Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 14 septembre 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Je suis satisfait de voir que

7 M. Sljivancanin est parmi nous et qu'il va suffisamment bien pour

8 l'être.Malheureusement, le Juge Thelin n'est pas si bien et nous allons

9 devoir siéger sans lui.

10 Bonjour, Monsieur le Témoin.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'aimerais que vous preniez la carte

13 qu'on vous tend et vous lever et nous donner lecture de cette information ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

15 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

16 LE TÉMOIN: DUSAN JAKSIC [Assermenté]

17 [Le témoin répond par l'interprète]

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir, je vous

19 prie.

20 Maître Domazet, à vous.

21 M. DOMAZET : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à tous

22 et à toutes dans le prétoire.

23 Interrogatoire principal par M. Domazet :

24 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Jaksic.

25 R. Bonjour.

26 Q. Monsieur Jaksic, je vais vous interroger au nom de la Défense de M.

27 Mrksic. Je vous prierais de suivre, pendant que je vous pose la question,

28 l'interprétation sur l'écran une fois que les lettres finissent de découler

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1 pour commencer à répondre, parce que cela ménagera une pause aux

2 interprètes afin qu'ils puissent faire leur travail et afin que le compte

3 rendu d'audience reflète fidèlement ce que nous nous sommes dits.

4 J'aimerais que vous nous donniez d'abord vos nom et prénom, date de

5 naissance et enfin l'essentiel vous concernant ?

6 R. Je m'appelle Dusan Jaksic. Je suis né le 2 novembre 1956 à Babjak,

7 municipalité de Nasice en République de Croatie. Mon père s'appelait Dane.

8 Vous voulez autre chose ?

9 Q. Merci. Je vous demanderais de parler plus lentement parce que vous avez

10 accéléré dans votre réponse. Regardez, certaines des données que vous avez

11 prononcées non pas été consignées au compte rendu d'audience, tel que le

12 nom de la localité de naissance d'après ce que j'ai vu. J'aimerais que vous

13 répétiez.

14 R. Village de Babjak, municipalité de Nasice, République de Croatie.

15 Q. Grand merci. Veuillez me dire si les renseignements relatifs au lieu de

16 naissance, ou plutôt, dites-nous jusqu'à quand vous avez résidé dans votre

17 lieu de naissance, ce que vous avez comme école, et cetera.

18 R. J'ai vécu dans ce village jusqu'en 1971. Ensuite, je suis allé à

19 l'école secondaire à Vukovar. J'ai terminé ces classes secondaires, et de

20 Vukovar je suis allé à l'armée, l'école des officiers de réserve à Bileca.

21 Après la fin de mes classes à Bileca, j'ai fait un stage à Pirot. J'ai été

22 adjoint du commandant du peloton de reconnaissance au niveau du régiment.

23 Q. Merci. On y viendra plus tard. Je crois que vous parlez là du deuxième

24 segment de votre service militaire ?

25 R. Oui.

26 Q. Commençons par cette école secondaire. Vous avez fini vos classes

27 secondaires à Vukovar ?

28 R. Oui.

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1 Q. Si j'ai bien compris, tout de suite après les classes secondaires, vous

2 êtes allé faire votre service militaire ordinaire ?

3 R. C'est exact. Je venais d'avoir 18 ans.

4 Q. Merci. Je vous demande d'attendre un peu que j'aie fini de poser ma

5 question et de commencer à répondre ensuite pour qu'il n'y ait pas

6 chevauchement entre la question et la réponse.

7 Vous avez déjà mentionné le fait que vous êtes allé faire votre service

8 militaire à l'école des officiers de réserve. Alors, ma question est la

9 suivante : quel type d'école est-ce et quel type de formation avez-vous

10 suivi ? Est-ce que tout un chacun le souhaitant pouvait aller dans cette

11 école ou y avait-il tout de même des critères quelconques ? Quels sont ces

12 critères dont on a tenu compte pour choisir un candidat aux fins de

13 l'inscrire dans cette école ?

14 R. L'école des officiers de réserve est l'école d'élite des officiers de

15 réserve de l'ex-Yougoslavie. C'est elle qui a fourni les cadres les plus en

16 vue parmi les officiers de réserve. Nous avons suivi un programme de

17 l'académie militaire. Ce qui a été enseigné aux officiers à l'académie,

18 cela a été enseigné pour nous, mais sous une forme, disons, abrégée. Là-

19 bas, nous avons suivi un entraînement, puisque c'était une école

20 d'officiers de réserve de l'armée de terre, de l'infanterie. Mais nous

21 avons tout de même appris ce qui est lié aux autres armées et à

22 l'utilisation de ces connaissances. Nous avons également suivi une

23 formation destinée aux unités spéciales.

24 Q. Cette formation a duré combien de temps ?

25 R. Cette formation a duré sept mois. Cela était à temps plein. Le reste,

26 on a peut-être eu deux heures de sieste et le reste était des études de

27 l'apprentissage des tactiques et du travail.

28 Q. Suite à cette formation qui a duré, comme vous venez de nous le dire,

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1 sept mois, quel est le grade que vous avez reçu et qu'est-il advenu du

2 service militaire par la suite ?

3 R. A la fin de cette formation à l'école des officiers de réserve, nous

4 avons eu un grade de sergent. Avec ce grade de sergent, nous avons continué

5 à faire un stage dans les troupes.

6 Q. A la fin de cette formation, êtes-vous restés tous au siège de l'école

7 à Bileca ou est-ce que vous avez été affectés dans différentes garnisons

8 tout au large de la Yougoslavie ?

9 R. Une partie restait au centre scolaire pour accueillir les nouvelles

10 recrues et les autres étaient envoyés dans la troupe tout au large de l'ex-

11 Yougoslavie.

12 Q. En parlant de vous, Monsieur Jaksic, je crois que vous en avez déjà un

13 peu parlé et vous avez mentionné Pirot comme étant la localité où vous avez

14 continué votre service. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

15 R. J'ai fait mon stage là-bas pour le reste du service militaire. J'étais

16 adjoint du chef du peloton de reconnaissance au niveau du régiment. Mon

17 commandant s'appelait Pavle Strugar.

18 Q. Est-ce que cela signifie que vous étiez vous aussi un gradé, que vous

19 aviez des soldats placés sous vos ordres ?

20 R. Absolument.

21 Q. Lorsque vous avez terminé votre service militaire, avez-vous obtenu un

22 autre grade autre que celui que vous avez eu à la fin de votre formation à

23 Bileca ?

24 R. A la fin de mon service militaire, tout dépendait, bien sûr, des

25 mérites. Ceux qui avaient fait leurs preuves obtenaient un grade de

26 lieutenant. Si ce n'était pas le cas, ils gardaient le grade qu'ils

27 avaient. Il en allait de même pour ce qui est de l'école. Ceux qui

28 n'avaient pas satisfait ne pouvaient pas aller au-delà du grade des

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1 fonctions du chef de peloton. Ils ne pouvaient pas avancer plus loin.

2 Q. Pour ce qui vous concerne vous-même, à la fin de votre service

3 militaire, qu'est-il advenu ?

4 R. A la fin du service militaire, j'ai trouvé du travail. Je me suis

5 présenté dans ma localité de naissance. Je suis allé à Nasice pour me

6 présenter là-bas et j'ai trouvé le commandant du QG de la TO de la Slavonie

7 Barinje et Srem occidentale, donc de cette région entière. Lorsque je suis

8 arrivé là-bas, ils voulaient me nommer à la tête de l'organe chargé de la

9 sécurité de la région, mais je leur ai dit que j'avais trouvé du travail à

10 Vukovar. A Vukovar, on m'a confié un peloton de reconnaissance de la

11 Brigade territoriale de la TO. Nous avons fait une marche sur Vukovar vers

12 Nabrice. Je me suis fait décerner des reconnaissances émérites. J'ai été

13 promu et j'ai suivi un stage des personnes chargées de la sécurité. J'ai

14 été chargé du service de sécurité de la TO pour ce qui est du secteur de

15 Pancevo.

16 Q. Veuillez me préciser d'abord en quelle année vous avez terminé votre

17 service militaire et quand est-ce que vous vous êtes présenté à Nasice,

18 comme vous venez de le dire ?

19 R. C'était au mois de juin 1976 que j'ai fini mes services militaires. Je

20 suis parti au service en avril 1975.

21 Q. Merci. Si j'ai bien compris, vous avez fait votre service militaire

22 normal, et ce que vous êtes en train de nous relater, c'est en quelque

23 sorte une continuation ? Est-ce que cela signifiait, en d'autres termes,

24 une professionnalisation en la matière vous concernant ou est-ce que vous

25 avez continué à servir comme officier de réserve ?

26 R. J'ai été officier de réserve. J'avais un emploi - et je vous parle de

27 ce que je faisais en ma qualité de membre des troupes de réserve.

28 Q. Merci. Vers la mi-1976, date à laquelle vous êtes rentré du service

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1 militaire, vous aviez un poste de travail normal et vous avez travaillé sur

2 le poste à Vukovar ?

3 R. A Vukovar, à l'entreprise de transport appelée Cazmatrans dont le siège

4 était à Vukovar.

5 Q. Merci. Où avez-vous résidé ?

6 R. J'ai résidé à Vukovar à l'époque, dès que j'ai reçu un titre d'embauche

7 à temps plein. J'ai acheté un petit terrain, une maison. J'ai vécu d'abord,

8 avant mon mariage, chez mon frère, à Vukovar. Et quand je me suis marié,

9 j'ai adapté la maison que j'avais achetée et je suis passé là-bas pour y

10 habiter.

11 Q. Merci. Depuis lors et par la suite - et là, nous prendrons la période

12 allant jusqu'à 1991 - dites-nous si vous avez sans interruption vécu et

13 travaillé à Vukovar.

14 R. Oui.

15 Q. Vous nous avez parlé de ce stage à Pancevo et d'autres points.

16 J'aimerais vous demander, depuis 1976, depuis le service militaire et au-

17 delà, jusqu'en 1991, en votre qualité d'officier de réserve, quelles sont

18 les obligations qui ont été les vôtres ? Qu'avez-vous fait ? Avez-vous fait

19 des manœuvres éventuellement ou autre chose ?

20 R. Pendant que j'étais commandant de ce peloton de reconnaissance au

21 niveau de la brigade, j'ai fait des manœuvres ou des exercices destinés aux

22 unités spéciales, aux unités spéciales de reconnaissance et aux unités de

23 la police militaire. Ultérieurement, lorsque je suis devenu responsable des

24 services de sécurité, j'ai fait un stage de sécurité à Pancevo pendant un

25 mois et j'ai été à Erdut, Rakijica et j'ai été avec tous les bataillons qui

26 ont fait des manœuvres au niveau de la brigade. J'en ai fait partie en tant

27 qu'organe auxiliaire ou alors à titre officiel ou encore à titre d'arbitre.

28 Q. Pouvez-vous me dire ce que c'était au juste ? De la Défense

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1 territoriale ou autre chose ? Pouvez-vous nous parler de l'organisation où

2 vous avez accompli les fonctions que vous venez de nous énumérer ?

3 R. La Défense territoriale a constitué les effectifs de réserve des forces

4 armées de Yougoslavie. Elle a été organisée suivant un principe militaire.

5 Il y avait des sections, des pelotons, puis des brigades, des corps

6 d'armée. Dans ses rangs, elle comptait toutes les armes pour la lutte

7 contre l'infanterie, pour la lutte contre les blindés et pour la lutte

8 antiaérienne. Nous avions des lance-missiles Strela. Nous n'avions pas des

9 blindés et nous n'avons pas disposé de système missile.

10 Q. Est-ce que vous savez nous dire si cette organisation de la TO

11 prévalait sur le territoire entier de l'ex-Yougoslavie ou est-ce que ce que

12 vous venez de dire était spécifique pour la région où vous étiez ?

13 R. Non, cela était valable pour toute la Yougoslavie, mais cela variait

14 d'une unité à l'autre. Les unités de la TO ont été financées par les

15 municipalités de leurs territoires. Si la municipalité était aisée, l'unité

16 était plus équipée et plus grande. Si la municipalité était plutôt pauvre,

17 la TO, elle aussi, pour ce qui est de son matériel était moins pourvue.

18 Q. Je comprends. Donc, il pouvait y avoir des différences dans les

19 équipements de la TO ?

20 R. Oui, absolument

21 Q. Pour ce qui est de votre unité de la TO à Vukovar, de quoi faisait-elle

22 partie à l'époque ?

23 R. La brigade de la TO de Vukovar avait été considérée comme étant l'une

24 des brigades les plus fortes et la mieux équipée sur le territoire de la

25 Slavonie et de la Baranja.

26 Q. Pouvez-vous m'en dire davantage quant à la composition de cette brigade

27 de la TO ? Est-ce que cette composition était pluriethnique ? Est-ce que

28 cela reflétait une composition ethnique quelconque de la région ou pas ?

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1 R. Tout à fait. Cette brigade était constituée de toutes les nations et

2 minorités nationales qui résidaient sur ces territoires. Peut-être y avait-

3 il, à titre individuel, des bataillons selon les municipalités ou les

4 villages dont les gens étaient originaires avec des différences ethniques

5 dans la composition, mais il y avait des bataillons, par exemple, venant du

6 nord, du sud-est et un troisième du nord-ouest. Tout dépendait de la

7 configuration des nécessités. C'est ainsi que se constituaient les

8 effectifs de la brigade. Je parle des effectifs. S'il manquait des cadres,

9 certains cadres, des officiers, par exemple, on pouvait les prendre à

10 partir d'autres régions pour les affecter à telle ou telle autre unité.

11 Q. Comme vous nous le dites, selon les régions et selon les villages, cela

12 n'a pas fait encore l'objet d'une question, mais nous avons déjà entendu

13 des témoignages d'autres témoins à ce sujet. Donc, je vais vous poser

14 brièvement une question. S'agissant de la composition ethnique de la

15 population de Vukovar et de ses environs, à savoir de la Slavonie

16 orientale, est-ce que c'était pluriethnique ou pas ?

17 R. Oui. Vukovar, on l'appelait la Yougoslavie en plus petit. Il y avait 28

18 nationalités, minorités ethniques, qui résidaient à Vukovar.

19 Q. Et ce faisant, les plus nombreux étaient qui ?

20 R. Les plus nombreux étaient les Serbes, parce que les Serbes, seuls, ont

21 été à se prononcer comme étant Yougoslaves et seuls les enfants issus de

22 couples mixtes. Au niveau Yougoslaves, il y avait environ 6 %. Les plus

23 nombreux étaient les Serbes, puis les Croates et venaient ensuite tous les

24 autres.

25 Q. Quand vous parlez de --

26 Q. Les 6 % que vous avez mentionné tout à l'heure, c'était des Serbes qui

27 se sont prononcés comme étant des Yougoslaves, d'après vous ?

28 R. Oui.

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1 Q. Cependant, il y avait un bon nombre de Croates également. Alors, si on

2 additionne les uns et les autres, est-ce qu'on pourrait dire qu'ils étaient

3 à peu près à égalité ou est-ce qu'il y en avait qui étaient plus nombreux

4 que d'autres ?

5 R. S'il y avait 49 % de Serbes et s'il y avait 6 % de Yougoslaves et s'il

6 y avait d'autres minorités nationales, alors, dites-moi vous-même quel

7 était le groupe ethnique qui l'emportait à Vukovar ?

8 Q. Vous parlez de Vukovar, si je comprends bien. Mais s'agissant des

9 villages autour de Vukovar, y a-t-il eu des villages avec une population

10 majoritairement d'un groupe ethnique ou essentiellement d'un groupe

11 ethnique, que ce soit Serbes, Croates, Hongrois ou est-ce que là aussi

12 c'était multiethnique ?

13 R. Il y avait des villages qui étaient presque, ou disons, à 99 %

14 ethniquement purs et il y en avait d'autres qui étaient véritablement

15 pluriethniques.

16 Q. Merci. Est-ce que c'est la raison pour laquelle, tout à l'heure lorsque

17 vous avez parlé de la composition des effectifs de la TO, qu'il arrivait

18 qu'il y en avait plus d'un groupe ethnique que de l'autre selon les lieux

19 dont ils étaient originaires, suivant cette organisation régionale ?

20 R. Cela se passait par pelotons, compagnies ou bataillons. En général, la

21 structure de la brigade, elle, reflétait la composition ethnique de la

22 municipalité de Vukovar.

23 Q. Merci. Lorsque vous nous avez expliqué tout à l'heure ce que vous avez

24 personnellement fait à l'occasion de ces formations ou exercices de la TO,

25 vous avez mentionné, me semble-t-il, le fait que vous avez été arbitre, si

26 j'ai bien saisi. Qu'est-ce que cela signifiait que d'être arbitre ?

27 R. Etre arbitre lors de manœuvres, cela signifiait un suivi des exercices

28 des manœuvres dans l'ensemble, une annotation des attitudes tactiques de

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1 l'utilisation des moyens de transmission, de l'utilisation des effectifs du

2 système de commandement. Tout était analysé et une annotation était

3 fournie. Très souvent, l'on fournissait également des suggestions ou une

4 assistance pour l'accomplissement des missions, de la tactique au cas où,

5 par exemple, l'officier serait jeune, inexpérimenté. Donc, il s'agissait de

6 lui venir en aide.

7 Q. Merci. Donc, il s'agissait d'un arbitre qui était là pour noter, pour

8 donner une évaluation de ce qui était fait à l'occasion de ces exercices-

9 là ?

10 R. Exact.

11 Q. Vous avez dit que vous avez occupé une place importante dans cette

12 brigade de la TO de Vukovar. Est-ce que cela s'est étendu jusqu'au début

13 des événements, à savoir jusqu'en 1991 ?

14 R. Oui.

15 Q. Je vais essayer d'être le plus bref possible s'agissant de la période

16 entre 1990 et 1991 à Vukovar et d'une manière générale en Croatie et en

17 Yougoslavie. J'aimerais que vous nous disiez d'abord ce qu'il en a été de

18 la Croatie et de Vukovar ? Y a-t-il eu quelque chose de caractéristique

19 dans la deuxième moitié de 1990 ? Est-ce que la vie a commencé à changer à

20 Vukovar ?

21 R. Suite aux élections pluripartites avec l'apparition du HDZ et la

22 victoire du HDZ, la situation à Vukovar s'est dramatiquement modifiée.

23 Vukovar n'a pu été la ville qu'elle était. On n'a plus pu y vivre

24 librement. Il n'y avait plus d'égalité en droit ni au niveau de la ville,

25 ni au niveau des postes de travail. On a commencé à ressentir de la peur

26 surtout après l'arrivée au départ du HDZ au pouvoir. On a d'abord tiré sur

27 les insignes du bâtiment de la province, où il y avait sur la province de

28 Srem une inscription cyrillique qui ne dérangeait personne. Mais cela n'a

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1 constitué que le début.

2 Ensuite, en termes simples, les Croates ont commencé à éviter les

3 contacts avec les Serbes. Ils ont commencé à se séparer d'eux, à se placer

4 de côté. Ils ont commencé à constituer des unités non armées à Bogdanovci.

5 Et ce qui a été catastrophique, ce qui nous a fait savoir que les choses ne

6 se passeraient bien, c'est cette importation d'armes de Hongrie, le film

7 avec Spegelj, nous croyions que l'armée allait réagir et procéder à des

8 arrestations, chose que ferait toute armée.

9 Q. Merci. J'aimerais que vous ralentissiez votre débit pour qu'il n'y ait

10 pas de problème au niveau du compte rendu d'audience. Répondez plus

11 lentement. Je vais reprendre, parce que la réponse était plutôt longue.

12 Est-ce que vous êtes en train de me parler de la deuxième moitié de

13 1990 et éventuellement du début 1991 lorsque vous vous êtes référé à ces

14 événements-ci ?

15 R. Oui.

16 Q. Une question supplémentaire au sujet de cet incident avec le blason.

17 Pouvez-vous nous expliquer cela ? Qui a tiré sur ce blason sur ce

18 bâtiment ? D'où ce blason avec une inscription cyrillique se trouvait-il ?

19 D'où vient cette tradition ? Est-ce qu'il fut un temps où le cyrillique

20 était davantage utilisé ? Pourriez-vous nous en parler ?

21 R. Les Serbes étaient là depuis la migration des Turcs, depuis l'Autriche-

22 Hongrie. Ils avaient le droit à leurs écoles, leur écriture et ils

23 affichaient leur identité nationale. Donc, à l'époque de la Vojvodine là où

24 était tracée la ligne qui séparait l'Autriche-Hongrie de la Turquie, les

25 Serbes bénéficiaient de certains privilèges. Donc, c'est de là que date

26 l'alphabet cyrillique, les édifices destinés au culte, les écoles serbes,

27 enfin tout ce dont dispose normalement un peuple.

28 Q. Ce blason qui était placé sur ce bâtiment et qui était là depuis très

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1 longtemps, il a été endommagé ou il a été détruit à ce moment-là ?

2 R. Un exemple, d'après l'alphabet de Vuk, le "JA" serbe s'écrit tout comme

3 en caractère latin. "Ja" pareil. Mais sur ce blason c'était en vieux

4 slavon. Donc, ceci vous permet de comprendre l'ancienneté de ce blason.

5 Q. Merci. Cet incident que vous venez d'évoquer, vous dites que c'est l'un

6 de la série d'incidents qui ont fini par inquiéter la population civile.

7 Est-ce qu'il y a d'autres exemples typiques qui, d'après vous, ont

8 caractérisé cette période ?

9 R. Ensuite, ils se sont mis à tirer sur des maisons serbes, à tirer sur

10 les commerces serbes, à dynamiter des commerces serbes.

11 Q. Lorsque vous parlez de lieux serbes, à quoi faites-vous référence, aux

12 propriétaires de ces commerces ?

13 R. Oui, aux propriétaires. Leurs propriétaires étaient des Serbes.

14 Q. Ce genre d'incidents, était-ce quelque chose qui a fait l'objet de

15 poursuite de la part du MUP, du SUP de l'époque, des autorités judiciaires;

16 le savez-vous ?

17 R. Non. Qui plus est, ce sont des membres du MUP qui se sont livrés à ce

18 genre d'incidents. Il y a eu une terreur organisée, terreur d'Etat mise en

19 œuvre par l'Etat de Croatie.

20 Q. Le MUP n'avait-il pas une composition pluriethnique jusqu'à ce moment-

21 là ? Ne reflétait-il pas la composition ethnique de la population ?

22 R. Jusqu'à la victoire du HDZ, c'était vrai, mais avec l'arrivée du HDZ au

23 pouvoir, la structure du MUP a été modifiée, les Croates ont pris des

24 postes de responsabilité. Un exemple, prenons une voiture de patrouille à

25 Vukovar. Elle avait plus d'équipement technique que la totalité du MUP de

26 Vinkovci, par exemple. Le siège du MUP de Vukovar a été transféré à

27 Vinkovci pour que Vinkovci exerce leur responsabilité sur Vukovar pour que

28 Vukovar n'ait pas d'attribution, de pouvoir, que tout soit transféré à

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1 Vinkovci, la politique sur le plan du personnel, des finances, et cetera.

2 Q. Savez-vous ce qui a été la raison de ce changement ?

3 R. Cela s'est produit immédiatement avec l'arrivée du HDZ au pouvoir. En

4 réalité, le HDZ n'a même pas remporté les élections pluripartites.

5 Q. Lorsque vous dites le HDZ n'a pas remporté les élections, vous voulez

6 dire en Croatie ou à Vukovar ?

7 R. Je me réfère à la municipalité de Vukovar.

8 Q. Pour ce qui est de Vinkovci, savez-vous ce qui s'y est passé ?

9 R. A Vinkovci, il y a eu une victoire du HDZ.

10 Q. Si je vous ai bien compris, de manière générale, en Croatie également

11 puisque vous en avez parlé ?

12 R. Oui.

13 Q. Vous pensez que c'était cela la raison peut-être de se transfert du

14 siège du MUP à Vinkovci et la raison pour laquelle ce n'était plus à

15 Vukovar ?

16 R. Absolument.

17 Q. S'agissant de ce changement sur le plan de la composition

18 pluriethnique, est-ce que vous savez si dans les rangs du MUP ont a

19 embauché des gens de Vukovar ou d'ailleurs ?

20 R. On s'est mis à embaucher massivement des individus qui avaient toujours

21 fait l'objet de surveillance de la part du MUP, qui avaient fait l'objet de

22 poursuite de la part du MUP, dont les CV étaient vraiment très mauvais, qui

23 avaient passé la plupart de leur vie dans des prisons, qui étaient des

24 délinquants, qui, en aucun cas, n'auraient pu devenir des employés du MUP.

25 C'est précisément ces gens-là qu'on a embauchés.

26 Q. Est-ce que ce genre d'individus qui avaient un casier judiciaire qui

27 n'était pas vierge, est-ce que ce genre d'individus ne pouvaient pas

28 devenir employés du MUP jusqu'en 1991 ?

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1 R. Ce n'était pas possible. On vérifiait la généalogie, même la situation

2 du père, du grand-père, de l'arrière-grand-père, toute l'histoire de la

3 famille pour que personne n'ait été entachée d'aucune sorte, que le casier

4 judiciaire était vierge et que ce soit des individus parfaitement intègres.

5 Q. D'après ce que vous nous dites, pendant cette période où le HDZ est

6 venu au pouvoir en Croatie, il y a eu ce changement-là. Ce genre

7 d'individus pour lesquels vous dites qu'ils avaient un passé de

8 délinquants, ces individus étaient de quelle appartenance ethnique ? Est-ce

9 qu'on embauchait ce type de personnages issus de tous les groupes ethniques

10 ou non ?

11 R. Non. Pratiquement à 100 %, c'était uniquement des Croates; ceux qui

12 étaient loyaux au HDZ et à la police du HDZ.

13 Q. Est-ce qu'on a tenté de changer l'uniforme du policier, donc du membre

14 du MUP de Croatie à ce moment-là ?

15 R. D'une certaine façon, c'était déjà modifié. Pas dans un premier temps,

16 mais par la suite, ils ont modifié pour changer les uniformes qu'ils

17 utilisaient sur le terrain. C'était un peu comme les uniformes militaires,

18 mais ils étaient bleus.

19 Q. Est-ce que c'était un changement dans les rues de Vukovar par rapport à

20 la période qui a précédé l'arrivée du HDZ au pouvoir ?

21 R. Absolument. La structure de la police a changé à plusieurs reprises. Il

22 y a eu plus d'effectifs. Les effectifs ont été multipliés dans la police.

23 Lorsqu'il y avait des délits contre la population serbe, on ne s'en

24 occupait pas. Pas seulement quand il s'agissait de Serbes, mais d'autres

25 non-Croates.

26 Q. Vous voulez dire, qu'officiellement, il n'y a pas eu d'enquête, qu'il

27 n'y a pas eu de procédure pénale ?

28 R. Il n'y en avait pas. Ils savaient qui en étaient les auteurs. Les

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1 auteurs, c'étaient ceux qui travaillaient chez eux, dans leurs rangs. Ils

2 n'entreprenaient rien pour les poursuivre, pour les sanctionner.

3 Q. Est-ce qu'il y a eu quelqu'un qui aurait entrepris quelque chose pour

4 que cela change à titre individuel ou de manière organisée ?

5 R. On ne pouvait rien entreprendre. Comme je vous ai dit, à Vukovar, le

6 HDZ n'avait pas remporté les élections. Mais n'empêche, que c'était le HDZ

7 qui était au pouvoir.

8 Q. Pouvez-vous nous expliquer comment était-ce possible si les autorités

9 locales étaient composées d'autres partis qui avaient remporté les

10 élections ?

11 R. Aux élections, il y a eu deux partis.

12 Q. Lorsque vous dites partis, je suppose des partis de plus grande

13 importance --

14 R. Oui. Le HDZ et la Ligue des Communistes ou le SDP, la Ligue des

15 Communistes de Croatie. Les Serbes et le reste de la population non-Croate

16 a généralement voté pour la Ligue des Communistes, le SDP.

17 Q. Dites-nous ce que signifiait cette abréviation, SDP ?

18 R. L'Alliance pour le Mouvement Démocratique.

19 Q. Qui était à la tête de ce parti ?

20 R. Ivica Racan.

21 Q. Savez-vous de quelle appartenance ethnique était-il ?

22 R. C'était un Croate. C'est lui qui a surtout contribué à ce que le HDZ

23 l'emporte en Croatie.

24 Q. De quelle manière pouvez-vous nous l'expliquer ?

25 R. Lorsqu'on a constitué le parlement, il y avait le SDP, la Ligue des

26 Communistes et le HDZ. Il y avait pratiquement 50 % de candidats croates au

27 sein du SDP. Massivement, ils se sont rangés aux côtés du HDZ et ils ont

28 voté les programmes du HDZ et non pas ceux de la Ligue des Communistes.

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1 C'est de cette manière-là que la Ligue des Communistes, qui était un parti

2 majoritaire, initialement, est devenu un parti tout à fait minoritaire.

3 Q. Si je vous ai bien compris, ce parti politique, le SDP, il comptait

4 parmi ses membres à la fois des Croates et des Serbes; c'est bien cela ?

5 R. Dans la Ligue des Communistes, il y en avait. Ils ont gardé ce nom pour

6 tromper les Serbes, pour que les Serbes restent au sein du SDP. Mais Racan

7 et la direction du SDP, ils ont remis le pouvoir entre les mains du HDZ.

8 C'est cela qui s'est passé.

9 Q. Remontons un petit peu dans le temps. Le programme du HDZ était-il

10 nationaliste ou pas ou pro-yougoslave ?

11 R. Nationaliste peut-être. Puisque avant 1974, il y avait la Ligue des

12 Communistes de Yougoslavie. C'est devenu nationaliste avec le changement de

13 la constitution, lorsque les républiques ont pu avoir chacune son propre

14 parti. Cela a commencé déjà à avoir des tonalités nationalistes.

15 Q. Oui. D'après leurs noms mais d'après le programme, est-ce qu'il y a eu

16 des changements ? Est-ce que leur programme était différent de celui du

17 HDZ ?

18 R. Oui. Il y avait une très grande différence. C'était un programme

19 destiné à tous les citoyens. Ce n'était pas extrémiste, ce n'était pas

20 nationaliste; c'était quelque chose qui prônait la fraternité et l'unité,

21 comme on l'appelait à l'époque des peuples yougoslaves.

22 Q. Si je vous ai bien compris, ce n'est pas le programme qui posait le

23 problème. C'est le fait que les élus sur les listes de ce parti se sont

24 rangés, dans un deuxième temps, aux côtés de l'autre parti.

25 R. Oui. Ils étaient pleinement conscients de cela. Les Serbes, quant à

26 eux, ils n'avaient pas leur parti national; ils étaient toujours favorables

27 à la Yougoslavie. C'est pour cela qu'ils faisaient confiance à la Ligue des

28 Communistes en pensant que la Ligue des Communistes allait préserver la

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1 Yougoslavie. Mais tous les Croates au sein de la Ligue des Communistes se

2 sont rangés auprès du HDZ après les élections. Les Serbes n'avaient plus

3 aucun poids, aucun mot à dire ni dans les municipalités locales ni sur le

4 plan de l'Etat.

5 Q. Si je vous ai bien compris, à cette époque-là, les Serbes n'avaient pas

6 leur parti national. D'après vous, ils étaient majoritairement membres de

7 ce parti communiste en estimant que c'est ce parti-là qui allait défendre

8 leurs intérêts ?

9 R. Non. Je vous parle maintenant de la ville de Vukovar. C'est de cela que

10 je parlais.

11 Q. Vous avez dit qu'à Vukovar, c'est ce parti-ci qui était majoritaire.

12 Qui était à la tête de la municipalité après ces élections ?

13 R. C'est Slavko Dokmanovic qui a été le président de la municipalité, de

14 l'assemblée municipale.

15 Q. On sait de quelle appartenance ethnique il était ?

16 R. C'était un Serbe.

17 Q. Pouvait-il faire quelque chose ? Pouvait-il remédier à cela, améliorer

18 la situation de la population non-Croate ? Si je vous ai bien compris, tous

19 les non-Croates éprouvaient cette peur face à ce nationalisme croate

20 grandissant ?

21 R. Slavko Dokmanovic est peut-être le seul président européen qui a été un

22 chef sur le plan municipal, mais qui n'avait aucun pouvoir et qui devait

23 faire tout ce qu'il pouvait pour garder sa vie sauve.

24 Q. Pouvez-vous vous expliquer un petit peu ?

25 R. Il était à la tête du parti majoritaire. Mais lorsque les Croates se

26 sont rangés aux côtés du HDZ, il n'avait plus la majorité dans l'assemblée

27 municipale. Ensuite, ses collaborateurs m'ont raconté comment ils ont dû

28 essayer de le sauver, comment il a cherché à se sauver puisqu'il était

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1 recherché, lui ainsi que son fils, de par la municipalité pour être

2 éliminés.

3 Q. Il était à la tête de la municipalité jusqu'à la fin de son mandat ?

4 R. Non.

5 Q. Est-ce que vous savez pour quelle raison ?

6 R. Tout simplement, il ne pouvait pas pour des raisons de sécurité. Il

7 n'osait même plus se rendre sur le territoire de la municipalité ou dans

8 les locaux de l'assemblée municipale.

9 Q. Vous dites, après il n'osait plus. En tant que président de l'assemblée

10 municipale, il ne se rendait même plus dans la mairie de Vukovar ?

11 R. Oui. Il ne restait plus que quelques Serbes au sein de l'assemblée

12 municipale. Tout avait été pris par les Croates.

13 Q. Vous vous rappelez peut-être la période ?

14 R. Il y a longtemps de cela. Cela fait 15 ans. Je ne m'en souviens pas. Je

15 ne me suis pas mêlé de politique. A l'époque cela ne m'intéressait pas la

16 politique. Ce qui m'intéressait, c'était mon travail, ma famille. J'étais

17 un citoyen ordinaire. Je n'avais aucun intérêt. Je ne m'intéressais pas du

18 tout à la politique.

19 Q. Vous n'avez pas exercé de poste, de fonction au sein des partis et vous

20 n'avez pas pris activement part à cette campagne électorale ?

21 R. Non.

22 Q. Est-ce que vous savez qui a repris le poste de Dokmanovic ?

23 R. Je pense que c'était Marin Vidic; est-ce bien cela ?

24 Q. Des élections ont eu lieu ou cela s'est passé d'une autre manière ?

25 R. Non, sans élection.

26 Q. En répondant aux questions que je vous ai posées au sujet de ces

27 transformations qui ont eu un impact sur la population de Vukovar, vous

28 avez parlé des problèmes qui ont surgi sur le lieu de travail. Quel genre

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1 de problèmes ?

2 R. Avec l'arrivée du HDZ au pouvoir, le MUP a fait en sorte que toute la

3 population croate puisse s'armer sans aucune vérification. Tout un chacun

4 qui avait demandé de bénéficier du permis de port d'armes y a eu droit. Il

5 n'y avait aucun contrôle. Le nom et le prénom, s'ils étaient Croates, vous

6 permettaient d'avoir une arme, de se la procurer, de l'acheter, de l'avoir.

7 D'un point de vue administratif, sur 100 ou 200 ou 500 personnes, un ou

8 deux Serbes ont pu se glisser sur ces listes. Ils n'en n'ont pas eu. Parmi

9 les Croates, même des enfants mineurs y ont eu droit.

10 Q. Pendant la période qui a précédé ces élections pluripartites, la

11 période où vous avez surtout vécu à Vukovar, d'après la loi, quelle est la

12 procédure qu'il fallait respecter pour avoir une arme ? Les citoyens,

13 comment pouvaient-ils avoir droit au port d'armes ?

14 R. Il était possible d'obtenir cette autorisation, mais c'était très

15 difficile. Il fallait avoir une raison valable avant tout, un CV

16 impeccable. Il fallait faire preuve d'une santé physique et mentale bonne

17 pour pouvoir recevoir une arme. Il fallait être employé, par exemple, dans

18 un service ou pour des raisons de sécurité personnelles. On avait besoin

19 d'une arme ou être chargé de missions spécifiques qui nécessitaient cela.

20 Un citoyen ordinaire, c'était rare, c'était exceptionnel qu'il puisse avoir

21 une arme.

22 Q. Si je vous comprends bien, c'était ce qui était prévu par la loi et

23 c'était ce qui se pratiquait ?

24 R. Oui.

25 Q. Quel est le type d'armes que les citoyens pouvaient avoir légalement ?

26 R. Légalement, c'est uniquement ceux qui étaient membres des associations

27 de chasseurs, des associations de tirs, des militaires de carrière

28 d'office, pouvaient avoir droit à une arme. Ceux qui travaillaient dans des

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1 services de sécurité, la police, naturellement, ils avaient une arme de

2 fonction. Et quand ils partaient à la retraite, ils pouvaient demander le

3 droit de la conserver.

4 Q. Très bien. Je suppose, lorsque vous parlez de chasseurs, vous vous

5 référez aux armes de chasse. S'agissant de citoyens ordinaires, quel genre

6 d'armes pouvaient-ils recevoir ?

7 R. Ce n'était que des pistolets et des revolvers.

8 Q. Des fusils, des fusils semi-automatiques, automatiques ? Est-ce que

9 c'est quelque chose qui pouvait faire l'objet de ce permis de port

10 d'armes ?

11 R. Non. Pour un citoyen ordinaire, non. C'était uniquement des trophées

12 qu'on pouvait avoir, qui ne pouvaient pas être utilisés, des armes de

13 collection.

14 Q. Très bien. J'ai compris. Vous avez parlé de quelques incidents qui se

15 sont produits. Vous avez parlé d'attaques menées sur des commerces, des

16 dynamitages, des engins explosifs. Est-ce que c'est quelque chose qu'on

17 pouvait se procurer simplement ? Est-ce que c'était en vente libre ?

18 R. Non, absolument pas.

19 Q. Est-ce qu'on s'est servi d'explosifs dans le cadre de ces incidents qui

20 ont commencé à se produire à ce moment-là ?

21 R. Oui. Tout d'abord, ils ont dynamité un kiosque près de l'armée pour que

22 l'armée ne puisse plus recevoir la presse. Par deux reprises, ils ont piégé

23 le kiosque. Ils se sont servis d'explosifs puissants.

24 Q. Vous nous parlez de kiosque près de l'armée, près de la caserne,

25 probablement là où l'armée venait s'acheter la presse ?

26 R. Oui. Ce n'était pas loin de la caserne, ce n'était pas vraiment

27 jouxtant à la caserne.

28 Q. D'après moi, lorsque vous dites que cela a été piégé, ceci ne signifie

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1 pas effectivement qu'il y a eu explosion. Vous avez évoqué deux situations

2 où cela a effectivement eu lieu ?

3 R. Oui, mais il n'y a pas eu que le kiosque qui a explosé. Les bâtiments à

4 côté ont été endommagés, le kiosque a été complètement démoli. Il a rompu

5 les fils électriques, les verres. Les carreaux des fenêtres se sont brisés

6 dû à la détonation dans les parages.

7 Q. Est-ce que vous pouvez vous rappeler le moment par rapport au début du

8 conflit armé à Vukovar ?

9 R. Je pense que dès ce moment-là, les Croates s'étaient mis à dresser des

10 barrages sur certaines voies de communication, ou plutôt des voies d'accès,

11 des accès à la ville, pas encore dans la ville même. Parce que je me

12 souviens, vers un entrepôt, près de l'entreprise où je travaillais, Ils ont

13 placé des chemins de frise, des pyramides en béton, des mines antichars

14 sur des arbres reliés de manière électronique.

15 Q. On reviendra à cela. Je vous poserai la question. Vous dites "ils ont

16 posé". Qui a posé cela ?

17 R. C'était la Garde nationale, la ZNG et le MUP de Croatie.

18 Q. Vous venez de mentionner pour la première fois le rassemblement de la

19 Garde nationale. Pouvez-vous nous dire ce que c'était ? Vous avez également

20 parlé du MUP. S'agit-il de deux entités différentes, qui se ressemblent,

21 qui sont identiques ? Qu'est-ce ?

22 R. C'était une nouvelle entité créée par Tudjman et par le HDZ. Elle

23 n'avait pas existé auparavant. Donc, c'était en dehors de l'armée de

24 Yougoslavie, en dehors des forces armées de la Défense territoriale. Ils se

25 sont mis à créer la Garde nationale sous le HDZ, qui avait toutes les

26 caractéristiques oustachi.

27 Q. Etait-ce une formation militaire armée ?

28 R. Oui. Ils avaient des uniformes, des uniformes de camouflage. Et sur

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1 leur poitrine, ils portaient des gros "U" pour Oustachi. Ils n'avaient pas

2 de couvre-chefs; ils avaient des bandanas et des baïonnettes dans leurs

3 bottes. Ils faisaient peur.

4 Q. Si je vous ai bien compris, vous avez parlé de cette poche sur leur

5 poitrine avec la lettre "U". Est-ce que cela ressemblait à un "U" ou est-ce

6 que c'était vraiment un "U", le "U" de Oustachi ?

7 R. C'était un "U", et en dessous, on pouvait lire, la renaissance

8 oustachi. J'étais en route pour le travail, et vers la forêt de Djergaj,

9 j'ai vu une personne portant un uniforme s'approchant d'une autre personne

10 et harcelant la personne en question, parce que la première pensait que la

11 seconde était Serbe. Il était Croate. Il y avait un membre du MUP qui

12 essayait d'établir l'identité du Croate qui était là. C'était un membre de

13 la ZNG qui est venu et qui a commencé à le harceler, pensant qu'il était

14 Serbe. Il semblait occuper un poste élevé parmi eux. La question suivante

15 lui a été posée : "Tu t'es lavé les dents ?". L'homme a répondu :

16 "Pourquoi ?" En fait, ce qu'il était en train de lui dire, c'est qu'il

17 avait mauvaise haleine parce qu'il était Serbe. Et lorsqu'ils se sont rendu

18 compte de leur erreur, lorsqu'ils se sont rendu compte que la personne en

19 question était Croate, ils l'ont laissé partir et on nous a laissé passer.

20 Sans les deux hommes, je ne pense pas que j'en serais ressorti vivant.

21 Q. Bien. Si je vous ai bien compris, il y avait ce membre du MUP qui

22 vérifiait les gens qui voulaient passer --

23 R. Oui, ceux qui étaient Serbes étaient remis aux autres. Cet officier de

24 police était une personne âgée, assez âgée. Les agents de police qui

25 faisaient déjà partie du MUP avant les changements appelaient les nouveaux

26 les hommes de Franjo, Franjo Tudjman.

27 Q. A la page 23, ligne 4, il est dit que l'homme était membre de Zenga. Le

28 mot qui apparaît n'est pas le bon. Bien sûr, il s'agit d'un membre de la

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1 ZNG.

2 R. Oui.

3 Q. Cet incident était-il un incident isolé ou y a-t-il eu d'autres

4 exemples de ce type ? Est-ce devenu une pratique ordinaire ?

5 R. Avant cet incident, Jovan Jakovljevic avait été tué. Zeljko Pajic a

6 disparu également. C'était un voisin à nous. Il est allé s'approvisionner

7 pour son magasin. On a retrouvé sa voiture garée devant le bâtiment

8 municipal. La voiture était pleine de boisson qu'il avait achetée pour son

9 magasin. Il a été emmené par Mercep. On ne l'a jamais revu. Un cadavre a

10 été retrouvé dans le Danube au cours de ce printemps-là, un test ADN a été

11 réalisé et on s'est rendu compte que c'était l'homme en question. Cela fait

12 des années que sa mère le cherchait, et ce n'est que cette année que

13 l'examen a pu être réalisé. Il y avait un autre Hongrois d'origine qui

14 avait été tué après avoir été attaqué. Il n'était pas Croate, donc il a été

15 tué.

16 Q. Voudriez-vous redonner le nom de ces personnes dont vous avez parlé ?

17 Parce qu'ils ne figurent pas correctement au compte rendu, parce que vous

18 avez sans doute donné ces noms assez rapidement ? Pouvez-vous nous dire qui

19 était ces personnes ?

20 R. Jovan Jakovljevic, que l'on appelait également Rakijica. Zeljko Pajic

21 de Nova Ulica.

22 Q. Zeljko, la personne disparue dont l'identité n'a été établie que

23 récemment; c'est cela ?

24 R. Oui.

25 Q. Je suis sûr que je vous ai entendu mentionner le nom de famille Mercep.

26 J'essaie de le retrouver dans le compte rendu. Oui. Qui est Mercep ?

27 R. Mercep était un ouvrier qui travaillait dans la construction et qui

28 travaillait à Borovo avant la guerre, mais c'était aussi un militant du

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1 HDZ. Il mettait en place ce que l'on décrivait comme des détachements du

2 HDZ non armés, mais en réalité, ils étaient armés.

3 Q. Occupait-il un poste officiel dans la ville à l'époque ?

4 R. Il se disait commandant de l'état-major de la TO de Vukovar. Il était

5 posté au quartier général de la TO près du bâtiment de la municipalité. Il

6 y a un abri nucléaire là-bas. On disait que c'était aussi sa chambre de

7 torture. Après la libération de Vukovar, cet abri atomique, les murs de cet

8 abri atomique étaient couverts de sang, de taches de sang.

9 Q. Nous reviendrons sur cette période par la suite. Ici, nous parlons de

10 la période qui a suivi l'éclatement des conflits et la période marquée par

11 un nombre croissant d'incidents. C'est à ce moment-là que j'aimerais savoir

12 ce qu'il faisait. Y avait-il un secrétariat chargé de la Défense nationale

13 à l'époque à Vukovar, comme on en trouvait apparemment dans les autres

14 municipalités ?

15 R. Oui. Il a fonctionné jusqu'à l'arrivée au pouvoir du HDZ. Et à ce

16 moment-là, tous les Serbes qui travaillaient jusqu'alors ont été licenciés,

17 exclus.

18 Q. L'homme dont vous avez parlé, Mercep, jouait-il un rôle particulier au

19 sein du secrétariat de la Défense nationale ?

20 R. Vous voulez dire avant la guerre ou bien avant la guerre ? Enfin, je

21 n'ai pas très bien compris la question.

22 Q. Je vais la répéter. A un moment donné ou un autre, avant le début des

23 hostilités, Mercep a-t-il joué un rôle particulier au sein du secrétariat

24 de la Défense nationale ?

25 R. Avant le début des conflits, il était chargé du secrétariat de la

26 Défense nationale. Les Serbes demandaient des autorisations afin de pouvoir

27 se déplacer librement. Dès que les barrages routiers ont été établis, ils

28 n'osaient plus se déplacer. Ces groupes opéraient dans toute la ville. Je

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1 ne sais pas comment ils s'appelaient tous. Je ne sais pas le nom de toutes

2 ces personnes, mais je sais que de nombreux Serbes ont disparu avant le

3 début des conflits.

4 Q. Vous venez d'évoquer des autorisations ou des permis de circuler.

5 Etait-il nécessaire d'obtenir ce genre de permis pour quitter la ville, par

6 exemple, et se déplacer à l'intérieur de la ville avant la guerre ?

7 R. Non. Seulement dans les zones touchées par la guerre, ces permis

8 allaient être requis. Or, nous n'étions pas en temps de guerre. Pourtant,

9 il fallait le consulter dès que l'on voulait se déplacer dans la ville ou

10 sortir de la ville. Même un député, député croate, devait d'abord le voir

11 pour obtenir l'autorisation de quitter la ville afin d'assister aux

12 sessions parlementaires.

13 Q. Ceci avait-il une incidence sur les citoyens ordinaires qui devaient se

14 rendre sur leur lieu de travail tous les jours et rentrer le soir ?

15 R. Et bien, les gens étaient harcelés sur leur lieu de travail, parce

16 qu'ils étaient Serbes. Tout simplement, ils étaient licenciés. Les Croates

17 se montraient portant des ceintures et des pistolets à la ceinture, deux

18 parfois. Vous pouvez vous imaginer aisément ce à quoi ressemblait la vie à

19 l'époque.

20 Q. Vous avez dit que vous saviez que certaines personnes, des Serbes,

21 avaient disparu. Vous avez également parlé d'un Hongrois, une personne

22 d'origine hongroise. Les gens quittaient-ils Vukovar à l'époque, seuls ou

23 avec leur famille ?

24 R. Dès que les premiers incidents se sont produits, tous ceux qui avaient

25 un endroit où aller sont partis en direction de la Serbie, ou même vers la

26 côte, tous ceux et celles qui avaient un endroit où aller.

27 Q. Vous-même, avez-vous quitté Vukovar ou êtes-vous resté sur place ?

28 R. Ma famille est partie, pas moi.

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1 Q. Je crois que je ne vous ai pas posé la question. Dans quelle partie de

2 la ville viviez-vous à l'époque ?

3 R. A Sajmiste. C'est là que j'habitais à l'époque. On l'a appelé Petrova

4 Gora par la suite, ce quartier, parce que c'est le nom d'une rue qui s'y

5 trouve, Petrova Gora. C'était une zone de 500 sur 700 mètres, à peu près,

6 cette zone de Petrova Gora.

7 Q. Combien y avait-il de rues ?

8 R. Petrova Gora, Solidarnost, Radnicka, une partie en tout cas de la rue

9 Radnicka, une partie de Solidarnost. Svetozar Markovic, c'est une autre rue

10 également, et un quart à peu près de la rue Nova.

11 Q. Quelle était la composition ethnique de la population qui vivait dans

12 ce quartier ?

13 R. C'était une population multiethnique, mais une majorité de personnes,

14 d'habitants étaient Serbes.

15 Q. Je vais revenir sur l'une des réponses que vous avez données tout à

16 l'heure. Vous avez dit que des gens s'en allaient, que votre famille était

17 partie et que de nombreuses familles se dirigeaient vers la côte. Vous ne

18 parliez que des familles serbes ou bien d'autres familles ou y avait-il

19 également des Croates ?

20 R. A l'époque, Mercep a commencé à établir des barrages routiers, et

21 toutes les familles qui avaient un endroit où aller sont parties, y compris

22 des Serbes, des Croates et d'autres. Ils se sont rendu compte qu'un climat

23 de terreur régnait dans les rues, qu'on était en train de nous enfermer

24 dans un ghetto.

25 Q. Merci. Vous avez dit que des autorisations, des laissez-passer étaient

26 délivrés. Vous nous avez dit qui les délivraient et comment. Où vérifiait-

27 on ces laissez-passer ? Je suppose qu'il y avait un ou plusieurs endroits

28 où l'on devait présenter ces laissez-passer ?

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1 R. A toutes les sorties de la ville, il y avait des postes de contrôle qui

2 avaient été mis en place. C'était des membres du MUP et de la ZNG qui

3 vérifiaient ces autorisations. Personne ne pouvait quitter la ville sans un

4 laissez-passer.

5 Q. La même chose valait pour tous ceux qui essayaient de rentrer dans la

6 ville, n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous avez parlé il y a un instant de ces barrages routiers. Ces postes

9 de contrôle comptaient-ils tous des membres du MUP et de la ZNG ou y avait-

10 il d'autres barrages routiers ?

11 R. Des barrages ont été érigés dans les rues périphériques en bordure de

12 la ville. Par exemple, dans la rue Svetozar Markovic, il y avait deux

13 barrages, deux postes de contrôle. Dans la rue Nova, il y en avait

14 également deux. C'était quelque chose d'étrange de voir qu'il y avait aussi

15 des postes de contrôle au centre-ville.

16 Q. Bien. Si je vous ai bien compris, au départ, ils se trouvaient en

17 bordure de la ville, mais par la suite, d'autres postes de contrôle ont été

18 mis en place en vue de séparer deux quartiers distincts au sein de la même

19 ville ?

20 R. Oui.

21 Q. Peut-être que vous ne le savez pas parce que vous n'êtes pas parti de

22 Vukovar à l'époque, mais savez-vous ce qui se passait dans la région

23 environnante de Vukovar ? Vous avez dit ce matin qu'il y avait des villages

24 occupés par une population majoritairement serbe, majoritairement croate et

25 qu'il y avait aussi des villages mixtes dans l'arrière-pays de Vukovar.

26 Savez-vous ce qui se passait précisément ?

27 R. Ma femme et mes enfants - j'en ai eu quatre - ont quitté Vukovar en

28 juillet. Mes enfants ont vécu une expérience abominable, incroyable. Ils

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1 passaient au poste de contrôle vers la Serbie. A l'entrée et à la sortie de

2 chaque village, il y avait des membres de la ZNG qui vérifiaient si des

3 hommes étaient présents dans les cars, et si, effectivement, c'était le

4 cas, ils les en faisaient sortir.

5 Q. Vous dites que c'est en juillet. Je suppose que nous savons tous de

6 quelle année vous parlez. Pouvez-vous le préciser néanmoins ?

7 R. C'était en 1991.

8 Q. Vous avez dit dans quelle direction votre famille s'est rendue au

9 moment de quitter Vukovar. Vous avez dit qu'ils avaient traversé Ilok.

10 Quels autres villages ont-ils pris ?

11 R. Ilok, c'est la ville qui se situe au sud de Vukovar le long du Danube,

12 dans les montagnes de Fruska Gora. D'Ilok vers le reste de l'itinéraire, il

13 y avait un pont qui permettait de traverser le Danube.

14 Q. Qu'en était-il d'Ilok et des villages environnants, comme quelle était

15 la composition de la population là-bas ?

16 R. Il y avait une majorité de Croates.

17 Q. Monsieur, vous avez parlé longuement de la Défense territoriale, de la

18 Brigade de la Défense territoriale, de la manière dont elle était organisée

19 depuis l'année 1976. Comment l'évolution de la situation a-t-elle

20 l'influencé l'existence de cette brigade ? La Brigade de la TO existait-

21 elle encore à l'époque ?

22 R. Les armes et le matériel appartenant à la Défense territoriale étaient

23 stockés dans des dépôts militaires, dans la forêt de Djergaj ou dans les

24 casernes. Toutes nos archives, nos dossiers concernant les différentes

25 unités d'autres instances étaient conservés au quartier général de la TO.

26 Q. Le quartier général --

27 R. Oui, celui qui a été repris par Mercep. C'est à partir de là, à partir

28 du quartier général du secrétariat de la Défense nationale que le

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1 recrutement était effectué. C'est à cet endroit-là que les appels à la

2 mobilisation étaient lancés.

3 Q. C'était encore le cas à l'époque ? Est-ce que le recrutement se faisait

4 de la même manière que par le passé ?

5 R. Non, non. La Brigade de la TO a été démantelée et des unités du Corps

6 de la Garde nationale, les unités du MUP étaient mises en place.

7 Q. Vous avez parlé de la Brigade territoriale, vous avez également parlé

8 de votre position, de votre rôle. Vous étiez commandant, n'est-ce pas ? Je

9 ne vous ai pas demandé si vous aviez été promu à un grade supérieur ?

10 R. A ce moment-là, j'étais devenu capitaine de réserve.

11 Q. En tant que réserviste, capitaine de réserve, avez-vous jamais été

12 appelé par la Défense territoriale ? Avez-vous reçu certaines missions et

13 qu'en est-il de vos camarades serbes ?

14 R. Non, non. Aucun des Serbes n'a été appelé ni mobilisé.

15 Q. Cela ne signifie-t-il pas, qu'en réalité, la Brigade de la Défense

16 territoriale avait cessé d'exister ou peut-être qu'elle a continué

17 d'exister mais sous une forme différente ?

18 R. Sur le papier elle existait toujours, mais elle ne fonctionnait pas

19 dans les faits. Les membres de la brigade avaient toujours leurs uniformes

20 chez eux. Ils avaient toujours ce qu'on leur avait délivré.

21 Q. Etait-il légal que les membres des forces de réserve gardent leurs

22 uniformes chez eux ?

23 R. Oui, c'était tout à fait légal. Tous les membres des unités de réserve

24 le faisaient. Dès qu'ils étaient appelés, et bien, ils se présentaient au

25 point de rassemblement, déjà vêtus de leurs uniformes et l'unité se

26 déployait alors.

27 Q. Je suppose que vous aussi vous aviez un uniforme ?

28 R. Oui.

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1 Q. L'uniforme d'un officier, donc un capitaine de réserve, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Vous avez dit que vous n'avez pas été appelé afin de réaliser un

4 certain nombre d'exercices militaires, vous n'avez pas non plus été

5 mobilisé. Quand, pour la dernière fois, si vous vous en souvenez, avez-vous

6 été appelé à participer à un exercice et comment les choses se sont faites

7 exactement ?

8 R. La dernière fois, c'était juste avant les élections multipartites,

9 avant l'émergence du HDZ. Je ne peux pas vous donner plus de précision,

10 sinon, il faudrait que je regarde mon livret militaire. Peut-être qu'après

11 cela je pourrais vous en dire plus.

12 Q. Savez-vous si des unités ont été formées sur la base de l'appartenance

13 des soldats à un parti donné, unité armée ou non armée ?

14 R. Le HDZ a fourni des armes à la population croate. Je travaillais

15 encore. Chaque fois que je descendais du bus, je voyais immédiatement quel

16 village avait reçu des armes et quel village n'en n'avait reçu aucune. Il

17 suffisait de descendre du bus, et on voyait la population locale se vanter,

18 parce qu'ils avaient reçu des armes et que ces armes leur avaient déjà été

19 remises.

20 Q. Comment l'avez-vous remarqué ?

21 R. Et bien, ils présentaient ouvertement ces armes, puis les gens vous

22 racontaient des choses lorsque vous passiez par là. Ce n'est pas quelque

23 chose qu'on pouvait ne pas voir. C'était un secret de polichinelle, disons.

24 Q. De quelles armes s'agit-il ? Les mêmes armes qui étaient autorisées

25 avant la guerre ?

26 R. Non. Ils avaient des kalachnikovs, des pistolets, des mitraillettes,

27 tout un éventail d'armes de petit calibre.

28 Q. Vous dites que c'est le HDZ qui a fait cela, un parti politique.

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1 Comment cela est-il possible ? Comment les choses étaient alors organisées,

2 par les autorités ou par le parti lui-même ?

3 R. Ceci avait été organisé par les plus hauts dirigeants de la Croatie,

4 les plus hauts dirigeants du parti. Il s'agissait d'une torture infligée

5 par des instances de l'Etat croate et dirigée contre tous les non-Croates

6 et en particulier contre les Serbes de Croatie.

7 Q. Vous l'avez dit vous-même, n'est-ce pas, vous avez dit que les armes de

8 la TO étaient conservées, stockées dans certains dépôts de la Défense

9 territoriale ou dans les casernes de la JNA. Qu'est-il arrivé à ces armes ?

10 D'après votre récit, les armes dont vous parlez ne venaient pas de ces

11 sources-là mais d'ailleurs. Savez-vous d'où elles venaient ?

12 R. Les armes étaient arrivées par la Hongrie. Lorsque la première vidéo a

13 été diffusée sur Spegelj et le transport d'armes.

14 Q. Oui, nous parlons d'un film réalisé par la RTS à un moment donné. Et

15 l'on voit effectivement le général Spegelj qui donne son accord à quelque

16 chose ?

17 R. Non, je ne parle pas des camions à la frontière que l'on voit

18 transportant des armes. Il y avait même un avion que l'on voit atterrir et

19 qui transportait des armes et du matériel. Cet avion d'ailleurs a été

20 intercepté plus tard par l'armée et l'avion comme les armes ont été

21 saisies. C'était au tout début.

22 Q. Une précision, s'il vous plaît. Vous avez parlé de la Hongrie, et là ce

23 n'était pas tout à fait clair. Vous avez parlé de ces films où l'on voit

24 des armes traversant la frontière de la Hongrie de manière tout à fait

25 illégale et je suppose vers la Croatie ?

26 R. Oui.

27 Q. Merci.

28 M. DOMAZET : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le moment

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1 est venu de faire la pause.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Domazet. Nous

3 reprendrons à moins 10.

4 --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

5 --- L'audience est reprise à 10 heures 51.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Domazet, veuillez continuer.

7 M. DOMAZET : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, nous n'avons pas

8 de Procureur.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela ne fait rien, allez-y, Maître

10 Domazet.

11 M. DOMAZET : [interprétation] Monsieur Jaksic, nous allons poursuivre. Je

12 me propose de vous demander -- vous avez parlé juste avant la pause de

13 barrages routiers dans Vukovar, aux sorties de Vukovar. Le sujet sur lequel

14 je vais me centrer, c'est celui de la JNA, à savoir sa caserne dans

15 Vukovar, pendant la période dont vous avez parlé. Savez-vous si vous avez

16 eu connaissance de ce qui s'est passé à la caserne de la JNA et du reste,

17 les forces armées de la JNA à l'époque ?

18 R. La caserne de la JNA à Vukovar avait un bataillon du génie en son

19 sein, qui avait gardé les entrepôts du Djergaj. Pendant cette période où il

20 y a eu tous ces revirements, il y avait un peloton chargé de sécuriser le

21 pont d'Erdut. Tous les jours, un véhicule emmenait de quoi manger pour les

22 soldats aux entrepôts Djergaj et pour le pont d'Erdut à partir de Vukovar.

23 Q. Savez-vous comment la JNA s'en est sortie avec ces barrages routiers ?

24 Est-ce qu'elle pouvait fonctionner à l'époque ?

25 R. Je vous ai déjà dit que l'entreprise Cazmatrans ou à côté d'elle, il y

26 avait cet entrepôt de Djergaj. Il fallait passer par cette route. A 800

27 mètres, il y avait un barrage routier à passer avec des chemins de frise,

28 avec des cônes en béton, avec des mines antichars. En somme, c'était un

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1 barrage routier destiné à des véhicules militaires, non pas à des véhicules

2 civils.

3 Q. Quand vous parlez de véhicules militaires, c'était un barrage routier

4 pour empêcher le passage de véhicules militaires. C'est ce que vous voulez

5 dire ?

6 R. Oui, c'est ce que je voulais dire. Un véhicule militaire arrivant sur

7 un barrage routier comme cela doit ralentir sur une dizaine de kilomètres

8 pour traverser tous ces virages aménagés par le barrage routier. Il

9 s'agissait de ralentir considérablement.

10 Q. Vous avez parlé de l'entreprise Cazmatrans. C'est l'entreprise où vous

11 avez travaillé, me semble-t-il, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 M. DOMAZET : [interprétation] Je vais demander au Greffier de nous montrer

14 la pièce à conviction 156 sur le moniteur. Il s'agit d'une carte, une carte

15 de Vukovar.

16 Q. Je vous demanderais de vous pencher sur elle et d'essayer de nous

17 montrer sur cette carte de Vukovar certains des sites que je vais

18 mentionner.

19 R. L'entrepôt de Djergaj quand on va de Vukovar vers Brsadin. Sur la

20 gauche, il y a une forêt.

21 Q. J'aimerais qu'on agrandisse un peu, si possible.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, si possible.

23 M. DOMAZET : [interprétation] Non, c'est trop agrandi maintenant, parce que

24 nous n'allons pas voir des parties dont nous avons besoin. Il faut

25 remonter.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il faut remonter. Voilà. Descendez

27 encore.

28 M. DOMAZET : [interprétation] Non, c'est dans le sens contraire.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, dans le sens contraire. C'est la partie

2 supérieure qu'il nous faut. Voilà, c'est bon.

3 M. DOMAZET : [interprétation]

4 Q. Alors, que vouliez-vous nous montrer, Monsieur Jaksic. Je crois que

5 vous avez parlé de Djergaj.

6 R. Oui.

7 Q. Oui, on va vous donner un stylo permettant de noter.

8 R. Ici, sur la carte, on voit l'entrepôt militaire de Djergaj.

9 Q. Veuillez apposer un cercle et apposer le numéro 1.

10 R. Ici, se trouve l'entrepôt militaire de Djergaj.

11 Q. Cerclez, cerclez, je vous prie. Vous avez mis un numéro 1, mais il faut

12 un cercle.

13 R. Voilà. C'est là que se trouve l'entrepôt Djergaj. Sur l'itinéraire

14 Vukovar-Brsadin se trouvait mon entreprise, Cazmatrans.

15 Q. Cernez et mettez un numéro 2.

16 R. [Le témoin s'exécute]

17 Il y avait un barrage routier juste à côté de l'entrepôt Medica.

18 C'était une entreprise qui faisait de la commercialisation de médicaments.

19 Q. Si vous pouvez placer au niveau du barrage routier un B ?

20 R. Oui, mais je vais mettre cela en cyrillique parce que j'écris en

21 cyrillique.

22 Q. Est-ce qu'on voit sur cette carte la région que vous avez qualifié de

23 Petrova Gora ?

24 R. Non. On ne la voit pas, cette région, sur cette carte.

25 Q. Petrova Gora, cela se trouve en bas ?

26 R. Tout à fait en bas, dans la partie sud de Vukovar.

27 Q. Pendant qu'on est encore dans cette partie-là, pouvez-vous nous marquer

28 d'autres barrages dont vous avez eu connaissance ?

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1 R. Il y a eu des barrages à l'entrée de Vukovar depuis Trpinja. Ici, je

2 vais mettre ici un numéro 3. Il y a eu un barrage routier en direction de

3 Borovo Selo, un grand barrage routier, non loin d'un restaurant qui se

4 trouvait à mi-chemin sur cette route-ci. Je vais mettre un numéro 4. Il y

5 avait un grand barrage, et c'est là qu'ils ont miné le véhicule militaire,

6 le tout premier qui a été miné. C'est sur ce segment que cela s'est passé.

7 Q. Vous avez parlé d'un restaurant. Il y a des témoins qui en ont parlé

8 également. Est-ce que Zurich et Slon, cela vous dit quelque chose ?

9 R. Zurich, c'est vers Trpinja, et Slon, c'est le restaurant en direction

10 de Borovo Selo.

11 Q. Allons-y doucement. Alors, au niveau du numéro 3, c'est à proximité de

12 ce restaurant, Zurich. Le numéro 4, c'est --

13 R. Slon, en traduction : "L'éléphant."

14 Q. Descendons quelque peu la carte. Pour ne pas perdre ce qui a été

15 inscrit, je proposerais aux Juges de verser cette partie-là au dossier

16 comme élément de preuve et de nous remettre la même carte sans annotation,

17 sur l'écran pour continuer.

18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, cette carte sera

19 la pièce à conviction 766.

20 M. DOMAZET : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on nous remettre

21 le 156, la même carte mais sans les annotations. Procéder à

22 l'agrandissement qui se trouve en dessous de l'inscription Nova Ulica.

23 C'est bon.

24 Q. Monsieur Jaksic, sur cette partie-là de la carte, voyez-vous le secteur

25 que vous avez déjà décrit ?

26 R. Non. Ici, on ne voit que Brsadin et on ne voit pas la voie de

27 communication tout entière. Il manque une partie.

28 Q. Oui. Nous avons parlé de Petrova Gora.

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1 R. Oui. Petrova Gora, je vois.

2 Q. J'aimerais que vous nous indiquiez la partie appelée Petrova Gora, au

3 sens large, parce que vous avez parlé de certaines rues.

4 R. Oui.

5 Q. J'aimerais que vous dessiniez exactement de votre mémoire quelle est la

6 délimitation du secteur que vous aviez appelé Petrova Gora.

7 R. Je vais vous indiquer les rues que nous avions sécurisées nous-mêmes.

8 C'est cette rue de Petrova Gora. La rue de la Solidarité, cette rue-ci,

9 puis Svetozar Markovica, c'est ce segment ici, jusqu'ici. La partie de Nova

10 Ulica, voilà, c'était à peu près les limites de Petrova Gora tenues par

11 nous pour que Mercep et ses Troika ne viennent pas --

12 Q. Est-ce que vous avez marqué les limites extérieures de ce secteur ?

13 R. Oui. C'était les rues qui délimitaient ce secteur.

14 Q. Est-ce que vous pouvez placer à côté un numéro 1, je vous prie.

15 R. [Le témoin s'exécute]

16 Q. Ce numéro 1 nous désigne le territoire que vous qualifiez de Petrova

17 Gora. J'aimerais que vous m'indiquiez maintenant où se trouvaient les

18 barrages routiers dont vous avez parlé en corrélation avec ce secteur.

19 R. Il y avait un barrage routier ici plus bas, sur Svetozar Markovica, un

20 barrage à eux. Il y avait un barrage ici, puis --

21 Q. J'aimerais que vous placiez des croix, là où il y a eu des barrages

22 routiers.

23 R. [Le témoin s'exécute]

24 Ici et ici.

25 Q. Mettez un cercle autour et placez un numéro de --

26 R. Celui du haut, je mets un numéro 3 ?

27 Q. Oui.

28 R. Alors, le numéro 3 se trouvait vers Bogdanovci. Je vous indique où il y

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1 avait des barrages routiers autour de Petrova Gora. Il y en avait un près

2 de Vuteks, c'est le numéro 4. Il y en avait un autre vers Negoslavci, c'est

3 un numéro 5. Ce sont les barrages routiers qui se trouvaient autour de

4 nous. Il y avait un barrage routier au bout de la rue Nova Ulica. Je crois

5 que je l'ai déjà indiqué. Il y en avait un au carrefour ici, un barrage

6 routier au niveau de la rue Proleterska et de Carsivanja. A tous les

7 carrefours, il y avait un barrage routier. C'était des barrages très

8 importants. Ils mettaient des palettes de brique ou ils mettaient des mines

9 antichars afin que l'on ne puisse pas du tout passer où se trouvaient des

10 postes de contrôle du MUP et des ZNG.

11 Q. Merci. Vous avez indiqué ici du numéro 2 ou numéro 4, 5, les barrages

12 routiers importants du MUP et des ZNG.

13 R. En effet.

14 Q. S'agissant de la ville ?

15 R. Dans la ville même, ils avaient placé des fortifications avec des sacs

16 de sable à tous les carrefours, au centre-ville, au niveau de l'ancien

17 bâtiment du SDK, du dispensaire pour les enfants. Je ne suis pas allé là-

18 bas tout de suite, mais je les ai vues quand j'y suis allé.

19 Q. Merci. Je crois que cela suffira pour ce qui est de la partie de la

20 ville où vous avez résidé.

21 M. DOMAZET : [interprétation] J'aimerais demander aux Juges de la Chambre

22 de bien vouloir accepter le versement au dossier de cette carte avec une

23 cote distincte.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera la pièce à

26 conviction 767, que cette marque à annotations.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas procédé à des annotations

28 concernant Bogdanovci.

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1 M. DOMAZET : [interprétation] J'aimerais qu'on nous remette la même pièce à

2 conviction 156, en plus grand afin que nous puissions voir la caserne de la

3 JNA sur la carte.

4 Q. Merci. Monsieur Jaksic, voyez-vous cette partie-ci ?

5 R. Oui, la caserne n'est pas bien indiquée au niveau de la caserne. Ce

6 point rouge, ce n'est pas la caserne.

7 Q. Le point rouge ici ?

8 R. Exactement.

9 Q. Veuillez nous apposer une croix là où, à votre avis, se trouvait la

10 caserne.

11 R. C'est ici que se trouvait la caserne.

12 Q. Merci. Veuillez cerner cela et mettre le numéro 1 à côté.

13 R. [Le témoin s'exécute]

14 Q. Selon vous, c'est un peu plus bas sur la carte ?

15 R. Oui, c'est là que cela se trouvait, et l'autre on est plus près de

16 l'hôpital.

17 Q. Ce qui est indiqué comme point marquant Velepromet, c'est bien cela ?

18 R. Oui, c'est plus ou moins cela.

19 Q. Là, il y a la Nova Ulica ? Bien qu'une rue ne puisse pas être désignée

20 par un point rouge.

21 R. Non. La Nova Ulica, si vous voulez bien, je vais vous tracer un trait.

22 Cela va depuis la voie ferrée --

23 Q. Allez-y.

24 R. Voilà, c'est cela la Nova Ulica. Cela va de Petrova Gora. C'est cette

25 ligne qui est la Nova Ulica.

26 Q. Merci. J'aimerais que vous l'indiquiez avec le numéro 2.

27 R. [Le témoin s'exécute]

28 Q. Cela fait partie de votre témoignage.

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1 R. Je suis bien d'accord.

2 Q. Pour ce qui est de l'endroit où il y a la caserne de la JNA, savez-vous

3 s'il y avait eu là des barrages routiers, et si oui, sur quels axes ces

4 barrages se trouvaient-ils ?

5 R. Je vous ai déjà indiqué tout à l'heure qu'il y en avait un à la sortie

6 en direction de Negoslavci. Cela se situe après la voie ferrée, vers la fin

7 des maisons en direction de Negoslavci.

8 Q. Merci. Mettez un numéro 3 à cet endroit, je vous prie.

9 R. [Le témoin s'exécute]

10 Q. Est-ce qu'autour de la caserne il y avait des barrages routiers ou

11 pas ?

12 R. Autour de la caserne, la ZNG a miné le terrain autour de la caserne

13 avec des mines antichars et des mines antipersonnelles. Heureusement, ils

14 n'ont pas su activer les mines à antenne, sinon, cela aurait détruit bon

15 nombre de chars. Toute cette partie-là avait été minée, et dans toutes les

16 maisons autour de la caserne, la ZNG est entrée dans ces maisons et ils ont

17 tiré sur la caserne avec des fusils à lunette et avec des mortiers pendant

18 tout le temps.

19 Q. Veuillez nous indiquer le secteur miné et de mettre là un numéro 4.

20 R. [Le témoin s'exécute]

21 Q. Merci.

22 M. DOMAZET : [interprétation] Monsieur le Président, peut-on verser au

23 dossier ce croquis-ci en guise d'élément de preuve ?

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera, Monsieur le Président, la pièce

26 à conviction 768.

27 M. DOMAZET : [interprétation] Merci. J'estime que nous n'aurons pas besoin

28 de ce croquis.

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1 Q. Maintenant, je me propose de vous demander, Monsieur Jaksic, la chose

2 suivante : à l'époque, vous vous trouviez dans le secteur de Petrova Gora,

3 où est votre domicile, j'entends ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous et vos proches, dans cette cité-là, avez-vous commencé à vous

6 rassembler ou à vous organiser ou à faire quoi que ce soit lorsqu'il y a eu

7 ce que vous avez commencé à nous raconter, à savoir les barrages routiers ?

8 R. Lorsque les Croates ont commencé à recevoir des armes en masse, nous

9 avons commencé à nous approvisionner nous aussi avec ce qu'on avait. Ceux

10 qui avaient des armes de chasse et certains avaient des fusils de

11 fabrication manuelle. J'avais ce qu'on appelait une Kubura. C'était un

12 fusil fait à la main que j'ai ramené de la Krajina.

13 Q. Est-ce que vous pouvez dire aux Juges de la Chambre ce que c'est que

14 cette arme Kubura ?

15 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent qu'il s'agit d'un pistolet ancien

16 qui ressemble un peu à une arquebuse.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un bout de tube avec une culasse qui

18 permet de mettre des munitions de chasse.

19 Q. Merci. Que s'est-il passé ensuite ?

20 R. Nous n'avions pas tellement peur des Troïkas de Mercep quand ils

21 venaient à deux ou trois, le jour, mais c'est la nuit que nous avions

22 redouté leur intrusion. C'est la raison pour laquelle nous avons monté des

23 gardes villageoises pour la nuit. Etant donné que ces barrages routiers

24 étaient déjà placés là où ils étaient placés, étant donné qu'ils avaient de

25 plus en plus d'armes, on n'a plus pu aller aux commerces pour

26 s'approvisionner. Nous ne pouvions plus arriver jusqu'à la caserne non

27 plus. Au niveau de la caserne, il y avait près de 2 000 civils qui

28 s'étaient abrités. L'armée les a évacués par la suite avant que l'on ait

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1 fait sauter le véhicule dont on a parlé.

2 Q. Oui. Cela va faire l'objet d'un thème à part. Je vais également vous

3 demander ce qui s'est passé avec les gens qui s'étaient abrités dans la

4 caserne.

5 R. Certes.

6 Q. Je vais vous demander maintenant ce que vous avez fait, vous, dans

7 Petrova Gora ?

8 R. Nous, en notre qualité de groupe de citoyens, par peur pour nos

9 familles et pour nos maisons, nous nous étions organisés nous-mêmes.

10 D'abord, nous avions ces gardes locaux, puis nous avons pris l'initiative

11 et nous nous sommes organisés conformément à un principe militaire de

12 fonctionnement. Dans les rues, nous avions créé des sections. Nous avions

13 également désigné des chefs de section. Nous avons confié à tout un chacun

14 un secteur de gardiennage. Nous leur avons dit comment les membres de ZNG

15 avaient coutume de faire irruption et d'attaquer. Nous avons fait état de

16 la façon dont il convenait de se défendre. Au cas d'une attaque, nous

17 avions organisé des transferts de personnel avec acheminement de renforts,

18 et cetera.

19 Q. Qui avait commandé cette unité ? Je puis le dire, puisque je crois que

20 cela était organisé d'une façon analogue à l'organisation militaire. Qui en

21 a été le chef ?

22 R. Moi.

23 Q. De quelle façon êtes-vous devenu le commandant de cette unité ? Est-ce

24 que c'est quelqu'un qui vous a nommé, qui vous a donné l'ordre de le

25 devenir ?

26 R. Non. C'était auto-organisé, on l'a fait entre nous. Etant donné que

27 c'était moi qui avais le plus de connaissances militaires, je crois que

28 c'est les gens de la localité qui m'ont désigné eux pour que je devienne

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1 chef. C'est les gens, les autochtones.

2 Q. Y avait-il quelqu'un qui ait pu avoir un grade plus élevé que le vôtre

3 dans cette partie de la ville ?

4 R. Non.

5 Q. Il me semble que vous étiez déjà capitaine de réserve ?

6 R. Oui, capitaine.

7 Q. Monsieur, merci. Les autres dont vous avez parlé et qui ont été placés

8 sous vos ordres, est-ce que c'était des gens qui avaient fait leur

9 service ? Est-ce que c'était des gens aptes au service ou est-ce qu'il y a

10 eu participation des autres plus âgés ?

11 R. Tous avaient fait leur service militaire. Je n'ai pas eu de mineurs. Je

12 ne voulais pas qu'ils en fassent partie parce qu'ils n'avaient pas

13 d'expérience. Ils étaient tous membres de la TO avant. Ils avaient tous des

14 uniformes. Nous les avions mis, nos uniformes, pour que nous puissions nous

15 distinguer. Nous avions mis sur pied une unité militaire.

16 Q. Vous nous dites que tous ces gens-là, qui ont été placés sous vos

17 ordres, ont fait partie de la TO ?

18 R. Exact.

19 Q. Ils avaient leurs uniformes ?

20 R. Ils avaient leurs uniformes personnels chez eux.

21 Q. Vous souvenez-vous, si à ce moment-là, combien de gens qui ont été

22 placés sous vos ordres ? Je ne sais pas comment vous l'aviez appelé, cette

23 unité.

24 R. Avant le 14 septembre, nous avions quelque 180 hommes organisés.

25 Q. Ils étaient tous originaires de ce secteur ?

26 R. Il y en avait plusieurs qui étaient venus de la ville de Mitnica. Il y

27 en avait qui étaient venus de l'extérieur de la ville.

28 Q. La majorité, c'était ceux qui habitaient dans ce quartier ? Si je vous

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1 ai bien compris, il y en avait qui étaient arrivés d'autres secteurs de la

2 ville ?

3 R. Oui, ils s'étaient enfuis pour se mettre à l'abri. Ils ne pouvaient pas

4 sortir. Ils se sont enfuis pour se mettre à l'abri chez nous.

5 Q. Pouvez-vous nous dire pourquoi ces gens ne pouvaient pas sortir de la

6 ville ?

7 R. Les membres des familles, ils les avaient évacués et avant. Maintenant,

8 il y avait de grands barrages. Ils ne pouvaient pas passer. En passant par

9 des petites ruelles, ils se sont amenés chez nous dans notre secteur.

10 Q. Est-ce que vous savez pour quelles raisons ils ne sont pas restés là où

11 ils se trouvaient déjà ?

12 R. Ils ne pouvaient pas parce que ce n'était pas organisé. Personne

13 n'organisait les Serbes. Les Serbes, sous la pression, s'étaient exilés.

14 Ils s'étaient enfuis, tous ceux qui ont pu. Simplement, la ville s'est

15 vidée de Serbes.

16 Q. Vous parlez d'environ 180 personnes en tout. Est-ce que c'était tous

17 des Serbes ?

18 R. Il y avait là des Croates, des Ruthènes, des Ukrainiens, des Italiens

19 même. C'était surtout des Serbes, mais il y avait aussi des membres

20 d'autres groupes ethniques.

21 Q. Vous avez énuméré certains groupes. Vous avez dit qu'il y avait aussi

22 des Croates, n'est-ce pas ? Il est un petit peu étonnant de voir qu'il y

23 avait aussi des Croates. Comment l'expliquez-vous ?

24 R. C'était nos voisins, ces Croates et ils étaient pro-Yougoslaves.

25 Q. Si je vous comprends bien, vous voulez dire que c'est volontairement

26 qu'ils sont restés, ils ne souhaitaient pas quitter leurs foyers ?

27 R. Oui, c'est cela. Ils ont plutôt choisi de rester avec nous.

28 Q. Vous avez cité une date il y a un instant. Il me semble que vous avez

Page 11894

1 parlé du 14 septembre, qu'une situation a prévalu jusqu'au 14 septembre.

2 Que signifie cette date ? Je suppose que c'est le

3 14 septembre 1991.

4 R. Oui. Le 14 septembre, c'est la date où nous nous sommes lancés pour

5 libérer la caserne qui, pendant plus de 20 jours, s'est trouvée assiégée.

6 On lui a coupé l'eau, l'électricité. Ils n'étaient plus en sécurité s'ils

7 sortaient. Ils se sont trouvés sous le feu nourri depuis les rues

8 périphériques. C'était des armes d'infanterie, un feu de mortier qui a été

9 utilisé en permanence pour tirer sur tous les bâtiments de l'enceinte de la

10 caserne.

11 Q. Avant de poursuivre, puisque vous êtes en train de parler de la

12 caserne, j'aimerais savoir qui était stationné dans la caserne. Le savez-

13 vous ?

14 R. Il y avait une unité militaire et 50 ou 60 volontaires de Vukovar qui

15 s'étaient mis à l'abri dans la caserne pour rejoindre cette unité-là.

16 Q. Il me semble que vous avez parlé de femmes et d'enfants il y a un

17 instant, au sujet de la caserne. De quoi voulez-vous parler ?

18 R. Quand ils ont commencé à ériger les barrages, les véhicules pouvaient

19 encore circuler et ravitailler en nourriture. En passant par le pont, on

20 pouvait aller à Borovo Selo. Il y a eu des femmes et des enfants qui ont

21 cherché à s'enfuir de la ville à bord d'un petit Tam et donc ce sont ces

22 petits camions Tam, bâches qui, non seulement servaient à ravitailler, mais

23 aussi à transporter des femmes et des enfants des civils pour qu'ils

24 quittent la ville.

25 Q. Qu'est-il advenu de ce véhicule ?

26 R. Il partait pour Borovo Selo quand il a été touché par un obus de

27 mortier en route. L'officier et des soldats ont été des victimes de cette

28 attaque et le véhicule a été détruit.

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1 Q. Parlons de cette caserne. Vous avez dit que des habitations se trouvent

2 tout autour de la caserne. Ce sont des logements à proximité immédiate de

3 la caserne, des logements des civils ? Est-ce que cela encerclait

4 complètement la caserne ou partiellement ?

5 R. Des trois côtés de la caserne, il y a des maisons et des appartements

6 civils. D'un côté, il y avait un champ qu'ils ont miné. Il n'était pas

7 possible de s'évacuer en passant par ce champ et des trois autres côtés,

8 ils n'arrêtaient pas de recevoir un feu nourri sur les bâtiments et sur la

9 cour de la caserne. Quand je suis rentré dans la caserne, il y avait plein

10 de cratères dans l'enceinte. Tous les espaces étaient pleins de trous, dû à

11 ce pilonnage.

12 Q. Vous parlez de tireurs embusqués et de tirs et vous évoquez les maisons

13 qui étaient situées autour de la caserne ?

14 R. Oui, c'était des tirs de la ZNG et du MUP. Lorsque je suis arrivé dans

15 la Brigade de Mitrovica, lorsque nous avons quitté Petrova Gora, que j'ai

16 appris cela.

17 Q. Un instant, s'il vous plaît. Une autre question au sujet de la caserne.

18 On ne pouvait ni sortir ni entrer dans la caserne parce qu'elle était

19 totalement assiégée ?

20 R. Il n'y avait ni eau ni électricité alors qu'il y avait des blessés dans

21 la caserne.

22 Q. A ce moment-là, vous-même avec votre unité, vous vous trouviez au

23 quartier de Petrova Gora ?

24 R. Oui.

25 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, faire une petite pause avant de

26 répondre.

27 Vous alliez nous dire que vous étiez parti pour rejoindre la caserne. Est-

28 ce que cela veut dire que l'unité que vous commandiez avait lancé une

Page 11896

1 action vers cette caserne qui se trouvait à quelle distance de l'endroit où

2 vous étiez ?

3 R. A vol d'oiseau, c'était peut-être à 700, 800 mètres, un kilomètre au

4 maximum. Nous aussi, on était assiégés à une occasion, lorsque la caserne

5 avait été bloquée pendant longtemps. Nous, on n'avait plus d'eau, plus

6 d'électricité non plus. On avait des morts, on était, sans arrêt, exposés

7 aux tirs des mortiers. Il a fallu qu'on enterre le père d'un homme dans le

8 jardin parce qu'on ne pouvait pas aller ailleurs. Tout comme dans la

9 caserne, on était tout le temps sous le feu. A un moment, j'ai voulu faire

10 une percée pour atteindre Negoslavci.

11 Q. A un moment, vous avez décidé de passer pour atteindre Negoslavci ?

12 R. Oui, de partir pour Negoslavci pour voir ce qu'on ferait de la caserne,

13 de l'armée et du personnel, des effectifs là-bas à Petrova Gora.

14 Q. Votre itinéraire, c'était vers la caserne ou c'était --

15 R. Non, c'est dans le sens opposé de la caserne.

16 Q. Est-ce que vous pouvez nous montrer cela sur la carte que vous avez

17 sous les yeux. La pièce 156, s'il vous plaît, est-ce qu'on pourrait

18 l'afficher de nouveau.

19 R. C'est bien. Voilà. Entre Petrova Gora et la rue de la Solidarité, il y

20 a un chemin qui passe par là, vers les prés. Il y avait là un champ de blé

21 et on voyait l'armée entre Petrovci et Vukovar.

22 Q. Est-ce que vous pouvez nous indiquez cela par une flèche et inscrire un

23 chiffre 1 ? C'était cela, votre itinéraire de Petrova ?

24 R. Oui. C'était en passant par le maïs. C'est là qu'on a installé et

25 déployé une section chargée de sécurité. On avait un drapeau yougoslave sur

26 nous, on l'a hissé et on est partis en direction de l'armée.

27 Q. Est-ce qu'on voit ici où vous avez trouvé l'armée, croisé l'armée ?

28 R. Non. C'est la route pour Petrovci.

Page 11897

1 Q. Vous pouvez nous montrer comment vous avez continué vers Petrovci ?

2 R. On peut nous montrer la partie supérieure de la carte ?

3 Q. Mais on perdra les quartiers qui nous intéressent. On aurait peut-être

4 besoin d'une carte plus grande et vous devriez, à ce moment-là, annoter de

5 nouveau.

6 R. Non, Monsieur, ce n'est pas un problème.

7 M. DOMAZET : [interprétation] Est-ce qu'on peut avoir une carte qui nous

8 permettra de voir toute cette zone ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Là, on a Velepromet qui cache le reste.

10 M. DOMAZET : [interprétation]

11 Q. D'accord. Mais vous pouvez inscrire une flèche par-dessus maintenant.

12 Peut-être que cela vous suffira.

13 R. Oui, c'est très bien. C'est comme cela qu'on a avancé. L'armée était là

14 où se trouve la déchetterie. Il y a une pente et une colline. C'est là

15 qu'était déployée l'armée. C'est là qu'on les a aperçus.

16 Q. Attendez, lentement. Inscrivez un chiffre 1, ici où il y a la flèche.

17 R. [Le témoin s'exécute]

18 Q. Tracez un cercle autour de cet endroit où vous avez croisé l'unité de

19 la JNA. Inscrivez le chiffre 2.

20 R. [Le témoin s'exécute]

21 Q. Par la suite, que s'est-il passé ?

22 R. Nous, on avait hissé ce drapeau yougoslave, et l'armée, en pensant que

23 c'étaient des Croates qui avançaient, ils ont failli nous tirer dessus avec

24 leurs chars. C'est au dernier moment qu'ils ont compris qu'on était les

25 leurs. Et quand on leur a expliqué la situation, ils nous ont emmenés

26 jusqu'au commandement à Negoslavci.

27 Q. Attendez. Avant de poursuivre, puisque je ne pense pas qu'il convienne

28 d'annoter quoi que ce soit sur cette carte. Et je vais demander le

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1 versement de cette carte telle qu'annotée, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La pièce sera versée.

3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce 769, Monsieur le

4 Président.

5 M. DOMAZET : [interprétation]

6 Q. Monsieur Jaksic, vous nous avez dit qu'après avoir rencontré les unités

7 de la JNA - nous n'aurons plus besoin de cette carte - vous nous avez dit

8 que vous êtes parti pour Negoslavci ?

9 R. Oui, Negoslavci.

10 Q. Vous pouvez nous dire où vous êtes arrivé ?

11 R. Je me suis présenté au commandement de la Brigade de Mitrovica, chez le

12 lieutenant-colonel, Ilija Jokic. D'après sa carte, il ne restait plus de

13 Serbes à Vukovar. Je lui ai présenté la situation, combien on était,

14 comment on était organisés, et lui, par la radio, il m'a mis en contact

15 avec la caserne --

16 Q. Très bien.

17 R. -- puisque je connaissais tous les officiers de la caserne. Mon frère

18 était là. J'ai décidé de m'adresser à une instance supérieure et de

19 demander l'autorisation de libérer la caserne.

20 Q. Attendez. Il y a une seule chose qui m'intéresse, ici. Quand vous vous

21 êtes rendu auprès du lieutenant-colonel Jokic, comment est-ce que vous vous

22 êtes présenté ?

23 R. Jokic avait Marko Draguljac, un capitaine de réserve, avec lui. C'était

24 un officier de réserve dans sa brigade. Quand il m'a vu arriver par la

25 fenêtre, c'est lui qui leur a expliqué qui j'étais et ce que je faisais.

26 Q. Oui. Très bien. A ce moment-là, vous étiez commandant de cette unité

27 territoriale. Est-ce que c'est ce que vous avez dit à Jokic et aux autres ?

28 R. Oui, oui.

Page 11899

1 Q. Merci. Qu'avez-vous demandé à l'armée, à ce moment-là ?

2 R. J'ai appris à ce moment-là qu'il y avait des blessés à la caserne,

3 qu'ils ont essayé de les évacuer, que le premier char qui se dirigeait vers

4 la caserne de l'endroit où était déployée la Garde nationale a été touché,

5 qu'il a explosé et que tout l'équipage était mort. Après, ils ont essayé de

6 passer par les champs pour atteindre la caserne. Le char suivant est tombé

7 sur un champ de mines, l'équipage a pu sortir du char et le char ainsi que

8 l'armement qui s'y trouvait a été capturé.

9 Q. Qu'était-ce ?

10 R. Il y avait une mitrailleuse antiaérienne. C'est de cela qu'ils se sont

11 emparés, et ils s'en sont servis pour tirer sur Petrova Gora.

12 Q. Attendez. De quelle période parle-t-on ?

13 R. C'était avant le 14 septembre.

14 Q. Vous dites que c'était avant le 14 septembre, cette tentative d'arriver

15 à la caserne ?

16 R. Oui. Et mon arrivée, parce que je suis arrivé une semaine ou deux avant

17 le 14 septembre. C'est à ce moment-là que je suis arrivé chez Jokic.

18 Q. Votre arrivée, votre percée, c'était au début septembre, à peu près ?

19 R. Oui.

20 Q. Vous nous dites que l'incident de la caserne, c'était avant le 14

21 septembre. Savez-vous à peu près à quel moment ces chars ont essayé

22 d'arriver à la caserne ?

23 R. Je ne m'en souviens pas exactement.

24 Q. Par la suite, qu'avez-vous fait ? Vous, votre unité, vous êtes revenus

25 à Petrova Gora ? Que s'est-il passé ?

26 R. Je suis allé auprès du corps d'armée de Novi Sad avec Ilija Kojic. J'ai

27 demandé au général Bratic, après lui avoir expliqué la situation qui

28 prévalait sur le terrain et dans la caserne, je lui ai demandé qu'on lance

Page 11900

1 une action pour libérer la caserne et les soldats qui s'y trouvaient.

2 Q. Vous dites que vous êtes allé voir Ilija Kojic. Qui était-ce ?

3 R. Ilija Kojic, il est venu remplacer Vule Sasochin. Il se trouvait à

4 Borovo Selo. A l'époque, il était lui aussi commandant de la défense, la

5 défense de Borovo Selo.

6 Q. Vous l'aviez rencontré à Novi Sad ?

7 R. Oui.

8 Q. Quel a été l'issue de vos entretiens avec le général Bratic ?

9 R. Il m'a écouté. Il a attendu que je lui présente la situation, puis il

10 m'a adressé à Ilija Jokic. Il a dit qu'il fallait que je m'adresse à lui et

11 que tout allait être organisé pour évacuer les militaires de la caserne.

12 Q. Page 51, ligne 4, on lit : "Il m'a envoyé voir soit Ilija Jokic, soit

13 Kojic." Je voudrais que ce soit clair. C'est Ilija Jokic que vous êtes allé

14 voir ?

15 R. Ilija Jokic. C'était le commandant de la Brigade de Mitrivica. Son

16 commandement, son QG était dans le village de Negoslavci.

17 Q. Merci. A partir de ce moment-là, est-ce qu'on pouvait circuler

18 librement pour atteindre Petrova Gora ?

19 R. Non. Le commandant Jokic m'a permis de prendre sa radio et un petit peu

20 d'armement d'infanterie, et j'ai rebroussé chemin. J'ai emprunté le même

21 itinéraire pour revenir à Petrova Gora et j'attendais le signal pour qu'on

22 lance l'attaque sur la caserne.

23 Q. Vous deviez revenir au Petrova Gora --

24 R. Oui.

25 Q. -- et attendre --

26 R. Oui.

27 Q. -- le début de l'attaque ?

28 R. Oui. Ma mission, la mission dont j'ai été chargé, c'était à partir du

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1 moment où j'avais le signal que je devais emprunter la rue Svetozar

2 Markovica, que je devais passer par le barrage, que je devais rejoindre les

3 chars et que je devais emprunter la rue des Prolétaires, en direction du

4 Vuteks.

5 Q. Où nous sommes-nous arrêtés ? Vous avez entendu les interprètes qui

6 vous demandent de ralentir ? Ce serait peut-être très bien de reprendre

7 cette réponse.

8 R. Vous voulez dire à partir du moment où j'ai dit : "On m'a confié pour

9 mission" ?

10 Q. Oui.

11 R. De prendre un groupe d'assaut, d'attaquer le barrage, rue Svetozara

12 Markovica, d'éliminer ce barrage, d'enterrer une jonction avec les chars

13 sur l'axe qui mène vers Petrovci, vers la fin de la rue Svetozara

14 Markovica.

15 Q. Ce qui n'est pas tout à fait précis, c'est de savoir qui avait des

16 chars ?

17 R. Il fallait que je rejoigne les chars de la Brigade de Mitrovica, de

18 l'armée active.

19 Q. Est-ce que vous avez traduit dans les faits ce plan, si oui, à quel

20 moment ?

21 R. Oui, le 14 septembre. Nous, on était l'infanterie qui devait couvrir

22 les chars, et les chars devaient nous couvrir nous pour nous permettre

23 d'avancer dans les rues et pour aller dans cette action de libération.

24 Q. Vous pouvez nous montrer sur la carte comment vous avez pris la

25 direction de la caserne. Je pense que ce serait la dernière fois que nous

26 allons nous servir de la pièce 156. On peut agrandir un petit peu, s'il

27 vous plaît. On veut voir le secteur entre le Petrova Gora et la caserne de

28 la JNA, donc la partie centrale. C'est bien.

Page 11902

1 Montrez-nous, comment vous êtes partis de Petrova Gora ?

2 R. Ici, il y avait un barrage, donc c'est comme cela qu'on a avancé. On a

3 nettoyé ce terrain, on a atteint cette voie de communication, on a rejoint

4 les chars en passant par la rue des Prolétaires, vers Vuteks.

5 Q. Attendez. Inscrivez le chiffre 1 là où vous avez éliminé le barrage.

6 Montrez-nous où était situé ce barrage.

7 R. C'est à peu près ici, au milieu de cette rue, la rue de la Solidarité.

8 Q. Est-ce que vous pouvez nous montrer où vous avez rejoint l'armée, les

9 chars de la JNA ?

10 R. C'est à la fin de la rue. C'est le numéro 2.

11 Q. C'est la fin de quelle rue ?

12 R. C'est le bout de la rue Svetozara Markovica, à l'intersection avec la

13 rue des Prolétaires.

14 Q. Vous, êtes-vous reparti ? Enfin, vous avez rebroussé chemin, mais ce

15 n'était pas en empruntant la même rue ?

16 R. Vous voulez que j'inscrive le 3 ? C'était la rue avoisinante, ce

17 n'était pas la même rue.

18 Q. Oui.

19 R. [Le témoin s'exécute]

20 Q. Et après ? Puisque j'ai l'impression que ce n'est pas une direction qui

21 vous permet d'aller directement vers la caserne.

22 R. Il fallait qu'on protège le flanc de l'armée pour qu'il n'y ait pas de

23 piège ou qu'elle ne tombe pas dans un piège en forme de fer à cheval. Il y

24 avait le Bataillon de Negoslavci de la Défense territoriale qui avançait

25 également vers la caserne.

26 Q. Est-ce que vous pouvez nous indiquer par où est passé l'infanterie de

27 Negoslavci ?

28 R. Voilà. Ici, il y a une avancée directe de Negoslavci vers la caserne.

Page 11903

1 Eux sont passés par là. Je peux inscrire le 4 ?

2 Q. Oui, s'il vous plaît. Inscrivez le chiffre 4.

3 R. [Le témoin s'exécute]

4 Q. Merci. Vous souvenez-vous quand cela s'est passé ?

5 R. Le 14 septembre 1991.

6 Q. Ce jour-là, vous avez atteint la caserne de la JNA ?

7 R. Oui, j'ai atteint la caserne de la JNA ce jour-là.

8 Q. Vous ainsi que ces unités autres ?

9 R. Non, non.

10 Q. Expliquez-le.

11 R. Le jour où on a lancé l'attaque, au rond-point de la rue des

12 Proleterska, il y avait un wagon, une voiture qui était pleine de rails qui

13 barrait la rue et cette voiture était piégée. On n'a pas pu passer. Les

14 chars ont tiré dessus mais ceci n'a eu aucun effet. Les chars passaient à

15 l'arrière. Si on avait cherché à nous dynamiter, cela n'aurait eu aucun

16 effet non plus parce que cela n'aurait fait que se renverser. Puisque

17 c'était déjà tard dans l'après-midi, j'ai décidé que l'on passe la nuit à

18 cet endroit.

19 Q. Je vais vous interrompre un instant. Je pense que nous n'aurons plus

20 besoin de cette carte.

21 M. DOMAZET : [interprétation] Monsieur le Président, je vais demander le

22 versement de ces annotations.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La pièce sera versée.

24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce 770, Monsieur le

25 Président.

26 M. DOMAZET : [interprétation] Merci.

27 Q. Vous dites que c'est là que vous avez passé la nuit du 14 au 15

28 septembre. Dites-nous ce qui s'est passé par la suite.

Page 11904

1 R. Ce soir là, j'ai chargé un groupe de procéder à des opérations de

2 reconnaissance autour de ce wagon. Il y avait une maison en très mauvais

3 état à cet endroit. J'ai demandé au char de longer la maison et de la

4 dépasser pour démolir un angle de la maison de manière à ce que l'unité

5 blindée qui allait suivre puisse longer le bâtiment en question.

6 Q. Vous avez réussi ?

7 R. Oui, c'était presque à l'aube que nous avons réussi de dépasser la

8 maison en char. Nous avons pu ensuite poursuivre vers Vuteks.

9 Q. Ensuite ?

10 R. Nous sommes arrivés à Vuteks et nous l'avions presque dépassé. J'avais

11 encore la radio avec moi et j'ai entendu que des membres de la ZNG

12 chargeaient leurs hommes de nous laisser passer et dépasser Vuteks et que

13 nous allions faire l'objet de tirs de mortiers. La batterie de ma radio

14 était presque vide. J'ai perdu le contact avec eux, et c'est resté le cas

15 jusqu'à l'arrivée de la Brigade de la Garde.

16 Q. J'aimerais que vous répétiez une partie de votre réponse parce qu'il

17 semblerait qu'elle ne figure pas au compte rendu. Vous avez dit que Jokic a

18 émis un ordre en réaction à ce que vous avez entendu à la radio.

19 R. Jokic m'a donné un ordre et je l'ai exécuté sans délai. Je devais me

20 retirer de Vuteks et rester dans la rue Radnicka jusqu'à nouvel ordre

21 d'attaque.

22 Q. Avez-vous lancé une autre attaque ?

23 R. Non, c'était impossible parce que je n'avais pas suffisamment d'hommes.

24 Il nous fallait couvrir également Petrova Gora et notre ligne de front

25 avait doublé.

26 Q. Qu'avez-vous fait ?

27 R. Nous sommes allés à Sajmiste et nous avons attendu des renforts sur

28 place pour pouvoir avancer ensuite.

Page 11905

1 Q. Cela signifie-t-il, qu'en réalité, vous vous déplaciez en direction de

2 Petrova Gora pour couvrir cette zone également ?

3 R. Oui, c'était une partie de Petrova Gora en direction de la caserne et

4 de Sajmiste. Petrova Gora, la rue de Radnicka jusqu'aux casernes, c'était

5 le secteur qui était libre encore.

6 Q. Alors que vous occupiez ces positions, qu'est-il arrivé à la caserne ?

7 R. Je suis allé à la caserne. L'unité qui était sur place avait quitté les

8 lieux pour prendre une autre position. Le commandant Mitrov dirigeait une

9 unité qui avait remplacé celle qui était partie.

10 Q. Voulez-vous dire qu'à un moment donné la caserne a été pleinement

11 libérée et était protégée des tirs ?

12 R. Non, la caserne était prise pour cible de tirs constants de l'autre

13 côté de la direction de Mitnica. A un moment donné, le commandant Dimitrov

14 a dit que la situation dans la caserne était intenable et a demandé à être

15 autorisé à se replier de la caserne. Par la suite, il aurait été aisé de la

16 reprendre dès que l'occasion se serait représentée.

17 Q. J'aimerais attirer votre attention sur le fait que dans le compte rendu

18 son nom a été présenté comme étant Mitrov. En fait, vous avez précisé cela

19 plus tard. Son prénom était Dimitrov, n'est-ce

20 pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Vous ai-je bien compris ? Vous avez dit que vous vous êtes trouvé

23 physiquement, à un moment donné, dans la caserne, mais que les autres

24 secteurs de la ville étaient aux mains des membres de la ZNG, n'est-ce pas

25 ?

26 R. Oui, la caserne et le secteur de Petrova Gora.

27 Q. Est-ce pour cela que le commandant Dimitrov a demandé à ce que l'unité

28 soit autorisée à battre retraite ?

Page 11906

1 R. Oui, parce que les tirs de mortiers rendaient tout mouvement de l'unité

2 impossible. Il était impossible de tenir sous ces tirs constants de

3 mortiers.

4 Q. Merci. Revenons à Petrova Gora. A ce moment-là le contact existait avec

5 la caserne ?

6 R. Oui, avec Negoslavci.

7 Q. Qu'est-il advenu de votre unité ?

8 R. Les hommes qui se trouvaient sur place à ce moment-là dans la ville ont

9 rejoint l'unité à Petrova Gora. Nous avons réussi à doubler la ligne que

10 nous tenions. Nous nous sommes organisés selon une hiérarchie militaire.

11 Nous avons établi un détachement et une unité indépendante de la TO. Nous

12 avons mis en place un appui logistique. J'avais un officier de réserve,

13 Abic, que j'ai nommé commandant chargé de la logistique. Il avait pour

14 tâche de fournir les hommes en nourriture, en matériel, en armes et il

15 devait également mettre à la disposition des hommes des sanitaires.

16 Q. Si je vous ai bien compris, les effectifs ont doublé mais la longueur

17 de la ligne que vous teniez également ?

18 R. Oui.

19 Q. Etait-ce à ce moment-là ou plus tard que vous vous êtes réorganisés,

20 que vous avez formé des compagnies, et cetera ?

21 R. Oui. C'était juste avant le 2 octobre. C'est à ce moment-là que les

22 hommes à Petrova Gora étaient au nombre de 344, sans les hommes chargés de

23 la logistique. J'avais quatre compagnies. La

24 1ère Compagnie comptait 117 hommes. La 2e ,110. La 3e, 72. La 4e, 45.

25 Q. Vous êtes resté commandant de toute l'unité, n'est-ce pas ?

26 R. Oui.

27 Q. Aviez-vous un adjoint ?

28 R. Milan Ivanovic était mon adjoint. C'était aussi un officier de réserve

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1 et il était spécialiste du génie.

2 Q. Avez-vous nommé des commandants à la tête de chaque compagnie ?

3 R. Je n'avais pas d'officiers de réserve susceptibles de commander ces

4 compagnies. J'ai choisi les hommes qui avaient montré des qualités de

5 décision et qui avaient fait preuve de courage au combat. Je les ai choisis

6 et je les ai laissés décider qui allaient commander quelle compagnie.

7 Q. Vous avez dit qu'il n'y avait pas d'officiers formés à qui vous pouviez

8 confier ces fonctions et que vous avez été contraint de compter sur des

9 hommes qui s'étaient montrés valeureux au combat, Milorad [phon] ?

10 R. [interprétation] Oui.

11 Q. [interprétation] Où étaient-ils ?

12 R. Milorad Vujovic, c'était le commandant de la

13 1ière Compagnie.

14 Q. Bien.

15 R. Stanko Vujanovic était commandant de la 2e. Miroslav Pejic était à la

16 tête de la 3e Compagnie. Et Sinisa Fot était commandant de la 4e. Le

17 commandant de la 4e Compagnie était un Croate.

18 Q. Vous parlez de Sinisa Fot ?

19 R. Oui.

20 Q. A l'époque, y avait-il un état-major de la Défense territoriale dans le

21 secteur, et si oui, où ?

22 R. Vukovar n'abritait pas d'état-major à l'époque de la Défense

23 territoriale. Juste avant l'attaque du 14 septembre, Slobodan Grahovac et

24 Milo Zelac sont venus à Vukovar lorsque j'étais avec Vujic afin d'établir

25 un état-major.

26 Q. A Sid, y avait-il un état-major ?

27 R. Slobodan Grahovac était à Sid, et c'est là que le quartier général ou

28 l'état-major de la TO se trouvait à ce moment-là. Ils avaient pour fonction

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1 d'organiser les hommes et de les déployer sur la ligne de front.

2 Q. Si je vous ai bien compris, il n'y avait pas d'état-major organisé de

3 la Défense territoriale à Vukovar à l'époque ?

4 R. Oui.

5 Q. Permettez-moi, je n'ai pas terminé. Il y avait Slobodan Grahovac à Sid

6 et cet état-major était chargé d'appeler les hommes et de les déployer le

7 long de la ligne de front. Je suppose qu'il mobilisait les hommes de ce

8 secteur-là. J'aimerais que vous précisiez la chose suivante : puisque

9 l'état-major se trouvait à Sid, cet état-major, d'une manière ou d'une

10 autre, représentait-il également Vukovar et la zone environnante s'agissant

11 de la mobilisation des hommes ?

12 R. Ils n'appelaient que les hommes qui avaient fui Vukovar et qui se

13 trouvaient maintenant en Serbie. Ils voulaient rejoindre la ligne de front

14 de Vukovar et c'est cette structure-là qui organisait leur déploiement.

15 Q. Par la suite, un état-major de la Défense territoriale a-t-il mis en

16 place à Vukovar, si oui, quand ?

17 R. Un ordre a été émis à la mi-octobre à peu près.

18 Q. Il y a quelques instants vous avez parlé du 2 octobre. Quel lien existe

19 entre cette date et ce que vous venez de dire ?

20 R. Et bien, le 1er octobre, nous avons placé la Brigade de la Garde au

21 front. Le 2 octobre, nous avons poursuivi avec la libération de Vukovar

22 sous le commandement de la Brigade de la Garde.

23 Q. Y avait-il que la Brigade de la Garde ou y avait-il d'autres unités

24 également ? Comment appelait-on ce secteur en termes militaires ?

25 R. On appelait cela Groupe opérationnel sud, à savoir au sud de la Vuka.

26 Tous les villages qui se trouvaient à ce moment-là au sud de Vukovar vers

27 Tovarnik, et cetera, tout ceci faisait partie du Groupe opérationnel sud,

28 commandé par le colonel Bajo Bujat.

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1 Q. Pendant combien de temps --

2 R. Bajo Bujat est resté un certain temps après le 2 octobre.

3 Q. Ensuite, qui l'a remplacé ?

4 R. Le colonel Mrksic.

5 Q. Vous avez parlé du Groupe opérationnel sud. Y avait-il un Groupe

6 opérationnel nord ?

7 R. Oui. Au nord du Groupe opérationnel sud. La zone entre le Danube et

8 Tenja et tous les villages environnants au nord de la Vuka.

9 Q. Bien. Si l'on exclut le Danube, la ligne de démarcation entre les zones

10 de responsabilité de ces groupes opérationnels était formée par la Vuka, à

11 la rivière Vuka.

12 R. Oui.

13 Q. Donc, les ponts qui enjambaient la Vuka étaient entre ces deux groupes

14 opérationnels. Au sud de la Vuka, il y avait le Groupe opérationnel sud et

15 au nord de la rivière, il y avait le Groupe opérationnel nord, n'est-ce pas

16 ?

17 R. Oui.

18 Q. A l'arrivée de la Brigade de la Garde, votre unité, ou en tout cas, ce

19 que j'ai compris, a continué à combattre à leurs côtés, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Ensuite, que s'est-il passé, après le 2 octobre, qui, comme vous l'avez

22 dit, est le début de votre coopération avec la Brigade de la Garde ? Votre

23 unité a-t-elle continué à opérer aux côtés de la Brigade de la Garde, et si

24 oui, quelles en étaient les modalités ?

25 R. Avant le 2 octobre, il y a eu les préparatifs qui ont été réalisés pour

26 la mise en place de la Brigade de la Garde. J'ai envoyé neuf hommes de

27 reconnaissance vers les groupes d'assaut de la Brigade de la Garde.

28 Ensuite, deux sections ont été envoyées sur la ligne de front ce soir-là.

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1 La première chose que nous avons convenu, c'était de déployer la section de

2 Petrova Gora le long de la ligne de front et d'essayer d'avancer le long de

3 la Vuka, à partir de là. Toutefois, la veille de l'attaque, M. Mrksic m'a

4 donné un ordre. Il m'a dit : Nous venons de la zone du secteur de la

5 région. Nous connaissons la configuration des lieux, nous connaissons la

6 ville, nous connaissons tous les villages plus que les membres de la

7 Brigade de la Garde. Il a dit que nous devrions aller jusqu'à Petrova Gora

8 et nous occuper de toute la ligne jusqu'au château d'eau, et que toute la

9 ligne devrait être tenue par les locaux, que chaque section de la Brigade

10 de la Garde devrait compter plusieurs membres de la Défense territoriale

11 sur la ligne de front, et que ces hommes, qui connaissaient bien les lieux,

12 devraient les guider, les emmener, leur montrer l'endroit.

13 Q. C'est bien ce qui s'est fait ?

14 R. Oui.

15 Q. Vous étiez encore commandant de la Défense territoriale à ce moment-là,

16 n'est-ce pas ?

17 R. Oui. De la section de Petrova Gora. C'est ce que j'étais à l'époque.

18 Q. Une unité de la Défense territoriale a-t-elle été organisée pour

19 l'ensemble du Groupe opérationnel à ce moment-là ou plus tard ?

20 R. Plus tard, lorsqu'il y a eu une réunion de tous les commandants de

21 village au sein du Groupe opérationnel sud, je me suis rendu compte que

22 j'avais été nommé commandant de la Défense territoriale pour le Groupe

23 opérationnel sud.

24 Q. Il s'agissait finalement de l'établissement d'un état-major pour la

25 Défense territoriale au sein du Groupe opérationnel sud ?

26 R. C'est exact.

27 Q. L'on vous avait mis à la tête de cet état-major ?

28 R. Oui. Toutefois, le colonel Mrksic a dit : "C'est un poste politique.

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1 Commençons par libérer Vukovar, et ensuite, tu pourras te livrer à des

2 activités politiques. Mais pour l'instant, combattons. Faisons les choses

3 les unes après les autres. La politique n'est pas très importante à ce

4 stade." C'est ce qu'il m'a dit.

5 Q. Bien. Cela veut dire que l'exercice du commandement, à ce moment-là,

6 consistait surtout à des rencontres au quartier général et à passer moins

7 de temps sur le front ou cela voudrait-il dire autre chose ?

8 R. C'était ce que c'était censé être. Toutefois, mon adjoint, Mile Uzelac,

9 était responsable de l'état-major de la Défense territoriale avant la

10 guerre à Vukovar. Il aimait ce travail et il était bien meilleur.

11 Q. Où se trouvait l'état-major de la Défense territoriale ?

12 R. A Velepromet.

13 Q. Bien. Si j'ai bien compris, vous n'aviez pas à passer beaucoup de temps

14 sur place ?

15 R. Je suis peut-être allé à deux réunions tout au plus.

16 Q. Puisque vous parlez de réunions, avez-vous convoqué la tenue de

17 réunions ? Vous-même, avez-vous assisté à des réunions présidées par le

18 colonel Mrksic à son quartier général de Negoslavci, où se trouvaient

19 également ses subordonnés, des officiers également ?

20 R. Tous les jours, dans la salle des opérations, il y avait le briefing,

21 il y avait la répartition des tâches, tous les jours, à

22 16 heures, je crois.

23 Q. Donc, vous participiez régulièrement à ces réunions présidées par le

24 colonel Mrksic ?

25 R. Oui.

26 Q. Il y a quelques instants, nous avons parlé de l'état-major de la

27 Défense territoriale dans le Groupe opérationnel sud. Vous avez parlé du

28 secteur qui était couvert par ce groupe opérationnel. J'aimerais savoir

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1 s'il y avait également un état-major de la Défense territoriale à Vukovar

2 ou si c'était la même chose.

3 R. C'était la même chose à ce moment-là, le même pour les deux. Il

4 couvrait le secteur correspondant à celui du Groupe opérationnel sud, tous

5 les villages. Par la suite, lorsque la ville de Vukovar a été libérée, un

6 état-major spécial de la Défense territoriale a été établi pour Vukovar.

7 Q. Y avait-il des commandants adjoints ?

8 R. Milo Uzelac. Il y avait un Vucetic également; il y avait un Lazo Pejic.

9 Q. [interprétation] Allez lentement --

10 R. Lazo Pejic, Ilija Vucetic; à la logistique, Milan Milic; Staikovic; à

11 la transmission, Kresovic, Jovica Kresovic.

12 Q. Le nom de famille de Jovica, s'il vous plaît ?

13 R. Kresovic.

14 Q. Autre chose. Mile Uzelac était votre adjoint, n'est-ce

15 pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Puis, la sécurité, on ne voit pas.

18 R. Ilija Vucetic.

19 Q. Merci.

20 M. DOMAZET : [interprétation] Monsieur le Président, je suis sur le point

21 de passer à un autre thème. Je crois que la pause n'est plus très loin. Si

22 vous en êtes d'accord, nous pourrions peut-être interrompre ici

23 l'interrogatoire.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Domazet. Nous

25 reprendrons à 12 heures 35 ou juste après.

26 --- L'audience est suspendue à 12 heures 16.

27 --- L'audience est reprise à 12 heures 39.

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Domazet.

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1 M. DOMAZET : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Monsieur

2 Jaksic, avant de reprendre, je vais vous demander de ralentir votre débit

3 et de faire quelques petites pauses, parce que, malheureusement, parfois,

4 j'ai même dû faire des gestes de la main pour vous ralentir, ce que je

5 souhaiterais éviter. Il est vraiment très important pour le compte rendu

6 d'audience que vous essayiez de ralentir, en particulier lorsque vous citez

7 des noms propres, pour éviter les erreurs.

8 Monsieur Jaksic, vous avez parlé de vos commandants de compagnie. Vous avez

9 mentionné Sinisa Fot comme un cas intéressant parce que c'était un Croate,

10 d'après ce que vous avez dit. Vous avez dit également que vous aviez des

11 Croates dans votre unité. Pouvez-vous nous en dire un petit peu plus sur

12 lui ? Quel genre de commandant, de combattant, était-il ? Qu'est-il advenu

13 de l'homme, et cetera ?

14 R. Sinisa et son frère, Darko Fot, c'étaient parmi les rares pro-

15 Yougoslaves. Ils se sont trouvés lors de tous les rassemblements de

16 protestation pour le maintien de la Yougoslavie et contre le HDZ. Ils

17 vivaient dans notre quartier. Ils se sont joints à nous. C'était un

18 combattant extraordinaire. Ce n'est que dans les films de Rambo que l'on

19 peut retrouver ce genre de personnage aussi plein d'énergie et de volonté.

20 Pourquoi ? Probablement parce qu'il avait été arrêté et torturé par les

21 membres de la ZNG. Ils l'ont torturé au point qu'ils lui ont cassé la

22 clavicule. Par la suite, quand il est sorti de prison - je suppose que

23 c'était à cause de tout ce qu'on lui avait fait, il s'est retourné contre

24 eux et il est devenu un combattant aussi exemplaire. Avant tout, c'était un

25 patriote.

26 Q. Est-il en vie ?

27 R. Non, il est tombé au combat. Son frère, Darko, travaille aujourd'hui au

28 service des douanes à Novi Sad. Il avait été grièvement blessé, mais il a

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1 survécu.

2 Q. Sinisa, il est tombé au combat pour Vukovar ou plus tard ?

3 R. Dans les combats de Vukovar, le 2 octobre.

4 Q. Vous avez dit que vos commandants n'avaient pas de formation militaire.

5 Cela concernait tous ceux dont vous avez cité les noms ? Vujovic,

6 Vujanovic, Fot et Pejic, me semble-t-il ?

7 R. C'est exact. Est-ce que je peux apporter une correction ?

8 Q. Je vous en prie.

9 R. Je ne parlais pas de formation militaire qu'ils avaient tous, mais ils

10 n'étaient pas des officiers. Ils avaient tous fait leur service militaire.

11 Ils avaient tous appris l'art de la guerre, le droit de la guerre. En tant

12 que soldats, ils le connaissaient, mais ce n'étaient pas des officiers.

13 Q. Merci. Vous parlez du droit de la guerre. A l'école de Bileca, où vous

14 avez suivi vos études, est-ce que vous avez appris les conventions de

15 Genève ?

16 R. Absolument.

17 Q. Pouvez-vous en parler brièvement ?

18 R. Oui, absolument. Le droit de la guerre, la convention de Genève, tout

19 un soldat, et encore plus, chaque officier devait les connaître.

20 Q. Pendant que vous commandiez la Défense territoriale à Vukovar, est-ce

21 qu'il vous est arrivé de recevoir ou d'émettre d'ordres au sujet de la

22 nécessité de respecter les conventions de Genève ?

23 R. Oui. Mile Mrksic a insisté particulièrement là-dessus, et au

24 commandement, il donnait l'ordre de traiter les prisonniers conformément au

25 droit de la guerre et les conventions de Genève. Donc, tous les subalternes

26 de l'état-major, pendant que Mrksic commandait, ont reçu cet ordre.

27 Q. Lorsque vous parlez de réunions, est-ce vous voulez --

28 R. Non. A l'état-major, lorsqu'on se rendait au QG, lorsqu'on recevait les

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1 ordres, et bien, cet ordre, allant dans ce sens là, était émis à tout un

2 chacun.

3 Q. Vous, personnellement, en tant que commandant de votre unité, à partir

4 du début de sa création, puis au fur et à mesure, est-ce que vous

5 avertissiez vos soldats de l'importance de respecter le droit de la

6 guerre ?

7 R. Absolument.

8 Q. D'après ce que vous avez expliqué, vous êtes devenu commandant de cette

9 unité de Défense territoriale dans le secteur de Petrova Gora, puis vous

10 êtes devenu le commandant de la Défense territoriale du Groupe opérationnel

11 sud plus tard. A la fin de la guerre, vous occupiez toujours ce poste ?

12 R. Non.

13 Q. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ? Comment ?

14 R. Les opérations de combat en tant que telles, c'est quelque chose qui a

15 un impact sur la vie psychique et les émotions d'un individu. Je me sentais

16 touché par le syndrome de Vietnam. Pendant les événements, les soldats

17 blessés, massacrés, et cetera, je le supportais, je pensais que j'avais les

18 nerfs d'acier, mais avec le temps, j'ai vu que je faiblissais. Cela était

19 vers la fin, vers la fin des combats pour Vukovar. Sljivancanin a dit une

20 fois à Miroljub Vujic : C'est toi qui sera désormais le commandant, c'est

21 toi qui sera le chef de l'état-major. A partir de la chute de Brdo, je

22 n'étais plus le commandant.

23 Q. Vous estimez que cela se situe autour de la chute de Milovo Brdo.

24 C'était à quel moment ?

25 R. C'était vers le 16, 17 novembre.

26 Q. Quelques jours avant la chute de Vukovar ?

27 R. Oui, avant la chute de Vukovar.

28 Q. A ce moment-là ou à un moment quelconque, est-ce qu'on vous a remis par

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1 écrit une lettre vous signifiant votre remplacement ?

2 R. Non.

3 Q. Au moment où cela vous a été dit, est-ce que vous l'avez accepté ? A

4 partir de ce moment-là, vous n'avez plus commandé. Vous ne vous rendiez

5 plus aux réunions d'information chez le colonel Mrksic ?

6 R. Je l'ai accepté. Je n'allais plus aux réunions d'information.

7 M. WEINER : [interprétation] Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

9 M. WEINER : [interprétation] Page 67, ligne 15, Sljivancanin a dit à

10 Miroljub Vujic. C'est une chose importante. Le nom n'est pas correctement

11 transcrit dans le compte rendu d'audience.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Vujovic.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

14 M. DOMAZET : [interprétation] Je pense que c'est clair maintenant. C'était

15 une erreur, effectivement.

16 Q. Il s'agit de Miroljub Vujovic, qui commandait la 1ère Compagnie; c'est

17 bien cela ?

18 R. Oui, c'est cela.

19 Q. Je vais vous reposer ma question. Ce Vujovic, il n'était pas officier,

20 pas un cadre supérieur ?

21 R. Non.

22 Q. Ligne 10, page 68, on lit Jovic, en tant que commandant de la 1ère

23 Compagnie, c'est une erreur. Il faut lire Miroljub Vujovic, commandant de

24 la 1ère Compagnie. Mais je pense qu'on en a suffisamment parlé et que c'est

25 clair.

26 Revenons à ce qu'on était en train d'examiner.

27 Revenons au moment où vous avez cessé d'exercer vos fonctions. Est-ce que

28 vous vous souvenez où cela s'est passé ?

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1 R. C'était au commandement du 1er Bataillon de la Brigade de la Garde ou du

2 1er Détachement d'assaut.

3 Q. Vous, personnellement, vous vous êtes opposé d'une manière quelle

4 qu'elle soit à cela ou vous vous êtes contenté d'accepter cela ?

5 R. Je l'ai accepté, je ne me suis pas opposé du tout.

6 Q. A partir de ce moment-là, est-ce que vous avez continué de prendre part

7 aux réunions d'information ou de consultation chez le colonel Mrksic ou

8 vous avez estimé qu'il n'y avait plus lieu de le faire ?

9 R. J'ai estimé que j'avais été démis de mes fonctions, que je n'avais plus

10 d'obligation vis-à-vis du commandement et je me suis retiré.

11 Q. Merci. Puisque cela s'est passé, comme vous le dites, quelques jours

12 avant la chute de Vukovar soit le 16, soit le 17, je vais vous demander la

13 chose suivante : aussi, vous avez dit que vous ne vous êtes plus rendu aux

14 réunions. Alors, dites-nous, ces jours-là, pendant que la Brigade de la

15 Garde était déployée dans ce secteur, vous est-il arrivé de voir le colonel

16 Mrksic à une occasion ?

17 R. Le colonel Mrksic, je l'ai vu le 20 novembre après la chute de Vukovar.

18 Q. Pour quelles raisons, puisque vous n'occupiez plus le poste dont nous

19 avons parlé ?

20 R. Les représentants du gouvernement et Milos Vojnovic, le représentant du

21 tribunal, on était en bons termes, il m'a proposé de me rendre auprès de

22 Mrksic et de lui demander que les criminels de guerre, ceux qui avaient

23 commis des crimes sur le territoire de Vukovar, qu'on leur donne la

24 possibilité de rester sur place et qu'ils soient traduits devant notre

25 tribunal de district.

26 Q. Merci. Avant d'avancer, il y a quelque chose qui n'a pas été consigné

27 au compte rendu d'audience. Vous avez parlé des représentants du

28 gouvernement. Tout d'abord, dites-moi, de quel gouvernement parlez-vous ?

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1 R. Le gouvernement de Slavonie de Baranja et du Srem occidental de cette

2 région-là.

3 Q. Qui était à sa tête ?

4 R. C'était Goran Hadzic qui était à sa tête.

5 Q. Parmi les représentants - on voit ici un représentant de la cour - je

6 suppose de la cour régionale ou de la province ?

7 R. Oui, Milos Vojnovic.

8 Q. C'était un juge, je suppose. Il l'avait été avant la guerre ?

9 R. Oui. Il a fait ses études à la faculté de droit de Belgrade.

10 Q. Il a été nommé de la part de ce gouvernement pour siéger à la cour, à

11 ce tribunal de district ? Que vous a-t-il demandé ? Vous lui en avez

12 parlé ?

13 R. Oui.

14 M. WEINER : [interprétation] Objection.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Weiner. Maître Domazet,

16 c'est important alors que vous, vous soufflez les mots au témoin.

17 M. DOMAZET : [interprétation] Ligne 13, page 69, il m'a semblé que le

18 représentant du tribunal qui a pris part à cet entretien m'a dit de me

19 rendre auprès du colonel Mrksic. J'ai demandé qui était ce représentant du

20 tribunal. Le témoin nous a dit Milos Vojnovic. De là ma question suivante.

21 Enfin, je vais faire attention.

22 Q. De quoi avez-vous parlé avec Vojnovic ?

23 R. Vojnovic m'a dit : Puisque nous avons désormais tous les attributs d'un

24 Etat, nous avons le judiciaire, nous avons déjà la police qui s'est créée,

25 qui est en train de se constituer, nous avons la santé, l'éducation, toutes

26 les autres instances, pourquoi seraient-ils jugés en Serbie tandis que nous

27 pouvons le faire ici ? Nous avons des juges compétents, capables de se

28 charger de ces procès.

Page 11920

1 Q. Cet entretien entre Vojnovic et vous-même, où est-ce qu'il s'est

2 déroulé ?

3 R. Dans Velepromet.

4 Q. Vous nous avez dit ce qu'il vous a répondu. Est-ce qu'il vous a demandé

5 autre chose ?

6 R. Il a demandé pour tous ceux pour lesquels on savait qu'ils avaient

7 commis des crimes de guerre, qu'ils soient sélectionnés, mis de côté et

8 qu'on prépare un procès au tribunal de district.

9 Q. A cette date-là, le 20, d'après vous, vous n'étiez plus le commandant

10 de la Défense territoriale. Le savait-il ? Est-ce qu'il en a été question ?

11 M. WEINER : [interprétation] Objection.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Weiner ?

13 M. WEINER : [interprétation] La question porte sur l'état psychique d'un

14 autre individu. Ceci ne devrait pas être autorisé.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Domazet, c'est un point

16 délicat. La Chambre ne tiendra compte que des éléments de preuve qui

17 viendront de la bouche du témoin et non pas de ceux que vous dites. Ne

18 soufflez pas les réponses au témoin. Faites en sorte qu'il en parle.

19 M. DOMAZET : [interprétation] Je voulais juste parler de cette fonction. Je

20 ne pensais pas que ce serait aussi délicat. Enfin, j'essaierai d'éviter ce

21 genre de questions.

22 Q. Pourriez-vous, s'il-vous-plait, terminer votre réponse. De quoi avez-

23 vous parlé et que s'est-il passé par la suite ?

24 R. Vojnovic savait que j'étais en contact permanent avec Mrksic et que je

25 pouvais faire cela. Il n'avait personne d'autre sous la main pour jouer

26 l'intermédiaire entre lui et Mrksic. C'est la raison pour laquelle il s'est

27 adressé à moi pour me faire cette proposition. Je l'ai acceptée et je me

28 suis rendu au QG de Mrksic, à la Brigade de la Garde. Au commandement de la

Page 11921

1 Brigade de la garde, on n'était pas autorisé de rentrer librement. Tout un

2 chacun n'y avait pas accès puisque le colonel Mrksic me connaissait. Il m'a

3 reçu.

4 Q. Est-ce que vous pouvez décrire votre conversation ?

5 R. Je lui ai fait part de la proposition de Vojnovic. Je lui ai dit que

6 c'était faisable que des criminels restent sur place, qu'ils ne soient pas

7 envoyés en Serbie. Il a été catégorique : Il n'en est pas question.

8 Conformément à l'accord, ils vont tous partir pour la Serbie et c'est là

9 qu'ils seront jugés.

10 Q. Vous dites qu'il était catégorique ou explicite. Qu'entendez-vous par

11 là ?

12 R. C'est d'après le ton de sa voix, sa vigueur dans sa réponse. C'était

13 tellement clair, qu'il n'y avait plus à continuer la conversation dans ce

14 sens. Je voyais que je ne pouvais pas influer sur lui pour qu'il change sa

15 décision.

16 Q. D'après vos souvenirs, vous avez parlé d'autres choses ou c'est tout ?

17 R. Cela a été très bref. Lorsqu'il m'a répondu par un non catégorique, et

18 bien, je suis reparti et je suis allé transmettre la réaction à Vojnovic.

19 Q. Vojnovic, où est-ce que vous l'avez trouvé cette deuxième fois ?

20 R. C'était également dans le bâtiment de Velepromet.

21 Q. Vous vous souvenez si Vojnovic a réagi ?

22 R. Il a accepté la décision. Il n'y pouvait rien. Je suppose qu'il a

23 compris qu'il fallait respecter la voie hiérarchique. Si c'est à Belgrade

24 qu'on a pris cette décision, il fallait s'y conformer. Par la suite,

25 Hadzic, que j'ai vu également au bâtiment de Velepromet, m'a demandé de

26 l'emmener au secteur de Petrova Gora pour voir des gens qui se trouvaient

27 sur place.

28 Q. Vous ai-je bien compris ? Vous avez mentionné Belgrade ou non ? Parce

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1 que je ne retrouve pas cela au compte rendu d'audience. Si vous en avez

2 parlé, pouvez-vous nous expliquer dans quel contexte ?

3 R. Si le colonel Mrksic a donné un ordre, c'est probablement parce qu'il a

4 reçu un ordre de son commandement supérieur. Ceci ne pouvait pas être

5 modifié par lui. Cela ne pouvait être modifié que par ceux qui étaient ses

6 supérieurs.

7 M. WEINER : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Weiner.

9 M. WEINER : [interprétation] Ce ne sont que des conjectures. Si Mrksic

10 avait reçu un ordre, il l'a nécessairement reçu du sommet. Donc, c'est

11 maintenant une double spéculation et une triple spéculation, lorsqu'on

12 parle de ses supérieurs, lorsqu'on dit que personne ne pouvait changer

13 l'ordre.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est cela, Monsieur Weiner, que nous

15 avons reçu comme élément de preuve. De toute évidence, ce sont des

16 conjectures et elles n'auront aucun poids. Merci.

17 Poursuivez, Maître Domazet.

18 M. DOMAZET : [interprétation] Merci. Telle n'a pas été ma question. On y

19 peut rien, c'était cela la réponse.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, je suis juste en train de dire

21 que le témoin est en train de faire des suppositions. Si le témoin sait

22 quelque chose, il faut qu'il nous le dise. Mais s'il fait des spéculations,

23 ceci ne nous sert à rien.

24 M. DOMAZET : [interprétation] Merci.

25 Q. Vous avez dit que vous êtes retourné dans le bâtiment de Velepromet,

26 c'est là que vous avez revu le juge Vojnovic. Est-ce que vous vous souvenez

27 ce qui se passait à ce moment-là à Velepromet ?

28 R. Avant la réunion du gouvernement, j'ai rencontré à Velepromet également

Page 11923

1 le président du gouvernement, Hadzic, puis Dokmanovic, le président de la

2 municipalité de Jagodina, enfin toutes les personnalités que je

3 connaissais. Ce sont des gens à qui j'ai parlé. A mon retour, comme je

4 n'avais aucune obligation, j'ai assisté partiellement à la réunion du

5 gouvernement. Entre-temps, je ne me souviens pas très bien, est-ce que je

6 suis allé intervenir pour le fils de Mme Clearic. En route, je suis allé

7 vers le dispensaire, et le long de la caserne, il y avait un convoi avec

8 des civils.

9 Q. Puisque vous parlez de cette réunion et de ces personnalités, nous

10 avons une pièce à conviction, un film. Je vais vous inviter à le visionner.

11 M. DOMAZET : [interprétation] La pièce 269, s'il vous plaît, qui dure 6

12 minutes 20 secondes.

13 Q. Si vous reconnaissez qui que ce soit, demandez qu'on fasse un arrêt sur

14 l'image. Dites, stop, et vous nous identifierez la personne.

15 R. D'accord.

16 Q. Faites la même chose si vous vous reconnaissez vous-même à l'image.

17 [Diffusion de la cassette vidéo]

18 R. Stop. Rade Leskovac et au début, on voyait Slavko Dokmanovic.

19 Q. Est-ce qu'on peut rembobiner, s'il vous plaît?

20 M. DOMAZET : [interprétation] Est-ce qu'on peut rembobiner pour essayer de

21 voir ?

22 [Diffusion de la cassette vidéo]

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Stop. Je pense que nous voyons à présent

24 Slavko Dokmanovic. Stop. De dos, je pense que c'est Rade, ce monsieur qui

25 porte des lunettes.

26 M. DOMAZET : [interprétation]

27 Q. Très bien. Continuons.

28 [Diffusion de la cassette vidéo]

Page 11924

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà. Stop. Cela, c'est Vlado Kosic, celui

2 qui porte l'uniforme.

3 M. DOMAZET : [interprétation]

4 Q. Qui se trouve à gauche qui a une moustache ?

5 R. Oui.

6 Q. Juste pour relever l'heure, 6.44, pour le compte rendu d'audience. Vous

7 nous avez donné le nom et prénom ?

8 R. Vlado Kosic. Après la guerre, il a été le directeur de l'entreprise

9 chargée de la distribution d'eau. Je ne sais pas quel poste il a occupé

10 avant la guerre.

11 Q. On peut avancer, s'il vous plaît.

12 [Diffusion de la cassette vidéo]

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Stop. Goran Hadzic et Arkan. Je pense que

14 c'est Arkan. C'est un peu flou, mais il me semble bien.

15 M. DOMAZET : [interprétation]

16 Q. Voyons --

17 R. Oui --

18 Q. 7.00. Très bien.

19 R. Goran Hadzic se trouve à droite. Il a passé son bras sur son épaule.

20 Voilà.

21 C'est Arkan à côté de lui. Celui-là, je ne le connais pas. Celui-là non

22 plus. Stop, cela, c'est moi.

23 Q. Expliquez-nous. Parmi ces deux hommes, c'est lequel ?

24 R. Celui au fond, qui n'a pas de moustache.

25 Q. Qui a ce béret à étoile rouge et l'uniforme vert olive ?

26 R. Oui.

27 Q. Pour le compte rendu d'audience, c'est à 7 minutes 18 secondes.

28 Poursuivons.

Page 11925

1 [Diffusion de la cassette vidéo]

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Stop. Je pense que c'est le président de la

3 municipalité Jagodina. Je pense que je suis venu le saluer.

4 M. DOMAZET : [interprétation]

5 Q. Il portait un uniforme ?

6 R. Oui, il est en uniforme.

7 Q. 7,27.

8 [Diffusion de la cassette vidéo]

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Stop. Rembobinez. Je pense que c'est Rade

10 Stupar.

11 M. DOMAZET : [interprétation]

12 Q. Stupar ?

13 R. Stupar. Peut-être Rade. Je suis sûr du nom de famille, mais je ne suis

14 pas sûr de son prénom. Il était sans arrêt en la compagnie de Goran Hadzic.

15 Q. 7,36. C'est l'individu que vous avez identifié comme étant Stupar.

16 Poursuivons.

17 [Diffusion de la cassette vidéo]

18 LE TÉMOIN : [interprétation] On revoit Arkan, Kosic, les mêmes. Je connais

19 celui-ci de vue, mais je ne connais pas son nom et prénom.

20 M. DOMAZET : [interprétation]

21 Q. On attendra de voir la suite. Le bâtiment que l'on voit derrière ces

22 gens, c'est là que s'est tenu une réunion du gouvernement ou ailleurs ?

23 R. Sur la droite de l'entrée, il y a une sorte de pièce, de salle de

24 réunion où il y avait des tables et des chaises. C'est là que la réunion

25 s'est tenue.

26 Tout cela, ce sont des civils.

27 Q. Il n'y a pas lieu de continuer. On peut terminer de visionner. Merci.

28 D'après vos souvenirs, Monsieur Jaksic, à quel moment avez-vous quitté le

Page 11926

1 bâtiment de Velepromet ?

2 R. Je pense que c'était avant la réunion du gouvernement. Je pense que

3 j'ai eu un entretien avec Vujanovic avant. Je suis juste allé voir Mrksic

4 et je suis reparti en voiture.

5 Q. La distance entre Velepromet et l'endroit où était Mrksic ?

6 R. C'était peut-être 3 ou 4 kilomètres, voire moins.

7 Q. Est-ce que vous vous souvenez d'autres détails concernant cette

8 journée-là et le moment où vous êtes allé à Velepromet, le temps que vous y

9 avez passé ou vous ne vous rappelez rien d'autre qui serait important ?

10 R. C'est en partie que je me souviens d'avoir été présent. Je n'ai pas

11 assisté à toute la réunion. Je ne peux pas maintenant me rappeler tous les

12 membres du gouvernement. D'ailleurs, je ne connaissais pas toutes les

13 personnalités à l'époque. Il me semble que M. Sljivancanin était là, son

14 adjoint. Comment s'appelait-il ? Il était commandant dans la police. Je

15 pense qu'ils s'appelaient Vukasinovic et Panic, me semble-t-il. Panic était

16 là aussi. Il était lieutenant-colonel ou commandant de grade.

17 Q. Lorsque vous dites Panic, il faudrait préciser.

18 R. C'était l'adjoint du commandant de la Brigade de la Garde, l'adjoint de

19 M. Mrksic.

20 Q. Très bien. Dites-moi, quel a été votre parcours professionnel après ces

21 événements de 1991 ? Qu'avez-vous fait ?

22 R. Vous voulez dire en civil ?

23 Q. De manière générale.

24 R. J'ai abandonné toutes mes fonctions. A partir de Cazmatrans, on a eu

25 l'idée de créer une nouvelle entreprise de transport, ce que j'ai fait. Il

26 ne restait plus que quatre véhicules. Puis, grâce à des donations ou parce

27 que j'ai réparé des véhicules, j'ai pu rassembler 32 véhicules. De la

28 direction du personnel du Grand état-major, on est venu nous demander de

Page 11927

1 créer l'armée de la République serbe et j'étais le commandant-adjoint

2 chargé de la logistique. Après, je suis devenu adjoint du chef d'état-major

3 pour des activités de l'état-major.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic.

5 M. LUKIC : [interprétation] Page 37, ligne 11, il me semble que le témoin a

6 dit : Je crois avoir vu Sljivancanin, Vukasinovic et Panic. Ce n'est pas ce

7 que l'on lit dans le compte rendu d'audience.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait ces deux-là, je ne suis pas sûr

9 pour Panic.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si vous parlez tous à la fois, rien ne

11 pourra être entendu sur les bandes audio. Maître Lukic ?

12 M. LUKIC : [interprétation] Tout simplement une objection pour ce qui est

13 du compte rendu d'audience. Page 77, ligne 11, je crois avoir entendu le

14 témoin dire : "Il me semble avoir vu Sljivancanin, Vukasinovic et Panic."

15 Je peux réécouter la bande. Il suffira que je fasse cela pour être sûr de

16 ce qui a été dit.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Domazet, est-ce que vous

18 pouvez, s'il vous plaît, poser la question au témoin ?

19 M. DOMAZET : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais tenter

20 de tirer les choses au clair.

21 Q. Vous avez parlé de trois officiers. Vukasinovic, Panic et Sljivancanin.

22 Etes-vous certain de les avoir vus tous les trois ou avez-vous des doutes

23 sur la question ? Pourriez-vous apporter des précisions là-dessus ?

24 R. Les deux étaient là. Quant à Panic, je ne sais pas s'il est arrivé plus

25 tard, je n'en suis pas sûr.

26 Q. Merci. A la page 77, ligne 25, vous avez dit avoir rejoint la Republika

27 Srpska ?

28 R. Krajina.

Page 11928

1 Q. Je crois que c'est ce que vous aviez dit. Vous aviez parlé de la

2 Krajina. Je voudrais qu'on apporte cette correction au compte rendu.

3 Vous parliez de l'armée de la République serbe de Krajina.

4 Je crois que vous alliez un peu vite. Alors, pourriez-vous repréciser les

5 choses afin que le compte rendu soit parfaitement clair. Quelle était votre

6 position lorsque vous avez pris ces fonctions ?

7 R. J'étais commandant chargé de la base logistique du corps de Srem et de

8 Baranja. Puisque à l'école militaire je m'étais spécialisé en matière de

9 sécurité, je suis devenu adjoint du chef de la sécurité.

10 Q. Vous étiez chef de la sécurité et votre fonction était adjoint; c'est

11 cela ?

12 R. Oui.

13 Q. Ce que vous avez fait dans l'armée, il s'agissait d'une formation que

14 vous y avez reçue ?

15 R. Oui, effectivement. Il s'agit de formation que j'ai reçue à Pancevo et

16 à d'autres endroits encore. Il y en a eu beaucoup.

17 Q. Dans le cadre de votre nouvelle fonction, y avait-il des règles en

18 particulier qui régissaient vos activités ou s'agissait-il des règles

19 propres à la JNA ?

20 R. Oui, les règles de la JNA.

21 Q. Cela vaut aussi pour les organes de sécurité ?

22 R. Oui. Toute la formation des officiers chargés de commandement se

23 faisait conformément aux règlements de service de la JNA.

24 Q. Je suppose que vous le connaissez bien ce règlement. Vous connaissez

25 bien les pratiques normales à l'époque ?

26 R. Oui.

27 Q. Vous souvenez-vous de la nature de vos fonctions en tant qu'officier

28 chargé de la sécurité, s'agissant d'ordres ou de contacts avec la police

Page 11929

1 militaire ?

2 R. Oui. Je commandais les éléments de la police militaire. J'émettais des

3 ordres à leur intention.

4 Q. Veuillez poursuivre. Veuillez poursuivre, Monsieur.

5 R. Je confiais des tâches aux commandants de certaines unités lorsque cela

6 s'avérait nécessaire. J'avais compétence pour cela, oui.

7 Q. Merci.

8 R. Avec l'aval du commandant, bien sûr.

9 Q. Etait-ce là la pratique habituelle au moment où vous étiez dans les

10 rangs de la JNA ou les choses étaient-elles différentes ?

11 M. WEINER : [interprétation] J'objecte, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Weiner ?

13 M. WEINER : [interprétation] Ceci ne figure pas du tout dans les notes de

14 récolement. Ceci ne correspond pas du tout aux notes qui nous ont été

15 remises au titre de l'article 65 ter et cela ne correspond pas non plus aux

16 notes supplémentaires reçues aux termes de ce même article.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Domazet ? A-t-on informé

18 l'Accusation de ces éléments ?

19 M. DOMAZET : [interprétation] Pas les éléments que le témoin vient

20 d'évoquer, puisque nous avons terminé hier soir très tard la préparation du

21 témoin. Je ne vais pas m'attarder là-dessus s'il y a une objection de la

22 part de l'Accusation, même si je n'avais pas l'intention de poursuivre plus

23 avant ces questions. J'étais sur le point de les conclure et non pas

24 seulement de conclure ces questions mais l'ensemble de l'interrogatoire

25 principal de ce témoin.

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Domazet. Les éléments

27 évoqués par le témoin sur ce point en particulier ne seront pas pris en

28 compte par la Chambre. Merci d'avoir procédé à l'interrogatoire principal

Page 11930

1 de ce témoin.

2 Maître Borovic, avez-vous des questions ?

3 M. BOROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai quelques

4 questions à poser au témoin.

5 Contre-interrogatoire par M. Borovic :

6 Q. [interprétation] Je suis Me Borovic, je représente M. Radic.

7 Dans votre réponse à l'une des questions de Me Domazet, vous aviez dit que

8 vous aviez fixé les axes d'opération. Ma question est la suivante : dans le

9 secteur dans lequel vous vous trouviez au cours des opérations, étiez-vous

10 en mesure d'émettre des ordres, si oui, à qui ?

11 R. J'avais un lien direct avec les commandants des escouades et des

12 compagnies.

13 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, à la question de

14 savoir s'il pouvait commander, le témoin a répondu qu'il était en mesure

15 d'émettre des ordres aux commandants des compagnies.

16 Q. Vous parlez des commandants des compagnies, de quelles compagnies

17 s'agit-il ?

18 R. Des quatre compagnies qui existaient.

19 Q. Lorsque vous parlez des quatre compagnies existantes, vous parlez des

20 compagnies de la Défense territoriale ?

21 R. Oui, de la Défense territoriale.

22 Q. Merci. Vous avez dit également aujourd'hui que le colonel Mrksic avait

23 ordonné que quatre membres de la Défense territoriale mènent les unités de

24 la JNA ?

25 R. Oui, puisqu'ils connaissaient les rues et la ville, la configuration

26 des lieux.

27 Q. Merci. N'oubliez pas de ménager une pause entre mes questions et vos

28 réponses pour éviter tout chevauchement ?

Page 11931

1 Est-ce que cela veut dire que c'était là la principale raison pour laquelle

2 les unités de Défense territoriale se sont jointes à la JNA pour y mener

3 des opérations parce qu'ils connaissaient le terrain, ils connaissaient les

4 lieux, et cetera ? Etait-ce la principale raison ?

5 R. C'était l'une des raisons.

6 Q. Merci. Connaissiez-vous les lieux où se trouvaient les abris atomiques

7 dans la ville de Vukovar ?

8 R. A ma connaissance, l'abri principal se trouvait dans la cour du QG de

9 la Défense territoriale, à côté du bâtiment municipal de Vukovar.

10 Q. Merci. Pendant les opérations, qui contrôlait le QG de l'état-major de

11 la Défense territoriale en novembre 1991, là où se trouvait l'abri

12 atomique ?

13 R. Les Croates.

14 Q. Merci. Lorsque vous dites les Croates, vous pensez à des formations

15 paramilitaires également appelées ZNG ?

16 R. Oui, c'est exact.

17 Q. Saviez-vous qu'il y avait un abri à Borovo Komerc ?

18 R. Oui. Je sais qu'il y avait un abri pour les civils là-bas. Je ne sais

19 pas si c'était un abri atomique ou un simple entrepôt.

20 Q. Merci. Si je vous disais que la Défense a mis la main sur un certain

21 nombre d'informations indiquant qu'un abri atomique se trouvait bien à cet

22 endroit-là. Ma question serait la suivante : dans la période d'octobre à

23 novembre, qui contrôlait cet abri ?

24 R. Les ZNG.

25 Q. Merci. Et Luzac ? Y avait-il un abri atomique là-bas ?

26 R. Je n'en sais rien. Je ne sais pas.

27 Q. Connaissez-vous un autre abri atomique qui se trouvait dans les locaux

28 du MUP ?

Page 11932

1 R. Dans le sous-sol du bâtiment du MUP, il y avait des cellules de

2 détention.

3 Q. Afin d'éviter toute spéculation, j'aimerais que vous vous contentiez de

4 répondre à mes questions : était-il aux mains de la Défense territoriale ou

5 y avait-il le moindre abri qui était aux mains de la Défense territoriale

6 ou de la JNA à Vukovar avant la libération de Vukovar, bien sûr.

7 R. Aucun abri n'était aux mains soit de la JNA, soit de la Défense

8 territoriale.

9 Q. Peut-on en conclure que tous les abris, au cours des opérations,

10 étaient contrôlés par des formations paramilitaires et par le MUP croate ?

11 M. WEINER : [interprétation] J'objecte.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Absolument.

13 M. LE JUGE PARKER : Monsieur Weiner ?

14 M. WEINER : [interprétation] Ceci nous renvoie à la question déjà posée.

15 Les co-conseils sont-ils autorisés à procéder à un contre-interrogatoire ou

16 doivent-ils utiliser l'interrogatoire principal ou des questions directes ?

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je n'entrevois aucune contradiction à

18 ce stade. C'est vrai que vous vous trouvez, Maître Borovic, dans un domaine

19 qui n'a pas été évoqué par Me Domazet. Je vous invite donc à ne pas

20 procéder à un contre-interrogatoire mais à un interrogatoire du témoin.

21 Merci, Maître Borovic.

22 M. BOROVIC : [interprétation] Excusez-moi. Il y aura d'autres témoins que

23 je demanderais à la Chambre à pouvoir contre-interroger.

24 Q. De qui provenaient vos ordres ?

25 R. De M. Mrksic.

26 Q. Merci. Pouvez-vous dire à la Chambre où se trouvait l'état-major

27 principal chargé des opérations en vue de la libération de Vukovar ? Où se

28 trouvait-il exactement ?

Page 11933

1 R. Le principal état-major chargé des opérations en vue de la libération

2 de Vukovar, si vous parlez du Groupe opérationnel sud, se trouvait à

3 Negoslavci. C'est un village près de Vukovar.

4 Q. Je vous remercie. Qui figurait parmi cet état-major ?

5 R. Je ne les connais pas tous. J'en ai oublié quelques-uns avec le temps,

6 mais je sais qu'il y avait les officiers de commandement représentant les

7 différentes armes et les différents domaines d'intervention, et cetera.

8 Q. Avez-vous entendu parler de Borivoj Tesic, commandant ?

9 R. Oui.

10 Q. Qui est-il ?

11 R. Le commandant du 1er Bataillon mixte ou du 1er Bataillon de la Brigade de

12 la Garde. Nous étions ensemble au quartier général.

13 Q. Merci beaucoup. Où était son propre poste de commandement, son QG à

14 lui ?

15 R. Son poste de commandement était dans la rue Svetozara Markovica chez

16 Jagatic.

17 Q. Qui était au poste de commandement lorsque vous planifiiez les

18 opérations militaires ?

19 R. Moi-même, M. Tesic et M. Stijakovic, son adjoint ainsi que mon propre

20 adjoint, Milanovic.

21 Q. N'avez-vous jamais été présent sur place lorsque les commandants de

22 compagnie, commandants de compagnie du 1er Bataillon motorisé sont venus

23 pour des réunions d'information et recevoir leurs ordres de Borivoj Tesic ?

24 R. La plupart du temps, c'est moi qui recevais les commandants de

25 compagnie à l'époque. J'étais avec eux.

26 Q. N'avez-vous jamais entendu parler du capitaine Sasa Bojkovski ?

27 R. Oui.

28 Q. Qui était-il ?

Page 11934

1 R. Il était commandant de la 3e Compagnie.

2 Q. Du 1er Bataillon motorisé ?

3 R. Oui, c'est comme cela que cela s'appelait à l'époque.

4 Q. Etait-il commandant d'une compagnie de la JNA de l'armée ?

5 R. Oui.

6 Q. Cette compagnie faisait-elle partie du 1er Bataillon motorisé ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-ce que cela veut dire qu'il était commandant de la

9 3e Compagnie du 1er Bataillon motorisé ?

10 R. Oui.

11 M. DOMAZET : [interprétation] Monsieur le Président, à la page 85, ligne

12 12.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui ?

14 M. DOMAZET : [interprétation] Ligne 12, les noms ne sont pas épelés

15 correctement. Il en manque un, je crois que c'est celui d'Ivanovic. Mais je

16 crois que Me Borovic -- on voit Teric [phon] or, cela n'existe pas, puis

17 les autres, je ne les vois pas. Il y avait trois noms, il en manque donc.

18 Je crois qu'il faudrait corriger les choses.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, le débit rapide et la

20 difficulté de percevoir la bonne prononciation des choses ont entraîné

21 certaines erreurs dans le compte rendu qu'il faudrait corriger. Voulez-vous

22 le faire, s'il vous plaît --

23 M. BOROVIC : [interprétation] Bien entendu, Monsieur le Président.

24 Q. Qui était le commandant du 1er Bataillon motorisé ?

25 R. Le commandant Borivoj Tesic.

26 Q. Qui était son adjoint ?

27 R. Le capitaine Stijakovic.

28 Q. Le poste de commandement du 1er Bataillon morotisé, c'est Borivoj Tesic

Page 11935

1 qui était à sa tête, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Lorsqu'on vous confiait les missions que vous aviez à accomplir, qui

4 était présent ?

5 R. Quand nous --

6 Q. Lorsque Borivoj Tesic était présent, qui était présent quand Borivoj

7 Tesic vous a donné vos fonctions ?

8 R. Les commandants de compagnie.

9 Q. Et Stijakovic et vous-même ?

10 R. Moi aussi, je distribuais les tâches aux commandants de compagnie, et

11 lui aussi, s'il y avait quelque chose de particulier qui méritait que l'on

12 s'y penche.

13 Q. Bien. N'avez-vous jamais été positionné le long de l'axe d'opération de

14 Sasa Bojkovski ?

15 R. Oui.

16 Q. Quel était cet axe ? Voulez-vous le préciser ?

17 R. Le quartier des pionniers. C'est ainsi qu'il s'appelait. J'ai oublié le

18 nom de toutes les rues à Vukovar.

19 Q. Y avait-il une crèche ou une maternelle le long de cet axe ?

20 R. Oui.

21 Q. En novembre, le détachement de la Défense territoriale de Petrova Gora

22 était composé de combien d'hommes ? A quel niveau était-il dans la

23 hiérarchie militaire ?

24 R. Le niveau du bataillon. Mais ce détachement était une unité

25 indépendante. Il se situait au niveau d'un bataillon qui peut agir

26 indépendamment, un bataillon fait partie d'une brigade et un détachement;

27 c'est une unité indépendante. C'est précisément la raison pour laquelle il

28 s'appelait détachement.

Page 11936

1 Q. Est-ce que cela veut dire que votre détachement ne pouvait pas être

2 intégré dans l'une quelconque des compagnies de ce bataillon ?

3 R. Si nécessaire.

4 Q. Non, ce que je veux dire, c'est est-ce qu'il est possible --

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Attendez, s'il vous plaît.

6 M. WEINER : [interprétation] Je le répète, là, encore cette question induit

7 fortement une réponse.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. Formulez les choses autrement,

9 voulez-vous, Maître Borovic.

10 M. BOROVIC : [interprétation]

11 Q. Du point de vue de la structure militaire, un détachement peut-il être

12 subordonné à une compagnie qui fait elle-même partie d'un bataillon ? Peut-

13 il être absorbé, ce détachement, par la compagnie d'un point de vue de la

14 structure à proprement parler ?

15 R. Cela dépend du niveau d'équipement de la compagnie, cela dépend du

16 niveau de formation du commandant. C'est possible. En général, on ne le

17 fait pas, mais cela ne veut pas dire que c'est impossible.

18 Q. En général, de combien d'hommes est composé un détachement ?

19 R. Cela dépend. Cela dépend.

20 L'INTERPRÈTE : L'interprète demande à ce que les orateurs ralentissent et

21 qu'ils ménagent une pause entre les questions et les réponses.

22 M. BOROVIC : [interprétation]

23 Q. Vous devez ralentir, Monsieur, vous devez vraiment ralentir parce que

24 le compte rendu d'audience n'est pas complet.

25 Alors, de combien d'hommes disposait le détachement de la Défense

26 territoriale de Petrova Gora ?

27 R. De 344 hommes.

28 Q. Merci. Vous avez suivi une formation d'officier de réserve. Vous y avez

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1 peut-être appris le nombre d'hommes que contient en général une compagnie

2 dans la JNA ?

3 R. Il y a trois sections de 120 hommes chacune qui, en tout, sont

4 composées de 120 hommes.

5 Q. Merci. Si vous avez une compagnie de 120 hommes au maximum, comment

6 faire tenir un détachement de 400 dans ce genre de structure ?

7 R. Est-ce que cela s'est déjà vu ?

8 Q. Non, pas vraiment. C'est une question purement théorique. Si vous dites

9 que ce n'est pas possible, nous cesserons d'en parler.

10 R. Cela dépend de la situation, cela dépend de l'objectif.

11 Q. Je ne vais pas continuer à vous poser la question, ce n'est pas

12 particulièrement important en réalité.

13 Quel était l'axe d'opération de la compagnie du capitaine Zirovic ?

14 R. C'était au niveau de la rue, en tout cas, la gauche de la rue Svetozara

15 Markovica, en face du boucher Kruno.

16 Q. Avez-vous fait des déclarations aux enquêteurs de La Haye - je parle

17 des enquêteurs du bureau du Procureur ?

18 R. Oui.

19 Q. Quand ?

20 R. Ils sont venus me voir chez moi pour l'affaire Dokmanovic.

21 Q. Vous avez fait une déclaration ?

22 R. Oui, j'étais encore à Vukovar.

23 Q. Vous l'avez signée, n'est-ce pas ?

24 R. Oui. En tout cas, je crois.

25 Q. L'utilisation de membres de la Défense territoriale et des volontaires

26 à Vukovar, qui était la personne chargée de cela ? Qui était la personne au

27 somment, qui aurait pu déterminer quels étaient les besoins, le long de

28 quel axe et comment ils devaient collaborer avec les unités de la JNA ? Qui

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1 était chargé de tout cela ?

2 R. Le commandant du groupe opérationnel.

3 Q. Qui était-ce ?

4 R. Mile Mrksic.

5 Q. Merci beaucoup. Je n'ai plus de questions.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Borovic.

7 Maître Lukic, il vous reste quatre minutes. Ce ne sera pas

8 Me Lukic, d'accord. Ce sera Maître Bulatovic. Allez-vous utiliser ces

9 quatre minutes ?

10 M. BULATOVIC : [interprétation] Malheureusement, Monsieur le Président, je

11 ne pense pas que quatre minutes suffiront. Etant donné l'importance de ce

12 témoignage, il nous faudra plus de temps pour procéder au contre-

13 interrogatoire.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. Je vous proposais simplement de

15 faire usage des quatre minutes qui restaient, sans quoi, j'allais vous

16 proposer de commencer demain.

17 M. BULATOVIC : [interprétation] Oui. Effectivement, je ne pense pas qu'il

18 soit intéressant de commencer maintenant et d'interrompre le contre-

19 interrogatoire dans quelques minutes. A moins que vous y voyiez un

20 inconvénient, je crois qu'il serait plus approprié de reprendre demain.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

22 Monsieur Weiner ?

23 M. WEINER : [interprétation] Très brièvement, je voudrais vous présenter

24 mes excuses pour mon retard au début de la deuxième séance de ce matin.

25 Ceci ne se reproduira pas.

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Weiner.

27 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président.

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic.

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1 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'allais n'en

2 parler que demain, mais puisqu'il reste deux minutes, j'en profite.

3 Malheureusement, la nouvelle n'est pas bonne. C'est la raison pour laquelle

4 j'ai décidé de vous en parler dès maintenant. D'abord, le témoin Puskar,

5 qui devait arriver à La Haye aujourd'hui, malheureusement, a eu un accident

6 vasculaire cérébral il y a deux jours. Il a été hospitalisé et il est

7 toujours à l'hôpital où il est soigné. Nous espérons qu'il va se remettre.

8 La Défense va donc demander à ce que l'on puisse entendre ce témoin vers la

9 fin de la présentation de nos éléments de preuve, si c'est possible.

10 Deuxième chose, Il s'agit de ce témoin protégé. Nous n'allons pas passer en

11 audience à huis clos partiel. Nous savons tous de la personne dont je

12 parle. Nous avons reçu les documents médicaux pertinents s'agissant de ce

13 témoin, donc nous allons y jeter un œil. Nous l'avons vaguement parcouru,

14 et vraisemblablement, les documents indiquent que le témoin ne pourra pas

15 entamer son témoignage le 16, comme cela avait été prévu au départ. Mais

16 nous allons étudier plus avant les documents en question, nous allons voir

17 ce qui y figure. La bonne nouvelle, toutefois, c'est que nous avons le

18 passeport nécessaire au voyage de ce témoin. Il n'en avait pas jusqu'à

19 présent. Donc, la bonne nouvelle, c'est que tous nos témoins ont maintenant

20 un passeport en leur possession. Nous attendons Lisanovic ici, et si la

21 coopération reste bonne avec l'Unité des Victimes et des Témoins - je leur

22 dois des louanges, parce que peut-être que la dernière fois, j'ai eu

23 l'impression de les railler un peu - j'espère que le témoin arrivera

24 jusqu'à nous.

25 Plus un autre témoin qui a reçu sa convocation, j'espère qu'il sera en

26 mesure de comparaître d'ici à la fin de la semaine prochaine, ainsi que le

27 témoin qui devrait revenir le 20 septembre, qui n'est plus là mais qui

28 devrait revenir. Je crois aussi qu'il y a eu un aval qui a été donné pour

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1 lui. Le passeport est là, et bien entendu, l'expert. Voilà. Ceci constitue

2 l'ensemble de nos témoins. J'ai essayé de vous donner un bref aperçu de la

3 situation qui est la nôtre en matière de témoins au nom de M. Mrksic.

4 J'espère que tout ceci pourra avancer très rapidement, très prochainement.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Où en sommes-nous pour demain, Maître

6 Vasic ? Pouvez-vous me le dire précisément ?

7 M. VASIC : [interprétation] Messieurs les Juges --

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Quelle est la situation ?

9 M. VASIC : [interprétation] Si ce témoin termine sa comparution demain,

10 même si je crois que mes éminents confrères auront beaucoup de questions à

11 poser ce témoin, il nous reste un témoin qui attend, si je puis dire, M.

12 Milosevic qui est arrivé hier. Il pourra, bien sûr, succéder à ce témoin-

13 ci. Toutefois, je pense que M. Milosevic entamera son témoignage lundi,

14 puisqu'il nous faudra toute la journée de demain pour conclure le

15 témoignage de ce témoin-ci, étant donné la nature même des sujets qui ont

16 été abordés. Il nous faudra peut-être toute la journée de demain.

17 Toutefois, M. Milosevic est là et pourra entamer son témoignage si nous en

18 avons le temps. M. Lisanovic, et bien, j'espère qu'il pourra arriver

19 jusqu'ici au cours du week-end. Il pourrait comparaître le 20. Non. Les

20 nouvelles ne sont pas aussi bonnes que j'aurais voulu. Mon assistant vient

21 de me dire que Lisanovic pourrait effectivement comparaître le 20.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il se peut que vous soyez confronté à

23 quelques difficultés en début de semaine prochaine; c'est cela ?

24 M. VASIC : [interprétation] C'est effectivement ce qui semble se profiler

25 pour l'instant. J'espère que la situation va s'améliorer. J'espère que M.

26 Lisanovic arrivera ici dimanche, de sorte qu'il puisse entamer son

27 témoignage lundi ou mardi. Je pense qu'il nous faudra deux jours pour

28 l'entendre.

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1 C'est en tout cas ce que je prévois.

2 Auquel cas, nous utiliserions tout le temps qui nous est imparti jusqu'au

3 retour du témoin Dannilovic. Je crois qu'il y a une certaine confusion qui

4 a été provoquée par le fait que nous avions lancé la date du 16 pour la

5 comparution du témoin protégé, ce qui représenterait trois jours dans le

6 cadre de la présentation de nos éléments de preuve. Comme je l'ai dit, il

7 nous a envoyé un certain nombre de documents, nous les étudions, mais ceci

8 pourrait entraîner une certaine difficulté. Si les documents le justifient,

9 nous déposerons une requête auprès de la Chambre de première instance afin

10 que ce témoin, éventuellement, puisse déposer par lien vidéo, si

11 effectivement, étant donné son état de santé, il ne peut pas se déplacer.

12 Nous n'avons reçu ces documents que ce matin, et pour l'instant, je ne peux

13 vous en dire plus que ce que je vous ai déjà dit.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic, je vous demanderais

15 d'accorder une attention très particulière aux dates d'arrivée et aux dates

16 possibles de comparution de vos témoins. Je vous demanderais de bien

17 vouloir veiller à ce que les autres conseils, les trois autres groupes de

18 conseil soient informés de qui vient, dans quel ordre, de manière à ce que

19 tous puissent se préparer. Je vous demanderais à être minutieux dans

20 l'interrogatoire principal que vous allez faire de vos témoins, de manière

21 à ce que nous ne gaspillions pas le temps dont vous aurez peut-être besoin,

22 si pour une raison ou pour une autre, l'arrivée de certains témoins est

23 retardée. Nous souhaitons nous assurer que vous disposiez du temps

24 suffisant pour présenter tous les éléments de preuve qui sont importants

25 pour vous. Ne perdez pas de temps avec d'autres témoins sur des questions

26 qui ne sont pas essentielles.

27 Nous verrons de quoi demain sera fait.

28 L'audience est levée jusqu'à 9 heures demain matin.

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1 --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le vendredi 15

2 septembre 2006, à 9 heures 00.

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