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1 Le mardi 12 octobre 2010
2 [Audience en révision]
3 [Audience publique]
4 [M. Sljivancanin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 29.
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bonjour à tous.
7 Monsieur le Greffier veuillez, s'il vous plaît, citer l'affaire à l'ordre
8 du jour de la Chambre d'appel.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, bonjour, Monsieur le Président.
10 Bonjour à tous, Madame, Monsieur les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-95-
11 13/1-R.1, l'Accusation contre Veselin Sljivancanin.
12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien.
13 Je demande à M. Sljivancanin s'il peut m'entendre et suivre les débats dans
14 une langue qu'il comprend.
15 M. SLJIVANCANIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, bonjour
16 à tous. Oui, j'entends très bien. Tout ce qui est dit je le comprends et je
17 peux suivre les débats dans une langue que je comprends.
18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Sljivancanin, vous
19 pouvez vous asseoir.
20 M. SLJIVANCANIN : [interprétation] Merci.
21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Puis-je avoir les présentations pour
22 l'Accusation, tout d'abord.
23 Mme BRADY : [interprétation] Bonjour Madame, Messieurs les Juges. Helen
24 Brady pour l'Accusation. Avec moi, Mme Najwa Nabti, M. Kyle Wood, et notre
25 commis aux affaires, M. Colin Nawrot.
26 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Madame Brady.
27 Puis-je avoir les présentations pour M. Sljivancanin.
28 M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. M.
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1 Sljivancanin est représenté aujourd'hui par Me Novak Lukic, je suis son
2 conseil venant de Belgrade; à côté de moi est son co-conseil, M. Stéphane
3 Bourgon; et nous avons aussi Caroline Bouchard, notre assistante; ainsi que
4 notre commis aux affaires, M. Boris Zorko; et avec votre permission, M.
5 Landry, qui est notre consultant militaire.
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Maître Lukic.
7 Avant de commencer, la Chambre d'appel tient à rendre une décision orale en
8 ce qui concerne la demande de l'Accusation de déposer une pièce jointe à la
9 pièce RP-7, c'est-à-dire le rapport d'expert de Theunens, demande qui a été
10 déposée le 11 octobre par l'Accusation. Le conseil de M. Sljivancanin
11 pourrait confirmer s'ils sont d'accord avec ce qui a été demandé.
12 M. LUKIC : [interprétation] Oui, nous avons été avertis à l'avance.
13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien. De ce fait, nous allons donc
14 faire droit à la demande de l'Accusation et autoriser que l'addendum joint
15 à cette demande soit rajouté à la pièce RP-7. Maintenant, nous sommes ici
16 pour une audience en révision de l'affaire le Procureur contre Veselin
17 Sljivancanin. Du départ, je tiens à résumer les points sur lesquels la
18 Chambre d'appel va devoir statuer et la façon dont nous allons les traiter
19 aujourd'hui. Je tiens à vous rappeler qu'aucun de mes commentaires
20 n'exprime de quelque façon que ce soit l'opinion de la Chambre d'appel sur
21 les résultats de cette audience.
22 Au cours de cette audience, les conseils va tout d'abord interroger le
23 témoin, Reynaud Theunens, et présenteront ensuite leurs arguments de façon
24 synthétique. Je tiens à dire que les parties doivent toujours faire
25 référence de façon très précise à tous les éléments qui étaient leurs
26 arguments. Maintenant, je vais passer à l'ordre du jour.
27 Tout d'abord, nous allons suivre l'ordre du jour que l'on retrouve dans la
28 décision sur la présentation de moyens de preuve et l'audience portant
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1 calendrier du 21 septembre 2010. Donc l'Accusation va d'abord interroger en
2 interrogatoire principal, le témoin, M. Theunens, et l'Accusation aura une
3 heure pour ce faire. Ensuite, nous aurons une petite pause de 20 minutes,
4 et puis les conseils de M. Sljivancanin procéderont au contre-
5 interrogatoire du témoin expert, de M. Theunens, et ce, pendant une heure.
6 Ensuite l'Accusation aura à nouveau 15 minutes pour les questions
7 supplémentaires à poser à M. Theunens.
8 Nouvelle pause de 20 minutes, puis l'Accusation et les conseils de M.
9 Sljivancanin pourront présenter leurs arguments en synthèse pendant 30
10 minutes et dans l'ordre donné; d'abord l'Accusation et ensuite les
11 conseils. Bien sûr, les parties n'ont pas besoin d'utiliser tout le temps
12 qui leur a été alloué. La Chambre d'appel tient à rappeler qu'il leur est
13 très utile que les parties puissent présenter leurs arguments de façon
14 précise et claire. Je tiens à rappeler aux parties que les Juges peuvent
15 les interrompre à tout moment pour poser des questions ou peuvent préférer
16 de poser des questions à la fin de la présentation des arguments par chaque
17 partie.
18 Je vais maintenant demander que l'on fasse venir le témoin Reynaud
19 Theunens.
20 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Theunens.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.
23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur le Témoin, veuillez lire la
24 déclaration solennelle qui vous est donnée par l'huissier.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
26 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
27 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Theunens.
28 Vous pouvez vous asseoir.
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1 Monsieur Theunens, on vous a demandé de venir témoigner dans le cadre de la
2 demande faite par M. Sljivancanin pour révision de sa condamnation pour
3 avoir aider et encourager au meurtre, violation des droits et coutumes de
4 la guerre. Au cours de cette après-midi, le conseil de l'Accusation vous
5 posera des questions, et ensuite les conseils de M. Sljivancanin vous
6 poseront aussi des questions à propos de certains points portant sur cette
7 condamnation. Les Juges peuvent aussi, s'ils le veulent, vous poser des
8 questions.
9 Je demande maintenant à Madame la Procureur de commencer son interrogatoire
10 principal.
11 Madame Brady, êtes-vous prête ?
12 Mme BRADY : [interprétation] Bonjour. Oui, je suis prête.
13 LE TÉMOIN : REYNAUD THEUNENS [Assermenté]
14 [Le témoin répond par l'interprète]
15 Interrogatoire principal par Mme Brady :
16 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Theunens. Je m'appelle Helen Brady,
17 et comme vous le savez, je vais vous poser des questions dans le cadre de
18 l'interrogatoire principal cet après-midi. Donc avant de commencer, j'ai
19 quelques conseils à vous donner. Tout d'abord, nous parlons tous les deux
20 la même langue, donc veuillez, s'il vous plaît, ménager une pause entre mes
21 questions et vos réponses afin que les interprètes aient le temps de suivre
22 nos propos.
23 Deuxièmement, comme vous le savez, votre rapport et votre CV ont déjà été
24 versés au dossier en l'espèce, il s'agit des pièces 7 et 8, comprenant
25 aussi l'addendum à votre rapport que vous avez fait hier, il fait
26 maintenant partie de la pièce numéro 7.
27 Donc première chose, j'aimerais vous poser quelques questions liminaires.
28 Votre CV ayant déjà été versé au dossier, je ne veux pas passer trop de
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1 temps sur votre carrière, mais pour les Juges et pour le compte rendu,
2 j'aimerais que vous nous parliez rapidement de votre carrière et de votre
3 éducation.
4 R. Je suis diplômé de l'Académie militaire de Bruxelles, j'ai eu un
5 "master" en 1987, dans cette académie militaire, ensuite j'ai passé trois
6 ans dans un bataillon de chars en Allemagne au sein des forces armées
7 belges, et j'étais commandant de section, officier chargé du personnel.
8 Ensuite, j'ai été rappelé à l'académie militaire pour y enseigner. Ensuite,
9 j'ai été transféré au ministère de la Défense pour y travailler en tant
10 qu'analyste spécialiste du renseignement concernant les Balkans, et j'ai
11 travaillé bien sûr au sein du ministère de la Défense de la Belgique. Donc
12 pendant ces neuf années à peu près, j'ai aussi été déployé à trois reprises
13 dans le cadre d'opérations de maintien de la paix dans l'ex-Yougoslavie.
14 Vous pourrez trouver tous les détails de ça dans mon CV. Après ces neuf
15 années, j'ai travaillé aussi à la planification et à la planification et à
16 la programmation politique au ministère de la Défense. Il s'agissait, bien
17 sûr, de planification et de politique en matière du renseignement. En juin
18 2001, j'ai été transféré au TPIY, bureau du Procureur, et j'y ai travaillé
19 jusqu'en avril de l'an dernier en tant qu'analyste du renseignement au sein
20 de l'équipe des militaires. J'ai travaillé principalement sur des affaires
21 impliquant des auteurs serbes, c'est-à-dire la JNA, les volontaires, et la
22 Défense territoriale. Au 1er avril, j'ai quitté le TPIY, je suis passé au
23 Liban, où je travaille maintenant avec la FINUL. J'ai aussi reçu des
24 formations en matière de renseignements spécialisés au Royaume-Uni et aux
25 Etats-Unis.
26 Q. [aucune interprétation]
27 Mme BRADY : [aucune interprétation]
28 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vois que M. Bourgon est debout.
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1 M. BOURGON : [interprétation] Je vois que le témoin a des dossiers avec
2 lui. J'aimerais savoir exactement en quoi consistent ces dossiers avant que
3 nous ne poursuivions.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'un classeur avec un exemplaire de
5 mon CV et un exemplaire de mon rapport, annoté par mes propres mains afin
6 de pouvoir me repérer facilement.
7 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je ne vois pas de problème avec cela.
8 M. BOURGON : [interprétation] Je savais pas ce que c'était, c'est tout.
9 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous aviez raison de poser la question.
10 Madame Brady, poursuivez.
11 Mme BRADY : [interprétation]
12 Q. Vous dites que vous avez travaillé au TPIY de 2001 à 2009, c'est-à-dire
13 l'an dernier, en tant qu'analyste militaire au sein de l'équipe d'analystes
14 militaires du bureau du Procureur, et vous avez préparé des rapports
15 d'expert qui devaient être utilisés dans plusieurs affaires et vous avez
16 témoigné pour l'Accusation dans différentes affaires. Pouvez-vous nous en
17 dire plus.
18 R. J'ai témoigné dans cinq affaires. Tout d'abord, Slobodan Milosevic;
19 ensuite Milan Martic; puis Mile Mrksic, Sljivancanin et Milorad Radic; la
20 quatrième affaire était Vojislav Seselj; et la dernière affaire juste avant
21 que je quitte le TPIY était le procès Gotovina, Cermak et Markac. J'ai
22 l'intention aussi de témoigner dans l'affaire Karadzic, et avant cela aussi
23 dans l'affaire Stanisic et Simatovic. Et dans toutes ces affaires, bien
24 sûr, mes rapports ont été versés au dossier, mis à part, bien sûr, les deux
25 derniers, puisque je n'ai pas encore témoigné.
26 Q. Donc en tant qu'analyste militaire au bureau du Procureur, avez-vous eu
27 l'occasion d'analyser ou d'étudier la doctrine militaire de la JNA ?
28 R. Oui, tout à fait. Du fait de l'expérience que j'avais avant de
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1 travailler avec les analystes militaires au bureau du Procureur, je
2 connaissais bien les doctrines militaires, doctrines de l'ex-Yougoslavie,
3 donc doctrines portant sur la JNA et la Défense territoriale, ainsi que les
4 doctrines et les documents utilisés par les différentes parties qui ont
5 participé au conflit dans l'ex-Yougoslavie entre 1991 et 1995. De plus,
6 nous avions aussi les documents originaux, pas uniquement le règlement et
7 les manuels, mais aussi les ordres, et il était très intéressant pour un
8 analyste de voir comment la doctrine a été mise en pratique au cours du
9 conflit.
10 Q. Pour en revenir au rapport qui a été admis dans le cadre de cette
11 affaire, donc la pièce à conviction numéro 7 -- tout d'abord, c'est
12 l'Accusation qui vous a demandé de faire un rapport, n'est-ce pas, en
13 l'espèce ?
14 R. Oui.
15 Q. Comment vous y êtes-vous pris pour préparer votre rapport ?
16 R. Les documents que j'ai reçus de la part de l'équipe chargée de l'appel
17 sont identifiés au début du rapport, et bien sûr je pouvais aussi faire
18 référence aux documents que j'avais utilisés pour le procès en première
19 instance, et je pouvais aussi utiliser toutes les connaissances et
20 expériences que j'avais en ce qui concerne la doctrine.
21 Q. Quand avez-vous été contacté par le bureau du Procureur et quand êtes-
22 vous venu à La Haye ?
23 R. J'ai reçu un e-mail, je crois, la deuxième ou troisième semaine de
24 juillet cette année. J'étais justement en Belgique en congé. Etant donné
25 que je n'avais pas de plans bien spéciaux, et que j'étais uniquement à deux
26 heures de route d'ici, je suis venu, pendant une semaine à peu près, pour
27 préparer un rapport préliminaire.
28 Q. Etes-vous revenu ensuite après le mois de juillet ?
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1 R. Tout à fait. Au cours de la deuxième partie du mois d'août, j'ai été
2 rappelé - enfin, comment dire ? - la FINUL m'a détaché, si je puis dire,
3 pour me permettre de travailler dix jours ici au TPIY, non seulement pour
4 cette affaire Sljivancanin, mais aussi pour étudier des documents qui me
5 serviront pour l'affaire Stanisic et Simatovic et l'affaire Karadzic.
6 Q. Lorsque vous avez préparé votre rapport, sur quoi vous a-t-on demandé
7 de vous pencher plus précisément ?
8 R. En juillet, on m'a dit d'étudier de près le témoignage de M. Panic et
9 d'en tirer des conclusions analytiques, mais sans que l'on me donne de
10 questions bien précises. En août, en revanche, j'ai reçu une liste de sept
11 questions venant de l'équipe chargée de cet appel au sein du bureau du
12 Procureur, et j'ai essayé d'y répondre du mieux que j'ai pu, et vous avez
13 la réponse à ces questions dans le rapport que vous avez sous la main.
14 Q. Oui, il s'agit, en fait, de l'annexe à votre rapport, n'est-ce pas ?
15 R. Oui.
16 Q. Très bien.
17 Passons maintenant à la teneur même de votre rapport. Tout d'abord, je
18 tiens à vous montrer une pièce qui a été utilisée lors d'un procès. La
19 pièce 368.
20 Mme BRADY : [interprétation] Elle devrait être à l'écran en anglais et en
21 B/C/S.
22 Q. Le voyez-vous à l'écran ? Il s'agit de la pièce 368, venant du procès
23 Mrksic ?
24 R. Oui, je le vois.
25 Q. De quoi s'agit-il ?
26 R. On voit de par le titre qui se trouve sous l'en-tête qu'il s'agit d'un
27 rapport de combat régulier, et donc qui est rédigé de façon régulière tous
28 les jours. Je me souviens bien, il s'agit toujours d'un rapport qui est
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1 fait à 18 heures le soir et qui porte sur les activités de la journée. Ici,
2 cela va reprendre tous les événements depuis le 20 novembre jusqu'au 21
3 novembre, 18 heures. C'est envoyé par le commandement de Groupe
4 opérationnel sud. Cela parle, tout d'abord, des agissements de l'ennemi,
5 les Oustachi, et ensuite on parle des activités des forces amies.
6 Q. Vous dites que cela émane du commandement du Groupe opérationnel sud.
7 Mais à qui est-ce envoyé ?
8 R. Il y a deux destinataires. Tout d'abord, le commandement du 1er Régiment
9 militaire, puisqu'il s'agit du commandement supérieur de ce OG sud en
10 Slavonie orientale, et c'est aussi envoyé au secrétariat de la Défense
11 nationale, le SSNO, secrétariat de la Défense nationale, le SSNO, donc,
12 chargé de la Défense populaire. Et pourquoi ? Parce que la Brigade
13 motorisée des Gardes est l'unité du Groupe opérationnel sud en temps de
14 paix et avant -- et donc est subordonnée au SSNO par le biais du chef de
15 cabinet.
16 Q. [aucune interprétation]
17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame Brady, pourquoi n'avez-vous pas
18 présenté cela avec les autres pièces ?
19 Mme BRADY : [interprétation] C'est déjà versé au dossier.
20 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je comprends bien, mais cela aurait été
21 plus simple pour la Chambre d'appel.
22 Mme BRADY : [interprétation] J'avais l'impression que comme c'était déjà
23 versé au dossier --
24 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, mais je pense que cela aurait été
25 bien quand même de l'ajouter au dossier, c'est tout.
26 Mme BRADY : [interprétation] Toutes mes excuses. Maintenant --
27 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Poursuivez.
28 Mme BRADY : [interprétation] Merci.
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1 Q. Pourriez-vous maintenant, s'il vous plaît, vous pencher sur le bas de
2 cette pièce. Il y a une signature que vous trouverez en bas de ce document.
3 Que vous dit cette signature à propos du rôle joué par M. Panic le 21
4 novembre, en application de la doctrine de la JNA ?
5 R. Comme je l'ai dit dans mon rapport, je pense qu'il s'agit de la page
6 14, si je ne m'abuse, lorsque je parle du "reporting" et du rôle du
7 commandant, le lieutenant-colonel Panic signe en tant que commandant par
8 intérim du commandement du Groupe opérationnel sud, et donc, en signant, il
9 accepte le contenu du document et il en accepte la responsabilité aussi. Je
10 l'ai expliqué, d'ailleurs, dans mon rapport.
11 Q. Quel est le poste occupé par M. Panic ce jour-là, le lieutenant-colonel
12 Panic ce jour-là ?
13 R. Il est évident, "komandant OG JUG," donc commandant du Groupe
14 opérationnel sud. Le texte, bien sûr, est un texte où l'on parle de Mile
15 Mrksic, mais nous savons qu'il y a eu un ordre de resubordination le 21 au
16 matin, qui a aussi été signé par le lieutenant-colonel Panic en tant que
17 commandant par intérim, et c'est toujours la même signature que l'on a sur
18 ce document-ci, ce qui montre qu'à cette heure-là, le lieutenant-colonel
19 Panic est le commandant par intérim du Groupe opérationnel sud.
20 Q. Très bien. Monsieur Theunens, dans votre rapport --
21 Mme BRADY : [interprétation] C'est en réponse à la question numéro 4, page
22 14.
23 Q. -- vous parlez de la doctrine de l'unicité du commandement. Pourriez-
24 vous nous dire ce qu'est exactement ce principe d'unicité du commandement ?
25 R. L'unicité du commandement est l'un des principes essentiels de la
26 doctrine de l'ex-Yougoslavie en ce qui concerne le commandement et le
27 contrôle tels qu'ils sont stipulés dans la Loi sur la Défense populaire
28 généralisée de 1982. Donc, il y a non seulement un seul commandement;
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1 unicité de commandement et obligation de mettre en œuvre les décisions. Ça
2 signifie que, tout d'abord, il n'y a qu'une seule personne qui peut donner
3 des ordres, un seul commandant qui peut donner des ordres, et il n'y a
4 qu'une seule personne à qui le subordonné rend compte des ordres qu'il ou
5 elle a reçus de la part de ce commandant, justement.
6 Q. Mais pourquoi est-ce que ce principe est-il si important au titre de la
7 doctrine militaire, le fait qu'il y ait une seule autorité ?
8 R. Il ne peut y avoir qu'un seul commandement, unicité de commandement,
9 sinon on a du chaos. Si deux personnes peuvent donner des ordres en même
10 temps à la même unité ou au même subordonné, soit l'unité subordonnée soit
11 le subordonné lui-même ne va pas savoir à qui obéir. Donc, il y a unicité
12 de commandement. Il y a toujours un seul commandant.
13 Q. Au vu de ce principe de l'unicité du commandement et de l'autorité, et
14 en gardant à l'esprit la pièce 368 que nous venons de voir, d'après vous,
15 selon la doctrine militaire, est-ce que Mrksic aurait pu avoir l'autorité
16 de commandement sur l'OG sud pendant son absence, pendant qu'il ne se
17 trouvait pas sur place les 21 et 22 novembre ?
18 R. A moins d'avoir enfreint ce principe essentiel de commandement et de
19 contrôle - et jusqu'à présent, je n'ai jamais vu le moindre exemple de cela
20 - à moins d'avoir vraiment enfreint ce principe fondamental, on peut
21 exclure totalement qu'en son absence, Mile Mrksic, lorsqu'il n'étais pas
22 là, ait pu exercer le commandement.
23 Q. Si je vous ai bien compris, ça veut dire que la personne qui a signé la
24 pièce P368 avait tout le pouvoir de commandement lorsqu'il a signé cela, il
25 commandait totalement l'OG sud; c'est bien cela ?
26 R. Oui.
27 Q. Bien. Poursuivons l'étude de ce rapport de combat régulier, pièce 368.
28 Vous la connaissez bien, puisqu'on l'a utilisé lors du procès. Y a-t-il des
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1 informations dans ce document à propos du statut des prisonniers de guerre
2 ?
3 R. Si nous pouvions voir à l'écran le bas de la page en anglais. On voit
4 que l'on parle de civils qui ont été évacués les 20 et 21, y compris des
5 blessés. Je pense qu'il faudrait que l'on passe à la page suivante en
6 anglais. On parle de ces activités qui sont entreprises à propos des civils
7 et des blessés. Mais on ne parle absolument pas de quoi que ce soit en ce
8 qui concerne les prisonniers de guerre.
9 Q. D'après la connaissance que vous avez de la doctrine de la JNA et des
10 circonstances de l'affaire que vous connaissez bien, d'après vous, dans un
11 rapport de situation de ce type, comme ce rapport 368, est-ce que des
12 informations à propos des prisonniers de guerre devraient être incluses; et
13 si oui, pourquoi ?
14 R. Tout à fait, je me serais attendu à avoir des informations à propos des
15 agissements liés aux prisonniers de guerre pour deux raisons. Tout d'abord,
16 parce que d'après le contexte - j'ai essayé de résumer cela, d'ailleurs,
17 dans mon rapport - nous savons que l'évacuation de l'hôpital de Vukovar
18 était une opération qui était assez délicate, si je puis dire, parce qu'il
19 y avait eu un accord spécial avec les Croates, donc les évacuations
20 allaient être surveillées, plus ou moins, par les observateurs
21 internationaux. Donc, de plus, les organes de sécurité y étaient très
22 intéressés parce qu'ils voulaient avoir le plus de prisonniers de guerre
23 possible sous contrôle de la JNA afin de pouvoir procéder par la suite à
24 des échanges avec des prisonniers détenus par les forces croates. Et
25 d'après le contexte, d'ailleurs, nous savons aussi qu'en ce qui concerne
26 les évacués de l'hôpital, tout ce qui s'est passé n'a pas suivi les ordres
27 écrits qui avaient été donnés précédemment par le service chargé de la
28 sécurité, c'est-à-dire qu'au lieu d'amener le plus grand nombre de
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1 prisonniers de guerre en Serbie, c'est-à-dire à Sremska Mitrovica, ils ont
2 été remis à une entité appelée ici un gouvernement local et des
3 volontaires. Et du fait du caractère délicat, la nature délicate de cette
4 affaire, du fait aussi que la remise des prisonniers ne s'est pas faite
5 selon les ordres donnés par les supérieurs, il aurait vraiment fallu que
6 cette activité soit mentionnée au rapport.
7 Q. Dans votre rapport - et ceci répond précisément à la question 5 que
8 nous vous avions posée à l'époque - vous évoquez le devoir d'être informé
9 de la situation. Pouvez-vous nous en dire plus au sujet de ce principe.
10 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, pour être tout à
11 fait précis, je dirai que je ne suis pas absolument sûr que les termes
12 "situational awareness" en anglais soient utilisés au sein des forces
13 armées en tant que termes techniques. Mais si vous vous penchez sur la page
14 18 de mon rapport, au milieu de la page, vous verrez qu'un certain nombre
15 de fonctions du commandement et du contrôle sont définies et qu'on y
16 trouve, entre autres, la fonction d'organisation. Par ailleurs, il y a un
17 certain nombre de réglementations au sein de la JNA ainsi qu'au sein des
18 forces armées de la République socialiste fédérative yougoslave, de façon
19 plus générale, qui stipulent clairement que le commandant doit être au
20 courant de la situation, pas seulement de la situation que vivent les
21 forces ennemies mais également ses propres forces. Et si vous souhaitez, je
22 peux vous expliquer pour quelle raison ceci est particulièrement important.
23 Q. Oui, je vous prie, faites-le.
24 R. Eh bien, c'est presque évident. D'une certaine façon, un commandant se
25 voit investi d'une mission par son supérieur, et afin d'exécuter cette
26 mission -- je veux dire, ce dont je parle ici, ce sont des opérations de
27 combat qu'il importe qu'il mène à bien, eh bien, il lui faudra utiliser ses
28 propres forces pour exécuter les ordres qui lui ont été donnés. Alors, s'il
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1 ne connaît pas la situation dans laquelle se trouvent ses propres forces,
2 il lui est difficile de donner des ordres à ses hommes parce que, par
3 exemple, imaginons que nous soyons dans un scénario d'offensive, eh bien,
4 dans une telle situation, le Groupe opérationnel sud se voit chargé de
5 capturer une ville en particulier avant une heure déterminée. Il est
6 possible qu'un certain nombre d'unités du Groupe opérationnel sud soient
7 plus faibles que telle autre unité, par exemple, ou moins expérimentées, et
8 qu'une autre unité subisse des pertes importantes. Donc, tous ces facteurs
9 font que les capacités d'une unité sont plus ou moins importantes et
10 doivent être prises en compte. Ces facteurs, le commandant doit les prendre
11 en compte lorsqu'il prépare l'ordre à adresser à ses unités subordonnées
12 afin de garantir qu'il utilise l'unité la mieux qualifiée pour réaliser la
13 mission qui lui a été confiée de la façon la plus efficace et la plus
14 couronnée de succès.
15 Q. J'aimerais vous interrompre à ce point, car lorsque vous parlez de la
16 tâche qui est confiée au commandant et de son obligation de connaître les
17 détails de la situation à tout moment, je voudrais vous renvoyer à
18 l'expression "connaissance de la situation", mais nous parlons ici, n'est-
19 ce pas, d'une connaissance qui doit exister à tout moment et pas seulement
20 au cœur des combats ?
21 R. Oui, à tout moment. La réglementation que j'ai sous les yeux est très
22 claire, elle met l'accent sur les opérations de combat pour des raisons
23 manifestes, parce que le rythme des opérations est, bien sûr, supérieur au
24 rythme normal. Je n'ai pas traité de cela dans le détail mais, par exemple,
25 si vous devez organiser une parade, vous n'allez pas utiliser une unité
26 composée de recrues nouvellement arrivées. Donc, vous ferez plutôt appel,
27 sans doute, à des forces plus expérimentées ou plus entraînées aux parades,
28 et c'est ceci le résultat de la connaissance de la situation, qui est un
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1 point important.
2 Q. Donc, même sur les faits de l'espèce, après la chute de Vukovar, après
3 la fin des combats, le commandant ou le commandant par intérim, comme le
4 voulait la situation, pouvait prendre des mesures activement pour appliquer
5 ce principe, n'est-ce pas, étant donné leur devoir de toujours être
6 informé, au courant de la situation, ils pouvaient donc prendre des mesures
7 pour découvrir ce qui était en train de se passer au sein des unités dans
8 le cadre hiérarchique qui les intéressait, n'est-ce pas ?
9 R. Oui, c'est exact.
10 Q. Je vous renvoie à présent -- ou bien, je vous rappellerai cette pièce
11 368 en vous demandant si, en vertu de la doctrine de la JNA, en signant la
12 pièce 368, est-ce que cela n'était pas un acte impliquant que le commandant
13 du Groupe opérationnel sud ou le commandant par intérim du Groupe
14 opérationnel sud avait pris des mesures déterminées ?
15 R. Eh bien, ma signature du rapport confirme que le rapport est exact et
16 complet. Et encore une fois, ceci est tout à fait évident. Le commandant et
17 les supérieurs hiérarchiques ont les mêmes obligations de connaissance de
18 la situation, et lorsque vous recevez un rapport d'un subordonné, c'est une
19 des sources dont vous disposez pour vous familiariser avec la situation
20 dans laquelle se trouvent vos propres forces. C'est un moyen parmi
21 d'autres. Un autre moyen pourrait consister à mener des inspections, comme
22 des visites d'une unité, pour voir si ce qui est dit dans le rapport est
23 exact et correspond à la réalité.
24 Q. Donc, sur la base de votre réponse, lorsque vous nous dites qu'il lui
25 fallait veiller à ce que l'information soit complète, comment il le faisait
26 ?
27 R. Eh bien, en général, il existe un système d'élaboration des rapports,
28 les rapports aux subordonnés et les rapports aux unités supérieures, et au
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1 début des dispositions sont prises pour veiller à ce que les informations
2 soient mises à disposition par les unités subordonnées dans les délais
3 requis de façon à ce que le commandement supérieur ait suffisamment de
4 temps pour élaborer le rapport. Je vous parle ici de rapports réguliers.
5 Bien entendu, il peut y avoir également ce qu'on appelle des rapports
6 irréguliers, c'est-à-dire des rapports rédigés en cas d'urgence ou en cas
7 d'évolution spectaculaire de la situation, parce qu'encore une fois, la
8 situation n'est pas statique. Même après la chute de Vukovar, elle ne l'a
9 pas été. Il y avait encore des événements qui survenaient, des unités qui
10 se déplaçaient et qui se préparaient à se retirer. Donc, les mouvements
11 étaient permanents et, encore une fois, ils sont décrits dans les rapports,
12 mais le Groupe opérationnel sud avait un centre opérationnel où parvenaient
13 les informations fournies par radio, par voie de rapports écrits, par voie
14 de renseignements transmis par les officiers de liaison et par toutes
15 sortes de moyens différents, et toutes ces informations étaient
16 rassemblées. Il y avait aussi des hommes qui tenaient un journal de guerre.
17 Ensuite, une sélection des informations pertinentes est faite, et ces
18 informations sont intégrées dans un rapport de combat qui est transmis à
19 l'échelon hiérarchique supérieur, et ce, sur la base des informations
20 reçues de l'échelon hiérarchique inférieur. Donc, une inspection peut
21 compléter le tout pour vérifier la réalité et l'exactitude de la situation,
22 ce qui est tout à fait logique. Autrement dit, il faut vérifier la mesure
23 dans laquelle vos instructions ont été mises en œuvre, le cas échéant, et
24 si ce degré de mise en œuvre ne correspond pas à vos attentes, il faut
25 prendre des mesures correctrices.
26 Autre moyen de veiller à ce que ce partage d'informations ait lieu, ce sont
27 les réunions d'information tenues régulièrement aux environs de 18 heures,
28 si je me souviens bien, ou en tout cas, après l'envoi du rapport. Je n'en
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1 suis plus tout à fait sûr. Il peut y avoir des visites d'inspection et
2 d'autres moyens.
3 Q. Lorsque vous dites qu'en signant ce rapport, on s'assure que nos
4 informations sont complètes, de quel rapport parlez-vous exactement ?
5 Quelles mesures ont été prises par la personne concernée ? Qu'est-ce que
6 cette personne a l'obligation de faire si des rapports ne lui parviennent
7 pas ?
8 R. Eh bien, il a pour obligation de donner consigne au responsable du
9 centre d'opérations de demander à l'unité subordonnée pour quelle raison le
10 rapport n'est pas arrivé. Je veux dire, il peut y avoir plusieurs raisons.
11 Dans le pire des cas, il peut y avoir eu panne des systèmes de
12 transmission, et il faut envoyer une personne recueillir physiquement le
13 rapport, ou bien on peut envoyer un officier de liaison auprès de l'unité
14 subordonnée, qui rapportera les informations. Encore une fois, il peut
15 aussi y avoir inspection, comme je l'ai déjà dit.
16 Q. Donc, est-ce qu'il est permis de dire que lorsque la mission consiste à
17 rester au courant de la situation, il s'agit bien d'une mission active qui
18 implique de prendre des mesures activement pour obtenir des renseignements
19 si ceux-ci ne vous parviennent pas ?
20 R. Bien entendu, et c'est la raison pour laquelle j'ai essayé d'expliquer
21 que tout cela était une défense de ses intérêts personnels. S'il vous faut
22 organiser une situation en qualité de commandant, vous avez la
23 responsabilité d'obtenir des renseignements le plus précis possible. Donc,
24 vous ne souhaitez pas que vos propres forces vous surprennent dans une
25 situation où vous manqueriez de contrôle sur un certain nombre de facteurs,
26 ce que l'ennemi ou d'autres forces pourraient souhaiter.
27 Par exemple, le climat peut poser des problèmes. Au paragraphe 8 du texte,
28 vous verrez qu'il est question de la nécessité de prévoir un certain nombre
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1 de facteurs, d'éléments. On s'attend à ce que le commandant des forces
2 armées de la RSFY ait capacité de prévoir un certain nombre d'événements -
3 je m'en explique dans mon rapport - et la capacité et la possibilité de ses
4 forces subordonnées est quelque chose qui ne doit pas être un sujet
5 d'inquiétude pour un commandant en train de recueillir des renseignements.
6 Il est important de disposer de ces renseignements, mais il ne doit pas y
7 avoir difficulté à obtenir ces renseignements, encore une fois, dans un
8 scénario tel que celui auquel faisait face le Groupe opérationnel sud au
9 moment des événements.
10 Q. Vous savez, parce que nous avons lu la déposition de M. Panic, qu'il a
11 témoigné le 21 novembre, il était surtout préoccupé et s'occupait de tâches
12 diverses et multiples, a-t-il dit, et il était en train d'organiser une
13 conférence de presse. Il s'apprêtait à assister au retour de la Brigade de
14 garde à Belgrade, et devait assurer le transport des civils.
15 Mme BRADY : [interprétation] Pour les Juges de la Chambre, j'indique que
16 ceci est une paraphrase des pages 63 à 83 du compte rendu d'audience.
17 Q. Aux termes de la doctrine de la JNA, est-ce que de telles missions
18 décrites par M. Panic auraient pu affecter sa mission en tant que
19 commandant ce jour-là, le 21 novembre, notamment son obligation d'être en
20 permanence au courant de la situation ?
21 R. Non, pas du tout. Encore une fois, au cours de toutes les années où
22 j'ai travaillé sur les lieux et également avant de me mettre à étudier la
23 doctrine des forces armées de la RSFY, j'ai constaté que la charge de
24 travail n'était pas un motif valable pour réduire sa responsabilité. Ce que
25 je veux dire encore une fois, et je pense que c'est en page 8, c'est que
26 ceci est explicitement écrit dans la doctrine de commandement et de
27 contrôle de la JNA, ou la doctrine de commandement et de contrôle des
28 forces armées de la RSFY. Un commandant peut déléguer son autorité pour des
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1 raisons tout à fait manifestes. Manifestement, le chef de l'état-major
2 principal devra déléguer à chacun de ses soldats ce qu'il ne peut pas faire
3 lui-même. Donc le commandant peut déléguer son pouvoir, mais pas sa
4 responsabilité. Et en déléguant son pouvoir, il demeure responsable, et
5 manifestement, des missions qu'il a déléguées.
6 Dans ce cas particulier, le lieutenant-colonel Panic n'était pas seul le 21
7 novembre, il avait le Groupe opérationnel sud à sa disposition, et en
8 particulier des hommes spécialisés dans les différentes branches du travail
9 militaire, qui auraient dû pouvoir l'aider à planifier et à organiser
10 toutes ces activités. Et puis il y a son jugement personnel, et encore une
11 fois, je vous renvoie à sa déposition. Je comprends, après l'avoir relue,
12 que le 20 novembre dans l'après-midi et la soirée, le lieutenant-colonel
13 Panic était très inquiet de la situation eu égard à l'évacuation des
14 prisonniers de guerre d'Ovcara, et que son chef d'état-major -- n'avait pas
15 juridiquement l'obligation de s'intéresser à cela. Alors il s'y intéresse.
16 Pourquoi ? Parce qu'il est chef d'état-major. J'ai trouvé cela intéressant,
17 et je l'ai dit dans mon rapport, le jour où il est responsable et il agit
18 en tant que commandant, il dit dans sa déposition qu'il ne manifestait pas
19 un intérêt particulier par rapport aux prisonniers. Donc j'ai essayé de
20 tirer ce point au clair dans mon rapport. Sur la base de ma façon de
21 comprendre la doctrine des forces armées de la RSFY, une telle réaction est
22 assez inhabituelle.
23 Q. Je vous renvoie un pas plus loin que la réponse que vous avez faite. Si
24 un commandant ou un commandant par intérim était au courant du fait qu'il y
25 a des prisonniers de guerre dans sa zone de responsabilité, à votre avis,
26 est-ce qu'il serait plus important pour lui de garantir la sécurité de ses
27 prisonniers, ou est-ce qu'il serait plus important pour lui de s'occuper
28 d'autres tâches telles que la préparation d'une conférence de presse ou le
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1 retour des gardes prévu quatre jours plus tard ?
2 R. Je ne dirai pas que le fait qu'il y ait des prisonniers dans sa zone de
3 responsabilité puisse être tout à fait inhabituel pour un commandant du
4 Groupe opérationnel sud. Et il peut donc s'en occuper lui-même, ou il peut
5 déléguer cette tâche à une autre personne. Et il serait tout à fait
6 raisonnable de déléguer cette responsabilité, vu la situation de
7 prisonniers de guerre, c'est-à-dire de les remettre aux mains d'une
8 autorité appropriée qui les traiterait bien, qui ferait en sorte que
9 personne ne puisse s'évader, et cetera, et cetera, donc qu'il ait délégué
10 cette tâche, Panic, à quelqu'un d'autre, à quelqu'un de qualifié pour
11 réaliser cette tâche de la meilleure façon possible. Cet officier aurait
12 bien entendu en temps utile informé Panic au sujet de la façon dont il
13 avait exécuté les ordres reçus de lui. Il aurait dû informer Panic au sujet
14 de tout problème qu'il aurait pu rencontrer durant l'exécution, ou en tout
15 cas durant le transfert de pouvoir de la part de Panic sur lui. Mais encore
16 une fois, conformément à la doctrine, Panic serait le seul qui serait resté
17 responsable de la situation de ces prisonniers de guerre à tout moment.
18 Et revenons maintenant sur ce que j'ai déjà dit, à savoir la prise en
19 compte des renseignements dont il disposait le 20, et la préoccupation
20 qu'il a manifestée le 20. Il semblerait logique qu'il ait manifesté la même
21 préoccupation pendant la journée du 21, parce que ce jour-là il est
22 commandant par intérim, et selon la doctrine des forces armées de la RSFY,
23 il est légalement responsable des activités de ses unités et de toute la
24 situation qui prévaut dans sa zone de responsabilité, y compris la
25 situation de ces prisonniers de guerre.
26 Q. J'aimerais maintenant que nous nous intéressions à un sujet un peu
27 différent, qui est également abordé dans votre rapport. Je veux parler de
28 la subordination de la 80e Brigade motorisée par rapport au Groupe
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1 opérationnel sud. Dans votre rapport, c'est là le cœur de la réponse que
2 vous avez faite à la question numéro 2. Dans votre rapport, donc, vous
3 affirmez que la 80e Brigade motorisée était subordonnée au Groupe
4 opérationnel sud jusqu'au 23 novembre 1991 au moins. Pourquoi dites-vous
5 cela ?
6 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, j'ai dit cela parce
7 que nous avons vu un ordre -- enfin, il existe un ordre, il y a également
8 un rapport de combat régulier du Groupe opérationnel sud qui évoque
9 clairement la 80e Brigade motorisée. J'en discute en pages 9 et 10 de mon
10 rapport. Je suis d'ailleurs en train d'essayer de trouver le numéro de
11 pièce à conviction de l'ordre dont je parle -- ou plutôt, excusez-moi,
12 c'est l'ordre que donne le colonel Mrksic en date du 22. Je crois que c'est
13 la pièce à conviction 424. Dans cet ordre, il déclare qu'à partir du 23
14 novembre 1991, la 80e Brigade motorisée est tenue de et cetera, et cetera.
15 Page 9 de mon rapport. Or, on ne peut émettre des ordres qu'à des hommes
16 qui sont des subordonnés. Si l'on replace la situation dans le contexte, ce
17 que j'ai fait dans mon rapport, eh bien j'en ai conclu qu'outre le rapport
18 de combat régulier rédigé le 23, la 80e Brigade motorisée devait rester
19 subordonnée au Groupe opérationnel sud au moins jusqu'au 23 novembre à 18
20 heures.
21 Q. Sans perdre de vue le fait que ce transfert de subordination -- je vais
22 reformuler, excusez-moi. Donc si nous ne perdons pas de vue le fait que le
23 transfert depuis le Groupe opérationnel sud jusqu'à la 80e Brigade
24 motorisée s'est produit un peu après 18 heures le 23 novembre, mais avant
25 le 24 novembre, date du départ des gardes, pouvez-vous nous parler
26 éventuellement de la situation intermédiaire, c'est-à-dire de la situation
27 qui prévalait entre le moment où se préparaient les choses et le départ des
28 gardes ?
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1 R. Oui, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges. Ceci est un
2 exemple très clair de l'application du principe d'unicité du commandement,
3 c'est-à-dire qu'il n'y a qu'un seul commandant à chaque instant. Toutefois,
4 le transfert de pouvoir est un processus qui implique un déplacement
5 d'unités. En effet, une unité va remplacer une autre, un commandant va
6 remplacer un autre, et ceci implique également un échange de renseignements
7 et peut durer plusieurs jours. Mais c'est seulement au moment où se produit
8 le transfert de pouvoir officiel d'un commandant à un autre, c'est-à-dire
9 de l'ancien commandant au nouveau, que le transfert de pouvoir se passe
10 effectivement au sens du commandement et du contrôle. Donc avant ce moment-
11 là, la 80e Brigade motorisée pouvait avoir des officiers qui étaient
12 physiquement présents sur le territoire du Groupe opérationnel sud et dans
13 son commandement, je veux dire la planification était coordonnée, le
14 transfert de pouvoir se faisait sur la base du fait que le colonel Mrksic
15 devait signer tous les documents en qualité de commandant du Groupe
16 opérationnel sud jusqu'au 23 à 18 heures. Et nous avons un rapport de
17 combat important en date du 24, qui comporte encore sa signature. C'est la
18 raison pour laquelle j'ai conclu que le transfert de pouvoir officiel ne
19 pouvait avoir lieu qu'après le 23 novembre, 18 heures.
20 Q. D'accord. J'aimerais maintenant que nous passions à ma dernière série
21 de questions, dernier sujet que j'aborderai. En effet, le gros de votre
22 déposition que nous avons entendue cet après-midi a concerné les missions
23 de M. Panic en tant que commandant par intérim à la date du 21 novembre.
24 Comme vous le savez, la nuit qui précède, c'est-à-dire la nuit du 20
25 novembre, M. Panic était dans son rôle habituel de chef d'état-major.
26 Toutes ces missions dont vous allez parler cet après-midi, en particulier
27 ce devoir d'être en permanence informé de la situation, pouvez-vous nous
28 dire comment elles s'appliquent au chef d'état-major, si nous gardons à
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1 l'esprit qu'il était chef d'état-major. Vous avez abordé ce sujet
2 superficiellement dans une réponse déjà, je crois.
3 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, c'est un sujet qui
4 est largement développé dans la réponse que j'ai faite à la question numéro
5 1, s'agissant du chef d'état-major, pour l'essentiel, il dirige l'état-
6 major. Il importe de remarquer qu'à la JNA, outre l'état-major, il y avait
7 également un certain nombre de commandants assistants. Donc, on a le
8 commandant tout en haut et en dessous de lui, on a le chef d'état-major qui
9 dirige l'état-major; mais en plus, on a également trois commandants
10 assistants, en particulier au sein de la Brigade motorisée des Gardes ainsi
11 que dans le Groupe opérationnel sud. Il y avait donc un commandant
12 assistant chargé de la sécurité, un commandant assistant chargé de la
13 logistique et un commandant assistant chargé des instructions politiques.
14 Et ces hommes étaient en relation directe avec le commandant. Tous les
15 autres officiers de l'état-major, comme j'avais dit, étaient sous la
16 direction du chef d'état-major. Pour résumer son rôle, le commandant reçoit
17 une mission de son supérieur. Dans ce cas, il s'agit du colonel Mrksic qui
18 reçoit une mission du commandant de la 1ère Région militaire, le général
19 Zivota Panic à l'époque. Puis à ce moment-là, Mrksic consulte son chef
20 d'état-major pour transformer cette instruction, qui peut être très courte
21 ou très longue, selon la situation, en un ordre, c'est-à-dire en une série
22 de consignes destinées aux unités subordonnées. Et chacune des sections de
23 l'état-major va élaborer sa propre partie du rapport global -- ou plutôt,
24 excusez-moi, de l'ordre global. Donc, le chef d'état-major, c'est le
25 collaborateur le plus proche du commandant parce qu'il est son
26 interlocuteur avec l'état-major, puis il y a aussi ce que j'essaie
27 d'expliquer, à savoir que le chef d'état-major n'a pas légalement le devoir
28 d'être au courant de la situation, mais qu'il serait un très mauvais chef
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1 d'état-major si, en sa qualité de conseiller le plus proche du commandant,
2 il n'était pas capable de veiller à lui fournir les renseignements les plus
3 précis et les plus complets au sujet de la situation qui prévaut à tel ou
4 tel moment. Parce que c'est effectivement aussi le devoir de l'état-major
5 qui doit élaborer des ordres, et cetera, bien sûr, mais qui a également
6 pour devoir de veiller à être informé de la situation. Donc, il a intérêt à
7 être au courant de la situation.
8 Q. Nous le savons - et ce sera ma dernière question - nous le savons, M.
9 Panic est devenu commandant par intérim le lendemain. Lorsqu'il a appris,
10 et je pense que cela a dû se passer un certain temps avant le départ de
11 Mrksic. Donc lorsqu'il a appris qu'il deviendrait commandant par intérim le
12 lendemain, aux termes de la doctrine militaire, quelles sont les questions
13 que l'on peut s'attendre à ce qu'il se pose, si l'on est dans la situation
14 de M. Panic, qui était chef d'état-major à ce moment-là au sujet de la
15 reprise par lui du rôle de commandant par intérim ? Quelles seraient les
16 questions que lui-même ou le commandant qui s'apprête à partir se seraient
17 posées, à savoir lui, donc, et Mile Mrksic, afin d'exécuter correctement la
18 tâche d'assumer la responsabilité qui serait la sienne par rapport aux
19 unités ?
20 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, ceci a été évoqué --
21 cette fonction de continuité du commandement du contrôle a été évoquée
22 pendant le procès mais pas dans mon rapport. Mais encore une fois,
23 manifestement, Panic, étant donné qu'il pouvait être tenu responsable de
24 tout ce qui se passait pendant l'absence de Mrksic, avait besoin de veiller
25 à ce que Mrksic lui ait transmis toutes les informations nécessaires,
26 toutes les informations dont il avait besoin pour mener à bien correctement
27 le commandement du Groupe opérationnel sud, ce qui n'inclut pas simplement
28 les consignes que Mrksic avait reçues de ses supérieurs. Panic aurait
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1 également dû connaître les préoccupations que Mrksic pouvait avoir par
2 rapport à la situation, il devait savoir ce que faisait l'ennemi, quels
3 étaient les éventuels problèmes qui se posaient aux unités amies, et
4 cetera, et cetera. Nous avons discuté de la question des prisonniers de
5 guerre. Il aurait eu nécessité de disposer également de ce renseignement.
6 Et s'il ne recevait pas spontanément tel ou tel renseignement de Mrksic, il
7 aurait dû le demander parce qu'il devait vouloir être dans la meilleure
8 position possible pour remplir ses responsabilités le plus complètement
9 possible. Lorsque je dis "il", je veux dire Panic, pour que Panic, donc,
10 puisse remplir ses responsabilités de commandant par intérim du Groupe
11 opérationnel sud.
12 Mme BRADY : [interprétation] Ce sont toutes les questions que j'avais à
13 poser à M. Theunens au cours de l'interrogatoire principal. Ayant dit cela,
14 l'Accusation s'appuiera sur l'intégralité de sa déposition, qui a été
15 versée au dossier sous forme de son rapport, qui constitue désormais la
16 pièce à conviction numéro 7. Les questions posées aujourd'hui avaient pour
17 but de faire ressortir les points saillants, mais nous tenons compte de
18 l'intégralité de son rapport ainsi que de sa déposition orale cet après-
19 midi dans ce prétoire. Je ne sais pas si les Juges ont des questions
20 supplémentaires à lui poser.
21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'aurais une ou deux questions à poser
22 au témoin. Je vous remercie, pour commencer, de votre déposition, Monsieur
23 Theunens.
24 En page 4, paragraphe 6, de votre rapport, vous dites que le
25 commandant a la possibilité d'émettre des ordres ayant un rapport avec les
26 opérations directement à l'adresse de ses commandants subordonnés; c'est
27 exact ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, mais ce n'est pas
Page 169
1 là que la phrase s'arrête.
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Poursuivez-la.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] S'il émet un ordre par écrit, par exemple, il
4 va le signer. Mais s'il -- c'est ce que j'ai essayé d'expliquer, si l'ordre
5 du commandant vise les activités que j'ai évoquées tout à l'heure, cet
6 ordre reposera sur le travail de l'état-major, comme j'ai essayé de
7 l'expliquer. C'est ainsi que fonctionne le processus de commandement.
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'ai compris. Mais venons-en à la fin
9 de ma question.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis désolé.
11 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je comprends que ceci soit votre point
12 de vue, et je vais vous citer, à savoir qu'il était, je cite, "extrêmement
13 inhabituel" pour M. Mrksic d'émettre l'ordre de retrait à l'intention
14 directe de la 80e Brigade motorisée, sans aucune participation de son chef
15 d'état-major. Alors voici, sur la base de cela, la question que je vous
16 pose maintenant : est-ce que vous êtes en mesure de dire que ceci est
17 impossible, ou simplement extrêmement inhabituel, ce qui s'est passé ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, dans la situation dans
19 laquelle se trouvent les êtres humains, rien n'est impossible. Je veux
20 dire, théoriquement, Mrksic aurait pu agir ainsi, mais la question qui se
21 pose est de savoir pourquoi ? Parce que ceci aurait constitué une violation
22 de la doctrine. Ceci lui aurait créé une situation très difficile parmi ses
23 hommes et au sein de son état-major. Tout le monde lui aurait certainement
24 demandé : Mais pourquoi as-tu fait cela ? Et si nous pensons uniquement au
25 départ des policiers militaires, ceci devait avoir nécessairement une
26 incidence sur les forces du Groupe opérationnel sud, puisque ces policiers
27 militaires étaient mis à la disposition d'une autre unité. Encore une fois,
28 on ne peut pas émettre d'ordre isolé parce que les effets en sont toujours
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1 visibles sur le terrain. Imaginons qu'il ait dit directement à Vojnovic :
2 Mais j'ai écrit qu'Ovcara était à 10 kilomètres de Negoslavci, mais je
3 pense qu'en fait, c'est beaucoup moins loin; cela dit, je n'avais pas de
4 carte à ma disposition à ce moment-là. Tout le monde aura remarqué que tout
5 d'un coup les policiers militaires ne sont plus nulle part, et ceci peut
6 être remarqué en une minute, mais en tout cas, le lendemain, tout le monde
7 l'aurait remarqué, étant donné la nécessité d'être au courant de la
8 situation. Tout le monde aurait pu se demander : Pourquoi est-ce qu'ils
9 sont partis ? Pourquoi est-ce que Mrksic ne nous l'a pas dit ? Donc, encore
10 une fois, je pense que ce serait développé éventuellement des théories de
11 la conspiration, et je n'ai pas trouvé de justification pour une telle
12 théorie de la conspiration. Sans parler de Vojnovic ou du capitaine
13 Karanfilov, qui étaient informés également de l'existence de l'ordre. Donc,
14 il y a des gens qui étaient informés.
15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce que vous avez la moindre théorie
16 quant à la façon dont le capitaine a été informé ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, au paragraphe 9, je
18 m'en explique en montrant quels sont les organes qui avaient une relation
19 directe avec le commandement, étant donné que, par exemple, les instances
20 chargées de la sécurité avaient un commandant assistant chargé de la
21 sécurité, il n'est donc pas exclu que Mrksic aurait pu parler directement
22 aux organes chargés de la sécurité, mais il aurait été extrêmement
23 inhabituel - encore une fois dans ce contexte - qu'il parle à un capitaine,
24 même si celui-ci est commandant adjoint chargé de l'organe de la sécurité,
25 je veux parler de Vukasinovic, puis il y a le chef de l'organe de la
26 sécurité Sljivancanin, alors Mrksic lui-même aurait pu être tenu
27 responsable de l'opération d'évacuation. Encore une fois, et je l'ai écrit,
28 ceci aurait été une violation du principe de commandement et de contrôle de
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1 sauter comme ceci par-dessus un certain nombre d'échelons hiérarchiques, et
2 d'ignorer l'adjoint ou, en tout cas, la personne qui jouait le rôle
3 d'officier responsable.
4 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Theunens,
5 vous avez expliqué tout cela très bien, mais vous n'avez tout de même pas
6 atteint la conclusion que c'était une impossibilité complète.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour moi il est très difficile toujours de
8 prononcer le mot "impossible".
9 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous connaissez le brouillard de la
10 guerre et vous savez comment les choses se passent.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'ai encore une question à vous poser.
13 Page 8, paragraphe 2 -- 3 de votre rapport, vous dites, je cite :
14 "Le lieutenant-colonel Miodrag Panic a dit dans sa déposition pendant
15 l'audience préalable à la révision en date du 3 juin 2010, que c'était la
16 80e Brigade motorisée et non le Groupe opérationnel sud qui était
17 responsable d'Ovcara."
18 J'ai quelque difficulté à trouver cette phrase exacte dans sa déposition.
19 Est-ce que vous pourriez m'en indiquer l'endroit exact maintenant, si c'est
20 possible, ou peut-être plus tard.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait plutôt d'une conclusion que j'ai
22 déduite de son témoignage qui s'ensuit lorsque je cite Panic : Il y avait
23 une autre unité qui assumait la responsabilité." Et à la fin, à la note en
24 bas de page numéro 46 : "Nous n'étions plus responsables de cette zone."
25 Donc j'en ai conclu que Panic, en somme, disait que c'était la 80e
26 Brigade qui était responsable d'Ovcara. C'est ainsi que j'ai interprété sa
27 déposition.
28 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Il ne l'a pas dit de façon expresse que
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1 le Groupe opérationnel sud n'avait pas la responsabilité d'Ovcara à
2 l'époque qui nous intéresse.
3 Je vois Mme Brady --
4 Mme BRADY : [interprétation] Oui, je peux peut-être en fait jeter la
5 lumière. Pour l'essentiel, si vous regardez les consignes qui ont été
6 données à notre expert, et nous avons cité certains passages de la
7 déposition de Panic en particulier, si vous regardez la question numéro 2,
8 qui se trouve à la page 3 de nos consignes, lorsqu'il a fourni ce rapport,
9 nous avons cité deux paragraphes de témoignage de M. Panic lors de
10 l'audience consacrée au pré-examen. La page 71, 72, et 83/84. C'est une
11 évolution intéressante de l'emploi des temps de verbes de Panic, si vous
12 regardez ceci attentivement, comment il décrit la situation. Il dit que la
13 80e allait prendre le pouvoir, prendrait le pouvoir, tout ceci est vrai.
14 Mais si vous regardez de plus près ces paragraphes que je vous ai signalés,
15 nous faisons valoir qu'il crée ou en tout cas qu'il implique ou laisse
16 entendre ou le dit de façon explicite que le Groupe opérationnel sud
17 n'était plus responsable de cette zone. Si cela est plus facile, je peux
18 vous citer ses propos directement. A la page 71 à 72 du compte rendu de
19 réexamen, il a dit que :
20 "Le commandant dans la 80e Brigade avait pris le contrôle de la
21 région ou a pris le commandement de la région. Les gardes se préparaient à
22 repartir à la garnison de Belgrade et n'avaient plus la responsabilité de
23 cette zone."
24 Ensuite, pages 83 et 84, il dit ceci :
25 "Le 21 novembre 1991, la zone de responsabilité qui inclut Ovcara et
26 le hangar, où se trouvaient les suspects, était sous la responsabilité de
27 la 80e Brigade, à savoir c'était la 80e Brigade qui avait cette zone de
28 responsabilité qui comprenait Ovcara, et ils avaient déjà pris le contrôle
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1 de la zone de responsabilité qui avait été précédemment détenue par la
2 Brigade de Gardes. Je souhaite faire remarquer qu'ils étaient responsables
3 de cette zone auparavant également."
4 Donc c'est tout à fait clair, cette impression qu'on laisse entendre
5 aux Juges de la Chambre, que ceci était déjà arrivé, que la passation de
6 pouvoir avait déjà eu lieu. Nous le savons d'après les constatations de la
7 Chambre de première instance, aux paragraphes 82 et 253.
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Madame Brady.
9 Monsieur le Juge Guney.
10 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le
11 Président.
12 Monsieur Theunens.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.
14 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] On vous a demandé de fournir vos
15 conclusions, et vous donnez vos conclusions et vos analyses qui comprennent
16 différents éléments. A la lumière de ces conclusions, veuillez nous dire si
17 le rapport qui nous a été présenté, le rapport de Panic, est-il encore
18 crédible à la lumière de ce rapport et de cette conversation concernant
19 Mrksic et Sljivancanin ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que ce n'est pas à moi qu'il revient
21 de dire si un témoin est crédible ou non. Ce que j'ai tenté de faire c'est
22 de regarder le témoignage de M. Panic, et j'ai comparé celui-ci avec la
23 doctrine militaire des forces armées de la RSFY ou de la JNA. J'ai comparé
24 ceci avec les éléments de preuve présentés lors du procès et lors du
25 jugement dans la Chambre de première instance et de l'arrêt de la Chambre
26 d'appel. C'est ainsi que je suis parvenu à ces conclusions.
27 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Je vous ai demandé de nous donner votre
28 avis personnel sur la question. Je vous remercie.
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1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge
2 Guney.
3 Je me tourne vers mes collègues ?
4 Je crois que nous avons dix minutes d'avance, et nous allons donc
5 maintenant faire notre pause de 20 minutes. Nous reprendrons, disons, à 16
6 heures. Soyons généreux.
7 --- L'audience est suspendue à 15 heures 37.
8 --- L'audience est reprise à 16 heures 01.
9 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vois que M. Bourgon est debout, il
10 veut parler au nom de la Défense.
11 M. BOURGON : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Une heure.
13 M. BOURGON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
14 Contre-interrogatoire par M. Bourgon :
15 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Theunens.
16 R. Bonjour, Maître Bourgon.
17 Q. Je vais mener le contre-interrogatoire au nom de l'appelant, M.
18 Sljivancanin. Je n'ai pas beaucoup de questions. J'espère m'en tenir au
19 temps qui m'a été imparti, à savoir pas plus d'une heure. Cela étant dit,
20 s'il y a des questions que vous ne comprenez pas, si vous connaissez
21 l'exercice, et vous savez comment nous procédons, c'est un avertissement
22 tout à fait habituel que je vous donne, n'hésitez pas à m'interrompre et je
23 répéterai ma question.
24 Je vais tout d'abord présenter les personnes qui sont ici aujourd'hui,
25 simplement parce que vous n'étiez pas là au moment où ces personnes sont
26 entrées dans le prétoire. Nous avons ici le conseil principal, M. Novak
27 Lukic; M. Boris Zorko, le commis à l'affaire à ma gauche; et tout de suite
28 à ma gauche, Mme Caroline Bouchard-Lauzon; et à ma droite l'expert
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1 militaire avec lequel nous avons travaillé, il est lieutenant-colonel, Remi
2 Landry, du Canada.
3 J'ai quelques questions préliminaires avant d'aborder le fond de mon
4 contre-interrogatoire. La première question ou question préliminaire que je
5 souhaite vous poser porte sur vos connaissances militaires, au sens général
6 du terme, étant donné que vous avez été membre des forces armées belges
7 pendant un certain nombre d'années. La question que j'ai à vous poser est
8 fort simple. Si un commandant entend dire qu'un subordonné a été condamné
9 pour un crime sur le fondement de l'information qu'il sait n'être pas
10 véridique, est-ce que vous vous attendez à ce que ce commandant vienne
11 venir fournir les informations en sa possession pour éviter toute forme
12 d'injustice ?
13 R. Eh bien, il devrait s'avancer avec ces éléments. Ce qui me surprend,
14 c'est que s'il est en mesure de fournir des éléments d'information et que
15 c'est un commandant, je pense que les informations dont il disposait
16 auraient dû être mis à la disposition de la personne en question pendant la
17 phase d'enquête, avant qu'une condamnation ne soit prononcée. Pour une
18 raison ou pour une autre, ceci n'a pas été fait, soit il peut toujours
19 s'avancer avec cela.
20 Q. Ma question ne porte pas là-dessus. Est-ce que vous pensez, est-ce que
21 vous vous attendez à ce qu'un commandant raisonnable agisse de la sorte.
22 R. Je ne pense qu'il s'agisse là de doctrine militaire. Je n'ai pas vu de
23 règlements à cet effet. Je connais la procédure sur le fait de faire
24 impliquer la discipline et la justice militaire au sein de la JNA. Comme
25 vous le savez, les règlements de 1998 --
26 Q. Non, non, je vais -- non, Monsieur, ceci n'est pas la question que je
27 vous ai posée. Je vais répéter ma question.
28 Maintenant vous êtes devant les Juges de la Chambre, en tant que membre des
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1 forces armées belges, est-ce que vous dites qu'un commandant des forces
2 armées belges qui entend dire qu'un subordonné a fait quelque chose, qu'il
3 est condamné sur le fondement d'informations qu'il sait n'être pas
4 véridiques, est-ce que c'est informations dont dispose ce commandant belge,
5 est-ce qu'il va se présenter avec ces éléments, est-ce que vous vous
6 attendez à ce que ce commandant se présente avec ces éléments ou est-ce
7 qu'en Belgique les commandants belges restent en arrière, restent à la
8 maison et reste en possession des ces éléments d'information ?
9 R. Inutile d'élever la voix. Je ne pas ici aujourd'hui pour témoigner sur
10 les forces armées belges. Je suis ici aujourd'hui pour témoigner sur les
11 forces de la RSFY. Je crois qu'il serait utile de mentionner que le
12 règlement de 1998 sur la mise en œuvre des lois sur les conflits armés
13 indique que tout officier disposant d'informations pouvant être pertinents
14 eu égard à un crime doit s'assurer que les autorités compétentes ont cette
15 information. Bien évidemment si ceci n'arrive pas pendant la phase de
16 l'enquête, à ce moment-là il a le droit de le faire et à ce moment-là il
17 s'agit plutôt d'une question morale que d'une obligation juridique. Je n'ai
18 vu aucune référence à une obligation légale hormis la phase d'enquête. Mais
19 après, oui, la justice doit être rendue.
20 Q. Vous évitez ma question, donc je vais passer à ma question suivante
21 portant sur le jugement rendu par la Chambre de première instance, a adopté
22 un certain nombre de conclusions eu égard aux événements qui se sont
23 déroulés à Ovcara, y compris ce qui s'est passé au commandement du Groupe
24 opérationnel sud et le commandement de la 80e Brigade motorisée entre le 20
25 et le 24 novembre 1991. Je crois que vous avez examiné ces conclusions.
26 Voici ma question : sur le fondement de la doctrine le RSFY, qui d'après ce
27 que j'ai compris constitue l'essentiel de votre rapport, est-ce que vous
28 n'êtes pas d'accord ou est-ce que vous contestez l'une ou l'autre de ces
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1 conclusions ?
2 R. Ecoutez, je souhaite que vous me parliez d'une conclusion très
3 concrète.
4 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Ceci est une question beaucoup trop
5 générale. Il y a beaucoup de conclusions, et si vous souhaitez que le
6 témoin réponde, posez une question précise.
7 Et je vous conseille de réfléchir au temps qui vous est imparti de façon à
8 pouvoir couvrir tous les domaines dont vous avez besoin.
9 M. BOURGON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je
10 souhaite savoir s'il a une quelconque conclusion qu'il réfute. Il a vu les
11 éléments de preuve. Je souhaite savoir si sur la base de la doctrine il
12 réfute une quelconque conclusion. Je crois que ceci est très pertinent.
13 Est-ce que nous nous penchons sur un nouveau fait, y a-t-il des conclusions
14 qu'il conteste ?
15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Voyons comment il répond.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, le bureau du
17 Procureur ne m'a pas demandé d'examiner le jugement rendu par la Chambre de
18 première instance, donc je ne me suis pas penché dessus. Il y a peut-être
19 quelques éléments -- si vous me posez sous les yeux quelque chose de
20 concret, je pourrais peut-être me rendre utile, mais il faudrait que je me
21 prépare à cela.
22 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je pense néanmoins que si vous avez une
23 question précise à poser à propos d'une conclusion à laquelle est parvenue
24 la Chambre de première instance à propos de laquelle vous souhaitez
25 recueillir un commentaire, accord ou désaccord, veuillez poser une question
26 précise.
27 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais m'en
28 tenir à vos conseils.
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1 Q. Donc je souhaite vous poser quelques questions maintenant, et je vais
2 revenir à ce que vous avez dit pendant votre déposition avant que je ne
3 passe à une autre question. Pendant l'interrogatoire principal lorsque vous
4 avez témoigné, vous avez parlé à la page 21, lignes 15 à 22, vous avez
5 parlé de la différence qu'il y a entre un commandant -- non, il ne s'agit
6 pas différence. Vous avez dit : Dès que Panic -- dès que Mrksic est parti
7 ou a quitté le commandement de l'OG sud, le Groupe opérationnel sud, Panic
8 est devenu le commandant par intérim.
9 R. Cela n'est pas une supposition, c'est un fait. Vous avez utilisé
10 le terme "je suppose".
11 Q. Donc, je vais préciser cela. Avez-vous dit que Panic était le
12 commandant par intérim lorsque Mrksic a quitté la brigade ?
13 R. Et je le fais sur la base de deux documents. Il y a un ordre, l'ordre
14 de resubordination --
15 Q. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Vous n'êtes pas obligé
16 d'expliquer. Je vous demande simplement oui ou non.
17 R. Oui.
18 Q. Est-ce que Panic n'était pas d'accord avec ce que vous avez dit, à
19 savoir qu'il remplaçait Mrksic ce jour-là ?
20 R. Je ne me souviens pas. Je ne pense pas.
21 Q. Ce n'était pas important à vos yeux si Panic a accepté ou n'a pas
22 accepté de le remplacer ?
23 R. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je ne me souviens pas que Panic ait dit
24 qu'il n'était pas d'accord. Cela peut signifier deux choses : soit que ma
25 mémoire n'est pas très bonne soit qu'effectivement qu'il n'était pas
26 d'accord. Je ne pense pas qu'il n'était pas d'accord. Et s'il n'est pas
27 d'accord, à ce moment-là, cela pose problème, parce qu'il a signé un ordre,
28 qui est un ordre-clé, à 6 heures du matin, le 21, et il signe également --
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1 Q. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Ce sont des questions très
2 rapides que je vous pose.
3 Question suivante : lorsque Mrksic a quitté le commandement de l'OG sud le
4 21, à votre avis - répondez par oui ou par non, je n'ai pas besoin
5 d'explications - était-il toujours le commandant du Groupe opérationnel sud
6 ?
7 R. Eh bien, il n'y a pas de réponse courte à cette question-là parce que,
8 bien évidemment, il part en tant que commandant du Groupe opérationnel sud
9 à Belgrade, mais comme il est absent, il y a un commandant par intérim qui
10 remplit toutes les fonctions et obligations du commandant du Groupe
11 opérationnel.
12 Q. Donc, dites-vous dans votre témoignage - parce que c'est quelque chose
13 que vous avez abordé à la page 21, aux lignes 15 à 22. Je vais maintenant
14 vous présenter un scénario. Dites-moi simplement oui ou non, à moins que
15 vous ne vous sentiez obligé d'expliquer ceci davantage. Si Mrksic appelle
16 la brigade depuis Belgrade et qu'il s'entretient avec l'officier chargé des
17 opérations, est-ce que l'officier en question répondra, à votre avis :
18 Pardonnez-moi, Camarade Mrksic. Je ne peux pas parler aujourd'hui parce que
19 vous êtes à Belgrade et mon supérieur est Panic ? Est-ce votre avis sur la
20 question, oui ou non ?
21 R. Je peux vous répondre de façon très courte. Tout dépend pourquoi il
22 appelle.
23 Q. Merci. Je vais passer à autre chose.
24 R. S'il s'agit d'une question opérationnelle, s'il appelle l'officier
25 chargé des opérations, cela signifie qu'il ne peut pas joindre Panic et,
26 dans ce cas, l'officier en question aura le devoir de s'assurer que Panic
27 dispose de toutes les informations, informations portant sur les opérations
28 qu'il partage avec Mrksic avec l'officier chargé des opérations.
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1 Q. Ceci n'est pas ma question. Est-ce que l'officier chargé des opérations
2 va refuser de lui parler et se conformer aux instructions qui lui ont été
3 données par Mrksic, oui ou non ?
4 R. Je ne comprends pas pourquoi Mrksic s'adresserait-il à l'officier en
5 question pour ce qui est des questions opérationnelles alors que nous
6 savons que le chef d'état-major est en fait le commandant par intérim.
7 Q. Encore une fois, vous éludez ma question. Je vais passer à la question
8 suivante. Je souhaite maintenant évoquer votre rapport, et je souhaite vous
9 poser quelques questions à propos de votre curriculum vitae. Corrigez-moi
10 si je me trompe.
11 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître Bourgon, et si l'appel
12 téléphonique de Mrksic disait comme ceci : Je vous suggère, d'après mon
13 expérience, que telle et telle chose devraient être faites, comment
14 réagiriez-vous à cela ?
15 M. BOURGON : [interprétation] J'espérais que l'expert réponde de cette
16 façon. Si le commandant appelle, est-ce que l'officier chargé des
17 opérations va répondre en disant : Vous n'êtes pas là, j'ai mon commandant,
18 je ne peux pas vous parler, et est-ce que -- telle est ma position, oui.
19 C'est la question que j'ai posée.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Pardonnez-moi, mais telle n'est pas ma
21 réponse.
22 Mme BRADY : [interprétation] Peut-être qu'on pourrait permettre à M.
23 Theunens de répondre à la question. Je crois qu'on lui coupe la parole.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez été dans l'armée. Cela n'aurait pas
25 de sens si l'officier chargé des opérations dit à Mrksic : Désolé, je ne
26 peux pas vous parler. Cela n'a pas de sens.
27 M. BOURGON : [interprétation]
28 Q. Merci.
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1 R. Ceci ne peut pas être dit dans une seule phrase. L'officier chargé des
2 opérations ne va pas tenir Panic complètement, comment le dire, ne va pas
3 informer Panic de tout ce que lui dit Mrksic. L'officier chargé des
4 opérations a le devoir de s'assurer qu'il vient en aide à Panic et qu'il
5 permet à ce dernier d'avoir une connaissance de la situation. Il se peut
6 que Mrksic appelle l'officier chargé des opérations, qui n'a aucune
7 responsabilité de commandement, et qu'il s'adressera directement à Panic.
8 Q. Je vais vous faciliter la question. Mrksic appelle et dit qu'il
9 souhaite parler à Panic.
10 R. A Panic, oui.
11 Q. Et est-ce qu'il lui donne un ordre.
12 R. Normalement, non.
13 Q. Je vais passer à la question suivante.
14 Alors, compte tenu de votre CV que j'ai lu, vous n'avez pas d'expérience au
15 niveau de la guerre, vous n'avez jamais été engagé dans une guerre.
16 M. LE JUGE MERON : [interprétation] S'il avait exécuté l'ordre, est-ce que
17 ceci est conforme à votre théorie de l'unicité du commandement ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela est possible, mais Mrksic parle seulement
19 avec Panic. Il se peut que Mrksic, puisqu'il était à Belgrade, a reçu une
20 instruction, par exemple du commandement du 1er District militaire, qui est
21 là, et ensuite, Mrksic ne va pas donner d'ordre au commandant ou des unités
22 subordonnées de l'OG sud. Il va s'entretenir avec Panic parce que Panic est
23 le commandant sur le terrain. Ensuite, ce sera Panic qui donnera des ordres
24 sur la base, encore une fois, des plans et de l'assistance fournie par son
25 état-major aux unités, mais Mrksic ne va pas l'appeler directement au
26 commandement de la 80e Brigade. Cela transitera par Panic parce que Panic
27 est le commandant.
28 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Le Juge Pocar a une question.
Page 183
1 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] C'est que je souhaite que tout ceci
2 soit clair. A supposer que Mrksic appelle l'unité directement plutôt que de
3 s'adresser à Panic, tout simplement parce qu'il ne trouve pas le commandant
4 Panic, qu'il n'arrive pas à le joindre, et qu'il dispose du numéro de
5 téléphone de l'autre, quelle que soit la question, et qu'il donne l'ordre,
6 est-ce que vous pensez que le commandant de l'unité n'exécutera pas l'ordre
7 sans vérifier au préalable ou sans transmettre cette information à Panic et
8 que Panic confirme l'ordre ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait, Madame, Messieurs les Juges,
10 parce que Panic est le commandant sur le terrain.
11 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.
12 M. BOURGON : [interprétation] Merci beaucoup. Ceci est fort utile.
13 Q. Je vais maintenant passer à votre curriculum vitae. Je vous posais une
14 question.
15 Alors, compte tenu de votre CV - répondez par oui ou par non - vous n'avez
16 jamais participé vous-même ou été engagé vous-même dans une quelconque
17 guerre ?
18 R. Je n'ai occupé aucune position de commandement pendant la guerre.
19 Q. Et vous n'étiez pas non plus à l'état-major pendant la guerre ou dans
20 une unité impliquée en tant que partie à un conflit ?
21 R. Eh bien, les Nations Unies n'ont pas participé à la guerre, cela est
22 évident. Les forces belges n'étaient pas impliquées dans la guerre au
23 moment où j'en faisais partie.
24 Q. Et votre expérience au niveau du commandement se limite au moment où,
25 au début de votre carrière, vous étiez commandant d'une section de chars
26 qui comporte quatre chars; c'est exact ?
27 R. C'est exact. Et j'étais également commandant par intérim en exercice
28 d'une compagnie qui comporte 13 chars.
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1 Q. Et si je devais vous décrire en termes militaires, vous, en termes
2 militaires, vos collègues diraient que vous étiez un officier des
3 renseignements; c'est exact ?
4 R. Eh bien, je suis un analyste en matière de renseignements, parce qu'un
5 officier, un agent d'information peut être un bon nombre de choses. C'est
6 quelqu'un qui collecte des informations, et un analyste chargé des
7 renseignements me paraît être une bonne définition.
8 Q. Je suis d'accord avec vous. En fait, c'est ce terme-là que j'aurais dû
9 utiliser, analyste. Vous-même, vous n'avez jamais travaillé au quartier
10 général de la brigade des opérations; c'est exact ?
11 R. Ceci n'est pas exact, parce que -- deux choses que je souhaite vous
12 dire. J'ai été officier de liaison entre deux brigades faisant des
13 exercices avec les forces armées belges. J'ai regardé de très près le
14 fonctionnement des brigades de l'OTAN et également, j'ai eu une formation
15 en Belgique pendant un an au niveau de la brigade. Et au moment où j'ai
16 travaillé ici, j'ai vu passer bon nombre de documents, de règlements, de
17 rapports opérationnels et d'ordres, et j'ai également eu le privilège
18 d'interviewer des officiers de haut rang de la Brigade motorisée et des
19 témoins de la Défense, et donc, j'ai été capable de tirer des conclusions
20 analytiques sur le fonctionnement de la Brigade des Gardes à Vukovar.
21 Q. Ceci n'est pas ma question. Vous n'avez jamais travaillé au sein du
22 quartier général d'une brigade ?
23 R. Oui. J'étais officier de liaison.
24 Q. Non. Un officier de liaison n'est pas dans une brigade.
25 R. Désolé.
26 Q. Pardonnez-moi, avez-vous jamais été G2 ?
27 R. Non.
28 Q. Merci. Maintenant--
Page 185
1 R. Un officier de liaison transmet les informations d'un commandant
2 de brigade à un autre commandant de brigade, donc c'est toujours un membre
3 de l'état-major.
4 Q. Merci. Vous n'avez jamais été chef d'état-major, n'est-ce pas ?
5 R. Non.
6 Q. Passons maintenant à la méthodologie employée pour votre rapport, et
7 j'aimerais reprendre les propos que vous avez tenus en réponse à M. le Juge
8 Guney, page 31, lignes 14 à 19 :
9 "Ce que j'ai essayé de faire c'est d'étudier le témoignage de M. Panic, et
10 je l'ai comparé avec la doctrine des forces armées de la RSFY ou de la
11 doctrine militaire de la JNA, et j'ai comparé cela avec les autres éléments
12 de preuve présentés en l'espèce ainsi que le jugement en première instance
13 et le jugement en appel, et c'est ainsi que j'en suis arrivé à mes
14 conclusions."
15 C'est votre déclaration, n'est-ce pas, c'est ce que vous avez dit, page 31,
16 lignes 14 à 19 du compte rendu d'aujourd'hui -- lignes 13 à 14. J'aimerais
17 bien que vous nous confirmiez que c'est ce que vous avez fait en l'espèce,
18 que vous avez essayé de faire, n'est-ce pas ?
19 R. Oui, c'est la façon dont j'ai mis en œuvre la méthodologie.
20 Q. Merci.
21 R. Pour clarifier un peu les choses, parce que l'anglais n'est pas ma
22 langue maternelle, donc j'ai mis en œuvre la méthodologie portant sur le
23 renseignement dont j'ai déjà parlé. J'ai appliqué en fait cette
24 méthodologie aux informations dont je disposais.
25 Q. Bien. Reprenons sur la méthodologie les références que vous avez faites
26 à ce propos. Vous avez utilisé un grand nombre de documents, y compris la
27 pièce 578, qui a été versée au dossier, n'est-ce pas ?
28 R. Oui.
Page 186
1 Q. Il s'agit d'un rapport qui fait environ 300 pages et qui traite des
2 concepts et des principes trouvés dans la doctrine dont vous nous parlez
3 aujourd'hui ?
4 R. Entre autres, oui.
5 Q. Ce rapport a été préparé pour l'affaire Mrksic, Sljivancanin, Radic ?
6 R. Oui.
7 Q. Et quand j'ai étudié les notes de bas de pages de ce rapport, je vois,
8 par exemple, qu'il y a la Loi portant sur la Défense populaire généralisée,
9 pièce 392; manuel pour le fonctionnement du commandant et des états-majors,
10 pièce 393; ensuite le manuel de la JNA sur le contrôle et le commandement,
11 pièce 394; règlements des brigades de la JNA, c'est le 395; règlements sur
12 l'application des règles du droit international, pièce 396; et le manuel du
13 Bataillon de la JNA, pièce 397. Donc si j'ai bien compris, votre rapport
14 pour cette audience de réexamen se base sur les mêmes sources de doctrine ?
15 R. Oui. Enfin, vous avez énuméré les pièces essentielles.
16 Q. Et desquelles n'ai-je pas parlé ?
17 R. Je ne les connais pas toutes par cœur, je ne me souviens pas très bien.
18 Mais je sais que certains documents ont été présentés par l'Accusation. Je
19 n'ai pas uniquement étudié la doctrine, mais aussi la façon dont la Brigade
20 motorisée des Gardes mettait en œuvre la doctrine, et ce qui fait que j'ai
21 étudié tous les ordres et les rapports de combat du point de vue de la
22 doctrine.
23 Q. Donc, tout est compris dans votre rapport à la pièce 578, n'est-ce pas,
24 ou y a-t-il des choses qui ne sont pas comprises dans ce rapport du point
25 de vue de la doctrine ?
26 R. Non, je ne pense pas.
27 Q. Donc on peut en conclure que ces sources qui ont été utilisées pour
28 écrire votre rapport ont été versées au dossier dans le procès, et donc
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1 étaient disponibles pour les Juges lorsqu'ils ont rendu leur jugement en
2 l'espèce, n'est-ce pas ?
3 R. Ecoutez, Monsieur Bourgon, ce n'est pas à moi de dire comment les Juges
4 en sont arrivés à leurs conclusions.
5 Q. Certes. Mais vous conviendrez avec moi que vous avez quand même
6 témoigné en l'espèce ?
7 R. Oui, tout à fait.
8 Q. Et vous avez expliqué les concepts que vous avez élaborés dans votre
9 rapport dans cette pièce 578 ?
10 R. Certes, oui. Mais petite différence, je n'ai pas vraiment parlé du rôle
11 du chef d'état-major. Et lorsque l'on compare mon rapport, donc la pièce
12 578, avec le rapport que vous avez sous les yeux maintenant, dans celui-ci,
13 j'ai essayé vraiment de me concentrer sur les fonctions et les obligations
14 du chef d'état-major d'après la doctrine des forces d'état-major de la
15 RSFY. Donc je pense qu'il est bon de le dire, parce qu'il y a quand même
16 400 pages de règlements. Mais je ne pense pas que quelqu'un va lire la
17 totalité de ces pages.
18 Q. Vous avez été appelé ici pour en parler aux Juges.
19 R. Je ne suis pas -- ce n'est pas moi qui ai décidé de venir parlé, on ma
20 cité à la barre.
21 Q. Oui, mais enfin -- bon. Dans votre rapport, vous avez essayé d'analyser
22 les agissements et la conduite de Panic, mais au vu de la doctrine ?
23 R. Oui. Oui, c'est ce qu'on m'a demandé de faire, c'est ce que le bureau
24 du Procureur m'a demandé de faire.
25 Q. Donc on vous a demandé de voir si ces agissements correspondaient ou ne
26 correspondaient pas à la doctrine ?
27 R. Oui, pas uniquement avec la doctrine mais aussi les rapports de combat
28 réguliers de l'OG sud et les ordonnances donc qui montrent un peu comment
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1 la doctrine est mise en œuvre, parce que la doctrine c'est une chose mais
2 il faut la comparer avec sa mise en pratique, et s'il y a des différences
3 il faut essayer de comprendre pourquoi il y a des différences, parce qu'il
4 y a des raisons qui expliquent ces différences. Et ce que j'ai remarqué,
5 c'est que dans le témoignage de M. Panic, lors de son témoignage -- je ne
6 veux pas monopoliser la parole, mais j'ai participé en fait à son entretien
7 en tant que témoin, donc son récolement. Or, j'ai remarqué quand même qu'il
8 était extrêmement cohérent lorsqu'il parlait de la doctrine et de la mise
9 en pratique de la doctrine. Or, lorsqu'il a témoigné dans le cadre de cette
10 audience en réexamen, là il était beaucoup moins cohérent. Il y avait des
11 différences.
12 Q. Bien. Donc vous dites donc que Panic a été interviewé par l'Accusation
13 avant de venir témoigner, et vous étiez là, n'est-ce pas ?
14 R. Oui. Oui, enfin à l'époque on ne savait pas s'il allait témoigner pour
15 la Défense ou pour l'Accusation, voire s'il allait être cité. On ne savait
16 pas vraiment au départ quel allait être son rôle.
17 Q. Bien. Mais vous dites que vous avez analysé les rapports de combat,
18 donc ils font partie des éléments de preuve. Vous avez aussi analysé la
19 doctrine et les constatations aussi, et vous tâchez de voir si ce qui est
20 fait en pratique correspond à la doctrine, et si cela ne correspond pas,
21 vous dites que c'est assez inhabituel ou invraisemblable. C'est la façon
22 dont vous avez procédé ?
23 R. Non, pas du tout. J'ai utilisé le cycle du renseignement, le
24 "intelligent cycle" en anglais. Donc voici comment on procède, d'abord, on
25 étudie les informations, on vérifie quelles sont la fiabilité des sources
26 et la crédibilité des sources, on évalue donc les sources que l'on a au
27 départ.
28 Q. C'est ce que vous avez fait là ?
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1 R. Non. Je vous explique un peu la méthodologie. Donc d'abord, on
2 recueille les informations. J'ai reçu des questions de l'Accusation, par
3 exemple, je recherche des documents, je regarde un peu quels sont les
4 éléments pertinents des témoignages qui pourraient concerner cela. J'essaie
5 de voir aussi dans mon rapport quels sont les chapitres pertinents. Je vois
6 que je n'ai pas assez parlé, par exemple, du rôle du chef d'état-major,
7 donc j'ai dit, dans ce cas-là il faut que je revienne aux règlements. J'ai
8 dû évaluer les règlements en tant que source fiable, j'ai trouvé que oui
9 puisque en fait j'ai participé à un grand nombre d'interviews, et j'ai bien
10 vu que ces officiers haut gradés confirmaient qu'il s'agissait de
11 règlements qui étaient bel et bien mis en œuvre et qui devaient être mis en
12 œuvre. J'en arrive ensuite au traitement de l'information, donc je confirme
13 les informations que je viens d'avoir avec les éléments existant
14 auparavant.
15 Q. C'est ainsi que vous avez comparé les deux et vous en avez tiré les
16 conclusions ?
17 R. Oui.
18 Q. Et donc, d'après vous, lorsque les nouveaux témoignages étaient contre
19 la doctrine, d'après vous, c'était plutôt invraisemblable ou très
20 inhabituel ?
21 R. Désolé, mais vous essayez toujours de vous limiter les choses à la
22 doctrine, mais moi je parle de la doctrine, c'est vrai, mais ensuite
23 j'essaie de voir comment la doctrine a été mise en œuvre par l'OG sud, donc
24 là j'étudie les rapports de combat, par exemple, et tous ces documents. Et
25 ensuite je compare cela avec mon expérience militaire propre que j'ai
26 acquise au cours de la vie, et même aujourd'hui je suis encore en train
27 d'acquérir de l'expérience, parce que la FINUL c'est encore une mission
28 compliquée, j'étudie ces trois éléments-clés et je tire mes conclusions.
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1 Q. Bon. Vous connaissez quelles sont les constatations de la Chambre de
2 première instance en ce qui concerne l'application de la doctrine. Vous
3 savez quelles sont ces constatations, n'est-ce pas, portant sur
4 l'application de la doctrine. Si vous ne les connaissez pas, je vais vous
5 en faire part.
6 R. Faites.
7 Q. Par exemple, commençons par le début, création de l'OG sud ?
8 R. Hm-hm.
9 Q. La Chambre de première instance, au paragraphe 69, page 24 du jugement,
10 a conclu la chose suivante : la création du GO sud s'est faite comme
11 expédiant, du fait qu'il fallait gérer une situation qui n'avait pas été
12 anticipée par les règles qui devaient appliquer normalement, c'est-à-dire
13 par l'effondrement interne du RSFY, et que le Groupe opérationnel sud ne
14 respectait pas parfaitement la structure formelle qu'il aurait dû avoir.
15 Vous êtes d'accord avec la Chambre de première instance ?
16 R. Oui.
17 Q. Maintenant, autre constatation de la Chambre de première instance, au
18 paragraphe 285, je tiens à savoir si vous êtes d'accord avec cette
19 constatation :
20 "La Chambre de première instance n'est pas en mesure d'accepter que
21 les procédures normales de la JNA étaient observées de façon permanente ou
22 de façon aussi intense que la Défense de Sljivancanin semblait le dire. En
23 fait, il semblerait que très souvent il y a eu de fréquentes entorses aux
24 règles et procédures normales de la JNA sur des sujets aussi variés que la
25 création du GO sud et sa structure."
26 M. LE JUGE MERON : [interprétation] C'est au paragraphe 285 ? Pouvez-vous
27 nous dire où c'est exactement ?
28 M. BOURGON : [interprétation] Oui, paragraphe 285.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne comprends pas la phrase telle qu'elle a
2 été notée. Je vois la fin, mais je ne comprends pas --
3 M. BOURGON : [interprétation]
4 Q. Je vais le relire, de toute façon. Les Juges me donneront du temps
5 supplémentaire si j'en ai besoin. Mais je préfère vous relire tout cela
6 correctement.
7 "La Chambre ne peut admettre que ces procédures aient toujours été suivies
8 ou considérées comme obligatoires."
9 Vous êtes d'accord avec moi, n'est-ce pas, parce que vous aussi, vous
10 considérez que vous n'êtes pas -- ou, vous n'êtes pas d'accord avec cette
11 constatation ?
12 R. [aucune interprétation]
13 Q. Vous êtes d'accord avec cette constatation ?
14 R. Je n'ai pas analysé le jugement, mais je ne conteste pas ce que vous
15 venez de dire. On ne m'a pas demandé d'analyser de jugement, cela dit.
16 Q. J'ai bien compris, mais vous avez quand même étudié le jugement au
17 départ, c'est ce que vous avez dit.
18 R. Je l'ai étudié, j'en ai pris connaissance, mais je ne l'ai pas analysé.
19 Je l'ai utilisé comme source d'information.
20 Q. Oui ou non, avez-vous étudié un certain nombre de constatations
21 trouvées dans le jugement de première instance que vous auriez incluses
22 dans votre rapport ?
23 R. Oui, en fait, c'est plutôt une façon -- tout peut être interprété. Je
24 n'ai pas analysé le jugement en tant que tel. J'ai pris connaissance du
25 jugement, et pour ce qui n'était pas clair, je suis revenu au jugement.
26 Donc il y a peut-être des doutes quant à la conception même, la façon dont
27 l'OG sud a été créé, c'est vrai. La situation était compliquée, c'est vrai.
28 Mais j'ai travaillé très longtemps sur cette affaire, mais je ne pense pas
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1 qu'il y avait vraiment une conduite délibérée où l'on entravait -- où il y
2 avait toujours entorse au règlement. Absolument pas. Il y avait --
3 Q. Donc vous n'êtes pas d'accord avec les constatations de la Chambre de
4 première instance. Je vais continuer à vous les lire :
5 "Les faits de l'espèce "--
6 M. BOURGON : [interprétation] Je vois ma collègue qui est debout.
7 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame Brady.
8 Mme BRADY : [interprétation] Nous sommes parfaitement d'accord avec le fait
9 que Me Bourgon présente ceci au témoin, mais il faut quand même lui montrer
10 tout le paragraphe, puisqu'il s'agit en fait d'un préliminaire de la
11 Chambre de première instance qui présente son raisonnement et qui dit
12 pourquoi elle n'est pas prête à trouver quelque chose au-delà de tout doute
13 raisonnable et à donner à M. Sljivancanin le bénéfice du doute, si je puis
14 dire, en ce qui concerne la transmission de l'ordre. Donc je pense que M.
15 Bourgon devrait nous donner la totalité du paragraphe et non pas nous
16 présenter uniquement un passage.
17 M. BOURGON : [interprétation] Je ne suis pas d'accord, et je vais
18 d'ailleurs poursuivre ma lecture.
19 Q. Voici, donc il s'agit, à mon avis, d'un passage qui peut être pris de
20 façon isolée :
21 "Les faits de l'espèce" - donc on parle ici de l'espèce, de l'espèce,
22 de l'affaire Mrksic, Sljivancanin, Radic - "font apparaître à tous les
23 échelons de fréquentes entorses aux règles et aux procédures normales de la
24 JNA sur des sujets aussi variés que la création du GO sud et de sa
25 structure ou le passage par la voie hiérarchique."
26 Etes-vous d'accord avec ces constatations de la Chambre d'instance, oui ou
27 non ?
28 R. Je vais répéter ma réponse. C'est une affirmation très générale que
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1 vous avez là, du point de vue analytique. Si on me demandait d'analyser ce
2 passage et de donner mon opinion, j'aimerais voir des exemples. Et sur la
3 base des exemples, je verrai. Jusqu'à présent vous m'avez donné un seul
4 exemple, la création de l'OG sud, et là je suis d'accord, certes. Mais à
5 mon avis, ce n'est pas essentiel. Et je tiens à vous dire que les éléments
6 de preuve que j'ai étudiés, tous les documents que j'ai entendus, et ce que
7 j'ai entendu, les propos des témoins semblent indiquer qu'il n'y avait pas
8 d'infraction au principe du commandement et du contrôle, c'est-à-dire
9 autorité unique, ce n'est jamais arrivé.
10 Q. Très bien. Je passe à autre chose. Deux points qui sont à votre
11 rapport, et je vais commencer par la première question, la question numéro
12 1 que l'on trouvera à la page 3. Lors de l'audience en révision, Panic a
13 dit qu'aucun commandant n'est tenu d'informer tous ses subordonnés des
14 ordres qu'il donne. Panic a aussi répondu la chose suivante, il a répondu
15 par l'affirmative à ce que le Juge Meron lui avait demandé : il n'est donc
16 pas impossible que Mrksic aurait donné l'ordre directement à la 80e
17 Brigade, sans mettre son propre chef d'état-major au courant. Il a répondu
18 par l'affirmative à cela.
19 Or, je n'ai pas trouvé de réponse bien claire dans votre réponse,
20 mais je ne veux pas en parler aujourd'hui.
21 R. Non, vous ne pouvez pas dire ça, parce que j'ai employé, au paragraphe
22 8, les mots : il aurait pu l'informer a posteriori. Donc là, je laisse la
23 porte ouverte. Il aurait pu lui en parler. Mais ensuite, je parle de
24 l'effet de l'ordre, et s'il ne -- il ne peut pas -- pas ne pas l'avoir fait
25 à l'avance, parce qu'il est vrai que Mrksic a besoin d'avoir des
26 informations de la part de ses équipes avant de donner son ordre. Ce n'est
27 pas comme si vous lui demandez de déplacer un camion de 20 mètres,
28 absolument pas. Donc ici, on parle d'une chose sérieuse, quand même. A mon
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1 avis, s'il avait quand même donné cet ordre sans en informer Panic, ensuite
2 ce serait inhabituel qu'il n'en informe pas Panic a posteriori.
3 Q. Passons à autre chose. Dans votre rapport, vous dites qu'il est
4 impossible que Mrksic l'ait fait soit en ayant été averti à l'avance ou
5 plus tard.
6 R. Oui, on parle ici d'êtres humains, quand même. Pourquoi est-ce qu'on
7 donne des ordres ? Pour que ces ordres soient faits. Et ensuite l'action
8 est visible. Donc on voit qu'il se passe quelque chose. Il y a un effet
9 immédiat à un ordre, et tout le monde est au courant. Donc Mrksic pouvait
10 dire ce qu'il voulait à Vojnovic, mais pour quoi faire ? Puisque tout le
11 monde le saurait ensuite, en contredisant donc complètement ce que Panic a
12 essayé de nous faire croire lors de son témoignage dans l'audience en
13 révision, ce qui était que personne n'était au courant de quoi que ce soit.
14 Q. Bien. Passons à autre chose, un exemple pratique. Parce que l'essence
15 du problème ici, même si on n'en a pas parlé dans le cadre de
16 l'interrogatoire principal, c'est au paragraphe 14 de votre document, page
17 7, vous dites dans ce paragraphe, paragraphe 14, page 7, que le témoignage
18 de Panic, selon lequel il n'était pas au courant de l'ordre donné par
19 Mrksic, ne correspond pas à la doctrine des forces armées de la RSFY. Vous
20 l'avez bien dit, n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Bien. Voici ce que j'aimerais que nous fassions. J'aimerais vous donner
23 des raisons pour lesquelles Mrksic -- quelles auraient été les raisons que
24 Mrksic aurait pu avoir de le faire sans en informer Panic, et dites-moi
25 ensuite si c'est complètement inacceptable ou si c'est vaguement
26 vraisemblable. Commençons cet exercice.
27 La Chambre de première instance, paragraphe 621, a dit que :
28 "Lorsque Mrksic avait donné l'ordre de retrait des gardes de la JNA, il
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1 savait très bien, que du coup, c'était la TO et les unités paramilitaires
2 qui auraient accès, un accès illimité aux prisonniers, et qu'ainsi il a eu
3 pour effet d'avoir la possibilité de commettre des meurtres, il a donc
4 facilité les meurtres qui s'en sont suivi."
5 Donc ce que cela signifie, c'est que lorsque Mrksic a donné cet ordre de
6 retrait, il savait qu'il commettait un crime, il le savait ?
7 R. Le fait qu'il y ait l'absence de gardes de la brigade motorisée ou
8 d'équipe d'OG sud pour garder les prisonniers pouvait très bien résulter
9 par des crimes, c'est vrai.
10 Q. Donc c'est certain ou pas, d'après vous. La Chambre de première
11 instance semble dire que oui. Qu'en pensez-vous ?
12 R. Non, non je parle du point de vue militaire. Mrksic a obtenu des
13 informations et le commandants d'OG sud était au courant, et le chef
14 d'état-major aussi, puisqu'il était là le 20 dans l'après-midi. Il a
15 témoigné, il en a informé Mrksic. Il savait que quelque chose pouvait
16 arriver. Moi je ne parle pas du jugement, je parle juste du manuel
17 militaire.
18 Q. Oui c'est important, vous dites que Panic est au courant quand même et
19 que Mrksic aussi est au courant. Donc il y a quand même une grande
20 différence. Mrksic retire la police militaire, donc il sait que ça va
21 aboutir à un crime, il le sait. Vous êtes d'accord avec moi ?
22 R. Du point de vue de la doctrine, sur la base des informations qu'il
23 avait, oui, oui, ça pouvait très bien aboutir à un crime, et d'en être
24 responsable, parce qu'il avait le devoir de prévoir les choses.
25 Q. Oui, maintenant qu'il l'a fait, j'aimerais savoir si vous êtes d'accord
26 avec moi pour, lorsqu'il l'a fait, il le savait ? Il savait ce qu'il
27 faisait.
28 R. Je ne vais pas désavouer les constations de la Chambre de première
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1 instance.
2 Q. Bien. Maintenant, vous dites, en ce qui concerne votre interprétation
3 de la doctrine de la RSFY, c'est votre interprétation je tiens à le dire,
4 je n'ai jamais trouvé le terme doctrine des forces armées de la RFSY dans
5 aucune des sources que vous avez étudiées.
6 R. Oui, mais la doctrine c'est un concept, c'est un ensemble de règlements
7 sur lesquels on base la conduite militaire. Donc les forces armées, c'est
8 une entité en tant que telle. Je ne sais pas quand est-ce qu'elles ont été
9 crées, mais je crois qu'on explique à quel moment elles ont changé de nom.
10 Q. Donc, pour vous, la doctrine c'est un concept qui est tiré de toutes
11 sortes de manuels, et vous assemblez tout ça et vous en faites la doctrine.
12 R. Ce n'est pas moi qui assemble tout ça. Je pense que les hauts gradés de
13 la JNA nous ont aussi dit : Voilà ce qui est la doctrine. Voici la
14 doctrine. Et ils font référence, quand ils parlent de doctrine, de toutes
15 sortes de règlements.
16 Q. Oui, mais dans la doctrine, dans cette fameuse doctrine, peut-on
17 trouver un passage qui dirait que lorsqu'un commandant va commettre un
18 crime, il doit en informer son chef d'état-major ?
19 R. Non, je ne comprends pas, non, revenons-en à l'essentiel.
20 Q. Mais la question est simple. Est-ce que quelque part dans les
21 règlements il y a une règle qui dit : Si je vais commettre un crime, je
22 dois en informer mon chef d'état-major, si tant est que je sois commandant.
23 C'est simple. Répondez par oui ou par non. Trouvez ça dans votre règlement.
24 R. Non, mais ça n'a aucun sens, ça n'a aucun sens militairement.
25 Q. Très bien. Je vais passer à ma question suivante.
26 R. Oui, j'aimerais rajouter une chose. Un ordre, ce n'est pas quelque
27 chose qui est seul, comme ça, non. On donne un ordre pour qu'une action
28 soit exécutée par la suite. L'action ici c'est le retrait de la police
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1 militaire. Ovcara, était quoi, à 10 kilomètres de là.
2 Q. Oui, mais là on voit que c'est un crime.
3 R. L'ordre va aboutir à un crime.
4 Q. D'après vous, on doit être d'accord avec ça. Cet ordre va-t-il aboutir
5 à un crime, oui ou non ? C'est important, vous dites que militairement, ça
6 n'a aucun sens.
7 R. Non mais je n'ai pas dit que -- c'est la question qui n'a aucun sens,
8 ce n'est pas l'ordre qui n'a aucun sens.
9 Q. Oui, mais enfin, je voulais savoir si vous êtes d'accord avec moi, que
10 Mrksic savait qu'il allait commettre un crime ? C'est ce qu'a dit la
11 Chambre de première instance.
12 R. Je suis parfaitement d'accord avec la Chambre.
13 Q. Donc j'aimerais savoir où est le règlement qui dit que lorsqu'un
14 commandant va commettre un crime, il doit en informer son chef d'état-
15 major, y a-t-il un document qui va dans ce sens ?
16 R. Non, mais je ne peux pas répondre à votre question comme ça, parce que
17 je ne comprends pas votre question lorsque je l'ai étudiée à la lumière de
18 la doctrine.
19 Q. Passons à autre chose. Je suis sûr que la Chambre de première instance,
20 elle, saura trouver ce qu'il en est -- non la Chambre d'appel d'ailleurs,
21 je m'excuse.
22 Donc voyons aux constatations établies par la Chambre de première instance.
23 Vous êtes d'accord avec moi pour dire que Mrksic n'a pas donné l'ordre de
24 retrait des forces au cours du briefing, il n'en a pas parlé au cours du
25 briefing ?
26 R. Oui, je crois que c'est dans le jugement.
27 Q. Oui, mais votre conclusion est laquelle ? Il en a parlé lors du
28 briefing quotidien, oui ou non ?
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1 R. Je ne me suis pas penché sur la question.
2 Q. Ce serait quand même important à savoir si ça a été mentionné ou non,
3 parce que l'une de vos conclusions, c'est que Panic aurait dû justement en
4 parler lors du briefing quotidien. Alors, vous ne vous êtes pas penché là-
5 dessus pour savoir si le commandant en avait parlé ?
6 R. Absolument pas. Ce que j'ai dit, c'est que Panic avait témoigné qu'il
7 en avait informé le commandant Mrksic de ce qu'il avait vu à Ovcara, et il
8 a demandé à Mrksic de prendre des mesures.
9 Q. Ça va un peu plus lent, mais plus loin, on est déjà plus loin.
10 R. Oui. Mais lorsque j'ai dit que Panic aurait dû en parler lors du
11 briefing, je me serais attendu à ce que -- au briefing tout le monde est
12 là, tout le monde est là, tous les gens d'Ovcara, ils sont là aussi, il y a
13 Vojnovic, tout le monde est là. Donc je pensais que Panic allait vérifié
14 avec eux en coordination avec Mrksic, bien sûr, savoir, lui demander : Mais
15 qu'est-ce qui se passe maintenant ? Parce que deux ou trois heures se sont
16 écoulées.
17 Q. Mais donc vous vous attendiez à ce qu'un commandant ait parlé de cet
18 ordre lors du briefing, n'est-ce pas ?
19 R. Si l'ordre avait déjà été donné, il aurait dû être mentionné, je ne
20 sais plus très bien à quelle heure il a été donné. Je crois que les gens en
21 ont été informés un peu plus tard.
22 Q. Oui, mais en tout cas, on n'en a pas parlé lors du briefing, ça c'est
23 sûr ?
24 R. Oui.
25 Q. Bien. On met ça de côté. Donc vous êtes d'accord avec moi pour dire que
26 Panic n'a pas pu apprendre que cet ordre existait lors du briefing ? Là on
27 est d'accord là.
28 R. Tout à fait.
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1 Q. Allons un peu plus loin. Vous dites -- le fait que Mrksic ne l'ait pas
2 mentionné c'est une infraction à la doctrine puisque normalement il est
3 censé en faire part à ses équipes ?
4 R. Tout dépend à quel moment il donne l'ordre. S'il décide de donner
5 l'ordre après la réunion, bien sûr, il ne peut pas le mentionné pendant la
6 réunion. S'il a décidé de donner l'ordre et qu'il a donné l'ordre avant la
7 réunion, dans ce cas-là il aurait dû en effet en faire part à ses équipes.
8 Q. Il aurait dû en faire part à ses équipes, et s'il ne le fait pas, il
9 enfreint la doctrine ?
10 R. Je vous dis que tout dépend de la chronologie, du moment où l'ordre a
11 été donné.
12 Q. Nous sommes dans une zone floue ?
13 R. Ce n'est pas du tout floue, non, non. Parce que je n'ai pas le jugement
14 sous les yeux, je ne me souviens pas très bien du moment où Mrksic a donné
15 l'ordre de retirer la police militaire. J'essaie un peu de vous donner une
16 réponse claire.
17 Q. Eh bien, pour vous aider, je peux vous dire que cet ordre a été donné
18 un petit peu avant ou un petit après le briefing quotidien. Ça vous aide ?
19 R. Non, si c'est avant le briefing, il aurait dû en parler. Si c'est après
20 le briefing, il aurait dû leur faire part d'une façon ou d'une autre. Mais
21 si c'est après le briefing, il ne peut pas lui en parler pendant le
22 briefing.
23 Mme BRADY : [interprétation] Pourriez-vous nous donner, s'il vous plaît, la
24 référence sur cette constatation dans le jugement.
25 Q. Sur avant, après ou pendant ?
26 M. BOURGON : [interprétation] Je le recherche, et je vous donne la
27 référence tout de suite. C'est dans le jugement de toute façon. Mais je
28 manque de temps, vous savez. Bien, je poursuis.
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1 Q. Nous savons donc, au vu des faits, que Mrksic a rencontré Vojnovic, il
2 n'a donné cet ordre qu'à Vojnovic à ce moment-là ? Vous le savez, n'est-ce
3 pas ?
4 R. Oui, je crois que Vukosaljevic aussi est plus ou moins dans la boucle.
5 Il est aux alentours. Mais attention, il ne faut pas penser uniquement en
6 noir et blanc. Si on sait qu'il a donné l'ordre, qu'il en a parlé à
7 quelqu'un, parce qu'il se peut qu'il n'en ait pas parlé à quelqu'un
8 d'autre.
9 Q. Ecoutez, il s'agit quand même de droit pénal. On a des constatations
10 dans un jugement établi. Moi, je ne veux pas non plus contester quoi que ce
11 soit.
12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Bourgon, si je me souviens
13 bien, le lieutenant-colonel Panic a déclaré à plusieurs reprises lors de
14 son témoignage - et vous le trouverez d'ailleurs dans les pièces qui nous
15 ont été présentées - qu'il aurait été très surprenant et totalement
16 exceptionnel que Mrksic ne lui fasse pas part de cet ordre à un moment ou à
17 un autre.
18 M. BOURGON : [interprétation] Tout à fait.
19 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Et les dépositions de M. Panic qui ont
20 été faites avant le jugement rendu par la Chambre de première instance, je
21 suis tout à fait d'accord là-dessus, permettent de penser que le Groupe
22 opérationnel sud fonctionnait bien du point de vue de la transmission des
23 ordres. Dans ses dépositions, il évoque une ou deux exceptions, mais
24 globalement, il s'exprime de façon très flatteuse par rapport à la
25 performance du Groupe opérationnel, beaucoup plus que la Chambre de
26 première instance ne l'a été dans le jugement que vous venez d'évoquer.
27 Donc, la question est complexe. Elle est difficile à résoudre, vraiment.
28 Mais je proposerai, puisque votre temps est limité, que vous vous
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1 concentriez davantage sur les conclusions que vous tentez d'établir.
2 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais le
3 faire.
4 Q. Alors, Monsieur Theunens, penchez-vous sur les faits de l'espèce, à
5 savoir que Mrksic, et vous en avez été d'accord car vous l'avez appris à la
6 lecture des éléments de preuve, qu'il ne l'a pas annoncé au briefing
7 quotidien. Mais dans vos deux dépositions orales, vous dites qu'il en a
8 parlé à deux personnes : il l'a dit à Karanfilov et il l'a dit à Vojnovic,
9 probablement, mais nous n'en sommes pas sûrs, en présence de Vukosavljevic.
10 Ça, c'est ce qui ressort des faits de l'espèce, d'accord ? Mais ce que je
11 vous dis, moi, c'est que si un commandant est sur le point d'émettre un
12 ordre illégal -- d'ailleurs, ce n'est pas "si" mais lorsqu'il est sur le
13 point d'émettre un ordre illégal, il est logique de penser qu'il va limiter
14 ce qu'il va dire à ce sujet au nombre le plus restreint possible de
15 personnes dans le but très simple de se protéger lui-même. Ceci est-il une
16 possibilité ?
17 R. Je suis désolé. Un ordre a pour but d'entraîner l'exécution d'une
18 action. Si l'action consiste à retirer des forces, tout le monde se rendra
19 compte que les forces sont parties et se demandera ce qui est en train de
20 se passer, et la seule conclusion logique, c'est que le commandant, en
21 raison de l'unicité du commandement, a émis cet ordre. Il ne peut pas le
22 cacher. Karanfilov, il serait très peu probable que Mrksic -- nous l'avons
23 vu, d'ailleurs, pendant le procès, il est très peu probable qu'il ait parlé
24 à Karanfilov en ignorant Vukasinovic, c'est-à-dire l'assistant responsable
25 de la sécurité, et ce qui est encore plus important, c'est qu'il aurait été
26 très peu vraisemblable qu'il ignore Sljivancanin, qui était effectivement
27 responsable de cette opération, alors que Mrksic, selon vous, aurait parlé
28 à un capitaine pour lui dire ce qui se passait là-bas. Cela n'a pas de
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1 sens, parce qu'en quelques minutes à peine, tout le monde aurait été au
2 courant de la réalité.
3 Q. J'ai une question à vous poser sur ce sujet, parce que si je vous ai
4 bien entendu, je crois comprendre que 20 policiers militaires se trouvent à
5 Ovcara, ils retournent à leur caserne ou à leur lieu de résidence, n'est-ce
6 pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Donc, au commandement ou autour du commandement de la 80e Brigade,
9 entre autres. Donc, vous défendez la position selon laquelle ceci aurait
10 été su par tout le monde en quelques minutes ?
11 R. Eh bien, ce que je veux dire, c'est que je ne parle pas des 20
12 policiers militaires, je parle de Karanfilov. Si Mrksic parle à Karanfilov
13 directement, il aura pu vérifier avec Sljivancanin ce que le commandant
14 avait dit, à savoir c'est votre opération, à vous de vérifier. Ceci aurait
15 été une réaction logique.
16 Q. Mais ce n'est pas ce que vous avez dit. Vous avez dit qu'en quelques
17 minutes à peine, tout le monde aurait été au courant et aurait dit au
18 commandant : Qu'est-ce que vous êtes en train de faire ? Moi, je vous pose
19 la question, 20 hommes quittent Ovcara pour retourner au Groupe
20 opérationnel sud -- ou plutôt, pas au Groupe opérationnel sud, mais à la
21 80e Brigade. J'aimerais simplement savoir si, selon votre avis
22 professionnel, en quelques minutes à peine, tout le monde aurait été au
23 courant au sein du Groupe opérationnel sud. Est-ce que c'est cela, votre
24 avis professionnel ?
25 R. Eh bien, je vais vous donner deux éléments de réponse. D'abord, nous ne
26 parlons pas de 20 hommes, nous parlons de la remise du pouvoir depuis le
27 Groupe opérationnel sud sur une autre entité. Ça, c'est une question tout à
28 fait fondamentale. Et deuxièmement, vous connaissez bien l'inspection, du
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1 point de vue du commandement et du contrôle, et également le fait qu'il y a
2 des rapports qui sont rédigés dans le cadre de l'application d'un ordre. Et
3 donc, concrètement, les policiers militaires informeront le centre
4 opérationnel de la 80e Brigade en disant : Nous sommes rentrés du centre
5 opérationnel de la 80e Brigade et nous informons le centre opérationnel de
6 ce qui se passe au sein du Groupe opérationnel sud, Messieurs. Nous avons
7 accompli la mission, nous sommes de retour dans le camp.
8 Q. D'accord. Et si je me penche sur ce que vous êtes en train de dire en
9 ce moment, est-ce qu'il y a le moindre élément de preuve au dossier qui
10 indique qu'un rapport a été rédigé pour informer le Groupe opérationnel sud
11 et son commandement de ce qui se passait ?
12 R. Non, il n'y a pas d'éléments de preuve de cette nature. Mais encore une
13 fois, si Karanfilov -- s'il est établi dans les éléments de preuve --
14 Q. Non, non, non, non. Est-ce qu'il y a une conclusion ?
15 R. Il est établi que Karanfilov se rend à Ovcara pour dire aux policiers
16 militaires de la 80e Brigade de se retirer. Karanfilov doit revenir au
17 Groupe opérationnel et dit : J'ai transmis l'ordre, ils se retirent. Et
18 ensuite, je ne sais pas si la Chambre de première instance a confirmé tout
19 cela.
20 Q. La Chambre de première instance ne l'a pas confirmé.
21 R. D'accord.
22 Q. Je vous demande si vous confirmez qu'aujourd'hui, je dois citer
23 Karanfilov à la barre pour témoigner encore une fois afin de déterminer ce
24 point ?
25 R. Non. Il y a une conclusion selon laquelle Karanfilov connaissait
26 l'existence de l'ordre parce qu'il a informé la 80e Brigade, et que sur la
27 base de son travail militaire, apparemment, Karanfilov rend compte à son
28 commandant, il rend compte à Sljivancanin. J'ai exécuté votre ordre, c'est
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1 ce qu'il dit.
2 Q. Mais est-ce qu'il y a un élément de preuve qui indique que vous avez pu
3 voir cela dans un document ?
4 R. Je n'ai pas examiné tous les éléments de preuve.
5 Q. Donc, cela ne vous intéresse pas ?
6 R. Ce n'est pas la question. Je ne sais pas si cela figure dans le
7 jugement de la Chambre de première instance ou dans l'arrêt de la Chambre
8 d'appel.
9 Q. Vous avez parlé de trois hommes qui auraient pu être au courant de
10 l'existence de l'ordre : Karanfilov, Vukosavljevic et Vojnovic. Vous
11 conviendrez avec moi que nous pouvons ajouter à cela Vezmarovic, parce que
12 c'est lui qui a retiré les policiers militaires.
13 R. Et vous pouvez ajouter les 20 policiers militaires si vous le
14 souhaitez.
15 Q. Et les 20 policiers militaires. Alors, dites-moi s'il y a la moindre
16 conclusion dans le jugement ou ailleurs qui indique quelles sont les
17 personnes qui ont été informées de l'existence de l'ordre, est-ce qu'il
18 existe une conclusion de ce genre dans le jugement ?
19 R. Je n'ai pas analysé le jugement. Ce n'était pas la mission qui m'avait
20 été confiée.
21 Q. Je pensais que vous aviez comparé le jugement avec les conclusions et
22 la doctrine de la RSFY ?
23 R. Non, non.
24 Q. Ce n'est pas ce que vous avez fait ?
25 R. Non. J'ai comparé le témoignage de M. Panic avec la doctrine et les
26 documents de combat, c'est-à-dire les rapports et ordres du Groupe
27 opérationnel sud. Et en fait, j'ai reçu un exemplaire du jugement en
28 première instance et de l'arrêt en appel, mais je n'ai pas examiné dans le
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1 détail ces sources. Ce n'était pas ma mission. Ce n'est pas ce qu'il
2 m'avait été demandé, d'analyser ces sources en détail.
3 Q. D'accord. Passons rapidement à une question --
4 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je ne pense vraiment pas que ce soit le
5 rôle du témoin de formuler les notes sur le jugement.
6 M. BOURGON : [interprétation] Non, ce n'était pas le cas, Monsieur le
7 Président, mais c'était son travail d'examiner le jugement. Il a dit qu'il
8 l'avait fait. Comment est-ce qu'il peut rédiger un rapport --
9 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Il avait reçu une mission bien précise
10 de la part de l'Accusation.
11 M. BOURGON : [interprétation] Je garderai cela pour la plaidoirie.
12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je pense qu'il avait reçu une mission
13 bien précise de la part de l'Accusation et qu'il s'est efforcé de la
14 remplir.
15 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 Q. Monsieur, est-ce qu'il y a une possibilité - je parle bien de
17 possibilité, et ceci est évoqué dans le jugement au paragraphe 586, où il
18 est écrit qu'il y a des doutes à ce sujet. Est-il possible que Mrksic ait
19 reçu un ordre d'un commandant supérieur sur le plan hiérarchique et que cet
20 ordre ait été : Donnez-leur les prisonniers, nous ne pouvons pas éviter un
21 conflit avec ces personnes en ce moment précis. Est-ce qu'il y a une
22 possibilité, Monsieur, que dans un tel, cas, si l'ordre stipule "ne dites à
23 personne", que Mrksic ne l'ait dit à personne ? Est-ce que c'est une
24 possibilité ?
25 R. J'ai essayé d'expliquer que "ne dites à personne" ne fonctionne pas sur
26 le plan militaire, parce que les gens étaient partis, les hommes étaient
27 partis, le groupe opérationnel -- je veux dire Panic, quand il exerce son
28 commandement, il doit être sûr que ce qu'il dit à la 1ère Région militaire
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1 est exact, donc il doit savoir ce qui se passe à ce moment-là. Vous ne
2 pouvez pas dissimuler l'absence de nombreux policiers militaires d'Ovcara.
3 Q. Monsieur, quand un crime est commis, est-ce que --
4 -- ce n'est pas ce que vous dites, qu'il n'en parlera pas ? Je me demande,
5 et nous allons étudier un autre scénario, mais ce sera le dernier.
6 R. D'accord.
7 Q. Panic a dit, lorsqu'il a témoigné, en premier lieu, il a dit qu'il
8 aurait dû être informé. Donc, vous êtes d'accord sur ce point, pas de
9 problème là-dessus. Et puis, Panic déclare : Si j'avais entendu cela
10 pendant la conversation entre Mrksic et Sljivancanin, si j'avais entendu
11 cela, j'aurais réagi immédiatement. D'accord. Alors, vous conviendrez avec
12 moi que ceci aurait été la chose à faire ?
13 R. Oui.
14 Q. D'accord. Etant donné que ceci était la chose à faire, je propose
15 simplement une possibilité à votre intention, d'accord, à savoir que Mrksic
16 savait très bien que Panic s'opposerait à cet ordre, et que c'est la raison
17 pour laquelle il ne lui en a pas fait part. Est-ce que c'est une
18 possibilité, Monsieur ?
19 R. Excusez-moi, je me répète, mais ceci ne fonctionne pas militairement.
20 Panic est le chef d'état-major. Il sera informé du fait que les policiers
21 militaires ne sont plus là, notamment puisque le 20, Panic part de sa
22 propre initiative à Ovcara pour voir ce qui est en train de se passer. Je
23 ne saurais imaginer que Mrkic penserait : Je vais dissimuler cet ordre et
24 Panic va certainement ne pas jeter le moindre coup d'œil et ne
25 s'intéressera pas. Ceci n'a pas le moindre sens.
26 Q. Donc, s'il n'y a pas de conclusions indiquant que Panic a découvert
27 cette information, qu'est-ce que vous dites, est-ce que c'est un menteur ?
28 R. Je n'ai pas dit cela.
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1 Q. Vous l'avez rencontré. Est-ce qu'il avait l'air d'une personne
2 raisonnable ?
3 R. Je réserverai mon commentaire pour le moment.
4 Q. Est-ce qu'il a coopéré avec vous lorsque vous l'avez rencontré ?
5 R. Globalement, oui, mais nous avons dû utiliser un certain nombre de
6 documents, à l'occasion, pour faire préciser quelques points.
7 Q. D'accord.
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Il faut que nous avancions. C'est
9 curieux, Maître Bourgon, qu'étant rendu à Ovcara et ayant constaté
10 l'existence d'une situation plutôt préoccupante de danger existant, étant
11 donné l'exposition des prisonniers militaires et le traitement qui leur
12 était imposé, que Panic, le lendemain, n'ait pas manifesté le moindre
13 intérêt au sujet de cette séquence d'événements, de ce qui s'est passé plus
14 tard.
15 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais en
16 arriver directement à une série de questions qui concernent ce qu'a dit le
17 témoin.
18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Le Juge Liu a une question.
19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur le Témoin, j'aimerais vous poser
20 une question. J'aimerais appeler votre attention sur votre rapport,
21 paragraphe 10, page 6. Vous dites ce qui suit, je cite :
22 "Considérant la doctrine des forces armées de la RSFY et le contexte
23 opérationnel, toute suggestion que Mrksic aurait essayé de dissimuler son
24 ordre de retrait par rapport à ses collaborateurs les plus proches et à son
25 second, le lieutenant-colonel Miodrag Panic, ainsi qu'à l'officier qui
26 l'avait rendu responsable de l'opération d'évacuation, à savoir
27 Sljivancanin, semble assez invraisemblable."
28 Est-ce que vous avez trouvé cette phrase dans le document ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Oui.
2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] J'aimerais que vous m'expliquiez comment
3 on peut parvenir à cette conclusion, à savoir ce qui est dit par rapport à
4 la doctrine des forces armées de la RSFY et du contexte opérationnel,
5 comment vous êtes parvenu à cette conclusion au moment de rédiger votre
6 rapport. Je vous remercie.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Je vais essayer d'être
8 bref. La référence à la doctrine des forces armées de la RSFY fait mention
9 d'un aspect, d'un élément de l'obligation de connaissance de la situation,
10 à savoir lorsque l'état-major est dirigé ou organisé par le chef d'état-
11 major qui est responsable de garantir la connaissance de la situation du
12 commandant, et c'est quelque chose dont j'ai traité dans la question numéro
13 1, où on évoque un certain nombre de réglementations. Donc, bien entendu,
14 le commandant a légalement l'obligation d'être informé, mais il est assisté
15 par son état-major et par le chef d'état-major, en particulier, qui est le
16 grand organisateur.
17 Le contexte opérationnel, maintenant. Ovcara, je pense, se trouve à
18 moins de 10 kilomètres de Negoslavci. Je ne vois pas le moindre obstacle
19 qui ait pu empêcher les membres du commandement du Groupe opérationnel sud
20 de se rendre à Ovcara à tout moment durant les journées des 20 et 21, et
21 c'est ce que j'ai essayé d'expliquer à Me Bourgon. L'ordre en tant que tel
22 n'a pas grande signification. C'est l'effet de l'ordre qui importe, à
23 savoir lorsqu'il est appliqué, il aura un résultat, une incidence sur la
24 situation et, dans ce cas particulier, sur la situation des forces amies,
25 c'est-à-dire des unités du Groupe opérationnel sud, où un certain nombre
26 d'éléments ont été retirés et, encore plus important, où il y a des
27 prisonniers de guerre qui sont sous le contrôle du Groupe opérationnel sud
28 et qui ont été remis à une autre entité, et tout cela fait partie de
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1 l'obligation de connaissance de la situation, à savoir de l'obligation qu'a
2 le chef d'état-major d'informer le commandant de ces événements et de leur
3 évolution.
4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître Bourgon, vous avez encore dix
6 minutes.
7 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 Q. Monsieur, y a-t-il le moindre élément de preuve au dossier que vous
9 ayez vu qui indiquerait que quelqu'un a remarqué le départ de ces dix
10 policiers militaires ?
11 R. Je vais vous donner deux --
12 Q. Non, non. Je parle d'éléments de preuve versés au dossier. Est-ce que
13 vous en avez vu ne serait-ce qu'un seul ?
14 R. Je pense que le journal de guerre opérationnel de la 80e Brigade
15 motorisée comporte une rubrique concernant la journée du 20 dans la soirée
16 indiquant que la police militaire de la 80e Brigade est rentrée et que les
17 prisonniers ont été remis à une autre entité.
18 Q. Est-ce que vous avez eu sous les yeux le moindre élément de preuve
19 contenant ce renseignement, à savoir que ces informations auraient atteint
20 le Groupe opérationnel sud et son commandement à quelque moment que ce soit
21 ?
22 R. Bien, en fait, la question ne consiste pas à se demander si des
23 éléments de preuve sont parvenus ici ou là sur le plan militaire. Les
24 éléments de preuve -- ou en tout cas, si les informations existent, si la
25 80e Brigade n'a pas informé le Groupe opérationnel sud, le Groupe
26 opérationnel sud doit dire à la 80e Brigade ce qui est en train de se
27 passer, pourquoi est-ce que vous ne nous le dites pas ? Parce que nous
28 avons émis un ordre à votre intention et nous devons être informés de
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1 l'application de cet ordre. C'est comme ça que les choses fonctionnent.
2 Q. Je suis tout à fait d'accord, aussi longtemps que l'existence de
3 l'ordre est connue. Mais s'ils n'ont pas connaissance de l'existence de
4 l'ordre, on ne peut pas s'attendre --
5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Theunens, on me dit que vous
6 parlez trop vite pour les interprètes.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Toutes mes excuses, Monsieur le Président.
8 Alors, l'ordre c'est une chose, mais l'effet de cet ordre, son application,
9 ça, c'est la question principale, et c'est au niveau de l'application de
10 l'ordre que des choses deviennent visibles. Je ne cesse d'essayer
11 d'expliquer dans mon rapport que la connaissance de la situation n'est pas
12 une obligation passive. Vous ne restez pas assis en attendant que les
13 choses se passent et que quelqu'un vous ait dit qu'on a retiré des hommes.
14 Le commandant a le devoir de dire lui-même quelle est la situation à ses
15 troupes. C'est comme ça partout. Personne ne va lui dire : Allez, transmets
16 les mauvaises nouvelles. Le commandant doit avoir un rôle actif. Il doit
17 envoyer ses hommes, inviter les commandants des unités subordonnées à
18 apprendre ce qui est en train de se passer dans le cadre de l'image globale
19 qui est créée avec l'aide de l'état-major sous la direction du chef d'état-
20 major.
21 M. BOURGON : [interprétation]
22 Q. Monsieur, est-ce votre position de dire que si la doctrine stipule
23 qu'un rapport aurait dû être envoyé, alors à moins que nous n'ayons des
24 éléments de preuve indiquant que cela a été fait, nous croyons que cela a
25 été fait ? C'est votre position ?
26 R. Non. Ma position consiste à dire que si le rapport n'a pas été envoyé,
27 le Groupe opérationnel sud aurait dû se plaindre auprès de la 80e Brigade
28 au sujet de ce qui était en train de se passer, pourquoi est-ce que vous
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1 n'avez pas envoyé de rapport.
2 Q. Mais s'ils n'avaient pas connaissance de l'existence de l'ordre, ils ne
3 pouvaient pas le faire ?
4 R. Non. Il était de leur devoir --
5 Q. Si l'ordre n'a pas été transmis, est-ce qu'ils auraient pu s'attendre à
6 recevoir un ordre en retour ?
7 R. Si l'ordre n'avait pas été donné, l'application devait être vérifiée,
8 et les choses étaient simples.
9 Q. Monsieur, mon confrère m'a rappelé que vous deviez vous concentrer sur
10 les conclusions de la Chambre de première instance, et nous ne sommes pas
11 ici pour refaire le procès.
12 R. D'accord.
13 Q. Alors, la Chambre de première instance a conclu qu'il n'y avait pas eu
14 de rapport qui était revenu au commandement du Groupe opérationnel sud.
15 D'accord. Vojnovic a témoigné en disant qu'il n'avait jamais dit à Mrksic
16 qu'il avait exécuté l'ordre et qu'il n'avait jamais dit à quiconque qu'il
17 avait exécuté l'ordre. Aucune des personnes dont vous avez cité les noms
18 n'avait connaissance de l'existence de cet ordre, étant donné que cette
19 information n'avait été partagée avec personne. Alors, vous avez parlé de
20 certaines personnes qui auraient été au courant. Vous avez parlé des
21 policiers militaires, vous avez cité le nom de Vezmarovic. Vous avez parlé
22 de Vukosavljevic, vous avez parlé de Vojnovic et, bien sûr, de Karanfilov,
23 et je vais ajouter à cela le P14.
24 R. Hm-hm.
25 Q. Et le P14, il discute du sort des prisonniers ou du fait qu'il y avait
26 des rumeurs qui couraient au sujet du sort des prisonniers le matin du 21;
27 alors que les renseignements disponibles au Groupe opérationnel sud, selon
28 les éléments de preuve, étaient nuls et que les renseignements, selon le
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1 dossier de l'espèce, n'étaient pas arrivés au Groupe opérationnel sud.
2 Alors est-ce qu'ils devaient s'attendre à recevoir l'ordre en retour alors
3 qu'ils n'étaient même pas au courant de l'existence de la mise en œuvre du
4 premier ordre ?
5 R. Je ne suis pas sûr que je comprenne la question.
6 Q. D'accord, je vais passer à autre chose.
7 Une autre question que j'aimerais traiter devant vous. Vojnovic, lorsqu'il
8 a reçu cet ordre, est-ce qu'il a accepté de mettre en œuvre un ordre
9 illégal, oui ou non, vous êtes d'accord là-dessus ?
10 R. A son insu, oui.
11 Q. Vous voulez dire qu'il n'était pas au courant sur-le-champ ?
12 R. Je veux dire qu'il fallait poser la question à Vojnovic. On aurait pu
13 convenir que Vojnovic aurait dû savoir que le retrait des policiers
14 militaires aurait pu déboucher sur des crimes, oui, c'est, je crois,
15 l'article 36 de --
16 Q. Donc, il a accepté d'exécuter un ordre illégal ?
17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous avons une question de M. le Juge
18 Guney.
19 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Monsieur Theunens, étant donné
20 l'irrégularité, le caractère irrégulier de l'ordre en tant que tel, est-ce
21 qu'on n'aurait pas dû s'attendre à ce qu'il soit transmis dans des
22 conditions irrégulières également ? C'est ma première question.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. D'accord, Monsieur le Juge.
24 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Et ma deuxième question est la suivante
25 : est-ce que vous êtes au courant de l'existence d'un autre ordre illégal
26 qui aurait été transmis par la voie hiérarchique régulière ? Je vous
27 remercie.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Messieurs les Juges. Pour répondre à la
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1 première partie de votre question, je dirais que c'est seulement un aspect
2 partiel de la situation parce que, bien entendu, on peut imaginer une
3 situation dans laquelle Mrksic s'efforce de dissimuler son ordre et
4 développer un scénario à partir de là. On peut essayer d'imaginer ce
5 scénario, à savoir qu'il dissimule le fait d'avoir émis l'ordre. Mais ce
6 qui importe, c'est l'effet que cet ordre aura, sa mise en œuvre, parce que
7 cet ordre en tant que tel, et s'il n'est pas exécuté, n'a aucune valeur.
8 C'est l'exécution de l'ordre qui est la question principale ici. Me Bourgon
9 conteste que le commandement du Groupe opérationnel sud aurait pu le
10 remarquer alors que dans ce que moi j'indique comme étant une période très
11 courte.
12 Le 21 novembre, le rapport du Groupe opérationnel sud montre que tout le
13 monde agissait en application des règlements, c'est-à-dire l'évacuation des
14 civils, des blessés, en application et dans le respect des conventions de
15 Genève, alors qu'il était de leur devoir de vérifier la situation, le
16 statut des prisonniers d'Ovcara. Et pour revenir à la deuxième partie de
17 votre question, je dirais que je n'ai connaissance d'aucun ordre illégal
18 autre qui aurait été transmis par une voie hiérarchique régulière. Je n'ai
19 pas connaissance d'un exemple de ce genre.
20 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Je vous remercie.
21 M. BOURGON : [interprétation] Monsieur le Président, je dispose d'encore
22 combien de temps ?
23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous avez encore trois minutes.
24 M. BOURGON : [interprétation]
25 Q. J'ai deux questions à poser, et la première est la suivante, parce que
26 vous avez vu l'arrêt de la Chambre d'appel, vous savez que nous discutons
27 ici d'un nouveau fait qui a été accepté par la Chambre de première instance
28 comme étant un fait nouveau, à savoir que Panic a entendu une conversation
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1 entre Mrksic et Sljivancanin, et que pendant cette conversation Mrksic n'a
2 pas dit à Sljivancanin qu'il allait retirer les policiers militaires.
3 Alors, c'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.
4 J'aimerais que vous nous disiez, parce que vous avez été impliqué, ou en
5 tout cas vous avez été appelé par l'Accusation pour participer au débat
6 actuel, est-ce que vous avez eu d'autres éléments de preuve que vous ne
7 connaissiez pas auparavant et que la Chambre de première instance ne
8 connaissait pas qui ont été portés à votre attention et qui avaient un
9 rapport avec cette conversation ?
10 R. Les documents que j'ai utilisés ou reçus, toutes mes excuses, reçus du
11 bureau du Procureur, section chargée des recours en appel, sont cités dans
12 l'introduction de mon rapport. J'ai examiné des règlements militaires, mais
13 je n'ai vu aucun élément de preuve supplémentaire par rapport à cette
14 conversation.
15 Q. Et Monsieur, l'Accusation, je suppose, n'a pas discuté ces éléments de
16 preuve avec vous, ne vous a pas, disons, dit : Nous avons ici quelque chose
17 que nous ne connaissons pas. Ceci n'a jamais été dit, n'est-ce pas ?
18 R. Non, non.
19 Q. Alors, vous avez été analyste au sein du bureau du Procureur, vous avez
20 fait partie de l'équipe des analystes militaires pendant un temps assez
21 long, à savoir plusieurs années, donc vous connaissez parfaitement ces
22 affaires. Et je suppose que vous connaissez le fait que des officiers de la
23 JNA et de tous les membres de la JNA, la crainte règne, en tout cas, on
24 n'aime pas beaucoup les officiers responsables de la sécurité, les membres
25 de la section de la sécurité, parce qu'ils ont toujours la possibilité de
26 déposer un rapport à tout moment contre telle ou telle personne. Est-ce que
27 vous connaissez cette conception générale ?
28 R. Eh bien, je pense, si vous me permettez de le dire, que c'est une
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1 interprétation un peu libérale de la doctrine, mais c'est la même chose au
2 sein de toutes les forces armées, je suppose que la crainte ressentie par
3 rapport aux organes de sécurité existe parce qu'ils peuvent surgir au
4 mauvais moment. Mais ce n'est écrit nulle part, c'est simplement une
5 interprétation des hommes concernés. Ce n'est jamais une bonne chose qu'un
6 officier chargé de la sécurité arrive devant vous parce qu'il peut avoir
7 quelque chose à vous reprocher.
8 Q. Et les officiers de la sécurité, en raison de cette particularité de la
9 hiérarchie, doivent mener des enquêtes contre un commandant à l'insu du
10 commandant éventuellement. Vous êtes au courant de cela ?
11 R. En effet, je veux dire, enfin, plus ou moins.
12 Q. Si Mrksic a commis un crime en retirant les policiers militaires, je
13 vous suggère que la dernière personne à laquelle il aurait dit cela aurait
14 été l'officier chargé de la sécurité qui risquait de lancer une enquête à
15 son encontre; vous êtes d'accord là-dessus ?
16 R. Non, parce qu'il y a l'article 36, que j'ai déjà évoqué, du règlement
17 de 1988 relatif à l'application des lois de la guerre, qui stipule que tout
18 officier, lorsqu'il découvre qu'un crime risque d'avoir été commis, a le
19 devoir d'en rendre compte -- ou plutôt, excusez-moi, de fournir des
20 renseignements aux autorités compétentes à ce sujet. Donc la position
21 particulière des instances de sécurité ne s'applique pas à ce genre de
22 crimes, je veux dire à une violation des lois ou coutumes de la guerre.
23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous devons vraiment mettre un terme à
24 cet échange et, bien sûr, Maître Bourgon, Karanfilov faisait partie de
25 l'organe chargé de la sécurité, n'est-ce pas ?
26 M. BOURGON : [interprétation] Absolument, Monsieur le Président. C'était ma
27 dernière question.
28 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Eh bien, pourquoi est-ce que vous ne la
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1 reprendriez pas plus tard lorsque vous résumerez les débats ?
2 M. BOURGON : [interprétation] Je le ferai.
3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Au moment des plaidoiries.
4 M. BOURGON : [interprétation] Je le ferai, Monsieur le Président, parce que
5 s'il avait peur de parler à Sljivancanin, bien sûr il n'aurait pas dit à
6 Sljivancanin qu'il avant parlé à Karanfilov non plus.
7 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.
8 Nous allons maintenant faire une pause de 20 minutes qui est techniquement
9 nécessaire.
10 Madame Brady, je sais que vous avez 15 minutes qui vous ont été imparties,
11 et puis ensuite il y aura encore 30 minutes de débats. Donc nous allons
12 faire la pause jusqu'à à peu près 17 heures 35.
13 --- L'audience est suspendue à 17 heures 18.
14 --- L'audience est reprise à 17 heures 38.
15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame Brady, comme je l'ai dit
16 auparavant et avant notre brève pause, vous avez 15 minutes pour les
17 questions supplémentaires pour ce témoin, et ensuite 30 minutes pour votre
18 argument sommaire. Et si vous n'avez pas besoin de ces 45 minutes dans leur
19 intégralité, nous n'allons pas le regretter si vous décidez de faire plus
20 court.
21 Mme BRADY : [interprétation] Je n'ai que deux questions à poser dans le
22 cadre de mes questions supplémentaires, donc ceci sera assez court. Et
23 peut-être qu'à ce moment-là, je pourrais avoir un peu plus de temps pour
24 mes arguments si cela s'avère nécessaire.
25 Nouvel interrogatoire par Mme Brady :
26 Q. [interprétation] Monsieur Theunens, je souhaite tout d'abord vous poser
27 une question qui porte sur la question qui vous a été posée par Me Bourgon
28 à la fin sur l'ordre qui a été transmis à M. Karanfilov, l'ordre de Mrksic
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1 ayant été transmis à Karanfilov. Et je souhaite vous demander ceci, dans
2 l'enchaînement des événements habituels, comment un tel ordre envoyé à un
3 subordonné dans un organe chargé de la sécurité, comment un tel ordre
4 serait-il acheminé jusqu'au chef de cet organe chargé de la sécurité ?
5 R. La procédure habituelle veut que le colonel Mrksic en aurait parlé au
6 commandant Sljivancanin et l'aurait informé directement, eu égard à cette
7 opération, en particulier parce que Sljivancanin était responsable de
8 l'opération.
9 Q. Mais si nous prenons le scénario suivant, que Mrksic, d'une manière ou
10 d'une autre, a donné l'ordre directement à Karanfilov, dans ce cas et dans
11 le cas de procédures militaires normales, est-ce que cette information
12 aurait été transmise à son supérieur hiérarchique, celui qui était à la
13 tête de l'organe chargé de la sécurité de M. Sljivancanin ?
14 R. Karanfilov, dès que cela s'est avéré possible, informait Sljivancanin,
15 et avant cela il aurait pu demander à Mrksic ceci : avez-vous parlé à mon
16 commandant, à mon chef, Sljivancanin ? Et ensuite, Mrksic pourrait
17 expliquer à Sljivancanin -- pardonnez-moi, à Karanfilov pourquoi il ne
18 suivait pas la chaîne de commandement habituelle. Mais Sljivancanin, dans
19 ce cas, devrait être informé le plus rapidement possible par Karanfilov,
20 parce que sinon, il s'agit d'une infraction à la chaîne de commandement.
21 Q. Merci. La seule autre question que j'ai à vous poser dans le cadre de
22 mes questions supplémentaires est comme suit : Me Bourgon a mis le doigt
23 sur quelque chose à la page 70 de l'audience d'aujourd'hui, qu'on ne
24 pouvait pas s'attendre à ce que le Groupe opérationnel sud s'enquière de
25 l'ordre de retrait s'il n'était pas un fait connu que cet ordre avait été
26 donné. Je souhaite avoir votre avis sur la question. Même si Panic ne
27 savait pas ou n'était pas au courant de l'ordre du retrait, est-ce que cela
28 signifie -- ou cela ne signifie-t-il pas qu'il avait le devoir de
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1 s'informer de ce qui s'était passé les 24 heures auparavant de la 80e
2 Brigade motorisée lorsqu'il était commandant par intérim de la 80e Brigade
3 motorisée ? Même si Panic n'était pas au courant de cet ordre de retrait,
4 n'avait-il pas l'obligation de s'en informer ou de s'informer de ce qui
5 s'était passé 24 heures auparavant sur la 80e Brigade et sur le sort des
6 prisonniers, à supposer qu'ils soient toujours là, dans l'esprit de Panic ?
7 R. Effectivement, Madame, Messieurs les Juges, comme j'ai tenté de vous
8 l'expliquer pendant le contre-interrogatoire, l'ordre est une autre et sa
9 mise en œuvre en est une autre, et ça, c'est l'aspect sans doute le plus
10 important. Conformément à l'exigence de la connaissance au niveau de la
11 situation par rapport au Groupe opérationnel sud et au commandement
12 supérieur de ces derniers, à savoir le 1er District militaire, le Groupe
13 opérationnel sud avait l'obligation de fournir des rapports exhaustifs et
14 exacts sur leurs actions. Nous avons expliqué comment cette information
15 était mise à leur disposition. Donc, pour fournir des rapports tout à fait
16 exacts et exhaustifs sur les actions, ils devaient se renseigner au niveau
17 de la situation à Ovcara, et cela se trouve dans la responsabilité du
18 Groupe opérationnel sud. Je veux dire ceci aurait été découvert par la
19 police militaire à un moment donné ou à un autre. Encore une fois, c'est le
20 scénario qui consiste à dire que personne n'était informé de l'ordre.
21 L'effet de l'ordre ne peut pas être dissimulé. C'est ce que je viens
22 d'expliquer.
23 Q. Merci beaucoup.
24 Mme BRADY : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser à M.
25 Theunens, donc je vous demande de lui bien vouloir disposer.
26 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous vous remercions beaucoup, Monsieur
27 Theunens, d'être venu apporter votre témoignage aujourd'hui, d'avoir
28 présenté votre rapport écrit et d'avoir témoigné aujourd'hui, et au nom de
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1 mes collègues et, je suis sûr, des parties également, je souhaite vous
2 remercier.
3 Vous pouvez maintenant disposer.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
5 [Le témoin se retire]
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Si mes collègues ont des questions à
7 poser à l'Accusation, il serait peut-être sage de poser ces questions après
8 les arguments sommaires de Mme Brady, mais si vous estimez, chers
9 collègues, qu'il serait préférable de poser la question maintenant, soit.
10 Madame Brady, vous avez 30 minutes pour vos arguments, mais je sais que
11 vous n'avez pas utilisé tout votre temps pour les questions
12 supplémentaires.
13 Mme BRADY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
14 Madame, Messieurs les Juges, le témoignage de Panic, qui consiste à dire
15 qu'il n'a pas entendu Mrksic dire à Sljivancanin, dans la soirée du 20
16 novembre, de l'ordre de retrait de la JNA d'Ovcara, est quelque chose qui
17 n'a aucun impact sur le verdict, parce qu'on ne peut pas le croire sur
18 cette question-ci. Et nous disons cela pour trois raisons essentielles.
19 La première, c'est que c'était de son intérêt. Son témoignage à
20 propos de la conversation n'est pas fiable en raison de ce que cela
21 pourrait laisser entendre à propos de sa propre connaissance de l'ordre
22 illégal, et cela est tout à fait flagrant, et de sa responsabilité des
23 conséquences désastreuses, et ceci est tout à fait conforme au schéma de sa
24 déposition pendant le procès.
25 Deuxièmement, le parti pris. Son témoignage n'est pas fiable parce
26 qu'il a -- et je devrais dire, de surcroît, il a fait preuve de parti pris
27 par rapport à la Brigade des Gardes et à Sljivancanin. Il a réduit son
28 témoignage à la fois au procès et dans la phase de réexamen pour mieux
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1 s'isoler et se protéger, et d'une connaissance quelconque de Sljivancanin
2 de cet ordre et, par conséquent, d'une quelconque responsabilité de ces
3 crimes.
4 Troisièmement, ceci est invraisemblable. Il est inconcevable que
5 compte tenu de la doctrine militaire de la JNA et le contexte de ces
6 événements, que Panic, qui était chef d'état-major, qui était le commandant
7 par intérim le lendemain, ne soit pas au courant de l'ordre de retrait et
8 qu'il l'ignorait pendant toute la soirée du 20 novembre et ensuite pour
9 l'ensemble des quatre jours où lui et la Brigade des Gardes sont restés à
10 Vukovar. Ces mensonges rendent son témoignage sur ce qu'il a entendu Mrksic
11 dire à Sljivancanin, ou plutôt, ce que Mrksic n'a pas dit à Sljivancanin
12 pas crédible.
13 Le rapport de M. Theunens ainsi que son témoignage que nous venons
14 d'entendre ont permis de jeter la lumière sur les mensonges et les demi-
15 vérités que Panic a dû dire aux Juges de cette Chambre afin d'étayer son
16 allégation d'ignorance. Et si on voit ceci à la lumière de la doctrine
17 militaire habituelle, il est clair que Panic agit de façon tout à fait
18 inhabituelle à partir du moment où l'ordre a été donné. Et lorsque ceci
19 devient clair, nous commençons à voir pourquoi les Juges de la Chambre ont
20 fait tellement attention à son témoignage et l'ont traité avec beaucoup de
21 prudence.
22 Panic, bien évidemment, est un professionnel de haut niveau, un
23 soldat qui a reçu de nombreuses décorations et dont la carrière a été
24 couronnée de succès, et lorsqu'il contredit les règles militaires, quelque
25 chose auquel il s'est toujours conformé, il faut vous poser la question
26 pourquoi. Lorsqu'il se cache la tête dans le sable, il faut toujours vous
27 poser la question pourquoi. Et lorsqu'il ment, il faut également vous poser
28 la question pourquoi.
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1 Et ce que je vais faire cet après-midi et pour le reste de l'audience
2 d'aujourd'hui, c'est mettre en exergue les passages particulièrement
3 flagrants où Panic s'est comporté de façon inhabituelle. Il faut placer
4 ceci dans le contexte de sa connaissance au sens large. On ne peut conclure
5 qu'une seule chose par rapport à sa motivation en ce sens. Et nous allons
6 nous reposer sur nos écritures pour faire valoir cet argument.
7 Je vais tout d'abord évoquer la question de son intérêt propre à tout ceci.
8 Les Juges de la Chambre ont entendu le témoignage de Panic pendant quatre
9 jours et ont pu évaluer sa crédibilité, et ces constatations ont été
10 confirmées par les Juges de cette Chambre. La Chambre en a conclu qu'il
11 n'était pas possible de croire son témoignage lorsqu'il s'est agi de
12 questions qui pourraient l'exposer à une quelconque responsabilité pénale
13 ou le mettre sous un jour peu favorable. Et la Chambre a dit ceci à propos
14 de Panic, je cite le paragraphe 297 du jugement de la Chambre de première
15 instance :
16 "De façon regrettable, les Juges de la Chambre ont également constaté que
17 dans son témoignage, le lieutenant-colonel Panic a tenté de présenter
18 certains éléments de son rôle sous un jour plus favorable afin d'éviter la
19 communication des questions qui pourraient être interprétées comme
20 représentant l'implication de Panic lui-même dans une conduite criminelle.
21 Et les Juges de la Chambre sont tout à fait convaincus qu'elle doit
22 accepter une grande partie de son témoignage, mais émet des réserves sur
23 certaines questions."
24 Ce que je souhaite faire maintenant c'est vous demander d'entendre trois
25 exemples qui ont été entendus pendant le procès où les Juges de la Chambre
26 ont émis leur réserve parce qu'ils ne pouvaient pas croire ce que Panic
27 dit. Par exemple, sa connaissance ou non-connaissance, comme il le prétend
28 de l'ordre de retrait, représente le même niveau d'élément de preuve et,
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1 par conséquent, est quelque chose qu'il ne faut pas croire.
2 Tout d'abord, la question de savoir ce que Panic a vu à la caserne de
3 la JNA le matin avant qu'il n'ait téléphoné à Mrksic, avant de s'être rendu
4 à la réunion de la SAO et la réunion du gouvernement. Les Juges de la
5 Chambre ont constaté que Panic, et je cite, "minimise la connaissance
6 réelle qu'il a de la situation dans la caserne à ce moment-là" --
7 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir le
8 paragraphe, s'il vous plaît.
9 Mme BRADY : [interprétation] Je cite du paragraphe 297 du jugement de la
10 Chambre de première instance.
11 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Toujours du même paragraphe ?
12 Mme BRADY : [interprétation] C'est une partie un peu différente. Le
13 paragraphe est très long.
14 Il "minimise l'ampleur de sa connaissance de la situation dans la
15 caserne ce matin-là, et," je cite : "il n'était pas vraiment franc et
16 honnête à propos des événements qu'il a vus à la caserne pour ce qui est du
17 convoi des prisonniers de guerre."
18 Vous vous souviendrez du fait que la situation se présentait ainsi :
19 Panic a dit qu'il y avait un autocar, qu'il n'y avait pas vraiment de
20 menace au niveau de la sécurité. Les Juges de la Chambre ont constaté qu'en
21 réalité il y avait cinq autocars qui se trouvaient là, et la TO avait déjà
22 commencé à attaquer de façon verbale et réelle les prisonniers qui se
23 trouvaient dans les autocars.
24 Pourquoi Panic a rendu visite à Ovcara après sa réunion avec le
25 gouvernement ? Souvenez-vous du fait qu'il a dit qu'il se rendait pour
26 constater l'état d'avancement des procès, et ils ont constaté que ceux-ci
27 "manquaient entièrement de crédibilité." Ils ont constaté, à l'inverse,
28 qu'il s'est rendu pour évaluer la situation de façon à pouvoir présenter un
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1 rapport à Mrksic. Au paragraphe 307. Un autre exemple lorsqu'il minimise le
2 rôle qu'il a joué ou son niveau de connaissances.
3 Pour finir, ce que Panic a vu à Ovcara. Encore une fois, les Juges de
4 la Chambre ont constaté que, et je cite, "qu'il n'était pas franc lorsqu'il
5 a parlé de la connaissance qu'il avait des mauvais traitements des
6 prisonniers de guerre ce jour-là, de façon à minimiser la vérité à cet
7 égard." Au paragraphe 308. Donc même s'ils ont admis qu'il est allé dire à
8 Mrksic, nous avons une difficulté au niveau de la sécurité, il faut envoyer
9 d'autres forces pour gérer cette question-là, c'est quelque chose qu'ils
10 ont accepté mais il n'était pas prêt à reconnaître tous ses propos parce
11 qu'en réalité il a dit que tout ceci était sous contrôle. Il a voulu
12 minimiser son rôle par rapport à l'information qui pourrait lui faire du
13 tort.
14 Panic nie toute connaissance de l'ordre du retrait dont cette
15 procédure de réexamen suit le même schéma, comme nous pouvons le constater
16 par rapport à sa déposition. Panic a nié à de maintes reprises une
17 quelconque connaissance de qui a donné l'ordre de la sécurité de la JNA à
18 Ovcara. Donc cela n'est pas surprenant que dans cette procédure il continue
19 à dire, ou il dit qu'il n'a pas entendu Mrksic dire à Sljivancanin qu'il y
20 avait un ordre de retrait ce soir-là. C'est quelque chose qui est cohérent.
21 Soit, il dit qu'il ne le savait pas, donc bien évidemment, de son point de
22 vue, il va dire qu'il ne l'a pas entendu. Parce que s'il reconnaît avoir
23 entendu cela, dans ce cas, Madame, Messieurs les Juges, et si les
24 conclusions de la Chambre d'appel sont confirmées, ceci aurait le même
25 effet, parce qu'il serait dans le secret de cette conversation, ce qui est
26 conforme aux conclusions des Juges de la Chambre d'appel, s'il reconnaît
27 avoir entendu cette conversation à ce moment-là il aurait été dans le
28 secret de cet ordre illégal également. C'est quelque chose qu'il n'a jamais
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1 admis, et ne pourra jamais admettre, parce que cela signifierait qu'il n'a
2 rien fait pour l'en empêcher. Donc, nous faisons valoir qu'il protège ses
3 intérêts et il a toute raison pour dissimuler la vérité sur ce qui a été
4 dit ce soir-là au poste de commandement entre Mrksic et Sljivancanin.
5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez me rafraîchir la mémoire, s'il
6 vous plaît, Madame Brady. Est-ce que nous avons fait une constatation
7 particulière eu égard au fait que Panic ait entendu l'ordre qui a été
8 donné, et d'après nous, à Mrksic -- à Sljivancanin ?
9 Mme BRADY : [aucune interprétation]
10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous dites qu'il était dans le secret,
11 que nous avons constaté. Est-ce que c'est quelque chose que nous avons fait
12 ?
13 Mme BRADY : [interprétation] Oui.
14 Le paragraphe 62 de l'arrêt, dans une note en bas de page -- pardonnez-moi,
15 Madame, Messieurs les Juges, je pensais qu'il y avait une note en bas de
16 page dans cette partie-là de l'arrêt. Quoi qu'il en soit, c'était la
17 déposition de Sljivancanin au procès --
18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais vous avez dit que c'est nous qui
19 avons constaté, cela n'est pas tout à fait exact.
20 Mme BRADY : [interprétation] C'est vous qui avez constaté que lorsque
21 Sljivancanin est allé faire son rapport à Mrksic, la conversation avait eu
22 lieu.
23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je ne m'en souvenais tout simplement
24 pas. Je ne me souviens pas que nous ayons fait allusion à cela dans ce
25 contexte-là et la présence de Panic.
26 Mme BRADY : [interprétation] Je souhaite, en fait, vérifier cela, parce que
27 je crois que c'est le raisonnement derrière ceci. Vous avez cité le
28 témoignage de Veselin Sljivancanin au procès. Et dans cette déposition on
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1 fait référence au fait que Panic était là, à cette réunion.
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Poursuivons. Si vous avez quelque chose
3 à ajouter, vous pouvez toujours insérer une courte phrase à vos arguments.
4 Mme BRADY : [interprétation] Oui.
5 Deuxième point, le parti pris. Panic défendait ses intérêts, c'est
6 quelque chose dont il faut tenir compte en même temps que le parti pris
7 qu'il a à l'égard de la Brigade des Gardes et Sljivancanin. Panic a passé
8 un quart de son temps avec la Brigade des Gardes, et sa réputation est liée
9 à cela. Il était chef d'état-major à l'époque, et l'année suivante il a été
10 nommé commandant, et tout ceci est expliqué dans le détail de notre
11 mémoire. Mais il sait pertinemment que l'incidence du massacre d'Ovcara sur
12 la réputation de la Brigade des Gardes est quelque chose -- et je souhaite
13 vous rappeler comment M. Panic a commencé sa déposition dans le procès à
14 Belgrade en 2004, qui est la pièce numéro 1, et je cite la page 15. Il a
15 dit ceci, c'est ainsi qu'il a commencé son déposage [phon] :
16 "Permettez-moi de dire, tout d'abord, que je suis tout à fait désolé et
17 bouleversé que nous en soyons arrivés à cela. Cette équipe d'officiers de
18 la Brigade des Gardes ou la Brigade des Gardes elle-même ne méritaient pas
19 cela. Ce qui est arrivé est arrivé, c'est quelque chose qui a été fait de
20 façon professionnelle, et pour finir, la Brigade des Gardes doit rendre des
21 comptes. Que puis-je dire à cet effet ?"
22 L'image que Panic souhaite projeter dans cette procédure c'est celle d'un
23 observateur neutre qui recherche la vérité. Cette image-là est fort
24 éloignée de la réalité. Encore une fois, nous allons aborder ceci dans le
25 détail dans nos écritures. Il s'agit simplement d'un résumé aujourd'hui que
26 nous présentons sous forme orale. Mais ce qui est encore plus intéressant,
27 c'est de voir comment Panic a un parti pris dans son témoignage.
28 Vous vous souviendrez certainement que pendant le procès il y a eu un
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1 déplacement assez important, ou une modification de la façon dont Panic a
2 déposé, lorsque la première fois pendant le procès il a évoqué Pavkovic, il
3 a dit que c'était la personne qui était responsable de l'évacuation, et il
4 a dit ensuite que : "Sljivancanin n'était responsable que des questions
5 liées à la sécurité à l'hôpital." Et les juges de la Chambre ont remarqué
6 que ceci était fort différent, et qu'il y avait eu un glissement assez
7 conséquent par rapport à sa déclaration précédente qu'il avait donnée en
8 2005, pièce 2. Et dans cette déclaration-là, Panic avait dit qu'il était
9 présent, qu'il était au briefing du commandement la veille lorsque Mrksic a
10 demandé à Sljivancanin de s'occuper de l'évacuation et qu'il devrait y
11 avoir un nombre important de policiers militaires. Donc pendant le procès,
12 la Chambre de première instance s'est reposée sur cette déclaration et la
13 teneur de sa déclaration plutôt que sa déposition pendant le procès. C'est
14 quelque chose qui a été constaté pendant la Chambre d'appel et qui a été
15 confirmé.
16 Un autre exemple que je souhaite vous donner par rapport à son parti
17 pris lorsqu'il allègue que d'après la réunion avec le gouvernement, qu'ils
18 avaient planifié de juger les prisonniers de guerre, quelque chose qu'il
19 aurait dit à Mrksic. Au paragraphe 105 [comme interprété], les juges de la
20 Chambre ont dit "qu'ils n'ont absolument pas pu accepter le caractère
21 honnête de cette partie de cette déposition. Cela servait bien évidemment
22 ses intérêts et tentait de placer la JNA et Mile Mrksic sous un jour
23 favorable."
24 Son parti pris est tout à fait clair dans cette procédure de
25 réexamen. Lorsqu'il a témoigné dans l'audience consacrée au réexamen, il
26 avait évoqué deux thèmes supplémentaires au cours de cette conversation,
27 quelque chose qui n'avait pas été évoqué auparavant dans sa déclaration
28 qu'il a donné à Me Lukic l'année dernière en 2009. Il s'agit de la pièce 4,
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1 où il prenait note de ses souvenirs et lorsqu'il venu dans cette audience
2 consacrée au réexamen, il a donné deux éléments d'information qui ne
3 figuraient pas dans sa déclaration sur cette conversation. Il a dit que
4 Sljivancanin a fait un rapport à Mrksic, a dit qu'il était rentré de sa
5 mission, et que le gouvernement avait décidé d'emmener les prisonniers de
6 guerre à Ovcara. Il n'y a pas de coïncidence, d'après nous, que ces
7 questions faisaient partie du témoignage de Sljivancanin au cours du procès
8 et maintenant ils réapparaissent pendant l'audience consacrée au réexamen.
9 C'est quelque chose que vous pourrez voir dans le détail dans nos
10 écritures.
11 Et donc pour résumer le résumé, le récit de Panic sur ces deux points
12 et le conversation qu'il a évoquées est quelque chose auquel il ne faut
13 accorder aucun poids, compte tenu de sa motivation qui était la sienne et
14 qui était fort profonde, à savoir de se protéger de son unité, qu'il
15 respectait, et de Sljivancanin.
16 Avant que je ne passe à mon troisième point, la raison pour laquelle
17 vous ne devez pas le croire, en fait, je dois préciser que vous avez
18 constaté au paragraphe 61 de l'arrêt en appel - cela se trouve cinq lignes
19 à partir du bas, je pensais que c'était une note en bas de page du
20 paragraphe 62, en réalité cela se trouve au paragraphe 61, Madame,
21 Messieurs les Juges.
22 Vous vous souviendrez certainement ce que Sljivancanin a fait
23 lorsqu'il est rentré au poste de commandement, et au milieu, vous avez dit
24 que :
25 "Sljivancanin a ensuite rencontré le capitaine Borisavljevic qui lui
26 a parlé de la réunion du gouvernement de la SAO."
27 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
28 Mme BRADY : [interprétation] Cela se trouve au milieu.
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1 Et ensuite, ça c'est la partie pertinente en ce qui nous concerne :
2 "Et pour finir Sljivancanin a rencontré Mrksic et Panic."
3 Ça c'est la référence qui m'intéresse lorsque je dis que Panic sait qu'il
4 est cité dans cette conversation.
5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Il n'y a pas mention directe du retrait
6 de la police militaire dans cette phrase.
7 Mme BRADY : [interprétation] Non, mais si on lit ensemble le paragraphe 61
8 et le paragraphe 62, voici ce que vous avez dit : Sljivancanin est allé
9 voir Panic, il est allé parler à Mrksic et Panic. Et au paragraphe suivant,
10 vous dites qu'au cours de cette réunion, Mrksic a dû mettre Sljivancanin au
11 courant de l'ordre. Donc l'implication logique de toute personne qui reste
12 là est que Panic était présent, et c'est quelque chose que Panic pourrait
13 reconnaître. Toute personne qui dirait cela sans connaître l'accusation
14 dirait, oui, évidemment, Panic a fait partie de la discussion à propos de
15 cet ordre.
16 Je vais maintenant passer à troisième raison pour laquelle vous ne devriez
17 pas croire M. Panic, le fait que les éléments de preuve qu'il apporte sont
18 quant à moi invraisemblables au vu de la doctrine militaire et du contexte
19 opérationnel. Donc vous n'avez pas pu observer Panic pendant quatre jours
20 comme l'a pu le faire la Chambre de première instance, mais il est venu en
21 juin de cette année lors de l'audience en révision, vous avez pu voir
22 pendant un petit moment, et il est évident qu'il ne dit pas la vérité. Il y
23 a plusieurs choses dont il faut se souvenir. Tout d'abord, le 20 novembre,
24 Panic était chef d'état-major, il avait déjà joué un rôle important en ce
25 qui concerne les prisonniers ce jour-là, puisque c'est lui qui avait
26 transmis l'ordre de Mrksic à la réunion du gouvernement, et il savait que
27 la situation des prisonniers était très précaire. Ensuite, le lendemain, le
28 21 novembre, il a remplacé Mrksic en tant que commandant par intérim. Donc
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1 il est venu dire qu'il n'était pas au courant de l'ordre de retrait pendant
2 toute la période du soir du 20 novembre et au cours des quatre jours qui
3 ont suivi pendant lesquels la Brigade des Gardes et lui sont restés à
4 Vukovar, et le fait qu'il ait dit cela défit toute logique de doctrine
5 militaire. Si on croit cela, cela voudrait dire que trois principes, trois
6 fondements essentiels de la doctrine militaire qui sont l'unicité de
7 l'autorité, l'unicité du commandement et la connaissance de la situation,
8 le fait qu'il faut à tout moment être au courant de la situation, cela veut
9 dire que ces trois fondements s'étaient complètement évaporés, et ce, dans
10 le cadre d'une unité d'élites et disciplinée de la JNA.
11 Donc, Panic ment lorsqu'il dit qu'il n'était pas au courant de l'ordre de
12 retrait le 20 novembre. Cela défit toute logique de doctrine militaire.
13 Pourquoi ? Tout d'abord parce qu'il était chef d'état-major, et nous avons
14 entendu aujourd'hui et dans le rapport que la doctrine au titre des forces
15 armées, la doctrine des forces armées de la JNA, cette personne joue un
16 rôle central dans les fonctions du commandant. C'est lui qui conseille le
17 commandant, c'est son adjoint. Il doit être là près de lui, prêt à le
18 remplacer si quoi que ce soit arrive au commandant. Il travaille
19 étroitement avec lui pour élaborer les ordres, les décisions et pour les
20 mettre en œuvre. Donc c'est presque une relation de travail symbiotique.
21 Ils sont en symbiose. Et Panic est tout à fait d'accord avec ça pour dire
22 que le rôle de chef d'état-major est un rôle où l'on est en étroite
23 coopération avec le commandant.
24 Ensuite, il n'était pas seulement chef d'état-major, il faut aussi voir
25 quel était son rôle, et sa connaissance de la situation des prisonniers.
26 Parce qu'il n'est pas uniquement chef d'état-major, c'est aussi une
27 personne qui était très engagée dans les activités de commandant le 20
28 novembre en ce qui concerne les prisonniers, souvenez-vous. Mrksic avait
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1 envoyé Panic pour le représenter auprès de la réunion du gouvernement. Donc
2 il avait confiance en Panic, il l'a envoyé pour transmettre le fait qu'il
3 était d'accord avec la décision du gouvernement qui était de s'occuper des
4 prisonniers. Ils se sont entretenus avant que Panic n'aille à la réunion et
5 ensuite après. Panic a toujours tenu Mrksic au courant de ce qui se passait
6 en ce qui concerne les prisonniers et de ce qui se passait en ce qui
7 concerne les décisions du gouvernement. Ensuite il part à Ovcara afin de
8 pouvoir rendre compte à Mrksic puisqu'ils travaillent ensemble sur les
9 prisonniers à ce moment-là. Et il fait rapport à Mrksic de ce qu'il a vu,
10 bien qu'il ait fait un rapport assez élagué de ce qu'il avait vu.
11 Ensuite, souvenez-vous que le lendemain il allait devenir commandant par
12 intérim, il faut prendre en compte l'importance de la décision de retirer
13 les gardes d'Ovcara. Mais nous nous méfions plus dans nos arguments -- mais
14 on ne peut pas croire que Mrksic n'ait pas tenu son chef d'état-major au
15 courant.
16 Deuxièmement, il nous dit qu'il n'a pas appris la connaissance de cet ordre
17 de retrait et ses conséquences épouvantables avant son retour de Belgrade
18 plusieurs jours plus tard, quatre jours plus tard. Ici, il dit qu'il
19 pensait que les prisonniers de guerre étaient à Ovcara sous la garde de la
20 80e Brigade, si vous acceptez ses propos, bien sûr. Mais bien qu'il ait
21 pris le commandement et qu'il soit donc commandant par intérim le 21 et le
22 22 novembre, il n'a absolument rien fait pour ne serait-ce que savoir ce
23 qui se passait à Ovcara. Il n'a pris aucune mesure pour suivre la situation
24 alors que la veille, il était très préoccupé par le sort des prisonniers.
25 Et de notre avis, cette incohérence a une bonne raison, c'est tout
26 simplement parce qu'il savait exactement ce qu'il se passait et il voulait
27 s'en détacher le plus possible.
28 Donc, j'ai dit qu'à partir du 21 novembre et jusqu'au retour de Mrksic le
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1 22 novembre, c'était Panic qui était commandant par intérim de l'OG sud, et
2 M. Theunens nous l'a dit aujourd'hui que ce poste comporte des obligations,
3 l'obligation de toujours être au courant de la situation. Il faut avoir une
4 connaissance de la situation qui soit à jour. Il était tenu de rechercher
5 les informations sur ses unités, sur les agissements de ses unités. Il
6 était tenu de rechercher des informations sur les prisonniers qui étaient
7 sous la garde des unités de l'OG sud. Et comme l'a dit M. Theunens, ce
8 n'est pas du tout une obligation passive où on est là à attendre que les
9 informations arrivent en espérant que les informations vont arriver,
10 absolument pas. Il s'agit d'une obligation active. Il faut s'assurer que
11 l'on recueille sans cesse des informations et que l'on puisse surveiller la
12 situation, aussi, pour pouvoir prendre des décisions rapides ou donner des
13 ordres rapides et pour pouvoir aussi rendre compte en temps et heure aux
14 supérieurs.
15 Donc, lorsqu'il a pris le poste de commandement de l'OG sud, le 21
16 novembre, la doctrine militaire dictait que Panic devait se tenir au
17 courant de la situation. S'il n'obtenait pas de rapports de la 80e, il
18 devait aller chercher ces rapports lui-même ou alors envoyer quelqu'un
19 chercher les rapports, surtout au vu des préoccupations qu'il avait émises
20 la veille. Alors, le fait qu'il n'ait absolument rien dit en dit long, et
21 la raison est simple : il savait exactement ce qui se passait, et comme je
22 l'ai dit, il prenait ses distances.
23 Maintenant, passons aux trois raisons essentielles qui expliquent
24 pourquoi Panic n'a rien fait pour savoir ce qui se passait au niveau des
25 prisonniers alors qu'il disait être sa grande préoccupation de la veille.
26 Chaque explication qu'il a donnée est en infraction complète avec les
27 fondements mêmes de la doctrine militaire, et c'est pour cette raison-là
28 que vous devriez vous rendre compte qu'il n'est pas digne de foi.
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1 Tout d'abord, il a suggéré, et M. le Juge Meron m'a demandé de
2 préciser à quel moment du compte rendu il avait dit la chose suivante, il a
3 dit que la 80e Brigade motorisée avait la responsabilité pleine et entière
4 de la région d'Ovcara et n'était plus subordonnée à l'OG sud à partir du 21
5 novembre. Or, c'est complètement faux, et c'est complètement contraire au
6 principe même d'autorité unique et d'unicité du commandement. Il semble
7 dire qu'à partir du 20-21 novembre, c'était la 80e Brigade qui avait la
8 responsabilité totale d'Ovcara alors que, comme la Chambre de première
9 instance a constaté, c'est l'OG sud qui a conservé la responsabilité de
10 toutes ses unités subordonnées dans cette région, y compris la 80e Brigade,
11 jusqu'au 23 novembre. Et vous trouverez cela aux paragraphes 82 et 253 du
12 jugement en première instance.
13 Bon, il est vrai que la 80e allait remplacer les gardes une fois
14 qu'ils seraient partis, mais jusqu'alors, et c'est ce que M. Theunens nous
15 a dit aujourd'hui, et ça fait partie de son rapport, d'ailleurs, jusque-là,
16 en vertu du principe d'autorité unique et d'unicité du commandement, il n'y
17 a qu'une unité qui peut être responsable, et c'était l'OG sud. Donc, il y
18 avait certes des préparations en cours pour que le 80e reprenne la
19 responsabilité de la zone d'OG sud, mais c'était un processus graduel. Mais
20 le transfert véritable de l'autorité a eu lieu à un moment bien précis, le
21 23 novembre 1991 à 18 heures, après 18 heures et avant le 24 novembre 1991.
22 Jusque-là, c'est le commandant de l'OG sud qui avait toute responsabilité
23 sur la situation dans cette zone de responsabilité, et cela est très clair
24 lorsque l'on étudie les ordres qui ont été donnés par Mrksic et Panic à la
25 80e, du 20 au 23 novembre, pièces 422 et 424 du dossier. Si la 80e n'était
26 plus subordonnée à l'OG sud, pourquoi donc leur donner des ordres.
27 Deuxième raison -- mais je me rends compte que j'ai utilisé mes 30
28 minutes. Pourriez-vous me donner cinq minutes supplémentaires, s'il vous
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1 plaît. Je vous remercie.
2 Donc, deuxième raison donnée par M. Panic pour expliquer pourquoi il ne
3 s'est pas du tout occupé des prisonniers alors qu'il était commandant par
4 intérim, et il nous dit qu'il était commandant, certes, mais plutôt de
5 façon formelle et officielle uniquement. Donc, lorsque l'on se réfère à la
6 page 71 de l'audience en réexamen, il a dit la chose suivante, et vous vous
7 en souvenez sans doute :
8 "Mrksic était encore en vie. Il était là. Il avait des équipements de
9 communication avec lui. Il allait revenir de Belgrade."
10 Et aussi, lors des questions posées à M. Theunens, il déclare qu'il
11 n'avait pas essayé d'entrer en communication avec le commandement de la 80e
12 Brigade le matin du 21, mais pensait que Mrksic l'avait sans doute fait. Il
13 a dit "peut-être par téléphone." C'est à la page 71.
14 Donc, nous avons entendu ce que M. Theunens a dit à ce propos en
15 répondant à la question de M. le Juge Pocar, si Mrksic avait appelé et
16 avait parlé à un officier quelconque, il aurait automatiquement été voir
17 Panic, qui était le commandant par intérim, sinon il y aurait eu un chaos
18 total et cela aurait défié complètement tout principe d'unicité d'autorité
19 et d'unicité de commandement.
20 Autre chose, maintenant, Panic semblait dire, en fait, que c'est
21 Mrksic qui tirait les ficelles par derrière et que c'est lui qui
22 commandait, en fait, et qui recevait les rapports opérationnels, alors que
23 Panic ne les recevait pas. Ceci est contredit par la pièce 368, qui est un
24 rapport régulier de combat qu'il a signé lui-même - Panic l'a signé lui-
25 même - et qu'il a envoyé à ses supérieurs à la 1ère Région militaire en tant
26 que commandant par intérim le 21 novembre, à 18 heures, où il résume
27 l'évolution de la situation au cours des 24 heures précédentes.
28 Dernière explication, il semble aussi qu'il disait qu'il était trop
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1 occupé à s'occuper d'autre chose, comme s'occuper de l'organisation de la
2 conférence de presse, le retour des gardes à Belgrade, le fait qu'il
3 fallait s'occuper des convois de civils, il était trop occupé à faire tout
4 cela pour s'occuper des prisonniers. Or, à nouveau, c'est une déclaration
5 tout à fait étonnante qui est complètement contraire à son obligation en
6 tant que commandant par intérim, où il est censé rester au courant de la
7 situation. Il doit savoir ce que font ses unités, certes, et aussi ce qui
8 se passe au niveau des prisonniers de guerre gardés par ses unités. Et
9 comme l'a dit M. Theunens, le nombre même de fonctions qu'un commandant
10 doit exécuter n'a aucun impact sur ses obligations au titre de la doctrine
11 et des éléments-clés de la doctrine. Il est là et son obligation est d'être
12 au courant de la situation de ses unités à tout moment et de la situation
13 des prisonniers de guerre. Il n'est pas censé être au courant de la
14 situation uniquement pour lui-même mais aussi pour en faire rapport à ses
15 supérieurs de façon précise. Donc il ne peut pas dire, "Oh j'ai pas le
16 temps, je ne peux pas le faire". S'il est vraiment occupé, il doit établir
17 des priorités et déléguer les tâches. Donc de notre avis, s'il était
18 vraiment si préoccupé par d'autres tâches, d'autres missions, c'était
19 délibérément qu'il l'avait fait. Il avait délibérément décidé de rester
20 dans l'ignorance.
21 Dernière remarque avant d'en conclure, lorsque vous devrez évaluer la
22 crédibilité de Panic, étudiez de très près la pièce 368, ce rapport qu'il a
23 signé en tant que commandant par intérim et qu'il a envoyé à 6 heures du
24 soir le 21 novembre à ses supérieurs. Souvenez-vous, c'est un rapport qu'il
25 fait à ses supérieurs à propos de l'évolution de la situation, les 24
26 heures précédentes à Vukovar. Donc nécessairement, il aurait dû parler des
27 activités principales des unités de l'OG sud au cours de ces 24 heures,
28 comprenant bien sûr des informations à propos des 200 prisonniers de guerre
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1 qu'ils avaient capturés et du fait que la 80e Brigade motorisée était avec
2 eux. Qu'y a-t-il dans ce rapport à propos de tout cela ? Absolument rien.
3 Rien. Certes, on parle du transfert des civils, du transfert des malades,
4 des blessés, qui ont eu lieu donc au cours des 24 heures précédentes, mais
5 on ne parle absolument à aucun moment du transfert de 200 prisonniers de
6 guerre remis au gouvernement ou envoyés à Ovcara. Ils se sont tout
7 simplement évaporés. Ils ne sont plus au radar, on ne les voit plus. Donc
8 le fait qu'il ait exclu toute information à propos des prisonniers sur ce
9 rapport, dans ce rapport du 21, était une tentative délibérée de la part de
10 Panic pour, à nouveau, je le répète, prendre ses distances par rapport à ce
11 qui se passait à Ovcara, tout comme il l'a fait chaque fois qu'il est venu
12 témoigner à propos de ces points, y compris au cours de ces audiences en
13 réexamen.
14 En conclusion, je tiens à dire qu'on ne peut pas croire Panic à propos de
15 la conversation, car sur ce point, on sent bien qu'il s'occupe de son
16 propre intérêt. On voit bien aussi son parti pris, l'ignorance qu'il
17 professe à propos de l'ordre de retrait ce soir-là et au cours des quatre
18 jours précédents, bien qu'il soit chef d'état-major et commandant par
19 intérim est totalement invraisemblable au vu de la doctrine militaire et du
20 contexte opérationnel. Et pour ces raisons, son témoignage, tout ce qu'il
21 vous a dit à propos de cette fameuse conversation entre Mrksic et
22 Sljivancanin ne doit avoir aucun impact sur la condamnation de
23 Sljivancanin.
24 Voilà, si vous avez des questions à poser, j'en ai terminé avec mes
25 arguments.
26 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Madame Brady. Je vois que vous
27 avez utilisé le mot "invraisemblable" dans votre conclusion.
28 "Inconcevable", peut-être. Vous avez parlé d'invraisemblable,
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1 d'inconcevable. J'ai demandé à M. Theunens si le fait que ce soit
2 invraisemblable -- si ce qui est invraisemblable est forcément impossible,
3 et il n'a pas voulu se prononcer là-dessus. Nous savons bien sûr qu'un
4 grand nombre de choses peuvent arriver dans le brouillard de la guerre, et
5 il faut faire très attention lorsque l'on pèse le pour et le contre. Mais
6 très justement, vous avez fait remarquer que la question de crédibilité du
7 lieutenant-colonel Panic est essentielle en l'espèce, et je suis sûr que
8 dans vos arguments de synthèse, vous essaierez de faire ressortir toute
9 incohérence entre le témoignage du lieutenant-colonel Panic et toute
10 déclaration précédente ou tout autre point pertinent qui peuvent nous aider
11 à évaluer sa crédibilité. Bien sûr, M. Bourgon aura six jours ensuite, il
12 aura énormément de temps pour répondre à tous les points que vous aurez
13 abordés.
14 Y a-t-il des questions ? Oui, je vois. Nous allons passer aux questions ?
15 Madame le Juge Vaz.
16 Mme VAZ : Je vous remercie, Monsieur le Président. Je voudrais demander à
17 Mme si on peut vraiment considérer que pour quelqu'un qui n'est pas
18 poursuivi par le Procureur, comme l'est M. Panic, le fait de venir déposer
19 en faveur de quelqu'un comme Sljivancanin l'amène forcément à mettre hors
20 de cause ce dernier pour se protéger ? Est-ce automatique, selon vous, ou
21 pensez-vous que quelqu'un peut venir en se disant, il faut rétablir la
22 vérité, donc je vais témoigner sans pour autant essayer de se mettre hors
23 de cause alors qu'il n'est -- que la personne n'est pas en cause ?
24 Mme BRADY : [interprétation] Certes, vous avez raison. Toute personne
25 pourrait venir pour dire, il faut que la vérité soit dite, et le dire sans
26 pour autant être coupable ou sans pour autant devoir se protéger. Mais d'un
27 autre côté, en l'espèce, si on associe tout ce qui a été dit et si on prend
28 en compte les constatations de la Chambre de première instance à propos de
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1 sa crédibilité, où ils ont été quand même assez prudents à propos de sa
2 crédibilité, nous considérons que vous aussi vous devriez être extrêmement
3 prudents en ce qui concerne son témoignage. Il est vrai que quelqu'un
4 pourrait venir pour dire la vérité, c'est vrai. Ça ne signifie pas
5 automatiquement qu'on a un parti pris ou qu'on cherche à se protéger, non.
6 Mais au vu des faits, au vu de la doctrine militaire qui existe et qui là,
7 pour une fois, était complètement jetée aux orties, si je puis dire, rien
8 ne marchait ce jour-là par rapport à la doctrine militaire, et de notre
9 avis, cela n'est pas possible. Et nous pensons donc que la raison pour
10 laquelle il est venu témoigner ici, c'est pour protéger ses intérêts. Mais
11 je sais qu'il n'a pas été poursuivi, c'est vrai, ce qui ne signifie pas
12 pour autant qu'il n'est pas dans une situation un peu difficile dans
13 d'autres juridictions dans d'autres pays.
14 Il n'a pas besoin d'être accusé lui-même pour avoir ses propres intérêts à
15 protéger, de notre avis. Il est tellement lié à tous ces événements, à tout
16 ce qui s'est passé, qu'il faut quand même que vous ayez un doute très
17 important, surtout lorsque vous étudiez les faits au vu de tout ce qu'il a
18 dit. Et il y a eu trois mensonges qui sont évidents, et je pense que j'en
19 ai parlé.
20 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je crois que M. le Juge Pocar a une
21 question de suivi.
22 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous avons entendu dire que Panic est
23 allé spontanément, si je ne m'abuse, rencontrer l'équipe de la Défense
24 après avoir entendu que Sljivancanin avait été condamné. J'ai bien compris,
25 n'est-ce pas ?
26 Alors j'aimerais vous demander si vous estimez qu'il a agi ainsi parce que
27 le jugement en première instance évoqué par la Chambre d'appel a permis de
28 conclure que Mrksic a dit -- ou aurait dû dire à Sljivancanin pendant cette
Page 243
1 conversation à laquelle assistait Panic, ce qu'il en était. Donc si Mrksic
2 avait informé Sljivancanin à ce moment-là, s'il lui avait dit que l'ordre
3 avait été donné, Panic aurait entendu parler de l'ordre puisqu'il était
4 présent.
5 Donc est-ce votre position que de dire que Panic est allé rencontrer la
6 Défense pour essayer de se protéger contre des poursuites éventuelles
7 fondées sur le fait que d'après les conclusions de la Chambre de première
8 instance, il était au courant de l'existence de l'ordre ?
9 Bien sûr, vous avez vous-même dit qu'il ne fera l'objet d'aucune poursuite
10 judiciaire par le Tribunal où nous travaillons aujourd'hui, puisque le
11 Tribunal en question, le TPY va fermer, mais il existe d'autres tribunaux.
12 Mais enfin, c'est l'un des points que vous avez indiqué.
13 Mme BRADY : [interprétation] Je dirais que le problème qui se pose n'est
14 pas de savoir s'il va être poursuivi ou pas, mais également quel sera
15 l'effet sur le monde extérieur lorsque ce jugement restera en l'état devant
16 le monde extérieur. Lorsqu'il a découvert que Sljivancanin était condamné,
17 il aurait dit : "Ah, mais sur quelle base ?" Et à ce moment-là, il y a eu
18 des problèmes de traduction, et rapidement il a pris connaissance du
19 jugement. Tout cela est très difficile. Je me livrerais à des conjectures
20 très importantes si je disais que : "C'est la raison pour laquelle il est
21 sorti de sa maison et a couru pour contacter Me Lukic." Nous ne pouvons pas
22 dire cela. Nous n'avons pas les moyens de le dire, mais ce que nous pouvons
23 dire, c'est qu'il avait de plusieurs puissantes motivations pour présenter
24 l'histoire qu'il a présentée en prenant la défense de M. Sljivancanin, ceci
25 pour continuer à protéger la Brigade des Gardes et pour se protéger lui-
26 même. Donc, l'une ou l'autre de ces nombreuses raisons aurait pu l'inciter
27 à se dire : Je vais tout de suite aller rencontrer Me Lukic. Mais si
28 j'allais plus loin, Monsieur le Président, je me livrerais à des
Page 244
1 conjectures.
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci beaucoup. Je crois que
3 maintenant, nous allons passer à Me Bourgon pour 30 minutes.
4 M. BOURGON : [interprétation] Monsieur le Président, Honorables Juges de la
5 Chambre, alors que je m'apprête à entamer la présentation de mes arguments,
6 qui ont une si grande importance pour M. Sljivancanin, je voudrais
7 simplement vous rappeler au départ la raison qui nous réunit ici
8 aujourd'hui. Autrement dit, je pense qu'il importe que nous nous remettions
9 en mémoire les circonstances très marquantes de l'espèce, circonstances
10 réellement exceptionnelles. Alors, sont-elles vraiment exceptionnelles ? Eh
11 bien, on est en présence d'un officier qui a été condamné pour avoir aidé
12 et incité par omission à tuer un certain nombre de prisonniers de guerre,
13 ce qui est une condamnation très sévère dont la gravité ne peut en aucun
14 cas être sous-estimée.
15 Mais comment en est-on arrivé à cette condamnation ? On en est arrivé
16 à cette condamnation sur la base d'éléments qui n'avaient pas été prévus au
17 départ, que ce soit en première instance ou en appel. D'ailleurs, est-ce
18 que ceci a été un moyen d'appel ou pas, en tout cas, il est certain que, in
19 extremis, cet élément a appelé l'attention des Juges de la Chambre d'appel
20 sur la base de ce que cette même Chambre d'appel a découvert au paragraphe
21 62 du jugement en première instance. Et ce que la Chambre d'appel a
22 découvert ne pouvait conduire qu'à une seule conclusion raisonnable, à
23 savoir que Mrksic a sans doute dit à Sljivancanin que oui, il allait
24 retirer les policiers militaires. Sur cette base, Sljivancanin est
25 désormais doté du mens rea nécessaire pour aider et inciter par omission,
26 et c'est ce qui a conduit à sa condamnation.
27 La question posée ici réside dans le fait que dès que cette
28 condamnation prononcée en public a été connue, une personne qui était
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1 présente pendant la conversation critique dont nous parlons, une personne
2 qui était un officier de haut rang de la JNA, une personne qui a informé un
3 commandant de haut rang en disant : "J'étais présent et je sais que Mrksic
4 n'a rien dit de tout cela, donc je me dois d'agir."
5 M. Theunens, aujourd'hui, a refusé de convenir avec moi que n'importe
6 quel officier de haut rang aurait ressenti le désir d'agir ainsi dans de
7 telles circonstances. Tout va bien. Vous avez vu comment M. Theunens a
8 réagi à mes questions, vous avez vu combien il était défensif, combien il
9 s'est efforcé de ne pas répondre en disant la simple vérité. Parce que,
10 bien entendu, je le soumettais à un point de vue qui était opposé à celui
11 de l'Accusation. La position de l'Accusation consiste à dire il s'est
12 présenté de son plein gré pour se protéger. Ma position, Monsieur le
13 Président, Madame, Monsieur les Juges, consiste à dire qu'il s'est présenté
14 spontanément pour défendre la justice. Et ces deux points de vue sont
15 différents, et même complètement opposés. C'est ce qui est au cœur des
16 débats en l'espèce.
17 Chacun savait que Panic était présent pendant cette conversation.
18 Ceci a été établi par les Juges de la Chambre de première instance ainsi
19 que par les Juges de la Chambre d'appel, qui ont fait référence aux
20 conclusions de la Chambre de première instance en disant que Panic était
21 présent. Mais en tout cas, ceci a été établi par votre décision, Monsieur
22 le Président, le 14 juillet. Il a été établi que le fait que Panic ait
23 entendu cette conversation et que pendant cette conversation, Mrksic n'a
24 pas dit : nous allons retirer les policiers militaires. Il a été établi,
25 Monsieur le Président, que ceci constituait un fait nouveau susceptible de
26 permettre une révision du procès. A partir de ce moment-là, toute notre
27 attention doit se concentrer sur un point : est-ce que Panic a entendu la
28 conversation et est-ce que Mrksic a dit qu'il avait retiré les policiers
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1 militaires.
2 L'Accusation défend une position pour laquelle elle n'a pas un brin
3 d'éléments de preuve. C'est une position qui a déjà été examinée par la
4 Chambre de première instance, qui a ensuite été réexaminée par la Chambre
5 d'appel, et cette position consiste à dire que Mrksic a bel et bien dit
6 qu'il avait retiré les policiers militaires pendant cette conversation. A
7 ce moment-là, l'Accusation déclare : nous n'avons aucune preuve de cela,
8 donc Panic doit être un menteur. C'est tout ce dont dispose l'Accusation.
9 Je suis d'accord avec vous, Monsieur le Président, ceci est une
10 question tout à fait centrale, mais avant de franchir le pas de nous mettre
11 à penser que quelqu'un peut, simplement dans le but d'éviter des poursuites
12 judiciaires absolument hypothétiques - autrement dit, des problèmes
13 hypothétiques - le fait que quelqu'un pourrait franchir le pas de venir se
14 présenter devant ce Tribunal, et ce, après avoir déjà été au TPI, parce
15 qu'il a témoigné par le passé, il a travaillé avec l'équipe des défenseurs
16 de Mrksic, il a travaillé avec l'équipe des défenseurs de Sljivancanin, il
17 a présenté une déclaration au bureau du Procureur, il a témoigné ici
18 pendant quatre jours, il a été interrogé et contre-interrogé par trois
19 parties différentes, les Juges lui ont posé des questions, donc même s'il
20 s'agit d'une personne qui n'a rien à cacher, il est vraisemblable que cette
21 personne aurait dit : je n'y retournerai jamais, là-bas. Quant à lui, oui,
22 il a décidé de revenir.
23 Donc, la question principale en matière de crédibilité est exactement
24 la question suivante : s'est-il efforcé de se protéger lui-même ? A-t-il
25 agi comme il a agi pour éviter une responsabilité bien précise ? Et ma
26 réponse à cette question est un non tout à fait clair.
27 Alors, concentrons-nous sur cette conversation, la conversation et
28 rien d'autre. Nous disons comment est-ce que le bureau du Procureur peut
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1 démontrer, peut montrer que ce que dit Panic n'est pas vrai ? Eh bien, il y
2 a pas mal de choses que l'Accusation aurait pu faire pour découvrir des
3 éléments de preuve le démontrant. Et ce qui est encore plus grave, c'est
4 que l'Accusation l'a fait. Nous savons tous qu'elle a enquêté à l'extrême
5 pour trouver ces éléments de preuve. Le 22 juillet, si je ne me trompe,
6 date à laquelle l'Accusation a déposé une requête en vue d'obtention d'un
7 délai supplémentaire, l'Accusation a dit : Eh bien, nous avons examiné le
8 témoignage de Panic et nous avons de nombreux témoins qui souhaitent venir
9 s'exprimer. Et nous avons également déposé une demande d'entraide
10 judiciaire auprès d'un gouvernement. Il est évident que l'Accusation, en
11 disant cela, faisait plus que le maximum pour découvrir des éléments de
12 preuve afin de démontrer que ce qui était dit était contraire à la vérité.
13 Est-ce qu'elle y est parvenue ? Un témoin expert qui déclare que parce que
14 la doctrine de la RSFY n'a pas été appliquée, Panic est un menteur. Voilà
15 ce qui est un fait. Bien sûr, je l'exagère un petit peu, mais c'est
16 néanmoins un fait. Tout ce que l'Accusation a pu trouver, c'est un témoin
17 expert qui a réussi à dire que la doctrine de la RSFY n'a pas été
18 appliquée, et que donc les actions envisagées ne sont pas plausibles.
19 Mais la Chambre de première instance s'est penchée sur la doctrine,
20 elle avait la possibilité d'entendre des témoins experts parlant de la
21 doctrine, et elle a tiré un certain nombre de conclusions très
22 intéressantes, à savoir que la doctrine n'a pas été appliquée de façon
23 cohérente et que la doctrine n'a pas été entièrement respectée. Mais pas
24 uniquement au sein du Groupe opérationnel sud, mais également dans toute la
25 hiérarchie militaire. Donc maintenant, il faut que nous nous repenchions
26 sur les faits, et moi, je me repenche sur Mrksic, parce que l'expert dit,
27 et je suppose que l'Accusation aimerait que nous pensions que Mrksic ne
28 pouvait pas donner cet ordre sans le dire à Panic. Alors d'accord. Eh bien,
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1 penchons-nous sur ce fait. Bien entendu, l'expert n'acceptera jamais
2 d'admettre que de telles possibilités existent. Mais lorsqu'un homme commet
3 un crime - et c'est bien ce que Mrksic faisait à l'époque, il commettait un
4 crime. Donc il commettait un crime, et cet expert qui n'a jamais été à la
5 guerre, qui n'a jamais été membre d'un état-major, qui n'a jamais été dans
6 un environnement militaire, vient vous dire : Ah, oui, il fallait qu'il en
7 parle au chef d'état-major, bien sûr. Monsieur le Président, nous ne
8 pouvons pas accorder le moindre poids à une telle déclaration. D'ailleurs,
9 ce témoin expert n'a même pas accepté de faire le lien entre la théorie et
10 la pratique dans ses propos en disant que ce n'était pas impossible, parce
11 que finalement il a admis que c'était impossible.
12 Alors examinons, Monsieur le Président, ce qu'aurait pu faire
13 l'Accusation pour rechercher des éléments de preuve, parce que si Panic a
14 menti au sujet de cette conversation, il y a pas mal de gens qui auraient
15 pu être réinterrogés pour nous donner une idée indiquant que Panic avait
16 connaissance de l'existence de cet ordre dans la soirée du 20 novembre
17 1991, et il y a également un grand nombre de personnes qui auraient pu être
18 interrogées pour nous dire que dans la période allant du 21 au 24 novembre,
19 Panic, d'une façon ou d'une autre, a obtenu le renseignement selon lequel
20 un crime avait été commis. Et s'il a appris cela, c'est la raison pour
21 laquelle il aurait obtenu ce renseignement le 23, cela aurait pu engager sa
22 responsabilité, donc il va mentir au sujet d'une conversation qui a eu lieu
23 dans la soirée du 20 novembre. Il va prendre le risque de venir ici, dans
24 cet environnement très particulier, pour dire dans sa déposition que ce
25 renseignement, il ne l'a pas entendu dans la soirée du 20 novembre parce
26 qu'il souhaiterait dissimuler le fait qu'il l'aurait appris plus tard.
27 L'Accusation aurait pu également interroger le membre du commandement
28 du Groupe opérationnel sud. Elle l'a sans doute fait. Eh bien, il n'y a
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1 toujours pas d'élément de preuve. L'Accusation aurait pu interroger des
2 témoins qui travaillaient avec Panic pendant toutes ces journées-là. Elle
3 l'a sans doute fait. Il n'y a toujours pas d'élément de preuve. Pas une
4 seule personne qui aurait accepté de venir pour dire : Moi, je sais que
5 Panic était au courant. Pas une seule. C'est là que se situe la clé du
6 problème, Monsieur le Président. L'Accusation aurait pu interroger des
7 témoins qui étaient présents à n'importe quel événement auquel aurait
8 participé Panic, quelqu'un qui serait venu dire qu'il avait été informé. Ce
9 que je dis s'applique à des témoins qui ont déjà été entendus en première
10 instance et en appel, ainsi qu'à d'éventuels nouveaux témoins. L'Accusation
11 aurait pu chercher à trouver de nouveaux témoins qui seraient venus dire :
12 Nous savons que Panic était au courant et qu'il n'a rien fait. Eh bien, il
13 n'y en a pas eu un seul de ces témoins. Mais je suis sûr que le bureau du
14 Procureur a effectivement enquêté.
15 Alors, prenons un exemple, Monsieur le Président. Et je me concentre
16 sur la journée du 21 novembre, parce que le bureau du Procureur s'est
17 concentré dans la plus grosse partie de son interrogatoire principal sur
18 cette journée du 21 novembre, qui est à la base de la théorie développée
19 par l'Accusation, à savoir qu'il a été informé plus tard et que c'est la
20 raison pour laquelle il est venu mentir ensuite au sujet de ce qui s'était
21 passé le 20 en disant qu'il n'avait été informé que le 22.
22 Le 21, Panic a participé à la réunion d'information. Au briefing
23 quotidien, et à une conférence de presse, selon ce qui nous a été dit ici,
24 donc 120 personnes environ, représentants de médias nationaux et
25 internationaux. Si des rumeurs avaient couru au sujet de ce qu'il était
26 advenu des prisonniers, l'un ou l'autre de ces représentants de médias se
27 serait saisi de cette information. Si ce fait était tellement largement
28 connu, il aurait été repris par l'un des membres de l'assistance au cours
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1 de cette conférence de presse. Eh bien, non. Les seules personnes qui ont
2 parlé de cet ordre sont les personnes qui étaient impliquées. Les éléments
3 de preuve en l'espèce le démontrent, et si vous vous penchez sur ces
4 éléments de preuve, vous verrez qu'il y a le colonel de la 80e Brigade
5 motorisée qui a donné l'ordre; puis il y a Karanfilov, qui a nié avoir reçu
6 cet ordre; puis vous avez Vukosavljevic, qui a reçu l'ordre pour le
7 transmettre; vous avez Vezmarovic, qui est l'homme qui a exécuté l'ordre;
8 puis vous avez P14, cet homme qui était juste à côté d'Ovcara, à moins de
9 200 mètres de distance, et qui discute de la question avec Mrksic; puis
10 vous avez aussi le chef d'état-major de la 80e Brigade motorisée, à savoir
11 Danilovic, qui a témoigné, qui a été contre-interrogé. Ces hommes sont
12 entrés en possession de l'ordre, mais personne d'autre. Et il y a une
13 raison à cela. Il y a une raison qui explique que Mrksic n'ait pas parlé à
14 Panic. Il y a une raison qui explique que Vojnovic n'ait parlé à personne.
15 Et il y a une raison qui explique que cet élément d'information ne soit pas
16 sorti de ce cercle très restreint. Mais il n'y a aucun élément de preuve
17 indiquant que cet élément d'information serait parvenu à quelque moment que
18 ce soit jusqu'à Miodrag Panic. Voilà ce qui est le plus important au sujet
19 de cet élément d'information.
20 Alors voyons maintenant ce qu'a dit l'expert aujourd'hui, parce que
21 nous pensons qu'il ne s'agit en rien d'un nouveau procès. C'est notre point
22 de vue. Nous l'avons écrit sur le papier et nous le répétons ici oralement
23 aujourd'hui.
24 L'expert, je lui ai posé quelques questions au sujet des éléments de
25 preuve, et il n'avait aucune information. Il n'était pas au courant des
26 constatations particulièrement importantes qui concernent de très près le
27 problème posé. Il n'a pas examiné ces documents. Bien sûr il a examiné les
28 paragraphes que le bureau du Procureur lui a transmis. Ça c'est normal.
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1 C'est un ancien salarié du bureau du Procureur -- enfin, ce n'est peut-être
2 pas le mot juste. En tout cas, c'est un ancien analyste qui a travaillé
3 pour le bureau du Procureur. Pensons un peu au parti pris que cela peut
4 représenter, Monsieur le Président. Ce n'est certainement pas Panic qui ait
5 de parti pris; c'est cet homme qui vient et s'assied ici et joue le jeu de
6 l'Accusation. Au moins s'ils avaient fait venir un vrai général, quelqu'un
7 qui était présent sur les lieux. Ils auraient pu en trouver un. Je sais que
8 je suis dans une situation différente, et j'ai accès à de nombreuses
9 personnes avant que quelqu'un ouvre la bouche, mais ils auraient pu obtenir
10 un vrai général, ou ils auraient pu faire venir ici quelqu'un qui avait une
11 expérience des opérations.
12 La façon dont il a répondu à la question du Juge Pocar -- je ne veux pas
13 abuser de votre temps, mais enfin, ce qu'il a dit n'est vraiment pas
14 acceptable, mais je dis devant vous que ce n'est même pas correct. Il n'est
15 pas vrai que le commandant de la 80e Brigade aurait obtenu un ordre de
16 Mrksic, qui se trouve à Belgrade, et aurait dit à son camarade Mrksic :
17 attends un instant, j'ai besoin de vérifier auprès de Panic avant
18 d'accepter cet ordre. Ce n'est pas la façon dont les choses fonctionnent.
19 D'où est-ce qu'il vient, ce garçon ? Je ne sais pas. Et lorsque je lui pose
20 une question, qu'est-ce qui est le plus important ? Est-ce qu'il est plus
21 important de s'occuper des prisonniers ou de s'occuper d'autres exigences
22 opérationnelles ? Comment est-ce qu'il aurait pu le savoir ? Il n'est pas
23 chef d'état-major. Le manuel ne peut lui être d'aucun secours lorsqu'il
24 s'exprime sur ce sujet. Il aurait pu avoir interrogé des généraux. Moi
25 aussi. Est-ce que j'aurais pu donner un avis ferme et circonstancié quant
26 au choix qu'il convenait de faire dans des circonstances aussi difficiles ?
27 Je n'aurais pas pu le faire. Et je vous dis que lui ne peut pas le faire
28 non plus, et ceci montre que tout ce qu'il a dit doit être totalement
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1 écarté, parce que ce n'est pas le problème. Le problème en l'espèce ce sont
2 les éléments de preuve et rien que les éléments de preuve.
3 Mais la Chambre de première instance, elle, a examiné l'ensemble des
4 événements. Et lorsque je me penche sur les éléments de preuve, je me dis :
5 bon, voyons ce que nous avons pour démontrer que Panic était au courant
6 avant que ne se déroule cette conversation. J'ai interrogé l'expert, M.
7 Theunens, et je lui ai demandé -- bien sûr vous savez que cette
8 conversation n'a pas été évoquée pendant le briefing quotidien. Alors, est-
9 ce que l'Accusation défend la position selon laquelle la conversation
10 aurait été évoquée pendant le briefing quotidien ? Dans ce cas-là, il
11 faudra recommencer le procès et citer une nouvelle fois tous les témoins à
12 la barre, parce qu'il est clair que cet élément d'information n'a jamais
13 été évoqué au briefing quotidien.
14 S'il n'a pas été évoqué au briefing quotidien, qu'est-ce que qu'il
15 reste de temps entre le briefing quotidien et la conversation avec
16 Sljivancanin ? Très peu de temps. Qu'est-ce qui se passe pendant ce temps
17 très court ? Eh bien, nous savons que pendant ce temps, Mrksic a sa
18 conversation avec Vojnovic et avec Vukosavljevic et que cette conversation
19 a lieu à l'extérieur. Est-ce que Panic a été au courant de cette
20 conversation d'une façon ou d'une autre ? D'après les éléments de preuve,
21 non. Est-ce que l'Accusation a cité à la barre un seul témoin pour dire que
22 Panic aurait surpris cette conversation ? Non. Pourquoi est-ce que
23 l'Accusation n'a pas cité Vojnovic une nouvelle fois à la barre ? C'est le
24 seul qui n'a pas répondu à l'ordre. C'est celui qui a exécuté un ordre
25 illégal. C'est celui qui a dit, le lendemain, d'après les éléments de
26 preuve, à ses officiers : assurez-vous que vous direz à tout le monde que
27 ceci ne doit pas se reproduire. C'est celui qui a dit à P14, et qui a été
28 surpris quand P14 l'a repris, l'a dit à d'autres, que des rumeurs couraient
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1 quant au fait que les prisonniers avaient été assassinés. Et cet homme, il
2 aurait pu venir ici témoigner et dire aux Juges de la Chambre d'appel : je
3 sais que Panic sait, mais il n'est pas ici pour le dire aux Juges. Pourquoi
4 est-ce que l'Accusation ne l'a pas cité une nouvelle fois à la barre ?
5 Pourquoi est-ce qu'elle n'a pas cité une nouvelle fois à la barre
6 Vukosavljevic, et peut-être que quelqu'un aurait dit : nous avons entendu
7 ce qui se passait de l'autre côté de la pièce. La raison à cela est très
8 simple : ces personnes ne sont pas venues parce que Panic n'était pas au
9 courant de l'existence de cette conversation. Non seulement ceci n'est pas
10 évoqué dans les éléments de preuve, mais l'Accusation n'a pas pu trouver
11 d'autres éléments de preuve le démontrant.
12 Donc, nous sommes maintenant au milieu de cette conversation. Nous
13 avons déjà parlé de cela avant, parce que Panic a dit qu'il n'avait pas vu
14 Karanfilov au commandement, et l'Accusation n'a rien dit de cela. Puis nous
15 disons que le commandement et l'Accusation n'ont rien fait à ce sujet. Nous
16 disons que le sujet a été évoqué au briefing quotidien. Personne n'est venu
17 le dire. La période qui se situe entre le briefing quotidien et la
18 conversation, ça était évoqué. La conversation en tant que telle, nous
19 n'avons pas de nouvel élément de preuve. Nous en restons avec rien,
20 Monsieur le Président. Nous en restons simplement avec la théorie de
21 l'Accusation selon laquelle quelqu'un aurait menti parce qu'il aurait dû
22 savoir. Les enjeux sont trop importants pour franchir une distance aussi
23 importante et sauter le pas, beaucoup trop importants. Ce qui compte ce
24 sont les éléments de preuve, et pas telle ou telle doctrine qui aurait été
25 appliquée. Parce que -- au sujet de la doctrine et en particulier, il est
26 important de se remettre en mémoire que l'expert déclare que Mrksic aurait
27 dû parler à Panic. Panic dit oui. Il dit Panic aurait dû réagir lorsqu'il a
28 appris. Panic déclare : si on m'avait dit. Je pourrais vous donner trois
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1 exemples qui montrent qu'il est arrivé que l'on me trompe.
2 L'Accusation vous dit trois mensonges de Panic devant la Chambre
3 d'appel. Voilà les questions qui se posent : l'une d'entre elles, ce sont
4 ces trois questions qui n'auraient aucun rapport avec la responsabilité,
5 mais je n'ai pas le temps d'en traiter dans le détail immédiatement. Ce
6 sera fait plus tard. Mais la plus importante de ces questions, c'est que M.
7 Theunens était présent au moment où Panic a été interrogé. Nous savons
8 qu'il était présent, désormais. Au procès, dans sa déclaration, Panic a dit
9 : Je ne sais pas qui a émis l'ordre. Je connais Mrksic, ce n'est pas le
10 genre d'homme qui aurait émis un tel ordre, mais cet ordre ne peut venir
11 que d'un commandant. Alors, parti pris, vous dites ? Il a fait condamner
12 son camarade et il serait de parti pris ? Parti pris, favorable à
13 Sljivancanin ? Où sont les éléments de preuve qui le démontrent ? Où sont
14 les éléments de preuve montrant son parti pris ? Il n'y a pas de parti
15 pris, ici. Il a condamné le commandant du Groupe opérationnel sud. Est-ce
16 que vous pouvez imaginer combien il a dû être difficile pour M. Panic
17 d'agir ainsi. Et il a dit qu'il n'y avait pas d'ordre. Et l'Accusation,
18 elle, s'est saisie de cette information, elle a apprécié ce qu'il a dit
19 lorsqu'il a dit que cela ne pouvait venir que de Mrksic, donc elle a saisi
20 la balle au bond et elle s'est mise à courir à toute vitesse et a obtenu
21 une condamnation de Mrksic. Vous voulez contester les dires de Panic ?
22 Ecoutez, il n'est pas possible que vous ne le sachiez pas. Est-ce que vous
23 pourriez faire bouger des gens comme nous ? Est-ce que l'Accusation a fait
24 quoi que ce soit au moment où elle aurait, semble-t-il, pu le faire à
25 l'époque ? Non. Mais aujourd'hui, ah, aujourd'hui les choses sont
26 différentes. Les choses sont différentes parce que cet homme dit à nouveau
27 la vérité, mais cette fois-ci, l'Accusation, cette vérité ne lui plaît pas,
28 parce qu'elle pourrait subir une révision de la condamnation. Donc, tout
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1 d'un coup, Panic devient un homme qui n'est pas crédible, et l'Accusation
2 fera tout ce qui est en son pouvoir pour que le monde entier soit au
3 courant du fait que Panic est un mauvais officier. Eh bien, j'espère,
4 Monsieur le Président, que ce ne sera pas le cas, quelle que soit la nature
5 du jugement que vous prononcerez au sujet des qualités de Panic, qui est
6 venu témoigner ici devant vous.
7 Il me reste quatre minutes. J'ai encore un point que j'aimerais
8 évoquer, et ensuite je reviendrai sur la conversation, bien sûr, parce que
9 nous croyons véritablement que c'est cette conversation qui est au cœur du
10 débat, pas le moment qui précède, pas le moment qui suit, mais le moment
11 même où la conversation a eu lieu. Nous avons déjà dit que si Mrksic
12 commettait un crime, il était peu vraisemblable de penser qu'il allait en
13 informer Sljivancanin. Je veux dire, cette histoire d'avoir peur des
14 officiers chargés de la sécurité est un thème récurrent qui est développé
15 dans de nombreux procès jugés par ce Tribunal. L'expert aimerait que vous
16 donniez foi à cette histoire parce que l'article 36 de la Loi sur
17 l'applicabilité des lois de la guerre, et puis je me tourne vers
18 Sljivancanin, qui a commis un crime. Puis, Monsieur le Président, même
19 chose pour Karanfilov. Pourquoi est-ce que Mrksic aurait dit à Sljivancanin
20 : hé, au fait, Sljivancanin, j'ai dit à Karanfilov de retirer les policiers
21 militaires. Cela n'aurait aucun sens.
22 Pour finir, Monsieur le Président, vous avez vu M. Panic témoigner. Il
23 n'est pas, contrairement à M. Sljivancanin qui aime tellement les médias,
24 les caméras, et qui a payé un lourd tribut à cause de cela, à cause de
25 l'amour qu'il vouait aux médias en 1991, contrairement à Sljivancanin,
26 Panic n'est pas ce genre d'homme. Vous l'avez vu, Panic, très réservé, et
27 vous avez vu quel était son caractère, vous avez vu comment il a témoigné,
28 vous avez vu comment il répondait à vos questions. Et sur la base de ce que
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1 vous avez vu, sur la base des éléments de preuve qui ont été versés au
2 dossier et sur la base du fait qu'il n'y a aucun nouvel élément de preuve
3 susceptible de démontrer le contraire, nous vous demandons, Monsieur le
4 Président, Madame, Monsieur les Juges, avec tout le respect que nous devons
5 à votre Chambre d'appel, de reconnaître que ce que Panic est venu dire ici
6 devant ce Tribunal a été prouvé, et qu'en conséquence, la condamnation de
7 Sljivancanin pour avoir aidé et incité aux meurtres par omission doit être
8 révisée.
9 Je vous remercie, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Maître Bourgon.
11 Les présents débats sont parvenus à leur terme, et je rappelle aux parties
12 qu'en vertu de l'ordre de la Chambre intitulé "Décision d'admission des
13 éléments de preuve et de l'ordonnance portant calendrier," les parties se
14 voient ordonnées de déposer des écritures à la suite de l'audience
15 d'aujourd'hui. L'Accusation s'est vu octroyer sept jours après l'audience
16 en révision pour déposer ses écritures, et le conseil de M. Sljivancanin
17 disposera de sept jours à partir du dépôt de ces écritures par l'Accusation
18 pour répondre à ces écritures.
19 [La Chambre d'appel se concerte]
20 M. LE JUGE MERON : [interprétation] L'Accusation a donc quatre jours à
21 partir de la date à laquelle M. Sljivancanin dépose sa réponse. Avant de
22 conclure, je souhaite consulter les Juges de la Chambre pendant quelques
23 instants. Donc veuillez m'accorder quelques instants.
24 M. BOURGON : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas très
25 bien ce sur quoi vous allez vous consulter. Je souhaitais vous poser la
26 question, nous souhaitons nous adresser à vous concernant le nombre de
27 pages de ces écritures. Merci, Monsieur le Président.
28 [La Chambre d'appel se concerte]
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1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pour revenir vers vous, Maître Bourgon,
2 je ne vous ai pas oublié. Vous souhaitez dire quelque chose ou faire une
3 déclaration à propos du nombre de pages ?
4 M. BOURGON : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Le nombre est de 3 000 en général,
6 n'est-ce pas ?
7 M. BOURGON : [interprétation] Ce serait parfait en ce qui nous concerne.
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc ceci a permis de trouver une
9 solution au problème.
10 Est-ce un problème pour vous, Madame Brady ?
11 Mme BRADY : [interprétation] C'est un problème pour nous, parce que nous
12 avons plus de 3 000 mots pour présenter tous les éléments, établir tous les
13 liens. Ceci est assez compliqué.
14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] De quoi avez-vous besoin ?
15 Mme BRADY : [interprétation] Nous demandons 15 000 environ.
16 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous voulez parler de 15 000 au lieu de
17 3 000 ?
18 Mme BRADY : [interprétation] Il y a un certain nombre de questions qu'il
19 nous faut aborder, et nous avons des pièces à conviction que nous
20 souhaitons vous montrer, précisément à quel endroit il y a des
21 incohérences. Je me remets à vous, Madame, Monsieur les Juges. Mais il nous
22 faut certainement plus de 3 000 pages.
23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je souhaite tout d'abord entendre Me
24 Bourgon sur la question.
25 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il y a deux
26 questions ici au nom de l'appelant. Bien sûr, la première question porte
27 sur ceci, nous allons donc présenter un mémoire par écrit après avoir
28 présenté nos arguments oralement. Donc tous -- nous les parties, nous
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1 devrions pouvoir résumer nos arguments, et la limite de 3 000 mots ne pose
2 pas de problème.
3 Par contre, l'autre question porte sur les questions de temps et de
4 ressources. Me Lukic et moi-même, nous travaillons dans d'autres affaires,
5 et nous ne disposons pas des ressources nécessaires qui sont à la
6 disposition du bureau du Procureur, que ce soit en termes de temps ou de
7 ressources réelles. Et nous souhaiterions, et nous pensons que nous
8 pourrions nous en tenir à cette limite de 3 000 mots.
9 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie. Je vais consulter mes
10 collègues.
11 Madame Brady.
12 Mme BRADY : [interprétation] Un autre commentaire sur la limite imposée au
13 niveau des mots. Eh bien, ceci s'applique aux requêtes. Ici, nous parlons
14 de quelque chose qui est beaucoup plus compliqué. Il s'agit d'un réexamen
15 d'un arrêt en appel, et en fait ce -- il y a trop de choses qui sont en
16 jeu, et si nous ne pouvons utiliser que 3 000 mots, cela ne suffit pas.
17 C'est dix pages, Madame, Monsieur les Juges.
18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Ecoutez, je vais consulter mes
19 collègues, et nous allons tenter de rendre une décision tout de suite.
20 [La Chambre d'appel se concerte]
21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Les Juges de la Chambre rendent la
22 décision : à l'instar de Salomon, nous avons décidé que cela ne devra pas
23 dépasser 4 000 mots. Avant de conclure, je souhaite demander à M.
24 Sljivancanin s'il souhaite faire une déclaration pendant cinq minutes. Vous
25 n'êtes certainement pas obligé de le faire, Commandant Sljivancanin. C'est
26 à vous d'en décider.
27 M. SLJIVANCANIN : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur
28 les Juges, toute personne présente dans le prétoire, j'ai suffisamment
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1 parlé dans cette affaire. Il n'y a pas eu une seule audience où je n'ai pas
2 pris la parole. Je suis venu ici pour dire la vérité pendant neuf jours
3 devant toutes les personnes présentes. J'ai dit la vérité. Ce qui
4 m'inquiète, c'est que de nouvelles personnes sont présentées, Panic n'avait
5 rien à voir avec moi, il n'était pas très proche de moi, et je pense qu'il
6 était plus proche d'autres personnes que de moi. Et ça n'a donc jamais été
7 un ami particulier pour moi, mais je suis sûr qu'il a dit la vérité et rien
8 que la vérité. Et je regrette toutes les victimes qui sont tombées pendant
9 cette guerre. Je regrette ce qu'il est advenu de mon pays, la Yougoslavie,
10 et le fait que tant de gens aient péri pendant ces guerres. Je passe un
11 moment difficile, mais je suis sûr que les Juges rendront la décision la
12 plus juste pour les générations futures et pour toutes les personnes qui
13 souhaitent la vérité et la justice.
14 Merci.
15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Sljivancanin, vous pouvez vous
16 asseoir.
17 [La Chambre d'appel se concerte]
18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'ai consulté les Juges de la Chambre
19 sur une autre question, et je crois que dans ma conclusion, j'ai proposé
20 que l'Accusation passerait en premier. Je crois que ceci est plus
21 approprié. M. Sljivancanin, qui a présenté son appel en premier lieu, doit
22 passer en premier avec ses 4 000 mots, et qu'il y aura ensuite la réponse
23 de l'Accusation. Je crois que c'est tout. Est-ce que ceci pose un problème
24 quelconque ?
25 Mme BRADY : [interprétation] Ecoutez, nous n'avons aucun problème avec ce
26 changement d'ordre. Cela est logique à nos yeux que ce soit dans cet ordre-
27 là, compte tenu du fait que la Défense -- sur la Défense repose la charge
28 de montrer qu'il y a un nouveau fait qui a une incidence sur la
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1 condamnation, donc nous sommes tout à fait satisfaits avec cela.
2 M. BOURGON : [interprétation] Aucun problème, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien.
4 M. BOURGON : [interprétation] Nous représentons l'appelant, donc pour
5 autant que nous puissions répondre à la réplique, pas de problème, Monsieur
6 le Président.
7 [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je souhaite attirer l'attention des
9 parties que pour ce qui est de la décision que nous venons de rendre sur
10 les 4 000 mots et l'ordre de présentation des arguments, qu'en somme, nous
11 nous sommes un petit peu écartés de l'ordonnance portant calendrier que
12 nous avons donnée, mais nous estimons que compte tenu des circonstances de
13 ce cas assez exceptionnel de réexamen, c'est une façon plus simple de
14 procéder.
15 Comme je ne vois pas d'objection, ce sera donc le cas. Donc, si vous me le
16 permettez, est-ce que je peux entendre des commentaires des parties et de
17 mes collègues ? Si tel n'est pas le cas, nous allons lever l'audience et
18 attendre vos arguments, et travailler de façon diligente pour rédiger notre
19 décision.
20 --- L'audience de révision est levée à 19 heures 15.
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