LA CHAMBRE D’APPEL

Devant : M. le Juge David Hunt, Juge de la mise en état en appel

Assistée de : Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier

Décision rendue le : 10 mai 2000

LE PROCUREUR

C/

Zejnil DELALIC, Zdravko MUCIC (alias « PAVO »), Hazim DELIC
et Esad LANDŽO (alias « ZENGA »)

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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE L’ACCUSATION AUX FINS D’ÉCLAIRCISSEMENTS SUPPLÉMENTAIRES CONCERNANT
L’ORDONNANCE DU 7 DÉCEMBRE 1999

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Le Bureau du Procureur :

M. Upawansa Yapa
M. Christopher Staker
M. Norman Farrell
M. Roeland Bos

Le Conseil de la Défense :

M. John Ackerman pour Zejnil Delalic
MM. Tomislav Kuzmanovic et Howard Morrison pour Zdravko Mucic
MM. Salih Karabdic et Tom Moran pour Hazim Delic
Mme Cynthia Sinatra et M. Peter Murphy pour Esad Landzo

 

1. Le 7 décembre dernier, la Chambre d’appel a délivré une ordonnance concernant, entre autres, le statut du Conseil principal d’Esad Landzo (« Landzo ») lors des audiences en appel du jugement prononcé à l’encontre de ce dernier1. La question du statut dudit Conseil a été soulevée en raison de la volonté de celui-ci de témoigner dans le cadre de l’appel et notamment du Quatrième motif d’appel.

2. L’Ordonnance susmentionnée (« l’Ordonnance du 7 décembre 1999 ») faisait référence à l’article 16 du Code d’éthique professionnelle applicable aux Conseils de la Défense comparaissant devant le Tribunal international, qui stipule ce qui suit :

Article 16
Faculté de témoigner du Conseil

Le Conseil ne plaide pas dans un procès où il sera sans doute appelé à comparaître comme témoin, sauf si son témoignage porte sur un point non contesté ou si sa récusation serait cause d'un dommage substantiel à son client.

L’Ordonnance poursuivait comme suit :

ATTENDU qu’il est nécessairement tenu compte des effets de l’article 16 depuis que le Conseil assistant l’appelant lors du procès a été, à sa demande, nommé comme l’un des deux Conseils de l’appelant en appel ;

ET ATTENDU que le jeu de l’article 16 ne léserait pas l’appelant, dans la mesure où son coconseil peut présenter tout argument relatif au Quatrième motif d’appel ;

3. Le 16 décembre, en ma qualité de Juge de la mise en état en appel, j’ai rendu une décision relative à une requête dans laquelle Landzo demandait des éclaircissements concernant ladite Ordonnance2. Ladite décision signalait le fait que depuis le mois de juin 1999, il était devenu tout à fait clair que le Conseil principal était « susceptible » d’être appelé à témoigner en appel, au sens de l’article 16, et qu’aucune action n’ayant été entreprise par Landzo ou en son nom en vue de le remplacer, il serait difficile d’affirmer que l’application de l’article 16, qui lui interdit de plaider en appel (procédure qui ne débutera que cette année) causerait un tort considérable à Landzo, le client3. La décision enchaînait comme suit :

8. La Chambre d’appel estime toutefois qu’au vu des circonstances prévalant dans cette affaire (le grand nombre de sujets très divers à traiter en appel), il est équitable de modifier l’application de l’article 16 en autorisant le Conseil en question à agir en qualité d’avocat de la défense de Landzo pour tous les fondements de pourvoi hormis le quatrième. Le second Conseil déjà affecté à Landzo pourra s’exprimer sur ce quatrième fondement.

4. L’Accusation a cherché à obtenir de nouveaux éclaircissements concernant l’Ordonnance du 7 décembre 19994 au motif qu’il est allégué, nonobstant ladite Ordonnance et les éclaircissements apportés, que le Conseil principal a continué à signer (et vraisemblablement à préparer) des conclusions, des requêtes et d’autres écritures en rapport avec le Quatrième motif d’appel. Ceux-ci sont mentionnés dans la Requête de l’Accusation5. Au moins deux des documents en question ne sont pas pertinents s’agissant du Quatrième motif d’appel6. L’argument n’en reste pas moins que le Conseil principal a continué à agir en sa qualité de conseil dans les procédures liées au Quatrième motif d’appel.

5. Le Conseil de Landzo a répondu que la seule situation contraire à l’éthique visée par l’article 16 est celle d’un Conseil qui est ou sera appelé à témoigner et entend plaider lors des audiences du procès en première instance ou en appel, selon le cas7. Il est évident qu’il en est autrement. Le tort consiste, pour un Conseil susceptible de témoigner dans le cadre d’une affaire, à plaider dans la même affaire, la plaidoirie ne se limitant pas aux exposés mais comprenant également les conclusions écrites qui, dans la pratique du Tribunal, font partie intégrante des requêtes et des réponses déposées.

6. Le Conseil principal n’aurait pas dû continuer à agir en qualité de Conseil dans les questions liées au Quatrième motif d’appel, bien que sa bonne foi n’ait été à aucun moment mise en doute. Néanmoins, le Greffier tiendra certainement compte de cette faute s’agissant des honoraires qui lui seront présentés. Seul le Conseil principal a signé les écritures auxquelles il est fait référence dans la présente Décision et il leur a déjà été donné suite. S’agissant des documents qui ont été déposés, ils ont été contresignés par le coconseil ou pour le compte de ce dernier et leur dépôt peut donc être considéré comme valide. Aucune nouvelle mesure ne se justifie à leur sujet.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

/signé/
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Juge David Hunt
Juge de la mise en état en appel

Fait le 10 mai 2000
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]


1. Ordonnance relative à la Requête de l’appelant Esad Landzo aux fins d’obtenir l’autorisation d’acquérir et de produire de nouveaux éléments de preuve en appel (« Ordonnance du 7 décembre 1999 »).
2. Décision relative à la Requête d’Esad Land‘o aux fins d’éclaircissement de l’Ordonnance du 7 décembre 1999, 16 déc. 1999.
3. Ibid, par.7.
4. Réponse de l’Accusation à la Requête déposée par Esad Landzo aux fins d’obtenir l’autorisation de permettre à un témoin expert de visionner des séquences d’enregistrements vidéo et de verser au dossier son avis relatif à la question des troubles du sommeil, et Requête de l’Accusation aux fins d’éclaircissements, 3 mai 2000 (« Réponse de l’Accusation »).
5. Ibid, par. 28.
6. Requête de l’appelant Esad Landzo pour faire admettre comme moyen de preuve supplémentaire l’avis de l’expert Fransisco Villalobs [sic] Brenes, témoin expert en droit du Costa Rica, 24 janvier 2000, et Réponse de l’appelant Esad Landzo à la Requête du Procureur aux fins de déposer un mémoire supplémentaire et, si besoin est, de le verser au dossier, 7 mars 2000.
7. Réponse de l’appelant Esad Landžo à la Requête de l’Accusation aux fins d’éclaircissements, 8 mai 2000, par. 5.