LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE
Composée comme suit : M. le Juge Adolphus G. Karibi-Whyte, Président
Mme le Juge Elizabeth Odio Benito
M. le Juge Saad Saood Jan
Assistée de : Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier
Décision rendue le : 12 juin 1998
LE PROCUREUR
C/
ZEJNIL DELALIC
ZDRAVKO MUCIC alias "PAVO"
HAZIM DELIC
ESAD LANDZO alias "ZENGA"
_____________________________________________________________
DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE CONJOINTE DES ACCUSÉS EN DATE DU 24
MAI 1998 CONCERNANT LA PRÉSENTATION
DES MOYENS DE PREUVE
_____________________________________________________________
Le Bureau du Procureur :
M. Grant Niemann
Mme Teresa McHenry
M. Giuliano Turone
Le Conseil de la Défense :
Mme Edina Residovic, M. Ekrem Galijatovic, M. Eugene OSullivan, pour Zejnil Delalic
M. Zeljko Olujic, M. Tomislav Kuzmanovic, pour Zdravko Mucic
M. Salih Karabdic, M. Thomas Moran, pour Hazim Delic
Mme Cynthia McMurrey, Mme Nancy Boler, pour Esad Landzo
I. INTRODUCTION ET RÉCAPITULATIF DE LA PROCÉDURE
1. Le 24 avril 1998, la Chambre de première instance du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de lex-Yougoslavie depuis 1991 ("le Tribunal international") a rendu une Ordonnance portant calendrier en application des dispositions des articles 20 1) du Statut du Tribunal pénal international pour lex-Yougoslavie ("le Statut") et 54 du Règlement de procédure et de preuve ("le Règlement"). La Chambre examine ci-après une Requête déposée conjointement le 25 mai 1998 par les accusés Delalic, Mucic, Delic et Lando concernant la présentation des moyens de preuve ("la Requête") (Répertoire général du Greffe ("RG") cote D6192-D6199, version en anglais).
Le Bureau du Procureur ("Accusation") na pas déposé de réponse à cette Requête.
LA CHAMBRE DE PREMIERE INSTANCE, AYANT EXAMINÉ les conclusions orales et écrites de la Défense,
REND CI-APRÈS SA DÉCISION.
II. ARGUMENTATION
A. Résumé de la Requête
2. La Requête des accusés sappuie sur les dispositions de larticle 21 4) e) du Statut du Tribunal et vise à empêcher que la Chambre de première instance "nimpose des restrictions indues quant aux témoins que les accusés seront autorisés à faire comparaître et ne limite excessivement le nombre de ceux quils seront autorisés à citer pour présenter des éléments de fait donnés, comme elle la indiqué lors de la conférence de mise en état du 21 mai 1998."*
3. Plus précisément, la Défense allègue que les décisions de la Chambre de première instance auront pour effet de priver les accusés de leur droit à recevoir lassistance dun conseil, puisquils ne pourront présenter leurs moyens de preuve dans les mêmes conditions que lAccusation. Ainsi, a) les accusés se voient privés du droit de contester les éléments de preuve à charge présentés et jugés pertinents par la Chambre de première instance ; b) la Chambre se prononce sur la crédibilité des témoins à décharge sans les avoir entendus ; c) les critères appliqués par la Chambre pour déterminer si un témoignage est, ou non, inutilement redondant et sil est pertinent diffèrent selon quil sagit de celui dun témoin à charge ou de celui dun témoin à décharge.
4. La Défense cite spécifiquement les dispositions des articles 20; 21 1), 21 2), 21 4) e) du Statut et 89 1), 89 2), 89 3), 89 4) et 95 du Règlement (modifié) sur lesquels elle sappuie. Elle renvoie également à la décision rendue oralement le 30 mars 1998 par la Chambre de première instance (Compte rendu provisoire, pages 10104 à 10105 de la version en anglais), concernant la Requête du Procureur relative à lordre de comparution des témoins à décharge et lordre du contre-interrogatoire conduit par lAccusation et par le Conseil des coaccusés, déposée le 18 mars 1998 (RG cote D5929-D5935, version en anglais).
5. La Requête se réfère à lOrdonnance portant calendrier du 24 avril 1998, qui enjoignait les accusés, entre autres, de déposer confidentiellement auprès du Greffe, pour notification aux autres défendeurs et à la Chambre de première instance, une liste complète des témoins quils entendaient citer, leur ordre de comparution, un résumé des éléments de preuve et les chefs au sujet desquels chaque témoin devrait déposer ainsi que la durée prévue de leur interrogatoire principal. Tous les accusés se sont conformés à cette ordonnance.
6. Lors de la conférence de mise en état du 21 mai 1998, la Chambre de première instance a annoncé son intention détablir des listes de témoins à décharge pour les accusés.
B. Arguments à lappui de la Requête
7. M. Greaves, qui a défendu la requête au noms des accusés, a fondé ses arguments sur les points présentés aux paragraphes 2 et 3 ci-dessus.
8. Les accusés admettent quil est nécessaire que le procès soit équitable et rapide, comme le garantissent les articles 20 et 21 du Statut. Ils sont également conscients de ce quil incombe à la Chambre de première instance de faire respecter les droits des accusés quelle a exposés lors des conférences de mise en état du vendredi 17 avril 1998 et du jeudi 21 mai 1998.
9. Le Conseil de la Défense a clairement indiqué, lors de la conférence de mise en état du 21 mai 1998, que, dans la mesure du possible, la répétition des témoignages serait évitée. Lorsquun témoin potentiel est inscrit sur la liste de plusieurs accusés, il fera lobjet soit dun interrogatoire direct, soit dun contre-interrogatoire, afin déviter les redites. Les listes de témoins déposées par les accusés en application de lOrdonnance de la Chambre de première instance donnent un aperçu des témoins à décharge.
10. La Défense soutient quil nappartient pas à la Chambre de décider quels témoins chacun des accusés doit citer ni dans quel ordre ils doivent comparaître. Seuls les Conseils de la Défense sont habilités à déterminer quels témoins comparaîtront en faveur de leurs clients respectifs et dans quel ordre ils seront entendus.
11. M. Greaves, à lorigine de la Requête, a précisé les arguments des accusés. Il sappuie sur les articles 20 et 21 du Statut, dont les dispositions garantissent aux accusés un procès équitable et se retrouvent dans un certain nombre dinstruments semblables dans le "monde civilisé". Il sest reporté à laffaire Tadic, dans laquelle les Juges ont fait observer que les dispositions de ces deux articles sont adaptées de larticle 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ("le Pacte international"). Il a fait valoir que les termes employés sont pratiquement identiques, quils se retrouvent dans la Convention européenne des droits de lHomme ("CEDH"), dans les dispositions relatives aux droits de lHomme dans le droit interne de divers pays et que des garanties similaires figurent également à larticle 75 des Conventions de Genève, (Protocole I).
12. Le Conseil a mis laccent sur le fait que larticle 20 1) du Statut stipule que la Chambre de première instance doit "veille[ r] " à ce que le procès soit équitable et rapide et à ce que linstance se déroule conformément aux règles de procédure et de preuve, les droits de laccusé étant pleinement respectés. Selon lui, les droits auxquels il est fait référence sont ceux figurant sous le titre "Les droits de laccusé". Les principaux droits sont ceux garantis par : a) larticle 21 1) du Statut relatif à légalité de toutes les personnes devant le Tribunal ; b) son article 21 2), stipulant que toute personne contre laquelle des accusations sont portées a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement, sous réserve des dispositions de larticle 22 du Statut ; c) son article 21 4), qui prescrit les garanties minimales auxquelles toute personne contre laquelle une accusation est portée a droit, en pleine égalité.
13. La garantie énoncée à larticle 21 4) e), permet d"interroger ou [ de] faire interroger les témoins à charge et [ d] obtenir la comparution et linterrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge". Le Conseil a souligné que le respect des termes en italique nest pas facultatif mais quau contraire, la Chambre de première instance est tenue de les respecter. Selon lui, cette disposition est précisément celle qui garantit légalité des armes.
14. Le Conseil a cité une remarque de M. le Juge Vohrah, énoncée dans son Opinion séparée relative à la Décision sur la Requête de lAccusation concernant les témoignages dans laffaire Le Procureur c/ Dusko Tadic (affaire n° IT-94-1-T, Décision rendue le 27 novembre 1996, RG cote D15324-D15330, version en anglais, cote 15330-1/8 bis, version en français) à lappui de cette notion :
[ c] e principe a pour objet de garantir que la Défense dispose, pour constituer et présenter son dossier, de moyens égaux à ceux de lAccusation, qui a toutes les facilités propres aux autorités étatiques [ ...] La Commission Européenne des Droits de lHomme assimile donc le principe de légalité des armes au droit de laccusé à légalité dans la procédure par rapport à lAccusation.[ ...] À la lumière des sources précitées, il me semble que lapplication du principe de légalité des armes, surtout dans le cadre dune procédure pénale, doit se faire en faveur de la Défense, pour permettre à cette dernière de se placer sur un pied dégalité par rapport à lAccusation dans la présentation de son dossier devant la Cour et ce, afin déviter tout traitement inéquitable de laccusé.
Cette remarque a été présentée comme une "formulation concise mais néanmoins précise de ce que lon entend généralement par principe dégalité des armes".
15. Le Conseil a déclaré que, comme dans le domaine sportif, le Procureur et la Défense doivent agir suivant les mêmes règles du jeux. Il nest ni convenable, ni même licite, dappliquer des règles différentes selon que les éléments de preuve sont présentés par lAccusation ou par la Défense. Le Conseil considère quen lespèce, lAccusation a pu citer les témoins de son choix, à lexception dun expert graphologue dont le témoignage a été refusé pour des motifs précis.
16. Il a évoqué des circonstances dans lesquelles la Chambre de première instance est en droit dexclure des témoignages quelle considère dénués de pertinence, conformément aux dispositions de larticle 89 D) du Règlement. Larticle 95 du Règlement permet lexclusion de tout élément de preuve "obtenu par des moyens qui entament fortement sa fiabilité ou si son admission, allant à lencontre dune bonne administration de la justice, lui porterait gravement atteinte".
17. Le Conseil a, en outre, rappelé que la Chambre de première instance avait précédemment conclu, à juste titre, quil ne lui appartenait pas dorganiser le dossier de la Défense et de décider de son contenu. Il ne lui revient pas non plus de fixer lordre de comparution des témoins à décharge. Le Conseil a néanmoins admis que lorsquun témoin présente des élément de preuve dénués de pertinence ou sans valeur probante, la Chambre est en droit de les rejeter. Cependant, à son avis, rien dans le Statut ni le Règlement nautorise la Chambre à décider quels témoins seront cités par la Défense. Dautant que toute infraction à cette règle aurait, de fait, pour résultat de placer la Chambre dans la position du Conseil de la Défense, dont le rôle consiste précisément à organiser la défense de laccusé et à sélectionner les témoins et les éléments de preuve à présenter. Enfin, il a avancé que ce faisant, la Chambre serait partie au conflit, ce qui aurait pour conséquence dentraver les pouvoirs discrétionnaires des Conseils chargés de défendre les accusés.
C. Arguments de lAccusation
18. Dans son exposé soumis au nom de lAccusation, Madame McHenry a souligné que la Chambre de première instance disposait incontestablement du droit de contrôler le prétoire et déviter laudition de témoignages dénués de pertinence et inutiles, ainsi que les dépositions redondantes. Cependant, lAccusation dément que des critères différents aient été appliqués aux témoignages à charge et à décharge. Selon elle, lorsque le litige porte sur des points particulièrement importants, toutes les parties doivent bénéficier dune certaine marge de manoeuvre.
D. Dispositions applicables
19. Les dispositions du Statut et du Règlement, ainsi que celles du Pacte international et de la CEDH, reproduites ci-après, sont applicables en lespèce et sont examinées en vue de statuer sur la Requête.
LE STATUT
ARTICLE 20
Ouverture et conduite du procès
1) La Chambre de première instance veille à ce que le procès soit équitable et rapide et à ce que linstance se déroule conformément aux règles de procédure et de preuve, les droits de laccusé étant pleinement respectés et la protection des victimes et des témoins dûment assurée.
[ ...]
ARTICLE 21
Les droits de laccusé
1) Tous sont égaux devant le Tribunal international.
2) Toute personne contre laquelle des accusations sont portées a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement, sous réserve des dispositions de larticle 22 du Statut.
3) Toute personne accusée est présumée innocente jusquà ce que sa culpabilité ait été établie conformément aux dispositions du présent Statut.
4) Toute personne contre laquelle une accusation est portée en vertu du présent Statut a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :
a) À être informée, dans le plus court délai, dans une langue quelle comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de laccusation portée contre elle ;
b) À disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à communiquer avec le conseil de son choix ;
c) À être jugée sans retard excessif ;
d) À être présente au procès et à se défendre elle-même ou à avoir lassistance dun défenseur de son choix ; si elle na pas de défenseur, à être informée de son droit den avoir un, et, chaque fois que lintérêt de la justice lexige, à se voir attribuer doffice un défenseur, sans frais, si elle na pas les moyens de le rémunérer ;
e) À interroger ou faire interroger les témoins à charge et à obtenir la comparution et linterrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
[ ...]
RÈGLEMENT DE PROCÉDURE ET DE PREUVE
Article 54
Disposition générale
À la demande dune des parties ou doffice un juge ou une Chambre de première instance peut délivrer les ordonnances, citations à comparaître, ordonnances de production ou de comparution forcée, mandats et ordres de transfert nécessaires aux fins de lenquête, de la préparation ou de la conduite du procès.
Article 89
Dispositions générales
A) En matière de preuve, les règles énoncées dans la présente section sappliquent à toute procédure devant les Chambres. La Chambre saisie nest pas liée par les règles de droit interne régissant ladministration de la preuve.
B) Dans les cas où le Règlement est muet, la Chambre applique les règles dadministration de la preuve propres à parvenir, dans lesprit du Statut et des principes généraux du droit, à un règlement équitable de la cause.
C) La Chambre peut recevoir tout élément de preuve pertinent quelle estime avoir valeur probante.
D) La Chambre peut exclure tout élément de preuve dont la valeur probante est largement inférieure à lexigence dun procès équitable.
[ ...]
Article 95
Exclusion de certains éléments de preuve
Nest recevable aucun élément de preuve obtenu par des moyens qui entament fortement sa fiabilité ou si son admission, allant à lencontre dune bonne administration de la justice, lui porterait gravement atteinte.
Article 96
Administration des preuves en matière de violences sexuelles
En cas de violences sexuelles :
[ ...]
iv) le comportement sexuel antérieur de la victime ne peut être invoqué comme moyen de défense.
Article 98
Pouvoir des Chambres dordonner de leur propre initiative la production de moyens de preuve supplémentaires
La Chambre de première instance peut ordonner la production de moyens de preuve supplémentaires par lune ou lautre des parties. Elle peut doffice citer des témoins à comparaître.
PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES
Article 14
1. Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil [ ...]
2. Toute personne accusée dune infraction pénale est présumée innocente jusquà ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3. Toute personne accusée dune infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :
a) À être informée, dans le plus court délai, dans une langue quelle comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de laccusation portée contre elle ;
b) À disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à communiquer avec le conseil de son choix ;
c) À être jugée sans retard excessif ;
d) À être présente au procès et à se défendre elle-même ou à avoir lassistance dun défenseur de son choix ; si elle na pas de défenseur, à être informée de son droit den avoir un, et, chaque fois que lintérêt de la justice lexige, à se voir attribuer doffice un défenseur, sans frais, si elle na pas les moyens de le rémunérer ;
e) À interroger ou faire interroger les témoins à charge et à obtenir la comparution et linterrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
[ ...]
CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE LHOMME
Article 6
1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. [ ...]
2. Toute personne accusée dune infraction est présumée innocente jusquà ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3. Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue quil comprend et dune manière détaillée, de la nature et de la cause de laccusation portée contre lui ;
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
c) se défendre lui-même ou avoir lassistance dun défenseur de son choix et, sil na pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat doffice, lorsque les intérêts de la justice lexigent ;
d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et linterrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
[ ...]
E. Conclusions
20. La Chambre de première instance juge utile de rappeler les circonstances qui ont incité le Conseil de la défense à contester les principes énoncés par la Chambre en vue de permettre un jugement équitable et rapide de cette affaire. Il est également utile de formuler, de manière concise et claire ce sur quoi porte le différend. Pour résumer, la Défense revendique un droit illimité de citer des témoins et de soumettre des éléments de preuve à lappui de sa cause.
21. Les accusés estiment quinterprétés conjointement, les articles 20 1) et 21 4) e) du Statut du Tribunal les autorisent à citer tous les témoins qui, de lavis de leur Conseil, sont jugés aptes à faire avancer la cause de la Défense. De surcroît, selon eux, ni le Statut, ni le Règlement, ne confèrent à la Chambre de première instance le pouvoir de réglementer la manière dont la Défense entend citer ses témoins ou dintervenir sur la substance de leur témoignage. Le principal fondement juridique de leur argumentation est tiré des dispositions statutaires relatives à légalité des armes qui veulent que la Défense soit autorisée à présenter son dossier dans les mêmes conditions que celles dont bénéficie lAccusation (Cf. article 21 4) e) du Statut).
Les origines de la Requête
22. La présente Requête fait suite aux efforts déployés par la Chambre de première instance pour limiter la fréquence des comparutions redondantes et la répétition des éléments de preuve recueillis auprès de différents témoins. À lissue de la présentation de la cause de lAccusation et avant que la Défense ne présente la sienne, la Chambre de première instance a constaté, au vu de la nature du dossier de la Défense et des moyens de preuve nécessaires pour réfuter les éléments à charge, quil y avait un risque que des témoins fassent double emploi et que les mêmes éléments de preuve soient recueillis auprès de différents témoins.
23. Dans cette affaire, nous sommes en présence de quatre accusés. En résumé, trois dentre eux sont accusés pour des manquements à leur responsabilité hiérarchique (lun dentre eux, en partie seulement) et pour des violations des articles 2, 3 et 5 du Statut du Tribunal. La responsabilité hiérarchique du quatrième accusé nest pas mise en cause. Tous les crimes allégués à lencontre de ces personnes ont été commis au même endroit. Il a donc semblé évident à la Chambre de première instance que les témoins cités à comparaître présenteraient vraisemblablement des moyens de preuve concernant lautorité du commandement, ayant un rapport avec celle-ci ou résultant de son application. Puisque les événements se sont déroulés dans les mêmes lieux et quils font intervenir les mêmes protagonistes, il était inévitable que les témoins sexpriment sur les mêmes événements.
24. Cest pourquoi, lors de la conférence de mise en état convoquée le vendredi 17 avril 1998 par la Chambre de première instance, le Conseil des accusés a été informé de la nécessité déviter les témoignages redondants et du fait quil serait souhaitable que les témoignages à décharge aient un rapport direct avec les objectifs de la Défense. La Chambre a demandé à la Défense détablir et de déposer au Greffe une liste de ses témoins, accompagnée dun résumé des éléments de preuve relatifs aux chefs daccusation au sujet desquels chaque témoin devait déposer. De plus, elle a été priée dindiquer la durée prévue de leur interrogatoire principal et de notifier ces informations à chacun des autres défendeurs, ainsi quà la Chambre de première instance.
25. La Chambre de première instance a convoqué les parties à une conférence de mise en état le 21 mai 1998, rendue nécessaire suite au le constat que le Conseil de la Défense navait pas tenu compte des conseils de la Chambre quant à la nécessité déviter que figurent sur ses listes des témoignages redondants et quil continuait à vouloir présenter des éléments de preuve napportant aucune lumière sur ce qui sétait réellement passé dans la prison de Celebici ou sur les rapports entre les accusés, cette prison et son personnel. À cette occasion, la Chambre a rappelé au Conseil la nécessité de respecter strictement ses consignes et déviter les témoignages redondants et la répétition des éléments de preuve, faute de quoi elle naurait dautre choix que de dresser sa propre liste de témoins pour chacun des accusés. Cest suite à cette décision que la Défense a déposé sa Requête.
Les pouvoirs accordés à la Chambre de première instance - Généralités
26. Il est incontestable que le Statut et le Règlement confèrent à la Chambre de première instance les pouvoirs de réglementer le déroulement des procédures et notamment, laudition des témoins et le recueil de leurs témoignages, ce qui couvre la citation des témoins. Larticle 20 1) du Statut énonce les pouvoirs généraux dont la Chambre est investie afin quelle "veille à ce que le procès soit équitable et rapide et à ce que linstance se déroule conformément aux règles de procédure et de preuve, les droits de laccusé étant pleinement respectés [ ...] ". Cette disposition résume quels droits de laccusé sont protégés en les évoquant implicitement mais sans les exposer in extenso comme cela est fait à larticle 21 du Statut. Un procès équitable exige la mise en oeuvre de toutes les protections dont bénéficie laccusé au titre de larticle 21. Il serait juste de dire que cet article donne une définition parfaitement concise et complète de ce qui constitue une "bonne administration de la justice". En outre, larticle 54 du Règlement énonce une autre règle générale, en vertu de laquelle "[ à] la demande dune des parties ou doffice, un juge ou une Chambre de première instance peut délivrer les ordonnances, mandats et ordres de transfert nécessaires aux fins de lenquête, de la préparation ou de la conduite du procès". Bien que les dispositions de cet article aient été appliquées aux ordonnances, mandats, sauf-conduits et mandats darrêt jugés nécessaires aux fins dune enquête ou de la conduite dun procès, elles peuvent également sétendre aux mesures de contrôle de la procédure requises pour la bonne te dun procès.
27. Les pouvoirs de la Chambre de première instance en matière de contrôle de la procédure sétendent à la faculté dadmettre tout élément de preuve pertinent quelle estime voir valeur probante (Cf. article 89 du Règlement). Une Chambre est autorisée à exclure tout élément de preuve dont la valeur probante est largement en-deçà de ce quexige la conduite dun procès équitable (Cf. article 89 D)). De même, elle peut exclure tout élément de preuve obtenu par des moyens qui entament fortement sa fiabilité ou si son admission, allant à lencontre dune bonne administration de la justice, lui porterait gravement atteinte (Article 95 du Règlement). Sagissant de ladministration des preuves en matière de violences sexuelles, la Chambre peut se prononcer sur la recevabilité du consentement de la victime comme moyen de défense et vérifier que les moyens de preuve sont pertinents et crédibles (article 96 ii) et iv) du Règlement).
28. Ainsi, la Chambre de première instance peut sappuyer sur plusieurs dispositions statutaires pour décider si un témoin peut être cité et pour contrôler la nature de son témoignage.
Droits de laccusé
29. Les droits de laccusé sont clairement énoncés à larticle 21 du Statut, qui garantit le droit à légalité de tous devant le Tribunal (Article 21 1)), le droit à être entendu équitablement et publiquement (Article 21 2)) et celui dêtre présumé innocent jusquà ce que sa culpabilité ait été établie conformément aux dispositions du Statut (article 21 3)). Il stipule également les garanties minimales auxquelles laccusé a droit (article 21 4)), en lespèce, son droit d"interroger ou [ de] faire interroger les témoins à charge et [ d] obtenir la comparution et linterrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge" (Article 21 4) e)).
Exercice des pouvoirs de la Chambre de première instance et contrôle du procès
30. Que lexercice des pouvoirs de la Chambre de première instance en application de larticle 20 1) du Statut soit subordonné au respect des droits de laccusé énoncés à larticle 21 du Statut est une règle solidement établie. La protection des droits de laccusé est un élément central de son procès. Larticle 20 1) du Statut garantit le respect des dispositions de larticle 21, qui consacre le principe de léquité du procès. Il importe dobserver que, outre les droits généraux garantis par larticle 21 1) à 21 3) du Statut, larticle 21 4) e), invoqué dans la Requête, énonce lun des cinq droits fondamentaux reconnus à laccusé.
31. Les règles de procédure que doit suivre le Tribunal et qui sont appliquées par la Chambre de première instance représentent en une synthèse des particularités du système accusatoire de la common law et du système inquisitoire de la tradition romaine. Il est admis que le premier de ces systèmes prédomine. Ces règles de procédure sont conformes aux dispositions du Pacte international et de la CEDH, dont sinspirent les articles 20 et 21 du Statut du Tribunal. Cest pourquoi, lorsque lon interprète les dispositions de ces articles, il convient de tenir compte des textes qui en sont à lorigine et de la philosophie qui les sous-tend.
Interprétation de larticle 21 4) e)
Larticle 21 4) e) stipule que laccusé a le droit
[ ...]
e) [ d] interroger ou [ de] faire interroger les témoins à charge et [ d] obtenir la comparution et linterrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
[ ...]
32. En dépit de son apparente simplicité, cette disposition est ambiguë. Il importe de comprendre que ce droit de laccusé, quoique garanti, est subordonné au pouvoir conféré à la Chambre de première instance par larticle 20 1) de veiller à ce que le procès soit équitable et rapide. Rappelons quil convient de linterpréter à la fois dans le cadre du système de procédure accusatoire, dans lequel laccusé, sous le contrôle de la cour, décide des témoins quil souhaite voir comparaître et dans celui du système inquisitoire, qui veut que la Chambre décide elle-même quels témoins elle souhaite entendre. Chacun sait que dans le système accusatoire, les témoins sont interrogés et contre-interrogés par les parties ou leurs conseils et que la cour est également habilitée à leur poser des questions, tandis que dans le système inquisitoire, seule la cour examine les témoins.
33. Lobjectif de larticle 21 4) e) est dassurer que laccusé est placé en position de parfaite égalité avec lAccusation en ce qui concerne la comparution et linterrogatoire des témoins. Au besoin, la Chambre de première instance peut refuser dentendre un témoignage dénué de pertinence ou une personne dont le témoignage est redondant (Cf. Article 89 C) du Règlement). Il est incontestable que les témoignages redondants sont non seulement dénués de pertinence mais quen outre, ils ralentissent la procédure, ce que la Chambre de première instance a pour mission déviter. Pour être acceptables, les témoins et leurs témoignages doivent être utiles et non redondants. Il est également évident que la Chambre de première instance a toute latitude de refuser un témoignage pertinent mais sans valeur probante (Cf. article 89 D) du Règlement). Dans cette requête, sappuyant sur larticle 21 4) e) du Statut, le Conseil soutient que la Chambre ne peut pas rejeter un témoignage parce que nul ne saurait faire obstacle au droit de laccusé dinterroger ou faire interroger les témoins à charge et dobtenir la comparution et linterrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. Cet argument méconnaît les pouvoirs dont le Statut investit la Chambre de première instance. En effet, comme nous lavons établi, larticle 21 4) e) est in pari materia avec les articles 14 3) du Pacte international et 6 3) d) de la CEDH.
34. Dans laffaire X c/ FRG (Requête n° 3566/68), la Commission européenne des droits de lHomme ("la Commission"), interprétant larticle 6 3) d) de la CEDH pari materia avec larticle 21 4) e), a conclu à labsence dun droit général de citer des témoins. En particulier, un Tribunal est justifié dans son refus de citer des témoins dont les déclarations nauraient aucune pertinence en lespèce. (Cf. Requête n° 617/59, Hopfinger c/ Autriche, annuaire III, page 370 de la version en anglais).
35. De même, dans laffaire X c/ Autriche, Requête n° 4428/70, la Commission, interprétant larticle 6 3) d) de la CEDH, a indiqué que cette disposition visait, dans le cadre de poursuites pénales, à garantir légalité entre la Défense et le Procureur général, en ce qui concerne la citation et linterrogatoire des témoins, mais quelle ne donnait pas à laccusé un droit illimité dobtenir la comparution de témoins. La Commission a encore indiqué que le tribunal compétent était libre, sous réserve du respect des termes de la Convention et en particulier du principe dégalité consacré par larticle 6 3) d), de refuser de citer des témoins désignés par la défense, au motif, par exemple, que le tribunal considère quil est peu probable que leur témoignage permette détablir la vérité. (Cf., par exemple, avis rendu par la Commission dans son rapport du 31 mars 1963 quant à la requête n° 788/60, Autriche c/ Italie, paragraphes 112 et 115).
36. Dans le cas particuliers de la présente Requête, la Défense conteste la déclaration de principe formulée par la Chambre de première instance, qui précise les conditions dans lesquelles les témoins pourront être cités à comparaître et leurs témoignages, jugés recevables. Ces principes sont que les témoins cités ne doivent pas se contenter de répéter ce quont dit les témoins précédents et que les témoignages ne doivent pas faire double emploi avec ceux admis précédemment. La Chambre de première instance est davis que le principe appliqué est conforme à larticle 20 1) du Statut et quil nenfreint aucune des dispositions de son article 21.
37. En vertu de larticle 20 du Statut, lAccusation peut être tenue de déposer une liste des témoins quelle souhaite voir cités, accompagnée dun résumé des faits sur lesquels portera chacun des témoignages, en indiquant les chefs de lacte daccusation auxquels chacun deux se rapportera. LAccusation doit indiquer la durée prévisible de chaque déposition au prétoire.
38. La Défense a fait valoir que si la Chambre dressait la liste des témoins de la Défense, elle serait partie au litige. Bien entendu, il est incontestable que la Chambre de première instance na pas les moyens de dresser la liste des témoins à décharge au nom de la Défense, et que si elle le faisait, elle usurperait le rôle de cette dernière et enfreindrait le droit de laccusé à communiquer avec le conseil de son choix pour préparer sa défense. En lespèce, la Chambre de première instance na pas enfreint les dispositions de larticle 21 4) b) du Statut. Les principes quelle a formulés visent à guider le Conseil de la défense dans son choix des témoins et des moyens de preuve quils doivent présenter. Ils visent en outre à permettre à la Chambre de première instance de sacquitter de lobligation de veiller à ce que le procès se déroule rapidement, conformément à larticle 20 1) du Statut, qui garantit le droit de laccusé à être jugé sans retard excessif, consacré par larticle 21 4) e). Le Conseil est libre de citer qui bon lui semble, sous réserve quil garde ces principes à lesprit.
39. La Défense soutient que ces principes sont contraires au principe de légalité des armes entre lAccusation et la Défense. Elle prétend que lAccusation na pas été soumise aux mêmes exigences dans la présentation de ses moyens de preuve et la citation de ses témoins et que la Défense devrait être traitée comme lAccusation.
40. La recevabilité des moyens de preuve dépend de leur pertinence. Celle-ci est fonction de la nature de la cause que la Chambre doit juger. En général, on établit une distinction claire entre pertinence et recevabilité. La pertinence dépend de ladéquation entre le témoignage et le point sur lequel le témoin doit sexprimer. Un témoignage est pertinent si, en lui-même ou dans un certain contexte, il prouve ou infirme la véracité du point contesté. Si ce nest pas le cas, il est dénué de pertinence pour ce qui concerne la question dont la Chambre est saisie.
41. Lapplication de ces principes na pas placé le Conseil dans une position désavantageuse pour défendre les accusés. Il na pas été porté atteinte à son droit dinterroger et de contre-interroger les témoins dans les mêmes conditions que les témoins à charge. La Défense a certains droits en vertu de larticle 21 4) e) et elle les a exercés. Ceci est compatible avec le principe qui veut que son droit de citer des témoins ne soit pas illimité. Pareillement, son droit de soumettre des témoignages nest pas sans limite. Il est sujet aux restrictions imposées par la loi et par lexercice du pouvoir discrétionnaire reconnu à la Chambre de première instance. La Chambre de première instance ne peut être accusée davoir enfreint les droits de la Défense.
42. On oublie habituellement le fait que larticle 20 1) du Statut donne à la Chambre le pouvoir de protéger les droits de laccusé. Il convient ici de souligner que les erreurs du Conseil dans la citation de ses témoins et la présentation des moyens de preuve à laudience auront pour conséquence un retard excessif et déraisonnable de la procédure et quelles pourraient se révéler préjudiciables à la cause de laccusé. Dans ces circonstances, la Chambre de première instance doit exercer ses pouvoirs proprio motu afin déviter linjustice qui ne manquerait pas de se produire si elle nintervenait pas.
43. Le fait que la Défense respecte les principes et les directives formulés par la Chambre de première instance quant à la citation des témoins et la présentation des moyens de preuve à laudience ne privera nullement laccusé de lassistance de son Conseil pour présenter des témoignages à décharge. Chaque accusé est censé présenter ses moyens de preuve à décharge. La mise en oeuvre des principes contenus dans ces directives aura pour effet de rationaliser la présentation des témoignages en évitant les comparutions redondantes et les témoignages répétitifs. Elle ne prive nullement la Défense de son droit de contester les moyens de preuve à charge déjà entendus et jugés pertinents. Le choix de ses témoins revient à laccusé. La Chambre cherche uniquement à exclure les témoins faisant double emploi et ceux dont les témoignages risquent dêtre redondants. Il nest nullement question pour elle de se prononcer sur la crédibilité dun témoignage sans lavoir entendu. Il est clair que cette question ne se pose pas et que la Chambre a scrupuleusement appliqué les dispositions obligatoires des articles 20 1) et 21 du Statut.
Le droit à un procès équitable
44. La Chambre est consciente de limportance fondamentale du droit de laccusé dêtre entendu équitablement. Les dispositions des articles 20 1) et 21 du Statut et celles du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal, considérées dans leur ensemble, ont pour objet dassurer un procès équitable et conforme aux normes juridiques. Il apparaît clairement que le respect des droits spécifiquement énoncés au seul article 21 du Statut, ne garantit pas nécessairement léquité du procès. Les conditions à remplir pour garantir celle-ci ne peuvent sénoncer in abstracto. Léquité dun procès ne peut être jugée quau vu de lensemble de la procédure.
45. Dans laffaire Mohammed c/ Kano N.A (1968) 1 All NLR 115, la Cour suprême du Nigéria a fait les observations suivantes à ce propos :
Pour quune personne soit équitablement entendue, il faut que le procès soit équitable; et pour déterminer sil la été, il faut prendre en compte la totalité des audiences. Le critère à appliquer consiste à savoir si une personne raisonnable, présente pendant toute la durée du procès, en retire limpression que justice a été faite. Il appartient au plaignant de montrer que les irrégularités dont il se plaint ont conduit à un déni de justice.[ Traduction non officielle]
Ces observations sappliquent, mutatis mutandis, à lévaluation du caractère équitable du procès.
46. En donnant des consignes destinées à aider la Défense dans le choix de ses témoins pour éviter les comparutions redondantes et les témoignages répétitifs, la Chambre de première instance na pas pris partie au litige. Elle a émis des directives que les parties peuvent utilement mettre en pratique afin de réduire le coût et la durée de la procédure. La critique selon laquelle ces directives nont pas été formulées lorsque lAccusation a présenté ses moyens de preuve, mais lorsque la Défense le fait, nest pas fondée. Nul ne saurait douter que ces consignes ne gênent en rien lexercice des pouvoirs discrétionnaires du Conseil dans la gestion et lorganisation de sa cause, puisquil demeure entièrement responsable de la défense de laccusé.
47. Dans laffaire Kraska c/ la Suisse (1994) 18 EHRR 188, paragraphe 30 du jugement, la Cour, interprétant larticle 6 1) a déclaré, entre autres :
Larticle 6 1) a, entre autres, pour effet de donner au "tribunal" lobligation de conduire un examen approprié des écritures, arguments et éléments de preuve fournis par les parties, sans préjuger de lévaluation de leur pertinence par rapport à la décision. [ Traduction non officielle]
48. La Chambre de première instance considère que cette opinion exprime correctement le rôle qui lui est attribué par larticle 20 1) du Statut et elle la fait sienne. Léquité dun procès ne peut être évaluée quen considérant linstance dans son ensemble et en vérifiant si les règles qui le régissent ont été équitablement appliquées. Cest à tort que la Défense a interprété larticle 21 4) e) du Statut comme lui conférant un droit illimité de citer des témoins et de présenter des éléments de preuve, quelle que soit leur pertinence au regard des questions que la Chambre doit trancher. Rien ne saurait être plus juridiquement incorrect. La Chambre de première instance a respecté toutes les règles permettant aux accusés de bénéficier dun procès équitable.
III. DISPOSITIF
Par ces motifs, LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE
REJETTE la Requête.
Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.
Le Président de la Chambre de
première instance
(Signé)
Adolphus G. Karibi-Whyte
Fait le douze juin 1998
La Haye (Pays-Bas)
[ Sceau du Tribunal]