impression qu'elle s'y est opposée, n'est-ce pas ?

17 Mais quoi qu'il en soit, question suivante : la réaction de

18 Mazowiecki, une heure après la publication de cette information par

19 l'agence France-Presse, après la publication de l'article de votre collègue

20 --

21 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] La réponse finalement n'est

22 pas très claire, donc est-ce que l'on pourrait demander une précision,

23 reposer la question au témoin ?

24 M. LUKIC : [interprétation] Une fois encore, je pense que c'est moi qui ai

25 eu des problèmes, des difficultés, pas le témoin.

26 Q. Qu'en est-il de la représentante de la FORPRONU chargée des affaires

27 civiles ? Vous lui avez fait part de vos informations, vous lui avez dit

28 que vous alliez publier la chose; est-ce qu'elle s'y est opposé, alors

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1 qu'elle savait pertinemment qu'elle n'était pas en mesure d'exercer une

2 quelconque influence sur vous ?

3 R. Non, elle n'a rien, rien mentionné. Elle n'a pas dit qu'il ne fallait

4 pas ni dit qu'il fallait. La question ne s'est pas posée.

5 Q. Encore une question avant la pause. Est-ce que vous avez eu

6 l'impression que Mazowiecki avait fait cette déclaration parce que votre

7 collègue le même jour avait publié son article, publié cette information

8 confirmant ce que vous aviez découvert ?

9 L'INTERPRÈTE : La fin de la question de l'avocat de la Défense n'était pas

10 audible.

11 M. LUKIC : [interprétation]

12 Q. Oui, la dernière partie de ma question : votre article fournissait plus

13 d'information que ce qui avait été communiqué alors de la conférence de

14 presse de Zagreb. Vous-même et vote collègue, en publiant ces informations,

15 n'avez pas laissé le choix à Mazowiecki. Il a été contraint de confirmer

16 publiquement la découverte du charnier. Est-ce que c'est l'impression que

17 vous avez eue à l'époque.

18 R. Ce n'est pas une question d'impression. Le fait est que Mazowiecki,

19 faisant référence à la dépêche de l'AFP, a confirmé que le charnier trouvé

20 le 18 octobre 1992 dans la région de Vukovar était bien le charnier

21 d'Ovcara, était bien sur le site d'Ovcara.

22 M. LUKIC : [interprétation] Madame le Juge, je pense que le moment serait

23 bienvenu pour faire la pause.

24 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Oui, nous allons faire une

25 pause de 20 minutes et nous reprendrons à 15 heures 25 ou juste avant 15

26 heures 25.

27 --- L'audience est suspendue à 15 heures 04.

28 --- L'audience est reprise à 15 heures 25.

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1 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Maître Lukic.

2 M. LUKIC : [interprétation] Avant de poursuivre, je voudrais faire une

3 proposition. M. Moore vient de m'informer qu'aucun témoin n'est prévu pour

4 demain. Je ne peux pas vous promettre que j'en terminerai de mon contre-

5 interrogatoire aujourd'hui. Le mieux serait peut-être donc, à 16 heures 30,

6 de voir ce qu'il en est. On pourrait peut-être siéger un peu plus longtemps

7 que prévu aujourd'hui.

8 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Nous voudrions vivement

9 vous encourager à en terminer d'ici 16 heures 30. Nous verrons où nous en

10 sommes à ce moment-là. Veuillez poursuivre.

11 M. LUKIC : [interprétation]

12 Q. Madame Hartmann, veuillez vous reporter à l'intercalaire numéro 3. Il

13 s'agit d'un extrait de votre article publié dans Le Monde le 29 octobre,

14 "Le témoignage d'Ivan." Est-ce que c'est quelque chose que vous avez

15 signé ? Est-ce que tout ceci venait de Vjesnik ou est-ce que dans cet

16 article, il y a des éléments d'information que vous avez trouvés ailleurs ?

17 Vous en souvenez-vous ?

18 R. L'article de Vjesnik et le témoignage d'Ivan ont été la base de mon

19 reportage. Je le mentionne donc dans mon article, mais mon article est ma

20 découverte, ma confrontation sur le terrain, mais je fais référence à

21 l'élément qui m'a conduite là où je suis allée et qui m'a permis d'écrire

22 cet article avec mes données sur place.

23 Q. Etant donné que c'est vous qui avez écrit cet article, on a la mention

24 en B/C/S : "Battu des heures durant." Est-ce que vous pouvez lire l'article

25 qui -- le passage qui commence à partir du : "Le 18 novembre 1991" ? Pouvez

26 vous en donner lecture, je vous prie ?

27 R. -- fin de la guerre en Croatie ?

28 Q. En B/C/S, l'intitulé est : "Battu des heures durant." C'est l'intitulé

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1 à l'intérieur de l'article. Le passage suivant commence par la mention

2 suivante : "Le 18 novembre 1991, les forces irrégulières serbes et l'armée

3 fédérale yougoslave," et cetera, jusqu'à ce qu'il soit fait référence au

4 comité international de la Croix-Rouge. Dans l'original, c'est la deuxième

5 colonne et le dernier paragraphe.

6 R. Je ne sais pas.

7 Q. Le numéro ERN, c'est 0469-2380.

8 R. -- que j'ai des deux pages.

9 Q. Veuillez lire le paragraphe qui commence par la mention : "Le 18

10 novembre 1991."

11 R. "L'armée yougoslave avaient interdit l'accès de l'hôpital aux

12 représentants du comité international de la Croix-Rouge (CICR), les

13 empêchant de dresser d'un liste de blessés et des prisonniers. Jusqu'à cet

14 après-midi du 19 novembre, le CICR a donc assisté au va-et-vient de camions

15 sans pouvoir intervenir, et il ne restait qu'une cinquantaine de personnes

16 dans l'établissement lorsque enfin le CICR a pu y pénétrer."

17 Q. Vous souvenez-vous si cela faisait partie du témoignage d'Ivan publié

18 dans Vjesnik ou c'est quelque chose que vous avez ajouté ?

19 R. Cela ne peut pas être -- je ne pense pas que c'était dans l'article de

20 Vjesnik, parce que c'est la connaissance de l'extérieur, cela faisait

21 partie d'éléments appartenant à la connaissance publique. Des images de la

22 télévision ont montré le CICR devant l'hôpital.

23 Q. Mais pourquoi il est dit - cela c'est quelque chose que je ne comprends

24 pas - qu'ils étaient là pour dresser la liste des blessés et des

25 prisonniers ? De quels prisonniers s'agit-il exactement ?

26 R. -- à l'époque, j'imagine que ces gens n'étaient pas libres de leur

27 mouvement. Nous pouvons déterminer précisément qui était quoi. Nous savions

28 qu'il y avait des prisonniers et des blessés. Les gens dans l'hôpital

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1 n'étaient pas libres de partir.

2 Q. Vous les qualifiez de prisonniers, ces gens, n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce que vous avez jamais tenté d'interviewer Mme Vesna Bosanac ?

5 Est-ce que vous avez essayé de lui demander si elle avait fourni une liste

6 quelle qu'elle soit au CICR ? En quelques mots, s'il vous plaît.

7 R. [hors micro]

8 Q. Quand votre article a été publié, est-ce que les rédacteurs en chef à

9 Paris vous ont demandé de poursuivre votre enquête pour essayer de trouver

10 des informations supplémentaires ? Est-ce qu'on vous a encouragé d'essayer

11 d'en savoir un peu plus sur tout cela ?

12 R. Pas particulièrement. Si un journaliste a des informations il peut,

13 mais nous ne sommes pas des enquêteurs et si nous n'avons pas plus, nous

14 travaillons sur la base d'informations qui sont vérifiées. On s'arrête là,

15 le reste relèverait du domaine de l'allégation.

16 Q. Quand vous avez décidé d'aller trouver le charnier, les seules sources

17 que vous aviez c'était l'article de Vjesnik et la conférence de presse de

18 Zagreb, n'est-ce pas ?

19 R. -- je voulais savoir si le charnier de la région de Vukovar n'était pas

20 celui qui contenait les disparus de l'hôpital, je voulais voir s'il y avait

21 un lien entre ces deux événements publics.

22 Q. Passons maintenant au 18 novembre 1991. Dans votre déclaration au

23 bureau du Procureur, vous dites que vous avez interviewé Milan Milanovic,

24 l'assistant du ministère, le ministre de l'Intérieur à la forteresse

25 d'Erdut. Est-ce que vous vous souvenez s'il y a eu une manifestation à cet

26 endroit, des gens de la SAO de la Krajina ? Est-ce qu'il y avait une

27 célébration ?

28 R. -- beaucoup de personnalités serbes, pas simplement du RSK, mais aussi

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1 de Belgrade, comme Brana Crncevic et d'autres personnes qui étaient venues.

2 Q. Mais du point de vue du temps dont vous aviez, cela aurait été la

3 première entrée ?

4 R. [hors micro]

5 Q. Votre réunion avec mon client s'est produite au cimetière de Vukovar.

6 La question que je vous pose : c'est de savoir si c'était la première fois

7 que vous mettiez les yeux sur lui cette fois-là, ce jour-là ?

8 R. [hors micro]

9 Q. Votre conversation avec mon client, est-ce que c'était avant que

10 Sljivancanin ne s'adresse à la foule qui était là que vous avez pris des

11 notes ?

12 R. [hors micro]

13 Q. Vous êtes-vous présentée à lui ?

14 R. Je ne crois pas. Parce que je voulais la spontanéité et j'ai

15 immédiatement posé ma question. Je n'ai pas le souvenir de m'être

16 présentée. Cela s'est passé rapidement.

17 Q. Vous dites que vous vous êtes écarté du reste des journalistes qui se

18 trouvaient là. Est-ce qu'il était seul ?

19 R. [hors micro]

20 Q. Je dois dire que mon client soutient qu'il n'était pas seul à aucun

21 moment à Vukovar ce jour-là. Qu'il y avait toujours des gardes auprès de

22 lui, des personnes qui assuraient son escorte.

23 R. [hors micro]

24 Q. [aucune interprétation]

25 R. Je ne crois pas. Le dialogue n'aurait pas eu lieu comme cela s'il y

26 avait eu du monde.

27 Q. Est-ce que vous l'avez emmené d'un côté pour lui parler seul ?

28 R. Non. Je me suis détachée du groupe des journalistes et j'ai avancé

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1 pendant que lui entrait dans le cimetière et allait rejoindre justement

2 l'endroit où étaient tous les journalistes. Sur le chemin, nous nous sommes

3 rencontrés, j'ai posé ma question. Il a répondu et ensuite il a rejoint et

4 nous avons rejoint, je ne sais plus comment, le groupe de journalistes qui

5 n'était pas loin du tout. C'était à quelques dizaines de mètres de

6 l'endroit. Je n'ai pas beaucoup bougé. J'ai pris les devants.

7 Q. Vous soutenez toujours que personne n'aurait pu avoir été témoin de

8 votre conversation ?

9 R. Je n'en n'ai pas le souvenir. Il y avait sans doute des gens pas loin

10 et il est possible que quelqu'un d'autre l'ait entendu, mais je n'en n'ai

11 pas le souvenir parce que je sais que ce dialogue relativement court a eu

12 lieu parce que nous étions un tout petit peu à part, mais pas loin. Deux de

13 mes collègues nous ont rejoint ensuite, mais M. Sljivancanin a poursuivi sa

14 route vers les autres journalistes, là où il devait y avoir une partie de

15 la cérémonie.

16 M. Sljivancanin à l'époque était très accessible à la presse. Il parlait

17 facilement aux médias.

18 Q. Nous allons regarder vos notes. Il semble que vous soyez en train de

19 citer. Vous rappelez-vous où il a dit ceci ? Dans vos notes, à

20 l'intercalaire 4, auquel je me réfère à la page 0469-2394. Cela, c'est la

21 première page. Ce que vous avez écrit sur ces trois pages dans votre carnet

22 de notes, vous rappelez-vous à quel endroit il a prononcé les mots que vous

23 avez notés ?

24 R. Si mes souvenirs sont bons, il a fait au moins un discours sur la place

25 centrale et je ne sais plus s'il en a fait un au cimetière. C'était en tout

26 cas pendant cette journée. Comme c'était au tout début, j'imagine que

27 c'était au cimetière, mais je ne peux pas le dire avec certitude.

28 Q. La raison pour laquelle je vous pose la question, c'est la place de la

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1 ville et les discours sur cette grande place de la ville, on les trouve à

2 la page 400- et --

3 R. -- plutôt en début d'après-midi, tandis que sa venue et la cérémonie au

4 cimetière étaient plus tôt dans la journée.

5 Q. En ce qui concerne les affirmations qui sont faites dans vos notes, mon

6 client pense que ceci fait partie de l'interview qu'il a donné à Radio

7 Vukovar, qui a été abondamment rapporté dans les médias, aux différents

8 médias de ces jours-là. Il ne s'agirait pas de quelque chose que vous

9 auriez entendu à Radio Vukovar ? Parce qu'ils étaient en train de diffuser

10 cela tout le temps ?

11 R. Je ne vois pas comment, en déplacement et étant sur place ce jour-là,

12 j'aie pu entendre la radio. Il est possible que ce soit sa déclaration

13 plutôt qu'un discours à la presse au cimetière, par exemple, en tout cas je

14 les ai notées de visu et M. Sljivancanin était à plusieurs événements de

15 cette journée commémorative du 18 novembre 1992.

16 Q. J'ai regardé un grand nombre de pages ici et ce que je vois c'est que

17 vous avez inscrit avec beaucoup de détails votre présence, à cet endroit-

18 là. Ceci va des numéros ERN 94394 jusqu'à ERN 402.

19 Je suppose que vous n'utilisiez pas un dictaphone à ce moment-là, si ?

20 R. Le Monde ne publie pas des interviews, ne le fait que très rarement,

21 donc vous prenez des notes et vous faites un papier qui souvent ne contient

22 que quelques éléments des notes recueillies.

23 Q. Je remarque aussi que quand vous avez pu vous avez écrit le nom de

24 votre interlocuteur. Il y a plusieurs noms que l'on trouve pendant votre

25 passage à Vukovar, n'est-ce pas ?

26 R. [hors micro]

27 Q. Je remarque que même en regardant vos notes d'origine que vous avez

28 fait des entrées en B/C/S, en langue originale, avec votre propre

Page 9695

1 interprétation. Il se peut qu'il y ait là quelques erreurs, mais vous avez

2 essayé de rendre compte fidèlement de ce que vous entendiez dire par la

3 personne à qui vous parliez.

4 Q. Pourrions-nous regarder vos notes originales, votre carnet ?

5 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Pendant que Me Lukic

6 consulte Mme Hartmann, pourrais-je vous demander, s'il vous plaît, de faire

7 une pause entre question et réponse, pour les interprètes, merci.

8 M. LUKIC : [interprétation]

9 Q. Je vais essayer de lire de la façon dont j'interprète vos propres notes

10 en B/C/S, telles que vous les avez prises en B/C/S. La page portant le

11 numéro ERN 06 -- 0469-2394, on voit SL au début, vous avez dit que cela

12 voulait dire Sljivancanin ?

13 R. [hors micro]

14 Q. Je saute certaines parties parce que l'on a trouvé la traduction en

15 anglais correcte, tandis que la traduction en B/C/S n'était pas aussi

16 bonne. Vous vouliez insister sur les mots prononcés par mon client, des

17 mots précis. Ensuite, immédiatement, vous déclarez qu'il est bien que les

18 Serbes aient leur propre fierté. Le peuple serbe n'a jamais aimé faire la

19 guerre, et ils ont toujours voulu vivre en Yougoslavie. YUG, cela veut dire

20 Yougoslavie, si je ne me trompe pas.

21 R. [hors micro]

22 Q. A la page 0469-2395, qui est la page suivante, on lit : "Veselin

23 Sljivancanin, commandant ou colonel." En dessous, il y a une ligne, est-ce

24 que c'était un signe utilisé par vous pour faire une distinction entre ce

25 qu'il avait dit et la suite de votre texte qui n'appartenait pas à ce

26 qu'avait dit M. Sljivancanin ?

27 R. C'est la mention Veselin Sljivancanin est notée en haut de la page avec

28 un trait dessous. C'est une sorte de parenthèse simplement pour avoir

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1 l'orthographie exacte du nom et le titre, si j'en avais besoin pour la

2 rédaction de mon article.

3 Donc, les déclarations qui sont en dessous ne sont plus celles de

4 Sljivancanin. C'est pour cela qu'il y a un trait. Comme vous avez une

5 flèche sur la page de gauche du même document qui doit signifier que c'est

6 une autre partie.

7 Q. Pour passer à votre article publié dans Le Monde, le sous-titre est :

8 "L'empire de la mort". Je suppose que vous avez écrit le deuxième

9 paragraphe, et là vous citez mon client. Je crois que vous le citez, et il

10 dit : "L'Europe et le monde doivent savoir que nous ne trahirons pas la

11 cause de nos soldats qui ont combattu et qui sont morts"; est-ce exact ?

12 R. [hors micro]

13 Q. Avant cela, nous voyons votre commentaire, dans lequel vous dites que

14 Sljivancanin se moquait des plans et des principes établis par la

15 communauté internationale à la Conférence de paix pour l'ex-Yougoslavie,

16 c'était votre commentaire. La citation que vous fournissez était censée

17 renforcer votre commentaire; ai-je raison ?

18 R. Pas nécessairement pour renforcer. Ce commentaire est lié aussi à la

19 première citation de M. Sljivancanin au début de l'article, qui est : "Ici,

20 c'est la Yougoslavie; ici, c'est la Serbie." Or, le document international

21 stipulait qu'il y avait intangibilité des frontières.

22 Q. A l'époque, en 1992, la question des frontières concernant la

23 République de Croatie n'était pas encore résolue, n'est-ce pas ?

24 R. Si mes souvenirs sont bons, la Croatie a été reconnue par la communauté

25 internationale en janvier 1992 au plus tard, et les territoires litigieux

26 étaient sous contrôle de Nations Unies. Donc, la question des frontières

27 n'était pas posée. La question des territoires et de leur contrôle était

28 posée.

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1 Q. Sur la base de ce qui avait été dit dans le début de l'article, où il

2 est dit : "Ceci est la Yougoslavie et ceci est la Serbie," vous avez pensé

3 qu'il était en train de ridiculiser la communauté internationale, n'est-ce

4 pas ?

5 R. La zone de protection des Nations Unies de Slavonie couvrant la

6 Slavonie orientale n'était pas partie de la Serbie à l'époque. C'était une

7 déclaration d'ordre politique contraire aux dispositions internationales.

8 Q. Tout ce que vous avez dit dans votre déposition aujourd'hui ici, en ce

9 qui concerne vos contacts avec M. Sljivancanin et vos entretiens avec lui,

10 et lorsque vous avez expliqué à M. Moore pourquoi vous n'aviez pas mis

11 certaines parties de ceci dans votre article, comme vous l'avez expliqué à

12 M. Moore, j'étais sur le point d'analyser ceci, mais la discussion entre

13 vous et mon client ne fait pas partie de votre article, mais plutôt, comme

14 vous l'avez dit vous-même, vous l'avez paraphrasé, cet entretien.

15 R. J'ai effectivement paraphrasé, et quand vous écrivez un article, vous

16 ne mettez pas que des citations. Elle a été paraphrasée parce que la

17 citation l'accusation personnellement et que je n'avais pas d'éléments

18 suffisants pour insinuer qu'il était coupable de ce qui s'était produit à

19 Ovcara. C'est donc un réflexe de prudence qui est exigé dans les journaux -

20 - par la rédaction du Monde.

21 Q. La mise en garde ou la prudence est une chose, mais paraphraser ou

22 modifier la déclaration de quelqu'un en est une autre. C'est quelque chose

23 de tout à fait différent. Ceci va comme ceci. Si vous pensez qu'il s'agit

24 d'une paraphrase avec -- c'est -- donc qu'il y a probablement un grand

25 nombre de charniers avec des victimes du conflit, les commentaires de M.

26 Sljivancanin à ce sujet étaient que la JNA n'avait pas effectué des

27 meurtres en masse, assassinats en masse. Est-ce que c'est peut-être de

28 cette façon que vous pensiez que vous auriez paraphrasé mon client ?

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1 R. -- Sljivancanin, qu'est-ce qui s'est passé à Ovcara. Ovcara est le

2 symbole d'un crime, d'un massacre. Il me répond : "Il faut bien enterrer

3 les corps quelque part." Il ne me dit pas : je ne sais pas, et pourquoi

4 saurais-je ce qui était possible. Ensuite, il dit : "Il y a beaucoup de

5 charniers." Il faut bien -- il n'admet pas que ce sont des victimes d'un

6 crime. Il y a des morts à Vukovar, et la phrase montre qu'il a ensuite

7 évoqué des victimes d'affrontement.

8 Donc, son aveu était partiel. Il a associé Ovcara à des cadavres,

9 mais il n'a pas admis que ces cadavres étaient les victimes d'un massacre.

10 C'est pour cela que j'ai paraphrasé, parce que son aveu n'était que partiel

11 et je ne pouvais pas insinuer quelque chose qui était trop incertain.

12 Q. Dans cet article, vous ne mentionnez jamais le fait qu'il ait relié

13 Ovcara aux cadavres. Dans cette partie, vous mentionnez le charnier de

14 Vukovar, et apparemment, c'était la réponse de M. Sljivancanin à votre

15 question. Pour commencer, vous ne mentionnez jamais que vous avez eu une

16 conversation avec lui, ce qui n'est pas contesté, et vous ne donnez aucune

17 mention du fait que M. Sljivancanin ait dit quoi que ce soit au sujet

18 d'Ovcara. Dans cette phrase, il n'était pas en train de parler

19 spécifiquement d'Ovcara, mais il se référait à des charniers contenant des

20 corps des victimes de guerre.

21 R. -- indique que j'avais mon information qui me servait. Ensuite, dans

22 mon analyse qui est sous-entendue dans la phrase suivante : "Or, l'armée

23 fédérale avait à l'époque sous son commandement toutes les formations

24 paramilitaires et les volontaires qui se battaient sur le front, de

25 l'implication de l'armée fédérale dans une partie des crimes." Mon rôle de

26 correspondante était de comprendre ce genre de chose, et non pas

27 d'identifier comme le ferait un enquêteur ou une structure judiciaire qui

28 étaient les coupables.

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1 Q. Je vous interromps.

2 R. Je me suis contenue dans mon rôle de journaliste dans ce cas-là.

3 Q. Vous avez dit que vous ne vouliez pas l'accuser dans votre article

4 parce que vous n'aviez pas les faits à votre disposition qui puissent vous

5 permettre de corroborer cela, si j'ai bien compris ce que vous avez dit.

6 R. La déclaration l'accusait, mais je n'avais pas suffisamment

7 d'informations pour confirmer cette accusation si je l'avais livrée telle

8 quelle, parce qu'elle était très incriminatoire [phon] en dehors d'un

9 contexte. J'ai essayé de prendre une certaine distance.

10 Q. Dans l'article, l'avez-vous accusé, dans la phase suivante : "Plusieurs

11 heures plus tard, M. Sljivancanin a pris le contrôle de la ville et est

12 entré à l'hôpital. D'après des rapports spéciaux de l'ONU et son

13 rapporteur, Tadeusz Mazowiecki, 145 patients croates ont été emmenés de

14 l'hôpital et ont été exécutés."

15 Est-ce que vous l'avez accusé par cette phrase, oui ou non ?

16 R. Non, mais j'ai insidieusement, si vous voulez, je vous le concède,

17 sous-entendu qu'il pouvait y avoir un lien entre la personne, le militaire

18 qui symbolise l'évacuation de l'hôpital, le fait qu'une partie de ces gens-

19 là sont disparus, et le fait qu'il y a des charniers et que les

20 paramilitaires étaient sous le commandement de la JNA. Mais je n'ai pas osé

21 aller plus loin sans avoir d'autres éléments corroborant une telle

22 accusation personnelle contre un individu. Mon journal ne l'aurait pas

23 permis, dans les limites des connaissances que j'avais à l'époque.

24 Q. Aujourd'hui, vous avez déclaré que vous aviez été stupéfaite d'entendre

25 sa réponse; c'est cela ?

26 R. [hors micro]

27 Q. Vous n'avez pas inclu cela dans vos notes, en tous les cas.

28 R. Non, parce que je n'avais pas mon carnet avec moi pendant que je posais

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1 la question, dans mes mains.

2 Q. Vous ne vouliez pas non plus l'écrire plus tard ce jour-là lorsque vous

3 êtes retournée à Belgrade pour le garder dans votre mémoire, n'est-ce pas ?

4 R. Non, parce qu'elle est restée imprimée dans ma mémoire et que je n'ai

5 pas non plus noté les autres éléments qui sont dans mon article sur le fait

6 qu'il a ensuite précisé que cela pouvait être -- que c'étaient sans doute

7 des victimes d'affrontement. Donc, toute cette partie de cet entretien n'a

8 pas été mise dans mon carnet, même si c'est dans mon article.

9 Q. Par conséquent, nous sommes d'accord que cet élément d'information vous

10 a stupéfaite, a été gravé dans votre mémoire, mais vous n'avez jamais écrit

11 cela, pas jusqu'au moment où vous avez fait votre déclaration au bureau du

12 Procureur -- ou plutôt, pour être plus précis, n'avez-vous jamais, dans un

13 article, dans un livre ou dans une déclaration, répété ce que Sljivancanin

14 vous avait dit ? Est-ce que vous avez décrit ce dialogue quelque part ?

15 R. J'en ai parlé à des amis, mais je ne l'ai pas écrit en 1999 dans mon

16 livre parce que le lien entre -- c'est parce que c'était dépassé, parce que

17 le lien entre le charnier d'Ovcara et M. Sljivancanin était établi par une

18 inculpation. Le livre a été publié en 1999, donc j'ai utilisé l'information

19 encore plus précise et poussée complète qui était accessible dans les

20 documents du TPI. Mais j'ai partagé avec des amis, en partageant les

21 souvenirs de l'ex-Yougoslavie, sans doute à plusieurs reprises.

22 Q. Nous discuterons de ces renseignements de votre carnet plus tard.

23 Excusez-moi, à l'égard des interprètes, je m'excuse.

24 Dans votre livre, vous mentionnez le nom de mon client et vous avez

25 également cité certaines sources comprenant lui-même, mon client lui-même,

26 dans une certaine partie de votre livre. Par conséquent, lorsque vous avez

27 écrit ce livre, vous avez jugé nécessaire de mentionner les déclarations de

28 mon client et les interviews de mon client telles que, par exemple, celles

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1 qui avaient été données au journal Monitor magazine, mais vous n'avez pas

2 jugé nécessaire de le mentionner dans votre livre, ce qu'il vous avait lui-

3 même dit; est-ce exact ?

4 R. -- il ne me met pas en scène. C'est un livre qui est écrit avec la

5 distance la plus grande possible, où je n'apparais pas. Il y a des

6 milliers, des centaines, pour être plus précise, d'interviews et de

7 déclarations que j'ai eues de personnalités, des événements ex-yougoslaves,

8 dont certains sont des accusés ici que je n'ai pas reproduits dans mon

9 livre. Donc, ce n'est pas un cas particulier. Je ne l'ai pas fait pour

10 m'effacer en tant qu'auteur pour livrer au public les événements qui

11 étaient de la connaissance accessible, de la connaissance publique de tous

12 lecteurs, mais que je rassemblais dans mon livre. J'ai de nombreuses

13 interviews avec Radovan Karadzic et autres personnes qui ne sont pas

14 rapportées dans ce livre.

15 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que dans votre livre, non

16 seulement vous n'avez pas cité des faits ou des extraits de livres ou

17 d'interviews, mais vous avez fourni plutôt votre propre point de vue du

18 régime de Milosevic. Dans votre livre, vous ne présentez pas les choses de

19 la manière que vous étiez -- dont vous essayez de me les présenter ou de

20 les expliquer maintenant, mais vous donnez plutôt votre opinion.

21 R. Non, je ne suis pas d'accord. C'est mon analyse, effectivement. C'est

22 là où je suis présente dans ce livre. J'analyse et relie tous les faits et

23 les événements dont on a une connaissance publique pour expliquer la

24 stratégie d'évolution, l'enchaînement des événements, pour permettre une

25 lecture plus compréhensible d'une des partie des événements sur l'ex-

26 Yougoslavie, en l'occurrence, autour de la politique de Slobodan Milosevic.

27 Mais je n'ai pratiquement pas utilisé mes notes personnelles de mes

28 reportages dans ce livre.

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1 Q. Vous avez écrit votre livre, en gros, en 1999, n'est-ce pas ? C'est à

2 ce moment-là qu'il a été publié pour la première fois ? A partir de 1992 et

3 jusqu'au moment où vous l'avez écrit, votre livre, puisque c'est quelque

4 chose que vous avez écrit dans votre livre -- ceci n'est pas contesté, mais

5 ce n'est pas dans les notes. Cela ne figure pas dans les notes. Avant que

6 ceci ne devienne un sujet dépassé, avant que l'acte d'accusation ne soit

7 énoncé en 1991, est-ce que vous n'avez jamais décrit la conversation que

8 vous avez eue avec mon client à qui que ce soit, excepté aux amis ?

9 R. -- par écrit, moi-même, non. Il faudrait peut-être juste vérifier.

10 J'avais donné l'interview à une journaliste croate qui m'avait demandé de

11 faire le récit de la localisation -- de ce reportage où j'avais localisé le

12 charnier d'Ovcara, qui s'appelait Jasna Badic, mais je ne me rappelle plus

13 si je lui avais mentionné cette phrase ou non.

14 Q. J'espère qu'on pourra la retrouver et qu'on pourra la transmettre au

15 bureau du Procureur.

16 Bon, voilà pour cela. Indépendamment de cela, par exemple, vous avez

17 été au Monde jusqu'en 1994. Est-ce que vous avez publié d'autres articles

18 sur la Serbie ou concernant la JNA au cours de toutes ces années ? J'essaie

19 simplement de vous poser des questions simples, mais je vois que vous

20 répondez très bien aux questions. C'est une chose que vous faites vous-même

21 dans votre métier, n'est-ce pas ?

22 Répondez-moi brièvement, s'il vous plaît. Est-ce que vous vous

23 rappelez avoir jamais dit en public, à qui que ce soit, ce que vous avez

24 dit aujourd'hui dans votre déposition à l'audience ? Juste sur ce point.

25 M. MOORE : [interprétation] Elle a répondu à la question peut-être trois ou

26 quatre fois, avec tout le respect que je vous dois.

27 M. LUKIC : [interprétation] Mai il se trouve que c'est mon opinion que je

28 n'ai pas réussi à recevoir une réponse très nette, mais c'est précisément

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1 ce que je voudrais. Si tout le monde considère que la réponse est claire, à

2 ce moment-là, je serai heureux de poursuivre et de passer à autre chose.

3 R. Mais j'ai déjà dit que je l'ai partagé avec d'autres personnes, mais je

4 ne l'ai pas publié à l'époque ou ensuite. Comme je ne suis pas revenue

5 jusqu'à l'inculpation de M. Sljivancanin sur la question de la

6 responsabilité.

7 En revanche, cette connaissance, comme beaucoup de connaissances

8 recueillies par un journaliste, contribue à l'analyse et à des phrases qui

9 m'ont souvent été reprochées par les autorités ou par d'autres

10 personnalités en Serbie d'avoir accusé sans fondement, souvent, ce qui

11 m'était dit, l'armée, la JNA, d'avoir pris parti et d'avoir également

12 couvert des crimes, donc cette connaissance a été intégrée dans mes

13 analyses, mais je n'ai pas fait mon autopromotion tous les jours en disant

14 : M. Sljivancanin m'a dit Ovcara a fait des cadavres.

15 Q. Vous n'avez jamais dit cela en public, n'est-ce pas, en dehors du

16 cercle de vos amis les plus proches ?

17 R. -- un problème de traduction. J'ai dit que je n'ai pas fait mon

18 autopromotion à chaque instant pour dire à tout moment ou dans n'importe

19 quel article : M. Sljivancanin a dit à Ovcara -- a lié Ovcara et les

20 cadavres. Je le répète, son aveu était partiel.

21 Q. Madame Hartmann, peut-être que M. Moore pense que ceci est une réponse

22 sans équivoque, mais j'essaie très fort et je ne réussis pas à y parvenir.

23 C'est une réponse importante, de mon point de vue. Vous savez très bien ce

24 que je vous demande. C'est une simple question, n'est-ce pas ? Vous avez

25 critiqué l'armée, bien, pour autant que cela me concerne. Vos articles

26 concernent les crimes à Ovcara, vos articles étaient contre la JNA,

27 d'accord. Ce que je voudrais savoir, c'est si vous avez jamais, quelque

28 part dans un lieu public, dit ouvertement ce que vous nous avez dit

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1 aujourd'hui, ici. Il faut que j'insiste pour avoir cette réponse précise.

2 R. La difficulté dans ce dialogue, c'est que vous ne comprenez pas le

3 travail d'un journaliste qui recueille des milliers d'informations qu'il

4 n'utilise jamais, et surtout lorsqu'elles sont incomplètes et qu'elles ont

5 besoin d'être corroborées. Vous ne pouvez pas accuser une personne - pas

6 simplement une structure; une personne, un individu - sans avoir plus de

7 preuves; c'était insuffisant, et vous m'auriez accusée de diffamation.

8 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] La réponse est-elle "oui" ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] En public, par écrit, non, pour les raisons

10 évoquées. En privé, oui.

11 M. LUKIC : [interprétation]

12 Q. Merci. Madame Hartmann, je n'ai plus beaucoup de questions à poser. En

13 ce qui concerne votre livre, comment vous définiriez ce livre d'une façon -

14 - du point du genre ? Est-ce que c'est du journalisme ? Est-ce que c'est du

15 journalisme ? Quelle sorte de livre est ce livre ? Je veux parler par

16 exemple de votre livre, je veux dire, la diagonale du fou, en anglais, le

17 fou des échecs.

18 R. On appelle cela, en France, un livre document, qui est en l'occurrence

19 le résultat d'un travail d'une personne qui a une expérience, en

20 l'occurrence, journaliste sur le terrain, et qui essaie de faire une

21 analyse avec la somme des informations, pas simplement - et loin de là,

22 d'ailleurs - ses propres informations, mais les informations accessibles,

23 pour essayer de donner un éclairage plus complet sur des événements

24 internationaux récents. Nous appelons cela un livre document. D'ailleurs,

25 il a été publié dans une collection qui s'appelle document.

26 Q. Lorsque vous avez écrit le texte original en français, vous ne

27 travailliez pas encore pour le bureau du Procureur, à ce moment-là ?

28 R. -- au Tribunal.

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1 Q. Vous devez savoir, toutefois, qu'à la fois la traduction en Serbe et la

2 traduction en Croate ont été publiées en 2001 et 2002 respectivement,

3 lorsque vous travailliez ici comme porte-parole. A l'époque le livre a

4 finalement été publié en Croatie et en Serbie. Vous savez cela, n'est-ce

5 pas ?

6 R. Oui, effectivement, comme nous l'avons déjà dit tout à l'heure.

7 Q. De plus, je suppose que lorsque vous avez commencé à travailler pour le

8 bureau du Procureur, étant donné votre position, bien que vous ayez un

9 diplôme en littérature, vous étiez tout à fait au courant à la fois du

10 Règlement et du Statut du TPI. Est-ce que j'ai raison de supposer cela,

11 Madame ?

12 R. Oui, j'en avais connaissance.

13 M. LUKIC : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, aller en

14 audience à huis clos partiel, s'il vous plaît, brièvement ?

15 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Audience à huis clos

16 partiel, s'il vous plaît.

17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

18 partiel, Madame, Messieurs le Juges.

19 [Audience à huis clos partiel]

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13 [Audience publique]

14 M. MOORE : [interprétation] Je n'ai pas de questions supplémentaires à

15 poser.

16 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur

17 Moore.

18 Madame Hartmann, ceci met fin à votre déposition. Je vous remercie beaucoup

19 de votre coopération. Vous êtes maintenant libre de retourner à vos

20 activités.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

22 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Monsieur Moore, je ne pense

23 pas que nous ayons un autre témoin pour aujourd'hui.

24 M. MOORE : [interprétation] Madame le Juge, je n'ai pas d'autres témoins

25 pour aujourd'hui. Nous avons un expert qui viendra lundi.

26 Peut-être que le microphone pourrait juste être éteint, s'il vous plaît.

27 Merci.

28 [Le témoin se retire]

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1 M. MOORE : [interprétation] Nous avons un expert qui vient lundi. Nous

2 pensons qu'il n'est pas nécessaire d'appeler à la barre Mme Hartmann. Nous

3 ne pensions pas le faire aujourd'hui. Nous l'avons appelée pour combler

4 l'intervalle. Excusez-moi d'utiliser une expression un peu libre. Le Dr

5 Grujic continuera de déposer en ce qui concerne le charnier proprement dit.

6 Je vous prie de m'excuser si nous n'avons pas de témoins demain. Mais j'ai

7 déjà réussi à présenter un témoin, nous n'en n'avons pas de disponible pour

8 le moment. Je ne cesse jamais d'être surpris de la précision avec laquelle

9 mon confrère, M. Lukic, est capable de dire tout simplement que nous ne

10 sommes pas en mesure d'appeler un autre témoin. Mais nous essayons

11 d'appeler tous les témoins de la façon qui permettent d'avoir une

12 continuité.

13 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur

14 Moore.

15 Nous allons lever la séance. Nous allons lever la séance aujourd'hui et

16 pour demain, nous nous réunirons à nouveau lundi à midi 30.

17 --- L'audience est levée à 16 heures 34 et reprendra le lundi 29 mai 2006,

18 à 12 heures 30.

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