Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 1

1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-96-21-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3

4 Lundi 10 mars 1997

5

6 Devant la Chambre de première instance composée comme suit :

7 M. le Juge Adolphus Karibi-Whyte

8 (Président)

9 Mme le juge Elizabeth Odio-Benito

10 M. le juge Saad Jan

11

12 LE PROCUREUR

13 c/

14 Zejnil DELALIC

15 Zdravko MUCIC, alias "PAVO"

16 Hazim DELIC

17 Esad LANDZO alias "ZENGA"

18

19 Le Bureau du Procureur :

20 M. Eric Ostberg, Ms Theresa McHenry, Mr Giuliano Turone et Mme van

21 Dusschoten

22 Conseil de la défense

23 Mme Edina Residovic, Professeur Eugène 0'Sullivan, M. Ekrem Galijatovic

24 pour la défense de l'accusé Zejnil Delalic

25 M. Branislav Tapuskovic, Mme Mira Tapuskovic pour la défense de l'accusé

Page 2

1 Zdravko Mucic

2 M. Salih Karabdic pour la défense de l'accusé Hazim Delic

3 M. Mustafa Brackovic et Mme Cynthia McMurrey pour la défense de l'accusé

4 Landzo.

5

6 L'audience est ouverte à 10 heures 05.

7

8 M. le Président (interprétation). - Les accusés sont-ils tous

9 présents ? Toutes les personnes accusées sont-elles présentes ?

10 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Delalic est

11 présent.

12 M. Karabdic (interprétation). - Hazim Delic est présent.

13 M. Tapuskovic (interprétation). - Zdravko Mucic est présent

14 également.

15 M. le Président (interprétation). - Vendredi dernier, peu de

16 temps après la fin des jours ouvrables, nous avons reçu quelques requêtes,

17 dont une requête conjointe pour tous les avocats de la défense qui

18 demandaient que soit adoptée une procédure spécifique. Je parle plus

19 exactement de la requête conjointe visant à ce que toutes les exceptions

20 soient adoptées, lesquelles ont été présentées par chacun des accusés.

21 Sauf avis contraire exprimé devant la Chambre de première

22 instance, je crois que la chose et difficile. En effet, même si les

23 raisons invoquées aux fins de l'adoption de cette requête sont

24 excellentes, qu'elles visent à éviter de perdre du temps et à faciliter la

25 vie de tout le monde, il est difficile de poser une telle requête devant

Page 3

1 une Chambre de première instance et de dire que cette Chambre devrait

2 accepter l'ensemble des exceptions soulevées devant elle.

3 Je pense que la différence ne serait pas bien grande si à

4 chaque occasion, l'un quelconque des conseils de la défense soulevait une

5 exception, déposait une requête, auquel cas on pourrait demander aux

6 autres conseils s'ils adoptent ou s'ils se rallient à cette requête. La

7 position serait établie en fonction de leur réponse.

8 Dès lors, au plan technique, il ne me semble pas que ce soit

9 vraiment de l'intérêt de la bonne tenue du procès que de donner une

10 approbation générale pour les exceptions qui n'ont pas encore été déposées

11 devant cette Chambre de première instance. Il serait bien sûr plus facile

12 si c'était un avis unanime des conseils de la défense. Néanmoins, il ne me

13 semblerait pas bon, ni opportun, que cette procédure soit adoptée par la

14 Chambre parce que ceci va peut-être engager la Chambre de première

15 instance à accepter des choses qu'elle n'accepterait pas en temps normal.

16 Avant de demander à l'accusation de présenter son exposé

17 liminaire, il nous faut mentionner un autre élément, je veux parler de la

18 question soulevée par l'exception présentée par Landzo en matière de

19 divulgation et de communication. Je crois que cette exception a été

20 présentée à l'accusation.

21 Quelle est sa réaction ?

22 M. Ostberg (interprétation). - Monsieur le président, vouliez-

23 vous que nous réagissions à cette exception ?

24 M. le Président (interprétation). - Effectivement. En effet,

25 cette exception est déposée aux fins que soit communiqué. Parlez-vous ici

Page 4

1 de l'exception ou de la communication des pièces ? Le conseil de Landzo a

2 donc déposé une requête ?

3 Mme McMurey (interprétation). - Monsieur le président,

4 permettez-moi d'intervenir. Nous avons effectivement déposé une exception

5 aux fins de forcer l'accusation à nous donner l'identité des témoins ainsi

6 que leurs coordonnées. Je n'ai pas ici le transcript de la dernière

7 conférence de mise en état que nous avons tenue, mais je pense qu'à cette

8 occasion le Tribunal avait rendu une ordonnance aux fins que

9 l'emplacement, ou l'adresse de ces témoins nous soit communiquée, à moins

10 que ce soit des témoins protégés.

11 L'accusation a demandé que certains témoins soient protégés,

12 B, C, D, E et F. Mais s'agissant des autres témoins qui n'ont pas demandé

13 protection, d'après le règlement nous sommes sensé connaître les

14 coordonnées, le lieu où vivent ces personnes.

15 Monsieur Ostberg nous a dit qu'il a essayé de parler à ces

16 témoins et que ces derniers lui ont rétorqué qu'ils ne voulaient pas

17 s'entretenir avec la défense. Toutefois, au titre de la communication des

18 pièces, il n'incombe pas à l'accusation d'être l'intermédiaire entre la

19 défense et les témoins. Si les témoins ne sont pas protégés par le

20 Tribunal, nous devrions être habilités à pouvoir procéder à l'audition de

21 ces témoins, d'avoir les mêmes opportunités et les occasions que celles

22 qui sont données à l'accusation à l'égard de ces témoins. Ceux-ci se

23 faisant dans une atmosphère plus détendue. C'est ce qui sous-tend notre

24 exception.

25 D'après les différents rapports et les différentes décisions

Page 5

1 et le règlement de ce Tribunal, les témoins non protégés doivent pouvoir

2 être entendus par la défense, ce qui permettrait à cette dernière de

3 s'entretenir avec ces témoins des mêmes éléments que ceux qui ont été

4 évoqués par l'accusation avec ces témoins en dehors de l'enceinte même du

5 Tribunal.

6 M. le Président (interprétation). - Madame McHenry ?

7 Mme McHenry (interprétation). - La défense dispose déjà des

8 noms des témoins depuis longtemps et demande maintenant les adresses

9 personnelles de ces témoins pour que la défense puisse les contacter pour

10 avoir des entrevues avant le procès. Lors d'une conférence de mise en

11 état, nous n'avons jamais eu d'ordonnance ou de jugement rendu par la

12 Chambre à cette fin.

13 Après avoir reçu la requête formulée par la défense, nous

14 avons veillé à contacter tous les témoins pour leur demander si oui ou non

15 ils voulaient fournir leur adresse et s'ils voulaient aussi avoir un

16 entretien avec la défense avant le procès.

17 Lors des entretiens avec les témoins, l'accusation n'a pas

18 pris de position particulière, elle n'a pas cherché à influencer les

19 témoins dans un sens ni dans l'autre. Sans aucune exception, ces témoins

20 ou leur représentant nous ont dit explicitement qu'ils ne voulaient pas

21 divulguer leur adresse personnelle et ils ont tous, sans exception, dit

22 qu'ils ne voulaient pas avoir d'entretien avec la défense avant le procès.

23 Même dans la formulation de la question, ce seul fait a effrayé beaucoup

24 de témoins.

25 L'accusation a fait vraiment plus que ce qu'il n'était requis

Page 6

1 d'elle et au titre du règlement, au titre du statut, au titre du droit de

2 l'accusé à avoir un procès équitable et au titre d'une quelconque

3 ordonnance de ce Tribunal, il est demandé que les adresses personnelles ne

4 soient pas divulguées ou qu'il y ait vraiment des ordonnances de

5 protection. C'est de bon sens que le règlement indique qu'il ne faut pas

6 divulguer l'adresse personnelle d'un témoin. Le règlement exige de

7 l'accusation qu'elle fournisse uniquement les noms des témoins.

8 En revanche, en vertu de l'article 67, la défense doit fournir

9 tant les noms que les coordonnées des témoins. Dans le même sens, la

10 plupart des systèmes de droit interne ne demandent pas que soit fournie

11 l'adresse personnelle du témoin. Il n'y a donc aucune raison de croire

12 qu'ici il semble indiquer de présenter les adresses personnelles. D'autant

13 que les témoins ont demandé explicitement qu'il n'y ait pas communication

14 de leur adresse personnelle, pas plus que ces témoins ne désirent

15 s'entretenir avec la défense.

16 La défense aura l'occasion de procéder à un contre-

17 interrogatoire et c'est son seul droit. Le témoin a le droit de décider de

18 ne pas dévoiler son adresse personnelle parce que ceci pourrait vraiment

19 compromettre ce témoin. Cela pourrait compromettre sa sécurité, celle de

20 sa famille. L'accusation ne pourrait pas accepter une telle chose.

21 En toute honnêteté, madame, messieurs les juges, si on

22 fournissait ces adresses, cela voudrait dire qu'il n'y a pas de

23 coopération de ce Tribunal dans cette affaire, comme dans toute autre. Que

24 ce soit vous, madame, messieurs les juges, que ce soit l'accusation ou la

25 défense, personne ne doit être forcé à dévoiler son adresse personnelle.

Page 7

1 Il faut respecter les témoins qui ont tous été les victimes de ces

2 accusés. Nous ne pouvons pas exiger d'eux qu'ils dévoilent leur adresse.

3 C'est tout à fait impensable.

4 Mme McMurey (interprétation). - Nous faisons objection à cette

5 référence. Il n'est pas opportun de dire que ces accusés ont vraiment

6 commis des torts envers les témoins.

7 L'interprète. - L'intervention du juge Jan n'a pas été

8 entendue.

9 Mme McHenry (interprétation). - L'identité n'inclut pas

10 l'adresse. C'est correct.

11 M. Saad Jan (interprétation). - L'article 67 que dit-il ?

12 Mme McMurey (interprétation). - La défense est explicitement

13 priée de dévoiler l'identité et l'adresse.

14 M. Saad Jan (interprétation). - On parle du nom et de

15 l'adresse des témoins. On ne parle pas de l'identité. On parle ici plus

16 précisément du 67 C. L'article 67 parle d'abord du nom, puis des adresses.

17 Vous avez le C où l'on parle d'identité. Est-ce que l'identité recoupe

18 davantage que le seul nom ?

19 Mme McHenry (interprétation). - Rien dans l'adresse actuelle

20 de témoins ne doit être repris dans le concept d'identité. On peut parler

21 de la date de naissance, éventuellement de l'origine de telle ou telle

22 personne, mais il ne peut en aucun cas être affirmé que l'adresse

23 personnelle fait partie de l'identité d'un témoin.

24 Mme McMurey (interprétation). - Avec votre permission,

25 j'aimerais réagir brièvement. Ce qui s'est passé, c'est que la défense de

Page 8

1 Esad Landzo a fourni à l'accusation les noms et les coordonnées des

2 témoins que nous allons citer. Pour ce qui est de la ligne de défense par

3 alibi, par exemple. Il y a des enquêteur, au nom du bureau du procureur

4 qui ont pu s'entretenir avec les témoins dans leur milieu naturel.

5 Nous demandons la possibilité d'étudier les différentes

6 motivations, pourquoi telle ou telle requête a-t-elle été déposée ? Il est

7 important de connaître les circonstances entourant un témoin, parce que

8 nous n'avons pas eu la même possibilité de mener l'enquête que cela a été

9 le cas pour l'accusation. Nous avons été lésé. Il nous a été impossible de

10 parler aux voisins, par exemple. Savons-nous par exemple si cette personne

11 a été notoirement un menteur ? Nous n'avons pas eu la possibilité

12 d'entendre au préalable ces témoins pour savoir s'ils sont dignes de foi

13 ou pas.

14 Nous sommes vraiment très gravement lésés dans les capacités

15 que nous aurions parce que nous avons fourni les coordonnées de nos

16 témoins et nous n'avons pas reçu l'équivalent de l'accusation.

17 M. Tapuskovic (interprétation). - Monsieur le Juge, je suis le

18 conseil de Mucic. Je m'appelle Branislav Tapuskovic, je viens de Belgrade.

19 Je suis avocat et ce que ma collecte vient de dire est tout à fait exact,

20 donc je tiens à me joindre à cette déclaration. En effet, en tant que

21 conseil, en janvier déjà et même en août de l'an dernier, j'avais donné

22 les noms et prénoms des témoins qui seront cités pour déposer en faveur de

23 Zdravko Mucic et je comptais bien entendu que des contacts ultérieurs

24 pourraient avoir lieu, contacts qui, à mon avis, ne présentent aucun

25 danger. Donc je ne comprends toujours pas ce qui se passe ici. Cela ne

Page 9

1 fait que confirmer une fois de plus, comme je l'ai déjà dit, que nous

2 sommes dans une situation inférieure.

3 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président,

4 j'aimerais également déclarer que je joins ma voix à tout ce qu'ont dit ma

5 collègue et mon collègue M. Tapuskovic. Je considère que le refus de

6 divulguer l'adresse des témoins lèse gravement les droits de mon client

7 qui sont prévus au Règlement et dans le Statut du Tribunal. En d'autres

8 termes, je crains fort que, sous le prétexte que la défense pourrait faire

9 pression sur les témoins, il n'y ait d'autres pressions exercées sur ces

10 mêmes témoins, compte tenu du fait que ces témoins se trouvent sur des

11 territoires inconnus où ce genre de chose n'est pas exclu.

12 Je considère donc qu'il serait tout à fait normal, pour les

13 raisons qui viennent d'être évoquées, que les adresses des témoins nous

14 soient divulguées.

15 M. Karabdic (interprétation). - Je suis défenseur de l'accusé

16 Delalic et je voudrais, à ce titre, joindre ma voix à ce que viennent de

17 dire mes collègues et notamment Me Residovic. Je considère que dans une

18 procédure de ce genre, l'accusation est en train de remettre gravement en

19 cause le droit de nos accusés, compte tenu du fait que, faute d'adresses,

20 la possibilité de contacter les témoins est rendue impossible.

21 Les témoins se trouvent sur des territoires autres que celui

22 où nous sommes aujourd'hui, dans d'autres pays. L'accusation a eu la

23 possibilité de se rendre auprès de ces témoins et d'avoir une incidence

24 sur leurs réactions. Nous n'avons pas eu cette possibilité. Je considère

25 donc qu'il serait tout à fait normal que l'on nous donne les éléments les

Page 10

1 plus fondamentaux au sujet de ces témoins.

2 M. Brackovic (interprétation). - Monsieur le Juge, je suis

3 défenseur de Esad Landzo et je demande à l'accusation ce qu'elle craint à

4 ce titre. Craint-elle la possibilité pour nous d'interroger ces témoins ?

5 Ou craint-elle autre chose ? Craint-elle des réactions de la part de ces

6 témoins ? Aucun de ces témoins, je le dis, ne vit sur le territoire de la

7 Bosnie Herzégovine. Ils vivent tous sur le territoire de la Serbie,

8 autrement dit dans la Yougoslavie actuelle, ou dans des pays tiers.

9 Donc cette crainte éventuelle que prétexte l'accusation est

10 une crainte imaginaire qui n'existe pas dans la réalité. Nous considérons

11 que la défense devrait avoir des droits égaux et qu'elle ne serait donc

12 sur un pied d'égalité avec l'accusation que si elle avait la possibilité

13 d'interroger au préalable les témoins en question. Tous les témoins de la

14 défense ont été mis à la disposition de l'accusation qui a utilisé sa

15 possibilité d'entrer en contact avec eux chaque fois qu'elle a jugé

16 nécessaire d'avoir une rencontre avec eux.

17 M. le Président (interprétation). - Madame McHenry, un de vos

18 arguments peut-il être résumé de la façon suivante ? C'est que les témoins

19 ont refusé de dévoiler leur adresse, leur identité à quiconque venant de

20 la défense ?

21 Mme McHenry (interprétation). - C'est un de nos arguments,

22 mais le premier argument, c'est qu'il n'est pas du tout exigé que nous le

23 fassions. Toutefois, soucieux d'aider la défense et pour veiller à ce que

24 tout ait été tenté, nous avons pris contact avec les témoins pour leur

25 demander s'ils s'opposaient à ce que nous communiquons leur adresse à la

Page 11

1 défense. Et ils ont émis une objection à cette idée.

2 Toutefois, si les témoins consentent à ce que leur adresse

3 soit divulguée, nous n'avons aucune difficulté à le faire. Mais les

4 témoins contactés ont dit explicitement qu'ils ne voulaient pas que leur

5 adresse soit dévoilée à la défense.

6 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.

7 M. Brackovic (interprétation). - Monsieur le Président, avant

8 qu'une décision ne soit prise sur ce sujet, j'aimerais mettre l'accent sur

9 une autre possibilité. Nous souhaitons que ces rencontres avec les témoins

10 soient réalisées, mais en dehors de toute nécessité de divulgation de

11 l'adresse des témoins, avant que les témoins ne s'expriment, ne déposent

12 devant le Tribunal, la défense aimerait revoir avec eux leurs premiers

13 interrogatoires. De cette façon, il serait possible également de vérifier

14 si les témoins en question souhaitent ou pas rencontrer la défense. C'est

15 la défense, donc je le propose, qui vérifie si les témoins souhaitent ou

16 non rencontrer les conseils de la défense, plutôt que l'accusation.

17 Je ne vois vraiment pas pourquoi ces témoins ne pourraient pas

18 avoir des rencontres préliminaires avant de déposer officiellement devant

19 ce Tribunal.

20 M. Saad Jan (interprétation). - Ne demandez-vous pas un droit

21 que ne vous permet pas le Règlement, à savoir que vous voudriez interroger

22 les témoins à charge même s'ils ne veulent pas parler avec vous ?

23 Me McMurrey (interprétation). - Permettez-moi d'intervenir.

24 Est-il vraiment si important que nous ayons cet entretien avec un témoin

25 ici même, à La Haye, avant qu'il ne soit entendu en tant que témoin ? Si

Page 12

1 nous avions connaissance de leurs coordonnées, nous pourrions étudier leur

2 vie, leur milieu, ce qui veut dire que lorsque ces personnes sont appelées

3 à la barre des témoins, nous serions informés.

4 Nous devons avoir les mêmes droits à l'enquête que

5 l'accusation, les mêmes droits de recherche que l'accusation, que le droit

6 dont a disposé l'accusation qui a pu se rendre sur place, interroger les

7 personnes, leurs voisins, leurs collègues de travail. Ils connaissent bien

8 les détails de la vie privée de ces personnes, plus de détails que ce qui

9 nous a été communiqué. C'est cette possibilité que nous voulons davantage

10 qu'un véritable témoignage ou qu'un entretien préalable.

11 M. le Président (interprétation). - Je crois que l'accusation

12 protège un élément confidentiel, un privilège entre l'accusation et le

13 client, client qui est en l'occurrence un témoin. Je crois que c'est un

14 point de droit tout à fait précis. Il faut respecter la confidentialité.

15 Me McMurrey (interprétation). - Monsieur le Président, puis-

16 je réagir ?

17 Si la raison de la protection des témoins à charge qui

18 seraient protégés est légitime, il est certain que ces personnes ne vont

19 pas nous dévoiler leurs coordonnées. Mais il y a d'autres témoins qui,

20 eux, ne sont pas protégés et, les concernant, il nous semble important

21 d'avoir leur adresse, afin que nos enquêteurs aient les mêmes avantages,

22 les mêmes privilèges que ceux dont a disposé l'accusation. Merci.

23 M. le Président (interprétation). - Je crois que nous avons

24 épuisé les arguments, nous nous prononcerons plus tard.

25 Nous passons maintenant aux déclarations liminaires de

Page 13

1 l'avocat de l'accusation.

2 M. McMurrey (interprétation). - Monsieur le Président, je

3 crois qu'il y a encore une ou deux exception à examiner avant les

4 déclarations liminaires.

5 D'abord la requête commune, l'exception commune, in limine,

6 puis, deuxièmement, nous aimerions évoquer l'article 90 D, si je ne

7 m'abuse, du Règlement qui stipule qu'un témoin ne doit pas être présent

8 dans le prétoire pendant la déposition d'un autre témoin.

9 Bien sûr, il appartient au président et aux juges de se

10 prononcer sur ce point de façon définitive, mais nous avons une exception

11 in limine à présenter avant la déclaration liminaire de l'accusation.

12 M. le Président (interprétation). - Maître, au sujet de votre

13 dernière proposition, concernant la nécessité pour les témoins d'être hors

14 du prétoire, c'est une tradition tout à fait courante dans tous les

15 tribunaux, dans toutes les Chambres d'instance, et je crois que cela sera

16 respecté le cas échéant ici.

17 S'agissant maintenant de votre exception conjointe, je pense

18 que les choses ne sont pas aussi claires. Il est un peu irrégulier, dirai-

19 je, tout d'abord de préjuger de ce qui va se passer ultérieurement. Dès

20 lors qu'une requête est déposée, tout conseil de la défense intéressé à

21 cette requête peut s'associer à cette requête et l'adopter. Une autre

22 possibilité est de se passer de cette requête. Donc nous n'avons peut-être

23 pas besoin d'une décision aussi énorme pour atteindre l'objectif que vous

24 tentez d'atteindre. Bien entendu, c'est une procédure qui existe, qui peut

25 être dans l'intérêt de la Justice, notamment s'agissant de la protection

Page 14

1 des requêtes ultérieures. C'est la raison pour laquelle nous essayons

2 d'éviter les requêtes globales.

3 M. McMurrey (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je

4 comprends ce que vous avez dit au sujet des objections présentées par les

5 autres conseils de la défense, mais nous avons une autre requête, la

6 requête in limine concernant les termes autorisés au cours du procès.

7 Deux termes utilisés par l'accusation nous posent problème, ce

8 sont des termes tout à fait dépréciateurs et, au titre de l'article 70 F,

9 et je pense que ce problème doit être réglé avant la déclaration liminaire

10 de Me Ostberg. Il s'agit de termes utilisés par l'acte d'accusation. Nous

11 ne pouvons...

12 M. le Président (interprétation). - Je ne vois pas très bien

13 quelle est votre position. En effet, une majeure partie de ce que vous

14 venez de dire n'a pas sa place dans cette Chambre d'instance, à mon avis.

15 Si une personne utilise un terme que vous jugez impropre, vous pouvez

16 soulever une objection et le Tribunal décidera de rejeter ou de retenir

17 l'objection en question. Je ne vois vraiment pas pourquoi ce genre de

18 problème devrait se régler par voie de requête. Si vous souhaitez qu'une

19 expression particulière ne soit pas utilisée, je ne pense pas qu'il soit

20 judicieux de présenter cette demande dans le cadre d'une requête devant le

21 Tribunal.

22 Mme McMurey (interprétation). - Puisque tout cela m'est

23 inconnu, je dirai simplement qu'à chaque fois qu'un terme ou une

24 expression à laquelle nous objectons est prononcée, nous soulèverons une

25 objection.

Page 15

1 M. le Président (interprétation). - Oui, vous indiquez à

2 l'accusation que le terme ou l'expression en question est jugé impropre

3 par vous. Le problème sera peut-être ainsi résolu, mais cela ne devrait

4 pas se faire par voie de requête.

5 Mme McMurey (interprétation). - Très bien. Merci, Monsieur le

6 président.

7 Mme Residovic (interprétation). - Avant de donner la parole à

8 l'accusation, en rapport avec cette requête de la défense, permettez-moi

9 de m'exprimer également. Je pense que dans ce cas précis, le Tribunal

10 devrait se prononcer aujourd'hui indépendamment du fait que l'acte

11 d'accusation ne sera pas lu. En effet, l'acte d'accusation fait néanmoins

12 partie intégrante de ce procès. C'est par cet acte d'accusation que le

13 procès débute. Ce sera également un moyen de communiquer à l'opinion

14 publique la totalité des événements qui se dérouleront dans ce prétoire.

15 Je suis dans l'obligation de dire qu'une telle décision aurait

16 une grande importance à notre avis, à deux titres. D'abord parce que c'est

17 la première fois que des représentants des forces armées légales de la

18 Bosnie Herzégovine sont présents ici, représentants d'un pays reconnu

19 internationalement qui possède des organes officiels avec une dénomination

20 officielle. C'est pourquoi des expressions telles que "forces musulmanes",

21 "tribunaux musulmans", "commandant des forces musulmanes" sont des

22 expressions qui, juridiquement, sont tout à fait inacceptables. Ce sont

23 donc des termes qui, dans un prétoire comme celui-ci, ne doivent pas être

24 utilisés.

25 Je dois dire que mon client n'a jamais fait partie des forces

Page 16

1 musulmanes et n'a jamais été non plus commandant des forces musulmanes.

2 Par ailleurs, là Bosnie Herzégovine est un pays indépendant, un pays

3 souverain qui possède ses institutions. Il serait normal que devant ce

4 Tribunal, comme le font les Nations Unies dans toutes leurs résolutions,

5 soient utilisées les expressions usitées en République de Bosnie

6 Herzégovine.

7 Aussi, je pense donc qu'une décision de ce genre devrait être

8 rendue aujourd'hui même, conformément aux propositions que nous avons

9 développées dans notre requête concernant la nécessité d'interdire

10 l'utilisation d'un certain nombre d'expressions dans ce prétoire.

11 Par ailleurs, Monsieur le président, je pense que ce sont des

12 demandes qui vont dans l'intérêt du Tribunal et dans notre intérêt en tant

13 que défenseurs de nos clients, puisque ces demandes permettent de

14 respecter les accusés.

15 Ce matin, j'ai appris qu'un appel sensationnaliste à assister

16 à ce procès avait été présenté en établissant un rapport avec les procès

17 de Nuremberg et de Tokyo. Je tiens à dire qu'une telle comparaison n'est

18 pas dans l'intérêt du procès qui se déroulera dans ce Tribunal.

19 Conformément au Règlement de procédure et de preuve, nous

20 allons, avec un certain nombre d'éléments de preuve, prouver l'innocence

21 de nos clients. Nous le ferons dans le cadre des procédures appliquées

22 dans ce Tribunal, procédures auxquelles n'appartient pas celles dont je

23 viens de parler. Donc je déclare qu'avec mes collègues, je m'opposerai,

24 dans l'intérêt de mon client, M. Zdvrasko Mucic, à tout ce qui risque

25 d'enfreindre les droits de mon client, notamment ceux qui sont stipulés à

Page 17

1 l'article 62 du Règlement de procédure et de preuve. Par ailleurs, je

2 m'opposerai également à tous les éléments qui risquent de nuire à l'équité

3 de ce procès.

4 C'est la raison pour laquelle j'ai pris la parole avant le

5 début du procès, ici même.

6 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup,

7 Me Residovic. J'apprécie votre intervention.

8 Comme je l'ai indiqué depuis le début, il est toujours

9 opportun pour un conseil de mettre l'accent sur les inexactitudes et les

10 erreurs de description des faits ou des situations pour que ces erreurs

11 puissent être corrigées devant le Tribunal. Ce n'est pas une chose qui ne

12 peut être faite qu'une seule fois au cours du procès, mais elle peut être

13 faite en fonction des circonstances chaque fois que celles-ci le

14 requerront.

15 Mais je ne crois pas que cette Chambre d'instance ait la

16 moindre responsabilité eu égard à la publicité qui a pu être faite autour

17 de ce procès au préalable. Nous ne sommes pas tenus, à moins que cela

18 n'affecte le Tribunal dans son ensemble, de réclamer une correction. Je

19 crois donc qu'il conviendrait que vous n'attachiez pas une importance

20 exagérée à ce que vous avez lu dans les médias, mais que vous fassiez de

21 votre mieux pour faire ce qu'il convient de faire dans l'intérêt d'un

22 procès équitable avant le début de ce procès. En tout cas, comme je crois

23 que cela a été le cas jusqu'à présent, la Chambre d'instance, que vous

24 avez pu contacter, a coopéré de ce point de vue sur tous les plans aussi

25 bien avec l'accusation qu'avec la défense.

Page 18

1 Il n'y a donc aucune raison pour vous de nourrir la moindre

2 crainte par rapport à ce qui peut être écrit ou lu ailleurs.

3 Mme McMurey (interprétation). - Monsieur le président, je

4 tiens à dire que l'accusé Esad Landzo voudrait soutenir les arguments

5 développés jusqu'à présent.

6 M. le Président (interprétation). - J'ai déjà indiqué que la

7 juridiction d'instance estime qu'il n'est pas nécessaire de rendre une

8 décision sur ce point. Vous avez parlé des expressions ou des termes

9 impropres qui risquaient d'être utilisés. Vous pourrez soulever une

10 objection à chaque fois que ces expressions ou ces termes seront prononcés

11 et le Tribunal décidera.

12 Avez-vous encore autre chose à dire, Maître ?

13 Mme McMurey (interprétation). - Encore un point. Je crois

14 qu'une expression utilisée par l'accusation était impropre, mais je me

15 réserve le droit de le faire savoir devant le Tribunal au moment opportun.

16 M. le Président (interprétation). - Nous pouvons maintenant

17 entendre l'accusation.

18 M. Ostberg (interprétation). - Merci, Monsieur le président.

19 Je commencerai, si vous le voulez bien, par vous présenter les

20 membres de l'accusation. Je m'appelle Eric Ostberg ; vous avez déjà

21 entendu ma collègue, Mme Theresa McHenry, qui est à ma gauche. A ma

22 droite, se trouve M. Giuliano Turone. Nous avons également avec nous une

23 assistante juridique, Mrs van Dusschoten.

24 L'accusation présente ici, devant cette Chambre d'instance,

25 aujourd'hui une affaire de violations des lois ou coutumes de la guerre et

Page 19

1 d'infractions graves aux conventions de Genève de 1949 perpétrées par

2 quatre personnes : Zejnil Delalic, Zdvrasko Mucic, Hazim Delic et Esad

3 Landzo.

4 Les crimes sont sensés avoir été commis en rapport avec le

5 camp situé dans le village de Celebici, dans la municipalité de Konjic, en

6 Bosnie centrale, en mai 1992 dans le cadre de la détention de personnes de

7 nationalité serbe regroupées dans des villages environnant la ville de

8 Konjic, qui a été prise au cours du conflit surgi entre les Serbes, d'une

9 part, et les Musulmans bosniaques et croates de l'autre, au printemps

10 1992.

11 Mme Residovic (interprétation). - J'ai une objection à faire

12 sur le terme "musulmans bosniaques".

13 M. Ostberg (interprétation). - Je serais reconnaissant au

14 conseil de la défense s'il voulait bien réserver ses objections jusqu'à la

15 fin de la présentation de mes arguments.

16 M. Braskovic (interprétation). - La défense propose qu'une

17 décision immédiate soit prise. En effet, monsieur le président, vous avez

18 dit tout à l'heure que lorsque le problème se poserait, une décision

19 serait prise. Le problème se pose à l'instant même. J'exige donc que le

20 Tribunal se prononce. Le représentant de l'accusation utilise une

21 terminologie qui n'est pas acceptable, qui est en tout cas contraire à

22 celle qui est utilisée par les Nations Unies.

23 Les mots "forces bosniaques et musulmanes" sont une expression

24 qui n'existe pas aux Nations Unies, où il n'est question que de "forces de

25 la République de Bosnie-Herzégovine", qui existaient déjà officiellement à

Page 20

1 l'époque.

2 Donc nous mettons en cause l'utilisation de termes qui sont

3 inexacts et impropres par l'accusation et qui, je l'ajoute, peuvent être

4 considérés par nous comme des termes insultants. Ils permettent de

5 présenter d'une façon inexacte les événements de l'époque.

6 M. Ostberg (interprétation). - Monsieur le président, madame

7 et messieurs les juges, dans cette déclaration liminaire, j'essaie

8 d'utiliser des termes et de procéder à des descriptions qui, sans aucun

9 doute, soulèveront des objections. Mais je fais référence à la réalité. Il

10 est impossible d'utiliser des dénominations officielles pour parler de

11 cette guerre non officielle et de cette époque non officielle. Donc je

12 vous prie, monsieur le président, de me permettre de m'exprimer d'abord,

13 après quoi je serai ouvert à toute objection, et même à la nécessité de

14 corriger certaines de ces expressions, s'il s'avère que l'utilisation de

15 ces dernières était effectivement inexacte.

16 Ce que nous faisons en ce moment, c'est tenter de décrire une

17 réalité devant ce Tribunal. C'est dans ce but que je me vois contraint

18 d'utiliser des termes qui font partie de cette réalité.

19 Mme Residovic (interprétation). - Puis-je poursuivre ?

20 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie. Je crois

21 qu'il vous faut prendre en compte les deux aspects du problème. Nous

22 sommes en train d'entendre une déclaration liminaire. Sur le plan

23 technique, la déclaration liminaire ne fait pas à 100 % partie du procès.

24 C'est simplement une déclaration qui permet de dresser le tableau de ce

25 qui va se passer par la suite.

Page 21

1 Je comprends que vous puissiez demander à être autorisée à

2 présenter des objections, y compris dans le cadre de la déclaration

3 liminaire. Je crois également que l'accusation a bien pris note de vos

4 objections et adaptera son langage à cette objection.

5 Pourriez-vous, Maître, adapter l'utilisation des termes que

6 vous employez à l'objection qui vient d'être soulevée avec quelques

7 raisons ?

8 Mme Residovic (interprétation). - Un mot seulement, monsieur

9 le président, si vous le permettez.

10 M. Ostberg (interprétation). - Je n'ai pas entendu ce que vous

11 avez dit, Maître Residovic.

12 M. le Président (interprétation). - Laissons la parler.

13 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le président, la

14 résolution 827 des Nations Unies du 25 mai 1993 a décidé de créer ce

15 Tribunal. Dans cette résolution, comme dans toutes les autres résolutions

16 des Nations Unies, la Bosnie Herzégovine est évoquée en tant que

17 république indépendante et souveraine.

18 Dans la demande présentée au Conseil général et à l'Assemblée

19 générale dans la commission de M. Bassiouni, une distinction claire est

20 établie entre les organes légaux de l'Etat, les forces armées légales de

21 la République de Bosnie Herzégovine et l'ensemble des autres organismes

22 paramilitaires.

23 Le Tribunal où nous sommes aujourd'hui est tenu de respecter

24 la légitimité et la légalité. Il n'y a rien qui puisse être considéré

25 comme un événement hors normes devant ce Tribunal. Ce sont des événements

Page 22

1 qui se sont déroulés dans un pays existant officiellement.

2 Aussi, en tant que représentant de ce Tribunal -et nous

3 attendons cette attitude de la part de tous les représentants qui

4 s'expriment ici-, je vous prie de bien vouloir utiliser les termes

5 officiellement utilisés par les Nations Unies dans leurs résolutions.

6 M. Braskovic (interprétation). - Je voudrais intervenir.

7 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Nous

8 avons déjà entendu assez d'arguments sur ce sujet, me semble-t-il.

9 M. Braskovic (interprétation). - Je crois que cela ne suffit

10 pas.

11 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie. Je crois

12 que nous avons entendu assez d'arguments.

13 M. Ostberg.- Je ne recommencerai pas au début de ma

14 déclaration mais je répéterai que ce procès est intenté contre quatre

15 personnes considérées individuellement et dont j'ai donné les noms. Cette

16 affaire a été évoquée dans les médias et ailleurs en tant que procès des

17 Musulmans et il s'agit d'une description malheureuse. La religion ou

18 l'appartenance ethnique des auteurs des actes invoqués n'a pas

19 d'importance, et l'un des accusés, M. Mucic, n'est pas musulman.

20 Le Statut de ce Tribunal ne reconnaît que des personnes ou des

21 individus en tant que sujets des procès menés devant ce tribunal. Que les

22 accusés viennent de quelque territoire de l'ex-Yougoslavie ou de quelque

23 autre endroit du monde, qu'ils aient une quelconque autre religion ou une

24 quelconque autre appartenance ethnique, ils seraient néanmoins cités ici,

25 et ils seraient assis ici au banc des accusés s'ils avaient été accusés de

Page 23

1 la même façon.

2 La République de Bosnie-Herzégovine ou toute autre entité ou

3 organisation, musulmane ou pas, n'est pas assise au banc des accusées

4 aujourd'hui, ce sont simplement ces quatre individus qui sont

5 officiellement accusés dans l'acte d'accusation que nous considérons. Ce

6 sont les violations perpétrées par eux du droit humanitaire international

7 que nous allons essayer de juger dans ce procès qui s'ouvre aujourd'hui et

8 qui va durer quelques mois, ainsi que les actes d'autres personnes. Ce

9 n'est pas la responsabilité d'un Etat, d'une armée ou d'un organe

10 quelconque, mais simplement la responsabilité de ces individus qui sera

11 examinée.

12 L'accusation s'opposera vigoureusement à toute tentative de la

13 part des accusés, de leurs conseils ou de quelque autre personne, de

14 transformer ce procès en quelque chose d'autre qu'un procès de la

15 responsabilité individuelle de de Delalic, Mucic, Delic et Landzo. Si. la

16 défense devait soutenir que les forces bosniaques et les forces croates

17 avaient le droit d'attaquer les villages environnants de Konjic en mai

18 1992, l'accusation ne le contesterait pas ; si la défense devait maintenir

19 que ces forces avaient le droit de regrouper et de placer dans un centre

20 de détention des individus Serbes, vaincus et désarmés, vivant dans ces

21 villages, l'accusation ne le contestera pas non plus.

22 Les arguments de l'accusation reposent uniquement sur deux

23 faits, à savoir que des membres d'une population civile résidant dans ces

24 villages ont été emprisonnés illégalement et qu'un grand nombre de ces

25 personnes, une fois en détention aux côtés de prisonniers de guerre, ont

Page 24

1 été tuées, torturées et ont subi des sévices physiques et autres dans le

2 centre de détention, dans le camp, dans la prison -ou dans ce lieu en tout

3 cas, quel que soit le terme qu'on donne à ce lieu horrible-, à savoir

4 Celebici.

5 L'emprisonnement illégal de civils, le meurtre, la torture, le

6 viol et d'autres atrocités et traitements inhumains infligés aux personnes

7 détenues qui étaient toutes protégées par le droit humanitaire

8 international, tels sont les seuls éléments dont traite l'acte

9 d'accusation que nous avons entre les mains. Le conflit existant entre les

10 différentes parties de l'ex-Yougoslavie et l'origine de ces hostilités

11 liées à la nationalité ou à la religion dans ce malheureux pays ne sont

12 pas le sujet du procès qui démarre aujourd'hui.

13 Ces éléments ne peuvent que constituer une toile de fond à ce

14 qui est jugé ici, dans ce Tribunal, et dépeindre ce qui a présidé aux

15 éléments de Konjic qui ont conduit à l'incarcération dans le camp de

16 Celebic de membres de la population serbe des villages environnants. Et,

17 afin de faciliter la compréhension de ce qui s'est passé, l'accusation

18 citera au moins un témoin expert, à savoir le Docteur Marie-Janine Calic

19 qui appartient à l'Institut de recherche sur la politique internationale

20 et la sécurité de Munich en Allemagne.

21 L'accusation, à un stade ultérieur au cours du procès et

22 seulement si c'est nécessaire, pourrait également citer le général à la

23 retraite J.C.A.C de Vogel, anciennement attaché militaire néerlandais à

24 Belgrade, spécialiste des événements militaires liés à la désintégration

25 de l'ex-Yougoslavie. Le docteur Calic abordera la toile de fond historique

Page 25

1 du conflit bosniaque..

2 Dans le but de juger Delalic, Mucic, Delic et Landzo pour les

3 crimes qui leur sont imputés dans le cadre des événements survenus dans le

4 camp de Celebic, l'accusation ne voit cependant aucune raison d'ennuyer le

5 Tribunal avec un examen trop approfondi de l'histoire des Balkans qui

6 irait trop loin dans les siècles passés. Notre témoin expert se

7 concentrera par conséquent sur la situation à Konjic au début des années

8 1990, et ce, d'un point de vue politique et militaire.

9 Le seul élément du conflit entre les parties de l'ex-

10 Yougoslavie qui soit devenu un élément de preuve pour l'accusation, c'est

11 le fait de savoir si le début des hostilités dans la région de Konjic a

12 fait partie du conflit qui était un conflit de nature international.

13 Les infractions graves des conventions de Genève de 1949, qui

14 sont citées dans l'article 2 de notre statut et évoquées dans l'acte

15 d'accusation, ne peuvent être commises que dans le cadre d'un conflit armé

16 international dirigé contre des personnes ou des propriétés protégées par

17 ces conventions. L'accusation doit donc prouver que ces violations ont eu

18 lieu dans le cadre d'un conflit de cette nature et contre des personnes et

19 des biens de cette nature.

20 Par conséquent, il n'est pas du devoir de l'accusation de

21 démontrer qui était l'agresseur ou de prononcer quelque déclaration que ce

22 soit au sujet de celui qu'il convient de blâmer au début de l'éclatement

23 du conflit. De l'avis de l'accusation, il n'y a pas non plus la moindre

24 nécessité, pour la Chambre d'instance, de se pencher sur ces questions

25 afin d'essayer d'évaluer la nature du conflit.

Page 26

1 L'accusation a déposé un dossier préliminaire au procès dans

2 lequel, entre autres choses, elle prévoit l'application de l'article 2 du

3 statut au procès auquel nous participons ici. Les éléments de preuve

4 soumis par l'accusation démontreront plus en détail, dans ce dossier

5 préalable au procès, qu'un conflit armé international avait lieu, en tout

6 cas à partir de mars 1992 et pendant toute la durée de l'année 1992, sur

7 le territoire de la République de Bosnie-Herzégovine que nous appellerons

8 désormais la Bosnie dans notre déclaration, si la défense n'y voit pas

9 d'objection,. Est-ce un terme qui vous convient ?

10 La Bosnie et ses forces armées ont donc constitué l'une des

11 parties prenantes au conflit. L'autre partie prenante se composait tout

12 d'abord, à partir de mars 1992, de la République fédérale socialiste de

13 Yougoslavie et son armée qu'on connaît sous le nom d'armée populaire

14 yougoslave (la JNA), à partir de mai 1992, par la nouvelle République

15 fédérale de Yougoslavie et son armée qui a gardé la même dénomination

16 (armée populaire yougoslave), à partir de mars 1992, par l'entité connue

17 sous le nom de République serbe de Bosnie Herzégovine et, à partir d'août

18 1992, par l'entité dénommée Républica Srpska et son armée.

19 Il sera également démontré que, pendant la majeure partie de

20 l'année 1992, l'armée croate et les forces armées de la communauté croate

21 d'Herceg Bosnie, auto-proclamée à l'intérieur de la Bosnie (l'entité

22 connue sous le sigle HVO), ont également combattu l'armée populaire

23 yougoslave et l'armée serbe de Bosnie du côté des forces gouvernementales

24 bosniaques.

25 Pour démontrer l'existence d'un conflit armé international,

Page 27

1 l'accusation souhaite également s'appuyer sur les conclusions de la

2 Chambre d'appel de ce Tribunal dans l'affaire Tadic. Au paragraphe 68 de

3 la décision du 2 octobre 1995 de cette Chambre d'appel, celle-ci fait

4 remarquer que les conventions de Genève laissent à penser qu'au moins

5 quelques-unes des dispositions de ces conventions s'appliquent à la

6 totalité du territoire des parties au conflit, et pas seulement aux

7 villages avoisinant les lieux où se déroulaient de réelles hostilités. Ces

8 dispositions, notamment s'agissant de la protection des prisonniers de

9 guerre et des civils, ne sont pas limitées.

10 De l'avis de l'accusation, cela signifie donc, dans le cadre

11 de l'acte d'accusation que nous avons entre les mains, que la région de

12 Konjic ne peut pas faire exception à la totalité du conflit international

13 auquel participait la Bosnie aux époques dont nous parlons.

14 Les éléments de preuve soumis par l'accusation permettront

15 également de démontrer que les victimes dans ce procès sont des personnes

16 protégées en vertu de l'article 4 de la convention n° 3 de Genève ou en

17 vertu de l'article 4 de la convention de Genève n° 4. Ces personnes

18 étaient, soit des non-combattants qui tombaient aux mains de l'une des

19 parties à ce conflit armé international (à savoir la Bosnie), et étaient

20 considérées -je dis bien considérées- comme ayant un lien avec la partie

21 adverse à ce même conflit, c'est-à-dire avec l'ex-Yougoslavie (ou plutôt

22 la République fédérale de Yougoslavie) et la République serbe de Bosnie,

23 soit des prisonniers de guerre qui appartenaient à la partie serbe et qui

24 avaient été capturés par la partie bosniaque.

25 Je laisserai maintenant tous les détails aux témoins experts

Page 28

1 et je passerai maintenant à une brève présentation de la région et du camp

2 où les crimes reprochés dans cet acte d'accusation ont eu lieu. A ce

3 sujet, je fournirai également une brève description de la situation

4 politique et militaire dans cette région. Je présenterai ensuite les

5 accusés à la Chambre de première instance selon la perception de

6 l'accusation et je décrirai le rôle respectif qu'ils ont joué dans le

7 camp. Je résumerai ensuite les accusations contre les accusés, et je leur

8 attribuerai leurs actions selon les articles appropriés de notre statut.

9 Enfin, je présenterai un bref sommaire de la preuve sous la forme de

10 témoignages et de pièces à conviction que l'accusation a l'intention de

11 présenter.

12 La République de Bosnie-Herzégovine, formée de cinq autres

13 Républiques et de deux provinces autonomes, constituait l'ancienne

14 République fédérale socialiste de Yougoslavie.

15 Etant donné les tensions nationalistes, cet Etat a commencé à

16 se diviser. Deux importants événements se sont produits : la Slovénie et

17 la Croatie ont déclaré leur indépendance au milieu de l'année 1991. La

18 Bosnie leur a bientôt emboîté le pas, et elle a indiqué clairement qu'elle

19 avait également l'intention de déclarer son indépendance. Un référendum a

20 eu lieu sur cette question en mars 1992 qui, malgré un boycott de la

21 majorité de la population serbe de Bosnie, a donné le résultat suivant :

22 90 % des 63 personnes qui ont voté ont voté pour l'indépendance.

23 Le 6 mars 1992, le président Itzetbegovic a déclaré

24 l'indépendance de la Bosnie, et a demandé la reconnaissance

25 internationale. Les dirigeants serbes de Bosnie avaient déjà déclaré

Page 29

1 l'existence d'une République serbe de Bosnie en Bosnie, le 9 janvier 1992.

2 Et le 28 février 1992, la Constitution et les principaux éléments du

3 nouveau système juridique de cette entité ont été proclamés comme étant

4 entrés en vigueur. Cette entité allait devenir la Républica Srpska auto-

5 proclamée.

6 Ces événements ont précédé l'éclatement de la guerre en

7 Bosnie. Déjà, après les premières élections multipartites en 1990, les

8 trois partis nationaux de Bosnie (le SDA musulman, le SDA serbe et le HDZ

9 croate) avaient abouti à une impasse quant à l'avenir de la Bosnie parce

10 que les Serbes et les Croates demandaient une division de la République,

11 tandis que les Musulmans insistaient pour obtenir un Etat pluriethnique.

12 La société bosniaque était ainsi divisée en deux factions ethniques dont

13 deux d'entre elles (les Serbes de Bosnie et les Croates de Bosnie) ont

14 rompu avec le gouvernement de Bosnie.

15 Des groupes paramilitaires ethniques ont été créées pour

16 lesquels les Serbes obtenaient des armes et l'appui de l'armée populaire

17 de Yougoslavie.

18 Dans ces régions, les critères ethniques primaient par-dessus

19 tout dans la vie privée. L'homogénéité ethnique s'est petit à petit

20 effectuée dans tous les services administratifs.

21 Konjic n'était pas isolée de ce qui se passait dans l'ensemble

22 de la Bosnie. Konjic est une municipalité typique de ce pays. Sur le plan

23 ethnique, sa population d'environ 45.000 habitants se composait, en 1991,

24 d'environ 54 % de Musulmans, de 26 % de Croates, et de 15 % de Serbes.

25 Environ la moitié de la population serbe vivait dans la ville de Konjic et

Page 30

1 le reste dans certains des villages avoisinant la ville. Certains de ces

2 villages comprenaient entre autres Bradina, Brdani, Donje Selo, qui

3 étaient dominés par les Serbes.

4 La municipalité de Konjic se trouve dans la partie nord de

5 l'Herzégovine, à environ 50 kilomètres au sud-ouest de Sarajevo, dans une

6 région montagneuse et boisée. Des cartes seront présentées comme pièces à

7 conviction en temps et lieu. La ville de Konjic, qui se trouve à la

8 jonction de la Neretva, est un point de communication important sur le

9 plan routier et ferroviaire entre Mostar et Sarajevo et est à un carrefour

10 de routes qui relient l'intérieur des terres à la mer.

11 La municipalité de Konjic était également importante sur le

12 plan militaire car il y avait des installations de l'ancienne armée

13 yougoslave (la JNA). Il y avait entre autres l'Igman, une usine de

14 fabrication d'armes et de munitions, la caserne de Ljuta où les armes

15 étaient entreposées pour la défense territoriale de Konjic et des

16 environs, et les casernes qui se trouvaient à Celebici et à Borci.

17 Les installations militaires, qui portent le nom de Celibici,

18 et qui se trouvent dans un village du même nom, constituaient une

19 installation assez petite pour la JNA et étaient entourées d'une clôture.

20 Elles servaient surtout à entreposer du carburant, et comportaient des

21 bâtiments sur les lieux qui étaient souterrains. L'accusation a préparé

22 une maquette des lieux qui sera présentée comme pièce à conviction et qui

23 sera décrite en détail. En avril 1992, la JNA s'était emparée de cet

24 endroit, ainsi que les Musulmans et les Croates.

25 Après les attaques menées contre les villages dominés par les

Page 31

1 Serbes et l'arrestation d'un grand nombre d'habitants, ces installations

2 devinrent un quartier pénitentiaire pour les personnes arrêtées. Au cours

3 du printemps de 1992, les tensions ethniques se sont aggravées à Konjic

4 comme dans le reste de la Bosnie.

5 La méfiance et la crainte mutuelle étaient aiguës parmi les

6 Musulmans, les Croates et les Serbes de cette région auxquels venait se

7 greffer l'importance stratégique et militaire de Konjic pour toutes les

8 parties. Un grand nombre de Serbes, qui vivaient en minorité dans ces

9 régions comme dans la ville de Konjic, sont partis vers des villages tels

10 que Bradina, Bijela, Borci, où les Serbes dominaient. Certains d'entre eux

11 sont partis parce qu'ils avaient perdu leur emploi ou leurs biens.

12 En avril 1992, après que les combats aient commencé en Bosnie,

13 les Serbes se sont retirés du conseil exécutif municipal et de

14 l'assemblée. Une résidence de guerre a été créée ; elle était composée du

15 président du conseil exécutif, du chef de police et des membres en vue du

16 SDA et du HDZ. Notre témoin expert analysera en détail l'organe que

17 représentait la présidence de guerre. Dans cet exposé liminaire, il suffit

18 de dire qu'il a pris le pouvoir de l'administration de la municipalité

19 pendant la guerre.

20 Un grand nombre de personnes de divers partis étaient armées.

21 Certaines personnes gardaient leurs armes à des fins d'autodéfense tandis

22 que d'autres formaient des unités militaires ou y participaient, de

23 manière officielle autant qu'officieuse. Des postes de contrôle ont été

24 mis sur pied dans diverses parties de la municipalité ; des membres de

25 chaque parti en assuraient la permanence, y compris des membres armés.

Page 32

1 Certains villages à forte majorité serbe, y compris Bradina, ont également

2 créé des postes de contrôle.

3 En avril et en mai 1992, des négociations ont eu lieu entre

4 les autorités de Konjic et des villages serbes plus grands tels que

5 Bradina, et il semble qu'il y ait eu des ententes de non-agression.

6 Néanmoins, la méfiance et la crainte ne cessaient de croître

7 entre les groupes. Au début d'avril 1992, des unités militaires armées,

8 notamment des forces de la défense territoriale (TO) de Bosnie et les

9 forces croates du HVO, étaient déjà en mouvement à Konjic. En outre, la

10 police municipale jouait également un rôle militaire du fait qu'elle avait

11 un effectif de réserve armé relativement important qui pouvait servir en

12 cas d'urgence nationale.

13 Le HVO était devenu opérationnel avant la TO qui, dans cette

14 région, était mieux organisée et mieux équipée.

15 Au début de cette période, un grand nombre de Musulmans, qui

16 ont participé aux opérations militaires, faisaient, au départ, partie du

17 HVO (ce qui veut dire la partie croate qui participait à la défense

18 territoriale), sans qu'il y ait véritablement une distinction claire entre

19 les deux. Il y avait également d'autres unités musulmanes ou croates dans

20 cette région, y compris une brigade de Split et des unités locales qui

21 s'étaient formées de manière indépendante.

22 La présidence de guerre avait le devoir de fournir son appui

23 aux unités militaires, même si elle n'avait pas d'autorité directe sur ces

24 unités.

25 Au fur et à mesure que la défense territoriale (la TO)

Page 33

1 s'organisait, que les tensions entre les Musulmans et les Croates

2 s'intensifiaient, et que la TO commençait à affirmer sa suprématie en tant

3 que force armée de Bosnie, les divisions entre la défense territoriale, la

4 TO et le HVO sont devenues manifestes. La plupart des Musulmans étaient

5 membres de la TO et la plupart des Croates étaient membres du HVO. Et,

6 même s'il y avait un commandement commun, les deux groupes ne

7 collaboraient pas toujours.

8 Ces tensions, ainsi que la création improvisée de structures

9 militaires, le bombardement de Konjic par l'armée populaire yougoslave (la

10 JNA) ou les forces serbes de Bosnie à partir de positions qui étaient à

11 l'extérieur de la ville de Konjic (telles que du village de Borci), les

12 priorités divergentes des divers groupes de la municipalité, ainsi que les

13 problèmes de communication avec les autorités centrales de Sarajevo,

14 étaient autant de facteurs qui compliquaient la situation et la rendait

15 plus difficile.

16 Dès la fin de mai 1992, après qu'un grand nombre de Serbes

17 dans les villages entourant Konjic ont refusé de rendre leurs armes à la

18 présidence de guerre et de faire partie de la Bosnie officiellement

19 reconnue comme étant indépendante, certains des villages serbes, qui

20 faisaient partie de la municipalité de Konjic, y compris Bradina, Brdani,

21 Donjc Selo, Bjelovcina, Cerci et Viniste, ont été attaqués par les forces

22 musulmanes et croates. Ces forces se sont vite emparées des villages, même

23 si la défense armée était assurée par les gens qui vivaient dans certains

24 de ces villages. Pendant ces attaques, un grand nombre de personnes, y

25 compris des hommes, des femmes et des enfants, se sont immédiatement

Page 34

1 rendues, et un grand nombre d'autres personnes comprenant également des

2 hommes, des femmes et des enfants, sont allées trouver refuge dans le

3 bois. Un grand nombre des personnes qui se sont enfuies se sont rendues ou

4 ont été arrêtées dans les jours qui suivirent.

5 A l'issue de ces attaques et de l'arrestation de ces

6 personnes, des centaines d'hommes et un petit nombre de femmes ont été

7 emprisonnés à Celebic. Certaines de ces personnes avaient déjà participé à

8 la défense de leur village mais ce n'était pas le cas de tout le monde. En

9 outre, certains hommes serbes, qui étaient restés dans leur village et

10 qui, n'étant pas à forte majorité serbe, croyaient qu'ils seraient en

11 sécurité, ont également été arrêtés et emmenés à Celebic.

12 Lorsque Celebic a commencé à servir de prison, c'est-à-dire de

13 la mi-mai jusqu'au début de juin 1992, il semble que la défense

14 territoriale, essentiellement composée de Musulmans et du HVO

15 essentiellement croate (et peut-être aussi la police militaire relevant du

16 ministère de l'intérieur) ont participé à cette opération et à la garde du

17 camp de Celebic. Pendant cette période, il y avait un comité conjoint

18 composé à la fois de Musulmans et de Croates, ainsi que de membres du

19 ministère de l'intérieur, de la police, de la TO et du HVO, qui étaient

20 chargés de mettre les détenus en examen. Ces examens consistaient surtout

21 -et exclusivement dans bien des cas-, en interrogatoires menés auprès des

22 détenus. Ces détenus étaient alors sélectionnés en catégories, et ceux qui

23 étaient le plus maltraités étaient ceux qui avaient participé directement

24 aux actions armées.

25 Au bout de plusieurs semaines, le comité a décidé qu'il ne

Page 35

1 pouvait plus fonctionner à cause du grand nombre de meurtres et de mauvais

2 traitements des détenus qui pouvaient se dérouler dans le camp. Dans la

3 seconde partie de juin, le comité a rédigé un rapport, signé par les

4 membres croates et les membres serbes qui décrivaient en détail la

5 situation des détenus et indiquaient qu'ils refusaient de continuer leur

6 travail. Ce rapport sera présenté comme pièce à conviction. Le HVO, c'est-

7 à-dire les forces militaires croates, s'est en même temps retiré de toute

8 participation à l'opération de la prison.

9 A partir de la fin juin 1992, les autorités bosniaque

10 contrôlaient exclusivement le camp de Celebic et cela jusqu'à sa

11 dissolution en décembre 1992.

12 Celebice, en tant que prison, a reçu au total environ 500

13 détenus. On estime qu'environ 300 d'entre eux étaient emprisonnés en même

14 temps. Dès l'ouverture de la prison, les prisonniers ont subi d'horribles

15 sévices. Les prisonniers étaient assassinés, torturés, violés et battus

16 par des soldats (ceux qui les amenaient à la prison), par des gardiens de

17 la prison et par des personnes de l'extérieur qui avaient le droit

18 d'entrer dans la prison.

19 Après une visite de la Croix Rouge à la mi-août 1992, les

20 conditions se sont beaucoup améliorées dans le camp, et les cas de mauvais

21 traitements se sont vraiment raréfiés, même s'ils se sont reproduits tout

22 au long de l'existence du camp. Certains détenus ont été libérés, tandis

23 que d'autres ont été transférés dans d'autres camps.

24 M. le Président (interprétation). - Etes-vous déjà épuisé ?

25 M. Ostberg (interprétation). - Non, je peux continuer très

Page 36

1 facilement si vous le voulez.

2 M. le Président (interprétation). - Oui, continuez s'il vous

3 plaît.

4 M. Ostberg (interprétation). - Je vais maintenant présenter les

5 accusés à la Chambre de première instance. Je commencerai par Zejnil

6 Delalic, qui avait le degré le plus élevé d'autorité parmi les accusés.

7 C'est un musulman originaire de Bosnie, de la municipalité de Konjic. Il

8 est allé à l'école à Konjic et a obtenu un diplôme de l'université de

9 Zagreb en 1970, pour devenir enseignant. Comme il ne trouvait pas

10 d'emploi, il est parti en Allemagne où il a vécu de 1970 à 1983. Ses

11 études n'ont été interrompues que par une année de service militaire au

12 sein de la JNA en 1976. Cela constitue sa seule formation militaire. En

13 1983, il est revenu à Konjic où il est resté jusqu'à 1987, époque à

14 laquelle il est parti pour l'Autriche.

15 Il semble avoir bien réussi dans le secteur du bâtiment et dans

16 d'autres secteurs en Allemagne et en Autriche.

17 Il était déjà de retour à Konjic en avril 1992, lorsque la

18 guerre a éclaté. Il était alors considéré comme un homme prospère et

19 utile. Il ressortira de nos preuves qu'il a participé à la présidence de

20 la guerre à Konjic, qu'il a été nommé coordonnateur entre les forces

21 militaires et la présidence de guerre, en mai 1992, et qu'il a joué un

22 rôle actif dans les attaques menées à Bradina et dans d'autres villages

23 avoisinant Konjic.

24 Nous démontrerons également qu'il a participé à la prise de la

25 caserne de Celebici et à la création du camp de prisonniers. A sa

Page 37

1 suggestion, Micic a été nommé commandant de la prison. Il relevait alors

2 de son autorité. Le 11 juillet 1992, Delalic a été nommé commandant en

3 chef du premier groupe tactique par le chef bosniaque de l'état-major de

4 Sarajevo.

5 Le 27 juillet, il a également été chargé de commander toutes les

6 forces armées de la région, y compris de la municipalité de Konjic.

7 Au cours de ce procès, l'accusation démontrera que Zejnil

8 Delalic, en qualité de coordonnateur et de commandant du premier groupe

9 tactique, était chargé du fonctionnement du camp de Celebici et était en

10 position de supérieur hiérarchique vis-à-vis de toutes les personnes qui

11 jouaient un rôle dans ce camp.

12 Zdravko Mucic, qui porte le surnom de Pavo, est né en 1955. Ce

13 catholique, d'origine croate, est également originaire de la municipalité

14 de Konjic. Il est allé à l'école à Konjic et se destinait à une carrière

15 d'ingénieur en mécanique. Il a fait son service militaire au sein de la

16 JNA et a été réformé alors qu'il était sergent.

17 Ensuite, il a travaillé comme ouvrier dans la métallurgie à

18 Konjic. Puis, il est parti en Autriche en 1989 et a travaillé, entre

19 autres, dans une entreprise de bâtiment dirigée par Delalic. Il revenait

20 fréquemment à Konjic. Lorsque la guerre a éclaté en avril 1992, il y est

21 resté et a participé au combat, notamment sur le plan militaire, aux côtés

22 de Delalic. Delalic l'a fait nommer commandant du camp de prisonniers peu

23 après l'ouverture de ce camp, en mai 1992. Il allait occuper ces fonctions

24 jusqu'au 18 novembre 1992.

25 Nous démontrerons dans nos preuves qu'il dirigeait en fait le

Page 38

1 camp à titre de supérieur tout au long de cette période et qu'il était

2 responsable du fonctionnement de ce camp puisqu'il était en position de

3 supérieur hiérarchique envers les gardiens ou les autres personnes qui

4 avaient le droit d'entrer dans le camp, et qu'il était lui-même un

5 subordonné de Delalic.

6 L'accusé suivant, dans la voie hiérarchique du camp de Celebici,

7 s'appelle Hazim Delic. C'est un Musulman qui est né en 1964. Il était

8 également originaire de la région de Konjic. Il est allé à l'école à

9 Konjic, puis il a reçu une formation de serrurier, métier qu'il a exercé à

10 Konjic.

11 Au début de la guerre, il a été mobilisé et affecté à la force

12 de police conjointe du ministère de l'Intérieur. Il a été posté à Celebici

13 comme garde de sécurité régulier.

14 Lorsque que Mucic est arrivé au camp à titre de commandant, en

15 mai 1992, il a nommé verbalement Delic son adjoint. A ce titre, il

16 exerçait le commandement du camp en l'absence de Mucic. Il vivait

17 habituellement dans ce camp. Il a occupé ce poste d'adjoint jusqu'au

18 18 novembre 1992, lorsque Mucic est partit, date à laquelle Delic, sur

19 ordre de Delalic, a pris le commandement du camp de Celebici.

20 Nous démontrerons que Delic, à titre d'adjoint de Mucic et

21 ensuite à titre de commandant, était responsable de la gestion du camp et

22 qu'il était en position de supérieur, responsable des gardes et autres

23 personnes qui avaient le droit d'entrer dans le camp.

24 Le dernier de nos quatre accusés s'appelle Esad Landzo, que l'on

25 appelle également Zenga. Ce Musulman est né en 1973 à Konjic et, comme les

Page 39

1 autres personnes qui se trouvaient dans la municipalité de Konjic, il y

2 est allé à l'école. Par la suite, il n'a pas reçu de formation

3 particulière parce qu'il a été appelé sous les drapeaux en 1991.

4 Début 1992, il s'est joint à la défense territoriale à Konjic et

5 a été affecté à un poste de gardien. Il a été envoyé au camp de Celebici

6 en mai 1992 où il est resté garde au moins pendant plusieurs mois. Landzo

7 n'a jamais eu quelque responsabilité que ce soit de supérieur hiérarchique

8 envers d'autres personnes pendant son service au camp de Celebici. Il

9 était subordonné de Delic, de Mucic et de Delalic.

10 Ensuite, monsieur le président, je résumerai brièvement l'acte

11 d'accusation. J'expliquerai le mode d'accusation adopté par l'accusation.

12 Enfin, j'aborderai quelques questions juridiques relatives aux

13 accusations.

14 Dans cet acte d'accusation, monsieur le président, vous

15 constaterez que Landzo est accusé d'être le véritable auteur des crimes en

16 vertu du paragraphe 1 de l'article 7 du Statut du Tribunal, ces crimes

17 étant : cinq meurtres, quatre cas de torture et deux cas de traitement

18 cruel ayant causé de graves souffrances.

19 Vous constaterez également que pour tous les crimes que Landzo

20 est censé avoir commis, ses supérieurs, Delic, Mucic et Delalic, sont

21 accusés comme étant individuellement et pénalement responsables en qualité

22 de supérieurs hiérarchiques de Landzo, leur subordonné, conformément au

23 paragraphe 3 de l'article 7.

24 Vous constaterez également que Delic est accusé comme étant le

25 véritable auteur de quatre meurtres, quatre cas de torture (dont deux

Page 40

1 d'entre eux comprennent des viols), quatre cas de traitement cruel ayant

2 entraîné de graves souffrances, un cas de détention illégale de civils et

3 un cas de pillage.

4 Vous constaterez également que pour ces crimes présumés avoir

5 été commis directement par Delic, il n'y a qu'une exception à ceci : le

6 chef d'accusation 40 et 41 qui a été commis après le départ de Delalic et

7 Mucic du camp.

8 Delalic et Mucic sont tous deux accusés en tant que supérieurs

9 de Delic conformément au paragraphe 3 de l'article 7.

10 En ce qui concerne ces chefs d'accusations dans lesquels Delic

11 est accusé comme ayant participé directement aux faits qui lui sont

12 reprochés, il est également accusé, conformément au paragraphe 3 de

13 l'article 7, comme étant le supérieur des autres participants.

14 Mucic est accusé comme étant responsable, conformément au

15 paragraphe 1 de l'article 7, d'avoir créé des conditions inhumaines dans

16 le camp telles que des traitements cruels qui ont entraîné de grandes

17 souffrances, la détention illégale de civils et du pillage.

18 Pour ces crimes, Delalic est accusé au titre de supérieur de

19 Mucic et Mucic lui-même au titre de supérieur des autres participants dans

20 l'accomplissement de ces crimes.

21 Enfin, Delalic est accusé d'avoir participé directement à un

22 seul crime, à savoir la détention illégale de civils. Tous les autres

23 aspects de la responsabilité pénale individuelle dont est accusé Delalic,

24 conformément au paragraphe 3 de l'article 7 dans cet acte d'accusation,

25 s'attachent, comme je viens de le signaler, à sa responsabilité de

Page 41

1 supérieur hiérarchique face à ses subordonnés qui ont commis des crimes

2 dont il avait connaissance ou dont il avait des raisons d'avoir

3 connaissance, sans prendre les mesures nécessaires pour les empêcher ou

4 pour en punir les auteurs.

5 Ainsi, l'auteur du crime, celui qui l'a commis ou qui y a

6 participé, est accusé -comme vous pouvez le constater, monsieur le

7 président- conformément au paragraphe 1 de l'article 7 du statut, comme

8 étant responsable individuellement du crime, tandis que ses supérieurs

9 sont accusés comme étant responsables individuellement et pénalement,

10 conformément au paragraphe 3 de l'article 7, parce qu'ils savaient ou

11 avaient des raisons de savoir que le subordonné s'apprêtait à commettre

12 cet acte et ou l'avait fait, et qu'ils n'ont pas pris les mesures

13 nécessaires pour empêcher que le dit acte soit commis ou pour en punir les

14 auteurs.

15 Je parlais aussi de l'établissement des chefs d'accusation

16 décidé par le procureur. Il y a, à ma connaissance, trois façons

17 principales de porter un chef d'accusation sur un fait considéré comme

18 punissable (punissable au titre de plus d'un article ou paragraphe du code

19 pénal applicable).

20 On peut seulement choisir un seul des faits décrits qui couvrent

21 l'acte ou le fait reproché à l'accusé. On peut aussi choisir deux ou

22 plusieurs descriptions du fait et décider de porter une accusation à

23 défaut.

24 Troisième possibilité : on peut utiliser plusieurs descriptions

25 disponibles du même fait et décider d'apposer un cumul de chefs

Page 42

1 d'accusation.

2 L'accusation a décidé d'opter pour la troisième voie.

3 C'est seulement dans les cas où le fait correspond à plus d'une

4 description d'un comportement punissable, relevant du même article du

5 statut, que l'accusation a décidé d'opter pour les chefs d'accusation à

6 défaut. C'est le cas pour l'accusation de traitements cruels en tant

7 qu'alternative à la torture au titre de l'article 3 pour les chefs 15 à

8 36.

9 Pourquoi avons-nous choisi le type cumulatif ? Parce que

10 l'accusation veut informer la Chambre de première instance, comme les

11 accusés, de ce que les faits commis sont décrits comme étant une violation

12 du droit humanitaire international dans plus qu'un seul des articles du

13 Statut du Tribunal.

14 Nous ne voulons en aucune façon créer un cas de non bis in idem*

15 et avoir un accusé qui soit accusé d'un même fait plusieurs fois.

16 L'accusation ne demandera jamais à la Chambre de première instance

17 d'estimer qu'une personne est accusée d'autre chose que le fait qui lui

18 est imputé.

19 Nous nous sommes déjà penchés sur la question du cumul des

20 charges dans l'affaire Tadic. La décision qui est tombée le 14 novembre

21 1995 allait dans ce sens.

22 Ce qui peut être dit avec certitude, c'est qu'une peine ne peut

23 pas être tributaire de la question de savoir si plusieurs infractions ou

24 incriminations découlent de la même conduite et sont considérées comme

25 étant cumulatives ou à défaut. Ce qui doit être puni, c'est la conduite

Page 43

1 criminelle qui a été prouvée et ceci ne peut pas dépendre des techniques

2 utilisées pour les plaidoiries.

3 Dans ce contexte de l'établissement des chefs d'accusation, je

4 voudrais aborder brièvement le point de droit de l'autorité de supérieur

5 hiérarchique, ce qu'on appelle effectivement la responsabilité de

6 supérieur hiérarchique en droit international. Il apparaît clairement,

7 d'après ce résumé de l'acte d'accusation, que c'est une des plus grandes

8 questions du droit qui se pose ici devant cette cour.

9 Nous en avons longuement discuté dans nos écritures

10 préjudicielles, mais il nous semble opportun de rappeler certains des

11 arguments avancés par l'accusation, ici, dans le cadre de l'exposé

12 liminaire.

13 L'article 7, en son paragraphe 3 (article 7 de notre statut),

14 codifie une règle bien établie de droit coutumier et international

15 s'agissant des personnes qui se trouvent en position d'autorité

16 supérieure. Le libellé de ce paragraphe est repris pratiquement

17 intégralement des articles 86 et 87 du premier protocole additionnel de

18 1977 aux conventions de Genève de 1949.

19 Ces articles ne peuvent être considérés que comme étant

20 l'expression contemporaine de la jurisprudence en matière d'autorité de

21 supérieur hiérarchique. Le Comité international de la Croix Rouge dit,

22 dans son commentaire au premier protocole, quels sont les trois éléments

23 constitutifs de cette jurisprudence ou de cette thèse. C'est ainsi que

24 l'on interprète le paragraphe 3 de l'article 7. Je cite ici le

25 commentaire du Comité international de la Croix Rouge du protocole 1,

Page 44

1 pages 1012 et 1013.

2 Tout d'abord, le supérieur concerné doit être le supérieur de ce

3 subordonné. Il savait ou avait des informations qui auraient dû lui

4 permettre de conclure qu'une violation s'apprêtait à être commise ou

5 allait être commise. Le supérieur n'a pas pris les mesures qui lui étaient

6 conférées par les pouvoirs qu'il donnait d'empêcher qu'un tel acte soit

7 commis.

8 Le paragraphe 3 de l'article 7 s'applique à tout supérieur qui a

9 une responsabilité personnelle à l'égard de l'auteur, parce que cet auteur

10 est un subordonné qui se trouve sous le contrôle de son supérieur

11 hiérarchique. La jurisprudence de la supériorité du supérieur hiérarchique

12 s'applique à des subordonnés qui se trouvent sous le contrôle direct ou

13 indirect de son supérieur. Les deux formes de contrôle peuvent exister

14 comme étant une résultante des chaînes de commandement de jure ou

15 de facto.

16 Le commentaire du Comité international de la Croix Rouge note

17 que l'article 87, et ici je cite "ne limite pas l'obligation qui incombe

18 au commandant à ne s'appliquer qu'aux membres des forces armées qui se

19 trouvent sous leur commandement". Ceci s'applique également à d'autres

20 personnes qui se trouvent sous leur contrôle.

21 Je puise toujours dans ce même commentaire et je cite un autre

22 commentaire. L'article 86 dit, en outre, qu'il ne concerne pas uniquement

23 le commandant sous les ordres directs duquel se trouve le subordonné, ce

24 concept du supérieur est beaucoup plus large. Il faut le voir dans le

25 cadre d'une hiérarchie militaire et il reprend le concept ou la notion de

Page 45

1 contrôle. De surcroît, l'application de cette jurisprudence de

2 responsabilité du supérieur hiérarchique appliquée à des dirigeants civils

3 se justifie parce que ce commandement et ce contrôle peuvent être exercés

4 par des personnes qui ne sont pas nécessairement une partie de la

5 hiérarchie militaire.

6 En résumé, l'accusation soutient qu'en droit international et

7 militaire, il est bien établi qu'un supérieur est pénalement responsable

8 des violations aux lois, violations commise par ses subordonnés. Ceci

9 inclut les subordonnés sur lesquels il a un commandement ou un contrôle

10 direct ou indirect, ces derniers ayant existé de jure ou de facto, sii le

11 supérieur savait ou avait des raisons de le savoir, ce qui souligne aussi

12 l'ignorance provenant du manquement qu'a le supérieur à l'obligation de

13 bien surveiller ses subordonnés et de dire que ces faits allaient être

14 commis et qu'ils ont été commis.

15 Le supérieur se trouvait dans l'obligation de prendre toutes les

16 mesures nécessaires et raisonnables qui sont dans le cadre de ses pouvoirs

17 ou à sa disposition, étant donné les circonstances, pour empêcher que les

18 subordonnés commettent des infractions. Mais le supérieur aurait failli à

19 ce devoir.

20 S'agissant de la responsabilité du supérieur hiérarchique

21 concernant Delalic, Mucic et Delic, nous allons prouver dans cette affaire

22 que le commandant du camp de Celebici, Mucic, son adjoint Delic, les

23 gardes du camp dont l'un se trouve ici (Esad Landzo en l'occurrence), et

24 que toutes les autres personnes ayant des rapports avec ce camp, se

25 trouvaient directement sous le commandement et le contrôle de Delalic et

Page 46

1 se trouvaient être ses subordonnés à tous les moments importants dans le

2 cadre de l'acte d'accusation.

3 Nous allons aussi établir qu'il y avait une chaîne de

4 commandement qui partait du bas des gardes du camp et qui montait vers le

5 commandement du camp et l'adjoint au commandant. En dernier lieu, ce fut

6 Delalic.

7 Dans la même veine, Delalic avait un contrôle direct sur les

8 auteurs et leurs supérieurs dans le camp de Celebici. En dessous de

9 Delalic, dans la chaîne de commandement, Mucic et Delic avaient un

10 contrôle direct sur ces mêmes auteurs d'exactions.

11 Les moyens de preuve à charge établiront que Delalic, Mucic et

12 Delic étaient informés des violations continuelles qui avaient lieu dans

13 le camp de Celebici. S'agissant de Delic, de par sa propre participation à

14 ces atrocités, il le savait également pertinemment.

15 A tout le moins, nous établirons que ces personnes auraient dû

16 être informées de ces violations étant donné leur position de supérieurs

17 hiérarchiques, l'information dont ils disposaient à propos du camp, la

18 proximité très grande qu'ils avaient des incidents et la période prolongée

19 pendant laquelle sont survenus ces incidents, ainsi que leur nature

20 notoire. Dans la mesure où ils prétendent être dans l'ignorance de ces

21 incidents, il était de leur devoir, en tant que supérieurs, d'obtenir

22 l'information nécessaire qui leur aurait permis de contrôler leurs

23 subordonnés -les circonstances étant ce qu'elles étaient-, et également de

24 punir cesdits subordonnés.

25 Nous l'avons déjà dit, Delalic était, au départ, le coordinateur

Page 47

1 entre les forces armées de Bosnie, dans la défense territoriale (TO), les

2 forces du HVO, et la présidence de la guerre à partir de la fin du mois de

3 mai 1992. Par la suite, il était commandant du premier groupe tactique

4 (TG1) des forces armées de Bosnie à partir de juillet 1992 jusqu'en

5 novembre 1992.

6 Nous établirons, sans aucun doute possible, qu'il avait un

7 contrôle direct sur le personnel du camp de Celebici et que ce camp se

8 trouvait dans le territoire dont il avait le commandement.

9 Il est certain, monsieur le président, que l'on va longuement

10 débattre de l'autorité que détenait Delalic en théorie sur papier. Il

11 n'est pas surprenant que ce soit le cas, parce que cette fonction de

12 coordinateur était nouvelle. Elle visait à tenir compte de la nouvelle

13 situation, de la nouvelle donne compliquée qui apparaissait à Konjic à

14 l'époque. Pas un seul organigramme de l'époque ne dit avec exactitude qui

15 avait autorité sur le camp de Celebici. Au contraire, les documents de

16 même que les actions entreprises à l'époque doivent être considérés dans

17 leur ensemble.

18 De l'avis de l'accusation, ces documents et les moyens de preuve

19 portant sur ce qui s'est véritablement passé à l'époque établiront sans

20 aucun doute que Delalic avait l'autorité officielle nécessaire sur ce

21 camp. Il se peut effectivement que d'autres aient partagé cette autorité.

22 Il est certain que d'autres partageaient cette autorité ou d'autres

23 étaient supérieurs à Delalic, et ce sont peut-être des personnes qui ont

24 délégué cette autorité à Delalic.

25 Mais ces facteurs ne sont pas déterminants. Le fait que d'autres

Page 48

1 personnes sont éventuellement responsables ne constitue pas un moyen de

2 défense à la décharge de la responsabilité de Delalic. La question est

3 celle de savoir s'il avait une autorité supérieure. Nous le montrerons, il

4 disposait bien de cette autorité supérieure.

5 Les moyens de preuve sont écrasants. Ils montrent à l'évidence

6 que Delalic était le supérieur hiérarchique qui se trouvait dans la

7 position de commandant. Il était considéré comme le responsable, il

8 agissait en tant que tel et sa conduite montre qu'il était vraiment le

9 responsable du camp.

10 Je n'entrerai pas ici dans le détail des nombreuses pièces à

11 conviction qui établissent l'autorité de M. Delalic, mais il convient de

12 relever qu'en tant que coordinateur, c'était lui qui participait à la

13 présidence de guerre. Il était aussi le principal commandant militaire. Il

14 a participé, en tant que dirigeant au conflit, aux combats qui ont abouti

15 à la capture de beaucoup de détenus, il a participé à l'établissement de

16 la prison et il a sélectionné lui-même le commandant Mucic.

17 Il a rendu des ordres, donné des instructions en ce qui concerne

18 les interrogatoires des détenus ; il a libéré certains détenus ; il a

19 aussi donné des ordres à propos de l'administration du camp ; il a fourni

20 des rapports, notamment sur le fonctionnement de ce camp ; il a été

21 représenté auprès d'organisations internationales comme étant la personne

22 qui avait la responsabilité de ce camp ; il était la personne de contact

23 auprès de ces organisations internationales.

24 Enfin, il a aussi désigné lui-même Delic en tant que commandant

25 du camp au moment où il est parti, ainsi que Mucic. S'agissant de

Page 49

1 l'autorité de jure, il n'y a pas l'ombre d'un doute, il est établi qu'il

2 avait aussi l'autorité de facto de la prison.

3 Nous l'avons déjà dit, Mucic était le commandant du camp de

4 Celebici depuis mai jusqu'en novembre 1992. Delic était son adjoint

5 pendant à peu près la même période, avant que ce même Delic ne devienne

6 lui-même commandant du camp jusqu'à sa fermeture en décembre 1992.

7 Mucic lui-même le reconnaît. Il reconnaît qu'il était commandant

8 du camp à partir du 27 juillet. L'accusation constate que le fait même de

9 reconnaître qu'il était commandant, de même que la connaissance qu'il

10 avait des crimes qui avaient été perpétrés dans le camp, la nature

11 perpétuelle et continuelle de ces crimes, même après le 27 juillet, et son

12 manquement à l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour punir

13 les auteurs, suffit en soi pour le considérer comme responsable des chefs

14 d'accusation portés contre lui dans l'acte d'accusation.

15 Toutefois, en tout état de cause, les preuves apportées par

16 l'accusation ne soutiendront pas l'affirmation (l'allégation) de Mucic

17 comme quoi il n'était pas commandant avant le 27 juillet. Nous estimons

18 que c'est une date qu'il a concoctée, qu'il a fabriquée dans le cadre de

19 sa défense. Nous établirons que Mucic était commandant depuis au moins le

20 début de juin 1992. Il s'est lui-même présenté en tant que commandant. Il

21 était considéré comme le commandant et agissait en tant que tel. Le droit

22 international bien établi le prouve. Il peut, dès lors, être considéré

23 comme responsable au titre de la responsabilité du supérieur hiérarchique.

24 Enfin, madame et messieurs les juges, je m'attarderai un instant

25 sur la façon dont nous allons défendre ou présenter notre dossier. Nous

Page 50

1 allons commencer notre présentation avec un témoin, un officier de police

2 néerlandais, qui, à notre requête, s'est rendu à Celebici, a pris des

3 photographies, a dressé des cartes et a préparé une maquette du camp que

4 vous verrez bientôt. Ceci vous permettra de vous familiariser avec le

5 périmètre du camp.

6 A cette fin, nous présenterons deux témoins qui ont tous deux

7 été détenus dans ce camp, d'abord pour montrer les conditions générales

8 dans lesquelles vivaient les prisonniers du camp, mais aussi pour établir

9 la preuve des infractions commises contre eux.

10 A la suite de cette présentation du camp de Celebici,

11 l'accusation citera à la barre des témoins son premier expert, Mme Calic,

12 qui va nous dresser la toile de fond des événements. Nous poursuivrons

13 avec d'autres témoins qui se prononceront sur les chefs d'accusation

14 portés contre les accusés. Vous avez la liste des témoins que détient la

15 défense ainsi que les juges. Nous avons un total de 76 témoins.

16 Rien ne dit que ces 76 témoins seront cités à déposer. Bien des

17 événements peuvent surgir qui empêchent le déplacement d'un de ces témoins

18 à La Haye. C'est une des raisons que nous avançons effectivement pour

19 expliquer le nombre considérable de témoins que nous avons cités. Il est

20 probable que les 76 témoins ne vont pas tous comparaître.

21 La défense nous a demandé de préciser au préalable contre quels

22 accusés les témoins déposeraient. Nous avons refusé cette invitation pour

23 les raisons suivantes : il s'agit d'une affaire en jonction d'instance et

24 l'affaire concerne quatre accusés s'agissant de leur responsabilité pour

25 les faits criminels imputés et qui sont présumés s'être déroulés au camp

Page 51

1 de Celebici ; et la notion de responsabilité relie ces accusés du fait de

2 la chaîne de commandement.

3 Il n'en demeure pas moins que, dans notre liste de témoins que

4 nous avons déposée le 7 mars 1997, nous avons essayé, dans la mesure du

5 possible, d'établir un lien entre chaque témoin et chaque chef

6 d'accusation en fonction du crime imputé, qu'il s'agisse, par exemple,

7 d'un mauvais traitement continu infligé au prisonnier. Il est impossible

8 de prévoir quels seront exactement les chefs d'accusation qui pourront

9 être évoqués par tel ou tel témoin (témoins oculaires ou victimes du

10 camp). L'accusation objectera à l'idée d'interdire à un témoin de

11 s'exprimer sur un chef d'accusation qui n'avait pas été mentionné au

12 préalable.

13 Il apparaît de la liste que beaucoup de témoins vont témoigner

14 et déposer sur plus de dix chefs d'accusation. Il en résulte qu'il n'est

15 pas possible de parcourir l'acte d'accusation chef par chef. Si l'on

16 procédait de la sorte, nous aurions une situation inimaginable où il

17 faudrait rappeler, à la barre des témoins, plus de dix fois un seul et

18 même témoin.

19 La seule façon de procéder, c'est de suivre l'ordre

20 chronologique des faits incriminés. Il faut donc, au fil des témoins

21 oculaires, voir ce que chaque personne aura vu, pourra relater, aura connu

22 comme expérience ou aura vu à tel ou tel moment ou à telle modalité des

23 actes commis. On peut s'attendre que pratiquement tous les témoins qui

24 auraient assisté à un fait imputé directement à Landzo ou à Delic auront

25 une influence ou un poids important pour ce qui est de Mucic et Delalic.

Page 52

1 La plupart des témoins qui n'auraient pas été présents au camp

2 de Celebici seront entendus sur les informations qu'ils avaient s'agissant

3 des agissements dans ce camp et des responsabilités à imputer. Cela veut

4 dire que pratiquement chacun des témoins de l'accusation en cette affaire

5 pourra être considéré comme étant un témoin qui déposera contre chacun des

6 quatre accusés.

7 Quatorze meurtres sont présumés dans l'acte d'accusation. Vingt

8 témoins vont déposer à cet égard. Seize victimes de tortures, sachant

9 qu'il y a eu viol pour deux d'entre elles, qui se sont vues imposer et

10 infliger de grandes souffrances, seront appelées à témoigner sur ce qui

11 leur est arrivé et vingt-cinq témoins oculaires pourront aussi déposer. Au

12 moins quinze de ces témoins se prononceront et déposeront s'agissant du

13 chef d'accusation de détention illégale ; dix au moins pour l'accusation

14 de pillage de propriétés et de biens.

15 Vous voyez qu'il y a un recoupement entre les dépositions des

16 différents témoins. Beaucoup de ces témoins pourront déposer s'agissant de

17 l'autorité supérieure que détenait Delalic, Mucic et Delic.

18 Dans le cadre de l'examen des témoins auquel nous procéderons,

19 l'accusation va, bien sûr, présenter des pièces à conviction de diverses

20 natures. Il y aura la maquette, des cartes, des photographies et beaucoup

21 des documents qui apparaîtront dans la liste des documents, que nous avons

22 d'ailleurs remis à la défense. Beaucoup de ces documents viennent des

23 accusés Delalic et Mucic eux-mêmes. Ce sont des pièces qui ont été saisies

24 au moment de l'arrestation de ces personnes. On y trouve des documents qui

25 décrivent leurs propres responsabilités, leurs propres fonctions dans le

Page 53

1 cadre du camp de Celebici. Il y a aussi des vidéocassettes qui montrent

2 notamment les responsabilités qu'avaient ces accusés, leur comportement et

3 la connaissance qu'ils avaient du camp de Celebici.

4 Ces pièces démontreront à l'évidence qu'il y a responsabilité

5 pénale, tant de Muci que de Delalic. Je ne ferai pas de commentaires plus

6 spécifiques, j'attendrai pour cela que les pièces soient présentées.

7 C'est ainsi que je termine mon exposé liminaire. Je vous

8 remercie, madame et messieurs les juges.

9 M. le Président (interprétation). - Grand merci, maître

10 Ostberg. Je crois que nous allons avoir une suspension de séance de

11 20 minutes. Nous reprendrons à 12 heures 15.

12 L'audience, suspendue à 12 heures, est reprise à 12 heures 15.

13

14 M. le Président (interprétation). - D'après notre Règlement

15 de procédure et de preuve, étant donné que l'accusation a fait son exposé,

16 la défense a désormais le droit de présenter son exposé liminaire, et si

17 elle souhaite présenter une requête, elle peut le faire une fois les

18 conclusions de l'accusation déposées.

19 Après ces conclusions de l'exposé liminaire, d'après le

20 règlement, il y a un ordre pour la présentation des moyens de preuve.

21 Chaque partie a le droit de présenter des témoins et des moyens de preuve.

22 Mais l'ordre normal veut que l'accusation présente ses moyens de preuve.

23 (Courte interruption technique)

24 M. le Président (interprétation). - Comme je le disais il y a

25 un instant, avant l'interruption, l'accusation a terminé son exposé

Page 54

1 liminaire et, dès lors, la défense a le droit de faire de même, c'est-à-

2 dire qu'elle peut présenter son exposé liminaire. Elle peut le faire

3 maintenant ou après que l'accusation ait présenté tous ses arguments. La

4 défense a le choix, mais d'ordinaire, le conseil de la défense intervient

5 après que l'accusation ait présenté son exposé liminaire.

6 Par la suite, on prévoit aussi un ordre pour la présentation

7 des moyens de preuve. Chacune des parties (j'entends par là l'accusation

8 et la défense) a le droit de citer des témoins et de présenter des moyens

9 de preuve. En règle générale, c'est l'accusation qui commence, à moins

10 d'un avis contraire de la Chambre de première instance. Tout est fonction

11 de la portée de la preuve, mais, en l'occurrence, la question n'est pas

12 posée.

13 On entendra d'abord les témoins à charge ; chaque témoin

14 pourra faire l'objet d'un interrogatoire principal, d'un contre-

15 interrogatoire par la défense et d'un nouvel interrogatoire par la partie

16 qui a appelé le témoin. La même procédure sera adoptée pour les témoins à

17 décharge.

18 L'accusation peut donc présenter ses témoins et faire des

19 dépositions, et il est aussi possible de présenter des dupliques du côté

20 de la défense.

21 Il y a quatre accusés dans cette instance. La théorie et la

22 pratique veulent que le conseil soit maître du jeu. Le conseil s'occupe de

23 sa défense et décide des questions que la défense veut poser. Ici, il se

24 trouve que, s'il y a une équipe et plusieurs conseils de la défense, ce

25 sont ces personnes qui décident de la marche à suivre pour

Page 55

1 l'interrogatoire. Mais en général, il est plus facile qu'on sache quel est

2 le conseil de la défense qui va procéder à l'interrogatoire, et s'il y a

3 un conseil principal, il peut donner ce droit d'interrogatoire à un autre

4 conseil de la défense.

5 Pour une bonne administration, il faut essayer d'éviter les

6 doubles emplois lorsqu'il s'agit de l'interrogatoire des témoins. Si le

7 conseil principal a posé des questions au témoin, il peut être utile que

8 le co-conseil ne repose pas les questions déjà posées par le conseil

9 principal. Si, en consultation avec son conseil, un accusé en ressent le

10 besoin, il peut demander aussi à se défendre lui même. Tout est fonction

11 de l'accord qu'il a passé avec le conseil qui le représente. Mais, en

12 général, les trois phases de l'interrogatoire doivent avoir lieu.

13 Les juges ont le droit de poser des questions à l'un des

14 témoins, quel qu'il soit, s'ils en ressentent le besoin, surtout pour

15 tirer au clair des questions qui sont difficiles. Mais, en gros, étant

16 donné que les juges de la Chambre ont le loisir de se prononcer comme ils

17 l'entendent sur la question, ils laisseront le soin aux deux parties de

18 déterminer l'ordre de l'interrogatoire en fonction des conclusions qui en

19 découleront.

20 Il se pose aussi la question des plaidoiries finales. Nous

21 avons quatre accusés. L'ordre qui semble le plus utile et le plus efficace

22 en matière de temps consisterait à ce que le conseil commence le contre-

23 interrogatoire à partir de la première personne accusée. Si la nature de

24 la déposition a une incidence sur un autre accusé, le conseil de cet

25 accusé peut intervenir, mais cela ne doit pas être une règle générale. On

Page 56

1 passera ainsi aux autres accusés. Il n'est pas nécessaire de procéder au

2 contre-interrogatoire de tous les témoins. Il ne sera pas non plus

3 nécessaire que tous les conseils de la défense posent des questions, à

4 moins qu'ils ne l'estiment utile.

5 Nous voulons ici éviter les doubles emplois. C'est un peu ce

6 qu'on disait au sujet des injonctions de requête. Il me semble utile, dans

7 cette instance, d'appliquer cette règle lorsqu'il y a interrogatoires et

8 contre-interrogatoires.

9 Je ne parle pas ici d'une chose obligatoire, mais il

10 semblerait que le conseil principal de la défense soit responsable de sa

11 ligne de défense.

12 La Chambre de première instance n'a pas l'intention de

13 déterminer qui mènera la conduite du procès pour chacune des parties. Le

14 conseil détermine lui-même sa ligne de conduite. Ce qui nous intéresse,

15 nous, c'est l'ordre dans lequel sont menés les débats et le contenu de ces

16 débats.

17 S'il n'y a pas de doutes dans les objections qui sont

18 soulevées et si on passe d'un système à l'autre sans connaître

19 effectivement qui est concerné dans l'interrogatoire, cela peut poser des

20 problèmes et semer la confusion. Nous aimerions donc que les contre-

21 interrogatoires passent d'un accusé à l'autre.

22 Mme McMurey (interprétation). - Monsieur le président,

23 pouvons-nous revenir sur cette question un instant ? A la dernière

24 conférence de mise en état, le 17 janvier, nous avons demandé à cette Cour

25 de nous guider quant à la procédure à adopter pour la bonne tenue des

Page 57

1 débats. J'avais cru comprendre que la Cour nous avait dit de nous entendre

2 sur cette question au sein de la défense. La semaine dernière, tous les

3 conseils se sont réunis pour établir une conduite qui soit vraiment

4 opérationnelle, mais si cela ne marche pas bien, nous nous tournerons bien

5 sûr vers vous et nous accepterons vos préférences.

6 M. le Président (interprétation).- Vous pouvez essayer. Si un

7 de vos collègues ou confrères soulève une objection, nous verrons ce que

8 cela donne.

9 Mme McMurey (interprétation). - Nous parlons ici de l'ordre

10 dans lequel sera établi le contre-interrogatoire.

11 M. le Président (interprétation). - Je suppose que vous avez

12 suivi mon intervention avec soin. J'ai dit que si le premier accusé n'a

13 pas de raison d'intervenir après un interrogatoire, il n'a pas besoin de

14 parler, pas plus que le second, si ce n'est pas le cas non plus. C'est

15 uniquement au cas où un accusé de ce procès aurait une question à poser

16 qu'il le fait. Nous n'allons pas entendre des questions qui seraient

17 superflues.

18 Mme McMurey (interprétation). - Permettez-moi de poser une

19 question supplémentaire pour que tout soit clair. Concernant Ezad Landzo,

20 le dernier accusé, supposons que je décide d'intervenir en contre-

21 interrogatoire la première. Mes confrères ne renonceront pas pour autant à

22 leur droit de procéder à un contre-interrogatoire, n'est-ce pas ?

23 M. le Président (interprétation). - S'ils décident de

24 procéder à un contre-interrogatoire, il est prévu de le faire, non pas

25 parce qu'ils interviennent au nom de leur accusé mais parce qu'ils en

Page 58

1 ressentent le besoin. A ce moment-là, ils ont droit de procéder à un

2 contre-interrogatoire, parce que c'est le moment où jamais ; ils ne

3 pourront pas revenir sur ce droit une fois qu'ils l'auront abandonné.

4 C'est notre interprétation des faits.

5 Mme McMurey (interprétation). - Je voulais simplement

6 m'assurer que si j'avais omis telle ou telle chose, mes confrères avaient

7 la possibilité d'y revenir. Ils ne renoncent donc pas du tout à leur droit

8 de procéder à un contre-interrogatoire si je suis intervenue en premier

9 lieu ?

10 M. le Président (interprétation). - Absolument.

11 M. Tapuskovic (interprétation). - Monsieur le Président, je

12 n'ai pas compris ce que vous avez dit au début pendant que la

13 transcription ne fonctionnait pas. Je pense que vous avez compris qu'aucun

14 d'entre nous, conseil de la défense, et moi en particulier, conseil de

15 M. Mucic, n'a l'intention de prendre la parole. Vous avez dit que c'était

16 en général ce qui se faisait après la présentation des témoins de

17 l'accusation. Or j'ai déjà prévenu il y a pas mal de temps que je

18 souhaitais présenter mon exposé liminaire après l'exposé liminaire de

19 Me Ostberg et j'en reste là.

20 Je m'adresse donc au Tribunal pour vous annoncer que j'entends

21 prononcer mon exposé liminaire après les propos qui viennent d'être tenus

22 par l'accusation. Si cela est clair, j'ai maintenant une requête à

23 présenter au Tribunal.

24 M. le Président (interprétation). - J'ai dit simplement que

25 le règlement permet au conseil de l'accusé de présenter son exposé

Page 59

1 liminaire après celui de l'accusation mais que d'habitude, la plupart des

2 conseils reportent cet exposé liminaire à la fin de la présentation des

3 témoins de l'accusation, au moment où commence l'interrogatoire des

4 témoins de la défense. Je n'ai pas supposé une seule seconde que vous

5 n'aviez pas l'intention de prononcer un exposé liminaire, Maître.

6 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, est-

7 ce que je puis prendre la parole ?

8 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie, Maître

9 Residovic.

10 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez dit que

11 l'accusation nous avait fourni la liste des témoins. J'aimerais souligner

12 que sur la liste que nous avons reçue, il est indiqué que les 5 et 6 mars,

13 cette liste a été agréée. Je tiens à dire que compte tenu du temps qui a

14 été nécessaire pour interroger les témoins, les conseils de la défense

15 n'ont pas été consultés au moment de la rédaction de cette liste. Donc je

16 demande que cette liste soit considérée comme uniquement approximative. En

17 effet, la défense serait intéressée par un interrogatoire éventuellement

18 un peu plus long de certains témoins, notamment de ceux pour lesquels il

19 est prévu un quart de journée uniquement.

20 Je demande donc que le droit au contre-interrogatoire soit

21 bien dépendant des besoins de la défense et ne corresponde pas

22 nécessairement aux horaires indiqués sur cette liste.

23 M. le Président (interprétation). - En fait, la durée

24 d'interrogatoire d'un témoin dépendra de l'exégèse de l'accusation et des

25 besoins de la défense. Je ne crois pas que les éléments indiqués soient

Page 60

1 tout à fait fixes.

2 M. Ostberg (interprétation). - Monsieur le Président, je

3 voudrais souligner, en réponse à Me Residovic, qu'en haut de la liste

4 figurent les mots "estimation du temps nécessaire". Donc nous n'entendons

5 aucunement laisser entendre que nous souhaitons limiter de quelque façon

6 que ce soit le temps imparti à la défense pour son contre-interrogatoire.

7 M. le Président (interprétation). - Maître Tapuskovic, est-ce

8 que nous pouvons vous entendre, ou peut-être est-il préférable de

9 suspendre l'audience, d'aller déjeuner et de revenir à 14 heures 30 pour

10 vous entendre si vous souhaitez présenter votre exposé liminaire à ce

11 moment-là.

12 M. Tapuskovic (interprétation). - Monsieur le Président, en

13 rapport avec cela, j'ai une requête à présenter au Tribunal.

14 En effet, mon exposé liminaire est préparé depuis quelque temp

15 déjà. Je considère que c'est un exposé qu'il faut présenter pour la

16 défense de l'accusé, mon client, M. Mucic, mais j'ai préparé ce document

17 au moment où nous pensions que le procès commencerait au mois d'octobre de

18 l'année dernière.

19 Cela étant, je viens d'entendre les propos tenus par le

20 représentant de l'accusation et je dois dire que mon exposé liminaire a

21 déjà été transmis à l'accusation avant son propre exposé liminaire. Mais

22 je pense maintenant, après avoir entendu le représentant de l'accusation,

23 que j'aurai quelques détails à modifier dans le texte et je suppose qu'il

24 n'est pas exagéré de ma part de vous demander l'autorisation de m'exprimer

25 demain, à 10 heures du matin.

Page 61

1 Cela fait plus d'un an que nous attendons ce procès. Nous

2 avons insisté, mon client et moi-même, pour que le procès commence le plus

3 tôt possible. Il a d'abord été question d'octobre, puis cela a été reporté

4 au mois de janvier et reporté ensuite au mois de mars. Je pense que j'ai

5 tout à fait le droit de chercher les meilleures conditions possibles pour

6 présenter mon exposé liminaire. Donc, en mon propre nom et au nom de mon

7 client, je vous demande de me laisser une après-midi supplémentaire. En

8 effet, ces derniers temps, nous avons eu beaucoup de travail à faire et

9 j'aurais besoin de cet après-midi pour peaufiner un peu mon texte.

10 Par ailleurs, je viens d'entendre des propos tenus par

11 l'accusation que je n'avais pas à l'esprit jusqu'à présent, donc j'ai

12 besoin d'un peu de temps pour travailler quelques instants

13 supplémentaires. Je crois que c'est une requête qui est tout à fait

14 justifiée puisque nous en sommes à discuter de la planification de nos

15 débats.

16 Dans notre pays, par le passé, dans une situation comme celle-

17 ci, il m'a été accordé jusqu'à trois jours pour adapter mon texte. Donc

18 dans l'intérêt du droit, je vous demande ce délai supplémentaire afin de

19 peaufiner un peu mon texte et je me présenterai demain devant vous, à

20 10 heures du matin, pour prononcer cet exposé liminaire. Merci.

21 M. le Président (interprétation). - Je ne me rappelle pas

22 qu'on ait jamais fixé une date de début du procès, une date précédant le

23 10 mars. Je sais qu'un certain nombre de dates ont été fixées non pas pour

24 le début du procès, mais pour la présentation des exceptions préliminaires

25 et d'éléments de ce genre.

Page 62

1 J'aimerais d'abord demander à l'accusation quelle est la

2 situation de ses témoins aujourd'hui.

3 M. Ostberg (interprétation). - Monsieur le Président, comme je

4 l'ai dit dans mon exposé liminaire, nous commencerons par entendre

5 l'officier de police néerlandais. Il est ici aujourd'hui. Il s'agit d'un

6 témoin qui est un peu intermédiaire entre un témoin expert et un témoin

7 factuel. Nous lui demanderons de nous dire quelles étaient les conditions

8 en vigueur dans le camp de Celibici, nous présenterons des photographies

9 et utiliserons également la maquette pour mieux faire connaissance avec ce

10 camp, si possible aujourd'hui.

11 Si vous considérez que cela n'affaiblit pas les faits,

12 personnellement je n'ai rien contre la proposition qui vient d'être faite

13 par la défense s'agissant de la présentation de l'exposé liminaire du

14 défenseur de M. Mucic demain matin.

15 M. le Président (interprétation). - Oui, mais alors il y aura

16 interposition d'un témoin entre les exposés liminaires de la défense et de

17 l'accusation. Donc ce n'est pas forcément le meilleur moment pour entendre

18 ce témoin.

19 Mme McMurrey (interprétation). - Monsieur le Président, nous

20 aimerions répondre également...

21 M. le Président (interprétation). - Franchement, vous m'avez

22 permis de demander s'il y aurait exposé liminaire de la part de la défense

23 parce qu'avec une interposition de ce genre, on peut se demander à quel

24 moment commence un exposé liminaire et à quel moment il finit, et je

25 n'aimerais pas avoir à régler ce genre de difficulté, autrement dit à

Page 63

1 répondre aux questions posées par une telle situation. Ce serait

2 effectivement un problème si nous entendions d'emblée un témoin sur les

3 faits, car c'est peut-être bien un témoin factuel. Donc le problème est

4 difficile à régler.

5 Il aurait été plus facile pour nous que Me Tapuskovic ait pu

6 présenter son exposé liminaire aujourd'hui et que l'audition du témoin ait

7 été renvoyée à demain.

8 M. Tapuskovic (interprétation). - Monsieur le Président, je

9 vous en prie, c'est vraiment une requête très modeste que je présente et

10 je ne vois vraiment pas comment cela peut constituer un problème.

11 Il est tout de même plus important de me permettre de vous

12 préparer parfaitement bien à la présentation des faits qui vous attendent

13 à partir de demain, parce que mon objectif est simplement la défense de

14 mon client dans cet exposé liminaire. Je crois que c'est tout de même plus

15 important qu'un problème d'horaire d'audition d'un témoin.

16 Je sais que le témoin prévu n'habite pas loin. Donc je pense

17 tout de même qu'on pourrait le prier de venir à un moment autre que le

18 moment prévu. Je ne voudrais pas revenir sur ce qui a été dit, Monsieur le

19 Président, mais je vous rappellerai que des dates de procès ont été fixées

20 en mai. Pour M. Mucic, le procès était prévu le 1er octobre et il y a eu

21 ensuite report. Donc nous avons eu quatre mois pour nous préparer pour le

22 procès. Moi-même et M. Mucic étions prêts, mais en octobre.

23 Malheureusement, c'est une année entière qui a fini par s'écouler et

24 aujourd'hui, dès l'apparition du premier problème... Et Me Ostberg est

25 d'accord pour qu'on m'accorde un court délai supplémentaire.

Page 64

1 Vous savez, Monsieur le Président, je peux présenter mon

2 exposé liminaire sans même regarder mes notes, mais si nous voulons

3 travailler sérieusement, si vous souhaitez que j'essaie de vous aider en

4 vous parlant d'un certain nombre de faits que j'ai trouvés dans les

5 éléments de preuve présentés par l'accusation, de façon à vous permettre

6 de travailler plus efficacement demain, je vous en prie, permettez-moi de

7 me présenter devant vous demain matin. Je ne peux pas comprendre qu'on

8 puisse penser que la planification des débats est plus importante que le

9 fond des arguments et que la possibilité de travailler.

10 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.

11 M. Tapuskovic (interprétation). - Merci.

12 M. le Président (interprétation). - Maître Ostberg, vous nous

13 obligeriez...

14 (...) Plus d'interprétation en français.

15 M. le Président (interprétation). - Maître Tapuskovic, combien

16 de temps pensez-vous que va durer votre exposé liminaire que vous préparez

17 depuis de si nombreux mois ?

18 M. Tapuskovic (interprétation). - Deux heures.

19 M. Jan (interprétation). - Est-ce que vous pouvez faire

20 comparaître votre témoin après la fin de cet exposé ?

21 M. le Président (interprétation). - Après le déjeuner demain ?

22 M. Ostberg (interprétation). - Oui, demain, très bien.

23 M. Jan (interprétation). - Ou après midi ?

24 M. Ostberg (interprétation). - Dès que Me Tapuskovic aura fini

25 la présentation de son exposé liminaire, je suis prêt à faire comparaître

Page 65

1 mon premier témoin.

2 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.

3 Eh bien, je crois que nous aurons un congé non mérité et bref

4 cet après-midi. Donc nous suspendons l'audience. Nous allons déjeuner.

5 Nous reprenons nos débats demain, à 10 heures du matin, et je vous prierai

6 d'essayer d'être à l'heure demain, à 10 heures.

7 L'audience est levée à 12 heures 50.

8

9

10

11 1

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25