Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 12 octobre 2010

  2   [Audience en révision]

  3   [Audience publique]

  4   [M. Sljivancanin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 29.

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bonjour à tous.

  7   Monsieur le Greffier veuillez, s'il vous plaît, citer l'affaire à l'ordre

  8   du jour de la Chambre d'appel.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, bonjour, Monsieur le Président.

 10   Bonjour à tous, Madame, Monsieur les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-95-

 11   13/1-R.1, l'Accusation contre Veselin Sljivancanin.

 12   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien.

 13   Je demande à M. Sljivancanin s'il peut m'entendre et suivre les débats dans

 14   une langue qu'il comprend.

 15   M. SLJIVANCANIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, bonjour

 16   à tous. Oui, j'entends très bien. Tout ce qui est dit je le comprends et je

 17   peux suivre les débats dans une langue que je comprends.

 18   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur  Sljivancanin, vous

 19   pouvez vous asseoir.

 20   M. SLJIVANCANIN : [interprétation] Merci.

 21   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Puis-je avoir les présentations pour

 22   l'Accusation, tout d'abord.

 23   Mme BRADY : [interprétation] Bonjour Madame, Messieurs les Juges. Helen

 24   Brady pour l'Accusation. Avec moi, Mme Najwa Nabti, M. Kyle Wood, et notre

 25   commis aux affaires, M. Colin Nawrot.

 26   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Madame Brady.

 27   Puis-je avoir les présentations pour M. Sljivancanin.

 28   M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. M.

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  1   Sljivancanin est représenté aujourd'hui par Me Novak Lukic, je suis son

  2   conseil venant de Belgrade; à côté de moi est son co-conseil, M. Stéphane

  3   Bourgon; et nous avons aussi Caroline Bouchard, notre assistante; ainsi que

  4   notre commis aux affaires, M. Boris Zorko; et avec votre permission, M.

  5   Landry, qui est notre consultant militaire.

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Maître Lukic.

  7   Avant de commencer, la Chambre d'appel tient à rendre une décision orale en

  8   ce qui concerne la demande de l'Accusation de déposer une pièce jointe à la

  9   pièce RP-7, c'est-à-dire le rapport d'expert de Theunens, demande qui a été

 10   déposée le 11 octobre par l'Accusation. Le conseil de M. Sljivancanin

 11   pourrait confirmer s'ils sont d'accord avec ce qui a été demandé.

 12   M. LUKIC : [interprétation] Oui, nous avons été avertis à l'avance.

 13   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien. De ce fait, nous allons donc

 14   faire droit à la demande de l'Accusation et autoriser que l'addendum joint

 15   à cette demande soit rajouté à la pièce RP-7. Maintenant, nous sommes ici

 16   pour une audience en révision de l'affaire le Procureur contre Veselin

 17   Sljivancanin. Du départ, je tiens à résumer les points sur lesquels la

 18   Chambre d'appel va devoir statuer et la façon dont nous allons les traiter

 19   aujourd'hui. Je tiens à vous rappeler qu'aucun de mes commentaires

 20   n'exprime de quelque façon que ce soit l'opinion de la Chambre d'appel sur

 21   les résultats de cette audience.

 22   Au cours de cette audience, les conseils va tout d'abord interroger le

 23   témoin, Reynaud Theunens, et présenteront ensuite leurs arguments de façon

 24   synthétique. Je tiens à dire que les parties doivent toujours faire

 25   référence de façon très précise à tous les éléments qui étaient leurs

 26   arguments. Maintenant, je vais passer à l'ordre du jour.

 27   Tout d'abord, nous allons suivre l'ordre du jour que l'on retrouve dans la

 28   décision sur la présentation de moyens de preuve et l'audience portant

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  1   calendrier du 21 septembre 2010. Donc l'Accusation va d'abord interroger en

  2   interrogatoire principal, le témoin, M. Theunens, et l'Accusation aura une

  3   heure pour ce faire. Ensuite, nous aurons une petite pause de 20 minutes,

  4   et puis les conseils de M. Sljivancanin procéderont au contre-

  5   interrogatoire du témoin expert, de M. Theunens, et ce, pendant une heure.

  6   Ensuite l'Accusation aura à nouveau 15 minutes pour les questions

  7   supplémentaires à poser à M. Theunens.

  8   Nouvelle pause de 20 minutes, puis l'Accusation et les conseils de M.

  9   Sljivancanin pourront présenter leurs arguments en synthèse pendant 30

 10   minutes et dans l'ordre donné; d'abord l'Accusation et ensuite les

 11   conseils. Bien sûr, les parties n'ont pas besoin d'utiliser tout le temps

 12   qui leur a été alloué. La Chambre d'appel tient à rappeler qu'il leur est

 13   très utile que les parties puissent présenter leurs arguments de façon

 14   précise et claire. Je tiens à rappeler aux parties que les Juges peuvent

 15   les interrompre à tout moment pour poser des questions ou peuvent préférer

 16   de poser des questions à la fin de la présentation des arguments par chaque

 17   partie.

 18   Je vais maintenant demander que l'on fasse venir le témoin Reynaud

 19   Theunens.

 20   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 21   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Theunens.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.

 23   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur le Témoin, veuillez lire la

 24   déclaration solennelle qui vous est donnée par l'huissier.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 26   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 27   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur  Theunens.

 28   Vous pouvez vous asseoir.

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  1   Monsieur Theunens, on vous a demandé de venir témoigner dans le cadre de la

  2   demande faite par M. Sljivancanin pour révision de sa condamnation pour

  3   avoir aider et encourager au meurtre, violation des droits et coutumes de

  4   la guerre. Au cours de cette après-midi, le conseil de l'Accusation vous

  5   posera des questions, et ensuite les conseils de M. Sljivancanin vous

  6   poseront aussi des questions à propos de certains points portant sur cette

  7   condamnation. Les Juges peuvent aussi, s'ils le veulent, vous poser des

  8   questions.

  9   Je demande maintenant à Madame la Procureur de commencer son interrogatoire

 10   principal.

 11   Madame Brady, êtes-vous prête ?

 12   Mme BRADY : [interprétation] Bonjour. Oui, je suis prête.

 13   LE TÉMOIN : REYNAUD THEUNENS [Assermenté]

 14   [Le témoin répond par l'interprète]

 15   Interrogatoire principal par Mme Brady : 

 16   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Theunens. Je m'appelle Helen Brady,

 17   et comme vous le savez, je vais vous poser des questions dans le cadre de

 18   l'interrogatoire principal cet après-midi. Donc avant de commencer, j'ai

 19   quelques conseils à vous donner. Tout d'abord, nous parlons tous les deux

 20   la même langue, donc veuillez, s'il vous plaît, ménager une pause entre mes

 21   questions et vos réponses afin que les interprètes aient le temps de suivre

 22   nos propos.

 23   Deuxièmement, comme vous le savez, votre rapport et votre CV ont déjà été

 24   versés au dossier en l'espèce, il s'agit des pièces 7 et 8, comprenant

 25   aussi l'addendum à votre rapport que vous avez fait hier, il fait

 26   maintenant partie de la pièce numéro 7.

 27   Donc première chose, j'aimerais vous poser quelques questions liminaires.

 28   Votre CV ayant déjà été versé au dossier, je ne veux pas passer trop de

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  1   temps sur votre carrière, mais pour les Juges et pour le compte rendu,

  2   j'aimerais que vous nous parliez rapidement de votre carrière et de votre

  3   éducation.

  4   R.  Je suis diplômé de l'Académie militaire de Bruxelles, j'ai eu un

  5   "master" en 1987, dans cette académie militaire, ensuite j'ai passé trois

  6   ans dans un bataillon de chars en Allemagne au sein des forces armées

  7   belges, et j'étais commandant de section, officier chargé du personnel.

  8   Ensuite, j'ai été rappelé à l'académie militaire pour y enseigner. Ensuite,

  9   j'ai été transféré au ministère de la Défense pour y travailler en tant

 10   qu'analyste spécialiste du renseignement concernant les Balkans, et j'ai

 11   travaillé bien sûr au sein du ministère de la Défense de la Belgique. Donc

 12   pendant ces neuf années à peu près, j'ai aussi été déployé à trois reprises

 13   dans le cadre d'opérations de maintien de la paix dans l'ex-Yougoslavie.

 14   Vous pourrez trouver tous les détails de ça dans mon CV. Après ces neuf

 15   années, j'ai travaillé aussi à la planification et à la planification et à

 16   la programmation politique au ministère de la Défense. Il s'agissait, bien

 17   sûr, de planification et de politique en matière du renseignement. En juin

 18   2001, j'ai été transféré au TPIY, bureau du Procureur, et j'y ai travaillé

 19   jusqu'en avril de l'an dernier en tant qu'analyste du renseignement au sein

 20   de l'équipe des militaires. J'ai travaillé principalement sur des affaires

 21   impliquant des auteurs serbes, c'est-à-dire la JNA, les volontaires, et la

 22   Défense territoriale. Au 1er avril, j'ai quitté le TPIY, je suis passé au

 23   Liban, où je travaille maintenant avec la FINUL. J'ai aussi reçu des

 24   formations en matière de renseignements spécialisés au Royaume-Uni et aux

 25   Etats-Unis.

 26   Q.  [aucune interprétation] 

 27   Mme BRADY : [aucune interprétation]

 28   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vois que M. Bourgon est debout.

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  1   M. BOURGON : [interprétation] Je vois que le témoin a des dossiers avec

  2   lui. J'aimerais savoir exactement en quoi consistent ces dossiers avant que

  3   nous ne poursuivions.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'un classeur avec un exemplaire de

  5   mon CV et un exemplaire de mon rapport, annoté par mes propres mains afin

  6   de pouvoir me repérer facilement.

  7   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je ne vois pas de problème avec cela.

  8   M. BOURGON : [interprétation] Je savais pas ce que c'était, c'est tout.

  9   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous aviez raison de poser la question.

 10   Madame Brady, poursuivez.

 11   Mme BRADY : [interprétation]

 12   Q.  Vous dites que vous avez travaillé au TPIY de 2001 à 2009, c'est-à-dire

 13   l'an dernier, en tant qu'analyste militaire au sein de l'équipe d'analystes

 14   militaires du bureau du Procureur, et vous avez préparé des rapports

 15   d'expert qui devaient être utilisés dans plusieurs affaires et vous avez

 16   témoigné pour l'Accusation dans différentes affaires. Pouvez-vous nous en

 17   dire plus.

 18   R.  J'ai témoigné dans cinq affaires. Tout d'abord, Slobodan Milosevic;

 19   ensuite Milan Martic; puis Mile Mrksic, Sljivancanin et Milorad Radic; la

 20   quatrième affaire était Vojislav Seselj; et la dernière affaire juste avant

 21   que je quitte le TPIY était le procès Gotovina, Cermak et Markac. J'ai

 22   l'intention aussi de témoigner dans l'affaire Karadzic, et avant cela aussi

 23   dans l'affaire Stanisic et Simatovic. Et dans toutes ces affaires, bien

 24   sûr, mes rapports ont été versés au dossier, mis à part, bien sûr, les deux

 25   derniers, puisque je n'ai pas encore témoigné.

 26   Q.  Donc en tant qu'analyste militaire au bureau du Procureur, avez-vous eu

 27   l'occasion d'analyser ou d'étudier la doctrine militaire de la JNA ?

 28   R.  Oui, tout à fait. Du fait de l'expérience que j'avais avant de

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  1   travailler avec les analystes militaires au bureau du Procureur, je

  2   connaissais bien les doctrines militaires, doctrines de l'ex-Yougoslavie,

  3   donc doctrines portant sur la JNA et la Défense territoriale, ainsi que les

  4   doctrines et les documents utilisés par les différentes parties qui ont

  5   participé au conflit dans l'ex-Yougoslavie entre 1991 et 1995. De plus,

  6   nous avions aussi les documents originaux, pas uniquement le règlement et

  7   les manuels, mais aussi les ordres, et il était très intéressant pour un

  8   analyste de voir comment la doctrine a été mise en pratique au cours du

  9   conflit.

 10   Q.  Pour en revenir au rapport qui a été admis dans le cadre de cette

 11   affaire, donc la pièce à conviction numéro 7 -- tout d'abord, c'est

 12   l'Accusation qui vous a demandé de faire un rapport, n'est-ce pas, en

 13   l'espèce ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Comment vous y êtes-vous pris pour préparer votre rapport ?

 16   R.  Les documents que j'ai reçus de la part de l'équipe chargée de l'appel

 17   sont identifiés au début du rapport, et bien sûr je pouvais aussi faire

 18   référence aux documents que j'avais utilisés pour le procès en première

 19   instance, et je pouvais aussi utiliser toutes les connaissances et

 20   expériences que j'avais en ce qui concerne la doctrine.

 21   Q.  Quand avez-vous été contacté par le bureau du Procureur et quand êtes-

 22   vous venu à La Haye ?

 23   R.  J'ai reçu un e-mail, je crois, la deuxième ou troisième semaine de

 24   juillet cette année. J'étais justement en Belgique en congé. Etant donné

 25   que je n'avais pas de plans bien spéciaux, et que j'étais uniquement à deux

 26   heures de route d'ici, je suis venu, pendant une semaine à peu près, pour

 27   préparer un rapport préliminaire.

 28   Q.  Etes-vous revenu ensuite après le mois de juillet ?

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  1   R.  Tout à fait. Au cours de la deuxième partie du mois d'août, j'ai été

  2   rappelé - enfin, comment dire ? - la FINUL m'a détaché, si je puis dire,

  3   pour me permettre de travailler dix jours ici au TPIY, non seulement pour

  4   cette affaire Sljivancanin, mais aussi pour étudier des documents qui me

  5   serviront pour l'affaire Stanisic et Simatovic et l'affaire Karadzic.

  6   Q.  Lorsque vous avez préparé votre rapport, sur quoi vous a-t-on demandé

  7   de vous pencher plus précisément ?

  8   R.  En juillet, on m'a dit d'étudier de près le témoignage de M. Panic et

  9   d'en tirer des conclusions analytiques, mais sans que l'on me donne de

 10   questions bien précises. En août, en revanche, j'ai reçu une liste de sept

 11   questions venant de l'équipe chargée de cet appel au sein du bureau du

 12   Procureur, et j'ai essayé d'y répondre du mieux que j'ai pu, et vous avez

 13   la réponse à ces questions dans le rapport que vous avez sous la main.

 14   Q.  Oui, il s'agit, en fait, de l'annexe à votre rapport, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Très bien.

 17   Passons maintenant à la teneur même de votre rapport. Tout d'abord, je

 18   tiens à vous montrer une pièce qui a été utilisée lors d'un procès. La

 19   pièce 368.

 20   Mme BRADY : [interprétation] Elle devrait être à l'écran en anglais et en

 21   B/C/S.

 22   Q.  Le voyez-vous à l'écran ? Il s'agit de la pièce 368, venant du procès

 23   Mrksic ?

 24   R.  Oui, je le vois.

 25   Q.  De quoi s'agit-il ?

 26   R.  On voit de par le titre qui se trouve sous l'en-tête qu'il s'agit d'un

 27   rapport de combat régulier, et donc qui est rédigé de façon régulière tous

 28   les jours. Je me souviens bien, il s'agit toujours d'un rapport qui est

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  1   fait à 18 heures le soir et qui porte sur les activités de la journée. Ici,

  2   cela va reprendre tous les événements depuis le 20 novembre jusqu'au 21

  3   novembre, 18 heures. C'est envoyé par le commandement de Groupe

  4   opérationnel sud. Cela parle, tout d'abord, des agissements de l'ennemi,

  5   les Oustachi, et ensuite on parle des activités des forces amies.

  6   Q.  Vous dites que cela émane du commandement du Groupe opérationnel sud.

  7   Mais à qui est-ce envoyé ?

  8  R.  Il y a deux destinataires. Tout d'abord, le commandement du 1er Régiment

  9   militaire, puisqu'il s'agit du commandement supérieur de ce OG sud en

 10   Slavonie orientale, et c'est aussi envoyé au secrétariat de la Défense

 11   nationale, le SSNO, secrétariat de la Défense nationale, le SSNO, donc,

 12   chargé de la Défense populaire. Et pourquoi ? Parce que la Brigade

 13   motorisée des Gardes est l'unité du Groupe opérationnel sud en temps de

 14   paix et avant -- et donc est subordonnée au SSNO par le biais du chef de

 15   cabinet.

 16   Q.  [aucune interprétation]

 17   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame Brady, pourquoi n'avez-vous pas

 18   présenté cela avec les autres pièces ?

 19   Mme BRADY : [interprétation] C'est déjà versé au dossier.

 20   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je comprends bien, mais cela aurait été

 21   plus simple pour la Chambre d'appel.

 22   Mme BRADY : [interprétation] J'avais l'impression que comme c'était déjà

 23   versé au dossier --

 24   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, mais je pense que cela aurait été

 25   bien quand même de l'ajouter au dossier, c'est tout.

 26   Mme BRADY : [interprétation] Toutes mes excuses. Maintenant --

 27   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Poursuivez.

 28   Mme BRADY : [interprétation] Merci.

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  1   Q.  Pourriez-vous maintenant, s'il vous plaît, vous pencher sur le bas de

  2   cette pièce. Il y a une signature que vous trouverez en bas de ce document.

  3   Que vous dit cette signature à propos du rôle joué par M. Panic le 21

  4   novembre, en application de la doctrine de la JNA ?

  5   R.  Comme je l'ai dit dans mon rapport, je pense qu'il s'agit de la page

  6   14, si je ne m'abuse, lorsque je parle du "reporting" et du rôle du

  7   commandant, le lieutenant-colonel Panic signe en tant que commandant par

  8   intérim du commandement du Groupe opérationnel sud, et donc, en signant, il

  9   accepte le contenu du document et il en accepte la responsabilité aussi. Je

 10   l'ai expliqué, d'ailleurs, dans mon rapport.

 11   Q.  Quel est le poste occupé par M. Panic ce jour-là, le lieutenant-colonel

 12   Panic ce jour-là ?

 13   R.  Il est évident, "komandant OG JUG," donc commandant du Groupe

 14   opérationnel sud. Le texte, bien sûr, est un texte où l'on parle de Mile

 15   Mrksic, mais nous savons qu'il y a eu un ordre de resubordination le 21 au

 16   matin, qui a aussi été signé par le lieutenant-colonel Panic en tant que

 17   commandant par intérim, et c'est toujours la même signature que l'on a sur

 18   ce document-ci, ce qui montre qu'à cette heure-là, le lieutenant-colonel

 19   Panic est le commandant par intérim du Groupe opérationnel sud.

 20   Q.  Très bien. Monsieur Theunens, dans votre rapport --

 21   Mme BRADY : [interprétation] C'est en réponse à la question numéro 4, page

 22   14.

 23   Q.  -- vous parlez de la doctrine de l'unicité du commandement. Pourriez-

 24   vous nous dire ce qu'est exactement ce principe d'unicité du commandement ?

 25   R.  L'unicité du commandement est l'un des principes essentiels de la

 26   doctrine de l'ex-Yougoslavie en ce qui concerne le commandement et le

 27   contrôle tels qu'ils sont stipulés dans la Loi sur la Défense populaire

 28   généralisée de 1982. Donc, il y a non seulement un seul commandement;

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  1   unicité de commandement et obligation de mettre en œuvre les décisions. Ça

  2   signifie que, tout d'abord, il n'y a qu'une seule personne qui peut donner

  3   des ordres, un seul commandant qui peut donner des ordres, et il n'y a

  4   qu'une seule personne à qui le subordonné rend compte des ordres qu'il ou

  5   elle a reçus de la part de ce commandant, justement.

  6   Q.  Mais pourquoi est-ce que ce principe est-il si important au titre de la

  7   doctrine militaire, le fait qu'il y ait une seule autorité ?

  8   R.  Il ne peut y avoir qu'un seul commandement, unicité de commandement,

  9   sinon on a du chaos. Si deux personnes peuvent donner des ordres en même

 10   temps à la même unité ou au même subordonné, soit l'unité subordonnée soit

 11   le subordonné lui-même ne va pas savoir à qui obéir. Donc, il y a unicité

 12   de commandement. Il y a toujours un seul commandant.

 13   Q.  Au vu de ce principe de l'unicité du commandement et de l'autorité, et

 14   en gardant à l'esprit la pièce 368 que nous venons de voir, d'après vous,

 15   selon la doctrine militaire, est-ce que Mrksic aurait pu avoir l'autorité

 16   de commandement sur l'OG sud pendant son absence, pendant qu'il ne se

 17   trouvait pas sur place les 21 et 22 novembre ?

 18   R.  A moins d'avoir enfreint ce principe essentiel de commandement et de

 19   contrôle - et jusqu'à présent, je n'ai jamais vu le moindre exemple de cela

 20   - à moins d'avoir vraiment enfreint ce principe fondamental, on peut

 21   exclure totalement qu'en son absence, Mile Mrksic, lorsqu'il n'étais pas

 22   là, ait pu exercer le commandement.

 23   Q.  Si je vous ai bien compris, ça veut dire que la personne qui a signé la

 24   pièce P368 avait tout le pouvoir de commandement lorsqu'il a signé cela, il

 25   commandait totalement l'OG sud; c'est bien cela ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Bien. Poursuivons l'étude de ce rapport de combat régulier, pièce 368.

 28   Vous la connaissez bien, puisqu'on l'a utilisé lors du procès. Y a-t-il des

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  1   informations dans ce document à propos du statut des prisonniers de guerre

  2   ?

  3   R.  Si nous pouvions voir à l'écran le bas de la page en anglais. On voit

  4   que l'on parle de civils qui ont été évacués les 20 et 21, y compris des

  5   blessés. Je pense qu'il faudrait que l'on passe à la page suivante en

  6   anglais. On parle de ces activités qui sont entreprises à propos des civils

  7   et des blessés. Mais on ne parle absolument pas de quoi que ce soit en ce

  8   qui concerne les prisonniers de guerre.

  9   Q.  D'après la connaissance que vous avez de la doctrine de la JNA et des

 10   circonstances de l'affaire que vous connaissez bien, d'après vous, dans un

 11   rapport de situation de ce type, comme ce rapport 368, est-ce que des

 12   informations à propos des prisonniers de guerre devraient être incluses; et

 13   si oui, pourquoi ?

 14   R.  Tout à fait, je me serais attendu à avoir des informations à propos des

 15   agissements liés aux prisonniers de guerre pour deux raisons. Tout d'abord,

 16   parce que d'après le contexte - j'ai essayé de résumer cela, d'ailleurs,

 17   dans mon rapport - nous savons que l'évacuation de l'hôpital de Vukovar

 18   était une opération qui était assez délicate, si je puis dire, parce qu'il

 19   y avait eu un accord spécial avec les Croates, donc les évacuations

 20   allaient être surveillées, plus ou moins, par les observateurs

 21   internationaux. Donc, de plus, les organes de sécurité y étaient très

 22   intéressés parce qu'ils voulaient avoir le plus de prisonniers de guerre

 23   possible sous contrôle de la JNA afin de pouvoir procéder par la suite à

 24   des échanges avec des prisonniers détenus par les forces croates. Et

 25   d'après le contexte, d'ailleurs, nous savons aussi qu'en ce qui concerne

 26   les évacués de l'hôpital, tout ce qui s'est passé n'a pas suivi les ordres

 27   écrits qui avaient été donnés précédemment par le service chargé de la

 28   sécurité, c'est-à-dire qu'au lieu d'amener le plus grand nombre de

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  1   prisonniers de guerre en Serbie, c'est-à-dire à Sremska Mitrovica, ils ont

  2   été remis à une entité appelée ici un gouvernement local et des

  3   volontaires. Et du fait du caractère délicat, la nature délicate de cette

  4   affaire, du fait aussi que la remise des prisonniers ne s'est pas faite

  5   selon les ordres donnés par les supérieurs, il aurait vraiment fallu que

  6   cette activité soit mentionnée au rapport.

  7   Q.  Dans votre rapport - et ceci répond précisément à la question 5 que

  8   nous vous avions posée à l'époque - vous évoquez le devoir d'être informé

  9   de la situation. Pouvez-vous nous en dire plus au sujet de ce principe.

 10   R.  Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, pour être tout à

 11   fait précis, je dirai que je ne suis pas absolument sûr que les termes

 12   "situational awareness" en anglais soient utilisés au sein des forces

 13   armées en tant que termes techniques. Mais si vous vous penchez sur la page

 14   18 de mon rapport, au milieu de la page, vous verrez qu'un certain nombre

 15   de fonctions du commandement et du contrôle sont définies et qu'on y

 16   trouve, entre autres, la fonction d'organisation. Par ailleurs, il y a un

 17   certain nombre de réglementations au sein de la JNA ainsi qu'au sein des

 18   forces armées de la République socialiste fédérative yougoslave, de façon

 19   plus générale, qui stipulent clairement que le commandant doit être au

 20   courant de la situation, pas seulement de la situation que vivent les

 21   forces ennemies mais également ses propres forces. Et si vous souhaitez, je

 22   peux vous expliquer pour quelle raison ceci est particulièrement important.

 23   Q.  Oui, je vous prie, faites-le.

 24   R.  Eh bien, c'est presque évident. D'une certaine façon, un commandant se

 25   voit investi d'une mission par son supérieur, et afin d'exécuter cette

 26   mission -- je veux dire, ce dont je parle ici, ce sont des opérations de

 27   combat qu'il importe qu'il mène à bien, eh bien, il lui faudra utiliser ses

 28   propres forces pour exécuter les ordres qui lui ont été donnés. Alors, s'il

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  1   ne connaît pas la situation dans laquelle se trouvent ses propres forces,

  2   il lui est difficile de donner des ordres à ses hommes parce que, par

  3   exemple, imaginons que nous soyons dans un scénario d'offensive, eh bien,

  4   dans une telle situation, le Groupe opérationnel sud se voit chargé de

  5   capturer une ville en particulier avant une heure déterminée. Il est

  6   possible qu'un certain nombre d'unités du Groupe opérationnel sud soient

  7   plus faibles que telle autre unité, par exemple, ou moins expérimentées, et

  8   qu'une autre unité subisse des pertes importantes. Donc, tous ces facteurs

  9   font que les capacités d'une unité sont plus ou moins importantes et

 10   doivent être prises en compte. Ces facteurs, le commandant doit les prendre

 11   en compte lorsqu'il prépare l'ordre à adresser à ses unités subordonnées

 12   afin de garantir qu'il utilise l'unité la mieux qualifiée pour réaliser la

 13   mission qui lui a été confiée de la façon la plus efficace et la plus

 14   couronnée de succès.

 15   Q.  J'aimerais vous interrompre à ce point, car lorsque vous parlez de la

 16   tâche qui est confiée au commandant et de son obligation de connaître les

 17   détails de la situation à tout moment, je voudrais vous renvoyer à

 18   l'expression "connaissance de la situation", mais nous parlons ici, n'est-

 19   ce pas, d'une connaissance qui doit exister à tout moment et pas seulement

 20   au cœur des combats ?

 21   R.  Oui, à tout moment. La réglementation que j'ai sous les yeux est très

 22   claire, elle met l'accent sur les opérations de combat pour des raisons

 23   manifestes, parce que le rythme des opérations est, bien sûr, supérieur au

 24   rythme normal. Je n'ai pas traité de cela dans le détail mais, par exemple,

 25   si vous devez organiser une parade, vous n'allez pas utiliser une unité

 26   composée de recrues nouvellement arrivées. Donc, vous ferez plutôt appel,

 27   sans doute, à des forces plus expérimentées ou plus entraînées aux parades,

 28   et c'est ceci le résultat de la connaissance de la situation, qui est un

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  1   point important.

  2   Q.  Donc, même sur les faits de l'espèce, après la chute de Vukovar, après

  3   la fin des combats, le commandant ou le commandant par intérim, comme le

  4   voulait la situation, pouvait prendre des mesures activement pour appliquer

  5   ce principe, n'est-ce pas, étant donné leur devoir de toujours être

  6   informé, au courant de la situation, ils pouvaient donc prendre des mesures

  7   pour découvrir ce qui était en train de se passer au sein des unités dans

  8   le cadre hiérarchique qui les intéressait, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui, c'est exact.

 10   Q.  Je vous renvoie à présent -- ou bien, je vous rappellerai cette pièce

 11   368 en vous demandant si, en vertu de la doctrine de la JNA, en signant la

 12   pièce 368, est-ce que cela n'était pas un acte impliquant que le commandant

 13   du Groupe opérationnel sud ou le commandant par intérim du Groupe

 14   opérationnel sud avait pris des mesures déterminées ?

 15   R.  Eh bien, ma signature du rapport confirme que le rapport est exact et

 16   complet. Et encore une fois, ceci est tout à fait évident. Le commandant et

 17   les supérieurs hiérarchiques ont les mêmes obligations de connaissance de

 18   la situation, et lorsque vous recevez un rapport d'un subordonné, c'est une

 19   des sources dont vous disposez pour vous familiariser avec la situation

 20   dans laquelle se trouvent vos propres forces. C'est un moyen parmi

 21   d'autres. Un autre moyen pourrait consister à mener des inspections, comme

 22   des visites d'une unité, pour voir si ce qui est dit dans le rapport est

 23   exact et correspond à la réalité.

 24   Q.  Donc, sur la base de votre réponse, lorsque vous nous dites qu'il lui

 25   fallait veiller à ce que l'information soit complète, comment il le faisait

 26   ?

 27   R.  Eh bien, en général, il existe un système d'élaboration des rapports,

 28   les rapports aux subordonnés et les rapports aux unités supérieures, et au

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  1   début des dispositions sont prises pour veiller à ce que les informations

  2   soient mises à disposition par les unités subordonnées dans les délais

  3   requis de façon à ce que le commandement supérieur ait suffisamment de

  4   temps pour élaborer le rapport. Je vous parle ici de rapports réguliers.

  5   Bien entendu, il peut y avoir également ce qu'on appelle des rapports

  6   irréguliers, c'est-à-dire des rapports rédigés en cas d'urgence ou en cas

  7   d'évolution spectaculaire de la situation, parce qu'encore une fois, la

  8   situation n'est pas statique. Même après la chute de Vukovar, elle ne l'a

  9   pas été. Il y avait encore des événements qui survenaient, des unités qui

 10   se déplaçaient et qui se préparaient à se retirer. Donc, les mouvements

 11   étaient permanents et, encore une fois, ils sont décrits dans les rapports,

 12   mais le Groupe opérationnel sud avait un centre opérationnel où parvenaient

 13   les informations fournies par radio, par voie de rapports écrits, par voie

 14   de renseignements transmis par les officiers de liaison et par toutes

 15   sortes de moyens différents, et toutes ces informations étaient

 16   rassemblées. Il y avait aussi des hommes qui tenaient un journal de guerre.

 17   Ensuite, une sélection des informations pertinentes est faite, et ces

 18   informations sont intégrées dans un rapport de combat qui est transmis à

 19   l'échelon hiérarchique supérieur, et ce, sur la base des informations

 20   reçues de l'échelon hiérarchique inférieur. Donc, une inspection peut

 21   compléter le tout pour vérifier la réalité et l'exactitude de la situation,

 22   ce qui est tout à fait logique. Autrement dit, il faut vérifier la mesure

 23   dans laquelle vos instructions ont été mises en œuvre, le cas échéant, et

 24   si ce degré de mise en œuvre ne correspond pas à vos attentes, il faut

 25   prendre des mesures correctrices.

 26   Autre moyen de veiller à ce que ce partage d'informations ait lieu, ce sont

 27   les réunions d'information tenues régulièrement aux environs de 18 heures,

 28   si je me souviens bien, ou en tout cas, après l'envoi du rapport. Je n'en

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  1   suis plus tout à fait sûr. Il peut y avoir des visites d'inspection et

  2   d'autres moyens.

  3   Q.  Lorsque vous dites qu'en signant ce rapport, on s'assure que nos

  4   informations sont complètes, de quel rapport parlez-vous exactement ?

  5   Quelles mesures ont été prises par la personne concernée ? Qu'est-ce que

  6   cette personne a l'obligation de faire si des rapports ne lui parviennent

  7   pas ?

  8   R.  Eh bien, il a pour obligation de donner consigne au responsable du

  9   centre d'opérations de demander à l'unité subordonnée pour quelle raison le

 10   rapport n'est pas arrivé. Je veux dire, il peut y avoir plusieurs raisons.

 11   Dans le pire des cas, il peut y avoir eu panne des systèmes de

 12   transmission, et il faut envoyer une personne recueillir physiquement le

 13   rapport, ou bien on peut envoyer un officier de liaison auprès de l'unité

 14   subordonnée, qui rapportera les informations. Encore une fois, il peut

 15   aussi y avoir inspection, comme je l'ai déjà dit.

 16   Q.  Donc, est-ce qu'il est permis de dire que lorsque la mission consiste à

 17   rester au courant de la situation, il s'agit bien d'une mission active qui

 18   implique de prendre des mesures activement pour obtenir des renseignements

 19   si ceux-ci ne vous parviennent pas ?

 20   R.  Bien entendu, et c'est la raison pour laquelle j'ai essayé d'expliquer

 21   que tout cela était une défense de ses intérêts personnels. S'il vous faut

 22   organiser une situation en qualité de commandant, vous avez la

 23   responsabilité d'obtenir des renseignements le plus précis possible. Donc,

 24   vous ne souhaitez pas que vos propres forces vous surprennent dans une

 25   situation où vous manqueriez de contrôle sur un certain nombre de facteurs,

 26   ce que l'ennemi ou d'autres forces pourraient souhaiter.

 27   Par exemple, le climat peut poser des problèmes. Au paragraphe 8 du texte,

 28   vous verrez qu'il est question de la nécessité de prévoir un certain nombre

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  1   de facteurs, d'éléments. On s'attend à ce que le commandant des forces

  2   armées de la RSFY ait capacité de prévoir un certain nombre d'événements -

  3   je m'en explique dans mon rapport - et la capacité et la possibilité de ses

  4   forces subordonnées est quelque chose qui ne doit pas être un sujet

  5   d'inquiétude pour un commandant en train de recueillir des renseignements.

  6   Il est important de disposer de ces renseignements, mais il ne doit pas y

  7   avoir difficulté à obtenir ces renseignements, encore une fois, dans un

  8   scénario tel que celui auquel faisait face le Groupe opérationnel sud au

  9   moment des événements.

 10   Q.  Vous savez, parce que nous avons lu la déposition de M. Panic, qu'il a

 11   témoigné le 21 novembre, il était surtout préoccupé et s'occupait de tâches

 12   diverses et multiples, a-t-il dit, et il était en train d'organiser une

 13   conférence de presse. Il s'apprêtait à assister au retour de la Brigade de

 14   garde à Belgrade, et devait assurer le transport des civils.

 15   Mme BRADY : [interprétation] Pour les Juges de la Chambre, j'indique que

 16   ceci est une paraphrase des pages 63 à 83 du compte rendu d'audience.

 17   Q.  Aux termes de la doctrine de la JNA, est-ce que de telles missions

 18   décrites par M. Panic auraient pu affecter sa mission en tant que

 19   commandant ce jour-là, le 21 novembre, notamment son obligation d'être en

 20   permanence au courant de la situation ?

 21   R.  Non, pas du tout. Encore une fois, au cours de toutes les années où

 22   j'ai travaillé sur les lieux et également avant de me mettre à étudier la

 23   doctrine des forces armées de la RSFY, j'ai constaté que la charge de

 24   travail n'était pas un motif valable pour réduire sa responsabilité. Ce que

 25   je veux dire encore une fois, et je pense que c'est en page 8, c'est que

 26   ceci est explicitement écrit dans la doctrine de commandement et de

 27   contrôle de la JNA, ou la doctrine de commandement et de contrôle des

 28   forces armées de la RSFY. Un commandant peut déléguer son autorité pour des

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  1   raisons tout à fait manifestes. Manifestement, le chef de l'état-major

  2   principal devra déléguer à chacun de ses soldats ce qu'il ne peut pas faire

  3   lui-même. Donc le commandant peut déléguer son pouvoir, mais pas sa

  4   responsabilité. Et en déléguant son pouvoir, il demeure responsable, et

  5   manifestement, des missions qu'il a déléguées.

  6   Dans ce cas particulier, le lieutenant-colonel Panic n'était pas seul le 21

  7   novembre, il avait le Groupe opérationnel sud à sa disposition, et en

  8   particulier des hommes spécialisés dans les différentes branches du travail

  9   militaire, qui auraient dû pouvoir l'aider à planifier et à organiser

 10   toutes ces activités. Et puis il y a son jugement personnel, et encore une

 11   fois, je vous renvoie à sa déposition. Je comprends, après l'avoir relue,

 12   que le 20 novembre dans l'après-midi et la soirée, le lieutenant-colonel

 13   Panic était très inquiet de la situation eu égard à l'évacuation des

 14   prisonniers de guerre d'Ovcara, et que son chef d'état-major -- n'avait pas

 15   juridiquement l'obligation de s'intéresser à cela. Alors il s'y intéresse.

 16   Pourquoi ? Parce qu'il est chef d'état-major. J'ai trouvé cela intéressant,

 17   et je l'ai dit dans mon rapport, le jour où il est responsable et il agit

 18   en tant que commandant, il dit dans sa déposition qu'il ne manifestait pas

 19   un intérêt particulier par rapport aux prisonniers. Donc j'ai essayé de

 20   tirer ce point au clair dans mon rapport. Sur la base de ma façon de

 21   comprendre la doctrine des forces armées de la RSFY, une telle réaction est

 22   assez inhabituelle.

 23   Q.  Je vous renvoie un pas plus loin que la réponse que vous avez faite. Si

 24   un commandant ou un commandant par intérim était au courant du fait qu'il y

 25   a des prisonniers de guerre dans sa zone de responsabilité, à votre avis,

 26   est-ce qu'il serait plus important pour lui de garantir la sécurité de ses

 27   prisonniers, ou est-ce qu'il serait plus important pour lui de s'occuper

 28   d'autres tâches telles que la préparation d'une conférence de presse ou le

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  1   retour des gardes prévu quatre jours plus tard ?

  2   R.  Je ne dirai pas que le fait qu'il y ait des prisonniers dans sa zone de

  3   responsabilité puisse être tout à fait inhabituel pour un commandant du

  4   Groupe opérationnel sud. Et il peut donc s'en occuper lui-même, ou il peut

  5   déléguer cette tâche à une autre personne. Et il serait tout à fait

  6   raisonnable de déléguer cette responsabilité, vu la situation de

  7   prisonniers de guerre, c'est-à-dire de les remettre aux mains d'une

  8   autorité appropriée qui les traiterait bien, qui ferait en sorte que

  9   personne ne puisse s'évader, et cetera, et cetera, donc qu'il ait délégué

 10   cette tâche, Panic, à quelqu'un d'autre, à quelqu'un de qualifié pour

 11   réaliser cette tâche de la meilleure façon possible. Cet officier aurait

 12   bien entendu en temps utile informé Panic au sujet de la façon dont il

 13   avait exécuté les ordres reçus de lui. Il aurait dû informer Panic au sujet

 14   de tout problème qu'il aurait pu rencontrer durant l'exécution, ou en tout

 15   cas durant le transfert de pouvoir de la part de Panic sur lui. Mais encore

 16   une fois, conformément à la doctrine, Panic serait le seul qui serait resté

 17   responsable de la situation de ces prisonniers de guerre à tout moment.

 18   Et revenons maintenant sur ce que j'ai déjà dit, à savoir la prise en

 19   compte des renseignements dont il disposait le 20, et la préoccupation

 20   qu'il a manifestée le 20. Il semblerait logique qu'il ait manifesté la même

 21   préoccupation pendant la journée du 21, parce que ce jour-là il est

 22   commandant par intérim, et selon la doctrine des forces armées de la RSFY,

 23   il est légalement responsable des activités de ses unités et de toute la

 24   situation qui prévaut dans sa zone de responsabilité, y compris la

 25   situation de ces prisonniers de guerre.

 26   Q.  J'aimerais maintenant que nous nous intéressions à un sujet un peu

 27   différent, qui est également abordé dans votre rapport. Je veux parler de

 28   la subordination de la 80e Brigade motorisée par rapport au Groupe

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  1   opérationnel sud. Dans votre rapport, c'est là le cœur de la réponse que

  2   vous avez faite à la question numéro 2. Dans votre rapport, donc, vous

  3   affirmez que la 80e Brigade motorisée était subordonnée au Groupe

  4   opérationnel sud jusqu'au 23 novembre 1991 au moins. Pourquoi dites-vous

  5   cela ?

  6   R.  Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, j'ai dit cela parce

  7   que nous avons vu un ordre -- enfin, il existe un ordre, il y a également

  8   un rapport de combat régulier du Groupe opérationnel sud qui évoque

  9   clairement la 80e Brigade motorisée. J'en discute en pages 9 et 10 de mon

 10   rapport. Je suis d'ailleurs en train d'essayer de trouver le numéro de

 11   pièce à conviction de l'ordre dont je parle -- ou plutôt, excusez-moi,

 12   c'est l'ordre que donne le colonel Mrksic en date du 22. Je crois que c'est

 13   la pièce à conviction 424. Dans cet ordre, il déclare qu'à partir du 23

 14   novembre 1991, la 80e Brigade motorisée est tenue de et cetera, et cetera.

 15   Page 9 de mon rapport. Or, on ne peut émettre des ordres qu'à des hommes

 16   qui sont des subordonnés. Si l'on replace la situation dans le contexte, ce

 17   que j'ai fait dans mon rapport, eh bien j'en ai conclu qu'outre le rapport

 18   de combat régulier rédigé le 23, la 80e Brigade motorisée devait rester

 19   subordonnée au Groupe opérationnel sud au moins jusqu'au 23 novembre à 18

 20   heures.

 21   Q.  Sans perdre de vue le fait que ce transfert de subordination -- je vais

 22   reformuler, excusez-moi. Donc si nous ne perdons pas de vue le fait que le

 23   transfert depuis le Groupe opérationnel sud jusqu'à la 80e Brigade

 24   motorisée s'est produit un peu après 18 heures le 23 novembre, mais avant

 25   le 24 novembre, date du départ des gardes, pouvez-vous nous parler

 26   éventuellement de la situation intermédiaire, c'est-à-dire de la situation

 27   qui prévalait entre le moment où se préparaient les choses et le départ des

 28   gardes ?

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  1   R.  Oui, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges. Ceci est un

  2   exemple très clair de l'application du principe d'unicité du commandement,

  3   c'est-à-dire qu'il n'y a qu'un seul commandant à chaque instant. Toutefois,

  4   le transfert de pouvoir est un processus qui implique un déplacement

  5   d'unités. En effet, une unité va remplacer une autre, un commandant va

  6   remplacer un autre, et ceci implique également un échange de renseignements

  7   et peut durer plusieurs jours. Mais c'est seulement au moment où se produit

  8   le transfert de pouvoir officiel d'un commandant à un autre, c'est-à-dire

  9   de l'ancien commandant au nouveau, que le transfert de pouvoir se passe

 10   effectivement au sens du commandement et du contrôle. Donc avant ce moment-

 11   là, la 80e Brigade motorisée pouvait avoir des officiers qui étaient

 12   physiquement présents sur le territoire du Groupe opérationnel sud et dans

 13   son commandement, je veux dire la planification était coordonnée, le

 14   transfert de pouvoir se faisait sur la base du fait que le colonel Mrksic

 15   devait signer tous les documents en qualité de commandant du Groupe

 16   opérationnel sud jusqu'au 23 à 18 heures. Et nous avons un rapport de

 17   combat important en date du 24, qui comporte encore sa signature. C'est la

 18   raison pour laquelle j'ai conclu que le transfert de pouvoir officiel ne

 19   pouvait avoir lieu qu'après le 23 novembre, 18 heures.

 20   Q.  D'accord. J'aimerais maintenant que nous passions à ma dernière série

 21   de questions, dernier sujet que j'aborderai. En effet, le gros de votre

 22   déposition que nous avons entendue cet après-midi a concerné les missions

 23   de M. Panic en tant que commandant par intérim à la date du 21 novembre.

 24   Comme vous le savez, la nuit qui précède, c'est-à-dire la nuit du 20

 25   novembre, M. Panic était dans son rôle habituel de chef d'état-major.

 26   Toutes ces missions dont vous allez parler cet après-midi, en particulier

 27   ce devoir d'être en permanence informé de la situation, pouvez-vous nous

 28   dire comment elles s'appliquent au chef d'état-major, si nous gardons à

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  1   l'esprit qu'il était chef d'état-major. Vous avez abordé ce sujet

  2   superficiellement dans une réponse déjà, je crois.

  3   R.  Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, c'est un sujet qui

  4   est largement développé dans la réponse que j'ai faite à la question numéro

  5   1, s'agissant du chef d'état-major, pour l'essentiel, il dirige l'état-

  6   major. Il importe de remarquer qu'à la JNA, outre l'état-major, il y avait

  7   également un certain nombre de commandants assistants. Donc, on a le

  8   commandant tout en haut et en dessous de lui, on a le chef d'état-major qui

  9   dirige l'état-major; mais en plus, on a également trois commandants

 10   assistants, en particulier au sein de la Brigade motorisée des Gardes ainsi

 11   que dans le Groupe opérationnel sud. Il y avait donc un commandant

 12   assistant chargé de la sécurité, un commandant assistant chargé de la

 13   logistique et un commandant assistant chargé des instructions politiques.

 14   Et ces hommes étaient en relation directe avec le commandant. Tous les

 15   autres officiers de l'état-major, comme j'avais dit, étaient sous la

 16   direction du chef d'état-major. Pour résumer son rôle, le commandant reçoit

 17   une mission de son supérieur. Dans ce cas, il s'agit du colonel Mrksic qui

 18   reçoit une mission du commandant de la 1ère Région militaire, le général

 19   Zivota Panic à l'époque. Puis à ce moment-là, Mrksic consulte son chef

 20   d'état-major pour transformer cette instruction, qui peut être très courte

 21   ou très longue, selon la situation, en un ordre, c'est-à-dire en une série

 22   de consignes destinées aux unités subordonnées. Et chacune des sections de

 23   l'état-major va élaborer sa propre partie du rapport global -- ou plutôt,

 24   excusez-moi, de l'ordre global. Donc, le chef d'état-major, c'est le

 25   collaborateur le plus proche du commandant parce qu'il est son

 26   interlocuteur avec l'état-major, puis il y a aussi ce que j'essaie

 27   d'expliquer, à savoir que le chef d'état-major n'a pas légalement le devoir

 28   d'être au courant de la situation, mais qu'il serait un très mauvais chef

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  1   d'état-major si, en sa qualité de conseiller le plus proche du commandant,

  2   il n'était pas capable de veiller à lui fournir les renseignements les plus

  3   précis et les plus complets au sujet de la situation qui prévaut à tel ou

  4   tel moment. Parce que c'est effectivement aussi le devoir de l'état-major

  5   qui doit élaborer des ordres, et cetera, bien sûr, mais qui a également

  6   pour devoir de veiller à être informé de la situation. Donc, il a intérêt à

  7   être au courant de la situation.

  8   Q.  Nous le savons - et ce sera ma dernière question - nous le savons, M.

  9   Panic est devenu commandant par intérim le lendemain. Lorsqu'il a appris,

 10   et je pense que cela a dû se passer un certain temps avant le départ de

 11   Mrksic. Donc lorsqu'il a appris qu'il deviendrait commandant par intérim le

 12   lendemain, aux termes de la doctrine militaire, quelles sont les questions

 13   que l'on peut s'attendre à ce qu'il se pose, si l'on est dans la situation

 14   de M. Panic, qui était chef d'état-major à ce moment-là au sujet de la

 15   reprise par lui du rôle de commandant par intérim ? Quelles seraient les

 16   questions que lui-même ou le commandant qui s'apprête à partir se seraient

 17   posées, à savoir lui, donc, et Mile Mrksic, afin d'exécuter correctement la

 18   tâche d'assumer la responsabilité qui serait la sienne par rapport aux

 19   unités ?

 20   R.  Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, ceci a été évoqué --

 21   cette fonction de continuité du commandement du contrôle a été évoquée

 22   pendant le procès mais pas dans mon rapport. Mais encore une fois,

 23   manifestement, Panic, étant donné qu'il pouvait être tenu responsable de

 24   tout ce qui se passait pendant l'absence de Mrksic, avait besoin de veiller

 25   à ce que Mrksic lui ait transmis toutes les informations nécessaires,

 26   toutes les informations dont il avait besoin pour mener à bien correctement

 27   le commandement du Groupe opérationnel sud, ce qui n'inclut pas simplement

 28   les consignes que Mrksic avait reçues de ses supérieurs. Panic aurait

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  1   également dû connaître les préoccupations que Mrksic pouvait avoir par

  2   rapport à la situation, il devait savoir ce que faisait l'ennemi, quels

  3   étaient les éventuels problèmes qui se posaient aux unités amies, et

  4   cetera, et cetera. Nous avons discuté de la question des prisonniers de

  5   guerre. Il aurait eu nécessité de disposer également de ce renseignement.

  6   Et s'il ne recevait pas spontanément tel ou tel renseignement de Mrksic, il

  7   aurait dû le demander parce qu'il devait vouloir être dans la meilleure

  8   position possible pour remplir ses responsabilités le plus complètement

  9   possible. Lorsque je dis "il", je veux dire Panic, pour que Panic, donc,

 10   puisse remplir ses responsabilités de commandant par intérim du Groupe

 11   opérationnel sud.

 12   Mme BRADY : [interprétation] Ce sont toutes les questions que j'avais à

 13   poser à M. Theunens au cours de l'interrogatoire principal. Ayant dit cela,

 14   l'Accusation s'appuiera sur l'intégralité de sa déposition, qui a été

 15   versée au dossier sous forme de son rapport, qui constitue désormais la

 16   pièce à conviction numéro 7. Les questions posées aujourd'hui avaient pour

 17   but de faire ressortir les points saillants, mais nous tenons compte de

 18   l'intégralité de son rapport ainsi que de sa déposition orale cet après-

 19   midi dans ce prétoire. Je ne sais pas si les Juges ont des questions

 20   supplémentaires à lui poser.

 21   M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'aurais une ou deux questions à poser

 22   au témoin. Je vous remercie, pour commencer, de votre déposition, Monsieur

 23   Theunens.

 24   En page 4, paragraphe 6, de votre rapport, vous dites que le

 25   commandant a la possibilité d'émettre des ordres ayant un rapport avec les

 26   opérations directement à l'adresse de ses commandants subordonnés; c'est

 27   exact ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, mais ce n'est pas

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  1   là que la phrase s'arrête.

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Poursuivez-la.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] S'il émet un ordre par écrit, par exemple, il

  4   va le signer. Mais s'il -- c'est ce que j'ai essayé d'expliquer, si l'ordre

  5   du commandant vise les activités que j'ai évoquées tout à l'heure, cet

  6   ordre reposera sur le travail de l'état-major, comme j'ai essayé de

  7   l'expliquer. C'est ainsi que fonctionne le processus de commandement.

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'ai compris. Mais venons-en à la fin

  9   de ma question.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis désolé.

 11   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je comprends que ceci soit votre point

 12   de vue, et je vais vous citer, à savoir qu'il était, je cite, "extrêmement

 13   inhabituel" pour M. Mrksic d'émettre l'ordre de retrait à l'intention

 14   directe de la 80e Brigade motorisée, sans aucune participation de son chef

 15   d'état-major. Alors voici, sur la base de cela, la question que je vous

 16   pose maintenant : est-ce que vous êtes en mesure de dire que ceci est

 17   impossible, ou simplement extrêmement inhabituel, ce qui s'est passé ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, dans la situation dans

 19   laquelle se trouvent les êtres humains, rien n'est impossible. Je veux

 20   dire, théoriquement, Mrksic aurait pu agir ainsi, mais la question qui se

 21   pose est de savoir pourquoi ? Parce que ceci aurait constitué une violation

 22   de la doctrine. Ceci lui aurait créé une situation très difficile parmi ses

 23   hommes et au sein de son état-major. Tout le monde lui aurait certainement

 24   demandé : Mais pourquoi as-tu fait cela ? Et si nous pensons uniquement au

 25   départ des policiers militaires, ceci devait avoir nécessairement une

 26   incidence sur les forces du Groupe opérationnel sud, puisque ces policiers

 27   militaires étaient mis à la disposition d'une autre unité. Encore une fois,

 28   on ne peut pas émettre d'ordre isolé parce que les effets en sont toujours

Page 170

  1   visibles sur le terrain. Imaginons qu'il ait dit directement à Vojnovic :

  2   Mais j'ai écrit qu'Ovcara était à 10 kilomètres de Negoslavci, mais je

  3   pense qu'en fait, c'est beaucoup moins loin; cela dit, je n'avais pas de

  4   carte à ma disposition à ce moment-là. Tout le monde aura remarqué que tout

  5   d'un coup les policiers militaires ne sont plus nulle part, et ceci peut

  6   être remarqué en une minute, mais en tout cas, le lendemain, tout le monde

  7   l'aurait remarqué, étant donné la nécessité d'être au courant de la

  8   situation. Tout le monde aurait pu se demander : Pourquoi est-ce qu'ils

  9   sont partis ? Pourquoi est-ce que Mrksic ne nous l'a pas dit ? Donc, encore

 10   une fois, je pense que ce serait développé éventuellement des théories de

 11   la conspiration, et je n'ai pas trouvé de justification pour une telle

 12   théorie de la conspiration. Sans parler de Vojnovic ou du capitaine

 13   Karanfilov, qui étaient informés également de l'existence de l'ordre. Donc,

 14   il y a des gens qui étaient informés.

 15   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce que vous avez la moindre théorie

 16   quant à la façon dont le capitaine a été informé ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, au paragraphe 9, je

 18   m'en explique en montrant quels sont les organes qui avaient une relation

 19   directe avec le commandement, étant donné que, par exemple, les instances

 20   chargées de la sécurité avaient un commandant assistant chargé de la

 21   sécurité, il n'est donc pas exclu que Mrksic aurait pu parler directement

 22   aux organes chargés de la sécurité, mais il aurait été extrêmement

 23   inhabituel - encore une fois dans ce contexte - qu'il parle à un capitaine,

 24   même si celui-ci est commandant adjoint chargé de l'organe de la sécurité,

 25   je veux parler de Vukasinovic, puis il y a le chef de l'organe de la

 26   sécurité Sljivancanin, alors Mrksic lui-même aurait pu être tenu

 27   responsable de l'opération d'évacuation. Encore une fois, et je l'ai écrit,

 28   ceci aurait été une violation du principe de commandement et de contrôle de

Page 171

  1   sauter comme ceci par-dessus un certain nombre d'échelons hiérarchiques, et

  2   d'ignorer l'adjoint ou, en tout cas, la personne qui jouait le rôle

  3   d'officier responsable.

  4   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Theunens,

  5   vous avez expliqué tout cela très bien, mais vous n'avez tout de même pas

  6   atteint la conclusion que c'était une impossibilité complète.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour moi il est très difficile toujours de

  8   prononcer le mot "impossible".

  9   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous connaissez le brouillard de la

 10   guerre et vous savez comment les choses se passent.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'ai encore une question à vous poser.

 13   Page 8, paragraphe 2 -- 3 de votre rapport, vous dites, je cite :

 14   "Le lieutenant-colonel Miodrag Panic a dit dans sa déposition pendant

 15   l'audience préalable à la révision en date du 3 juin 2010, que c'était la

 16   80e Brigade motorisée et non le Groupe opérationnel sud qui était

 17   responsable d'Ovcara."

 18   J'ai quelque difficulté à trouver cette phrase exacte dans sa déposition.

 19   Est-ce que vous pourriez m'en indiquer l'endroit exact maintenant, si c'est

 20   possible, ou peut-être plus tard.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait plutôt d'une conclusion que j'ai

 22   déduite de son témoignage qui s'ensuit lorsque je cite Panic : Il y avait

 23   une autre unité qui assumait la responsabilité." Et à la fin, à la note en

 24   bas de page numéro 46 : "Nous n'étions plus responsables de cette zone."

 25   Donc j'en ai conclu que Panic, en somme, disait que c'était la 80e

 26   Brigade qui était responsable d'Ovcara. C'est ainsi que j'ai interprété sa

 27   déposition.

 28   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Il ne l'a pas dit de façon expresse que

Page 172

  1   le Groupe opérationnel sud n'avait pas la responsabilité d'Ovcara à

  2   l'époque qui nous intéresse.

  3   Je vois Mme Brady --

  4   Mme BRADY : [interprétation] Oui, je peux peut-être en fait jeter la

  5   lumière. Pour l'essentiel, si vous regardez les consignes qui ont été

  6   données à notre expert, et nous avons cité certains passages de la

  7   déposition de Panic en particulier, si vous regardez la question numéro 2,

  8   qui se trouve à la page 3 de nos consignes, lorsqu'il a fourni ce rapport,

  9   nous avons cité deux paragraphes de témoignage de M. Panic lors de

 10   l'audience consacrée au pré-examen. La page 71, 72, et 83/84. C'est une

 11   évolution intéressante de l'emploi des temps de verbes de Panic, si vous

 12   regardez ceci attentivement, comment il décrit la situation. Il dit que la

 13   80e allait prendre le pouvoir, prendrait le pouvoir, tout ceci est vrai.

 14   Mais si vous regardez de plus près ces paragraphes que je vous ai signalés,

 15   nous faisons valoir qu'il crée ou en tout cas qu'il implique ou laisse

 16   entendre ou le dit de façon explicite que le Groupe opérationnel sud

 17   n'était plus responsable de cette zone. Si cela est plus facile, je peux

 18   vous citer ses propos directement. A la page 71 à 72 du compte rendu de

 19   réexamen, il a dit que :

 20   "Le commandant dans la 80e Brigade avait pris le contrôle de la

 21   région ou a pris le commandement de la région. Les gardes se préparaient à

 22   repartir à la garnison de Belgrade et n'avaient plus la responsabilité de

 23   cette zone."

 24   Ensuite, pages 83 et 84, il dit ceci :

 25   "Le 21 novembre 1991, la zone de responsabilité qui inclut Ovcara et

 26   le hangar, où se trouvaient les suspects, était sous la responsabilité de

 27   la 80e Brigade, à savoir c'était la 80e Brigade qui avait cette zone de

 28   responsabilité qui comprenait Ovcara, et ils avaient déjà pris le contrôle

Page 173

  1   de la zone de responsabilité qui avait été précédemment détenue par la

  2   Brigade de Gardes. Je souhaite faire remarquer qu'ils étaient responsables

  3   de cette zone auparavant également."

  4   Donc c'est tout à fait clair, cette impression qu'on laisse entendre

  5   aux Juges de la Chambre, que ceci était déjà arrivé, que la passation de

  6   pouvoir avait déjà eu lieu. Nous le savons d'après les constatations de la

  7   Chambre de première instance, aux paragraphes 82 et 253.

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Madame Brady.

  9   Monsieur le Juge Guney.

 10   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le

 11   Président.

 12   Monsieur Theunens.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

 14   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] On vous a demandé de fournir vos

 15   conclusions, et vous donnez vos conclusions et vos analyses qui comprennent

 16   différents éléments. A la lumière de ces conclusions, veuillez nous dire si

 17   le rapport qui nous a été présenté, le rapport de Panic, est-il encore

 18   crédible à la lumière de ce rapport et de cette conversation concernant

 19   Mrksic et Sljivancanin ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que ce n'est pas à moi qu'il revient

 21   de dire si un témoin est crédible ou non. Ce que j'ai tenté de faire c'est

 22   de regarder le témoignage de M. Panic, et j'ai comparé celui-ci avec la

 23   doctrine militaire des forces armées de la RSFY ou de la JNA. J'ai comparé

 24   ceci avec les éléments de preuve présentés lors du procès et lors du

 25   jugement dans la Chambre de première instance et de l'arrêt de la Chambre

 26   d'appel. C'est ainsi que je suis parvenu à ces conclusions.

 27   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Je vous ai demandé de nous donner votre

 28   avis personnel sur la question. Je vous remercie.

Page 174

  1   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge

  2   Guney.

  3   Je me tourne vers mes collègues ?

  4   Je crois que nous avons dix minutes d'avance, et nous allons donc

  5   maintenant faire notre pause de 20 minutes. Nous reprendrons, disons, à 16

  6   heures. Soyons généreux.

  7   --- L'audience est suspendue à 15 heures 37.

  8   --- L'audience est reprise à 16 heures 01.

  9   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vois que M. Bourgon est debout, il

 10   veut parler au nom de la Défense.

 11   M. BOURGON : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Une heure.

 13   M. BOURGON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 14   Contre-interrogatoire par M. Bourgon : 

 15   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Theunens.

 16   R.  Bonjour, Maître Bourgon.

 17   Q.  Je vais mener le contre-interrogatoire au nom de l'appelant, M.

 18   Sljivancanin. Je n'ai pas beaucoup de questions. J'espère m'en tenir au

 19   temps qui m'a été imparti, à savoir pas plus d'une heure. Cela étant dit,

 20   s'il y a des questions que vous ne comprenez pas, si vous connaissez

 21   l'exercice, et vous savez comment nous procédons, c'est un avertissement

 22   tout à fait habituel que je vous donne, n'hésitez pas à m'interrompre et je

 23   répéterai ma question.

 24   Je vais tout d'abord présenter les personnes qui sont ici aujourd'hui,

 25   simplement parce que vous n'étiez pas là au moment où ces personnes sont

 26   entrées dans le prétoire. Nous avons ici le conseil principal, M. Novak

 27   Lukic; M. Boris Zorko, le commis à l'affaire à ma gauche; et tout de suite

 28   à ma gauche, Mme Caroline Bouchard-Lauzon; et à ma droite l'expert

Page 175

  1   militaire avec lequel nous avons travaillé, il est lieutenant-colonel, Remi

  2   Landry, du Canada.

  3   J'ai quelques questions préliminaires avant d'aborder le fond de mon

  4   contre-interrogatoire. La première question ou question préliminaire que je

  5   souhaite vous poser porte sur vos connaissances militaires, au sens général

  6   du terme, étant donné que vous avez été membre des forces armées belges

  7   pendant un certain nombre d'années. La question que j'ai à vous poser est

  8   fort simple. Si un commandant entend dire qu'un subordonné a été condamné

  9   pour un crime sur le fondement de l'information qu'il sait n'être pas

 10   véridique, est-ce que vous vous attendez à ce que ce commandant vienne

 11   venir fournir les informations en sa possession pour éviter toute forme

 12   d'injustice ?

 13   R.  Eh bien, il devrait s'avancer avec ces éléments. Ce qui me surprend,

 14   c'est que s'il est en mesure de fournir des éléments d'information et que

 15   c'est un commandant, je pense que les informations dont il disposait

 16   auraient dû être mis à la disposition de la personne en question pendant la

 17   phase d'enquête, avant qu'une condamnation ne soit prononcée. Pour une

 18   raison ou pour une autre, ceci n'a pas été fait, soit il peut toujours

 19   s'avancer avec cela.

 20   Q.  Ma question ne porte pas là-dessus. Est-ce que vous pensez, est-ce que

 21   vous vous attendez à ce qu'un commandant raisonnable agisse de la sorte.

 22   R.  Je ne pense qu'il s'agisse là de doctrine militaire. Je n'ai pas vu de

 23   règlements à cet effet. Je connais la procédure sur le fait de faire

 24   impliquer la discipline et la justice militaire au sein de la JNA. Comme

 25   vous le savez, les règlements de 1998 --

 26   Q.  Non, non, je vais -- non, Monsieur, ceci n'est pas la question que je

 27   vous ai posée. Je vais répéter ma question.

 28   Maintenant vous êtes devant les Juges de la Chambre, en tant que membre des

Page 176

  1   forces armées belges, est-ce que vous dites qu'un commandant des forces

  2   armées belges qui entend dire qu'un subordonné a fait quelque chose, qu'il

  3   est condamné sur le fondement d'informations qu'il sait n'être pas

  4   véridiques, est-ce que c'est informations dont dispose ce commandant belge,

  5   est-ce qu'il va se présenter avec ces éléments, est-ce que vous vous

  6   attendez à ce que ce commandant se présente avec ces éléments ou est-ce

  7   qu'en Belgique les commandants belges restent en arrière, restent à la

  8   maison et reste en possession des ces éléments d'information ?

  9   R.  Inutile d'élever la voix. Je ne pas ici aujourd'hui pour témoigner sur

 10   les forces armées belges. Je suis ici aujourd'hui pour témoigner sur les

 11   forces de la RSFY. Je crois qu'il serait utile de mentionner que le

 12   règlement de 1998 sur la mise en œuvre des lois sur les conflits armés

 13   indique que tout officier disposant d'informations pouvant être pertinents

 14   eu égard à un crime doit s'assurer que les autorités compétentes ont cette

 15   information. Bien évidemment si ceci n'arrive pas pendant la phase de

 16   l'enquête, à ce moment-là il a le droit de le faire et à ce moment-là il

 17   s'agit plutôt d'une question morale que d'une obligation juridique. Je n'ai

 18   vu aucune référence à une obligation légale hormis la phase d'enquête. Mais

 19   après, oui, la justice doit être rendue.

 20   Q.  Vous évitez ma question, donc je vais passer à ma question suivante

 21   portant sur le jugement rendu par la Chambre de première instance, a adopté

 22   un certain nombre de conclusions eu égard aux événements qui se sont

 23   déroulés à Ovcara, y compris ce qui s'est passé au commandement du Groupe

 24   opérationnel sud et le commandement de la 80e Brigade motorisée entre le 20

 25   et le 24 novembre 1991. Je crois que vous avez examiné ces conclusions.

 26   Voici ma question : sur le fondement de la doctrine le RSFY, qui d'après ce

 27   que j'ai compris constitue l'essentiel de votre rapport, est-ce que vous

 28   n'êtes pas d'accord ou est-ce que vous contestez l'une ou l'autre de ces

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  1   conclusions ?

  2   R.  Ecoutez, je souhaite que vous me parliez d'une conclusion très

  3   concrète.

  4   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Ceci est une question beaucoup trop

  5   générale. Il y a beaucoup de conclusions, et si vous souhaitez que le

  6   témoin réponde, posez une question précise.

  7   Et je vous conseille de réfléchir au temps qui vous est imparti de façon à

  8   pouvoir couvrir tous les domaines dont vous avez besoin.

  9   M. BOURGON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

 10   souhaite savoir s'il a une quelconque conclusion qu'il réfute. Il a vu les

 11   éléments de preuve. Je souhaite savoir si sur la base de la doctrine il

 12   réfute une quelconque conclusion. Je crois que ceci est très pertinent.

 13   Est-ce que nous nous penchons sur un nouveau fait, y a-t-il des conclusions

 14   qu'il conteste ?

 15   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Voyons comment il répond. 

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, le bureau du

 17   Procureur ne m'a pas demandé d'examiner le jugement rendu par la Chambre de

 18   première instance, donc je ne me suis pas penché dessus. Il y a peut-être

 19   quelques éléments -- si vous me posez sous les yeux quelque chose de

 20   concret, je pourrais peut-être me rendre utile, mais il faudrait que je me

 21   prépare à cela.

 22   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je pense néanmoins que si vous avez une

 23   question précise à poser à propos d'une conclusion à laquelle est parvenue

 24   la Chambre de première instance à propos de laquelle vous souhaitez

 25   recueillir un commentaire, accord ou désaccord, veuillez poser une question

 26   précise.

 27   M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais m'en

 28   tenir à vos conseils.

Page 179

  1   Q.  Donc je souhaite vous poser quelques questions maintenant, et je vais

  2   revenir à ce que vous avez dit pendant votre déposition avant que je ne

  3   passe à une autre question. Pendant l'interrogatoire principal lorsque vous

  4   avez témoigné, vous avez parlé à la page 21, lignes 15 à 22, vous avez

  5   parlé de la différence qu'il y a entre un commandant -- non, il ne s'agit

  6   pas différence. Vous avez dit : Dès que Panic -- dès que Mrksic est parti

  7   ou a quitté le commandement de l'OG sud, le Groupe opérationnel sud, Panic

  8   est devenu le commandant par intérim.

  9   R.  Cela n'est pas une supposition, c'est un fait. Vous avez utilisé

 10   le terme "je suppose".

 11   Q.  Donc, je vais préciser cela. Avez-vous dit que Panic était le

 12   commandant par intérim lorsque Mrksic a quitté la brigade ?

 13   R.  Et je le fais sur la base de deux documents. Il y a un ordre, l'ordre

 14   de resubordination --

 15   Q.  Je suis tout à fait d'accord avec vous. Vous n'êtes pas obligé

 16   d'expliquer. Je vous demande simplement oui ou non.

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Est-ce que Panic n'était pas d'accord avec ce que vous avez dit, à

 19   savoir qu'il remplaçait Mrksic ce jour-là ?

 20   R.  Je ne me souviens pas. Je ne pense pas.

 21   Q.  Ce n'était pas important à vos yeux si Panic a accepté ou n'a pas

 22   accepté de le remplacer ?

 23   R.  Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je ne me souviens pas que Panic ait dit

 24   qu'il n'était pas d'accord. Cela peut signifier deux choses : soit que ma

 25   mémoire n'est pas très bonne soit qu'effectivement qu'il n'était pas

 26   d'accord. Je ne pense pas qu'il n'était pas d'accord. Et s'il n'est pas

 27   d'accord, à ce moment-là, cela pose problème, parce qu'il a signé un ordre,

 28   qui est un ordre-clé, à 6 heures du matin, le 21, et il signe également --

Page 180

  1   Q.  Je suis tout à fait d'accord avec vous. Ce sont des questions très

  2   rapides que je vous pose.

  3   Question suivante : lorsque Mrksic a quitté le commandement de l'OG sud le

  4   21, à votre avis - répondez par oui ou par non, je n'ai pas besoin

  5   d'explications - était-il toujours le commandant du Groupe opérationnel sud

  6   ?

  7   R.  Eh bien, il n'y a pas de réponse courte à cette question-là parce que,

  8   bien évidemment, il part en tant que commandant du Groupe opérationnel sud

  9   à Belgrade, mais comme il est absent, il y a un commandant par intérim qui

 10   remplit toutes les fonctions et obligations du commandant du Groupe

 11   opérationnel.

 12   Q.  Donc, dites-vous dans votre témoignage - parce que c'est quelque chose

 13   que vous avez abordé à la page 21, aux lignes 15 à 22. Je vais maintenant

 14   vous présenter un scénario. Dites-moi simplement oui ou non, à moins que

 15   vous ne vous sentiez obligé d'expliquer ceci davantage. Si Mrksic appelle

 16   la brigade depuis Belgrade et qu'il s'entretient avec l'officier chargé des

 17   opérations, est-ce que l'officier en question répondra, à votre avis :

 18   Pardonnez-moi, Camarade Mrksic. Je ne peux pas parler aujourd'hui parce que

 19   vous êtes à Belgrade et mon supérieur est Panic ? Est-ce votre avis sur la

 20   question, oui ou non ?

 21   R.  Je peux vous répondre de façon très courte. Tout dépend pourquoi il

 22   appelle.

 23   Q.  Merci. Je vais passer à autre chose.

 24   R.  S'il s'agit d'une question opérationnelle, s'il appelle l'officier

 25   chargé des opérations, cela signifie qu'il ne peut pas joindre Panic et,

 26   dans ce cas, l'officier en question aura le devoir de s'assurer que Panic

 27   dispose de toutes les informations, informations portant sur les opérations

 28   qu'il partage avec Mrksic avec l'officier chargé des opérations.

Page 181

  1   Q.  Ceci n'est pas ma question. Est-ce que l'officier chargé des opérations

  2   va refuser de lui parler et se conformer aux instructions qui lui ont été

  3   données par Mrksic, oui ou non ?

  4   R.  Je ne comprends pas pourquoi Mrksic s'adresserait-il à l'officier en

  5   question pour ce qui est des questions opérationnelles alors que nous

  6   savons que le chef d'état-major est en fait le commandant par intérim.

  7   Q.  Encore une fois, vous éludez ma question. Je vais passer à la question

  8   suivante. Je souhaite maintenant évoquer votre rapport, et je souhaite vous

  9   poser quelques questions à propos de votre curriculum vitae. Corrigez-moi

 10   si je me trompe.

 11   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître Bourgon, et si l'appel

 12   téléphonique de Mrksic disait comme ceci : Je vous suggère, d'après mon

 13   expérience, que telle et telle chose devraient être faites, comment

 14   réagiriez-vous à cela ?

 15   M. BOURGON : [interprétation] J'espérais que l'expert réponde de cette

 16   façon. Si le commandant appelle, est-ce que l'officier chargé des

 17   opérations va répondre en disant : Vous n'êtes pas là, j'ai mon commandant,

 18   je ne peux pas vous parler, et est-ce que -- telle est ma position, oui.

 19   C'est la question que j'ai posée.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Pardonnez-moi, mais telle n'est pas ma

 21   réponse.

 22   Mme BRADY : [interprétation] Peut-être qu'on pourrait permettre à M.

 23   Theunens de répondre à la question. Je crois qu'on lui coupe la parole.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez été dans l'armée. Cela n'aurait pas

 25   de sens si l'officier chargé des opérations dit à Mrksic : Désolé, je ne

 26   peux pas vous parler. Cela n'a pas de sens.

 27   M. BOURGON : [interprétation]

 28   Q.  Merci.

Page 182

  1   R.  Ceci ne peut pas être dit dans une seule phrase. L'officier chargé des

  2   opérations ne va pas tenir Panic complètement, comment le dire, ne va pas

  3   informer Panic de tout ce que lui dit Mrksic. L'officier chargé des

  4   opérations a le devoir de s'assurer qu'il vient en aide à Panic et qu'il

  5   permet à ce dernier d'avoir une connaissance de la situation. Il se peut

  6   que Mrksic appelle l'officier chargé des opérations, qui n'a aucune

  7   responsabilité de commandement, et qu'il s'adressera directement à Panic.

  8   Q.  Je vais vous faciliter la question. Mrksic appelle et dit qu'il

  9   souhaite parler à Panic.

 10   R.  A Panic, oui.

 11   Q.  Et est-ce qu'il lui donne un ordre.

 12   R.  Normalement, non.

 13   Q.  Je vais passer à la question suivante.

 14   Alors, compte tenu de votre CV que j'ai lu, vous n'avez pas d'expérience au

 15   niveau de la guerre, vous n'avez jamais été engagé dans une guerre.

 16   M. LE JUGE MERON : [interprétation] S'il avait exécuté l'ordre, est-ce que

 17   ceci est conforme à votre théorie de l'unicité du commandement ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela est possible, mais Mrksic parle seulement

 19   avec Panic. Il se peut que Mrksic, puisqu'il était à Belgrade, a reçu une

 20   instruction, par exemple du commandement du 1er District militaire, qui est

 21   là, et ensuite, Mrksic ne va pas donner d'ordre au commandant ou des unités

 22   subordonnées de l'OG sud. Il va s'entretenir avec Panic parce que Panic est

 23   le commandant sur le terrain. Ensuite, ce sera Panic qui donnera des ordres

 24   sur la base, encore une fois, des plans et de l'assistance fournie par son

 25   état-major aux unités, mais Mrksic ne va pas l'appeler directement au

 26   commandement de la 80e Brigade. Cela transitera par Panic parce que Panic

 27   est le commandant.

 28   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Le Juge Pocar a une question.

Page 183

  1   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] C'est que je souhaite que tout ceci

  2   soit clair. A supposer que Mrksic appelle l'unité directement plutôt que de

  3   s'adresser à Panic, tout simplement parce qu'il ne trouve pas le commandant

  4   Panic, qu'il n'arrive pas à le joindre, et qu'il dispose du numéro de

  5   téléphone de l'autre, quelle que soit la question, et qu'il donne l'ordre,

  6   est-ce que vous pensez que le commandant de l'unité n'exécutera pas l'ordre

  7   sans vérifier au préalable ou sans transmettre cette information à Panic et

  8   que Panic confirme l'ordre ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait, Madame, Messieurs les Juges,

 10   parce que Panic est le commandant sur le terrain.

 11   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

 12   M. BOURGON : [interprétation] Merci beaucoup. Ceci est fort utile.

 13   Q.  Je vais maintenant passer à votre curriculum vitae. Je vous posais une

 14   question.

 15   Alors, compte tenu de votre CV - répondez par oui ou par non - vous n'avez

 16   jamais participé vous-même ou été engagé vous-même dans une quelconque

 17   guerre ?

 18   R.  Je n'ai occupé aucune position de commandement pendant la guerre.

 19   Q.  Et vous n'étiez pas non plus à l'état-major pendant la guerre ou dans

 20   une unité impliquée en tant que partie à un conflit ?

 21   R.  Eh bien, les Nations Unies n'ont pas participé à la guerre, cela est

 22   évident. Les forces belges n'étaient pas impliquées dans la guerre au

 23   moment où j'en faisais partie.

 24   Q.  Et votre expérience au niveau du commandement se limite au moment où,

 25   au début de votre carrière, vous étiez commandant d'une section de chars

 26   qui comporte quatre chars; c'est exact ?

 27   R.  C'est exact. Et j'étais également commandant par intérim en exercice

 28   d'une compagnie qui comporte 13 chars.

Page 184

  1   Q.  Et si je devais vous décrire en termes militaires, vous, en termes

  2   militaires, vos collègues diraient que vous étiez un officier des

  3   renseignements; c'est exact ?

  4   R.  Eh bien, je suis un analyste en matière de renseignements, parce qu'un

  5   officier, un agent d'information peut être un bon nombre de choses. C'est

  6   quelqu'un qui collecte des informations, et un analyste chargé des

  7   renseignements me paraît être une bonne définition.

  8   Q.  Je suis d'accord avec vous. En fait, c'est ce terme-là que j'aurais dû

  9   utiliser, analyste. Vous-même, vous n'avez jamais travaillé au quartier

 10   général de la brigade des opérations; c'est exact ?

 11   R.  Ceci n'est pas exact, parce que -- deux choses que je souhaite vous

 12   dire. J'ai été officier de liaison entre deux brigades faisant des

 13   exercices avec les forces armées belges. J'ai regardé de très près le

 14   fonctionnement des brigades de l'OTAN et également, j'ai eu une formation

 15   en Belgique pendant un an au niveau de la brigade. Et au moment où j'ai

 16   travaillé ici, j'ai vu passer bon nombre de documents, de règlements, de

 17   rapports opérationnels et d'ordres, et j'ai également eu le privilège

 18   d'interviewer des officiers de haut rang de la Brigade motorisée et des

 19   témoins de la Défense, et donc, j'ai été capable de tirer des conclusions

 20   analytiques sur le fonctionnement de la Brigade des Gardes à Vukovar.

 21   Q.  Ceci n'est pas ma question. Vous n'avez jamais travaillé au sein du

 22   quartier général d'une brigade ?

 23   R.  Oui. J'étais officier de liaison.

 24   Q.  Non. Un officier de liaison n'est pas dans une brigade.

 25   R.  Désolé.

 26   Q.  Pardonnez-moi, avez-vous jamais été G2 ?

 27   R.  Non.

 28   Q.  Merci. Maintenant--

Page 185

  1   R.  Un officier de liaison transmet les informations d'un commandant

  2   de brigade à un autre commandant de brigade, donc c'est toujours un membre

  3   de l'état-major.

  4   Q.  Merci. Vous n'avez jamais été chef d'état-major, n'est-ce pas ?

  5   R.  Non.

  6   Q.  Passons maintenant à la méthodologie employée pour votre rapport, et

  7   j'aimerais reprendre les propos que vous avez tenus en réponse à M. le Juge

  8   Guney, page 31, lignes 14 à 19 :

  9   "Ce que j'ai essayé de faire c'est d'étudier le témoignage de M. Panic, et

 10   je l'ai comparé avec la doctrine des forces armées de la RSFY ou de la

 11   doctrine militaire de la JNA, et j'ai comparé cela avec les autres éléments

 12   de preuve présentés en l'espèce ainsi que le jugement en première instance

 13   et le jugement en appel, et c'est ainsi que j'en suis arrivé à mes

 14   conclusions."

 15   C'est votre déclaration, n'est-ce pas, c'est ce que vous avez dit, page 31,

 16   lignes 14 à 19 du compte rendu d'aujourd'hui -- lignes 13 à 14. J'aimerais

 17   bien que vous nous confirmiez que c'est ce que vous avez fait en l'espèce,

 18   que vous avez essayé de faire, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui, c'est la façon dont j'ai mis en œuvre la méthodologie.

 20   Q.  Merci.

 21   R.  Pour clarifier un peu les choses, parce que l'anglais n'est pas ma

 22   langue maternelle, donc j'ai mis en œuvre la méthodologie portant sur le

 23   renseignement dont j'ai déjà parlé. J'ai appliqué en fait cette

 24   méthodologie aux informations dont je disposais.

 25   Q.  Bien. Reprenons sur la méthodologie les références que vous avez faites

 26   à ce propos. Vous avez utilisé un grand nombre de documents, y compris la

 27   pièce 578, qui a été versée au dossier, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.

Page 186

  1   Q.  Il s'agit d'un rapport qui fait environ 300 pages et qui traite des

  2   concepts et des principes trouvés dans la doctrine dont vous nous parlez

  3   aujourd'hui ?

  4   R.  Entre autres, oui.

  5   Q.  Ce rapport a été préparé pour l'affaire Mrksic, Sljivancanin, Radic ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Et quand j'ai étudié les notes de bas de pages de ce rapport, je vois,

  8   par exemple, qu'il y a la Loi portant sur la Défense populaire généralisée,

  9   pièce 392; manuel pour le fonctionnement du commandant et des états-majors,

 10   pièce 393; ensuite le manuel de la JNA sur le contrôle et le commandement,

 11   pièce 394; règlements des brigades de la JNA, c'est le 395; règlements sur

 12   l'application des règles du droit international, pièce 396; et le manuel du

 13   Bataillon de la JNA, pièce 397. Donc si j'ai bien compris, votre rapport

 14   pour cette audience de réexamen se base sur les mêmes sources de doctrine ?

 15   R.  Oui. Enfin, vous avez énuméré les pièces essentielles.

 16   Q.  Et desquelles n'ai-je pas parlé ?

 17   R.  Je ne les connais pas toutes par cœur, je ne me souviens pas très bien.

 18   Mais je sais que certains documents ont été présentés par l'Accusation. Je

 19   n'ai pas uniquement étudié la doctrine, mais aussi la façon dont la Brigade

 20   motorisée des Gardes mettait en œuvre la doctrine, et ce qui fait que j'ai

 21   étudié tous les ordres et les rapports de combat du point de vue de la

 22   doctrine.

 23   Q.  Donc, tout est compris dans votre rapport à la pièce 578, n'est-ce pas,

 24   ou y a-t-il des choses qui ne sont pas comprises dans ce rapport du point

 25   de vue de la doctrine ?

 26   R.  Non, je ne pense pas.

 27   Q.  Donc on peut en conclure que ces sources qui ont été utilisées pour

 28   écrire votre rapport ont été versées au dossier dans le procès, et donc

Page 187

  1   étaient disponibles pour les Juges lorsqu'ils ont rendu leur jugement en

  2   l'espèce, n'est-ce pas ?

  3   R.  Ecoutez, Monsieur Bourgon, ce n'est pas à moi de dire comment les Juges

  4   en sont arrivés à leurs conclusions.

  5   Q.  Certes. Mais vous conviendrez avec moi que vous avez quand même

  6   témoigné en l'espèce ?

  7   R.  Oui, tout à fait.

  8   Q.  Et vous avez expliqué les concepts que vous avez élaborés dans votre

  9   rapport dans cette pièce 578 ?

 10   R.  Certes, oui. Mais petite différence, je n'ai pas vraiment parlé du rôle

 11   du chef d'état-major. Et lorsque l'on compare mon rapport, donc la pièce

 12   578, avec le rapport que vous avez sous les yeux maintenant, dans celui-ci,

 13   j'ai essayé vraiment de me concentrer sur les fonctions et les obligations

 14   du chef d'état-major d'après la doctrine des forces d'état-major de la

 15   RSFY. Donc je pense qu'il est bon de le dire, parce qu'il y a quand même

 16   400 pages de règlements. Mais je ne pense pas que quelqu'un va lire la

 17   totalité de ces pages.

 18   Q.  Vous avez été appelé ici pour en parler aux Juges.

 19   R.  Je ne suis pas -- ce n'est pas moi qui ai décidé de venir parlé, on ma

 20   cité à la barre.

 21   Q.  Oui, mais enfin -- bon. Dans votre rapport, vous avez essayé d'analyser

 22   les agissements et la conduite de Panic, mais au vu de la doctrine ?

 23   R.  Oui. Oui, c'est ce qu'on m'a demandé de faire, c'est ce que le bureau

 24   du Procureur m'a demandé de faire.

 25   Q.  Donc on vous a demandé de voir si ces agissements correspondaient ou ne

 26   correspondaient pas à la doctrine ?

 27   R.  Oui, pas uniquement avec la doctrine mais aussi les rapports de combat

 28   réguliers de l'OG sud et les ordonnances donc qui montrent un peu comment

Page 188

  1   la doctrine est mise en œuvre, parce que la doctrine c'est une chose mais

  2   il faut la comparer avec sa mise en pratique, et s'il y a des différences

  3   il faut essayer de comprendre pourquoi il y a des différences, parce qu'il

  4   y a des raisons qui expliquent ces différences. Et ce que j'ai remarqué,

  5   c'est que dans le témoignage de M. Panic, lors de son témoignage -- je ne

  6   veux pas monopoliser la parole, mais j'ai participé en fait à son entretien

  7   en tant que témoin, donc son récolement. Or, j'ai remarqué quand même qu'il

  8   était extrêmement cohérent lorsqu'il parlait de la doctrine et de la mise

  9   en pratique de la doctrine. Or, lorsqu'il a témoigné dans le cadre de cette

 10   audience en réexamen, là il était beaucoup moins cohérent. Il y avait des

 11   différences.

 12   Q.  Bien. Donc vous dites donc que Panic a été interviewé par l'Accusation

 13   avant de venir témoigner, et vous étiez là, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui. Oui, enfin à l'époque on ne savait pas s'il allait témoigner pour

 15   la Défense ou pour l'Accusation, voire s'il allait être cité. On ne savait

 16   pas vraiment au départ quel allait être son rôle.

 17   Q.  Bien. Mais vous dites que vous avez analysé les rapports de combat,

 18   donc ils font partie des éléments de preuve. Vous avez aussi analysé la

 19   doctrine et les constatations aussi, et vous tâchez de voir si ce qui est

 20   fait en pratique correspond à la doctrine, et si cela ne correspond pas,

 21   vous dites que c'est assez inhabituel ou invraisemblable. C'est la façon

 22   dont vous avez procédé ?

 23   R.  Non, pas du tout. J'ai utilisé le cycle du renseignement, le

 24   "intelligent cycle" en anglais. Donc voici comment on procède, d'abord, on

 25   étudie les informations, on vérifie quelles sont la fiabilité des sources

 26   et la crédibilité des sources, on évalue donc les sources que l'on a au

 27   départ.

 28   Q.  C'est ce que vous avez fait là ?

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  1   R.  Non. Je vous explique un peu la méthodologie. Donc d'abord, on

  2   recueille les informations. J'ai reçu des questions de l'Accusation, par

  3   exemple, je recherche des documents, je regarde un peu quels sont les

  4   éléments pertinents des témoignages qui pourraient concerner cela. J'essaie

  5   de voir aussi dans mon rapport quels sont les chapitres pertinents. Je vois

  6   que je n'ai pas assez parlé, par exemple, du rôle du chef d'état-major,

  7   donc j'ai dit, dans ce cas-là il faut que je revienne aux règlements. J'ai

  8   dû évaluer les règlements en tant que source fiable, j'ai trouvé que oui

  9   puisque en fait j'ai participé à un grand nombre d'interviews, et j'ai bien

 10   vu que ces officiers haut gradés confirmaient qu'il s'agissait de

 11   règlements qui étaient bel et bien mis en œuvre et qui devaient être mis en

 12   œuvre. J'en arrive ensuite au traitement de l'information, donc je confirme

 13   les informations que je viens d'avoir avec les éléments existant

 14   auparavant.

 15   Q.  C'est ainsi que vous avez comparé les deux et vous en avez tiré les

 16   conclusions ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Et donc, d'après vous, lorsque les nouveaux témoignages étaient contre

 19   la doctrine, d'après vous, c'était plutôt invraisemblable ou très

 20   inhabituel ?

 21   R.  Désolé, mais vous essayez toujours de vous limiter les choses à la

 22   doctrine, mais moi je parle de la doctrine, c'est vrai, mais ensuite

 23   j'essaie de voir comment la doctrine a été mise en œuvre par l'OG sud, donc

 24   là j'étudie les rapports de combat, par exemple, et tous ces documents. Et

 25   ensuite je compare cela avec mon expérience militaire propre que j'ai

 26   acquise au cours de la vie, et même aujourd'hui je suis encore en train

 27   d'acquérir de l'expérience, parce que la FINUL c'est encore une mission

 28   compliquée, j'étudie ces trois éléments-clés et je tire mes conclusions.

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  1   Q.  Bon. Vous connaissez quelles sont les constatations de la Chambre de

  2   première instance en ce qui concerne l'application de la doctrine. Vous

  3   savez quelles sont ces constatations, n'est-ce pas, portant sur

  4   l'application de la doctrine. Si vous ne les connaissez pas, je vais vous

  5   en faire part.

  6   R.  Faites.

  7   Q.  Par exemple, commençons par le début, création de l'OG sud ?

  8   R.  Hm-hm.

  9   Q.  La Chambre de première instance, au paragraphe 69, page 24 du jugement,

 10   a conclu la chose suivante : la création du GO sud s'est faite comme

 11   expédiant, du fait qu'il fallait gérer une situation qui n'avait pas été

 12   anticipée par les règles qui devaient appliquer normalement, c'est-à-dire

 13   par l'effondrement interne du RSFY, et que le Groupe opérationnel sud ne

 14   respectait pas parfaitement la structure formelle qu'il aurait dû avoir.

 15   Vous êtes d'accord avec la Chambre de première instance ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Maintenant, autre constatation de la Chambre de première instance, au

 18   paragraphe 285, je tiens à savoir si vous êtes d'accord avec cette

 19   constatation :

 20   "La Chambre de première instance n'est pas en mesure d'accepter que

 21   les procédures normales de la JNA étaient observées de façon permanente ou

 22   de façon aussi intense que la Défense de Sljivancanin semblait le dire. En

 23   fait, il semblerait que très souvent il y a eu de fréquentes entorses aux

 24   règles et procédures normales de la JNA sur des sujets aussi variés que la

 25   création du GO sud et sa structure."

 26   M. LE JUGE MERON : [interprétation] C'est au paragraphe 285 ? Pouvez-vous

 27   nous dire où c'est exactement ?

 28   M. BOURGON : [interprétation] Oui, paragraphe 285.

Page 192

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne comprends pas la phrase telle qu'elle a

  2   été notée. Je vois la fin, mais je ne comprends pas --

  3   M. BOURGON : [interprétation]

  4   Q.  Je vais le relire, de toute façon. Les Juges me donneront du temps

  5   supplémentaire si j'en ai besoin. Mais je préfère vous relire tout cela

  6   correctement.

  7   "La Chambre ne peut admettre que ces procédures aient toujours été suivies

  8   ou considérées comme obligatoires."

  9   Vous êtes d'accord avec moi, n'est-ce pas, parce que vous aussi, vous

 10   considérez que vous n'êtes pas -- ou, vous n'êtes pas d'accord avec cette

 11   constatation ? 

 12   R.  [aucune interprétation]

 13   Q.  Vous êtes d'accord avec cette constatation ?

 14   R.  Je n'ai pas analysé le jugement, mais je ne conteste pas ce que vous

 15   venez de dire. On ne m'a pas demandé d'analyser de jugement, cela dit.

 16   Q.  J'ai bien compris, mais vous avez quand même étudié le jugement au

 17   départ, c'est ce que vous avez dit.

 18   R.  Je l'ai étudié, j'en ai pris connaissance, mais je ne l'ai pas analysé.

 19   Je l'ai utilisé comme source d'information.

 20   Q.  Oui ou non, avez-vous étudié un certain nombre de constatations

 21   trouvées dans le jugement de première instance que vous auriez incluses

 22   dans votre rapport ?

 23   R.  Oui, en fait, c'est plutôt une façon -- tout peut être interprété. Je

 24   n'ai pas analysé le jugement en tant que tel. J'ai pris connaissance du

 25   jugement, et pour ce qui n'était pas clair, je suis revenu au jugement.

 26   Donc il y a peut-être des doutes quant à la conception même, la façon dont

 27   l'OG sud a été créé, c'est vrai. La situation était compliquée, c'est vrai.

 28   Mais j'ai travaillé très longtemps sur cette affaire, mais je ne pense pas

Page 193

  1   qu'il y avait vraiment une conduite délibérée où l'on entravait -- où il y

  2   avait toujours entorse au règlement. Absolument pas. Il y avait --

  3   Q.  Donc vous n'êtes pas d'accord avec les constatations de la Chambre de

  4   première instance. Je vais continuer à vous les lire :

  5   "Les faits de l'espèce "--

  6   M. BOURGON : [interprétation] Je vois ma collègue qui est debout.

  7   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame Brady.

  8   Mme BRADY : [interprétation] Nous sommes parfaitement d'accord avec le fait

  9   que Me Bourgon présente ceci au témoin, mais il faut quand même lui montrer

 10   tout le paragraphe, puisqu'il s'agit en fait d'un préliminaire de la

 11   Chambre de première instance qui présente son raisonnement et qui dit

 12   pourquoi elle n'est pas prête à trouver quelque chose au-delà de tout doute

 13   raisonnable et à donner à M. Sljivancanin le bénéfice du doute, si je puis

 14   dire, en ce qui concerne la transmission de l'ordre. Donc je pense que M.

 15   Bourgon devrait nous donner la totalité du paragraphe et non pas nous

 16   présenter uniquement un passage.

 17   M. BOURGON : [interprétation] Je ne suis pas d'accord, et je vais

 18   d'ailleurs poursuivre ma lecture.

 19   Q.  Voici, donc il s'agit, à mon avis, d'un passage qui peut être pris de

 20   façon isolée :

 21   "Les faits de l'espèce" - donc on parle ici de l'espèce, de l'espèce,

 22   de l'affaire Mrksic, Sljivancanin, Radic - "font apparaître à tous les

 23   échelons de fréquentes entorses aux règles et aux procédures normales de la

 24   JNA sur des sujets aussi variés que la création du GO sud et de sa

 25   structure ou le passage par la voie hiérarchique."

 26   Etes-vous d'accord avec ces constatations de la Chambre d'instance, oui ou

 27   non ?

 28   R.  Je vais répéter ma réponse. C'est une affirmation très générale que

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  1   vous avez là, du point de vue analytique. Si on me demandait d'analyser ce

  2   passage et de donner mon opinion, j'aimerais voir des exemples. Et sur la

  3   base des exemples, je verrai. Jusqu'à présent vous m'avez donné un seul

  4   exemple, la création de l'OG sud, et là je suis d'accord, certes. Mais à

  5   mon avis, ce n'est pas essentiel. Et je tiens à vous dire que les éléments

  6   de preuve que j'ai étudiés, tous les documents que j'ai entendus, et ce que

  7   j'ai entendu, les propos des témoins semblent indiquer qu'il n'y avait pas

  8   d'infraction au principe du commandement et du contrôle, c'est-à-dire

  9   autorité unique, ce n'est jamais arrivé.

 10   Q.  Très bien. Je passe à autre chose. Deux points qui sont à votre

 11   rapport, et je vais commencer par la première question, la question numéro

 12   1 que l'on trouvera à la page 3. Lors de l'audience en révision, Panic a

 13   dit qu'aucun commandant n'est tenu d'informer tous ses subordonnés des

 14   ordres qu'il donne. Panic a aussi répondu la chose suivante, il a répondu

 15   par l'affirmative à ce que le Juge Meron lui avait demandé : il n'est donc

 16   pas impossible que Mrksic aurait donné l'ordre directement à la 80e

 17   Brigade, sans mettre son propre chef d'état-major au courant. Il a répondu

 18   par l'affirmative à cela.

 19   Or, je n'ai pas trouvé de réponse bien claire dans votre réponse,

 20   mais je ne veux pas en parler aujourd'hui.

 21   R.  Non, vous ne pouvez pas dire ça, parce que j'ai employé, au paragraphe

 22   8, les mots : il aurait pu l'informer a posteriori. Donc là, je laisse la

 23   porte ouverte. Il aurait pu lui en parler. Mais ensuite, je parle de

 24   l'effet de l'ordre, et s'il ne -- il ne peut pas -- pas ne pas l'avoir fait

 25   à l'avance, parce qu'il est vrai que Mrksic a besoin d'avoir des

 26   informations de la part de ses équipes avant de donner son ordre. Ce n'est

 27   pas comme si vous lui demandez de déplacer un camion de 20 mètres,

 28   absolument pas. Donc ici, on parle d'une chose sérieuse, quand même. A mon

Page 195

  1   avis, s'il avait quand même donné cet ordre sans en informer Panic, ensuite

  2   ce serait inhabituel qu'il n'en informe pas Panic a posteriori.

  3   Q.  Passons à autre chose. Dans votre rapport, vous dites qu'il est

  4   impossible que Mrksic l'ait fait soit en ayant été averti à l'avance ou

  5   plus tard.

  6   R.  Oui, on parle ici d'êtres humains, quand même. Pourquoi est-ce qu'on

  7   donne des ordres ? Pour que ces ordres soient faits. Et ensuite l'action

  8   est visible. Donc on voit qu'il se passe quelque chose. Il y a un effet

  9   immédiat à un ordre, et tout le monde est au courant. Donc Mrksic pouvait

 10   dire ce qu'il voulait à Vojnovic, mais pour quoi faire ? Puisque tout le

 11   monde le saurait ensuite, en contredisant donc complètement ce que Panic a

 12   essayé de nous faire croire lors de son témoignage dans l'audience en

 13   révision, ce qui était que personne n'était au courant de quoi que ce soit.

 14   Q.  Bien. Passons à autre chose, un exemple pratique. Parce que l'essence

 15   du problème ici, même si on n'en a pas parlé dans le cadre de

 16   l'interrogatoire principal, c'est au paragraphe 14 de votre document, page

 17   7, vous dites dans ce paragraphe, paragraphe 14, page 7, que le témoignage

 18   de Panic, selon lequel il n'était pas au courant de l'ordre donné par

 19   Mrksic, ne correspond pas à la doctrine des forces armées de la RSFY. Vous

 20   l'avez bien dit, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Bien. Voici ce que j'aimerais que nous fassions. J'aimerais vous donner

 23   des raisons pour lesquelles Mrksic -- quelles auraient été les raisons que

 24   Mrksic aurait pu avoir de le faire sans en informer Panic, et dites-moi

 25   ensuite si c'est complètement inacceptable ou si c'est vaguement

 26   vraisemblable. Commençons cet exercice.

 27   La Chambre de première instance, paragraphe 621, a dit que :

 28   "Lorsque Mrksic avait donné l'ordre de retrait des gardes de la JNA, il

Page 196

  1   savait très bien, que du coup, c'était la TO et les unités paramilitaires

  2   qui auraient accès, un accès illimité aux prisonniers, et qu'ainsi il a eu

  3   pour effet d'avoir la possibilité de commettre des meurtres, il a donc

  4   facilité les meurtres qui s'en sont suivi."

  5   Donc ce que cela signifie, c'est que lorsque Mrksic a donné cet ordre de

  6   retrait, il savait qu'il commettait un crime, il le savait ?

  7   R.  Le fait qu'il y ait l'absence de gardes de la brigade motorisée ou

  8   d'équipe d'OG sud pour garder les prisonniers pouvait très bien résulter

  9   par des crimes, c'est vrai.

 10   Q.  Donc c'est certain ou pas, d'après vous. La Chambre de première

 11   instance semble dire que oui. Qu'en pensez-vous ?

 12   R.  Non, non je parle du point de vue militaire. Mrksic a obtenu des

 13   informations et le commandants d'OG sud était au courant, et le chef

 14   d'état-major aussi, puisqu'il était là le 20 dans l'après-midi. Il a

 15   témoigné, il en a informé Mrksic. Il savait que quelque chose pouvait

 16   arriver. Moi je ne parle pas du jugement, je parle juste du manuel

 17   militaire.

 18   Q.  Oui c'est important, vous dites que Panic est au courant quand même et

 19   que Mrksic aussi est au courant. Donc il y a quand même une grande

 20   différence. Mrksic retire la police militaire, donc il sait que ça va

 21   aboutir à un crime, il le sait. Vous êtes d'accord avec moi ?

 22   R.  Du point de vue de la doctrine, sur la base des informations qu'il

 23   avait, oui, oui, ça pouvait très bien aboutir à un crime, et d'en être

 24   responsable, parce qu'il avait le devoir de prévoir les choses.

 25   Q.  Oui, maintenant qu'il l'a fait, j'aimerais savoir si vous êtes d'accord

 26   avec moi pour, lorsqu'il l'a fait, il le savait ? Il savait ce qu'il

 27   faisait.

 28   R.  Je ne vais pas désavouer les constations de la Chambre de première

Page 197

  1   instance.

  2   Q.  Bien. Maintenant, vous dites, en ce qui concerne votre interprétation

  3   de la doctrine de la RSFY, c'est votre interprétation je tiens à le dire,

  4   je n'ai jamais trouvé le terme doctrine des forces armées de la RFSY dans

  5   aucune des sources que vous avez étudiées.

  6   R.  Oui, mais la doctrine c'est un concept, c'est un ensemble de règlements

  7   sur lesquels on base la conduite militaire. Donc les forces armées, c'est

  8   une entité en tant que telle. Je ne sais pas quand est-ce qu'elles ont été

  9   crées, mais je crois qu'on explique à quel moment elles ont changé de nom.

 10   Q.  Donc, pour vous, la doctrine c'est un concept qui est tiré de toutes

 11   sortes de manuels, et vous assemblez tout ça et vous en faites la doctrine.

 12   R.  Ce n'est pas moi qui assemble tout ça. Je pense que les hauts gradés de

 13   la JNA nous ont aussi dit : Voilà ce qui est la doctrine. Voici la

 14   doctrine. Et ils font référence, quand ils parlent de doctrine, de toutes

 15   sortes de règlements.

 16   Q.  Oui, mais dans la doctrine, dans cette fameuse doctrine, peut-on

 17   trouver un passage qui dirait que lorsqu'un commandant va commettre un

 18   crime, il doit en informer son chef d'état-major ?

 19   R.  Non, je ne comprends pas, non, revenons-en à l'essentiel.

 20   Q.  Mais la question est simple. Est-ce que quelque part dans les

 21   règlements il y a une règle qui dit : Si je vais commettre un crime, je

 22   dois en informer mon chef d'état-major, si tant est que je sois commandant.

 23   C'est simple. Répondez par oui ou par non. Trouvez ça dans votre règlement.

 24   R.  Non, mais ça n'a aucun sens, ça n'a aucun sens militairement.

 25   Q.  Très bien. Je vais passer à ma question suivante.

 26   R.  Oui, j'aimerais rajouter une chose. Un ordre, ce n'est pas quelque

 27   chose qui est seul, comme ça, non. On donne un ordre pour qu'une action

 28   soit exécutée par la suite. L'action ici c'est le retrait de la police

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  1   militaire. Ovcara, était quoi, à 10 kilomètres de là.

  2   Q.  Oui, mais là on voit que c'est un crime.

  3   R.  L'ordre va aboutir à un crime.

  4   Q.  D'après vous, on doit être d'accord avec ça. Cet ordre va-t-il aboutir

  5   à un crime, oui ou non ? C'est important, vous dites que militairement, ça

  6   n'a aucun sens.

  7   R.  Non mais je n'ai pas dit que -- c'est la question qui n'a aucun sens,

  8   ce n'est pas l'ordre qui n'a aucun sens.

  9   Q.  Oui, mais enfin, je voulais savoir si vous êtes d'accord avec moi, que

 10   Mrksic savait qu'il allait commettre un crime ? C'est ce qu'a dit la

 11   Chambre de première instance.

 12   R.  Je suis parfaitement d'accord avec la Chambre.

 13   Q.  Donc j'aimerais savoir où est le règlement qui dit que lorsqu'un

 14   commandant va commettre un crime, il doit en informer son chef d'état-

 15   major, y a-t-il un document qui va dans ce sens ?

 16   R.  Non, mais je ne peux pas répondre à votre question comme ça, parce que

 17   je ne comprends pas votre question lorsque je l'ai étudiée à la lumière de

 18   la doctrine.

 19   Q.  Passons à autre chose. Je suis sûr que la Chambre de première instance,

 20   elle, saura trouver ce qu'il en est -- non la Chambre d'appel d'ailleurs,

 21   je m'excuse.

 22   Donc voyons aux constatations établies par la Chambre de première instance.

 23   Vous êtes d'accord avec moi pour dire que Mrksic n'a pas donné l'ordre de

 24   retrait des forces au cours du briefing, il n'en a pas parlé au cours du

 25   briefing ?

 26   R.  Oui, je crois que c'est dans le jugement.

 27   Q.  Oui, mais votre conclusion est laquelle ? Il en a parlé lors du

 28   briefing quotidien, oui ou non ?

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  1   R.  Je ne me suis pas penché sur la question.

  2   Q.  Ce serait quand même important à savoir si ça a été mentionné ou non,

  3   parce que l'une de vos conclusions, c'est que Panic aurait dû justement en

  4   parler lors du briefing quotidien. Alors, vous ne vous êtes pas penché là-

  5   dessus pour savoir si le commandant en avait parlé ?

  6   R.  Absolument pas. Ce que j'ai dit, c'est que Panic avait témoigné qu'il

  7   en avait informé le commandant Mrksic de ce qu'il avait vu à Ovcara, et il

  8   a demandé à Mrksic de prendre des mesures.

  9   Q.  Ça va un peu plus lent, mais plus loin, on est déjà plus loin.

 10   R.  Oui. Mais lorsque j'ai dit que Panic aurait dû en parler lors du

 11   briefing, je me serais attendu à ce que -- au briefing tout le monde est

 12   là, tout le monde est là, tous les gens d'Ovcara, ils sont là aussi, il y a

 13   Vojnovic, tout le monde est là. Donc je pensais que Panic allait vérifié

 14   avec eux en coordination avec Mrksic, bien sûr, savoir, lui demander : Mais

 15   qu'est-ce qui se passe maintenant ? Parce que deux ou trois heures se sont

 16   écoulées.

 17   Q.  Mais donc vous vous attendiez à ce qu'un commandant ait parlé de cet

 18   ordre lors du briefing, n'est-ce pas ?

 19   R.  Si l'ordre avait déjà été donné, il aurait dû être mentionné, je ne

 20   sais plus très bien à quelle heure il a été donné. Je crois que les gens en

 21   ont été informés un peu plus tard.

 22   Q.  Oui, mais en tout cas, on n'en a pas parlé lors du briefing, ça c'est

 23   sûr ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Bien. On met ça de côté. Donc vous êtes d'accord avec moi pour dire que

 26   Panic n'a pas pu apprendre que cet ordre existait lors du briefing ? Là on

 27   est d'accord là.

 28   R.  Tout à fait. 

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  1   Q.  Allons un peu plus loin. Vous dites -- le fait que Mrksic ne l'ait pas

  2   mentionné c'est une infraction à la doctrine puisque normalement il est

  3   censé en faire part à ses équipes ?

  4   R.  Tout dépend à quel moment il donne l'ordre. S'il décide de donner

  5   l'ordre après la réunion, bien sûr, il ne peut pas le mentionné pendant la

  6   réunion. S'il a décidé de donner l'ordre et qu'il a donné l'ordre avant la

  7   réunion, dans ce cas-là il aurait dû en effet en faire part à ses équipes.

  8   Q.  Il aurait dû en faire part à ses équipes, et s'il ne le fait pas, il

  9   enfreint la doctrine ?

 10   R.  Je vous dis que tout dépend de la chronologie, du moment où l'ordre a

 11   été donné.

 12   Q.  Nous sommes dans une zone floue ?

 13   R.  Ce n'est pas du tout floue, non, non. Parce que je n'ai pas le jugement

 14   sous les yeux, je ne me souviens pas très bien du moment où Mrksic a donné

 15   l'ordre de retirer la police militaire. J'essaie un peu de vous donner une

 16   réponse claire.

 17   Q.  Eh bien, pour vous aider, je peux vous dire que cet ordre a été donné

 18   un petit peu avant ou un petit après le briefing quotidien. Ça vous aide ?

 19   R.  Non, si c'est avant le briefing, il aurait dû en parler. Si c'est après

 20   le briefing, il aurait dû leur faire part d'une façon ou d'une autre. Mais

 21   si c'est après le briefing, il ne peut pas lui en parler pendant le

 22   briefing.

 23   Mme BRADY : [interprétation] Pourriez-vous nous donner, s'il vous plaît, la

 24   référence sur cette constatation dans le jugement.

 25   Q.  Sur avant, après ou pendant ?

 26   M. BOURGON : [interprétation] Je le recherche, et je vous donne la

 27   référence tout de suite. C'est dans le jugement de toute façon. Mais je

 28   manque de temps, vous savez. Bien, je poursuis.

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  1   Q.  Nous savons donc, au vu des faits, que Mrksic a rencontré Vojnovic, il

  2   n'a donné cet ordre qu'à Vojnovic à ce moment-là ? Vous le savez, n'est-ce

  3   pas ? 

  4   R.  Oui, je crois que Vukosaljevic aussi est plus ou moins dans la boucle.

  5   Il est aux alentours. Mais attention, il ne faut pas penser uniquement en

  6   noir et blanc. Si on sait qu'il a donné l'ordre,  qu'il en a parlé à

  7   quelqu'un, parce qu'il se peut qu'il n'en ait pas parlé à quelqu'un

  8   d'autre.

  9   Q.  Ecoutez, il s'agit quand même de droit pénal. On a des constatations

 10   dans un jugement établi. Moi, je ne veux pas non plus contester quoi que ce

 11   soit.

 12   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Bourgon, si je me souviens

 13   bien, le lieutenant-colonel Panic a déclaré à plusieurs reprises lors de

 14   son témoignage - et vous le trouverez d'ailleurs dans les pièces qui nous

 15   ont été présentées - qu'il aurait été très surprenant et totalement

 16   exceptionnel que Mrksic ne lui fasse pas part de cet ordre à un moment ou à

 17   un autre.

 18   M. BOURGON : [interprétation] Tout à fait.

 19   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Et les dépositions de M. Panic qui ont

 20   été faites avant le jugement rendu par la Chambre de première instance, je

 21   suis tout à fait d'accord là-dessus, permettent de penser que le Groupe

 22   opérationnel sud fonctionnait bien du point de vue de la transmission des

 23   ordres. Dans ses dépositions, il évoque une ou deux exceptions, mais

 24   globalement, il s'exprime de façon très flatteuse par rapport à la

 25   performance du Groupe opérationnel, beaucoup plus que la Chambre de

 26   première instance ne l'a été dans le jugement que vous venez d'évoquer.

 27   Donc, la question est complexe. Elle est difficile à résoudre, vraiment.

 28   Mais je proposerai, puisque votre temps est limité, que vous vous

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  1   concentriez davantage sur les conclusions que vous tentez d'établir.

  2   M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais le

  3   faire.

  4   Q.  Alors, Monsieur Theunens, penchez-vous sur les faits de l'espèce, à

  5   savoir que Mrksic, et vous en avez été d'accord car vous l'avez appris à la

  6   lecture des éléments de preuve, qu'il ne l'a pas annoncé au briefing

  7   quotidien. Mais dans vos deux dépositions orales, vous dites qu'il en a

  8   parlé à deux personnes : il l'a dit à Karanfilov et il l'a dit à Vojnovic,

  9   probablement, mais nous n'en sommes pas sûrs, en présence de Vukosavljevic.

 10   Ça, c'est ce qui ressort des faits de l'espèce, d'accord ? Mais ce que je

 11   vous dis, moi, c'est que si un commandant est sur le point d'émettre un

 12   ordre illégal -- d'ailleurs, ce n'est pas "si" mais lorsqu'il est sur le

 13   point d'émettre un ordre illégal, il est logique de penser qu'il va limiter

 14   ce qu'il va dire à ce sujet au nombre le plus restreint possible de

 15   personnes dans le but très simple de se protéger lui-même. Ceci est-il une

 16   possibilité ?

 17   R.  Je suis désolé. Un ordre a pour but d'entraîner l'exécution d'une

 18   action. Si l'action consiste à retirer des forces, tout le monde se rendra

 19   compte que les forces sont parties et se demandera ce qui est en train de

 20   se passer, et la seule conclusion logique, c'est que le commandant, en

 21   raison de l'unicité du commandement, a émis cet ordre. Il ne peut pas le

 22   cacher. Karanfilov, il serait très peu probable que Mrksic -- nous l'avons

 23   vu, d'ailleurs, pendant le procès, il est très peu probable qu'il ait parlé

 24   à Karanfilov en ignorant Vukasinovic, c'est-à-dire l'assistant responsable

 25   de la sécurité, et ce qui est encore plus important, c'est qu'il aurait été

 26   très peu vraisemblable qu'il ignore Sljivancanin, qui était effectivement

 27   responsable de cette opération, alors que Mrksic, selon vous, aurait parlé

 28   à un capitaine pour lui dire ce qui se passait là-bas. Cela n'a pas de

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  1   sens, parce qu'en quelques minutes à peine, tout le monde aurait été au

  2   courant de la réalité.

  3   Q.  J'ai une question à vous poser sur ce sujet, parce que si je vous ai

  4   bien entendu, je crois comprendre que 20 policiers militaires se trouvent à

  5   Ovcara, ils retournent à leur caserne ou à leur lieu de résidence, n'est-ce

  6   pas ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Donc, au commandement ou autour du commandement de la 80e Brigade,

  9   entre autres. Donc, vous défendez la position selon laquelle ceci aurait

 10   été su par tout le monde en quelques minutes ?

 11   R.  Eh bien, ce que je veux dire, c'est que je ne parle pas des 20

 12   policiers militaires, je parle de Karanfilov. Si Mrksic parle à Karanfilov

 13   directement, il aura pu vérifier avec Sljivancanin ce que le commandant

 14   avait dit, à savoir c'est votre opération, à vous de vérifier. Ceci aurait

 15   été une réaction logique.

 16   Q.  Mais ce n'est pas ce que vous avez dit. Vous avez dit qu'en quelques

 17   minutes à peine, tout le monde aurait été au courant et aurait dit au

 18   commandant : Qu'est-ce que vous êtes en train de faire ? Moi, je vous pose

 19   la question, 20 hommes quittent Ovcara pour retourner au Groupe

 20   opérationnel sud -- ou plutôt, pas au Groupe opérationnel sud, mais à la

 21   80e Brigade. J'aimerais simplement savoir si, selon votre avis

 22   professionnel, en quelques minutes à peine, tout le monde aurait été au

 23   courant au sein du Groupe opérationnel sud. Est-ce que c'est cela, votre

 24   avis professionnel ?

 25   R.  Eh bien, je vais vous donner deux éléments de réponse. D'abord, nous ne

 26   parlons pas de 20 hommes, nous parlons de la remise du pouvoir depuis le

 27   Groupe opérationnel sud sur une autre entité. Ça, c'est une question tout à

 28   fait fondamentale. Et deuxièmement, vous connaissez bien l'inspection, du

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  1   point de vue du commandement et du contrôle, et également le fait qu'il y a

  2   des rapports qui sont rédigés dans le cadre de l'application d'un ordre. Et

  3   donc, concrètement, les policiers militaires informeront le centre

  4   opérationnel de la 80e Brigade en disant : Nous sommes rentrés du centre

  5   opérationnel de la 80e Brigade et nous informons le centre opérationnel de

  6   ce qui se passe au sein du Groupe opérationnel sud, Messieurs. Nous avons

  7   accompli la mission, nous sommes de retour dans le camp.

  8   Q.  D'accord. Et si je me penche sur ce que vous êtes en train de dire en

  9   ce moment, est-ce qu'il y a le moindre élément de preuve au dossier qui

 10   indique qu'un rapport a été rédigé pour informer le Groupe opérationnel sud

 11   et son commandement de ce qui se passait ?

 12   R.  Non, il n'y a pas d'éléments de preuve de cette nature. Mais encore une

 13   fois, si Karanfilov -- s'il est établi dans les éléments de preuve --

 14   Q.  Non, non, non, non. Est-ce qu'il y a une conclusion ?

 15   R.  Il est établi que Karanfilov se rend à Ovcara pour dire aux policiers

 16   militaires de la 80e Brigade de se retirer. Karanfilov doit revenir au

 17   Groupe opérationnel et dit : J'ai transmis l'ordre, ils se retirent. Et

 18   ensuite, je ne sais pas si la Chambre de première instance a confirmé tout

 19   cela.

 20   Q.  La Chambre de première instance ne l'a pas confirmé.

 21   R.  D'accord.

 22   Q.  Je vous demande si vous confirmez qu'aujourd'hui, je dois citer

 23   Karanfilov à la barre pour témoigner encore une fois afin de déterminer ce

 24   point ?

 25   R.  Non. Il y a une conclusion selon laquelle Karanfilov connaissait

 26   l'existence de l'ordre parce qu'il a informé la 80e Brigade, et que sur la

 27   base de son travail militaire, apparemment, Karanfilov rend compte à son

 28   commandant, il rend compte à Sljivancanin. J'ai exécuté votre ordre, c'est

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  1   ce qu'il dit.

  2   Q.  Mais est-ce qu'il y a un élément de preuve qui indique que vous avez pu

  3   voir cela dans un document ?

  4   R.  Je n'ai pas examiné tous les éléments de preuve.

  5   Q.  Donc, cela ne vous intéresse pas ?

  6   R.  Ce n'est pas la question. Je ne sais pas si cela figure dans le

  7   jugement de la Chambre de première instance ou dans l'arrêt de la Chambre

  8   d'appel.

  9   Q.  Vous avez parlé de trois hommes qui auraient pu être au courant de

 10   l'existence de l'ordre : Karanfilov, Vukosavljevic et Vojnovic. Vous

 11   conviendrez avec moi que nous pouvons ajouter à cela Vezmarovic, parce que

 12   c'est lui qui a retiré les policiers militaires.

 13   R.  Et vous pouvez ajouter les 20 policiers militaires si vous le

 14   souhaitez.

 15   Q.  Et les 20 policiers militaires. Alors, dites-moi s'il y a la moindre

 16   conclusion dans le jugement ou ailleurs qui indique quelles sont les

 17   personnes qui ont été informées de l'existence de l'ordre, est-ce qu'il

 18   existe une conclusion de ce genre dans le jugement ?

 19   R.  Je n'ai pas analysé le jugement. Ce n'était pas la mission qui m'avait

 20   été confiée.

 21   Q.  Je pensais que vous aviez comparé le jugement avec les conclusions et

 22   la doctrine de la RSFY ?

 23   R.  Non, non.

 24   Q.  Ce n'est pas ce que vous avez fait ?

 25   R.  Non. J'ai comparé le témoignage de M. Panic avec la doctrine et les

 26   documents de combat, c'est-à-dire les rapports et ordres du Groupe

 27   opérationnel sud. Et en fait, j'ai reçu un exemplaire du jugement en

 28   première instance et de l'arrêt en appel, mais je n'ai pas examiné dans le

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  1   détail ces sources. Ce n'était pas ma mission. Ce n'est pas ce qu'il

  2   m'avait été demandé, d'analyser ces sources en détail.

  3   Q.  D'accord. Passons rapidement à une question --

  4   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je ne pense vraiment pas que ce soit le

  5   rôle du témoin de formuler les notes sur le jugement.

  6   M. BOURGON : [interprétation] Non, ce n'était pas le cas, Monsieur le

  7   Président, mais c'était son travail d'examiner le jugement. Il a dit qu'il

  8   l'avait fait. Comment est-ce qu'il peut rédiger un rapport --

  9   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Il avait reçu une mission bien précise

 10   de la part de l'Accusation.

 11   M. BOURGON : [interprétation] Je garderai cela pour la plaidoirie.

 12   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je pense qu'il avait reçu une mission

 13   bien précise de la part de l'Accusation et qu'il s'est efforcé de la

 14   remplir.

 15   M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Q.  Monsieur, est-ce qu'il y a une possibilité - je parle bien de

 17   possibilité, et ceci est évoqué dans le jugement au paragraphe 586, où il

 18   est écrit qu'il y a des doutes à ce sujet. Est-il possible que Mrksic ait

 19   reçu un ordre d'un commandant supérieur sur le plan hiérarchique et que cet

 20   ordre ait été : Donnez-leur les prisonniers, nous ne pouvons pas éviter un

 21   conflit avec ces personnes en ce moment précis. Est-ce qu'il y a une

 22   possibilité, Monsieur, que dans un tel, cas, si l'ordre stipule "ne dites à

 23   personne", que Mrksic ne l'ait dit à personne ? Est-ce que c'est une

 24   possibilité ?

 25   R.  J'ai essayé d'expliquer que "ne dites à personne" ne fonctionne pas sur

 26   le plan militaire, parce que les gens étaient partis, les hommes étaient

 27   partis, le groupe opérationnel -- je veux dire Panic, quand il exerce son

 28   commandement, il doit être sûr que ce qu'il dit à la 1ère Région militaire

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  1   est exact, donc il doit savoir ce qui se passe à ce moment-là. Vous ne

  2   pouvez pas dissimuler l'absence de nombreux policiers militaires d'Ovcara.

  3   Q.  Monsieur, quand un crime est commis, est-ce que --

  4   -- ce n'est pas ce que vous dites, qu'il n'en parlera pas ? Je me demande,

  5   et nous allons étudier un autre scénario, mais ce sera le dernier.

  6   R.  D'accord.

  7   Q.  Panic a dit, lorsqu'il a témoigné, en premier lieu, il a dit qu'il

  8   aurait dû être informé. Donc, vous êtes d'accord sur ce point, pas de

  9   problème là-dessus. Et puis, Panic déclare : Si j'avais entendu cela

 10   pendant la conversation entre Mrksic et Sljivancanin, si j'avais entendu

 11   cela, j'aurais réagi immédiatement. D'accord. Alors, vous conviendrez avec

 12   moi que ceci aurait été la chose à faire ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  D'accord. Etant donné que ceci était la chose à faire, je propose

 15   simplement une possibilité à votre intention, d'accord, à savoir que Mrksic

 16   savait très bien que Panic s'opposerait à cet ordre, et que c'est la raison

 17   pour laquelle il ne lui en a pas fait part. Est-ce que c'est une

 18   possibilité, Monsieur ?

 19   R.  Excusez-moi, je me répète, mais ceci ne fonctionne pas militairement.

 20   Panic est le chef d'état-major. Il sera informé du fait que les policiers

 21   militaires ne sont plus là, notamment puisque le 20, Panic part de sa

 22   propre initiative à Ovcara pour voir ce qui est en train de se passer. Je

 23   ne saurais imaginer que Mrkic penserait : Je vais dissimuler cet ordre et

 24   Panic va certainement ne pas jeter le moindre coup d'œil et ne

 25   s'intéressera pas. Ceci n'a pas le moindre sens.

 26   Q.  Donc, s'il n'y a pas de conclusions indiquant que Panic a découvert

 27   cette information, qu'est-ce que vous dites, est-ce que c'est un menteur ?

 28   R.  Je n'ai pas dit cela.

Page 209

  1   Q.  Vous l'avez rencontré. Est-ce qu'il avait l'air d'une personne

  2   raisonnable ?

  3   R.  Je réserverai mon commentaire pour le moment.

  4   Q.  Est-ce qu'il a coopéré avec vous lorsque vous l'avez rencontré ?

  5   R.  Globalement, oui, mais nous avons dû utiliser un certain nombre de

  6   documents, à l'occasion, pour faire préciser quelques points.

  7   Q.  D'accord.

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Il faut que nous avancions. C'est

  9   curieux, Maître Bourgon, qu'étant rendu à Ovcara et ayant constaté

 10   l'existence d'une situation plutôt préoccupante de danger existant, étant

 11   donné l'exposition des prisonniers militaires et le traitement qui leur

 12   était imposé, que Panic, le lendemain, n'ait pas manifesté le moindre

 13   intérêt au sujet de cette séquence d'événements, de ce qui s'est passé plus

 14   tard.

 15   M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais en

 16   arriver directement à une série de questions qui concernent ce qu'a dit le

 17   témoin.

 18   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Le Juge Liu a une question.

 19   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur le Témoin, j'aimerais vous poser

 20   une question. J'aimerais appeler votre attention sur votre rapport,

 21   paragraphe 10, page 6. Vous dites ce qui suit, je cite :

 22   "Considérant la doctrine des forces armées de la RSFY et le contexte

 23   opérationnel, toute suggestion que Mrksic aurait essayé de dissimuler son

 24   ordre de retrait par rapport à ses collaborateurs les plus proches et à son

 25   second, le lieutenant-colonel Miodrag Panic, ainsi qu'à l'officier qui

 26   l'avait rendu responsable de l'opération d'évacuation, à savoir

 27   Sljivancanin, semble assez invraisemblable."

 28   Est-ce que vous avez trouvé cette phrase dans le document ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Oui.

  2   M. LE JUGE LIU : [interprétation] J'aimerais que vous m'expliquiez comment

  3   on peut parvenir à cette conclusion, à savoir ce qui est dit par rapport à

  4   la doctrine des forces armées de la RSFY et du contexte opérationnel,

  5   comment vous êtes parvenu à cette conclusion au moment de rédiger votre

  6   rapport. Je vous remercie.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Je vais essayer d'être

  8   bref. La référence à la doctrine des forces armées de la RSFY fait mention

  9   d'un aspect, d'un élément de l'obligation de connaissance de la situation,

 10   à savoir lorsque l'état-major est dirigé ou organisé par le chef d'état-

 11   major qui est responsable de garantir la connaissance de la situation du

 12   commandant, et c'est quelque chose dont j'ai traité dans la question numéro

 13   1, où on évoque un certain nombre de réglementations. Donc, bien entendu,

 14   le commandant a légalement l'obligation d'être informé, mais il est assisté

 15   par son état-major et par le chef d'état-major, en particulier, qui est le

 16   grand organisateur.

 17   Le contexte opérationnel, maintenant. Ovcara, je pense, se trouve à

 18   moins de 10 kilomètres de Negoslavci. Je ne vois pas le moindre obstacle

 19   qui ait pu empêcher les membres du commandement du Groupe opérationnel sud

 20   de se rendre à Ovcara à tout moment durant les journées des 20 et 21, et

 21   c'est ce que j'ai essayé d'expliquer à Me Bourgon. L'ordre en tant que tel

 22   n'a pas grande signification. C'est l'effet de l'ordre qui importe, à

 23   savoir lorsqu'il est appliqué, il aura un résultat, une incidence sur la

 24   situation et, dans ce cas particulier, sur la situation des forces amies,

 25   c'est-à-dire des unités du Groupe opérationnel sud, où un certain nombre

 26   d'éléments ont été retirés et, encore plus important, où il y a des

 27   prisonniers de guerre qui sont sous le contrôle du Groupe opérationnel sud

 28   et qui ont été remis à une autre entité, et tout cela fait partie de

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  1   l'obligation de connaissance de la situation, à savoir de l'obligation qu'a

  2   le chef d'état-major d'informer le commandant de ces événements et de leur

  3   évolution.

  4   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

  5   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître Bourgon, vous avez encore dix

  6   minutes.

  7   M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   Q.  Monsieur, y a-t-il le moindre élément de preuve au dossier que vous

  9   ayez vu qui indiquerait que quelqu'un a remarqué le départ de ces dix

 10   policiers militaires ?

 11   R.  Je vais vous donner deux --

 12   Q.  Non, non. Je parle d'éléments de preuve versés au dossier. Est-ce que

 13   vous en avez vu ne serait-ce qu'un seul ?

 14   R.  Je pense que le journal de guerre opérationnel de la 80e Brigade

 15   motorisée comporte une rubrique concernant la journée du 20 dans la soirée

 16   indiquant que la police militaire de la 80e Brigade est rentrée et que les

 17   prisonniers ont été remis à une autre entité.

 18   Q.  Est-ce que vous avez eu sous les yeux le moindre élément de preuve

 19   contenant ce renseignement, à savoir que ces informations auraient atteint

 20   le Groupe opérationnel sud et son commandement à quelque moment que ce soit

 21   ?

 22   R.  Bien, en fait, la question ne consiste pas à se demander si des

 23   éléments de preuve sont parvenus ici ou là sur le plan militaire. Les

 24   éléments de preuve -- ou en tout cas, si les informations existent, si la

 25   80e Brigade n'a pas informé le Groupe opérationnel sud, le Groupe

 26   opérationnel sud doit dire à la 80e Brigade ce qui est en train de se

 27   passer, pourquoi est-ce que vous ne nous le dites pas ? Parce que nous

 28   avons émis un ordre à votre intention et nous devons être informés de

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  1   l'application de cet ordre. C'est comme ça que les choses fonctionnent.

  2   Q.  Je suis tout à fait d'accord, aussi longtemps que l'existence de

  3   l'ordre est connue. Mais s'ils n'ont pas connaissance de l'existence de

  4   l'ordre, on ne peut pas s'attendre --

  5   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Theunens, on me dit que vous

  6   parlez trop vite pour les interprètes.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Toutes mes excuses, Monsieur le Président.

  8   Alors, l'ordre c'est une chose, mais l'effet de cet ordre, son application,

  9   ça, c'est la question principale, et c'est au niveau de l'application de

 10   l'ordre que des choses deviennent visibles. Je ne cesse d'essayer

 11   d'expliquer dans mon rapport que la connaissance de la situation n'est pas

 12   une obligation passive. Vous ne restez pas assis en attendant que les

 13   choses se passent et que quelqu'un vous ait dit qu'on a retiré des hommes.

 14   Le commandant a le devoir de dire lui-même quelle est la situation à ses

 15   troupes. C'est comme ça partout. Personne ne va lui dire : Allez, transmets

 16   les mauvaises nouvelles. Le commandant doit avoir un rôle actif. Il doit

 17   envoyer ses hommes, inviter les commandants des unités subordonnées à

 18   apprendre ce qui est en train de se passer dans le cadre de l'image globale

 19   qui est créée avec l'aide de l'état-major sous la direction du chef d'état-

 20   major.

 21   M. BOURGON : [interprétation]

 22   Q.  Monsieur, est-ce votre position de dire que si la doctrine stipule

 23   qu'un rapport aurait dû être envoyé, alors à moins que nous n'ayons des

 24   éléments de preuve indiquant que cela a été fait, nous croyons que cela a

 25   été fait ? C'est votre position ?

 26   R.  Non. Ma position consiste à dire que si le rapport n'a pas été envoyé,

 27   le Groupe opérationnel sud aurait dû se plaindre auprès de la 80e Brigade

 28   au sujet de ce qui était en train de se passer, pourquoi est-ce que vous

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  1   n'avez pas envoyé de rapport.

  2   Q.  Mais s'ils n'avaient pas connaissance de l'existence de l'ordre, ils ne

  3   pouvaient pas le faire ?

  4   R.  Non. Il était de leur devoir --

  5   Q.  Si l'ordre n'a pas été transmis, est-ce qu'ils auraient pu s'attendre à

  6   recevoir un ordre en retour ?

  7   R.  Si l'ordre n'avait pas été donné, l'application devait être vérifiée,

  8   et les choses étaient simples.

  9   Q.  Monsieur, mon confrère m'a rappelé que vous deviez vous concentrer sur

 10   les conclusions de la Chambre de première instance, et nous ne sommes pas

 11   ici pour refaire le procès.

 12   R.  D'accord.

 13   Q.  Alors, la Chambre de première instance a conclu qu'il n'y avait pas eu

 14   de rapport qui était revenu au commandement du Groupe opérationnel sud.

 15   D'accord. Vojnovic a témoigné en disant qu'il n'avait jamais dit à Mrksic

 16   qu'il avait exécuté l'ordre et qu'il n'avait jamais dit à quiconque qu'il

 17   avait exécuté l'ordre. Aucune des personnes dont vous avez cité les noms

 18   n'avait connaissance de l'existence de cet ordre, étant donné que cette

 19   information n'avait été partagée avec personne. Alors, vous avez parlé de

 20   certaines personnes qui auraient été au courant. Vous avez parlé des

 21   policiers militaires, vous avez cité le nom de Vezmarovic. Vous avez parlé

 22   de Vukosavljevic, vous avez parlé de Vojnovic et, bien sûr, de Karanfilov,

 23   et je vais ajouter à cela le P14.

 24   R.  Hm-hm.

 25   Q.  Et le P14, il discute du sort des prisonniers ou du fait qu'il y avait

 26   des rumeurs qui couraient au sujet du sort des prisonniers le matin du 21;

 27   alors que les renseignements disponibles au Groupe opérationnel sud, selon

 28   les éléments de preuve, étaient nuls et que les renseignements, selon le

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  1   dossier de l'espèce, n'étaient pas arrivés au Groupe opérationnel sud.

  2   Alors est-ce qu'ils devaient s'attendre à recevoir l'ordre en retour alors

  3   qu'ils n'étaient même pas au courant de l'existence de la mise en œuvre du

  4   premier ordre ?

  5   R.  Je ne suis pas sûr que je comprenne la question.

  6   Q.  D'accord, je vais passer à autre chose.

  7   Une autre question que j'aimerais traiter devant vous. Vojnovic, lorsqu'il

  8   a reçu cet ordre, est-ce qu'il a accepté de mettre en œuvre un ordre

  9   illégal, oui ou non, vous êtes d'accord là-dessus ?

 10   R.  A son insu, oui.

 11   Q.  Vous voulez dire qu'il n'était pas au courant sur-le-champ ?

 12   R.  Je veux dire qu'il fallait poser la question à Vojnovic. On aurait pu

 13   convenir que Vojnovic aurait dû savoir que le retrait des policiers

 14   militaires aurait pu déboucher sur des crimes, oui, c'est, je crois,

 15   l'article 36 de --

 16   Q.  Donc, il a accepté d'exécuter un ordre illégal ?

 17   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous avons une question de M. le Juge

 18   Guney.

 19   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Monsieur Theunens, étant donné

 20   l'irrégularité, le caractère irrégulier de l'ordre en tant que tel, est-ce

 21   qu'on n'aurait pas dû s'attendre à ce qu'il soit transmis dans des

 22   conditions irrégulières également ? C'est ma première question.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. D'accord, Monsieur le Juge.

 24   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Et ma deuxième question est la suivante

 25   : est-ce que vous êtes au courant de l'existence d'un autre ordre illégal

 26   qui aurait été transmis par la voie hiérarchique régulière ? Je vous

 27   remercie.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Messieurs les Juges. Pour répondre à la

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  1   première partie de votre question, je dirais que c'est seulement un aspect

  2   partiel de la situation parce que, bien entendu, on peut imaginer une

  3   situation dans laquelle Mrksic s'efforce de dissimuler son ordre et

  4   développer un scénario à partir de là. On peut essayer d'imaginer ce

  5   scénario, à savoir qu'il dissimule le fait d'avoir émis l'ordre. Mais ce

  6   qui importe, c'est l'effet que cet ordre aura, sa mise en œuvre, parce que

  7   cet ordre en tant que tel, et s'il n'est pas exécuté, n'a aucune valeur.

  8   C'est l'exécution de l'ordre qui est la question principale ici. Me Bourgon

  9   conteste que le commandement du Groupe opérationnel sud aurait pu le

 10   remarquer alors que dans ce que moi j'indique comme étant une période très

 11   courte.

 12   Le 21 novembre, le rapport du Groupe opérationnel sud montre que tout le

 13   monde agissait en application des règlements, c'est-à-dire l'évacuation des

 14   civils, des blessés, en application et dans le respect des conventions de

 15   Genève, alors qu'il était de leur devoir de vérifier la situation, le

 16   statut des prisonniers d'Ovcara. Et pour revenir à la deuxième partie de

 17   votre question, je dirais que je n'ai connaissance d'aucun ordre illégal

 18   autre qui aurait été transmis par une voie hiérarchique régulière. Je n'ai

 19   pas connaissance d'un exemple de ce genre.

 20   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Je vous remercie.

 21   M. BOURGON : [interprétation] Monsieur le Président, je dispose d'encore

 22   combien de temps ?

 23   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous avez encore trois minutes.

 24   M. BOURGON : [interprétation]

 25   Q.  J'ai deux questions à poser, et la première est la suivante, parce que

 26   vous avez vu l'arrêt de la Chambre d'appel, vous savez que nous discutons

 27   ici d'un nouveau fait qui a été accepté par la Chambre de première instance

 28   comme étant un fait nouveau, à savoir que Panic a entendu une conversation

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  1   entre Mrksic et Sljivancanin, et que pendant cette conversation Mrksic n'a

  2   pas dit à Sljivancanin qu'il allait retirer les policiers militaires.

  3   Alors, c'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.

  4   J'aimerais que vous nous disiez, parce que vous avez été impliqué, ou en

  5   tout cas vous avez été appelé par l'Accusation pour participer au débat

  6   actuel, est-ce que vous avez eu d'autres éléments de preuve que vous ne

  7   connaissiez pas auparavant et que la Chambre de première instance ne

  8   connaissait pas qui ont été portés à votre attention et qui avaient un

  9   rapport avec cette conversation ?

 10   R.  Les documents que j'ai utilisés ou reçus, toutes mes excuses, reçus du

 11   bureau du Procureur, section chargée des recours en appel, sont cités dans

 12   l'introduction de mon rapport. J'ai examiné des règlements militaires, mais

 13   je n'ai vu aucun élément de preuve supplémentaire par rapport à cette

 14   conversation.

 15   Q.  Et Monsieur, l'Accusation, je suppose, n'a pas discuté ces éléments de

 16   preuve avec vous, ne vous a pas, disons, dit : Nous avons ici quelque chose

 17   que nous ne connaissons pas. Ceci n'a jamais été dit, n'est-ce pas ?

 18   R.  Non, non.

 19   Q.  Alors, vous avez été analyste au sein du bureau du Procureur, vous avez

 20   fait partie de l'équipe des analystes militaires pendant un temps assez

 21   long, à savoir plusieurs années, donc vous connaissez parfaitement ces

 22   affaires. Et je suppose que vous connaissez le fait que des officiers de la

 23   JNA et de tous les membres de la JNA, la crainte règne, en tout cas, on

 24   n'aime pas beaucoup les officiers responsables de la sécurité, les membres

 25   de la section de la sécurité, parce qu'ils ont toujours la possibilité de

 26   déposer un rapport à tout moment contre telle ou telle personne. Est-ce que

 27   vous connaissez cette conception générale ?

 28   R.  Eh bien, je pense, si vous me permettez de le dire, que c'est une

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  1   interprétation un peu libérale de la doctrine, mais c'est la même chose au

  2   sein de toutes les forces armées, je suppose que la crainte ressentie par

  3   rapport aux organes de sécurité existe parce qu'ils peuvent surgir au

  4   mauvais moment. Mais ce n'est écrit nulle part, c'est simplement une

  5   interprétation des hommes concernés. Ce n'est jamais une bonne chose qu'un

  6   officier chargé de la sécurité arrive devant vous parce qu'il peut avoir

  7   quelque chose à vous reprocher.

  8   Q.  Et les officiers de la sécurité, en raison de cette particularité de la

  9   hiérarchie, doivent mener des enquêtes contre un commandant à l'insu du

 10   commandant éventuellement. Vous êtes au courant de cela ?

 11   R.  En effet, je veux dire, enfin, plus ou moins.

 12   Q.  Si Mrksic a commis un crime en retirant les policiers militaires, je

 13   vous suggère que la dernière personne à laquelle il aurait dit cela aurait

 14   été l'officier chargé de la sécurité qui risquait de lancer une enquête à

 15   son encontre; vous êtes d'accord là-dessus ?

 16   R.  Non, parce qu'il y a l'article 36, que j'ai déjà évoqué, du règlement

 17   de 1988 relatif à l'application des lois de la guerre, qui stipule que tout

 18   officier, lorsqu'il découvre qu'un crime risque d'avoir été commis, a le

 19   devoir d'en rendre compte -- ou plutôt, excusez-moi, de fournir des

 20   renseignements aux autorités compétentes à ce sujet. Donc la position

 21   particulière des instances de sécurité ne s'applique pas à ce genre de

 22   crimes, je veux dire à une violation des lois ou coutumes de la guerre.

 23   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous devons vraiment mettre un terme à

 24   cet échange et, bien sûr, Maître Bourgon, Karanfilov faisait partie de

 25   l'organe chargé de la sécurité, n'est-ce pas ?

 26   M. BOURGON : [interprétation] Absolument, Monsieur le Président. C'était ma

 27   dernière question.

 28   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Eh bien, pourquoi est-ce que vous ne la

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  1   reprendriez pas plus tard lorsque vous résumerez les débats ?

  2   M. BOURGON : [interprétation] Je le ferai.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Au moment des plaidoiries.

  4   M. BOURGON : [interprétation] Je le ferai, Monsieur le Président, parce que

  5   s'il avait peur de parler à Sljivancanin, bien sûr il n'aurait pas dit à

  6   Sljivancanin qu'il avant parlé à Karanfilov non plus.

  7   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.

  8   Nous allons maintenant faire une pause de 20 minutes qui est techniquement

  9   nécessaire.

 10   Madame Brady, je sais que vous avez 15 minutes qui vous ont été imparties,

 11   et puis ensuite il y aura encore 30 minutes de débats. Donc nous allons

 12   faire la pause jusqu'à à peu près 17 heures 35.

 13   --- L'audience est suspendue à 17 heures 18.

 14   --- L'audience est reprise à 17 heures 38.

 15   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame Brady, comme je l'ai dit

 16   auparavant et avant notre brève pause, vous avez 15 minutes pour les

 17   questions supplémentaires pour ce témoin, et ensuite 30 minutes pour votre

 18   argument sommaire. Et si vous n'avez pas besoin de ces 45 minutes dans leur

 19   intégralité, nous n'allons pas le regretter si vous décidez de faire plus

 20   court.

 21   Mme BRADY : [interprétation] Je n'ai que deux questions à poser dans le

 22   cadre de mes questions supplémentaires, donc ceci sera assez court. Et

 23   peut-être qu'à ce moment-là, je pourrais avoir un peu plus de temps pour

 24   mes arguments si cela s'avère nécessaire.

 25   Nouvel interrogatoire par Mme Brady : 

 26   Q.  [interprétation] Monsieur Theunens, je souhaite tout d'abord vous poser

 27   une question qui porte sur la question qui vous a été posée par Me Bourgon

 28   à la fin sur l'ordre qui a été transmis à M. Karanfilov, l'ordre de Mrksic

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  1   ayant été transmis à Karanfilov. Et je souhaite vous demander ceci, dans

  2   l'enchaînement des événements habituels, comment un tel ordre envoyé à un

  3   subordonné dans un organe chargé de la sécurité, comment un tel ordre

  4   serait-il acheminé jusqu'au chef de cet organe chargé de la sécurité ?

  5   R.  La procédure habituelle veut que le colonel Mrksic en aurait parlé au

  6   commandant Sljivancanin et l'aurait informé directement, eu égard à cette

  7   opération, en particulier parce que Sljivancanin était responsable de

  8   l'opération.

  9   Q.  Mais si nous prenons le scénario suivant, que Mrksic, d'une manière ou

 10   d'une autre, a donné l'ordre directement à Karanfilov, dans ce cas et dans

 11   le cas de procédures militaires normales, est-ce que cette information

 12   aurait été transmise à son supérieur hiérarchique, celui qui était à la

 13   tête de l'organe chargé de la sécurité de M. Sljivancanin ?

 14   R.  Karanfilov, dès que cela s'est avéré possible, informait Sljivancanin,

 15   et avant cela il aurait pu demander à Mrksic ceci : avez-vous parlé à mon

 16   commandant, à mon chef, Sljivancanin ? Et ensuite, Mrksic pourrait

 17   expliquer à Sljivancanin -- pardonnez-moi, à Karanfilov pourquoi il ne

 18   suivait pas la chaîne de commandement habituelle. Mais Sljivancanin, dans

 19   ce cas, devrait être informé le plus rapidement possible par Karanfilov,

 20   parce que sinon, il s'agit d'une infraction à la chaîne de commandement.

 21   Q.  Merci. La seule autre question que j'ai à vous poser dans le cadre de

 22   mes questions supplémentaires est comme suit : Me Bourgon a mis le doigt

 23   sur quelque chose à la page 70 de l'audience d'aujourd'hui, qu'on ne

 24   pouvait pas s'attendre à ce que le Groupe opérationnel sud s'enquière de

 25   l'ordre de retrait s'il n'était pas un fait connu que cet ordre avait été

 26   donné. Je souhaite avoir votre avis sur la question. Même si Panic ne

 27   savait pas ou n'était pas au courant de l'ordre du retrait, est-ce que cela

 28   signifie -- ou cela ne signifie-t-il pas qu'il avait le devoir de

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  1   s'informer de ce qui s'était passé les 24 heures auparavant de la 80e

  2   Brigade motorisée lorsqu'il était commandant par intérim de la 80e Brigade

  3   motorisée ? Même si Panic n'était pas au courant de cet ordre de retrait,

  4   n'avait-il pas l'obligation de s'en informer ou de s'informer de ce qui

  5   s'était passé 24 heures auparavant sur la 80e Brigade et sur le sort des

  6   prisonniers, à supposer qu'ils soient toujours là, dans l'esprit de Panic ?

  7   R.  Effectivement, Madame, Messieurs les Juges, comme j'ai tenté de vous

  8   l'expliquer pendant le contre-interrogatoire, l'ordre est une autre et sa

  9   mise en œuvre en est une autre, et ça, c'est l'aspect sans doute le plus

 10   important. Conformément à l'exigence de la connaissance au niveau de la

 11   situation par rapport au Groupe opérationnel sud et au commandement

 12   supérieur de ces derniers, à savoir le 1er District militaire, le Groupe

 13   opérationnel sud avait l'obligation de fournir des rapports exhaustifs et

 14   exacts sur leurs actions. Nous avons expliqué comment cette information

 15   était mise à leur disposition. Donc, pour fournir des rapports tout à fait

 16   exacts et exhaustifs sur les actions, ils devaient se renseigner au niveau

 17   de la situation à Ovcara, et cela se trouve dans la responsabilité du

 18   Groupe opérationnel sud. Je veux dire ceci aurait été découvert par la

 19   police militaire à un moment donné ou à un autre. Encore une fois, c'est le

 20   scénario qui consiste à dire que personne n'était informé de l'ordre.

 21   L'effet de l'ordre ne peut pas être dissimulé. C'est ce que je viens

 22   d'expliquer.

 23   Q.  Merci beaucoup.

 24   Mme BRADY : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser à M.

 25   Theunens, donc je vous demande de lui bien vouloir disposer.

 26   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous vous remercions beaucoup, Monsieur

 27   Theunens, d'être venu apporter votre témoignage aujourd'hui, d'avoir

 28   présenté votre rapport écrit et d'avoir témoigné aujourd'hui, et au nom de

Page 222

  1   mes collègues et, je suis sûr, des parties également, je souhaite vous

  2   remercier.

  3   Vous pouvez maintenant disposer.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

  5   [Le témoin se retire]

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Si mes collègues ont des questions à

  7   poser à l'Accusation, il serait peut-être sage de poser ces questions après

  8   les arguments sommaires de Mme Brady, mais si vous estimez, chers

  9   collègues, qu'il serait préférable de poser la question maintenant, soit.

 10   Madame Brady, vous avez 30 minutes pour vos arguments, mais je sais que

 11   vous n'avez pas utilisé tout votre temps pour les questions

 12   supplémentaires.

 13   Mme BRADY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 14   Madame, Messieurs les Juges, le témoignage de Panic, qui consiste à dire

 15   qu'il n'a pas entendu Mrksic dire à Sljivancanin, dans la soirée du 20

 16   novembre, de l'ordre de retrait de la JNA d'Ovcara, est quelque chose qui

 17   n'a aucun impact sur le verdict, parce qu'on ne peut pas le croire sur

 18   cette question-ci. Et nous disons cela pour trois raisons essentielles.

 19   La première, c'est que c'était de son intérêt. Son témoignage à

 20   propos de la conversation n'est pas fiable en raison de ce que cela

 21   pourrait laisser entendre à propos de sa propre connaissance de l'ordre

 22   illégal, et cela est tout à fait flagrant, et de sa responsabilité des

 23   conséquences désastreuses, et ceci est tout à fait conforme au schéma de sa

 24   déposition pendant le procès.

 25   Deuxièmement, le parti pris. Son témoignage n'est pas fiable parce

 26   qu'il a -- et je devrais dire, de surcroît, il a fait preuve de parti pris

 27   par rapport à la Brigade des Gardes et à Sljivancanin. Il a réduit son

 28   témoignage à la fois au procès et dans la phase de réexamen pour mieux

Page 223

  1   s'isoler et se protéger, et d'une connaissance quelconque de Sljivancanin

  2   de cet ordre et, par conséquent, d'une quelconque responsabilité de ces

  3   crimes.

  4   Troisièmement, ceci est invraisemblable. Il est inconcevable que

  5   compte tenu de la doctrine militaire de la JNA et le contexte de ces

  6   événements, que Panic, qui était chef d'état-major, qui était le commandant

  7   par intérim le lendemain, ne soit pas au courant de l'ordre de retrait et

  8   qu'il l'ignorait pendant toute la soirée du 20 novembre et ensuite pour

  9   l'ensemble des quatre jours où lui et la Brigade des Gardes sont restés à

 10   Vukovar. Ces mensonges rendent son témoignage sur ce qu'il a entendu Mrksic

 11   dire à Sljivancanin, ou plutôt, ce que Mrksic n'a pas dit à Sljivancanin

 12   pas crédible.

 13   Le rapport de M. Theunens ainsi que son témoignage que nous venons

 14   d'entendre ont permis de jeter la lumière sur les mensonges et les demi-

 15   vérités que Panic a dû dire aux Juges de cette Chambre afin d'étayer son

 16   allégation d'ignorance. Et si on voit ceci à la lumière de la doctrine

 17   militaire habituelle, il est clair que Panic agit de façon tout à fait

 18   inhabituelle à partir du moment où l'ordre a été donné. Et lorsque ceci

 19   devient clair, nous commençons à voir pourquoi les Juges de la Chambre ont

 20   fait tellement attention à son témoignage et l'ont traité avec beaucoup de

 21   prudence.

 22   Panic, bien évidemment, est un professionnel de haut niveau, un

 23   soldat qui a reçu de nombreuses décorations et dont la carrière a été

 24   couronnée de succès, et lorsqu'il contredit les règles militaires, quelque

 25   chose auquel il s'est toujours conformé, il faut vous poser la question

 26   pourquoi. Lorsqu'il se cache la tête dans le sable, il faut toujours vous

 27   poser la question pourquoi. Et lorsqu'il ment, il faut également vous poser

 28   la question pourquoi.

Page 224

  1   Et ce que je vais faire cet après-midi et pour le reste de l'audience

  2   d'aujourd'hui, c'est mettre en exergue les passages particulièrement

  3   flagrants où Panic s'est comporté de façon inhabituelle. Il faut placer

  4   ceci dans le contexte de sa connaissance au sens large. On ne peut conclure

  5   qu'une seule chose par rapport à sa motivation en ce sens. Et nous allons

  6   nous reposer sur nos écritures pour faire valoir cet argument.

  7   Je vais tout d'abord évoquer la question de son intérêt propre à tout ceci.

  8   Les Juges de la Chambre ont entendu le témoignage de Panic pendant quatre

  9   jours et ont pu évaluer sa crédibilité, et ces constatations ont été

 10   confirmées par les Juges de cette Chambre. La Chambre en a conclu qu'il

 11   n'était pas possible de croire son témoignage lorsqu'il s'est agi de

 12   questions qui pourraient l'exposer à une quelconque responsabilité pénale

 13   ou le mettre sous un jour peu favorable. Et la Chambre a dit ceci à propos

 14   de Panic, je cite le paragraphe 297 du jugement de la Chambre de première

 15   instance :

 16   "De façon regrettable, les Juges de la Chambre ont également constaté que

 17   dans son témoignage, le lieutenant-colonel Panic a tenté de présenter

 18   certains éléments de son rôle sous un jour plus favorable afin d'éviter la

 19   communication des questions qui pourraient être interprétées comme

 20   représentant l'implication de Panic lui-même dans une conduite criminelle.

 21   Et les Juges de la Chambre sont tout à fait convaincus qu'elle doit

 22   accepter une grande partie de son témoignage, mais émet des réserves sur

 23   certaines questions."

 24   Ce que je souhaite faire maintenant c'est vous demander d'entendre trois

 25   exemples qui ont été entendus pendant le procès où les Juges de la Chambre

 26   ont émis leur réserve parce qu'ils ne pouvaient pas croire ce que Panic

 27   dit. Par exemple, sa connaissance ou non-connaissance, comme il le prétend

 28   de l'ordre de retrait, représente le même niveau d'élément de preuve et,

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  1   par conséquent, est quelque chose qu'il ne faut pas croire.

  2   Tout d'abord, la question de savoir ce que Panic a vu à la caserne de

  3   la JNA le matin avant qu'il n'ait téléphoné à Mrksic, avant de s'être rendu

  4   à la réunion de la SAO et la réunion du gouvernement. Les Juges de la

  5   Chambre ont constaté que Panic, et je cite, "minimise la connaissance

  6   réelle qu'il a de la situation dans la caserne à ce moment-là" --

  7   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir le

  8   paragraphe, s'il vous plaît.

  9   Mme BRADY : [interprétation] Je cite du paragraphe 297 du jugement de la

 10   Chambre de première instance.

 11   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Toujours du même paragraphe ?

 12   Mme BRADY : [interprétation] C'est une partie un peu différente. Le

 13   paragraphe est très long.

 14   Il "minimise l'ampleur de sa connaissance de la situation dans la

 15   caserne ce matin-là, et," je cite : "il n'était pas vraiment franc et

 16   honnête à propos des événements qu'il a vus à la caserne pour ce qui est du

 17   convoi des prisonniers de guerre."

 18   Vous vous souviendrez du fait que la situation se présentait ainsi :

 19   Panic a dit qu'il y avait un autocar, qu'il n'y avait pas vraiment de

 20   menace au niveau de la sécurité. Les Juges de la Chambre ont constaté qu'en

 21   réalité il y avait cinq autocars qui se trouvaient là, et la TO avait déjà

 22   commencé à attaquer de façon verbale et réelle les prisonniers qui se

 23   trouvaient dans les autocars.

 24   Pourquoi Panic a rendu visite à Ovcara après sa réunion avec le

 25   gouvernement ? Souvenez-vous du fait qu'il a dit qu'il se rendait pour

 26   constater l'état d'avancement des procès, et ils ont constaté que ceux-ci

 27   "manquaient entièrement de crédibilité." Ils ont constaté, à l'inverse,

 28   qu'il s'est rendu pour évaluer la situation de façon à pouvoir présenter un

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  1   rapport à Mrksic. Au paragraphe 307. Un autre exemple lorsqu'il minimise le

  2   rôle qu'il a joué ou son niveau de connaissances.

  3   Pour finir, ce que Panic a vu à Ovcara. Encore une fois, les Juges de

  4   la Chambre ont constaté que, et je cite, "qu'il n'était pas franc lorsqu'il

  5   a parlé de la connaissance qu'il avait des mauvais traitements des

  6   prisonniers de guerre ce jour-là, de façon à minimiser la vérité à cet

  7   égard." Au paragraphe 308. Donc même s'ils ont admis qu'il est allé dire à

  8   Mrksic, nous avons une difficulté au niveau de la sécurité, il faut envoyer

  9   d'autres forces pour gérer cette question-là, c'est quelque chose qu'ils

 10   ont accepté mais il n'était pas prêt à reconnaître tous ses propos parce

 11   qu'en réalité il a dit que tout ceci était sous contrôle. Il a voulu

 12   minimiser son rôle par rapport à l'information qui pourrait lui faire du

 13   tort.

 14   Panic nie toute connaissance de l'ordre du retrait dont cette

 15   procédure de réexamen suit le même schéma, comme nous pouvons le constater

 16   par rapport à sa déposition. Panic a nié à de maintes reprises une

 17   quelconque connaissance de qui a donné l'ordre de la sécurité de la JNA à

 18   Ovcara. Donc cela n'est pas surprenant que dans cette procédure il continue

 19   à dire, ou il dit qu'il n'a pas entendu Mrksic dire à Sljivancanin qu'il y

 20   avait un ordre de retrait ce soir-là. C'est quelque chose qui est cohérent.

 21   Soit, il dit qu'il ne le savait pas, donc bien évidemment, de son point de

 22   vue, il va dire qu'il ne l'a pas entendu. Parce que s'il reconnaît avoir

 23   entendu cela, dans ce cas, Madame, Messieurs les Juges, et si les

 24   conclusions de la Chambre d'appel sont confirmées, ceci aurait le même

 25   effet, parce qu'il serait dans le secret de cette conversation, ce qui est

 26   conforme aux conclusions des Juges de la Chambre d'appel, s'il reconnaît

 27   avoir entendu cette conversation à ce moment-là il aurait été dans le

 28   secret de cet ordre illégal également. C'est quelque chose qu'il n'a jamais

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  1   admis, et ne pourra jamais admettre, parce que cela signifierait qu'il n'a

  2   rien fait pour l'en empêcher. Donc, nous faisons valoir qu'il protège ses

  3   intérêts et il a toute raison pour dissimuler la vérité sur ce qui a été

  4   dit ce soir-là au poste de commandement entre Mrksic et Sljivancanin.

  5   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez me rafraîchir la mémoire, s'il

  6   vous plaît, Madame Brady. Est-ce que nous avons fait une constatation

  7   particulière eu égard au fait que Panic ait entendu l'ordre qui a été

  8   donné, et d'après nous, à Mrksic -- à Sljivancanin ?

  9   Mme BRADY : [aucune interprétation]

 10   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous dites qu'il était dans le secret,

 11   que nous avons constaté. Est-ce que c'est quelque chose que nous avons fait

 12   ?

 13   Mme BRADY : [interprétation] Oui.

 14   Le paragraphe 62 de l'arrêt, dans une note en bas de page -- pardonnez-moi,

 15   Madame, Messieurs les Juges, je pensais qu'il y avait une note en bas de

 16   page dans cette partie-là de l'arrêt. Quoi qu'il en soit, c'était la

 17   déposition de Sljivancanin au procès --

 18   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais vous avez dit que c'est nous qui

 19   avons constaté, cela n'est pas tout à fait exact.

 20   Mme BRADY : [interprétation] C'est vous qui avez constaté que lorsque

 21   Sljivancanin est allé faire son rapport à Mrksic, la conversation avait eu

 22   lieu.

 23   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je ne m'en souvenais tout simplement

 24   pas. Je ne me souviens pas que nous ayons fait allusion à cela dans ce

 25   contexte-là et la présence de Panic.

 26   Mme BRADY : [interprétation] Je souhaite, en fait, vérifier cela, parce que

 27   je crois que c'est le raisonnement derrière ceci. Vous avez cité le

 28   témoignage de Veselin Sljivancanin au procès. Et dans cette déposition on

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  1   fait référence au fait que Panic était là, à cette réunion.

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Poursuivons. Si vous avez quelque chose

  3   à ajouter, vous pouvez toujours insérer une courte phrase à vos arguments.

  4   Mme BRADY : [interprétation] Oui.

  5   Deuxième point, le parti pris. Panic défendait ses intérêts, c'est

  6   quelque chose dont il faut tenir compte en même temps que le parti pris

  7   qu'il a à l'égard de la Brigade des Gardes et Sljivancanin. Panic a passé

  8   un quart de son temps avec la Brigade des Gardes, et sa réputation est liée

  9   à cela. Il était chef d'état-major à l'époque, et l'année suivante il a été

 10   nommé commandant, et tout ceci est expliqué dans le détail de notre

 11   mémoire. Mais il sait pertinemment que l'incidence du massacre d'Ovcara sur

 12   la réputation de la Brigade des Gardes est quelque chose -- et je souhaite

 13   vous rappeler comment M. Panic a commencé sa déposition dans le procès à

 14   Belgrade en 2004, qui est la pièce numéro 1, et je cite la page 15. Il a

 15   dit ceci, c'est ainsi qu'il a commencé son déposage [phon] :

 16   "Permettez-moi de dire, tout d'abord, que je suis tout à fait désolé et

 17   bouleversé que nous en soyons arrivés à cela. Cette équipe d'officiers de

 18   la Brigade des Gardes ou la Brigade des Gardes elle-même ne méritaient pas

 19   cela. Ce qui est arrivé est arrivé, c'est quelque chose qui a été fait de

 20   façon professionnelle, et pour finir, la Brigade des Gardes doit rendre des

 21   comptes. Que puis-je dire à cet effet ?"

 22   L'image que Panic souhaite projeter dans cette procédure c'est celle d'un

 23   observateur neutre qui recherche la vérité. Cette image-là est fort

 24   éloignée de la réalité. Encore une fois, nous allons aborder ceci dans le

 25   détail dans nos écritures. Il s'agit simplement d'un résumé aujourd'hui que

 26   nous présentons sous forme orale. Mais ce qui est encore plus intéressant,

 27   c'est de voir comment Panic a un parti pris dans son témoignage.

 28   Vous vous souviendrez certainement que pendant le procès il y a eu un

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  1   déplacement assez important, ou une modification de la façon dont Panic a

  2   déposé, lorsque la première fois pendant le procès il a évoqué Pavkovic, il

  3   a dit que c'était la personne qui était responsable de l'évacuation, et il

  4   a dit ensuite que : "Sljivancanin n'était responsable que des questions

  5   liées à la sécurité à l'hôpital." Et les juges de la Chambre ont remarqué

  6   que ceci était fort différent, et qu'il y avait eu un glissement assez

  7   conséquent par rapport à sa déclaration précédente qu'il avait donnée en

  8   2005, pièce 2. Et dans cette déclaration-là, Panic avait dit qu'il était

  9   présent, qu'il était au briefing du commandement la veille lorsque Mrksic a

 10   demandé à Sljivancanin de s'occuper de l'évacuation et qu'il devrait y

 11   avoir un nombre important de policiers militaires. Donc pendant le procès,

 12   la Chambre de première instance s'est reposée sur cette déclaration et la

 13   teneur de sa déclaration plutôt que sa déposition pendant le procès. C'est

 14   quelque chose qui a été constaté pendant la Chambre d'appel et qui a été

 15   confirmé.

 16   Un autre exemple que je souhaite vous donner par rapport à son parti

 17   pris lorsqu'il allègue que d'après la réunion avec le gouvernement, qu'ils

 18   avaient planifié de juger les prisonniers de guerre, quelque chose qu'il

 19   aurait dit à Mrksic. Au paragraphe 105 [comme interprété], les juges de la

 20   Chambre ont dit "qu'ils n'ont absolument pas pu accepter le caractère

 21   honnête de cette partie de cette déposition. Cela servait bien évidemment

 22   ses intérêts et tentait de placer la JNA et Mile Mrksic sous un jour

 23   favorable."

 24   Son parti pris est tout à fait clair dans cette procédure de

 25   réexamen. Lorsqu'il a témoigné dans l'audience consacrée au réexamen, il

 26   avait évoqué deux thèmes supplémentaires au cours de cette conversation,

 27   quelque chose qui n'avait pas été évoqué auparavant dans sa déclaration

 28   qu'il a donné à Me Lukic l'année dernière en 2009. Il s'agit de la pièce 4,

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  1   où il prenait note de ses souvenirs et lorsqu'il venu dans cette audience

  2   consacrée au réexamen, il a donné deux éléments d'information qui ne

  3   figuraient pas dans sa déclaration sur cette conversation. Il a dit que

  4   Sljivancanin a fait un rapport à Mrksic, a dit qu'il était rentré de sa

  5   mission, et que le gouvernement avait décidé d'emmener les prisonniers de

  6   guerre à Ovcara. Il n'y a pas de coïncidence, d'après nous, que ces

  7   questions faisaient partie du témoignage de Sljivancanin au cours du procès

  8   et maintenant ils réapparaissent pendant l'audience consacrée au réexamen.

  9   C'est quelque chose que vous pourrez voir dans le détail dans nos

 10   écritures.

 11   Et donc pour résumer le résumé, le récit de Panic sur ces deux points

 12   et le conversation qu'il a évoquées est quelque chose auquel il ne faut

 13   accorder aucun poids, compte tenu de sa motivation qui était la sienne et

 14   qui était fort profonde, à savoir de se protéger de son unité, qu'il

 15   respectait, et de Sljivancanin.

 16   Avant que je ne passe à mon troisième point, la raison pour laquelle

 17   vous ne devez pas le croire, en fait, je dois préciser que vous avez

 18   constaté au paragraphe 61 de l'arrêt en appel - cela se trouve cinq lignes

 19   à partir du bas, je pensais que c'était une note en bas de page du

 20   paragraphe 62, en réalité cela se trouve au paragraphe 61, Madame,

 21   Messieurs les Juges.

 22   Vous vous souviendrez certainement ce que Sljivancanin a fait

 23   lorsqu'il est rentré au poste de commandement, et au milieu, vous avez dit

 24   que :

 25   "Sljivancanin a ensuite rencontré le capitaine Borisavljevic qui lui

 26   a parlé de la réunion du gouvernement de la SAO."

 27   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

 28   Mme BRADY : [interprétation] Cela se trouve au milieu.

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  1   Et ensuite, ça c'est la partie pertinente en ce qui nous concerne :

  2   "Et pour finir Sljivancanin a rencontré Mrksic et Panic."

  3   Ça c'est la référence qui m'intéresse lorsque je dis que Panic sait qu'il

  4   est cité dans cette conversation.

  5   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Il n'y a pas mention directe du retrait

  6   de la police militaire dans cette phrase.

  7   Mme BRADY : [interprétation] Non, mais si on lit ensemble le paragraphe 61

  8   et le paragraphe 62, voici ce que vous avez dit : Sljivancanin est allé

  9   voir Panic, il est allé parler à Mrksic et Panic. Et au paragraphe suivant,

 10   vous dites qu'au cours de cette réunion, Mrksic a dû mettre Sljivancanin au

 11   courant de l'ordre. Donc l'implication logique de toute personne qui reste

 12   là est que Panic était présent, et c'est quelque chose que Panic pourrait

 13   reconnaître. Toute personne qui dirait cela sans connaître l'accusation

 14   dirait, oui, évidemment, Panic a fait partie de la discussion à propos de

 15   cet ordre.

 16   Je vais maintenant passer à troisième raison pour laquelle vous ne devriez

 17   pas croire M. Panic, le fait que les éléments de preuve qu'il apporte sont

 18   quant à moi invraisemblables au vu de la doctrine militaire et du contexte

 19   opérationnel. Donc vous n'avez pas pu observer Panic pendant quatre jours

 20   comme l'a pu le faire la Chambre de première instance, mais il est venu en

 21   juin de cette année lors de l'audience en révision, vous avez pu voir

 22   pendant un petit moment, et il est évident qu'il ne dit pas la vérité. Il y

 23   a plusieurs choses dont il faut se souvenir. Tout d'abord, le 20 novembre,

 24   Panic était chef d'état-major, il avait déjà joué un rôle important en ce

 25   qui concerne les prisonniers ce jour-là, puisque c'est lui qui avait

 26   transmis l'ordre de Mrksic à la réunion du gouvernement, et il savait que

 27   la situation des prisonniers était très précaire. Ensuite, le lendemain, le

 28   21 novembre, il a remplacé Mrksic en tant que commandant par intérim. Donc

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  1   il est venu dire qu'il n'était pas au courant de l'ordre de retrait pendant

  2   toute la période du soir du 20 novembre et au cours des quatre jours qui

  3   ont suivi pendant lesquels la Brigade des Gardes et lui sont restés à

  4   Vukovar, et le fait qu'il ait dit cela défit toute logique de doctrine

  5   militaire. Si on croit cela, cela voudrait dire que trois principes, trois

  6   fondements essentiels de la doctrine militaire qui sont l'unicité de

  7   l'autorité, l'unicité du commandement et la connaissance de la situation,

  8   le fait qu'il faut à tout moment être au courant de la situation, cela veut

  9   dire que ces trois fondements s'étaient complètement évaporés, et ce, dans

 10   le cadre d'une unité d'élites et disciplinée de la JNA.

 11   Donc, Panic ment lorsqu'il dit qu'il n'était pas au courant de l'ordre de

 12   retrait le 20 novembre. Cela défit toute logique de doctrine militaire.

 13   Pourquoi ? Tout d'abord parce qu'il était chef d'état-major, et nous avons

 14   entendu aujourd'hui et dans le rapport que la doctrine au titre des forces

 15   armées, la doctrine des forces armées de la JNA, cette personne joue un

 16   rôle central dans les fonctions du commandant. C'est lui qui conseille le

 17   commandant, c'est son adjoint. Il doit être là près de lui, prêt à le

 18   remplacer si quoi que ce soit arrive au commandant. Il travaille

 19   étroitement avec lui pour élaborer les ordres, les décisions et pour les

 20   mettre en œuvre. Donc c'est presque une relation de travail symbiotique.

 21   Ils sont en symbiose. Et Panic est tout à fait d'accord avec ça pour dire

 22   que le rôle de chef d'état-major est un rôle où l'on est en étroite

 23   coopération avec le commandant.

 24   Ensuite, il n'était pas seulement chef d'état-major, il faut aussi voir

 25   quel était son rôle, et sa connaissance de la situation des prisonniers.

 26   Parce qu'il n'est pas uniquement chef d'état-major, c'est aussi une

 27   personne qui était très engagée dans les activités de commandant le 20

 28   novembre en ce qui concerne les prisonniers, souvenez-vous. Mrksic avait

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  1   envoyé Panic pour le représenter auprès de la réunion du gouvernement. Donc

  2   il avait confiance en Panic, il l'a envoyé pour transmettre le fait qu'il

  3   était d'accord avec la décision du gouvernement qui était de s'occuper des

  4   prisonniers. Ils se sont entretenus avant que Panic n'aille à la réunion et

  5   ensuite après. Panic a toujours tenu Mrksic au courant de ce qui se passait

  6   en ce qui concerne les prisonniers et de ce qui se passait en ce qui

  7   concerne les décisions du gouvernement. Ensuite il part à Ovcara afin de

  8   pouvoir rendre compte à Mrksic puisqu'ils travaillent ensemble sur les

  9   prisonniers à ce moment-là. Et il fait rapport à Mrksic de ce qu'il a vu,

 10   bien qu'il ait fait un rapport assez élagué de ce qu'il avait vu.

 11   Ensuite, souvenez-vous que le lendemain il allait devenir commandant par

 12   intérim, il faut prendre en compte l'importance de la décision de retirer

 13   les gardes d'Ovcara. Mais nous nous méfions plus dans nos arguments -- mais

 14   on ne peut pas croire que Mrksic n'ait pas tenu son chef d'état-major au

 15   courant.

 16   Deuxièmement, il nous dit qu'il n'a pas appris la connaissance de cet ordre

 17   de retrait et ses conséquences épouvantables avant son retour de Belgrade

 18   plusieurs jours plus tard, quatre jours plus tard. Ici, il dit qu'il

 19   pensait que les prisonniers de guerre étaient à Ovcara sous la garde de la

 20   80e Brigade, si vous acceptez ses propos, bien sûr. Mais bien qu'il ait

 21   pris le commandement et qu'il soit donc commandant par intérim le 21 et le

 22   22 novembre, il n'a absolument rien fait pour ne serait-ce que savoir ce

 23   qui se passait à Ovcara. Il n'a pris aucune mesure pour suivre la situation

 24   alors que la veille, il était très préoccupé par le sort des prisonniers.

 25   Et de notre avis, cette incohérence a une bonne raison, c'est tout

 26   simplement parce qu'il savait exactement ce qu'il se passait et il voulait

 27   s'en détacher le plus possible.

 28   Donc, j'ai dit qu'à partir du 21 novembre et jusqu'au retour de Mrksic le

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  1   22 novembre, c'était Panic qui était commandant par intérim de l'OG sud, et

  2   M. Theunens nous l'a dit aujourd'hui que ce poste comporte des obligations,

  3   l'obligation de toujours être au courant de la situation. Il faut avoir une

  4   connaissance de la situation qui soit à jour. Il était tenu de rechercher

  5   les informations sur ses unités, sur les agissements de ses unités. Il

  6   était tenu de rechercher des informations sur les prisonniers qui étaient

  7   sous la garde des unités de l'OG sud. Et comme l'a dit M. Theunens, ce

  8   n'est pas du tout une obligation passive où on est là à attendre que les

  9   informations arrivent en espérant que les informations vont arriver,

 10   absolument pas. Il s'agit d'une obligation active. Il faut s'assurer que

 11   l'on recueille sans cesse des informations et que l'on puisse surveiller la

 12   situation, aussi, pour pouvoir prendre des décisions rapides ou donner des

 13   ordres rapides et pour pouvoir aussi rendre compte en temps et heure aux

 14   supérieurs.

 15   Donc, lorsqu'il a pris le poste de commandement de l'OG sud, le 21

 16   novembre, la doctrine militaire dictait que Panic devait se tenir au

 17   courant de la situation. S'il n'obtenait pas de rapports de la 80e, il

 18   devait aller chercher ces rapports lui-même ou alors envoyer quelqu'un

 19   chercher les rapports, surtout au vu des préoccupations qu'il avait émises

 20   la veille. Alors, le fait qu'il n'ait absolument rien dit en dit long, et

 21   la raison est simple : il savait exactement ce qui se passait, et comme je

 22   l'ai dit, il prenait ses distances.

 23   Maintenant, passons aux trois raisons essentielles qui expliquent

 24   pourquoi Panic n'a rien fait pour savoir ce qui se passait au niveau des

 25   prisonniers alors qu'il disait être sa grande préoccupation de la veille.

 26   Chaque explication qu'il a donnée est en infraction complète avec les

 27   fondements mêmes de la doctrine militaire, et c'est pour cette raison-là

 28   que vous devriez vous rendre compte qu'il n'est pas digne de foi.

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  1   Tout d'abord, il a suggéré, et M. le Juge Meron m'a demandé de

  2   préciser à quel moment du compte rendu il avait dit la chose suivante, il a

  3   dit que la 80e Brigade motorisée avait la responsabilité pleine et entière

  4   de la région d'Ovcara et n'était plus subordonnée à l'OG sud à partir du 21

  5   novembre. Or, c'est complètement faux, et c'est complètement contraire au

  6   principe même d'autorité unique et d'unicité du commandement. Il semble

  7   dire qu'à partir du 20-21 novembre, c'était la 80e Brigade qui avait la

  8   responsabilité totale d'Ovcara alors que, comme la Chambre de première

  9   instance a constaté, c'est l'OG sud qui a conservé la responsabilité de

 10   toutes ses unités subordonnées dans cette région, y compris la 80e Brigade,

 11   jusqu'au 23 novembre. Et vous trouverez cela aux paragraphes 82 et 253 du

 12   jugement en première instance.

 13   Bon, il est vrai que la 80e allait remplacer les gardes une fois

 14   qu'ils seraient partis, mais jusqu'alors, et c'est ce que M. Theunens nous

 15   a dit aujourd'hui, et ça fait partie de son rapport, d'ailleurs, jusque-là,

 16   en vertu du principe d'autorité unique et d'unicité du commandement, il n'y

 17   a qu'une unité qui peut être responsable, et c'était l'OG sud. Donc, il y

 18   avait certes des préparations en cours pour que le 80e reprenne la

 19   responsabilité de la zone d'OG sud, mais c'était un processus graduel. Mais

 20   le transfert véritable de l'autorité a eu lieu à un moment bien précis, le

 21   23 novembre 1991 à 18 heures, après 18 heures et avant le 24 novembre 1991.

 22   Jusque-là, c'est le commandant de l'OG sud qui avait toute responsabilité

 23   sur la situation dans cette zone de responsabilité, et cela est très clair

 24   lorsque l'on étudie les ordres qui ont été donnés par Mrksic et Panic à la

 25   80e, du 20 au 23 novembre, pièces 422 et 424 du dossier. Si la 80e n'était

 26   plus subordonnée à l'OG sud, pourquoi donc leur donner des ordres.

 27   Deuxième raison -- mais je me rends compte que j'ai utilisé mes 30

 28   minutes. Pourriez-vous me donner cinq minutes supplémentaires, s'il vous

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  1   plaît. Je vous remercie.

  2   Donc, deuxième raison donnée par M. Panic pour expliquer pourquoi il ne

  3   s'est pas du tout occupé des prisonniers alors qu'il était commandant par

  4   intérim, et il nous dit qu'il était commandant, certes, mais plutôt de

  5   façon formelle et officielle uniquement. Donc, lorsque l'on se réfère à la

  6   page 71 de l'audience en réexamen, il a dit la chose suivante, et vous vous

  7   en souvenez sans doute :

  8   "Mrksic était encore en vie. Il était là. Il avait des équipements de

  9   communication avec lui. Il allait revenir de Belgrade."

 10   Et aussi, lors des questions posées à M. Theunens, il déclare qu'il

 11   n'avait pas essayé d'entrer en communication avec le commandement de la 80e

 12   Brigade le matin du 21, mais pensait que Mrksic l'avait sans doute fait. Il

 13   a dit "peut-être par téléphone." C'est à la page 71.

 14   Donc, nous avons entendu ce que M. Theunens a dit à ce propos en

 15   répondant à la question de M. le Juge Pocar, si Mrksic avait appelé et

 16   avait parlé à un officier quelconque, il aurait automatiquement été voir

 17   Panic, qui était le commandant par intérim, sinon il y aurait eu un chaos

 18   total et cela aurait défié complètement tout principe d'unicité d'autorité

 19   et d'unicité de commandement.

 20   Autre chose, maintenant, Panic semblait dire, en fait, que c'est

 21   Mrksic qui tirait les ficelles par derrière et que c'est lui qui

 22   commandait, en fait, et qui recevait les rapports opérationnels, alors que

 23   Panic ne les recevait pas. Ceci est contredit par la pièce 368, qui est un

 24   rapport régulier de combat qu'il a signé lui-même - Panic l'a signé lui-

 25  même - et qu'il a envoyé à ses supérieurs à la 1ère Région militaire en tant

 26   que commandant par intérim le 21 novembre, à 18 heures, où il résume

 27   l'évolution de la situation au cours des 24 heures précédentes.

 28   Dernière explication, il semble aussi qu'il disait qu'il était trop

Page 239

  1   occupé à s'occuper d'autre chose, comme s'occuper de l'organisation de la

  2   conférence de presse, le retour des gardes à Belgrade, le fait qu'il

  3   fallait s'occuper des convois de civils, il était trop occupé à faire tout

  4   cela pour s'occuper des prisonniers. Or, à nouveau, c'est une déclaration

  5   tout à fait étonnante qui est complètement contraire à son obligation en

  6   tant que commandant par intérim, où il est censé rester au courant de la

  7   situation. Il doit savoir ce que font ses unités, certes, et aussi ce qui

  8   se passe au niveau des prisonniers de guerre gardés par ses unités. Et

  9   comme l'a dit M. Theunens, le nombre même de fonctions qu'un commandant

 10   doit exécuter n'a aucun impact sur ses obligations au titre de la doctrine

 11   et des éléments-clés de la doctrine. Il est là et son obligation est d'être

 12   au courant de la situation de ses unités à tout moment et de la situation

 13   des prisonniers de guerre. Il n'est pas censé être au courant de la

 14   situation uniquement pour lui-même mais aussi pour en faire rapport à ses

 15   supérieurs de façon précise. Donc il ne peut pas dire, "Oh j'ai pas le

 16   temps, je ne peux pas le faire". S'il est vraiment occupé, il doit établir

 17   des priorités et déléguer les tâches. Donc de notre avis, s'il était

 18   vraiment si préoccupé par d'autres tâches, d'autres missions, c'était

 19   délibérément qu'il l'avait fait. Il avait délibérément décidé de rester

 20   dans l'ignorance.

 21   Dernière remarque avant d'en conclure, lorsque vous devrez évaluer la

 22   crédibilité de Panic, étudiez de très près la pièce 368, ce rapport qu'il a

 23   signé en tant que commandant par intérim et qu'il a envoyé à 6 heures du

 24   soir le 21 novembre à ses supérieurs. Souvenez-vous, c'est un rapport qu'il

 25   fait à ses supérieurs à propos de l'évolution de la situation, les 24

 26   heures précédentes à Vukovar. Donc nécessairement, il aurait dû parler des

 27   activités principales des unités de l'OG sud au cours de ces 24 heures,

 28   comprenant bien sûr des informations à propos des 200 prisonniers de guerre

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  1   qu'ils avaient capturés et du fait que la 80e Brigade motorisée était avec

  2   eux. Qu'y a-t-il dans ce rapport à propos de tout cela ? Absolument rien.

  3   Rien. Certes, on parle du transfert des civils, du transfert des malades,

  4   des blessés, qui ont eu lieu donc au cours des 24 heures précédentes, mais

  5   on ne parle absolument à aucun moment du transfert de 200 prisonniers de

  6   guerre remis au gouvernement ou envoyés à Ovcara. Ils se sont tout

  7   simplement évaporés. Ils ne sont plus au radar, on ne les voit plus. Donc

  8   le fait qu'il ait exclu toute information à propos des prisonniers sur ce

  9   rapport, dans ce rapport du 21, était une tentative délibérée de la part de

 10   Panic pour, à nouveau, je le répète, prendre ses distances par rapport à ce

 11   qui se passait à Ovcara, tout comme il l'a fait chaque fois qu'il est venu

 12   témoigner à propos de ces points, y compris au cours de ces audiences en

 13   réexamen.

 14   En conclusion, je tiens à dire qu'on ne peut pas croire Panic à propos de

 15   la conversation, car sur ce point, on sent bien qu'il s'occupe de son

 16   propre intérêt. On voit bien aussi son parti pris, l'ignorance qu'il

 17   professe à propos de l'ordre de retrait ce soir-là et au cours des quatre

 18   jours précédents, bien qu'il soit chef d'état-major et commandant par

 19   intérim est totalement invraisemblable au vu de la doctrine militaire et du

 20   contexte opérationnel. Et pour ces raisons, son témoignage, tout ce qu'il

 21   vous a dit à propos de cette fameuse conversation entre Mrksic et

 22   Sljivancanin ne doit avoir aucun impact sur la condamnation de

 23   Sljivancanin.

 24   Voilà, si vous avez des questions à poser, j'en ai terminé avec mes

 25   arguments.

 26   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Madame Brady. Je vois que vous

 27   avez utilisé le mot "invraisemblable" dans votre conclusion.

 28   "Inconcevable", peut-être. Vous avez parlé d'invraisemblable,

Page 241

  1   d'inconcevable. J'ai demandé à M. Theunens si le fait que ce soit

  2   invraisemblable -- si ce qui est invraisemblable est forcément impossible,

  3   et il n'a pas voulu se prononcer là-dessus. Nous savons bien sûr qu'un

  4   grand nombre de choses peuvent arriver dans le brouillard de la guerre, et

  5   il faut faire très attention lorsque l'on pèse le pour et le contre. Mais

  6   très justement, vous avez fait remarquer que la question de crédibilité du

  7   lieutenant-colonel Panic est essentielle en l'espèce, et je suis sûr que

  8   dans vos arguments de synthèse, vous essaierez de faire ressortir toute

  9   incohérence entre le témoignage du lieutenant-colonel Panic et toute

 10   déclaration précédente ou tout autre point pertinent qui peuvent nous aider

 11   à évaluer sa crédibilité. Bien sûr, M. Bourgon aura six jours ensuite, il

 12   aura énormément de temps pour répondre à tous les points que vous aurez

 13   abordés.

 14   Y a-t-il des questions ? Oui, je vois. Nous allons passer aux questions ?

 15   Madame le Juge Vaz.

 16   Mme VAZ : Je vous remercie, Monsieur le Président. Je voudrais demander à

 17   Mme si on peut vraiment considérer que pour quelqu'un qui n'est pas

 18   poursuivi par le Procureur, comme l'est M. Panic, le fait de venir déposer

 19   en faveur de quelqu'un comme Sljivancanin l'amène forcément à mettre hors

 20   de cause ce dernier pour se protéger ? Est-ce automatique, selon vous, ou

 21   pensez-vous que quelqu'un peut venir en se disant, il faut rétablir la

 22   vérité, donc je vais témoigner sans pour autant essayer de se mettre hors

 23   de cause alors qu'il n'est -- que la personne n'est pas en cause ?

 24   Mme BRADY : [interprétation] Certes, vous avez raison. Toute personne

 25   pourrait venir pour dire, il faut que la vérité soit dite, et le dire sans

 26   pour autant être coupable ou sans pour autant devoir se protéger. Mais d'un

 27   autre côté, en l'espèce, si on associe tout ce qui a été dit et si on prend

 28   en compte les constatations de la Chambre de première instance à propos de

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  1   sa crédibilité, où ils ont été quand même assez prudents à propos de sa

  2   crédibilité, nous considérons que vous aussi vous devriez être extrêmement

  3   prudents en ce qui concerne son témoignage. Il est vrai que quelqu'un

  4   pourrait venir pour dire la vérité, c'est vrai. Ça ne signifie pas

  5   automatiquement qu'on a un parti pris ou qu'on cherche à se protéger, non.

  6   Mais au vu des faits, au vu de la doctrine militaire qui existe et qui là,

  7   pour une fois, était complètement jetée aux orties, si je puis dire, rien

  8   ne marchait ce jour-là par rapport à la doctrine militaire, et de notre

  9   avis, cela n'est pas possible. Et nous pensons donc que la raison pour

 10   laquelle il est venu témoigner ici, c'est pour protéger ses intérêts. Mais

 11   je sais qu'il n'a pas été poursuivi, c'est vrai, ce qui ne signifie pas

 12   pour autant qu'il n'est pas dans une situation un peu difficile dans

 13   d'autres juridictions dans d'autres pays.

 14   Il n'a pas besoin d'être accusé lui-même pour avoir ses propres intérêts à

 15   protéger, de notre avis. Il est tellement lié à tous ces événements, à tout

 16   ce qui s'est passé, qu'il faut quand même que vous ayez un doute très

 17   important, surtout lorsque vous étudiez les faits au vu de tout ce qu'il a

 18   dit. Et il y a eu trois mensonges qui sont évidents, et je pense que j'en

 19   ai parlé.

 20   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je crois que M. le Juge Pocar a une

 21   question de suivi.

 22   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous avons entendu dire que Panic est

 23   allé spontanément, si je ne m'abuse, rencontrer l'équipe de la Défense

 24   après avoir entendu que Sljivancanin avait été condamné. J'ai bien compris,

 25   n'est-ce pas ?

 26   Alors j'aimerais vous demander si vous estimez qu'il a agi ainsi parce que

 27   le jugement en première instance évoqué par la Chambre d'appel a permis de

 28   conclure que Mrksic a dit -- ou aurait dû dire à Sljivancanin pendant cette

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  1   conversation à laquelle assistait Panic, ce qu'il en était. Donc si Mrksic

  2   avait informé Sljivancanin à ce moment-là, s'il lui avait dit que l'ordre

  3   avait été donné, Panic aurait entendu parler de l'ordre puisqu'il était

  4   présent.

  5   Donc est-ce votre position que de dire que Panic est allé rencontrer la

  6   Défense pour essayer de se protéger contre des poursuites éventuelles

  7   fondées sur le fait que d'après les conclusions de la Chambre de première

  8   instance, il était au courant de l'existence de l'ordre ?

  9   Bien sûr, vous avez vous-même dit qu'il ne fera l'objet d'aucune poursuite

 10   judiciaire par le Tribunal où nous travaillons aujourd'hui, puisque le

 11   Tribunal en question, le TPY va fermer, mais il existe d'autres tribunaux.

 12   Mais enfin, c'est l'un des points que vous avez indiqué.

 13   Mme BRADY : [interprétation] Je dirais que le problème qui se pose n'est

 14   pas de savoir s'il va être poursuivi ou pas, mais également quel sera

 15   l'effet sur le monde extérieur lorsque ce jugement restera en l'état devant

 16   le monde extérieur. Lorsqu'il a découvert que Sljivancanin était condamné,

 17   il aurait dit : "Ah, mais sur quelle base ?" Et à ce moment-là, il y a eu

 18   des problèmes de traduction, et rapidement il a pris connaissance du

 19   jugement. Tout cela est très difficile. Je me livrerais à des conjectures

 20   très importantes si je disais que : "C'est la raison pour laquelle il est

 21   sorti de sa maison et a couru pour contacter Me Lukic." Nous ne pouvons pas

 22   dire cela. Nous n'avons pas les moyens de le dire, mais ce que nous pouvons

 23   dire, c'est qu'il avait de plusieurs puissantes motivations pour présenter

 24   l'histoire qu'il a présentée en prenant la défense de M. Sljivancanin, ceci

 25   pour continuer à protéger la Brigade des Gardes et pour se protéger lui-

 26   même. Donc, l'une ou l'autre de ces nombreuses raisons aurait pu l'inciter

 27   à se dire : Je vais tout de suite aller rencontrer Me Lukic. Mais si

 28   j'allais plus loin, Monsieur le Président, je me livrerais à des

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  1   conjectures.

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci beaucoup. Je crois que

  3   maintenant, nous allons passer à Me Bourgon pour 30 minutes.

  4   M. BOURGON : [interprétation] Monsieur le Président, Honorables Juges de la

  5   Chambre, alors que je m'apprête à entamer la présentation de mes arguments,

  6   qui ont une si grande importance pour M. Sljivancanin, je voudrais

  7   simplement vous rappeler au départ la raison qui nous réunit ici

  8   aujourd'hui. Autrement dit, je pense qu'il importe que nous nous remettions

  9   en mémoire les circonstances très marquantes de l'espèce, circonstances

 10   réellement exceptionnelles. Alors, sont-elles vraiment exceptionnelles ? Eh

 11   bien, on est en présence d'un officier qui a été condamné pour avoir aidé

 12   et incité par omission à tuer un certain nombre de prisonniers de guerre,

 13   ce qui est une condamnation très sévère dont la gravité ne peut en aucun

 14   cas être sous-estimée.

 15   Mais comment en est-on arrivé à cette condamnation ? On en est arrivé

 16   à cette condamnation sur la base d'éléments qui n'avaient pas été prévus au

 17   départ, que ce soit en première instance ou en appel. D'ailleurs, est-ce

 18   que ceci a été un moyen d'appel ou pas, en tout cas, il est certain que, in

 19   extremis, cet élément a appelé l'attention des Juges de la Chambre d'appel

 20   sur la base de ce que cette même Chambre d'appel a découvert au paragraphe

 21   62 du jugement en première instance. Et ce que la Chambre d'appel a

 22   découvert ne pouvait conduire qu'à une seule conclusion raisonnable, à

 23   savoir que Mrksic a sans doute dit à Sljivancanin que oui, il allait

 24   retirer les policiers militaires. Sur cette base, Sljivancanin est

 25   désormais doté du mens rea nécessaire pour aider et inciter par omission,

 26   et c'est ce qui a conduit à sa condamnation.

 27   La question posée ici réside dans le fait que dès que cette

 28   condamnation prononcée en public a été connue, une personne qui était

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  1   présente pendant la conversation critique dont nous parlons, une personne

  2   qui était un officier de haut rang de la JNA, une personne qui a informé un

  3   commandant de haut rang en disant : "J'étais présent et je sais que Mrksic

  4   n'a rien dit de tout cela, donc je me dois d'agir."

  5   M. Theunens, aujourd'hui, a refusé de convenir avec moi que n'importe

  6   quel officier de haut rang aurait ressenti le désir d'agir ainsi dans de

  7   telles circonstances. Tout va bien. Vous avez vu comment M. Theunens a

  8   réagi à mes questions, vous avez vu combien il était défensif, combien il

  9   s'est efforcé de ne pas répondre en disant la simple vérité. Parce que,

 10   bien entendu, je le soumettais à un point de vue qui était opposé à celui

 11   de l'Accusation. La position de l'Accusation consiste à dire il s'est

 12   présenté de son plein gré pour se protéger. Ma position, Monsieur le

 13   Président, Madame, Monsieur les Juges, consiste à dire qu'il s'est présenté

 14   spontanément pour défendre la justice. Et ces deux points de vue sont

 15   différents, et même complètement opposés. C'est ce qui est au cœur des

 16   débats en l'espèce.

 17   Chacun savait que Panic était présent pendant cette conversation.

 18   Ceci a été établi par les Juges de la Chambre de première instance ainsi

 19   que par les Juges de la Chambre d'appel, qui ont fait référence aux

 20   conclusions de la Chambre de première instance en disant que Panic était

 21   présent. Mais en tout cas, ceci a été établi par votre décision, Monsieur

 22   le Président, le 14 juillet. Il a été établi que le fait que Panic ait

 23   entendu cette conversation et que pendant cette conversation, Mrksic n'a

 24   pas dit : nous allons retirer les policiers militaires. Il a été établi,

 25   Monsieur le Président, que ceci constituait un fait nouveau susceptible de

 26   permettre une révision du procès. A partir de ce moment-là, toute notre

 27   attention doit se concentrer sur un point : est-ce que Panic a entendu la

 28   conversation et est-ce que Mrksic a dit qu'il avait retiré les policiers

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  1   militaires.

  2   L'Accusation défend une position pour laquelle elle n'a pas un brin

  3   d'éléments de preuve. C'est une position qui a déjà été examinée par la

  4   Chambre de première instance, qui a ensuite été réexaminée par la Chambre

  5   d'appel, et cette position consiste à dire que Mrksic a bel et bien dit

  6   qu'il avait retiré les policiers militaires pendant cette conversation. A

  7   ce moment-là, l'Accusation déclare : nous n'avons aucune preuve de cela,

  8   donc Panic doit être un menteur. C'est tout ce dont dispose l'Accusation.

  9   Je suis d'accord avec vous, Monsieur le Président, ceci est une

 10   question tout à fait centrale, mais avant de franchir le pas de nous mettre

 11   à penser que quelqu'un peut, simplement dans le but d'éviter des poursuites

 12   judiciaires absolument hypothétiques - autrement dit, des problèmes

 13   hypothétiques - le fait que quelqu'un pourrait franchir le pas de venir se

 14   présenter devant ce Tribunal, et ce, après avoir déjà été au TPI, parce

 15   qu'il a témoigné par le passé, il a travaillé avec l'équipe des défenseurs

 16   de Mrksic, il a travaillé avec l'équipe des défenseurs de Sljivancanin, il

 17   a présenté une déclaration au bureau du Procureur, il a témoigné ici

 18   pendant quatre jours, il a été interrogé et contre-interrogé par trois

 19   parties différentes, les Juges lui ont posé des questions, donc même s'il

 20   s'agit d'une personne qui n'a rien à cacher, il est vraisemblable que cette

 21   personne aurait dit : je n'y retournerai jamais, là-bas. Quant à lui, oui,

 22   il a décidé de revenir.

 23   Donc, la question principale en matière de crédibilité est exactement

 24   la question suivante : s'est-il efforcé de se protéger lui-même ? A-t-il

 25   agi comme il a agi pour éviter une responsabilité bien précise ? Et ma

 26   réponse à cette question est un non tout à fait clair.

 27   Alors, concentrons-nous sur cette conversation, la conversation et

 28   rien d'autre. Nous disons comment est-ce que le bureau du Procureur peut

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  1   démontrer, peut montrer que ce que dit Panic n'est pas vrai ? Eh bien, il y

  2   a pas mal de choses que l'Accusation aurait pu faire pour découvrir des

  3   éléments de preuve le démontrant. Et ce qui est encore plus grave, c'est

  4   que l'Accusation l'a fait. Nous savons tous qu'elle a enquêté à l'extrême

  5   pour trouver ces éléments de preuve. Le 22 juillet, si je ne me trompe,

  6   date à laquelle l'Accusation a déposé une requête en vue d'obtention d'un

  7   délai supplémentaire, l'Accusation a dit : Eh bien, nous avons examiné le

  8   témoignage de Panic et nous avons de nombreux témoins qui souhaitent venir

  9   s'exprimer. Et nous avons également déposé une demande d'entraide

 10   judiciaire auprès d'un gouvernement. Il est évident que l'Accusation, en

 11   disant cela, faisait plus que le maximum pour découvrir des éléments de

 12   preuve afin de démontrer que ce qui était dit était contraire à la vérité.

 13   Est-ce qu'elle y est parvenue ? Un témoin expert qui déclare que parce que

 14   la doctrine de la RSFY n'a pas été appliquée, Panic est un menteur. Voilà

 15   ce qui est un fait. Bien sûr, je l'exagère un petit peu, mais c'est

 16   néanmoins un fait. Tout ce que l'Accusation a pu trouver, c'est un témoin

 17   expert qui a réussi à dire que la doctrine de la RSFY n'a pas été

 18   appliquée, et que donc les actions envisagées ne sont pas plausibles.

 19   Mais la Chambre de première instance s'est penchée sur la doctrine,

 20   elle avait la possibilité d'entendre des témoins experts parlant de la

 21   doctrine, et elle a tiré un certain nombre de conclusions très

 22   intéressantes, à savoir que la doctrine n'a pas été appliquée de façon

 23   cohérente et que la doctrine n'a pas été entièrement respectée. Mais pas

 24   uniquement au sein du Groupe opérationnel sud, mais également dans toute la

 25   hiérarchie militaire. Donc maintenant, il faut que nous nous repenchions

 26   sur les faits, et moi, je me repenche sur Mrksic, parce que l'expert dit,

 27   et je suppose que l'Accusation aimerait que nous pensions que Mrksic ne

 28   pouvait pas donner cet ordre sans le dire à Panic. Alors d'accord. Eh bien,

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  1   penchons-nous sur ce fait. Bien entendu, l'expert n'acceptera jamais

  2   d'admettre que de telles possibilités existent. Mais lorsqu'un homme commet

  3   un crime - et c'est bien ce que Mrksic faisait à l'époque, il commettait un

  4   crime. Donc il commettait un crime, et cet expert qui n'a jamais été à la

  5   guerre, qui n'a jamais été membre d'un état-major, qui n'a jamais été dans

  6   un environnement militaire, vient vous dire : Ah, oui, il fallait qu'il en

  7   parle au chef d'état-major, bien sûr. Monsieur le Président, nous ne

  8   pouvons pas accorder le moindre poids à une telle déclaration. D'ailleurs,

  9   ce témoin expert n'a même pas accepté de faire le lien entre la théorie et

 10   la pratique dans ses propos en disant que ce n'était pas impossible, parce

 11   que finalement il a admis que c'était impossible.

 12   Alors examinons, Monsieur le Président, ce qu'aurait pu faire

 13   l'Accusation pour rechercher des éléments de preuve, parce que si Panic a

 14   menti au sujet de cette conversation, il y a pas mal de gens qui auraient

 15   pu être réinterrogés pour nous donner une idée indiquant que Panic avait

 16   connaissance de l'existence de cet ordre dans la soirée du 20 novembre

 17   1991, et il y a également un grand nombre de personnes qui auraient pu être

 18   interrogées pour nous dire que dans la période allant du 21 au 24 novembre,

 19   Panic, d'une façon ou d'une autre, a obtenu le renseignement selon lequel

 20   un crime avait été commis. Et s'il a appris cela, c'est la raison pour

 21   laquelle il aurait obtenu ce renseignement le 23, cela aurait pu engager sa

 22   responsabilité, donc il va mentir au sujet d'une conversation qui a eu lieu

 23   dans la soirée du 20 novembre. Il va prendre le risque de venir ici, dans

 24   cet environnement très particulier, pour dire dans sa déposition que ce

 25   renseignement, il ne l'a pas entendu dans la soirée du 20 novembre parce

 26   qu'il souhaiterait dissimuler le fait qu'il l'aurait appris plus tard.

 27   L'Accusation aurait pu également interroger le membre du commandement

 28   du Groupe opérationnel sud. Elle l'a sans doute fait. Eh bien, il n'y a

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  1   toujours pas d'élément de preuve. L'Accusation aurait pu interroger des

  2   témoins qui travaillaient avec Panic pendant toutes ces journées-là. Elle

  3   l'a sans doute fait. Il n'y a toujours pas d'élément de preuve. Pas une

  4   seule personne qui aurait accepté de venir pour dire : Moi, je sais que

  5   Panic était au courant. Pas une seule. C'est là que se situe la clé du

  6   problème, Monsieur le Président. L'Accusation aurait pu interroger des

  7   témoins qui étaient présents à n'importe quel événement auquel aurait

  8   participé Panic, quelqu'un qui serait venu dire qu'il avait été informé. Ce

  9   que je dis s'applique à des témoins qui ont déjà été entendus en première

 10   instance et en appel, ainsi qu'à d'éventuels nouveaux témoins. L'Accusation

 11   aurait pu chercher à trouver de nouveaux témoins qui seraient venus dire :

 12   Nous savons que Panic était au courant et qu'il n'a rien fait. Eh bien, il

 13   n'y en a pas eu un seul de ces témoins. Mais je suis sûr que le bureau du

 14   Procureur a effectivement enquêté.

 15   Alors, prenons un exemple, Monsieur le Président. Et je me concentre

 16   sur la journée du 21 novembre, parce que le bureau du Procureur s'est

 17   concentré dans la plus grosse partie de son interrogatoire principal sur

 18   cette journée du 21 novembre, qui est à la base de la théorie développée

 19   par l'Accusation, à savoir qu'il a été informé plus tard et que c'est la

 20   raison pour laquelle il est venu mentir ensuite au sujet de ce qui s'était

 21   passé le 20 en disant qu'il n'avait été informé que le 22.

 22   Le 21, Panic a participé à la réunion d'information. Au briefing

 23   quotidien, et à une conférence de presse, selon ce qui nous a été dit ici,

 24   donc 120 personnes environ, représentants de médias nationaux et

 25   internationaux. Si des rumeurs avaient couru au sujet de ce qu'il était

 26   advenu des prisonniers, l'un ou l'autre de ces représentants de médias se

 27   serait saisi de cette information. Si ce fait était tellement largement

 28   connu, il aurait été repris par l'un des membres de l'assistance au cours

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  1   de cette conférence de presse. Eh bien, non. Les seules personnes qui ont

  2   parlé de cet ordre sont les personnes qui étaient impliquées. Les éléments

  3   de preuve en l'espèce le démontrent, et si vous vous penchez sur ces

  4   éléments de preuve, vous verrez qu'il y a le colonel de la 80e Brigade

  5   motorisée qui a donné l'ordre; puis il y a Karanfilov, qui a nié avoir reçu

  6   cet ordre; puis vous avez Vukosavljevic, qui a reçu l'ordre pour le

  7   transmettre; vous avez Vezmarovic, qui est l'homme qui a exécuté l'ordre;

  8   puis vous avez P14, cet homme qui était juste à côté d'Ovcara, à moins de

  9   200 mètres de distance, et qui discute de la question avec Mrksic; puis

 10   vous avez aussi le chef d'état-major de la 80e Brigade motorisée, à savoir

 11   Danilovic, qui a témoigné, qui a été contre-interrogé. Ces hommes sont

 12   entrés en possession de l'ordre, mais personne d'autre. Et il y a une

 13   raison à cela. Il y a une raison qui explique que Mrksic n'ait pas parlé à

 14   Panic. Il y a une raison qui explique que Vojnovic n'ait parlé à personne.

 15   Et il y a une raison qui explique que cet élément d'information ne soit pas

 16   sorti de ce cercle très restreint. Mais il n'y a aucun élément de preuve

 17   indiquant que cet élément d'information serait parvenu à quelque moment que

 18   ce soit jusqu'à Miodrag Panic. Voilà ce qui est le plus important au sujet

 19   de cet élément d'information.

 20   Alors voyons maintenant ce qu'a dit l'expert aujourd'hui, parce que

 21   nous pensons qu'il ne s'agit en rien d'un nouveau procès. C'est notre point

 22   de vue. Nous l'avons écrit sur le papier et nous le répétons ici oralement

 23   aujourd'hui.

 24   L'expert, je lui ai posé quelques questions au sujet des éléments de

 25   preuve, et il n'avait aucune information. Il n'était pas au courant des

 26   constatations particulièrement importantes qui concernent de très près le

 27   problème posé. Il n'a pas examiné ces documents. Bien sûr il a examiné les

 28   paragraphes que le bureau du Procureur lui a transmis. Ça c'est normal.

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  1   C'est un ancien salarié du bureau du Procureur -- enfin, ce n'est peut-être

  2   pas le mot juste. En tout cas, c'est un ancien analyste qui a travaillé

  3   pour le bureau du Procureur. Pensons un peu au parti pris que cela peut

  4   représenter, Monsieur le Président. Ce n'est certainement pas Panic qui ait

  5   de parti pris; c'est cet homme qui vient et s'assied ici et joue le jeu de

  6   l'Accusation. Au moins s'ils avaient fait venir un vrai général, quelqu'un

  7   qui était présent sur les lieux. Ils auraient pu en trouver un. Je sais que

  8   je suis dans une situation différente, et j'ai accès à de nombreuses

  9   personnes avant que quelqu'un ouvre la bouche, mais ils auraient pu obtenir

 10   un vrai général, ou ils auraient pu faire venir ici quelqu'un qui avait une

 11   expérience des opérations.

 12   La façon dont il a répondu à la question du Juge Pocar -- je ne veux pas

 13   abuser de votre temps, mais enfin, ce qu'il a dit n'est vraiment pas

 14   acceptable, mais je dis devant vous que ce n'est même pas correct. Il n'est

 15   pas vrai que le commandant de la 80e Brigade aurait obtenu un ordre de

 16   Mrksic, qui se trouve à Belgrade, et aurait dit à son camarade Mrksic :

 17   attends un instant, j'ai besoin de vérifier auprès de Panic avant

 18   d'accepter cet ordre. Ce n'est pas la façon dont les choses fonctionnent.

 19   D'où est-ce qu'il vient, ce garçon ? Je ne sais pas. Et lorsque je lui pose

 20   une question, qu'est-ce qui est le plus important ? Est-ce qu'il est plus

 21   important de s'occuper des prisonniers ou de s'occuper d'autres exigences

 22   opérationnelles ? Comment est-ce qu'il aurait pu le savoir ? Il n'est pas

 23   chef d'état-major. Le manuel ne peut lui être d'aucun secours lorsqu'il

 24   s'exprime sur ce sujet. Il aurait pu avoir interrogé des généraux. Moi

 25   aussi. Est-ce que j'aurais pu donner un avis ferme et circonstancié quant

 26   au choix qu'il convenait de faire dans des circonstances aussi difficiles ?

 27   Je n'aurais pas pu le faire. Et je vous dis que lui ne peut pas le faire

 28   non plus, et ceci montre que tout ce qu'il a dit doit être totalement

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  1   écarté, parce que ce n'est pas le problème. Le problème en l'espèce ce sont

  2   les éléments de preuve et rien que les éléments de preuve.

  3   Mais la Chambre de première instance, elle, a examiné l'ensemble des

  4   événements. Et lorsque je me penche sur les éléments de preuve, je me dis :

  5   bon, voyons ce que nous avons pour démontrer que Panic était au courant

  6   avant que ne se déroule cette conversation. J'ai interrogé l'expert, M.

  7   Theunens, et je lui ai demandé -- bien sûr vous savez que cette

  8   conversation n'a pas été évoquée pendant le briefing quotidien. Alors, est-

  9   ce que l'Accusation défend la position selon laquelle la conversation

 10   aurait été évoquée pendant le briefing quotidien ? Dans ce cas-là, il

 11   faudra recommencer le procès et citer une nouvelle fois tous les témoins à

 12   la barre, parce qu'il est clair que cet élément d'information n'a jamais

 13   été évoqué au briefing quotidien.

 14   S'il n'a pas été évoqué au briefing quotidien, qu'est-ce que qu'il

 15   reste de temps entre le briefing quotidien et la conversation avec

 16   Sljivancanin ? Très peu de temps. Qu'est-ce qui se passe pendant ce temps

 17   très court ? Eh bien, nous savons que pendant ce temps, Mrksic a sa

 18   conversation avec Vojnovic et avec Vukosavljevic et que cette conversation

 19   a lieu à l'extérieur. Est-ce que Panic a été au courant de cette

 20   conversation d'une façon ou d'une autre ? D'après les éléments de preuve,

 21   non. Est-ce que l'Accusation a cité à la barre un seul témoin pour dire que

 22   Panic aurait surpris cette conversation ? Non. Pourquoi est-ce que

 23   l'Accusation n'a pas cité Vojnovic une nouvelle fois à la barre ? C'est le

 24   seul qui n'a pas répondu à l'ordre. C'est celui qui a exécuté un ordre

 25   illégal. C'est celui qui a dit, le lendemain, d'après les éléments de

 26   preuve, à ses officiers : assurez-vous que vous direz à tout le monde que

 27   ceci ne doit pas se reproduire. C'est celui qui a dit à P14, et qui a été

 28   surpris quand P14 l'a repris, l'a dit à d'autres, que des rumeurs couraient

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  1   quant au fait que les prisonniers avaient été assassinés. Et cet homme, il

  2   aurait pu venir ici témoigner et dire aux Juges de la Chambre d'appel : je

  3   sais que Panic sait, mais il n'est pas ici pour le dire aux Juges. Pourquoi

  4   est-ce que l'Accusation ne l'a pas cité une nouvelle fois à la barre ?

  5   Pourquoi est-ce qu'elle n'a pas cité une nouvelle fois à la barre

  6   Vukosavljevic, et peut-être que quelqu'un aurait dit : nous avons entendu

  7   ce qui se passait de l'autre côté de la pièce. La raison à cela est très

  8   simple : ces personnes ne sont pas venues parce que Panic n'était pas au

  9   courant de l'existence de cette conversation. Non seulement ceci n'est pas

 10   évoqué dans les éléments de preuve, mais l'Accusation n'a pas pu trouver

 11   d'autres éléments de preuve le démontrant.

 12   Donc, nous sommes maintenant au milieu de cette conversation. Nous

 13   avons déjà parlé de cela avant, parce que Panic a dit qu'il n'avait pas vu

 14   Karanfilov au commandement, et l'Accusation n'a rien dit de cela. Puis nous

 15   disons que le commandement et l'Accusation n'ont rien fait à ce sujet. Nous

 16   disons que le sujet a été évoqué au briefing quotidien. Personne n'est venu

 17   le dire. La période qui se situe entre le briefing quotidien et la

 18   conversation, ça était évoqué. La conversation en tant que telle, nous

 19   n'avons pas de nouvel élément de preuve. Nous en restons avec rien,

 20   Monsieur le Président. Nous en restons simplement avec la théorie de

 21   l'Accusation selon laquelle quelqu'un aurait menti parce qu'il aurait dû

 22   savoir. Les enjeux sont trop importants pour franchir une distance aussi

 23   importante et sauter le pas, beaucoup trop importants. Ce qui compte ce

 24   sont les éléments de preuve, et pas telle ou telle doctrine qui aurait été

 25   appliquée. Parce que -- au sujet de la doctrine et en particulier, il est

 26   important de se remettre en mémoire que l'expert déclare que Mrksic aurait

 27   dû parler à Panic. Panic dit oui. Il dit Panic aurait dû réagir lorsqu'il a

 28   appris. Panic déclare : si on m'avait dit. Je pourrais vous donner trois

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  1   exemples qui montrent qu'il est arrivé que l'on me trompe.

  2   L'Accusation vous dit trois mensonges de Panic devant la Chambre

  3   d'appel. Voilà les questions qui se posent : l'une d'entre elles, ce sont

  4   ces trois questions qui n'auraient aucun rapport avec la responsabilité,

  5   mais je n'ai pas le temps d'en traiter dans le détail immédiatement. Ce

  6   sera fait plus tard. Mais la plus importante de ces questions, c'est que M.

  7   Theunens était présent au moment où Panic a été interrogé. Nous savons

  8   qu'il était présent, désormais. Au procès, dans sa déclaration, Panic a dit

  9   : Je ne sais pas qui a émis l'ordre. Je connais Mrksic, ce n'est pas le

 10   genre d'homme qui aurait émis un tel ordre, mais cet ordre ne peut venir

 11   que d'un commandant. Alors, parti pris, vous dites ? Il a fait condamner

 12   son camarade et il serait de parti pris ? Parti pris, favorable à

 13   Sljivancanin ? Où sont les éléments de preuve qui le démontrent ? Où sont

 14   les éléments de preuve montrant son parti pris ? Il n'y a pas de parti

 15   pris, ici. Il a condamné le commandant du Groupe opérationnel sud. Est-ce

 16   que vous pouvez imaginer combien il a dû être difficile pour M. Panic

 17   d'agir ainsi. Et il a dit qu'il n'y avait pas d'ordre. Et l'Accusation,

 18   elle, s'est saisie de cette information, elle a apprécié ce qu'il a dit

 19   lorsqu'il a dit que cela ne pouvait venir que de Mrksic, donc elle a saisi

 20   la balle au bond et elle s'est mise à courir à toute vitesse et a obtenu

 21   une condamnation de Mrksic. Vous voulez contester les dires de Panic ?

 22   Ecoutez, il n'est pas possible que vous ne le sachiez pas. Est-ce que vous

 23   pourriez faire bouger des gens comme nous ? Est-ce que l'Accusation a fait

 24   quoi que ce soit au moment où elle aurait, semble-t-il, pu le faire à

 25   l'époque ? Non. Mais aujourd'hui, ah, aujourd'hui les choses sont

 26   différentes. Les choses sont différentes parce que cet homme dit à nouveau

 27   la vérité, mais cette fois-ci, l'Accusation, cette vérité ne lui plaît pas,

 28   parce qu'elle pourrait subir une révision de la condamnation. Donc, tout

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  1   d'un coup, Panic devient un homme qui n'est pas crédible, et l'Accusation

  2   fera tout ce qui est en son pouvoir pour que le monde entier soit au

  3   courant du fait que Panic est un mauvais officier. Eh bien, j'espère,

  4   Monsieur le Président, que ce ne sera pas le cas, quelle que soit la nature

  5   du jugement que vous prononcerez au sujet des qualités de Panic, qui est

  6   venu témoigner ici devant vous.

  7   Il me reste quatre minutes. J'ai encore un point que j'aimerais

  8   évoquer, et ensuite je reviendrai sur la conversation, bien sûr, parce que

  9   nous croyons véritablement que c'est cette conversation qui est au cœur du

 10   débat, pas le moment qui précède, pas le moment qui suit, mais le moment

 11   même où la conversation a eu lieu. Nous avons déjà dit que si Mrksic

 12   commettait un crime, il était peu vraisemblable de penser qu'il allait en

 13   informer Sljivancanin. Je veux dire, cette histoire d'avoir peur des

 14   officiers chargés de la sécurité est un thème récurrent qui est développé

 15   dans de nombreux procès jugés par ce Tribunal. L'expert aimerait que vous

 16   donniez foi à cette histoire parce que l'article 36 de la Loi sur

 17   l'applicabilité des lois de la guerre, et puis je me tourne vers

 18   Sljivancanin, qui a commis un crime. Puis, Monsieur le Président, même

 19   chose pour Karanfilov. Pourquoi est-ce que Mrksic aurait dit à Sljivancanin

 20   : hé, au fait, Sljivancanin, j'ai dit à Karanfilov de retirer les policiers

 21   militaires. Cela n'aurait aucun sens.

 22   Pour finir, Monsieur le Président, vous avez vu M. Panic témoigner. Il

 23   n'est pas, contrairement à M. Sljivancanin qui aime tellement les médias,

 24   les caméras, et qui a payé un lourd tribut à cause de cela, à cause de

 25   l'amour qu'il vouait aux médias en 1991, contrairement à Sljivancanin,

 26   Panic n'est pas ce genre d'homme. Vous l'avez vu, Panic, très réservé, et

 27   vous avez vu quel était son caractère, vous avez vu comment il a témoigné,

 28   vous avez vu comment il répondait à vos questions. Et sur la base de ce que

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  1   vous avez vu, sur la base des éléments de preuve qui ont été versés au

  2   dossier et sur la base du fait qu'il n'y a aucun nouvel élément de preuve

  3   susceptible de démontrer le contraire, nous vous demandons, Monsieur le

  4   Président, Madame, Monsieur les Juges, avec tout le respect que nous devons

  5   à votre Chambre d'appel, de reconnaître que ce que Panic est venu dire ici

  6   devant ce Tribunal a été prouvé, et qu'en conséquence, la condamnation de

  7   Sljivancanin pour avoir aidé et incité aux meurtres par omission doit être

  8   révisée.

  9   Je vous remercie, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Maître Bourgon.

 11   Les présents débats sont parvenus à leur terme, et je rappelle aux parties

 12   qu'en vertu de l'ordre de la Chambre intitulé "Décision d'admission des

 13   éléments de preuve et de l'ordonnance portant calendrier," les parties se

 14   voient ordonnées de déposer des écritures à la suite de l'audience

 15   d'aujourd'hui. L'Accusation s'est vu octroyer sept jours après l'audience

 16   en révision pour déposer ses écritures, et le conseil de M. Sljivancanin

 17   disposera de sept jours à partir du dépôt de ces écritures par l'Accusation

 18   pour répondre à ces écritures.

 19   [La Chambre d'appel se concerte]

 20   M. LE JUGE MERON : [interprétation] L'Accusation a donc quatre jours à

 21   partir de la date à laquelle M. Sljivancanin dépose sa réponse. Avant de

 22   conclure, je souhaite consulter les Juges de la Chambre pendant quelques

 23   instants. Donc veuillez m'accorder quelques instants.

 24   M. BOURGON : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas très

 25   bien ce sur quoi vous allez vous consulter. Je souhaitais vous poser la

 26   question, nous souhaitons nous adresser à vous concernant le nombre de

 27   pages de ces écritures. Merci, Monsieur le Président.

 28   [La Chambre d'appel se concerte]

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  1   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pour revenir vers vous, Maître Bourgon,

  2   je ne vous ai pas oublié. Vous souhaitez dire quelque chose ou faire une

  3   déclaration à propos du nombre de pages ?

  4   M. BOURGON : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Le nombre est de 3 000 en général,

  6   n'est-ce pas ?

  7   M. BOURGON : [interprétation] Ce serait parfait en ce qui nous concerne.

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc ceci a permis de trouver une

  9   solution au problème.

 10   Est-ce un problème pour vous, Madame Brady ?

 11   Mme BRADY : [interprétation] C'est un problème pour nous, parce que nous

 12   avons plus de 3 000 mots pour présenter tous les éléments, établir tous les

 13   liens. Ceci est assez compliqué.

 14   M. LE JUGE MERON : [interprétation] De quoi avez-vous besoin ?

 15   Mme BRADY : [interprétation] Nous demandons 15 000 environ.

 16   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous voulez parler de 15 000 au lieu de

 17   3 000 ?

 18   Mme BRADY : [interprétation] Il y a un certain nombre de questions qu'il

 19   nous faut aborder, et nous avons des pièces à conviction que nous

 20   souhaitons vous montrer, précisément à quel endroit il y a des

 21   incohérences. Je me remets à vous, Madame, Monsieur les Juges. Mais il nous

 22   faut certainement plus de 3 000 pages.

 23   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je souhaite tout d'abord entendre Me

 24   Bourgon sur la question.

 25   M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il y a deux

 26   questions ici au nom de l'appelant. Bien sûr, la première question porte

 27   sur ceci, nous allons donc présenter un mémoire par écrit après avoir

 28   présenté nos arguments oralement. Donc tous -- nous les parties, nous

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  1   devrions pouvoir résumer nos arguments, et la limite de 3 000 mots ne pose

  2   pas de problème.

  3   Par contre, l'autre question porte sur les questions de temps et de

  4   ressources. Me Lukic et moi-même, nous travaillons dans d'autres affaires,

  5   et nous ne disposons pas des ressources nécessaires qui sont à la

  6   disposition du bureau du Procureur, que ce soit en termes de temps ou de

  7   ressources réelles. Et nous souhaiterions, et nous pensons que nous

  8   pourrions nous en tenir à cette limite de 3 000 mots.

  9   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie. Je vais consulter mes

 10   collègues.

 11   Madame Brady.

 12   Mme BRADY : [interprétation] Un autre commentaire sur la limite imposée au

 13   niveau des mots. Eh bien, ceci s'applique aux requêtes. Ici, nous parlons

 14   de quelque chose qui est beaucoup plus compliqué. Il s'agit d'un réexamen

 15   d'un arrêt en appel, et en fait ce -- il y a trop de choses qui sont en

 16   jeu, et si nous ne pouvons utiliser que 3 000 mots, cela ne suffit pas.

 17   C'est dix pages, Madame, Monsieur les Juges.

 18   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Ecoutez, je vais consulter mes

 19   collègues, et nous allons tenter de rendre une décision tout de suite.

 20   [La Chambre d'appel se concerte]

 21   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Les Juges de la Chambre rendent la

 22   décision : à l'instar de Salomon, nous avons décidé que cela ne devra pas

 23   dépasser 4 000 mots. Avant de conclure, je souhaite demander à M.

 24   Sljivancanin s'il souhaite faire une déclaration pendant cinq minutes. Vous

 25   n'êtes certainement pas obligé de le faire, Commandant Sljivancanin. C'est

 26   à vous d'en décider.

 27   M. SLJIVANCANIN : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur

 28   les Juges, toute personne présente dans le prétoire, j'ai suffisamment

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  1   parlé dans cette affaire. Il n'y a pas eu une seule audience où je n'ai pas

  2   pris la parole. Je suis venu ici pour dire la vérité pendant neuf jours

  3   devant toutes les personnes présentes. J'ai dit la vérité. Ce qui

  4   m'inquiète, c'est que de nouvelles personnes sont présentées, Panic n'avait

  5   rien à voir avec moi, il n'était pas très proche de moi, et je pense qu'il

  6   était plus proche d'autres personnes que de moi. Et ça n'a donc jamais été

  7   un ami particulier pour moi, mais je suis sûr qu'il a dit la vérité et rien

  8   que la vérité. Et je regrette toutes les victimes qui sont tombées pendant

  9   cette guerre. Je regrette ce qu'il est advenu de mon pays, la Yougoslavie,

 10   et le fait que tant de gens aient péri pendant ces guerres. Je passe un

 11   moment difficile, mais je suis sûr que les Juges rendront la décision la

 12   plus juste pour les générations futures et pour toutes les personnes qui

 13   souhaitent la vérité et la justice.

 14   Merci.

 15   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Sljivancanin, vous pouvez vous

 16   asseoir.

 17   [La Chambre d'appel se concerte]

 18   M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'ai consulté les Juges de la Chambre

 19   sur une autre question, et je crois que dans ma conclusion, j'ai proposé

 20   que l'Accusation passerait en premier. Je crois que ceci est plus

 21   approprié. M. Sljivancanin, qui a présenté son appel en premier lieu, doit

 22   passer en premier avec ses 4 000 mots, et qu'il y aura ensuite la réponse

 23   de l'Accusation. Je crois que c'est tout. Est-ce que ceci pose un problème

 24   quelconque ?

 25   Mme BRADY : [interprétation] Ecoutez, nous n'avons aucun problème avec ce

 26   changement d'ordre. Cela est logique à nos yeux que ce soit dans cet ordre-

 27   là, compte tenu du fait que la Défense -- sur la Défense repose la charge

 28   de montrer qu'il y a un nouveau fait qui a une incidence sur la

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  1   condamnation, donc nous sommes tout à fait satisfaits avec cela.

  2   M. BOURGON : [interprétation] Aucun problème, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien.

  4   M. BOURGON : [interprétation] Nous représentons l'appelant, donc pour

  5   autant que nous puissions répondre à la réplique, pas de problème, Monsieur

  6   le Président.

  7   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je souhaite attirer l'attention des

  9   parties que pour ce qui est de la décision que nous venons de rendre sur

 10   les 4 000 mots et l'ordre de présentation des arguments, qu'en somme, nous

 11   nous sommes un petit peu écartés de l'ordonnance portant calendrier que

 12   nous avons donnée, mais nous estimons que compte tenu des circonstances de

 13   ce cas assez exceptionnel de réexamen, c'est une façon plus simple de

 14   procéder.

 15   Comme je ne vois pas d'objection, ce sera donc le cas. Donc, si vous me le

 16   permettez, est-ce que je peux entendre des commentaires des parties et de

 17   mes collègues ? Si tel n'est pas le cas, nous allons lever l'audience et

 18   attendre vos arguments, et travailler de façon diligente pour rédiger notre

 19   décision.

 20   --- L'audience de révision est levée à 19 heures 15.

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