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1 (Mercredi 7 juin 2000)
2 (Audience publique)
3 (L'audience, présidée par le Juge Hunt, est ouverte à 10 heures 02.)
4 M. le Président (interprétation): Peut-on appeler l'affaire inscrite au
5 rôle, s'il vous plaît?
6 Mlle Thomson (interprétation): Il s'agit de l'affaire IT-96-21-A, le
7 Procureur contre Delalic et consort.
8 M. le Président (interprétation): Nous allons passer à l'étude des
9 arguments du groupe 5.
10 Monsieur Kuzmanovic, c'est à vous de commencer, je crois.
11 M. Kuzmanovic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour
12 Messieurs les Juges.
13 Cette partie de notre argumentation traite du principe de la double
14 condamnation et il a été déposé en tant que mémoire supplémentaire par Me
15 Moran, il y a environ deux ou trois mois. Il résulte du jugement rendu
16 dans l'affaire Kupreskic.
17 On traite ici d'une question qui est celle de la condamnation. Monsieur
18 Delic et M. Mucic ont été condamnés pour des infractions graves des
19 conventions de Genève et pour les violations des lois ou coutumes de
20 guerre sur la base des mêmes actes.
21 Nous affirmons que le jugement rendu dans l'affaire Kupreskic, et
22 notamment dans son paragraphe 5 D), paragraphes 647 à 748, sont
23 d'application et nous pensons que la Chambre d'appel devrait, elle aussi,
24 appliquer cette partie du jugement et rejeter l'une des déclarations de
25 culpabilité: que ce soit celle relative à l'infraction grave des
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1 conventions de Genève ou celle des violations des lois ou coutumes de la
2 guerre puisque les éléments constitutifs de chacun de ces crimes sont les
3 mêmes.
4 La Chambre de première instance dans l'affaire Kupreskic a adopté ce
5 critère du "double jeopardy" (en anglais) qui a été énoncé par la Cour
6 suprême des Etats Unis.
7 J'ai fourni à M. Hocking des exemplaires du jugement qui avait été rendu
8 par cette instance suprême dans le cadre de l'affaire Blockburger. J'ai
9 fait également parvenir un exemplaire d'une décision plus récente qui a
10 été rendue dans lequel ce même principe a été retenu.
11 Les circonstances sont les mêmes parce que les sentences sont cumulées.
12 Nous nous retrouvons donc dans la même situation qui est celle du cas
13 d'espèce.
14 La Cour suprême des Etats Unis, dans une affaire citée en 1995 s'est
15 prononcée dans le même sens. Vous pouvez trouver ces affaires sur Internet
16 d'ailleurs, et je précise également que l'accusation a reçu tous les
17 exemplaires relatifs à ces différentes affaires.
18 Les raisons qui sous-tendent les décisions de la Cour suprême des Etats-
19 Unis dans l'affaire Blockburger étaient les suivantes: est-ce qu'il faut
20 pour chaque disposition prouver le fait alors que, dans certains cas,
21 cette obligation n'est pas absolue?
22 La Cour suprême des Etats-Unis s'est prononcée dans le sens qu'il fallait
23 rejeter l'une des condamnations parce qu'elle n'était pas pertinente. On
24 rejette donc l'une des condamnations ainsi que l'une des peines
25 concurrentes prononcées.
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1 Ce qui est important de noter, c'est que la Cour suprême des Etats-Unis a
2 déclaré qu'une deuxième condamnation ne perd pas son poids tout simplement
3 parce que la sentence est prononcée de façon concurrente.
4 Je voudrais également vous renvoyer à la page 865 d'une autre affaire,
5 l'affaire Ball. Dans cette affaire, la personne a été arrêtée, la police
6 l'a trouvée en possession d'une arme à feu appartenant à une autre
7 personne qui, elle, était portée disparue. Cette personne avait menacé un
8 voisin avec cette arme à feu et avait essayé sans succès de la vendre. La
9 personne a été condamnée avec des chefs d'accusation ou a fait l'objet
10 d'un acte d'accusation, pardon, avec chefs d'accusation de réception d'une
11 arme à feu et de possession d'une arme à feu, en violation de deux statuts
12 fédéraux. Cette personne a été condamnée par une Chambre de première
13 instance pour les deux chefs d'accusation et a été condamnée à une peine
14 d'emprisonnement pour chacun des deux chefs d'accusation.
15 La Chambre d'appel a ensuite fait appel à la Cour du district, disant
16 qu'il fallait tenir compte de l'affaire Blockburger et de ce qui avait été
17 dit dans ce cadre. La Cour suprême des Etats-Unis a déclaré que la
18 situation qui se présentait violait le principe du "double jeopardy" en
19 dépit du fait que ces sentences étaient concurrentes parce que les
20 éléments qui étaient à la base de chacun des actes étaient essentiellement
21 les mêmes.
22 La raison pour laquelle j'invoque l'affaire Kupreskic et le jugement qui a
23 été rendu dans cette affaire est que l'adoption qui a été faite du
24 principe que j'ai énoncé tout à l'heure a été le même que celui qui a été
25 fait dans le cas de l'affaire Blockburger.
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1 Mucic, et de toute façon tout autre accusé d'après nous, ne peut pas être
2 accusé à la fois pour une infraction grave et pour une violation des lois
3 ou coutumes de la guerre qui reposent sur les mêmes actes. Par exemple,
4 dans l'acte d'accusation, M. Mucic, au titre de l'article 7-3, est tenu
5 responsable d'après le chef d'accusation 13 d'homicide intentionnel qui
6 est une violation grave au titre de l'article 2 A) du Statut.
7 Au titre du chef d'accusation 4, il a été tenu responsable d'une violation
8 des lois ou coutumes de la guerre sanctionnable au titre de l'article 3 du
9 Statut. Nous parlons ici de meurtre, d'homicide intentionnel et, d'après
10 nous, ce qu'a déclaré le jugement et la Chambre de première instance dans
11 l'affaire Celebici, c'est quelque chose qui est, en fait, tout à fait
12 comparable à ce qu'ont dit les instances que j'ai citées précédemment.
13 La Chambre de première instance dans son jugement, au paragraphe 433,
14 déclare et je cite: "La signification ordinaire du terme anglais "murder"
15 est également comprise comme quelque chose qui va au-delà de l'homicide
16 intentionnel et, par conséquent, comme il a été déclaré ci-dessus, il n'y
17 a pas de différence dans le cas de l'homicide intentionnel ou dans le cas
18 du meurtre."
19 Ce même jugement déclare également, au paragraphe 439, que "l'intention
20 délictueuse nécessaire, l'élément moral nécessaire pour qu'un meurtre ou
21 un homicide intentionnel soit constitué est présent dès lors qu'il est
22 démontré que l'accusé avait l'intention de tuer ou de porter gravement
23 atteinte à l'intégrité physique d'autrui."
24 On voit donc que la définition retenue par la Chambre de première instance
25 dans Celebici, pour ce qui du meurtre ou de l'homicide intentionnel, est
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1 le même. Le jugement de la Chambre de première instance définit également
2 deux catégories de traitement pour ce qui est du fait de causer
3 intentionnellement de grandes souffrances à autrui et, là encore, les
4 définitions qui sont données sont absolument identiques dans le jugement.
5 Monsieur Mucic a été déclaré coupable d'une infraction grave, à savoir le
6 fait de causer intentionnellement des blessures graves physiques ou
7 morales à une personne. Cela a été également considéré comme une violation
8 grave des lois ou coutumes de la guerre. C'est un autre exemple qui
9 illustre mon propos.
10 Les définitions données de ces deux crimes sont les mêmes et nous pensons
11 que tout cela est en infraction du principe de "double jeopardy", à savoir
12 qu’une personne ne peut pas être condamnée pour deux crimes identiques.
13 Pour ce qui est des autres chefs d'accusation relatifs à M. Mucic, il y a
14 les chefs d'accusation 33 et 34. Pour ces deux chefs d'accusation, il y a
15 eu déclaration de culpabilité, culpabilité pour infraction grave, pour
16 torture et violation des lois ou coutumes de la guerre, pour torture.
17 Donc, là encore, mêmes faits liés à deux types de condamnation. Et nous
18 pensons que l'une de ces deux condamnations devrait être abandonnée,
19 toujours en application du principe qui a été retenu dans l'affaire
20 Blockburger. Ce que je viens de dire s'applique également aux chefs
21 d'accusation 38 et 39, aux chefs d’accusation 44 et 45, aux chefs
22 d’accusation 46 et 47.
23 La Chambre de première instance, dans son Jugement, définit toutes ces
24 catégories de façon relativement comparable. Le fait de causer
25 intentionnellement des souffrances physiques ou morales est retenu aux
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1 paragraphes 511 et 552. D'autres définitions apparaissent notamment au
2 paragraphe 543 du jugement.
3 Ce sont pour ces raisons, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que
4 nous pensons que cette Chambre d'appel devrait accepter les critères
5 établis dans l'affaire Kupreskic, et les critères établis dans l'affaire
6 Blockburger, à savoir le critère qui veut qu'une personne ne peut pas être
7 condamnée pour deux crimes qui sont caractérisés de la même façon. L'une
8 des condamnations doit tomber, et ceci s'applique tant pour M. Mucic que
9 pour M. Delic puisque ces condamnations découlent des mêmes actes.
10 Nous pensons également que la Chambre d'appel devrait adopter les
11 paragraphes 742 à 748 du jugement Kupreskic qui démontrent quelle est la
12 méthodologie à appliquer, dès lors qu'on essaye de s'attaquer à cette
13 question au niveau de la Chambre de première instance. Il s'agit
14 essentiellement d'appliquer la partie du jugement Kupreskic qui traite de
15 cette cumulation des charges. Et je crois que, maintenant, il reviendra à
16 l’accusation de se prononcer sur l'attitude qu'elle souhaite adopter.
17 J'en ai terminé, je m'en remets maintenant à l'accusation.
18 M. le Président (interprétation): Avant de vous asseoir, vous êtes tout à
19 fait d'accord, je pense, pour dire que nous parlons ici de deux choses
20 différentes, n'est-ce pas?
21 Il y a le fait de prononcer des condamnations séparées, même si tout ce
22 que vous dites à propos de cette question est tout à fait pertinent.
23 Mais dès lors que l'on parle de la condamnation séparée, on entre dans un
24 domaine un petit peu différent. Nous n'avons pas à nous prononcer sur ce
25 point, n'est-ce pas?
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1 M. Kuzmanovic (interprétation): Effectivement, Monsieur le Président. Le
2 jugement Kupreskic n’aborde pas le point dont vous venez de parler. Je
3 crois que l'approche qui a été indiquée par le jugement Kupreskic est la
4 bonne et celle qui doit s'appliquer en l'espèce.
5 M. le Président (interprétation): Bien. Nous n'avons pas à trancher cette
6 question en appel.
7 M. Kuzmanovic (interprétation): Non, effectivement.
8 M. le Président (interprétation): La deuxième question que j’ai est la
9 suivante. Est-ce qu'un autre pays a adopté l'opinion qui est celle des
10 Etats-Unis, en matière du critère du "double jeopardy", à savoir qu'un
11 accusé ne peut pas être condamné pour deux crimes qui sont caractérisés de
12 la même façon?
13 M. Kuzmanovic (interprétation): Je ne sais pas exactement ce qu'il en est,
14 c’est difficile à dire précisément. Ce que je sais, c'est qu'au moins en
15 Grande-Bretagne, ce principe de "double jeopardy" s'applique au moins dans
16 les situations qui surgissent juste après la déclaration de la peine. Et
17 je pense que M. Morrison pourra peut-être vous en parler plus précisément.
18 M. le Président (interprétation): Nous avons lu le jugement Kupreskic. Je
19 me demandais s'il y avait un autre pays, je ne crois pas que le Royaume-
20 Uni en soit un, un autre pays qui aurait adopté la position des Etats-Unis
21 sur ce critère du "double jeopardy".
22 M. Kuzmanovic (interprétation): Je ne connais aucun pays qui l'aurait
23 fait, Monsieur le Juge.
24 M. le Président (interprétation): Voici ma troisième question: d'après
25 vous, quelle est approche qui devrait être celle de la Chambre d'appel
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1 pour savoir quelle est la condamnation qui doit être retenue?
2 Est-ce qu'il faut retenir la condamnation qui porte sur le crime le plus
3 grave? Quelle est votre position?
4 M. Kuzmanovic (interprétation): Eh bien, d'après moi, la Chambre de
5 première instance a défini le meurtre et l'homicide intentionnel. Et si
6 l'on regarde ces définitions, on s’aperçoit que celles qui ont été données
7 par la Chambre de première instance sont identiques ou presque. Je crois
8 donc qu'il faut regarder la quantité d'éléments de preuve qui sous-tendent
9 telle ou telle condamnation et que c'est cela l'élément à retenir.
10 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous êtes d'accord pour dire
11 qu'il faudrait retenir le crime qui conduit à la sentence, à la
12 condamnation la plus appropriée, en d'autres termes, celle qui recouvre le
13 plus grand nombre d'éléments relatifs au comportement de l'accusé?
14 M. Kuzmanovic (interprétation): Oui, je crois que c'est cela qu'il faut
15 faire.
16 M. le Président (interprétation): Merci. Maître Kuzmanovic.
17 M. Kuzmanovic (interprétation): Mon collègue Me Morrison voudrait dire
18 quelques mots.
19 M. Morrison (interprétation): Je voudrais simplement essayer de répondre à
20 la question que vous avez posée à M. Kuzmanovic. A savoir, est-ce que un
21 autre pays a adopté ce principe du "double jeopardy", dans une même
22 affaire?
23 Et ici je parle en m'appuyant sur mon expérience personnelle et celle que
24 j'ai de la pratique qui est celle du Royaume-Uni. Dans les cas de
25 conspiration, de complot ou dans le cadre des faits de l'affaire, il
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1 apparaît qu'il y a des crimes graves qui ont été commis, mais des crimes
2 qui sont de nature relativement similaire.
3 Si un acte d'accusation est déposé devant une Chambre, acte d'accusation
4 qui contient des chefs d'accusation de complot, et également des chefs
5 d’accusation relatifs à des crimes graves, eh bien, la pratique est
6 maintenant de s'appuyer sur cette idée du complot ou sur ces chefs
7 d'accusation substantiels, et ce n'est que très rarement que l'on est
8 autorisé à retenir les deux types de chefs d’accusation.
9 M. le Président (interprétation): Oui, mais là ce n’est pas vraiment le
10 cas qui nous intéresse, n'est-ce pas? Parce que nous parlons de quelque
11 chose d'assez différent en termes de situation.
12 M. Morrison (interprétation): Oui effectivement, mais c'est ce qui m’est
13 venu à l’esprit et je me suis dit que cela pouvait vous aider.
14 M. le Président (interprétation): Maître Moran?
15 M. Moran (interprétation): Vous serez peut-être surpris d’apprendre,
16 Monsieur le Juge, que je n'ai rien à ajouter.
17 M. le Président (interprétation): Parfait. Je vous remercie. Je me tourne
18 vers l'accusation. C’est Me Staker, je crois, qui va répondre.
19 M. Staker (interprétation): Merci Monsieur le Président, Messieurs les
20 Juges. Le mémoire déposé le 14 janvier de cette année par les conseils de
21 la défense de M. Mucic et M. Delic ne contenait que trois pages relatives
22 à ce motif d'appel en particulier.
23 Ces trois pages en fait ne recouvrent qu'un seul argument. A savoir, la
24 question de la déclaration de culpabilité cumulée au titre des articles 2
25 et 3 du Statut.
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1 La défense affirme que ce qui a été dit dans cette affaire qui nous
2 intéresse, n'est pas cohérent avec ce qui a été dit dans le cadre du
3 jugement Kupreskic. Nous concédons que la Chambre d'appel a le pouvoir de
4 réexaminer des points de droit, mais lorsqu'il y a une erreur de droit qui
5 est commise –et nous soumettons toujours l'idée selon laquelle, c’est bien
6 ce qui a été fait dans le cadre du jugement rendu par la Chambre de
7 première instance– eh bien, la situation est un petit peu différente.
8 L'appelant a toujours la charge, a toujours l'obligation de la
9 démonstration de son argument.
10 On invoque le jugement Kupreskic et on voit que les appelants présentent
11 un argument extrêmement concis. Le jugement Kupreskic est, en fait, une
12 décision qui a été rendue par une Chambre de première instance, une
13 décision qui n'est pas contraignante pour les autres Chambres de première
14 instance, et qui n'est certainement pas contraignante pour la Chambre
15 d'appel. Ce jugement établit un critère juridique relatif à la cumulation
16 des déclarations de culpabilité, un critère qui n'a pas été appliqué dans
17 d'autres décisions d'aucune des autres Chambres de première instance de ce
18 Tribunal ou dans le cadre du Tribunal pénal international pour le Rwanda.
19 Dans certains cas, cette décision est directement en contradiction avec la
20 pratique d'autres Chambres de première instance et même de la Chambre
21 d'appel elle-même, dans le cadre notamment de l'arrêt d'appel Tadic.
22 Le jugement Kupreskic en lui-même n'évoque même pas la possibilité de la
23 condamnation ou de la déclaration de culpabilité cumulée, au titre des
24 articles 2 et 3 du Statut, et il n'y a aucune conclusion expresse qui soit
25 relative à cela dans le jugement Kupreskic. Je renvoie au paragraphe 480,
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1 ou 4.80 pardon, du mémoire de l'accusation relatif à cette question de la
2 déclaration de la culpabilité cumulée, paragraphe qui établit exactement
3 quelles sont les difficultés qui surgissent dès lors que l'on choisit
4 d'évoquer le jugement Kupreskic.
5 L'accusation soumet par ailleurs l'argument selon lequel le mémoire déposé
6 par l'appelant, du fait qu'il invoque le jugement Kupreskic, ne permet pas
7 à la défense de satisfaire son obligation de démonstration de son
8 argumentation dès lors qu'elle essaie de montrer qu'une erreur a été
9 commise par la Chambre de première instance dans le cas d'espèce. Nous ne
10 disposons que de cette réponse courte, je l'ai dit.
11 Ce n'est pas pour autant que l'accusation a décidé de ne pas beaucoup
12 travailler. Nous avons déposé un mémoire de 50 pages sur les arguments que
13 nous souhaitons déposer en réponse. Nous avons essayé d'aider la Chambre
14 d'appel en traitant de cette question de façon aussi intégrale et
15 exhaustive que possible. Je voudrais souligner que d'autres mémoires sur
16 cette même question ont été déposés devant la Chambre d'appel dans
17 d'autres affaires.
18 Le mémoire parle de lui-même, je n'ai pas besoin de résumer ces 50 pages
19 dans le détail, mais je voudrais simplement revenir sur certains points
20 qui me semblent particulièrement saillants.
21 Premièrement, il y a une question de terminologie qui se pose. Le nom qui
22 a été donné à ce motif d'appel est celui de "déclaration de culpabilité
23 cumulée", mais ce n'est pas un terme que l'on retrouve.
24 M. le Président (interprétation): Les interprètes vous prient, s'il vous
25 plaît, de bien vouloir ralentir.
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1 M. Staker (interprétation): C'est donc une terminologie que l'on ne
2 retrouve dans aucun système juridique. Mais dans les systèmes de droit
3 civiliste, on a une terminologie qui s'applique. Il y a notamment le
4 système français qui parle de "concours d'infractions" qui, en anglais,
5 peut revêtir différentes appellations. Une terminologie similaire est
6 utilisée dans d'autres systèmes relevant du droit civil.
7 Ces types de système, généralement, établissent également une distinction
8 entre ce qui est appelé le "concours réel" et ce qui est appelé le
9 "concours idéal". Le concours idéal, c'est la situation dans laquelle un
10 acte unique de l'accusé viole plus d'une disposition du droit pénal, et
11 c'est bien la situation dans laquelle nous nous trouvons ici en appel.
12 Dans notre mémoire, nous avons jusqu'à un certain degré suivi cette
13 terminologie adoptée par le droit civiliste. D'abord pour des raisons
14 pratiques: l'expression "concours idéal" est bien plus courte que
15 l'expression, je cite: "situation dans laquelle un acte unique de l'accusé
16 viole plus d'une disposition du droit pénal." (fin de citation)
17 Et puis, une autre raison qui motive cette approche, c'est que cette
18 terminologie est trouvée dans certaines des décisions rendues par ce
19 Tribunal et par le Tribunal pour le Rwanda, décisions qui, toutes,
20 traitent de cette question.
21 Et puis, c'est très pratique, et ce que M. Kuzmanovic nous a dit le rend
22 plus évident encore. Le critère du "double jeopardy" est un critère bien
23 ancré dans le système de droit civiliste, mais il y a également le concept
24 de concours idéal qui surgit dans ce type de système. Il faut donc
25 utiliser une expression qui permet d'établir une distinction entre ces
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1 deux critères.
2 Toutefois, nous sommes conscients du fait qu'il y aurait peut-être danger
3 à utiliser une telle terminologie, dans la mesure où ceci pourrait
4 suggérer que les règles qui sont d'application dans ce Tribunal sont les
5 mêmes que les règles qui s'appliquent dans tout autre système juridique
6 national.
7 D'après nous, les règles qui régissent le concours idéal sont très
8 différentes, même au sein de systèmes qui revendiquent tous le droit
9 civiliste.
10 D'après ce que je comprends, en France, la règle générale en matière de
11 concours idéal -mais je crois qu'il y a de toute façon également là des
12 exceptions-, mais tout de même, la règle générale est qu'un accusé ne peut
13 pas être condamné pour plus d'un même crime pour un acte unique.
14 En Allemagne d'autre part, la règle générale en matière de concours idéal,
15 et qui apparaît au paragraphe 4.92 de notre mémoire, est que la Chambre
16 fera des conclusions relatives à chacun des crimes qui ont reprochés à
17 l'accusé et pour chacun des crimes qui ont été commis par un seul acte.
18 Mais en Allemagne, au titre du paragraphe 52, sous-paragraphe 2 du Code
19 pénal, une seule sentence sera prononcée, sentence déterminée en référence
20 à la sentence qui est rendue pour le plus grave des crimes.
21 Dans d'autres systèmes de droit civiliste, la position est encore
22 légèrement différente. Au paragraphe 4.93 de notre mémoire, nous donnons
23 des exemples de pays où, en cas de concours idéal, la sentence maximale
24 qui peut être rendue pour le crime le plus grave peut être augmentée, ce
25 qui refléterait le fait que le même acte constitue plus d'un même crime.
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1 Et il est intéressant de noter que les systèmes qui suivent cette approche
2 sont notamment le système bulgare, danois, italien, portugais, suisse.
3 Mais il y a également l'ex-Yougoslavie qui suit cette même approche, il
4 est intéressant de le noter.
5 Donc, certes l'expression "concours idéal" est utilisée dans chacun de ces
6 systèmes juridiques pour décrire une situation donnée, mais la solution
7 qui est donnée à ce problème est très différentes d'un pays à l'autre.
8 Monsieur Kuzmanovic nous renvoie à la pratique qui est celle des tribunaux
9 aux Etats-Unis, c'est le critère défini dans l'affaire Blockburger qui est
10 appliqué. Mais c'est là encore une affaire toute différente. Le critère
11 retenu dans l'affaire Blockburger demande à ce que certaines condamnations
12 soient abandonnées, mais dans certaines circonstances seulement; ou que
13 des peines cumulées soient prononcées pour un même comportement, mais dans
14 certaines circonstances seulement. Donc, la situation est un petit peu
15 différente de celles que j'ai décrite précédemment.
16 L'accusation déclare que l'une des erreurs fondamentales qui apparaît dans
17 le jugement Kupreskic est que ce jugement essaie de trouver une solution à
18 cette question du concours idéal en identifiant des principes généraux de
19 lois qui se retrouvent dans plusieurs systèmes juridiques nationaux. Au
20 paragraphe 668 du jugement Kupreskic, la Chambre de première instance a
21 fait part de son intention de s'appuyer sur les principes, je cite, "qui
22 sont communs à différents systèmes juridiques du monde, notamment des
23 principes qui sont partagés et qui se retrouvent dans les systèmes pénaux
24 de droit civil et de common law", (fin de citation).
25 Au paragraphe 677 de ce jugement, on fait référence aux, je cite,
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1 "principes généraux du droit pénal tels qu'ils découlent de la convergence
2 d'un certain nombre de systèmes pénaux en place dans le monde". (fin de
3 citation)
4 Cependant, au vu des différences importantes qui existent même entre
5 systèmes de droit civiliste, l'accusation estime que cette approche est
6 quelque peu artificielle. Nous le disons avec tout le respect que nous
7 devons à la Chambre de première instance. L'approche adoptée par la
8 Chambre de première instance dans l'affaire Kupreskic peut, par exemple,
9 être examinée à la lumière de ce qui a été dit par la Chambre d'appel le
10 15 juillet 1999, dans l'affaire Tadic.
11 Au paragraphe 185 et jusqu'au paragraphe 283 de cet arrêt, paragraphes qui
12 sont rassemblés dans une vingtaine de pages, la Chambre d'appel considère
13 quelles sont les sources du droit humanitaire international qui sont
14 pertinentes dans le cadre de l'examen de cette question. Elle se penche
15 sur les décisions rendues par les instances nationales ou internationales,
16 décisions rendues dans les cas, notamment, de crimes de guerre. Elle se
17 penche sur les traités internationaux et sur les décisions rendues par ce
18 Tribunal.
19 Et puis, au paragraphe 224, la Chambre d'appel fait référence à certaines
20 sources de droit interne. Mais dans le paragraphe suivant elle déclare, et
21 je cite: "Il convient de souligner que la référence qui est faite aux
22 législations nationales et à la jurisprudence nationale ne permet de
23 montrer qu'une chose, à savoir que la notion d'objectifs communs retenus
24 en droit pénal international trouve des bases dans nombre de systèmes
25 nationaux. En revanche, dans la question qui nous intéresse ici, la
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1 législation nationale et la jurisprudence nationale ne peuvent servir de
2 source d'explication et de réflexion pour l'étude de principes ou de
3 règles internationales.
4 Pour s'appuyer sur de tels éléments, il faudrait d'abord démontrer que la
5 plupart, si ce n'est la totalité de ces pays, adoptent la même notion pour
6 ce qui est de la définition de ce qui constitue l'objectif commun. Plus
7 précisément, il serait nécessaire de démontrer que, dans toute situation,
8 la majorité des systèmes juridiques du monde adoptent la même approche
9 pour ce qui est de l'étude de cette question." (fin de citation)
10 L'accusation estime que la réponse à donner à cette question du concours
11 idéal ne doit pas être cherchée dans ce qui est établi dans les systèmes
12 de droit juridique interne.
13 Il existe désormais un corpus de jurisprudence assez important qui nous
14 provient des deux tribunaux internationaux et qui traitent de cette
15 question du concours idéal. Nous pensons que les questions qui se posent
16 sont tout d'abord: "quels sont les principes cohérents qui peuvent être
17 dérivés de la jurisprudence existante qui a été rendue par les deux
18 tribunaux?" Et deuxième question, "est-ce qu'il y a une bonne raison qui
19 justifierait que la Chambre d'appel devrait se détacher des principes qui
20 ont été énoncés jusqu'à présent?"
21 Concernant la première question, si on examine la pratique des deux
22 tribunaux internationaux –lorsqu'il y a concurrence idéale dans certaines
23 affaires– eh bien, cette pratique est assez étendue. On peut le constater
24 en détail au paragraphe 4.9 à 4.72 de notre mémoire.
25 Nous reconnaissons qu'une grande partie de cette jurisprudence est
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1 constituée de décisions prises par les Chambres de première instance qui
2 n'ont pas d'effet contraignant pour la Chambre d'appel. Et d'ailleurs pour
3 certaine de ces décisions, elles font l'objet d'appels en instance qui
4 n'ont pas encore été décidés.
5 Cependant, là où vous avez une pratique de cette nature qui est très
6 développée au niveau de la Chambre de première instance et, puisque c'est
7 le cas, et puisque la Chambre d'appel doit maintenant se pencher sur la
8 question, la Chambre d'appel ne doit pas ignorer la pratique qui s'est
9 développée sur ce sujet.
10 La Chambre d'appel n'est pas liée par les décisions de la Chambre de
11 première instance mais, cependant, ses décisions peuvent avoir un
12 caractère persuasif, surtout si on se base sur le corpus de jurisprudences
13 constantes.
14 Le fait de prononcer des condamnations cumulatives au titre des articles 2
15 et 3 pour le même fait est aussi justifié par les décisions de la Chambre
16 d'appel dans l'arrêt en appel de Tadic. On peut en trouver les détails aux
17 paragraphes 4-11 à 4-12 de notre mémoire.
18 La question des condamnations cumulatives au titre des articles 2 et 3 et
19 la possibilité de ce type de condamnation est aussi justifiée par d'autres
20 décisions de ce Tribunal et nous les avons mentionnées au paragraphe 4-
21 80.6 et à la page 48 de notre mémoire.
22 Le jugement Kupreskic, lui-même, traite des condamnations cumulatives au
23 titre des articles 3 et 5 du Statut du Tribunal. Et ces conclusions, en
24 l'espèce, ne sont pas que cohérentes avec la pratique de la Chambre
25 d'appel dans l'arrêt en appel de Tadic et dans les jugements Jelisic et
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1 Blaskic -et je vous renvoie au paragraphe 4.80 de notre mémoire.
2 Nous avançons donc que l'arrêt ou le jugement Kupreskic ne peut pas avoir
3 valeur obligatoire, valeur autoritaire, en ce qui concerne la pratique des
4 condamnations cumulatives dans le présent Tribunal.
5 Comme nous le disons, comme nous le reconnaissons dans notre mémoire, les
6 Chambre des deux tribunaux n'ont pas eu une attitude tout à fait
7 cohérente, en ce qui concerne l'application de la règle de droit en
8 matière de concours idéal.
9 Et je fais référence au paragraphe 4.78 de notre mémoire où j'ai indiqué
10 qu'il y avait au moins quatre, voire cinq critères différents qui ont été
11 appliqués par différentes Chambres de première instance. Mais nous
12 estimons qu'il y a un critère qui est tout à fait cohérent avec la
13 jurisprudence du Tribunal, c'est celui qui a été dans l'affaire Akayesu.
14 A priori, on a l'impression que c'est quelque chose qui est beaucoup plus
15 étroit dans son application que le critère Tadic. Mais nous estimons qu'on
16 peut interpréter le critère Tadic de telle façon qu'il soit cohérent avec
17 le critère Akayesu. Ici, je vous renvoie aux paragraphes 4.82 et 4.83 de
18 notre mémoire.
19 Et aux termes de ce critère, je cite: "Il est acceptable de condamner un
20 accusé pour deux crimes, pour les mêmes faits, dans les circonstances
21 suivantes: premièrement, lorsque les crimes en question, les offenses en
22 question ont des éléments constitutifs différents. Deuxièmement, lorsque
23 les dispositions créant constitutives défendent des intérêts différents.
24 Troisièmement, lorsqu'il est nécessaire de prononcer deux condamnations au
25 sujet de ces deux crimes pour bien insister sur les activités de
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1 l'accusé." (fin de citation)
2 L'accusation affirme que, dans l'affaire qui nous intéresse, un accusé
3 peut être condamné deux fois pour les mêmes actes et une fois donc au
4 titre de l'article 2 et une fois au titre de l'article 3.
5 Et les prononcés de condamnation cumulative au titre de l'article 2 et 3
6 sont acceptables. Nous estimons que c'est le cas pour trois raisons.
7 Premièrement, la pratique du Tribunal. J'ai déjà indiqué que les
8 condamnations cumulatives, on en trouve dans la pratique du Tribunal et le
9 critère doit être interprété et appliqué d'une façon qui aille dans le
10 sens de la pratique actuelle du Tribunal.
11 Deuxièmement, pour les raisons qui sont exposées dans notre mémoire, nous
12 avançons que chacun des articles du Statut du Tribunal protège des
13 intérêts différents, en ce qui concerne ce critère. Et je vous renvoie au
14 paragraphe 4.85 de notre mémoire.
15 Nous envisageons que lorsqu'un acte constituant un crime, aussi bien au
16 titre de l'article 2 que de l'article 3 du Statut, eh bien, nous estimons
17 qu'à ce moment-là il est nécessaire de condamner ces deux crimes pour que
18 l'on décrive, du point de vue juridique, très clairement ce qu'a fait
19 l'accusé.
20 La deuxième question que j'ai déjà mentionnée précédemment, c'est de
21 savoir s'il y a des raisons pour que cette pratique, qui est celle de
22 notre Tribunal, ne soit pas poursuivie. Est-ce que cette pratique va à
23 l'encontre des droits de l'accusée?
24 L'accusation affirme que la réponse à cette question est négative pour les
25 raisons qui sont présentées au paragraphe 4.89 de notre mémoire. Nous
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1 avançons que cela ne viole pas le principe de "non bis in idem" ou "double
2 jeopardy", si un accusé est condamné lors d'un même procès et non pas lors
3 de deux procès différents, pour une même action, est condamné deux fois.
4 Les systèmes juridiques auxquels j'ai fait référence précédemment, les
5 sources que nous avons indiquées, les sources juridiques que nous avons
6 indiquées dans notre mémoire indiquent que cette conclusion est appuyée
7 par la pratique de différents systèmes juridiques.
8 Il est possible que, dans certains systèmes juridiques, les choses soient
9 différentes et Me Kuzmanovic nous a parlé de ce qui se passe aux Etats-
10 Unis où cela n'est pas toujours accepté. Mais il y a des pays qui,
11 pourtant, adoptent la même approche. Et je peux vous indiquer, d'ailleurs,
12 qu'à ma connaissance… Bien entendu, je ne peux pas me prononcer à 100%,
13 mais j'ai déjà dit qu'en France, il n'est pas possible de condamner
14 quelqu'un deux fois pour le même acte. Si j'ai bien compris, en France, la
15 logique que l'on veut, c'est celle de "non bis in idem" ou "double
16 jeopardy".
17 Mais les autres exemples que nous avons donnés, d'autres systèmes de droit
18 civiliste, l'ex-Yougoslavie elle-même, l'Allemagne, eh bien, ces exemples
19 indiquent qu'une approche contraire ne va pas à l'encontre de la norme
20 internationale au niveau du droit. Nous estimons également que cette
21 pratique ne va pas à l'encontre de l'efficacité juridique pour les raisons
22 qui sont indiquées au paragraphe 4.90 de notre mémoire. Lorsque vous avez
23 cumul des charges ou charges alternatives, il est toujours nécessaire de
24 présenter des éléments de preuve pour tous les éléments des crimes qui
25 sont incriminés.
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1 L'accusation concède qu'il y a certaines restrictions au principe des
2 condamnations cumulatives, et je fais référence ici aux paragraphes 4.83,
3 4.76 et 4.88 notre mémoire où nous parlons du concept, du concours
4 apparent tel qu'il est traité dans le cadre des systèmes de droit
5 civiliste. Nous donnons par exemple comme exemple celui d'un accusé qui
6 est accusé d'avoir poignardé quelqu'un à mort, et nous reconnaissons que,
7 en ce qui concerne cet acte précis, l'accusé n'a pas à être condamné à la
8 fois de meurtre et d'homicide intentionnel ou d'acte destiné à causer de
9 grandes souffrances à quelqu'un: puisque ces blessures graves qu'il a
10 infligées ont amené la mort de la victime, à ce moment-là, c'est le crime
11 de meurtre qui prévaut. Et ce genre de limite est reconnu dans le jugement
12 Akayesu. Nous avons indiqué le paragraphe dont il s'agit.
13 Cependant, l'accusation avance que ce type de restriction ne s'applique
14 qu'aux crimes qui relèvent d'un même article du Statut du Tribunal. Mais
15 lorsque vous avez deux articles, que l'un est moins grave, entraîne des
16 condamnations moins graves que l'autre, à ce moment-là il faut qu'il y ait
17 condamnation au titre des deux articles.
18 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous pouvez nous expliquer
19 quelle est la différence entre le second et le troisième indicia du
20 jugement Akayesu?
21 M. Staker (interprétation): Peut-être est-ce une question à laquelle il
22 est un peu difficile de répondre comme cela, dans l'absolu. Il faudrait
23 peut-être qu'il y ait développement de la jurisprudence à ce sujet.
24 M. le Président (interprétation): Vous ne pensez pas que l'un inclut
25 l'autre? Qu'ils font partie d'un même tout?
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1 M. Staker (interprétation): Cela dépend de la façon dont on défend les
2 intérêts de la société. Si on adopte une vision un peu étroite des
3 intérêts de la société, les intérêts sociaux, à ce moment-là la troisième
4 partie prend peut-être la primauté où il est clair que, si on avait
5 prononcé une seule condamnation, cela n'aurait pas reflété la nature des
6 crimes commis.
7 M. le Président (interprétation): Merci.
8 Maître Kuzmanovic, c'est à vous.
9 M. Kuzmanovic (interprétation): Merci, Monsieur le Juge. Nous avançons que
10 le concours, la cumulation, cela convient peut-être à l'accusation mais
11 ici, nous parlons de quelqu'un qui est condamné deux fois pour la même
12 chose, condamné à deux peines différentes pour la même chose, et nous
13 estimons que c'est tout à fait injuste.
14 Nous avançons que, en ce qui concerne le critère Akayesu, la question du
15 critère utilisé dans cette affaire est tout à fait pertinente et il faut
16 l'appliquer ici. Mon collègue dit que les crimes en question doivent
17 comporter des éléments constitutifs différents, et moi je dis que le
18 meurtre au titre de l'article 2, l'homicide intentionnel au titre de
19 l'article 3, cela revient exactement au même. La Chambre de première
20 instance a décidé dans ce sens.
21 Deuxièmement, les dispositions qui créent, les différents intérêts qui
22 sont concernés. Nous avons entendu l'accusation nous dire que l'article 3
23 stipule que les gens sont protégés en cas de confit interne là où il n'est
24 pas possible d'invoquer les infractions graves. Mais que se passe-t-il
25 quand le conflit est international? Nous, nous pensons que le n°3
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1 correspond à ce qui a été fait par l'accusé et le critère Akayesu peut
2 être appliqué par la Chambre de première instance, il l'a sans doute été,
3 pour avoir une description tout à fait globale de ce qu'ont fait les
4 accusés.
5 Mais en ce qui concerne les intérêts différents qui doivent être pris en
6 compte, nous estimons que cela ne s'applique pas. Quand le conflit est
7 international, est-ce qu'on peut être condamné au titre des deux articles?
8 Moi, j'estime que là on parle du cumul des condamnations. C'est tout ce
9 que j'ai à dire.
10 M. le Président (interprétation): Bien. Nous allons passer au groupe 6.
11 Maître Morrison, nous avons été informés que l'omission du motif 12, en
12 fait, est tout à fait accidentelle et qu'en fait vous entendez bien
13 plaider le motif 12.
14 M. Morrison (interprétation): Oui, en effet, c'est une omission, c'est une
15 erreur. On a oublié de mentionner ce motif.
16 M. le Président (interprétation): Mais j'espère que l'on pourra conserver
17 le même numéro à ce motif d'appel.
18 M. Morrison (interprétation): Oui.
19 M. le Président (interprétation): Vous avez parlé de nombreux aspects de
20 la législation PACE, et cela semble intéresser grandement l'accusation.
21 Est-ce que vous vous opposez à ce que nous consultions une version mise à
22 jour de la législation PACE?
23 M. Staker (interprétation): Nous avons indiqué notre proposition à ce
24 sujet dans notre mémoire en réplique. Si une législation nationale, si une
25 jurisprudence est utilisé dans le cadre de l'argumentation, est utilisée
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1 comme une source dans le cadre d'une argumentation juridique, nous n'avons
2 pas d'objection à ce qu'on se contente d'y faire référence.
3 M. le Président (interprétation): Oui, mais vous avez une attitude
4 différente en ce qui concerne la constitution du Costa Rica.
5 M. Staker (interprétation): Oui. Moi-même d'ailleurs, j'ai utilisé dans
6 mon argumentation des références à la jurisprudence, à ce qui se passe
7 dans d'autres pays.
8 M. Morrison (interprétation): Je suis très reconnaissant à tout le monde
9 du fait que l'on ne m'oblige pas à prouver la législation PACE!
10 Je remarque qu'on a décidé d'accorder une période d'une heure pour ces
11 motifs -c'est tout à fait généreux-, et je dois vous dire, cela rassurera
12 tout le monde, que je vais prendre beaucoup moins de temps que cela.
13 Mais si vous me permettez, je vais pendant quelques instants revenir en
14 arrière parce qu'il arrive qu'on entende des propos qui paraissent tout à
15 fait clairs, et puis on se met à y réfléchir et le sens se modifie.
16 J'ai reçu un E-mail l'autre jour sur les réponses d'une interrogation
17 écrite dans une école religieuse où il était dit: "Les chrétiens ne
18 peuvent avoir qu'une femme, c'est la monoditamie, asmonotonie"
19 (plaisanterie intraduisible).
20 Nous avions donc parlé des personnes qui détenaient une certaine influence
21 et qui pouvaient ou non être tenues responsables au titre de l'article
22 7.3. Parce que si on prend la reine d'Angleterre, on considère que cette
23 personne a beaucoup d'influence du fait qu'elle a le pouvoir de nommer les
24 officiers des forces armées britanniques, de décerner des décorations pour
25 service à la Couronne. On peut donc envisager qu'un commandant militaire
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1 commette un acte donné dont on affirme qu'il s'agit d'un crime. Mais
2 quelqu'un qui s'est vu décerner, par exemple l'ordre de Victoria, qui
3 s'est vu décerner une décoration par la reine de son propre chef, à ce
4 moment-là on peut peut-être considérer qu'elle est une personne
5 d'influence au sujet des crimes commis.
6 Moi, j'estime que la démarche, la logique de la personne d'influence n'a
7 pas lieu d'être.
8 Maintenant, je parle de l'admissibilité des interrogatoires de l'OTP. Nous
9 ne savons toujours pas quel sera l'effet, cependant, des informations
10 supplémentaires qui vont peut-être nous êtres fournies. Je reconnais qu'il
11 est possible que mon argumentation au sujet de l'admission du deuxième
12 interrogatoire perdra à ce moment-là de son importance, de sa pertinence.
13 Cependant, il y a une question générale que nous avons soulevée pour M.
14 Mucic et qui peut s'appliquer de façon générale et pour d'autres requêtes
15 en appel. L'objectif, j'estime, c'est qu'il faut être juste sur les
16 conséquences que peut avoir un interrogatoire avant un procès. Et
17 d'ailleurs ici, ces interrogatoires ont souvent lieu avant même
18 l'établissement. Dans beaucoup de systèmes juridiques, c'est souvent même
19 avant l'établissement d'un acte d'accusation. Mais il ne faut pas que
20 l'équité passe au second plan.
21 La jurisprudence, en ce qui concerne l'admissibilité des interrogatoires
22 ou, par exemple, l'identification des suspects, les perquisitions, ne
23 cesse d'évoluer. Et par exemple, si on regarde dans mon propre pays, il
24 n'y a pas si longtemps, avant PACE, il était accepté par tous qu'un accusé
25 était interrogé par la police, deux officiers de police. On n'enregistrait
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1 pas du tout l'entretien. Les officiers de police étaient assis avec la
2 personne en question, lui posaient des questions. A la fin de cet
3 interrogatoire qui pouvait très bien avoir duré des heures, les deux
4 officiers s'en allaient. Et ils allaient, dans beaucoup de cas, inventer
5 leur rapport ou en tout cas, c'est à ce moment-là, qu'ils rédigeaient leur
6 rapport sans notes. Cela arrivait très souvent.
7 Les juges, lors des procès, disaient au jury que les officiers de police
8 était formés pour cela, qu'ils pouvaient le faire. Et dans certaines
9 affaires auxquelles j'ai été partie, on se demandait pour certains
10 officiers de police s'ils avaient vraiment reçu une formation digne de ce
11 nom parce que quelqu'un disait, au bout d'un interrogatoire de deux
12 heures, qu'il pouvait se souvenir verbatim de ce qu'avait dit l'accusé.
13 Or, cela ne tenait pas debout mais, pourtant, c'était accepté dans toutes
14 les affaires.
15 Je me souviens que lorsqu'on a présenté, pour la première fois, la
16 question PACE et qu'il a été décidé que les interrogatoires de police
17 seraient enregistrés, cela a fait scandale dans certains commissariats de
18 police, dont certains se sont dits: "Il n'y aura plus jamais, à ce moment-
19 là, de condamnation au Tribunal si on accepte cela."
20 Mais en fait, depuis la décision PACE, le nombre des condamnations a
21 plutôt augmenté. Les dispositions Miranda aux Etats-Unis nous montrent
22 aussi à quel point tout ceci évolue.
23 Le problème fondamental, c'est l'adoption d'une démarche objective en ce
24 qui concerne l'admission des interrogatoires et la fiabilité des propos
25 qu'ils comportent. En particulier, dans une affaire comme celle de M.
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1 Mucic où il n'avait pas de représentant légal à ce moment-là.
2 La raison pour laquelle cela peut constituer un problème spécifique, ici,
3 c'est que dans la majorité des affaires devant un Tribunal national, du
4 point de vue culturel, du point de vue linguistique, on se trouve dans un
5 environnement qui est commun à tous et qui est commun à l'accusé. Mais ce
6 n'est pas le cas lorsque, ici, on procède à l'interrogatoire de quelqu'un
7 qui vient de l'ex-Yougoslavie.
8 D'autre part, il est possible qu'étant donné la nature des événements qui
9 ont entraîné la création de ce Tribunal, la situation est bien différente
10 de celles qui se passent au niveau des affaires en interne.
11 J'ai indiqué dans mon mémoire que, dans beaucoup d'affaires, notamment au
12 Royaume-Uni, le critère qui est adopté est un critère tout à fait
13 objectif. Et j'estime qu'il convient de déterminer si ce critère doit être
14 conservé ou s'il faut passer un test plus subjectif au sujet de
15 l'admissibilité de ces interrogatoires.
16 Il y a donc la question de la charge de la preuve qui repose sur
17 l'accusation. De ce fait, je pense qu'il faut examiner les choses de façon
18 subjective. Le fait que quelqu'un soit interrogé dans une langue qui n'est
19 pas la sienne, dans un système juridique à un endroit avec lequel il n'a
20 absolument aucun lien culture. Et puis, cette personne –il ne faut pas
21 l'oublier– est interrogée suite à des événements totalement
22 extraordinaires.
23 Je ne souhaite rien ajouter au sujet de l'admissibilité des entretiens,
24 des interrogatoires, parce que tout est expliqué très clairement dans
25 notre mémoire mais nous estimons –en ce qui nous concerne, pour M. Mucic–
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1 que lorsque vous avez quelqu'un qui est interrogé dans une langue qui
2 n'est pas la sienne, dans un système juridique qui n'a absolument rien à
3 voir avec ce qui correspond à ce qu'il connaît, à savoir celui de
4 l'Autriche, il a donc été interrogé dans une langue qu'il ne connaît pas,
5 il a fallu faire appel à un interprète. Lorsqu'il a été interrogé, il n'y
6 avait pas d'avocat présent. Et d'ailleurs, il y a discussion sur le fait
7 de savoir s'il aurait dû ou non être représenté à ce moment ou s'il a,
8 lui-même, fait une erreur en disant qu'il ne voulait être représenté par
9 personne mais cela, c'est autre chose.
10 Mais si on se base uniquement sur le critère de l'équité, nous estimons
11 qu'il est temps d'adopter une attitude subjective vis-à-vis des
12 interrogatoires, différente de celle qui est appliquée dans les
13 juridictions nationales où des procédures ont été appliquées, ont été
14 modifiées au fil des ans.
15 D'autre part, dans ces systèmes nationaux, la situation culturelle,
16 linguistique, etc. de la personne en question est très différente de celle
17 où se trouvait M. Mucic et d'autres accusés, ici.
18 Maintenant, j'en parle à ma deuxième, mon deuxième point: comportement de
19 la défense et les erreurs commises par les conseils de la défense au
20 procès.
21 Je le mentionne ici parce que M. Mucic était préoccupé. Moi aussi, j'étais
22 préoccupé par la chose suivante. En fait, on ne peut pas dire qu'il
23 s'agisse vraiment d'un motif d'appel de M. Mucic qui va jusqu'à affirmer
24 qu'il n'a pas été correctement représenté, défendu par son conseil. Il l'a
25 envisagé mais, finalement, il a été décidé de ne pas l'avancer.
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1 Mais la raison pour laquelle nous évoquons ce problème, c'est que la
2 Chambre de première instance, dans son jugement, a mentionné le
3 comportement de la défense.
4 Le jugement ne se contente pas de reprendre la chronologie et l'historique
5 du procès mais c'est aussi un jugement, ce n'est pas un jugement du
6 conseil de la défense mais un jugement de l'accusé.
7 On peut donc tout à fait estimer que, si les Juges ont mentionné la
8 conduite de l'avocat de M. Mucic, au paragraphe 75 du jugement, c'est
9 qu'il y avait une bonne raison. Et nous estimons que cela signifie, cela a
10 valeur de critique publique du comportement du conseil principal de la
11 défense de M. Mucic.
12 Tout ce que j'ai à dire à ce sujet, au nom de M. Mucic, c'est qu'il s'agit
13 là d'une critique, non pas de l'accusé mais de son conseil. Et donc qu'il
14 convient que la Chambre d'appel ignore cette critique.
15 On ne peut pas… Il est inacceptable que ceci ait été inclus dans le
16 jugement puisqu'on ne peut pas reprocher quoi que ce soit à M. Music sur
17 la base de ces critiques, des critiques sur le comportement de son
18 conseil.
19 Maintenant, je vais parler de la détention illégale. Je ne vais pas
20 revenir sur la question des personnes protégées, mais ceci a fait l'objet
21 d'une discussion dans notre mémoire et cela a fait également l'objet d'une
22 réponse de la part de l'accusation. Je ne vais donc pas m'appesantir à ce
23 sujet, mais je voudrais faire référence à un paragraphe du jugement dans
24 lequel on mentionne le raisonnement adopté.
25 C'est le paragraphe 1145 et je vais le lire: "La Chambre de première
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1 instance a établi que Zdravko Mucic était en position d'autorité de facto
2 sur la prison de Celebici. Elle conclut qu'en vertu de cette position
3 Zdravko Mucic exerçait la responsabilité primordiale dans l'incarcération
4 prolongée de civils dans ledit camp, ainsi qu'une influence déterminée sur
5 celle-ci. Plus précisément de par sa position, Zdravko Mucic avait le
6 pouvoir de libérer les détenus.
7 En exigeant d'engager une enquête sérieuse pour examiner le cas des
8 détenus et de faire libérer immédiatement les civils incarcérés
9 illégalement, Zdravko Mucic a pris part à la détention illégale de civils
10 au camp de Celebici.
11 En conséquence, la Chambre de première instance conclut que Zdravko Mucic
12 est coupable, conformément à l'article 7.1 du Statut, de détention
13 illégale, au titre du chef 48 de l'acte d'accusation." (Fin de citation de
14 l'article 11 45 du jugement.)
15 Notre position est la suivante: notre client a été reconnu coupable au
16 titre de la responsabilité du supérieur hiérarchique, en vertu de
17 l'article 7.3.
18 Bien entendu, ici, la différence entre l'article 7.1 et 7.3, c'est "savait
19 ou avait raison de savoir". Les omissions, l'omission qui est incluse dans
20 l'article 5.3 "avait des raisons de savoir" a été utilisée pour prononcer
21 la condamnation au titre de l'article 7.1.
22 En fait, ce que dit la Chambre de première instance, au paragraphe 1145,
23 c'est que Mucic avait une intention délictueuse. Il "savait", et non pas
24 "aurait dû savoir", qu'il y avait des détenus dans le camp qui n'étaient
25 pas détenus de façon légale. Cela fait une énorme différence. Il y a une
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1 énorme différence entre traitement légal et illégal. On ne peut pas dire
2 qu'il y avait des gens dans le camp qui n'étaient pas traités de façon
3 légale et qui auraient dû l’être.
4 Et nous avançons que, si on peut condamner Mucic, au terme du 7.3 et du
5 "aurait dû savoir", on a interprété ceci en disant qu'il savait et qu'il
6 avait le pouvoir de savoir. En fait, dans notre mémoire, nous disons la
7 chose suivante: "le fait que quelqu'un soit un garde ou soit un supérieur
8 parmi les gardes d'une prison, ce n'est pas la même chose qu'une personne
9 qui a l'autorité, la connaissance, le statut qui lui permette de détenir
10 quelqu'un et de l'arrêter."
11 Quand une personne arrive dans une prison, surtout lorsque la confusion
12 règne, que dans la société en question, on peut considérer que cette
13 personne a été arrêtée illégalement. Et dans de telles circonstances, ce
14 serait une perfection impossible d'attendre, de quelqu'un, qu'il mène une
15 enquête au sujet de la légalité de l'arrestation de chaque personne, afin
16 de déterminer pour chacune de ces personnes, si elle doit être remise en
17 liberté contre la volonté de l'autorité effective de la personne qui a
18 autorisé la détention.
19 Rien dans les éléments de preuves présentés dans cette affaire ne permet
20 de penser que Zdravko Mucic avait une autorité supérieure que la personne
21 qui a autorisé la détention des personnes emprisonnées dans le camp de
22 Celebici. Supposez qu'il avait une autorité supérieure est, à notre avis,
23 une erreur et un manque de justice. Et c'est ce qui s'est passé dans la
24 présente affaire.
25 Voilà, Monsieur le Juge, la fin de mon exposé.
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1 M. le Président (interprétation): Merci.
2 M. Riad (interprétation): Maître Morrison, bonjour. Je suppose, après vous
3 avoir entendu, que vous affirmez que si Mucic n'était pas responsable de
4 la détention illégale, puisqu'il n'était pas celui qui prenait les
5 décisions, il peut tout de même être tenu responsable du traitement
6 illégal?
7 M. Morrison (interprétation): A mon avis, Monsieur le Juge, il y a une
8 distinction très claire entre une personne qui peut être illégalement mise
9 en détention et traitée légalement une fois en prison. Les deux n'ont pas
10 d'influence l'un sur l'autre, sinon nous nous trouverions dans une
11 situation où un prisonnier individuel serait passé à tabac par un garde et
12 cela lui donnerait le droit de le remettre en liberté, ce qui n'est pas
13 logique.
14 M. Riad (interprétation): Donc, en cas de traitement illégal, vous pensez
15 qu'il n'est même pas nécessaire de discuter du fait que cette personne a
16 un poste de commandement?
17 M. Morrison (interprétation): Dans toute situation individuelle, il faut
18 d'abord prouver que la personne en question a un poste qui lui donne de
19 l'autorité. S'agissant de cet individu, il faut se convaincre que cette
20 personne était en fait en position d'autorité. Dans ce cas, s'agissant de
21 M. Mucic, ceci a été constaté en vertu de l'article 7.3.
22 C'est seulement si la Chambre d'appel se convainc qu’il avait réellement
23 cette position d'autorité que l'on peut dire, puisqu'il avait un poste qui
24 lui donnait de l'autorité, "il avait entre autres le pouvoir de remettre
25 des personnes en liberté". A ce moment-là, on peut se demander s’il a
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1 participé à une mise en détention illégale, en ne participant pas à la
2 création d'un système permettant de libérer les détenus.
3 S'agissant de la responsabilité individuelle et de la culpabilité
4 individuelle, les deux choses viennent l’une après l'autre. Bien sûr,
5 j'admets qu'une personne peut être mise en détention légalement puis
6 traitée de façon illégale.
7 M. Riad (interprétation): Vous parlez de traitement illégal. Ce serait
8 donc l'argument principal, même si la personne n'était pas en position de
9 commandement, même si la personne n’était pas en position de commandement.
10 Mais si cette personne avait une autorité, l'idée consiste à dire que la
11 détention ne doit se limiter, ne doit concerner que les personnes qui
12 menacent la sécurité de l'Etat, du pays autre et pas des civils?
13 M. Morrison (interprétation): Ici, nous sommes ramenés à l'argument
14 fondamental. Si l'on veut condamner quelqu'un, en vertu de l'article 7.1,
15 il faut constater l'intention délictueuse. Dans ce cas, puisque la
16 situation se caractérisait par l'existence de troubles sociaux,
17 d'hostilité, je répète que ce serait demander une perfection impossible
18 que de s’attendre à ce que quelqu'un agisse de cette façon, dans une
19 période aussi troublée, à un moment où un grand nombre de personnes sont
20 en détention.
21 Il faudrait analyser la situation de chacune des personnes détenues, le
22 contexte de chacune de ces personnes, pour éventuellement trouver des
23 éléments de preuve et donc mener une enquête judiciaire. A mon avis, il ne
24 serait pas raisonnable de dire que ceci peut s'appliquer à un garde. Cela
25 pourrait s’appliquer à un commandant tactique ou à un administrateur de la
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1 zone. A ce moment-là, peut-être qu'un tel exercice peut être entrepris,
2 mais il est impossible de dire que l'appelant avait ce genre d'autorité.
3 M. Riad (interprétation): Essayons de discuter, ne serait-ce que
4 théoriquement, si une personne a une certaine autorité, dans la fièvre de
5 ce genre de période, bien sûr, on peut arrêter quelqu'un même sans que ce
6 soit justifié. Mais, s'il y a un doute sur la légalité de la détention, il
7 est toujours possible d'examiner la question de façon plus approfondie,
8 pour éviter de mettre en prison des personnes innocentes.
9 M. Morrison (interprétation): Dans ce cas, la défense en tout cas se
10 trouve dans une situation particulièrement difficile, compte tenu de la
11 durée nécessaire pour déterminer si cela est nécessaire que M. Mucic avait
12 une certaine responsabilité sur le camp. Tout cela dépend des documents
13 qui n'ont pas encore été versés au dossier.
14 M. Riad (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur Morrison.
15 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Morrison. Monsieur Staker?
16 M. Staker (interprétation): Merci, Monsieur le Président. S'agissant de ce
17 motif d'appel, et lorsque je dis motif d'appel, je pense au motif lié à la
18 recevabilité des entretiens avec les membres du Bureau du Procureur. Le
19 point départ, comme dans le cas de tous les motifs d’appel, doit être la
20 situation réelle devant la Chambre d'appel.
21 Là encore, le point départ réside dans le fait que plusieurs décisions
22 peuvent être prises par une Chambre de première instance dans ce genre de
23 décision.
24 D'abord l'article 42 B), la définition légale de l'expression
25 "volontairement", c'est un point à discuter. Ensuite, il faut déterminer
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1 quelles étaient les circonstances particulières caractérisant la
2 situation, c'est un point de fait. Puis, le troisième point à prendre en
3 compte par la Chambre de première instance, c'est l'application de la loi
4 aux faits et circonstances tels qu’établis.
5 Nous affirmons qu'en se prononçant sur ce point la Chambre de première
6 instance doit peser tous les éléments de preuve, tous les faits qui lui
7 ont été soumis. Et dans certains cas, il peut être nécessaire de recevoir
8 un certain nombre d'éléments de preuve et d'entendre des témoins.
9 Conformément aux principes généraux, il doit être nécessaire de se donner
10 une marge assez grande par rapport aux constatations de la Chambre de
11 première instance, et de se demander si la Chambre de première instance
12 n'a pas abusé de son pouvoir discrétionnaire, ce qui permettrait à la
13 Chambre d'appel d'intervenir en deuxième instance.
14 M. le Président (interprétation): Mais dans votre cas, le pouvoir
15 discrétionnaire intervient également. Vous n'en avez pas encore parlé.
16 Vous aviez parlé premièrement, de point de droit et ensuite, de point de
17 fait lié au caractère volontaire. Et vous avez établi un lien entre le
18 point de droit et le point de fait. Mais c’est là que le pouvoir
19 discrétionnaire intervient, semble-t-il.
20 M. Staker (interprétation): Pouvoir discrétionnaire parce que
21 l'application du droit au fait n'est pas un problème mathématique. Il y a
22 un problème d'appréciation qui intervient et c'est la Chambre de première
23 instance qui a ce pouvoir d'appréciation.
24 En fonction des témoins qu'elle entend, c'est elle qui est le plus en
25 mesure de déterminer la crédibilité de ces témoins pour décider quelle
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1 était la situation réelle et quelle peut être la position du suspect.
2 M. le Président (interprétation): Mais ça, c'est ce qu'on fait pour
3 déterminer les faits. Y a-t-il un pouvoir discrétionnaire qui a la
4 suprématie comme dans certains pouvoirs judiciaires où, indépendamment des
5 erreurs éventuelles de l'accusation, s'agissant de la procédure suivie, la
6 Chambre a néanmoins le pouvoir discrétionnaire de pouvoir se prononcer sur
7 les éléments de preuve?
8 M. Staker (interprétation): Il faut reprendre les termes exacts de
9 l’article du Règlement de procédure et de preuve qui a été utilisé pour
10 exclure les interrogatoires auprès du Bureau du Procureur.
11 M. le Président (interprétation): Donc, c'est un quatrième élément.
12 M. Staker (interprétation): Oui, en effet, Monsieur le Juge. S'agissant de
13 la question d'application du droit au fait, est-ce que le renoncement au
14 conseil était volontaire ou pas?
15 Manifestement, la Chambre de première instance ne peut pas lire dans
16 l'esprit d'un accusé. Et tous les éléments relatifs à l'état d'esprit de
17 l'accusé doivent être déduits des circonstances objectives dans leur
18 globalité.
19 A cet égard, nous remarquons qu'un critère a, dans le mémoire d'appel,
20 déposé en faveur de M. Mucic… le critère proposé était de savoir si les
21 conditions de l'interrogatoire étaient susceptibles de permettre à une
22 personne raisonnable de proposer un accord involontaire, un renoncement
23 involontaire au conseil.
24 Le mémoire d’appel stipule que ce critère est objectif et non subjectif,
25 même s'il autorise l'intervention d'un certain degré de subjectivité
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1 lorsqu'il s'agit d'une personne qui serait partiellement handicapée ou qui
2 se trouverait dans une situation qui lui est totalement étrangère ou dans
3 un pays étranger et interrogée dans une langue qui n'est la sienne.
4 Le Procureur ne contredit pas le fait qu'une personne interrogée dans une
5 langue qui n'est pas la sienne est partiellement désavantagée. Mais la
6 question qui se pose est: "Est-ce que cela doit mener à un renoncement
7 involontaire au conseil?"
8 Il faut pour se déterminer sur ce point, considérer les circonstances
9 pertinentes et c'est la Chambre de première instance qui doit, comme je
10 l'ai déjà dit, prendre en compte l'ensemble des éléments de preuve pour se
11 prononcer de façon raisonnable.
12 Le Procureur affirme que la décision de la Chambre de première instance,
13 qui a refusé l'exclusion de l'élément de preuve, constitué par cet
14 interrogatoire avec le Bureau du Procureur, ne correspond pas à ce
15 critère.
16 La défense a affirmé devant la Chambre de première instance que M. Mucic,
17 en raison de son contexte culturel, ne connaît pas bien la procédure du
18 Tribunal, et que, pour ce faire, il était nécessaire de lui expliquer tout
19 cela plus en détail.
20 La Chambre de première instance a refusé cet argument dans les paragraphes
21 58 à 60 de sa décision. Elle a affirmé qu'elle a agi de la sorte en se
22 fondant sur les faits et pas tellement sur le critère juridique. Elle a
23 déclaré que les droits d'un suspect dans le système juridique du Tribunal
24 reposent sur les Droits de l'homme universels et que si, ceux-ci sont
25 expliqués à un suspect, dans une langue que celui-ci comprend, le suspect
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1 doit le comprendre, même si ces droits sont tout à fait différents de ceux
2 qui sont en vigueur dans le système juridique connu par le suspect.
3 Par conséquent, il n'était pas nécessaire de l'expliquer au suspect d'une
4 façon plus appréhensible par lui sur le plan culturel au vu des
5 circonstances.
6 Le Procureur déclare que ceci est un raisonnement parfaitement acceptable,
7 pourvu que les choses aient été expliquées au suspect dans une langue
8 qu'il comprend. Le fait de savoir, dans quel pays, le suspect se trouvait
9 à l'époque n'est pas important, notamment lorsqu'on parle d'un Tribunal
10 pénal international qui peut interroger des suspects dans de très nombreux
11 pays et qui a un système juridique différent de tous les systèmes
12 nationaux.
13 Si les droits défendus par ce Tribunal reposent sur les droits humains
14 universels et que les choses sont expliquées au suspect dans une langue
15 qu'il comprend –à moins qu'il y ait d'autres circonstances qui permettent
16 de comprendre qu'une personne raisonnable, dans de telles circonstances,
17 aurait pu involontairement renoncer à son droit à un conseil– il est
18 permis de déduire que ce renoncement était volontaire.
19 Examinons les circonstances de cette affaire. Elles ont été décrites à la
20 Chambre de première instance. Je crois savoir que le conseil de M. Mucic
21 ne les conteste pas. Il ne conteste pas que, lorsque M. Mucic a été
22 interrogé par l'enquêteur du Bureau du Procureur, il bénéficiait de l'aide
23 d'un interprète à tous instants.
24 Qu'avant l'interrogatoire, il a été informé de ces droits en application
25 du Statut et du Règlement du Tribunal, y compris de son droit de garder le
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1 silence et de bénéficier d'un avocat.
2 Qu'il a accepté que l'interrogatoire se mène en l'absence d'un avocat. Et
3 qu'à plusieurs reprises, au cours de l'interrogatoire, il a été informé de
4 nouveau des droits qui étaient les siens, en application du Statut et du
5 Règlement et qu'il a de nouveau accepté de poursuivre l'interrogatoire
6 sans l'aide d'un avocat.
7 La question qui se pose donc, et je devrais ajouter que les autres faits
8 mentionnés dans le jugement de la Chambre de première instance, par
9 exemple, le fait que l'accusé résidait en Autriche depuis plusieurs
10 années, à l’époque de l'interrogatoire qui s’est conduit en Autriche
11 également…
12 Je crois que la défense ne conteste pas, par exemple, le fait que M. Mucic
13 ne se trouvait pas dans une situation plus inhabituelle que tout autre
14 suspect interrogé par la police. Il était au milieu d'une zone de guerre,
15 ce n'était pas une situation de troubles civils. Il ne se trouvait pas au
16 milieu d'une zone de guerre, il n'était pas dans une situation de troubles
17 civils.
18 Il était dans une situation normale, en tout cas normale pour une personne
19 arrêtée par la police, suite à un mandat d'arrêt en application du droit
20 autrichien et il a été interrogé, dans ces conditions, par la police.
21 Dans de telles circonstances, nous affirmons qu'il ne serait pas
22 raisonnable pour une Chambre de première instance, au vu des éléments de
23 preuve, d’aboutir à la conclusion que le renoncement au droit d'être aidé
24 par un avocat était involontaire.
25 Et nous déclarons, nous affirmons qu'il est très significatif que l'accusé
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1 dans cette affaire n'ait jamais présenté le moindre élément de preuve dans
2 le cadre de la demande d'exclusion de l'interrogatoire en tant qu'élément
3 de preuve. Il n'a présenté aucun affidavit à l'appui de cette requête,
4 alors qu'il était la personne qui connaissait le mieux les circonstances
5 dans lesquelles il s'était trouvé.
6 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous me dire s'il existe une
7 procédure correspondant à ce que l'on appelle dans certains pays un
8 procès, dans le procès où "avoir dire" dans lequel l'accusé peut fournir
9 des éléments de preuve relatifs à la recevabilité des documents qui le
10 concernent sans être contre-interrogé au sujet des faits pris en compte
11 dans le procès?
12 M. Staker (interprétation): Monsieur le Juge, une pratique de ce genre n'a
13 pas été établie dans ce Tribunal à l'heure actuelle.
14 M. le Président (interprétation): Mais rien ne l'empêcherait.
15 M. Staker (interprétation): Non, rien ne l'empêcherait. Lorsque des
16 éléments de preuve sont proposés, le Règlement stipule que c'est à la
17 Chambre qu'il appartient de déterminer la recevabilité de ces éléments de
18 preuve. C'est donc sur cette base que la Chambre se prononce.
19 M. le Président (interprétation): Mais s'agissant de savoir si un acte est
20 volontaire ou pas, c'est l'exemple parfait où ce genre de chose se
21 pratique. Donc la plainte reposant sur l'idée que l'interprète n'a pas été
22 appelé est à prendre en compte, et ceci pourrait l'être dans une procédure
23 de "voir dire".
24 M. Staker (interprétation): Oui, tout à fait c'est ce que nous affirmons,
25 Monsieur le Juge. Nous disons également que l'argument présenté en faveur
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1 de M. Music ne repose sur aucun élément de preuve effectif et que les
2 termes dans lesquels cette proposition est faite sont assez peu probables.
3 Rien dans les éléments de preuve ne permet de penser qu'un tel élément est
4 présent qui pourrait changer l'équation que je viens de décrire et que la
5 Chambre de première instance a prise en compte de façon raisonnable pour
6 parvenir à sa conclusion.
7 En fait, nous disons que raisonnablement la Chambre ne pouvait conclure
8 que ce qu'elle a conclu, c'est-à-dire que le renoncement au conseil était
9 volontaire. Il a et été dit que le deuxième interrogatoire avec le Bureau
10 du Procureur a été influencé par l'entretien préalable avec les policiers
11 autrichiens. Et le fait que l'accusé n'ait pas eu d'avocat à ce moment-là
12 n'a pas été jugé recevable par ce Tribunal.
13 Dans le mémoire de l'appelant, page 8738, paragraphe B, il est dit que si
14 un accusé fourni, répond à deux interrogatoires et que ses droits, en
15 application de l'article 42 du Règlement, ne sont pas respectés dans le
16 premier interrogatoire, logiquement ceci affecte le deuxième
17 interrogatoire. Nous disons qu'il n'y a rien de logique qui conduise
18 inévitablement à penser qu'un suspect ne peut pas accepter de répondre à
19 un deuxième interrogatoire, tout en ayant renoncé volontairement à la
20 présence d'un avocat. Par conséquent, nous affirmons que l'appelant n'a
21 pas démontré qu'il y a eu la moindre erreur dans le jugement de la Chambre
22 de première instance sur ce point.
23 Je noterai également, à titre de conclusion, que le mémoire de l'appelant
24 insiste considérablement sur le droit appliqué en Angleterre et au Pays de
25 Galles, qui est le seul système judiciaire sur lequel il s'appuie. Avec le
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1 respect que je dois à ce système judiciaire, nous déclarons qu'une
2 décision de ce Tribunal ne peut pas être considérée comme erronée
3 simplement parce qu'elle est comparée à un système national. Il peut être
4 utile de mentionner un système national à ce stade, mais cela n'a pas
5 d'influence sur le mémoire de l'appelant. L'accusé insiste pour dire que
6 le système d'Angleterre et du pays de Galles est le système qui fait
7 jurisprudence s'agissant à ce motif d'appel sur le fond et dans l'esprit
8 de la disposition pertinente qui est mentionnée, mais ceci n'est pas
9 logique et ne doit pas être retenu.
10 L'appelant affirme qu'en Angleterre les juges sont pragmatiques et que,
11 par conséquent, ils hésitent à établir un lien entre les principes qu'ils
12 appliquent et leur pouvoir discrétionnaire. Mais de telles analogies sont
13 très discutables, notamment devant ce Tribunal où l'on s'appuie sur des
14 principes généraux applicables universellement. Et je crois comprendre que
15 dans les systèmes de droit coutumier, les responsables, habitués au droit
16 romain, ont parfois quelques questions, je ne dis pas que cela pose une
17 question de valeur, mais ce sont les principes généraux qui devant ce
18 Tribunal doivent être identifiés et mis en relation les uns avec les
19 autres.
20 A part ces constatations, Monsieur le Juge, nous vous proposons de prendre
21 connaissance de notre mémoire écrit pour vous prononcer sur ce motif
22 d'appel. Et à moins que vous n'ayez des questions, je me propose de
23 poursuivre mon exposé.
24 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup.
25 M. Staker (interprétation): Le motif d'appel suivant est le comportement
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1 du conseil de la défense. Nous croyons comprendre que ceci ne constitue en
2 aucun cas un motif d'appel. Nous affirmons qu'il est impossible de déduire
3 que la Chambre de première instance a nécessairement tenté de critiquer...
4 M. le Président (interprétation): Je crois que Me Morrison a dit très
5 franchement qu'il avait évoqué ce point pour appeler notre attention sur
6 lui.
7 M. Staker (interprétation): Nous pensons que rien ne permet de penser que
8 la Chambre d'appel doit prendre en compte ce motif d'appel.
9 Je passe maintenant au motif suivant: la détention illégale de civils.
10 Notre réponse à ceci est très brève. Je crois que nous l'avons déjà dit
11 d'ailleurs. Notre position ne repose pas sur la connaissance que M. Music
12 aurait dû avoir. Nous ne parlons pas non plus de perfection, rien de ce
13 genre. J'ai dit dans nos écritures, s'agissant de l'appel de M. Delic, que
14 notre position reposait sur la constatation qu'il avait réellement une
15 connaissance des faits. Et donc le fait de se demander quelle serait la
16 situation s'il n'avait pas eu cette connaissance n'est pas pertinent.
17 M. le Président (interprétation): Je crois qu'il y a eu erreur au compte
18 rendu d'audience: j'avais l'intention de dire que nous n'allons pas
19 prendre en compte ce motif. Excusez-moi.
20 M. Staker (interprétation): Je n'ai pas d'autre argument à vous proposer,
21 Monsieur le Juge, sur ce motif.
22 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup. Maître Morrison?
23 M. Morrison (interprétation): Très brièvement, Monsieur le Juge. L'un des
24 points que j'aimerais discuter c'est que nous sommes ici face à une
25 question de droit et à une question de fait. Je ne parlerai pas des faits,
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1 nous le faisons dans notre mémoire écrit. Nous n'en discutons pas
2 oralement puisqu'on nous a demandé de ne pas répéter ce qui était contenu
3 dans nos écritures dans ce prétoire.
4 S'agissant du fait de savoir si l'interprète a été appelé ou pas, nous ne
5 renonçons à rien de ce qui est écrit, mais nous ne le répétons pas ici
6 oralement. S'agissant du point de droit à présent: ce point peut être
7 réexaminé en appel. La Chambre d'appel peut réexaminer le droit pour voir
8 si le droit appliqué est bien celui qui aurait dû être appelé. C'est
9 effectivement, et pour l'essentiel, la tâche d'une Chambre d'appel.
10 S'agissant du "voir dire": oui il y aurait pu y avoir "voir dire". Je le
11 dis avec tout le respect que je dois au Tribunal, mais je me demande
12 quelle est la valeur d'un système de "voir dire" dans un système où les
13 faits et le droit sont appréciés par le même Tribunal.
14 Nous sommes ici sur un terrain très glissant, très délicat car il est
15 possible de dire que des juges professionnels ne pourraient peut-être pas
16 distinguer entre les deux. Or, ce n'est pas du tout ce qui est dit. Ce qui
17 est dit c'est que lorsque des critères doivent être appliqués à ces
18 questions, il est possible et préférable que le critère soit appliqué
19 devant deux tribunaux distincts, car ce sont deux questions distinctes qui
20 sont soulevées.
21 Une des réponses qui pourrait être apportée c'est que l'on pourrait
22 emprunter au système français, en pensant aux juges d'instruction qui
23 prédéterminent les questions liées au "voir dire" et qui ne se présentent
24 pas devant la Chambre de première instance. Si le juge d'instruction
25 décide d'exclure des éléments de preuve, on se trouve dans la même
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1 situation que celle d'un Tribunal avec jury.
2 C'est aux juges et au jury qu'il incombe de décider quels sont les
3 éléments recevables. Mais compte tenu que le système est différent ici, je
4 sais que ce Tribunal ne retiendra pas ceci contre l'accusé. Elle ne
5 retiendra pas contre l'accusé le fait qu'une telle procédure n'ait pas été
6 appliquée.
7 M. le Président (interprétation): Je crois savoir que la question a été
8 évoquée au cours du procès. Je ne sais pas s'il y a un rapport avec la
9 question dont nous parlons, mais l'existence de cette procédure a été
10 discutée au cours du procès, cela ne fait aucun doute.
11 M. Morrison (interprétation): Il est possible qu'une décision qualitative
12 ait été faite par le chef des conseils de la défense, je ne peux pas
13 m'exprimer personnellement sur ce point.
14 Je ne crois pas qu'il y ait autre chose que je souhaiterais ajouter. J'ai
15 entendu mon collègue de l'accusation parler de droit universel et de
16 procédure universelle, j'ajouterai simplement que le droit le plus
17 universel qui existe est le droit à l'équité.
18 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup.
19 Je crois que le moment est arrivé de la pause. Donc pause d'une demi-
20 heure.
21 (L'audience, suspendue à 11 heures 30, est reprise à 12 heures 05.)
22 M. le Président (interprétation): Eh bien, nous allons maintenant en venir
23 aux groupes qui regroupent les motifs d'appel de M. Delic. Maître Moran?
24 M. Moran (interprétation): C'est Me Karabdic qui va se pencher sur
25 l'ensemble de ces motifs d'appel, à l'exception des motifs 46 et 47: c'est
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1 moi qui en traiterai séparément.
2 M. le Président (interprétation): Maître Karabdic, c'est à vous.
3 M. Karabdic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
4 les Juges. Au cours de la procédure menée devant ce Tribunal, le principe
5 selon lequel les faits doivent être confirmés au-delà de tout doute
6 raisonnable correspond à ce que l'on appelle en anglais la norme du
7 "beyond any reasonnable doubt".
8 Selon la pratique appliquée jusqu'à présent, les faits sont confirmés au-
9 delà de tout doute raisonnable dès lors qu'il n'existe pas un doute
10 pouvant s'appuyer sur la raison. Il est permis qu'un doute existe, mais ce
11 doute ne doit pas correspondre au principe du raisonnement et de la pensée
12 raisonnée.
13 Dans le jugement Tadic en première instance, il est indiqué que, si
14 l'examen des faits permet de tirer deux conclusions, il convient de
15 prendre en compte la conclusion la plus favorable pour l'accusé. C'est ce
16 principe que, chez nous, sur le continent, on appelle "indubio pro re",
17 c'est-à-dire qu'en cas de doute on s'en tient à l'élément le plus
18 favorable à l'accusé.
19 La tâche de la défense consiste à démontrer que le Procureur, dans la
20 démonstration de son accusation, n'a pas respecté cette norme. Et devant
21 cette Chambre d'appel, je vais m'intéresser aux éléments du jugement en
22 première instance relatifs aux faits et je démontrerai que la norme du
23 "au-delà de tout doute raisonnable" n'a pas été respectée. Je m'appuierai
24 uniquement sur certains faits mentionnés dans le jugement et je montrerai
25 que, dans la chaîne des éléments pris en compte par la Chambre de première
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1 instance, il y a eu des lacunes: ce qui permet de détruire l'ensemble de
2 la chaîne et de détruire, en fait, les conclusions auxquelles a abouti la
3 Chambre de première instance.
4 S'agissant des points 1 à 4, mon client a été déclaré coupable pour avoir
5 participé au meurtre de Zeljko Milosevic, de Stepo Gotovac. Je tiens à
6 dire d'emblée qu'aucun témoin n'a dit avoir assisté en personne à ces
7 meurtres, ce qui n'a pas permis aux Juges de déterminer avec précision
8 comment ces meurtres se sont produits.
9 Sur le plan des faits, en première instance, les constatations tirées
10 l'ont été en se fondant sur des indices qui, à notre avis, n'ont en aucun
11 cas été démontrés au-delà de tout doute raisonnable. Et pris dans leur
12 ensemble, ils n'indiquent pas qu'il est possible d'admettre que ces
13 meurtres ont été prouvés.
14 S'agissant du meurtre de Stepo Gotovac qui correspond aux chefs
15 d'accusation 1 et 2, dans ce prétoire Esad Landzo, au cours des débats, a
16 admis avoir tué Stepo Gotovac. Il a décrit de quelle façon il a agi en
17 compagnie d'autres gardes et, en avouant ce meurtre, aucune mention n'a
18 été faite de Hazim Delic.
19 Un tel aveu devant les Juges est la preuve suprême qui prédomine sur
20 toutes les autres preuves, et la Chambre de première instance avait pour
21 devoir de prendre en compte cette preuve. Il est justifiable, à notre
22 avis, que la Chambre ait refusé d'admettre le témoignage de Landzo
23 lorsqu'il a accusé des tiers, mais cette justification ne tient pas face
24 aux aveux d'Esad Landzo relatifs aux actes qu'il a commis lui-même.
25 Ce simple fait montre...
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1 Mme Sinatra (interprétation): Monsieur le Président, je dois faire une
2 objection. C'est une fausse interprétation des faits, et je tiens à élever
3 une objection par rapport à cette déformation des faits.
4 M. le Président (interprétation): Nous entendons Me Karabdic qui nous
5 présente son argumentation et, Maître Sinatra, lorsque vous aurez la
6 parole, vous pourrez évoquer ce fait dans votre propre exposé.
7 Mme Sinatra (interprétation): Merci.
8 M. Karabdic (interprétation): Ce qui indique, que s'agissant de la
9 participation d'Hazim Delic à ce meurtre, il n'y a pas le moindre doute
10 raisonnable, et je considère que ceci constitue une preuve complète de
11 l'absence physique d'Hazim Delic au cours de ce meurtre et du fait qu'il
12 ne l'a pas commis. Les raisons qui ont été mentionnées par la Chambre de
13 première instance dans son jugement, s'agissant de ce meurtre, ne
14 correspondent pas, à notre avis, à la norme du "au-delà de tout doute
15 raisonnable".
16 La Chambre de première instance, au paragraphe 817 de son jugement, estime
17 que Gotovac a d'abord été sorti de la pièce, puis passé à tabac dans
18 l'après-midi avant d'être ramené dans le hangar. Après quoi, au paragraphe
19 818 du jugement, la Chambre poursuit en déclarant que, quelques heures
20 plus tard, dans la soirée, Gotovac a dû sortir une nouvelle fois du hangar
21 et que Delic et Landzo l'ont passé à tabac. Ensuite, deux détenus ont dû
22 le ramener dans le hangar. Il avait une blessure au crâne, au niveau du
23 front, et que c'est de cela que Gotovac est mort quelques heures plus
24 tard.
25 Cependant, il n'existe aucun élément de preuve qui, au-delà de tout doute
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1 raisonnable, serait susceptible de démontrer que Delic était présent en
2 personne lorsqu'on a fait sortir Gotovac la deuxième fois dans la soirée,
3 lorsqu'il a été passé à tabac et lorsqu'il est décédé.
4 Au paragraphe 814 du jugement, nous lisons que, s'agissant de ces deux
5 chefs d'accusation, le Procureur a entendu douze témoins à l'appui de ces
6 deux chefs. Stevan Gligorovic, le témoin N, Mirko Dzordjic, le témoin B,
7 Branko Sudar, Risto Vukalo, Rajko Draganic et le témoin R ont tous dit
8 qu'à ce moment-là Landzo a appelé et a fait sortir Gotovac.
9 Le fait que le témoin B pense que Delic était près de la porte lorsque
10 Landzo a appelé Gotovac n'a aucune signification. Draganic, pour sa part,
11 affirme qu'il est possible que Landzo ou Delic ait pu participer à ce
12 passage à tabac mortel, n'a pas plus de signification. Le Témoin F et le
13 témoin Dragan Kuljanin ne savent pas qui a appelé Gotovac et le témoin
14 Branko Gotovac ne fait que supposer que c'est Delic qui a appelé Stepo
15 Gotovac.
16 Seul le témoin Mirko Babic affirme que Delic a participé au passage à
17 tabac mortel. Mais la Chambre de première instance n'a pas fait confiance
18 à ce témoin ni lorsqu'il a parlé des conditions qui le concernaient lui
19 -points 27, 28 et 29 du jugement, paragraphe 998 du jugement. Il est donc
20 impossible de lui faire confiance lorsqu'il parle de sévices subis par
21 d'autres.
22 Les témoins Gotovac et Branko Sudar ont affirmé dans leur déposition avoir
23 entendu la voix de Landzo à l'extérieur du hangar. Personne n'a dit avoir
24 entendu la voix de M. Delic. Tous les témoins ont affirmé que Landzo,
25 après le passage à tabac, a ramené Gotovac dans le hangar, à part le
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1 témoin Gligorovic qui ne sait rien de tout cela.
2 Je crois que tout cela est suffisant pour montrer que le critère du "au-
3 delà de tout doute raisonnable" n'est pas satisfait et que, dans l'intérêt
4 de la justice, Delic doit être exonéré des chefs d'accusation relatifs à
5 ces faits.
6 Le deuxième meurtre...
7 M. le Président (interprétation): Excusez-moi. Mais avant de passer au
8 point suivant, je vous rappelle que vous avez dit que M. Landzo avait
9 avoué ce crime et qu'au cours de ces aveux il n'avait fait aucune mention
10 de votre client, M. Delic. Il n'y a aucune référence à cela dans vos
11 écritures.
12 Pouvez-vous nous citer une page qui constituerait un élément de preuve à
13 cet égard?
14 M. Karabdic (interprétation): Ceci est mentionné... J'aurais peut-être du
15 mal à le trouver à l'instant mais je vais jeter un coup d'œil pour vous
16 répondre.
17 Pages 15045, 15046, 15047: c'est dans ces trois pages que l'on trouve la
18 déclaration de Landzo selon laquelle c'est lui qui a commis le meurtre.
19 M. le Président (interprétation): C'est sur ces pages que vous vous
20 appuyez?
21 M. Karabdic (interprétation): Oui.
22 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup.
23 M. Karabdic (interprétation): S'agissant des chefs d'accusation 3 et 4, à
24 savoir le meurtre allégué par l'accusation de Zeljko Milosevic après un
25 passage à tabac, la Chambre de première instance est convaincue que c'est
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1 le passage à tabac qui a causé la mort. Ceci est stipulé au paragraphe 833
2 du jugement en première instance.
3 Dans le paragraphe 832, s'agissant de tous les événements examinés qui ont
4 un rapport avec la mort de Zeljko Milosevic, la Chambre de première
5 instance accorde une crédibilité particulière aux témoins Novica Dzordjic
6 et Milenko Kuljanin.
7 Il est affirmé dans ce paragraphe que Dzordjic avait la possibilité de
8 voir ce qui s'est passé et que sa déposition correspond à celle du témoin
9 Milenko Kuljanin.
10 Les dépositions de ces témoins commencent par le fait que Delic a frappé
11 Milosevic devant les caméras d'une télévision arabe alors qu'il lui
12 demandait de faire des aveux. Mais les deux témoins ne disent pas tout à
13 fait la même chose au sujet de cet incident. L'un raconte une chose,
14 l'autre une autre chose, s'agissant de savoir ce qui était demandé à
15 Milosevic. Ce qui montre bien que les dépositions de ces témoins ne se
16 sont pas dignes de foi et ne peuvent pas être acceptées.
17 Plus loin, le témoin Haset Haraz de l'accusation a confirmé qu'il s'est
18 rendu à la prison de Celebici avec une caméra. Il a dit très clairement
19 qu'à ce moment-là aucun autre journaliste arabe n'était présent à cet
20 endroit. Et il déclare qu'aucun passage à tabac n'a eu lieu devant sa
21 caméra et qu'il n'a assisté à aucun comportement répréhensible à l'égard
22 des détenus.
23 Cette déposition suffit pour créer un doute raisonnable, s'agissant de la
24 véracité de ces dépositions de sorte que les témoins Dzordjic et Kuljanin
25 ne peuvent pas être considérés comme des témoins fiables sur ce point.
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1 Plus loin, dans le paragraphe 832 du jugement, on déclare que Dzjordjic a
2 entendu que, la nuit du meurtre, Delic a appelé Milosevic. Kuljanin
3 affirme qu'il faisait nuit –le mot "dark" a été utilisé au compte rendu
4 d'audience– et qu'il a entendu Delic appeler Milosevic.
5 Page 5481 du compte rendu d'audience. Aucun des deux témoins n'a vu Delic
6 mais les deux affirment avoir entendu sa voix.
7 Je dois dire que l'identification d'après la voix est absolument non
8 fiable, elle est insuffisante pour permettre l'acceptation de ces faits
9 au-delà de tout doute raisonnable. Il est toujours possible qu'une voix
10 soit imitée, de sorte que ce simple fait ne peut pas être considéré comme
11 une preuve valable.
12 Dans le même paragraphe, un peu plus loin, il est indiqué que Dzordjic a
13 entendu Milosevic se faire appeler, l'ordre qui lui était donné de sortir.
14 Après quoi, il a entendu une discussion, puis des coups et des coups de
15 feu. Ce fait, à lui seul, montre qu'il existe un doute raisonnable quant
16 aux conditions dans lesquelles s'est produite la mort de Milosevic et
17 qu'il est permis de conclure qu'il a été abattu par balle.
18 Dans ce cas, nous sommes en présence d'un acte très différent de celui qui
19 est évoqué dans l'acte d'accusation. Il faut ajouter que le matin, le
20 témoin a vu le corps de Zeljko Milosevic recouvert d'un morceau de tissu
21 ou d'un tissu sur le front et qu'il y avait une grosse tache de sang sur
22 ce tissu. Pages 4178 et 4180 du compte-rendu d'audience. Ce fait indique
23 encore plus clairement que Milosevic est bien mort par balle.
24 Le témoin Kuljanin, cependant, n'a pas vu cette grande tache de sang sur
25 le tissu ou le tee-shirt qui était déposé sur le front de la victime. Il
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1 dit que la tête de Milosevic était recouverte par une veste avec capuche
2 et que c'est d'après les baskets que la victime avait aux pieds, les
3 chaussures qu'il portait, qu'il a reconnu la victime. Page 5484 du compte-
4 rendu d'audience.
5 A la page 4719 du compte-rendu d'audience, nous voyons que, selon
6 Dzordjic, le corps se trouvait au-dessus des latrines. Alors que, selon
7 Kuljanin, il se trouvait non loin de l'entrée du tunnel.
8 Page 5481 du compte-rendu d'audience. Kuljanin persiste à dire que le
9 corps de Milosevic se trouvait bien à l'endroit où il l'a décrit et qu'il
10 l'a vu une fois se rendre aux toilettes et, la deuxième fois, rentrer des
11 toilettes dans le hangar.
12 C'est deux déclarations sont tellement différentes qu'il est manifeste
13 qu'elles ne sont pas dignes de foi et qu'elles ne suffisent pas à
14 confirmer la véracité des faits, la véracité de la situation, que ces
15 dépositions ne suffisent pas pour conclure à ce que la Chambre de première
16 instance a conclu dans son jugement.
17 Sur la base de tout ce que je viens d'indiquer, je considère que Hazim
18 Delic doit être exonéré de ce chef d'accusation.
19 S'agissant maintenant des chefs 18, 19, 21 et 22 qui portent sur le viol,
20 je dirai que la Chambre de première instance a déclaré à juste titre que,
21 selon l'article 96 du Règlement, en cas de sévices sexuels, la victime n'a
22 pas besoin de témoigner.
23 Cependant, la Chambre de première instance...
24 M. Moran (interprétation): Monsieur le Juge, nous avons un problème
25 d'interprétation. J'ai entendu Me Karabdic dire qu'en cas d'agression
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1 sexuelle, la victime n'a pas besoin de témoigner alors que je crois qu'il
2 s'agissait de corroboration de sa déposition.
3 M. le Président (interprétation): Oui, c'est ce que dit le Règlement, nous
4 l'avons bien compris.
5 M. Moran (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
6 M. Karabdic (interprétation): Cependant la Chambre de première instance a
7 interprété cet article du Règlement comme signifiant que tous les éléments
8 de preuve devaient être appréciés le plus favorablement possible pour
9 l'accusation. La Chambre de première instance a ignoré toutes les
10 contradictions que l'on trouve dans les témoignages, qui contredisent les
11 témoins de l'accusation.
12 Nous estimons qu'il faut tout de même quelques éléments de preuve pour
13 confirmer un acte allégué dans l'acte d'accusation. Des témoignages très
14 faibles, très contradictoires qui s'opposent totalement aux autres
15 dépositions ont été entendus et tout cela est pris en compte et tout cela
16 se fait aux dépens de la justice et de l’équité.
17 Grozdana Cecez et le témoin A, Milojka Antic, les deux victimes ont
18 déclaré avoir été violées par Hazim Delic. Elles n'ont fait que donner son
19 nom. Mais ni l'une ni l'autre n'a été capable d'identifier Hazim Delic sur
20 les photographies qui leur ont été montrées par le Procureur.
21 Personne n'a demandé à ces deux témoins d’identifier Hazim Delic, de le
22 montrer. Ce qui fait que rien ne prouve que la personne dont elles font
23 état comme étant l'auteur de l'acte, rien n'indique que cette personne
24 puisse être identifiée avec Hazim Delic, contre lequel ces allégations ont
25 été retenues.
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1 S'agissant des chefs 18 et 19, il est stipulé que Grozdana Cecez a fait
2 une déposition digne de foi, est crédible. Or, de nombreux détails dans sa
3 déposition, détails importants, montrent que la Chambre de première
4 instance a fait erreur en acceptant cette déposition. Il convient de
5 mentionner au premier chef les circonstances.
6 En effet, il a et été démontré que Grozdana Cecez ne se rappelle pas un
7 certain nombre de circonstances et qu’elle ne veut pas en parler. Ceci
8 n'est pas acceptable. Par exemple, elle se rappelle avoir fait une
9 déposition devant le juge d'instruction de Yougoslavie. Elle se souvient
10 que des corrections ont été apportées manuellement à ce texte, mais elle
11 ne se rappelle pas à quel moment ces corrections ont été apportées.
12 Elle ne se rappelle pas avoir donné une interview à la télévision. Or je
13 pense que même une star de cinéma, lorsqu'elle est interviewée à la
14 télévision, se rappelle ce fait. Il y a d'autres éléments à prendre en
15 compte.
16 Par exemple, le témoin Milojka Antic qui dit que Mlle Cecez lui a donné
17 des pilules contraceptives, alors que Mlle Cecez affirme n’avoir donné de
18 telles pilules contraceptives à personne. Elle affirme ensuite que son
19 médecin, une femme, en avril 1992, lui a prescrit des pilules
20 contraceptives, qu'elle achetait ces pilules sans ordonnance, alors qu'un
21 autre de ces médecins, un homme entendu ici comme témoin, a déclaré
22 n'avoir jamais conseillé l'emploi de ces pilules et qu’en avril 1992, de
23 telles pilules contraceptives ne pouvaient pas être achetées, sur le
24 territoire en question, sans ordonnance médicale.
25 Mademoiselle Cecez affirme également avoir été violée par une autre
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1 personne. Et par la suite, le Procureur a cité cette personne comme témoin
2 de l'accusation. Cette personne a été entendue sous le pseudonyme T. Le
3 témoin T a rejeté catégoriquement les affirmations de Mlle Cecez. Le
4 Procureur a ainsi prouvé lui-même que la déposition de Mlle Cecez n'était
5 pas exacte et qu'elle ne pouvait pas être admise.
6 Si l'on prend tous ces éléments en compte, je propose à la Chambre de
7 deuxième instance de confirmer que s'agissant de ce viol la norme du "au-
8 delà de tout doute raisonnable" n'a pas été satisfaite et je propose donc
9 que la Chambre d'appel exonère mon client de cette accusation.
10 Le cas du témoin A est assez proche de celui de Mlle Cecez. Le témoin A
11 est Milojka Antic, il en est question aux chefs 21 et 22 de l'acte
12 d’accusation. S'agissant de Milojka Antic, tout ce que j'ai dit au sujet
13 de Mlle Cecez peut être repris à l'identique. Mais il y a un point
14 spécifique.
15 En effet, devant le Tribunal, elle a déclaré avoir été violée à trois
16 reprises. En trois circonstances particulières. Mais elle a dit au
17 Procureur avoir été violée tous les deux ou trois jours pendant six
18 semaines. La différence ici est tellement importante qu'elle ne peut
19 s'expliquer ni par le fait que du temps s'est écoulé, ni par d'autres
20 motifs. Mais cette importante différence crée un doute raisonnable quant à
21 la possibilité que ces témoignages n'aient pas été fidèles à la réalité et
22 donc permet de penser qu'il est inacceptable.
23 Plus loin, le témoin déclare avoir pris des pilules contraceptives. Mais
24 elle a également déclaré avoir subi une hystérectomie, avoir donc subi une
25 intervention chirurgicale sans avoir acquis la certitude de ne plus
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1 pouvoir concevoir.
2 Par ailleurs, devant la Chambre de première instance, le Juge Jan lui-même
3 a été entendu alors qu'il a déclaré et que toute femme sait bien quelle
4 est la nature d'une telle opération, que toute femme sait qu'ayant subi
5 une telle intervention elle ne peut plus concevoir.
6 Donc tous ces éléments permettent de jeter un doute considérable sur le
7 témoignage de Milojka Antic, témoignage qui ne peut pas être considéré
8 comme digne de foi.
9 Donc, dans l'intérêt de l'équité et de la justice, je propose que la
10 Chambre d'appel exonère Hazim Delic de cette accusation.
11 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Maître Karabdic. La
12 parole est maintenant à Me Moran.
13 M. Moran (interprétation): Bonjour Monsieur le Président, Messieurs les
14 Juges. Tout d'abord, Monsieur le Juge Hunt, vous avez posé une question
15 très précise et tandis que Me Karabdic était en train de regarder dans ses
16 notes, moi j'ai regardé dans les miennes.
17 Pardon je suis dans le mauvais canal, je reçois le BCS. Excusez-moi un
18 instant. Voilà.
19 Vous avez demandé à quel endroit de notre mémoire nous parlions du
20 témoignage de M. Landzo.
21 M. le Président (interprétation): Non, ce n’est pas cela que j’ai demandé.
22 Ce que j'ai dit, c’est que vous n'aviez pas soulevé cette question de son
23 témoignage dans votre mémoire et qu’il n’y avait pas de référence faite à
24 une page précise du jugement dans votre mémoire. Monsieur Karabdic m’a
25 donné la référence 15045 à 15047.
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1 M. Moran (interprétation): Oui. Enfin, moi ce que je voulais ajouter,
2 c'est qu'il y avait une autre référence que je pouvais vous donner qui est
3 la page 126 de notre mémoire, note 129.
4 J'en viens maintenant à l'argumentation qui est la nôtre pour ce qui est
5 des chefs d'accusation 46 et 47 qui traitent des conditions inhumaines de
6 détention, qui portent sur l’atmosphère de terreur qui prévalait dans le
7 camp de détention et sur les conditions de vie des détenus.
8 La première chose qu'il faut souligner, d'après moi, c'est que les
9 conditions d'une détention ne sont pas pertinentes lorsqu'on se pose la
10 question de la légalité d'une détention. La légalité d'une détention
11 consiste à savoir si la personne qui est détenue est coupable de quelque
12 chose. Mon argument s'articule en deux parties.
13 Première partie, les arguments avancés par la Chambre de première instance
14 ne sont pas raisonnables dans la mesure où certaines des conclusions
15 factuelles qui sont rendues violent de façon flagrante le droit naturel et
16 les conclusions factuelles ne tiennent pas compte des éléments présentés.
17 Deuxième volet de mon argumentation, c'est une question de droit qui se
18 pose. A savoir, est-ce que le moyen de défense invoquant la nécessité peut
19 être invoqué dans le cadre de ce chef d'accusation? La Chambre de première
20 instance a rejeté cet argument lors du procès.
21 Pour ce qui est de l'aspect déraisonnable du jugement rendu, il y a deux
22 témoins qui ont été entendus, des témoins indépendants qui ont pu observer
23 les conditions de détention dans le camp. L'un d'entre eux était un
24 journalisme indépendant, M. Haraz, qui s'est trouvé dans le camp pendant
25 la période de temps qui nous intéresse. Il a déposé très longuement sur
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1 les conditions qui prévalaient dans le camp: est-ce qu'il y avait beaucoup
2 de médicaments qui étaient disponibles? Quelles étaient les conditions
3 générales qui prévalaient? En matière de conditions de vie des détenus,
4 quelles étaient les conditions de vie physiques du camp? La Chambre de
5 première instance a choisi de ne pas tenir compte de tous ces éléments.
6 Deuxième point qui me semble être le plus important, le deuxième témoin,
7 le plus important d'après moi, était le docteur Eduardo Bellas. C'est un
8 expert, un médecin légiste, et il est venu déposer très longuement en
9 s'appuyant sur ce qu'avaient dit les témoins de l'accusation, d'une
10 certaine façon. Ce que nous avons fait, c'est que nous avons donné à cet
11 expert des extraits très larges des témoignages des témoins de
12 l'accusation qui portaient sur les conditions de vie, et nous lui avons
13 posé la question suivante: "Docteur, en tenant compte d'une probabilité
14 médicale raisonnable, est-ce que vous vous attendriez à trouver quelque
15 chose de similaire dans un camp de détention?" Et le docteur a dit que,
16 dans de telles circonstances, il se serait attendu à ce qu'on trouve un
17 certain nombre de maladies contagieuses. Or, il n'y en avait pas. On
18 aurait été en droit de s'attendre à un certain nombre de blessures
19 physiques dues à un certain type dont on n'a pas pu établir l'existence.
20 Il a déclaré qu'on aurait pu s'attendre à trouver des personnes décédées
21 d'infarctus ou de crise cardiaque, ce qui ne s'est pas produit.
22 Donc il n'y a aucun élément de preuve qui permette de dire que les
23 circonstances de détention étaient telles que de tels incidents ou de tels
24 décès auraient pu se produire. Et la Chambre de première instance a choisi
25 de simplement ne pas tenir compte de ce témoignage d'expert.
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1 Voilà les éléments de preuve dont l'accusation dit qu'ils ne sont pas
2 sujets à controverse. Et voilà également ce qu'a dit la Chambre de
3 première instance.
4 Maintenant, l'invocation du critère de la nécessité que j'évoquais tout à
5 l'heure. Madame le Juge Arbour, lorsqu'elle était encore Procureur ici, a
6 déclaré dans un article de commentaires du droit que le droit humanitaire
7 international, que le droit de la guerre est un droit qui s'applique aux
8 soldats. Et je m'attarde sur ce point dans mon mémoire.
9 Ce qui me semble d'intérêt dans ce que dit Mme Arbour, c'est qu'elle dit
10 qu'un soldat sur le terrain a le droit de faire du mieux qu'il peut en
11 matière de respect de la loi étant donné les circonstances dans lesquelles
12 il se trouve. Et c'est bien l'impression qui a dû prévaloir aux yeux de la
13 Chambre de première instance.
14 Dans Aleksovski, le moyen de défense de nécessité a été évoqué et la
15 Chambre d'appel a décidé que, devant la Chambre de première instance, il y
16 avait eu renoncement à ce droit d'invoquer le moyen de défense de
17 nécessité. Ici, dans le cas qui nous intéresse, la Chambre de première
18 instance s'est vu soumettre la possibilité d'invoquer ce droit et a pris
19 une décision.
20 Les éléments de preuve soumis à la Chambre de première instance allaient
21 dans le sens suivant: les conditions de vie qui prévalaient dans
22 l'intégralité de la municipalité de Konjic étaient de telle sorte que, en
23 aucune façon, qui que ce soit avait les moyens de fournir les critères
24 minimum de détention tels que prévus dans les conventions de Genève,
25 notamment en matière de détention de civils. Les moyens n'étaient pas là!
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1 La ville était assiégée, elle était soumise à des tirs d'obus
2 régulièrement, elle n'était pas approvisionnée en nourriture.
3 Dans tout conflit armé, vous vous trouverez dans la situation suivante:
4 tôt ou tard, une partie belligérante va entrer en possession, d'une
5 certaine façon, d'un certain nombre de prisonniers, qu'il s'agisse de
6 prisonniers de guerre ou qu'il s'agisse de civils placés légalement en
7 détention. Et simultanément, vous aurez une situation où il est totalement
8 impossible pour la partie qui a le pouvoir de mise en détention de fournir
9 tous les -je ne dirais pas confort, mais enfin toutes les choses qui sont
10 prévues par les conventions de Genève.
11 M. Farrell (interprétation): Pardon, Maître Moran, de vous interrompre. Je
12 voudrais simplement que l'on rappelle à Me Moran que les arguments doivent
13 s'en tenir aux faits qui sont invoqués dans l'affaire. On ne peut pas
14 invoquer une situation où l'on parle d'un conflit ayant lieu n'importe où
15 dans le monde, où une partie au conflit n'a pas les moyens de fournir les
16 conditions de détention prévue par les conventions de Genève. Cela déborde
17 largement le cadre dans lequel nous nous suivons.
18 M. le Président (interprétation): Mais d'après ce qui me concerne, il
19 s'agit là d'une introduction un petit peu longue qui précède l'invocation
20 de la raison pour laquelle on peut parfois invoquer le moyen de défense de
21 la nécessité.
22 M. Moran (interprétation): Tout à fait. Moi, je dis que ce moyen de
23 défense de la nécessité doit pouvoir être invoqué. C'est un moyen de
24 défense! C'est quelque chose que l'accusé doit prouver, bien sûr, mais
25 c'est quelque chose qui peut être invoqué.
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1 La Chambre de première instance a tout simplement décidé qu'il ne pouvait
2 pas y avoir moyen de défense fondé sur la nécessité, que ce moyen de
3 défense, en fait, n'existait pas; que les critères fixés par la convention
4 sont absolument coulés, sont absolument intouchables. Et en fait, cela
5 donne à tout pouvoir en place, y compris le gouvernement bosniaque dans le
6 cas qui nous intéresse, trois options possibles: d'abord, détenir des
7 personnes dans les meilleures conditions possibles dès lors que ces
8 conditions sont disponibles et que ces personnes sont effectivement
9 pénalement responsables; deuxième option: ne pas détenir des personnes
10 alors que, peut-être, le gouvernement a parfaitement le droit de les
11 placer en détention; troisième option: prendre d'autres types de mesures.
12 Moi, je dis que, du point de vue du droit, le moyen de défense de la
13 nécessité, qui n'est rien de plus qu'un moyen, tend à dire: "Il existe une
14 loi. Cette loi, je l'ai violée, mais je l'ai violée pour empêcher un mal
15 plus grand et, par conséquent, je demande à ce que mon infraction à la loi
16 me soit pardonnée parce que moi j'ai essayé d'empêcher que des dommages
17 plus importants soient causés". Je dis, moi, que ce type de moyen de
18 défense doit être disponible. C'est tout ce que je dis.
19 Ce moyen de défense, s'il est rendu disponible, nous conduit dans la
20 situation suivante. Nous devons pouvoir dire que, en l'occurrence, les
21 meilleures conditions possibles ont été fournies en matière d'installation
22 permettant de se nourrir, de se laver, de dormir, dans la mesure du
23 possible, ces éléments ont été fournis.
24 Nous avons soumis des éléments de preuve qui tendent à montrer que les
25 détenus dans la prison ont reçu les mêmes aliments que les gardes, que les
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1 soldats. Ils ont reçu le même type de rations alimentaires. Nous avons
2 fourni des éléments de preuve qui indiquent... non, pardon! Nous n'avons
3 pas soumis ces éléments de preuve, c'est un témoin de l'accusation, M.
4 Haraz, qui l'a dit, c'est le journaliste. Il a dit qu'il avait traversé
5 l'hôpital de Konjic, qu'il avait vu le dispensaire qui se trouvait dans la
6 prison de Celebici. Et c'est lui qui a dit, d'après lui, et au vu du
7 nombre de personnes concernées, il semblait que la quantité de médicaments
8 disponibles était à peu près similaire quant à la proportion disponible
9 par individu.
10 C'est un journaliste qui a une grande expérience en matière de couverture
11 de guerre et c'est quelqu'un qui sait de quoi il parle, qui a pu observer
12 ces conditions préalablement.
13 Ce que nous disons, nous, c'est que la Chambre de première instance a
14 commis une erreur de droit en ne reconnaissant pas qu'il y avait
15 effectivement le droit d'invoquer ce moyen de défense. Voilà, je ne sais
16 pas si vous avez des questions à me poser. Je suis à votre disposition.
17 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
18 M. Moran (interprétation): C'est moi qui vous remercie.
19 M. le Président (interprétation): Non, excusez-moi, le Juge Pocar a une
20 question à vous poser.
21 M. Pocar (interprétation): Je voudrais soulever une chose afin de
22 m'assurer de l'approche qui est la vôtre. Votre défense repose sur l'idée
23 que ces conditions de détention, même si elles étaient en deçà du critère
24 minimum requis par le droit international humanitaire, ces conditions
25 étaient tout de même les seules possibles au vu des circonstances,
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1 indépendamment de cette question de la bonne foi que vous avez invoquée,
2 bonne foi en matière de tentative de fournir les conditions les plus
3 acceptables possibles.
4 Ma question est la suivante: ai-je raison de penser que la charge de la
5 preuve, dès lors qu'il s'agit de démontrer cet argument de la bonne foi,
6 repose sur la partie qui affirme qu'il faut qu'il lui soit permis
7 d'invoquer le moyen de preuve de nécessité? Ou bien est-ce que vous pensez
8 qu'il revient à l'accusation de prouver qu'il y a absence de bonne foi et
9 que cela constitue d'une certaine façon un élément constitutif du crime?
10 Vous voyez quelle est ma question?
11 M. Moran (interprétation): Tout à fait. Ma réponse est la suivante. Nous,
12 en tant que conseils de la défense, nous avons l'obligation de soumettre
13 des éléments de preuve qui nous permettent de démontrer que les conditions
14 de détention qui ont été fournies étaient les seules qui étaient
15 susceptibles d'être fournies au vu des circonstances qui prévalaient. Et
16 je crois que cette obligation, nous l'avons remplie.
17 La Chambre de première instance ne s'est pas prononcée sur la question.
18 M. le Président (interprétation): Vous ne répondez pas à la question qui
19 vous a été posée. Si vous vous contentez de soumettre des éléments de
20 preuve, eh bien, cela est couvert par votre obligation de fournir à
21 l'accusation des éléments de preuve qui établissent qu'il n'y avait pas de
22 moyens de défense reposant sur la nécessité.
23 Je crois que vous devez répondre directement à la question du Juge Pocar.
24 M. Moran (interprétation): Pour ce qui est du moyen de défense de la
25 nécessité, il me semble que ce qui doit être prouvé par la défense, c'est
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1 la prépondérance des éléments de preuve qu'elle soumet. Elle doit prouver
2 que ce sont ses éléments de preuves qui doivent prévaloir.
3 M. le Président (interprétation): Merci. C'est à Me Farrell de s'exprimer.
4 M. Farrell (interprétation): Eh bien, je vais commencer en ordre inverse.
5 Je vais d'abord parler de ce qu'a dit Me Moran en dernier.
6 Un certain nombre de commentaires ont été faits quant aux motifs d'appel
7 soulevés et quant à leur pertinence dans le cadre de l'appel parce qu'il
8 s'agit plutôt en fait de questions théoriques qui sont posées.
9 Moi, je dis très respectueusement que, ici, vous n'avez pas à vous
10 prononcer sur la question qui vous est posée. Je ne crois même pas que la
11 Chambre de première instance aurait eu à se prononcer sur la question
12 soulevée pour ce qui est de la condamnation de M. Delic. Le motif d'appel
13 a trait au fait de savoir si les conditions de détention inhumaines
14 étaient telles parce qu'elles étaient inévitables et sur l'idée qu'il n'y
15 avait rien que l'accusé, M. Delic en l'occurence, ne pouvait faire pour
16 empêcher la prévalence de ces conditions de détention inhumaines et on
17 fait notamment référence à l'absence de nourriture.
18 Moi, ce que je remarque, c'est que M. Delic n'a jamais été considéré comme
19 coupable de cela, n'a jamais été considéré comme coupable de ces chefs
20 d'accusation. Jamais on a déclaré qu'il occupait un poste de supérieur
21 hiérarchique, jamais on a dit qu'il devait être tenu responsable pour les
22 conditions de détention prévalant dans le camp.
23 Monsieur Delic, au paragraphe 1121 du jugement, est jugé responsable des
24 actes de violence directe que lui-même a commis dans le camp, actes de
25 violence qui ont contribué à créer cette atmosphère de terreur.
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1 Ce qui apparaît dans ce paragraphe c'est que M. Delic n'était pas
2 considéré comme ayant exercé l'autorité d'un supérieur hiérarchique sur le
3 camp de Celebici et que pour cette raison, je cite: "la Chambre de
4 première instance estime que M. Delic ne peut pas être tenu responsable en
5 tant que supérieur hiérarchique des conditions de vie inhumaines qui
6 prévalaient dans le camp de Celebici." Il n'a donc pas été prouvé coupable
7 de cela. Donc tout ceci n'a rien à voir avec la condamnation qui lui a été
8 attribuée.
9 En revanche, la Chambre de première instance a déclaré que, du fait de sa
10 participation directe à certains actes de violence spécifique qui lui sont
11 reprochés dans l'acte d'accusation et dont il a été prouvé qu'il y avait
12 pris part directement, cela le rend coupable d'avoir participé à la
13 création d'une atmosphère de terreur. Voilà ce que nous affirmons.
14 Et puis je vous renvoie maintenant à l'affaire Aleksovski, le moyen de
15 défense fondé sur la nécessité, selon lequel les conditions relatives à la
16 détention des prisonniers et quant au fait que ces conditions étaient
17 inhumaines, ce moyen de défense n'a rien à voir avec les actes de violence
18 qui ont été commis par M. Delic.
19 Cette question, comme le Juge Hunt s'en rappellera sûrement, a été
20 invoquée dans l'affaire Aleksovski. Monsieur Aleksovski a d'ailleurs
21 invoqué un moyen de défense similaire pour ce qui était des conditions de
22 détention inhumaines et M. Aleksovski a été trouvé coupable, non pas des
23 conditions de détention, mais coupable du mauvais traitement réservé aux
24 prisonniers, et je crois bien que son exemple s'applique parfaitement à ce
25 que je viens de dire à propos de M. Delic.
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1 Dans l'affaire Aleksovski, et je crois que les faits sont vraiment très
2 similaires, au paragraphe 54 de l'arrêt de la Chambre d'appel, ce que la
3 Chambre a dit, c'est que le mauvais traitement réservé aux détenus aurait
4 dû être interprété par la Chambre de première instance comme d'une
5 certaine façon ayant été justifié par l'affirmation que les détenus
6 auraient encore plus souffert s'ils avaient été traités d'une façon
7 différente à savoir, en l'occurrence, s'ils avaient été remis en liberté.
8 Ici, le moyen de défense de nécessité est invoqué dans la mesure où il
9 semble que la Chambre de première instance devrait établir que les actes
10 de violence étaient d'une certaine façon justifiés pour des raisons de
11 nécessité parce que, dans le cas Aleksovski, la nourriture ne pouvait pas
12 être fournie.
13 L'arrêt de la Chambre d'appel dans l'arrêt Aleksovski continue pour dire
14 que l'on ne peut pas avancer l'argument selon lequel M. Aleksovski n'avait
15 eu que deux choix possibles, à savoir soit maltraiter les détenus, soit
16 les mettre en liberté. L'accusé avait ce choix à faire et lui, il a choisi
17 de maltraiter les prisonniers.
18 Bien. Dans le cas de Celebici, M. Delic a été condamné d'avoir maltraité
19 des prisonniers, de les avoir torturés, de les avoir parfois assassinés et
20 il a en fait été condamné pour n'avoir pas fait un choix qu'il aurait pu
21 faire, qu'il a choisi de ne pas faire, je le répète.
22 Deuxièmement, je note tout simplement que la Chambre de première instance
23 dans l'affaire qui nous intéresse a fait une conclusion factuelle pour ce
24 qui est des conditions inhumaines infligées aux détenus et je renvoie au
25 paragraphe 1118 du jugement.
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1 Moi, je dis que M. Delic soulève là une question qui n'a rien à voir
2 directement avec lui et qui n'a rien à voir surtout avec la sentence qui a
3 été passée à son égard.
4 Maintenant, j'en viens à l'étude des autres chefs d'accusation qui ont été
5 abordés par Me Karabdic. Maître Karabdic commence par parler du critère
6 d'examen qui doit s'appliquer. Nous avons dit, lors de la conférence de
7 mise en état, qu'il ne fallait pas aborder cette question du critère
8 d'examen qui doit être appliqué, je ne vais donc pas le faire, mais
9 simplement j'attire votre attention sur le fait que cette question du
10 critère a fait l'objet d'une réponse dans notre mémoire, dans cette
11 affaire, mais a également fait l'objet d'une argumentation dans le cadre
12 d'un autre appel, à savoir l'appel dans l'affaire Furundzija. Cette
13 question a donc été tranchée à différents moments et je vous renvoie donc
14 à tout ce qui a pu être dit à ce sujet.
15 Pour ce qui est maintenant des chefs d'accusation 1 et 2, à savoir le
16 meurtre de M. Gotovac. Notre collègue de la défense indique que les
17 éléments de preuve ne sont pas suffisants et ne satisfont pas au critère
18 du "tout doute raisonnable". L'accusation, elle, affirme qu'il ne s'agit
19 pas de savoir si les éléments de preuve permettent d'être convaincu au-
20 delà de tout doute raisonnable, mais s'il n'était pas déraisonnable de la
21 part de la Chambre de première instance, au vu de tous les éléments de
22 preuve qui lui ont été soumis, d'avoir atteint une telle conclusion.
23 Ce que nous affirmons par ailleurs, c'est que rien... Pardon. Ce qui a été
24 dit par ailleurs par la défense, c'est qu'il n'y a aucun élément de preuve
25 qui tende à démontrer que M. Delic a été partie prenante dans le deuxième
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1 passage à tabac qui a eu lieu, je crois, dans l'après-midi et il y a eu un
2 mort suite à ce passage à tabac.
3 La défense affirme qu'aucun lien ne relie M. Delic à cet incident et qu'il
4 n'y a aucun élément de preuve qui ne le prouve. L'accusation demande que
5 tout ceci soit replacé dans le contexte qui prévalait. Les passages à
6 tabac, les décès qui s'en sont suivis ont eu lieu entre une après-midi et
7 une soirée; il n'y a pas de séparation parmi tous ces incidents. On parle
8 ici d'un homme de 70 ans qui a été passé à tabac. Des éléments de preuve
9 ont été apportés qui corroborent le fait que M. Delic a menacé de tuer
10 cette victime ce jour-là.
11 Monsieur Delic, comme l'indiquent les éléments de preuve, a pris part au
12 passage à tabac de cette victime à l'intérieur du hangar, puis à
13 l'extérieur du hangar, un peu plus tôt dans la journée. Ce jour même où il
14 profère des menaces à l'encontre de la victime, il menace de la tuer.
15 Quelques heures plus tard, la victime est sortie du hangar à nouveau et là
16 nous avons les témoignages de deux témoins, Mirko Babic et un autre
17 témoin, le témoin B. Témoignages sur lesquels s'appuie la Chambre de
18 première instance et auxquels je ferai référence tout à l'heure qui
19 corroborent tout ceci. Et enfin, M. Delic a affirmé lui-même qu'il savait
20 que la victime était décédée dans le camp.
21 Pour ce qui est de ce qu'a dit Me Karabdic à propos de ce qui est d'après
22 lui une première erreur, à savoir que la Chambre de première instance
23 n'aurait pas dû s'appuyer sur le témoignage de M. Babic, M. Karabdic dit
24 que le témoignage de M. Babic n'a pas été utilisé par la Chambre de
25 première instance dans le cadre d'autres chefs d'accusation, chefs
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1 d'accusation 27, 28 et 29. Et que par conséquent, c'est l'ensemble du
2 témoignage qui doit être rejeté.
3 Bien. On dit que M. Babic n'aurait pas dû être cru par la Chambre de
4 première instance sur ces chefs d'accusation. Ce n'est pas parce qu'on dit
5 que certains éléments du témoignage de ce témoin ne sont pas totalement
6 fiables qu'il faut dire que c'est l'ensemble de son témoignage qui n'est
7 pas fiable et qui n'est pas digne de foi. Il y a d'autres éléments de
8 preuve qui semblent contredire cela!
9 M. le Président (interprétation): Je vous prie d'en venir au vif du sujet.
10 La Chambre de première instance n'a pas cru ce témoin pour ce qui est des
11 autres chefs d'accusation que vous avez cités, non pas parce que ce témoin
12 ne semblait pas avoir donné des éléments de preuve fiables pour ces chefs
13 d'accusation, mais parce qu'il avait donné des éléments de preuve qui
14 étaient faux pour ce qui est des blessures qu'il avait lui-même reçues.
15 Il y a donc eu un troisième incident qui a eu, en fait, un effet négatif
16 sur la qualité de son témoignage, pour ce qui est des autres chefs
17 d'accusation sur lesquels il était censé se prononcer. C'est la raison
18 pour laquelle les Juges de la Chambre ne l'ont pas cru.
19 La question qui se pose ici, c'est: "Pourquoi est-ce que ce troisième
20 incident n'a pas eu le même type d'influence sur son témoignage, pour ce
21 qui est de l'incident dont vous parlez?"
22 M. Farrell (interprétation): Eh bien, tout d'abord, il semble que les
23 Juges ne l'aient pas cru parce qu'ils ont pensé qu'il n'était pas
24 totalement fiable.
25 Je crois qu'il y a une distinction très subtile qu'il faut établir entre
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1 la preuve "au-delà de tout doute raisonnable" et la conclusion selon
2 laquelle un témoin est en train de mentir. Mais j'essaierai de vous
3 répondre.
4 Tout d'abord, les éléments de preuve –qui sont ceux de M. Babic et qui
5 portent sur les passages à tabac qui ont eu lieu plus tôt dans la journée–
6 sont tout à fait cohérents avec les autres témoignages qui ont été donnés.
7 Personne ne conteste que ce témoin a été passé à tabac plus tôt dans cette
8 même journée. Et il y a même des éléments qui corroborent pleinement des
9 passages à tabac et la mort.
10 Deuxièmement, pour ce qui est de M. Delic, il y a des éléments de preuve
11 qui montrent bien que M. Delic a menacé de tuer cette personne, plus tard
12 dans la journée.
13 Il y a également des éléments de preuve qui montrent que M. Delic et M.
14 Landzo sont arrivés à la porte du hangar. On dit que ces éléments de
15 preuve ne sont pas fiables, pour ce qui est du fait que les deux accusés
16 sont arrivés à la porte du hangar.
17 On dit que le témoin B dit, certes, que les deux accusés sont arrivés à la
18 porte mais qu'aucun autre élément de preuve ne permet de corroborer cela.
19 Pour ce qui est du contexte qui prévalait à l'époque et pour ce qui est de
20 ce que j'ai dit à propos de la menace proférée, je crois qu'il n'y a aucun
21 doute quant au fait qu'effectivement M. Delic a menacé la victime, aucun
22 doute qu'il y a eu des passages à tabac ce jour-là. Que ces passages à
23 tabac se sont prolongés et qu'ensuite les accusés sont revenus quelques
24 heures plus tard, qu'ils ont proféré des menaces et que, finalement, ils
25 ont dit qu'ils allaient tuer la victime et qu'ils allaient venir la
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1 chercher.
2 Dans ce sens, je ne dis pas que le témoignage de M. Babic n'est pas du
3 tout incohérent. En fait, il a même été corroboré. On fait référence à un
4 témoin, et on dit que M. Babic déclare que M. Delic était présent, qu'il
5 était à la porte lorsque la victime a été emportée.
6 Mon collègue de la défense a raison de dire que "seul un témoin a
7 corroboré cela" et cela, c'est le témoin B qui a été jugé comme étant
8 parfaitement crédible par la Chambre de première instance.
9 Le témoignage du témoin B décrit où les personnes se trouvaient lorsque
10 les accusés sont arrivés à la porte. Il n'identifie pas M. Delic, certes
11 mais, tout de même, il dit que les deux accusés sont arrivés à la porte.
12 Il dit que Landzo est arrivé et qu'il est même entré. Ensuite, il dit que
13 Delic, lui, se trouvait sur le seuil, à l'extérieur. Il n'identifie donc
14 pas Delic mais il dit où Delic se trouve. Il dit que Delic, d'après lui,
15 n'était pas vraiment à l'intérieur mais plutôt sur le seuil, vers
16 l'extérieur.
17 M. le Président (interprétation): Mais peut-être que vous avez ici un
18 problème qui se pose et que vous aimeriez peut-être évoquer après le
19 déjeuner?
20 La Chambre de première instance semble avoir déterminé que la mort était
21 due au deuxième des passages à tabac. Il n'y a donc pas de lien entre le
22 premier passage à tabac et le décès de la victime.
23 Et si les éléments de preuve ayant trait au deuxième passage à tabac sont
24 considérés par cette Chambre de première instance comme étant quelque
25 chose qui permet de dire que la conclusion rendue était déraisonnable, eh
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1 bien, vous vous trouvez dans une situation un petit peu délicate.
2 Pouvez-vous y répondre?
3 M. Farrell (interprétation): Je vais y répondre. Pour ce qui est du
4 deuxième passage à tabac, je crois que vous avez tout à fait raison. Je
5 sais qu'effectivement on ne peut pas établir un lien entre le décès et le
6 premier passage à tabac. Le décès est lié au deuxième passage à tabac.
7 Mais je vais essayer de voir s'il y a des éléments de preuve qui
8 permettent de voir s'il y a un lien entre le premier passage à tabac et le
9 décès ou un élément de preuve qui nous permet de revenir sur ce moyen de
10 nécessité invoqué.
11 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous suspendons jusqu'à 14
12 heures 30.
13 (L'audience, suspendue à 13 heures 02, est reprise à 14 heures 30.)
14 M. le Président (interprétation): Avant que vous ne repreniez, je
15 souhaiterais dire que nous avons maintenant reçu la traduction des
16 coupures de presse. Je voudrais savoir quelle est la position de
17 l'accusation en ce qui concerne l'admission de ces documents et quelle est
18 votre position en ce qui concerne leur pertinence et le poids qu'il
19 convient de leur accorder?
20 M. Staker (interprétation): Monsieur le Juge, je crois que nous avons déjà
21 traité de la chose dans une écriture. Nous ne nous opposons pas à leur
22 admission en tant qu’éléments de preuve, du fait qu'ils aient été publiés
23 dans la presse.
24 M. le Président (interprétation): Que voulez-vous dire?
25 M. Staker (interprétation): Eh bien, le fait que quelque chose ait été
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1 publié dans la presse, suivant l'endroit où cela a été publié, peut faire
2 qu’on considère qu'il ne s'agit pas d'éléments de preuves dignes de ce
3 nom.
4 M. le Président (interprétation): Oui, mais il s'agit de documents qui
5 sont utilisés pour dire que quelque chose s'est bien effectivement
6 produit. Quant au poids qu’il convient d’accorder à ces documents c’est à
7 nous d’en décider.
8 M. Staker (interprétation): Oui, c'est exact. Nous, nous ne nous opposons
9 pas à ce qu'ils soient admis comme éléments de preuve.
10 M. Farrell (interprétation): En ce qui concerne la causalité, si les
11 éléments de preuve lient M. Delic au deuxième incident et si on considère
12 que c'est déraisonnable, j'ai déjà parlé du témoin B et de Babic. A ce
13 moment-là, la question est de savoir si on peut dire qu'il y a eu un lien
14 de cause à effet entre la mort et le premier passage à tabac.
15 Tout d'abord, la Chambre de première instance a estimé que ce n'était pas
16 le cas, aux paragraphes 819 et 823. Au paragraphe 818, ils estiment que la
17 mort est due au deuxième passage à tabac. Au paragraphe 823, qu'il est
18 mort suite aux blessures qu'il a encourues lors des deux passages à tabac.
19 Mais je pense qu'il faut plutôt s’en tenir au premier paragraphe que j'ai
20 mentionné.
21 Nous avançons que l'accusation affirme que la Chambre de première instance
22 doit modifier cette décision, à ce moment-là il faudrait que nous
23 puissions prouver qu'il y a un lien de cause à effet entre la mort et le
24 premier passage à tabac.
25 Je ne pense pas que les éléments de preuve soient suffisants, je pourrais
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1 les passer en revue, mais il y a en fait qu'un seul témoin qui parle du
2 premier passage à tabac et de ses conséquences, les autres n’en parlent
3 pas. Et puis, il y a le deuxième passage à tabac. Donc on ne peut pas
4 avancer d’éléments de preuve qui aillent dans le sens d'un lien entre la
5 mort et le premier passage à tabac.
6 Maintenant en ce qui concerne les chefs 3 et 4 et les éléments de preuve à
7 l'appui de ces chefs d'accusation, je voudrais dire la chose suivante:
8 lorsque la défense intervient, elle sous-estime deux motifs.
9 Premièrement, la victime n'était pas une personne protégée et deuxième
10 chose, qui est toujours avancée pratiquement, c’est que les éléments de
11 preuve sont insuffisants.
12 Mais pour être sûr que je traite bien du premier argument, M. Staker a dit
13 au sujet de la détention illégale que la Chambre de première instance a
14 déduit que les victimes étaient des civils et des personne protégées. Nous
15 avons parlé sur le point de vue du droit de la question des personnes
16 protégées et sur le fond, c'est ce qui a été décidé par la Chambre de
17 première instance que ces personnes étaient effectivement des personnes
18 protégées.
19 Au paragraphe 1130, dans le jugement, on peut lire que ces personnes
20 étaient des personnes protégées et au paragraphe 1134 que la détention
21 était une mesure collective qui était destinée à un groupe particulier sur
22 la base de son appartenance ethnique. Je crois que mes éminents collègues
23 disent qu'il n'a pas été conclu que ces personnes étaient des personnes
24 protégées dans le jugement.
25 Or, moi, je vous demande de regarder le paragraphe 265 où la Chambre a
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1 déclaré, je cite: "Il est clair que les victimes des faits qui sont
2 allégués dans l'acte d’accusation ont été arrêtées, placées en détention
3 du fait de leur appartenance à la communauté serbe." Et donc on peut
4 considérer que c'est là une conclusion sur le statut de personnes
5 protégées des victimes.
6 J'ai passé en revue les éléments de preuve sur un certain nombre de
7 victimes où l'appelant nous dit qu'aucun élément n'indique que ces
8 personnes étaient serbes et qu’elles avaient été détenues parce qu’elles
9 avaient été serbes. Mais moi, j'affirme qu'au paragraphe 265 justement, on
10 répond à ces arguments de la défense.
11 En ce qui concerne les chefs d'accusation 3 et 4, le meurtre de Zeljko
12 Milosevic. Si j'ai bien compris ce que nous dit la défense, on nous dit
13 qu'il y a incohérence au niveau des éléments de preuve, dans les
14 dépositions Milenko Kuljanin et un autre témoin, Dzordjic.
15 La défense avance qu’en fait tout ce que ces gens ont entendu, c'est la
16 voix de M. Delic, et que donc une simple identification basée uniquement
17 sur la voix de M. Delic est insuffisante. Insuffisante pour arriver à une
18 conclusion factuelle en l’espèce.
19 Avant de passer directement aux éléments de preuve en ce qui concerne
20 l'identification par la voix, comme on l’a appelée, je voudrais dire la
21 chose suivante: l'accusation estime qu'il y a un élément de preuve très
22 important auquel la Chambre de première instance n’a pas fait expressément
23 référence et qui n'est pas mentionné par la défense, c'est que la
24 déposition de Kuljanin et Dzordjic -page du compte rendu 4177 pour
25 Dzordjic-, à cette page il dit que ce jour-là, le jour avant la nuit en
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1 question, Hazim Delic lui a dit que cette nuit-là, à une heure du matin,
2 il irait aux toilettes. Ceci parce que le témoin avait dit que Hazim Delic
3 lui avait dit ce même jour que plus tard il viendrait le rechercher.
4 Plus tard, M. Todic, page 4179 du compte rendu d'audience, dit, je cite:
5 "Et d’ailleurs, tout comme l’avait dit Hazim, cette nuit-là, je ne sais
6 pas exactement à quelle heure on a entendu sa voix à l'extérieur du
7 bâtiment n°9 et il a appelé le nom de Zeljko Milosevic lui demandant de
8 sortir." (Fin de citation) Les autres témoins auxquels fait référence la
9 Chambre de première instance Kuljanin, page 5483 du compte rendu
10 d'audience.
11 Toujours au sujet de la même question: le fait que M. Delic ait appelé la
12 victime plus tôt dans la soirée. "Monsieur Delic avait prévenu à l'avance
13 la victime de ce qui allait se passer et lui avait dit d'être prêt à une
14 heure du matin, et c'est ce qui s'est passé." Là, je suis en train de vous
15 donner lecture du compte rendu d'audience.
16 Point suivant, c'est lorsque ces deux personnes ont entendu la voix de M.
17 Delic qui appelait la victime. Lorsqu'on évalue la déposition des deux
18 témoins qui disent que Delic a appelé la victime qui est morte suite au
19 passage à tabac, nous avançons, quant à nous, qu'il faut examiner d'autres
20 éléments de preuve auxquels on ne fait pas référence dans le jugement. A
21 savoir que, dans leur déposition, ces deux témoins avaient dit "à
22 l'avance", M. Delic avait dit à l'avance que la victime serait appelée
23 cette nuit.
24 Or, nous estimons que ceci indique bien l'intention criminelle de M. Delic
25 et on peut lier cela à l'identification par la voix pour voir si,
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1 effectivement, ce qui s'est passé, les menaces ont été mises à exécution.
2 En ce qui concerne les deux témoins et leurs dépositions, il y a des
3 différences, des incohérences entre leurs dépositions. La Chambre de
4 première instance l'a noté d'ailleurs, mais il est clair également que ces
5 témoignages se rapprochent. Tous deux disent que M. Delic a dit qu'il
6 viendrait ce soir-là. Ils disent tous les deux qu'on a fait sortir la
7 personne cette nuit-là. Ils ont dit dans leur déposition que c'est bien la
8 voix de M. Delic qu'ils ont entendue et que M. Delic, comme il le leur
9 avait dit précédemment dans la journée, a bien appelé la victime.
10 Les deux témoins ont dit qu'ils ont entendu le bruit du passage à tabac à
11 l'extérieur, juste après qu'on ait fait sortir la victime. Tous deux ont
12 dit que la victime n'est pas revenue. Tous deux ont dit avoir vu, au même
13 endroit, la victime –son corps– le lendemain.
14 Il y a un certain nombre de discordances qui ont été indiquées par mon
15 collègue au sujet de la tenue vestimentaire de la personne en question,
16 mais nous estimons que ces discordances ne sont pas très importantes.
17 Ensuite, je vais passer aux chefs d'accusation 18 et 19, en ce qui
18 concerne le chef d'accusation relatif au viol de Mme Cecez. Une
19 observation de mon collègue m'a frappé. Il a parlé de la nature
20 corroborative, du fait qu'il n'est pas nécessaire de corroborer la
21 déposition du témoin en l'espèce. Dans leur mémoire, les représentants de
22 la défense disent que la Chambre de première instance a commis une erreur
23 en se basant sur la présomption de fiabilité de ces deux témoignages.
24 Or, je ne sais pas s'ils se sont basés sur la décision Tadic mais, en
25 fait, en ce qui nous concerne, nous estimons que ce Tribunal –ainsi que
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1 beaucoup d'autres institutions judiciaires dans le monde– estime qu'il
2 n'est pas nécessaire de corroborer les témoignages de personnes qui sont
3 victimes de violence sexuelle. Parce que, auparavant, on pensait que les
4 victimes d'actes sexuels fournissaient des éléments de preuve qui
5 n'étaient pas fiables.
6 M. le Président (interprétation): Vous avez raison. C'est une façon très
7 malheureuse de s'exprimer en ce qui concerne l'arrêt Tadic puisque cette
8 règle, justement, a été introduite pour aller à l'encontre de la
9 présomption de non fiabilité des personnes qui affirmaient avoir été
10 victimes de viol et qui était en vigueur au dix-neuvième siècle.
11 Mais ici, on dit que l'on accorde au témoignage de victimes de violence
12 sexuelle la même présomption de fiabilité que pour tout autre victime. On
13 ne dit pas qu'on les croit plus que les autres. Tout ce qu'ils veulent
14 dire, c'est qu'il n'y a pas de différence entre quelqu'un qui affirme
15 avoir été victime d'un viol et quelqu'un qui affirme avoir été victime
16 d'un autre crime.
17 Je crois que le libellé est tout à fait malheureux.
18 M. Farrell (interprétation): Oui, c'est une citation de la décision dans
19 Tadic et dans Akayesu.
20 Et moi, je crois que j'en déduis la même conclusion que vous, Monsieur le
21 Juge. Ce n'est pas de dire que l'on estime que les victimes de violences
22 sexuelles sont plus fiables que d'autres mais que, au contraire, il ne
23 faut pas, du fait qu'il n'y a pas corroboration de leurs dires, il ne faut
24 pas considérer que leurs dépositions sont moins fiables que celles des
25 autres. C'est cela qu'ils veulent dire, je pense.
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1 Dans Akayesu, la Chambre de première instance, au paragraphe 134, fait
2 référence au même passage, cite d'ailleurs le même passage du jugement
3 Tadic au paragraphe 135.
4 La Chambre de première instance, toujours dans Akayesu dit, je cite: "Vu
5 ce qui a été dit précédemment, la Chambre de première instance peut
6 conclure sur la base d'un seul témoignage, à condition que ce témoignage
7 soit pertinent et crédible à son avis." (fin de citation)
8 Et nous avançons que c'est exactement ce qui a été fait dans Celebici,
9 pour la Chambre de première instance dans Celebici.
10 Maintenant, je vais passer aux faits, en ce qui concerne les chefs
11 d'accusation 18 et 19. On nous dit que la victime n'était pas une personne
12 protégée, nous en avons déjà parlé. L'une des questions qui a été
13 soulevée, c'est l'identification de l'accusé par la victime en question.
14 La défense a dit qu'il y avait eu des problèmes, en ce qui concerne
15 l'identification sur la base de photographies. Mais en ce qui concerne le
16 témoignage de cette victime, on nous dit qu'il y a quatre éléments qui
17 permettent de déterminer que l'identification est satisfaisante.
18 Premièrement, nous savons, dans cette affaire, que M. Delic boitait, qu'il
19 avait une béquille et c'est ce que dit le témoin lorsqu'elle l'identifie.
20 A la page 513, lorsqu'elle dit qu'elle le voyait très souvent entrer et
21 sortir du camp, donc, non seulement elle avait entendu son nom, mais
22 d'autres personnes ont dit qu'effectivement, il avait une béquille et
23 qu'il boitait lorsqu'il se déplaçait à l'intérieur du camp. Donc, ici,
24 nous avons corroboration de l'identification en ce qui concerne cette
25 personne dont on dit qu'elle a commis les actes en question.
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1 D'autre part, ceci est mentionné à quatre ou cinq reprises dans le compte
2 rendu d'audience. D'autre part, je note également que M. Delic, d'après le
3 rapport médical de l'hôpital, était hospitalisé du 21 au 25 mai 1992, il
4 avait été blessé à la jambe. La victime est arrivée au camp de Celibici,
5 le 27 mai, deux jours plus tard. Il y a donc, là aussi, quelque chose qui
6 vient corroborer ce qu'elle nous dit au sujet de sa béquille et du fait
7 qu'il boitait, puisqu'elle est arrivée deux jours après sa sortie de
8 l'hôpital.
9 Ensuite, elle a dit, dans le cadre de sa déposition, qu'elle entendait
10 souvent des gens parler de lui en utilisant soit le nom de Delic, soit le
11 nom de Hazim. Ensuite, elle a dit que c'était lui qui était le n°2 du
12 camp. Elle utilise son titre. Page du compte rendu d'audience 514, elle
13 dit, je cite: "On nous a dit que Pavo, c'était l'homme le plus important
14 au camp, Pavo Mucic." et "lui", elle veut dire "Delic". "Lui", c'était son
15 adjoint.
16 Quatrièmement, il y a l'identification sur la base de photographies. Elle
17 ne l'a pas identifié de façon formelle au moyen de photographies. Elle a
18 dit qu'elle n'était pas sûre. Mais ce qui est tout à fait frappant dans
19 son témoignage, c'est que lorsqu'elle dit "je ne suis pas sûre", c'est
20 qu'elle dit "je n'ose pas dire lequel c'est. Peut-être a-t-il changé après
21 tout, cela fait cinq ans que je l'ai pas vu." (fin de citation)
22 On voit donc que le témoin est extrêmement prudent. Cela fait cinq ans que
23 les choses se sont passées et elle ne l'a vu, elle n'a été en contact avec
24 lui que pendant un mois. Elle fait donc preuve de prudence.
25 Il y a également le témoin T. La victime affirme que le témoin T l'avait
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1 également violée. Le témoin T est venu ici et nie ce fait. La défense nous
2 dit que ceci met en doute la crédibilité du témoin.
3 Bon. Tout d'abord, je ne sais pas quel poids a donné la Chambre de
4 première instance sur le fait que quelqu'un qui a été membre d'un camp
5 vienne devant le Tribunal et admette qu'il ait été coupable de crime de
6 guerre. Mais quoi qu'il en soit, ce qui est intéressant dans la déposition
7 de cet homme, c'est que lorsqu'on lui a demandé si, oui ou non, il a violé
8 cette femme, le témoin dit: "Ceci est totalement inventé. Les seuls qui
9 violaient les gens dans le camp, c'était Hazim Delic et quelqu'un
10 d'autre". Et donc, ce témoin lorsqu'on le confronte aux allégations
11 portées contre lui, il répond en niant les faits et en donnant le nom de
12 M. Delic.
13 Maintenant, je vais passer aux chefs 21, 22, 23, témoin Antic. Une fois de
14 plus, on a soulevé la question de l'identification. Tout d'abord, Mme
15 Antic, le témoin, nous dit que Delic était le commandant du camp et elle a
16 dit que c'est Mucic qui commandait dans le camp, et ceci va tout à fait
17 dans le sens des faits tels qu'ils ont été déterminés par la Chambre.
18 Ensuite, concernant l'identification sur la base de photo, elle choisit la
19 photo n°4, c'est celle de M. Delic. Et d'ailleurs, elle dit très
20 clairement: "Je ne suis pas sûre, mais son visage me dit quelque chose. Il
21 faut que vous sachiez que cela fait longtemps que tout cela s'est passé.
22 Mais je me souviens de son front, de sa bouche et de son nez. Autant que
23 je puisse m'en souvenir -dit-elle-, mais cela s'est passé il y a
24 longtemps, je crois que c'est lui qui est coupable de ces crimes." (fin de
25 citation)
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1 Autre élément en ce qui concerne l'identification qui a permis
2 l'identification, c'est lors de sa première nuit passée dans le camp. Ce
3 témoin nous dit avoir été violée par M. Delic. Ensuite, elle est rentrée
4 où elle devait dormir et elle ne pouvait s'empêcher de pleurer. Un autre
5 témoin, Grozdana Cecez, a témoigné que cette jeune fille a pleuré pendant
6 24 heures après avoir été violée par Hazim Delic la première nuit. La
7 jeune fille en question, donc, pleurait et ne pouvait s'arrêter de
8 pleurer. Vous avez donc corroboration réciproque de ces témoins.
9 Ensuite, en ce qui concerne la deuxième victime, on nous dit que M. Delic,
10 au sujet de l'endroit où les gens se lavaient, elle et une autre victime
11 sont allées dans un endroit pour faire leur toilette et là, il y a eu
12 discordance au moment où elles sont effectivement allées à cet endroit
13 pour faire leur toilette. Mais elles ont toutes le deux dit y être allées,
14 quoi qu'il en soit.
15 Ensuite la victime a dit que, après avoir fait sa toilette, on l'a appelée
16 dans une autre pièce où se trouvait M. Delic, et à ce moment-là a eu lieu
17 le deuxième incident.
18 Les deux témoignages vont dans le même sens au sujet de ce qui s'est passé
19 avant l'incident. La victime a dit qu'elle avait été appelée de façon
20 séparée là où a eu lieu le deuxième témoin (?); le deuxième témoin n'a
21 donc pas pu le confirmer, mais a confirmé tout ce qui s'est passé avant ce
22 viol, quelles que soit les petites discordances que j'ai mentionnées.
23 Il faut que je mentionne quelque chose qui n'est peut-être pas dans
24 l'intérêt de l'accusation, mais je dois le mentionner. En ce qui concerne
25 la victime, elle a dit qu'après le deuxième viol, lorsqu'elle est
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1 retournée là où elle était détenue, elle ne l'a pas dit à l'autre témoin,
2 celle qui est allée dans le bâtiment du commandement pour faire sa
3 toilette et qui ensuite a confirmé la déposition du témoin au sujet du
4 viol. Elle dit qu'elle ne lui a pas dit qu'elle avait été violée.
5 Cependant, elle dit qu'elle n'a jamais parlé, qu'elle n'a jamais rencontré
6 ce témoin à nouveau. Dans le cadre du contre-interrogatoire, à la page
7 1827, elle a dit qu'elle n'avait pas eu de contact avec l'autre témoin.
8 L'autre témoin, c'est le témoin qui a été appelé par l'accusation pour
9 corroborer la déclaration du premier témoin. Mais l'autre témoin a dit
10 qu'on lui a dit ce qui s'était passé. A priori, on peut penser qu'il
11 s'agit là d'une incohérence dans les déclarations de ces deux témoins,
12 c'est ce que dit la défense d'ailleurs, incohérence entre les déclarations
13 de ces deux témoins après le deuxième viol, pour savoir si effectivement
14 la victime a raconté ce qui s'était passé à l'autre témoin.
15 Mais en dépit des discordances apparentes, il semble que le témoin s'est
16 bien vu raconté ce qui s'était passé par la victime. Comme elle l'a dit, à
17 aucun moment ensuite elles n'ont eu possibilité de se rencontrer à
18 nouveau. Le témoin qui corrobore les déclarations de la victime dit que
19 celle-ci lui a raconté ce qui s'était passé lorsqu'elle est revenue.
20 Grozdana Cecez, page 529, dit ceci au sujet de la victime, je cite: "Ils
21 sont venus la chercher pour qu'elle aille faire sa toilette dans le
22 bâtiment du commandant. Moi, je suis allé prendre une douche. Quand la
23 victime est revenue, elle pleurait et elle m'a dit que, alors qu'elle
24 faisait sa toilette, Hazim Delic l'avait violée et qu'ensuite on l'avait
25 ramenée." (fin de citation)
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1 Comme je l'ai déjà dit, la victime elle-même a affirmé qu'elle n'avait
2 rien raconté à cette personne en question. Là, il y avait peut-être
3 discordance, mais le fond du témoignage va dans le même sens que l'autre.
4 Donc, concordance sur le fond.
5 J'ai donc parlé des chefs 46 et 47, il s'agit du moyen de défense de
6 nécessité. Je n'ai donc rien à ajouter.
7 Mais pendant la pause déjeuner, j'ai remarqué quelque chose et je souhaite
8 le mentionner par souci d'équité. L'identification sur la base de
9 photographies du deuxième témoin, Mme Antic, j'ai regardé le compte rendu
10 d'audience et il semble qu'il n'est pas très clair si effectivement c'est
11 M. Delic qui a été identifié par le témoin. Pour être équitable vis-à-vis
12 de la défense, en effet, ils ont fait référence à ce compte rendu
13 d'audience et ont dit que l'identification sur la base de photographies
14 était un petit peu douteuse. Mais nous, nous avançons qu'elle a identifié,
15 mais qu'elle a dit qu'elle n'était pas très sûre parce que cela se passait
16 cinq ans après les faits.
17 Ce qui s'est passé lors de l'identification sur la base de cette
18 photographie, c'est qu'on lui a montré les photographies de six personnes
19 et elle a examiné ces six photographies et a identifié l'accusé en disant:
20 "Son visage me dit quelque chose."
21 Mais quand on reprend le compte rendu, en fait, ce qui s'est passé, c'est
22 que le témoin dit: "Voilà, c'est lui que j'identifie. Il me dit quelque
23 chose, mais cela fait cinq ans que je ne l'ai pas vu." Elle l'identifie,
24 elle dit que c'est le n°4. La planche de photographies et les documents
25 ont ensuite été versés au dossier, mais ni l'accusation ni le témoin n'ont
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1 indiqué que le n°4 correspond à M. Delic.
2 Donc la Chambre a la déposition du témoin, a sa déclaration -"son visage
3 me dit quelque chose"-, à la photographie, etc., mais il est vrai qu'au
4 compte rendu il n'est pas dit expressément que le n°4, c'est M. Delic. Et
5 il est difficile de dire si, oui ou non, si aujourd'hui la photographie,
6 c'est celle de M. Delic. Mais en fait ce qui s'est passé lorsque cela
7 s'est produit dans le prétoire, c'est qu'il était clair pour tout le monde
8 de qui il s'agissait, il était très clair pour les Juges de qui il
9 s'agissait, à qui cette photographie se rapportait. Mais puisque cela a
10 été mentionné par la défense, je voulais le dire.
11 M. le Président (interprétation): Est-ce que nous avons la pièce à
12 conviction dans le dossier?
13 M. Farrell (interprétation): Oui, oui. La pièce à conviction, la
14 déclaration du témoin. Mais il n'est pas dit expressément qu'elle avait
15 identifié cette personne dans le cadre de l'examen de ces photographies.
16 Voici donc tout ce que je voulais dire en ce qui concerne les motifs
17 d'appel de M. Delic.
18 M. le Président (interprétation): Merci. Maître Karabdic, est-ce que vous
19 souhaitez répondre?
20 Non, je vois que c'est Me Moran qui s'en charge, très bien.
21 M. Moran (interprétation): Eh bien, je vais procéder par ordre inversé
22 assez rapidement, si vous me le permettez.
23 On parle de cette série de photographies, il s'agit d'une pièce versée par
24 la défense. Que ce soit bien clair, c'est une pièce de la défense.
25 L'accusation fait preuve d'un grand sens d'éthique, donc nous voudrions
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1 que tout soit clair. Ils nous ont communiqué cette série de photographies
2 et nous en avons demandé le versement. C'est ainsi que cette pièce est
3 devenue une pièce versée au dossier par le biais de la défense, je le
4 précise. Bien.
5 L'accusation doit prouver l'identité des accusés. Cela fait partie de la
6 charge et de la preuve qui est la leur. Et si cette identification
7 n'apparaît pas dans le compte rendu, dans le dossier, eh bien, ils ont
8 failli à cette obligation et lorsqu'on en vient au fait de citer des noms,
9 et si on se penche sur ce que dit le témoin T, on s'aperçoit qu'on a
10 discuté du fait de savoir si le témoin T avait été accusé de viol.
11 Dans le cadre du contre-interrogatoire, on lui a soumis le témoignage de
12 Mme Cecez, qui a été tiré du compte rendu. On le lui soumet tel qu'elle
13 l'a parlé et on lui demande: "Est-ce que cette femme s'est trompée ou est-
14 ce que vous êtes, vous-même, un criminel de guerre?" Le témoin T, bien
15 évidemment, nie formellement les allégations formulées contre lui.
16 Et puis ensuite, il y a un petit débat qui apparaît dans le compte rendu.
17 D'après ce dont je me souviens, c'est peut-être le Juge Jan ou peut-être
18 l'accusation qui dit: "Mais peut-être qu'elle se trompe simplement sur le
19 nom."
20 Bon, peut-être effectivement, qu'elle se trompe sur le nom du témoin T,
21 mais si elle se trompe sur le nom du témoin T, elle peut aussi bien se
22 tromper sur le nom de Hazim Delic.
23 Et puis, il n'y a eu aucune identification formelle pendant toute la durée
24 du procès. Monsieur Delic s'est tenu à sa place, à la place qu'il occupe
25 aujourd'hui, et jamais personne n'a demandé au témoin de dire si elle
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1 voyait, dans la salle, la personne qui l'avait violée. Jamais cette
2 question n'a été posée.
3 Le Juge Hunt a posé la question de la crédibilité, de la fiabilité. Bien
4 sûr que la chose a été très mal formulée.
5 M. le Président (interprétation): Voyons, que tout soit clair.
6 Moi, j'émets un avis personnel sur la formulation de ce qui a été dit dans
7 le cadre de l'arrêt Tadic, c'est tout. Est-ce que c'est bien ce qu'il
8 voulait dire, à ce moment-là? Je ne peux pas le dire.
9 M. Moran (interprétation): Mais tout de même, quand des juges écrivent une
10 opinion, nous pouvons penser que ces juges, lorsqu'ils invoquent un
11 critère juridique, ils veulent effectivement invoquer ce critère. Nous
12 pouvons ne nous en remettre qu'à ce qu'ils écrivent.
13 Moi, j'avance que les trois Juges de la Chambre de première instance ont
14 dit exactement ce qu'ils avaient l'intention de faire. Ils partaient de
15 l'idée qu'il y avait présomption de fiabilité, de crédibilité.
16 Et si c'est effectivement l'approche qu'ils ont adoptée, eh bien, ils ont
17 très clairement inversé ou renversé la charge de la preuve en disant
18 qu'aucun témoin n'est fiable, en disant que chaque témoin doit être jugé
19 sur les fondements mêmes de son témoignage et il n'y a pas de présomption
20 qui joue dans un sens ou dans un autre. Voilà ce que j'avais à dire.
21 Maintenant, pour les chefs d'accusation 3 et 4, on a beaucoup parlé de
22 cette question des personnes protégées. Moi, je crois que tout cela a été
23 abondamment débattu devant la Chambre. C'est un point de droit. Est-ce que
24 ces personnes étaient protégées ou pas? Tout cela apparaît dans le
25 mémoire.
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1 L'accusation dit que les éléments de preuve étaient en quantité suffisante
2 pour les chefs d'accusation 3 et 4. L'accusation, en faisant une telle
3 affirmation, demande à la Chambre d'appel de prendre en compte des
4 éléments de preuve qui n'ont pas été utilisés par la Chambre de première
5 instance.
6 Et je pense que ce n'est pas juste, parce que nous demandons à la Chambre
7 d'appel de faire des conclusions factuelles. Nous ne savons pas de quelle
8 façon...
9 M. Bennouna: Sur un point précédent… Je m'excuse. Je reviens très
10 rapidement à un point précédent que vous avez rappelé. C'est sur la
11 question de personne protégée.
12 (Problèmes d'interprétation.)
13 Est-ce que vous avez l'interprétation?
14 M. Moran (interprétation): Je vous entends Monsieur le Juge.
15 M. Bennouna: C'est très simple. Monsieur Farrell nous a rappelé, tout à
16 l'heure, sur la question de personne protégée, un paragraphe 265 dans
17 affaire Celebici du jugement.
18 Dans le jugement où il est dit…
19 (Le Juge Bennouna poursuit en anglais.)
20 M. Bennouna (interprétation): Il est très clair que les victimes des actes
21 allégués dans l'acte d'accusation ont été arrêtées sur la base de leur
22 seule appartenance ethnique" (fin de citation)
23 M. Bennouna: La question que je voudrais vous poser et j'aimerais avoir
24 votre opinion là-dessus: "Est-ce que vous ne pensez pas que pour la
25 partie, une des parties, la partie bosniaque musulmane, ceux qui
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1 appartiennent à l'autre ethnicité sont présumés être les ennemis, être des
2 personnes… et, par conséquent, être des personnes d'une autre nationalité,
3 de l'autre bord? Etre une personne du bord opposé?
4 Il y a donc une certaine présomption qu'à partir du moment où ils
5 appartiennent à une autre ethnicité –ici, c'est l'ethnicité serbe– ils
6 sont considérés comme étant ennemis et ils ont été arrêtés sur cette base.
7 Voilà ce que nous a dit... Enfin, M. Farrell ne nous a pas dit cela, il
8 nous a rappelé le jugement.
9 Mais voilà la question que je vous pose pour compléter ce point.
10 M. Moran (interprétation): Absolument, Monsieur le Juge.
11 D'après moi, le terme "national", "nationalité", tel qu'utilisé dans la
12 définition des personnes protégées à l'article 4 de la convention est
13 distinct, dans son acception, du terme très couramment utilisé
14 "nationalité" qu'on utilise dans le quotidien, notamment en ex
15 Yougoslavie. En ex-Yougoslavie, quand on parle de "nationalité", en fait,
16 on parle d'ethnicité dans une conversation courante. Et la "nationalité"
17 telle qu'elle est utilisée dans la convention, c'est un terme très précis,
18 un terme juridique qui a trait à la citoyenneté, à l'appartenance à un
19 Etat.
20 C'est ce qu'il me semble du moins et je serais choqué d'entendre qu'il va
21 autrement. Et étant donné cela, le fait que ces personnes étaient des
22 Serbes ou des Croates ou des Irlandais n'a aucune importance, au moment où
23 on essaie de définir ce qu'est une personne protégée.
24 La question clé, en l'occurrence, c'est de savoir si, oui ou non, ces
25 personnes étaient des ressortissantes de la Bosnie-Herzégovine, quelle que
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1 soit leur appartenance ethnique, leur croyance religieuse, quel que soit
2 leur nom de famille, quel que soit quelque autre facteur qui découle de la
3 définition donnée par les conventions.
4 Est-ce que je vous ai répondu?
5 M. Bennouna: Parce que c'est que je pensais aussi de ce que j'ai vu
6 notamment au sein de ce Tribunal. Je reprends votre terme, c'est que
7 (Le Juge Bennouna poursuit en anglais.)
8 M. Bennouna (interprétation): En ex-Yougoslavie, effectivement, la
9 "nationalité", cela veut dire la "citoyenneté", du moins dans les
10 conversations courantes.
11 M. Bennouna: … présenter et dire: "Je suis de nationalité musulmane ou je
12 suis de nationalité serbe ou croate", ils ne se réfèrent pas à l'Etat dans
13 le sens formel du terme.
14 Il est bien entendu que dire déjà a priori "Je suis de nationalité
15 musulmane" peut paraître étrange puisque "être musulman" est d'abord une
16 religion. Donc, c'est comme cela que c'est perçu dans l'ex-Yougoslavie et
17 ceci, évidemment, il reviendra à la Chambre d'en tirer la conséquence
18 quant à la relation avec les termes de la convention.
19 Je vous remercie.
20 M. Moran (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Juge. Il y a eu une
21 petite chose qui m'est venue à l'esprit.
22 Il y a eu des endroits dans le compte rendu où on s'aperçoit que dans le
23 cadre du contre-interrogatoire, on demandait au témoin: "Mais quelle est
24 votre nationalité?". Il disait: "Eh bien, je suis serbe".
25 Et ensuite, on essayait de rendre les choses plus claires. Vous voulez
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1 dire que votre appartenance ethnique est serbe. Je n'ai pas d'exemple
2 précis, mais je me souviens très bien que cette situation s'est produite.
3 Et voilà, je vous en parle.
4 Bien, j'en viens aux chefs d'accusation 1 et 2, M. Gradovac.
5 Il y a là une personne qui dit: "Moi, oui, je l'ai fait en compagnie de
6 deux autres personnes. Aucune d'entre elles n'étant Hazim Delic."
7 M. le Président (interprétation): Attention! Nous ne vous voulons pas
8 rentrer dans ce qui a été dit dans le cadre des interrogatoires
9 principaux.
10 M. Moran (interprétation): Très bien. Mais tout de même, c'est un élément
11 de preuve essentiel.
12 Pour ce qui est maintenant des chefs d'accusation 46 et 47, l'accusation
13 nous dit que Delic a été condamné pour des actes auxquels il a directement
14 pris part. C'est parfaitement exact, je ne le remets pas en doute, mais
15 l'accusation demande à cette Chambre d'appel, en fait, d'inverser, de
16 casser l'acquittement de M. Delic au titre de sa responsabilité en tant
17 que supérieur hiérarchique.
18 Quand vous regardez les paragraphes 11-23 du jugement, eh bien, on voit
19 comment la Chambre de première instance explique de quelle façon M. Delic
20 a violé la loi, en se basant sur la quantité de nourriture qui était
21 disponible, etc.
22 Et si, maintenant, l'accusation veut tenir M. Delic responsable, au titre
23 de la doctrine de la responsabilité du supérieur hiérarchique pour ce type
24 d'événement ou d'élément, eh bien, là, je dis qu'il faut absolument
25 invoquer le moyen de défense fondé sur la nécessité.
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1 Voilà ce que j'avais à dire. Je ne sais pas si vous avez des questions.
2 M. le Président (interprétation): Non, je vous remercie.
3 M. Farrell (interprétation): Monsieur le Juge Hunt, un instant s'il vous
4 plaît. Pour que tout soit clair. Peut-être m'a-t-on mal compris.
5 Lorsque j'ai parlé de cette pièce constituée par la série de photographies
6 et lorsque j'ai dit que "peut-être que son versement avait posé des
7 difficultés", je ne voulais pas parler de ce qui avait été fait par la
8 défense au moment où elle avait versé ces photographies, dans le cadre du
9 témoignage de Mme Cecez.
10 Moi, je faisais référence à la pièce constituée par une photographie mais
11 qui a été versée par le biais de Mme Antic. C'est la pièce 90 de
12 l'accusation, Maître Moran, et je stipule qu'il s'agit tout de même de la
13 même série de photographies.
14 M. le Président (interprétation): Parfait.
15 Nous en venons maintenant aux chefs d'accusation individuels de M. Landzo.
16 Et je donne la parole maintenant à Me Sinatra.
17 Mme Sinatra (interprétation): Merci et bonjour Monsieur le Président,
18 Messieurs les Juges.
19 J'ai demandé à Mme Murphy de venir m'aider et j'ai voulu essayer de tirer
20 partie de ces hautes technologies dont nous disposons dans ce prétoire. Je
21 voudrais utiliser notamment le rétroprojecteur. Puis-je commencer? Merci.
22 L'accusation et les fondateurs de ce Tribunal ont déclaré que la voie qui
23 menait à la paix, à la réconciliation en ex-Yougoslavie était la voie qui
24 permettait aux victimes de venir ici pour être entendus et pour se
25 soulager de leur souffrance.
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1 Peut-être que, grâce à ces procédures, les victimes peuvent rentrer en ex-
2 Yougoslavie porteuses d'un peu moins de haine et d'un peu moins de peine.
3 Mais l'intérêt de nous tous qui sommes rassemblés aujourd'hui, c'est de
4 satisfaire les intérêts de la justice.
5 Nous ne parlons pas seulement ici des droits des victimes, nous essayons
6 ici de créer un corpus de droit, fondé sur l'équité, sur l'égalité et la
7 justice pour que chaque individu puisse en bénéficier. C'est un corpus de
8 droit fragile qui est encore mal établi.
9 Nous avons un certain nombre de principes de droit dont nous pouvons
10 bénéficier, les principes fondamentaux du droit. Et au cours des derniers
11 jours, nous avons beaucoup débattu. Est-ce qu'il faut parler de la règle
12 de droit, de la justice dans sa pratique nationale?
13 Mais quel que soit le nom qu'on leur donne, Esad Landzo demande simplement
14 que les garanties minimum du droit lui soient données. Et la justice doit
15 absolument être perçue comme quelque chose de parfaitement équitable. Elle
16 doit s'appliquer aux trois parties qui ont été en présence dans la
17 tragédie yougoslave, de façon parfaitement impartiale. Et c'est la raison
18 pour laquelle je m'exprime ici.
19 D'abord, parce que la Chambre de première instance n'a pas écouté
20 l'argument relatif à l'article 21, argument invoqué par Esad Landzo et
21 article qui concerne le comportement de l'accusation. Je vais demander
22 l'aide de M. l'Huissier.
23 Je ne sais pas si vous souhaitez revoir cela, Monsieur le Président,
24 Messieurs les Juges, mais il s'agit de la déclaration qui a été faite par
25 l'accusation, déclaration dans laquelle l'accusation décrit… Enfin, je
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1 vais avancer un petit peu.
2 La Chambre de première instance, permettez-moi de la citer… D'ailleurs,
3 allumez votre écran parce que, plutôt que de me référer au paragraphe et
4 au jugement, je vais vous mettre le paragraphe sous les yeux.
5 "La Chambre de première instance a déclaré que M. Landzo affirmait qu'il
6 n'était que l'un des milliers d'individus qui pouvaient être susceptibles
7 d'être poursuivis pour des crimes perpétrés en ex-Yougoslavie. Et M.
8 Landzo déclarait que cela le plaçait dans une situation inéquitable et
9 faisait de lui, en quelque sorte, le représentant de tous ces autres
10 individus qui, eux, ne sont pas traduits devant le Tribunal
11 international." (Fin de citation du paragraphe 175 du Jugement)
12 Mais ce n'est pas du tout ce dont nous débattions. Nous ne disons pas que
13 M. Landzo est le représentant de tous ces autres individus qui seraient
14 peu susceptibles d'être poursuivis pour des crimes semblables.
15 La raison pour laquelle M. Landzo se plaint, c'est qu'il y avait seize
16 personnes d'ethnicité serbe –parlons d'ethnicité puisque le Juge Bennouna
17 nous a rappelé ce dont il s'agissait– seize personnes qui faisaient déjà
18 l'objet d'acte d'accusation devant ce Tribunal, qui avaient déjà fait
19 l'objet d'enquêtes menées par le Bureau du Procureur et qui, pour
20 certaines d'entre elles, étaient déjà en détention. Et pourtant leurs
21 actes d'accusation ont été annulés.
22 Vous avez sous les yeux la déclaration de l'accusation. Vous voyez ce que
23 dit Louise Arbour, ancien procureur du Tribunal, qui dit qu'elle casse ces
24 actes d'accusation pour trois raisons.
25 D'abord, des raisons d'administration économique des moyens du Tribunal;
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1 deuxièmement, que ces Serbes n'avaient pas de haut rang militaire,
2 n'étaient que des gardes qui accomplissaient des ordres et qu'elle veut
3 préserver les ressources du Tribunal afin de les utiliser pour ceux qui
4 avaient vraiment des responsabilités de supérieurs hiérarchiques. Je ne
5 cite pas son quatrième argument.
6 Tout ceci est parfaitement franc et tout à fait légitime mais, étant donné
7 que la décision de la sentence est tellement critique, il faut qu'elle
8 soit prise de façon totalement objective. Si elle n'est pas appliquée de
9 façon objective, nous serons confrontés à toute sorte des problèmes.
10 Et s'il apparaît qu'il n'y a pas assez d'argent… Pardon. S'il apparaît
11 qu'il y a assez d'argent et de temps pour poursuivre un garde bosniaque
12 qui n'a pas de grade militaire mais qu'il n'y a pas, par ailleurs, assez
13 de temps et d'argent pour poursuivre des gardes serbes qui se trouvaient
14 dans la même position, au niveau du grade, alors plus personne ne
15 respectera ce Tribunal.
16 Il faut être extrêmement délicat dans la façon dont nous abordons ce
17 sujet. Ici, les apparences comptent aussi lourdement que la substance, que
18 le fond.
19 Et à moins que le public ne soit convaincu que c'est ici une justice
20 équitable qui est rendue et que les deux côtés au conflit sont punis de
21 façon parfaitement équitable, alors jamais nous ne pouvons substituer, aux
22 conflits sanglants, le droit dans toute sa noblesse.
23 Je voudrais maintenant vous soumettre, avec l'aide de l'huissier, des
24 requêtes formulées par l'accusation qui visaient à obtenir justement
25 l'annulation de ces actes d'accusation dressés contre les seize serbes
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1 dont j'ai parlé tout à l'heure.
2 Je précise que l'accusation n'a pas d'objection à élever. Il s'agit là de
3 documents publics du Tribunal pénal international dont chacun peut
4 bénéficier. Je vais vous les faire distribuer.
5 Lorsque je parle de Serbe ou de Musulman ou de Bosnien, je parle de
6 Musulman de Bosnie et de Serbe de Bosnie vivant en Bosnie-Herzégovine. Et
7 les personnes qui ont vu leur acte d'accusation annulé étaient des Serbes
8 qui venaient de la République Fédérale de Yougoslavie. La RFY.
9 Et j'aimerais également ajouter que personne ayant pris part aux conflits
10 armés dans l'ex-Yougoslavie ne se trouvait à un grade inférieur à celui
11 occupé par Esad Landzo. C'était un jeune homme de 18, 19 ans qui a été
12 entraîné dans ce conflit, alors qu'il n'avait aucune formation militaire.
13 Il a été entraîné dans ce conflit parce que sa famille, son domicile, sa
14 culture même, ont été la cible d'attaque et d'offensive. Et je l'entends
15 au sens littéral, Konjic a été pilonnée par les forces serbes de Bosnie.
16 Elle a été pilonnée pendant plus de mille jours, soit plus de trois ans
17 d'affilée.
18 Le Tribunal pour le Rwanda a passé un accord avec le gouvernement du
19 Rwanda et il est très clair que les personnes qui n'avaient pas de
20 responsabilité, à proprement parler, seraient poursuivies devant les
21 Tribunaux rwandais. Et le cas d'Esad Landzo devait être entendu par des
22 tribunaux de Bosnie. Le fait de maintenir la condamnation d'Esad Landzo
23 viole ces droits énoncés par l'article 21.
24 L'article 21.1 indique que toutes personnes sont créées égales, non,
25 pardon ce n'est pas ça. Cela, c'est la Bible.
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1 Chaque personne est égale devant la loi telle qu'elle est dictée par le
2 Tribunal pénal international. Alors quelle mesure prendre, je ne sais pas.
3 Au niveau de la Chambre de première instance, il aurait fallu que cette
4 affaire soit renvoyée devant les tribunaux de Bosnie-Herzégovine.
5 Mais ici, devant la Chambre d'appel, je ne sais pas quel recours demander.
6 Moi, je suggère que peut-être il faut annuler l'affaire. Je ne sais pas
7 s'il y a des questions que vous souhaiteriez me poser sur cette question
8 des poursuites sélectives engagées par l’accusation.
9 M. Riad (interprétation): Maître Sinatra, d'abord bonjour.
10 Mme Sinatra (interprétation): Bonjour, Monsieur le Juge.
11 M. Riad (interprétation): Vous parlez de poursuite sélective, mais pour
12 être sélective, il faut qu'il y ait une intention bien réelle de procéder
13 à une certaine sélection. Diriez-vous qu'il y a effectivement ce type de
14 sélection?
15 Vous dites que M. Landzo était considéré comme le représentant de la
16 communauté musulmane. Apparemment, d'autres Musulmans ont également fait
17 l'objet d'acte d'accusation. Il n’a pas été mis en état d'accusation parce
18 qu'il était le représentant. Il était simplement une personne parmi un
19 groupe de personnes.
20 Est-ce que ce groupe de personnes, d'après vous, était constitué de
21 représentants?
22 Mme Sinatra (interprétation): Oui, je crois que c'est le cas. Parce que si
23 vous faites une analyse statistique des personnes concernées, vous vous
24 apercevrez qu'il n'y a que trois Musulmans de Bosnie qui sont détenus par
25 ce Tribunal. Et je crois qu'elles sont toutes dans cette salle, à moins
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1 que je ne me trompe.
2 Je crois que le Tribunal a décidé de maintenir la procédure contre les
3 autres Musulmans de Bosnie, contre M. Landzo parce que M. Landzo a
4 exactement la même position que les personnes qui faisaient l’objet d’un
5 acte d’accusation, mais qui étaient serbes et dont l'acte d'accusation a
6 été annulé.
7 M. Riad (interprétation): Et la deuxième question qui est la mienne est
8 celle-ci: est-ce qu'il est exactement dans la même position que les autres
9 seize personnes dont vous parlez?
10 Mme Sinatra (interprétation): Je n'ai pas lu les actes d’accusation de
11 chacune de ces seize personnes. Moi je vous renvoie à ce qu'a dit le
12 Procureur Arbour, déclarant qu'elle cassait ces actes d'accusation parce
13 que les personnes concernées n’occupaient pas de grade militaire assez
14 élevé, qu'elles n'avaient pas de responsabilités de supérieur hiérarchique
15 et qu’elle voulait se concentrer sur des affaires où il y avait vraiment
16 un problème de responsabilité du supérieur hiérarchique. Elle voulait
17 consacrer les ressources du Tribunal à ce type d'affaire.
18 M. Riad (interprétation): Mais quand vous dites qu'il était exactement
19 dans la même position que ces autres personnes, ces autres personnes
20 étaient-elles en liberté ou est-ce qu'elles avaient fait l’objet d’une
21 arrestation? Est-ce qu'elles avaient déjà fait l'objet d'un acte
22 d'accusation? Est-ce qu’elles se trouvaient déjà devant ce Tribunal?
23 Mme Sinatra (interprétation): Mais je m'en remets à vous, Monsieur le
24 Juge, parce que je crois que c'est vous-même qui avez signé l'ordonnance
25 permettant d'annuler ces actes d’accusation. Etant donné que c'est vous
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1 qui avez signé cette ordonnance, c'est sans doute vous qui êtes le mieux
2 positionné pour nous dire qui était détenu et qui était encore en liberté.
3 Je crois que certains d'entre eux étaient détenus par le Tribunal, mais je
4 crois que, pour la plupart, ils étaient encore en liberté.
5 M. Riad (interprétation): Très bien. Mais les personnes qui étaient en
6 détention n'avaient pas encore comparu devant une Chambre de première
7 instance, n’est-ce pas?
8 Est-ce qu’à la même époque, M. Landzo était déjà en procès devant la
9 Chambre de première instance?
10 Mme Sinatra (interprétation): Parfaitement. Son procès a commencé en mars
11 1997 et je crois que l'accusation a cassé ses actes d’accusation dans le
12 courant du printemps 1998.
13 M. le Président (interprétation): Oui, cela c'est passé le 8 mai 1998,
14 alors que le procès était déjà bien entamé.
15 M. Riad (interprétation): Le procès était bien entamé?
16 Mme Sinatra (interprétation): Oui. Il avait commencé, il y avait plus d’un
17 an.
18 M. Riad (interprétation): Et pourtant, vous affirmez toujours que toutes
19 ces personnes étaient dans la même position que celle de M. Landzo?
20 Mme Sinatra (interprétation): Si vous parlez des ressources financières du
21 Tribunal, alors non. La situation financière n’était pas la même pour tous
22 parce que M. Landzo, lui, avait déjà eu à faire face à l'équivalent d'une
23 année d’éléments de preuve versés par l'accusation contre lui.
24 Mais si on regarde les grades de ces personnes, le poste qu’elles
25 occupaient avant d'être amenées devant ce Tribunal, on s’aperçoit que
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1 personne n'occupait un rang moins élevé que celui occupé par M. Esad
2 Landzo dans la chaîne de commandement. Je crois que sur ces seize, la
3 plupart de ces personnes avaient un grade plus élevé que lui.
4 M. Riad (interprétation): Partons du principe que, comme vous le dites,
5 toutes ces personnes étaient d'une origine relativement modeste et avaient
6 des grades relativement modestes également, dès lors que l'on parle de la
7 responsabilité du supérieur hiérarchique.
8 Et partant également du principe, les crimes commis étaient à peu près du
9 même type, est-ce que vous concédez toujours que le fait que le Procureur
10 ait décidé de ne pas poursuivre des personnes occupant ce type de grade et
11 qui s'étaient rendues coupables, a priori, de crime de guerre?
12 Est-ce que vous pensez toujours que cela suppose que ceci devrait
13 également s'appliquer aux personnes qui déjà se trouvaient devant le
14 Chambre de première instance? Ou bien est-ce que vous pensez que cela ne
15 doit s’appliquer que pour les personnes susceptibles de venir à l’avenir?
16 Mme Sinatra (interprétation): Non, moi ce qui me préoccupe, c'est qu'il
17 faut absolument que ce procès soit considéré comme équitable et qu’il doit
18 s’appliquer rétroactivement et également à l'avenir.
19 M. Riad (interprétation): Mais s'il devient rétroactif, est-ce qu'il doit
20 s'appliquer à tous ceux qui ont déjà fait l’objet d’une condamnation?
21 Mme Sinatra (interprétation): Mais, à cette époque-là, je crois que seules
22 trois ou quatre personnes avaient reçu condamnation.
23 M. Riad (interprétation): Mais, à quel point voulez-vous que ceci soit
24 rétroactif?
25 Mme Sinatra (interprétation): Mais nous en sommes au balbutiement du droit
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1 tel que formulé par ce Tribunal en 1998. Disons que, oui, il faudrait que
2 cela s'applique totalement de façon rétroactive parce que nous parlons de
3 quelqu'un qui n'avait pas de responsabilité du supérieur. Donc, nous
4 excluons Aleksovski, nous excluons Blaskic, nous excluons Tadic.
5 Alors nous n'entraînons pas une réaction en chaîne monumentale sur toutes
6 les condamnations qui ont pu, jusqu’à ce jour, être prononcées devant ce
7 tribunal.
8 M. Riad (interprétation): Mais vous voulez donc une nouvelle politique qui
9 s'applique, du jour où cela est annoncé, et l'on dit: "Voilà, c'est un
10 changement de politique qui s'applique à tous ceux qui ne sont pas encore
11 devant une Chambre de première instance."
12 Mme Sinatra (interprétation): Je vous comprends, Monsieur le Juge. Je
13 comprends l’idée que vous poursuivez.
14 M. Riad (interprétation): C'est moi qui essaie de vous comprendre.
15 Mme Sinatra (interprétation): Je suis conseil de la défense de M. Landzo
16 et, en tant que son conseil, je constate qu'il était dans une situation
17 totalement similaire à celle des seize autres personnes qui ont vu leur
18 acte d’accusation cassé.
19 Etant donné que ces seize personnes ont eu un acte d’accusation qui a été
20 annulé, je crois que, lui aussi, aurait dû voir le sien annulé pour les
21 mêmes raisons.
22 M. Riad (interprétation): Vous êtres un conseil de la défense et pourtant
23 vous nous dites également de quelle façon vous pensez que le Tribunal
24 devrait fonctionner.
25 Vous parlez au nom de la justice et c’est pour cela que je me tourne vers
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1 vous, que je me pose la question. Je ne le ferai pas. Je vous demande si
2 vous pensez que cela devrait être rétroactif et si vous pensez que nous
3 devrions changer totalement la politique à appliquer à l’avenir.
4 Est-ce que vous voulez totalement changer la façon de fonctionner du
5 Tribunal?
6 Mme Sinatra (interprétation): Je crois que le système de fonctionnement
7 juridique qui est en place en Bosnie-Herzégovine fonctionne de telle
8 façon, à l’heure actuelle, qu'il peut permettre d'élaborer des actes
9 d'accusation, de poursuivre des personnes qui appartiennent à la catégorie
10 que nous avons définie jusqu'à présent.
11 M. Riad (interprétation): Et qu'en est-il du Statut? Le Statut, lui,
12 n'établit aucun critère pour ce qui est du type de catégorie d'accusés que
13 le Tribunal est compétent à poursuivre?
14 Mme Sinatra (interprétation): Je ne remets pas en question les compétences
15 du Tribunal. Le Tribunal est compétent pour ce type d'affaire.
16 Ce que je dis simplement, c'est que pour qu'il y ait une perception des
17 qualités, pour que tout le monde soit bien convaincu que les articles
18 énoncés à l'article 21 du Statut du Tribunal sont des articles qui sont
19 véritablement appliqués et que, notamment, il faut que toutes les
20 personnes soient considérées comme égales devant le Tribunal
21 international. Pour que tout ceci soit perçu par l’opinion publique, il
22 faut que M. Landzo soit traité de façon égale et non pas inégale par
23 rapport aux seize Serbes qui ont vu leur acte d'accusation annulé.
24 Je ne sais pas quel est le recours demandé. Moi, ce que je sais c’est que
25 le droit tel qu'énoncé à l'article 21.1 a été violé.
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1 M. Riad (interprétation): Vous pensez qu'il faudrait mettre M. Landzo sur
2 un pied d’égalité avec ces seize personnes?
3 Mme Sinatra (interprétation): Oui.
4 M. le Président (interprétation): Mais peut-on rétablir les faits? Aucun
5 des seize Serbes dont vous parlez n’était encore jugé, n’était encore
6 devant ces juges au moment dont vous parlez.
7 Mme Sinatra (interprétation): C'est exact.
8 M. le Président (interprétation): Avez-vous lu le bas de la première page
9 de l'article de presse que vous avez cité?
10 Le Procureur disait qu’elle voulait se concentrer, non seulement sur des
11 personnes qui avaient des responsabilités importantes mais également sur
12 les personnes responsables individuellement de brutalités et de crimes
13 graves. Je crois que c'est un point que vous auriez dû également prendre
14 en compte.
15 Mme Sinatra (interprétation): Oui, je pense que cela a dû être pris en
16 compte, s'agissant des Serbes qui étaient accusés d'un nombre de crimes,
17 de violations et de tortures supérieur à celui de M. Landzo.
18 M. le Président (interprétation): Mais leur procès n'avait pas encore
19 commencé?
20 Mme Sinatra (interprétation): Non, en effet.
21 M. le Président (interprétation): Vous avez terminé?
22 Mme Sinatra (interprétation): J’avais fini sur ce point, et si vous le
23 permettez…
24 M. le Président (interprétation): Peut-on parler d'un motif à la fois, je
25 vous prie?
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1 Monsieur Staker vous avez la parole.
2 M. Staker (interprétation): L'argument a été avancé selon lequel M. Landzo
3 était un auteur de crimes occupant une position très basse dans la
4 hiérarchie.
5 Pour autant que j'ai compris ce qui se passe devant ce Tribunal, je ne
6 crois pas que cela puisse être un motif d'appel que de dire que l'auteur
7 d'un crime n'a pas un poste suffisamment important. Nous avons vu le
8 document qui a été placé sur le rétroprojecteur qui traitait du Tribunal
9 créé pour poursuivre les auteurs de crimes importants.
10 Mais je crois comprendre que l'argument se fonde sur un motif de
11 discrimination et que ce que dit la défense, c'est que la position de
12 l’auteur du crime n'était pas suffisamment importante.
13 Mme Sinatra (interprétation): C'est exact.
14 M. Staker (interprétation): Dans ce cas, je pense qu'il faut partir de
15 l'hypothèque que le Tribunal a compétence et donc capacité pour juger les
16 auteurs de crime, quel que soit leur poste ou leurs responsabilités. Je ne
17 crois pas qu'il ait jamais été dit que le Procureur n'a pas le droit
18 discrétionnaire de décider quelles sont les affaires qui seront jugées
19 devant ce Tribunal.
20 Je crois qu'il est tout à fait possible de juger des auteurs de crimes
21 occupant des positions assez basses dans la hiérarchie, et que tous les
22 crimes commis dans l'ex-Yougoslavie sont susceptibles d'être jugés par ce
23 Tribunal. Il n'y a donc pas sélectivité.
24 Le Procureur de ce Tribunal, cela étant, devra toujours se montrer
25 sélectif d'une certaine façon. Il ne peut pas y avoir objectivité par
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1 rapport à la sélectivité en tant que telle. La question qui se pose ici,
2 c'est la question de la sélectivité inacceptable.
3 Maître Sinatra affirme que M. Landzo a été jugé alors que d'autres
4 personnes occupant une situation identique ne l'ont pas été. Comme nous
5 l'avons dit dans notre mémoire en réponse, et comme cela a été exposé dans
6 des arguments présentés précédemment, rien ne justifie d'avancer
7 l'argument selon lequel M. Landzo avait une situation identique à celle
8 des personnes dont les actes d'accusation ont été annulés. La raison pour
9 laquelle il est jugé, c'est que son procès avait déjà commencé, il est
10 donc tout à fait difficile de retirer un acte d'accusation contre
11 quelqu'un dont le procès a déjà commencé. On ne peut pas comparer cela
12 avec quelqu'un dont le procès n'a pas encore commencé.
13 M. le Président (interprétation): Mais soyons précis, je vous prie. Maître
14 Sinatra avance le chiffre de seize personnes, alors que quatorze actes
15 d'accusation ont été annulés par l'accusation. Il semble donc que deux
16 d'entre eux étaient déjà en prison mais pas encore jugés? C'est un point
17 qui n'est pas tout à fait clair pour moi.
18 M. Staker (interprétation): Je crois que cela pourra être éclairci après
19 la pause. Je ne pense pas qu'il a jamais été dit qu'un procès avait
20 commencé contre l'un quelconque de ces hommes.
21 M. le Président (interprétation): Non, en effet, Me Sinatra ne l'a pas
22 dit, mais elle a fait référence à seize personnes, alors que le document
23 du Procureur avance le chiffre de quatorze, en affirmant qu'aucun de ces
24 hommes n'avait été arrêté ce qui, à mon avis, crée une différence
25 significative.
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1 Mais si les deux personnes en détention ont également été libérées et que
2 les charges pesant sur eux ont été annulées, je crois qu'il faudrait le
3 savoir.
4 M. Staker (interprétation): Monsieur le Président, je dis cependant qu'il
5 doit y avoir une différence entre une personne dont le procès a déjà
6 commencé...
7 M. le Président (interprétation): Je vous comprends tout à fait. Mais si
8 j'ai bien compris ce qu'a dit Me Sinatra, il y a au moins deux personnes
9 qui sont dans une situation intermédiaire, qui sont en détention mais dont
10 le procès n'a pas commencé.
11 M. Staker (interprétation): Nous allons vérifier cela.
12 M. Riad (interprétation): Je crois que je me rappelle la situation. Si ma
13 mémoire est bonne, mais je vais devoir le vérifier, bien sûr, je crois que
14 ces hommes...
15 M. Staker (interprétation): Je prie les interprètes de m'excuser. Même si
16 les arguments avancés par Me Sinatra étaient valables sur le plan
17 juridique -et nous affirmons qu'il n'est pas exact que M. Landzo ait été
18 sur un pied d'égalité avec les hommes pour lesquels l'acte d'accusation a
19 été annulé-, j'aimerais tout de même traiter de la pertinence des
20 principes juridiques en cause. Et je reviens sur un point que j'ai déjà
21 évoqué plus tôt aujourd'hui.
22 Dans le mémoire en appel déposé au profit de M. Landzo, il est fait
23 référence au droit national -et là encore, on parle de droit national
24 correspondant à un seul système judiciaire, c'est-à-dire celui des Etats-
25 Unis d'Amérique.
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1 Par ailleurs, je fais remarquer qu'il est de pratique courante dans ce
2 Tribunal, et je crois que le Procureur entend la chose de cette façon, que
3 des copies de toutes les sources doivent être déposées à l'appui du
4 mémoire en appel, c'est ce que prévoit l'article 111 du Règlement. Le
5 mémoire en appel de M. Landzo était accompagné effectivement d'une copie
6 de la décision Pinochet, mais d'aucune autre source émanant des Etats-
7 Unis. C'est dans le registre des sources utilisées par le Tribunal et par
8 le Procureur dans sa réponse que l'on trouve une copie de ce document.
9 Nous disons que, sur le plan des principes juridiques dans la présente
10 affaire, ces principes reflètent tout à fait correctement les principes
11 juridiques applicables devant ce Tribunal. Nous pensons que ces principes
12 ne peuvent pas être invoqués à l'appui des arguments que nous venons
13 d'entendre, pas du tout.
14 Et j'aimerais vous renvoyer à l'affaire "Etats-Unis contre Armstrong",
15 page 15 du mémoire en appel de Landzo. L'affaire est mentionnée également
16 dans le registre des sources du Procureur à la page A2757, où l'on trouve
17 la liste des principes juridiques applicables.
18 En bref, on lit que le Procureur général et les Procureurs des Etats Unis,
19 qui sont donc les responsables des poursuites dans le système américain,
20 mettent en oeuvre le Code pénal du pays. En conséquence, la présomption de
21 régularité vient à l'appui de leurs poursuites. Et les tribunaux partent
22 du principe que le Procureur remplit ses fonctions correctement lorsqu'il
23 dresse un acte d'accusation dans le cadre de ses fonctions officielles.
24 Suite à la déclaration que nous avons entendue de la part du conseil de la
25 défense de M. Landzo, qui affirme que la décision de mettre en accusation
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1 ne repose pas sur une norme acceptable puisqu'il s'agit de race, de
2 religion ou d'autres, nous répondons que l'on doit partir du principe que
3 le Procureur n'a pas violé le principe de l'égalité de traitement et que,
4 si un accusé veut mettre cela en cause, il doit présenter des éléments de
5 preuve qui le prouvent.
6 Par ailleurs, il doit prouver que la politique du Procureur fédéral a un
7 effet discriminatoire et était fondée sur des objectifs discriminatoires.
8 Et puis, il y a une autre affaire qui est peut-être pertinente, c'est
9 l'affaire "Oyler contre Boles", autre affaire qui est mentionnée dans le
10 mémoire en appel page 13. La page en question est reprise dans le registre
11 des sources du Procureur à la page A5930 où nous lisons, je cite: "Par
12 ailleurs, l'exercice conscient d'une certaine sélectivité dans la mise en
13 oeuvre ne constitue pas une violation de la constitution fédérale en soit.
14 Même si une politique de sélectivité peut être impliquée sur le plan
15 statistique, il n'est pas dit que cette sélectivité a délibérément été
16 mise en œuvre sur la base d'une norme injustifiable telle que la race, la
17 religion ou un classement arbitraire.
18 Ensuite, dans l'affaire "Etats-Unis contre Param", jugées non pas par la
19 Cour suprême des Etats-Unis, mais par un Tribunal fédéral, page A2787 du
20 registre des sources du Procureur, nous lisons que "lorsqu'un accusé ne
21 peut pas prouver qu'une personne dans la même situation que lui n'a pas
22 été poursuivie, il ne franchit pas le point seuil permettant de prouver
23 qu'il y a sélectivité dans les poursuites."
24 Si ces principes s'appliquent donc aux circonstances dont nous parlons,
25 quel est le résultat? Comme je l'ai déjà dit, la position de M. Landzo
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1 n'était pas identique à celle des hommes pour lesquels les actes
2 d'accusation ont été annulés. Et quelles que soient les indications
3 fournies par les statistiques, à moins que des éléments de preuve très
4 clairs ne soient présentés par M. Landzo démontrant que ces actes ont été
5 motivés par la discrimination, le rapport, le lien avec les affaires
6 américaines n'existe pas.
7 En dehors des arguments liés au retrait des charges contre certains
8 accusés -et j'ai déjà dit que la situation de Landzo et de ces accusés
9 n'était pas identique-, on trouve également un certain nombre
10 d'affirmations factuelles à la page 17 du mémoire en appel. Je cite: "Afin
11 de donner l'apparence d'une égalité de traitement, le Procureur s'est vu
12 contraint de parcourir tout le pays pour découvrir des allégations de
13 crime de guerre contre des personnes appartenant à tous les groupes
14 ethniques." (Fin de citation)
15 S'il est suggéré que le Procureur a parcouru tout le pays avec en tête un
16 objectif discriminatoire, je dois dire que l'accusation n'admettra jamais
17 un tel fait. L'appelant doit se contenter des constatations de la Chambre
18 d'appel sur ce point, et j'affirme qu'il n'y a aucune base permettant de
19 formuler de telles accusations.
20 Je dis pour ma part que c'est une accusation qui n'est pas faite contre le
21 Bureau du Procureur en se fondant sur des éléments factuels, mais qu'il
22 s'agit simplement d'une déduction tirée de l'annulation de certains actes
23 d'accusation.
24 M. le Président (interprétation): Mais Monsieur Staker, cette proposition
25 ne peut être validée que si l'on examine tous les actes d'accusation
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1 dressés jusqu'à présent, car cela ne fait pas partie des tâches du
2 Procureur, malheureusement, que d'arrêter les gens. Donc le Procureur n'a
3 pas-grand-chose à dire quant aux personnes qui comparaissent pour être
4 jugées par le Tribunal. La question donc doit être tranchée par rapport
5 aux actes d'accusation dressés jusqu'à présent, et rien ne suggère qu'il y
6 ait eu secours apporté à de nombreuses personnes ayant fait l'objet de
7 charges formelles.
8 M. Staker (interprétation): En tout état de cause, la décision par rapport
9 aux actes d'accusation, quant à ceux qui doivent être traités ou pas, doit
10 se prendre en fonction d'un certain nombre de principes légitimes qui
11 reposent sur la gravité des crimes et sur l'identité des auteurs. Par
12 exemple, on peut se demander quelle est la place de l'auteur d'un crime
13 particulier par rapport à d'autres personnes mises en accusation? La
14 question peut se poser de savoir si un auteur fournit une base pour juger
15 l'auteur d'un crime en position plus importante que lui, s'agissant de la
16 responsabilité du supérieur hiérarchique.
17 Donc on peut se servir d'une personne pour pouvoir dresser des actes
18 d'accusation contre une autre qui a une position plus importante, et donc
19 tout cela a une importance par rapport à ce qui sera décidé en matière
20 d'acte d'accusation à l'avenir.
21 Comme je l'ai déjà dit, dans les affaires américaines, le fait de comparer
22 simplement des statistiques ne suffit pas à déterminer si, oui ou non, il
23 y a eu un objectif discriminatoire; il faut qu'il y ait élément de preuve
24 démontrant la motivation discriminatoire. Il ne peut être suffisant
25 simplement de comparer des statistiques.
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1 Ce que Me Sinatra semble suggérer réellement en fait, c'est que le
2 Procureur devrait faire exactement ce qu'elle affirme que le Procureur ne
3 doit pas faire à savoir, lorsque des actes d'accusation sont présentés,
4 sur la base de ce qui apparaît être un critère légitime, mais qu'il y a
5 déséquilibre entre les nombres de personnes appartenant aux divers groupes
6 mis en accusation, eh bien, indépendamment de cela, le Procureur doit
7 chercher à mettre en accusation un certain nombre de personnes pour
8 produire une impression d'égalité de traitement. Or, Me Sinatra semble se
9 plaindre précisément de cela.
10 M. Riad (interprétation): Mais peut-être peut-on poser la question
11 suivante? Maître Sinatra a posé une question relative au fait qu'il n'y
12 avait que trois Musulmans mis en accusation: est-ce que cela est dû au
13 fait que seulement trois Musulmans ont été arrêtés ou que vous avez décidé
14 de n'en poursuivre que trois?
15 M. Staker (interprétation): Monsieur le Juge, là encore j'ai besoin de
16 vérifier. Peut-être pourrais-je vous répondre après la pause.
17 M. Riad (interprétation): Merci.
18 M. Staker (interprétation): A moins que les Juges n'aient des questions à
19 me poser, je n'ai pas d'autre argument à avancer au sujet de ce motif
20 d'appel.
21 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup.
22 M. Bennouna: J'ai une question à poser au Procureur et peut-être qu'elle
23 s'adresse aussi à Mme Sinatra qui est la suivante: quelle conséquence
24 tirez-vous du fait que nous sommes devant un Tribunal international
25 -Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, créé dans les
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1 conditions que l'on sait et qui n'a pas une compétence exclusive sur les
2 différents crimes relevant de sa compétence, c'est-à-dire crimes contre
3 l'humanité, crimes de guerre, génocides, notamment-, il n'a pas une
4 compétence exclusive sur les crimes commis dans le cadre de sa compétence
5 rationae temporis, c'est-à-dire à partir de 1991 et jusqu'à ce que le
6 Conseil de sécurité décide de mettre fin, d'arrêter sur le plan rationae
7 temporis cette compétence?
8 Il n'y a pas la compétence exclusive, il a la primauté, cela veut dire que
9 d'autres juridictions peuvent être appelées à juger ces personnes. Parce
10 qu'aussi bien Me Sinatra était en train de comparer sur le plan de la
11 discrimination ce qui se passe au niveau national par rapport à ce qui se
12 passe au niveau international, ce qui n'est pas comparable.
13 J'ai le regret de dire que, depuis ces deux derniers jours, on a tendance
14 à transposer le niveau national au niveau international sans prendre les
15 précautions nécessaires. Au niveau international, nous ne sommes pas dans
16 les mêmes conditions qu'au niveau interne, même si un certain nombre de
17 principes s'appliquent ici et là.
18 Donc le fait d'avoir annulé certains actes d'accusation, comme cela nous a
19 été présenté, de les avoir retirés, cela ne veut pas dire du tout que l'on
20 a dit que ces personnes-là ne peuvent plus faire l'objet de poursuites,
21 elles peuvent faire l'objet de poursuites ailleurs ou bien même, ce que
22 dit d'ailleurs le Procureur ici, il peut, s'il l'estime nécessaire, lui-
23 même les poursuivre plus tard en fonction de nouvelles circonstances.
24 Cela veut dire que le principe de non discrimination dont vous nous parlez
25 ne s'applique pas du tout de la même façon. C'est un pouvoir qui a été
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1 donné au Procureur par l'acte créateur du Tribunal de poursuivre les
2 personnes qu'il estime nécessaire de poursuivre en vue des preuves qu'il
3 a, mais sans qu'on lui ait demandé de poursuivre toutes les personnes qui
4 se trouvent dans la même situation.
5 Voilà la situation. J'aimerais bien avoir votre opinion l'un et l'autre
6 là-dessus. Le fait de nous ramener chaque fois, sans prendre les
7 précautions nécessaires, à la jurisprudence nationale peut être, à mon
8 avis, sujet ou source plutôt de confusion, même si la jurisprudence
9 nationale peut être utile bien sûr, mais avec les précautions nécessaires.
10 Vous êtes dans un Tribunal international. Voilà ce que je voulais dire. Si
11 vous avez quelque complément à apporter là-dessus, je serais très
12 intéressé.
13 M. Staker (interprétation): En réponse à cette question, je crois que le
14 Procureur déclarerait qu'effectivement il y a des considérations qui
15 s'appliquent à ce Tribunal, qui ne s'appliquent pas aux tribunaux
16 nationaux. Je ne suis pas sûr que le Procureur voudrait pousser cet
17 argument à l'extrême en disant que, quelles que soient les circonstances,
18 cette considération ne peut jamais être prise en compte ici, mais je crois
19 que c'est un fait supplémentaire à prendre en compte.
20 En fait, je ne crois pas qu'il soit indispensable de prendre en compte des
21 cas extrêmes potentiels dans la présente affaire car, comme je l'ai déjà
22 dit, même si l'on applique les normes qui s'appliquent aux systèmes
23 nationaux, eh bien l'affaire dont nous parlons ne correspond pas à cela.
24 M. le Président (interprétation): Maître Sinatra, vous pouvez répondre à
25 M. le Juge Bennouna et répondre également sur le plan général?
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1 Mme Sinatra (interprétation): Je vais essayer de répondre. Monsieur le
2 Juge Bennouna, je crois comprendre que vous avez parlé de la primauté du
3 Tribunal pénal international et je dirais que, lorsque l'on tente de
4 trouver les normes juridiques qui s'appliquent, on constate que parfois on
5 travaille dans le vide.
6 S'agissant des sources, nous utilisons toute sorte de sources, de réponses
7 juridiques. Et si une source existe dans le droit national, ce que nous
8 nous contentons de faire, c'est de la présenter au Tribunal; il appartient
9 aux Juges de décider quelles sont les normes du droit qu'ils souhaitent
10 appliquer. Il n'y a aucune affaire en droit international qui ait un
11 rapport avec la sélectivité des charges. Nous n'avons comme seul recours
12 que le droit national.
13 Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question et je vous prie de
14 m'excuser de n'avoir cité que la jurisprudence américaine, mais c'était
15 celle qui m'était la plus accessible, celle que je connais le mieux
16 lorsque je me trouve en Californie ou au Texas. C'est plus facile, je n'ai
17 pas de bibliothèque ici.
18 M. Bennouna: Dans le Statut du Tribunal, il y a tout ce qui a été écrit
19 sur le Tribunal. Quand on dit la primauté alors que, d'ailleurs, la future
20 Cour pénale internationale, elle, aura une compétence concurrente et non
21 pas la primauté, quand on dit la primauté cela veut dire un choix qui est
22 laissé au Procureur, c'est ça le problème de la primauté. Il n'est pas
23 obligé de faire des actes d'accusation, de traîner devant le Tribunal
24 toutes les personnes qui se trouvent dans la même situation, il a un
25 choix.
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1 Alors maintenant, le choix est fait en fonction des préoccupations du
2 Procureur, mais il est bien entendu que ces personnes, cela ne veut pas
3 dire qu'elles sont innocentées par le Procureur. Celles que le Procureur
4 ne poursuit pas et qui sont effectivement, qui sont présumées en tout cas
5 avoir commis un certain nombre de crimes graves, peuvent être poursuivies,
6 comme vous le savez, partout dans le monde, en vertu du principe de la
7 compétence universelle.
8 Voilà la situation. Donc ceci doit tempérer un peu votre idée de
9 discrimination qui va jusqu'à dire: il faut qu'une personne qui est déjà
10 jugée et condamnée, il faut la relâcher parce qu'on n'a pas appliqué le
11 principe de l'égalité qui est inscrit à l'article 21 et qui concerne tout
12 de même le principe de l'article 21, concerne la manière dont on juge les
13 gens qui sont accusés, qui sont présentés devant nous par le Procureur.
14 Mme Sinatra (interprétation): Et ce que j'affirme, c'est que même si M.
15 Staker déclare que ces hommes n'étaient pas dans la même position que
16 celle de M. Landzo, puisque le procès de M. Landzo avait commencé, je
17 pense qu'un Etat de droit estime que le processus du jugement commence
18 avec la mise en accusation. Donc si c'est bien le cas, eh bien tous ces
19 hommes étaient dans la même situation. C'est tout ce que j'ai à dire.
20 Encore un point. Monsieur Landzo est d'accord avec la position du
21 Procureur s'agissant de l'affaire Etats-Unis contre Param, si je ne
22 m'abuse, qui établit une norme que nous apprécions de toute façon.
23 M. Riad (interprétation): Maître Sinatra, pour suivre votre raisonnement,
24 puisque vous affirmez qu'ils sont dans la même situation, pensez-vous
25 qu'il faut aussi qu'il y ait intention discriminatoire? Ou est-il évident
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1 que si toutes ces personnes sont dans la même situation, la discrimination
2 est établie de ce simple fait?
3 Mme Sinatra (interprétation): Monsieur le Juge, je ne pense pas que la
4 discrimination ait été établie, mais tous ces hommes étaient dans la même
5 situation et ils auraient dû être traités de la même façon en application
6 de l'article 21.
7 S'agissant de ce que M. le Juge Bennouna vient de dire, je crois qu'il
8 parlait de la situation préalable à la mise en accusation. Moi, je parle
9 de la situation postérieure à la mise en accusation. Je n'essaie pas de
10 limiter la capacité du Procureur de mettre en accusation des personnes
11 lorsqu'il dispose de preuves suffisantes, mais je parle du traitement de
12 l'accusé après la mise en accusation devant ce Tribunal.
13 M. Riad (interprétation): Je crois comprendre que l'un des motifs du
14 Procureur était le facteur économique qui a justifié le retrait de
15 certains actes d'accusation, mais lorsqu'un procès a commencé depuis plus
16 de six mois, pensez-vous que, sur le plan économique, la situation soit
17 absolument identique?
18 Mme Sinatra (interprétation): Je ne me rendais pas compte que nous
19 pouvions mettre un signe d'égalité entre les facteurs économiques, le
20 nombre de dollars d'une part et la justice de l'autre.
21 M. Riad (interprétation): Je vous rappelle simplement que le Procureur a
22 déclaré que, sur le plan économique, il serait préférable pour le Tribunal
23 de retirer certains actes d'accusation. Mais sur le plan économique, les
24 deux situations ne seraient pas identiques, si c'est bien l'aspect
25 économique qui est pris en compte. Je formule simplement un commentaire au
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1 sujet du document du Procureur.
2 Mme Sinatra (interprétation): C'est exactement ce que je voulais dire; il
3 n'est pas acceptable que le Procureur maintienne des accusations contre
4 une personne qui est dans la même situation que d'autres, et il est
5 particulièrement inacceptable de le faire pour des raisons économiques.
6 M. Riad (interprétation): Merci beaucoup.
7 M. le Président (interprétation): Est-ce la fin de votre exposé au sujet
8 du motif avancé par vous, motif de sélectivité dans les poursuites?
9 Mme Sinatra (interprétation): Oui.
10 M. le Président (interprétation): Vous avez quelques minutes pour nous
11 parler de l'atténuation de la responsabilité et je vous rappelle que nous
12 lèverons notre audience aujourd'hui à 16 heures 30.
13 Mme Sinatra (interprétation): Dans ce cas, Monsieur le Juge, je
14 demanderais l'indulgence de la Chambre et j'aimerais commencer demain sur
15 ce nouveau sujet.
16 M. le Président (interprétation): Très bien.
17 Mme Sinatra (interprétation): Merci.
18 M. le Président (interprétation): Nous levons l'audience jusqu'à demain,
19 10 heures.
20 (L'audience est levée à 16 heures.)
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