LA CHAMBRE D’APPEL  

Composée comme suit :
M. le Juge David Hunt, Président
M. le Juge Fouad Riad
M. le Juge Rafael Nieto-Navia
M. le Juge Mohamed Bennouna
M. le Juge Fausto Pocar

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
1er février 2001

LE PROCUREUR

C/

Zejnil DELALIC, Zdravko MUCIC (alias «PAVO»), Hazim DELIC
et Esad LANDZO (alias «ZENGA»)

_____________________________________________________________

DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE D’HAZIM DELIC AUX FINS D’AUTORISATION DE DÉPOSER UN DEUXICME MÉMOIRE SUPPLÉMENTAIRE

_____________________________________________________________

Le Bureau du Procureur :

M. Upawansa Yapa
M. Norman Farrell
M. Roeland Bos

Les Conseils de la Défense :

M. John Ackerman pour Zejnil Delalic
MM. Tomislav Kuzmanovic et Howard Morrison pour Zdravko Mucic
MM. Salih Karabdic et Tom Moran pour Hazim Delic
Mme Cynthia Sinatra et M. Peter Murphy pour Esad Landzo

 

1. Le 24 janvier 2001, la Chambre d’appel a pris une Ordonnance portant calendrier dans laquelle elle a ordonné que l’arrêt en l’espèce soit prononcé le 20 février 2001.1 Les débats en appel se sont clôturés le 8 juin 2000.

2. Le 30 janvier 2001, six jours après l’Ordonnance portant calendrier, le Conseil de Hazim Delic a déposé une Requete aux fins d’autorisation de déposer un mémoire supplémentaire relatif à l’appel («Motion for leave to file a supplementary brief in relation to the appeal») (la «Requête»)2, à laquelle était jointe le mémoire supplémentaire proposé (le «Mémoire supplémentaire»). Ledit Mémoire fait référence à un article de la Revue internationale de la Croix-Rouge qui y est joint en annexe3 et qui consiste en une analyse critique de l’Arrêt rendu par la Chambre d’appel de ce Tribunal dans l’affaire Le Procureur c/ Tadic.4 Il est indiqué dans la Requête que l’article traite trois questions qui, selon la Défense, sont pertinentes pour le présent appel5 : les critères juridiques appliqués pour qualifier un conflit de conflit armé international, l’interprétation du droit international humanitaire, et la définition de la notion de «personnes protégées» au sens de l’article 4 de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre.

3. La Chambre d’appel reconnaît que ces questions, et les conclusions que la Chambre d’appel a exposées à leur sujet dans son arrêt Tadic, sont pertinentes s’agissant des motifs d’appel avancés par Delic et les autres accusés.6 Lesdits motifs et les questions qu’ils soulcvent ont déjà fait l’objet d’arguments détaillés, écrits comme oraux, de la part de Delic et des autres accusés, tant dans leurs mémoires qu’au cours des débats en appel qui se sont déroulés du 5 au 8 juin 2000. Le Mémoire supplémentaire parle de l’analyse des questions contenue dans l’article comme appuyant ou «faisant écho»7 aux arguments déjà présentés dans le cadre de son ?Delicg argumentation.

4. Comme l’Ordonnance portant calendrier prise par la Chambre d’appel en témoigne, l’arrêt en l’espèce est sur le point d’être rendu. Seule une nouvelle question importante touchant au fond ou une nouvelle information convaincante relative à l’un des motifs d’appel pourrait justifier d’autoriser le dépôt de nouvelles conclusions à un stade aussi avancé de la procédure.

5. Après avoir examiné les pièces qui lui ont été communiquées, il ne fait aucun doute pour la Chambre d’appel que le Mémoire supplémentaire n’apporte rien de substantiel aux arguments déjà avancés, ce que Delic reconnaît dans sa Requête :

Le Mémoire supplémentaire ne présente rien de nouveau, mais témoigne simplement du fait que les arguments présentés par Delic et ses co-défendeurs sont identiques r ceux avancés par les auteurs dans la Revue internationale du CICR et montre pourquoi la Chambre d’appel devrait accorder de l’importance à cet article doctrinal pour statuer sur les questions qui lui sont actuellement posées.8

6. Le fait que l’opinion de deux auteurs exprimée dans un cadre académique appuie les arguments déjà avancés par Delic n’ajoute rien au fond. La référence à un tel document académique, même si elle ne lie en rien la Chambre d’appel, peut généralement être utile pour l’examen des questions qui lui sont posées. Cependant, les nouvelles informations ne sont pas suffisamment impérieuses pour justifier l’admission d’un mémoire supplémentaire à un stade aussi avancé de la procédure. Refuser à Delic l’autorisation de déposer à ce stade de la procédure des conclusions fondées sur un travail académique publié fin septembre l’année dernière et auquel, dans tous les cas, la Chambre d’appel avait accès en raison de son caractère public, ne constitue pas une atteinte à l’équité.

7. Par conséquent, la Chambre d’appel refuse l’autorisation de déposer le Mémoire supplémentaire et rejette la Requête.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Président de la Chambre d’appel
_________(signé)________
M. le Juge David Hunt

Fait le 1er février 2001
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]


1. «Ordonnance portant calendrier», 24 janvier 2001.
2. Requête de l’appelant Hazim Delic aux fins d’obtenir l’autorisation de déposer un Mémoire supplémentaire et un deuxième mémoire supplémentaire («Appellant-Cross Appellee Hazim Delic’s Motion for Leave to File Second Supplemental Brief and Supplemental Brief»), 29 janvier 2001.
3. Marco Sassi et Laura M. Olsen «L’arrêt de la Chambre d’appel du TPIY dans l’affaire Tadic», Revue internationale de la Croix-Rouge n° 839, p733-769, publié sur le site internet du Comité international de la Croix-Rouge (www.icrc.org ) le 30 septembre 2000. Le paragraphe d’introduction montre que les idées exprimées sont uniquement celles des auteurs. Il ne faut donc pas considérer l’article comme exprimant le point de vue du Comité international de la Croix-Rouge internationale sur les Conventions de Genève.
4. Le Procureur c/ Tadic, affaire n° IT-94-1-A, Arrêt, 15 juillet 1999 («Arrêt Tadic»).
5. Requête, paragraphes 1 b) et 1 c).
6. Le huitième motif d’appel de Delic est le suivant : «La Chambre de première instance a-t-elle conclu à tort que le conflit en Bosnie-Herzégovine était un conflit armé international à l’époque considérée par l’acte d’accusation?» Zdravko Mucic et Esad Landžo ont posé la même question dans leur cinquième motif d’appel. Le quatrième motif d’appel de Delic est le suivant : «la Chambre de première instance a-t-elle conclu à tort qu’il convenait de considérer les citoyens de Bosnie de souche serbe comme non-ressortissants de la République de Bosnie-Herzégovine et partant, comme des personnes protégées au sens de l’article 4 de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre?». Zdravko Mucic, Esad Landžo et Zejnil Delalic ont posé la même question dans leur quatrième, sixième et troisième motif d’appel respectivement.
7. Mémoire supplémentaire, paragraphe 10.
8. Requête, paragraphe 1 c).