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1 Mercredi 19 mars 1997
2 L'audience est ouverte à 10 heures 20.
3 M. le Président (interprétation). - Pourrait-on appeler le
4 témoin et l'inviter à entrer dans le prétoire ?
5 M. Ostberg (interprétation). - Monsieur le président, ma
6 collègue voudrait soulever un point s'agissant de l'audience d'hier. Elle
7 aimerait vous en saisir pendant quelques instants.
8 M. le Président (interprétation). - Effectivement, j'avais
9 oublié de demander les comparutions des conseils.
10 M. Ostberg (interprétation). - Ce sera fait, monsieur le
11 président. Eric Ostberg, je comparais aujourd'hui avec ma collègue, Teresa
12 McHenry et Mme van Dusschoten et notre assistant, M. Dixon.
13 M. le Président (interprétation). - Pour la défense ?
14 Mme Residovic (interprétation). - Merci, monsieur le président.
15 Je m'appelle Edina Residovic, conseil de la défense de M. Zejnil Delalic,
16 avec mon confrère, Maître O'Sullivan, qui est professeur en droit pénal.
17 M. Greaves (interprétation). - Je défends M. Mucic. Je m'appelle
18 Mike Greaves.
19 M. Karabdic (interprétation). - Je m'appelle Karabdic, conseil
20 de l'accusé Hazim Delic et je suis ici avec Thomas Moran, qui est avocat
21 de Huston, au Texas.
22 M. Braskovic (interprétation). - Bonjour madame et messieurs les
23 juges. Je m'appelle Mustafa Braskovic, conseil de la défense du quatrième
24 accusé, Esad Landzo et comparaît avec moi Me Cynthia McMurrey qui sans
25 doute n'a pas été informée du fait que nous allions débuter ce matin un
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1 peu plus tôt que d'habitude.
2 M. le Président (interprétation). - Nous comprenons qu'elle est
3 peut-être empêchée par l'heure. Nous avions prévu de débuter aujourd'hui à
4 10 heures 30, mais nous avons commencé un peu plus tôt que prévu. J'en
5 suis désolé.
6 Peut-on appeler le témoin ?
7 Mme McHenry (interprétation). - Avec votre autorisation,
8 j'aurais voulu soulever un point s'agissant de l'audience d'hier. Excusez-
9 moi de ne pas avoir soulevé ceci hier, mais j'avoue qu'il y avait une
10 certaine confusion quant à la façon dont on gérait la question de la
11 récusation. Nous aimerions revenir à la déposition de Mme Cecez qui a été
12 évoquée par la défense.
13 M. le Président (interprétation). - Comment présentez-vous
14 cette question aujourd'hui, maintenant ?
15 Mme McHenry (interprétation). - Je crois que certains éléments
16 ont été montrés et identifiés pour le témoin, et il ne devrait pas y avoir
17 de litige avec les conseils de la défense, pour dire que la déposition à
18 laquelle on faisait allusion, même si elle n'avait pas été enregistrée,
19 c'était effectivement la déposition de Mme Cecez.
20 M. le Président (interprétation). - Je ne saisis pas tout à
21 fait la question. Quel est le conseil de la défense qui voulait essayer
22 d'insérer cette déposition ?
23 Mme McHenry (interprétation). - Ce n'est pas ce qu'ils ont fait.
24 Mais ils ont fait à maintes reprises allusion à cette déposition qu'on a
25 montrée d'ailleurs au témoin. C'est évident, nous aurions dû faire
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1 objection avec plus de rigueur et de vigueur pour que la pièce soit
2 enregistrée et versée au dossier. Mais du fait qu'il n'y a pas de
3 contestation quant au fait que c'est bien la déposition antérieure du
4 témoin, et qu'il y avait eu allusion faite par le conseil de la défense,
5 effectivement la pièce ayant été montrée au témoin, nous pensons que ceci
6 peut maintenant être présenté comme pièce à conviction.
7 M. le Président (interprétation). - Désolé de ce manquement, de
8 ne pas avoir réalisé que ceci présentait un problème.
9 M. Jan (interprétation). - En fait, j'avais dit que cette pièce
10 devait faire l'objet d'un enregistrement et cela m'a étonné que cela n'ait
11 pas été fait à ce moment-là.
12 Mme McHenry (interprétation). - Vous aviez évoqué la question et
13 effectivement, j'ai été confuse par la façon dont agissait la défense.
14 J'ai omis de présenter cette pièce. Alors, me disant que mieux vaut tard
15 que jamais, c'est la raison pour laquelle j'essaie de présenter cette
16 pièce comme pièce à conviction maintenant.
17 M. le Président (interprétation). - C'est assez maladroit.
18 J'aimerais entendre la défense.
19 M. Moran (interprétation). - Quelques réflexions, monsieur le
20 président.
21 D'abord il y avait quelques questions basées sur la déposition
22 du témoin. S'agissant de l'authenticité d'un des documents, il y avait un
23 document qui était en fait un procès-verbal qui venait de l'ex-
24 Yougoslavie, procès-verbal d'audience de procès. Des corrections avaient
25 été faites à la main sur ce procès-verbal et le témoin affirmait ne se
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1 souvenir d'aucun élément relatif à ces corrections apportées au document.
2 Mais ce qui compte davantage, monsieur le président, si le
3 Tribunal veut que ces pièces soient admises, ce serait admis uniquement
4 aux seules fins de la récusation, davantage qu'à des fins générales.
5 M. le Président (interprétation). - C'est la seule raison pour
6 laquelle on aurait pu admettre cette pièce, en premier lieu. Et si ce
7 n'était pas pour la récusation, pourquoi aurait-ce été ?
8 Puisque Maître Moran ne fait pas d'objection à ce que cette
9 pièce soit versée au dossier, du moins aux fins de récusation... Maître
10 Moran ?
11 M. Moran (interprétation). - Oui. Si ce n'est pour le document
12 où il y a des corrections manuscrites. Effectivement, là quelques
13 questions avaient été posées quant à l'authenticité. Effectivement, si un
14 juge d'instruction est intervenu en ex-Yougoslavie, il y a une version
15 originale et l'autre, c'est la version où ont été apportées des
16 corrections. Vous savez que l'on avait posé une question à ce propos aux
17 témoins qui ne se souvenait de rien s'agissant de ces corrections.
18 M. le Président (interprétation). - Je me souviens que le
19 témoin a dit qu'elle était venue à La Haye une seule fois et elle ne se
20 souvenait d'aucune des corrections qui avaient été apportées à la deuxième
21 version.
22 M. Moran (interprétation). - C'est exact.
23 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le président,.
24 M. le Président (interprétation). - Oui.
25 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le président, je ne
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1 sais pas de quelle façon le témoin pourrait maintenant authentifier un des
2 documents, document dont elle a dit qu'elle n'avait même pas fait cette
3 déposition. Il y a donc plusieurs dépositions qui sont ici en cause : des
4 dépositions ou des déclarations incorrectes, des déclarations qui ont été
5 faites ailleurs, dans un cadre différent, ainsi que des déclarations dont
6 le témoin affirme qu'elles n'ont jamais été faites par ce témoin. Ce qui
7 veut dire que la seule base qui nous permettrait d'accepter cette pièce
8 dans le dossier serait aux fins de récusation du témoin et aussi de
9 récusation de la procédure par laquelle le témoin à déposer.
10 M. Jan (interprétation). - Nous parlons d'un document pour
11 lequel on a reconnu les signatures et où il y avait des corrections
12 apportées de la propre main de la personne qui avait rédigé ce document.
13 M. le Président (interprétation). - Il ne semble pas y avoir de
14 doute quant à l'objet de la discussion.
15 Maître Moran en a parlé d'abord et il a dit que la personne ne
16 savait pas exactement comment les corrections avaient été apportées. Nous
17 parlons ici de la pièce que l'accusation veut même présenter. Je crois que
18 le seul objet était l'objet de récusation.
19 Maître Braskovic ?
20 M. Braskovic (interprétation). - En tant que conseil de la
21 défense de Esad Landzo, je tiens à souligner ce qu'a dit ma consoeur,
22 Edina Residovic, et je soutiens toutes les raisons avancées par elle. Il
23 n'est donc pas nécessaire que je m'attarde davantage sur la question.
24 L'authenticité des déclarations peut être contestée, surtout
25 pour ce qui est des corrections apportées ultérieurement. Le témoin, dans
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1 sa déposition, a fourni un emplacement incorrect. Le témoin ne se
2 souvenait pas non plus avoir fait cette déclaration. Par conséquent, nous
3 sommes tout à fait opposés à ce que cette déclaration soit admise comme
4 pièce à conviction.
5 M. Greaves (interprétation). - S'agissant de M. Mucic, voici
6 notre position. J'accepterais les arguments avancés par les conseils de la
7 défense qui ont parlé avant moi.
8 M. le Président (interprétation). - Après avoir entendu toutes
9 les parties, je serais prêt à admettre la pièce aux fins de récusation,
10 quels que soient les propos qui aient été tenus, parce qu'il y a eu deux
11 déclarations qu'a envisagées Me Moran, et effectivement le seul objet de
12 ce document serait aux fins de récusation.
13 M. Moran (interprétation). - En fait, il y avait trois
14 déclarations séparées, plus la version avec modification. Est-ce que
15 toutes les pièces sont admises aux fins de récusation ?
16 M. Jan (interprétation). - Nous parlons d'un document pour
17 lequel il y avait les signatures, la signature du témoin.
18 M. Moran (interprétation). - Si une version est admise, il
19 faudrait qu'elles le soient toutes.
20 M. Jan (interprétation). - Mais ce n'était pas l'objet du
21 litige hier. Il faut que vous puissiez contredire le témoin ou faire
22 comprendre au témoin de quoi vous parlez et ici, nous n'avons admis que le
23 document qui portait des signatures. Et c'est le seul sur lequel il y a un
24 litige, pas sur l'ensemble des documents.
25 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le président, j'ai
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1 demandé au témoin de reconnaître cette déclaration et le témoin n'a pas
2 reconnu avoir fait cette déclaration. Nous demandons par conséquent que
3 l'ensemble des déclarations soient admises au dossier.
4 M. le Président (interprétation). - Tout à coup surgissent des
5 questions tout à fait différentes de ce qui avait été évoqué par
6 l'accusation. Ce qui m'intéresse uniquement, c'est la question soulevée
7 par l'accusation par rapport au témoignage dont se préoccupait M. Moran.
8 Tout ceci maintenant est nouveau. Il ne faut pas saisir cette occasion
9 pour soulever d'autres questions. Il faut en rester à ce que l'accusation
10 nous a dit.
11 Mme McMurey (interprétation). - Excusez-moi du retard ce matin.
12 J'aimerais ajouter ceci. Nous avions discuté de la stratégie à
13 adopter. Nous avions également pensé que ceci ne serait pas reconnu comme
14 pièce à conviction et Esad Landzo avait posé des questions quant à ce
15 témoin. Si ce document est admis comme pièce au dossier, il faudrait
16 recommencer le contre-interrogatoire uniquement pour étudier ce document
17 et pour ne parler de rien d'autre.
18 M. le Président (interprétation). - Je ne pensais pas que ce
19 document aller poser des problèmes à quelque moment que ce fût. Il n'a été
20 utilisé qu'aux fins de contre-interrogatoire du témoin. Un point c'est
21 tout. Le fait d'admettre cette pièce au dossier n'a pas posé problème.
22 M. Jan (interprétation). - La défense elle-même a présenté ce
23 document. Ce n'est pas l'accusation qui l'a fait.
24 Mme McMurey (interprétation). - Je le concède, mais l'accusation
25 avait dit qu'effectivement si ce document est admis comme pièce à
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1 conviction, nous avons en tant que défense d'Esad Landzo quelques
2 questions à poser sur ce document précis. Nous aimerions pouvoir rouvrir
3 le contre-interrogatoire pour définir ces questions davantage.
4 M. le Président (interprétation). - Ce ne sera peut-être pas
5 possible de vous accorder cette demande puisque cet document n'a été versé
6 qu'aux fins de récusation éventuelle. Cela n'a rien à voir avec la
7 possibilité de procéder à un nouveau contre-interrogatoire.
8 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le président, je
9 voudrais maintenant demander que ces documents soient versés au dossier.
10 M. le Président (interprétation). - Pouvez-vous nous rappeler
11 de quel document il s'agit ?
12 Mme McHenry (interprétation). - Très bien, monsieur le
13 président. Je crois qu'il s'agit du document dans lequel le témoin dit que
14 les choses se sont passées à Borci. Je demande le versement de ce document
15 et de sa traduction au dossier.
16 Il s'agit d'un document qui a été fourni au conseil de la
17 défense hier matin, si je ne me trompe pas. Merci beaucoup, et je suis
18 prête à répondre à quelque question que ce soit si quelqu'un en a à me
19 poser.
20 (L'huissier remet les documents au greffier.)
21 M. le Président (interprétation). - Voulez-vous avoir
22 l'amabilité de faire rentrer le témoin dans la salle d'audience.
23 (Le témoin, Mme Calic, est introduit dans la salle d'audience.)
24 M. le Président (interprétation). - Veuillez-vous asseoir, je
25 vous prie.
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1 Pouvez-vous, je vous prie, rappeler au témoin qu'elle est
2 toujours sous serment.
3 M. le Greffier. - Je vous rappelle que vous témoignez toujours
4 sous serment.
5 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez poursuivre,
6 maître.
7 M. Ostberg (interprétation). - Merci, monsieur le président.
8 Bonjour Docteur Calic.
9 Mme Calic (interprétation). - Bonjour.
10 M. Ostberg (interprétation). - Hier, nous en sommes arrivés à
11 l'examen du document n° 7 de votre classeur. J'espère qu'aujourd'hui tous
12 les conseils ont ce classeur en leur possession si bien que nous n'aurons
13 pas, je l'espère, besoin de perdre du temps à placer les documents sur le
14 rétroprojecteur, à part peut-être les cartes et des documents de ce genre.
15 Docteur Calic. J'aimerais vous demander de reprendre le film là
16 où vous l'avez laissé hier soir.
17 Mme Calic (interprétation). - J'aimerais brièvement résumer ce
18 que je tentais d'expliquer hier. Pour l'essentiel, deux sujets étaient en
19 débat parmi les dirigeants de la Bosnie. Une question débat était
20 l'indépendance de la Bosnie et la deuxième était la Constitution à venir
21 pour la Bosnie.
22 Ces deux questions étaient bien sûr liées et c'est précisément
23 ce qui a causé des difficultés aux dirigeants qui ont eu beaucoup de mal à
24 s'entendre sur un point de vue commun.
25 Sur le problème de l'indépendance, les dirigeants croates et les
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1 dirigeants musulmans partageaient un point de vue similaire : ni les uns
2 ni les autres ne souhaitant demeurer dans un Etat bosniaque probablement
3 dominé par les Serbes. C'est la raison pour laquelle ils étaient tous les
4 deux favorables à l'indépendance.
5 Mais sur le deuxième problème, la coalition s'est constituée de
6 façon différente, à savoir qu'elle a regroupé les Croates et les Serbes,
7 les dirigeants croates et les dirigeants serbes.
8 En effet, s'agissant de la Constitution adoptée pour l'avenir,
9 tant les Croates que les Serbes étaient favorables à ce que la
10 Constitution s'appuie sur des principes ethniques, qu'elle prévoie la
11 création de cantons, alors que les dirigeants musulmans étaient favorables
12 au maintien d'un Etat unifié. C'est cela que j'ai tenté d'expliquer hier.
13 Les Serbes bosniaques ont continué à contester la légitimité de
14 l'assemblée de Sarajevo, puisqu'ils avaient décidé que la Bosnie devait
15 devenir un Etat souverain et indépendant. A partir du mois de septembre,
16 par conséquent, ils ont pris un certain nombre de décisions par lesquelles
17 ils essayaient de créer leur propre Etat.
18 J'ai fait figurer dans le classeur un certain nombre de
19 documents qui montrent la façon dont les Serbes essayaient de mettre en
20 place leur propre Etat par la création d'un gouvernement et la proposition
21 d'une constitution.
22 Tout cela est montré dans les documents 7 à 15 et si vous me le
23 permettez, monsieur le président, je préférerais ne pas présenter chaque
24 document individuellement, mais me contenter d'en présenter deux qui me
25 semblent particulièrement importants pour deux raisons.
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1 Le premier de ces deux documents porte le n° 10. Il donne la
2 liste des territoires que les dirigeants Serbes de Bosnie souhaitaient
3 faire figurer dans l'Etat serbe de Bosnie. J'ai quelques petites
4 difficultés ici. Ce document, qui énumère les municipalités censées faire
5 partie de la République serbe de Bosnie... Est-ce que nous pouvons placer
6 ce document sur le rétroprojecteur ?
7 M. Ostberg (interprétation). - Je demande l'aide des techniciens
8 pour faire fonctionner le rétroprojecteur.
9 Maintenant, nous voyons la maquette sur l'écran, mais pas le
10 document en ce moment.
11 Est-ce que vous nous demandez d'examiner plus précisément le
12 paragraphe 1 de cette décision ?
13 Mme Calic (interprétation). - Le paragraphe 1, oui, en effet.
14 Vous trouvez dans ce document la liste de toutes les municipalités que les
15 dirigeants Serbes voulaient voir figurer dans la République serbe de
16 Bosnie et nous voyons dans ce document que Konjic n'était pas censée faire
17 partie de cette République serbe de Bosnie.
18 Donc les Serbes ont proclamé en janvier la création de la
19 République du peuple serbe. Ils ont adopté une Constitution en février et
20 déclarer l'indépendance de la Bosnie en avril 1992.
21 Je tiens à souligner que dans nombre de ces documents, nous
22 constatons que les Serbes expriment leur souhait de continuer à faire
23 partie de la Yougoslavie. Donc ils se considéraient comme faisant toujours
24 partie de ce qui restait de la Yougoslavie, alors que le Tribunal
25 constitutionnel de la Bosnie a pris des décisions décrétant que ceci était
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1 anticonstitutionnel. J'ai inclus dans mon classeur des documents qui
2 illustrent cette décision du Tribunal constitutionnel. Il s'agit des
3 documents 17 et 18 du classeur.
4 Les Serbes bosniaques n'étaient pas les seuls à mettre en cause
5 l'intégrité territoriale de la Bosnie. En effet, les Croates de Bosnie se
6 dirigeaient également vers l'indépendance. En novembre 1991, la communauté
7 croate de la vallée de la Sava, en Bosnie, a été créée, et en novembre les
8 Croates ont décidé de créer ce qu'ils ont appelé la communauté croate
9 d'Herzeg-Bosnie.
10 Cette communauté d'Herzeg-Bosnie était définie comme une entité
11 culturelle, politique, économique et régionale.
12 Le 3 juillet 1992, cette entité a été proclamé officiellement.
13 M. Ostberg (interprétation). - C'est ce que nous voyons figurer
14 dans le document 18 ?
15 Mme Calic (interprétation). - Oui, effectivement il en est
16 question dans le document 18. Et dans ce document, dont je vais vous
17 montrer également quelques détails... Je ne le vois pas à l'écran en ce
18 moment...
19 A l'article 2 de ce document, nous lisons "la communauté croate
20 d'Herzeg-Bosnie se composera des municipalités suivantes...". Après quoi
21 nous avons une liste de municipalités dans laquelle nous constatons que
22 Konjic était censée faire partie de cette République... Ou plutôt, non, il
23 ne s'agit pas d'une République, ils l'appelaient une communauté, mais de
24 facto ils la considéraient comme un Etat distinct et le Tribunal
25 constitutionnel de Sarajevo a compris cette proclamation de la communauté
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1 croate d'Herzeg-Bosnie exactement dans ce sens, raison pour laquelle le
2 Tribunal constitutionnel de Bosnie a également déclaré la création de
3 cette communauté d'Herzeg-Bosnie anticonstitutionnelle. C'est ce que nous
4 voyons dans le document 19 de mon classeur.
5 Mais revenons à ce qui s'est passé au cours de l'automne 1991.
6 En octobre, comme je le disais hier, la déclaration de
7 proclamation de la souveraineté de l'assemblée bosniaque a été adoptée. Il
8 y a eu déclaration de l'opposition des Serbes et division de toutes les
9 institutions étatiques de Bosnie, avec une lettre envoyée à la communauté
10 européenne en décembre 1991 par le gouvernement bosniaque, stipulant que
11 la Bosnie devrait être reconnue comme République indépendante.
12 Compte tenu de ces faits, en Bosnie, au cours de l'hiver 1991-
13 92, les tensions se sont accrues en Bosnie, avec comme point culminant le
14 référendum organisé le 29 février et le 1er mars 1992 sur le sujet de
15 l'indépendant.
16 La communauté européenne avait fait de la reconnaissance de
17 l'indépendance de la Bosnie une condition pour la tenue de ce référendum
18 destiné à déterminer si oui ou non la population bosniaque était
19 réellement favorable à l'indépendance.
20 Et ceci me ramène à la commission Badinter, dont j'ai déjà parlé
21 hier, mais cette fois-ci je parle de l'avis n°4 qui est le document n°20
22 de notre classeur, l'avis n° 4 de cette commission Badinter.
23 Peut-on placer ce document à l'écran ?
24 Donc la commission d'arbitrage de la communauté européenne,
25 placée sous la direction de M. Badinter, était consciente du fait qu'une
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1 partie de la population bosniaque était opposée à l'indépendance. Nous le
2 constatons sur la dernière page du document, celle qui figure à l'écran au
3 paragraphe 4.
4 Par conséquent, la Communauté européenne était d'avis que la
5 volonté des peuples de Bosnie-Herzégovine de créer un Etat indépendant ne
6 pouvait pas être considérée comme ayant été totalement entièrement
7 établie. Telle était l'évaluation faite par la Communauté européenne.
8 La condition imposée par la Communauté européenne, pour
9 reconnaître l'indépendance à l'issue de ce référendum, était exprimée et
10 66 % de la population de Bosnie a participé au référendum, malgré le
11 boycott des Serbes et une majorité écrasante de ceux qui ont participé au
12 vote, à savoir près de 66 % de la population bosniaque, a exprimé l'avis
13 que la Bosnie effectivement devait devenir un Etat indépendant.
14 Après quoi, la communauté européenne a pris la décision de
15 reconnaître la Bosnie, et à partir du 7 avril 1992, la Bosnie est devenue
16 une République souveraine et indépendante reconnue par la Communauté
17 européenne, par les Etats-Unis et par un certain nombre d'autres Etats qui
18 l'ont décidé par la suite.
19 Mais y compris avant la reconnaissance officielle de la Bosnie,
20 c'est-à-dire aux alentours de la date du référendum, les premiers
21 incidents violents ont éclaté en Bosnie et la Communauté européenne s'en
22 est trouvée très préoccupée. La première barricade, en effet, a été créée
23 à Sarajevo où se sont déroulés des incidents violents et dans le document
24 n° 22, qui est une déclaration de la Communauté européenne, vous voyez
25 qu'une mention est faite à ces incidents violents.
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1 Je ne placerai pas ce document sur le rétroprojecteur. Je vous
2 le cite simplement à l'appui de mes dires. En effet, il semble que le
3 référendum ait été un virage important, un tournant important dans cette
4 tendance vers des incidents plus nombreux. Et ces incidents se sont
5 multipliés après l'indépendance de la Bosnie.
6 A tel point que la Présidence a dû déclarer un état de guerre
7 imminent le 8 avril 1992, ce qui signifiait que tous les pouvoirs se
8 trouvaient concentrés entre les mains de la présidence, que le parlement
9 ne fonctionnait plus et que les premiers efforts de mobilisation des
10 soldats étaient désormais entrepris.
11 L'état de guerre a été proclamé, décrété par la Présidence de
12 l'Etat en juin 1992, c'est-à-dire près de 3 mois après l'éclatement des
13 hostilités. Autrement dit, il y a eu une période déterminée pendant
14 laquelle la présidence de Bosnie se considérait comme étant en danger de
15 guerre imminente, mais pas encore dans une situation de guerre explicite.
16 M. Ostberg (interprétation - Avez-vous des explications à
17 l'appui du fait qu'il a fallu plus de trois mois pour décréter l'état de
18 guerre ?
19 Mme Calic (interprétation). - Les supputations sont nombreuses à
20 cet égard.
21 Personnellement, je ne suis pas sûre d'en connaître les raisons,
22 mais il convient de prendre en compte le fait qu'entre le danger de guerre
23 imminente et le danger de guerre immédiate, il n'y a pas une différence
24 significative en ce qui concerne les efforts entrepris pour mobiliser la
25 population contre celui qui est perçu comme étant l'ennemi.
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1 Mais je ne suis pas en mesure de vous fournir quelque document
2 que ce soit à l'appui de ce que je viens de dire. Cela étant, c'est
3 quelque chose qui a été critiqué par diverses parties, ce fait qu'il a
4 fallu si longtemps pour organiser les forces contre celui qui était perçu
5 comme l'ennemi.
6 M. Ostberg (interprétation). - Que s'est-il passé pendant cette
7 période, s'agissant de l'armée bosniaque ?
8 Mme Calic (interprétation). - J'y arrive, car je vais maintenant
9 parler des principales forces militaires en Bosnie et j'expliquerai à ce
10 moment-là comment s'est créée l'armée bosniaque.
11 Les principales forces militaires qui agissaient en Bosnie
12 en 1992 doivent être décrites dans le contexte de la doctrine de défense
13 yougoslave, à savoir dans le contexte de l'idée selon laquelle la défense
14 était assurée par la totalité de la population, doctrine que l'on connaît
15 également comme celle de la défense nationale totale.
16 M. Ostberg (interprétation). - Est-ce que c'est cela que l'on
17 appelle la TO ?
18 Mme Calic (interprétation). - Non, j'expliquerai également ce
19 que signifient les lettres TO, mais ce concept de défense de la totalité
20 du peuple était donc synonyme de défense nationale totale. Il a été adopté
21 en 1968, et il avait pour but de mobiliser l'ensemble des différentes
22 couches sociales de la population, depuis les couches les plus modestes
23 jusqu'aux couches les plus aisées, en cas de danger de guerre.
24 Cela signifiait également que l'ensemble des citoyens étaient
25 censés participer à une lutte armée le cas échéant, à l'endroit où ils se
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1 trouvaient. Cette doctrine a donc été incorporée à la doctrine de défense
2 du pays en 1969. Elle a fait l'objet d'une loi en 1974 -la loi de la
3 défense- et nous la trouvons également dans la Constitution de la Bosnie
4 ainsi que dans la Constitution de la République socialiste fédérative de
5 Yougoslavie.
6 Dans son article 254, la Constitution de Bosnie fait
7 explicitement référence à ce principe de la défense par l'ensemble du
8 peuple.
9 Je cite : " C'est le droit du peuple travailleur et des citoyens
10 de participer activement à la formulation de la politique de défense,
11 ainsi qu'aux préparatifs destinés à assurer la défense du pays, et de
12 s'assurer, dans le cadre du système et des plans de défense nationale, les
13 conditions nécessaires pour protéger et défendre le pays et participer à
14 sa défense ".
15 Donc ce système yougoslave, prévoyant une défense par l'ensemble
16 du peuple, se divisait principalement en trois composantes. La première de
17 ces composantes était la protection, la défense civile, l'organisation de
18 défense civile comme on l'appelait. Il s'agissait d'une organisation qui
19 avait pour but d'aider les civils en cas de guerre, mais également en cas
20 de catastrophe naturelle.
21 Je ne vais pas aller trop loin dans l'explication des détails
22 qui caractérisent cette organisation. En effet, ce sont les deux autres
23 composantes des forces armées yougoslaves qui me paraissent les plus
24 intéressantes pour nous ici.
25 l'Armée populaire yougoslave était donc un des piliers des
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1 forces armées, et ce que l'on a l'habitude d'appeler l'organisation de
2 défense territoriale, à savoir la TO, constituait le deuxième élément de
3 ces forces armées yougoslaves.
4 L'Armée populaire yougoslave, connue sous le sigle de JNA, était
5 l'armée régulière de la Yougoslavie. C'était une armée fédérale, financée
6 par le budget fédéral, et elle existait depuis 1945.
7 L'organisation de défense territoriale, pour sa part, était
8 placée sous le commandement, sous le contrôle des Républiques, et
9 constituait le deuxième pilier de la défense militaire yougoslave.
10 Depuis 1968, les forces armées yougoslaves se composaient d'une part de la
11 JNA, l'armée fédérale, et d'autre part de la TO, de l'organisation de
12 défense territoriale qui représentait l'armée de chaque République.
13 En effet, chaque République possédait son quartier-général de la
14 défense territoriale, de la TO, qui était donc responsable devant la
15 présidence de chacune des républiques sur le plan militaire. Mais sur le
16 plan politique, bien entendu, la défense territoriale avait également des
17 responsabilités devant Belgrade et devant l'armée fédérale, car ce système
18 de défense était conçu comme un système unifié, comme un tout. Et c'est
19 comme un système unifié que ce système était censé fonctionner en cas de
20 guerre.
21 J'aimerais maintenant vous demander de regarder le document 28
22 du classeur qui montre bien de quelle façon les forces armées yougoslaves
23 étaient structurées. Ce document est tiré d'un ouvrage de M. Zivkovic* qui
24 traite de la défense territoriale yougoslave et qui a paru à Belgrade
25 en 1985. Vous voyez donc en haut les forces armées yougoslaves avec le
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1 premier pilier, l'armée populaire yougoslave, et le deuxième pilier de ces
2 forces armées qui est la défense territoriale placée sous l'autorité des
3 Républiques.
4 L'Armée fédérale yougoslave, la JNA, était bien entendu la
5 composante la plus importante et la mieux équipée de ces forces armées au
6 cours du conflit qui a éclaté en Yougoslavie en 1991.
7 La JNA était une institution réellement pan yougoslave qui était
8 le successeur des forces partisanes qui avaient combattu l'occupation
9 allemande et italienne au cours de la deuxième guerre mondiale. Il
10 s'agissait donc, au moins pendant cette première partie de la guerre,
11 d'une force qui avait pour but de maintenir l'état yougoslave dans son
12 unité en tant qu'Etat.
13 Mais lorsque le conflit armé a éclaté, la JNA est devenue de
14 plus en plus une force dominée par les Serbes, étant donné qu'un grand
15 nombre d'officiers non serbes ont quitté cette armée pour rejoindre les
16 unités de défense territoriale locales. Il importe de se rendre compte que
17 dès l'automne 1991, la JNA a commencé à mobiliser, y compris en Bosnie-
18 Herzégovine, avant tout les Serbes de Bosnie et la JNA a commencé à
19 distribuer des armes aux volontaires Serbes de Bosnie.
20 Donc dès l'automne 1991, nous pouvons tirer la conclusion que la
21 JNA devenait de plus en plus une armée sous domination serbe.
22 Toutes les parties prenantes au conflit armaient leur population
23 respective. Ceci, encore une fois, a suscité des préoccupations au niveau
24 international. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté une
25 résolution en septembre 1991 qui imposait un embargo sur les armes pour
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1 l'ensemble du territoire yougoslave. J'ai fait figurer cette résolution du
2 Conseil de sécurité des Nations Unies dans mon classeur, mais je ne pense
3 pas qu'il soit nécessaire de vous le montrer à l'écran en ce moment.
4 M. Ostberg (interprétation). - Nous pouvons le trouver dans le
5 classeur ?
6 Mme Calic (interprétation). - Oui, effectivement, vous le
7 trouverez dans mon classeur. C'est le document n° 29.
8 La JNA était donc présente. Elle participait ouvertement,
9 activement aux conflits armés en Bosnie-Herzégovine. Elle l'a fait en tout
10 cas au moins jusqu'au mois de mai 1992.
11 Le 4 mai, la République fédérale de Yougoslavie, qui à cette
12 époque-là était composée de la Serbie et du Montenegro, a décidé de
13 retirer les forces de la JNA de Bosnie. Elle a retiré ses troupes en mai,
14 à compter de mai 1992. Avant ce retrait, la JNA avait néanmoins laissé
15 beaucoup de ses soldats, de son équipement et de l'artillerie lourde, qui
16 avaient été intégrés dans l'armée des Serbes de Bosnie qui venait d'être
17 créées et qui allait devenir l'armée de la Republika Srpska.
18 C'est le processus que le général Kadijevic a décrit dans son
19 livre "Moje vidjenje raspada", "ma perspective de l'effondrement". Et il
20 cite.
21 Il s'agit du document 31 dans le classeur. Laissez-moi le placer
22 à l'écran. Pouvez-vous l'afficher à l'écran s'il vous plaît ?
23 Il s'agit de ce paragraphe dans lequel il admet ouvertement que
24 les unités et les quartiers-généraux de la JNA formaient l'épingle dorsale
25 de l'armée de la République serbe et qu'elle était complètement équipée
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1 sur le plan des armes et de l'équipement.
2 M. Ostberg (interprétation). - Est-ce que je pourrais vous poser
3 une question à ce propos ? Ce que vous venez de dire à propos de la JNA et
4 du territoire de la Bosnie, est-ce que cela voudrait dire qu'après la
5 reconnaissance internationale de la Bosnie-Herzégovine les forces armées
6 appartenaient à une autre République et se battaient sur le territoire de
7 Bosnie-Herzégovine ?
8 Mme Calic (interprétation). - C'est vrai, en effet, il y a
9 beaucoup de preuves que la JNA a continué à participer à ce conflit en
10 Bosnie, même après mai 1992. Nous avons beaucoup d'éléments de preuves à
11 l'appui de ceci. Il y a même un document qui est un rapport du secrétaire-
12 général des Nations Unies, de septembre 1992, qui exprime également son
13 inquiétude quant au fait que malgré la décision de retirer la JNA, celle-
14 ci était toujours présente et appuyait toujours en fait l'armée serbe de
15 Bosnie dans ce conflit armée.
16 M. Ostberg (interprétation). - Sur les territoires ?
17 Mme Calic (interprétation). - Sur les territoires de Bosnie. Il
18 s'agissait de reconnaître la Bosnie comme étant indépendante, et ceci a
19 amené à faire de ce conflit un conflit international. Il s'agissait de
20 dissuader l'armée yougoslave de participer au conflit dans les deux
21 Républiques, mais cela n'a pas marché, comme nous le voyons d'après ces
22 documents et d'après un rapport du secrétaire-général du 3 décembre 1992,
23 document 32 dans ce dossier.
24 M. Ostberg (interprétation). - Merci beaucoup.
25 Mme Calic (interprétation). - Donc quel était le nombre des
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1 soldats Serbes de Bosnie ? C'est difficile à évaluer. La plupart des
2 chercheurs, des spécialistes ont estimé qu'à ce moment-là il y en avait
3 60 000, mais cela pourrait être facilement plus ou moins.
4 Et pendant le conflit, ils ont mobilisé davantage de soldats, et
5 peut-être en 1993 ce chiffre a atteint 100 000 soldats de réserve qui ont
6 été recrutés.
7 Mais ces sources ne sont pas nécessairement fiables et il n'y a
8 pas véritablement de document qui donne ce chiffre avec certitude.
9 Donc maintenant, qu'est-ce que faisaient les Musulmans de Bosnie
10 et le gouvernement bosniaque ?
11 M. le Président (interprétation). - Je pense que nous pourrions
12 avoir une pause maintenant.
13 L'audience, suspendue à 11 heures 08, est reprise à 11 heures 37.
14 M. le Président (interprétation). - Veuillez rappeler au témoin
15 qu'il est toujours sous serment.
16 M. le Greffier (interprétation). - Je vous rappelle que vous
17 témoignez toujours sous serment.
18 M. Ostberg (interprétation). - Docteur Calic, pourriez-vous
19 reprendre là où vous vous étiez arrêtée avant la pause ?
20 Mme Calic (interprétation). - J'aimerais expliquer comment le
21 système unifié de la défense populaire a commencé à se désintégrer lorsque
22 le premier conflit armé a éclaté en République de Bosnie-Herzégovine, en
23 avril 1992.
24 J'ai également défini deux éléments militaires principaux : l'un
25 était la JNA, qui était en train de sortir de Bosnie, et le deuxième était
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1 l'Armée serbe de Bosnie qui a été formée en mai 1992. Comme je l'ai
2 expliqué tout à l'heure, elle comprenait certains éléments de la JNA sur
3 le plan des effectifs, de l'équipement, etc.
4 Le troisième élément important de cette guerre, c'est l'armée
5 bosniaque proprement dite qui a été créée en avril 1992. L'organisation
6 fondamentale était la défense territoriale de Bosnie-Herzégovine, ce que
7 l'on a appelé le deuxième pilier de l'ancien système des forces armées
8 yougoslaves.
9 La présidence de la Bosnie a annoncé une mobilisation générale
10 de la défense territoriale en avril 1992. La défense territoriale a été
11 mobilisée dans un grand nombre de municipalités dans l'ensemble de la
12 Bosnie-Herzégovine et dans la municipalité de Konjic également.
13 La présidence de Bosnie a établi un commandement suprême à
14 Sarajevo et a également tenté de créer des quartiers-généraux régionaux.
15 Ces quartiers-généraux se trouvaient, entre autres, à Sarajevo, à Tuzla,
16 Zenica, Doboj et à Bihac.
17 La date officielle de la création de l'armée bosniaque est le
18 15 avril 1992. Il y a également eu un décret des forces armées de la
19 République de Bosnie qui a été adopté en mai, qui fait également partie de
20 ce classeur. L'Armée bosniaque, au départ, était conçue comme la force
21 armée des trois peuples qui constituaient la République de Bosnie et était
22 placée sous le commandement et le contrôle de la présidence de la Bosnie.
23 J'ai tenté de décrire précédemment un grand nombre des éléments
24 musulmans, mais finalement je n'ai pas suivi cet ordre parce que les
25 Musulmans ne faisaient pas partie de cette armée bosniaque.
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1 M. Ostberg (interprétation). - J'aimerais vous poser la question
2 suivante. Dans le contexte de ce que vous avez dit, à propos de la
3 formation de l'armée bosniaque, est-ce que cela voudrait dire que lorsque
4 les attaques contre les villages avoisinants Konjic ont eu lieu en mai
5 1992, il y avait également une armée bosniaque qui était formée ?
6 Mme Calic (interprétation). - Il y avait une armée bosniaque qui
7 avait été formée, mais j'expliquerai plus tard un grand nombre des
8 règlements qui ont été adoptés en avril et en mai 1992 par la présidence
9 de Bosnie, mais qui n'ont pas été appliqués, qui ne sont pas entrés en
10 vigueur tout de suite. Donc il y a un grand nombre de régions de la Bosnie
11 dans lesquelles les unités locales agissaient indépendamment du
12 commandement supérieur. Mais j'expliquerai tout ceci plus tard de manière
13 plus détaillée quand j'en viendrai à ce qui s'est produit à Konjic pendant
14 cette période ultérieure de la guerre.
15 Quel était le nombre des soldats de l'armée bosniaque pendant
16 les problèmes qui ont surgi pendant cette période ? Des sources
17 différentes énoncent des chiffres différents. Pendant la guerre, on parle
18 d'un chiffre aussi élevé que 100 000. On parlait de 50 000 à 80 000
19 auparavant. De toute façon, nous devons reconnaître, quoi qu'il en soit,
20 que si l'armée bosniaque était plus nombreuse, elle n'était certainement
21 pas suffisamment équipée et c'était l'un des principaux problèmes de cette
22 armée bosniaque.
23 Comme je l'ai déjà dit tout à l'heure, ce n'était pas tous les
24 soldats qui suivaient les ordres qui étaient donnés par la présidence de
25 la Bosnie pour faire fonctionner l'armée bosniaque. Mais ces unités
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1 locales créaient leurs propres unités et les Croates ont également établi
2 leurs propres forces armées. Ceci m'amène à l'élément important sur le
3 plan militaire, un autre élément dans ce conflit. Il s'agit du HVO.
4 L'Armée croate a été créée en avril 1992, le 8 avril 1992, comme
5 le quartier-général suprême, et elle était censée devenir la force armée
6 des Croates de Bosnie. Il s'agissait du Conseil de défense croate.
7 Dès le début, les forces armées des Croates, le HVO,
8 comprenaient environ 30 000 soldats dont la plupart étaient entraînés et
9 armés par le gouvernement de Croatie. Ceci m'amène à un deuxième élément
10 externe dans la guerre de Bosnie.
11 Nous avons également beaucoup de rapports d'organisations
12 internationales qui démontrent à quel point les forces croates ont
13 participé activement à la guerre de Bosnie. Par exemple, parlons de mon
14 document n° 37, le rapport du secrétaire-général des Nations Unies du
15 24 novembre 1992.
16 M. Ostberg (interprétation). - Est-ce que vous avez mentionné à
17 partir de quand l'influence croate allait être observée sur le territoire
18 bosniaque ?
19 Mme Calic (interprétation). - Je crois que l'influence du HVO a
20 pu être observée dès sa création. On peut déjà en parler à la fin de 1991,
21 mais de manière beaucoup plus évidente dans le conflit de 1992 qui a
22 éclaté à ce moment-là.
23 J'aimerais maintenant résumer les principaux éléments qui ont
24 joué un rôle à l'échelle républicaine : le JNA, le HVO et bien sûr l'armée
25 bosniaque qui a été créée en avril 1992.
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1 J'aimerais maintenant passer à la micro échelle et parler de
2 manière plus détaillée de ce qui s'est passé dans les municipalités, du
3 fait que Konjic était l'une des municipalités de Bosnie.
4 J'ai préparé une carte qui montre 109 municipalités de Bosnie.
5 M. Ostberg (interprétation). - Est-ce qu'il serait possible de
6 l'afficher à l'écran, s'il vous plaît ?
7 Mme Calic (interprétation). - Oui, nous l'avons dans le classeur
8 n° 38.
9 M. Ostberg (interprétation). - Est-ce qu'il est possible de
10 réduire l'échelle à l'écran ?
11 Mme Calic (interprétation). - Donc 109 municipalités. Konjic se
12 trouve ici. Vous voyez la capitale de Bosnie, Sarajevo. Voici la côte.
13 Ici, il y a la Croatie et ici la République fédérale de Yougoslavie.
14 La Yougoslavie, à l'époque socialiste, a accordé aux
15 municipalités un degré élevé d'autonomie. Ceci avait pour but d'éviter
16 l'émergence de tensions ethniques. Il s'agissait de donner une certaine
17 autonomie locale dans le cadre de la supervision fédérale autant que
18 républicaine.
19 L'article 116 de la Constitution de Yougoslavie de 1974 stipule
20 ce qui suit : "Une commune ou une municipalité est une collectivité
21 autogérée et la communauté sociopolitique de base, qui repose sur le
22 pouvoir de la classe ouvrière et de tous les travailleurs et de
23 l'autogestion par ces classes sociales".
24 Selon la constitution yougoslave, les municipalités avaient
25 entre autres les droits et les devoirs suivants : se charger d'assurer les
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1 besoins économiques, sociaux, culturels et autres besoins courants des
2 citoyens, de la population. Elles pouvaient aussi créer des organes
3 d'auto-gouvernement et des organes de pouvoir pour mener les affaires.
4 Elles étaient également chargées d'assurer l'application des
5 lois, ainsi que le respect de la liberté des droits.
6 Elles étaient aussi chargées de réglementer et d'organiser la
7 défense nationale et d'assurer l'auto-protection.
8 Avant que j'en arrive à ce qui s'est passé à Konjic, je voudrais
9 vous montrer un autre diagramme qui porte le n° 40. Je ne vais pas
10 m'étendre sur ce diagramme. Il s'agit d'un schéma qui reprend
11 l'organisation des municipalités en Yougoslavie. Je voudrais simplement
12 vous dire rapidement quels sont les organes qui ont été créés sur le plan
13 politique pour organiser l'autonomie des municipalités en Bosnie et où se
14 trouvaient ces autorités locales à l'époque.
15 Il y a donc une assemblée générale de la municipalité qui était
16 élue. Il y avait ensuite un conseil exécutif qui fonctionnait en quelque
17 sorte comme un gouvernement local, le conseil. Il y avait également un
18 président de l'assemblée municipale, président qui avait les plus hautes
19 fonctions au niveau de la municipalité. C'est lui qui s'occupait de toutes
20 les questions relatives à l'assemblée, ainsi qu'au conseil, et c'est lui
21 aussi qui jouait le rôle de coordonnateur et de superviseur des
22 différentes institutions au niveau de la municipalité.
23 Voilà donc pour l'essentiel comment fonctionnaient les
24 municipalités avant la guerre : une assemblée avec différentes chambres,
25 autogestion, gouvernement donc presque autonome, et un président qui
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1 n'apparaît pas sur le schéma, mais qui avait des fonctions très
2 importantes au niveau de la municipalité.
3 M. Ostberg (interprétation). - Ce diagramme, madame Calic, vient
4 d'un ouvrage ?
5 Mme Calic (interprétation). - Oui, il vient d'un ouvrage écrit
6 par Aleksandar Ivic et un autre, et il s'intitule : "système politique et
7 constitutionnel de la RFSY". C'est un ouvrage qui a été publié à Belgrade
8 en 1988 qui portait sur tout ce qui concernait l'administration et
9 l'organisation constitutionnelle du pays. Ce qui m'intéresse, c'est que
10 les municipalités ont joué un rôle important dans la mise en oeuvre de la
11 doctrine de la défense populaire totale qui visait à mobiliser tous les
12 citoyens et tous les moyens disponibles, depuis le niveau local jusqu'au
13 niveau le plus élevé en cas de guerre.
14 La municipalité était conçue comme une communauté autonome sur
15 le plan de la défense. En d'autres termes, c'était une espèce de noyau de
16 résistance nationale contre une éventuelle invasion étrangère. C'est comme
17 cela que le système était pensé. Ensuite, ce système a pris une autre
18 signification dans le cadre de la Bosnie et est devenu quelque chose de
19 très différent.
20 Au moment de l'adoption de la constitution en 1974, les
21 municipalités pouvaient prendre certaines décisions en cas de guerre ou en
22 cas de menace immédiate de guerre.
23 L'article 273 de la constitution dit : "en cas de guerre ou en
24 cas de menace immédiate de guerre, une présidence de l'assemblée
25 municipale est constituée pour statuer sur les questions relevant de la
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1 compétence de l'assemblée. Et si l'assemblée est incapable de se réunir,
2 d'autres mesures sont prises.".
3 On trouve au document 25 le texte des articles pertinents de la
4 constitution. On y explique les fonctions de la présidence de l'assemblée
5 en temps de guerre. Il s'agit de l'article 213 de la constitution. J'y
6 reviendrai plus tard plus en détail, lorsque j'expliquerai ce qui s'est
7 passé exactement à Konjic. Mais à ce stade, il suffit de savoir que les
8 municipalités ont effectivement joué un très grand rôle dans le système
9 d'autodéfense et qu'elles étaient autorisées, en vertu de la constitution
10 de la Yougoslavie et de la constitution de la Bosnie-Herzégovine, à
11 remplir certaines fonctions en temps de guerre.
12 Comment ces dispositions ont-elles étaient appliquées à Konjic ?
13 Pour commencer, voici des données de base concernant la municipalité de
14 Konjic. Tout d'abord un diagramme reprenant la composition ethnique de la
15 municipalité de Konjic, en 1991. Il s'agit du document 42. Je le mets sur
16 le rétroprojecteur.
17 Il n'apparaît pas à l'écran. Peut-être peut-on m'aider ? Voilà,
18 il est à l'écran. Peut-on réduire un peu ? Merci.
19 En 1991, la composition de la population de Konjic était la
20 suivante : 54 % de Musulmans, 26 % de Croates et 15 % de Serbes, avec 3 %
21 de Yougoslaves et 1 % d'autres nationalités et au total, cela représentait
22 43 000 habitants, à peu près.
23 Voilà donc comment la population se répartissaient en 1991.
24 Je sais qu'il y a un autre diagramme qui apparaît dans ma
25 déclaration. Ce diagramme reflète la composition ethnique aujourd'hui.
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1 Donc 15 % environ de Serbes dans la municipalité de Konjic,
2 6 620 personnes au total.
3 Voyons comment ces personnes étaient réparties. Une autre carte,
4 document n° 41 qui se fonde sur le recensement de 1991.
5 On peut voir ici que la municipalité de Konjic était mixte sur
6 le plan ethnique. Vous voyez qu'il y a une majorité de villages musulmans
7 sur le territoire de la municipalité. En rouge, ce sont les villages
8 serbes. Il n'y a donc pas de division très claire, de répartition très
9 claire de la population dans cette municipalité. Il n'y a pas de zones
10 musulmanes à proprement parler ou de zones serbes à proprement parler sur
11 le territoire de la municipalité.
12 Cela dit, on peut voir où se trouvaient les villages à majorité
13 serbe, nous avons pour ce faire le document n° 43, carte qui reprend les
14 villages serbes de la municipalité de Konjic. Voilà donc les endroits où
15 vivaient les Serbes et où ils étaient nettement majoritaires.
16 M. Ostberg (interprétation). - Comment lire cette carte ? En
17 bleu, de quoi s'agit-il ?
18 Mme Calic (interprétation). - Les points bleus sont les villages
19 où les Serbes sont majoritaires et vous constaterez que ces villages
20 étaient situés le long de la route principale reliant Sarajevo et la côte,
21 ainsi que le long de la ligne de chemins de fer qui suit le même parcours.
22 Dans le document n° 44, qui apparaît maintenant à l'écran, on
23 voit un peu mieux où se trouvait Konjic, à savoir qu'il s'agit de la
24 partie de l'Herzégovine. Là j'ai le pointeur sur la capitale, Sarajevo. La
25 côte ne se trouve pas loin.
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1 Une grande partie de cette région est très boisée et montagneuse
2 et cela rend difficile toute opération terrestre. Konjic se trouve sur la
3 rivière Neretva, la vallée de la Neretva, qui contournait et toute cette
4 région est importante car elle sert de point de transit. Il y a des lignes
5 de communication qui passe par la région. J'ai déjà parlé de la route et
6 de la ligne de chemin de fer qui relient Sarajevo et la côte, mais il y
7 avait aussi d'autres lignes de communications importantes très proches de
8 la municipalité de Konjic, à savoir la route ici qui relie Jablanica et
9 Gornji Vakuf pour aller ensuite en Bosnie centrale. Voici une autre route
10 encore qui relie la route principale de Bosnie-Herzégovine à la partie
11 orientale de la Bosnie.
12 La Bosnie centrale commence à peu près à Konjic. Konjic
13 constitue en quelque sorte la frontière entre les deux parties historiques
14 de la Bosnie-Herzégovine. C'est la municipalité la plus septentrionale
15 d'Herzégovine et elle est très proche d'une autre région que l'on appelle
16 la Bosnie centrale, qui commence ici au nord de Konjic.
17 Durant la deuxième guerre mondiale, la Bosnie et en particulier
18 la Bosnie centrale et la Bosnie orientale ont subi des luttes ethniques
19 très sanglantes. Konjic s'est notamment trouvée dans la République Croate
20 indépendante dirigée par les Oustachis, République qui avait été mise en
21 place par les Allemands, qui était officiellement un Etat indépendant,
22 mais qui était de fait un territoire occupé. La Bosnie faisait partie de
23 cet Etat, par conséquent Konjic aussi.
24 Les fascistes croates, pendant cette période, ont mené une
25 guerre contre les Serbes. Des centaines de milliers de Serbes ont été tués
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1 à l'époque et il va de soi que ces événements historiques sont encore
2 présents dans la mémoire des habitants de la région. Il y a aussi eu des
3 nationalistes serbes qui ont mené une agression contre les non-Serbes, à
4 savoir les Chetniks, le mouvement nationaliste des Chetniks qui a massacré
5 des milliers de Musulmans et de Croates. D'où tout se débat sur le nombre
6 de gens qui ont véritablement été tués durant ces luttes.
7 C'est là un sujet de controverse entre historiens et c'est une
8 question extrêmement politique puisque chaque partie prétend avoir subi
9 plus de pertes que l'autre.
10 Etant un historien extérieur et après avoir pris connaissance de
11 nombreuses sources, je conclurai pour ma part qu'il y a eu au total un
12 million de Yougoslaves qui sont morts dans l'ensemble de la Yougoslavie
13 pendant la seconde guerre mondiale et que la Bosnie a perdu environ 10 %
14 de sa population.
15 M. Ostberg (interprétation). - Quand vous dites "la population
16 bosniaque", vous incluez là-dedans les trois groupes ethniques ?
17 Mme Calic (interprétation). - Oui, j'inclus les trois
18 nationalités.
19 M. Ostberg (interprétation). - 10 % de la population totale de
20 Bosnie ?
21 Mme Calic (interprétation). - Oui, effectivement.
22 Historiquement, la municipalité de Konjic et la rivière Neretva
23 marque la ligne frontière entre deux sphères d'influence historique. Pour
24 des raisons historiques, les Serbes de Bosnie et les Croates de Croatie
25 ont des prétentions à l'égard de l'Herzégovine qu'ils considèrent comme le
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1 coeur historique de la Croatie. Jusqu'ici, jusque au Mont Igman qui marque
2 la frontière entre l'Herzégovine et la Bosnie. Il y a donc des
3 revendications à l'égard de ces territoires pour des raisons historiques,
4 même s'il y a beaucoup de municipalités dans ces régions où les Croates ne
5 sont pas majoritaires, mais où ce sont les Musulmans qui sont
6 majoritaires.
7 Par ailleurs, les dirigeants serbes, semble-t-il, avaient des
8 aspirations territoriales vis-à-vis de la partie orientale, la rive
9 orientale de la Neretva. Il a été signalé dans la presse que depuis le
10 début de la guerre, les dirigeants serbes considéraient que tout le
11 territoire à l'Est de la Neretva leur appartenait, était territoire serbe.
12 Je n'ai pas de document à l'appui. Il s'agit d'article paru dans la presse
13 et l'on a aussi dit que les présidents serbes et croates et que les
14 dirigeants locaux, tant Croates que Serbes, avaient conclu un accord pour
15 diviser la Bosnie entre eux. La municipalité de Konjic se trouvait au
16 milieu de cette zone convoitée d'un côté par les Croates, de l'autre côté
17 par les Serbes, ne laissant rien aux Musulmans.
18 Pour toutes ces raisons, et pour d'autres raisons sur lesquelles
19 je m'attarderai plus tard, la municipalité de Konjic revêtait donc une
20 importance stratégique extrême pour toutes les factions en guerre. J'ai
21 mentionné cette route extrêmement importante sur le plan stratégique qui
22 relie Sarajevo et la côte. C'était une route d'approvisionnement très
23 importante pour les troupes bosniaques. Il faut dire aussi que Sarajevo
24 était assiégée dès le début du conflit et que cette route a servi pour
25 atteindre Sarajevo depuis la Bosnie centrale et l'Herzégovine. C'était
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1 donc une route très importante dont il fallait s'assurer le contrôle. Il
2 en va de même pour la ligne de chemin de fer.
3 Cette région, en même temps, constitue un lien avec la côte.
4 C'était une route d'approvisionnement très importante pour les armes. J'ai
5 déjà dit qu'il y avait un embargo sur les armes à destination des pays de
6 l'ex-Yougoslavie. Mais bien entendu, cet embargo a été violé bien des fois
7 et les armes venaient en général de Croatie et étaient transportées par
8 cette route. C'était une autre raison pour laquelle cette route était très
9 importante, surtout lorsqu'on en est arrivé aux tentatives de briser
10 l'encerclement de Sarajevo et de libérer la capitale.
11 Konjic elle-même était un centre militaire important : 55 % de
12 l'industrie militaire bosniaque environ se trouvaient en République de
13 Bosnie et pour la plus grande partie dans la zone centrale de la Bosnie.
14 Le principal complexe militaire était basé à Sarajevo et avait des usines
15 dispersées dans le pays, dont une usine dans la ville de Konjic et une
16 autre au mont Igman.
17 Il y avait d'autres centres militaires dans d'autres parties de
18 la Bosnie, mais l'usine du mont Igman était l'une des principales usines
19 de production de munitions en Bosnie. Elle produisait des mines et
20 d'autres munitions dont des armes de 20 millimètres de calibre. Cette
21 usine était souterraine et couvrait une surface d'environ 20 000 m². Il
22 était donc essentiel de s'assurer le contrôle de l'industrie militaire,
23 c'était extrêmement important pour l'armée bosniaque qui était sous-
24 équipée.
25 J'ai tiré ces informations d'un article qui se trouve également
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1 dans le classeur, un article écrit par Milan Vego qui est spécialiste en
2 matière d'industrie militaire en Bosnie-Herzégovine. C'est un article qui
3 vient de la revue "Jane's Intelligence Review" et qui date de mai 1994
4 Il y avait d'autres sites d'importance militaire dans la région.
5 Il s'agit du document n° 45 dans le classeur. Konjic était une ville où
6 était concentrée une industrie militaire importante. Il y avait d'autres
7 sites qui intéressaient les parties au conflit, à savoir les entrepôts
8 d'armement, puisqu'en vertu de la défense populaire totale établie sous
9 Tito, les armes étaient stockées sur le plan local et devaient être
10 utilisées par la défense territoriale des Républiques en cas de guerre.
11 Les armes de la défense territoriale de Konjic et de la
12 municipalité de Prozor, ainsi que de Jablanica étaient stockées à Ljuta,
13 dans les casernes de Ljuta. C'étaient des bâtiments souterrains, de même
14 que l'usine du mont Igman. Cela ressort également des documents publiés
15 par Milan Vego.
16 D'autres installations militaires existaient dans la région, par
17 exemple les casernes de la JNA à Celebici.
18 La municipalité de Konjic se trouve dans la partie montagneuse
19 de la Bosnie-Herzégovine et dans l'ensemble, c'est une zone faible sur le
20 plan économique, à l'exception de la ville de Konjic qui a des réserves
21 importantes de minerais de fer et d'autres atouts importants.
22 Je veux simplement dire que la Yougoslavie connaissait une crise
23 économique très grave, qui s'est encore exacerbée en 1991 et 1992. Le
24 produit national brut de la Bosnie a chuté de 45 % en 1991 par rapport à
25 1990. Il a donc perdu près de la moitié de sa valeur. Le taux d'inflation
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1 en 1991 dépassait les 1 000 % et 30 % de la population étaient
2 enregistrés comme étant au chômage.
3 La crise économique était donc en train de s'approfondir, il y
4 avait de nombreuses personnes qui n'avaient pas suffisamment d'argent pour
5 survivre. Les conditions de vie se détérioraient rapidement. Le chômage
6 était en hausse constante, etc.
7 A Konjic, il y avait environ 10 000 personnes employées
8 essentiellement dans des usines, mais celles-ci n'avaient pas suffisamment
9 de contrats à honorer, de sorte que la crise économique était aussi très
10 tangible dans la municipalité de Konjic. Environ la moitié des personnes
11 actives dans la municipalité de Konjic étaient employées dans ces usines
12 qui ne fonctionnaient plus comme elles fonctionnaient avant. Et de plus en
13 plus de Bosniaques se sont trouvés en dessous du seuil de subsistance, ce
14 qui a exacerbé les tensions qui émergeaient à l'époque en République de
15 Bosnie-Herzégovine.
16 Que s'est-il passé sur le plan politique à Konjic ?
17 Le document n° 46 nous montre la composition de l'assemblée
18 municipale en 1990, après les élections.
19 C'est un diagramme assez similaire à celui des élections au
20 niveau de la République. Les gens ont voté en fonction de leur
21 appartenance ethnique, et nous constatons que sur 60 sièges, le SDA,
22 28 sièges sont revenus au SDA, 14 au HDZ et 9 au Serbes. Il y avait encore
23 9 sièges qui sont allés à trois partis : les Anciens communistes,
24 l'Alliance des forces de réforme et l'Union des jeunes socialistes.
25 Dans l'ensemble de la Bosnie et dans la municipalité de Konjic,
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1 les structures administratives ont commencé à se désintégrer en 1991.
2 C'est un processus qui est survenu aussi dans les organes
3 administratifs de la municipalité de Konjic, ainsi que dans la défense
4 territoriale.
5 La défense territoriale et d'autres forces armées sont devenues
6 partie intégrante de l'armée de Bosnie-Herzégovine, mais les personnes
7 d'origine serbe ne se sont pas jointes à ces forces. Elles ont refusé de
8 le faire, ainsi que de nombreux Croates de Bosnie, lesquels pour
9 l'essentiel ont rejoint les rangs du HVO.
10 A partir du 19 mars 1992, les autorités locales ont constitué
11 des cellules de crise. Elles s'attendaient déjà à ce qu'un conflit armée
12 éclate. Après le référendum du mois de mars, la situation était critique
13 et c'est un moment crucial dans l'histoire politique du pays.
14 Laissez-moi préciser ce qu'étaient les autorités locales à cette
15 époque-là. Les autorités locales comprenaient les membres de
16 l'administration locale au plus haut niveau. Cela veut dire le
17 représentant des partis politiques, mais aussi les chefs d'entreprise,
18 notamment de la défense, les hauts fonctionnaires de la police et parfois
19 des représentants de l'armée.
20 Ces cellules de crise, états-majors de crise, ont été constitués
21 pour contrôler toutes les sphères de la vie municipale, y compris
22 communication, police, finances, etc.. Et ces états-majors étaient prêts à
23 prendre le contrôle dès que les hostilités éclateraient.
24 Nous voyons ce phénomène se produire dans beaucoup de
25 municipalités en Bosnie. Il y avait des différences marquées pour ce qui
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1 est de la façon dont ces états-majors fonctionnaient, de leur composition,
2 mais dans beaucoup de municipalités, il s'est agi surtout de structures
3 clandestines qui étaient en train d'émerger.
4 M. Ostberg (interprétation). - Mais n'est-il pas exact que
5 chacun des trois partis avait ses propres états-majors de crise ?
6 Mme Calic (interprétation). - Oui, plus ou moins.
7 M. Ostberg (interprétation). - Donc dès qu'ils prenaient le
8 contrôle de la situation, un état-major de crise était prêt à prendre les
9 rennes ? Et les autres partis ne pouvaient plus utiliser leurs états-
10 majors de crise ?
11 Mme Calic (interprétation). - Oui, cela dépendait bien sûr du
12 groupe qui acquérait la majorité. C'était plus facile dans les régions où
13 un ou deux groupes avaient une majorité clairement établie. A Konjic déjà,
14 ils possédaient la majorité des sièges à l'assemblée. Donc il leur a été
15 plus facile d'imposer leur état-major de crise, notamment dans les
16 communes qui ont été prises à l'issue de combat. On voit bien là comment
17 ces états-majors de crise ont commencé à fonctionner.
18 M. Ostberg (interprétation). - Donc les membres de l'état-major
19 de crise de Konjic, par exemple, pouvaient très bien siéger dans le cadre
20 des institutions municipales existantes ?
21 Mme Calic (interprétation). - Oui, effectivement.
22 Je vais maintenant vous donner quelques détails complémentaires,
23 notamment sur l'aspect civil de ces préparatifs à la guerre qui ont
24 commencé au mois de mars et se sont intensifiés bien entendu au mois
25 d'avril, date à laquelle l'état de danger de guerre imminente a été
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1 décrété par la présidence bosniaque.
2 En mars 1992, les organes administratifs de Konjic avaient cessé
3 de fonctionner. Les Serbes s'étaient retirés du conseil exécutif et
4 également de l'assemblée municipale.
5 En avril 1992, cet état-major de crise dont nous venons de
6 parler est devenu ce qu'on a appelé le gouvernement local, sous le nom de
7 présidence de guerre. Cette institution dénommée présidence de guerre, à
8 l'époque, était l'autorité civile suprême, puisqu'il s'agissait d'une
9 institution qui avait déjà été théorisée dans le cadre de la défense
10 populaire totale. Donc nous pouvons dire qu'il s'agissait d'une espèce
11 d'héritage de l'époque de la Yougoslavie de Tito.
12 J'aimerais vous montrer comment cette défense populaire totale
13 fonctionnait en 1983 en Bosnie. C'est mon document n° 47 que je vais
14 placer à l'écran.
15 M. Jan (interprétation). - Une minute je vous prie. Après la
16 déclaration d'indépendance de la Bosnie, est-ce qu'immédiatement elle
17 s'est dotée d'une constitution ?
18 Mme Calic (interprétation). - Excusez-moi, non. Non, elle a
19 continué à utiliser l'ancienne constitution bosniaque de 1974, mais cette
20 constitution a été amendée à plusieurs reprises durant cette période.
21 M. Jan (interprétation). - (pas de micro).
22 Mme Calic (interprétation). - La réponse est oui, et la
23 présidence bosniaque n'a cessé d'ajouter de nouveaux articles à cette
24 constitution. Il y a eu une période, en 1992, où nous pouvons parler de la
25 situation comme étant très chaotique sur le plan juridique, mais également
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1 compte tenu de la façon dont ces lois et ces articles de la constitution
2 étaient appliqués.
3 La plus grande confusion régnait quant aux lois qui étaient
4 censées être toujours applicables et aux lois qui étaient censées ne plus
5 être applicables. Cela a créé pas mal de confusion, également dans
6 l'esprit des gens qui étaient censés analyser la situation en cours,
7 pendant cette période, sur le plan juridique.
8 Donc je pense qu'il convient que nous prenions en compte aussi
9 bien l'ancienne constitution yougoslave que l'ancienne législation
10 yougoslave, et nous devons également prendre en compte les éléments
11 nouveaux sur le plan juridique et législatif.
12 Je vais maintenant essayer de vous montrer de quelle façon la
13 présidence de guerre était considérée dans l'ancienne situation en cas de
14 danger imminent de guerre. Je fais référence ici à la loi concernant la
15 défense populaire totale dans la République de Bosnie-Herzégovine qui a
16 été publiée dans le journal officiel de la République de Bosnie en 1983.
17 Il s'agit de mon document n° 47 dans le classeur.
18 Nous voyons ici, à l'article 66, que la présidence de
19 l'assemblée municipale -il s'agit de la présidence de guerre- est créée en
20 temps de guerre ou en cas de menace de guerre immédiate. Cette présidence
21 de guerre, comme nous le constatons à la lecture du même article, dirige
22 la résistance populaire totale sur le territoire de la municipalité. Elle
23 prend des décisions au sujet des questions qui tombent dans le domaine de
24 compétence de l'assemblée municipale, au cas où l'assemblée n'aurait plus
25 la possibilité de se réunir.
Page 661
1 Et ce fut le cas dans de nombreuses municipalités de Bosnie-
2 Herzégovine, notamment dans les régions ethniquement mixtes, où une
3 présidence de guerre a été créée. L'assemblée ne pouvait plus se réunir à
4 Konjic. Une présidence de guerre a été effectivement mise en place.
5 Qui était censé faire partie de cet organisme ?
6 L'article 67 de ce même document nous dit que la présidence de
7 l'assemblée municipale se compose de la présidence et d'un certain nombre
8 de membres.
9 M. Ostberg (interprétation). - Un certain nombre de membres...
10 Cela semble assez imprécis.
11 Mme Calic (interprétation). - Oui, cela semble assez imprécis,
12 mais je vous fournirai des explications complémentaires dans un moment,
13 qui vous montreront que cela peut être qualifié de souple, mais peut-être
14 pas d'imprécis, en tout cas pas aussi imprécis que nous pouvons le penser.
15 Nous le voyons à la lecture du même article qui stipule que le
16 Président de l'assemblée municipale, le président des conseils, le
17 président du comité de la ligue des communistes -laquelle était à cette
18 époque le seul parti existant et le principal parti- sont concernés.
19 Ensuite, les représentants des syndicats sont cités, les anciens
20 combattants également. Et puis il y a encore d'autres membres de la
21 présidence. Ce qui est intéressant à la lecture de cet article, c'est que
22 nous voyons que le commandant de la défense territoriale locale fait
23 également partie de la présidence.
24 Donc dans le cadre de cette ancienne législation yougoslave, la
25 présidence, qui était considérée comme un organe civil, se composait de
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1 l'ensemble des personnalités importantes au niveau local, à commencer par
2 les dirigeants administratifs et notamment les représentants des usines,
3 de l'organe de distribution de l'eau, etc., mais comportait également un
4 certain nombre de représentants de l'armée.
5 M. Ostberg (interprétation). - La dernière phrase de cet
6 article stipule que les autres membres de la présidence sont nommés par
7 l'assemblée municipale.
8 Mme Calic (interprétation). - Exactement.
9 M. Ostberg (interprétation). - Il était donc possible de nommer
10 un certain nombre de membres en fonction des conditions en vigueur
11 localement ?
12 Mme Calic (interprétation) - Oui.
13 M. Ostberg (interprétation). - Est-ce que cette assemblée
14 municipale fonctionnait ?
15 Mme Calic (interprétation). - Vous voulez dire à Konjic ?
16 M. Ostberg (interprétation). - Oui, à Konjic, au printemps 1992.
17 L'assemblée ne fonctionnait pas ?
18 Mme Calic (interprétation). - Non, elle ne fonctionnait pas.
19 Donc telles étaient les dispositions de la loi ancienne. Mais le
20 gouvernement bosniaque, en mai 1992, a adopté une nouvelle loi de défense
21 qui comportait également un article traitant de la présidence de guerre.
22 Cet article était un peu différent de ce que stipulait la loi yougoslave
23 ancienne, ce qui est normal. Compte tenu du fait que les conditions
24 étaient devenues totalement différentes, les besoins étaient différents et
25 la composition de cette présidence de guerre devait être modifiée.
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1 C'est pourquoi je vais maintenant vous présenter la nouvelle loi
2 de défense adoptée au mois de mai, en particulier les articles 40.
3 M. Ostberg (interprétation). - Nous sommes à quel document ?
4 Mme Calic (interprétation). - Le document 48. L'article 40 de
5 cette nouvelle loi nous donne la composition de la présidence de
6 l'assemblée municipale.
7 La présidence se compose du président de l'assemblée municipale,
8 de représentants du ministère de la défense, du chef de la police et du
9 commandant de la défense civile, des présidents des différentes factions
10 représentant les partis politiques, ainsi que du conseil exécutif de la
11 municipalité.
12 Je crois que les choses seront plus claires au vu du schéma qui
13 vous est fourni au document 49. Vous y trouvez la composition de la
14 présidence de guerre, conformément à la loi de défense votée en Bosnie en
15 mai 1992.
16 Est-ce qu'on peut réduire un peu l'image ? Très bien.
17 Ce qui est intéressant, c'est qu'en vertu de cette nouvelle loi,
18 le représentant de la défense territoriale, autrement dit le représentant
19 des forces armées, ne siégeait plus, n'était plus membre de cette
20 présidence de guerre.
21 Sur le papier, théoriquement, cet organisme est devenu purement
22 civil. Il était doté du président qui est l'autorité suprême au niveau
23 municipal, d'un représentant de la défense civile, du président de ce
24 qu'on appelait le conseil exécutif qui était le gouvernement local, du
25 chef de la police, ou plutôt du service de sécurité publique, et de
Page 664
1 représentants du ministère de la défense venant de Sarajevo, ainsi que des
2 représentants des différents partis politiques dans la municipalité
3 concernée.
4 M. Ostberg (interprétation). - Je voudrais simplement vous poser
5 une question, avant que nous passions à autre chose. La loi du 20 mai 1992
6 est immédiatement entrée en vigueur ?
7 Mme Calic (interprétation). - Elle est entrée en vigueur
8 immédiatement, mais elle n'a pas été appliquée dans la plupart des
9 municipalités. Elle n'a pas été appliquée à Konjic jusqu'au mois de
10 septembre 1992.
11 Je ne suis donc pas en mesure de vous dire de façon certaine
12 quels étaient les membres de cet organe civil suprême. Je suppose que la
13 composition en était extrêmement souple. Je ne suis pas non plus en mesure
14 de confirmer que la composition de cet organe était conforme aux
15 dispositions de la loi ancienne, ni même aux dispositions de la nouvelle
16 loi.
17 La seule chose que je puis dire, c'est que cette nouvelle loi a
18 été mise en application à partir de septembre 1992, ce qui signifie qu'il
19 y a eu une période de vide juridique, avec peut-être une rotation dans les
20 personnes qui siégeaient à cette présidence de guerre.
21 Alors quelles étaient les fonctions de la présidence de guerre ?
22 Elle consistait à organiser la logistique de défense, conformément à la
23 doctrine de la défense populaire totale. Bien sûr, la présidence de guerre
24 avait à prendre des décisions sur un certain nombre de questions liées à
25 la guerre, par exemple l'approvisionnement en armes, le recrutement des
Page 665
1 soldats, et toutes sortes d'autres tâches liées aux activités de guerre.
2 Donc il s'agissait d'un organisme civil qui devait se conformer aux lois
3 conformes à la constitution bosniaque et conformes à la loi de la défense
4 votée le 20 mai 1992.
5 Maintenant, nous allons voir ce qui se passait sur le plan
6 militaire. A ce stade, je tiens à mentionner une chose, à savoir que dans
7 le cadre de la nouvelle loi de défense, la défense territoriale n'était
8 pas censée faire partie de cette présidence de guerre. Mais nous voyons
9 que le chef des services de sécurité publique, le chef de la police en
10 fait partie, et en vertu de cette même loi de la défense, en temps de
11 guerre, la police était donc censée intégrer les forces armées.
12 Donc ce chef de la sécurité, ce chef de la police était, peut-on
13 dire, une espèce de lien institutionnel entre la partie civile et la
14 partie militaire de cette organisation. Mais encore une fois, je répète
15 que je ne sais pas exactement quels étaient les membres de la présidence
16 de guerre à ce moment-là, les noms de ces personnes.
17 Cela étant, il convient de garder présent à l'esprit que le
18 gouvernement bosniaque essayait à cette époque de mettre en place la
19 nouvelle armée bosniaque. Il essayait de l'organiser sur l'ensemble du
20 territoire de la Bosnie, ce qui, de bien des façons, s'est avéré
21 pratiquement impossible. Les forces armées englobaient la police et les
22 autres forces de sécurité, comme je viens de le dire.
23 Quelle était la situation en avril et en mai 1992 ? La situation
24 était bien entendu difficile pour le gouvernement bosniaque. Sarajevo
25 subissait le siège des troupes serbes. Les communications ne
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1 fonctionnaient plus avec la majeure partie du territoire bosniaque, et les
2 forces armées locales, à savoir l'ancienne défense territoriale qui devait
3 intégrer l'armée bosniaque, fonctionnaient sous le commandement
4 d'officiers recrutés localement.
5 Je vais maintenant vous montrer un autre schéma, le document 51
6 de mon classeur, qui vous montre la structure de la défense territoriale
7 de l'armée de la République de Bosnie-Herzégovine au printemps 1992, sur
8 le plan de son organisation. Cela vous montre la façon dont les choses
9 auraient dû fonctionner théoriquement, mais bien entendu elles n'ont pas
10 fonctionné ainsi dans la pratique.
11 Conformément à la loi portant sur la défense populaire totale,
12 et conformément à la nouvelle loi de défense, il existait trois niveaux
13 dans l'organisation de l'armée bosniaque. Il y avait bien entendu le
14 niveau d'organisation afférent à la République, avec l'état-major
15 stationné à Sarajevo, il y avait le niveau du district et le niveau
16 municipal. Donc nous avions trois niveaux d'organisation.
17 A cette époque, l'état-major, cantonné à Sarajevo, fonctionnait,
18 bien entendu, mais il a été impossible de créer des états-majors dans
19 toutes les villes où il était question d'en établir. Notamment à Mostar,
20 il a été impossible d'établir un état-major pour un certain nombre de
21 raisons locales, car il y avait des problèmes au niveau local dans cette
22 municipalité, les Croates et les Musulmans n'ayant pas réussi à s'entendre
23 sur la création de cet état-major.
24 Il ne faut donc pas perdre de vue qu'à ce niveau, l'état-major à
25 Mostar ne fonctionnait pas.
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1 Théoriquement, il existait des commandants, mais en pratique,
2 cet état-major ne fonctionnait pas et l'état-major créé à Konjic au même
3 moment fonctionnait plus ou moins de façon autonome, et on peut se
4 demander s'il existait une relation directe entre l'état-major de Konjic
5 et l'état-major central de Sarajevo. C'était peut-être le cas, mais
6 j'imagine également qu'un grand nombre de décisions ont été prises de
7 façon tout à fait autonome au niveau de Konjic.
8 Donc ce que j'essayais de démontrer, c'est que dans cette
9 première période, à savoir au cours des premiers mois après que les
10 hostilités aient éclaté en Bosnie, la chaîne de commandement normale -à
11 savoir commandement suprême, état-major au niveau du district et état-
12 major au niveau des municipalités, puis unités placées sous le
13 commandement municipal- a été interrompue, coupée au niveau du district et
14 y compris à ce niveau-ci puisque, comme je viens de le dire et je vous le
15 rappelle, la capitale faisait l'objet d'un siège, donc les communications
16 se faisaient très mal entre le niveau de Sarajevo et les niveaux
17 inférieurs.
18 A partir du mois d'avril 1992, la défense territoriale de
19 Konjic, qui devait ensuite intégrer l'armée bosniaque, a constitué un
20 commandement conjoint avec le HVO. Les Croates, en effet, avaient créé
21 leur propre état-major dans la municipalité de Konjic.
22 Les forces croates et les forces de la défense territoriale se
23 sont donc réunies dans un état-major conjoint, le commandant de la défense
24 territoriale étant le commandant de cet état-major conjoint et le
25 commandant du HVO étant le commandant-adjoint de cette force conjointe.
Page 668
1 Mais cette structure n'a pas réellement fonctionné en tant que structure
2 conjointe puisque des décisions distinctes ont souvent été prises par
3 chacune de ces formations et cela a bien sûr eu des conséquences au niveau
4 militaire, avec participation de la police.
5 Je voudrais maintenant vous montrer un document très important
6 qui émane de l'armée yougoslave avant la guerre. Il s'agit d'un document
7 qui porte sur la stratégie mise en oeuvre par la défense populaire totale.
8 M. Ostberg (interprétation). - Quel est le numéro du document ?
9 Le numéro 52 ?
10 Mme Calic (interprétation). - Oui, numéro 52. Ce document vous
11 explique la façon dont la direction était censée fonctionner en temps de
12 guerre et nous montre qu'en réalité ce système était extrêmement souple.
13 La direction était, en fait, organisée de telle façon qu'en cas
14 de guerre ou en cas d'urgence, il fallait des changements mineurs au
15 niveau de la structure de cet organisme, les seules modifications
16 intervenant au niveau de la compétence et des zones d'activité, et ce
17 uniquement dans des circonstances exceptionnelles, dans le but de trouver
18 des solutions même en l'absence d'ordres reçus des autorités supérieures.
19 Ce document qui porte sur la défense populaire est un document
20 secret et détermine donc la stratégie de la défense totale en 1987. Il
21 établit que les commandants locaux ont, en fait, un niveau de compétence
22 et un niveau d'indépendance assez importants au cas où ils sont dans
23 l'incapacité de recevoir des ordres des structures supérieures.
24 Le document poursuit en stipulant que la direction de la défense
25 populaire totale en temps de paix et en temps de guerre est structurée,
Page 669
1 sur le plan de son organisation et de ses fonctions, de telle sorte que
2 les dirigeants peuvent prendre l'initiative de mener un certain nombre
3 d'activités de défense.
4 Fonctionnant sous la direction des autorités supérieures dans le
5 cas d'un fonctionnement normal, ce commandement a un rôle de direction et
6 -là, nous en arrivons à l'élément important du document-, puisque les
7 activités de la défense populaire totale sont réparties sur l'ensemble de
8 la société, la direction de ces activités ne fonctionne pas seulement
9 selon le principe de la subordination, mais également selon le principe de
10 la coopération et de la collaboration.
11 Dans ce cadre, tous les sous-systèmes, tous les éléments, toutes
12 les composantes qui se trouvent au niveau inférieur de la hiérarchie sont
13 tenus de chercher la possibilité de prouver leur propre contribution à
14 l'efficacité du système dans son ensemble. Donc ce document confère des
15 responsabilités importantes aux commandants locaux, à savoir qu'un grand
16 nombre de commandants locaux, un grand nombre des personnalités au niveau
17 local sont donc considérés comme devant contribuer activement au
18 fonctionnement de ce système de défense populaire totale.
19 M. Ostberg (interprétation). - Cela me semble vraiment un mandat
20 très ouvert.
21 Mme Calic (interprétation). - Oui, cela ressemble beaucoup à un
22 mandat très ouvert et, au dernier paragraphe de ce document, nous avons un
23 récapitulatif de tout cela.
24 La direction est décentralisée de façon à permettre l'unité
25 requise. Ce système décentralisé de direction crée une répartition des
Page 670
1 responsabilités, mais ni les responsabilités des différentes composantes
2 par rapport à leurs activités propres ni la responsabilité de l'activité
3 de l'ensemble du système n'en sont diminuées ou remises en cause.
4 Il s'agit donc d'un document particulièrement intéressant, qui
5 émane de l'ancienne Yougoslavie et qui détermine la stratégie de cette
6 défense populaire totale de la République socialiste fédérative
7 yougoslave. Je crois que c'est un document qui permet d'expliquer un grand
8 nombre des événements survenus en Bosnie.
9 C'est un document très souple, très ouvert, qui stipule dans de
10 nombreux cas que les rapports personnels, les contacts informels fondés
11 sur l'amitié sont autorisés, et sont même très souvent plus importants que
12 le fait de détenir un poste officiel ou un rang déterminé dans la chaîne
13 de commandement officielle.
14 Dans de nombreuses parties de la Bosnie et également dans de
15 nombreuses parties de l'ex-Yougoslavie, de nouvelles élites ont ainsi vu
16 le jour dans une situation marquée par des changements politiques,
17 économiques et sociaux tout à fait majeurs. Des personnes détenant une
18 certaine influence, ayant une certaine crédibilité et bien entendu une
19 certaine puissance économique étaient donc autorisées à prendre des
20 responsabilités dans le cadre des organes civils, mais également dans le
21 cadre de la hiérarchie militaire. Ces personnalités étaient souvent
22 nommées ponctuellement, en fonction de leurs capacités, et ce système est
23 réglementé par un décret ayant force de loi qui autorise les civils à être
24 nommés à des postes officiels y compris dans les structures militaires.
25 Cette déclaration est appuyée par le contenu du document 53 qui
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1 est un décret relatif au fonctionnement de l'armée de la République de
2 Bosnie-Herzégovine et qui date de 1992. Nous y voyons donc tous ces
3 éléments réglementés, notamment le fait que, en cas de besoin, des non-
4 militaires pouvaient accomplir des actes militaires dans le cadre de ce
5 système.
6 M. Ostberg (interprétation). - Vous venez de parler de personnes
7 détenant une certaine influence, ayant de l'argent ou une forte
8 personnalité. Est-ce que ce que vous venez de dire est une observation que
9 vous avez pu faire non seulement à Konjic mais également dans d'autres
10 municipalités ?
11 Mme Calic (interprétation). - Oui, dans de nombreuses
12 municipalités, dans de nombreuses régions de la Bosnie mais également de
13 Croatie et de Serbie. On trouve dans ces régions des dirigeants
14 d'organismes paramilitaires, par exemple, qui fournissent un exemple tout
15 à fait intéressant de ce que je viens de dire, mais mes propos peuvent
16 s'appliquer également à des personnalités éminentes, comme par exemple
17 Fikret Abdic qui faisait partie de la présidence de l'Etat mais qui, en
18 outre, avait une position économique très puissante dans la région de
19 Bihac. Fikret Abdic est souvent décrit comme une personne qui détenait un
20 très grand pouvoir, qui avait une très grande influence dans cette région
21 notamment en raison de ses actions économiques et de ses capacités
22 personnelles. Nous trouvons des exemples semblables dans de nombreuses
23 régions.
24 M. Ostberg (interprétation). - Et vous dites que cela s'applique
25 aux trois parties ?
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1 Mme Calic (interprétation). -Oui, aux trois parties en présence,
2 effectivement.
3 Mais tout cela signifie également que, dans la réalité, la
4 composition et la compétence de nombreuses institutions tant civiles que
5 militaire étaient assez peu clairement déterminées. Nous le constatons
6 notamment en tant qu'observateur extérieur. Cela nous apparaissait très
7 souvent manquer de clarté et il existait de grandes différences d'une
8 municipalité à l'autre.
9 Donc, pour résumer, la législation existante ne permettait pas
10 toujours de comprendre clairement quelles étaient les fonctions assumées
11 par telle ou telle personne, par tel ou tel individu au niveau local,
12 notamment dans la période de 1992, et il importe de ne jamais perdre de
13 vue que les conditions dans lesquelles le système de défense avait été
14 établi n'existaient plus, que ces conditions ont subi des transformations
15 tout à fait spectaculaires, notamment dans les premiers mois de la période
16 que je viens d'évoquer où il y a eu des divisions ethniques à tous les
17 niveaux, et que l'idée d'un système de défense unifié devenait en
18 contradiction totale avec la réalité.
19 Ce qui s'est passé dans les premiers mois de 1992, je ne suis
20 pas un témoin factuel et je ne peux donc pas témoigner à propos des
21 événements militaires qui se sont produits, mais apparemment entre avril
22 et mai 1992, il y a eu des conflits entre les organisations de la défense
23 territoriale, d'une part, de concert avec le HVO croate et, d'autre
24 part... Non ! Il y avait aussi de ce côté des forces croates et bosniaques
25 et, de l'autre côté, il y avait les forces de la JNA. Les forces
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1 paramilitaires.
2 La JNA avait, avant ces conflits, mobilisé des Serbes
3 volontaires auxquels elle avait distribué des armes. C'est le document
4 n° 54 qui explique cette situation. C'est un document de la JNA qui vient
5 de Belgrade et qui est daté de mars 1992. Ceci atteste de ce que je viens
6 de dire, à savoir que la JNA mobilisait des Serbes et leur distribuait des
7 armes.
8 Il ne faut pas perdre de vue que la JNA n'avait pas d'intérêts
9 particuliers dans cette partie de Konjic. Elle s'intéressait davantage à
10 d'autres parties de la Bosnie, au Nord et à l'Est, mais pas tant dans
11 cette partie centrale. Nous le constatons aussi à la lecture de ce même
12 document. Vous voyez, à la lecture de ce document, qu'à Konjic, la JNA
13 s'apprêtait à se retirer et à reprendre toutes les armes qu'elle avait
14 entreposées dans diverses parties de la Bosnie où les Serbes étaient
15 majoritaires ou dans les régions qui étaient contrôlées par les Serbes,
16 mais elle n'y a apparemment pas réussi.
17 Je pourrais conclure en disant que pendant le mois d'avril 1992
18 et en mai 1992, les forces croates et musulmanes ont réussi à s'emparer de
19 la plupart des points importants des municipalités. Nous disposons du
20 rapport de la commission d'experts des Nations Unies qui a été créée par
21 la Résolution 780 du Conseil de sécurité, document fondamental par rapport
22 à ce qui s'est passé en Yougoslavie, rapport dont deux annexes
23 (l'annexe 3 a et l'annexe 8 qui figurent également sous les numéros 33
24 et 55) expliquent certains des événements militaires qui se sont déroulés
25 à cette période. Nous avons donc le témoignage d'un organe indépendant sur
Page 674
1 ces événements.
2 Si je devais caractériser ce qui s'est passé pendant ces
3 premiers mois, en avril, en mai 1992 et peut-être pendant une partie de
4 juin, je dirai qu'il y avait un vide sur le plan du pouvoir à l'échelon
5 républicain. Il y avait aussi un vide de pouvoir au sein des autorités
6 locales des municipalités, des autorités civiles ainsi que des autorités
7 militaires. Il y avait aussi une certaine continuité sur le plan du
8 pouvoir qui datait d'avant la guerre. Par exemple, il y avait cette
9 institution de la présidence de guerre qui avait été créée auparavant,
10 mais qui existait toujours sous la forme d'institution.
11 Néanmoins, ce système a fait preuve d'une grande souplesse, il
12 s'est adapté au changement des circonstances et il a permis d'intégrer de
13 nouveaux éléments et de nouvelles personnalités, quoi qu'il en soit, qui
14 se sont avérés nécessaires. Ceci cadrait tout à fait avec l'idéal et la
15 doctrine de la défense populaire totale de la Yougoslavie.
16 A partir du début de l'été, la municipalité de Konjic a cessé
17 d'être le point visé par l'armée bosniaque. La présidence bosniaque
18 comptait lever le siège serbe de Sarajevo, ce qui demandait un fort appui
19 d'un grand nombre d'autres régions et qui nécessitait aussi l'appui de
20 Konjic. Comme je l'ai déjà dit, Konjic était déjà presque complètement
21 sous le contrôle des Musulmans et des autorités croates. Donc il y a eu
22 une certaine contribution de la part d'autres régions aux activités
23 militaires et à l'approvisionnement nécessaire à ce déploiement.
24 L'Armée de Bosnie, à ce moment-là, a créé un groupe tactique
25 pour lever le siège de Sarajevo. Une fois de plus, je ne suis pas témoin
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1 factuel, je ne peux pas vous dire qui était membre, qui était le
2 commandant de ce groupe technique et comment ce dernier était composé. Je
3 peux seulement vous donner les grandes lignes de cet élément. Je vais
4 recourir pour ceci à un document fondamental. Je vais prendre le
5 numéro 36, qui a été publié à Belgrade en 1981. Nous allons maintenant
6 passer au paragraphe concernant le groupe tactique.
7 M. Ostberg (interprétation). -- Numéro 36 ?
8 Mme Calic (interprétation). - Numéro 36. Le groupe tactique.
9 Cette unité visait à mener des activités de combat dans une direction
10 tactique indépendante lorsqu'un certain combat ne pouvait s'effectuer dans
11 la zone ou dans la direction des activités à l'aide d'une unité de
12 formation. Donc il est composé de manière très particulière. C'est une
13 structure indépendante qui peut recevoir l'appui d'autres éléments. Donc
14 ce groupe avait une tâche particulière à accomplir.
15 Il est formé de membres d'unités tactiques conjointes. Il joue
16 un rôle indépendant ou s'inscrit dans le cadre d'une structure de combat
17 de cette unité. On lui attribue un commandement séparé, ou bien il est
18 commandé par le commandement qui a été créé à cette fin.
19 La force et la composition de cette unité qui a été formée
20 dépend de la force et de la composition de l'unité formée, de la tâche,
21 ainsi que des caractéristiques du terrain sur lequel elle se trouve, de la
22 dimension de la zone et de la force et de la composition de l'ennemi.
23 Ce groupe tactique numéro 1 a été créé aux fins de mener des
24 actions militaires permettant de lever le siège de Sarajevo.
25 Ce ne fut pas une réussite à ce moment-là, mais une fois de
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1 plus, je ne suis pas un témoin factuel.
2 M. Ostberg (interprétation). - Avez-vous également étudié de
3 quelle manière les groupes tactique fonctionnaient dans d'autres parties
4 de la Bosnie ?
5 Mme Calic (interprétation). - Je ne suis pas un expert sur le
6 plan militaire. Je sais qu'il y avait d'autres groupes tactiques, je sais
7 qu'il y en avait en particulier dans l'Est de la Bosnie à cette période,
8 mais je ne peux pas déposer de témoignage ni me constituer comme expert
9 quant aux tâches que ces groupes accomplissaient.
10 M. Ostberg (interprétation). - Merci beaucoup.
11 Mme Calic (interprétation). - Donc cette période qui va d'avril
12 à juin a peut-être marqué une nouvelle phase dans le conflit.
13 M. le Président (interprétation). - Je crois qu'il serait temps
14 de marquer la pause du déjeuner. La Chambre de première instance va se
15 lever, elle reprendra ses travaux à 14 h 30.
16 L'audience, suspendue à 12 heures 55, est reprise à 14 heures 30.
17
18 M. le Président (interprétation) - Le témoin est toujours sous
19 serment. Peut-on le lui rappeler ?
20 M. Ostberg (interprétation). - Madame Calic, voulez-vous
21 terminer votre exposé pour nous ?
22 Mme Calic (interprétation). - Merci. Je voudrais rapidement
23 résumer ce que je disais avant l'interruption, à propos des structures
24 politiques et militaires à Konjic en avril et mai 1992. J'ai préparé un
25 diagramme. Il s'agit du document n° 50. Peut-on le faire apparaître à
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1 l'écran ? Peut-on réduire l'image ? Il faudrait réduire l'image.
2 M. Ostberg (interprétation). - Voulez-vous réduire l'image si
3 possible ? Très bien.
4 Mme Calic (interprétation). - C'est moi qui ai établi ce schéma.
5 Il montre comment la défense était planifiée dans la municipalité de
6 Konjic à la date de mai 1992. J'ai déjà dit que la présidence pour la
7 guerre était l'organe suprême dans ce genre de circonstances dans la
8 municipalité.
9 J'ai aussi mentionné du côté militaire les deux principaux
10 acteurs militaires, à savoir le HVO, les forces armées croates, et l'armée
11 bosniaque proprement dite. Les deux étaient apparentées, avaient un
12 commandement conjoint, étaient censées agir ensemble. Nous ne sommes pas
13 tout à fait sûrs de la question de savoir si les membres des deux
14 structures ont participé à la présidence et s'il y avait des membres des
15 deux partis au sein de cette présidence.
16 En vertu de la loi en vigueur anciennement en Bosnie, il aurait
17 dû y avoir des représentants du HVO qui participent à la présidence. Ce
18 n'était plus vrai au titre de la nouvelle loi, mais nous pouvons supposer
19 qu'il y avait des contacts fréquents, des réunions fréquentes, voire des
20 décisions prises en commun, car, évidemment, les actions de ces militaires
21 étaient liées et la défense n'aurait pu fonctionner autrement.
22 Il y avait donc un coordinateur à cette fin qui essayait de
23 coordonner l'aspect civil et l'aspect militaire. Encore une fois, je ne
24 sais pas exactement en quoi consistait ces fonctions, mais il y avait
25 certainement un besoin de coordonner les différentes activités à ce stade.
Page 678
1 Les rapports entre l'armée bosniaque et l'armée Croate, le HVO
2 plutôt, ont été un peu perturbés par des différends.
3 J'ai dit ce matin déjà que les croates essayaient d'établir leur
4 propre communauté, l'Herzeg-Bosnie, en tant qu'entité politique, mais
5 aussi dotée de sa propre armée, le HVO, et qu'il y avait donc des
6 différends sur ce point.
7 Ceux-ci se sont fait jour en 1992 et ont provoqué la scission de
8 ce commandement conjoint et l'apparition de deux structures différentes à
9 la date de juillet 1992.
10 C'est à ce moment-là que des structures de pouvoir parallèle se
11 sont mises en place du côté croate et du côté musulman dans une
12 municipalité. Encore une fois, officiellement ils étaient alliés et
13 continuaient d'agir conjointement, comme dans d'autres régions de la
14 Bosnie-Herzégovine.
15 En été 1992, le gouvernement bosniaque a réussi à établir des
16 structures étatiques et à simplifier les structures militaires, ce qui a
17 amené l'établissement d'une nouvelle organisation de l'administration au
18 niveau de la République et la création aussi de l'armée bosniaque.
19 M. Ostberg (interprétation). - Madame Calic, pendant que ce
20 schéma est à l'écran, voulez-vous préciser une chose ? Il y avait un
21 coordinateur à Konjic, on le sait. Est-ce que vous pouvez nous dire si
22 c'était là chose courante dans d'autres municipalités avec ce genre de
23 structure ?
24 Mme Calic (interprétation). - Sur la base des documents que j'ai
25 montrés avant la pause déjeuner, je peux dire que la coordination était
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1 nécessaire dans de nombreux cas, et que la défense populaire totale était
2 conçue de façon à ce qu'il y ait cette coordination. Qu'il y ait un ou
3 plusieurs coordonnateurs dépendait bien évidemment des autorités ou des
4 acteurs sur le terrain, et dépendait aussi des circonstances concrètes.
5 M. Ostberg (interprétation). - Mais vous l'avez constaté aussi
6 dans d'autres municipalités ou structures ?
7 Mme Calic (interprétation). - Je n'ai pas vu exactement le même
8 genre de coordinateur.
9 M. Ostberg (interprétation). - Merci.
10 Mme Calic (interprétation). - En août 1987, cette région
11 administrative avait été ainsi créée en Bosnie-Herzégovine par le
12 gouvernement bosniaque. Konjic faisait partie du district régional de
13 Mostar.
14 Pour vous rappeler où Mostar se trouve, il s'agit de la capitale
15 de Herzégovine. Konjic faisait donc partie du district de Mostar.
16 Sur ce point, il y a le document 56, décret relatif à
17 l'établissement et au fonctionnement des districts. Ces districts étaient
18 autorisés à préparer les citoyens en vue de la défense, en vue de la lutte
19 armée sur leur territoire.
20 Ceci suppose aussi que beaucoup de fonctions remplies auparavant
21 par les présidences des municipalités soient transférées à ces centres
22 régionaux. La nouvelle structure composée de districts était donc
23 susceptible de réduire le pouvoir des autorités municipales.
24 Encore une fois, nous ne savons pas si cette loi a été mise en
25 oeuvre. Elle a été publiée au mois d'août, mais nous ne savons pas s'il a
Page 680
1 été possible de la mettre en oeuvre efficacement. Je n'en ai pas
2 connaissance.
3 Pour ce qui est de l'aspect militaire et de la réorganisation de
4 l'armée, j'ai un autre schéma, le document 57, qui montre la composition
5 de l'armée bosniaque à la fin de 1992. Ce schéma a été établi par des
6 sources onusiennes. Cinq corps ont été créés. Ils apparaissent sur le
7 schéma.
8 Les forces militaires de Konjic appartenaient au quatrième
9 corps, basé à Mostar. Je vous ai déjà montré aujourd'hui comment le
10 gouvernement bosniaque essayait d'établir ce quartier-général à Mostar,
11 mais qu'il n'a pas fonctionné au début. Plus tard, en 1992, ce quartier-
12 général a bel et bien été établi et c'est là qu'était basé le quatrième
13 corps, à Mostar.
14 Ce quatrième corps commandait toutes les forces de Mostar,
15 Jablanica et d'autres régions, notamment Prozor, y compris aussi des
16 groupes tactiques déjà mentionnés, groupe un, qui étaient à ce stade
17 dissous.
18 Que s'est-il passé ensuite, à la fin de 1992 ? Les rapports
19 entre les Croates et les Musulmans, ou entre le HVO et l'armée bosniaque
20 se sont détériorés. Des conflits ont surgi entre le HVO et l'armée
21 bosniaque, et dès l'automne 1992, dans certains endroits en Bosnie
22 centrale, y compris à Konjic, conflits qui se sont intensifiés en 1993,
23 pour finalement aboutir à une deuxième guerre, ce que l'on a appelé la
24 deuxième guerre entre les forces armées croates et musulmanes, entre le
25 HVO et l'armée bosniaque en 1994.
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1 Pour terminer, je voudrais vous montrer à quoi ressemble la
2 composition ethnique de Konjic. Septembre 1996 est la date de référence.
3 Ces chiffres sont tirés de sources du HCR pour la région, document qui est
4 aussi inclus dans le classeur. Il s'agit du document 58.
5 La municipalité de Konjic aujourd'hui appartient à la fédération
6 de Bosnie-Herzégovine, en vertu de l'accord de Dayton, puisqu'il y a deux
7 parties en Bosnie-Herzégovine : la Republika Srpska d'une part, la
8 fédération croato-musulmane d'autre part. Konjic appartient à la
9 fédération.
10 En septembre 1996, la composition de Konjic était la suivante :
11 88 % de Musulmans, 4 % de Croates, 2 % de Serbes et 6 % autres.
12 Plus de 18 000 personnes ont quitté la municipalité pendant la
13 guerre, mais d'autres, des réfugiés, sont arrivés, et des personne
14 déplacées aussi. Cela a donc changé la structure ethnique de la
15 municipalité. Très peu de personnes ont pu revenir. Il n'y a que 270
16 Musulmans qui sont revenus et 40 Serbes.
17 M. Ostberg (interprétation). - Combien ?
18 Mme Calic (interprétation). - Quatorze Serbes sont revenus à la
19 date de septembre 1996.
20 Voilà. Je voudrais ainsi terminer mon exposé, terminer sur ce
21 schéma qui montre comment la composition ethnique de la municipalité a
22 évolué.
23 M. Ostberg (interprétation). - Merci, madame Calic, pour cet
24 exposé très complet et très précis.
25 Je n'ai pas de question à vous poser et j'en termine ainsi avec
Page 682
1 l'interrogatoire de Mme Calic.
2 M. Jan (interprétation). - Excusez-moi, je voudrais vous poser
3 une question. Je ne sais pas si elle est pertinente. Vous parlez de
4 composition ethnique. Il y a des Musulmans bosniaques, des Serbes
5 bosniaques. Est-ce qu'ils ont des origines différentes ou simplement leur
6 religion est-elle différente ?
7 Mme Calic (interprétation). - Ils viennent de la même souche
8 ethnique. Ce sont des slaves. Historiquement, ils appartiennent à des
9 religions différentes. Les Serbes sont orthodoxes, les Musulmans sont de
10 confession islamique et les Croates sont essentiellement des catholiques.
11 Mais aux XVIIIème et au XIXème siècle, ces communautés religieuses se sont
12 transformées, sont devenues des nations, avec une conscience nationale.
13 Ces communautés se sont donc perçues comme étant des nations.
14 Il s'agit donc de communautés religieuses devenues des peuples
15 se constituant une nation plutôt qu'une communauté religieuse, puisque
16 beaucoup de ces personnes ne sont pas croyantes. Nous devons actuellement
17 les considérer comme tel, comme des peuples et non plus comme des
18 communautés religieuses.
19 Mme Odio-Benito (interprétation). - Dans le même esprit, je
20 voudrais savoir s'il s'est passé la même chose avec les Juifs, car dans la
21 liste, dans la composition ethnique, le document mentionne les Juifs, les
22 Turcs, les Italiens, les Slovènes, etc. Or, eux aussi constituent des
23 nations et non des cultures religieuses.
24 Mme Calic (interprétation). - Encore une fois, c'est une
25 question qui prête à controverse. Les Juifs constituent-ils une nation ou
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1 appartiennent-ils à une communauté religieuse ? En Yougoslavie, la loi
2 était telle que l'on considérait qu'il s'agissait d'un groupe ethnique,
3 une minorité qui n'était pas reconnue comme un peuple constitutif de la
4 Yougoslavie ou nation constitutive de la Yougoslavie, puisqu'il n'y avait
5 que six nations constitutives de la Yougoslavie : les Slovènes, les
6 Croates, les Musulmans bosniaques, les Serbes, les Monténégrins et les
7 Macédoniens. Et toutes les autres nationalités étaient considérées comme
8 des minorités, avec certains droits, mais sans le statut de nations
9 constitutives de la Yougoslavie.
10 Mme Odio-Benito (interprétation). - C'est un peu compliqué.
11 Mme Calic (interprétation). - Oui, c'est même très compliqué.
12 M. le Président (interprétation) - Votre interprétation me
13 préoccupe quelque peu.
14 Vous avez commencé par des considérations générales sur la
15 Bosnie en tant que nation, mais au sein de cette nation, vous parlez de
16 Serbes et de Musulmans. Il ressort de votre explication qu'ils viennent
17 tous de la même souche.
18 Mme Calic (interprétation). - Historiquement, en six siècles.
19 M. le Président (interprétation). - Or maintenant, il y a
20 d'autres nations au sein de cette Bosnie.
21 Mme Calic (interprétation). - Pardon, je ne vous ai pas
22 compris ?
23 M. le Président (interprétation). - Comment avez-vous alors
24 deux autres nations sous l'égide de la Bosnie qui a une souche commune.
25 Mme Calic (interprétation). - Historiquement, ils appartiennent
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1 au même groupe, à la même souche, les slaves méridionaux qui sont arrivés
2 dans les Balkans vers le 6ème siècle.
3 Ensuite, ils se sont divisés car ils avaient des religions
4 différentes. Du fait de leurs religions différentes, ils se sont aussi
5 constitué une identité nationale différente. Essentiellement, ils parlent
6 la même langue, ils peuvent se comprendre facilement. Il y a bien sûr des
7 variantes et des dialectes. Mais ils se perçoivent comme appartenant à des
8 nations différentes.
9 Encore une fois, c'est une question très difficile et très
10 complexe, difficile à expliquer, mais je crois que nous devons accepter
11 l'idée que ces personnes se perçoivent comme appartenant à une nation,
12 même s'ils vivaient ensemble dans un seul pays, la Bosnie, mais ce sont
13 des nations différentes.
14 M. le Président (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne suis
15 peut-être pas très rationnel, mais il ne semble pas que ceux qui
16 considèrent la religion comme un lien se considèrent comme une nation
17 différente.
18 Mme Calic (interprétation). - C'est une évolution historique
19 propre au Sud-Est de l'Europe. Une raison est que cette région, pendant
20 très longtemps, pendant plusieurs siècles, a été sous occupation étrangère
21 et que ces régions étaient donc gouvernées par des étrangers. Il n'empêche
22 que sans avoir le pouvoir, les nationaux avaient certains droits
23 culturels, droits qui concernaient surtout la religion et l'église.
24 Les églises sont donc devenues le plus important agent pour ce
25 qui est de l'apparition d'une conscience nationale. C'est comme cela que
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1 ces communautés se sont développées. Au XIXème siècle, elles ont pris
2 conscience de leurs différences et ont acquis cette perception d'eux-mêmes
3 en tant que nations.
4 M. le Président (interprétation). - Est-ce que la défense
5 souhaite procéder au contre-interrogatoire du témoin ? Madame Residovic ?
6 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le président, la
7 défense voudrait vous informer que le contre-interrogatoire de ce témoin
8 sera organisé de la façon suivante. Tout d'abord, l'avocat de
9 Zejnil Delalic va poser des questions. Il sera suivi par la défense de
10 Hazim Delic, puis par la défense de Esad Landzo. Et en quatrième position,
11 par la défense de Zdvrasko Mucic.
12 Monsieur le président, puisque c'est moi qui commence le contre-
13 interrogatoire, dans la mesure où j'ai certains documents ici,
14 m'autorisez-vous à utiliser le pupitre ?
15 M. le Président (interprétation). - Oui, je vous en prie.
16 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, tout d'abord je
17 voudrais vous demander comment il convient de prononcer votre nom :
18 [Tchalich] ou [Kalic] ? J'ai entendu les deux prononciations et je
19 voudrais savoir exactement.
20 Mme Calic (interprétation). - Vous pouvez m'appelez [Tchalich],
21 c'est le nom de mon père. Mais je suis née en Allemagne et pour des
22 raisons mystérieuses, les Allemands ont éliminé les signes diacritiques et
23 prononcent le nom autrement. Mais vous pouvez prononcer mon nom
24 [Tchalich].
25 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Merci, je ne veux pas
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1 prononcer votre nom de façon erronée. Je vous appellerai donc
2 Mme [Tchalich].
3 Avant que nous ne recevions votre rapport et le classeur
4 volumineux, les avocats de la défense ont aussi reçu des informations de
5 la part de l'accusation concernant les témoins experts qu'ils allaient
6 cite dans le cadre du procès. De ces informations, il ressortait que vous
7 étiez ici pour présenter le contexte historique, politique et militaire
8 dans lequel ont été commises des violations du droit international
9 humanitaire tel que stipulé dans l'acte d'accusation, et les circonstances
10 nationales et municipales dans la région de Konjic.
11 Dans votre exposé, on ne trouve pas de chapitre concernant le
12 contexte historique. Je voudrais donc vous demander de répondre à quelques
13 questions, et cela pour confirmer le cas échéant certains faits sur
14 lesquels se fondent la partie introductive de l'acte d'accusation.
15 Première question donc. Est-il vrai, madame Calic, que la
16 Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat a des racines qui remontent à plus d'un
17 millier d'années ?
18 Mme Calic (interprétation). - La Bosnie en tant qu'Etat existait
19 au Moyen Age. Mais par la suite, en 1463, elle a été conquise par les
20 Turcs. Je ne dirais pas qu'il y a une continuité entre l'Etat qui existait
21 au Moyen Age et l'Etat qui existe aujourd'hui car il y a beaucoup de
22 siècles qui séparent ces deux Etats. La Bosnie-Herzégovine a une longue
23 histoire, mais c'est aussi une histoire d'occupations étrangères.
24 Mme Residovic (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire
25 que d'autres Etats qui existaient au Moyen âge dans les Balkans ont
Page 687
1 partagé le même sort pendant une période historique significative et
2 qu'ils ont aussi été occupés par des occupants étrangers ?
3 Mme Calic (interprétation). - Oui.
4 Mme Residovic (interprétation). - S'agissant de la Bosnie,
5 madame Calic, pouvez-vous dire devant ce Tribunal qu'au cours de
6 l'existence de la Yougoslavie, au moment où existaient les Banovina et au
7 moment où a existé l'Etat indépendant croate en tant que formation
8 fasciste au cours de la deuxième guerre mondiale, la structure
9 territoriale de la Bosnie-Herzégovine existait indépendamment de
10 l'existence d'un Etat étranger occupant ce territoire ?
11 Mme Calic (interprétation). - Il est difficile de répondre "oui"
12 à la question que vous venez de poser car les frontières administratives
13 changeaient, elles ont été modifiées.
14 Vous avez parlé de l'Etat croate de la deuxième guerre mondiale,
15 vous avez parlé de la première Yougoslavie. Ce sont bien entendu des
16 périodes historiques qu'il importe de prendre en considération mais en
17 tant qu'historienne, j'ai quelques réticences à dessiner ce trait de
18 continuité entre le Moyen âge et aujourd'hui car si nous le faisions, nous
19 devrions le faire également pour les autres nations, pour les Croates,
20 pour les Serbes. Or il y a chevauchement entre les Etat et cela nous
21 poserait de très graves problèmes.
22 Je pense qu'il convient de reconnaître que la Bosnie a été
23 reconnue en qualité d'Etat indépendant à l'intérieur des frontières de la
24 République de Bosnie qui était l'une des Républiques de l'Etat yougoslave.
25 C'est un Etat reconnu aujourd'hui et je crois que cela suffit. Cela nous
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1 suffit dans le cadre de ce procès.
2 Mme Residovic (interprétation). - Oui, mais madame Calic, je
3 pense que vous conviendrez avec moi qu'après les événements historiques
4 concrets qui se sont produits après l'année 1990 ne sont pas
5 compréhensibles si l'on comprend quelque peu les événements caractérisant
6 la période antérieure.
7 Mme Calic (interprétation). - Je suis d'accord avec cela.
8 Mme Residovic (interprétation). - J'aimerais, si vous le voulez
9 bien, vous ramener à une histoire un peu plus récente. En 1993, la Bosnie-
10 Herzégovine a été confirmée en tant qu'Etat indépendant étant partie
11 constituante de la nouvelle Yougoslavie.
12 En 1942, des décisions ont été prises qui établissaient les
13 frontières de la Bosnie-Herzégovine dans le cadre de la nouvelle
14 Yougoslavie.
15 Mme Calic (interprétation). - Oui.
16 Mme Residovic (interprétation). - Excusez-moi, vous avez répondu
17 oui. Ces décisions ont été confirmées par l'Avnoj, n'est-ce pas ? Et êtes-
18 vous en mesure de confirmer que les frontières dont je viens de parler
19 sont celles entre lesquelles la Bosnie se trouvait peu de temps avant la
20 guerre ?
21 Mme Calic (interprétation). - Plus ou moins, avec quelques
22 légères différences.
23 Mme Residovic (interprétation). - J'aimerais maintenant vous
24 poser une question qui est liée à certains événements historiques bien
25 précis. Etes-vous au courant du fait qu'en Bosnie-Herzégovine, ont vécu
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1 pendant des siècles différentes communautés religieuses et différents
2 peuples dans un esprit de tolérance ?
3 Mme Calic (interprétation). - Oui.
4 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, pouvez-vous me
5 confirmez qu'un document de 1463 existe, qui définit le respect des
6 différentes confessions et qui est l'un des plus anciens documents
7 relatifs à la liberté religieuse en Europe ? Il émane de son auteur qui
8 dit que les habitants juifs orthodoxes et catholiques de la région ont
9 toute liberté pour pratiquer et diffuser leur confession.
10 Mme Calic (interprétation). - J'aimerais pouvoir voir ce
11 document avant de confirmer ce que vous venez de dire.
12 M. Rechner (interprétation de l'anglais). - Autrement dit, vous
13 ne connaissez pas ce document.
14 Mme Calic (interprétation). - Si vous pouviez me le montrer tout
15 de suite.
16 Mme Residovic (interprétation). - Je n'ai pas la possibilité de
17 vous le montrez. Je voulais simplement savoir si vous le connaissiez.
18 Mme Calic (interprétation). - J'aimerais beaucoup vérifier avant
19 de confirmer.
20 Mme Residovic (interprétation). - Je ne suis pas en mesure de
21 vous montrer ce document aujourd'hui et je pourrais le montrer au juge.
22 Mais c'est un fait, n'est-ce pas, que vous n'avez pas pu voir ce document.
23 Vous ne pouvez donc pas prendre position à ce sujet.
24 Mais tout de même, votre connaissance de la Bosnie vous amène à
25 savoir qu'il y a eu tolérance sur le plan de la religion pendant de très
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1 nombreuses années en Bosnie, n'est-ce pas ?
2 Mme Calic (interprétation). - Oui.
3 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, dans votre
4 exposé, vous avez déclaré qu'une grande partie du territoire de Bosnie-
5 Herzégovine était peuplée par des populations mixtes.
6 Mme Calic (interprétation). - Oui.
7 Mme Residovic (interprétation). - Suis-je en droit de dire qu'il
8 n'existe pas une seule municipalité en Bosnie-Herzégovine -or il y en a
9 109 en Bosnie-Herzégovine- qu'il n'y a pas une seule opcina dans laquelle
10 ne réside pas l'ensemble des peuples fondateurs de la Bosnie-Herzégovine,
11 ainsi que des autres peuples, c'est-à-dire les juifs, et les autres
12 minorités ?
13 Mme Calic (interprétation). - Je ne sais pas. Je devrais
14 vérifier. Nous avons beaucoup de documents statistiques dans le classeur
15 que j'ai proposé et si vous le jugez nécessaire, vous venez de parler des
16 municipalités, je pense qu'il faudrait que je puisse vérifier.
17 Mme Residovic (interprétation). - Je peux vous présenter un
18 document officiel dans lequel il est démontré qu'il n'existe pas une seule
19 opcina qui ne soit pas peuplée par tous ces peuples. Mais je peux
20 également vous citer votre document n° 3 dans votre classeur.
21 M. le Président (interprétation). - Je prierai le conseil de
22 prendre en compte les interprètes et de parler un peu plus lentement de
23 façon à leur permettre d'interpréter parfaitement.
24 Mme Residovic (interprétation). - Merci. J'aimerais donc que
25 l'on montre au témoin le document n° 3 qui est une carte de la répartition
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1 ethnique dans l'ex-Yougoslavie, à savoir la République socialiste
2 fédérative de Yougoslavie.
3 Selon ce que vous avez dit dans votre déposition, ce document a
4 pour source un organisme sis sur le territoire de la République de
5 Croatie.
6 Sur votre schéma, la couleur rouge est utilisée pour représenter
7 les régions peuplées par des Serbes. C'est bien cela ?
8 Mme Calic (interprétation). - Oui.
9 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, est-ce que vous
10 considérez que cette carte pourrait être une carte ethnique exacte pour la
11 Bosnie-Herzégovine ?
12 Mme Calic (interprétation). - Bien entendu, cela ne peut pas
13 être une carte absolument exacte de la Bosnie-Herzégovine, car dans ce cas
14 personne ne comprendrait plus la composition ethnique de cette République.
15 Celle-ci est tellement complexe, les nations présentes sur le territoire
16 de cette République sont tellement mélangées qu'on ne pourrait plus
17 comprendre, si cette carte était exacte, où se trouvent exactement les
18 majorités de telle ou telle population.
19 Donc vous avez raison, c'est une carte qui n'est pas entièrement
20 exacte, elle est un petit peu approximative. Elle a pour but de montrer,
21 simplement, dans les grandes lignes, les régions dans lesquelles tel ou
22 tel peuple était majoritairement représenté.
23 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, est-ce que cela
24 signifie que cette carte donne une image erronée de la répartition
25 ethnique des peuples présents sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine ?
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1 Mme Calic (interprétation). - Non, ce n'est pas une
2 représentation erronée, c'est simplement une réduction, une approximation
3 d'un certain nombre de faits très complexes. Je conviens avec vous que dès
4 lors qu'on fait une approximation de faits particulièrement complexes,
5 pour essayer de les rendre plus lisibles, on risque d'introduire un
6 certain degré d'erreurs. Mais c'est ce que j'ai fait pour tenter de rendre
7 les choses plus compréhensibles.
8 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, une image
9 ethnique de la Bosnie aussi approximative, présentée par quelqu'un qui ne
10 connaîtrait pas la Bosnie, donnerait le droit à quiconque d'affirmer que
11 cette personne ne connaît pas du tout la répartition ethnique de la
12 Bosnie.
13 Est-ce que vous pourriez me dire, par exemple, où se trouve
14 Banja Luka sur cette carte ?
15 Mme Calic (interprétation). - J'ai une carte où figure Banja
16 Luka.
17 Mme Residovic (interprétation). - Non, je demandais que vous me
18 le montriez sur cette carte.
19 Mme Calic (interprétation). - Ce serait faux, ce serait erroné,
20 donc je préfère utiliser une autre carte qui représente bien Banja Luka.
21 Le document n° 38. Là, nous avons Banja Luka, ici.
22 Mme Residovic (interprétation). - C'est Banja Luka qui
23 m'intéresse car dans la première carte que vous avez montrée, Banja Luka
24 est sur un territoire dont la couleur est verte et on pourrait en déduire
25 que la majorité de la population y est serbe.
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1 Mme Calic (interprétation). - Non, je tiens à expliquer que
2 toutes ces couleurs, bien entendu, sont indicatives d'une espèce de
3 majorité ethnique, mais bien sûr il y avait d'autres populations présentes
4 également dans ces régions. C'est simplement une façon de présenter les
5 choses. Mais toute autre manière de présenter les choses serait également
6 liée à un certain degré d'erreurs, si vous acceptez ce mot.
7 Je serais tout à fait d'accord pour qu'on montre une autre
8 carte, que vous nous montriez une autre carte si vous êtes capable, mieux
9 que moi, de nous montrer la répartition ethnique de la Bosnie-Herzégovine
10 à l'époque. Cela me ferait un grand plaisir.
11 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, vous avez
12 présenté cette carte comme pièce à conviction pour expliquer la
13 répartition, la composition ethnique de la Bosnie-Herzégovine. Si nous
14 partons du principe qu'à Banja Luka, dans la municipalité où il y a
15 195 000 habitants, plus de 51 % sont non serbes, n'est-ce pas une manière
16 erronée de présenter la réalité ?
17 M. Ostberg (interprétation). - Docteur Calic, je vous prie de
18 bien vouloir ne pas commencer à répondre avant que nous ayons entendu la
19 fin de l'interprétation de la question de Maître Residovic, car nous ne
20 savons plus où finit la question et où commence la réponse.
21 Je sais que vous comprenez le serbo-croate, mais nous non.
22 Mme Residovic (interprétation). - Je vous prie de m'excuser,
23 monsieur le Président, j'ai encore seulement deux exemples à citer qui me
24 permettent de conclure que ce document est une représentation absolument
25 inexacte de la structure ethnique de la Bosnie-Herzégovine, quel que soit
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1 le nombre de détails qu'il présente.
2 Madame Calic, je vous demanderai de nous montrer sur cette carte
3 où se trouve l'opcina, la municipalité de Bijeljina.
4 Cette opcina se trouve également sur la partie en vert de votre
5 première carte, n'est-ce pas, alors que les données officielles nous
6 apprennent que sur ce territoire, la population n'est pas majoritairement
7 serbe. Est-ce exact ?
8 Mme Calic (interprétation). - Je voudrais souligner encore une
9 fois que cette carte est une façon très simplifiée de montrer une
10 structure ethnique de Bosnie-Herzégovine qui est très complexe, et je vous
11 demanderai, si vous le souhaitez, de nous montrer une carte qui pourrait
12 nous donner une image plus exacte de la façon dont les gens vivaient les
13 uns avec les autres.
14 Moi, malheureusement, sur une seule feuille de papier, je n'ai
15 pas réussi à présenter une carte de meilleure qualité, et je serais
16 d'accord avec vous pour dire que si la carte avait été beaucoup plus
17 grande, il eût été possible de montrer des détails complémentaires.
18 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, je voudrais
19 simplement vous demander si une carte présentée de cette façon peut être
20 capable de nous montrer, de façon exacte, la répartition ethnique de
21 Bosnie-Herzégovine.
22 Mme Calic (interprétation). - C'est une carte simplifiée,
23 élaborée pour nous aider à comprendre toute la complexité de la situation.
24 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, cette carte ne
25 permet pas de comprendre la complexité de la situation, n'est-ce pas ?
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1 Mme Calic (interprétation). - Il y avait de très nombreux
2 villages en Bosnie qui étaient mixtes sur le plan ethnique. Et si vous
3 voulez affecter des couleurs différentes à chacun des éléments ethniques
4 de chacun de ces villages, je crois que ce serait absolument impossible.
5 Cette carte, je crois, est un effort pour montrer de façon simplifiée une
6 structure et une situation très complexe.
7 Mme Residovic (interprétation). - Mais ce serait la seule façon
8 véridique de travailler, n'est-ce pas ?
9 Mme Calic (interprétation). - Laquelle ?
10 Mme Residovic (interprétation). - Si on donnait des détails
11 exacts sur chaque opcina -je ne parle pas de chaque village- ce serait la
12 seule façon véridique de représenter la composition, la répartition
13 ethnique de la Bosnie-Herzégovine.
14 Mme Calic (interprétation). - J'ai fourni des données
15 statistiques relatives à chacun des villages de la municipalité de Konjic.
16 Ces éléments statistiques figurent dans le classeur. Je ne les ai pas
17 fournis pour toutes les municipalités de Bosnie, car je n'ai pas pensé que
18 c'était nécessaire dans le cadre du procès qui nous intéresse. Mais bien
19 entendu, en se fondant sur les données du recensement de 1991, il serait
20 possible de fournir les statistiques pour chaque village et nous aurions,
21 bien entendu, le nombre exact d'habitants de telle ou telle nation dans
22 chaque village.
23 Mais s'agissant de la municipalité de Konjic, vous avez les
24 chiffres du recensement de 1991 pour chacun des villages dans le classeur.
25 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, je vous prie de
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1 m'excuser, mais j'aimerais que vous me répondiez au sujet de Bijeljina.
2 Mme Calic (interprétation). - J'aimerais vérifier les données
3 avant de vous répondre.
4 Mme Residovic (interprétation). - Autrement dit, est-ce que cela
5 signifie, madame Calic, que s'agissant de la Bosnie-Herzégovine sur
6 laquelle vous avez souhaité déposer, vous ne possédez pas de données
7 exactes, précises aujourd'hui et vous ne pouvez donc pas trancher ?
8 Mme Calic (interprétation). - J'ai des données exactes et
9 précises en haut, à l'étage, et je pourrai vous les fournir si vous me
10 donnez le temps de le faire, mais il y a vingt nations et nationalités et
11 si vous me demandez combien de représentants de chacune de ces nations et
12 nationalités résidaient dans chaque municipalité, je crains fort de vous
13 répondre que je dois procéder à quelques vérifications.
14 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vingt nations et
15 nationalités résidaient dans chaque opcina, dans chaque village de
16 l'opcina de Bijeljina ?
17 Mme Calic (interprétation). - Non.
18 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous connaissez une
19 opcina en Bosnie-Herzégovine où ne résidait pas au moins un représentant
20 de plusieurs peuples ?
21 Mme Calic (interprétation). - Je n'ai pas compris la question,
22 j'écoutais la traduction anglaise. Pouvez-vous répéter je vous prie ?
23 Mme Residovic (interprétation). - Je vous en prie. Est-ce que
24 vous pourriez nous citer une seule et unique opcina de la République de
25 Bosnie-Herzégovine dans laquelle n'habitaient pas des représentants de
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1 tous les peuples, même s'il s'agit d'un pourcentage très minime ? Ou bien,
2 pour dire les choses à l'envers, est-ce que vous pourriez nous citer une
3 seule opcina de Bosnie-Herzégovine où ne résidaient les représentants que
4 d'un seul peuple ?
5 Mme Calic (interprétation). - Vous parlez des municipalités ?
6 Non, dans ce cas, je dis non.
7 Mme Residovic (interprétation). - Opcina.
8 Mme Calic (interprétation). - Non, je ne pourrais pas.
9 Mme Residovic (interprétation). - J'ai ici un document qui n'est
10 pas authentifié, mais c'est un document officiel de l'Etat de Bosnie-
11 Herzégovine. Est-ce que je peux montrer ce document à Mme Calic. ?
12 M. le Président (interprétation) - Oui, vous le pouvez.
13 M. Ostberg (interprétation). - Mais il faut l'identifier.
14 M. le Président (interprétation). - C'est le but de la remise du
15 document au témoin.
16 M. Ostberg (interprétation). - Après le contre-interrogatoire.
17 M. le Président (interprétation). - Montrez ce document au
18 témoin.
19 Mme Residovic (interprétation). - Je souhaite présenter ce
20 document au témoin dans le cadre du contre-interrogatoire. Nous allons
21 bien sûr citer des témoins experts qui utiliseront ensuite ce document en
22 tant qu'élément de preuve dans leur déposition.
23 Mme Calic (interprétation). - Est-ce que vous avez eu le temps
24 d'examiner ce document ?
25 Mme Calic (interprétation). - Oui.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous avez déjà vu
2 des données statistiques de ce genre ?
3 Mme Calic (interprétation). - Non, et je ne sais pas d'où vient
4 ce document. Il y a des chiffres, des nombres, mais je ne sais pas sur
5 quelle base ces chiffres ont été compilés.
6 Mme Residovic (interprétation). - Sur la base du recensement de
7 1991 effectué par le bureau officiel de statistique de la République de
8 Bosnie-Herzégovine, mais si vous n'avez pas vu ce document avant, je ne
9 vous demanderai pas de le commenter. Par conséquent, vous êtes incapable
10 de répondre à ma question qui consiste à vous demander si en Bosnie-
11 Herzégovine il existerait une seule municipalité qui ne serait peuplée que
12 de représentants d'un seul peuple.
13 Mme Calic (interprétation). - Je m'appuie sur le recensement de
14 1991. Je ne l'ai jamais vu présenté sous cette forme, sous la forme d'un
15 fax. Je l'ai toujours vu présenté sous la forme d'un livre. C'est pourquoi
16 je pense qu'il faudrait que je compare les chiffres. Ces chiffres viennent
17 d'un autre institut. C'est l'institut d'urbanisme de Sarajevo. Moi, je
18 possède les chiffres du bureau officiel de statistiques de Sarajevo. Donc
19 je vous prierai simplement de me laisser le temps de comparer ces
20 chiffres.
21 Mme Residovic (interprétation). - Très bien, merci.
22 Mme Calic (interprétation). - Je voudrais maintenant revenir sur
23 la situation de la Bosnie-Herzégovine d'un point de vue constitutionnel,
24 et je vous prierai de me confirmer à nouveau que la Bosnie-Herzégovine, en
25 accord avec les décisions prises du temps de l'Avnoj, faisait bien partie
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1 du pays connu sous le nom de FNRY, puis FRY. Est-ce exact ?
2 M. le Président (interprétation). - Oui.
3 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous pouvez
4 confirmer qu'à l'article 3 de la constitution de 1974, il est confirmé que
5 les républiques sont des Etats ?
6 Mme Calic (interprétation). - Je ne me rappelle pas les termes
7 exacts. Je ne me rappelle pas si le terme d'Etat est utilisé.
8 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que je peux vous lire
9 ce texte puisqu'il se trouve dans votre documentation ?
10 L'article 3: " la République socialiste est un Etat qui s'appuie
11 sur la souveraineté des peuples, sur le pouvoir de la classe ouvrière dans
12 l'autogestion, ainsi que celui de tous les travailleurs ".
13 Mme Calic (interprétation). - Mais le mot " Etat " n'est pas
14 évoqué dans cet article, il n'est pas utilisé.
15 Mme Residovic (interprétation). - La République socialiste est
16 un Etat ".
17 Mme Calic (interprétation). - Oui, je n'avais pas entendu.
18 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous pouvez
19 également confirmer qu'à l'article 5, cette même constitution confirme que
20 le territoire d'une République ne peut être modifié sans l'accord de la
21 République ?
22 Mme Calic (interprétation). - Oui, oui.
23 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous êtes d'avis
24 que la Bosnie-Herzégovine était un Etat comme toutes les autres
25 Républiques de la République socialiste fédérative de Yougoslavie ?
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1 Mme Calic (interprétation). - Oui, elle avait un statut égal.
2 Elle a été reconnue en avril 1992 comme un Etat à l'intérieur des
3 frontières existantes.
4 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, dans votre
5 déposition vous avez dit -je cite- "que les dirigeants musulmans se sont
6 efforcés de maintenir la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat unifié et
7 multi-ethnique".
8 Est-ce que vous avait fait cette déclaration sur la base d'un
9 document précis ?
10 Mme Calic (interprétation). - J'ai prononcé cette déclaration
11 sur la base de nombreuses allocutions prononcées par des dirigeants
12 bosniaques, et y compris par le Président Alija Itzetbegovic. Si vous le
13 souhaitez, je peux vous fournir également ces documents.
14 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que M. Itzetbegovic est
15 Président de l'Etat de Bosnie-Herzégovine ou un dirigeant musulman, selon
16 vos propres termes ?
17 Mme Calic (interprétation). - Il a été élu Président de la
18 présidence composée de sept membres, présidence de la république de
19 Bosnie-Herzégovine, et il était considéré par de nombreuses personnes
20 comme un dirigeant avant d'être élu Président de la République.
21 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, vous déposez ici
22 en tant qu'expert, en tant que scientifique, et je pense donc qu'il serait
23 bon de ne pas s'appuyer sur le fait que de nombreuses personnes
24 considéraient M. Itzetbegovic etc... mais bien sur des documents agréés et
25 exacts, concernant la Bosnie-Herzégovine. Est-ce que nous pouvons être
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1 d'accord là-dessus ?
2 Mme Calic (interprétation). - Je suis d'accord avec vous sur ce
3 point, mais bien entendu Alija Itzetbegovic existait avant d'être élu
4 Président. Alors comment parler de lui, comment prendre en compte ses
5 écrits, sa pensée, si nous ne pouvons le qualifier que du terme de
6 président ?
7 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, j'aimerais
8 discuter avec vous de la situation de la Bosnie-Herzégovine en tant
9 qu'Etat, indépendamment de l'identité de son Président. C'est pourquoi, en
10 relation avec la constatation que vous avez faite, j'aimerais vous
11 demander si la constitution de la Bosnie-Herzégovine, la constitution de
12 1974, ainsi que les amendements dont vous avez parlé, que vous avez
13 évoqués, ainsi que les amendements de 1989 que vous n'avez ni cités ni
14 présentés, est-ce que tout cela confirmait bien le fait que la Bosnie-
15 Herzégovine est un Etat ?
16 Mme Calic (interprétation). - Oui.
17 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que cet Etat, avant et
18 après les élections, possédait ces organes légalement élus ?
19 Mme Calic (interprétation). - Oui.
20 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que l'assemblée de
21 Bosnie-Herzégovine était l'organe législatif suprême ?
22 Mme Calic (interprétation). - Elle existait en tant
23 qu'organisme, mais on ne peut pas la comparer avant à ce qu'elle est
24 devenue après 1990, après les premières élections libres. On ne peut pas
25 comparer ces deux organismes.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Je n'entends pas
2 l'interprétation. Est-ce que vous pourriez répéter votre réponse, je vous
3 prie ?
4 Mme Calic (interprétation). - Ma réponse a consisté à dire qu'en
5 1990, date des premières élections libres multipartites, les institutions
6 de Bosnie ont changé de nature. On ne peut pas comparer ces institutions
7 après 1990 à ce qu'elles étaient avant 1990. Ce sont deux choses
8 complètement différentes.
9 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, c'est la raison
10 pour laquelle je vous rappelle les amendements à la constitution de 1989.
11 Est-ce que ces nouveaux organes ont été mis en place, conformément à la
12 constitution de la Bosnie-Herzégovine de 1974 et les amendements de 1989 ?
13 Mme Calic (interprétation). - Je ne suis pas sûre d'avoir bien
14 compris votre question. Est-ce que vous pourriez la répéter, je vous
15 prie ?
16 Mme Residovic (interprétation). - En 1989, le parlement,
17 l'assemblée de Bosnie-Herzégovine a adopté des amendements à la
18 constitution de Bosnie-Herzégovine, qui a rendu possible la tenue
19 d'élections multipartites et la mise en place d'un système multipartite.
20 Je vous demande, puisqu'il est question de la constitution de la Bosnie-
21 Herzégovine, si les organes du pouvoir, élus en 1990, ont été élus organes
22 étatiques conformément à la constitution.
23 Mme Calic (interprétation). - Les élections de 1990 ont été des
24 élections multipartites, comme vous venez de le dire, et ces élections ont
25 été les premières élections libres en Bosnie.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Mais est-ce que ces élections
2 ont eu lieu conformément à la constitution et aux lois électorales ?
3 Mme Calic (interprétation). - Cela s'est fait conformément aux
4 lois électorales.
5 Mme Residovic (interprétation). - Il n'y a pas eu de rupture sur
6 le plan juridique dans le fonctionnement des institutions étatiques ?
7 Mme Calic (interprétation). - C'est peut-être une question
8 juridique très précise. Je ne suis pas avocate et peut-être que nous
9 pourrions poser cette question à un avocat, à un juriste ?
10 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, aujourd'hui vous
11 avez dit qu'après que certains changements ont été apportés à la
12 constitution, une situation assez embrouillée s'est ainsi créée. Pourriez-
13 vous nous expliquer si l'on peut dire que ces changements juridiques
14 apportés à la constitution, tels qu'envisagés par la constitution,
15 pouvaient engendrer de la confusion dans un Etat normal ?
16 Mme Calic (interprétation). - Dans ma déclaration, je parlais de
17 la situation ultérieure à avril 1992. Ceci était donc après l'éclatement
18 des conflits armés. On était en état de guerre imminent, le parlement de
19 Bosnie ne fonctionnait plus et il ne pouvait plus adopter de lois. Ces
20 fonctions étaient assumées par la présidence de l'Etat. Donc les lois
21 étaient adoptées par la présidence et si l'on regarde la gazette de
22 Bosnie-Herzégovine en 1992, on a vraiment l'impression qu'un grand nombre
23 de ces règlements ont été adoptés à la suite de discussions. Il y avait
24 tellement de choses qui se passaient sur le terrain.
25 Mme Residovic (interprétation). - Du fait que vous connaissez
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1 bien la situation en Bosnie-Herzégovine, vous pouvez sans doute confirmer
2 que la constitution et les lois envisageaient la procédure d'adoption de
3 loi dans une situation de guerre imminente et d'un état de guerre dans le
4 pays.
5 Mme Calic (interprétation). - Ce sont des décrets qui ont été
6 pris par la présidence dans cette situation et ils avaient force de loi.
7 Mme Residovic (interprétation). - Ces décrets étaient autorisés
8 par la constitution en cas de guerre ?
9 Mme Calic (interprétation). - Oui.
10 Mme Residovic (interprétation). - Par conséquent, nous ne
11 pouvons pas dire que ces décisions pouvaient être source de confusion
12 parce qu'elles assuraient une continuité.. enfin elles étaient soumises à
13 une continuité sur le plan juridique.
14 Mme Calic (interprétation). - Je suis désolée si vous avez
15 compris qu'elles étaient source de confusion. Je n'avais pas l'intention
16 de dire que ces lois avaient engendré une certaine confusion. Mais elles
17 ont été adoptées dans une situation très embrouillée, où beaucoup
18 d'organes étatiques ne fonctionnaient plus, et comme je l'ai dit tout à
19 l'heure, si l'on regarde un grand nombre de ces décrets qui n'étaient pas
20 des lois, on a l'impression qu'ils constituaient des réactions à ce qui se
21 passait sur place.
22 M. le Président (interprétation). -Madame Calic, si vous pouviez
23 éviter de tirer des conclusions sur le plan juridique dans votre contre
24 interrogatoire, je l'apprécierais. Il s'agit vraiment de conclusions
25 juridiques.
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1 M. Jan (interprétation). - Vous avez parlé des sanctions qui
2 sous-tendaient ces décrets. Dans la situation qui prévalait à l'époque,
3 c'est vraiment très embrouillé.
4 Mme Residovic (interprétation). - La situation en Bosnie-
5 Herzégovine, j'en conviens, est très compliquée, mais je crois que
6 Mme Calic est en mesure de comprendre que nous ne parlons pas de choses
7 différentes somme toutes. La Bosnie-Herzégovine consiste en une continuité
8 à présent. C'est ma conclusion. Je ne veux pas en parler davantage. Je
9 veux simplement clarifier les conclusions tirées par Mme Calic, au sein de
10 cette enceinte.
11 Je n'aborderai plus de questions constitutionnelles maintenant.
12 Madame Calic, dans votre document, vous dites que les dirigeants
13 Serbes et Croates voulaient réaliser l'unité de leur groupe au sein de
14 leur patrie et qu'ils étaient en faveur des plans de cantonisation de la
15 République de Bosnie-Herzégovine. Est-ce exact ?
16 Mme Calic (interprétation). - (pas d'interprétation.)
17 Mme Residovic (interprétation). - Mais les dirigeants musulmans
18 n'étaient pas en faveur de cette option ?
19 Mme Calic (interprétation). - Oui. Simplement, pendant une très
20 brève période pour être précise.
21 M. Jan (interprétation). - Excusez moi, je vous ai dit que
22 l'impression que vous nous donniez était la suivante. Les Musulmans de
23 Bosnie voulaient préserver l'unité du pays, tandis que les autres
24 voulaient diviser ce pays.
25 Mme Calic (interprétation). - Mais ceci a seulement duré pendant
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1 une brève période. Si je dis ceci c'est qu'en septembre 1991, la
2 Communauté européenne a tenté de réconcilier les parties et elle a
3 organisé une conférence de paix. La situation était très difficile à ce
4 moment-là.
5 Les deux parties étaient en faveur de cantons ethniques et d'un
6 Etat fédéral de Bosnie et d'un seul parti, tandis que le gouvernement
7 bosniaque disait : "Non, nous voulons le garder tel quel". Mais ceci n'a
8 duré que très peu de temps. Il semble y avoir eu, à un certain moment, une
9 entente entre les trois parties. C'était en mars 1992. On a cru alors que
10 la Bosnie pouvait être restructurée en fonction de critères ethniques. On
11 parlait d'un principe Courtieriro*, d'après le nom d'un médiateur
12 portugais, entre les parties au nom de la Communauté européenne.
13 Mais immédiatement après, c'est-à-dire le 18 mars 1992,
14 immédiatement après, les dirigeants musulmans, excusez-moi, et les
15 dirigeants croates semblent avoir rejeté ce plan de nouveau. Et en fait,
16 la proposition de créer des entités ethniques au sein de la Bosnie a surgi
17 de nouveau et encore une fois lors de la conférence de paix et, comme vous
18 le voyez aujourd'hui, les accords de Dayton et la constitution de Bosnie
19 reposent également sur des principes ethniques.
20 C'est donc la proposition qui circulait depuis la fin 1991. Il y
21 a eu des moments où il y avait davantage de pression qui était exercée de
22 la part de la Communauté internationale pour tenter d'aboutir à une
23 entente.
24 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, dans votre
25 témoignage et dans votre rapport écrit, vous avez mentionné souvent les
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1 parties ethniques et la direction ethnique. Pouvez-vous nous confirmer que
2 tout au long de cette période, il y avait des organes légalement élus ? La
3 présidence et le gouvernement, peu importe ? Qui étaient les membres de
4 ces organes ? Quel était le pourcentage de chacune des parties à
5 l'intérieur de ces organes ?
6 Mme Calic (interprétation). - Je ne peux pas confirmer qu'il y
7 avait de tels organes, mais j'aimerais également souligner que ces organes
8 ne fonctionnaient pas comme ils auraient dû parce qu'en octobre 1991, les
9 Serbes ont quitté cet organe et il y a eu un grand débat à ce sujet. Et
10 ceci, je peux le confirmer.
11 Mme Residovic (interprétation). - Pourriez-vous également
12 confirmer que tous les Serbes étaient membres du SDS et du SPO ont
13 également quitté l'assemblée ?
14 Mme Calic (interprétation). - Si tous les membres ont quitté
15 l'assemblée, les membres du SDS l'ont évidemment quittée ?
16 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que tous les Serbes ou
17 simplement des membres députés, qui faisaient partie du SDS et du SPO,
18 est-ce que ce sont les seuls qui aient quitté cette assemblée ?
19 Mme Calic (interprétation). - Non. Je parlais simplement de
20 parti politique et non pas de nationalité. Je n'avais pas l'intention de
21 parler de tous les Serbes qui étaient membres de ces partis ou qui
22 appuyaient ces partis. Non, bien sûr. Il y avait beaucoup de Serbes qui
23 n'appuyaient pas ces partis et qui ne les ont bien sûr pas élus. Il en va
24 de même pour les autres parties au conflit.
25 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous confirmer que le
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1 président de l'Assemblée de Bosnie-Herzégovine, jusqu'aux accords de
2 Dayton, était un Serbe ? Que les deux membres de la présidence, tout au
3 long de la guerre, étaient des Serbes ? Que la composition nationale de la
4 présidence n'a pas changé, trois par rapport à deux ?
5 Mme Calic (interprétation). - Deux et deux.
6 Mme Residovic (interprétation). - Pourquoi ? Est-ce que vous
7 parlez de la direction musulmane alors ?
8 Mme Calic (interprétation). - Je ne parle pas des autorités
9 légitimes de l'Etat de Bosnie-Herzégovine. Une fois de plus, c'est peut-
10 être une question d'ordre juridique. Une fois de plus, je ne suis peut-
11 être pas la personne la mieux placée pour pouvoir y répondre.
12 J'ai tenté d'expliquer qu'il y avait en fait des organes
13 légalement élus qui existaient en Bosnie-Herzégovine à cette époque, mais
14 par ailleurs, ces organes ne fonctionnaient pas, ne fonctionnaient plus
15 comme ils auraient dû et il y a une différence entre ce qui était sur
16 papier, sur le plan juridique, et ce qui se passait dans la réalité.
17 La réalité était la suivante : les membres du SDS qui avaient la
18 majorité, composés en majorité de Serbes, ont quitté l'assemblée. Ils ont
19 quitté la présidence et ils ne voulaient plus participer aux travaux de
20 cette entité. A cause de la guerre, il n'était pas possible d'avoir de
21 nouvelles élections.
22 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, vous avez été
23 présentée comme une experte en question politique. Il ne s'agit pas de
24 question juridique, mais bien de question politique. Il y a des règlements
25 juridiques qui stipulent la manière dont les députés sont remplacés, ceux
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1 qui quittent l'assemblée, ceux qui démissionnent ou ceux qui décèdent. Au
2 moins selon les Nations Unies, ces organes n'ont pas perdu le statut
3 d'organe légitime dans ce pays.
4 Mme Calic (interprétation). - Oui.
5 Mme Residovic (interprétation). - Mais au cours de votre
6 déposition et dans votre rapport écrit, vous n'avez cessé d'employer le
7 terme "dirigeant musulman", mais en fait vous parliez de l'Assemblée de
8 Bosnie-Herzégovine dont le président, tout au long de la guerre, était un
9 Serbe. Un grand nombre de députés étaient à la fois Serbes et Croates au
10 sein de cette assemblée.
11 Mme Calic (interprétation). - Si je me souviens bien, je n'ai
12 pas employé le terme "dirigeant musulman" quand je parlais de la
13 présidence, mais j'ai employé le terme "président", "présidence", un grand
14 nombre de fois. J'ai peut-être aussi utilisé le terme "dirigeant musulman"
15 parce qu'il y en avait aussi qui étaient présents au sein de la
16 présidence.
17 J'ai peut-être un problème de langue. Mais je ne voudrais pas
18 contester la légitimité de la présidence bosniaque qui était un Etat
19 reconnu, qui est un Etat reconnu. Je l'ai montré à plusieurs reprises.
20 C'était un Etat reconnu et le président de Bosnie était un président
21 reconnu aussi. Ce n'était pas mon intention et je m'excuse si je vous ai
22 donné cette impression.
23 Mme Residovic (interprétation). - Je ne parle pas d'une
24 impression. J'ai cité ce que dit votre rapport et vous pouvez confirmer ce
25 que je dis "et c'est la présidence de Bosnie-Herzégovine et plusieurs
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1 membres dont trois étaient Musulmans, deux Serbes et deux Croates". Est-ce
2 exact ?
3 Sur le plan de la légitimité des organes qui avaient le degré de
4 pouvoir le plus élevé, pouvez-vous confirmer qu'ils ont eu l'occasion
5 d'adopter des décisions légales ?
6 Mme Calic (interprétation). - Oui, ils ont adopté des décisions
7 dans des circonstances d'une menace immédiate de guerre, après 1992 et de
8 juin 1992. Par la suite, c'était un état de guerre et il s'agissait d'une
9 situation tout à fait particulière.
10 Mme Residovic (interprétation). - Oui, mais l'état de menace
11 immédiate de guerre est également visé par la constitution et les
12 règlements.
13 Comme vous avez dit aujourd'hui qu'à un moment donné, on était
14 dans une période que l'on pourrait qualifier "de brève trêve" ou "d'un
15 vide sur le plan juridique", est-ce que vous avez bien conscience que déjà
16 en avril, un décret a été adopté pour reprendre les règlements de
17 l'ancienne RSFY et pour en faire les règlements de la Bosnie-Herzégovine ?
18 Est-ce que il n'y a pas eu d'interruption dans ce système ?
19 Mme Calic (interprétation). - D'une certaine manière, oui, parce
20 qu'il y avait beaucoup d'amendements qui ont été adoptées par la suite. Le
21 gouvernement bosniaque devait changer par exemple les noms. Ils ont du
22 adapter un grand nombre de lois et d'articles de la constitution pour
23 tenir compte de la situation qui évoluait. Donc il y a plusieurs articles
24 constitutionnels qui existaient, mais il y en avait aussi qui étaient
25 nouveaux.
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1 J'ai essayé de démontrer comment ces nouveaux éléments et ces
2 anciens éléments ont coexistés à un moment donné. Je n'avais pas
3 l'intention de donner l'impression que cela s'est fait de manière
4 illégale. J'ai simplement essayé de démontrer comment le gouvernement a
5 tenté de s'adapter aux nouvelles conditions et de réagir aux circonstances
6 qui ne cessaient de changer.
7 Mme Residovic (interprétation). - Nous ne parlons certainement
8 pas de la substance de ces lois. Nous disons simplement qu'il s'agissait
9 d'un Etat légitime qui existait dans la continuité en tant qu'Etat
10 souverain et indépendant et à ce titre, il adoptait certains documents
11 conformément à ses propres lois et règlements. Est-ce exact ?
12 Mme Calic (interprétation). - Le 6 avril 1992, il est vrai que
13 la Communauté européenne a reconnu cet Etat.
14 Mme Residovic (interprétation). - Oui, lors de la réunion
15 ministériel au Luxembourg et le lendemain, ceci a été reconnu par les
16 Etats-Unis et la Croatie. Le 8, les premières relations diplomatiques ont
17 été établies. Ceci ne fait aucun doute et vous ne contestez pas ce fait.
18 Je ne conteste pas ce fait, moi non plus. Mais Calic, vous
19 parlez ici de la direction serbe et croate en Bosnie et des intentions que
20 ces dirigeants avaient et de leur volonté d'établir des liens avec
21 d'autres pays.
22 Mme Calic (interprétation). - Est-ce que vous avez conscience
23 que dans l'ancienne RSFY et dans la République socialiste de Bosnie-
24 Herzégovine, il y avait une loi sur la citoyenneté ?
25 Mme Calic (interprétation). - Oui.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous savez que
2 conformément à cette loi, les gens qui appartenaient à ce pays de par leur
3 origine étaient des citoyens de la Bosnie-Herzégovine ? Est-ce que vous
4 considérez tous les habitants de Konjic qui, selon cette loi, étaient né à
5 cet endroit ou par leur ascendance, comme des citoyens de la Bosnie-
6 Herzégovine ?
7 Mme Calic (interprétation). - Vous voyez, ce n'est pas à mois de
8 décider de ces points juridiques. J'ai simplement tenté d'expliquer qu'une
9 partie de la population bosniaque, en particulier la partie la plus
10 importante de la population serbe, devait être considérée comme des
11 habitants de la Bosnie-Herzégovine, mais plutôt comme des citoyens de la
12 Yougoslavie. Quand à savoir si ceci est légal ou pas, je ne peux pas le
13 dire parce que je ne suis pas un expert en questions juridiques. Il y a
14 beaucoup de gens qui ne savent pas très clairement comment interpréter
15 tout ceci. Donc je crains de ne pas pouvoir répondre à cette question.
16 Mme Residovic (interprétation). - Cela veut dire que vous
17 convenez qu'il y avait une citoyenneté qui était basée sur la loi de
18 l'ancienne RSFY et de la Bosnie-Herzégovine et que ce sont eux qui
19 légifèrent sur cette question ?
20 Mme Calic (interprétation). - Oui.
21 Mme Residovic (interprétation). - Maintenant, madame Calic, nous
22 allons passer à une autre série de questions. Dans votre rapport et dans
23 votre témoignage d'aujourd'hui, vous n'avez pas évoqué d'autres aspects
24 politiques ayant trait à l'agression contre la Bosnie-Herzégovine. Est-ce
25 que vous savez que pendant une longue période de l'histoire, il y avait
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1 des courants qui allaient dans le sens de la destruction de la Bosnie-
2 Herzégovine et que cela venait de l'extérieur de la Bosnie-Herzégovine ?
3 Mme Calic (interprétation). - Je n'ai pas de documents à ma
4 disposition qui démontreraient quelque plan que ce soit de détruire la
5 Bosnie à cette étape. J'ai indiqué simplement qu'il y avait des forces
6 extérieures à la Bosnie qui participaient au conflit relatif à la Bosnie.
7 C'est ce que j'ai essayé de démontrer.
8 Mme Residovic (interprétation). - A titre d'historienne, est-ce
9 que vous connaissez Garasanin et son oeuvre "Nacertanje" ? Connaissez-vous
10 la notion de l'Etat indépendant de Croatie pendant la deuxième guerre
11 mondiale ? Est-ce que ces deux notions nient que la Bosnie-Herzégovine
12 soit un Etat et une nation ?
13 Mme Calic (interprétation). - En ce qui concerne la première
14 notion, Nacertanje, cela a eu lieu au XIXème siècle en Bosnie qui
15 n'existait pas à l'époque comme état indépendant.
16 Quant à la deuxième notion, il en va de même. La Bosnie
17 n'existait pas encore en tant qu'Etat indépendant avant la deuxième guerre
18 mondiale.
19 M. le Président (interprétation). - Je crois que la chambre va
20 suspendre ces travaux pendant 20 minutes. Nous nous retrouvons à
21 16 heures 15.
22 L'audience, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures
23 15.
24
25 M. le Président (interprétation). - Le témoin est toujours sous
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1 serment. Je crois que vous pouvez poursuivre le contre-interrogatoire.
2 Mme Residovic (interprétation). - Merci, monsieur le président.
3 Merci, madame Calic. J'ai encore un certain nombre de questions que je
4 voudrais vous poser.
5 Vous parliez de continuité historique. Pouvez-vous répondre à la
6 question suivante : est-ce que le contexte géopolitique de la Bosnie-
7 Herzégovine est aussi très important pour comprendre l'histoire récente ?
8 Mme Calic (interprétation). - Voulez-vous dire maintenant ou
9 avant la guerre, sur le plan historique ?
10 Mme Residovic (interprétation). - Je veux dire le contexte
11 historique avant la guerre et pour ce qui concerne les causes de la
12 guerre. Je vous ai demandé déjà précédemment et je voudrais avoir une
13 réponse à cette question si vous connaissez les traités politiques de
14 Garasanin, un politicien serbe, qui s'intitulaient "Nacertanje".
15 Connaissez-vous ce projet politique et connaissez-vous le cadre
16 territorial de la création de l'Etat fasciste croate pendant la deuxième
17 guerre mondiale ?
18 Mme Calic (interprétation). - Oui, je connais ces éléments.
19 Mme Residovic (interprétation). - Connaissez-vous également le
20 mémorandum de l'académie des sciences serbes ?
21 Mme Calic (interprétation). - Oui.
22 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous qu'il y avait un
23 plan militaire de la part de la JNA qui s'appelait RAM, et connaissez-vous
24 les tenants et aboutissants politiques de ce plan ?
25 Mme Calic (interprétation). - Il en a été question dans la
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1 presse, mais je n'ai jamais vu aucun document intitulé RAM.
2 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous connaissez les
3 expressions Grande Serbie, Grande Croatie ?
4 Mme Calic (interprétation). - Oui.
5 Mme Residovic (interprétation). - Parmi les documents j'ai cités
6 précédemment, pouvez-vous dire ceux qui marquent l'effondrement politique
7 de la Grande Serbie et de la Grande Croatie ?
8 Mme Calic (interprétation). - Je n'ai pas vu ce plan RAM, donc
9 je ne peux pas vraiment en parler. Il en a été question dans la presse.
10 J'ai lu des articles de presse sur ce sujet, mais je n'ai jamais vu le
11 plan et je ne peux pas faire d'observation sur ce point là.
12 Pour ce qui est du mémorandum de l'Académie des sciences de la
13 Serbie, il est très imprécis quant à l'aspect territorial. Je ne suis donc
14 pas à même de comparer les aspirations territoriales dans le document
15 "Nacertanje" et les aspirations territoriales que l'on pourrait trouver
16 dans le mémorandum car elles ne sont pas explicitement formulées
17 Mme Residovic (interprétation). - "Un seul Etat pour tous les
18 Serbes", c'est un slogan. Est-ce que celui-ci est directement ou
19 indirectement lié à la sécurité de la Bosnie-Herzégovine ?
20 Mme Calic (interprétation). - Pas nécessairement car en
21 Yougoslavie, les Serbes vivaient dans un Etat et ils croyaient vivre
22 ensemble. La Bosnie existait en tant que République, avait ses
23 institutions, avait ses frontières territoriales. Donc c'est une question
24 d'interprétation, une question politique, à savoir celle de la forme
25 concrète sous laquelle on réaliserait l'objectif qui était "Tous les
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1 Serbes dans un même Etat".
2 Mme Residovic (interprétation). - Puisque vous avez cité un
3 document qui parle de la dissolution de la Yougoslavie, est-ce que ce
4 slogan peut aussi avoir un autre sens concernant un rapport avec la
5 sécurité de la Bosnie-Herzégovine ?
6 Mme Calic (interprétation). - Qu'est-ce que cela pourrait
7 signifier ? Vous voulez dire après la désintégration de la Yougoslavie ?
8 Je ne comprends pas votre question.
9 Mme Residovic (interprétation). - Si l'on insiste sur le fait
10 que tous les Serbes doivent vivre dans le même Etat, est-ce que cela
11 affecte directement la Bosnie-Herzégovine également qui est peuplée à
12 raison de 33 % de Serbes, étant donné la composition ethnique de la
13 République ?
14 Mme Calic (interprétation). - Les Serbes insistaient sur le fait
15 qu'ils souhaitaient rester en Yougoslavie, mais la dissolution de la
16 Yougoslavie ne s'est pas faite d'une façon acceptable aux yeux des Serbes.
17 C'est cela qu'ils critiquaient. En ce sens, effectivement l'intégrité
18 territoriale de la Bosnie-Herzégovine était une question, une fois qu'elle
19 était reconnue comme entité.
20 Mme Residovic (interprétation). - Pensez-vous que le retrait
21 rapide de la JNA en Slovénie et en Croatie faisait également partie de la
22 stratégie visant à créer une Grande Serbie ?
23 Mme Calic (interprétation). - Je ne souhaite pas argumenter sur
24 un plan visant à constituer une Grande Serbie. En Slovénie, il n'y avait
25 presque pas de non-Serbes et je ne crois pas qu'il y avait des aspirations
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1 territoriales de la part de la JNA ou de la part de Belgrade.
2 Mme Residovic (interprétation). - En d'autres termes, garder les
3 forces armées était limité aux régions où il y avait des aspirations
4 territoriales. Est-ce que c'est ce que vous êtes en train de dire ?
5 Mme Calic (interprétation). - Ce que je veux dire, c'est que je
6 ne voudrais pas me prêter à une discussion sur un plan visant à constituer
7 une Grande Serbie.
8 Mme Residovic (interprétation). - Je peux comprendre votre
9 souhait de ne pas parler de cette question. Nous vous avons accepté en
10 tant que témoin impartial au fait du contexte historique et politique de
11 la Bosnie et je ne poursuivrai pas dans ce domaine.
12 Cela étant, j'ai encore une question à vous poser, puisque vous
13 êtes un expert en la matière. Sur la base de cette connaissance, plutôt
14 que sur votre volonté ou non de répondre à cette question, vous avez dit
15 que la Bosnie-Herzégovine a été reconnue le 6 avril 1992.
16 Mme Calic (interprétation). - La décision a été prise le 6 avril
17 92 et elle est entrée en vigueur un jour plus tard.
18 Mme Residovic (interprétation). - Dites moi une chose, à partir
19 de ce moment-là, est-ce que l'ex-JNA était une force militaire étrangère
20 sur le territoire de cet Etat ?
21 Mme Calic (interprétation). - Après cette date, la JNA était
22 encore présente sur le territoire de la Bosnie. Elle s'est partiellement
23 retirée. Certaines troupes sont restées et un certain appui est resté de
24 la part de Belgrade. J'ai essayé d'expliquer ce matin que la plus grande
25 partie de la JNA avait en fait été transformée pour devenir l'Armée serbe
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1 de Bosnie puisque des troupes et des équipements étaient restés derrière.
2 M. le Président (interprétation). - Une question simple. Est-ce
3 que la JNA était en territoire étranger ? C'est cela la question qui vous
4 a été posée.
5 Mme Calic (interprétation). - La JNA était en territoire
6 bosniaque, tout en étant sous le commandement de Belgrade. Le commandement
7 suprême était à Belgrade.
8 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que cela signifie qu'à
9 partir de ce moment-là, il y avait une agression de la Bosnie-Herzégovine
10 et qu'il s'agissait d'un conflit international armé, à partir de ce
11 moment-là ?
12 Mme Calic (interprétation). - Le 27 avril 1992, la nouvelle
13 Yougoslavie a été créée et je pense qu'à partir de ce moment-là, on peut
14 considérer avec certitude que la JNA était une force étrangère présente
15 sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.
16 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous qu'au début du mois
17 de mai, le conseil de sécurité a adopté une résolution ordonnant à toutes
18 les forces de la JNA de quitter la Bosnie-Herzégovine ?
19 Mme Calic (interprétation). - Oui.
20 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous que cela n'a pas
21 été fait dans le délai imparti qui était le 19 mai ?
22 Mme Calic (interprétation). - Oui.
23 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous qu'après cela, le
24 30 mai, le conseil de sécurité a introduit des sanctions à l'égard de la
25 République fédérale de Yougoslavie ?
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1 Mme Calic (interprétation). - Oui, bien sûr.
2 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous savez que la
3 JNA, l'Armée de la République fédérale de Yougoslavie, à travers son appui
4 logistique et par d'autres manières, est restée présente en Bosnie-
5 Herzégovine ?
6 Mme Calic (interprétation). - Oui.
7 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous me dire si vous
8 avez des données concernant la JNA indiquant que la JNA aurait préparé
9 cette agression pendant une période de temps prolongée ? Vous savez qu'en
10 mai 1991, sous couvert d'exercices militaires, de manoeuvres, tous les
11 grands centres de Bosnie-Herzégovine ont été bloqués par des armements
12 lourds ?
13 Mme Calic (interprétation). - Je sais que beaucoup de points
14 stratégiques importants ont été bloqués ou contrôlés par la JNA à ce
15 moment-là.
16 Mme Residovic (interprétation). - Sarajevo, Bihac, Konjic.
17 Merci.
18 Savez-vous aussi qu'à partir de 1990, les armes qui
19 appartenaient à la Défense territoriale étaient gardées par la JNA ?
20 Mme Calic (interprétation). - Oui.
21 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous que ces armes ont
22 été distribuées à la population serbes de Bosnie-Herzégovine par
23 l'intermédiaire du SDS et de la JNA ?
24 Mme Calic (interprétation). - Je sais que cela s'est passé dans
25 certaines zones en Bosnie et j'ai également présenté un document pour
Page 720
1 étayer cet élément.
2 Mme Residovic (interprétation). - En d'autres termes, la JNA
3 s'est comportée comme un agresseur dans des zones importantes de la
4 Bosnie-Herzégovine. Est-ce bien juste ?
5 Mme Calic (interprétation). - Ce n'est sans doute pas juste tant
6 que la Bosnie-Herzégovine n'était pas reconnue en tant qu'Etat
7 indépendant. La JNA a commencé à distribuer des armes des mois avant, donc
8 je pense qu'il faut faire une distinction entre la période qui précède la
9 reconnaissance par la Communauté internationale de la Bosnie et la période
10 qui suit.
11 Mme Residovic (interprétation). - Oui, je pense à la période qui
12 suit. Est-ce que le fait que la Yougoslavie a joué ce rôle en Bosnie-
13 Herzégovine est l'une des raisons pour lesquelles elle n'a pas été
14 reconnue par les Nations Unies ?
15 Mme Calic (interprétation). - Oui, c'est juste.
16 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, je voudrais en
17 venir à la question de la région de Konjic.
18 Avant cela, une question encore, qui touche aux questions
19 politiques générales. Dans votre rapport écrit, vous avez dit qu'il y
20 avait des rumeurs et des bruits autour du fait que Tudjman et Milosevic,
21 ainsi que le dirigeant des Serbes de Bosnie, M. Karadzic et Mate Boban,
22 dirigeant des Croates de Bosnie, s'étaient mis d'accord sur la répartition
23 de la Bosnie.
24 Pouvez-vous me dire si oui ou non il y a eu une réunion entre
25 Tudjman et mis Milosevic à Karageorgevic ou non ?
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1 Mme Calic (interprétation). - J'ai entendu parler de cette
2 rencontre. Cependant, je n'ai jamais vu aucun document à propos de cette
3 rencontre et je l'ai mentionné dans le paragraphe où il est question de ce
4 genre de rumeur. Peut-être qu'il y a eu accord ? Je suis consciente de ce
5 facteur qu'il y a eu une rencontre à Karageorgevic, mais je n'ai pas
6 connaissance du résultat exact de cette rencontre.
7 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous qu'en 1990, en juin
8 1992 Mate Boban et Karadzic se sont rencontrés à Graz ?
9 Mme Calic (interprétation). - Même chose. Ils se sont peut-être
10 rencontrés, mais on n'a jamais vu le résultat de ces rencontres.
11 Mme Residovic (interprétation). - Nous attendons de vous des
12 données précises, puisque vous êtes l'expert. Je pense que ces réponses
13 basées sur des rumeurs ne peuvent pas figurer dans un avis d'expert.
14 Mme Calic (interprétation). - J'ai présenté ce que bon nombre de
15 gens croient et ce qui se trouvait dans la presse, mais j'ai tenu à dire
16 précisément que je n'avais pas d'information sur le résultat de ces
17 rencontres, et que celles-ci s'étaient tenues à huis clos.
18 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, vous avez
19 présenté des documents qui sont le résultat de ces accords. La décision
20 quant à la création de l'assemblée de la Republika Srpska et de la
21 communauté croate d'Herzeg-Bosnie, division du territoire, n'est-elle pas
22 la réalisation et le résultat de ces accords ? Et si l'on pense aux
23 victimes qui sont le résultat de ces accords...
24 Mme Calic (interprétation). - Dans aucun des documents que j'ai
25 présentés, on ne trouve d'accord entre des Croates et des Serbes, ou entre
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1 des dirigeants croates et serbes, ou entre des autorités croates ou
2 serbes, montrant comment les dirigeants serbes d'une part et les
3 dirigeants croates d'autre part auraient essayé d'établir des régions
4 autonomes, ou d'établir des quasi Etats, des structures étatiques.
5 Mais il ne ressort pas comment les deux communautés auraient
6 tenté de se diviser, à leur avantage, la Bosnie-Herzégovine.
7 Mme Residovic (interprétation). - A votre avis, est-ce que ces
8 Etats que vous avez mentionnés auraient pu être des Etats fondés sur la
9 législation de Bosnie-Herzégovine ou s'agit-il de para-Etats ?
10 Mme Calic (interprétation). - Il s'agit de para-Etats. La Cour
11 constitutionnelle a pris plusieurs arrêts qui sont repris dans le
12 classeur.
13 La Cour constitutionnelle a considéré que la création de ces
14 para-Etats était anticonstitutionnelle.
15 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, avant que je ne
16 passe à la région de Konjic, je voudrais dire une ou deux choses.
17 Je dois admettre que vous avez consacré votre thèse de doctorat
18 aux questions sociales en Serbie. Vous avez été employée par l'institut de
19 recherche à Munich et vous avez travaillé pour le gouvernement allemand.
20 C'est là la base de votre connaissance et d'un certain nombre de documents
21 que vous avez présentés.
22 Pouvez-vous me dire sur quoi se fonde votre connaissance des
23 circonstances géopolitiques, militaires et historiques de la région ?
24 Mme Calic (interprétation). - Voulez-vous répéter, s'il vous ?
25 Car j'écoute en parallèle l'original et la traduction et j'ai raté un
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1 élément. Ou l'interprète pourrait-il simplement répéter la question ?
2 Mme Residovic (interprétation). - Oui, je vous en prie. Quels
3 sont les documents que vous avez utilisés pour vous faire une opinion sur
4 la région de Konjic ? Et qui vous a communiqué ces documents ?
5 Mme Calic (interprétation). - J'ai utilisé de nombreux
6 documents. J'ai commencé par l'encyclopédie de Yougoslavie qui a plusieurs
7 volumes sur la Bosnie-Herzégovine. Puis plusieurs chapitres ont trait à
8 Konjic, en particulier un chapitre qui a trait à la géographie, à
9 l'économie et à d'autres points. J'ai ensuite utilisé les données
10 statistiques communiquées par le bureau de statistiques de la Yougoslavie,
11 publiées dans l'annuaire 1991.
12 J'ai utilisé dans une moindre mesure des articles de presse.
13 J'ai aussi utilisé des documents qui m'ont été communiqués par le bureau
14 du procureur. Quoi encore ? J'ai aussi utilisé des ouvrages de Cekic.
15 Voilà ce que j'ai utilisé pour l'essentiel.
16 Mme Residovic (interprétation). - Donc vous n'aviez pas mené de
17 recherche personnelle et vous n'avez pas eu connaissance de documents
18 spécifiques portant sur la région ? Vous n'avez eu que des sources
19 indirectes ?
20 Mme Calic (interprétation). - Les sources citées que j'ai
21 utilisées contiennent beaucoup de références directes à la région de
22 Konjic.
23 Mme Residovic (interprétation). - Permettez-moi de dire que dans
24 votre rapport écrit, vous indiquez que durant la seconde guerre mondiale,
25 la région de Konjic a subi les luttes interethniques les plus graves, les
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1 plus sanglantes de la guerre.
2 Mme Calic (interprétation). - Oui, je m'attendais à votre
3 question.
4 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous que dans cette
5 région, les forces de l'armée de libération, menées par le Maréchal Tito,
6 ont mené leur quatrième offensive contre les Allemands et les Italiens, de
7 concert avec les Oustachis et les Chetniks, traites locaux ? Ceci était
8 connu comme la bataille de la Neretva. Un film, qui a été nominé pour les
9 Oscars, porte ce titre. Pensiez-vous à ces événements, à ces batailles, en
10 particulier la traversée de la Neretva par les Chetniks lorsque vous
11 affirmiez cette chose ?
12 Mme Calic (interprétation). - Pas seulement, mais j'ai aussi
13 pensé à ces événements et à la lutte des partisans. Effectivement, bien
14 sûr.
15 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous dire, dans ces
16 conditions, que cette partie des événements de la deuxième guerre mondiale
17 sur le territoire de l'opcina de Konjic n'est pas vraiment décrite de la
18 façon la plus exacte qui soit ?
19 Mme Calic (interprétation). - S'agissant de la région prise dans
20 un sens assez large, je ne vois vraiment pas pourquoi il ne serait pas
21 exact de dire que l'histoire s'est déroulée comme je l'ai dit dans cette
22 région. Konjic faisait bien partie de la région de la Neretva, n'est-ce
23 pas ?
24 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, vous avez dit
25 qu'il s'agissait des combats les plus violents. Mais en fait, c'étaient
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1 les combats menés par une organisation de défense nationale sur un
2 territoire soumis à une occupation fasciste. D'après moi, en tout cas, sur
3 le plan politique, historique, ce sont là des qualificatifs tout à fait
4 différents.
5 Mme Calic (interprétation). - Malheureusement, les forces
6 d'occupations allemandes avaient à leur côté des forces composées de
7 Croates et de Musulmans également. Il s'agissait de forces spéciales qui
8 avaient été créés par les S.S. allemands.
9 C'était des espèces de troupes d'élite organisées par les
10 Allemands et ces unités spéciales sont connues comme ayant connu des
11 crimes particulièrement atroces au cours de cette guerre, cruelle de façon
12 générale. Donc des Croates et des Musulmans ont participé à ces combats,
13 certains volontairement, d'autres sous la contrainte. Et malheureusement,
14 tout cela est resté dans la mémoire de pas mal de gens qui considèrent ces
15 combats comme des combats ethniques, à l'époque, compte tenu du fait que
16 le mouvement des partisans était un mouvement pluri-ethnique, un mouvement
17 pan yougoslave.
18 Mme Residovic (interprétation). - Ce que vous venez de dire,
19 madame Calic, n'est pas écrit dans votre exposé. J'accepte tout à fait ces
20 éclaircissements, mais de nombreux documents relatifs à ces événements se
21 trouvent dans le musée de Jablanica. Vous n'avez pas eu l'occasion de
22 jeter un coup d'oeil à ces documents historiques, n'est-ce pas ?
23 Mme Calic (interprétation). - Je me suis rendue dans cette
24 région lorsque j'étais étudiante, il y a dix ans. Je connais le monument,
25 je connais bien aussi l'histoire de la lutte des partisans. J'ai sans
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1 doute été un peu brève sur le sujet, mais il y a pas mal de déclarations
2 dans mon exposé.
3 Mon exposé ne fait que 13 pages, je n'ai donc pas pu donner tout
4 le détail des informations pertinentes. J'avoue que mon exposé écrit est
5 très très bref.
6 Mme Residovic (interprétation). - Je vous prie de m'excuser
7 d'insister, mais dans votre exposé vous n'avez pas du tout mentionné cette
8 lutte antifasciste. Cela dit, je crois que nous nous sommes expliqués, je
9 n'insiste pas pour poser des questions supplémentaires sur ce même sujet.
10 Pouvez-vous me répondre ? La situation générale de la Bosnie-
11 Herzégovine avait-t-elle un lien direct avec la situation à Konjic ?
12 Mme Calic (interprétation). - Oui, oui je suis d'accord sur ce
13 point.
14 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous confirmer qu'un
15 événement survenu en octobre 1991 a eu une incidence cruciale sur les
16 événements ultérieurs en Bosnie-Herzégovine? Pour vous rappeler de quoi il
17 s'agit, j'aimerais vous montrer un extrait court d'une vidéo relative à
18 cet événement, 15 secondes environ. Je demanderai l'aide des techniciens
19 pour ce faire.
20 M. le Président (interprétation). - Vous en avez l'autorisation.
21 Vous pouvez montrer cet extrait.
22 Mme Residovic (interprétation). - Cassette n° 1, extrait n° 1.
23 Je demanderai que l'on place la traduction du texte de cet
24 extrait vidéo sur le rétroprojecteur, pour que tout le monde puisse la
25 voir.
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1 (L'huissier pose la traduction sur le rétroprojecteur).
2 Je n'ai pas de son dans les oreilles. Messieurs les techniciens,
3 on n'a pas entendu le son. Pourriez-vous rediffuser cette séquence ?
4 Mme Calic (interprétation). - Je n'ai pas vu d'image.
5 Mme Residovic (interprétation). - Peut-être serait-il bon que
6 l'on communique ce texte aux interprètes pour qu'ils puissent le lire à
7 l'avance ? Il serait bon également qu'il n'y ait pas deux images en même
8 temps sur l'écran.
9 (les techniciens disent qu'il n'y a pas de son sur la vidéo).
10 Mme Residovic (interprétation). - Je vous prierai donc de donner
11 lecture du texte, s'il y a une erreur technique au niveau de la vidéo. Je
12 prierai les techniciens d'essayer tout de même de nous fournir le son.
13 (L'huissier remet le texte aux interprètes).
14 (Pour le son, les techniciens disent que ce n'est pas possible).
15 Mme Residovic (interprétation). - Je vous prierai de donner
16 lecture du texte de cette allocution prononcée devant le parlement de
17 Bosnie-Herzégovine.
18 M. Jan (interprétation). - Quelle la pertinence de tout ceci ?
19 Mme Residovic (interprétation). - Il est important que ce témoin
20 expert qui s'intéresse aux événements historiques survenus en Bosnie-
21 Herzégovine identifie cet homme, cette assemblée et les paroles qui y ont
22 été prononcées, car ces paroles ont eu une incidence tout à fait cruciale,
23 y compris sur les événements ultérieurs survenus sur le territoire de
24 Konjic, mais également sur l'ensemble de l'Etat et donc bien entendu à
25 Konjic également.
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1 M. le Président (interprétation). - Entendons l'interprétation.
2 M. Jan (interprétation). - Comment est-ce que nous saurons que
3 cette déclaration a été prononcée par ce Monsieur que nous voyons à
4 l'écran ?
5 M. le Président (interprétation). - Ecoutons l'interprétation.
6 Le texte est le suivant : "vous voulez que la Bosnie-Herzégovine
7 s'engage sur la même voix de souffrances et de difficultés qu'ont déjà
8 vécues la Croatie et la Slovénie. Ne croyez pas que vous allez emmener la
9 Bosnie-Herzégovine en enfer. Ne croyez pas que le peuple musulman pourra
10 disparaître car les Musulmans ne pourront pas se défendre en cas de
11 guerre.
12 Comment est-ce que vous empêcherez que tout le monde se fasse
13 tuer en Bosnie-Herzégovine ".
14 Et il est écrit en dessous : Radovan Karadzic, dirigeant des
15 Serbes de Bosnie, devant l'assemblée de Bosnie-Herzégovine le 14 octobre
16 1991".
17 M. le Président (interprétation) - Je crois comprendre que le
18 son de la bande vidéo est rétabli. Donc nous pourrions peut-être diffuser
19 à nouveau cette bande.
20 (Diffusion de la vidéo).
21 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le président, je
22 prierai le témoin de lire le texte et de nous dire simplement s'il est
23 capable de reconnaître ce monsieur et si les paroles écrites sur cette
24 feuille de papier comme ayant été prononcées par ce monsieur sont connues
25 de lui.
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1 Mme Calic (interprétation). - Je n'ai vu que l'image, je n'ai
2 pas entendu de son. Mais je connais ce document : ce passage a été publié
3 dans les livres de Cekic que j'ai utilisés moi-même. Donc je connais cet
4 extrait.
5 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous pouvez dire
6 dans votre déposition devant ce Tribunal de quel homme il est question et
7 ce qu'il a dit en cette occasion ?
8 Mme Calic (interprétation). - Je n'ai pas entendu le son, je
9 connais ce passage que j'ai lu dans un livre, mais ici je n'ai pas entendu
10 de paroles avec la vidéo. Peut-être pourriez-vous me relire ces paroles,
11 je n'ai entendu que la traduction. Je n'ai rien vu sur l'écran.
12 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous pourriez
13 utiliser le document que je vous ai remis ?
14 Mme Calic (interprétation). - Qu'est-ce que vous m'avez demandé
15 de faire ?
16 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous reconnaître le
17 monsieur que nous avons vu à l'écran et reconnaître les paroles qu'il a
18 prononcées devant l'assemblée et nous le confirmer ?
19 Donc qui est l'homme et quels sont les propos tenus ?
20 Mme Calic (interprétation). - J'ai reconnu Karadzic à l'écran,
21 mais je n'ai pas entendu les paroles qu'il a prononcées, car je
22 n'entendais rien dans mes écouteurs. Mais je connais ce document que j'ai
23 vu dans le livre de Cekic.
24 Mme Residovic (interprétation). - Et dans l'émission de la BBC ?
25 Mme Calic (interprétation). - Peut-être. En tout cas, dans mon
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1 esprit je pensais l'avoir lu dans le livre de Cekic.
2 Mme Residovic (interprétation). - Je vous prie de m'excuser,
3 est-ce que les juges ont entendu les paroles prononcées par Karadzic ?
4 M. le Président (interprétation). - Je n'ai pas entendu. Je n'ai
5 entendu que l'interprétation.
6 Mme Residovic (interprétation). - Je prierai le témoin, qui a
7 déjà confirmé savoir qu'il s'agit de Radovan Karadzic parlant devant
8 l'assemblée de la Bosnie-Herzégovine, et qui a confirmé qu'elle
9 connaissait les paroles prononcées en cette occasion, de nous dire dans sa
10 déposition qu'il s'agit de propos qui ont eu une incidence cruciale sur
11 les événements ultérieurs en Bosnie-Herzégovine.
12 M. le Président (interprétation). - Est-ce qu'elle peut
13 témoigner de cela ? Elle n'était pas membre de l'assemblée, n'est-ce
14 pas ? Elle n'a jamais participé aux réunions de l'assemblée. Alors
15 comment voulez-vous qu'elle témoigne de ce fait ? Est-ce que vous avez
16 d'autres questions ? Des questions plus valables, je vous prie ? Essayez
17 de les poser au témoin.
18 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le président, ce
19 témoin n'est pas témoin factuel. Madame Calic est un témoin expert qui
20 travaille sur la base de documents. Il s'agit ici d'un document qui émane
21 de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine et qui a déjà été montré à plusieurs
22 reprises, y compris devant ce Tribunal. Donc j'aimerais que le témoin nous
23 dise dans sa déposition qu'il s'agit bien de ce document. Si elle ne peut
24 pas le faire, je lui serai reconnaissante d'avoir simplement regardé ce
25 document.
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1 Mme Calic (interprétation). - Je ne peux pas confirmer cela, car
2 je n'ai pas vu cette bande vidéo avant de la voir ici au tribunal. Je
3 connais ce document à partir du livre de Cekic, comme je l'ai déjà dit,
4 mais je ne suis pas témoin factuel. Je n'ai pas assisté à cette réunion de
5 l'assemblée et malheureusement je n'ai pas pu comprendre, ni entendre ce
6 que Karadzic disait sur la bande vidéo, puisque je n'avais pas de son dans
7 mes écouteurs.
8 Mme Residovic (interprétation). - Pourriez-vous nous dire quel
9 est le document que vous connaissez pour l'avoir vu dans le livre de
10 Cekic ?
11 Mme Calic (interprétation). - J'ai un petit problème de
12 traduction. J'ai déjà eu ce problème quand j'ai lu ce passage dans le
13 livre. Mon problème porte sur le mot " disparaître ". Je ne me souviens
14 pas exactement du mot qui a été utilisé en langue bosniaque. Donc n'ayant
15 pas entre les mains le texte original et n'étant pas un témoin des faits,
16 je crains de ne pouvoir vous répondre. Mais si cela est important, nous
17 pourrons trouver le livre ou faire fonctionner la bande vidéo.
18 Mme Residovic (interprétation). - Ce mot " disparaître "
19 concernait-il le peuple musulman ?
20 Mme Calic (interprétation). - Je ne peux pas témoigner sur ce
21 point.
22 Mme Residovic (interprétation). - Bien. La défense va sans doute
23 pouvoir proposer ce livre comme élément de preuve de la défense.
24 J'aimerais savoir quand il a été publié.
25 Mme Calic (interprétation). - En 1993. Nous l'avons ici, je
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1 crois que j'en ai apporté un exemplaire, mais je n'en suis pas tout à fait
2 sûre.
3 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, je vous prie,
4 est-ce que vous pouvez nous dire si vous savez que la ville de Konjic a
5 subi un blocus complet en tant que point de communication important entre
6 Sarajevo et la mer dans une période récente ?
7 Mme Calic (interprétation). - Je répète que je ne suis pas un
8 témoin des faits. J'ai lu dans certain des rapports de témoins que cette
9 route a été bloquée, mais malheureusement je ne suis pas en mesure de
10 confirmer ou d'infirmer ce fait, car je ne suis pas un témoin factuel.
11 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous pouvez
12 confirmer que le 29 avril déjà, une attaque aérienne a été organisée, puis
13 ensuite menée à bien dans l'espace aérien de Konjic ?
14 Mme Calic (interprétation). - Encore une fois, je dirai que je
15 ne suis pas un témoin factuel et que personnellement je n'ai pas vu ces
16 attaques. Donc ce serait sans doute une question qu'il vaudrait mieux
17 poser à un témoin factuel plutôt qu'à moi.
18 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, je vais tout de
19 même vous poser cette question en tant qu'expert. Vous avez dit que vous
20 étiez capable de témoigner des événements survenus à Konjic et à chacune
21 de mes questions vous répondez que vous n'êtes pas un témoin factuel. Je
22 ne vous demande pas de me dire que vous avez vécu à Konjic -je ne pense
23 pas que ce soit le cas- mais en tant qu'expert, vous avez pu avoir sous
24 les yeux une documentation relative à la période en question, dont a parlé
25 l'accusation et sur laquelle s'appuie l'accusation.
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1 Mme Calic (interprétation). - Oui, j'ai eu la possibilité
2 d'étudier des documents portant sur ces événements, mais je ne suis pas
3 sûre de savoir à quel point je peux m'appuyer sur ces documents et je
4 préférerais vraiment que vous posiez ce genre de question à des témoins
5 factuels et non à moi, car ce que l'on m'a prié de faire, c'est de décrire
6 la situation historique générale, à l'intention du Tribunal, pour
7 expliquer aux juges la nature des événements. Mais je n'étais pas sur
8 place et je crains donc d'être incapable de répondre à vos questions,
9 n'ayant pas été présente dans la région à l'époque dont il est question.
10 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, la guerre, les
11 bombardements et les autres événements sur lesquels portent mes questions
12 sont des événements historiques et vous êtes un expert au sujet de ces
13 événements. Est-ce que vous pouvez me dire en tant que témoin que Konjic a
14 subi des pilonnages terribles à partir du 4 mai ?
15 M. le Président (interprétation). - Je vous prierai, Maître,
16 d'accepter mon conseil. Vous avez commencé très bien en posant des
17 questions au témoin, sur ce qu'il était venu nous dire ici, la situation
18 historique, géographique, politique, le contexte des événements.
19 Mais les événements précis dont vous parlez, les événements
20 quotidiens font sans doute partie de l'histoire, mais ne sont pas des
21 éléments historiques ayant une incidence sur ce qui s'est passé. Donc je
22 ne crois pas que le témoin soit en mesure de répondre à des questions
23 aussi précises que des questions portant sur les bombardements par
24 exemple.
25 Cet expert a été cité ici pour témoigner sur des éléments qui
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1 n'ont rien à voir avec des événements si précis. Le témoin expert est ici
2 pour nous faire partager son savoir-faire d'expert.
3 M. Jan (interprétation). - Peut-être pourriez-vous demander au
4 témoin s'il sait qu'il y a eu des bombardements, mais vous ne pouvez pas
5 l'interroger sur un bombardement précis. Le témoin a déjà dit que des
6 routes ont été bloqués par des barricades.
7 Peut-être y en avait-il aussi à Konjic ?
8 Mme Calic (interprétation). - Oui, si la question est posée de
9 cette façon générale, je peux confirmer ce fait. J'ai fourni un rapport du
10 HCR des Nations Unies qui confirme que de nombreux bâtiments ont été
11 détruits dans la région pendant la guerre, mais bien entendu je ne puis
12 pas vous dire quel bombardement précis, quelle attaque aérienne précise,
13 quel coup de feu particulier a entraîné ces destructions, car il y a bien
14 sûr par la suite eu d'autres combats dans la région, y compris entre les
15 forces croates et les forces musulmanes. Donc de façon générale, je peux
16 confirmer que de nombreuses attaques ont eu pour cible Konjic et qu'il y a
17 eu également des bombardements.
18 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le juge, monsieur le
19 président, je vous prie de m'excuser, mais dans le document fourni à la
20 défense, il nous a été dit que Mme Calic allait y compris s'exprimer sur
21 les événements concrets, politiques, historiques et militaires qui ont de
22 l'importance, qui ont eu une incidence sur la situation de la région de
23 Konjic.
24 Alors maintenant je me trouve un peu plongée dans la confusion
25 si on me dit que Mme Calic n'est pas en mesure de témoigner sur ces points
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1 devant le Tribunal car je n'ai pas posé des questions au sujet d'un
2 bâtiment particulier. Avril et mai, ce sont des mois qui ont une grande
3 importance. On sait qu'il y a eu 44 pilonnages sur la ville pendant ces
4 deux mois. Ce ne sont pas les questions que je pose à Mme Calic. Je lui
5 demande simplement si elle sait que pendant cette période, la ville de
6 Konjic a subi des pilonnages importants.
7 Ceci est un fait qui fait partie de l'histoire politique et
8 militaire et de l'histoire en général de la région. Donc je demanderai au
9 témoin, Mme Calic, de bien vouloir nous répondre sur ces points. Si elle
10 nous dit qu'elle ne peut pas répondre à cela, je dirai que le témoin
11 expert n'a pas de connaissance de ces faits.
12 M. le Président (interprétation). - Je vous prie de m'excuser
13 si vous êtes quelque peu préoccupée. Je ne veux pas être trop pointilleux
14 sur ce point, mais lorsqu'un expert est cité ici pour témoigner
15 d'événements historiques ou d'événements qui ont conduit à quelque chose,
16 en tout état de cause ce n'est pas quelqu'un qui a participé à ces
17 événements, donc elle n'est pas censée témoigner sur ce qui s'est passé
18 concrètement pendant le conflit. Je ne vois donc pas comment vous pouvez
19 aller aussi loin que vous le faites.
20 Je suppose que s'il n'y a pas d'objection de la part de
21 l'accusation, vous pouvez continuer à lui poser toutes les questions que
22 vous voulez. Mais à mon avis, ce n'est pas la bonne manière de mener un
23 contre-interrogatoire eu égard à un témoin expert, c'est-à-dire à
24 quelqu'un qui n'a pas participé aux événements. Vous êtes censée lui poser
25 des questions destinées à un expert et donc vous êtes censée connaître vos
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1 limites.
2 Mme Residovic (interprétation). - Merci beaucoup monsieur le
3 président.
4 L'expert a répondu qu'elle a eu en sa possession un certain
5 nombre de documents des Nations Unies et d'autres structures portant sur
6 les destructions importantes provoquées à Konjic.
7 Donc je vous prie de m'excuser, mais je passerai à ma question
8 suivante.
9 Madame, est-ce que vous savez que dès le mois d'avril 1991, des
10 déplacements de population importants ont eu lieu à partir de la Bosnie
11 orientale, après que le peuple bosniaque ait été victime d'une atroce
12 opération de nettoyage ethnique.
13 Mme Calic (interprétation). - Est-ce que vous avez dit 1991 ?
14 Mme Residovic (interprétation). - 1992.
15 Mme Calic (interprétation). - Bon d'accord. 1992. Là encore, il
16 existe de nombreux rapports émanant d'experts internationaux, tels par
17 exemple le dernier rapport de la commission d'experts des Nations Unies
18 qui atteste de l'existence de déplacements de population et je crois
19 qu'aujourd'hui il ne peut exister le moindre doute sur ce point.
20 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous êtes au
21 courant que des dizaines de milliers de personnes ont quitté ces régions
22 et ont traversé les montagnes de la Bosnie pour se diriger vers le sud,
23 vers Konjic notamment ?
24 Mme Calic (interprétation). - Oui, je sais cela.
25 Mme Residovic (interprétation). - En tant qu'expert, est-ce que
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1 vous pensez que l'ensemble de cette situation a eu une incidence cruciale
2 sur la situation politique et autre dans la région de Konjic ?
3 Mme Calic (interprétation). - Oui, je suis d'accord, je suis
4 d'accord. Effectivement. Nous pouvons constater ce fait également dans les
5 années ultérieures, lorsque nous voyons ces masses importantes de
6 population qui se déplacent vers la Bosnie centrale. Cela a été un grand
7 sujet de préoccupation pour les autorités locales. Cela a créé des
8 tensions entre les Bosniaques et les Musulmans au sujet de la répartition,
9 de la distribution des ressources, etc., mais je suis tout à fait d'accord
10 sur le fait que c'était là un sujet de préoccupation très important.
11 Je l'ai d'ailleurs évoqué à la fin de mon rapport. J'ai dit que
12 8 000 personnes environ étaient arrivées à Konjic, des nouveaux-venus, des
13 personnes déplacées d'autres régions et en particulier et surtout
14 provenant de Bosnie orientale.
15 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous pouvez
16 confirmer que ce nombre de 8 000 peut être beaucoup plus important ? Est-
17 ce que vous admettez cette possibilité au moins ?
18 Mme Calic (interprétation). - Je ne sais vraiment pas. Je
19 m'appuie sur un rapport émanant du Haut-commissariat aux réfugiés des
20 Nations Unies qui, à mon avis, est une source fiable. Je ne m'autoriserai
21 pas personnellement à spéculer sur la possibilité que ce nombre ait été
22 supérieur.
23 Mme Residovic (interprétation). - En tant que sociologue, est-ce
24 que vous pouvez confirmer que de tels événements, de tels déplacements de
25 population ont créé d'énormes difficultés pour l'ensemble du gouvernement
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1 de cette région ?
2 Mme Calic (interprétation). - Oui bien sûr, je peux confirmer ce
3 fait.
4 Mme Residovic (interprétation). - J'en arrive maintenant à la
5 dernière partie de mes questions et j'aimerais attirer votre attention sur
6 ces questions. Madame Calic, je vous remercie d'ailleurs de votre patience
7 puisque vous écoutez toutes mes questions et vous tentez de répondre à
8 celles auxquelles vous pouvez répondre.
9 En relation avec la structure du gouvernement du pouvoir dans
10 l'opcina de Konjic, j'aimerais que vous me disiez si, outre les documents
11 qui ont été cités, vous avez eu des documents officiels de l'opcina de
12 Konjic, c'est-à-dire par exemple les statuts d'avant la guerre et puis
13 également les décisions qui ont été prises par la suite.
14 Puis, j'aimerais vous demander également si vous pouvez me dire
15 quelle est la source de votre éventuelle connaissance de ces décisions.
16 Mme Calic (interprétation). - Malheureusement, je n'ai eu en ma
17 possession que quelques-uns de ces documents. Je les ai demandés et si
18 j'ai bien compris, le bureau du procureur a également tenté de les
19 obtenir. Mais malheureusement, les institutions bosniaques -et je ne sais
20 pas de quelles institutions il s'agit-, mais les institutions bosniaques
21 n'ont pas été en mesure de nous fournir ces documents dans les délais qui
22 nous intéressaient. Nous essayons encore de les obtenir et je ne sais pas
23 pour quelles raisons nous n'avons pas pu les obtenir de la Bosnie.
24 Mme Residovic (interprétation). - Vous nous avez présenté la
25 stratégie de la défense populaire totale de la RSFY émanant du ministère
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1 fédéral de la Défense. Vous nous avez présenté ce document pendant votre
2 déposition. Est-ce que vous savez que le 10 avril, la présidence de la
3 République de Bosnie-Herzégovine a publié un décret qui permettait la
4 réorganisation de la défense territoriale ?
5 Mme Calic (interprétation). - Est-ce que vous pourriez répéter
6 la date, je vous prie ?
7 Mme Residovic (interprétation). - Le 10 avril.
8 M. Jan (interprétation). - L'année devrait être donnée
9 également.
10 Mme Residovic (interprétation). - Oui, effectivement. Il s'agit
11 du 10 avril 1992.
12 Mme Calic (interprétation). - Pourriez-vous répétez, je vous
13 prie ?
14 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous savez que le
15 10 avril 1992, une orientation temporaire a été adoptée qui permettait la
16 réorganisation de la défense territoriale ?
17 Mme Calic (interprétation). - Si vous parlez de ce qui a été
18 publié au Journal Officiel, je suis au courant. S'il s'agit de quelque
19 chose de secret, je vous réponds non.
20 Mme Residovic (interprétation). - Ce n'est pas un document que
21 vous avez fourni dans votre classeur. Est-ce que vous avez eu l'occasion
22 de voir un autre document ?
23 Mme Calic (interprétation). - J'ai soumis deux documents qui
24 portaient sur l'armée bosniaque et l'organisation de la défense
25 territoriale. Les deux documents ont été adoptés, approuvés en mai 1992.
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1 L'un de ces documents est la loi de défense de la Bosnie et l'autre est la
2 loi concernant les forces armées. Ces deux lois ont été présentées par moi
3 dans mon classeur.
4 Mme Residovic (interprétation). - Donc vous n'avez pas vu
5 d'autres documents sur ce point ?
6 Mme Calic (interprétation). - J'ai vu la totalité du Journal
7 Officiel, si vous parlez de documents publiés au Journal Officiel et
8 portant sur la défense. Dans ce cas, je vous dis que je les ai vus. Mais
9 si vous me parlez de quelques décisions secrètes prises en interne, je
10 vous réponds que je n'ai pas vu ces décisions secrètes.
11 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez vu la loi sur les
12 forces armées de la RSFY dans le Journal Officiel n° 2 ?
13 Mme Calic (interprétation). - Oui, je crois. Oui.
14 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez vu que de nombreux
15 documents ont été approuvés par le gouvernement bosniaque, mais pas sur le
16 plan de la défense.
17 Mme Calic (interprétation). - Le gouvernement bosniaque a
18 approuvé de très nombreux documents, mais à mon avis ils étaient très
19 semblables à ce qui existait avant, sur le fond.
20 Mme Residovic (interprétation). - Le gouvernement bosniaque n'a
21 pas adopté cette décision concernant la défense populaire totale, n'est-ce
22 pas ?
23 Mme Calic (interprétation). - Cette stratégie était dans les
24 faits la stratégie de toutes les républiques de l'ex-Yougoslavie et elle
25 provenait d'une République de l'ex-Yougoslavie dont le nom n'était ni la
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1 Serbie ni le Montenegro et le procureur général m'a dit que c'était encore
2 un document valable, que cette doctrine de défense était encore en
3 application. D'après ce que j'ai pu voir sur le terrain, pas mal de gens
4 agissaient en conformité avec le contenu de ce document, encore à
5 l'époque.
6 Mme Residovic (interprétation). - Vous n'avez pas
7 personnellement vérifié comment les gens se comportaient dans l'opcina de
8 Konjic ?
9 Mme Calic (interprétation). - Non, je ne l'ai pas vérifié. J'ai
10 déjà dit que je n'étais pas un témoin factuel et que je ne pouvais donc ni
11 confirmer ni infirmer le comportement concret de quelque personne que ce
12 soit à cette époque, dans l'opcina de Konjic.
13 Mme Residovic (interprétation). - Cela étant, vous avez confirmé
14 certains éléments dans votre rapport écrit. Vous y indiquez qu'il y avait
15 une règle ou en tout cas des cas fréquents où des gens qui avaient de
16 l'argent, des hommes d'affaires ou d'autres en aidaient d'autres. Vous
17 avez donné comme exemple des Croates de Bosnie. Pourriez-vous nous donnez
18 le nom de cinq de ces personnes ?
19 Mme Calic (interprétation). - Je n'ai pas donné cinq noms. J'en
20 ai donné deux. Le nom de deux personnalités éminentes. Je pense que si
21 vous me donnez un peu plus de temps, je pourrais trouver d'autres exemples
22 adéquats. J'ai déjà mentionné le cas d'Arkan et celui de Fikret Abdic. Je
23 pense qu'effectivement je pourrais trouver sans doute d'autres exemples.
24 Mais il faudrait me laisser quelque temps pour cela.
25 Mme Residovic (interprétation). - Excusez-moi, Arkan n'est pas
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1 citoyen de Bosnie-Herzégovine. Alors dans quel contexte en faisiez-vous
2 mention ? Vous parlez aussi de Fikret Abdic. Je ne vois pas comment sur la
3 base de ces deux personnes, vous pouvez arriver aux conclusions qui se
4 trouvent dans votre rapport écrit.
5 Mme Calic (interprétation). - Ces deux personnes étaient actives
6 sur le territoire de la Bosnie et l'une comme l'autre ont utilisé des
7 ressources financières extérieures à la Bosnie.
8 Bien entendu, je n'ai pas de document avec moi sur ce point et
9 je ne suis pas un témoin factuel, mais c'est en tout cas ce que l'on a
10 généralement reconnu comme étant établi à l'époque et c'est ce que
11 beaucoup de gens croient encore maintenant. Il s'agissait de personnes
12 puissantes, précisément parce qu'elles avaient des moyens économiques
13 importants. Ils avaient de bons contacts en dehors de la République de
14 Bosnie-Herzégovine. Ils avaient des rapports aussi avec des pays
15 étrangers. L'un était surtout puissant en Bosnie occidentale, l'autre en
16 Slavonie orientale.
17 Mme Residovic (interprétation). - Cela étant, il ne s'agit pas
18 de personnes qui étaient membres des forces armées légales de la Bosnie-
19 Herzégovine ?
20 Mme Calic (interprétation). - Non.
21 Mme Residovic (interprétation). - En d'autres termes, ce que
22 vous indiquez dans votre rapport écrit n'a pas trait à des membres des
23 forces armées légales de la Bosnie-Herzégovine.
24 Mme Calic (interprétation). - Je n'ai pas mentionné les forces
25 armées de Bosnie dans ce contexte-là, si je ne me trompe. Si c'est comme
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1 cela que vous l'avez compris, je m'en excuse car ce n'était pas du tout
2 mon intention. Je voulais simplement dire que dans une situation où tout
3 évolue, il est normal qu'une nouvelle élite émerge, que des personnes
4 influentes surgissent et que des émigrants reviennent de pays étrangers.
5 Ce n'était pas seulement le cas en Bosnie. Cela s'est passé aussi en
6 Serbie, en Croatie et peut-être dans les autres Républiques. Cela faisait
7 peut-être partie de cette situation confuse que j'ai essayé d'expliquer et
8 qui était typique des premiers mois qui ont suivi le début des hostilités.
9 Mme Residovic (interprétation). - Madame Calic, il y a un
10 instant, vous avez dit que vous n'étiez pas témoin factuel, à juste titre.
11 Je voudrais vous demander si c'est là une supposition vous faites ou si
12 c'est un fait historique qui ressort des informations à votre disposition.
13 Mme Calic (interprétation). - A quel fait faites-vous allusion ?
14 Mme Residovic (interprétation). - Le fait de l'existence de
15 personnes influentes qui revenaient au pays.
16 Mme Calic (interprétation). - Je pense que c'est maintenant déjà
17 un fait historique établi. Il y a des auteurs qui ont écrit sur ce sujet.
18 Il y a Xavier Bogarel*, chercheur français, a écrit un livre dont un
19 chapitre porte sur ce sujet. Il y a des articles aussi sur ce sujet. Je ne
20 les ai pas avec moi, mais je peux vous les fournir. Il y a donc déjà des
21 auteurs qui écrivent sur ces faits et je pense que nous devrions en
22 prendre note.
23 Mme Residovic (interprétation). - Oui. Madame Calic, mais vous
24 déposez sur la région de Konjic et vous avez dit que ces personnes étaient
25 des hommes d'affaires, des propriétaires de café, qui soutenaient certains
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1 partis politiques, qui leur faisaient des dons et qui exerçaient une
2 influence politique sur les structures politiques et militaires, en
3 particulier autour de 1991-1992. C'est cette période qui est couverte par
4 l'acte d'accusation.
5 Au début de ce paragraphe, vous parlez de la Bosnie-Herzégovine,
6 y compris la région de Konjic et je vous demande si vous avez des faits ou
7 des informations fondées sur des faits ou si vous faites simplement
8 référence à des ouvrages d'ordre général et d'autres sources d'ordre
9 général lorsque vous dites ceci.
10 Mme Calic (interprétation). - Si je me souviens bien, je n'ai
11 pas parlé dans cette partie de mon exposé de Konjic en particulier. Je
12 parlais de la Bosnie comme faisant partie de l'ex-Yougoslavie. J'aimerais
13 souligner une fois de plus que c'est vrai sur d'autres plans aussi, à
14 savoir que dans beaucoup de parties de l'ex-Yougoslavie, de façon
15 générale, il arrivait souvent -et j'imagine de tous les côtés- qu'il y ait
16 déjà des auteurs qui écrivent sur ce sujet. C'est cela que je voulais dire
17 ici. Puisque je ne suis pas un témoin factuel, je ne peux faire référence
18 à des personnes concrètes à Konjic.
19 Mme Residovic (interprétation). - Donc il s'agit d'une hypothèse
20 de votre part que vous appliquez à la région de Konjic ? Est-ce qu'on
21 peut le dire ainsi ?
22 M. Ostberg (interprétation). - Monsieur le président, j'objecte
23 à cette question. Vous ajoutez quelque chose aux propos du témoin. Vous
24 semblez dire qu'il s'agissait d'une remarque sur Konjic, or on vous dit
25 que c'est une remarque générale. La question a déjà reçu une réponse.
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1 M. le Président (interprétation). - Est-ce que le témoin a bien
2 dit cela ?
3 Mme Calic (interprétation). - Oui.
4 M. le Président (interprétation). - Elle n'a pas d'expérience
5 directe des faits entourant la région de Konjic. C'est ce que vous dites ?
6 Mme Residovic (interprétation). - Oui. Monsieur le président, le
7 paragraphe dont je parle commence par ces mots : "dans toutes les parties
8 de la Bosnie-Herzégovine, y compris Konjic". Donc je ne peux pas
9 interpréter ces termes autrement que dans leur rédaction.
10 M. le Président (interprétation). - Le témoin vient d'apporter
11 une réserve que vous devez accepter.
12 Mme Residovic (interprétation). - Merci. J'ai encore un groupe
13 de questions à poser, brèves, qui portent sur votre connaissance des
14 structures dans la municipalité de Konjic.
15 M. le Président (interprétation). - Excusez-moi, vous risquez
16 de ne pas avoir assez de temps pour ces questions brèves car nous devons
17 lever l'audience à 5 heures et demie. Nous pourrions donc continuer demain
18 matin. Merci.
19 Merci, madame Calic.
20 L'audience est levée à 17 heures 30.
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