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1 Le vendredi 16 mars 2007
2 [Audience publique]
3 [Plaidoiries de la Défense Sljivancanin]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.
6 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Bonjour. Nous allons
7 maintenant entendre les propos de Me Lukic.
8 M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges, bonjour à
9 toutes les personnes présentes dans le prétoire.
10 En juillet 2003, quand Me Sljivancanin a pour la première fois, et sans
11 avocat, déclaré ce qu'il pensait de l'acte d'accusation, il a dit qu'il
12 n'était pas coupable. Aujourd'hui, à l'heure où nous nous exprimons en
13 dernière position pour la Défense et où nous vous remettons, Madame,
14 Messieurs les Juges, tous les rapports et documents qui ont été examinés au
15 cours de ce procès, je voudrais vous rappeler les mots qu'il a prononcés
16 dans la certitude profonde que ces mots seront également les vôtres.
17 Je vous rappellerai que M. Sljivancanin, au début de ce procès, a
18 déclaré qu'il souhaitait que sa vérité au sujet d'Ovcara soit également la
19 vôtre, car cette vérité au sujet d'Ovcara est nécessaire à tous ceux qui en
20 ont peur. Elle est nécessaire aux familles des victimes, elle est
21 nécessaire à la JNA, aux membres de la Brigade de la Garde, aux familles
22 des soldats et des officiers tombés au combat. Elle est nécessaire à
23 l'opinion publique serbe et croate, et elle est nécessaire à Sljivancanin
24 et à sa famille.
25 Vous avez entendu deux versions au sujet de ces événements durant ce
26 procès. La version de l'Accusation que nous avons prévue dans une certaine
27 mesure, même si le Procureur est tout de même parvenu à nous surprendre au
28 cours de son réquisitoire, en présentant de nouvelles thèses qui sont
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1 totalement contraires à ses positions antérieures, nous ne pouvons, quoi
2 qu'il en soit, pas espérer que le Procureur agisse autrement que
3 d'accomplir le travail qui lui a été confié dans le cadre de son mandat, à
4 savoir poursuivre.
5 Au sujet de la méthode utilisée par le Procureur pour réaliser son
6 mandat, à savoir mettre en Accusation et, dans ce cadre, aller à la
7 rencontre de la vérité, il en sera question aujourd'hui. Mais nous nous y
8 attendions. Il s'agit d'une attaque de quelqu'un qui vous regarde dans les
9 yeux, il s'agit d'une attaque machiavélique.
10 Nous avons reçu, et vous l'avez d'ailleurs devant vous, la version
11 des événements. Nous avons entendu la version de la Défense de Mrksic. Nous
12 avons entendu une version à laquelle nous ne nous entendions pas - pas plus
13 d'ailleurs que le Procureur à mon avis - une version que la Défense de
14 Mrksic protégeait avec soin dans ses notes et ses classeurs, en faisant
15 tout pour ne pas dévoiler les éléments de preuve qu'elle allait utiliser
16 dans le prétoire ou ses témoins, en déclarant que l'histoire apparaîtrait
17 dans son contexte à la fin de la présentation des éléments de preuve.
18 Il est normal que ce coup que vous avez subi soit dur et pénible.
19 Mais nous n'avons pas peur de la douleur, nous souhaitons faire éclater la
20 vérité et nous n'avons pas peur de souffrir pour ce faire.
21 Ces différentes versions n'ont intimidé aucun des témoins de la
22 Défense. Elles n'ont pas intimidé M. Sljivancanin, pas plus que le moindre
23 témoin intervenu dans le cadre de sa Défense pour parler en public de ce
24 qui s'est passé. Or, cette vérité, l'Accusation et la Défense de Mrksic
25 s'en écartent dès que, courageusement, on leur soumet la liste des témoins
26 potentiels. Nous appellerons l'attention de la Chambre sur tout cela lors
27 de la conclusion de notre propos en parlant de la façon dont les éléments
28 de preuve ont été produits pour soutenir cette version des événements.
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1 Nous avons aujourd'hui l'occasion de vous donner notre version. Nous
2 nous efforcerons de ne pas imposer nos conclusions, de ne pas faire appel à
3 la logique qui est apparemment la méthode favorite de M. Moore dans son
4 réquisitoire, de ne pas faire appel à des déductions ou à des conclusions
5 relatives à des accusations non soutenues par les éléments de preuve,
6 telles que celles correspondant à la méthode utilisée par Me Vasic. Dans
7 notre plaidoirie, nous avons décidé de nous exprimer principalement dans le
8 souhait de vous rappeler tout ce qui a été dit ici au cours du procès et au
9 cours d'un certain nombre d'affaires qui n'ont rien à voir avec celle-ci.
10 Nous avons analysé tout cela sous l'angle de la Défense de M. Sljivancanin
11 en tenant compte de tout ce qui a été dit par les témoins, aussi bien par
12 les témoins favorables, que par ceux qui le sont moins vis-à-vis de M.
13 Sljivancanin. Votre conclusion à l'issue de ce procès ne doit reposer que
14 sur des faits et des réalités entendues au cours de ce procès. La question
15 que vous avez à trancher consiste à déterminer si ce que vous aurez entendu
16 vous suffira à tirer une conclusion quant à l'existence d'une
17 responsabilité pénale de l'accusé, et par ailleurs quant au fait de savoir
18 si ces éléments de preuve suffisent à établir la vérité au sujet du crime
19 d'Ovcara.
20 Le fardeau professionnel et la tâche qui est la vôtre consistent
21 principalement à analyser les dépositions des témoins, ainsi que les très
22 nombreux éléments de preuve écrits, et en agissant de la sorte vous serez
23 confrontés à un problème important, à savoir déterminer la fiabilité et la
24 qualité probante de la description des événements faits par ces témoins,
25 parlant d'événements survenus 15 ans avant leur comparution ici. En dehors
26 de cela, s'agissant de tous les témoins, vous avez bien sûr leur
27 déclarations préalables écrites, ainsi que les comptes rendu de leurs
28 dépositions durant les audiences.
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1 Je crois que pas un seul témoin n'a comparu ici sans que l'une ou
2 l'autre des parties mette en exergue certaines contradictions de leurs
3 récits antérieurs. Certains témoins de l'Accusation, comme de la Défense,
4 ont fourni avant de comparaître cinq ou six déclarations préalables. Les
5 différentes parties au procès, dès lors qu'un propos du témoin dans sa
6 déclaration préalable convenait à sa thèse, avaient pour habitude de lui
7 poser la question classique : "est-ce que vous êtes d'accord que cela vous
8 rafraîchit la mémoire par rapport à tel ou tel événement à l'heure
9 d'aujourd'hui ?"
10 Donc, il est particulièrement important que les propos des témoins
11 soient logiques par rapport à ce qu'ils ont écrit bien longtemps avant dans
12 leur déclarations préalables sans qu'on leur tende de piège. Ceci n'est pas
13 un aspect négligeable de la jurisprudence de ce Tribunal. De telles
14 déclarations préalables sont une méthode qui permet de consigner au compte
15 rendu d'audience des réponses survenant en l'absence de questions, réponses
16 fournies au cours des séances de récolement, ce qui est particulièrement
17 utile lorsque les questions sont directrices et vont dans l'intérêt de la
18 corroboration de la thèse de celui qui interroge. C'est la méthode qui a
19 été utilisée de façon préférentielle par l'Accusation au moment des séances
20 de récolement. Nous savons, connaissant la pratique du Procureur, qu'il
21 enregistre toutes les conversations et tous les entretiens en audio.
22 D'ailleurs nous avons entendu un certain nombre de ces passages audio
23 durant le procès. Lorsqu'on demande à l'Accusation de produire la cassette
24 audio du document P009, celle-ci répond que cette cassette audio n'existe
25 pas. La signature du témoin, Monsieur, Madame les Juges, n'est absolument
26 pas remise en question, pas plus que le fait qu'il ait été proposé au
27 témoin d'ajouter des corrections avant de signer ces déclarations
28 préalables. Ce qui est mis en doute, en revanche, ce qui est contestable -
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1 et c'est un aspect très important de notre propos - c'est de savoir la
2 façon dont la personne qui interroge pose ses questions et la façon dont
3 est formulée la réponse à ces questions. La nécessité que les propos d'un
4 témoin de l'Accusation dans le prétoire corroborent ce qu'il a dit lors de
5 sa déclaration préalable est, à notre avis, une tâche et un devoir
6 important de l'Accusation.
7 Nous mettons l'accent sur ce point comme nous l'avons déjà fait lors de
8 notre propos liminaire au début du procès, parce que les documents
9 acquièrent une importance d'autant plus grande par rapport aux deux devoirs
10 de l'Accusation dans ce prétoire, compte tenu du manque de temps. Il vous
11 appartiendra de vérifier la crédibilité des témoins. Les documents qui ont
12 pu être versés au dossier sont devenus, durant le procès, l'arme de notre
13 lutte pour la vérité, alors que pour d'autres dans ce prétoire, ils se
14 transforment en problème pour faire éclater cette vérité.
15 Je vais aborder certaines questions maintenant qu'il m'appartient de
16 développer au cours de ma plaidoirie, et je me limiterai aux questions les
17 plus importantes pour ne pas faire double emploi par rapport au mémoire
18 écrit de la Défense. D'abord, je dirai quelques mots de la structure de la
19 JNA et de la place des organes de sécurité dans cette structure. Ensuite,
20 je parlerai plus précisément de l'opération de Vukovar et des fonctions qui
21 étaient celles de M. Sljivancanin dans cette opération, à savoir
22 principalement des fonctions de contrôle sur la police militaire.
23 Dans son réquisitoire, le Procureur a semblé oublié que dans l'acte
24 d'accusation il s'appuie sur un certain nombre d'affirmations d'experts
25 militaires présentés par lui. A l'époque, le Procureur affirmait que
26 Sljivancanin n'avait pas de compétences à donner des ordres de jure vis-à-
27 vis de qui que ce soit, et c'est ce que l'Accusation a affirmé de façon
28 très claire, y compris s'agissant d'ordres éventuels à la police militaire.
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1 Ceci apparaît de façon très claire à la lecture des différents règlements
2 applicables. J'ai fourni une explication détaillée de cela dans mon mémoire
3 en clôture. Je ne vais pas revenir sur ce sujet à présent.
4 Ce qui doit être souligné, c'est la différence fondamentale entre le
5 travail d'un organe de sécurité et le rôle joué dans la réalité par chacun
6 des participants à cette tâche. Manifestement, cette différence n'a pas été
7 remarquée, ni par le Procureur ni par l'équipe de Défense de M. Mrksic,
8 parce que ni les uns ni les autres ne connaissent particulièrement bien le
9 système de transport et de protection des prisonniers de guerre, qui est la
10 tâche exclusive de la police militaire, pas plus que la façon dont cette
11 unité de la police militaire a accompli son travail ou la chaîne
12 hiérarchique qui la subordonne à un commandement supérieur.
13 L'Accusation élimine cette réalité en montant une thèse fictive au sujet de
14 la position de jure de Sljivancanin dans l'opération d'évacuation de
15 l'hôpital, alors que la Défense de M. Mrksic ajoute à cette construction de
16 l'esprit, une autre construction de l'esprit, à savoir que les organes de
17 sécurité sont les seuls compétents vis-à-vis des prisonniers de guerre, et
18 que tout s'est fait en dehors de la hiérarchie de commandement normal dans
19 une opération dont le commandant n'avait aucune connaissance. Je regrette
20 de devoir dire que les choses ne se sont passées ainsi, car les éléments de
21 preuve et les règlements applicables ainsi que d'autres documents et les
22 témoignages des témoins montrent que c'est le contraire qui s'est passé.
23 Le travail consistant à évacuer les personnes présentes à l'hôpital, y
24 compris les prisonniers de guerre, se situe exclusivement dans la
25 hiérarchie dépendant du commandement. Elle est mise en œuvre par des unités
26 subordonnées, et avant tout par les unités de la police militaire. Le
27 règlement de service des organes de sécurité ne fait aucune référence aux
28 prisonniers de guerre, alors que le règlement de la police militaire
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1 indique bien à qui la police militaire est subordonnée.
2 Il y a autre chose qui a été présentée de façon erronée, à savoir la
3 procédure à suivre pour découvrir quelles sont les personnes qui auraient
4 pu commettre des délits criminels contre les forces armées et l'ordre
5 constitutionnel. Ceci a été présenté comme le travail exclusif des services
6 de sécurité depuis le niveau inférieur jusqu'au niveau supérieur de la
7 hiérarchie et, donc, échappant à la structure de commandement de l'unité.
8 Ce qui est important dans cette thèse, c'est de voir qu'il n'est pas fait
9 mention d'une hiérarchie de commandement parallèle dans la structure des
10 organes de commandement. Une telle structure parallèle de commandement
11 n'existe pas, et c'est ce que montre très clairement le rapport de l'expert
12 Theunens en page 81 notamment.
13 Un grand nombre de documents ont été versés au dossier pour démontrer
14 quelles étaient les activités des organes de sécurité sur le site qui nous
15 intéressent. Ces rapports émanent de diverses sources et concernent des
16 personnes différentes qui étaient intéressantes pour les organes de
17 sécurité dans leur cadre particulier. Mais, Madame, Monsieur les Juges, ce
18 sont des rapports qui ont été reçus par les services de sécurité et qui ont
19 été transmis aux officiers membres du commandement pour les informer, afin
20 de leur permettre de planifier les opérations de combat. Ceci figure dans
21 l'élément de preuve A2485.
22 Ces documents montrent sans la moindre ambiguïté que l'hôpital n'était pas
23 utilisé dans son rôle premier, que les membres de la Garde patriotique et
24 du MUP s'y cachaient, que l'hôpital était utilisé comme planque par ces
25 personnes, et qu'à la fin des combats ces personnes se sont déguisées en
26 civil ou en blessé. C'est ce qui a été confirmé par M. Moore il y a deux
27 jours, donc je ne reviendrai pas sur les documents spécifiques qu'il a
28 évoqués à cet égard et qui sont mentionnés dans notre mémoire écrit.
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1 Ce que l'on peut s'attendre avoir à accomplir par un organe de sécurité,
2 c'est de recevoir un certain nombre de renseignements, de listes, de
3 données, de schémas. Sljivancanin et les organes de sécurité l'ont fait
4 effectivement. Ils ont accompli leur mission dans le respect des règlements
5 en vigueur et sur ordres de leur hiérarchie supérieure. Ils avaient pour
6 devoir de rechercher toutes personnes suspectes. C'était leur devoir de
7 créer les conditions d'une évacuation en toute sécurité des blessés et des
8 malades. C'est ce qu'ils ont fait, ils n'ont rien fait de plus, pas un seul
9 instant. Je tiens à le souligner, ils n'ont pas hésité à accomplir
10 intégralement leurs tâches. C'est ce que m'a dit M. Sljivancanin lorsque je
11 l'ai rencontré. J'en ai parlé dans mon propos liminaire. Il a dit : "Si je
12 suis ici pour répondre de ce que j'ai fait, et si ce que j'ai fait est un
13 crime, il faudra que la Chambre de première instance l'établisse et me le
14 dise." La Défense soutient ce qu'a dit M. Sljivancanin en sa qualité de
15 représentant d'un organe de sécurité et en tant qu'officier de la JNA et la
16 Défense affirme qu'il ne s'agit pas d'un crime. Tout cela a été fait dans
17 le respect des règlements en vigueur, y compris des règlements applicables
18 aux organes de sécurité et, pour autant que cela se soit fait dans le
19 respect de ces règlements, aucun crime n'a été commis par M. Sljivancanin
20 ou les organes de sécurité. Tout cela n'a été fait qu'avec approbation de
21 la hiérarchie supérieure, ou sur ordres de la hiérarchie supérieure de
22 l'instance de sécurité qui ne pouvait échapper à cette hiérarchie. Cela
23 s'est fait pour répondre aux besoins et aux objectifs de la chaîne de
24 commandement, et la mission en question avait un rapport direct avec la
25 sécurité des unités.
26 Les rapports des instances de sécurité, et notamment de leurs
27 commandants, sont à examiner. Il s'agit de la pièce 107, article 12 en
28 particulier. Cet article ne distingue pas entre le fait qu'un commandant
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1 ait reçu les renseignements pertinents ou qu'il ne les ait pas reçus. Quant
2 au devoir d'assurer le transport et la sécurité des prisonniers, il ne
3 s'agit pas de travail de service de contre-espionnage. Par conséquent, tout
4 ce que dit Me Vasic au paragraphe 138 de son mémoire en clôture ne tient
5 pas. Il est vrai que les compétences d'un organe de sécurité consistent à
6 traquer les personnes qui s'en prennent aux forces armées et à l'ordre
7 constitutionnel. Par conséquent, c'est la chaîne de commandement qui, en
8 tout premier lieu, a le devoir d'assurer la sécurité des transports et des
9 personnes transportées.
10 Jetons un coup d'œil à ce qu'a ordonné la 80e Brigade mécanisée pour
11 assurer la sécurité du groupe de Mitnica. Le commandant de la brigade. Qui,
12 dans cette 80e Brigade, a pris la décision de placer Danilovic au
13 commandement du camp qui se trouvait dans le hangar ? A qui Vezmarovic a-t-
14 il rendu compte lorsqu'il est arrivé de Mitrovica, à l'achèvement des
15 différentes tâches qui étaient les siennes le matin du 19, comme il
16 l'affirme ? Qui a ordonné aux instances de sécurité d'être présentes à
17 Velepromet dès le 27 octobre ? En tout cas, c'est ce que permet de penser
18 la pièce à conviction 401. Qui a été informé du fait que la Garde
19 patriotique et le MUP, leurs membres en tout cas, se déguisaient à
20 l'intérieur de l'hôpital ? C'est ce qu'on trouve dans le rapport quotidien
21 du commandant, pièce 401. Qui a, par conséquent, informé le commandant de
22 la 1ère Région militaire et le secrétariat fédéral à la Défense populaire
23 généralisée ? Pourquoi le colonel Mrksic dans son rapport quotidien du 18
24 novembre, pièce 417, écrit-il que les actions sont menées en vue
25 d'effectuer une sélection et de distinguer la population civile des
26 Oustachi ? Puis, penchez-vous sur la pièce 418, un autre rapport quotidien,
27 qui parle de sélection en cours dans le secteur de Vucedol et d'un groupe
28 de forces croates, d'Oustachi, qui est regroupé dans le secteur de
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1 Velepromet; ce sont les mots qui ont été utilisés.
2 Enfin, si les prisonniers de guerre ne se trouvaient pas dans la zone
3 de responsabilité du commandement à la date critique du 28 novembre,
4 pourquoi est-ce que le colonel Mrksic écrit dans la pièce 421, un rapport
5 quotidien émanant de lui à 18 heures ? Pourquoi écrit-il qu'une sélection a
6 été réalisée et que de nombreux Oustachi ont été découverts planqués parmi
7 les civils, ajoutant que ce processus de sélection s'est accompli dans le
8 plein respect des conventions de Genève ? Nous savons tous ce qu'a
9 représenté ce processus de sélection le 28 novembre dans l'hôpital.
10 Excusez-moi, il faut remplacer 28 novembre par 20 novembre à la page
11 10, ligne 24, du compte rendu d'audience.
12 Si le fait de traquer des prisonniers de guerre, de les soumettre à
13 une sélection et d'assurer leur transport était les compétences exclusives
14 de l'organe de sécurité à l'intérieur de la chaîne de commandement dont il
15 a beaucoup été question ici, pourquoi n'y a-t-il pas la moindre référence à
16 cela dans le rapport du commandant qui fait partie intégrante de cette
17 chaîne de commandement ? La réponse est très simple. Il n'est pas
18 nécessaire de faire appel à l'imagination pour trouver la réponse à cette
19 question. Les instances chargées de la sécurité accomplissaient leur
20 travail dans le cadre de la structure hiérarchique dont elles dépendaient à
21 tous les niveaux.
22 J'aimerais ajouter un nouveau point. L'une des théories auxquelles M.
23 Moore adhère pour la première fois dans son réquisitoire, c'est que
24 Sljivancanin était responsable et au commandement de toutes les évacuations
25 précédentes, y compris de celle qui a eu lieu au mois d'octobre, ainsi que
26 de celle du 18 novembre et du 19 novembre à Velepromet.
27 M. Moore, c'est tout à fait clair, a dû réfléchir avec soin à ce
28 qu'il souhaitait dire avant de rendre publique sa nouvelle théorie à la fin
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1 du procès. Il y avait un point qui sans doute le gênait, à savoir que
2 toutes les évacuations sont accomplies par la JNA et ses officiers et qu'il
3 s'agit de mesures positives destinées à aider la population. Ceci est un
4 fait qui contredit totalement la théorie de M. Moore quant à l'existence
5 d'un plan et d'une entreprise criminelle commune. Par conséquent, M. Moore
6 découvrant qu'il manquait d'éléments de preuve suffisants pour démontrer
7 les fonctions de commandement de M. Sljivancanin le 20 novembre dans le
8 cadre de l'évacuation, devait se créer de toutes pièces une sorte de
9 fondement à sa thèse. Pourquoi est-ce que M. Sljivancanin, parmi tant
10 d'autres, aurait été responsable de cette évacuation ? C'est exactement ce
11 qu'affirme M. Moore. "Sljivancanin," dit-il "était responsable de toutes
12 les évacuations précédentes. Il était tout à fait logique qu'il soit
13 également chargé de l'évacuation du 20." Malheureusement, cela n'a pas été
14 le cas. Sljivancanin a participé à l'évacuation du mois d'octobre, comme un
15 grand nombre d'autres personnes. Cela faisait partie de son service en tant
16 que représentant d'une instance de sécurité. Même M. Theunens a confirmé
17 dans son rapport que les organes chargés de la sécurité participaient
18 activement aux évacuations. Ceci figure au paragraphe 76, page 10 718 du
19 texte.
20 Sljivancanin apporte des éléments de preuve nombreux dans sa
21 déposition au sujet de sa participation à ces évacuations. Mais M. Moore ne
22 lui a jamais posé une seule question au sujet de l'évacuation d'octobre, ce
23 qui démontre en soi que sa théorie sur un prétendu rôle de commandement de
24 Sljivancanin dès le mois d'octobre ne lui est venu à l'esprit qu'au moment
25 de rédiger son réquisitoire. Je n'insisterai pas davantage sur les diverses
26 évacuations, mais vous trouverez dans notre mémoire écrit un grand nombre
27 de détails à ce sujet. J'appelle votre attention sur la pièce à conviction
28 829, qui est une séquence vidéo. Le fait que les instances de sécurité
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1 pouvaient penser que la partie croate allait détourner le convoi du mois
2 d'octobre et l'utiliser à ses propres fins est un élément de preuve
3 supplémentaire qui démontre la participation active des organes de sécurité
4 dans l'escorte assurée aux personnes évacuées. On trouve mention de cela
5 aux pièces 408 et 878.
6 M. Moore est tout à fait au courant de cela, mais apparemment il
7 choisit de l'oublier, ce qui est intéressant c'est qu'on peut le voir au
8 paragraphe 530, où il prétend que Sljivancanin commandait l'évacuation du
9 mois d'octobre. C'est ce qu'on lit en note en bas de page 1 653, où M.
10 Moore invoque la déposition du Dr Bosanac, de Njavro, et d'un autre témoin.
11 Je n'ai pas pu découvrir cette interprétation des faits dans ses
12 déclarations préalables de témoins. Quant à l'évacuation du 18 novembre, la
13 Défense a déjà présenté un certain nombre d'arguments par écrit. Nous
14 entendons une nouvelle thèse de la part de M. Moore, qui est tout à fait
15 contraire à ce qu'il a dit avant le procès, à savoir que c'est M.
16 Sljivancanin qui exerçait le commandement à ce moment-là.
17 Quant à la réalité des faits s'agissant de déterminer qui était
18 chargé de l'évacuation, elle ressort de façon très claire des éléments de
19 preuve produits, et ne saurait dépendre d'éléments de preuve indirects ou
20 de construction de toutes pièces. La sécurité et le transport des personnes
21 évacuées étaient la tâche du 2e Bataillon de la police militaire de
22 Paunovic et du 3e Bataillon d'assaut commandé par le commandant Stupar.
23 C'est ce qu'on voit très clairement à la lecture de la pièce 831.
24 Quant à l'organisation, à la sécurisation et à la nomination du commandant
25 du camp d'Ovcara, ainsi que le démantèlement de ce camp, il nous faut nous
26 pencher pour trouver des éléments évoquant ces faits sur la pièce 371, où
27 nous trouvons des décisions fondamentales, par rapport à l'évacuation,
28 prises par le commandant Vojnovic. Ce sont des ordres donnés par le
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1 commandant à ses propres unités, et c'est la seule réalité à prendre en
2 compte. C'est un véritable modèle d'évacuation, et son organisation et
3 l'évacuation de l'hôpital était censée respecter ce modèle.
4 J'aimerais maintenant que nous passions à huis clos partiel, quelques
5 instants.
6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
7 [Audience à huis clos partiel]
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22 [Audience publique]
23 M. LUKIC : [interprétation] Ce qu'on peut conclure de façon fiable sur la
24 base de différents documents importants et des témoins compétents c'est
25 quelque chose que le Procureur a du mal à accepter, et encore plus mal à
26 dire. Au cours de cette évacuation, le rôle-clé a été joué par le colonel
27 Pavkovic. En ce qui concerne les négociations, les transferts et
28 l'évacuation des malades, il l'a fait, il l'a fait bien, et il a été
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1 félicité de cela. C'est lui qui mène les négociations. C'est lui qui en
2 informe le commandement. C'est suite à ses informations que le commandant
3 fait un ordre. Vous pouvez regarder ce qui figure au niveau de la date du
4 18 novembre à 14 heures et 14 heures 30 dans le journal de guerre. M. Moore
5 l'a vu, mais il l'a ignoré.
6 Pavkovic est là pour contrôler le départ du groupe de Mitnica à Ovcara le
7 19 novembre, au moment où ils sont partis à Mitrovica. C'est le témoin du
8 Procureur, Vojnovic, qui l'a dit à la page 9 080 du transcript, et personne
9 ne l'a contesté. La conclusion du Procureur qui dit que la Brigade
10 motorisée de la Garde fait tout en vertu des règles au moment où la Croix-
11 Rouge internationale est présente, c'est une conclusion qui va beaucoup
12 trop loin. La Croix-Rouge internationale, notamment M. Borsinger, n'étaient
13 pas présents à Ovcara au moment de l'évacuation des civils. Cependant, tout
14 a été fait en accord avec les règles et les critères internationaux. Tout a
15 été fait de façon professionnelle, humaine, avec un engagement total des
16 soldats et des officiers de la Brigade motorisée de la Garde, même si la
17 Croix-Rouge n'était pas présente.
18 On peut en arriver aux mêmes conclusions par rapport à l'évacuation
19 du 18 novembre, à partir de documents que nous avons et même à partir des
20 différentes dépositions où l'on peut voir quel est le rôle de Sljivancanin
21 au cours de cette évacuation, à savoir qu'il n'en avait aucun. Le Procureur
22 oublie que Velepromet était organisé comme un centre d'accueil beaucoup
23 plus tôt que la date du 19 novembre et que plusieurs évacuations ont été
24 organisées à partir de cette localité avec les civils qui quittaient la
25 région touchée par la guerre. C'est quelque chose que le Dr Vesna Bosanac
26 savait et elle a insisté là-dessus en disant que les civils ne venaient pas
27 à l'hôpital et qu'ils devaient se rendre à Velepromet.
28 Le Témoin P-301 en parle -- ou plutôt P-031, à la page 3 533, ainsi
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1 que Tanja Dosen et le Dr Bosanac elle-même, à la page 1 721.
2 Même si le Témoin Bosanac n'est pas vraiment d'accord avec cela, cela
3 ne la dérange pas. Elle a tout de même confirmé devant ce Tribunal qu'elle
4 n'a pas reproché à Borsinger d'avoir amené les civils, parce qu'à l'époque
5 elle devait être consciente du fait qu'à ce moment-là de nombreux membres
6 des ZNG et du MUP étaient déjà arrivés à l'hôpital, c'était le 19 novembre,
7 qui sont venus pour se cacher, pour se camoufler et se déguiser, et qu'il
8 fallait les impliquer dans cette évacuation à tant que malades et que
9 blessés. Le grand nombre de civils qui étaient présents à l'hôpital l'a
10 dérangé plutôt au cours de ce travail.
11 En ce qui concerne les conflits entre Sljivancanin et Borsinger avant
12 l'incident avant du 20 novembre, ils n'existaient pas.
13 Maintenant je vais vous rappeler le langage des signes sur lequel a
14 insisté M. Moore quand il parlé de l'arrogance de Sljivancanin et de sa
15 position un peu conflictuelle qui était permanente d'après lui.
16 Est-ce que vous savez pourquoi M. Moore ne vous a pas laissé entendre
17 le son de cet enregistrement ? Parce que ceci dérange sa thèse quand il dit
18 que Sljivancanin obstruait de façon constante le travail de la Croix-Rouge
19 internationale. Parce qu'au cours de ce dialogue, que nous avons pu voir
20 tant de fois depuis le début du procès, vous le connaissez par cœur, j'en
21 suis sûr, Borsinger dit : "Je suis habitué à une meilleure coopération," et
22 il s'adresse à Sljivancanin. Borsinger affirme devant une caméra qu'il
23 avait une bonne coopération avec la JNA jusqu'alors. C'était le 18 ou le 19
24 novembre.
25 Rappelez-vous qui a introduit Borsinger aux journalistes, d'après la
26 déposition de van Lynden. Sljivancanin en a parlé au cours de sa
27 déposition.
28 Les rapports amicaux entre Sljivancanin et Borsinger, dont le
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1 Procureur parle de façon cynique entre guillemets, ont été aussi confirmé
2 par les dires de Borsinger. Il a fait parce qu'il s'est adressé à
3 Sljivancanin.
4 Velepromet n'a jamais été la responsabilité de Sljivancanin ou de la
5 JNA. Le Procureur interprète à tort la pièce à conviction 835, et c'est
6 avec cela qu'il corrobore cette thèse. Je vous prie de bien vouloir
7 examiner avec beaucoup d'attention cette pièce à conviction, par ce que ce
8 que faisait Borisavljevic quand il voulait découvrir les membres des ZNG et
9 du MUP, on essaie, par le biais de ces actes, de dire que Sljivancanin
10 avait exercé un contrôle efficace sur cette installation. Il n'y a pas de
11 preuve pour appuyer cette thèse puisque les documents que le Procureur
12 invoque démontrent exactement le contraire.
13 Les rapports du OB qui ont été versés au dossier démontrent qu'il n'y
14 avait pas de problème dans cette installation avant la nuit du 19/11. Le
15 Procureur, dans son acte d'accusation, accuse Sljivancanin et Mrskic
16 d'avoir été au courant des crimes qui ont eu lieu le 19 novembre, ceci dans
17 le paragraphe 31. A nouveau, la Défense attire l'attention sur un détail
18 très important; si Sljivancanin avait su quoi que ce soit ou supposé quoi
19 que ce soit au sujet de ces crimes, est-ce que ce même jour il serait
20 présenté là-bas le 19 novembre dans l'après-midi ? Est-ce qu'il y aurait
21 emmené Cyrus Vance et la délégation des Nations Unies ainsi que des
22 nombreux journalistes ? Est-ce qu'il aurait permis à M. Vance de discuter
23 avec de nombreux civils appartenant à différents groupes ethniques en
24 attendant l'évacuation. Vous avez ces informations dans les pièces 69, 70
25 et 861.
26 Si l'évacuation de Velepromet était vraiment la responsabilité de
27 Sljivancanin, comme le dit le Procureur, ou des organes de sécurité, comme
28 l'a dit la Défense de M. Mrksic, on n'aurait pas à envoyer des rapports
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1 concernant cette évacuation, ce n'est pas le Groupe opérationnel sud qui
2 aurait envoyé des rapports concernant cette évacuation, ceci peut être
3 trouvé dans la pièce à conviction 418. Le travail de tous les organes de
4 sécurité à Velepromet, à l'hôpital, le lendemain, comme à Vucedol la
5 veille, était exactement tel que décrit dans la pièce 401 dans
6 l'inscription correspondant à 20:19:11, où l'on peut lire que c'est eux qui
7 sont venus pour séparer les membres des forces armées croates de la
8 population civile.
9 Le transport, la sécurité et la sécurité [comme interprété] a été
10 assuré par d'autres organes de sécurité du Groupe opérationnel sud et du 1er
11 District militaire.
12 Puisqu'on parle de Velepromet, je dois évoquer cette phrase célèbre du
13 témoin Vujic qui l'a dit devant vous pour la première fois alors même que
14 depuis 1999, il a déposé déjà quatre fois. Il a dit qu'apparemment
15 Sljivancanin aurait dit, d'après ce qu'il a dit : "Ne soyez pas surpris si
16 un Chetnik de temps en temps égorge un Oustachi."
17 M. Korica est un officier honnête, tout comme M. Moore dit la même chose au
18 sujet de M. Vujic, donc ce même officier dit qu'il n'a pas entendu cela. Il
19 le dit de façon catégorique alors que Korica a dit qu'il était présent à ce
20 moment-là. Mais Vujic finalement se contredit, et c'est cela qui est le
21 plus important. A la page 4 785 et surtout 4 795, on lui a montré ce qu'il
22 a dit au cours du procès à Belgrade contre Vujanovic et autres, où Vujic a
23 dit qu'il a été surpris d'avoir vu les Chetniks à Velepromet parce que
24 personne ne leur a dit au préalable qu'ils allaient peut-être rencontrer
25 des Chetniks là-bas, et il l'a dit de façon catégorique que personne ne
26 leur a dit qu'ils allaient peut-être avoir éventuellement des problèmes.
27 Pour nous, c'est quelque chose qui est très fiable. C'est quelque chose qui
28 a été dit, c'est sûr, puisque nous avons aussi l'enregistrement audio de
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1 cette déposition. Donc il s'agit d'une affirmation absolument claire, et il
2 est étonnant de voir que ce témoin, pour la première fois devant ce
3 Tribunal, se rappelle de cette phrase qui dit exactement le contraire de ce
4 qu'il a dit à Belgrade. Sljivancanin ne l'a jamais dit. D'ailleurs Korica
5 le confirme de façon catégorique aussi. Vujic quand il parle de cela est
6 plutôt confus et il n'est pas vraiment sûr.
7 D'ailleurs, le Procureur a décidé d'ajouter cette phrase au moment où
8 il essayait d'inclure les événements à Velepromet dans l'acte d'accusation.
9 Maintenant, nous allons passer à la question qui est vraiment une question
10 fondamentale pour la Défense de Sljivancanin quand il s'agit de déterminer
11 sa responsabilité pénale. Est-ce que c'est lui qui a été le commandant de
12 l'évacuation de l'hôpital, de l'évacuation des blessés, des malades et des
13 personnes, ainsi que le responsable du transfert des personnes de l'hôpital
14 jusqu'à Ovcara, et est-ce qu'il avait cette fonction de commandement de
15 jure sur toutes les personnes qui ont participé à cette évacuation ? Nous
16 avons entendu les arguments du Procureur et de la Défense de Mrksic, mais
17 les motifs sont différents. Pour le Procureur, il est important de prouver
18 que Sljivancanin était responsable de jure de l'évacuation de l'hôpital en
19 déléguant ces autres commandants, les commandants qui lui sont subordonnés,
20 puisque le Procureur sait que Sljivancanin de par sa fonction n'a pas une
21 fonction de commandement.
22 En ce qui concerne la Défense de Mrksic, ils avaient besoin d'éloigner
23 Mrksic le plus loin de cette activité de l'évacuation de l'hôpital, même
24 s'il s'agit de l'évacuation des blessés et des malades, et surtout il est
25 important pour la Défense de Mrksic de prouver qu'il n'était absolument pas
26 responsable du transport, de la sécurité et de l'hébergement des
27 prisonniers de guerre.
28 Est-ce qu'un commandant peut passer ses autorités à un autre
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1 officier ? Il y avait un certain nombre de règles qui permettaient une
2 telle délégation des fonctions de façon orale et par écrit; cependant,
3 d'après les règles du service de sécurité, une telle mission ne pouvait pas
4 être donnée par le commandant en dehors de ses propres responsabilités.
5 Article 48, pièce à conviction 107.
6 Est-ce que la sélection et la séparation relèvent des tâches des
7 services de sécurité ? La réponse de la Défense : oui.
8 Est-ce que le transport et la sécurité des prisonniers de guerre et
9 l'évacuation des blessés et des malades relèvent de l'autorité des organes
10 de sécurité ? La réponse dit que non.
11 Est-ce que Mrksic a pu donner l'ordre à Sljivancanin de faire office
12 de commandant chargé de l'évacuation de l'hôpital ? La Défense affirme que
13 non.
14 Est-ce que pour une telle décision, aussi illégale soit-elle, il a
15 été nécessaire de faire une décision à part, une décision écrite ? Le
16 témoin du Procureur Trifunovic, pour lequel on dit que c'est un expert, et
17 je suis tout à fait d'accord, le dit de façon catégorique que c'est quelque
18 chose absolument indispensable, et ceci figure à la page 8 324 du compte
19 rendu d'audience.
20 Ce qui est absolument évident maintenant par rapport à la façon dont
21 le Procureur aborde cette thèse, c'est que M. Moore a fait référence à
22 l'expert Vuga et Pringle dans le paragraphe 81 de son mémoire final, ainsi
23 que dans la note de bas de page 3 063 [comme interprété]. Le Procureur pour
24 réaliser son objectif utilise différents critères quand il s'agit de
25 discuter des règles ou de les expliquer. Pour la resubordination, pour lui,
26 il est nécessaire d'avoir une décision écrite, mais pour les missions qui
27 ne sont pas les missions habituelles, par exemple d'un service, quand il
28 s'agit de l'opération et de l'évacuation de l'hôpital, l'existence d'un
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1 ordre écrit n'est pas quelque chose qui est important.
2 Nous avons aussi lu la thèse de Vasic qui figure dans son mémoire
3 final quand il s'agit de la mission de la sélection et du tri qui, d'après
4 Vasic, n'a rien à voir avec le commandant, pour ceci Sljivancanin a été
5 placé à la place du commandant de l'évacuation par un ordre donné oralement
6 le 19 novembre, et que tout le monde l'a entendu. Ceci figure à la page
7 185. Quels officiers étaient là ? Paunovic qui était présent, on ne l'a pas
8 entendu. Susic qui a été présent ne l'a pas entendu. Gluscevic qui est un
9 membre du commandement, il aurait dû être présent.
10 Correction. A la page 21, ligne 25. Paunovic a assisté à la réunion -
11 c'est ce qu'il a dit au cours de sa déposition - donc Gluscevic, un membre
12 du commandement aurait dû être présent à cette réunion - Gluscevic est un
13 témoin de la Défense de M. Mrksic - mais M. Vasic ne lui a pas posé une
14 question à ce sujet. Lesanovic, membre du commandement, il a assisté à
15 cette réunion, mais M. Vasic ne lui a posé cette question-là. D'ailleurs M.
16 Vasic est celui qui défend cette thèse justement. Vojnovic ne sait rien au
17 sujet de cette évacuation. Nous l'avons entendu au cours de sa déposition
18 alors qu'il était membre de ce commandement il a participé aux réunions.
19 On ne pose pas la question de savoir alors qu'il s'agit de prouver
20 une thèse, un argument. Les faits en l'espèce doivent être établis sur la
21 base de dépositions des témoignages des pièces présentées et pas sur la
22 base de thèses présentées dans les plaidoiries.
23 Enfin, le Procureur et la Défense de M. Mrksic, quand ils essaient de faire
24 valoir cette thèse, ils se réfèrent exclusivement à ce qu'a dit le témoin
25 Panic dans sa déclaration préalable donnée au Procureur en l'an 2005. Cela
26 en dit long sur ce témoin et sur ce qu'ils font, parce que la Défense de
27 Mrksic et le bureau du Procureur ont fait figurer Panic sur la liste des
28 témoins, mais ils ont laissé tomber ce témoin très rapidement par la suite.
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1 La Défense de Sljivancanin affirme, ce qui a été démontré au cours de la
2 déposition même de M. Panic, que M. Moore aussi bien que M. Vasic savaient
3 très bien ce que Panic allait dire. Quels sont les documents qu'ils lui ont
4 montrés et quels documents ils n'ont pas montrés au cours de la préparation
5 de ce témoin, et à quel point il leur importait qu'il ne vienne pas
6 déposer.
7 Vous avez vu au cours de ces deux journées à quel point ils ont du
8 mal à accepter la déposition de M. Panic, d'ailleurs ceci figure même dans
9 leurs mémoires finaux. Alors, qu'est-ce qu'a dit exactement M. Panic par
10 rapport à la mission de l'évacuation de l'hôpital ? Devant ce Tribunal, il
11 a dit clairement que Sljivancanin avait reçu une mission très précise par
12 le commandant. Il s'agissait de séparer les gens suspectés d'avoir
13 participé aux opérations de combat et d'organiser une évacuation sur des
14 malades et des blessés; transcript page 14 294-5.
15 Sljivancanin ne s'est jamais vu octroyer une fonction de commandement
16 par rapport à l'évacuation de l'hôpital, et ceci n'a jamais été entendu par
17 qui que ce soit lors de la réunion qui a eu lieu au centre du commandement
18 du Groupe opérationnel sud le 19 novembre 1991. Il s'est vu octroyer des
19 missions qui relevaient de ces fonctions, comme les autres organes
20 recevaient des missions correspondantes, à savoir la logistique devait
21 s'assurer du transport; la police militaire, de la sécurité; les services
22 sanitaires, du tri des malades et des blessés. Panic et toutes les autres
23 personnes qui ont participé à l'évacuation ont dit que Sljivancanin ce
24 jour-là n'a donné aucun ordre, et qu'il ne faisait pas de rapport à
25 Sljivancanin au sujet de ce qu'ils ont fait ce jour-là. Ils dont dit en
26 avoir informé leur commandant Mrksic.
27 Les faits en parlent, les dépositions en parlent, et on ne peut pas
28 se fier à cette déclaration préalable qui a été recueillie de façon assez
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1 douteuse.
2 En ce qui concerne la façon dont a été recueillie cette déclaration
3 préalable de Panic - et qui est maintenant la seule source pour cette
4 thèse, aussi bien de la Défense de Mrksic que du bureau du Procureur qui
5 nous parle de cette prétendue fonction de commandement de jure de
6 Sljivancanin, de cette méthode dont a parlé Panic lui-même à la page
7 14 546-48 du transcript. La méthode était toute simple. Il s'agissait de
8 montrer uniquement les documents qui vous conviennent, qui servent votre
9 thèse, alors que le Procureur et la Défense de Mrksic disposaient d'un
10 grand nombre de documents qui disaient exactement le contraire.
11 En dépit de cela, le Procureur dans son mémoire final au paragraphe 573 se
12 demande sur la base de quoi les témoins de la Défense se sont rafraîchis la
13 mémoire ? Bien, ce sont les témoins qui l'ont dit eux-mêmes, sur la base
14 des documents que le Procureur avait à l'époque où il a recueilli leurs
15 dépositions préalables, puisque de toute façon ils nous ont communiqué ces
16 documents au préalable. Mais il ne voulait pas montrer ces mêmes documents,
17 puisque ce n'était pas de leur intérêt, à ces mêmes témoins par exemple,
18 différents documents militaires ou différents documents de la MOCE.
19 Cette seule déclaration préalable sur laquelle le Procureur base sa
20 thèse concernant le rôle de commandement de Sljivancanin a été recueillie
21 de Panic 15 années après l'événement. Aujourd'hui, il nie cela en disant
22 qu'on lui a rafraîchi la mémoire en lui montrant un grand nombre de
23 documents, mais ce sont les documents qui ont été montrés pour la première
24 fois.
25 Qui ne veut pas que l'on jette la lumière sur cette affaire ? Et
26 comme cerise sur la tarte commune, que vous proposent le Procureur et la
27 Défense de Mrksic, il faut ajouter qu'au moment où cette unique déclaration
28 préalable de Panic où l'on parle de cette responsabilité de jure de
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1 Sljivancanin, Panic était sur la liste des témoins de la Défense de Mrksic
2 aussi bien que du bureau du Procureur. Ensuite, les deux l'ont abandonné.
3 Pourquoi ? Pour que vous ne trouviez pas la vérité. Et Panic, en tant que
4 témoin de la Défense et qui voulait trouver la vérité, a dit ce qui suit :
5 "Nous sommes ici pour trouver la vérité. Aux moments les plus difficiles,
6 je suis allé déposer. Je suis venu ici et cela m'importe peu de savoir si
7 j'ai été un témoin du Procureur ou d'une Défense ou d'une autre. Cela n'est
8 pas important pour moi. J'ai participé aux événements. Je me souviens de ce
9 dont je me souviens après toutes ces années. Ce que je veux avant tout,
10 c'est que l'on trouve la vérité pour tous ceux qui ont fait leur travail
11 honnêtement, pour tous ceux qui sont morts, pour les victimes de la guerre,
12 à cause des leçons qui doivent être apprises par les générations futures".
13 Est-ce que le témoin en disant cela et en ayant autant de
14 connaissances au sujet des événements qui sont au cœur de l'affaire ici,
15 est-ce qu'il ne fallait pas citer ce témoin, un témoin qui en sait autant ?
16 Vous allez en décider, Madame, Monsieur les Juges, dans votre jugement.
17 Puis il y a encore un autre détail qu'il faut noter par rapport à la
18 prétendue fonction de commandement par rapport à l'évacuation de l'hôpital.
19 La pièce 419 est le seul document écrit où l'on parle de l'évacuation de
20 l'hôpital. L'ordre concernant les missions de ce jour-là a été signé par le
21 colonel Mrksic. Il n'y a aucune information quant à un rapport des
22 autorités du commandement sur qui que ce soit d'autre. Ces missions ont été
23 confiées à toutes les unités, et toutes les unités sont responsables de
24 l'exécution de cet ordre devant le commandant, et c'est exactement ce qui
25 s'est passé ce jour-là.
26 C'est Mrksic qui a été informé des missions accomplies par rapport à
27 l'évacuation de l'hôpital, par rapport à l'évacuation des blessés, des
28 malades, et même par rapport à l'évacuation qui s'est terminée à Ovcara.
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1 Nous en avons parlé en détail dans notre mémoire final.
2 Le témoin Trifunovic qui aussi a écrit cette décision et qui était l'auteur
3 du journal de guerre n'avait aucune information quant à l'éventuel
4 commandement ou prétendu commandement de Sljivancanin au cours de
5 l'évacuation. Ceci figure à la page 8181-2 [comme interprété]. En revanche,
6 il a décrit en détail ce qu'a fait le commandant du quartier général, à la
7 page 8 009, à savoir qu'il suit la façon dont est exécuté et respecté
8 l'ordre du commandant, et il informe le commandant sur la façon dont son
9 ordre a été exécuté.
10 Regardons ce que Panic a fait le 20 novembre. Nous pouvons en conclure, sur
11 la base des pièces présentées, qu'il a reçu l'ordre du commandant. Il s'est
12 rendu à une session du gouvernement avec certaines instructions, et après
13 cela il informe le commandant de ce qui s'est passé au cours de la réunion.
14 Ensuite, il se rend à Ovcara pour voir de quelle façon on exécute cette
15 décision du gouvernement, puis il en informe le commandant, le commandant
16 Mrksic. C'est la façon classique dont agissent les chefs du quartier
17 général. Ceci relève de ses fonctions, et il fait cela suite aux décisions
18 prises par le commandement.
19 Même si la Chambre accepte la déposition de Gluscevic concernant
20 l'ordre qui a été envoyé à feu Bozic, on doit voir qui a donné l'ordre
21 concernant Ovcara. D'après le témoin Gluscevic, Mrksic n'a jamais dit : "Je
22 ne suis pas compétent. Cela Vojnovic, va voir Sljivancanin, les prisonniers
23 relèvent de sa compétence." Non. Pendant toute cette journée-là, aucun
24 officier supérieur du Groupe opérationnel sud du commandement supérieur,
25 les représentants du commandement Suprême, personne ne s'est adressé à
26 Sljivancanin en exigeant qu'il s'engage dans les opérations. Ils envoyaient
27 toutes leurs demandes au commandant. C'est à lui qu'ils s'adressaient et
28 c'est de lui qu'émanaient tous les ordres.
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1 Je voudrais intervenir par rapport à ce que je vois au compte rendu
2 d'audience.
3 Quand j'ai parlé de M. Gluscevic - c'est à la page 27, ligne 7 du
4 compte rendu d'audience, le colonel Mrksic ne s'est pas adressé à lui quand
5 j'ai cité ses propos. Ceci aurait été logique si Sljivancanin avait été le
6 commandant de l'évacuation. Je voudrais peut-être aller plus vite et, à
7 cause de cela, je complique peut-être quelque peu les choses. Je répéterai
8 maintenant la phrase.
9 Même si le Tribunal accepte la déposition de Gluscevic quant au soi-
10 disant ordre que Mrksic aurait donné à feu Bozic, le Tribunal pourra
11 déterminer très clairement qui a émis les ordres concernant Ovcara, car le
12 commandant Mrksic, d'après les propos de Gluscevic, n'avait jamais dit :
13 "Je ne suis pas compétent en la matière." Il a donné l'ordre que, si
14 nécessaire, il fallait aller à Ovcara. D'après la déposition de Gluscevic,
15 Mrksic dit : "S'il est nécessaire, prenez un bataillon armé et allez à
16 Ovcara". Il n'a pas dit : "Je n'ai rien à voir avec cela, c'est
17 Sljivancanin qui est le commandant".
18 Le Procureur parle également que lors de la réunion du 19 novembre
19 Sljivancanin avait déclaré que c'était lui en personne qui était chargé de
20 l'évacuation.
21 Dans son écriture, la Défense a parlé de manière très détaillée quant
22 à cette réunion qui, apparemment s'était tenue à Negoslavci autour de 21
23 heures, et elle a apporté des preuves qui prouvent que la réunion n'avait
24 jamais eu lieu entre Sljivancanin et Gluscevic, qu'ils s'étaient tout
25 simplement rencontrés vers 20 heures, et que Sljivancanin n'avait rien dit
26 quant à sa fonction de commandement. Ici, je fais appel à ce qu'avait dit
27 le témoin Korica dans sa déposition.
28 Pour conclure à ce sujet, aucun document ne parle de l'évacuation de
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1 l'hôpital qui aurait été ordonnée par Sljivancanin. Tout ceux de la
2 structure de commandement, du commandement opérationnel sud, de la Brigade
3 motorisée, du Groupe de sécurité du 1er District de l'armée, qui avaient
4 soit participé, soit étaient au courant de l'évacuation de l'hôpital.
5 Regardez notre mémoire de clôture, les paragraphes 313 à 335 qui relèvent
6 de cela, il en résulte que, ce jour-là, Sljivancanin n'avait donné aucun
7 ordre. Tous les rapports de tous les participants à l'évacuation rendaient
8 compte au commandant et c'était lui qui, sur la base de ces rapports,
9 sélectionnait les personnes. Ceci est vu toutefois dans le rapport
10 quotidien qui a été émis vers 18 heures le 20 novembre.
11 Passons maintenant à l'évacuation. Vous avez pu entendre deux
12 versions sur la façon dont l'évacuation aurait dû se dérouler. Deux
13 versions et deux thèses. On parle dans les deux versions de la réunion du
14 gouvernement de la SAO SBSO, qui aurait changé le cours des événements.
15 Tout le monde se réfère à Sljivancanin, alors que nous devons constater que
16 personne n'a jamais témoigné en disant que Sljivancanin en savait quoi que
17 ce soit.
18 Le bureau du Procureur sait très bien, d'après les documents et
19 d'après les déclarations des témoins, à quel point Sljivancanin était en
20 conflit avec certains membres en vue de ce gouvernement. Par exemple, le
21 ministre des Affaires intérieures, Bogunovic, et aussi quels rapports il a
22 envoyé quant au premier ministre Hadzic. Pièce à conviction 843.
23 L'Accusation sait très bien quelle déclaration avait fait Goran
24 Hadzic à la télévision de Belgrade, et M. Vasic le savait très bien. Ils
25 avaient utilisé tellement de temps et déployé tellement d'efforts pour nous
26 montrer que cette pièce à conviction n'était pas valable. Il s'agit de la
27 pièce à conviction 576.
28 D'après la Défense, c'est un document-clé dans cette affaire. Et ce
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1 document nous donne la clé pour comprendre les événements qui ont suivi.
2 Nous affirmons qu'il s'agissait d'événements qui n'avaient pas été prévus,
3 planifiés, ni prévisibles, et M. Sljivancanin n'y avait participé en aucune
4 sorte.
5 Ce document détruit complètement la thèse fragile du Procureur par
6 laquelle M. Sljivancanin aurait participé à l'entreprise criminelle
7 commune.
8 Comment agit le Procureur ? La déclaration de M. Hadzic a été déjà
9 versée au dossier dans l'affaire Dokmanovic. M. Hadzic, membre du
10 gouvernement. Dans l'autre affaire, c'était un document qui était valable
11 et qui avait valeur probante. Par la suite, le Procureur le met sur la
12 liste 65 ter dans l'espèce, mais après tout, se décide de ne pas l'utiliser
13 au moment où il présentait leurs moyens de preuve. C'était leurs droits.
14 Par la suite, à notre plus grand étonnement, le bureau du Procureur était
15 tout à fait contre que la Défense de M. Sljivancanin s'en serve comme
16 preuve. Vous pouvez très bien voir à quel point le bureau du Procureur
17 souhaite établir la vérité. Ils veulent peut-être tout simplement des
18 poursuites. Ils fuient leurs propres moyens de preuve quand ceux-ci ne leur
19 conviennent pas. A ce moment-là, la vérité ne prime plus.
20 Pourquoi cette pièce à conviction dérangerait tellement la Défense de M.
21 Mrksic ? Parce qu'elle corroborait la thèse que nous entendons dès le début
22 de ce procès, c'est-à-dire que ce jour-là, le gouvernement lors de leur
23 réunion aurait décidé de changer la direction de l'évacuation, et qu'il
24 n'était pas prévu ce jour-là d'aller vers Ovcara. Ici, nous rentrons déjà
25 dans la raison pour laquelle cette manière de preuve dérange tellement la
26 Défense du colonel Mrksic, parce que nous avons les documents que nous
27 avons présentés dans notre mémoire, parce que ceci figurait dans le journal
28 de guerre. A M. Moore, cette thèse ne convient pas non plus, parce que M.
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1 Vojnovic et sa brigade se trouvent dans une position beaucoup moins
2 enviable. Il s'agissait des populations auxquelles devaient faire face
3 d'autres participants alors quand il présentait ses preuves.
4 Nous, nous ne l'avons pas rencontré. Pourquoi ne pas le faire quand
5 on parle d'Ovcara. Pourquoi est-ce que tout le monde n'aiderait pas pour
6 que les plaies qui ne peuvent pas se refermer ne pourraient pas au moins
7 faire moins mal.
8 Hadzic ne dit pas que ce jour-là, il y a eu une réunion du gouvernement, il
9 ne s'agissait pas d'une réunion informelle. La décision principale du
10 gouvernement était que les prisonniers ne pouvaient pas sortir du
11 territoire et qu'ils s'étaient mis d'accord avec les représentants des
12 autorités militaires à ce que ces prisonniers restent dans leurs camps aux
13 environs de Vukovar. Ceci a été dit. Cette déclaration de Goran Hadzic est
14 complètement en accord avec ce que disent Vujic et Panic qui étaient à la
15 réunion. La note de Panic n'a pas été écrite après 2001, M. Vasic en est
16 tout à fait au courant puisqu'il avait envoyé cela au Procureur le 28
17 décembre 1998, quand il avait été témoin. Cette note est tout à fait en
18 accord avec ce qu'a dit M. Vujic comme le dit dans le compte rendu
19 d'audience 4 562.
20 Pour la Défense de Sljivancanin, la menace du ministre de
21 l'Intérieur, Bogunovic, à l'encontre duquel Sljivancanin avait entrepris
22 des poursuites judiciaires en disant que les gens allaient se mettre sous
23 les chars si on ne leur remet pas les prisonniers.
24 Ce qui a été dit par Panic, c'était que les gens à l'époque allaient
25 se mettre sous les chars, et non pas lui, Panic.
26 Il est clair que la décision du gouvernement qui a eu son aval était tout
27 simplement qu'on avait décidé, non pas d'envoyer le convoi à la prison de
28 Mitrovica, mais vers Ovcara. C'est cela qu'il faut établir clairement.
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1 Après l'information donnée par Panic avec l'accord de M. Mrksic, d'après
2 tout cela, la réunion s'est terminée bien tôt. A la différence de Vasic, je
3 n'ai pas été étonné par les réponses données par Panic. Je ne sais pas
4 pourquoi mon confrère l'avait cité hier. Mais cette décision n'a pas été
5 complètement nouvelle pour les participants aux événements.
6 Pour nous, il est tout à fait clair que tous les prisonniers avaient
7 été à la caserne jusqu'au moment où la décision du gouvernement a été prise
8 lors d'une réunion. Vujic avait confirmé lui-même qu'il était resté à
9 Velepromet pendant encore quelque temps après la fin de la réunion
10 puisqu'il avait eu peur de sortir de la pièce. A la page 4 564. Mais Panic
11 qui avait quitté la pièce tout de suite et qui, d'après sa propre
12 déposition comme celle de Vujic, il s'est rendu tout de suite à la caserne
13 pour informer le colonel Mrksic, et il y a croisé les autocars. Page 14
14 321. Peu de temps après les autocars partent de la caserne et s'en vont
15 vers Ovcara. Goran Hadzic a parlé à la réunion du gouvernement d'Ovcara en
16 termes du camp du gouvernement dans les environs de Vukovar. Ceci figure
17 dans le compte rendu d'audience de la déposition de Panic.
18 Pourquoi la Défense de M. Mrksic est étonnée en disant que c'était
19 tout simplement un hébergement temporaire, qu'autour du camp il n'y avait
20 pas de clôture et qu'il était logique d'envoyer le groupe de Mitnica tout
21 de suite vers Ovcara ? Ils oublient que la caserne de Vukovar était un
22 endroit où la structure militaire était forte. Il s'agissait là d'un poste
23 de commandement avancé qui avait des liens directs et bien établis avec le
24 quartier général de Negoslavci. Il y était situé près du commandement du
25 Groupe opérationnel du 2e Bataillon motorisé. Il y avait les unités du 2e
26 Bataillon motorisé du 1er Bataillon de la Police militaire. Ils oublient que
27 le lendemain les personnes qui étaient à Velepromet et environnants étaient
28 remises dans cette caserne. On leur a assuré la possibilité d'y rester en
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1 sécurité avant d'avoir été transférés à Mitrovica.
2 Ils oublient que la clôture n'était pas du tout importante vu qu'il y
3 avait tant de gardes autour. Alors que la clôture à Ovcara n'a empêché
4 personne d'avoir été passé à tabac le 20 novembre. Si on essaie de voir où
5 se trouve Mitnica et qu'est-ce qui s'était passé à Mitnica, on voit où cela
6 se trouve par rapport à Ovcara et par rapport à l'hôpital. A Mitnica, ils
7 pouvaient choisir qui allait aller où, alors qu'à Mitnica la reddition a eu
8 lieu l'après-midi, à l'hôpital tôt le matin.
9 Les paramètres qui déterminaient l'entreprise criminelle commune, à quel
10 moment cela a été déterminé, il n'y a pas eu de tri. Les personnes auraient
11 dû être mises sur la liste avant leur reddition à la prison de Sremska
12 Mitrovica. Le plan d'évacuation a été changé sans tenir compte de
13 Sljivancanin et de ses collaborateurs. Ceci a été fait en sorte d'être le
14 plus loin de ceux qui critiquaient le gouvernement, de ce gouvernement-là
15 et de leur propre commandement.
16 Quand on regarde la pièce à conviction 629, on voit que le convoi des
17 autocars part de l'hôpital. Il s'agissait de l'évacuation des blessés. Ils
18 passent devant la caserne, ce qui démontre que la caserne était sur le
19 chemin qui allait de l'hôpital vers Sremska Mitrovica. Le convoi, avec les
20 personnes qui ont été sélectionnées, aurait dû au moment où leur sécurité
21 serait assurée se rendre vers la prison à Mitrovica. C'est pour cela que
22 ces personnes ont été placées dans la caserne et c'est pour cela que la
23 caserne était l'endroit le plus propice pour les abriter quelque part.
24 Maintenant je vais dire quelques mots par rapport à ce qu'avaient dit les
25 différents collègues et confrères dans leurs motions de clôture.
26 Le Procureur, au paragraphe 609, dit de manière tout à fait erronée que M.
27 Sljivancanin avait été présent au moment où l'on rendait compte au
28 commandement du Groupe opérationnel quand Vojnovic et Mrksic s'étaient
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1 entretenus. Vojnovic et Vukosavljevic, témoins du Procureur l'affirment.
2 C'étaient eux qui étaient auprès de Mrksic. Il ne s'agissait pas là de
3 Sljivancanin. Il n'était pas là. Ils sont tout à fait déterminés à dire
4 qu'il n'était pas là. Vukasinovic, que M. Moore cite parce que Sljivancanin
5 lui avait dit : "Je vais à la réunion." Mais il n'était pas à la réunion ni
6 devant son poste de commandement, il n'est pas au courant que la réunion
7 est terminée. Ce qui me surprend en la matière, c'est que le Procureur en
8 trois jours et demi du contre-interrogatoire de M. Sljivancanin ne lui ait
9 pas adressé cette question. D'après l'obligation concernant l'article 90
10 (H) à laquelle le Procureur a fait tant de fois référence lors de nos
11 contre-interrogatoires, il ne lui a pas posé cette question, il ne lui a
12 pas exposé sa thèse.
13 Par la suite, je ne ferai pas de commentaires quant à l'affirmation
14 de la Défense de M. Mrksic quant à la falsification de la pièce à
15 conviction 422 par M. Panic. Mais la pièce à conviction 425, le rapport de
16 M. Mrksic du 22 novembre où il se réfère à cette pièce falsifiée qui est
17 tout à fait contestée, M. Vasic.
18 Le 19 novembre, il n'y a pas eu d'entretien entre Sljivancanin et
19 Vasiljevic et surtout cela n'a pas concerné le télégramme. Karanfilov,
20 mentionné par M. Moore, a témoigné qu'il n'avait pas entendu de quoi avait
21 parlé Sljivancanin et Vasiljevic. En revanche, le témoin Karan l'a entendu
22 et il dit qu'ils avaient parlé du désir qu'avaient leurs collaborateurs
23 d'enregistrer l'entretien avec Vidic, alors que Vasiljevic était contraire.
24 Le fait que Sljivancanin ne parle pas très bas, c'est quelque chose que M.
25 Moore a confirmé lui-même quand il parlait de l'arrogance de M.
26 Sljivancanin.
27 Le Procureur affirme de manière erronée qu'il n'avait pas parlé avec ses
28 collaborateurs sur leur mission concernant l'évacuation, mais Sljivancanin
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1 en a témoigné en détail à la page 13 618. Il disait quelles tâches il avait
2 donné à ses collaborateurs.
3 Egalement de manière erronée, le Procureur fait appel à la déposition du
4 témoin P-012, apparemment neuf personnes qui ont été renvoyées de l'hôpital
5 à la caserne pour une résélection et qui ont été envoyés à Ovcara, ceci est
6 erroné. Il n'y a pas eu neuf personnes qui ont été renvoyées là-bas et nous
7 n'avons pas d'autres dépositions qui iraient dans le même sens.
8 Sljivancanin n'a pas été à Ovcara le 19 et le 20 novembre. C'est
9 quelque chose qu'affirme la Défense de M. Sljivancanin depuis notre 15e
10 écriture et pendant tout le procès. Le bureau du Procureur a laissé passé
11 tout ce que disaient leurs témoins qui le décrivaient avec détail, donc
12 Sljivancanin, à l'hôpital mais qui disaient qu'ils ne le voyaient pas ni à
13 Ovcara ni à la caserne.
14 Le seul témoin qui apparemment l'aurait vu à la caserne et à Ovcara,
15 et l'autre témoin qui l'aurait vu uniquement à Ovcara, tous les autres
16 témoins du Procureur et de la Défense n'ont pas incité le Procureur de leur
17 poser la question pour vérifier leur thèse.
18 Je vais continuer à parler sur ce sujet, mais il serait peut-être un
19 bon moment pour procéder à la pause maintenant et je demanderais peut-être
20 d'avoir cinq minutes supplémentaires après la pause.
21 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Nous allons procéder
22 à la pause d'une durée de 20 minutes.
23 --- L'audience est suspendue à 15 heures 41.
24 --- L'audience est reprise à 16 heures 01.
25 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] M. Lukic, vous avez
26 35 minutes, ensuite nous allons entendre le Procureur, s'il y a une
27 réplique.
28 M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Madame le juge.
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1 Je vais essayer d'aborder les thèmes concernant la prétendue présence de M.
2 Sljivancanin à la caserne à Ovcara le 20. Nous en avons parlé en détail
3 dans notre mémoire final. Il s'agissait du Témoin P-009 et de Zlatko
4 Zlogledja. Ici, au cours de mon plaidoyer, je voudrais ajouter que ce qui
5 appuie notre thèse vient des dires des témoins du Procureur. Nous avons
6 demandé à tous les témoins qui ont parlé de l'apparence de Sljivancanin à
7 l'hôpital par rapport à ce qui s'est passé à la caserne ou à Ovcara et,
8 surtout, en ce qui concerne Sljivancanin. Tous ces témoins du Procureur -
9 ils étaient plus que 15 - nous ont tous dit de façon décidée, concise,
10 affirmative, que Sljivancanin n'était pas à la caserne, n'était pas à
11 Ovcara le 20 novembre.
12 Je veux ajouter que tous les témoins de la Défense ont ajouté et
13 confirmé exactement la même chose, ce qui est d'autant plus indicatif par
14 rapport à la façon dont le Procureur prend à la légère cette thèse, c'est
15 justement le fait qu'il n'a posé à aucun de ses témoins cette question. Il
16 n'a présenté son argument à aucun de ces témoins, à aucune occasion parce
17 qu'il sait quelle aurait été la réponse.
18 Pourquoi je rappelle ceci à M. Moore ? Parce que dans son
19 réquisitoire, de façon tout à fait fantaisiste, il a dit sans aucun
20 fondement qu'il n'y avait que Susic qui a dit que Sljivancanin n'était pas
21 vu à la caserne, que Susic n'était pas pendant tout ce temps devant les
22 autocars. Je voudrais rappeler à M. Moore que devant le bus - parce que je
23 ne vais pas parler de ce qui s'est passé dans le bus - que Panic,
24 Vukasinovic, Maric et Karanfilov étaient tous présents devant le bus dans
25 des périodes différentes et qu'aucun de ces témoins n'a vu Sljivancanin.
26 Je veux aussi rappeler à M. Moore qu'il ne faut pas qu'il oublie tous
27 ces témoins, tous les documents, tous les enregistrements vidéo qui ont
28 montré clairement où se trouvait Sljivancanin au moment où il aurait été vu
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1 à la caserne et à Ovcara. Je voudrais rappeler au Procureur qu'il affirme
2 d'ailleurs dans son mémoire final, au niveau du paragraphe 565, que
3 Sljivancanin était à l'hôpital à 14 heures 30, c'est précisé au paragraphe
4 225. Mais je voudrais aussi attirer votre attention sur la pièce 341,
5 puisque c'est M. P-009 qui dit là qu'il est arrivé vers 16 heures de
6 l'hôpital. C'est justement à ce moment-là que le témoin du Procureur P-009
7 affirme que Sljivancanin était à ce moment précis à Ovcara.
8 Pourquoi nous avons insisté sur ce cadre temporel précis par rapport
9 à la prétendue présence de Sljivancanin à Ovcara, alors que le témoin P-009
10 esquivait le plus possible sa mémoire et ce qu'il avait dit dans ses autres
11 déclarations préalables ? Parce qu'il était physiquement impossible que
12 Sljivancanin soit présent, parce qu'il avait soit un don d'ubiquité - il y
13 avait plusieurs Sljivancanin à Vukovar - ou c'était Sljivancanin qui était
14 l'image de toute la présence de la JNA à Vukovar.
15 En dépit de la mauvaise interprétation de la part des médias de son
16 rôle dans les événements de Vukovar, tous les témoins du Procureur étaient
17 affirmatifs : Sljivancanin n'était pas présent ni à la caserne ni à Ovcara.
18 Ensuite, nous avons ce document, cette série de documents, avec les
19 déclarations des témoins par rapport à Sljivancanin qui démontre bien de
20 quelle façon M. Moore a abordé sa tâche quand il s'agissait de présenter
21 son réquisitoire. Prends ce qui te convient, pour tout le reste on va faire
22 semblant que cela n'existe pas, que ceci n'a jamais été dit, comme si
23 personne d'autre n'a été présent ici en l'espèce pendant une année et
24 demie, comme si personne d'autre n'a entendu toutes ces dépositions. On ne
25 peut pas ignorer ce qu'ont dit tous ces témoins, tous ces témoins qui
26 savaient en détail expliquer l'apparence de Sljivancanin et qui ont dit
27 qu'ils n'ont jamais vu Sljivancanin à la caserne où à Ovcara. Alors que M.
28 Moore a dit que Sljivancanin avait une apparence tellement était tellement
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1 caractéristique qu'on pouvait le reconnaître d'une distance d'un kilomètre.
2 Vous allez avoir beaucoup à faire, Madame, Monsieur les Juges quand il va
3 s'agir de comparer toutes ces dépositions. Parce qu'il y en a qui disent
4 que Sljivancanin ne leur a pas parlé. D'autres disent qu'il leur a parlé.
5 Il y en a qui disent qu'il a donné des ordres. D'autres qui ne l'ont pas
6 entendu. Il y en a qui disent qu'il était venu, qu'il était présent devant
7 le bus. D'autres disent qu'il n'était pas là. Il y en a qui disent qu'il a
8 ordonné que les autobus démarrent. D'autres disent que c'est un autre
9 officier qui a donné cet ordre-là. Ce qui est clair c'est que tous ces
10 témoins disent que Sljivancanin a été tout cet après-midi à l'hôpital et
11 dans l'enceinte de l'hôpital.
12 Qu'est-ce qu'il faisait, qu'est-ce qu'il faisait Sljivancanin par rapport à
13 l'évacuation de l'hôpital ? Après son travail de l'organe de sécurité - je
14 sais que vous allez avoir du mal à l'accepter - c'était une tâche très
15 difficile, il s'agissait de créer les conditions pour que l'on fasse la
16 séparation entre les blessés et les malades et faire le tri des personnes
17 qu'il fallait séparer. Même si M. Moore a vraiment du mal à accepter cela
18 parce que cela ne lui convient pas du tout, Sljivancanin n'a fait rien
19 d'autre que faire son travail, son travail d'organe de sécurité du 1er
20 District militaire et de la direction de sécurité. Il devait agir en
21 fonction des ordres de son commandement supérieur.
22 Deux documents en témoignent, il s'agit de la pièce 316 et la pièce 333.
23 Ces documents disent clairement que Pavkovic le 19 novembre n'a pas donné
24 son accord pour que les membres des forces croates blessés participent à
25 cette évacuation ou fassent partie de cette évacuation. Pas seulement ceux
26 qui se sont déguisés ou qui se cachaient, mais aussi les combattants
27 croates blessés.
28 Le 20 novembre, le colonel Pavkovic, au matin, informe les membres de
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1 la MOCE que l'ordre définitif du général Raseta dit que les soldats blessés
2 croates qui se trouvent à l'hôpital ne peuvent pas participer à
3 l'évacuation ou faire partie de l'évacuation.
4 Alors quelle est la mission de l'organe de sécurité vu toutes les
5 informations qu'ils ont ? Il s'agit de ne pas permettre que ceux qui
6 étaient les anciens défenseurs de la ville, comme dit M. Moore, qu'ils ne
7 permettent pas que ces gens-là fassent partie de l'évacuation ou soient
8 évacués.
9 Pourquoi alors le Procureur conteste autant le fait que les organes
10 de sécurité pour faire cela utilisent comme source d'information la
11 population locale et les membres de la TO ? Je dois ajouter que, d'après
12 l'expert du Procureur, M. Pringle, qui figure au paragraphe 74 de la pièce
13 600, c'est une démarche tout à fait légitime de M. Sljivancanin. Rien dans
14 cette action de séparation n'a été fait en secret. Au contraire. Aux
15 représentants de la MOCE et aux journalistes, Sljivancanin a dit, quand ils
16 sont arrivés à l'hôpital, que ces personnes avaient été séparées et
17 dirigées vers une prison. Examinez à cet effet les pièces 837 et 840 ainsi
18 que les pièces auxquelles se réfère le Procureur dans le paragraphe 225 de
19 son mémoire de clôture.
20 Oui, Monsieur Moore, Sljivancanin a bel et bien dit aux membres de la
21 MOCE que ces personnes avaient été séparées et amenées à la prison.
22 Est-ce que vous avez posé la question à vos témoins, les témoins,
23 Kypr et Schou, qui ont confirmé ce fait, s'ils se sont demandés de savoir
24 où a-t-on emmené ces personnes ? Est-ce qu'ils ont demandé à aller les
25 enregistrer par exemple, non. Vous ne leur avez pas demandé cela. Mais
26 Sljivancanin en a parlé clairement à ces personnes-là.
27 A quel point vous vous êtes éloigné avec cette affirmation de votre
28 thèse concernant la participation de Sljivancanin dans l'entreprise
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1 criminelle commune, cette affirmation qui figure dans le paragraphe 225. Le
2 Procureur insiste beaucoup sur le statut civil des victimes à Ovcara. Je
3 vais parler de cela. Pour l'instant je vais surtout parler du statut des
4 victimes proprement dit.
5 Tout d'abord, je dois dire que je suis tout à fait d'accord avec ce
6 qu'a dit la Défense dans le paragraphe 71 à 121, parce qu'on y parle en
7 détail puisque notre consœur, Me Tapuskovic, et notre confrère, M.
8 Dokmanovic, en ont parlé en détail et ils ont analysé cette question.
9 Je dois ajouter quelque chose. De nombreux documents et de nombreuses
10 dépositions parlent clairement du statut des victimes. Pour analyser cela,
11 il faut avoir à l'esprit la chose suivante : sur les 200 corps qui ont été
12 exhumés d'Ovcara, il y en a huit qui n'ont jamais été identifiés. Sur les
13 192 corps restants, deux corps pour une raison inconnue, n'ont jamais été
14 ajoutés dans la pièce jointe à l'Accusation par le Procureur. Sur les 190
15 corps restants, quatre familles n'ont jamais accepté les résultats des
16 investigations et ces personnes sont toujours au jour d'aujourd'hui portées
17 disparues. Enfin sur les 186 corps, les équipes de la Défense ont fait des
18 analyses détaillées des documents communiqués par le Procureur ou par les
19 experts du Procureur. Le document 452, Strinovic; 544, Grujic; ensuite les
20 documents envoyés par le Dr Bosanac, là il s'agit des pièces 345 et 346;
21 ainsi que les rapports d'autopsie, pièce 462.
22 Ces documents nous montrent - là malheureusement je vais aborder les
23 informations chiffrées, sèches, alors qu'il s'agit des êtres humains et de
24 leur sort - parmi ces restes exhumés, on a trouvé qu'il y avait 155 soldats
25 des formations paramilitaires croates qui ne devaient pas se trouver à
26 l'hôpital, et si l'on prend en compte la déposition portant sur les
27 déguisements. Par exemple, OVC 181, ce chiffre est encore plus important.
28 Je ne veux pas questionner la douleur des familles. Je ne veux pas rendre
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1 moins important la tragédie qui s'est produite à Ovcara. Je ne veux pas
2 dire que ce n'était pas les combattants blessés qu'il convient de protéger
3 partout en fonction de tous les critères internationaux, mais ce devoir de
4 protection n'empêche pas la JNA de séparer les personnes dont le statut est
5 contesté à ce moment-là. M. Borsinger en parle justement dans les pièces
6 335 et 336 : "Le rôle de la Croix-Rouge n'est pas d'aider les combattants
7 pour qu'ils se déguisent en civils et pour qu'ils soient évacués de
8 l'hôpital." Ensuite, quelques secondes plus tard, il dit - Borsinger aussi
9 : "Je ne vais jamais vous empêcher de faire votre travail." Il dit cela au
10 lieutenant Pavkovic. Vous avez cela. C'est une conversation enregistrée.
11 Ensuite, il est, je dois dire, dans l'intérêt de la justice de dire
12 ce qui est important pour établir l'existence d'un crime, c'est-à-dire
13 qu'ici on ne peut pas parler du statut civil d'un grand nombre de victimes,
14 tout cela sur la part des informations données par les familles mêmes de
15 ces victimes, par la direction de l'hôpital de Vukovar et par les rapports
16 d'autopsie.
17 Ensuite, un point portant sur une des questions-clés qui s'est posée
18 au cours de ce procès et vous allez devoir prendre votre décision là-
19 dessus, Madame et Monsieur les Juges, qui et selon quel ordre a retiré la
20 sécurité de la 80e Brigade motorisée d'Ovcara, et un fait qui est surtout
21 très important pour nous, pour la Défense de Sljivancanin, est-ce que les
22 pièces présentées, les éléments présentés indiquant que Sljivancanin avait
23 quoi que ce soit avec cette décision erronée sont vraiment fiables.
24 Vous avez entendu les deux thèses. D'après M. Moore, il n'y avait que
25 Karanfilov qui pouvait prendre cet ordre. Ensuite, cet ordre ne pouvait
26 être donné que par Mrksic, mais le Procureur ensuite fait appel à la
27 logique pour dire que tout ceci est passé par Sljivancanin.
28 Ensuite, M. Vasic dit que Karanfilov aussi a fait cela - c'est la
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1 même thèse - mais d'après sa thèse, et Panic et Vasiljevic et Sljivancanin
2 et les autres qui étaient membres des organes de sécurité attendaient que
3 Mrksic parte à Belgrade puisqu'il savait que lui, le colonel Mrksic,
4 n'aurait jamais permis cela. Alors, par le biais de Karanfilov, ils ont
5 envoyé l'ordre à Vezmarovic pour qu'il se retire. L'objectif aurait été de
6 commettre un crime qui va détourner l'attention des crimes croates à
7 Gospic, que le général Vasiljevic puisse récupérer ses collaborateurs
8 emprisonnés de l'opération Labrador, ensuite la Croatie devait normalement
9 en contrepartie recevoir une reconnaissance internationale.
10 Dans les deux thèses on a besoin de Karanfilov.
11 Monsieur et Madame les Juges, comme je l'ai dit au début, il s'agit
12 d'établir l'existence ou la non-existence de la responsabilité pénale pour
13 un crime aussi grave sur la base de la logique de l'imagination de la
14 fabrication et pas sur la base des faits présentés en l'espèce. Il vous
15 appartient de voir et de prendre la décision si vous allez faire cela.
16 C'est votre mandat qui vous a été confié par toute la communauté
17 internationale.
18 Dans le mémoire final de la Défense de M. Sljivancanin, nous avons analysé
19 en détail ces informations et dans la pièce 371, il est dit clairement que
20 l'ordre a été donné par le colonel Vojnovic et ceci le 20 novembre à 16
21 heures. C'était la seule personne qui pouvait le faire de façon légitime.
22 La seule personne qui avait la légitimité et l'autorité de faire cela,
23 c'est celui qui avait l'autorité et le pouvoir de donner un tel ordre. Donc
24 il n'y avait que le commandant Vojnovic qui pouvait donner de tels ordres,
25 ce n'était personne d'autre.
26 Dans la JNA, il existait ce principe, la JNA respectait le principe
27 de l'unité de commandement. Vojnovic a dit clairement qu'il envoyait
28 Vukosavljevic pour qu'il communique son ordre au capitaine Vezmarovic.
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1 Vukosavljevic s'est rendu à Ovcara, il n'a pas exclu la possibilité que cet
2 ordre a été communiqué à Vezmarovic au transcript 8 803. Vezmarovic lui
3 même a dit qu'il a peut-être reçu cet ordre de Vukosavljevic, à la page du
4 transcript 8 589.
5 Je souligne, Vukosavljevic a déposé qu'après cela il a informé de
6 cela la personne qui lui a donné l'ordre, à savoir le lieutenant-colonel
7 Vojnovic à la page 8 805 du compte rendu d'audience.
8 Il conviendrait de noter qu'en plus que Vukosavljevic lui-même a exprimé le
9 doute quand il a entendu pour la première fois la thèse sur la prétendue
10 apparition de Karanfilov, c'était en 2003. Il a parlé d'une version des
11 événements communiquée par Vezmarovic, ceci figure à la page du compte
12 rendu d'audience 8 812. C'est logique, comme dirait M. Moore, que
13 Vukosavljevic pense comme cela parce qu'il ne voit Karanfilov nulle part à
14 Ovcara.
15 Ce sont les faits, ce sont les affirmations, mais M. Moore et M.
16 Vasic ne veulent pas les voir. Il est incontestable que c'est Vojnovic qui
17 envoie Vukosavljevic en lui demandant de transmettre l'ordre à Vezmarovic
18 lui demandant de retirer ses unités. Il n'est pas contesté que
19 Vukosavljevic et Vezmarovic retournent tout seuls ensemble et ils en
20 informent Vojnovic. Ensuite, on inscrit au journal de guerre la 80e Brigade
21 cette information.
22 Personne ce soir-là n'a constaté au niveau du journal de guerre que
23 ce retrait a eu lieu en dehors de la chaîne de commandement. Il est
24 parfaitement clair que Karanfilov même le 18 novembre n'avait aucune
25 autorité de commandement sur Vezmarovic. Regardez ce que dit Vojnovic c'est
26 le témoin favori de M. Moore à la page 9 085. Ce n'est pas lui qui a donné
27 cet ordre à Vezmarovic. Regardez aussi un autre témoin favori de la Défense
28 de M. Mrksic, M. Danilovic, à la page
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1 12 367, où il dit, lui le commandant du camp, qu'il est impossible que le
2 commandant de la police militaire reçoive des ordres sans qu'il le sache.
3 Il le dit de façon affirmative. Mais il faut compromettre Karanfilov le
4 plus possible. Pourquoi ? Pour brouiller la vérité. On utilise ses
5 déclarations préalables, celles qu'il a données avant - parce qu'il en a
6 donné huit - en dépit de cela, on peut affirmer de façon claire que
7 Karanfilov n'était pas ce jour-là à Ovcara, que Vasiljevic n'était pas à
8 Negoslavci, que Vesna Bosanac et Marin Vidic, le 20 novembre, n'ont pas
9 subi un interrogatoire à Negoslavci. Ils y ont été le 19 novembre au moment
10 où le général Vasiljevic est venu. Vous avez entendu plusieurs dépositions
11 allant dans ce sens. Il s'agit de dépositions parfaitement cohérentes. Mme
12 Vesna Bosanac elle même à la page 688, Karan à la page 15 557, Sljivancanin
13 à la page 13 596 et Karanfilov à la page 15 418, l'on dit. Karanfilov, à
14 qui on a tant demandé d'oublier les dates, a décrit de façon très claire
15 qu'après huit déclarations préalables, pour la première fois au cours de sa
16 préparation à la dernière déposition en l'espèce, on lui a montré justement
17 ces documents, les enregistrements vidéo et les documents, ceci figure à la
18 page 15 435. Donc personne de toutes ces personnes qui lui ont posé des
19 questions pendant toutes ces années n'a exprimé le souhait de lui montrer
20 aucun document. Il semblerait qu'à nouveau il s'agissait d'atteindre
21 l'objectif dont j'ai déjà parlé.
22 Quand tout ce qui s'est passé à partir du moment de prendre la décision de
23 mettre en œuvre un service de sécurité et de le retirer, et jusqu'au moment
24 où on a pris la décision de le retirer, le seule principe qui fonctionnait
25 c'était justement le principe du commandement unique; et du respect parfait
26 de la chaîne de commandement en vertu des règles en vigueur, il a fallu que
27 l'on rompe cette chaîne de commandement, qu'on en trouve une autre, qu'on
28 en invente une autre. Il a fallu donc confier des autorités de commandement
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1 à Karanfilov, alors que c'est complètement impossible selon les dépositions
2 de Vojnovic et Danilovic.
3 Karanfilov n'avait pas d'autorité de commandement à aucun moment et
4 Vezmarovic ne pouvait pas ou n'avait pas le droit de suivre son prétendu
5 ordre, et il ne l'a pas fait. Non. Vezmarovic n'a fait que respecter les
6 ordres de celui qui, en vertu de règles et qui de fait lui avait donné
7 l'ordre, à savoir l'ordre aussi bien de se rendre à Ovcara ce jour-là que
8 l'ordre de se retirer d'Ovcara; d'ailleurs l'ordre a été donné par le
9 colonel Vojnovic. C'est lui-même qui nous l'a dit.
10 Il s'agit là de faits incontestables. Sljivancanin n'a rien à voir
11 avec cette décision. On n'a présenté aucune preuve qui pas seulement au-
12 delà de tout doute raisonnable, mais qui dit tout pourrait faire un lien de
13 quelque façon que ce soit entre Sljivancanin et cette décision.
14 Ensuite, il faudrait que j'attire votre attention, Madame et Monsieur
15 les Juges, sur quelques affirmations du Procureur par rapport à
16 l'entreprise criminelle commune, pas tellement sur le plan juridique
17 puisque M. Moore ne s'est pas vraiment lancé dans cette entreprise, mais il
18 s'agit plutôt des faits qui sont à l'appui de sa déposition. Il y a un
19 paragraphe qui saute aux yeux. Ce que M. Moore nous offre à présent figure
20 au niveau du paragraphe 362, où il ajoute des nouveaux membres de cette
21 entreprise criminelle commune par leur nom et par leur prénom. Tous ceux
22 qui ont dit des choses qui ne vont pas dans le sens de sa thèse, tous ces
23 témoins qui, au cours de leur déposition, ne sont pas allés dans le sens de
24 sa thèse. Evidemment, dans cette entreprise criminelle commune, il fallait
25 que soit présente cette personne d'une nullité exemplaire, comme l'a appelé
26 M. Moore, M. Vukasinovic. Les témoins sur lesquels les membres de la
27 Défense territoriale ont braqué leur fusil à trois reprises ce jour-là et
28 qui, en arrivant au hangar, il a réussi à tous les expulser du hangar.
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1 Vojnovic qui s'oppose à ces membres de la Défense territoriale est,
2 d'après le Procureur, un héros. Alors que Vukasinovic, en faisant
3 exactement la même chose, devient membre de l'entreprise criminelle commune
4 avec quelques insultes en plus. Evidemment pour le Procureur, les
5 dépositions de M. Panic et de M. Karanfilov ne sont pas convenables du
6 tout; alors qu'est-ce qu'il faut faire ? Il faut les annuler.
7 Aussi bien M. Moore que M. Vasic dit que les organes de sécurité
8 pouvaient faire les choses qui n'étaient pas dans leur domaine de
9 responsabilité. Ce qu'ils oublient, c'est la situation telle qu'elle était
10 à Negoslavci, ce qui se trouvait à Negoslavci. Je vais rafraîchir la
11 mémoire. C'étaient les postes de commandement de la Brigade de la Garde et
12 du Groupe opérationnel sud. Je vais aussi rafraîchir leur mémoire et leur
13 dire qu'une démission de base de la base opérationnelle est l'organisation
14 de la sécurité du commandement en vertu de l'article 7(B) des règles de
15 service. Le commandant, l'officier de sécurité, c'est lui qui est le mieux
16 placé pour organiser la sécurité de cette unité. Le fait de nommer
17 Vukasinovic au poste de commandant du village de Negoslavci, c'était une
18 décision venant de M. Mrksic, et ceci dans le cadre des activités de l'OB,
19 rien de plus. Si cela ressort de ses compétences, comme on le dit, il est
20 absolument nécessaire qu'il existe un ordre allant dans ce sens et appuyant
21 cela.
22 Quelques mots maintenant au sujet de la durée de la peine
23 éventuellement prononcée par la Chambre. Nous n'en avons pas beaucoup parlé
24 dans nos écritures, nous n'avons pas abordé de façon étendue la question
25 des circonstances atténuantes ou aggravantes, nous avons, en revanche,
26 abondamment parlé du caractère de M. Sljivancanin. Ceci figure aux
27 paragraphes 892 à 908 de notre mémoire en clôture. Cet homme, sa
28 personnalité, son caractère, le fait que c'était un soldat de métier, son
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1 comportement durant la guerre, son désir que les opérations de guerre
2 cessent, l'attention humaine qu'il accordait aux civils, non seulement en
3 tant qu'officier, mais également en tant qu'être humain, est également
4 l'attitude qu'il adoptait lors du décès de certains de ses soldats, des
5 hommes de la troupe. Tout cela, nous pouvons le décrire et tout cela ne
6 démontre qu'une chose, c'est qu'il s'agissait véritablement d'un héros de
7 la JNA, et c'est un fait qu'il importe de garder à l'esprit en se
8 prononçant sur sa responsabilité.
9 Je ne peux que me poser la question de savoir pourquoi le Procureur
10 propose une peine aussi longue, est-ce pour impressionner la Chambre par
11 rapport à la validité de ses éléments de preuve ? Est-ce que c'est
12 seulement sur la base d'une perception formaliste de la responsabilité de
13 Sljivancanin ? Sljivancanin a décidé de prendre la parole en tant que
14 témoin le premier. Durant le procès, il a souhaité participer activement à
15 l'efficacité des débats, même lorsqu'il était en traitement à l'hôpital.
16 Monsieur, Madame les Juges, nous ne saurions dire si nous avons pu
17 vous aider à établir la vérité. Nous avons fait de notre mieux sur le plan
18 professionnel et sur la base des consignes très claires qui nous ont été
19 données par M. Sljivancanin. Nous ne vous avons présenté aucune conjecture
20 pour contourner tel ou tel élément de preuve. Nous nous sommes efforcés de
21 présenter à la barre devant la Chambre les témoins les plus fiables
22 possible et susceptibles de répondre le plus sûrement qui soit à certaines
23 questions importantes évoquées durant le procès.
24 Ce procès dure depuis un an et demi. Ce que nous laissons derrière
25 nous aujourd'hui, c'est une période fourmillant de récits douloureux,
26 relatifs à des souffrances, à des crimes, à des plaies qui ne se
27 refermeront pas. Ce n'est pas la vérité qu'il appartient de supprimer les
28 préjugés accumulés au fil des années au sein de l'opinion publique. L'un
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1 des plus grands préjugés, c'est celui qui fait jouer à Sljivancanin un rôle
2 quelconque à Vukovar. C'est ce préjugé qui le présente comme un bourreau,
3 un Chetnik et un menteur.
4 Sljivancanin n'a été impliqué sous aucune forme dans un crime
5 quelconque. Il ne peut pas en être tenu responsable et ne peut non plus en
6 partager la responsabilité avec personne. Le seul crime de Sljivancanin
7 consiste au fait qu'il a été fidèle à son pays, à un drapeau et à un
8 serment. C'est en raison de cette fidélité, c'est dans l'intérêt de ceux
9 qui éprouvait la même fidélité qu'il vous faut supprimer tout préjugé en
10 faisant éclater la vérité. Une partie de la vérité réside dans le verdict
11 que vous prononcerez, par lequel vous établirez que Veselin Sljivancanin
12 n'est pas coupable des crimes commis à Ovcara. Madame, Monsieur les Juges,
13 ceci est la fin de ma plaidoirie.
14 J'aimerais consacrer encore une minute ou deux à vous dire ce qui
15 suit : j'aimerais vous dire notre gratitude, je parle au nom des trois
16 équipes de la Défense, notre gratitude à tous pour le bon déroulement du
17 procès. Nous tenons à remercier le quartier pénitentiaire qui a manifesté
18 beaucoup d'attention et d'affection attentive vis-à-vis de nos clients
19 s'agissant de leur situation et de leur état de santé. Je tiens à remercier
20 les interprètes pour leur très bon travail, notamment aujourd'hui. Je tiens
21 à remercier les victimes et l'Unité de Protection des Témoins de façon
22 toute particulière. Je remercie également les membres de mon équipe et tous
23 les témoins qui ont été entendus pour la défense de M. Sljivancanin, sans
24 jamais s'opposer à quoi que ce soit et au mépris parfois de leurs intérêts
25 et de leurs avantages personnels. Je les remercie tous.
26 Enfin, je tiens à remercier la Chambre pour m'avoir donné la
27 possibilité d'être entendu par elle, ce qui pour moi est un grand honneur.
28 Comme mon confrère Me Borovic l'a dit, nous nous sommes efforcés ici de
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1 croiser le fer avec le bureau du Procureur, et j'espère qu'une trace de nos
2 efforts sur le plan juridique restera inscrite dans l'histoire du droit
3 international. Nous avons parfois vécu des moments difficiles, et j'espère
4 qu'ils s'avèreront d'une certaine valeur dans nos pays respectifs.
5 Je vous remercie.
6 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Merci, Maître Lukic.
7 La question maintenant porte sur la réplique et la duplique.
8 Monsieur Moore, vous avez des questions ?
9 M. MOORE : [interprétation] Je répondrai à votre question par les mots
10 suivants. Je voudrais m'associer aux remerciements que mon collègue de la
11 Défense vient d'exprimer vis-à-vis de toutes les parties, et je remercie en
12 outre la Défense pour la courtoisie dont elle a fait preuve pendant tout le
13 procès.
14 S'agissant de la réplique, je ne reviendrai pas sur toutes les questions
15 évoquées, sauf ce que vous-même, Madame le Juge, avez décrit comme étant la
16 question des civils.
17 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Merci beaucoup. Très bien.
18 Nous pouvons donc partir de ce point.
19 M. MOORE : [interprétation] Je me demandais si vous souhaitiez demander aux
20 accusés s'ils souhaitaient s'exprimer ultérieurement ou pas.
21 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Nous le ferons à la fin de
22 l'audience.
23 M. MOORE : [interprétation] Certainement.
24 La Chambre a posé une question intéressante qui a mobilisé pas mal
25 d'esprits. Cette question porte sur un point de droit tout à fait
26 manifeste, et je me permettrais de lire au compte rendu d'audience le
27 libellé de cette question posée par vous, Madame le Juge : "Est-ce que la
28 question de savoir si les victimes d'un crime contre l'humanité sont des
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1 civils ou non a une quelconque pertinence par rapport à la possibilité
2 d'appliquer l'article 5 ? En d'autres termes, est-ce que la condition
3 générale de civil de la population prise pour cible est une condition
4 exigée au titre des conditions préalables indispensables, tout comme le
5 statut de civil des victimes d'un crime ?"
6 J'espère que j'ai bien relu le libellé de votre question.
7 Je répondrais de deux façons. La Chambre de première instance nous a
8 demandé si l'article 5 exige que soit prouvé le fait que les victimes des
9 crimes qui font l'objet des débats étaient des civils, et si ce statut de
10 civil, qui doit au préalable être prouvé pour permettre l'application de
11 l'article 5, est identique à la nécessité pour les victimes des crimes
12 d'être des civils. Je commencerais par résumer brièvement notre réponse,
13 après quoi j'espère pouvoir apporter quelques explications plus détaillées,
14 et revenir notamment sur la jurisprudence du Tribunal à cet égard.
15 Ma réponse se divisera en deux parties. La première est la suivante :
16 toutes les victimes des crimes poursuivis par l'article 5 du Statut ont la
17 qualification de civils. Il s'agit soit de personnes qui n'ont jamais
18 participé aux hostilités, soit de personnes qui se trouvaient là et y ont
19 participé à un moment mais ont cessé de le faire durant ces hostilités.
20 Notre position, c'est que la protection que propose l'article 5 a un champ
21 d'application suffisamment vaste pour recouvrir ces deux catégories de
22 personnes.
23 La deuxième partie de ma réponse est la suivante, parce que votre
24 question évoque un problème qui dépasse le champ de l'espèce, à savoir est-
25 ce que les victimes de crimes contre l'humanité incluent des personnes qui
26 auraient pu participer aux hostilités en tant que combattants, oui ou non,
27 à un certain moment ? La réponse à cette question hypothétique, c'est que
28 de telles personnes peuvent être considérées comme victimes de crimes
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1 contre l'humanité, même si elles ne répondent pas à la qualification de
2 civil par définition. Il en serait ainsi si les circonstances sont telles
3 qu'elles constituent une infraction à la loi au titre du droit humanitaire
4 international. Toutefois, si des combattants sont pris pour cible d'une
5 manière légale aux termes du droit humanitaire international, alors
6 évidemment il n'y a pas eu de crime, et donc l'argument n'a plus lieu
7 d'être.
8 J'aimerais maintenant parler des victimes comme définies dans l'article 5
9 du Statut, et de la définition de "civil" au titre de ce même article 5.
10 Comme je l'ai déjà indiqué dans mes écritures, la définition de "civil" de
11 l'article 5 du Statut recouvre des personnes qui n'ont pas participé aux
12 hostilités. En d'autres termes, un civil au titre de l'article 5, c'est
13 n'importe quelle personne qui n'est pas l'objet d'une attaque légale selon
14 la définition du droit humanitaire international. Ceci inclut les personnes
15 qui sont hors de combat, par exemple parce qu'elles sont malades ou
16 détenues par la partie adverse. Donc, le terme "civil" au titre de
17 l'article 5 du Statut n'a pas le même sens que le terme "enfant" dans le
18 Protocole additionnel des conventions de Genève, qui réglemente le
19 déroulement des conflits armés internationaux, ou dans ce même Protocole
20 additionnel I, que les personnes classées comme hors de combat, qui
21 constituent une catégorie hors classe dans l'analyse, ne s'additionnent pas
22 automatiquement au terme "enfant"." Toutefois, aux termes du droit
23 humanitaire international, des personnes hors de combat sont tout de même
24 sur un pied d'égalité. Elles méritent par conséquent le même degré de
25 protection. Ce qui est également intéressant, c'est qu'aucune de ces
26 catégories de personnes ne doit subir une attaque, car les seules personnes
27 qui peuvent subir une attaque légalement sont celles qui participent aux
28 hostilités. Le principe qui permet de distinguer entre combattants et non
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1 combattants est donc un principe-clé aux termes du droit humanitaire
2 international, quels que soient les étiquettes dont on se sert.
3 Ceci ressort de la lecture des principes du droit humanitaire international
4 réglementant les conflits armés intérieurs. Par exemple, à l'article commun
5 3 du Protocole additionnel II, la seule distinction qui est établie entre
6 des personnes n'ayant pas pris une part active aux hostilités et des
7 personnes n'ayant pas pris une part directe aux hostilités, se fait par
8 rapport aux personnes qui, elles, ont pris une part aux hostilités.
9 L'article commun 3 situe les personnes hors de combat dans la catégorie de
10 ces personnes qui n'ont pas pris une part active aux hostilités et qui donc
11 ne doivent pas être attaquées.
12 A notre avis, la référence aux civils à l'article 5 du Statut a pour but de
13 reprendre la même distinction que celle que l'on trouve à l'article commun
14 3. La protection émane du simple statut de civil, et s'étend à toute
15 personne n'ayant pas directement ou activement participé aux hostilités, y
16 compris aux personnes hors de combat.
17 Le fonctionnement du droit humanitaire international en tant que lex
18 specialis n'empêche pas à notre avis d'accepter cette conclusion. Il n'est
19 pas indispensable que le terme de "civil" tel que défini l'article 5 ait
20 exactement la même définition que celle que donne le droit humanitaire
21 international dans les dispositions réglementant les conflits armés
22 internationaux, comme on a pu le voir à la lecture de l'arrêt Blaskic au
23 paragraphe 110. La définition de "civil" aux termes du droit humanitaire
24 international est pertinente à celle de l'article 5 du Statut. Toutefois,
25 rien n'exige que ces termes dans les deux cas soient définis d'une façon
26 identique. Ce qui est exigé, c'est que le terme "enfant" de l'article 5 du
27 Statut ne soit pas interprété dans un sens qui aille à l'encontre de la
28 définition fournie par le droit humanitaire international. Le terme
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1 "enfant" de l'article 5 du Statut ne peut donc en aucun cas définir des
2 personnes qui peuvent légalement être soumises à une attaque aux termes du
3 droit humanitaire international, ce qui n'empêche pas toutefois la démarche
4 que nous considérons comme opportune, c'est-à-dire reposant sur la
5 distinction qu'établit le droit humanitaire international entre des
6 personnes n'ayant pas pris une part aux hostilités, et donc de ce fait ne
7 devant pas être attaquées, et d'autres personnes qui elles peuvent subir
8 une attaque sans que celle-ci soit illégale.
9 La définition du terme "civil" dans l'article 5 du Statut, celle que nous
10 défendons, est étayée par un certain nombre de sources juridiques du
11 Tribunal. Par exemple, l'article 61 du Règlement qui porte sur les
12 personnes hors de combat peut intervenir dans la définition du terme
13 "civil" aux termes de l'article 5 du Statut. La Chambre a établi un lien
14 entre un certaine nombre d'extraits de portions de l'acte d'accusation et
15 le libellé de l'article 61 du Règlement de procédure et de preuve où l'on
16 trouve un rappel de la définition du terme "civil" par l'article 5 du
17 Statut, à savoir que les combattants au sens classique du terme ne doivent
18 pas être victimes d'un crime contre l'humanité. Ceci ne s'applique pas aux
19 personnes qui auraient opposé à un moment ou à un autre une résistance
20 armée. Je renvoie la Chambre au paragraphe 29 de cette décision.
21 En deuxième lieu, j'aimerais appeler l'attention des Juges de la Chambre
22 sur le jugement Akayesu, paragraphe 582 qui stipule que des membres de la
23 population civile sont des personnes qui n'ont pas pris une part active aux
24 hostilités et, notamment des membres des forces armées qui ont déposé les
25 armes ou des personnes hors de combat. La Chambre de première instance dans
26 ce procès a fait remarquer dans une note en bas de page que cette
27 définition assimile la définition du terme "civil", comme constituant une
28 catégorie de personnes protégées par l'article commun 3.
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1 Le jugement Tadic s'est également penché sur cette question, puisque
2 la Chambre d'instance qui a jugé cette affaire s'est demandé si un certain
3 nombre d'individus pouvait être considérés comme civils et donc, relevant
4 de l'article 5 du Statut. Après avoir relu un certain nombre de sources
5 juridiques du Tribunal, la Chambre a conclu qu'une définition assez large
6 de la population civile était justifiée par ces sources juridiques. Ainsi,
7 la présence de personnes ayant participé au conflit n'empêche la
8 qualification de population civile, et les personnes ayant activement
9 participé à un mouvement de résistance peuvent également être qualifiées de
10 victimes de crimes contre l'humanité. Ce qui nous renvoie à une autre
11 décision qui fait autorité désormais. Je cite : "Bien que les crimes contre
12 l'humanité doivent pour exister avoir pris pour cible une population
13 civile, des individus qui, à un certainement moment, ont opposé des actes
14 de résistance dans des circonstances déterminées peuvent être considérés
15 comme victimes de crimes contre l'humanité.
16 Dans le contexte de l'espèce, les patients de l'hôpital qu'ils aient
17 été civils ou combattants résistants, dès lors qu'ils avaient déposé les
18 armes doivent être considérés comme des victimes de crimes contre
19 l'humanité.
20 Enfin, je renverrai les Juges de la Chambre à une autre décision
21 d'une Chambre de première instance. Je veux parler de l'affaire Limaj.
22 Madame, Monsieur les Juges, la Chambre responsable de l'affaire Limaj
23 décide au paragraphe 186, lorsqu'il est question de la définition de la
24 "population civile" et de l'application de l'article 5 du Statut : "La
25 présence au sein d'une population de certains membres de groupes armés de
26 résistance ou d'anciens combattants qui ont déposé les armes ne doit pas en
27 tant que tel modifier sa qualité de civil."
28 Ce qui est important, Madame, Monsieur les Juges, c'est que suite à
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1 cette définition étendue de la population civile, une personne ayant à un
2 certain moment posé des actes de résistance ainsi qu'une personne ayant
3 combattu, mais étant hors de combat, peut être considéré comme victime de
4 crimes contre l'humanité.
5 J'aimerais maintenant revenir sur l'arrêt Blaskic, si vous n'y voyez
6 pas d'inconvénients.
7 Je peux poursuivre ?
8 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Oui, je vous en prie.
9 M. MOORE : [interprétation] L'arrêt Blaskic ne contredit en rien
10 cette approche. Avant de rendre son arrêt, la Chambre d'appel dans
11 l'affaire Blaskic s'est penchée sur la définition d'une population civile
12 pour vérifier l'applicabilité de l'article 5 du Statut. Nous soutenons que
13 l'arrêt Blaskic n'empêche en rien d'adopter la conclusion que nous
14 préconisons qui, d'ailleurs, se retrouve également dans la jurisprudence
15 que j'ai citée. La Chambre d'appel s'est concentrée sur un commentaire bien
16 particulier des Juges de la Chambre de première instance dans l'affaire
17 Blaskic qui était le suivant : "Il s'ensuit également que la situation
18 spécifique de la victime à l'époque où le crime a été commis doit être
19 prise en compte pour déterminer sa qualité de civile." Ceci figure au
20 paragraphe 109, 108 et 114 de l'arrêt de la Chambre d'appel.
21 La Chambre d'appel a estimé ou a dit que cette formulation pouvait
22 être trompeuse. Elle a ensuite extrait un passage d'un commentaire du CICR,
23 commentaire au protocole, où il est fait état d'une catégorie de
24 combattants qui peuvent relever d'un statut de combattant à temps partiel,
25 à savoir des personnes qui peuvent être considérées comme combattants
26 pendant la journée et comme civils pendant la nuit. L'élément essentiel,
27 c'est qu'une telle personne, si elle est prise pour cible la nuit, alors
28 qu'elle ne participe plus au combat et qu'elle n'est dès lors plus un
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1 combattant, est injustifiée, puisque dans cette période cette personne ne
2 doit pas faire l'objet d'une attaque. Aux termes du droit humanitaire
3 international, une personne qui n'est plus considérée comme participant
4 activement aux hostilités parce qu'elle n'est pas engagée dans des combats
5 actifs dans un laps de temps particulier répond à cette définition. C'est
6 la raison pour laquelle la Chambre d'appel a décidé que la situation
7 particulière d'une victime au moment où le crime est commis n'est peut-être
8 pas déterminante pour qualifier cette personne de civil ou de non civil.
9 Nous soutenons que cette idée est juste. Aux termes du droit
10 humanitaire international, une personne qui est un combattant mais qui
11 n'est pas engagée dans un combat au moment considéré peut toutefois faire
12 légalement l'objet d'une attaque. Mais la Chambre d'appel Blaskic ne s'est
13 pas concentrée sur une situation correspondant tout à fait à celle qui nous
14 intéresse en l'espèce. C'est la raison pour laquelle il y a une différence
15 entre l'affaire Blaskic et l'espèce à notre avis. Les victimes hors de
16 combat en l'espèce sont des personnes qui ne participaient plus aux
17 hostilités du tout. Et nous soutenons que ceci est confirmé par le libellé
18 de l'article 3. Aux termes du droit humanitaire international, ces
19 personnes ne peuvent légalement subir une attaque. C'est la distinction
20 fondamentale qui est à la base de notre thèse, à savoir que l'arrêt Blaskic
21 n'empêche pas d'étendre le terme "d'enfant" à toutes personnes, y compris
22 celle qui sont considérées hors de combat.
23 Puis-je maintenant poser la question suivante qui est très simple :
24 est-ce que des combattants peuvent être considérés comme victime de crimes
25 contre l'humanité au titre de l'article 5 du Statut ? La définition plus
26 large qui est sous-jacente à la question que vous avait posée Mme le Juge,
27 consiste à se demander si des personnes participant à des hostilités
28 peuvent tout de même être considérées comme victimes au titre de l'article
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1 5 du Statut de crimes contre l'humanité ou pas. Et, comme je l'ai dit,
2 cette question se pose au vu des faits de l'espèce. Toutefois, nous
3 soutenons que les combattants peuvent être considérés comme des victimes
4 d'un crime contre l'humanité si les circonstances dans lesquelles elles
5 sont devenues des victimes sont illégales aux termes du droit humanitaire
6 international. Le statut de lex specialis du droit humanitaire
7 international impose des limites à la mesure dans laquelle des combattants
8 peuvent être considérés victimes au titre de l'article 5 du Statut, en
9 particulier la mort d'une personne au cours d'un combat légal en droit
10 humanitaire international ne peut être considérée illégale et crime contre
11 l'humanité au titre de l'article 5 du Statut. C'est tout à fait logique.
12 Mais en dehors de ce scénario, il est possible qu'un combattant qui ait été
13 pris pour cible d'une façon illégale en droit humanitaire international
14 figure au nombre des victimes de crimes contre l'humanité.
15 Voilà les diverses sources juridiques auxquelles je voulais faire
16 référence, s'agissant des affaires soumises à la Cour suprême allemande
17 dans la zone occupée par les Britanniques à la suite de la Seconde Guerre
18 mondiale et ayant prononcé des condamnations pour crimes contre l'humanité
19 dans trois cas au moins, où les victimes étaient des soldats réguliers, et
20 dans un de ces procès, le jugement soulignait les distinctions et les
21 définitions que je viens d'évoquer de façon très claire, à savoir que : "La
22 distinction entre soldat et non-soldat n'est pas suffisante pour exclure un
23 certain nombre de personnes du caractère de victime de crimes contre
24 l'humanité."
25 Je répète, sauf votre respect, la question qui ressort de l'espèce et
26 sur laquelle nous nous sommes déjà penchés, à savoir les victimes mortes au
27 combat qui ne participaient plus aux hostilités.
28 Nous nous sommes efforcés de répondre le plus rapidement possible et
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1 le plus précisément possible à cette question, mais elle est complexe et je
2 pense que chacun s'en rend compte. Si les Juges souhaitent des explications
3 complémentaires ou d'autres détails de notre part, nous sommes tout à fait
4 prêts à les fournir éventuellement par écrit, si cela peut aider la
5 Chambre.
6 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Merci, Monsieur Moore. Nous
7 allons maintenant entendre la Défense. Maître Vasic.
8 M. VASIC : [interprétation] Bonjour. Merci. Je vais essayer de répondre à
9 la question de la Chambre ainsi qu'à celle que vient de poser M. Moore.
10 J'aimerais dire quelques mots au préalable avant de répondre à la
11 question. Les trois équipes de Défense ont dit très clairement qu'elle
12 était leur position sur l'existence ou la non-existence d'éléments
13 susceptibles de permettre l'application de l'article 5 du Statut du
14 Tribunal. Nous pensons que ces éléments n'ont pas été respectés dans le
15 cadre de l'attaque de la JNA, il n'a pas été prouvé que cette attaque vise
16 les civils au moment figurant dans l'acte d'accusation.
17 Je voudrais également me concentrer sur certains éléments évoqués par
18 M. Moore dans son réquisitoire. La pièce à conviction 312 et la pièce 305
19 en particulier, qui fait état de la déclaration de Babska. Nous voyons en
20 page 663 du compte rendu d'audience que cette pièce a été versée au dossier
21 par le biais du témoin Kypr. Kypr ne savait pas quelle était l'origine des
22 pièces à conviction. Ce n'était pas des documents qu'il s'était procuré
23 lui-même et la Défense, à l'époque, a émis des doutes quant à
24 l'authenticité du document qui évoquait un prétendu ultimatum adressé à la
25 population civile, c'est-à-dire aux habitants de Babska, leur demandant de
26 remettre leurs armes, à défaut de quoi leur village serait rasé. C'est en
27 tout cas ce que laisse entendre le document écrit dont l'authenticité n'a
28 jamais été prouvée.
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1 Une autre pièce à conviction dont j'aimerais parler, c'est la pièce
2 312. Encore une fois, il s'agit d'une attaque contre les civils dans ce
3 document qui a été versé au dossier par le biais du témoin Kypr et dont la
4 rédaction date de la Conférence de La Haye. La Défense affirme que des
5 pressions politiques ont été exercées sur les autorités yougoslaves à
6 l'époque. La référence du compte rendu d'audience c'est pages 6 702 à 6
7 704. Nous voyons très clairement que Kypr ne sait rien des événements
8 évoqués dans ce document. Le point le plus important dont il est question
9 dans ce document, c'est le sujet dont vient de parler mon collègue de
10 l'Accusation, à savoir l'attaque contre les civils, sujet sur lequel le
11 témoin ne semble avoir aucune information. Or, nous savons que la réalité,
12 c'est qu'il n'y a pas eu d'attaque de la part de la JNA contre Lovas. Ce
13 qui s'est passé dans ce village, c'est que des gens ont été tués suite à
14 des actions entreprises par un groupe commandé par un certain Ljuban qui
15 s'était lui-même érigé en commandant. Voilà le premier point que nous
16 tenons à établir avant que je me lance dans le sujet principal, qui va
17 intéresser mon propos maintenant, à savoir l'attaque contre les civils.
18 Contrairement à mon collègue de l'Accusation, la Défense estime que
19 pour que s'applique l'article 5 du Statut, les victimes doivent être des
20 civils. C'est quelque chose qui a été établi dans le jugement Kunarac et le
21 jugement Krnojelac, deux procès déjà jugés par ce Tribunal. Nous estimons
22 qu'il n'y a aucun doute là-dessus. Ce que dit l'Accusation aujourd'hui ne
23 tient pas, d'après nous, s'agissant du sens à donner à l'article 5 du
24 Statut. Il y a d'autres normes de droit humanitaire international qui
25 d'ailleurs traitent de cette question.
26 Il est tout à fait clair qu'une décision définitive sur ce sujet
27 existe et qu'elle est à notre disposition. Je veux parler de l'arrêt
28 Blaskic qui admet un commentaire émanant de la Croix-Rouge, commentaire
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1 dans lequel on trouve une définition très claire de la catégorie de
2 personnes pouvant revendiquer la qualité de civil. Sans perdre cela de vue,
3 nous disons que les dispositions de l'article 30 du protocole additionnel
4 aux conventions de Genève définissent également le statut de civil. C'est
5 une définition négative que l'on trouve à l'article 4(A), paragraphes 1, 2,
6 3 et 6 des conventions de Genève et à l'article 43 du premier protocole.
7 Elle recouvre toutes les personnes qui ont été évacuées de l'hôpital le
8 matin du 20 novembre. C'est cela que disent toutes les équipes de Défense.
9 Nous estimons qu'il n'y avait pas de civils dans ces personnes évacuées.
10 Toutes les personnes évacuées le matin du 20 novembre sont sorties de
11 l'hôpital en qualité de combattants.
12 Toutefois, nous admettons que le statut de civil d'une personne ne
13 peut être contesté au simple motif que cette personne ait pu combattre
14 pendant un bref laps de temps. Nous pensons que dans le groupe des évacués
15 de l'hôpital, il y avait des gens qui n'avaient pas déposés les armes et
16 que la majorité de ces personnes n'était pas des civils, ce qui est
17 clairement démontré par ce que nous avons dit en conclusion après avoir
18 interrogé les membres du Comité chargé des personnes portées disparues, le
19 comité qui existe en Croatie. Nous avons examiné un grand nombre de
20 documents qui existent depuis des années et nous avons vu quelle était la
21 définition que présente ces documents d'un combattant actif. Je pense que
22 le nombre de ces combattants cité dans ces documents était de 155 après un
23 long travail de vérification.
24 Il ne faut pas non plus perdre de vue le fait qu'outre les
25 combattants actifs qui étaient membres du Corps de la Garde nationale et du
26 MUP, il y avait aussi les hommes de la protection civile. Dans ma
27 plaidoirie, j'ai souligné que la plupart de ces membres ont participé aux
28 événements. La plupart des citoyens de Vukovar, notamment après la
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1 mobilisation, y ont participé.
2 C'est cette définition précisément qui détermine quel est le groupe
3 de population qui peut être considéré comme civil et quel est le groupe qui
4 doit être considéré comme combattant, selon les dispositions de la Croix-
5 Rouge internationale. A la page 515, paragraphe 1676, nous lisons qu'aucun
6 groupe de personnes ayant participé à des combats ou portant des armes ne
7 peut être considéré comme un groupe de civils. Le statut de ce groupe et la
8 protection dont il peut bénéficier en cas de blessure aux termes des
9 première et deuxième conventions de Genève ou en cas de capture dès lors
10 qu'ils deviennent des prisonniers aux termes des dispositions de la
11 troisième convention de Genève et pas seulement de l'article 5 du Statut du
12 Tribunal. Tout cela, ce sont des dispositions qui protègent les civils.
13 Ce qui est important ici, c'est que le groupe dont il est question
14 dans l'acte d'accusation est un groupe qui a été séparé des patients
15 blessés ou malades, donc des civils, qui ont été transférés à Velepromet ou
16 qui faisaient partie du personnel de l'hôpital et que le convoi a quitté
17 Vukovar le 20 à 3 heures et demi. Le groupe qui était encore là le
18 lendemain matin était constitué de personnes et uniquement de personnes
19 ayant participé aux hostilités, à savoir des combattants; par conséquent,
20 leur statut ne peut tout d'un coup être transformé en statut de civils au
21 gré de M. Moore.
22 Ma position est que, s'agissant de l'application de l'article 5 du
23 Statut vis-à-vis des victimes de crimes contre l'humanité, il faut que les
24 personnes ayant subi ces crimes soient des civils, les victimes évoquées
25 dans l'acte d'accusation n'ont pas ce statut de civils.
26 Je vous remercie.
27 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Je vous remercie, Maître
28 Vasic.
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1 Maître Borovic.
2 M. BOROVIC : [interprétation] Merci, Madame le Juge. J'ajouterais à ce qu'a
3 dit mon confrère, Me Vasic, qu'il y avait aussi les blessées, les malades
4 auxquels s'appliquent les conventions de Genève et les dispositions des
5 protocoles additionnels I et II, et il y a aussi dans l'acte d'accusation
6 mention de détenus, de patients, de personnes capturées que le bureau du
7 Procureur définit comme civils. Nous avons entendu aujourd'hui que toutes
8 les personnes en question avaient participé au combat, mais qu'en dépit de
9 cela on pouvait leur accorder le statut de civils, qu'elles peuvent être
10 considérées comme victimes de crimes contre l'humanité.
11 Si nous revenons sur la spécificité de l'affaire et des éléments de preuve
12 présentés nous voyons qu'il est question de combattants ayant déposé les
13 armes et qu'on a découvert dans l'hôpital -- or, ceux qui se trouvaient
14 dans l'hôpital de Vukovar n'avaient pas déposé les armes. Je parle du
15 groupe de Mitnica qui revendique la protection des conventions de Genève.
16 Je crois que la question qui se pose est une question de fond. Je ne
17 vais pas entrer dans les corrélations entre le Groupe d'assaut et le groupe
18 de la population civile. Des éléments de preuve existent par rapport à
19 cette distinction. Du côté des équipes de la Défense, nous avons la même
20 position, à savoir que les personnes mentionnées dans l'acte d'accusation
21 n'étaient pas des civils.
22 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Je vous remercie, Maître
23 Borovic.
24 Maître Lukic.
25 M. LUKIC : [interprétation] Très rapidement. Je n'ai pas beaucoup parlé de
26 cette question dans ma plaidoirie, bien sûr, je suis tout à fait d'accord
27 avec ce que viennent de dire Me Vasic et Me Borovic. J'aimerais simplement
28 ajouter que nous abordons cette question de la population civile dans nos
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1 écritures, paragraphes 767 à 774 de notre mémoire en clôture et que notre
2 façon de percevoir la qualité de civil c'est de la considérer comme une
3 condition préalable indispensable pour que s'applique l'article 5 du
4 Statut.
5 J'ajouterais que je suis opposé à la thèse de M. Moore selon laquelle
6 l'arrêt Blaskic n'a aucune pertinence par rapport à notre affaire. Je pense
7 que l'arrêt Blaskic est extraordinairement pertinent du point de vue de
8 l'aspect concret de l'espèce, et n'oublions pas qu'il s'agit d'une décision
9 en deuxième instance. S'agissant du statut de civil ou de non-civil, nous y
10 faisons référence dans notre mémoire préalable au procès ainsi que dans nos
11 mémoires en clôture, et je vais vous en lire un passage.
12 Paragraphe 114 de l'arrêt Blaskic, je cite : "En raison de cela, la
13 situation spécifique de victime au moment où les crimes ont été commis ne
14 détermine pas nécessairement la qualité de civil ou de non-civil. Si la
15 personne en question est effectivement membre d'une organisation armée, le
16 fait que cette personne ait été désarmée ou n'ait pas participé au combat
17 au moment où les crimes ont été commis, ne lui confère pas automatiquement
18 le statut de civil."
19 C'est cela à mon avis qui permet de clore le débat. Il n'y a aucun
20 doute quant à la conclusion que cela implique à nos yeux sur le plan
21 juridique et il n'y a aucun doute que cet arrêt est bien une source de
22 droit.
23 Me Borovic a parlé de personnes qui n'avaient pas déposer les armes,
24 mais qui avaient caché et dissimulé leurs armes, il a évoqué les éléments
25 de preuve qui le démontrent, ceci est extrêmement important et pertinent à
26 notre avis; et c'est la raison pour laquelle nous évoquons également ce
27 fait dans nos écritures. Les victimes dont il est question dans l'acte
28 d'accusation sont des personnes qui n'avaient pas déposé les armes au
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1 moment des faits et qui ne peuvent être considérées comme des civils en
2 l'espèce.
3 Je vous remercie.
4 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Merci beaucoup, Maître
5 Lukic.
6 Je regarde l'heure. La Chambre a appris que M. Mrksic et M. Sljivancanin
7 souhaitent dire quelques mots à la Chambre. Je propose que nous fassions
8 d'abord une pause.
9 Excusez-moi, je me trompe. Nous avons encore 45 minutes à notre
10 disposition.
11 [La Chambre de première instance se concerte]
12 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Monsieur Mrksic, vous
13 souhaitez vous adressez à la Chambre ?
14 L'ACCUSÉ MRKSIC : [interprétation] Bonsoir, Madame et Monsieur les Juges.
15 Je vous remercie de me donner cette occasion de m'adresser à la Chambre à
16 la fin du procès.
17 En vous voyant suivre avec grande attention le procès, j'ai toute confiance
18 que le verdict que vous allez rendre va être juste. En écoutant les
19 avocats, je crois que vous allez accepter une partie de ce qu'ils viennent
20 de dire.
21 Je ne vais pas rentrer maintenant dans les détails de l'affaire, mais
22 je voudrais dire quelques commentaires quant aux mots que j'ai entendu hier
23 de la bouche du Procureur.
24 Il a commencé son exposé en supposant une thèse comme quoi j'ai formé
25 des officiers dans la Brigade de la Garde qui étaient des gens avec
26 beaucoup de brutalité, qui provoquaient la peur et qui étaient intolérants.
27 Je voudrais dire que toutes les unités de la Garde doivent avoir un code de
28 conduite, y inclus ceux qui appartiennent à l'unité de la Garde, dont avait
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1 appartenu M. Moore au sein de l'armée britannique.
2 Je dois dire qu'ils peuvent être des gens cultivés, avoir un
3 comportement civilisé. Dans ce sens-là, je mettais adresser à M. Vance. Il
4 était content du compte que je lui avais rendu. Je ne sais pas pourquoi on
5 m'a décrit comme étant une personne arrogante à l'époque et que je donnais
6 l'impression d'une personne dont il fallait avoir peur. C'étaient les
7 propos de M. Moore qui après est arrivé à la conclusion qui avait eu une
8 entreprise criminelle commune.
9 Ce que je veux dire par là est que : des gens qui correspondraient à
10 une telle description n'auraient pas pu rester au sein de la Brigade de la
11 Garde, ni même un jour a été choisis pour en faire partie. Si jamais leurs
12 épouses venaient se plaindre de leur comportement, je les envoyais dans une
13 autre unité. Chez nous, les officiers devaient être tels que les soldats
14 qui leur obéissaient les aiment. C'était comme cela qu'étaient nos
15 officiers, c'était précisément pour cela que pendant les combats beaucoup
16 d'officiers étaient tombés comme victimes; beaucoup d'officiers de sous-
17 officiers qui étaient tombés pour protéger leurs soldats.
18 Si parmi les officiers quelqu'un avait manifesté dans une conversation une
19 opinion sur quelqu'un qui appartenait à un autre peuple, à une autre
20 nation, qui n'était pas en accord avec la politique de la fraternité et de
21 l'égalité, donc des valeurs de la Yougoslavie de Tito et d'avant Tito, si
22 quelqu'un avait proféré de tels propos, il était envoyé dans une autre
23 unité. Parler d'une entreprise criminelle pour expulser les Croates, je ne
24 peux pas concevoir que mes officiers avaient pu songer à quelque chose
25 comme cela et encore moins avoir une telle intension. Je refuse cela.
26 Je ne sais pas pourquoi les choses se sont passées de telle ou telle
27 manière. Parfois les choses se sont déroulées de manière peu claire. Pour
28 moi il n'est pas clair pourquoi au moment des hostilités on a dû être à
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1 Vukovar. M. Moore a bien parlé de Stalingrad, je ne sais pas pourquoi il
2 fallait agir ainsi. C'était dans l'intérêt de qui ? Je n'ai pas compris
3 pourquoi il fallait que je tienne le village de Bogdanovci à trois
4 kilomètres de Vukovar alors que finalement cela ne relevait pas de ma zone.
5 Quand on m'a montré les photographies de Vukovar détruite, maintenant 15
6 ans après, je me suis dit, qui a pu en ressentir le besoin ? Les villes
7 peuvent être prises sans les détruire. Il s'agissait là de décisions
8 politiques que nous étions obligés de suivre.
9 A qui cela a pu apporter quelque chose ? Je laisse cela aux
10 historiens. On en parle très ouvertement maintenant à l'histoire croate.
11 Pourquoi on a fait rentrer les gens à Vukovar ? Pour que le bras le plus
12 important de la JNA, la Brigade de la Garde y rentre. Les autres unités
13 étaient dispersées ailleurs autour à Srem. Tout simplement, il s'agissait
14 là d'une situation complètement confuse, c'était le chaos. Il y avait eu
15 des propositions différentes. "Laissons tomber." "Arrêtons-nous." Nous
16 sommes la Brigade de la Garde qui quand elle reçoit un ordre, elle le mène
17 à bien.
18 Quand nous avons traversé une crise, quand les réservistes nous
19 avaient quittés, nous avons continué à survivre. Nous avons œuvré, nous
20 avons combattu, nous avons déployés des efforts pour imposer la discipline
21 et l'ordre. Nous avons réussi dans notre tâche pendant toute la durée des
22 hostilités. Pendant tout ce temps là, nous n'avons pas eu de problèmes. Ils
23 avaient demandé reddition. Marin Vidic me contacte, je parle avec lui, je
24 lui propose des choses, j'attends de voir ce que mes supérieurs me disent.
25 Ils n'acceptent pas la reddition mais ils veulent passer par Vinkovci,
26 c'est là le chemin que je leur ai laissé ouvert. Je pensais que la guerre
27 serait finie après la chute de Vukovar. Après tout d'un coup, l'alerte.
28 Pourquoi n'y a-t-il pas de prisonniers ? D'où le télégramme qui est arrivé.
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1 Et différentes tâches, remplir ceci, ils ne peuvent pas sortir de là.
2 Après les nouvelles tâches s'en étaient suivies. Les gens qui s'étaient
3 rendus à nous, nous nous sommes comportés avec eux en respectant toutes les
4 règles et cela aurait pu être le cas des autres.
5 Mais, après l'entretien avec Vesna Bosanac, il y a un changement
6 radical et arrive les organes de sécurité de Sid, du 1er District militaire.
7 Il y a eu beaucoup d'officiers supérieurs et voilà. Trop de personnes et
8 voilà à quel point la situation nous a échappé de mains, c'était comme
9 cela.
10 Je ne peux dire que ceux qui avaient pris part au combat l'avaient
11 fait avec beaucoup de dignité et d'honneur. Grâce aux relations qu'il y
12 avait entre nous nous avons pu accomplir notre mission. Je voudrais
13 également rendre hommage aux défenseurs qui, avec beaucoup de sacrifices,
14 je ne sais pas pourquoi ils avaient fait autant de sacrifices et qu'est-ce
15 qu'ils ont pu obtenir. Ils avaient donné leurs vies. Cela aurait pu être
16 arrangé autrement.
17 Enfin, permettez-moi de dire que je regrette mes officiers, sous-officiers
18 et les soldats et tous ceux qui avaient combattu dans cette zone. Il y
19 avait eu des volontaires et d'autres. Des gens tout à fait simples qui
20 vivaient dans la région. Je plains également les habitants de Vukovar et
21 les défenseurs de Vukovar. J'ai vécu à côté d'eux pendant quatre ans quand
22 j'étais au lycée et on se respectait les uns les autres.
23 Maintenant après tant de temps, je vois que tout cela ce n'était
24 qu'une folie qui n'aurait jamais du arriver.
25 La question de fond qui se pose, dont nous avons débattu ici tout le temps
26 est de savoir pourquoi y a-t-il eu Ovcara ? Je pose cette question.
27 Maintenant à la fin de ce procès, pourquoi ? Pour qui ? Je ne peux que
28 déclarer que je regrette que cela a eu lieu. Si j'avais été au courant,
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1 cela ne serait pas arrivé. Je ne serais jamais parti pour Belgrade. Je
2 serais resté et j'aurais résolu le problème.
3 Cependant, ceci est que la preuve qu'il n'y avait aucune entreprise
4 criminelle commune. Il n'y avait aucune intension parmi nous qui sommes
5 accusés ici, ni les autres qui sont à Belgrade. Qui ? Quoi ? Comment ?
6 C'est quelque chose qui reste inconnu pour moi.
7 Je vous remercie une fois de plus de m'avoir écouté. Ce qui est le
8 plus important c'est que chacun peut vivre avec sa propre conscience et
9 qu'on n'a pas de remords. Je suis désolé de ce qui s'était passé. Je sais
10 que ce n'était pas moi qui avais donné l'ordre. Je n'avais pas été au
11 courant. Je n'ai pas pu l'empêcher. Je n'ai pas su après donc, je n'ai pas
12 pu punir. Quelle sera la peine que vous allez prononcer à mon égard, cela
13 reste pour moi la chose la plus importante.
14 Il faut que je puisse vivre avec ma propre conscience.
15 Je vous remercie une fois de plus de m'avoir écouté.
16 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Monsieur Mrksic --
17 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
18 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Monsieur Radic.
19 L'ACCUSÉ RADIC : [interprétation] Je serais bref. Par le biais de mes
20 défenseurs, j'ai exprimé le regret pour toutes les victimes. Je dis que je
21 n'ai pas participé aux crimes qui avaient eu lieu à Vukovar. Je vous
22 remercie de m'avoir écouté pendant que j'ai fait ma déposition. Je répète
23 une fois de plus que je n'ai pas pris part et que je ne suis pas coupable.
24 Je vous remercie, je n'ai pas autre chose à rajouter.
25 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur
26 Radic.
27 Monsieur Sljivancanin.
28 L'ACCUSÉ SLJIVANCANIN : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, je
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1 ne vais pas parler longtemps puisque mes défenseurs ont été très détaillés.
2 La façon dont j'ai vécu la dissolution de la Yougoslavie, mon Etat, et
3 toute la tragédie des jeunes soldats de la JNA, j'en ai parlé au début de
4 ce procès. J'ai déposé pendant huit jours et j'ai donné mes réponses. Je
5 n'ai pas répondu à toutes les opinions qui ont été exprimées.
6 J'ai demandé en tant que témoin des personnes qui sont membres de la
7 JNA, ce sont des officiers qui ont beaucoup d'honneur et qui étaient venus
8 ici. Nous avons entendu malheureusement mercredi de M. Moore et jeudi de la
9 part de M. Vasic que les personnes qui avaient déposé ici étaient des gens
10 qui avaient dit des mensonges et qu'ils avaient essayé de dire ce qui
11 n'était pas vrai.
12 Ils étaient venus ici pour dire la vérité et non pas pour prouver
13 qu'il ne s'agissait pas là d'une entreprise criminelle commune.
14 Je dois réaffirmer que le 21 novembre 1991 j'ai quitté M. Borsinger
15 en tant qu'ami. J'aurais bien aimé que vous l'ayez appelé à la barre. Je
16 crois que toutes les personnes qui sont présentes dans ce prétoire et
17 toutes les autres personnes honorables ne souhaitent qu'une seule chose,
18 c'est que la vérité, toute la vérité, toute la lumière soit faite sur les
19 événements, sur ce que j'ai fait en 1991. Je dois dire que pour moi la plus
20 grande punition était ce par quoi je suis passé. Mon Etat, la SFRY
21 n'existait plus. Quand j'ai vu la souffrance de mon peuple, des officiers
22 et des soldats et puis toute la propagande que j'ai pu entendre à mon
23 égard. Croyez-moi, ce que j'ai pu entendre ici dans les deux jours
24 précédents, c'était de trop. La goutte d'eau qui a fait déborder le vase.
25 Je suis convaincu que j'ai respecté ce que j'avais dit au début du
26 procès, à savoir que ma vérité sera la vôtre, Messieurs les Juges. Je ne
27 suis pas quelqu'un qui distingue les hommes d'après leur appartenance
28 ethnique ou leur religion. Je n'ai jamais détesté mon peuple et je n'ai
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1 jamais voulu détruire mon pays. Les Croates étaient mon peuple et la
2 Croatie était mon pays.
3 A l'époque, pour la première fois j'ai entendu de la part de
4 l'Accusation que nous nous partagions entre Serbes et Croates. Je ne sais
5 pas où est ma place en tant que Monténégrin.
6 Les Serbes, les Croates et les autres peuples qui vivaient en ex-
7 Yougoslavie avaient le même pays, la même patrie. Ils pouvaient avoir cette
8 patrie, la Yougoslavie. Le monde entier nous connaissait. Malheureusement,
9 l'histoire n'était pas de notre côté et on a été emporté par les vents de
10 l'histoire. Le peuple s'est trouvé dans une situation où il pouvait à peine
11 survivre. Dans cette existence, nous étions également déterminés par la
12 constitution yougoslave que je cite : "Les forces armées de la RSFY sont là
13 pour protéger la liberté, l'indépendance, souveraineté, l'intégrité
14 territoriale." Je termine ici la citation.
15 Dans cette tragédie, cet archétype tragique, on a démontré qu'en
16 respectant la constitution de la RSFY, on allait avoir des regrets. Si vous
17 ne le respectez pas, vous allez avoir des regrets également. Je n'ai pas
18 compris M. Moore ni M. Vasic. Sur quoi basent-ils leurs thèses, sur les
19 événements de Vukovar. Je suis désolé, Messieurs, vous pouvez inventer ce
20 que vous voulez, mais vous ne pourrez jamais effacer la vérité sur le fait
21 que je suis un homme droit. Vous ne pourrez pas proférer des mensonges à
22 mon égard. Vous ne pourrez pas non plus m'influencer quant à l'amour que je
23 portais et que je porte envers la Yougoslavie et tous ses peuples.
24 Cette fois-ci, comme au début du procès, j'exprime mon plus grand
25 regret pour toutes les victimes de la tragédie de Vukovar. Je comprends et
26 je condamne tous ceux qui avaient causé cette tragédie. J'exprime également
27 mes condoléances à toutes les personnes qui ont souffert.
28 Madame et Messieurs les Juges, je crois en cette Chambre de première
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1 instance et en ce Tribunal. J'attends votre verdict qui sera juste et qui
2 se basera sur les éléments de preuve, sur la tragédie d'Ovcara. Sur cette
3 tragédie-là, tous ceux qui n'ont pas peur de la vérité en ont besoin. La
4 vérité est nécessaire pour les familles des victimes, pour les familles des
5 officiers de la JNA, ceux de la Brigade de la Garde et surtout au peuple
6 serbe et croate. La vérité est nécessaire pour moi, ma famille et mes amis.
7 Votre décision juste va laver l'affront qui a été jeté sur moi parce
8 que j'ai agi en accord avec ce que j'avais promis quand j'ai commencé ma
9 carrière d'officier. Je voudrais également remercier à la fin de ce procès
10 toutes les personnes de l'hôpital de Leiden qui m'ont soigné et qui m'ont
11 permis de suivre ce procès jusqu'à sa fin.
12 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Merci, Monsieur
13 Sljivancanin.
14 Ceci nous amène à la fin de ce procès. Je voudrais au nom de toute la
15 Chambre ainsi qu'au nom du Juge Parker qui n'est pas ici présent remercier
16 toutes les parties. Nous remercions tous ceux nous ont permis de travailler
17 plus vite et de manière plus efficace. Je remercie toutes les personnes qui
18 ont travaillé derrière la scène. Je pense ici aux traducteurs, aux
19 interprètes, les sténotypistes et j'oublie sans doute beaucoup de
20 personnes.
21 Nous allons maintenant suspendre et nous rendrons notre jugement en
22 temps utile.
23 --- L'audience est levée à 17 heures 35.
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