Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mardi 18 juin 2002.)

2 (Audience publique.)

3 (Audience en appel.)

4 (L'audience est ouverte à 9 heures 05.)

5 M. le Président (interprétation): Bonjour Madame la Greffière, veuillez

6 annoncer l'affaire.

7 Mme Atanasio (interprétation): Bonjour Messieurs les Juges, il s'agit de

8 l'affaire IT-96-21-Abis, le Procureur contre Zdravko Mucic, Hazim Delic et

9 Esad Landzo.

10 M. le Président (interprétation): Je pense que pour commencer, il convient

11 de présenter des excuses aux personnes participant à cette audience, car

12 nous avons pris un certain retard. Il y avait de très bonnes raisons

13 personnelles à ce retard. Je vous remercie d'accepter nos excuses.

14 Est-ce que les appelants m'entendent?

15 Monsieur Mucic?

16 M. Mucic (interprétation): Oui.

17 M. le Président (interprétation): Monsieur Delic?

18 M. Delic (interprétation): Oui.

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Landzo?

20 M. Landzo (interprétation): Oui.

21 M. le Président (interprétation): Nous allons demander aux parties de se

22 présenter. Nous commencerons par les conseils des appelants pour M. Mucic.

23 M. Kuzmanovic (interprétation): Bonjour Monsieur le Président, je

24 m'appelle Tomislav Kuzmanovic et je suis avec Me Morrison pour défendre

25 les intérêts de M. Mucic.

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1 M. le Président (interprétation): Les conseils de M. Delic?

2 M. Karabdic (interprétation): Je suis ici présent avec mon confrère Thomas

3 Moran de Houston et je m'appelle Salih Karabdic. Nous défendons les

4 intérêts de M. Delic.

5 Mme Sinatra (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

6 les Juges. Je suis ici avec M. Murphy pour représenter les intérêts de M.

7 Esad Landzo.

8 M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous passons au Bureau du

9 Procureur.

10 M. Farrell (interprétation): Bonjour Messieurs les Juges. Au nom du Bureau

11 du Bureau du Procureur, vous avez Norman Farrell, Helen Brady, M. Carmona

12 et notre assistant Wolfgang Sakulin. Merci.

13 M. le Président (interprétation): J'ai reçu ce matin une communication

14 écrite de la part du conseil représentant les appelants, les autres

15 membres de la Chambre d'appel ont également reçu copie de ce document.

16 Monsieur Hocking, est-ce que vous avez une copie? Est-ce que l'ordre dans

17 lequel les interventions se feront convient à tout le monde? Bien sûr en

18 fonction de ce que l'accusation aura à dire. Je pense que Me Murphy va

19 parler des questions de compétence, Me Moran de la question de compétence

20 en matière de cumul de peine, et puis Me Kuzmanovic parlera des questions

21 du 5e amendement de la Constitution américaine, le droit de garder le

22 silence. Et les questions individuelles seront, elles, abordées par Me

23 Moran et Me Sinatra.

24 Est-ce que l'accusation dispose d'une copie de ce document?

25 M. Farrell (interprétation): Non, Monsieur le Président, nous ne l'avons

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1 pas vue.

2 M. le Président (interprétation): Vous allez la recevoir dans un instant,

3 vous y verrez l'ordre des interventions.

4 (Intervention de l'huissier.)

5 Ce qui est important, me semble-t-il, c'est que vous allez essayer de

6 travailler en équipe en respectant les délais prescrits par la Chambre.

7 Nous allons d'abord entendre Me Murphy qui va parler de questions de

8 compétence en matière de cumul de peine. Vous avez la parole. Vous êtes

9 prêt?

10 M. Murphy (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

11 Avant d'évoquer les dispositions du Statut du Tribunal et les Articles du

12 Règlement de procédure et de preuve, j'aimerais -si vous me le permettez-

13 faire une remarque qui va au cœur même de la question soumise à la Chambre

14 d'appel. Ceci vous montrera que ce n'est pas simplement une question

15 rhétorique ou purement académique, mais qui intervient dans la question de

16 la manière dont les peines sont administrées dans ce Tribunal.

17 Dans tous les systèmes juridiques civilisés, il y a un principe

18 fondamental de la peine selon lequel cette peine doit se fonder -quant à

19 sa sévérité- sur les éléments disponibles au moment où la peine est

20 prononcée. C'est un principe général que j'énonce ici. En l'occurrence

21 ici, en l'espèce, vous le savez, la Chambre de première instance a imposé

22 des peines à ces accusés ici présents en novembre 1998, et c'est seulement

23 en octobre 2001 que la deuxième Chambre de première instance a rendu sa

24 décision, celle qui fait l'objet du présent appel.

25 Au fond que disons-nous? Même si on laisse de côté les dispositions du

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1 Statut et celles du Règlement, les bonnes procédures d'application de

2 peine auraient exigé que cette peine soit imposée en connaissant

3 parfaitement les conditions dans lesquelles se trouvaient les accusés mais

4 en connaissant également la genèse de cette affaire telle qu'elle s'est

5 développée et telle qu'elle est consignée dans le dossier de la Chambre de

6 première instance. Cela n'a pas été fait, même si près de trois ans se

7 sont écoulés entre les deux peines imposées.

8 Si on détermine le droit, je pense qu'on constate ceci. Cette bonne

9 pratique de prononcement de peine, elle est ancrée dans le Statut et dans

10 le Règlement du Tribunal, il est logique qu'on s'attende à ce genre de

11 présentation. L'Article 24.2 du Statut combiné à l'Article 101B) du

12 Règlement font qu'une Chambre se prononçant et prononçant une peine doit

13 tenir compte de certaines questions.

14 Vous connaissez bien les dispositions, nous les avons reprises dans nos

15 mémoires, inutile de vous les redire, cependant il faut dire une chose, il

16 faut évaluer une chose, ce sont les circonstances individuelles propres à

17 chacun des accusés.

18 Si vous voyez la procédure de cette affaire dans son déroulement, que

19 constatons-nous? La première Chambre d'appel au moment de l'examen de la

20 question ne s'est pas manifestement préoccupée des arguments présentés par

21 les conseils ni de ce que dit le droit s'agissant de ces pouvoirs, mais

22 lorsque la première Chambre a ordonné de renvoyer l'affaire à une nouvelle

23 Chambre qu'on a appelé "Chambre de première instance reconstituée" c'était

24 du moins de l'avis de la deuxième Chambre de première instance un mandat

25 très limité qui se limitait, qui se confinait, à savoir s'il fallait

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1 modifier certaines peines parce que certaines charges qui étaient

2 cumulatives avaient été rejetées.

3 Maître Sinatra parlera des ramifications de tout ceci et du pouvoir

4 discrétionnaire de la Chambre. Moi l'argument que je présente est celui-

5 ci, et je le fais au nom de M. Landzo et de M. Mucic, M. Delic présente un

6 argument quelque peu différent sur ce point, l'argument que nous, nous

7 avons se résume à ceci: la Chambre d'appel a sans nul doute le pouvoir de

8 demander à une deuxième Chambre de première instance de réexaminer de la

9 question de la peine, ceci aurait pu se faire, mais à notre avis ceci

10 aurait dû se faire en vertu du 117, donnant ainsi aux appelants ce que les

11 règlements appellent un nouveau procès de droit.

12 Et lorsque le Règlement parle d'un nouveau procès en vertu du droit,

13 lorsque le Règlement parle d'un nouveau procès de droit, à notre avis,

14 cela signifie que c'est un nouveau procès tenant compte des dispositions

15 pertinentes du Statut du Règlement et du droit venant de plusieurs sources

16 dont le Tribunal connaît. A notre avis, ceci n'a pas été fait.

17 Un nouveau procès ne devait pas nécessairement être une entreprise de

18 longue haleine, personne ne dit que la deuxième Chambre aurait dû

19 reprendre des décisions déjà prises par la Chambre de première instance,

20 par la première Chambre d'appel en matière de condamnation en ce qui

21 concerne les faits qui étaient à la base de ce procès. Cela ne voulait pas

22 dire non plus qu'il fallait revenir sur la question de l'atténuation des

23 peines ou de l'aggravation des peines, des circonstances donc aggravantes;

24 tout ceci avait été déjà examiné. Mais à notre avis, les appelants avaient

25 le droit de vous soumettre, de soumettre à ce Tribunal, des faits qui

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1 étaient de nature à avoir une incidence sur leurs circonstances

2 individuelles non pas telles qu'elles se présentaient en novembre 1998,

3 mais en octobre 2000. Car c'est ce que nous soumettons respectivement, ces

4 circonstances manifestement et inévitablement avaient changé en l'espace

5 de près de trois ans.

6 A un certain égard, la question qui se pose ici se résume à ceci: est-ce

7 que le Statut, le Règlement va être appliqué de façon étroite ou est-ce

8 que, comme demande l'accusation, la Chambre va penser qu'elle a besoin de

9 pouvoirs intrinsèques, car il faut que le processus d'appel fonctionne et

10 ceci ne peut se faire que si la Chambre d'appel dispose de pouvoirs

11 intrinsèques pour diriger la conduite du procès.

12 Nous ne contestons pas que la Chambre d'appel à l'instar d'autres Chambres

13 dispose de certains pouvoirs inhérents, manifestement lorsqu'on parle de

14 questions formelles, par exemple la correction apportée à un dossier

15 d'audience, lorsqu'il y a des questions d'outrage à magistrats, ce sont là

16 des pouvoirs qui sont tout à fait reconnus, et il ne fait pas l'ombre d'un

17 doute que la Chambre a le loisir d'exercer ses pouvoirs.

18 Mais ici nous ne parlons pas de cela. L'accusation nous dit que la Chambre

19 d'appel dispose d'un pouvoir inhérent lui permettant d'avoir davantage ou

20 d'accroître ses compétences, de les étendre à un domaine qui n'est pas

21 prévu ni par le Statut ni par le Règlement, il parle là d'une

22 interprétation téléologique mais quelle que soit l'appellation qu'on donne

23 à ce fait, n'oublions pas que nous sommes ici au pénal et que la Chambre

24 d'appel, la Chambre de première instance proviennent du Statut, sont

25 déterminées par le Statut. Et le Statut, dans son Article 25.2, parle des

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1 pouvoirs et le fait de façon dénuée d'ambiguïté. L'interprétation, à notre

2 avis, doit être stricte, rigoureuse, et doit se faire en faveur des

3 accusés.

4 Je voudrais aussi évoquer autre chose. L'accusation cite l'affaire Tadic

5 comme étant un précédant qui devait déterminer et qui a déterminé la

6 conduite adoptée par la Chambre de première instance. Si l'on voit

7 l'historique de l'affaire Tadic, il apparaît clairement que lorsque M.

8 Tadic a été considéré comme étant coupable d'autres infractions, du fait

9 de la décision en appel, et qu'il y a eu renvoi à une Chambre de première

10 instance qui était composée en partie des Juges initiaux et en partie pas,

11 la Chambre de première instance a fait exactement ce que les appelants, en

12 l'espèce, estiment qu'il aurait fallu faire.

13 Ils n'ont pas uniquement examiné le dossier d'audience, ils ont obtenu

14 d'autres éléments d'information, concernant Tadic, du quartier

15 pénitentiaire. Ils ont permis à M. Tadic de faire une déclaration comme le

16 permet l'Article 100. Les appelants, en l'espèce, ont demandé à la

17 deuxième Chambre de première instance de permettre un tel déroulement. La

18 Chambre de première instance a interprété l'ordonnance de la première

19 Chambre d'appel comme ne permettant pas ceci; à leur avis, il n'était pas

20 nécessaire d'avoir de nouveaux éléments de preuve, il suffisait de se

21 prononcer sur la peine.

22 En résumé, la Chambre de première instance n'avait pas compétence pour

23 prononcer une nouvelle peine parce que l'ordonnance de la première Chambre

24 d'appel outrepassait les compétences qu'il lui revenait en vertu de

25 l'Article 24.2 du Statut et de l'Article 101B) du Règlement.

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1 La Chambre pourrait ordonner un nouveau procès de droit sur la question

2 limitée de la peine; elle ne l'a pas fait. L'accusation estime qu'il n'y a

3 pas eu de préjudice porté aux appelants puisque toutes les questions

4 pertinentes, dit-elle, avaient déjà été réglées par la première Chambre de

5 première instance. Nous estimons que ce n'était pas le cas parce que

6 manifestement, près de trois ans plus tard, ces éléments n'étaient pas

7 disponibles. A notre avis, à l'heure actuelle, nous estimons qu'il n'y a

8 pas eu peine dûment prononcée parce que la deuxième Chambre d'appel

9 n'avait pas compétence pour le faire.

10 Est-ce que vous avez des questions à poser?

11 M. Hunt (interprétation): Votre argument principal pour montrer que cette

12 procédure n'était pas correcte, c'est que vous n'avez pas eu

13 l'autorisation de présenter les moyens de preuve mis à jour?

14 M. Murphy (interprétation): Oui.

15 M. Hunt (interprétation): La Chambre d'appel a reçu demande de votre part

16 de diminuer la peine de votre client.

17 M. Murphy (interprétation): Oui.

18 M. Hunt (interprétation): Si la Chambre d'appel s'était conformée à votre

19 demande, la première Chambre d'appel aurait dû imposer une nouvelle peine.

20 M. Murphy (interprétation): Oui.

21 M. Hunt (interprétation): Mais vous ne l'avez jamais fait?

22 M. Murphy (interprétation): L'accusation a porté notre attention sur ce

23 fait mais dans son mémoire, l'accusation évoque le fait que cette

24 procédure en deuxième Chambre de première instance n'était pas une

25 procédure de novo.

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1 M. Hunt (interprétation): Ce n'était pas ma question. Vous avez demandé à

2 la Chambre d'appel de casser la décision parce que vous l'estimiez

3 excessive?

4 M. Murphy (interprétation): Oui.

5 M. Hunt (interprétation): Ce qui aurait exigé de la Chambre d'appel, si

6 elle avait décidé de le faire, de prononcer une nouvelle sentence?

7 M. Murphy (interprétation): Oui.

8 M. Hunt (interprétation): Et ceci vous aurait permis de présenter vos

9 moyens de preuve mis à jour, n'est-ce pas? C'est, en règle générale, de

10 cette façon que ça se fait dans une Chambre d'appel.

11 M. Murphy (interprétation): Eh bien, en Chambre d'appel, si je comprends

12 bien, la Chambre d'appel examine le dossier tel qu'il a été constitué par

13 la première Chambre de première instance.

14 M. Hunt (interprétation): Mais pour avoir une nouvelle sentence, vous

15 auriez dû mettre à jour ces moyens de preuve? On peut répondre par oui ou

16 par non.

17 M. Murphy (interprétation): Oui, nous aurions eu la possibilité de

18 présenter ces moyens de preuve.

19 M. Hunt (interprétation): Vous ne l'avez pas fait?

20 M. Murphy (interprétation): Non.

21 M. Hunt (interprétation): Est-ce que vous ne l'avez pas fait pour d'autres

22 raisons, si ce n'est que vous auriez pensé que ça aurait été à utiliser

23 dans un nouveau procès?

24 M. Murphy (interprétation): Nous avons demandé l'avis de la Chambre

25 d'appel pour une raison de droit qui se fondait sur le libellé de

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1 l'Article 25.2. Il fallait porter à l'attention de la Chambre d'appel

2 quelque chose qui avait été erroné au niveau de la première Chambre de

3 première instance en matière de peine. A cette fin, le dossier de la

4 Chambre de première instance était pertinent, mais je pense que si, à

5 cette occasion-là, je vous avais dit que nous avions des informations

6 mises à jour, vous auriez pu me dire: mais quelle est l'incidence de ceci

7 sur la question de savoir si la peine était excessive lorsqu'elle a été

8 imposée par la première Chambre de première instance qui faisait l'objet

9 de l'appel?

10 M. Hunt (interprétation): Il se peut que je sois un Juge d'appel depuis

11 très longtemps, depuis de nombreuses années, mais jamais je n'aurais eu

12 l'audace de dire une telle chose; l'audace de le dire, c'est ce qu'on fait

13 en général dans la Chambre d'appel.

14 M. Murphy (interprétation): Je ne sais pas quelle est la pratique de votre

15 système mais je sais que dans le système où j'ai commencé à exercer et à

16 pratiquer, la Chambre d'appel aurait pu accepter cette information. Mais

17 il est plus probable qu'elle aurait exigé qu'une Chambre de première

18 instance le fasse à sa place, parce que les questions qui se posent en

19 appel sont des questions de droit, à savoir par exemple si le Juge de

20 première instance a pris une décision excessive ou est-ce qu'elle était

21 correcte, vu les moyens de preuve présentés? Je pense que c'est la

22 question que nous avons soumise à la première Chambre d'appel.

23 Permettez-moi d'ajouter une chose: même si nous avions, à ce moment-là,

24 présenté des moyens de preuve, et même si la Chambre d'appel avait rendu

25 la même ordonnance, nonobstant le fait qu'il y avait renvoi à une deuxième

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1 Chambre de première instance, nous aurions quand même soutenu qu'il

2 fallait examiner la situation au moment de la deuxième peine, et non pas

3 au moment du premier prononcé de peine.

4 M. Hunt (interprétation): Malheureusement, vous ne l'avez pas dit, c'est

5 là le problème.

6 M. Murphy (interprétation): Je ne pense pas que la question a été soulevée

7 à l'époque, et la question du renvoi à une deuxième Chambre de première

8 instance, si je me souviens bien, n'avait pas été évoquée expressément au

9 moment du premier appel.

10 Je ne sais pas si vous avez d'autres questions, si ce n'est pas le cas, je

11 passe la parole à mon confrère.

12 M. Shahabuddeen (interprétation): Le Juge Gunawardana veut poser une

13 question. Avec micro, s'il vous plaît. Les interprètes demandent un micro.

14 M. Gunawardana (interprétation): La Chambre d'appel a renvoyé l'affaire à

15 une deuxième Chambre de première instance parce qu'il y avait eu cumul de

16 charges et qu'il fallait voir l'effet de l'acquittement sur le cumul des

17 charges.

18 M. Murphy (interprétation): Oui.

19 M. Gunawardana (interprétation): La référence à la Chambre d'appel était

20 limitée. Vous avez dit qu'il y avait eu des modifications qui étaient

21 intervenues après la première condamnation par la première Chambre de

22 première instance et avant l'audience devant la deuxième Chambre de

23 première instance.

24 Mais à quelles modifications pensez-vous? Parce que vous n'avez présenté

25 aucun moyen de preuve, parce qu'on a demandé à la deuxième Chambre d'appel

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1 de voir l'effet du cumul des charges.

2 M. Murphy (interprétation): Le fait d'apporter de nouveaux moyens de

3 preuve ou de recevoir, par exemple, un rapport du quartier pénitentiaire,

4 ceci aurait pour effet de se conformer aux exigences imposées par

5 l'Article 24.2) et le 101B) du Règlement, à savoir que les circonstances

6 individuelles de l'accusé peuvent être prises en compte. Il ne nous est

7 pas possible, et je ne dis pas que ceci aurait nécessairement fait une

8 différence parce que nous ne le savons pas.

9 M. Gunawardana (interprétation): Vous n'avez présenté aucun moyen de

10 preuve pour montrer qu'il y avait de nouvelles circonstances, donc les

11 circonstances demeurent celles qui étaient au moment du prononcé de la

12 première Chambre d'appel, à l'exception qu'il y avait cumul de charges.

13 M. Murphy (interprétation): Oui, les circonstances présidant au cumul de

14 charges sont quelque chose qui devait être examiné de l'avis de la

15 première Chambre d'appel, et nous l'avons soumise, cette question, à la

16 deuxième Chambre de première instance. Mais là, c'est de toute façon une

17 question qui aurait pu être examinée si la Chambre d'appel avait ordonné

18 un nouveau procès en vertu du 117.

19 Et en sus de cela, nous disons que le Statut et le Règlement autorisent

20 l'accusé à avoir l'occasion de soumettre au Tribunal, qui se prononce, les

21 faits qui peuvent y avoir. Et je vous comprends, il se peut que ces faits

22 n'auraient pas été considérés comme pertinents par la Chambre; il n'en

23 demeure pas moins que les appelants auraient dû avoir l'occasion de les

24 soumettre et que les accusés auraient dû avoir l'occasion de faire une

25 déclaration relative à la peine en vertu de l'Article 100.

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1 M. Gunawardana (interprétation): Mais vous n'avez fait aucun effort pour

2 le faire au début du deuxième appel.

3 M. Murphy (interprétation): Une requête avait été déposée devant la

4 deuxième Chambre de première instance au nom de M. Delic. Avant de pouvoir

5 faire d'autres requêtes, il y a eu une décision relative à la première, et

6 la Chambre a refusé d'entendre de nouveaux moyens de preuve. Ce qui veut

7 dire que nous n'avons pas eu la possibilité de présenter ces moyens.

8 M. Gunawardana (interprétation): Et la deuxième Chambre de première

9 instance a rendu une ordonnance sur les faits concernant, les faits

10 présentés à la première Chambre de première instance.

11 M. Murphy (interprétation): Oui, si ce n'est que la Chambre a dit

12 expressément qu'elle n'allait pas examiner ou tenir compte des faits. Je

13 pense que nous avons repris un extrait de la décision de la Chambre dans

14 notre mémoire. La Chambre a dit qu'elle avait reçu des instructions de la

15 Chambre d'appel pour n'examiner qu'une question, une seule.

16 Puisqu'il s'agit de peines dûment prononcées, est-ce qu'il faut faire une

17 modification parce qu'on a rejeté le cumul des charges? Et si je sais que

18 c'était vrai dans le cas de M. Landzo, il y avait une question

19 supplémentaire dans le cas de M. Mucic, mais effectivement c'était cette

20 décision, la seule, qui avait été prise.

21 M. Gunawardana (interprétation): Je vous remercie, Maître Murphy.

22 M. le Président (interprétation): Voulez-vous écouter cette question?

23 M. Meron (interprétation): Maître Murphy, j'aimerais apporter un

24 éclaircissement sur un point avec vous. Vous reconnaissez que la Chambre

25 d'appel avait compétence pour prononcer une nouvelle peine?

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1 M. Murphy (interprétation): Oui.

2 M. Meron (interprétation): Etes-vous d'avis que la Chambre d'appel aurait

3 dû tenir compte de circonstances atténuantes qui n'étaient pas disponibles

4 au moment du premier procès?

5 M. Murphy (interprétation): Monsieur le Juge, nous aurions peut-être

6 proposé de tels éléments de preuve, mais en réponse au Juge Hunt, j'ai

7 déjà dit que nous pensons, s'agissant des questions soumises à la Chambre

8 d'appel en vertu de l'Article 25, c'est de savoir si oui ou non la Chambre

9 de première instance a fait une erreur en imposant une sentence trop

10 lourde. Et ceci aurait dû se faire sur la base du dossier tel qu'il

11 existait à l'époque.

12 Si la Chambre d'appel, après avoir entendu les arguments sur ce point,

13 décide de réviser la peine, bien sûr cela ne nous pose aucun problème;

14 cela relève des pouvoirs de la Chambre. S'il avait été donné ordre à une

15 nouvelle Chambre de mener un nouveau procès, cela ne nous aurait pas posé

16 de problème non plus. Tout ce que nous disons, c'est qu'il y a une chose

17 qui ne peut pas être faite, à savoir traiter d'une question dans le vide,

18 sans aucune référence à ce qu'a déjà dit la Chambre de première instance.

19 M. Meron (interprétation): Merci.

20 M. Murphy (interprétation): Merci.

21 M. le Président (interprétation): Maître Murphy, une question de ma part,

22 si vous me le permettez. J'aurais dû peut-être être un peu plus clair que

23 je ne l'ai été. J'ai entendu vos arguments, j'ai lu vos écritures et je

24 pense qu'il est donc prudent de ma part de vous demander d'apporter un

25 éclaircissement sur un point particulier, le suivant: êtes-vous en train

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1 de dire que la deuxième Chambre de première instance a mal interprété la

2 décision de la Chambre d'appel ou bien êtes-vous en train de dire que la

3 deuxième Chambre de première instance a bien interprété la décision de la

4 Chambre d'appel?

5 Parlant de cela, je fais référence à ce que vous avez vous-même appelé le

6 "mandat limité" de la deuxième Chambre de première instance d'après

7 l'ordre prononcé de la Chambre d'appel. Dans un cas, vous attaqueriez

8 directement la compétence de la deuxième Chambre de première instance.

9 Dans le deuxième cas, vous l'attaqueriez également mais de façon

10 indirecte, car en fait le gros de vos arguments porterait contre la

11 décision de la Chambre d'appel.

12 M. Murphy (interprétation): Monsieur le Juge, nous disons que la Chambre

13 d'appel n'avait pas compétence pour renvoyer l'affaire comme elle l'a

14 fait. Je crois que ce que nous pouvons dire c'est que la deuxième Chambre

15 de première instance avait bien sûr pouvoir d'interpréter, comme elle l'a

16 fait, la décision de la Chambre d'appel. Mais le problème c'est que si la

17 Chambre d'appel n'avait pas pouvoir pour prononcer cette ordonnance, alors

18 la deuxième Chambre de première instance n'avait pas compétence pour

19 prononcer une peine.

20 M. le Président (interprétation): Mais j'aimerais vous demander de

21 confirmer un autre point à mon intention. Vous ne dites pas que les Juges

22 présents ici aujourd'hui ont pouvoir d'entendre l'affaire en appel sur la

23 base d'une décision rendue par les Juges de l'ancienne Chambre d'appel,

24 n'est-ce pas? Vous dites bien que les Juges présents ici ont compétence

25 pour reconsidérer l'affaire?

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1 M. Murphy (interprétation): Monsieur le Juge, les Juges présents dans le

2 prétoire aujourd'hui ont pouvoir d'affirmer ou d'infirmer toute décision

3 prise par les Chambres de première instance. Et la décision prise par la

4 Chambre de première instance de la présente affaire, s'agissant de Landzo,

5 a consisté d'abord à se donner compétence pour prononcer une peine. C'est

6 la question qui a été évoquée devant la Chambre de première instance au

7 moyen d'une requête. Et puis, ensuite bien sûr se pose le problème de la

8 sentence rendue par la Chambre de première instance.

9 Messieurs les Juges, vous avez pouvoir de traiter de l'ordonnance,

10 d'entendre l'affaire en appel sur la base de l'Article 26.

11 M. le Président (interprétation): Vous ne demandez pas d'entendre

12 l'affaire en appel sur la base d'une ancienne décision prise par l'autre

13 Chambre d'appel?

14 M. Murphy (interprétation): Non, Monsieur le Juge, la question qui se pose

15 ici est uniquement une question de compétence à mon avis: compétence

16 d'appliquer la décision de la deuxième Chambre de première instance qui a

17 rendu sa sentence.

18 M. le Président (interprétation): La deuxième Chambre de première

19 instance. Maintenant, j'ai une dernière question à votre attention.

20 Monsieur Landzo fait appel contre sa condamnation s'agissant du meurtre de

21 Gotovac…

22 M. Murphy (interprétation): Je crois, Monsieur le Président, qu'il s'agit

23 de M. Delic.

24 M. le Président (interprétation): Delic a été condamné également en

25 rapport avec le meurtre de Gotovac, c'est vrai, mais Landzo n'a-t-il pas

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1 été condamné au sujet de ce meurtre également?

2 M. Murphy (interprétation): Oui, il l'a été mais ce n'est pas l'objet de

3 l'appel interjeté.

4 M. le Président (interprétation): Mais la Chambre d'appel a-t-elle rejeté

5 un appel sur ce point?

6 M. Murphy (interprétation): Non, la Chambre d'appel, la seule action prise

7 par la Chambre d'appel, s'agissant de M. Landzo, a consisté à annuler

8 certains cumuls de charge. Ceci n'a pas permis d'interjeter appel contre

9 une condamnation sur le fond au sujet de l'une quelconque des charges.

10 M. le Président (interprétation): S'agissant du décès de Gotovac, M.

11 Landzo a-t-il été condamné à 20 ans, oui ou non?

12 M. Murphy (interprétation): 15, je crois Monsieur le Juge, 15. La peine

13 maximum de M. Landzo pour cette charge a été de 15 ans.

14 M. le Président (interprétation): 15?

15 M. Murphy (interprétation): Oui. Toutes les peines prononcées dans cette

16 affaire devaient être appliquées concurremment.

17 M. le Président (interprétation): Merci. Effectivement, j'ai fait une

18 erreur de lecture sur ce point. Je vous remercie.

19 M. Hunt (interprétation): Vous avez créé quelques confusions dans mon

20 esprit, je le crains, Maître Murphy. Vous dites que vous n'êtes pas en

21 train de remettre en cause la décision de la Chambre d'appel consistant à

22 renvoyer une question limitée devant une nouvelle Chambre de première

23 instance, ultra vires.

24 M. Murphy (interprétation): Je suis d'accord avec cela.

25 M. Hunt (interprétation): Mais la réponse du Juge Shahabuddeen, s'agissant

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1 de la décision rendue par la première Chambre d'appel consistait à dire

2 qu'elle n'avait pas le pouvoir de faire ce qu'elle a fait.

3 M. Murphy (interprétation): Oui.

4 M. Hunt (interprétation): Vous dites que sur la base de certains éléments

5 qui apparemment ont changé, la première Chambre d'appel n'avait pas

6 pouvoir de faire ce qu'elle a fait.

7 M. Murphy (interprétation): Oui, mais je crois comprendre la question de

8 M. le Juge comme consistant à nous demander si l'appel contre l'ordonnance

9 de la première Chambre de première instance et la seconde, donc de la

10 première Chambre d'appel, était applicable en l'espèce et en vertu de

11 l'Article 25 du Statut. Je vous prie de m'excuser si je vous ai induit en

12 erreur.

13 M. le Président (interprétation): Merci Maître Murphy.

14 M. Murphy (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

15 M. le Président (interprétation): Je passe la parole à Me Moran.

16 M. Moran (interprétation): Je pense que je peux être très clair sans la

17 moindre confusion sur ce point. Monsieur Delic demande à la Chambre

18 d'appel de revoir l'analyse relative au meurtre de Gotovac sur la base de

19 la décision Kupreskic. Je pense que c'est là qu'il y a confusion. Il ne

20 s'agit pas uniquement de Gotovac.

21 Sur la question de la compétence de la Chambre de première instance, Delic

22 adopte un point de vue un peu différent de celui de Mucic et Landzo. Mais

23 nous examinons l'affaire sur le fond devant cette Chambre et nous

24 analysons ce qu'a fait la Chambre de première instance sur le fond. La

25 Chambre d'appel avait compétence pour affirmer, annuler ou réviser la

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1 décision rendue par la Chambre de première instance.

2 Et s'agissant de Delic, ce que la Chambre d'appel a fait c'est rendre la

3 peine nulle et non avenue et renvoyer l'affaire devant une nouvelle

4 Chambre de première instance s'agissant du prononcé de la peine. Ceci a

5 été fait par voie d'ajustement et de réexamen, mais en tout cas l'action

6 de la Chambre d'appel a consisté à renvoyer la question devant une

7 nouvelle Chambre de première instance.

8 Et à ce stade, j'aimerais revenir sur les points de vue exprimés par vous,

9 Messieurs les Juges, s'agissant de la présentation des éléments de preuve

10 devant la première Chambre d'appel. Au cours du premier appel, nous avons

11 interjeté appel contre la sentence comme étant manifestement injuste. La

12 Chambre d'appel examinant le dossier qui avait été soumis à la Chambre de

13 première instance a estimé que la peine n'était manifestement pas

14 excessive mais l'a rendue nulle et non avenue en raison du cumul des

15 charges et en raison du fait que l'appelant avait vu sa peine annulée

16 s'agissant du chef n°1, c'est-à-dire le chef de meurtre.

17 La question de savoir donc si la première peine prononcée était

18 manifestement excessive n'a pas été renvoyée devant la Chambre de première

19 instance. La question de savoir si nous aurions dû ou pas présenter

20 d'autres éléments de preuve n'a jamais été débattue devant la Chambre.

21 Nous avons perdu la partie sur ce point.

22 En fait, notre façon de considérer le premier jugement de la première

23 Chambre d'appel consiste à dire que Delic était censé faire deux choses.

24 Premièrement, demander à la Chambre de première instance de réexaminer la

25 sanction qui lui avait été imposée compte tenu de la réduction de son

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1 comportement criminel global puisque la Chambre de première instance a

2 estimé qu'il avait commis un seul meurtre et pas deux, et deuxièmement, il

3 aurait dû demander à la Chambre de se prononcer sur le point de savoir si

4 oui ou non le cumul des charges avait constitué une erreur de la part de

5 la Chambre, une erreur préjudiciable.

6 Et nous pensons que c'est cela qui figurait dans l'ordonnance de la

7 Chambre d'appel lors de la saisie de la deuxième Chambre de première

8 instance. Je crois avoir souligné les différences de vue que nous avons

9 avec les autres appelants, et je demande donc à ce stade si les Juges ont

10 des questions.

11 M. le Président (interprétation): Le Juge Hunt a une question.

12 M. Hunt (interprétation): Maître Moran, vous dites que la question n'a

13 jamais été évoquée devant la première Chambre d'appel parce que vous aviez

14 perdu la partie sur ce point, mais en fait vous ne l'avez su que vous

15 aviez perdu la partie que quelque temps après, au moment de la sentence.

16 Le problème, voyez-vous, c'est que vous n'avez pas proposé que des

17 éléments de preuve supplémentaires soient examinés, car vous disiez que si

18 vous remportiez la victoire sur l'argument défendu par vous, à savoir que

19 la peine était excessive, vous pourriez obtenir également un prononcé de

20 peine totalement nouveau. Donc vous n'avez pas présenté de nouveaux

21 éléments de preuve, n'est ce pas?

22 M. Moran (interprétation): Oui, en fait, je suis d'accord avec vous, nous

23 ne les avons pas présentés.

24 M. Hunt (interprétation): J'ai une deuxième question à votre intention.

25 Dans votre réponse, vous faites référence à une décision rendue par un

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1 juge américain, le juge Scalia qui a prononcé l'expression "bombe à

2 retardement proverbial ou explosif". Avez-vous cité cette affaire

3 simplement parce que le juge a utilisé ces expressions en rapport avec une

4 tierce personne ou parce que vous estimiez que les éléments de preuve

5 évoqués dans cette affaire étaient très efficaces?

6 M. Moran (interprétation): Monsieur le Président, c'est simplement à cause

7 des mots prononcés par le juge Scalia que j'ai fait référence à cela, car

8 il est toujours possible à un Tribunal de réexaminer une affaire, même

9 s'il s'agit d'une bombe à retardement ou d'un explosif. Ce n'était pas

10 simplement sur la base des faits.

11 M. Hunt (interprétation): Vous pensez admettre que cette bombe à

12 retardement ou cet explosif que vous essayez de comparer au jugement

13 Kupreskic n'est rien de nouveau de ce côté de l'atlantique, n'est-ce pas?

14 M. Moran (interprétation): C'est terriblement nouveau pour moi.

15 M. Hunt (interprétation): La nouveauté peut résider dans des idées

16 nouvelles, mais le droit est toujours le même de ce côté de l'atlantique,

17 n'est-ce pas?

18 M. Moran (interprétation): En effet Monsieur le Juge.

19 M. Hunt (interprétation): Et je m'empresserai d'ajouter que dans tout

20 l'hémisphère Nord, c'est bien le cas. Mais vous n'avez pas fait référence

21 au Procureur qui vous a parlé d'une décision antérieure du Tribunal qui

22 évoquait exactement la même question, à savoir l'aspect suffisant des

23 éléments de preuve, et ceci se passe dans l'affaire Kunarac où il y a eu

24 acquittement sur base de requête, ceci s'est produit en juillet 2000.

25 M. Moran (interprétation): En effet, Monsieur le Juge.

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1 M. Hunt (interprétation): Bien avant l'affaire Kupreskic.

2 M. Moran (interprétation): Oui Monsieur le Juge.

3 M. Hunt (interprétation): Et bien avant l'appel Celebici.

4 M. Moran (interprétation): Oui, Monsieur le Juge.

5 M. Hunt (interprétation): Vous n'avez pas répondu à la Chambre d'appel sur

6 cette base, vous avez utilisé le mot de "fiabilité" un certain nombre de

7 fois, mais je pense que vous l'utilisez de façon interchangeable avec

8 crédibilité. Mais vous ne nous avez jamais demandé d'examiner les choses

9 sous cet angle.

10 M. Moran (interprétation): En effet Monsieur le Juge, et la raison pour

11 laquelle nous ne l'avons pas fait à mon avis, c'est qu'un jugement, une

12 opinion rendue par une Chambre de première instance, au sujet d'un

13 jugement définitif, c'est-à-dire une dernière analyse, est

14 considérablement plus convaincant et plus exécutoire qu'une ordonnance

15 d'une Chambre de première instance sur une requête au sujet d'un jugement

16 d'acquittement.

17 M. Hunt (interprétation): Il est possible que ce soit exécutoire, mais

18 votre argument consistait à dire que le Tribunal n'avait pas compétence

19 pour le faire. Ce qui n'est certainement pas le cas.

20 M. Moran (interprétation): C'est une jurisprudence de ce Tribunal qui est

21 un peu nouvelle pour moi, étant donné que c'était la première analyse

22 utilisée par cette Chambre et exécutoire pour elle.

23 M. Hunt (interprétation): Je ne vous poserai pas deux fois la même

24 question, mais vous n'avez pas d'autres explications? Je suppose que vous

25 ne connaissiez pas l'affaire Kunarac?

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1 M. Moran (interprétation): Monsieur le Président, j'ai peut-être omis de

2 l'examiner. Si c'est le cas, c'est ma faute et pas celle de mon client.

3 M. le Président (interprétation): Le Juge Gunawardana a une question à

4 vous poser.

5 M. Gunawardana (interprétation): La première Chambre de première instance

6 a bien annulé l'ascendance sur une charge.

7 M. Moran (interprétation): Oui Monsieur le Juge, il n'y a pas eu sentence

8 sur cette charge. Sur le fond, le premier appel Celebici a utilisé à

9 plusieurs reprises le terme "ajustement" en application du Statut. Donc ce

10 qui a été fait c'est annuler une sentence parce qu'il était impossible de

11 l'affirmer ou de la réviser. La seule possibilité qui restait consistait à

12 l'annuler.

13 M. Gunawardana (interprétation): Mais l'effet juridique est tout à fait

14 différent d'une sentence rendue nulle et non avenue.

15 M. Moran (interprétation): Monsieur le Juge, peut-être le mot "nulle et

16 non avenue" n'est pas le meilleur mot à utiliser.

17 M. Hunt (interprétation): Pouvez-vous nous dire ce qui a été annulé alors?

18 M. Moran (interprétation): Oui Monsieur le Juge. Si nous regardons sur le

19 fond et non simplement sur la forme, nous voyons que la compétence de la

20 Chambre en application de l'Article 25 du Statut était d'affirmer ou de

21 réviser.

22 M. Hunt (interprétation): Mais nous n'avons pas annulé.

23 M. Moran (interprétation): Monsieur le Juge…

24 M. Hunt (interprétation): Je vous demande ce qui a été fait.

25 M. Moran (interprétation): Vous avez demandé injustement une phrase

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1 utilisée par la Chambre, cela ne fait aucun doute Monsieur le Juge, je

2 suis complètement d'accord avec vous, et cette expression, cette phrase a

3 été utilisée. La question que je pose et que posent d'autres appelants

4 c'est "est-ce que la Chambre avait pouvoir ou pas, avait compétence ou pas

5 pour agir de la sorte? Et là, je parle sur le fond de ce qui a été fait.

6 M. Gunawardana (interprétation): Mais si vous adoptez la position selon

7 laquelle la Chambre a rendu l'ordonnance nulle et non avenue, alors la

8 deuxième Chambre de première instance aurait pu réaffirmer, aurait pu

9 affirmer, confirmer la sentence, n'est-ce pas?

10 M. Moran (interprétation): Monsieur le Juge, si la Chambre de première

11 instance n'avait pas compétence pour faire ce qu'elle a fait en vertu du

12 Statut, la deuxième Chambre de première instance n'aurait pas pu obtenir

13 compétence sur l'affaire.

14 M. Gunawardana (interprétation): Mais la situation n'est pas tout à fait

15 comme vous la décrivez. Si la première Chambre d'appel a rendu

16 l'ordonnance nulle et non avenue, la deuxième Chambre de première instance

17 pouvait confirmer la sentence, la peine prononcée. La peine pouvait

18 confirmer l'acquittement.

19 M. Moran (interprétation): Monsieur le Juge, je ne suis pas sûr de tout à

20 fait bien comprendre votre argument, j'ai donc quelque mal à y répondre.

21 Je vous demanderai de m'éclairer sur ce point, je vous prie.

22 M. Gunawardana (interprétation): Lorsque l'affaire a été entendue par la

23 deuxième Chambre de première instance, il n'y avait pas eu prononcé de la

24 peine sur ces charges? Donc la deuxième Chambre de première instance

25 n'aurait pas pu confirmer la décision de la première?

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1 M. Moran (interprétation): Monsieur le Juge, s'agissant des trois

2 appelants, la décision de la Chambre d'appel a été différente. S'agissant

3 de M. Mucic, il a été décidé que la sentence initiale était manifestement

4 trop faible. Pour M. Delic, il a été décidé que la charge criminelle de

5 ses actes était inférieure. Et pour les trois appelants, il a été décidé

6 d'examiner l'effet éventuel du cumul des charges sur l'évaluation de la

7 sanction par la première Chambre de première instance.

8 M. le Président (interprétation): Je donne à la parole à Juge Meron.

9 M. Meron (interprétation): Merci, Monsieur le Président. J'appelle votre

10 attention sur le paragraphe 42 de la sentence rendue par la Chambre

11 d'appel reconstituée, je lis -je cite-: "Dans les cas des trois accusés,

12 la totalité de leur conduite criminelle n'est pas réduite, suite à

13 l'annulation des cumuls des condamnations."

14 Je vous demanderai de commenter ceci, si vous le voulez bien: comment

15 répondez-vous à cela, cumul des condamnations?

16 M. Moran (interprétation): Oui Monsieur le Juge, la totalité de la

17 conduite, des actes des appelants a été condamnée. Ceci n'a pas été

18 modifié par l'annulation du cumul des condamnations. Cela était en effet

19 le cas. Mais s'agissant de M. Delic, il y a eu acquittement pour l'appel

20 pour l'un des deux meurtres qui lui étaient reprochés. Il y a donc

21 réduction de la conduite criminelle globale dont il est jugé responsable.

22 M. Meron (interprétation): Mais s'agissant de la question que je vous ai

23 posée, il s'agissait de cumul des condamnations. Vous êtes d'accord avec

24 la déclaration de la Chambre d'appel sur ce point?

25 M. Moran (interprétation): Tout à fait, Monsieur le Juge.

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1 M. Meron (interprétation): N'est-il pas exact, Maître Moran, que vous

2 demandez à la Chambre, que nous représentons ici, de réduire les peines en

3 application de l'Article 2 du Statut et de l'Article 3, en affirmant qu'il

4 n'est pas autorisé de prononcer un cumul de charges?

5 M. Moran (interprétation): Oui, Monsieur le Juge. Le problème posé par M.

6 Delic sur cette base consiste à savoir si, oui ou non, la Chambre de

7 première instance a correctement analysé les faits afin de se prononcer

8 sur un cumul de condamnations et de dire que celui-ci n'avait aucun effet

9 sur la sentence globale prononcée par la première Chambre d'appel.

10 C'est exactement la question qui a été renvoyée devant la deuxième Chambre

11 de première instance, à savoir se prononcer sur l'effet, s'il y en avait

12 un, que pouvait avoir cela sur le cumul des charges, et ceci en

13 application des deux Articles du Règlement destinés à déterminer s'il y

14 avait eu erreur préjudiciable ou pas à l'encontre des accusés en l'absence

15 d'éléments de preuve disponibles à l'époque.

16 Si l'on applique ce raisonnement à M. Mucic et les commentaires… Si l'on

17 commente le fait qu'il n'y a pas eu un certain nombre de témoignages à

18 décharge dans son cas, la Chambre de première instance a dit pour

19 l'essentiel qu'il y avait absence de preuve et nous estimons que ceci est

20 préjudiciable dans une certaine mesure, car il y a eu cumul entre

21 l'Article 3 et l'Article 2. La Chambre de première instance ayant déclaré

22 pour l'essentiel -je cite-: "Nous ne trouvons pas d'éléments de preuve au

23 préjudice de l'accusé, par conséquent nous n'allons procéder à aucun

24 ajustement".

25 Donc, la question qui se pose devant cette Chambre, c'est l'argument

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1 présenté par M. Delic, à savoir si, oui ou non, la Chambre de première

2 instance a utilisé les normes juridiques applicables pour tirer sa

3 conclusion. C'est un point de droit, et rien d'autre.

4 M. Meron (interprétation): Merci.

5 M. le Président (interprétation): Maître Moran, vous nous avez dit un peu

6 plus tôt ce matin que l'objet de cette Chambre d'appel était double:

7 d'abord, procéder à des ajustements liés à la suppression du cumul des

8 condamnations, et ce, dans le sens de l'acquittement. Et, deuxième

9 objectif: d'après vous, la Chambre devrait, si j'ai bien compris, réduire

10 la peine prononcée, compte tenu de la réduction de la conduite criminelle

11 de votre client.

12 Mais quelle est la part des éléments de fond liée à la réduction de la

13 criminalité globale, en dehors de ce qui résulte de la suppression du

14 cumul des condamnations?

15 M. Moran (interprétation): Monsieur le Président, je suis en train de

16 regarder, je n'ai pas le document opportun sous les yeux. Mais même si je

17 ne peux citer le numéro exact du paragraphe, il y a un paragraphe, dans

18 l'arrêt de la Chambre d'appel, où on trouve le mot "ajustement" fondé sur…

19 M. le Président (interprétation): La criminalité globale?

20 M. Moran (interprétation): Sur l'annulation du cumul des condamnations. Le

21 terme "ajustement" est utilisé.

22 M. le Président (interprétation): Mais vous ne trouverez pas ça dans le

23 document qui demande une réduction de peine, car il fait plus de dix

24 pages.

25 M. Hunt (interprétation): Cela ne se trouve pas dans ce document. Si vous

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1 acceptez mon aide, c'est aux paragraphes 712 et 713 du Jugement principal

2 où il est question d'ajustement éventuel des sentences des peines.

3 M. Moran (interprétation): Oui, Monsieur le Juge.

4 M. Hunt (interprétation): C'est la référence qui s'applique.

5 M. Moran (interprétation): Très bien, Monsieur le Juge. Je crois que j'ai

6 fait cette citation dans mes écritures, mais je n'ai pas le numéro de

7 paragraphe sous les yeux.

8 M. Hunt (interprétation): En tout cas, cela ne se trouve pas dans la

9 requête demandant une diminution de peine.

10 M. Moran (interprétation): Non, en effet.

11 M. le Président (interprétation): Aimeriez-vous ajouter quelque chose par

12 rapport à ces paragraphes 712 et 713 qui viennent d'être évoqués par le

13 Juge Hunt très utilement, un argument qui porterait sur la criminalité

14 globale?

15 M. Moran (interprétation): Eh bien, si je regarde le paragraphe 713, il

16 est écrit –je cite-: "La Chambre d'appel a déterminé que la condamnation

17 pour Delic sur les chefs 1 et 2 doit être annulée sur la base qu'il ne

18 convient pas que la Chambre d'instance émette une condamnation sur la base

19 de ces chefs. Cette question devrait être remise devant la nouvelle

20 Chambre de première instance".

21 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Je vois. Vous avez

22 fait référence, tout à l'heure, à cette décision d'un juge américain, mais

23 est-ce que vous avez, par ailleurs, posé la question de la suffisance, de

24 la quantité suffisante des éléments de preuve? Et nous revenons ici à la

25 question soulevée par le Juge Hunt: est-ce qu'il s'agit de fiabilité ou de

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1 crédibilité des éléments de preuve?

2 M. Moran (interprétation): Non, Monsieur le Juge.

3 M. le Président (interprétation): Est-ce que cela, d'après vous, suppose

4 une difficulté, maintenant que vous êtes effectivement en train de

5 soulever cette question?

6 M. Moran (interprétation): Dans ce Tribunal, il y a une analyse qui

7 devrait valoir à nos yeux. Cette analyse, elle découle de l'affaire

8 Kupreskic; elle n'était pas disponible à l'époque où la Chambre a rendu

9 une décision dans l'affaire Celebici, elle n'était pas non plus disponible

10 à l'époque où nous avons déposé nos mémoires eu égard à l'affaire

11 Celebici. Peut-être que j'aurais dû me pencher sur les décisions

12 interlocutoires des autres Chambres de première instance, peut-être que

13 c'est de ma faute.

14 M. le Président (interprétation): Une autre question. Vos arguments sont

15 sous-tendus par ce qui semble être une hypothèse dont vous pensez qu'elle

16 est une hypothèse de départ, à savoir que l'ancienne Chambre d'appel, sur

17 ce point, a pris une décision qui s'écarte de la jurisprudence établie

18 dans le cadre de l'affaire Kupreskic. Est-ce que c'est bien ce que vous

19 avancez?

20 M. Moran (interprétation): Monsieur le Juge, lorsque vous parlez de la

21 première Chambre d'appel…

22 M. le Président (interprétation): Oui, la Chambre d'appel qui s'est

23 prononcée le 20 janvier.

24 M. Moran (interprétation): Oui, tout à fait. Je crois que nous avons

25 évoqué cela dans notre mémoire de façon générale, mais nous sommes d'avis

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1 qu'il y a une Chambre d'appel pour tout le fonctionnement du Tribunal

2 pénal pour l'ex-Yougoslavie. C'est celle-ci. Les membres individuels de la

3 Chambre d'appel ne sont pas toujours les mêmes, mais il n'y a qu'une seule

4 Chambre d'appel.

5 Cela étant dit, je rappelle que la décision Kupreskic n'avait pas été

6 rendue à l'époque, et je rappelle qu'à l'époque je n'avais pas demandé à

7 la Chambre d'appel, dans sa configuration de l'époque, d'examiner la

8 question que je porte à son attention dans la perspective de ce qui avait

9 été décidé dans le cadre de l'affaire Kupreskic. Je ne savais pas qu'une

10 telle analyse serait faite dans le cadre de l'affaire Kupreskic.

11 M. le Président (interprétation): Eh bien, partons du fait que ce point a

12 été évoqué avant l'intervention de la Chambre d'appel. Est-ce que

13 l'accusation a soulevé un point y afférant? Est-ce que l'accusation a

14 avancé d'une façon ou d'une autre que l'analyse Kupreskic n'était pas du

15 tout valable en l'espèce?

16 M. Moran (interprétation): Mais l'accusation ne pouvait pas le faire

17 puisqu'elle ne disposait de l'analyse dite Kupreskic.

18 M. le Président (interprétation): J'ai sous les yeux le compte rendu des

19 arguments qui ont été présentés devant la Chambre d'appel en date du 7

20 juin 2000. Maître Karabdic avait pris la parole à cette occasion, et à la

21 page 417, il dit -je cite-: "Je dois souligner que l'identification par la

22 voix n'est pas un moyen fiable, ce n'est pas un moyen suffisant pour

23 démontrer au-delà du doute raisonnable que quelque chose s'est

24 effectivement produit."

25 Suite aux pages 526, 527 et 528, vous verrez -si vous vous penchez sur ces

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1 pages- que l'accusation ne contredit en rien, cette déclaration qui est

2 faite à propos de la nécessité de se montrer prudent lorsqu'on examine des

3 éléments de preuve qui relèvent d'un processus d'identification par la

4 seule voix.

5 Dans la décision qui apparaît à la page 485, arrêt de la Chambre d'appel

6 en date du 20 février 2001, il apparaît la chose suivant -je cite-: "Comme

7 il parlait de toutes les questions qui ont eu cours, les autres questions

8 soulevées par Delic et considérées comme minant la crédibilité du témoin

9 ne sont pas de nature telle, d'après la Chambre d'appel, qu'elles exigent

10 qu'une Chambre de première instance rejette ce qu'elles semblent montrer.

11 La Chambre d'appel est convaincue que les éléments de preuve examinés par

12 la Chambre d'appel pouvaient être acceptés comme étant des

13 caractéristiques fondamentales du témoignage fait devant elle."

14 Est-ce que l'accusation s'est effectivement appuyée sur ces éléments de

15 preuve supplémentaire lorsqu'elle a essayé de présenter ses arguments?

16 M. Moran (interprétation): Monsieur le Président, je ne crois pas, je ne

17 me souviens pas du moins qu'il y ait eu intervention de la défense et de

18 l'accusation sur ce point, en tout cas pas de façon aussi claire que cela

19 ait été le cas. Peut-être que Me Karabdic et moi-même, nous n'avons pas

20 débattu de cette question aussi à fond que nous aurions dû le faire et

21 peut-être que l'accusation n'a pas répondu à ce que nous avons dit aussi

22 clairement qu'elle aurait dû le faire.

23 Si nous avions eu sous les yeux les termes de l'analyse Kupreskic, peut-

24 être que nous aurions fonctionné de façon un peu différente, mais nous

25 n'avons pas analysé les choses telles que nous l'aurions fait si nous

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1 avions disposé de l'analyse faite dans l'affaire Kupreskic.

2 M. le Président (interprétation): L'avis de cette Chambre d'appel est que

3 la Chambre d'appel, dans sa configuration précédente, a agi conformément à

4 la jurisprudence.

5 M. Moran (interprétation): Je voudrais vous soumettre la décision d'une

6 chambre, de la Cour suprême canadienne. C'est une affaire, l'affaire

7 appelée "l'affaire Sarson". J'en ai un exemplaire ici, je peux vous le

8 remettre. Dans le cadre de cette affaire, il y a un débat portant sur les

9 changements intervenant dans le corpus de loi alors même qu'une affaire

10 est portée à l'intention d'une chambre appartenant à un certain système de

11 droit.

12 Ce que dit la Chambre, eh bien, c'est ce que nous affirmons nous ici. A

13 savoir que lorsqu'il y a une modification qui intervient… Dans "l'affaire

14 Sarson" en fait, il avait été établi qu'il y avait eu violation d'un

15 ensemble de droits. Nous pensons donc, comme la Chambre qui a constitué

16 dans "l'affaire Sarson", que dès lors qu'une affaire est entendue par une

17 chambre d'un système juridique donné, dès lors qu'une chambre d'appel

18 intervient dans le cadre de l'affaire au sein de laquelle une modification

19 du droit est intervenue, alors la Chambre d'appel peut rectifier l'erreur

20 qui à ces yeux a été commise.

21 M. le Président (interprétation): Et vous pensez que cela s'applique au

22 moment du renvoi de l'affaire devant une Chambre inférieure?

23 M. Moran (interprétation): Nous ne faisons pas référence à la Chambre qui

24 a dû une nouvelle fois intervenir dans cette affaire. Nous faisons

25 référence à l'analyse qui a été menée par cette Chambre, mais d'après moi

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1 l'analyse qui a été menée dans l'affaire Kupreskic est bien différente de

2 l'analyse qui avait été menée à bien dans le cadre d'autres procès.

3 Est-ce que l'on peut considérer cela comme une modification intervenant

4 dans le droit? C'est en fait une modification qui intervient dans la façon

5 dont le droit est appliqué. C'est en fait une modification qui intervient

6 dans la façon dont la Chambre d'appel analyse des décisions prises par des

7 Chambres de première instance sur la base des faits qui leur sont

8 présentés. C'est donc un changement assez important.

9 Et quand l'intérêt de la justice l'exige, il faut que ces modifications

10 soient rectifiées ou ces erreurs soient rectifiées, dès lors que l'on le

11 reste dans le cadre posé par le système juridique dans lequel on

12 fonctionne. Je crois que l'affaire Celebici relève pleinement du cadre

13 juridique de ce Tribunal. Vous avez, je crois, toute discrétion pour vous

14 repencher une fois encore sur l'analyse Kupreskic, peut-être que j'ai tort

15 de dire cela, mais je pense tout de même que cette Chambre d'appel a toute

16 discrétion pour rectifier cette erreur.

17 M. le Président (interprétation): Je donne la parole au Juge Hunt.

18 M. Hunt (interprétation): Peut-être que ma question s'adresse à l'un de

19 vos collègues mais puisque c'est vous qui êtes sur vos pieds je vous la

20 pose à vous. Dans quel volet de l'arrêt de la première Chambre d'appel

21 apparaît-il que la question de la crédibilité est une question pertinente?

22 Je crois pas que cela apparaisse.

23 M. Moran (interprétation): Non.

24 M. Hunt (interprétation): Cela n'apparaît pas, et en fait dans bien des

25 cas on fait référence à la question de la fiabilité précisément eu égard

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1 au questions que vous avez soulevées. Vous avez une utilisation toute

2 personnelle du terme fiabilité. Je crois que dans certains cas vous

3 confondez avec crédibilité, mais tout de même et en dépit de cela la

4 Chambre d'appel s'est effectivement penchée sur la question de la

5 fiabilité des éléments de preuve.

6 Je crois que vous y allez un petit peu fort, si j'ose m'exprimer ainsi,

7 parce que vous dites que parce que vous ne saviez pas que c'était quelque

8 chose qui appartenait à la jurisprudence du Tribunal, il s'agit en fait

9 d'un nouvel élément de la législation qui est ici en vigueur.

10 M. Moran (interprétation): Monsieur le Juge, la jurisprudence du Tribunal

11 est bien sûr une jurisprudence qui est en constante évolution, elle évolue

12 même de façon très rapide, mais c'est vrai c'était un élément qui ne

13 m'était pas connu. Une ordonnance a été rendue, je prends un exemple, une

14 ordonnance a été rendue par une Chambre de première instance, il ne s'agit

15 pas d'un jugement, mais c'est une ordonnance qui porte sur la possibilité

16 d'obtenir un jugement d'acquittement.

17 Est-ce qu'il s'agit d'un élément du droit constitutif de ce Tribunal qui

18 est à placer au même niveau que la jurisprudence de ce Tribunal telle

19 qu'elle est établie par cette Chambre d'appel?

20 M. Hunt (interprétation): Moi ce que je vous dis c'est que toute personne

21 qui avait connaissance de cela et qui n'a pas essayé d'en tirer parti a

22 fait preuve d'une grande négligence professionnelle.

23 M. Moran (interprétation): Je ne serai pas en désaccord avec vous.

24 M. Hunt (interprétation): Peu importe, s'il s'agissait en fait d'une

25 décision du Greffe, cela fait partie de la jurisprudence du Tribunal. Dès

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1 lors que cela fait partie de la jurisprudence du Tribunal, c'est quelque

2 chose qui a été adopté. Il ne faut pas qu'il y ait forcément une trace

3 écrite de tout ce que fait le Tribunal pour que ce soit considéré comme

4 faisant désormais partie intégrante du corpus du droit à partir duquel le

5 Tribunal administre la justice.

6 M. Moran (interprétation): J'accepte pleinement ma responsabilité.

7 M. Hunt (interprétation): Mais vous ne répondez pas à ma question. Moi je

8 dis que si un conseil avait eu connaissance de cela et n'en avait pas tiré

9 parti, il aurait été en fait coupable de grave manquement à ses devoirs

10 professionnels, et vous êtes en train de nous confesser que vous n'aviez

11 pas connaissance de cet élément dont vous auriez pu tirer parti.

12 Bon. Soit, mais tout de même, toute votre argumentation repose sur le fait

13 que cet élément dont vous n'aviez pas connaissance était en fait un nouvel

14 élément de droit utilisé par le Tribunal.

15 M. Moran (interprétation): Effectivement, je confesse que je n'avais pas

16 connaissance de cet élément.

17 M. Hunt (interprétation): Après tout, cette Chambre lorsqu'elle se

18 prononce sur la question de savoir si oui ou non elle doit renverser une

19 décision ne regarde pas toujours sa propre jurisprudence écrite. Nous

20 formulons des propositions qui reposent sur les fondements du droit de

21 façon générale.

22 M. Moran (interprétation): Oui.

23 M. Hunt (interprétation): Et c'est ainsi que nous avons travaillé depuis

24 le début. Je crois que le troisième appel qui a été entendu par la Chambre

25 d'appel, pour ce qui est d'une affaire qui concernait le Rwanda, a fait

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1 état de cet élément dont nous parlons et vous en trouverez des éléments

2 cités ici et là.

3 Il ne faut pas forcément qu'il y ait une trace écrite, claire, dans le

4 cadre d'un jugement rendu par une Chambre pour que cela soit quelque chose

5 dont vous considériez que cela peut être soulevé devant une nouvelle

6 Chambre d'appel.

7 M. Moran (interprétation): Je suis d'accord.

8 M. Hunt (interprétation): Alors si vous êtes d'accord, comment pouvez-vous

9 décrire cet élément comme étant un nouvel élément de droit qui, d'une

10 certaine façon, jette une lumière toute nouvelle sur l'affaire.

11 M. Moran (interprétation): Oui Monsieur le Juge. D'après moi, c'est un

12 nouvel élément de droit parce que c'est quelque chose -et ce n'était pas

13 le cas auparavant- qui est contraignant pour cette Chambre d'appel. Avant

14 ce n'était pas le cas. Est-ce que c'est un nouvel élément de droit? Est-ce

15 que c'est quelque chose qui vient de sortir du chapeau? Non, je ne crois

16 pas. Ce n'est pas à proprement parlé un nouvel élément de droit. Vous avez

17 raison, c'est très clair.

18 M. le Président (interprétation): Maître Moran, ce que le Juge Hunt vous

19 dit ici, si je peux me permettre de prendre la parole, je rejoins ce qui

20 prévaut de façon générale, à savoir que dans tous les systèmes de droit

21 actuel il y a une distinction très nette établie entre la question de la

22 fiabilité et la question de la crédibilité, une distinction qui est

23 établie et il y a des affaires qui illustrent très bien ce principe.

24 L'affaire que vous avez à l'esprit illustre ce principe. Ce principe

25 existait avant même la survenue de cette affaire. Et c'est bien sûr cette

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1 base que la Chambre d'appel a rendu son premier appel.

2 M. Moran (interprétation): Vous parlez de premier arrêt de la Chambre

3 d'appel?

4 M. le Président (interprétation): Oui, rappelez-vous le passage que je

5 vous ai lu! C'était un passage concis, mais nous n'avions pas besoin, je

6 crois, d'ajouter quoi que ce soit à ce qui était dit.

7 M. Moran (interprétation): Effectivement. Je me rappelle que devant la

8 première Chambre de première instance, j'avais formulé les choses d'une

9 façon un petit peu différente, je n'ai pas présenté les choses de la façon

10 dont vous dites, du moins pour ce qui est de cette question de la

11 fiabilité d'une part et de la crédibilité d'une part.

12 Peut-être que je me suis trompé quelque part dans un mémoire. Dieu sait si

13 j'ai écrit des pages et des pages sur cette affaire -j'en ai trop écrit

14 d'ailleurs-, mais si j'ai un souvenir précis de la façon dont les choses

15 ont été présentées à cette Chambre, je crois pouvoir dire qu'on parlait

16 surtout de crédibilité. Et même si vous pensiez qu'un témoin peut être

17 cru, je disais que cela ne suffisait pas pour justifier une condamnation

18 et pour maintenir une condamnation.

19 M. le Président (interprétation): Je vous remercie Maître Moran.

20 M. Moran (interprétation): Merci à vous.

21 M. le Président (interprétation): S'il n'y a pas d'autre question, je vais

22 vous inviter à reprendre votre place. Nous allons maintenant entendre les

23 arguments de Me Kuzmanovic qui va évoquer devant nous les questions

24 découlant du droit à garder le silence.

25 Vous êtes prêt Maître Kuzmanovic à prendre la parole?

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1 M. Kuzmanovic (interprétation): Maître Morrison et moi-même allons nous

2 répartir la présentation de nos arguments. C'est moi qui vais prendre la

3 parole en premier pour évoquer ce que la Chambre a fort bien caractérisé

4 comme étant le droit de garder du silence. Moi, j'ai parlé du 5e

5 amendement de la Constitution américaine, mais il s'agit bien du droit de

6 garder le silence. C'est ce qu'on appelle le point 21.4.G du Statut.

7 Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, je voudrais brièvement parler

8 des critères d'établissement de la condamnation dont nous avons parlé.

9 Maîtres Murphy et Moran ont évoqué cela, je voudrais moi-même revenir sur

10 ce point.

11 D'après nous, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous pensons que

12 la nouvelle Chambre de première instance n'a pas respecté les nouveaux

13 critères qui sont d'application, elle n'a pas pris en compte la gravité

14 des crimes dans le cadre du prononcé de la peine, elle n'a pas non plus

15 tenu compte des circonstances individuelles qui prévalaient. Nous pensons

16 que la nouvelle Chambre de première instance n'a pas suivi le paragraphe

17 787 du premier arrêt de la Chambre d'appel.

18 Et je vais citer une partie de ce paragraphe -je cite-: "Il est essentiel

19 que le Juge qui prononce la peine dispose de toutes les informations

20 possibles relatives à la vie et aux circonstances personnelles de

21 l'accusé."

22 Et d'après nous, la deuxième Chambre de première instance n'a pas reçu

23 d'éléments d'informations mis à jour et n'a pas donc disposé de toutes les

24 informations possibles relatives à la vie et aux circonstances

25 personnelles de l'accusé.

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1 Nous n'avons rien vu qui nous indique que la nouvelle Chambre de première

2 instance a satisfait ce critère que j'ai évoqué tout à l'heure. Or, nous

3 pensons que ce critère fait partie intégrante, est une partie très

4 intégrante du critère qui est utilisé par ce Tribunal désormais dans le

5 cadre d'un prononcé de peine.

6 Je crois que ce que la Chambre de première instance a fait c'est de

7 regarder le jugement écrit, mais les éléments qui ont été pris en compte,

8 eu égard à notre client, sont les éléments qui étaient apparus dans le

9 cadre de la présentation d'arguments généraux et dans le cadre de

10 conférences de mise en état. Nous ne pensons donc pas que les Juges ont pu

11 prononcer une peine ou une condamnation de façon juste et équitable alors

12 qu'ils ne bénéficiaient que de ce type d'éléments d'information.

13 J'en viens maintenant à la question du 21.4.G, le droit à garder le

14 silence. Nous sommes absolument fermes sur ce point, c'est une question

15 cruciale, et nous savons que la Chambre d'appel dans le paragraphe 783 de

16 son arrêt a souligné l'importance de ce point. J'ai fourni à l'accusation

17 et à la Chambre d'appel des éléments qui sont tirés de deux affaires très

18 intéressantes. Croyez-moi, il m'a fallu beaucoup de temps pour chercher

19 quelque chose qui présentait des éléments qui pouvaient être comparés aux

20 affaires qui nous intéressent ici, et sur la base de laquelle le principe

21 que j'ai à cœur peut être démontré.

22 Bien sûr, je ne me suis pas contenté de jeter un coup d'œil sur la

23 jurisprudence américaine, même si je suis issu de ce système. Dans l'une

24 des affaires que j'ai trouvées, il y a, dans l'une, définition des

25 principes et puis dans l'autre affaire, il y aurait arrêt rendu par une

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1 Chambre d'appel sur ce principe et application de ce principe à certains

2 éléments constitutifs de l'affaire.

3 Les deux affaires auxquelles je fais référence ici, Messieurs les Juges,

4 sont des affaires entendues par la Cour suprême des Etats-Unis, donc

5 l'affaire Mitchell c/ les Etats-Unis, affaire qui a été entendue en 1999;

6 et puis l'autre affaire, c'est un arrêt qui a été rendu par une chambre

7 d'appel les Etats-Unis c/ Mitchell, cette Chambre ayant appliqué ce

8 qu'avait dit la Cour suprême eu égard à l'application de ce principe.

9 La partie la plus intéressante de ces affaires était la partie qui

10 indiquait que l'administration dans cette affaire particulière émettait un

11 avis quant aux circonstances qui pouvaient permettre de savoir si oui ou

12 non une sentence devait être annulée. Il n'est pas forcément nécessaire

13 d'annuler une sentence s'il existe des éléments qui permettent d'étayer la

14 décision initiale d'une Chambre de première instance.

15 Au bout du compte, ce qui apparaissait dans les situations que j'évoque

16 ici, c'était que la Chambre d'appel disait: "Eh bien, écoutez, nous ne

17 disposons pas ici de la présence des Juges qui ont traité de l'affaire en

18 premier lieu. Depuis l'époque où cette affaire a été entendue, le Juge

19 s'est retiré de l'affaire et la seule façon juste et équitable de

20 procéder, c'est d'avoir un nouveau procès, plein et entier, entendu par un

21 nouveau Juge".

22 Donc, il apparaît qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une audience complète

23 ou une procédure complète sur un ré-établissement de la peine –ça, c'est

24 un fait-, mais nous pensons que, au moins, une Chambre d'appel doit avoir

25 à sa disposition les éléments personnels qui caractérisent la vie de

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1 l'accusé, en l'occurrence de M. Mucic, et je pense que ce n'était pas le

2 cas.

3 M. Hunt (interprétation): Maître Kuzmanovic, regardons ce qui s'est passé

4 au niveau de la Cour d'appel en septembre. Vous remarquez que les Juges de

5 la Chambre d'appel n'ont pas remarqué, à ce moment-là, ou n'ont pas

6 envisagé la question de savoir s'ils devaient ou non prendre en compte les

7 circonstances que vous évoquez. En fait, la Chambre d'appel a considéré

8 qu'il ne convenait pas que ces éléments soient pris en compte.

9 M. Kuzmanovic (interprétation): C'est exact.

10 M. Hunt (interprétation): Mais ils se sont dit que cela aurait pu être

11 approprié de se reposer la question sur au moins une partie des éléments

12 de l'affaire.

13 M. Kuzmanovic (interprétation): C'est exact, Monsieur le Juge. Mais je

14 pense que cette partie limitée des questions, que la Chambre d'appel

15 considérait comme étant suffisamment importante pour bénéficier d'un

16 nouvel examen, aurait dû être renvoyée devant la Chambre de première

17 instance initiale, notamment devant le Juge de la première instance qui

18 avait rendu la décision.

19 M. Hunt (interprétation): Est-ce que nous pouvons partir du principe que

20 ce qui a été adopté n'aurait pas dû l'être parce que la Chambre de

21 première instance initiale, ou du moins parce que point certains des Juges

22 la composant n'étaient pas disponibles? Est-ce que vous pensez qu'il

23 aurait été de la compétence de la Chambre d'appel de renvoyer une partie

24 des questions devant la composition de la Chambre de première instance

25 initiale?

Page 51

1 M. Kuzmanovic (interprétation): Je crois qu'effectivement, au moins une

2 partie des questions aurait pu être renvoyée devant la Chambre de première

3 instance initiale.

4 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Maître Morrison a la

5 parole.

6 M. Morrison (interprétation): Merci, Monsieur le Président et Messieurs

7 les Juges. Je vais revenir sur ce qu'a dit le Juge Hunt un peu plus tôt ce

8 matin. Nous sommes un Tribunal qui statue au pénal et je voudrais inviter

9 les Juges de cette Chambre à réfléchir sur un aspect de l'affaire dans le

10 cadre de laquelle M. Mucic est accusé. La Chambre d'appel a reconnu que

11 les critiques qui avaient été émises à l'encontre de la première Chambre

12 de première instance ne pouvaient être retenues.

13 La Chambre de première instance reconstituée a, elle, souhaité donner une

14 importance considérable aux critiques qui avaient été émises et elle a,

15 sur cette base, essayé de réduire la peine de 10 ans à 9 ans, soit une

16 réduction d'un an. L'objectif de cet exercice, d'après moi, était de

17 montrer que le premier arrêt de la Chambre d'appel était erroné. Et pour

18 pouvoir faire valoir que ces critiques étaient justifiées en premier lieu,

19 il fallait absolument que la Chambre de première instance reconstituée

20 diminue l'avantage de la durée de la peine.

21 Je vous renvoie, si je le puis, au paragraphe 21 du Jugement de la Chambre

22 de première instance reconstituée. Les deux dernières phrases sont celles

23 qui m'intéressent. La Chambre d'appel a estimé que la Chambre de première

24 instance avait eu tort de faire cette remarque. Dans le contexte…

25 (Note de l'interprète: Nous ne disposons pas du texte qui est lu par Me

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1 Morrison.)

2 Ensuite, le paragraphe 21 se lit comme suit, –je cite-: "Dans le contexte,

3 cette observation indiquait en effet que la Chambre considérait le refus

4 de témoigner de Mucic sous un jour défavorable, et bien qu'il ne soit pas

5 certain qu'elle l'ait retenu comme une circonstance aggravante, son

6 observation laisse à penser qu'elle a pu le faire".

7 M. Hunt (interprétation): Nous vous invitons à ralentir. Je vous remercie.

8 M. Morrison (interprétation): Pardon. "La Chambre de première instance"

9 -et je lis toujours le paragraphe 21- "a donc reçu pour instruction

10 d'examiner les circonstances éventuelles de cette erreur sur la peine

11 prononcée pour Mucic.".

12 La Chambre d'appel a demandé à la Chambre de première instance

13 reconstituée de prendre en compte cet élément, et cela apparaît au

14 paragraphe 27 du Jugement dont je viens de faire lecture. Et je vais lire

15 ce qui apparaît –je cite-: "Quant à la remarque critique faite par la

16 Chambre de première instance initiale à propos du refus de Mucic de

17 témoigner lors de son procès, la présente Chambre n'est pas en mesure d'en

18 prononcer l'incidence sur la peine prononcée".

19 Je m'interromps ici. Alors ça, c'est forcément exact. Il était impossible

20 pour quelque Chambre de première instance de se prononcer sur l'effet

21 qu'avait eu la prise de position de la Chambre de première instance

22 initiale. La Chambre de première instance initiale n'existait plus, les

23 Juges n'étaient plus présents au sein du Tribunal.

24 Ensuite, le paragraphe 27 se poursuit –je cite-: "Cependant, elle ne

25 saurait affirmer qu'elle n'a eu aucun effet. Dans ces circonstances, elle

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1 est d'avis que puisqu'elle a pu porter à conséquence, la peine initiale

2 doit être revue à la baisse".

3 Mais le paragraphe se poursuit en disant: "Cependant une légère réduction

4 suffit à cet effet et la Chambre considère comme juste une peine unique de

5 9 ans d'emprisonnement", et on parle bien du fait qu'il s'agit d'une

6 réduction légère de la peine.

7 Messieurs les Juges, je pense que le raisonnement ici est défaillant. Il y

8 a eu raisonnement défaillant de la part des Juges composants de la Chambre

9 de première instance, et le raisonnement est à ce point bancal que nous en

10 revenons à ce qui figure au cœur même de la procédure pénale.

11 S'il y a défaillance d'une gravité telle, eh bien, il faut qu'il y ait

12 remède proportionnel à la gravité de la défaillance du raisonnement, même

13 si la condamnation ou la peine de 10 ans est considérée comme étant la

14 peine adaptée, la réduction d'un an est un simple geste, mais c'est un

15 geste qui est loin de rectifier l'équilibre qui devrait prévaloir. S'il y

16 a une erreur fondamentale qui a été commise, eh bien, le remède ne doit

17 pas être un remède de réduction de la peine de 10%, mais il ne me revient

18 de me prononcer là dessus, c'est à vous, Messieurs les Juges, d'exercer

19 votre totale discrétion en la matière.

20 M. le Président (interprétation): Le Juge Hunt a la parole.

21 M. Hunt (interprétation): Maître Morrison, vous dites que l'erreur était

22 tellement manifeste que l'on était en droit de s'attendre que la Chambre

23 de première instance rende autre chose qu'un simulacre de remède, ou un

24 simulacre de rectification. Si la Chambre de première instance avait rendu

25 une peine très lourde, vous auriez pu en conclure de façon légitime que la

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1 Chambre de première instance avait donné un point considérable à cette

2 question, mais l'une des choses dont on a demandé à la Chambre de première

3 instance de se pencher dessus était de savoir quel avait été précisément

4 l'impact de cet élément. Vous savez que la première sentence rendue de 7

5 ans était considérée comme étant manifestement inadéquate. Et cela ne me

6 pousse pas à penser que la Chambre de première instance a essayé de

7 remédier. Cela ne permet de penser que la Chambre de première instance

8 aurait donné un point aussi fondamental à cette erreur qu'elle a commise.

9 M. Morrison (interprétation): Avec tout le respect que je vous dois,

10 Monsieur le Juge, le fait que la Chambre de première instance initiale ait

11 pu commettre une erreur grossière et sur plus d'un des aspects du

12 raisonnement est une raison de plus de se dire qu'il fallait qu'il y ait

13 effectivement remède important.

14 M. Hunt (interprétation): Vous dites qu'ils ont fait une grossière erreur

15 en établissant une condamnation de 7 ans. Mais ils auraient également

16 commis une erreur grossière en prononçant une première peine initiale de

17 trois ans et demi.

18 M. Morrison (interprétation): C'est possible.

19 M. Hunt (interprétation): Même si c'est une possibilité, ce n'est pas un

20 fait.

21 M. Morrison (interprétation): Mais je crois que lorsqu'il y a une série

22 d'erreurs manifestes qui est commise par une Chambre de première instance

23 comme c'est le cas ici, et notamment dans le cadre d'un jugement, la

24 meilleure façon de procéder pour une Chambre d'appel c'est de prendre une

25 vue très distanciée de ce qui a été fait au niveau des décisions initiales

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1 et d'en revenir à l'application des principes fondamentaux.

2 M. Hunt (interprétation): Mais vous devez démontrer que la Chambre de

3 première instance s'est trompée, vous devez pouvoir identifier cette

4 erreur. Est-ce que la Chambre de première instance est allée au-delà de

5 l'exercice de ses compétences en déclarant qu'une réduction d'un an était

6 suffisante?

7 M. Morrison (interprétation): Il y a deux choses que je veux dire. D'abord

8 c'est un appel interjeté non pas sur la base de ce qui a été fait par la

9 Chambre de première instance, mais sur la base de ce qui a été fait plus

10 tard, donc ce qui a été fait par la Chambre de première instance initiale.

11 C'est quelque chose qui fait maintenant partie du passé.

12 M. Hunt (interprétation): Je suis désolé, je parlais de la seconde Chambre

13 de première instance.

14 M. Morrison (interprétation): Bien sûr.

15 M. Hunt (interprétation): Alors qu'il y a une erreur de la part de la

16 seconde Chambre de première instance lorsqu'elle a pensé qu'une réduction

17 d'un an suffisait?

18 M. Morrison (interprétation): Oui, Monsieur le Juge, parce que le défaut

19 est un défaut qui est tel qu'il atteint le cœur même du système, et en

20 fait, on a ignoré superbement le critère de la preuve, et vous voyez bien

21 que nous sommes là au cœur de la question. Quelqu'un du public pourrait

22 simplement se pencher sur l'affaire et dire effectivement le raisonnement

23 est complètement bancal, le raisonnement ne tient pas debout.

24 Nous en sommes venus au cœur de l'affaire et au cœur de la question de

25 l'application des critères de la preuve. Alors comment remédier à la

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1 situation? Est-ce que l'on peut se dire que l'on va utiliser un remède

2 symbolique? Peut-être, mais cela n'influera pas un sens de grande

3 confiance en le système.

4 M. Hunt (interprétation): En fait vous essayez d'obtenir un dédommagement

5 pour votre client aux vues de l'erreur qui a été commise par la Chambre de

6 première instance.

7 M. Morrison (interprétation): Je ne crois pas avoir utilisé ce terme,

8 Monsieur le Juge.

9 M. Hunt (interprétation): Non, vous ne l'avez pas dit mais c'est que vous

10 visez. Vous dites que la Chambre de première instance aurait dû ne pas

11 tenir compte de ce qui lui semblait être une sentence appropriée, et vous

12 pensez que la Chambre de première instance aurait dû dédommager de façon

13 très conséquente votre client afin que le public comprenne à quel point

14 l'erreur qui avait été commise était une erreur grossière et fondamentale.

15 M. Morrison (interprétation): Ce que je dis, c'est que l'erreur qui a été

16 commise est une erreur absolument fondamentale. C'est une erreur énorme.

17 J'utilise ici des termes très ,forts mais je m'y tiens, c'est une erreur

18 grossière, une erreur tellement grossière que si c'était un avocat de mon

19 système juridique qui la commettait alors qu'il se trouvait dans le

20 prétoire, les Juges de la Chambre devant laquelle il travaillerait lui

21 tireraient les oreilles, voire les lui arracheraient. Donc c'est une

22 erreur grossière –je le répète- qui va au coeur de la question.

23 Alors, pour maintenir le niveau de confiance qui doit exister à l'égard

24 d'un système juridique, il faut qu'il y ait effectivement peut-être

25 surcompensation, dédommagement considérable. Il s'agit de rectifier

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1 l'équilibre qui a été grandement perturbé.

2 M. Hunt (interprétation): Je crois qu'une Chambre de première instance si

3 elle ne tenait pas compte du fait que l'accusé a passé deux ans de

4 détention préventive avant d'assister à son procès, eh bien, effectivement

5 elle commettrait une erreur considérable. Si elle ne prend pas cet élément

6 en compte au moment du prononcé de la peine, la Chambre commet une erreur

7 grossière.

8 M. Morrison (interprétation): Oui, sans doute. Cela dépend un peu des

9 circonstances, mais sans doute.

10 M. Hunt (interprétation): Bien. Mais vous n'allez pas suggérer que la

11 peine devrait être ajustée, de telle sorte qu'elle est moindre, que la

12 période que l'accusé a passée en détention provisoire ou préventive?

13 M. Morrison (interprétation): Ça pourrait être le cas si la période qu'il

14 a passée en préventive était si importante qu'il y a eu en fait violation

15 de la procédure qui aurait dû s'appliquer. Mais ce n'est pas une question

16 que nous soulèverions avant le procès.

17 M. Hunt (interprétation): Est-ce que vous avez pensé à cette sorte

18 d'approche?

19 M. Morrison (interprétation): Moi, je pense surtout à l'équité. C'est un

20 principe, un principe sur lequel ce Tribunal repose.

21 Tous les tribunaux reposent sur le principe de l'équité.

22 M. Hunt (interprétation): L'équité, ça veut dire un ajustement équitable.

23 Vous, vous demandez une surcompensation, un dédommagement considérable!

24 M. le Président (interprétation): Le Juge Gunawardana?

25 M. Gunawardana (interprétation): Pouvez-vous nous dire dans quelles

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1 circonstances la Chambre a fait des observations relatives à l'accusé qui

2 soient de telle nature qu'on puisse en tirer des conclusions négatives?

3 M. Morrison (interprétation): Est-ce que vous me demandez ce que la

4 première Chambre de première instance a dit?

5 M. Gunawardana (interprétation): Oui.

6 M. Morrison (interprétation): Ceci se situe… On y fait allusion tout du

7 moins dans le jugement de la deuxième Chambre de première instance, au

8 paragraphe 21 plus exactement. Je cite. En fait, je crois que tout le

9 paragraphe mérite d'être lu mais ceci: "Lorsque la Chambre a dit que

10 l'accusé avait fait des efforts concertés lorsqu'il avait essayé de

11 suborner des témoins et que des conclusions négatives auraient été tirées

12 de cela. Rien ne prouve que ceci ait fait l'objet d'un autre grief.

13 M. Moran (interprétation): Mon client me demande s'il est possible d'avoir

14 une pause de cinq ou dix minutes?

15 M. le Président (interprétation): Maître Morrison, est-ce que cela vous

16 dérangerait que l'on fasse une pause de quinze minutes?

17 M. Morrison (interprétation): Merci de me poser la question.

18 Je dois répondre par l'affirmative à celle-ci, puisque finalement moi

19 aussi j'ai les mêmes besoins que M. Mucic.

20 M. le Président (interprétation): Nous faisons une pause de 15 minutes.

21 (L'audience, suspendue à 10 heures 40, est reprise à 11 heures 02.)

22 M. le Président (interprétation): Nous reprenons nos travaux.

23 Maître Morisson, vous avez la parole.

24 M. Morrison (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

25 J'en étais arrivé à la lecture du paragraphe 21, là où la Chambre de

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1 première instance initiale avait indiqué, dans le jugement s'agissant de

2 M. Mucic, "que son comportement pendant le procès semblait indiquer qu'il

3 considérait toute cette procédure comme une farce et une coûteuse

4 plaisanterie". (Fin de citation.)

5 Ça c'est manifestement ce que pense la Chambre de première instance de M.

6 Mucic: aucun argument, ni dans un sens ni dans un autre, ne l'a démontré.

7 Et nous estimons que c'est là une remarque délétère qui est étonnante,

8 suite à ce qui a été dit par la suite. Il a refusé de déposer devant la

9 Chambre de première instance en dépit de son rôle éminent dans les

10 événements ayant donné lieu aux poursuites intentées contre les accusés.

11 Il y a donc un avis qui est formulé par la Chambre s'agissant du refus de

12 M. Mucic de témoigner et, à notre avis, il était inévitable que la Chambre

13 pense que c'était là un élément très préjudiciable du procès. Sinon,

14 pourquoi l'aurait-il dit ici dans cette remarque et dans ce contexte?

15 M. Gunawardana (interprétation): Merci.

16 M. Morrison (interprétation): J'ai eu l'occasion de réfléchir un peu plus

17 à la question posée par le Juge Hunt; il parlait d'une comparaison entre

18 quelqu'un qui se trouvait en détention préventive, et je pense qu'il ne

19 peut pas avoir de connexité entre quelqu'un qui est en détention

20 préventive, puisque ceci ne peut pas avoir d'effet sur le déroulement du

21 procès en tant que tel. C'est une question séparée. On hésite toujours ici

22 à faire part de son expérience personnelle mais, ici, je me sens obligé à

23 le faire.

24 J'ai participé à une affaire. C'était un procès en Angleterre où une

25 personne était en attente de procès, pas en détention préventive, attendu

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1 pendant trois ans, tout simplement parce que le Procureur et le service du

2 Procureur ont fait une manoeuvre dilatoire. La personne a été jugée pour

3 vol, elle a été condamnée pour abus de confiance. Et je pense que la

4 Chambre a eu raison de dire qu'elle allait diminuer la peine, vu le temps

5 passé à attendre la tenue du procès; ce qui représentait une contrainte et

6 un dol qu'il fallait réparer.

7 Nous estimons qu'ici il peut y avoir diminution de la peine sans qu'il y

8 ait diminution de la déclaration de culpabilité.

9 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Maître Morrison.

10 Une petite question peut-être, Maître Morrison. Vous avez eu l'obligeance

11 de nous faire part de votre expérience acquise dans votre système et vous

12 avez dit quelque chose qui revenait à ceci: "Le droit de garder le silence

13 est un droit absolu et les membres du barreau qui s'y opposeraient ou

14 enfreindraient cette règle, mériteraient qu'on leur tire les oreilles".

15 Nous avons là la loi de 1994, loi britannique, qui émettait quelques

16 réserves s'agissant de ce droit de garder silence. Est-ce qu'il y a eu

17 abrogation?

18 M. Morrison (interprétation): Vous n'avez pas –si vous me permettez de le

19 dire- bien compris l'analogie. Je disais que le droit, je ne disais pas

20 qu'il était un droit sacro-saint dans mon système –je voudrais que ce soit

21 le cas- mais je dis que là où il y a système contradictoire, ce serait

22 important de le faire. Ce que je voulais dire -et j'espère que le compte

23 rendu soutiendra ce que j'ai dit- c'est que lorsqu'un avocat fait une

24 erreur aussi fondamentale que celle-là devant un tribunal, eh bien, il

25 serait en butte à des critiques très vives pour l'avoir faite. C'est le

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1 système, pas nécessairement le contexte, qui intervient ici.

2 M. le Président (interprétation): Donc vous ne faisiez pas nécessairement

3 allusion à la situation qui prévaut dans votre système?

4 M. Morrison (interprétation): Si c'était seulement possible, je le

5 voudrais personnellement. Et effectivement, quelquefois ceci me cause une

6 certaine gêne personnelle.

7 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous êtes au courant d'une

8 affaire qui a été apportée dans la Cour européenne des Droits de l'Homme,

9 laquelle a jugé -j'espère ne pas me tromper dans ce que je vais citer mais

10 ceci peut être bien sûr modifié- la Cour avait dit: "Que le droit de

11 garder le silence peut-être modifié en fonction des arguments présentés

12 par l'accusation"?

13 M. Morrison (interprétation): Dans cette affaire?

14 M. le Président (interprétation): C'était l'affaire Meredith?

15 M. Morrison (interprétation): Oui. A Strasbourg, on a estimé que c'était

16 un droit nuancé, un droit de proportionnalité. La proportionnalité était

17 un des aspects de la loi britannique sur les Droits de l'Homme; et ceci

18 fait partie de la législation de la Cour européenne des Droits de l'Homme.

19 Mais nous avons de la chance dans ce Tribunal, puisque nous n'avons pas

20 une telle loi de 1994.

21 M. le Président (interprétation): Mais nous avons ceci, n'est-ce pas? Et

22 ceci provient de la Chambre d'appel.

23 Après un examen minutieux des différents systèmes, nous disons que ce

24 droit est absolu et s'applique au moment du prononcé de la peine

25 également. Cependant, il s'agit de savoir quel poids on va donner à une

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1 éventuelle violation de cette loi, s'agissant de la déclaration de

2 culpabilité mais aussi s'agissant du prononcé de la peine.

3 A votre avis, est-ce qu'il faudrait tenir compte des réserves formulées

4 dans certains systèmes quant à l'application de ce droit? Est-ce qu'on

5 peut utiliser ceci pour évaluer l'effet que peut avoir l'infraction à ce

6 droit, à savoir le commentaire négatif formulé par la première Chambre de

7 première instance qui est intervenu -je pense- au moment du prononcé de la

8 peine et pas celui de la condamnation? Qu'en dites-vous?

9 M. Morrison (interprétation): Je pense qu'il ne serait pas généreux de

10 penser qu'une Chambre d'appel ne peut pas le faire. Mais à mon avis, il

11 faut que cette Chambre d'appel soit convaincue qu'elle peut avec un bon

12 degré de certitude déterminer le préjudice subi ainsi. La difficulté dans

13 la plupart des cas, et sûrement dans celui-ci, c'est qu'on ne peut pas

14 dire ce qu'il en est. C'est une spéculation qu'on peut faire, on ne peut

15 que spéculer sur le degré de préjudice infligé par la première Chambre de

16 première instance.

17 Ce n'est peut-être pas si spéculatif que cela, car on voit le commentaire

18 formulé au paragraphe 21 où on dit que M. Mucic n'a pas seulement refusé

19 d'intervenir ou de faire une déclaration orale, mais que son comportement…

20 et je dis que c'est une erreur, je ne le dis pas avec reproche, on aurait

21 dit que l'accusé avait fait des efforts pour intimider les témoins.

22 Effectivement, si cela avait été le cas, il y aurait dû y avoir une

23 procédure pour outrage, et je trouve qu'ici la remarque est

24 particulièrement préjudiciable.

25 Mais revenons à la question que vous posez. Manifestement, en analysant le

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1 jugement, si le jugement avait été à ce point minutieusement rédigé, qu'il

2 était possible de voir dans quelle mesure ou comment est né ce préjudice,

3 effectivement la Chambre d'appel pourra adopter une démarche que vous

4 prônez ici. Mais c'est peut-être dangereux. La tentation, vu les

5 circonstances, pourrait être, du moins inconsciemment, de noyer le

6 principe dans les faits alors que le principe doit toujours prévaloir,

7 avoir primauté.

8 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, vous avez été très

9 utile à la Chambre. Je tiens à remercier tous les conseils qui sont

10 intervenus au nom des appelants et je les remercie au nom des Juges de la

11 Chambre d'appel.

12 Je vais maintenant m'adresser à l'accusation… Excusez-moi, il y a encore

13 des questions isolées qu'aborderont Me Moran et Me Sinatra?

14 M. Moran (interprétation): Je crois que nous avons pratiquement abordé

15 toutes les questions. Maître Karabdic va aborder dans le détail l'analogie

16 Kupreskic, dans la mesure où cette analyse s'applique aux faits de

17 l'espèce ici présents.

18 Moi, j'aimerais revenir à la présentation des circonstances atténuantes.

19 Je crois que nous avons préservé (sic) cette erreur dans la Chambre de

20 première instance, nous avons présenté ce que nous pensions pouvoir

21 prouver. La Chambre n'a pas accepté nos écritures. Maître Karabdic va

22 aborder la question.

23 M. le Président (interprétation): Maître Karabdic, vous avez la parole.

24 M. Karabdic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

25 le Président de la Chambre devant laquelle nous siégions aujourd'hui a dit

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1 -il y a quelques instants- que lors d'une audience précédente de la

2 Chambre d'appel, j'ai parlé du caractère inacceptable de l'identification

3 fondée uniquement sur la reconnaissance d'une voix.

4 Mes arguments n'ont pas été acceptés, car le droit appliqué par ce

5 Tribunal était différent à l'époque. Dans l'affaire Kupreskic cependant,

6 une position tout à fait nouvelle a été adoptée. En effet, s'agissant des

7 identifications, les critères en vigueur sont beaucoup plus exigeants, et

8 les positions évoquées dans les écritures de la Chambre d'appel de

9 l'affaire Kupreskic, qui s'appuyaient considérablement sur le droit

10 britannique et américain, c'est devenu le droit en vigueur au TPIY. Il

11 s'agit donc d'une nouvelle jurisprudence applicable par ce Tribunal.

12 Delic a, par conséquent, le droit de voir appliquer à son affaire ce

13 nouveau droit plus positif pour lui que le droit appliqué entièrement.

14 Selon ce nouveau droit, il aurait été impossible d'accepter certains

15 témoignages entendus devant la première Chambre de première instance,

16 notamment si l'on tient compte du fait que la Chambre de première instance

17 en question a considéré que ces témoins disaient leur vérité, mais cette

18 vérité exprimée par ces témoins n'était pas suffisamment acceptable pour

19 permettre que, se fondant sur cette vérité, on décide que Delic était

20 effectivement présent ce jour-là et qu'il a fait sortir de sa cellule le

21 défunt Milosevic.

22 J'ajouterai par ailleurs que Novica Djordjic (phon) et Mirjan Kukunjin

23 (phon), deux témoins dans l'affaire, ont dit: "Nous avons reconnu sa

24 voix". Or, ces deux témoins se contredisent l'un l'autre, s'agissant de

25 décrire les divers éléments constitutifs de cet événement, et nous en

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1 avons déjà parlé.

2 Il existe, chacun le sait, des déclarations préalables que détient le

3 Procureur, déclarations dans lesquelles on peut lire que ce prisonnier,

4 cette nuit fatale, dans le tunnel n°9, a reconnu la voix de quelqu'un de

5 tout à fait différent, et pas la voix de Delic. C'est la raison pour

6 laquelle je considère qu'il faut faire droit à la requête demandant

7 révision et qu'à l'issue de ce processus de révision, il importe d'annuler

8 la condamnation de culpabilité de Delic en rapport avec ce fait.

9 L'intérêt de la justice, tout autant que le devoir qui incombe à ce

10 Tribunal, impose d'agir de la sorte.

11 En effet, ce Tribunal doit fonder ses décisions sur la vérité. Et je crois

12 que ce qui a été dit dans le premier jugement est largement remis en cause

13 et qu'il a été démontré qu'il n'était plus possible d'agir de même dès

14 lors qu'existent les nouvelles conditions issues du jugement Kupreskic.

15 J'ajouterai que pour nous, juristes issus du système continental, ceci est

16 assez peu courant. Mais dans le droit anglo-saxon appliqué ici, il existe

17 ce concept de jurisprudence, à savoir de droit qui évolue au fil des

18 jugements prononcés par les tribunaux, et cette jurisprudence pèse le même

19 poids que le droit issu des lois et des statuts.

20 L'un des Juges de cette Chambre aurait-il des questions à me poser, en

21 rapport avec ce que je viens de dire?

22 Non? Eh bien, dans ce cas, j'aimerais dire quelques mots de la peine.

23 Mon confrère a dit ce qu'il avait à dire quant au fait que la Chambre de

24 première instance avait agi à l'encontre de la décision rendue par la

25 Chambre d'appel. Toutefois, ce que j'aimerais dire, c'est que selon les

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1 instructions de la deuxième Chambre d'appel, les mots "if any" ont été

2 ajoutés à l'arrêt de la Chambre d'appel; "if any", c'est-à-dire "le cas

3 échéant", ce qui est allé à l'encontre des intérêts de mon client puisque

4 la Chambre de première instance a, en ajoutant ces mots, contredit les

5 instructions de la Chambre d'appel qui étaient exécutoires par ce

6 Tribunal.

7 En effet, le droit de mon client à voir sa peine réduite, compte tenu de

8 la suppression du chef n°1 de l'Acte d'accusation, a été violé. C'est la

9 raison pour laquelle la Chambre de première instance a laissé de côté et

10 anéanti un certain nombre d'éléments et de faits qui allaient dans

11 l'intérêt de mon client en se prononçant sur l'opportunité de la sentence,

12 alors que la Chambre d'appel avait déjà rendu sa décision sur ce point.

13 La deuxième erreur et la deuxième injustice commises par la Chambre de

14 première instance résident dans le fait que les Juges ont discuté

15 longuement de la gravité des faits qui continuaient à être reprochés à

16 l'appelant Delic. Et c'est sur la base du poids accordé, donc, à ces

17 éléments, qu'une nouvelle peine a été prononcée. A mon avis, ceci

18 correspond exactement à ce que l'on a l'habitude d'appeler ici un procès

19 de novo, c'est-à-dire une deuxième procès, à savoir que la deuxième

20 Chambre de première instance a évalué seul la valeur des circonstances

21 atténuantes sans tenir compte de la position des parties et elle a négligé

22 complètement ces circonstances atténuantes tout autant d'ailleurs celles

23 qui avaient déjà été énoncées par la défense devant la première Chambre de

24 première instance que celles qui avaient été admises lors du premier

25 jugement.

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1 A mon avis, la deuxième Chambre de première instance aurait dû prendre

2 comme tel la peine de 20 ans et débattre pour déterminer quelle était

3 l'incidence des charges retenues au chef 1 de l'Acte d'accusation, vis à

4 vis de cette peine de 20 ans.

5 En effet, la charge retenue au chef 1 était l'accusation la plus grave

6 retenue contre Delic. Il s'agissait, en effet, de l'assassinat d'un homme

7 âgé, malade, handicapé. Assassinat commis dans un esprit de vengeance eu

8 égard aux actes prétendument commis par le frère d'un autre témoin. Il est

9 certain que ce fait a joué un rôle considérable dans le fait que la peine

10 prononcée a été ce qu'elle a été. Dans ces conditions le Tribunal avait

11 pour devoir d'examiner cela et de retirer de la peine prononcée. Ce qui

12 dans le chef n°1 de l'Acte d'accusation avait poussé les Juges à prononcer

13 cette peine.

14 Il convenait donc que la peine prononcée prenne en compte le comportement

15 criminel global de Delic en l'absence du chef n°1. Cependant selon

16 l'article 41 du code pénal de la République fédérale yougoslave qui est

17 repris d'une certaine manière dans l'Article 25 du Statut de ce Tribunal

18 s'agissant du prononcé de la peine, il est stipulé que lors du prononcé de

19 la peine il importe de tenir compte de ce qu'il est convenu d'appeler la

20 dangerosité sociale de l'auteur des actes, ainsi que sa dangerosité

21 personnelle. Et la réduction de peine dont j'ai parlé jusqu'à présent

22 relèverait tout d'abord et avant tout du principe de dangerosité sociale.

23 Cependant dès lors que le chef n°1 est retiré de l'Acte d'accusation, il

24 n'est plus permis de considérer Delic sur le plan personnel comme il l'a

25 été par la première Chambre de première instance. En effet, toutes les

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1 caractéristiques très négatives qui ont été évoquées par la Chambre qui

2 l'a jugé initialement ont un effet très négatif sur l'incidence éventuelle

3 sur l'élimination du chef n°1 de l'Acte d'accusation.

4 Pour ce qui me concerne, je considère puisque Delic n'est plus la personne

5 qui a été décrite par la première Chambre de première instance, il importe

6 de réduire encore la peine prononcée contre lui, car il ne s'agit pas

7 d'une personne aussi dangereuse que celle qui a été décrite par la

8 première Chambre de première instance.

9 Je considère donc tout à fait justifié la proposition qui figure dans les

10 écritures de la défense sur ce point.

11 Avez-vous des questions, Messieurs les Juges?

12 M. le Président (interprétation): Merci, merci beaucoup.

13 Je vais maintenant donner la parole à Me Sinatra qui va nous présenter des

14 questions isolées, individuelles, concernant M. Landzo.

15 Mme Sinatra (interprétation): Je vous remercie, Messieurs les Juges.

16 On nous a demandé de ne pas répéter ce qui était contenu dans nos

17 mémoires. Je serais donc la plus brève possible.

18 Je voulais simplement porter à votre attention, Messieurs les Juges, le

19 fait que pendant la décision Kupreskic, le Juge Hunt m'avait corrigée et

20 nous avait fait savoir que la compétence de ce Tribunal se base sur les

21 principes généraux de la justice et du droit fondamental, qu'il soit écrit

22 dans une de ces études de cas ou pas.

23 Monsieur Landzo, ainsi que les autres appelants s'accordent à aller dans

24 ce sens. Nous pensons que nous sommes ici pour soutenir le principe de

25 l'équité, et pour soutenir les arguments de M. Mucic. S'agissant de

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1 l'iniquité de la justice fondamentale, de l'interprétation de la deuxième

2 Chambre de première instance lorsqu'elle a considéré le mandat qui lui

3 était conféré par la première Chambre d'appel, qui disait qu'elle

4 renvoyait devant une Chambre désignée par le Président du Tribunal la

5 question de savoir s'il fallait apporter des modification à la sentence

6 initiale imposée à Delic, Mucic et Landzo, pour tenir compte du fait qu'il

7 y avait eu acquittement ou rejet de certains chefs.

8 La Chambre a dit également qu'il n'était pas nécessaire de présenter de

9 nouveaux moyens de preuve puisque la Chambre d'appel avait déjà défini des

10 questions à examiner. La deuxième Chambre de première instance a rejeté

11 tout demande faite par les accusés de présenter, à l'époque, de nouveaux

12 moyens de preuve.

13 Par conséquent, si on examine l'Article 24.2 du Statut et le 101B) du

14 Règlement, nous comprenons que les exigences, quelle que soit la Chambre

15 de première instance, demande qu'il y ait présentation de nouveaux moyens

16 de preuve et que les nouvelles circonstances concernant les accusés

17 doivent être prises en compte. Alors qu'en lieu et place de cela, nous

18 avons eu trois parfaits inconnus qui jugeaient dans le cadre de la

19 deuxième Chambre de première instance, qui ne se sont pas du tout enquis

20 des conditions concernant les accusés; et c'est à ceci que faisait

21 allusion le Juge Hunt auparavant.

22 S'agissant du cumul des charges et de la peine, nous soutenons les

23 propositions et suggestions des Juges Hunt et Bennouna telles qu'elles ont

24 été présentées dans leurs opinions séparées du premier appel. Je sais que

25 vous avez déjà ces documents, Messieurs les Juges, mais je tiens à le dire

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1 pour que ceci soit acté au dossier de l'audience.

2 Cette opinion séparée reconnaît qu'il y avait des questions qui

3 s'appliquaient au prononcé de la peine, qui montraient qu'il fallait

4 présenter de nouveaux moyens de preuve, quelle que soit la longueur, la

5 durée de la peine imposée. Il fallait tenir compte de savoir s'il y aurait

6 peut-être libération conditionnelle, dans quelles circonstances cette

7 peine serait purgée, et ces Juges expliquent pourquoi le cumul des

8 déclarations le cumul des déclarations de culpabilité pour un même

9 comportement, ainsi que le cumul des peines, constituent quelque chose

10 d'inadmissible. Ceci montre qu'il était nécessaire d'éviter que quelque

11 préjudice soit infligé à un accusé, parce qu'il serait pénalisé à deux

12 reprises pour un même comportement.

13 "Des préjudices causés à l'accusé pourraient aisément en résulter; ce

14 serait le cas si on autorisait un cumul de déclarations de culpabilité".

15 Je sais que la Chambre d'appel ici présente connaît bien ces opinions

16 séparées qui expliquent pourquoi, même si la peine demeure la même alors

17 que les condamnations au titre de l'Article 3 ont été rejetées, pourquoi

18 cette sentence aura une incidence sur des décisions prises à l'avenir en

19 matière de peine, de libération, de libération conditionnelle et des

20 droits en détention de l'accusé.

21 Je pense que nous sommes tout à fait d'accord avec les arguments présentés

22 au nom de M. Mucic et nous nous réservons le droit de réfuter les

23 arguments présentés maintenant par l'accusation.

24 Avez-vous des questions à me poser?

25 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Maître Sinatra.

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1 Mme Sinatra (interprétation): Je vous remercie.

2 M. le Président (interprétation): J'espère ne pas me trompé, cette fois-

3 ci, en disant que ceci met fin à la présentation des arguments des

4 appelants. Si c'est bien le cas, je passe la parole au premier substitut

5 de l'accusation, M. Farrell.

6 M. Farrell (interprétation): Je vous remercie. Je vais évoquer deux

7 questions, et je serai suivi par mes collègues qui vont parler des

8 questions de fond présentées par l'accusation au niveau de cet appel. Il y

9 a trois questions de fond qui portent sur l'incidence du rejet du cumul

10 des déclarations de culpabilité, le fait qu'il y aurait refus de

11 témoigner, et l'effet pour Delic de l'annulation des condamnations.

12 L'effet du rejet des déclarations de culpabilité cumulées et l'effet

13 qu'aurait eu le refus de témoigner, ce seront des questions abordées par

14 Mme Brady. L'effet de l'annulation de la condamnation est une question qui

15 sera abordée par M. Carmona.

16 Il y a deux questions connexes, peut-être des questions liminaires que

17 soulèvent les appelants, en tout cas, l'un d'entre eux. L'une porte sur la

18 compétence, l'autre sur une demande faite par M. Delic qu'il y ait

19 révision de la première décision en appel à la lumière de la décision ou

20 de l'arrêt Kupreskic. Ce sont des questions préliminaires et moi, je vais

21 m'occuper de cette comparaison après l'analyse Kupreskic. J'espère en

22 avoir terminé en l'espace de 15 ou 20 minutes. Il nous restera la

23 possibilité de recevoir vos questions et puis, mes collègues

24 interviendront après moi.

25 Parlons d'abord de la question de la compétence.

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1 Au fond, les appelants disent qu'ils veulent qu'il y ait toute une

2 nouvelle procédure pour prononcer une nouvelle peine, et ils se servent de

3 l'appel pour y parvenir. Ils contestent le renvoi parce qu'ils disent

4 qu'il n'y avait pas compétence pour ordonner un renvoi à une nouvelle

5 Chambre de première instance. Après cela, les appelants interprètent

6 l'Article 25 ainsi que l'Article 117. Article 25 du Statut, Article 117 du

7 Règlement.

8 Avant d'aborder la question, je tiens à dire simplement ceci: les

9 appelants demandent à la présente Chambre d'appel de revenir sur son arrêt

10 précédent, à savoir que la Chambre avait le pouvoir implicite de renvoi.

11 Maître Murphy fait une distinction entre le rejet de la requête des

12 appelants, s'agissant de la compétence. Mais rappelez-vous? Il avait dit

13 que la Chambre n'avait pas pouvoir pour ordonner un tel renvoi. Etait

14 ainsi contestée une décision de la Chambre d'appel, contestation qu'il

15 réitère ici. Il y a une requête pour révision et à ce titre, il présente

16 deux arguments. D'abord, la décision était per incuriam et deuxièmement,

17 aucune décision n'avait été prise à cet égard.

18 Sauf le respect que nous leur devons, nous faisons valoir que la Chambre

19 d'appel a manifestement examiné la question, connaissait les tenants et

20 aboutissants; elle connaissait très bien la décision déjà rendue dans

21 l'affaire Tadic, où elle reconnaissait le droit de renvoi. Et la Chambre

22 d'appel connaissait bien la décision Tadic où on pouvait renvoyer à des

23 fins précises et limitées.

24 Deuxième argument présenté par les appelants: c'est qu'aucun argument

25 n'avait été présenté à la Chambre d'appel, donc les appelants s'estiment

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1 autorisés à soumettre la question de la compétence, du moins dans leur

2 mémoire. C'est vrai qu'aucun argument n'a été présenté sur ce point.

3 Cependant, nous le savons grâce à l'arrêt Jelisic, le droit de présenter

4 des arguments se présente lorsque les droits des parties sont affectées.

5 Or le droit qui aurait été affecté, comme le disent les appelants, qui

6 était le droit de présenter des circonstances atténuantes ou des moyens,

7 dans ce sens où ils disent aussi qu'il y a eu modification du droit depuis

8 la première décision. Nous disons qu'il n'y a pas le droit d'admettre des

9 circonstances atténuantes lorsqu'il y a nouveau prononcé de la peine.

10 Bien sûr, il peut y avoir révision comme ça été fait dans le cas

11 Aleksovski, sans avoir des éléments de preuve intervenant pour atténuer la

12 sentence.

13 La Chambre a prouvé qu'elle n'a pas l'obligation d'entendre des éléments

14 de preuve allant dans le sens de l'atténuation au moment du nouveau

15 prononcé de la peine, que ce soit par une Chambre d'appel ou par une

16 Chambre de première instance.

17 La décision dans le précédent Kolundzija nous le dit aussi. Il y avait eu

18 relâchement prématuré de Kolundzija, et le Président avait tenu compte du

19 comportement affiché par la personne concernée après le procès.

20 Donc là, effectivement, il y avait droit d'entendre ou de recevoir ces

21 nouveaux moyens de preuve.

22 Les appelants affirment avoir été lésés parce qu'ils n'ont pas été

23 autorisés à présenter des arguments sur la décision ultérieure, sur la

24 jurisprudence ultérieure. Ceci ne s'applique pas à notre avis.

25 Quelle était la sentence appropriée pour ces trois appelants? La Chambre

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1 d'appel l'a déterminée après avoir entendu des arguments.

2 Par conséquent, la première décision prise par la première Chambre d'appel

3 ne peut pas être modifiée. Et la question de la parité peut être quelque

4 chose qui peut être soulevée lorsqu'on conteste effectivement la peine

5 elle-même, mais on ne peut pas le présenter cet argument lorsqu'on demande

6 modification de la peine.

7 La décision implicite prise par la Chambre d'appel de renvoyer l'affaire

8 ne peut pas faire l'objet de l'appel en l'espèce, et la Chambre d'appel

9 avait estimé avoir le droit de renvoyer. A moins que la Chambre ne fasse

10 droit pour qu'il y ait réexamen de la décision implicite, cette question a

11 été déjà abordée par la Chambre d'appel.

12 Ça, c'étaient mes remarques s'agissant de cette question préliminaire.

13 Passons maintenant à la question de la compétence.

14 Une seule chose. Les appelants disent ceci: "Le Statut n'est pas ambigu,

15 il ne peut pas être interprété comme faisant droit à la démarche adoptée

16 par l'accusation, Article 25 du Statut".

17 L'Article 25 du Statut, ce n'est pas un article qui soit dénué de toute

18 ambiguïté sur la question. On ne parle pas d'un pouvoir express, un

19 pouvoir explicite de renvoi dans cet Article 25; ce n'est pas une

20 interprétation sans aucune ambiguïté. Si on voit le libellé exact, on ne

21 trouve pas le mot "renvoi" dans cet Article. Mais la Chambre l'a déjà dit,

22 l'Article 25 ne permet pas d'interjeter appel de la peine. Cependant, le

23 Tribunal a estimé que c'était implicite; et c'est implicite a contrario

24 s'il y a affirmation, ou si la question est révisée par la Chambre, cela

25 veut dire que la Chambre automatiquement aussi a le droit de renvoi.

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1 L'Article 117C) du Règlement, d'après les appelants et d'après mon

2 interprétation, c'est que cet Article 117 limite le pouvoir relevant de

3 l'Article 25 du Statut. On a admis qu'il y a le droit de renvoi, que

4 l'Article 25 le donne, mais ils disent: "C'est uniquement pour la peine

5 totale". Parce que, c'est un petit peu tourner en rond, l'Article 25 du

6 Statut est la législation qui donne le droit et qui crée le pouvoir de

7 renvoi en premier lieu.

8 L'Article 117 du Statut ne limite pas ce pouvoir. On parle de la procédure

9 adoptée, s'il y a effectivement renvoi, s'il y a renvoi pour nouveau

10 procès.

11 Les appelants se basent sur l'arrêt Tadic, ils font valoir que c'est une

12 bonne jurisprudence pour le renvoi mais pas pour un renvoi à des fins

13 limitées. Nous faisons valoir que ceci n'a jamais été évoqué dans

14 l'affaire Tadic, pas de façon spécifique, et la question n'a jamais été

15 étudiée par la Chambre. Il se peut que j'ai mal compris l'intervention de

16 Me Murphy, mais -je pense que c'est au paragraphe 5 de la réplique de

17 Landzo- il me semble comprendre que le renvoi dans l'affaire Tadic c'était

18 un nouveau procès sur la question générale de la peine; c'est ce qu'ils

19 disent mais ce n'est pas vrai.

20 Qu'est-ce qui s'est passé dans l'affaire Tadic? On n'a pas examiné, on n'a

21 pas pris de compte de toutes les infractions antérieurement commises par

22 l'accusé pour lequel il y avait eu condamnation. En fait, ça été renvoyé

23 uniquement pour le point où l'appel de l'accusation avait été accueilli.

24 Donc ce n'est pas un renvoi complet. C'est un renvoi à des fins limités.

25 L'examen des questions pour lesquelles il y aurait dû y avoir condamnation

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1 si l'accusation avait été suivie. Ce n'est donc pas un renvoi pour nouveau

2 jugement sur tous les chefs d'accusation.

3 Point suivant. Est-ce qu'on peut faire un renvoi même s'il y a une

4 question plus circonscrite, qui est le renvoi sur ces trois questions pour

5 lesquelles il y aurait eu erreur, à savoir le droit, interprétation du

6 Statut, ce genre de chose?

7 Je relève en dernier lieu ceci, et même si la question n'a pas été évoquée

8 expressément: la Chambre d'appel Kupreskic s'agissant de M. Santic a

9 décidé de tenir compte d'une question, en l'occurrence celle de sa

10 coopération. Ça, c'est après le procès. Il y aurait eu coopération de la

11 part de M. Tadic et ceci a été évoqué comme question dans le cadre du

12 prononcé de la peine. La Chambre d'appel Kupreskic pouvait faire deux

13 choses, disait l'accusation: faire un renvoi, si elle l'estimait

14 nécessaire sur cette question et cette question seulement; ou la Chambre

15 d'appel pouvait elle-même prendre une décision.

16 Au paragraphe 461 et 462 de l'arrêt Kupreskic, la Chambre reconnaît

17 qu'elle avait le pouvoir de faire un renvoi sur cette seule question, mais

18 le libellé utilisé pour le dire est le suivant: la Chambre a décidé que ce

19 n'était pas nécessaire, vu les circonstances de l'espèce. Même si la

20 question n'est pas évoquée spécifiquement, elle est reconnue comme

21 existante. Enfin, même s'il y avait une audience sur ce point limité, on

22 aurait dû de toute façon écouter les éléments de preuve portant sur les

23 circonstances atténuantes. Ceci aurait été une atteinte au principe de

24 l'équité, disent les appelants.

25 L'audience portait sur un point limité; les circonstances atténuantes,

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1 jusqu'au moment du procès, eh bien, ont été prises en compte par la

2 Chambre de première instance et revues par la Chambre d'appel. Il n'y

3 avait pas eu de circonstances atténuantes soumises au moment de l'audience

4 en appel.

5 Finalement de quelle période parlons-nous? Pas la question de la première

6 Chambre de première instance ni de la seconde; c'est plutôt le moment où,

7 à partir de février 2001 jusqu'à octobre 2001, date de la nouvelle

8 sentence. A mon avis, il n'y a pas eu d'erreur en n'autorisant pas

9 d'entendre les éléments de circonstances atténuantes au moment de la

10 deuxième situation. Dans l'affaire Aleksovski, ceci n'a pas du tout été

11 pris en compte et on n'a pas dit que c'était une erreur.

12 La Chambre d'appel Jelisic a jugé que le comportement, après déclaration

13 de culpabilité, surtout dans l'affaire Jelisic, par exemple celui-ci a

14 essayé de présenter un rapport du quartier judiciaire, et en appel ceci a

15 été jugé inadmissible. On peut arguer du fait que ceci est noté aussi par

16 la Chambre d'appel Kupreskic, dans la note de bas de page 741.

17 La Chambre d'appel Jelisic aurait-elle refusé d'entendre un rapport sur le

18 comportement après la condamnation parce qu'ici on n'était pas censé

19 attaquer l'appel? Manifestement il n'était pas possible d'avoir une erreur

20 de la Chambre de première instance parce qu'il n'y avait pas eu ce

21 comportement auparavant. Mais j'aimerais attirer votre attention sur le

22 libellé, qui n'est pas très clair. Dans l'arrêt Jelisic, on dit que: "Le

23 comportement après condamnation n'est pas pertinent et ne peut pas être

24 présenté devant une Chambre de première instance" –c'est compréhensible—

25 "mais ceci ne peut pas non plus être considéré par la Chambre de première

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1 instance."

2 Cela n'a pas de sens puisqu'il ne peut pas y avoir d'appel avant jugement,

3 mais ce que dit le texte c'est que ce type de comportement n'est pas

4 pertinent au moment de la première condamnation, mais qu'est-ce que cela

5 veut dire alors? Quelle est l'utilité pour la Chambre de se pencher sur la

6 question de la peine?

7 A mon avis, la première Chambre de première instance entend tous les

8 éléments, donc ceux-ci sont pris en considération. La Chambre d'appel

9 n'accepte pas le comportement après condamnation parce que ce n'est pas

10 dans la nature de la procédure. On n'est pas là pour revoir la première

11 décision. La Chambre d'appel a le pouvoir, à mon avis, de refuser des

12 circonstances atténuantes ou de les entendre, comme cela a été fait dans

13 l'affaire Aleksovski. Et s'il y a renvoi à des fins limités, à ce moment-

14 là la Chambre de première instance a le pouvoir, en l'occurrence, de se

15 pencher sur les questions qui font l'objet de son mandat.

16 Comme ce sont là les fonctions exercées par les Chambres respectivement de

17 première instance et d'appel en matière de peine, et aussi pour la Chambre

18 d'appel pour savoir si elle doit tenir compte du comportement après

19 condamnation.

20 Voilà. Est-ce que vous avez des questions sur ces deux points avant que je

21 passe au suivant?

22 M. Hunt (interprétation): Maître Farrell, revenons sur une situation qui

23 me paraît être tout à fait coutumière dans une Chambre d'appel au pénal.

24 Il y a eu donc appel interjeté quant à la condamnation. Tout le monde sera

25 d'accord qu'il ne s'agit donc pas d'une nouvelle audience aux fins du

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1 prononcé de la sentence. On ne va donc pas accepter de nouveaux éléments

2 de preuve sur cette question précise. Mais une fois que l'on a reconnu

3 qu'il y a eu erreur commise, la Chambre d'appel doit réexaminer la

4 sentence ou la peine. C'est ce qui est d'ailleurs évoqué par le Statut du

5 Tribunal, ou réviser la peine.

6 Il se peut que l'erreur commise par la Chambre de première instance soit

7 de nature telle que la Chambre d'appel estime qu'il est nécessaire de

8 prononcer une nouvelle peine. Dans chacune des affaires qui nous

9 intéressent ici, il y a eu appel interjeté de la peine et il a été suggéré

10 qu'il devait y avoir un nouveau prononcé de peine. Donc si chacun des

11 accusés, comme ils auraient dû le faire d'après moi, avait soumis de

12 nouveaux éléments, s'ils avaient vu leur demande de nouveau prononcé de

13 peine acceptée, est-ce que vous pensez que la Chambre d'appel aurait dû

14 refuser ces nouveaux éléments? Est-ce que c'est ce que vous dites?

15 M. Farrell (interprétation): Vous mettez le doigt sur le point qui est

16 d'intérêt ici, Monsieur le Juge. Dans les juridictions que je connais, et

17 je crois que ce sont les juridictions que vous connaissez également, la

18 question est de savoir ce qui est pertinent. Est-ce qu'il s'agit ici

19 d'atténuer le comportement criminel? Est-ce que cela a à voir avec le

20 premier prononcé de la peine? Est-ce que cela a à voir avec ces éléments?

21 M. Hunt (interprétation): Et bien la Chambre de première instance aurait

22 dû essayer d'envisager ce que le comportement des accusés pouvait être à

23 l'avenir, notamment dès lors qu'il s'agit de la réinsertion et de la

24 réhabilitation des accusés.

25 Est-ce que c'est quelque chose qui doit être pris en compte lorsqu'il

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1 s'agit de prononcer une nouvelle peine? Et si c'est le cas, est-ce que la

2 Chambre d'appel peut accepter de le refuser, de ne pas en tenir compte?

3 M. Farrell (interprétation): Vous avez tout à fait raison, Monsieur le

4 Juge Hunt.

5 La Chambre d'appel a toute discrétion et peut choisir de l'accepter ou

6 pas. Mais si on essaye de savoir quelle est la peine appropriée eu égard

7 au comportement de l'accusé, et si le comportement après le procès est

8 comparable à ce qu'il a été dans l'affaire Kolundzija, eh bien, justement,

9 la question est de savoir si la peine doit être prononcée au vu du

10 comportement criminel qui était celui de l'accusé au moment où il a été

11 condamné.

12 M. Hunt (interprétation): Je crois que vous avez une interprétation très

13 étroite des questions qui doivent être prises en compte par toute Chambre

14 devant se prononcer de la peine.

15 Il ne s'agit pas seulement d'observer la conduite criminelle de l'accusé;

16 il faut également penser aux perspectives de réinsertion et de

17 réhabilitation. Indubitablement, cela doit être pris en compte.

18 Mettons que l'accusé ait enfin compris la gravité de son crime, mettons

19 qu'il passe aux aveux, mettons que l'accusé reconnaisse qu'il s'est mal

20 conduit. Bien, le Règlement du Tribunal n'encourage pas ce type de

21 déclaration pendant la durée du procès, parce que cela devrait être

22 quelque chose qui devrait être prononcé pendant le procès. Il n'est pas de

23 procédure qui soit spécifiquement consacrée au prononcé de la peine.

24 Bon effectivement, c'est quelque chose d'un peu particulier de ce

25 Tribunal, mais même si l'accusé ne le fait pas pendant le procès, il se

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1 peut que plus tard il dise "j'ai compris, je me suis trompé, j'ai compris

2 que j'ai fait quelque chose de très, très grave; je me repens". Cela,

3 c'est quelque chose qui peut être mis en avant par l'accusé ensuite.

4 M. Farrell (interprétation): Bien sûr et je reconnais la distinction que

5 vous avez faite et que vous avez faite auprès de mes éminents collègues.

6 Mais la question est de savoir si oui ou non la personne aurait dû être ou

7 devrait être remise en liberté de façon anticipée, ou quelle est

8 l'importance qu'on doit donner au fait qu'il a admis sa culpabilité et

9 qu'il a adopté un comportement de repentance, si vous voulez.

10 Je ne veux pas vous induire en erreur, je crois, bien sûr je reconnais ce

11 qui a été dit par la Chambre d'appel dans l'arrêt Kupreskic. Le fait qu'il

12 y ait eu coopération après procès est quelque chose qui doit être en

13 considération et quelque chose qui est un facteur pertinent. Il s'agit

14 bien d'un comportement adopté par l'accusé après la tenue du procès. Mais

15 c'est une exception à ce que je disais tout à l'heure. Je le pense.

16 M. le Président (interprétation): Le Juge Gunawardana a une question.

17 M. Gunawardana (interprétation): Vous ai-je bien compris? Vous dites que

18 l'appel ne peut être revu. Vous dites qu'il faut qu'il y ait renvoi limité

19 devant la Chambre de première instance, notamment pour ce qui est de

20 l'impact que cela a sur le cumul des charges.

21 Ma question est dans ce cas celle-ci: est-ce que la Chambre d'appel peut

22 limiter l'étendue du renvoi lorsqu'elle rend sa décision?

23 M. Farrell (interprétation): Oui, d'après nous elle peut le faire. Elle a

24 cette compétence de renvoi limité sur des questions très précises.

25 L'objectif pour lequel il pourrait y avoir renvoi limité n'est pas

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1 l'objectif qui est celui de mes collègues. Mes collègues demandent un

2 renvoi limité pour un objectif qui n'est pas le nôtre. Ils veulent qu'il y

3 ait renvoi limité pour qu'il y ait redressement et pour qu'il y ait

4 rectification de possibles erreurs qui auraient été commises, et pour

5 qu'il y ait protection des droits des accusés.

6 Dans ce cas, je crois qu'il y a effectivement compétence et que la Chambre

7 d'appel a la possibilité de choisir le renvoi.

8 Dans mes arguments précédents, Monsieur le Juge, j'ai déclaré qu'il n'y

9 avait rien dans le Statut ou dans le Règlement qui empêche la Chambre

10 d'agir de la sorte. Et les Articles ont été déjà interprétés comme

11 permettant ce type d'intervention.

12 M. Gunawardana (interprétation): En fait, vous pensez que la Chambre de

13 première instance doit se centrer uniquement sur les questions qui lui

14 sont renvoyées par la Chambre d'appel.

15 M. Farrell (interprétation): Tout à fait.

16 M. le Président (interprétation): Une question à nouveau, Monsieur

17 Farrell.

18 J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt vos arguments d'après lesquels

19 l'Article 107C) du Règlement limite les compétences telles qu'énoncées par

20 l'Article 25 du Statut. Vous vous rappelez avoir évoqué cela, je crois,

21 Monsieur Farrell?

22 M. Farrell (interprétation): Je disais, Monsieur le Juge, que ce serait

23 sans doute la position tenue à terme par les appelants.

24 M. le Président (interprétation): Je comprends. Si l'on dit que les

25 Articles limitent la portée des Articles du Statut, ce qu'on dit en fait

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1 c'est que l'Article du Règlement peut être considéré comme une

2 modification du Statut.

3 M. Farrell (interprétation): L'accusation bien sûr ne pense pas de la

4 sorte.

5 M. le Président (interprétation): Tout à fait. Mais vous avez également

6 dit que la Chambre d'appel, si elle exerçait sa compétence en matière de

7 nouveau prononcé de la peine, n'a pas à entendre les éléments de preuve

8 relatifs à l'atténuation des circonstances.

9 Est-ce que je vous comprends bien? Est-ce que vous dites qu'en dépit du

10 fait que la Chambre d'appel n'a pas à attendre ces éléments de preuve,

11 elle peut, si elle considère que cela est pertinent, les entendre

12 justement.

13 M. Farrell (interprétation): Tout à fait.

14 M. le Président (interprétation): Je crois que quelque part dans le

15 jugement, il est fait référence au fait qu'il n'est pas nécessaire d'avoir

16 une nouvelle audition de tous les éléments de preuve, qu'il n'est pas

17 nécessaire que la Chambre de première instance reconstituée entende tous

18 les éléments de preuve.

19 Est-ce que vous pensez qu'on peut dire que cela démontre que la Chambre

20 d'appel a effectivement rendu une décision relative au fait de savoir s'il

21 fallait ou pas entendre des nouveaux éléments de preuve? Est-ce que vous

22 pensez que cela veut dire que la Chambre d'appel a décidé que, non, il

23 n'était pas nécessaire d'entendre de nouveaux éléments de preuve? Et est-

24 ce que vous pensez que c'est sur cette base, ensuite, que le renvoi a été

25 fait?

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1 M. Farrell (interprétation): L'accusation est effectivement de cet avis.

2 M. Hunt (interprétation): Cela se trouve aux paragraphes 712 et 713.

3 M. Farrell (interprétation): Merci beaucoup.

4 Je voudrais maintenant en venir au deuxième point que je voulais soulever

5 ici, si vous n'avez pas de questions supplémentaires sur ce premier point.

6 Je vois que nous n'avons pas énormément de temps, je vais essayer de

7 revenir sur les grandes lignes de ce que je tenais à faire valoir.

8 Le deuxième point, c'est la demande de M. Mucic pour un réexamen de

9 l'affaire au vu de l'évolution de la jurisprudence, notamment au vu de ce

10 qui s'est passé dans l'affaire Kupreskic.

11 Je crois que la Chambre d'appel, cela apparaît dans ses questions, est

12 parfaitement au courant de la position qui est celle de l'accusation. Je

13 ne vais pas revenir dans les détails sur notre position, je suis prêt à

14 répondre aux questions que vous auriez à me poser mais très rapidement je

15 vous rappelle quels sont nos arguments. Bien sûr il s'agit de savoir si

16 nous devrons respecter le principe de la res judicata, la question est de

17 savoir s'il s'agit là d'un jugement fondamental ou pas. Mais je ne crois

18 pas que cette question soit d'intérêt si la Chambre estime que l'affaire

19 Kupreskic n'introduit pas un changement fondamental dans le droit qui est

20 retenu ici.

21 Si la Chambre considère que c'est effectivement un changement fondamental,

22 alors je crois que la Chambre aurait le droit de demander d'entendre une

23 nouvelle fois l'affaire. L'avis de l'accusation est que lorsque l'on

24 regarde la façon dont les arguments invoqués dans le cadre de l'appel

25 Celebici ont été présentés, eh bien, on s'aperçoit que la Chambre d'appel

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1 a fait exactement son travail. Elle a répondu à ce qui lui était demandé.

2 On ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir tranché une question qui ne

3 lui était pas soumise.

4 Ensuite, la Chambre d'appel a répondu aux questions liées à la fois à la

5 crédibilité et à la fiabilité. Et donc cette question désormais n'est plus

6 pertinente. Je ne veux pas empiéter sur le temps de parole de mes

7 collègues, donc je me contenterai de cette déclaration, je suis prêt à

8 répondre à vos questions.

9 M. Hunt (interprétation): Le paragraphe 6.1.6 de votre mémoire est un

10 paragraphe où vous abordez précisément cette partie de l'affaire. Vous

11 dites que la différence est de savoir s'il y a un jugement définitif.

12 Alors en quoi est-ce que cela s'inscrit dans le droit qui est

13 d'application en l'espèce?

14 M. Farrell (interprétation): Je ne sais pas si je vous ai bien compris. La

15 question est de savoir si l'on peut continuer à réviser l'affaire même

16 lorsqu'il y a déjà eu un jugement final rendu. Après le jugement final, il

17 y a le principe de la res judicata qui intervient et on ne peut pas avoir

18 une autre décision, c'est ce que je comprends.

19 M. Hunt (interprétation): Oui c'est que je pensais que vous alliez dire,

20 mais vous avez un jugement final, et ensuite un jugement final sur la

21 condamnation. C'est ça dont vous parlez?

22 M. Farrell (interprétation): Pour moi, le jugement final ici c'est le

23 jugement qui porte condamnation. J'ai entendu ce qu'a dit le conseil de la

24 défense de M. Delic. Il aura pleinement le droit de commenter sur mon

25 intervention, mais je crois que ceci est pleinement reconnu par M. Delic.

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1 Monsieur Delic a déposé une requête pour réexamen ou révision sur la base

2 de nouveaux éléments de preuve, nouveaux éléments de preuve qui, d'après

3 lui, auraient un impact sur sa condamnation. Il a déclaré que dans sa

4 requête, il satisfait tous les critères qui sont nécessaires à une

5 révision au titre de l'Article 119.

6 S'il s'agit d'un jugement final tel que visé par l'affaire Baraguisa,

7 alors je pense que cela tranche la question, ne peut s'appuyer désormais

8 que sur la doctrine. Mais je vous rappelle que la question est toujours à

9 l'étude devant une Chambre d'appel, et je vous rappelle que dans ce cas M.

10 Delic aurait pu déposer de nouveaux éléments de preuve, mais ce n'est pas

11 le cas. Dans le cas qui nous intéresse ici, la Chambre d'appel a établi

12 qu'il y avait une décision rendue en dernier lieu et qu'elle était finale.

13 Dès lors j'estime qu'on ne peut réouvrir une procédure d'appel portant sur

14 la condamnation.

15 M. Hunt (interprétation): Question suivante. Je crois que plus que toute

16 autre personne vous êtes à même de nous expliquer ce que veut dire cette

17 affaire canadienne dont on a fait état, puisqu'il y a eu changement de

18 droit pendant le déroulement de l'affaire.

19 M. Farrell (interprétation): C'est vrai que je connais bien l'affaire.

20 M. Hunt (interprétation): C'est une affaire intéressante, mais en quoi

21 est-ce qu'elle a un impact sur ce qui nous occupe ici?

22 M. Farrell (interprétation): D'après ce que j'ai compris de la décision

23 rendue dans l'affaire Sarson, c'est que si vous vous trouvez encore en

24 pleine procédure devant la Chambre qui entend l'affaire, vous pouvez

25 invoquer l'argument suivant: si depuis le moment où vous avez été condamné

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1 par la Chambre et le moment où il y a une interjection d'un appel devant

2 la Chambre, si dans cette période de temps il y a une modification du

3 droit, vous n'êtes pas tenu par ce droit devant la Chambre d'appel. Vous

4 n'êtes pas tenu par la loi qui était d'application au moment où vous

5 présentiez vos arguments devant la Chambre de première instance.

6 S'il y a eu arrêt définitif rendu par la Chambre d'appel et si deux ans

7 après il y a une modification de la loi, vous ne pouvez pas revenir à

8 l'appel et essayer de vous réintégrer dans le système tel que modifié, et

9 c'est bien ce qui s'est passé dans l'affaire Sarson. Je crois que les

10 appelants ont d'abord reconnu le principe et ensuite ont demandé à ce

11 qu'il y ait prorogation du temps qui leur était imparti pour déposer un

12 appel, cela leur a été refusé, et ils ont invoqué le droit d'habeas corpus

13 déclarant que la disposition sur laquelle la décision s'appuyait n'était

14 plus constitutionnelle, mais je crois que le principe est le même, le

15 jugement portant condamnation est final et définitif.

16 M. Hunt (interprétation): Vous affirmez donc que nous ne sommes plus dans

17 la procédure de l'affaire puisqu'il y a eu jugement définitif portant sur

18 la condamnation?

19 M. Farrell (interprétation): Précisément.

20 M. le Président (interprétation): Merci Monsieur Farrell.

21 M. Farrell (interprétation): Je vous remercie. Je donne la parole à ma

22 collègue, Mme Brady, qui va parler des éléments sur lesquels nous

23 souhaitons présenter des éléments par ailleurs.

24 M. le Président (interprétation): Vous êtes prête Madame Brady?

25 Mme Brady (interprétation): Oui. Mon collègue, M. Farrell, vous a déjà dit

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1 quels étaient les motifs d'appel sur lesquels j'allais présenter des

2 arguments ce matin. Il y en a deux. L'un ayant trait au motif commun

3 d'appel qui a été évoqué par les trois appelants et qui porte sur l'effet

4 du renvoi du rejet du cumul des charges sur la peine. Et puis, il y a

5 ensuite l'autre motif d'appel qui a été soulevé par Mucic, sur le lien qui

6 existe avec le troisième motif d'appel qui est invoqué dans son mémoire.

7 Nous avons entendu ce matin des arguments qui portaient sur la question de

8 l'effet du rejet du cumul des charges sur la condamnation. Des arguments

9 ont été présentés par Mme Sinatra au nom de M. Landzo, et je m'attacherai

10 à ces arguments. Et puis, il y a eu également des arguments présentés qui

11 l'ont été au nom des trois appelants et qui portaient sur la nature de la

12 procédure qui avait été engagée devant la Chambre de première instance

13 recomposée.

14 Dans le cadre de mes arguments, je voudrais un petit peu étoffer ce que

15 nous avons dit dans notre mémoire en réponse, en essayant de vous montrer

16 que le point autour duquel s'articule ce tas de questions doit être

17 modifié. Il faut que nous ayons une approche beaucoup plus étroite et

18 beaucoup plus limitée. La question est de savoir si la Chambre de première

19 instance reconstituée a commis une erreur de droit ou a commis une erreur

20 fondamentale en ne réduisant pas la peine des appelants sur la base des

21 arguments présentés au titre de l'Article 2.

22 Comme l'a dit le Juge Meron, ce matin, fort justement, lorsqu'il a relevé

23 ce qui était dit dans le paragraphe 42 de la décision rendue par la

24 Chambre de première instance reconstituée, donc il y a effectivement dans

25 ces paragraphes 34 et 42 les éléments qui nous permettent de montrer que

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1 la Chambre n'a pas commis d'erreur.

2 Le paragraphe 42 établit, enfin donne une conclusion, eu égard à la raison

3 pour laquelle la deuxième Chambre de première instance a pensé que le

4 rejet des cumuls des peines devrait ne pas avoir d'effet sur le prononcé

5 de la peine qui serait énoncé pour les chefs d'accusation restants. Et

6 c'est sur ce point que je voudrais revenir, je pense que cela montre qu'il

7 n'y a pas eu d'erreur commise.

8 Tout d'abord et c'est un point d'une importance considérable, suite aux

9 instructions données par la Chambre d'appel et suite aux nombreuses

10 observations faites par la Chambre d'appel sur l'importance du principe de

11 la totalité, lorsqu'on prononce une sentence, ce qu'a fait la première

12 Chambre de première instance reconstituée c'est de regarder la totalité

13 des éléments relatifs au comportement criminel de l'appelant, pour rendre

14 une peine qui reflète la totalité du comportement des appelants.

15 Ce matin M. Mucic et M. Murphy, si je m'abuse, ont dit tous deux que la

16 Chambre de première instance reconstituée n'avait pas de bases sur

17 lesquelles se livrer à cet exercice. Mais nous nous inscrivons en faux.

18 Les éléments d'atténuation mis à jour ont été donnés à la Chambre de

19 première instance reconstituée, donc elle disposait de tous les éléments

20 d'information nécessaires.

21 Pour ce qui est de M. Mucic, la Chambre de première instance reconstituée

22 fait une synthèse des différents éléments qui lui ont été communiqués

23 relatifs à son comportement criminel, cela ayant trait au chef

24 d'accusation relatif à l'Article 2, et ensuite la Chambre se penche sur

25 les questions qui ont motivé le premier prononcé de la peine qui a été

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1 considéré comme inadéquat par la Chambre d'appel.

2 Pour ce qui est de M. Delic, la même chose prévaut. Si l'on regarde quelle

3 a été l'approche retenue par la Chambre de première instance reconstituée,

4 on s'aperçoit que la Chambre fait une synthèse des éléments de

5 comportement criminel qui ont conduit à une condamnation au titre de

6 l'Article 2, on s'aperçoit que la Chambre d'appel a rejeté son

7 affirmation, a déclaré que la condamnation initiale était trop lourde et a

8 déterminé qu'il fallait qu'il y ait une réduction de la peine aux vus du

9 prononcé de l'acquittement pour l'un des homicides intentionnels.

10 Si l'on analyse maintenant ce qui a été fait par Landzo, eh bien, nous

11 affirmons que les appelants n'ont pas démontré que la Chambre de première

12 instance s'était trompée en concluant que la totalité de leur comportement

13 criminel n'avait pas été prise en compte. Il n'y a pas eu annulation du

14 cumul des condamnations, il y a eu des sentences rendues de 15 ans pour M.

15 Landzo, de 18 ans pour M. Delic, et de 9 ans pour Mucic.

16 Ce principe de la totalité, et l'application dudit principe par la Chambre

17 de première instance reconstituée, montre pourquoi certains des arguments

18 qui ont été mis en avant par les appelants dans leur mémoire sont bien

19 trop simplistes. Ce n'est pas parce qu'un appelant est poursuivi pour un

20 nombre moindre de charges que sa sentence doit être rendue plus légère, ce

21 n'est pas parce que la Chambre d'appel, la première Chambre d'appel a

22 pensé que les crimes commis autour de l'Article 2 étaient plus précis que

23 ceux commis autour de l'Article 3 qu'il faut qu'il y ait une estimation

24 plus nuancée du comportement total de l'accusé.

25 Ces arguments sont très simplistes et ne tiennent pas compte le principe

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1 de la totalité qui doit être retenu au moment du prononcé d'une peine.

2 Outre ce principe de la totalité qui était très clairement prévalant dans

3 les esprits des Juges de la Chambre de première instance reconstituée il

4 ne faut pas oublier par ce qui a été dit par cet même Chambre de première

5 instance reconstituée à propos du raisonnement tenu par la Chambre de

6 première instance.

7 La Chambre de première instance reconstituée avait le droit et plus que le

8 droit de tirer la conclusion qu'elle a tirée au paragraphe 42, à savoir

9 que la Chambre de première instance initiale avait à l'esprit ce principe

10 de totalité lorsqu'elle a rendu sa décision. Et ce principe aurait été

11 impliqué de la même façon même sans le cumul des peines.

12 Nous sommes d'accord pour dire que l'un des facteurs déterminants est

13 l'intention qui était celle de la Chambre de première instance initiale.

14 Nous ne contestons pas cela, c'est un facteur absolument déterminant. Et

15 d'ailleurs la Chambre d'appel dans le paragraphe 769 de son arrêt a

16 demandé à la Chambre de première instance reconstituée de se livrer à cet

17 exercice. Dans le paragraphe 769 lorsqu'elle fait référence au rejet des

18 éléments retenus contre M. Mucic à l'Article 3, la première Chambre

19 d'appel déclare que cela va supposer que la Chambre de première instance

20 va reconstituée agisse en conséquence. Ce que nous disons, c'est que

21 lorsqu'ils ont passé ces éléments en revue, lorsqu'ils ont essayé de

22 comprendre ce qu'avait la Chambre de première Chambre, le critère qui a

23 été retenu est celui de la présomption de préjudice. La raison de cela est

24 ceci: si vous regardez au jugement de la première Chambre de première

25 instance, vous verrez dans certaines parties du jugement qu'il apparaît

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1 que la Chambre était parfaitement consciente de la nécessité de ne pas

2 punir de façon cumulative. Elle est consciente de la nécessité de se

3 concentrer sur l'établissement d'une peine qui reflétait la totalité du

4 comportement criminel des accusés. Il y a un certain nombre de facteurs

5 sur lesquels nous nous appuyons pour présenter les arguments que j'invoque

6 ici. Tout d'abord, la Chambre de première instance a qui a d'abord rendu

7 le jugement a fait un certain nombre de références aux questions de

8 prononcé de la sentence, et a déclaré que le prononcé de la sentence

9 dépendait de certaines circonstances particulières aux crimes et dépendait

10 également du rôle que l'accusé avait joué dans la perpétration de ce

11 crime. Deuxièmement, ont fait état de l'utilisation de peines identiques

12 et concurrentes pour chacun des accusés. Nous sommes tout à fait d'accord

13 avec la nécessité d'avoir recours à des peines concurrentes mais nous ne

14 pensons pas que ce soit le principe qui doive être retenu en premier lieu.

15 Nous pensons qu'une interprétation raisonnable de qu'a dit la première

16 Chambre de première instance est celle-ci: la Chambre de première instance

17 a utilisé la technique de prononcé de la peine concurrente pour éviter une

18 cumulation des condamnations et c'est ce que la Chambre de première

19 instance avait à l'esprit. Si nous regardons ce qui a été dit par la

20 deuxième Chambre de première instance maintenant dans son paragraphe 34,

21 eh bien, nous trouvons des éléments qui étayent notre interprétation de ce

22 qui a été fait. Même dans une situation où il y a possibilité de

23 condamnation cumulée eh bien, il apparaît que la Chambre de première

24 instance a choisi ne pas punir deux fois pour le même comportement. Nous

25 souhaitons également vous renvoyer aux observations qui ont été faites par

Page 93

1 vous-même dans le cadre des débats de la Chambre d'appel au paragraphe

2 769.

3 Je voudrais revenir maintenant sur l'argument qui a été mis en avant Me

4 Sinatra ce matin, et qui portait sur les problèmes que posent la procédure

5 du cumul des condamnations, revenir également sur ce qu'elle a dit à

6 propos de l'opinion séparée des juges Hunt et Bennouna. Ce que nous

7 pensons nous c'est que la Chambre d'appel dans son arrêt qui annule les

8 condamnations de l'Article 3, c'est un arrêt qui a retiré tout stigmate

9 pouvant résulter d'une cumulation des peines portant sur les articles

10 perpétrés et visés par l'Article 3.

11 En renvoyant cette question devant la Chambre de première instance

12 reconstituée pour qu'un nouvel examen de la question soit mené à bien, je

13 crois qu'il y a eu à la fois prise en compte de la totalité des éléments

14 relatifs aux comportements des accusés et prise en compte de l'intention

15 qui était celle de la Chambre qui s'était prononcée en premier lieu. Avant

16 d'en venir au deuxième motif d'appel, je vais vous donner la possibilité

17 de me poser des questions sur les points que je viens de d'évoquer.

18 M. Hunt (interprétation): Madame Brady, c'est une question extrêmement

19 limitée que vous soulevez. Je suis flatté de voir que certains accusés

20 sont d'avis que ce que j'ai dit et ce qu'a dit le Juge Bennouna doit être

21 considéré comme le droit à appliquer. Mais la question est tout de même de

22 savoir si la Chambre de première instance lorsqu'elle a imposé un cumul

23 des peines a de fait prolongé la peine, c'est ce point qui a été renvoyé

24 devant la Chambre de première instance recomposée, la question est de

25 savoir si la Chambre de première instance a eu tort en disant que les

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1 peines auraient été exactement les mêmes s'il y avait pas eu cumul des

2 condamnations; c'est ça, la question, et c'est sur ce point que les

3 appelants doivent nous démontrer qu'il y a eu erreur commise. Et c'est ce

4 critère que le Jugement, ainsi que les opinions séparées, analysent. Et

5 c'est sur ce critère que l'on a demandé à la nouvelle Chambre de première

6 instance de se prononcer.

7 Alors, je ne dis pas que ce que vous avez dit n'est pas cohérent, dans le

8 cadre de ce que j'affirme, mais est-ce que cela pose vraiment problème?

9 Mme Brady (interprétation): Absolument pas. Ce que nous avons dit,

10 précisément, démontre qu'il n'y a pas eu d'erreur précise quand il y a eu

11 prise en compte de cet élément, de cet aspect de l'affaire.

12 La deuxième Chambre de première instance a eu bien présent à l'esprit les

13 deux circonstances les plus importantes, la totalité du comportement

14 criminel de l'appelant et l'intention originale de la première Chambre de

15 première instance, et je crois même qu'il y a eu excès de prudence.

16 La première Chambre de première instance reconstituée a même regardé dans

17 le détail ce qu'a fait la première Chambre de première instance, et la

18 deuxième Chambre de première instance s'est convaincue de l'intention qui

19 était celle de la première Chambre de première instance.

20 M. Hunt (interprétation): Je vous remercie.

21 M. le Président (interprétation): Le Juge Gunawardana a une question pour

22 vous.

23 Les interprètes: Micro, Monsieur le Juge.

24 M. Gunawardana (interprétation): Dans le détail, pour ce qui est des

25 condamnations au titre de l'Article 3, est-ce qu'il y a eu des éléments de

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1 preuve qui étaient disponibles, et est-ce que vous pouvez nous dire ce

2 qu'il en était également des condamnations au titre de l'Article 2?

3 Mme Brady (interprétation): J'espère vous avoir bien compris, Monsieur le

4 juge. Vous me demandez si les chefs visés par l'Article 3 étaient fondés

5 sur le même comportement que ceux visés par l'Article 2?

6 M. Gunawardana (interprétation): Non, je pose une question pratique sur

7 l'Article 3. Ma question est: est-ce que les chefs visés par l'Article…

8 que l'acquittement a pris en compte des éléments de preuve évoqués dans le

9 cadre de l'Article 2?

10 M. le Président (interprétation): Je vais moi aussi vous poser une

11 question, qui sera sans doute la…, sur ce point. Dans le cas d'espèce, la

12 première Chambre de première instance est partie du principe que les

13 peines, même si elles étaient multiples, devaient être concourantes. Mais

14 est-ce qu'il existe ce qu'on pourrait appeler une individualisation de la

15 peine? Est-ce qu'une peine doit correspondre aux circonstances qui ont

16 prévalu dans le cadre d'une condamnation particulière?

17 Mme Brady (interprétation): Si l'on parle d'individualisation de la peine,

18 dès lors qu'une peine est prononcée dans le cadre de la prise en compte de

19 la totalité des éléments de conduite criminelle, alors je dirais oui. Mais

20 si on parle d'individualisation de la peine, lorsque l'on parle d'une

21 peine qui correspond au comportement criminel de l'appelant entre autres

22 choses, et prenant en compte des circonstances aggravantes comme

23 atténuantes, eh bien, nous adopterions une position un petit peu

24 différente. Le concept d'individualisation de la peine, si nous le

25 comprenons correctement, est un corollaire du principe de la totalité que

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1 vous invoquiez.

2 Le principe de la totalité permet que la peine se base ou se fonde sur les

3 circonstances individuelles à la fois de la perpétration du crime et de

4 l'auteur du crime.

5 M. le Président (interprétation): D'après ce dont je me souviens, Delic a

6 été condamné pour le meurtre de Milosevic, c'est bien exact?

7 Mme Brady (interprétation): Oui.

8 M. le Président (interprétation): Et pour ce meurtre, il a été condamné à

9 20 ans d'emprisonnement?

10 Mme Brady (interprétation): Oui.

11 M. le Président (interprétation): La condamnation vaut toujours, n'est-ce

12 pas?

13 Mme Brady (interprétation): Tout à fait.

14 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il y a, dans le compte rendu,

15 quoi que ce soit qui indique que le fait d'avoir rendu cette peine de 20

16 ans, eu égard au meurtre de Milosevic, a été pris en compte par la Chambre

17 de première instance initiale? Est-ce que la Chambre de première instance

18 initiale a pris en compte son comportement dans le cadre de sa

19 condamnation? Est-ce qu'il y a quoi que ce soit dans le compte rendu qui

20 suggère que si la première Chambre de première instance avait condamné

21 Delic pour le seul chef d'accusation 3, alors la sentence de 20 ans qui a

22 été prononcée par la Chambre de première instance aurait été plus légère?

23 Mme Brady (interprétation): Monsieur le Président, il ne me vient aucune

24 déclaration particulière, ou rien dans le dossier qui ait été par les

25 Juges de la Chambre de première instance qui puisse prouver ce que vous

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1 venez de dire. Mais ce que vous venez de dire peut prouver que, parce que

2 dans certaines situations les déclarations de culpabilité cumulées sont

3 autorisées, une peine globale peut-être prononcée en rapport avec

4 plusieurs comportements. Mais cela ne signifie pas en soi qu'un

5 comportement isolé augmente la mise, si je puis dire, par rapport au fait

6 d'examiner plusieurs comportements, en prononçant une seule peine. Mais je

7 ne suis pas sûr de pouvoir répondre d'emblée à votre question, il faudrait

8 que j'y réfléchisse un peu plus.

9 M. le Président (interprétation): J'apprécie cela, Madame Brady. Cela met

10 un terme à votre exposé?

11 Mme Brady (interprétation): Sur ce point, oui.

12 M. le Président (interprétation): Monsieur le Juge Hunt, vous avez la

13 parole.

14 M. Hunt (interprétation): La charge en rapport avec l'Article 2 sur

15 laquelle vous interrogez le Juge Shahabuddeen était une charge d'homicide

16 volontaire. Et la charge relative à l'Article 3, pour lequel maintenant la

17 condamnation a été annulée est une charge de meurtre. Alors, la question

18 qui se pose, je pense, est la suivante: est-ce qu'il y a un rapport entre

19 la charge de meurtre qui pourrait augmenter une sentence prononcée pour

20 homicide volontaire?

21 Mme Brady (interprétation): Pas à notre avis.

22 M. Hunt (interprétation): C'est bien ce que je pensais mais je voulais

23 attirer votre attention sur ces deux charges particulièrement. Et puis, il

24 y a l'homicide volontaire qui a été laissé en l'état, au lieu de meurtre,

25 et il y a eu des éléments additionnels de la charge de meurtre par rapport

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1 à la preuve nécessaire. Et si des preuves nécessaires étaient apportées,

2 est-ce que cela augmenterait la sentence?

3 Mme Brady (interprétation): Non, Monsieur le Juge, parce que le

4 comportement est le même et qu'il est impossible de cumuler les

5 déclarations de culpabilité.

6 M. le Président (interprétation): Monsieur le Juge Meron, vous avez la

7 parole.

8 M. Meron (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président.

9 Merci beaucoup, Madame Brady, pour les arguments que vous nous avez

10 soumis, mais je commencerai par dire que je suis d'accord avec les

11 commentaires formulés précédemment ce matin par le Juge Hunt au sujet de

12 l'avis dans l'affaire Celebici, les avis distincts du Juge Bennouna, quant

13 au risque de préjudice impliqué si l'on autorisait le cumul de prononcés

14 de culpabilité pour un seul et même comportement.

15 J'aimerais attirer votre attention sur un point particulier de ce

16 commentaire qui a été adopté par la Chambre d'appel dans l'affaire

17 Kunarac. Nous faisons particulièrement attention, par conséquent, lorsque

18 nous traitons de cumul des déclarations de culpabilité, d'expliquer les

19 commentaires prononcés par nous ou par nos collègues. Et dans ce contexte,

20 j'aimerais appeler votre attention sur une question que je vous pose.

21 Puis-je vous rappeler la note en bas de page 1458 du paragraphe 854, page

22 305 de l'arrêt rendu en appel? La Chambre d'appel a déclaré -je cite-:

23 "Parce que les déclarations de culpabilité liées au chef relatif à

24 l'Article 2 s'appuyait sur un seul et même comportement, le même que celui

25 qu'on retrouve au chef relatif à l'Article 3, l'adaptation requise en

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1 rapport au rejet des déclarations de culpabilité n'est pas forcément

2 substantielle".

3 Alors, ces mots ne vous permettent-ils pas de penser qu'une adaptation à

4 la baisse était envisagée en fait par la Chambre d'appel? Quel est le

5 commentaire sur ce point, Madame Brady?

6 Mme Brady (interprétation): Oui, tout à fait, Monsieur le Juge. Cet

7 argument a été évoqué par les appelants devant la Chambre d'appel

8 s'agissant du renvoi, mais il a été estimé que ces termes ne suffisaient

9 pas à modifier le point de vue de la Chambre d'appel.

10 Monsieur le Juge, il y a différentes références dans l'arrêt de la Chambre

11 d'appel où l'on parle de la portée, du rôle de la Chambre, du mandat de la

12 deuxième Chambre de première instance notamment. Et quelque huit

13 références sur ce point peuvent être trouvées dans le texte.

14 Messieurs les Juges, nous nous rendons bien compte que ces notes en bas de

15 page existent mais si l'on considère les paragraphes 431 et 710 à 712, je

16 pense que les mots utilisés sont très clairs et montrent que la Chambre

17 d'appel a donné un mandat très clair à la deuxième Chambre de première

18 instance. Ce n'était pas un jugement comparable à une adaptation, il

19 s'agissait une deuxième Chambre de première instance qui devait examiner

20 si une adaptation des peines devait être envisagée.

21 Donc, à cet égard, je prends note du fait que la deuxième Chambre de

22 première instance a traité très précisément des arguments qui lui ont été

23 soumis et qu'au paragraphe 39 il est dit que "l'interprétation faite par

24 la Chambre d'appel était erronée".

25 Merci.

Page 100

1 M. Meron (interprétation): Merci beaucoup, Madame Brady.

2 Mme Brady (interprétation): Je serai très brève.

3 (Les Juges se concertent sur le siège.)

4 M. le Président (interprétation): Les Juges sont tous d'accord quant au

5 fait que vous pouvez poursuivre votre exposé étant entendu que, comme

6 d'habitude, vous respecterez le principe de brièveté.

7 Mme Brady (interprétation): Je vais m'efforcer de le faire, Monsieur le

8 Président. Je vais maintenant parler des arguments présentés par Mucic

9 quant au fait qu'aucun usage répréhensible pour lui ne pouvait être fait

10 de son exercice du droit au silence, donc du droit à ne pas témoigner, et

11 qu'il convient donc de réduire considérablement la peine qui a été

12 prononcée contre lui, en raison des effets négatifs de ses commentaires à

13 son encontre.

14 J'aimerais parler de la façon dont la deuxième Chambre de première

15 instance a abordé cet élément qui était tout à fait différent. Il n'est

16 plus question ici de cumul des déclarations de culpabilité. Monsieur Moran

17 a posé la question de la différence entre ces deux éléments. Elle vient du

18 fait suivant: la remarque faite par la première Chambre de première

19 instance au sujet du fait que Mucic n'a pas témoigné, ne montrait pas

20 simplement qu'il y avait une erreur mais permettait également de traiter

21 cela en tant que facteur aggravant s'agissant du prononcé de la peine. Par

22 conséquent, le renvoi de la question devant la deuxième Chambre de

23 première instance consistait à dire: De combien doit être la réduction?

24 Est-ce que ceci a un effet sur la peine qui sera prononcée finalement? Et

25 par ailleurs lorsqu'il est question de cumul de déclarations de

Page 101

1 culpabilité en application de l'Article 2 et 3, ce n'est pas la chambre

2 d'appel qui a dit qu'il y avait eu erreur et qui a sanctionné ce cumul de

3 déclarations de culpabilité. C'était une question qui a été posée à la

4 deuxième Chambre de première instance. La différence d'abord des deux

5 Chambres de première instance s'explique donc.

6 Quant au principe en tant que tel, et il n'est pas fondamental car il n'y

7 a pas violation fondamentale en l'état, nous avons déjà dit un certain

8 nombre de choses dans nos écritures, et notre position consiste à affirmer

9 que cette violation n'est pas aussi fondamentale, et que la deuxième

10 Chambre de première instance n'a pas fait erreur en accordant une

11 réduction importante.

12 Nous disons que s'appuyer sur la jurisprudence américaine en l'espèce n'a

13 pas lieu d'être. D'abord parce que, comme vous le savez bien, ce Tribunal

14 n'est pas un Tribunal qui applique entièrement les lois et la

15 jurisprudence américaine. Deuxièmement, lorsque la Chambre d'appel a

16 soutenu qu'il s'agissait de la violation d'un principe, elle l'a fait en

17 se fondant sur plusieurs systèmes judiciaires, y compris le système

18 judiciaire britannique et celui de la Cour européenne des droits de

19 l'homme, qui incluent ce principe, mais qui l'ont un petit peu atténué.

20 Il est donc difficile d'arguer au vu de tous ces faits -mais nous le

21 faisons tout de même compte tenu qu'une importance fondamentale a déjà été

22 accordée à cette réduction. Nous disons néanmoins que les éléments

23 apportés par le conseil de M. Mucic en particulier, en particulier ce qui

24 a été évoqué tout à l'heure, à savoir l'affaire Mitchell traitée devant un

25 tribunal américain, ne peuvent pas être pris comme base pour déclarer que

Page 102

1 l'erreur est fondamentale et qu'elle exige une réduction de peine

2 fondamentale dans l'affaire.

3 Dans l'affaire Mitchell, il s'agissait de commentaires négatifs à l'égard

4 d'un dealer de drogue, c'est-à-dire d'un accusé qui avait souhaité le

5 silence. Et la quantité de drogue transportée a eu des implications très

6 négatives sur la peine prononcée contre cette personne. En fait, c'était

7 un élément du crime qui était en jeu dans cette affaire; alors que pour M.

8 Mucic, le commentaire négatif n'est qu'un facteur aggravant s'agissant de

9 la peine prononcée pour des actes criminels d'une nature autre.

10 En bref, Messieurs les Juges, aux vues de la gravité des crimes commis par

11 M. Mucic et de l'importance de son rôle dans la commission de ces crimes,

12 nous affirmons qu'il n'y a pas eu erreur, que la deuxième Chambre de

13 première instance n'a pas abusé de son mandat en prononçant une peine de 9

14 ans de prison pour les crimes commis par M. Mucic.

15 Nous vous demandons donc de rejeter ce motif d'appel.

16 Merci beaucoup Messieurs les Juges. Si vous avez des questions, je suis à

17 votre disposition.

18 (Les Juges se concertent sur le siège.)

19 M. le Président (interprétation): Il n'y a pas de question de la part des

20 Juges. Nous allons donc suspendre l'audience 15 minutes et reprendrons nos

21 débats pour conclure, je l'espère, avec la coopération de nos interprètes

22 s'ils l'acceptent.

23 (L'audience, suspendue à 12 heures 40, est reprise à 12 heures 58.)

24 M. le Président (interprétation): Vous êtes prêt Monsieur Carmona? Je

25 crois savoir que vous en terminerez en 10 minutes?

Page 103

1 M. Carmona (interprétation): 10 minutes, Oui.

2 M. le Président (interprétation): Cela nous permettra de respecter les

3 horaires. Il faut un équilibre entre les deux parties.

4 M. Carmona (interprétation): Tout à fait Monsieur le Président.

5 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je parlerai des motifs 6 et 7

6 invoqués par Delic en appel. Mais il faut répondre à certains des

7 arguments évoqués par mes collègues de la partie adverse, sur deux points

8 notamment.

9 Un conseil de la défense a indiqué qu'un témoin avait reconnu une voix

10 différente. Je tiens à dire de façon très catégorique que ceci a fait

11 l'objet d'une requête de la défense pour révision des débats, et que cette

12 requête présentée le 20 avril 2002 a été rejetée. Toute tentative pour

13 entrer par la petite porte afin d'obtenir une réévaluation de ces faits

14 doit être corrigée. La petit porte ne peut pas s'ouvrir, elle ne peut que

15 se fermer.

16 Par ailleurs s'agissant des propos tenus par Me Moran et d'autres conseils

17 de la défense, il a été question de manque de connaissance des éléments de

18 l'affaire Kunarac. Sur ce point, la Chambre d'appel a dit de façon très

19 catégorique que la Chambre d'appel n'allait pas intervenir, paragraphe 15,

20 parce qu'un conseil de la défense adopte une position qui peut avoir un

21 effet sur la détermination d'une erreur. C'est seulement lorsque les

22 éléments pris en compte par la Chambre de première instance sont

23 considérés comme constituant une erreur qu'il peut y avoir révision de la

24 décision et détermination d'erreurs judiciaires.

25 Si on examine le contre-interrogatoire de tous les témoins et la requête

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1 demandant rejet, si l'on examine les mémoires déposés à la fin de

2 l'affaire, le conseil s'est attaqué de façon très compétente à la qualité

3 des éléments de preuve soumis par le Procureur, et par conséquent en fait,

4 indépendamment de la connaissance qu'il avait des tenants et des

5 aboutissants d'autres affaires, il parle de déni de justice.

6 Pour ma part, j'aimerais en venir à un motif d'appel très particulier. Le

7 premier c'est que la première Chambre de première instance aurait commis

8 une erreur en tenant compte d'une adaptation de la peine compte tenu de

9 l'acquittement de Delic sur les chefs n°1 et 2. Ceci est une

10 interprétation d'une grande importance, et je pense qu'à cet égard il

11 importe de citer in extenso un jugement de 1909 en appel par le Juge qui

12 présidait la Chambre d'appel et qui traite de la révision et des

13 possibilités de reconsidérer une affaire en fonction de tel ou tel élément

14 et en allant dans tel ou tel sens lorsqu'il y a attaque de la part de la

15 partie adverse qui invoque le déni de justice.

16 Le Procureur est d'avis qu'indépendamment des éléments soumis à la

17 Chambre, il n'y a pas eu déni de justice et il n'y a eu aucun préjudice à

18 l'encontre de l'appelant. Sur cette question du savoir général, de la

19 façon dont la deuxième Chambre de première instance a abordé la teneur de

20 son mandat, il importe de constater qu'une requête a été déposée pour

21 demander des éclaircissements sur ce point. C'était une requête commune

22 qui demandait que la portée des audiences ainsi que la portée des

23 écritures soit définie de façon la plus précise.

24 La Chambre de première instance a dit sur ce sujet de la façon la plus

25 catégorique qui soit qu'elle examinerait quelles pouvaient être les

Page 105

1 adaptations de la peine imposée à Hazim Delic, une fois que la Chambre

2 d'appel aurait annulé sa condamnation en rapport avec les chefs n°1 et 2.

3 Nous affirmons que cette décision de ne pas soumettre la question à la

4 Chambre de première instance avant ce stade indique que l'appelant était

5 d'accord avec l'interprétation faite de l'ordonnance et des débats qui

6 pouvaient s'en suivre. Donc il n'y a pas eu préjudice à l'encontre de

7 l'appelant contenu de son comportement ou de la teneur du mandat de la

8 Chambre qui avait à intervenir.

9 Par ailleurs, il convient de se rendre compte qu'il existe une note au

10 paragraphe 32 de l'arrêt rendu par la deuxième Chambre de première

11 instance traitant de questions auxiliaires, notamment la libération

12 conditionnelle où il est dit que ces questions sont totalement dépourvues

13 de pertinence par rapport à la question du renvoi et l'adaptation de la

14 peine au vu d'un certain nombre d'acquittements. La Chambre de première

15 instance a donc fait exactement ce que son mandat lui demandait de faire.

16 En d'autres termes, ce qu'il nous appartient de déterminer c'est quel

17 était l'objet de l'ordonnance, et ceci doit être fait à partir d'une

18 interprétation intelligente de cette ordonnance. Lorsqu'une Chambre,

19 paragraphe 7.1.3, déclare qu'il peut être pertinent lorsque l'affaire est

20 renvoyée devant une nouvelle Chambre de première instance, ce qu'est le

21 sens exact à accorder au mot "adaptation" ou "ajustement", nous sommes

22 renvoyés à ce que je disais tout à l'heure, à savoir que manifestement la

23 Chambre agit de la même façon, et ce, à juste titre.

24 En dehors de cela, si on examine la nomenclature juridique et qu'on

25 examine le sens de mot "examiner", cela signifie examiner les positions

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1 des uns et des autres sur le fond.

2 A cet égard, le Procureur déclare que les arguments présentés par

3 l'appelant Delic sont en fait une tentative de nous engager sur l'examen

4 de détails techniques. Et cette tentative a été traitée à plus d'un titre

5 par le Juge Shahabuddeen qui a indiqué -et ceci figure dans mes écritures-

6 que le fait de savoir si une partie ou une autre a subi une procédure

7 injuste est une question substantielle, et pas simplement un détail

8 technique. Ceci ressort du fait que le conseil de l'appelant a souligné,

9 pendant tout son exposé, qu'il s'intéressait au fond et pas à la forme, et

10 il est assez ironique de constater qu'aujourd'hui il attaque les

11 conclusions sur la forme.

12 Si l'on examine l'ensemble de l'ordonnance, il est évident que c'est la

13 Chambre de première instance reconstituée qui devait se prononcer sur un

14 certain nombre d'éléments et, pour autant que l'appelant n'ait pas été

15 capable de démontrer un quelconque préjudice à son encontre, ce motif

16 d'appel doit être rejeté.

17 En tout état de cause, si l'on tient compte du fait que, dans les

18 dispositifs, il est fait référence à des phrases reprises du Jugement

19 initial, il est fort possible que la Chambre d'appel ait été en fait à la

20 recherche de ces phrases du texte original pour pouvoir les réviser et les

21 réadapter.

22 Donc, Messieurs les Juges, il est important de se rendre compte que,

23 s'agissant de ce motif d'appel particulier, il faut se garder d'une

24 démarche microscopique, s'agissant de l'appréciation du Règlement. Dans la

25 décision rendue récemment, le 12 juin 2002, dans l'affaire Kunarac, la

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1 Chambre d'appel avait à s'occuper d'une prétendue omission s'agissant du

2 temps déjà passé en prison par l'appelant; ceci se trouve aux paragraphes

3 363 à 365. Et la Chambre a décidé d'examiner le dossier sur le fait pour

4 éventuellement y trouver une erreur.

5 Dans ce cas particulier, les choses étaient plus faciles. La Chambre

6 d'appel peut non seulement examiner le dossier, mais elle a également à sa

7 disposition le texte du Jugement, et c'est l'esprit et la lettre de ce

8 dispositif qu'elle doit examiner. Mes collègues de la défense, au

9 paragraphe 57 de leur mémoire, semblent dire que certaines parties du

10 Jugement sont incompréhensibles. Mais si la défense sous-entend que les

11 arguments n'ont pas été établis fermement, qu'ils auraient pu être mieux

12 présentés, que l'interprétation est assez incertaine; ils auraient raison.

13 Or, le processus en vigueur n'a pas pour but de combler un vide ou de

14 corriger une stratégie erronée au moment du procès.

15 J'aimerais maintenant passer au deuxième aspect de ce motif d'appel

16 relatif à l'adaptation de la peine de Delic par rapport à l'annulation de

17 ces déclarations de culpabilité en rapport avec les chefs n°1 et 2. Il est

18 important de remarquer d'emblée que, pour autant que l'annulation des

19 condamnations en rapport avec les chefs 1 et 2 puisse être prise en

20 compte, nous sommes toujours en présence d'un seul et même comportement

21 criminel.

22 Il est important de constater que l'appelant admet que la peine de Delic

23 est inférieure à 15 ans, qui est la peine maximum en rapport avec les

24 chefs de torture ou de viol. Et je tiens à indiquer, une fois de plus,

25 devant cette Chambre que l'argument des 15 ans ne peut pas être considéré

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1 comme un moyen de rentrer par la petite porte pour annuler ce qui a été

2 décidé par une Chambre dans l'exercice de ses fonctions. Il faut voir les

3 choses d'une façon plus critique et demander à l'appelant de reprendre en

4 compte l'argument relatif aux peines maximum prononcées dans l'ex-

5 Yougoslavie.

6 Cependant, si l'on insiste sur ce maximum de 15 ans, c'est que l'appelant,

7 d'ailleurs, l'a fait d'une manière très succincte et discrète devant la

8 deuxième Chambre de première instance, ce qui signifie que le jugement

9 rendu était raisonnable, c'est-à-dire que ce jugement de 18 ans était

10 raisonnable par rapport à la nature du crime commis.

11 Je ne ferai pas l'économie de traiter des délits commis qui ont causé la

12 condamnation. Je dirai simplement qu'au paragraphe 715, il est souligné

13 que ces crimes sont de telle et telle nature et qu'ils ont, en outre, été

14 commis d'une façon sadique. Et ils sont décrits de façon très péjorative

15 par la Chambre de première instance lorsqu'elle se penche sur la question

16 de la culpabilité criminelle.

17 Je dirai finalement que si l'on examine le fait que le rejet ne permet pas

18 de penser que le comportement criminel de l'appelant n'existait pas, et

19 si, en outre, on examine le pouvoir d'un Tribunal comme par exemple dans

20 l'affaire Musema -dans l'affaire Musema, un chef a été rejeté et pourtant,

21 il a été déterminé que l'emprisonnement à vie était la peine la plus

22 appropriée-, donc malgré la suppression d'un chef d'accusation, la Chambre

23 a estimé que l'accusé pouvait mériter une légère diminution de sa peine,

24 et cette diminution a été de deux ans.

25 J'ai pris l'engagement de m'exprimer pendant dix minutes au maximum. Je

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1 résume donc en disant que je m'en tiens à ce qui est dit dans nos

2 écritures. Nous affirmons que l'appelant n'a pas fait la preuve d'un

3 quelconque préjudice à son encontre dû au fait que la Chambre d'appel a

4 décidé de supprimer les termes "if any", et nous disons qu'il n'y a pas

5 non plus préjudice à l'encontre de l'appelant en raison du rejet de deux

6 chefs de l'Acte d'accusation.

7 Voilà, Messieurs les Juges, j'en ai terminé.

8 M. le Président (interprétation): Une question du Juge Gunawardana?

9 M. Gunawardana (interprétation): Lorsque vous parlez du comportement

10 criminel de l'accusé, voulez-vous dire que ce sont les mêmes éléments qui

11 sont à la base des charges retenues contre l'accusé au titre de l'Article

12 2 et de l'Article 3?

13 M. Carmona (interprétation): Je dis que ces deux infractions représentent

14 deux infractions distinctes et que, par conséquent, elles exigent chacune

15 une sanction correspondante.

16 M. Gunawardana (interprétation): Et vous dites que les mêmes éléments se

17 retrouvent dans les deux infractions?

18 M. Carmona (interprétation): Effectivement, effectivement. Compte tenu des

19 déclarations de culpabilité.

20 M. Gunawardana (interprétation): Mais qu'en est-il de la déclaration de

21 culpabilité au titre de l'Article 2?

22 M. Carmona (interprétation): Ce qui est important de savoir c'est que,

23 s'agissant du meurtre de Milosevic, l'appelant a été condamné à 15 ans.

24 Ah, excusez-moi. A 20 ans. Donc il y a là deux infractions distinctes. Et

25 au titre du cumul des déclarations de culpabilité, l'opinion du Procureur

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1 c'est que ceci n'a aucune incidence sur le prononcé de la sentence. Et si

2 la Chambre devait estimer que ceci devait entraîner une diminution de la

3 peine, ceci a été fait sous la forme de la réduction de la peine imposée à

4 Delic qui a été réduite de deux ans. Et le Procureur estime que cette

5 décision est tout à fait raisonnable.

6 M. Gunawardana (interprétation): Mais la réduction de la peine est due,

7 est liée à la déclaration de culpabilité au titre de l'Article 2?

8 M. Carmona (interprétation): Oui.

9 M. Gunawardana (interprétation): Mais qu'en est-il de l'Article 3?

10 M. Carmona (interprétation): Monsieur le Juge, le Procureur estime que

11 l'appelant a été condamné de deux assassinats et qu'il a été déclaré non

12 coupable de l'un des deux assassinats, à savoir celui de Gotovac. La

13 Chambre a été d'avis que le fait d'adapter une peine au vu de ces

14 conclusions était raisonnable, et elle a renvoyé l'affaire pour qu'une

15 nouvelle Chambre de première instance tienne compte de ce fait. La

16 nouvelle Chambre de première instance a examiné les choses sous cet angle

17 et a estimé que deux ans était la diminution raisonnable, compte tenu du

18 rejet… de l'acquittement sur un des meurtres.

19 M. le Président (interprétation): Une question, Monsieur Carmona,

20 simplement éclaircir un point qui reste encore obscur dans mon esprit

21 suite à une des thèses apportées.

22 Vous parliez du rejet d'une requête visant à la présentation de moyens de

23 preuve supplémentaires. Je ne sais plus si la demande avait pour effet de

24 rejeter cette requête parce qu'on estimait que le principe du correcteur

25 suffisant des moyens de preuve n'avait pas été respecté par les appelants.

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1 M. Carmona (interprétation): C'est au fond ce que nous disons. Cette

2 requête avait été rejetée, avait ainsi rejeté la demande de moyens de

3 preuve supplémentaires, et la Chambre d'appel, ce faisant, a estimé que

4 ceci ne présentait pas d'arguments supplémentaires méritant que soit fait

5 droit à la requête.

6 M. le Président (interprétation): Donc c'est une autre démarche,

7 une autre position que vous avez adoptée. Je vous remercie.

8 Est-ce que vous terminez ainsi la présentation de l'accusation?

9 M. Carmona (interprétation): Oui.

10 M. le Président (interprétation): Je me tourne dès lors vers les

11 appelants. Vous disposez de 15 minutes pour votre réponse. Qui va la

12 faire?

13 M. Moran (interprétation): Nous allons nous répartir ce temps.

14 M. le Président (interprétation): Apparemment, il faut une certaine marge

15 de manœuvre, nous allons vous donner un peu plus que 15 minutes, mais pas

16 trop.

17 M. Moran (interprétation): Merci.

18 Vous posiez une dernière question à l'accusation, qui portait sur

19 l'ordonnance rendue par la Chambre de première instance. Je pense qu'il y

20 a un procès de mon système qui devrait être lu par tous les avocats, à

21 savoir que lorsqu'un Juge rend une décision, si vous n'êtes pas d'accord

22 avec la décision, vous obéissez au Juge et vous interjetez appel plus

23 tard.

24 C'est exactement ce que nous avons fait. La Chambre de première instance a

25 rendu une décision que nous avons respectée, et nous en faisons appel plus

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1 tard. Si ce n'est pas la bonne marche à suivre, moi, j'aimerais bien

2 savoir comment il faudrait agir autrement, sans porter outrage au

3 Tribunal.

4 On parlait des questions techniques. J'ai plaidé devant le Juge, le Juge

5 Ognon (phon), et il disait: "Il n'y a pas de côté technique, il n'y a pas

6 de questions techniques. C'est le droit ou ce n'est rien; c'est tout ou

7 rien". Alors, ici, c'est pareil.

8 La présente Chambre, tous les tribunaux ne condamnent pas pour des crimes,

9 on condamne des personnes qui en sont les auteurs, la différence est de

10 taille. En l'espèce, ce que mon client demande a demandé à la deuxième

11 Chambre de première instance au moment d'un nouveau prononcé de la peine,

12 c'est l'autorisation de présenter des éléments à décharge qu'on aurait pu

13 déposer par écrit, qui ont été présentés par écrit et qui ont été rejetés.

14 Il faudrait avoir l'occasion de s'adresser à ces Juges, de leur dire qu'il

15 avait réfléchi aux charges retenues contre lui, il avait réfléchi à ce qui

16 s'était passé en ex-Yougoslavie et il voulait manifester son remord, son

17 regret pour les actes qu'il avait commis. C'est tout ce que nous avons

18 demandé, ni plus ni moins.

19 Charge de la preuve. Il y a eu renvoi pour deux raisons en ce qui concerne

20 Delic, et ici je voudrais revenir au nouvel avis prononcé en matière de

21 cumul des peines. Dans le dossier, il n'y a aucune preuve, ni dans un sens

22 ni dans l'autre, qui attesterait du fait de savoir si ceci a une incidence

23 sur la décision prise par la première Chambre de première instance.

24 Impossible de le savoir à moins de téléphoner aux membres initiaux de la

25 Chambre de première instance. On ne saura jamais si ceci a une incidence

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1 quelconque sur leur jugement.

2 La question de savoir s'il y a une erreur. La Chambre de première instance

3 a dit oui.

4 La suivante. Question corollaire. S'il y a eu une erreur, les victimes qui

5 ont pâti de cette erreur, est-ce qu'elles doivent prouver qu'il y a eu

6 préjudice ou bien est-ce que ceux qui ont bénéficié de cette erreur, à

7 savoir l'accusation, doivent prouver qu'il n'y a pas eu préjudice porté à

8 la défense? Je fais valoir que les bénéficiaires de l'erreur sont ceux qui

9 doivent avoir la charge de la preuve d'absence de préjudice. Encore deux

10 choses et puis j'en aurai terminé.

11 Question à propos du jugement définitif. Quand moi je parle de jugement

12 définitif, et beaucoup d'entre nous viennent de la même tradition

13 judiciaire, on n'emploie pas toujours les termes dans le même sens. Pour

14 moi, un jugement définitif c'est un jugement qui règle toutes les

15 questions, s'occupent de toutes les parties; et ce qui reste au Tribunal à

16 faire c'est d'appliquer le jugement.

17 Pour moi, c'est ça un jugement définitif, c'est ce que dit l'Article 98ter

18 et le 117. Il y aura un jugement, pas un jugement séparé pour déclaration

19 de culpabilité et l'autre pour la peine. C'est un jugement définitif, à

20 mon avis, à mes yeux, dès lors que toutes les questions en cause ont été

21 décidées et que toutes les parties aussi sont terminées et que la Chambre,

22 le Tribunal en l'occurrence, n'a rien d'autre à faire qu'à appliquer la

23 peine et le jugement. Et à mon avis, il n'y a pas de jugement définitif

24 dans l'affaire Celibici. Il y a des jugements, mais pas de jugement

25 définitif.

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1 Une dernière chose. Même en vertu de l'Article 115 du Règlement, si je le

2 comprends bien, s'il y a vraiment erreur judiciaire, la Chambre entendra

3 de nouveaux moyens de preuve et au fond de nouveaux arguments. Je fais

4 valoir à la Chambre d'appel qu'une décision erronément rendue est en soi

5 par définition une erreur judiciaire, un déni de justice. Et je fais

6 valoir à la présente Chambre d'appel que s'il y a eu déclaration de

7 culpabilité, que si elle ne répond pas à tous les critères posés, elle

8 devient une décision erronée et entraîne un déni de justice. Il y a peut-

9 être des questions que vous souhaiterez poser?

10 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas le cas, je vous remercie

11 Maître Moran. Est-ce que les autres conseils veulent intervenir? Il nous

12 reste quelques minutes.

13 M. Kuzmanovic (interprétation): Oui, nous avons quelques éléments à

14 présenter mon confrère et moi. Je commencerai. Je vais intervenir sur le

15 cumul des déclarations de culpabilité. L'accusation a parlé de l'Article

16 42 du nouveau jugement, et pour reprendre ce que disait Me Moran, il est

17 difficile, voire impossible, de lire l'esprit ou ce que les premiers Juges

18 avaient à l'esprit au moment de rendre leur jugement.

19 Je me contente de reprendre une phrase, deux plus exactement, de l'Article

20 42: "En ce qui concerne les trois accusés, l'ensemble du comportement

21 criminel n'est pas atténué du fait de l'annulation des déclarations de

22 culpabilité cumulative, il n'y a aucune citation qui est faite ici. La

23 Chambre de première instance initiale en a expressément tenue compte en

24 prononçant des peines qui auraient été les mêmes manifestement en

25 l'absence de tout cumul de déclarations de culpabilité."

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1 Ici on ne fait aucune référence au dossier de l'audience, du coup on peut

2 se demander comment peut-on savoir que les Juges, la Chambre initiale

3 avaient ces facteurs en tête? Pour nous manifestement, ceci pose la

4 question du cumul des déclarations de culpabilité. Par ailleurs, dans la

5 première décision, le premier jugement, la Chambre d'appel au paragraphe

6 431, reconnaît que si la Chambre de première instance n'avait pas imposé

7 un cumul de déclarations de culpabilité, il se peut que la durée des

8 peines aurait été différente.

9 Ici on parle de l'ajustement des peines, manifestement c'est quelque chose

10 qui relève de la compétence de la Chambre de première instance et la

11 présente Chambre renvoie la question de la peine et non pas de son

12 ajustement à une Chambre de première instance qui sera désignée par le

13 Président du Tribunal.

14 Ceci pour moi indique qu'on essaie par ce paragraphe, tout du moins ce

15 paragraphe 431, de dire qu'il n'y aura pas nécessairement une audience,

16 mais en tout cas des moyens de preuve qui seront présentés pour informer

17 la nouvelle Chambre de première instance des circonstances propres à

18 chacun des accusés, à ce stade de leur vie.

19 Voilà ce que j'avais à dire. Je ne sais pas si vous avez des questions.

20 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Je laisse le reste de

21 mon temps de parole à Me Morrison.

22 M. Morrison (interprétation): Très rapidement deux choses. Madame Brady a

23 dit qu'il n'y avait pas risque de préjudice. Or c'est le cas dans le cas

24 de M. Mucic, et ceci est manifesté dans le jugement et pas seulement aussi

25 dans le libellé, mais dans les critiques formulées par ailleurs. Pour

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1 nous, ce n'est donc pas ici la question de remédier à un risque de

2 préjudice, mais de remédier à un véritable préjudice. Il faudrait peut-

3 être dédommager M. Mucic mais aussi rendre au public la confiance qu'il a

4 dans le système.

5 Et deuxième chose dite par Mme Brady, elle a parlé de la dilution du droit

6 à garder le silence dans d'autres systèmes. Quand vous voyez ce que dit le

7 premier jugement et l'arrêt en l'espèce ce droit à garder le silence était

8 défini comme étant absolu. Si l'accusation cherche maintenant à modifier

9 ce droit absolu pour en faire un droit conditionnel il faudrait qu'ils

10 étayent la jurisprudence sur laquelle ils se basent pour le faire.

11 Je ne pense pas qu'on y fait même allusion au cours de cette procédure. Je

12 vous remercie.

13 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

14 Vous voulez intervenir Maître Murphy?

15 M. Murphy (interprétation): Oui, deux choses au nom de M. Landzo. Au fond

16 la question qui se posera en dernier lieu pour la question de la

17 compétence est très simple. Elle se résume à dire ceci. Est-ce que le

18 Tribunal va respecter son propre Statut, son propre Règlement?

19 L'accusation laisse entendre que l'Article 25.2 du Statut peut être

20 interprété de façon téléologique parce qu'il est ambigu. Et ils disent,

21 ils invoquent le fait que l'Article 25.2 ne donne pas expressément le

22 droit de faire appel d'une peine. Cependant, ce que l'Article 25.2 fait

23 clairement, c'est donner à la Chambre d'appel le pouvoir et le devoir de

24 confirmer, d'infirmer ou de réviser une décision prise en jugement en

25 première instance.

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1 En première instance, la peine, c'est une mesure prise par la Chambre de

2 première instance, et ceci découle manifestement du libellé de l'Article.

3 En l'occurrence, dire que l'interprétation de l'Article 25.2 est ambiguë

4 crée un conflit entre ledit Article et l'Article 24 du Statut. En effet,

5 le droit en matière de peine de cet Article, c'est que dans l'Article 24,

6 on dit qu'on tiendra compte des circonstances individuelles de l'accusé au

7 moment du prononcé de la peine, et le 101B) du Règlement rend cela

8 obligatoire.

9 Que s'est-il passé ici? La deuxième Chambre de première instance s'est

10 trouvée dans une situation où elle était forcée à imposer une peine aux

11 appelants, sans pour autant respecter ces dispositions du Statut et du

12 Règlement. Pour nous, c'est un point de droit; il y a eu erreur de droit.

13 Dans notre mémoire, nous avons utilisé l'expression "per incuriam". Nous

14 ne voulons pas, ce faisant, critiquer la première Chambre d'appel là-

15 dessus puisque la question n'a pas été soulevée, on n'en a même pas

16 discuté. Il était normal que l'ordonnance ait été rendue dans les termes

17 où elle l'a été. Mais maintenant, nous avons l'occasion de revoir tout

18 ceci à la lumière du Statut et du Règlement.

19 Est-ce qu'on peut dire que Tadic constitue un précédent pour permettre de

20 renvoyer une affaire pour des fins limitées? Si vous voyez l'extrait Tadic

21 que nous avons cité, ce qui s'est passé pourrait être décrit comme étant

22 un nouveau procès en vertu du droit, c'est à peu près tout.

23 Dernier point. On nous a demandé si les appelants auraient pu présenter de

24 nouveaux moyens de preuve, devant la première Chambre d'appel, qui

25 portaient sur la peine. Manifestement, c'est ce qui se fait dans certains

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1 systèmes.

2 J'en ai parlé avec mes autres confrères de la défense et je pense qu'à

3 nous tous, nous faisons pas mal d'années d'expérience, que ce soit en

4 Angleterre ou aux Etats-Unis, et nous ne connaissons pas un seul cas de ce

5 genre.

6 Nous connaissons des procès où la Chambre d'appel a dit que de tels moyens

7 n'étaient pas appropriés parce qu'ils étaient sans pertinence, mais la

8 question qui se pose à vous est de savoir si la Chambre de jugement s'est

9 trompée ou pas, à l'époque où elle a rendu son jugement.

10 Si un tel Article est introduit –et la Chambre d'appel va peut-être penser

11 qu'un tel Article mérite de se trouver dans le Règlement, à savoir que

12 l'appelant doit présenter de nouveaux moyens de preuve-, nous voulons

13 porter à votre attention qu'inévitablement, ceci aura pour résultat que

14 des gens présenteront une requête en vertu du 115 lorsqu'il y aura appel

15 de la peine, ce sera automatiquement la nouvelle pratique du Tribunal. En

16 vertu du droit existant, ceci n'était pas nécessité, n'était pas demandé;

17 il n'était pas non approprié.

18 Ce sont les raisons qui m'ont poussé à intervenir. Je ne sais pas si vous

19 avez des questions à nous poser.

20 M. Hunt (interprétation): Je n'ai pas de questions, mais j'ai un

21 avertissement. Ça ne pourra jamais être invoqué au titre du 115 parce que

22 ce n'est pas un nouveau procès. Monsieur Farrell l'a concédé, vous auriez

23 pu présenter des éléments qui soient de nature à répondre à une nouvelle

24 peine…

25 M. Murphy (interprétation): Mais il faudrait invoquer un Article.

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1 M. Hunt (interprétation): Ce n'est pas nécessaire. N'importe quelle

2 Chambre, y compris la Chambre d'appel, peut demander les moyens de preuve

3 qui sont importants pour régler la question qui lui est posée. Il

4 semblerait que vous soyez du système civil depuis toute votre vie. Ce

5 n'est pas vrai, n'est-ce pas?

6 M. Murphy (interprétation): Non.

7 M. Hunt (interprétation): Je suis donc étonné que vous présentiez cet

8 argument. Mais il ne faut pas ici invoquer l'Article 115. Ce seraient des

9 éléments de preuve pertinents pour ce qui est d'une nouvelle peine. Et

10 comme M. Farrell, ceci ne pourrait porter que sur un nombre très

11 circonscrit de questions. Mais ça pourrait être pertinent.

12 M. Murphy (interprétation): Je suis quelque part content d'entendre ce que

13 vous dites parce que manifestement, d'habitude, ce sont des éléments

14 qu'ont devrait présenter avant que soit prononcée une peine. Ce que je

15 disais, c'est que vu l'état actuel du Règlement, il semblerait que

16 lorsqu'on arrive devant la Chambre d'appel, ce qu'elle fait, c'est

17 confirmer, infirmer ou réviser la décision prise par la Chambre de

18 première instance.

19 Nous nous sommes dès lors dit que si c'était le cas, il fallait que la

20 situation soit pertinente au moment où c'est présenté devant la Chambre de

21 première instance, et c'est la base de l'appel. Si effectivement c'est là

22 la règle appliquée, quelle qu'elle soit, automatiquement, les appelants

23 vont introduire ce moyen de preuve à chaque fois qu'il y a un appel de la

24 peine.

25 Or, nous n'estimons pas que cela a été jusqu'à présent le droit appliqué

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1 par le Tribunal, mais bien sûr ce dernier pourra amender le Règlement en

2 conséquence.

3 Je ne sais pas si vous avez d'autres questions? Merci de votre attention.

4 M. le Président (interprétation): Est-ce que je peux, en conclusion, vous

5 faire part de l'impression que j'ai eue s'agissant de l'ensemble de la

6 procédure?

7 Les appelants concèdent qu'il y a peut-être renvoi limité, mais que la

8 nouvelle Chambre de première instance avait pour obligation de conduire un

9 procès portant sur les questions qui sont pertinentes pour ce renvoi. Est-

10 ce bien cela?

11 M. Murphy (interprétation): C'est exact, Monsieur le Président. Merci.

12 M. le Président (interprétation): Veuillez vous rasseoir.

13 Ceci met un terme à notre audience.

14 La Chambre d'appel vous fera part de sa décision par la filière habituelle

15 et vous serez informés de l'évolution du dossier.

16 Je vous remercie.

17 L'audience est suspendue.

18 (L'audience est levée à 13 heures 34.)

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