LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE
Composée comme suit : M. le Juge Adolphus G. Karibi-Whyte, Président
Mme le Juge Elizabeth Odio Benito
M. le Juge Saad Saood Jan
Assistée de : Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier
Décision rendue le : 8 septembre 1997
LE PROCUREUR
C/
ZEJNIL DELALIC
ZDRAVKO MUCIC alias "PAVO"
HAZIM DELIC
ESAD LANDZO alias "ZENGA"
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DECISION RELATIVE A LA REQUETE VISANT A PRECISER LES DOCUMENTS COMMUNIQUES PAR LE PROCUREUR QUE LA DEFENSE DE DELALIC ENTEND UTILISER COMME MOYENS DE PREUVE
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Le Bureau du Procureur :
M. Grant Niemann M. Giuliano Turone
Mme Teresa McHenry
Le Conseil de la Défense :
Mme Edina Residovic, M. Ekrem Galijatovic, M. Eugene OSullivan, représentant Zejnil Delalic
M. Zeljko Olujic, M. Michael Greaves, représentant Zdravko Mucic
M. Salih Karabdic, M. Thomas Moran, représentant Hazim Delic
M. John Ackerman, Mme Cynthia McMurrey, représentant Esad Landzo
I. INTRODUCTION
La Chambre de première instance du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de lex-Yougoslavie depuis 1991 ("Tribunal international") a été saisie dune "Requête visant à préciser les documents communiqués par le Procureur que la Défense de Delalic entend utiliser comme moyens de preuve" (Répertoire général du Greffe ("RG") page D3641-D3646) ("la Requête"), déposée le 13 mai 1997 par le Bureau du Procureur ("lAccusation"). LAccusation et le Conseil de laccusé Zejnil Delalic ont présenté leurs exposés le 29 mai 1997 et la Chambre de première instance a mis sa décision en délibéré.
APRES EXAMEN de la Requête et des exposés des parties, la Chambre de première instance rend la décision ci-après.
II. EXAMEN
A. Dispositions applicables
1. Les dispositions suivantes du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international ("Règlement") sont pertinentes pour trancher en lespèce.
Article 66
Communication de pièces par le Procureur
. . .
B) A la demande de la défense, le Procureur doit, sous réserve du paragraphe C), permettre à celle-ci de prendre connaissance des livres, photographies, pièces à conviction et tous documents se trouvant en sa possession ou sous son contrôle, qui soit sont nécessaires à la défense de laccusé, soit seront utilisés par le Procureur comme moyens de preuve au procès, soit ont été obtenus de laccusé ou lui appartiennent.
. . .
Article 67
Échange des moyens de preuve
. . .
Si la défense introduit la requête prévue au paragraphe B) de larticle 66 ci-dessus, le Procureur peut à son tour prendre connaissance des livres, photographies, pièces à conviction et tous documents en la possession ou sous le contrôle de la défense et quelle entend produire.
. . .
B. Arguments
LAccusation
2. Dans sa Requête, lAccusation fait remarquer quen vertu du paragraphe B) de larticle 66 du Règlement, le Conseil de la défense représentant Zejnil Delalic a demandé à lAccusation de pouvoir "prendre connaissance des livres, documents, photographies et objets se trouvant en sa possession ou sous son contrôle, qui soit sont nécessaires à la défense de laccusé, soit seront utilisés par le Procureur comme moyens de preuve au procès, soit ont été obtenus de laccusé ou lui appartiennent". Selon lAccusation, cette demande a fait naître pour la Défense une obligation de communication réciproque des moyens de preuve afin daccorder à lAccusation légalité daccès à ces livres, documents, photographies et objets, que la Défense a en sa possession ou sous son contrôle et quelle entend utiliser au procès, en application du paragraphe C) de larticle 67 du Règlement.
3. LAccusation soutient que la Défense se trouve dans lobligation de préciser les documents quelle entend produire comme moyens de preuve au cours du procès. Selon lAccusation, larticle 67 C) du Règlement serait en pratique dénué de sens si la Défense pouvait la submerger de nombreux documents que celle-ci pourrait utiliser sans préciser ceux quelle entend réellement utiliser au procès. LAccusation affirme que, ayant communiqué à la Défense une liste très précise des moyens de preuve quelle a lintention dutiliser au procès, cette dernière est liée par la même obligation. Sil se peut que, pour le moment, la Défense ne se soit pas montrée extrêmement précise, elle ne sen trouve pas moins tenue dêtre aussi précise que possible.
4. Aux yeux de lAccusation, il est de lintérêt de la justice et de le bon déroulement du procès que la Défense précise dès que possible à lAccusation tous les documents quelle entend utiliser comme moyens de preuve et quelle les lui communique. LAccusation estime, par conséquent, que la Défense devrait, dans un délai de quatorze jours, lui faire savoir avec précision les pièces quelle entend pour le moment utiliser comme moyens de preuve au procès.
La Défense
5. Au cours de son exposé, le Conseil de Zejnil Delalic a fait observer que le Règlement nimpose à la Défense aucune autre obligation de communication que celle explicitement prévue à larticle 67 et quelle sest pleinement conformée à cette obligation. LAccusation est en possession de nombreux documents et objets obtenus de laccusé, dont la Défense a également reçu des copies. La Défense soutient quelle nest pas actuellement en mesure de décider avec précision lesquelles de ces documents et objets elle utilisera pour défendre sa cause. Elle fait observer que, dans une décision récente, cette Chambre de première instance a décidé quelle nétait pas tenue de communiquer à lAccusation les noms de ses témoins. La Défense a, par conséquent, affirmé que, de même, elle na aucune obligation réglementaire de communiquer la liste des documents quelle entend utiliser au procès.
III. CONCLUSION
6. LAccusation soutient que larticle 67 C) du Règlement contraint la Défense à faire savoir quels documents elle entend utiliser au procès, de façon à permettre à lAccusation de se préparer et de prendre convenablement connaissance de ces documents. Larticle 67 C) se rapporte cependant à lobligation réciproque qua la Défense de permettre à lAccusation de prendre connaissance des livres, documents, photographies et objets quelle entend utiliser au procès. En dautres termes, cet article prévoit que si la Défense a lintention dutiliser un document particulier au procès et quelle a demandé à lAccusation de procéder à pareille communication en vertu de larticle 66 B), elle se trouve dans lobligation de permettre à lAccusation de prendre connaissance de ces documents à lavance. En lespèce, la Défense a reçu de lAccusation elle-même tous les documents visés dans cette Requête. LAccusation a eu loccasion de prendre connaissance de ces documents au préalable puisque les documents originaux sont toujours en sa possession. En dautres termes, cette Requête na donc pas pour objet dobtenir la communication de documents particuliers mais, au contraire, dobtenir des renseignements internes sur la stratégie de la Défense au cours du procès.
7. Larticle 67 C) na pas pour objet de contraindre la Défense à préciser à lAccusation les documents spécifiques quelle utilisera au cours du procès. Comme nous lavons précédemment exposé dans la Décision relative aux demandes déposées par la Défense représentant les accusés Zejnil Delalic et Esad Landzo respectivement les 14 et 18 février 1997 (Le Procureur c/ Delalic et consorts (IT-96-21-T), Chambre de première instance II, 21 février 1997, (RG D 1-9 2784bis), la Défense nest pas tenue de communiquer à lAccusation une liste de témoins. Elle nest pas non plus obligée de donner la liste des documents quelle entend utiliser au cours du procès. Aucune obligation réciproque nest imposée à la Défense du fait que lAccusation a communiqué à la Défense une telle liste de documents.
IV. DISPOSITIF
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DE PREMIERE INSTANCE,
ESTIME que la Défense nest pas tenue de communiquer à lAccusation la liste des documents quelle entend utiliser au procès en application de larticle 67 C) du Règlement,
et, par conséquent, REJETTE la Requête de lAccusation.
Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.
Le Président de la Chambre
de première instance
(Signé)
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Adolphus G. Karibi-Whyte
Fait le huit septembre 1997
La Haye (Pays-Bas)
[ Sceau du Tribunal]