LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE
Composée comme suit : M. le Juge Adolphus G. Karibi-Whyte, Président
Mme le Juge Elizabeth Odio Benito
M. le Juge Saad Saood Jan
Assistée de : Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier
Décision rendue le : 18 mars 1998
LE PROCUREUR
C/
ZEJNIL DELALIC
ZDRAVKO MUCIC, alias "PAVO"
HAZIM DELIC
ESAD LANDZO, alias "ZENGA"
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ORDONNANCE RELATIVE AUX REQUÊTES DE REJET DE LACTE
DACCUSATION À LISSUE DE LA PRÉSENTATION
DES MOYENS DE PREUVE DU PROCUREUR
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Le Bureau du Procureur :
M. Grant Niemann
Mme Teresa McHenry
M. Giuliano Turone
Le Conseil de la Défense :
Mme Edina Residovic, M. Ekrem Galijatovic, M. Eugene OSullivan, pour Zejnil Delalic
M. Zeljko Olujic, M. Michael Greaves, pour Zdravko Mucic
M. Salih Karabdic, M. Thomas Moran, pour Hazim Delic
M. John Ackerman, Mme Cynthia McMurrey, pour Esad Landzo
LA PRÉSENTE CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de lex-Yougoslavie depuis 1991 (le "Tribunal international") ;
ATTENDU quà lissue de la présentation des moyens de preuve de lAccusation le 16 février 1998, les conseils de chacun des accusés ont indiqué dans leurs déclarations liminaires au titre de larticle 84 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international (le "Règlement"), quils présenteraient une requête de rejet de lacte daccusation retenu à lencontre des accusés ;
ATTENDU, en outre, que bien quaucune disposition du Statut ou du Règlement du Tribunal international ne prévoie le dépôt dune "Requête de rejet de lacte daccusation à lissue de la présentation des moyens de preuve du Procureur", le pouvoir implicite qua une Chambre de première instance de rejeter des chefs de lacte daccusation , à la demande dune des parties ou proprio motu, ne sen trouve pas affecté;
SAISIE dune requête déposée conjointement le 20 février 1998 par les accusés Zejnil Delalic, Hazim Delic et Esad Landzo et intitulée "Requête des défendeurs aux fins dun jugement dacquittement, ou à défaut, de rejet de lacte daccusation à lissue de la présentation des moyens de preuve du Procureur" (Répertoire général du Greffe ("RG") page D5503-D5724) ("Requête conjointe") et dune requête déposée le 20 février 1998 par laccusé Zdravko Mucic et intitulée "Requête du défendeur aux fins dun jugement dacquittement, ou à défaut, de rejet de lacte daccusation à lissue de la présentation des moyens de preuve du Procureur, ou à défaut, de mise en liberté provisoire à effet immédiat" (RG D5726-D5757) ("Requête Mucic") (conjointement désignées ci-après "Requêtes");
VU la "Réponse de lAccusation à la Requête des défendeurs aux fins dun jugement dacquittement, ou à défaut, de rejet de lacte daccusation à lissue de la présentation des moyens de preuve du Procureur" déposée le 6 mars 1998 (RG D5759-5861) ;
VU, en outre, la "Réplique des défendeurs Delalic, Delic et Landzo à la Réponse de lAccusation à la Requête des défenseurs aux fins dun jugement dacquittement, ou à défaut, de rejet de lacte daccusation à lissue de la présentation des moyens de preuve du Procureur" déposée le 10 mars 1998 (RG D5866-D5922) ;
VU les exposés des conseils des quatre accusés (la "Défense") et du Bureau du Procureur (l"Accusation"), les 11 et 12 mars 1998 ;
ATTENDU que la Chambre de première instance, avant dentendre les exposés des parties sur les Requêtes, a observé que les demandes de jugement dacquittement ou de rejet de lacte daccusation à lissue de la présentation des moyens du Procureur constituaient les deux éléments dune alternative ;
ATTENDU, en outre, que les éléments de lalternative diffèrent quant au contenu en ce sens que :
1) le dépôt dune requête de jugement dacquittement requiert, même à ce stade du procès, lexamen des points de droits et des éléments de preuve présentés par lAccusation. Les accusés, convaincus de la faiblesse du dossier de lAccusation, ne cherchent pas à présenter dautres éléments de preuve et achèvent par conséquent la présentation de leur cause. La Chambre de première instance est donc fondée à se prononcer sur linnocence ou la culpabilité des accusés à la lumière des points de droits et des éléments de preuve présentés par lAccusation.
2) la demande, à défaut, dun rejet de lacte daccusation, vise le rejet des accusations portées contre les accusés pour la raison que les points de droits et les éléments de preuve présentés par lAccusation à la Chambre de première instance nont pas permis détablir les charges contre lesquelles les accusés doivent se défendre ;
CONSIDÉRANT que la distinction cruciale et importante porte sur le rejet de la requête, puisque si celle-ci était agréée, lalternative a dans les deux cas pour conséquence la mise hors de cause des accusés :
1) dans le cas dune requête aux fins dun jugement dacquittement, la Chambre de première instance se prononce sur linnocence ou la culpabilité daccusés qui se seront appuyés pour leur défense sur les éléments de preuve présentés par lAccusation ;
2) à linverse, le fait de ne pas agréer la requête de rejet de lacte daccusation offrira aux accusés la possibilité de proposer des éléments de preuve et de réfuter ceux présentés par lAccusation ;
ATTENDU que lors de laudience du 11 mars 1998, la Défense a été invitée à faire un choix, puisque ses observations écrites ne tenaient pas compte de la distinction juridique entre les deux éléments de lalternative et quelle avait indiqué que, malgré lintitulé des Requêtes, elle nentendait pas clore à ce stade la présentation de sa cause et que les Requêtes devaient être comprises comme une demande de rejet de tous les chefs inscrits à lacte daccusation ;
CONCLUANT que, lorsquil sagit de se prononcer sur des requêtes dune telle nature, la Chambre de première instance doit être convaincue que sur le plan du droit, il existe pour chaque composante des infractions visées, des moyens de preuve qui, sils devaient être acceptés, conduiraient tout tribunal rationnel à prononcer un jugement de culpabilité ;
CONCLUANT, en outre, que la Chambre de première instance est convaincue que sur le plan du droit, elle a reçu pour chaque composante des infractions en question, des moyens de preuve contre lesquels les accusés doivent être invités à se défendre ;
CONCLUANT, de surcroît, que la question de la mise en liberté provisoire est soulevée à tort dans le présent contexte ;
PAR CES MOTIFS,
REJETTE PAR LA PRÉSENTE,
la Requête conjointe ;
la Requête Mucic, dans la mesure où elle constitue une demande de rejet de lacte daccusation ;
la Requête Mucic, dans la mesure où elle constitue une demande de mise en liberté provisoire.
Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.
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Adolphus G. Karibi-Whyte
Le Président de la
Chambre de première instance
Fait le dix-huit mars 1998
La Haye (Pays-Bas)
[ Sceau du Tribunal]