Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL   AFFAIRE N° IT-96-21-T

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE  

  3   Mercredi 14 mai 1997

  4  

  5  

  6   L'audience est ouverte à 10 heures 05.

  7  

  8   M. le Président (interprétation).  - Mesdames et messieurs,

  9   bonjour.

 10   Y a-t-il une nouvelle raison pour que l’on garde les stores

 11   baissés ? Quelle est la raison de tout ceci ? On ne parle pas des requêtes

 12   maintenant. Je suppose qu'on pourra baisser les stores lorsque nous

 13   aborderons la question des requêtes. Il faut les lever maintenant.

 14   (Les stores sont levés.)

 15   M. le Président (interprétation).  - Trois requêtes ont été

 16   déposées dont nous avons été saisis et dont nous allons discuter ce matin.

 17   Nous allons commencer par la première, à savoir la requête au fin d'une

 18   décision formelle de la cour pour savoir si Landzo est apte à être jugé

 19   et, puis, il y a une autre requête s'agissant des requêtes déposées hors

 20   des délais prescrits au titre de l'article 73, la troisième visant à

 21   demander l'exclusion d'éléments de preuve, ceci en rapport avec Delic.

 22   La quatrième requête est déposée par les conseils de M. Mucic.

 23   Nous allons commencer par la première, à savoir la requête déposée devant

 24   la Chambre de premières instances pour qu’elle statue sur l'aptitude de

 25   l'accusé Landzo à être jugé.


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  1   Cette requête est un peu énigmatique pour moi. Pourquoi

  2   l'accusation dépose-t-elle une telle requête ? J'aimerais le savoir. Mais

  3   je suppose... M. Ostberg, Mme McHenry va se pencher sur la question.

  4   Mme McHenry (interprétation). - Merci, madame et messieurs les

  5   juges. Nous ne laissons pas entendre que ceci soit une question contestée

  6   mais, pour que tout soit clair au procès-verbal, au cas où il y aurait

  7   appel ultérieur et que ceci ne fasse pas l'ombre d'un doute, nous croyons

  8   qu'il soit approprié qu'il y ait une décision formelle pour le procès-

  9   verbal pour dire que l’accusé est apte à être jugé. Cette question a déjà

 10   été soulevée auparavant. L'accusé a été examiné par deux médecins. L'un

 11   d'entre eux a estimé qu'il était apte et l'autre pas.

 12   Nous pensons qu'il y a un avis mieux motivé et mieux argumenté

 13   de la part d'un des médecins et c'est précisément l’avis d'un des médecins

 14   qui estime qu'il est apte à comparaître. Nous pensons que la conduite et

 15   le comportement que vous-mêmes, madame et messieurs les juges, pouvez

 16   observer à l'audience nous portent à croire qu'il est tout à fait apte.

 17   Nous partons du principe que du fait que la procédure s'est poursuivie, et

 18   qu'il y a une décision implicite tant de la part de cette Chambre que de

 19   la part d'un accord tacite des conseils de la défense selon lequel cet

 20   accusé est apte, mais je crois qu'il serait utile de voir une décision, ne

 21   fusse qu'une phrase dite verbalement selon laquelle l'accusé serait

 22   confirmé comme étant apte.

 23   M. le Président (interprétation).  - Merci.

 24   M. Ackerman (interprétation). -Bonjour madame et messieurs les

 25   juges. Rapidement je suis tout aussi interloqué que vous, monsieur le


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  1   Président, du fait de cette requête parce que nous n'en avons déposé

  2   aucune, voulant dire que M. Landzo ne soit pas apte à comparaître. Il est

  3   tout à fait inusité que l’accusation dépose une telle requête s'il n'y a

  4   pas eu d'abord une initiative prise par la défense. C’est tout ce que nous

  5   avons à dire à ce propos.

  6   M. le Président (interprétation).  - Je vous remercie. Je

  7   pense que nous pourrons nous prononcer ultérieurement, puisqu'il est

  8   inutile de poursuivre l'argumentation sur cette requête.

  9   La requête suivante est celle qui a été déposée par le conseil

 10   ou les conseils de M. Landzo conformément à l'article 73 qui demandent à

 11   ce qu'il y ait une dérogation. Je pense que le conseil M. Landzo va

 12   s'adresser à nous.

 13   M. Ackerman (interprétation). -Merci madame et messieurs les

 14   juges. Le coeur et le fondement mêmes de cette requête se fondent sur le

 15   principe suivant : même si les archives des différents entretien de Landzo

 16   montrent qu'il y avait présence d'un conseil au moment de ces entretiens

 17   et bien que ceux qui ont mené les entretiens et informé dans une certaine

 18   mesure M. Landzo de ses droits, nous affirmons, ici même, si vous me

 19   permettez de déposer cette requête, qu'aucune de ces mesures n'a suffi

 20   pour protéger ses droits, ceci à partir du principe suivant ou de

 21   l'hypothèse suivante.

 22   Dans la plupart des pays, il n’est pas possible de défendre un

 23   individu accusé de crime grave, sans d'abord passer par un examen du

 24   barreau s'agissant de toutes les règles et procédures couvant les

 25   procédures dans le cadre desquels le procès se tiendra. C'est après cette


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  1   étape, uniquement après qu'il y ait admission au barreau, que le conseil a

  2   le droit de comparaître pour défendre l'accusé, pour le conseiller sur ce

  3   qu'il devrait faire.

  4   La situation qui prévalait au moment où les déclarations de

  5   M. Landzo ont été reçues était la suivante. Il était représenté par un

  6   avocat des plus compétents du nom de Mustafa Brackovic. Celui-ci a une

  7   formation en droit procédural en ex-Yougoslavie et il a dû subir un examen

  8   pour être admis en ex-Yougoslavie. Ceci se fondait bien sûr sur le droit

  9   procédural, sur le droit tout court, qui prévalait en ex-Yougoslavie si

 10   j'ai bien compris et je serais prêt à essayer d'étayer ces hypothèses.

 11   Si j'ai le droit de déposer cette requête, c'est qu'au titre

 12   du droit yougoslave, un accusé est censé faire une déclaration, une

 13   déposition au préalable, mais ceci ne pourra jamais être utilisé contre

 14   lui s'il ne donne pas, au préalable, son autorisation. Lorsque l'on pense

 15   aux nombreux systèmes juridiques de droit romain sur le continent, on

 16   estime que l'on lèse l'accusé s'il ne peut pas faire cette déclaration. Si

 17   des accusations sont portées contre un accusé, il pourra bénéficier de

 18   circonstances atténuantes s'il a fait une déclaration de ce genre. Cela

 19   pourrait diminuer de moitié la peine.

 20   Mais la procédure est tout à fait différente de ce qui existe

 21   au titre de la Common law aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et là où l'on

 22   utilise et où on applique le droit de la Common law.

 23   Ceci pose particulièrement un problème du fait de la présence,

 24   lors de ces déclarations, de Me McHenry. Maître McHenry représente

 25   l'accusation et vient du ministère de la Justice américain. Je suis


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  1   convaincu -et je serais prêt à le prouver si j'en ai le droit- et

  2   j'affirme qu'au moment de la déclaration, Mme McHenry était tout à fait

  3   consciente des différences qu'il y a entre la formation que peut recevoir

  4   un avocat comme M. Brackovic et le type de formation et d'expérience dont

  5   elle a bénéficié dans sa formation juridique dans les différents examens

  6   d'admission au barreau et d'après l'expérience qu'elle a glanée au

  7   ministère de la Justice américain.

  8   Il est quasi inévitable, au titre du droit américain, que la

  9   seule façon de prendre la déposition au préalable d'un témoin, est de le

 10   faire devant le témoin et son conseil ou après qu'il y ait eu un accord

 11   passé avec l'accusation par lequel l'accusé peut devenir un accusé à

 12   charge ou un témoin à charge et peut aussi déposer contre d'autres accusés

 13   qui sont accusés des mêmes chefs d'accusation.

 14   J'affirme que forte de cette expérience, elle avait tout du

 15   moins le devoir d'informer Me Brackovic connaissant sa formation. Elle

 16   aurait dû lui dire, avant qu'il ne donne des conseils à son client sur

 17   l'opportunité d'une déclaration au préalable, qu'il aurait dû s'informer

 18   au préalable des procédures en vigueur dans les systèmes où un témoin est

 19   appelé par l'accusation pour être cité en tant que témoin.

 20   Maître McHenry ne l'a pas fait. Monsieur Landzo s'est trouvé

 21   dans une situation, le jour où l'accusation a pris sa déposition, qu'aucun

 22   accusé ne pourrait connaître au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. Cela ne

 23   pourrait se produire dans l'un quelconque de ces pays, parce qu'il

 24   faudrait qu'il y ait l'accord du conseil de l'accusé, ledit conseil

 25   devrait avoir été admis au barreau de ces systèmes.


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  1   Je renverse l'argument. Si, par exemple, je devais comparaître

  2   en ex-Yougoslavie, tout seul, pour défendre quelqu'un contre qui une

  3   accusation est portée en ex-Yougoslavie, ma première réaction lorsqu'on me

  4   demanderait de décider si la personne que je représente doit faire une

  5   déclaration à l'accusation, serait de dire catégoriquement non. Il est

  6   totalement exclu de faire une déclaration à l'accusation.

  7   Si j'adoptais cette position, sans d'abord consulter des

  8   avocats du pays, ce serait une position erronée de ma part et je ne serais

  9   pas très utile. Je ne desservirais pas très bien mon client, mais sans le

 10   savoir. Je penserais agir de façon opportune.

 11   Maître Mustafa Brackovic, lorsqu'il a conseillé à Esad Landzo

 12   de faire cette déposition; a cru bien faire. Il apparaît que ce n'est pas

 13   le cas. Il apparaît que cette déclaration pourrait être utilisée contre

 14   lui, les choses étant ce qu'elles sont.

 15   A l'époque, M. Landzo avait 20 ou 21 ans au. Il n'avait aucune

 16   expérience en matière de droit. Il était tout à fait tributaire de son

 17   avocat, Me Mustafa Brackovic, qui devait lui donner les bons conseils.

 18   J'espère que la Cour comprendra parfaitement qu'en aucune

 19   façon, ici, je ne conteste la compétence de Me Mustafa Brackovic. C'est un

 20   avocat des plus compétents et tout accusé en ex-Yougoslavie qui pourrait

 21   bénéficier de ses services serait bien desservis. Mais il s'est trouvé

 22   dans une situation particulière, ici en l'occurrence, et il n'a pas été en

 23   mesure de prodiguer les conseils qu'aurait donné instinctivement un

 24   conseiller de Common law à Esad Landzo avant qu'il ne fasse sa déposition.

 25   Je vous remercie, Monsieur le Président.


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  1   M. Jan (interprétation). - Un instant s'il vous plaît. A-t-on

  2   dit à votre client qu'il avait le droit de garder le silence, et que s'il

  3   faisait une déclaration, celle-ci pourrait être utilisée contre lui ?

  4   M. Ackerman (interprétation). - Effectivement, il a été

  5   informé de cela.

  6   M. Jan (interprétation). - Est-ce que cela n'allait pas mettre

  7   son conseil sur ses gardes.

  8   M. Ackerman (interprétation). - Peut-être que oui, mais peut-

  9   être que non aussi. En effet, quelle était la situation en Yougoslavie ?

 10   Si Esad Landzo ne faisait pas de déclaration, il risquait d'être battu. Il

 11   avait passé très peu de temps ici. Il se trouvait dans un nouvel

 12   environnement, dans une nouvelle prison et il n'avait pas la moindre idée

 13   de ce qu'il allait trouver comme situation ici.

 14   Ainsi, dans la mesure où il a pris lui-même une décision quant

 15   à l'opportunité de faire une déposition, j'estime que ce ne fut pas une

 16   décision bien instruite. Elle était basée sur toute une série de facteurs

 17   qui se sont avérés inexacts.

 18   Il y a le facteur de la peur, les conseils prodigués par le

 19   conseil, autant de choses qui n'étaient pas exactes. Et lorsque l'on

 20   renonce à certains droits, comme le suggère l'accusation, elle suggère que

 21   mon client a renoncé à un droit. Ce n'est pas le seul fait de la

 22   renonciation qui compte, le tout est de savoir s'il s'agissait d'une

 23   renonciation bien instruite, en toute connaissance de cause. Là, j'affirme

 24   qu'il n'y avait pas toute connaissance de cause, en l'occurrence.

 25   M. le Président (interprétation). - Il semblerait que vous


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  1   fondiez surtout votre argumentation sur la protection accordée à votre

  2   client par son conseil.

  3   M. Ackerman. (interprétation) - Tout à fait. C'est fondé là-

  4   dessus, mais je répondrai que je n'attaque en aucune façon son conseil.

  5   Son conseil à fait ce que sa formation lui disait de faire.

  6   M. le Président (interprétation). - Je comprends bien, mais

  7   voulez-vous entendre que seuls des juristes expérimentés en Common Law

  8   seraient habilités à faire fonction de conseil en l'espèce ? 

  9   M. Ackerman (interprétation). - Je ne pourrais pas vous dire

 10   ceci alors que je suis assis aux côtés de Me Residovic, parce que je l'ai

 11   vue à l'oeuvre et elle a été vraiment exemplaire.

 12   Je dis que lorsque l'accusation cherche à obtenir une

 13   déposition de l'accusé, si ledit accusé est représenté par un conseil qui

 14   ne connaît pas bien les procédures de la Common Law, l'accusation a un

 15   devoir supplémentaire, celui d'informer l'accusé, son conseil.

 16   C'est un peu comme si Me Brackovic devait aller défendre un

 17   accusé aux Etats-Unis. Les Cours des Etats-Unis ne l'autoriseraient même

 18   pas à comparaître au nom d'un accusé à moins, bien sûr, qu'il n'ait obtenu

 19   l'aide d'un juriste ou d'un avocat des Etats-Unis qui pourrait lui donner

 20   de bons conseils.

 21   Je pense que ce Tribunal devrait adopter une procédure, quelle

 22   qu'elle soit.

 23   M. le Président (interprétation). - Avez-vous examiné

 24   l'article 44 relatif à l'assignation ou à la commission de conseil ?

 25   M. Ackerman. (interprétation) - Oui je connais bien cet


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  1   article. Je conviens tout à fait que Me Brackovic a été désigné

  2   conformément à cet article.

  3   M. le Président (interprétation). - Serait-il déclaré

  4   incapable de s'acquitter de ses devoirs en tant que conseil de la

  5   Défense ?

  6   M. Ackerman. (interprétation) - Je ne suggère en aucune façon

  7   que Me Brackovic n'a pas été compétent dans l'exercice de ses fonctions.

  8   Je dis simplement qu'il n'était pas au courant de certaines

  9   questions, ce qui aurait été le cas s'il avait disposé, ne serait-ce que

 10   de cinq minutes de conseils prodigués par Me Mc Henry. Ainsi, il aurait pu

 11   parler avec un de ses confrères de Common law, mais Me Mc Henry a profité

 12   de Me Brackovic parce qu'elle savait quel était son bagage et qu'il ne s'y

 13   connaissait pas en procédure de Common Law comme tout juriste de Common

 14   Law connaît son droit.

 15   Voilà donc la base de mon argumentation et n'oubliez pas,

 16   Monsieur le Président, que tout ce que je demande ici est d'avoir la

 17   possibilité de déposer une requête.

 18   M. le Président (interprétation). - Votre argument devrait

 19   être suffisamment pointu et valable pour tenir compte de la prochaine

 20   requête.

 21   M. Ackerman. (interprétation) - J'espère que cette requête

 22   sera suffisamment valable pour me permettre d'en déposer une autre que je

 23   devrai étayer s'agissant des déclarations que j'ai faites de mon propre

 24   chef, mais il faudrait que j'apporte la preuve de ce que j'avance.

 25   M. Jan (interprétation). - Vous dites qu'une personne qui


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  1   renonce à ses droits doit être parfaitement informée de ses droits.

  2   M. Ackerman. (interprétation) - Exactement.

  3   M. le Président (interprétation). - Qu'en pense l'accusation ?

  4   M. Ostberg (interprétation). - Je vais laisser le soin à

  5   Me Mc Henry de réagir aux allégations sérieuses qui sont portées contre

  6   elle. Mais auparavant, j'aimerais poser une question à Me Ackerman.

  7   Maître Ackerman, quelle aurait été la base de votre requête si

  8   c'était moi qui avait été présent plutôt que Me Mc Henry ? Je viens d'un

  9   système de droit romain, je comparais devant un Tribunal international et

 10   non pas américain et je m'en tiens aux critères établis par ce statut et

 11   ce règlement.

 12   Qu'auriez-vous avancé comme argument dans l'éventualité où

 13   cela aurait été moi, plutôt que Me Mc Henry, qui me serait trouvé en

 14   présence de M. Landzo et de Me Braskovic lors de la déposition.

 15   M. Jan (interprétation). - Vous venez d'un système de droit

 16   romain où l'on ne bat pas les accusées s'il ne font pas de déposition

 17   M. Ostberg (interprétation). - Je crois que c'est une

 18   suggestion qui n'est pas du tout fondée et il est étonnant que l'on puisse

 19   affirmer une telle chose devant un Tribunal. Ce serait vraiment

 20   inimaginable.

 21   M. le Président (interprétation). - Stricto sensu, évidemment,

 22   les questions ne sont pas posées directement au conseil. Si vous voulez

 23   faire une soumission vous pouvez le faire. Vous pourriez peut-être

 24   proposer une argumentation et nous y réagirions.

 25   Si vous avancez une argumentation nous pourrons réagir.


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  1   Mme Mc Henry (interprétation). - Monsieur le Président,

  2   quelques mots, s'il vous plaît.

  3   Je commencerai par dire que les allégations portées contre

  4   moi, et en fait contre tous les avocats de droit romain, sont injustes,

  5   mais j'aimerais également répondre aux attaques personnelles portées

  6   contre moi-même, ma conduite et mon intégrité dans cette affaire.

  7   S'agissant du fond, j'aimerais souligner que, comme vous

  8   l'avez vous-même souligné, Messieurs les juges, cet argument repose sur le

  9   fait que pratiquement tous les avocats de droit romain seraient incapables

 10   d'aider leurs clients devant ce Tribunal parce que c'est un tribunal de

 11   Common Law. J'aimerais affirmer que, s'agissant de ces deux allégations,

 12   il faut commencer par dire que ce Tribunal n'est pas un Tribunal de Common

 13   Law. C'est un Tribunal qui applique un droit mixte.

 14   Par exemple, nous n'avons pas de jury ici et il n'est pas du

 15   devoir de l'accusation -en fait, cela ne la regarde pas- de s'ingérer dans

 16   les conseils à fournir à un avocat de droit civil quant à la manière de

 17   mener son affaire et de conseiller son client. Je crois qu'il n'appartient

 18   absolument pas à l'accusation de fournir les conseils qui ne lui sont pas

 19   demandés.

 20   Le règlement de procédure et de preuve a été établi par les

 21   juges de ce Tribunal est même par les Nations Unies au travers du statut

 22   et un certain nombre de règles bien précises ont donc été édictées. Il est

 23   tout à fait clair, par conséquent, qu'aucun avocat de ce système n'existe

 24   aujourd'hui puisqu'il s'agit d'un nouveau système, à moins que l'on

 25   considère les avocats qui ont travaillé dans l'affaire Tadic comme des


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  1   avocats représentant le système.

  2   S'agissant des interrogatoires, il convient de souligner que

  3   les règles applicables sont tout à fait claires. Le règlement a été établi

  4   de façon que qui que ce soit, indépendamment du système d'où il vient et

  5   de son passé, puisse comprendre clairement ce que stipule ce règlement.

  6   Dans l'affaire qui nous intéresse, le règlement a été respecté

  7   dans tous ses aspects. Je tiens à dire également que M. Landzo se trouvait

  8   à La Haye depuis environ un mois et plus, je crois qu'il s'agit d'un mois

  9   et deux jours, au moment où il a répondu à cet interrogatoire. Je crois

 10   qu'aucune allégation ne peut être considérée sérieusement quant à la

 11   possibilité qu'il se soit fait frapper en cas de non-réponse.

 12   Je crois lui avoir souligné un certain nombre d'éléments

 13   importants et de faits. Bien sûr nous avons évoqué le fait que le droit

 14   n'était pas le même dans tous les pays. Mais nous avons également dit que

 15   des experts du droit yougoslave affirment qu'il n'est pas exact de dire

 16   qu'un accusé est tenu de fournir une déclaration, ou par exemple que si un

 17   accusé fourni une déclaration à un magistrat, celui-ci peut ensuite

 18   décider de son propre chef s'il utilisera ou non cette déclaration.

 19   Mes collègues me disent que c'est également le cas dans

 20   d'autres systèmes relevant du droit romain. Donc il est inexact de dire

 21   que la déclaration est toujours attendue de l'accusé.

 22   Je poursuivrai en disant que même avant que M. Landzo décide

 23   de fournir une déclaration, le conseil de la défense de M. Delalic avait

 24   déjà présenté une requête concernant la déclaration de M. Delalic et

 25   demandant l'exclusion de cette première déclaration.


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  1   Donc il est tout à fait clair qu'il existe une différence

  2   entre le droit yougoslave et le droit du Tribunal. C'est un fait connu des

  3   accusés à cette époque.

  4   Ce que fait la défense aujourd'hui, c'est laisser entendre,

  5   comme cela se passe aux Etats-Unis, qu'un accusé peut choisir de ne pas

  6   donner de déclaration et que cette situation peut s'appliquer ici. Je

  7   tiens à souligner que nous ne sommes pas ici aux Etats-Unis et que la

  8   décision prise n'a pas forcément été négative.

  9   En tout état de cause, cela a été une décision informée,

 10   volontaire et prise en toute connaissance de cause. Bien entendu que

 11   l'avocat ait ou non une connaissance approfondie du système pratiqué ici,

 12   je dis pour ma part que la renonciation à ce droit est involontaire, si

 13   elle a eu lieu, et qu'elle ne peut être prise en compte. Le règlement est

 14   tout à fait clair. Le règlement a été compris par tous les avocats

 15   présents et c'est dans ces conditions que la décision a été prise.

 16   S'agissant plus précisément de la requête fondée sur des

 17   raisons valables, je tiens à dire que cela fait déjà très longtemps que

 18   des avocats de droit romain sont engagés dans des procès de ce genre. Donc

 19   nous rejetons l'idée que des avocats de droit romain soient incapables de

 20   comprendre, voire même qu'un accusé soit incapable de comprendre la

 21   signification claire du Règlement de procédure et de preuve de ce

 22   Tribunal.

 23   Cela fait plusieurs mois qu'un avocat de Common Law est

 24   associé à cette affaire et donc présentait des allégations du type de

 25   celles qui sont présentées aujourd'hui et qui, à mon avis, manquent de


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  1   tout fondement. Les présenter comme constituant une raison valable serait,

  2   à mon avis, une mauvaise administration de la justice.

  3   Je vous remercie.

  4   M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai

  5   deux points brefs à évoquer en réponse à ce qui vient d'être dit.

  6   Premièrement, sur la base de ce que Me McHenry vient de dire,

  7   il n'est pas absolument certain qu'il y ait conflit sur le plan du droit

  8   entre le droit de l'ex-Yougoslavie et le droit dont nous parlons ici. Ce

  9   problème ne peut se résoudre que par le dépôt d'une requête. Si j'y suis

 10   autorisé, j'ai donc l'intention de déposer une requête sur ce point.

 11   Maître McHenry nous dit aussi que ce n'est pas à l'accusation

 12   de fournir des conseils à l'accusé que celui-ci n'a pas demandés. Mais si

 13   vous lisez le début de la déclaration de M. Landzo, nous voyons que c'est

 14   ce qui a eu lieu. Monsieur Landzo n'a demandé aucun conseil à

 15   l'accusation, mais cette dernière lui en a fournis. Or ces conseils, à mon

 16   avis, ne sont pas tout à fait aussi clairs qu'ils eussent dû l'être.

 17   Ces conseils ont été les suivants : vous n'êtes pas obligé de

 18   dire quoi que ce soit, à moins que vous souhaitiez le faire, mais quoi que

 19   vous disiez sera enregistré et peut-être utilisé au cours du procès.

 20   M. le Président (interprétation).  - C'est le devoir de la

 21   personne qui interroge un suspect ou une personne accusée de lui fournir

 22   ces informations. Ce n'est donc pas un conseil.

 23   M. Ackerman (interprétation). Je suis d'accord, mais c'est un

 24   conseil qui n'a pas été demandé. Cela doit être dit à l'accusé, mais d'une

 25   façon que l'accusé le comprenne. Il y a un article du règlement qui


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  1   stipule que l'accusé doit être assisté par un conseil et que ce conseil

  2   lui sera commis d'office s'il n'a pas les moyens de le payer.

  3   Je dis, moi, que dans le processus de cette fourniture de

  4   conseil non sollicité, il aurait dû y avoir une étape supplémentaire. Je

  5   crois l'avoir abondamment prouvé tout à l'heure.

  6   Je crois comprendre que mon confrère, maître Greaves, aimerait

  7   également parler devant de Tribunal sur un sujet, s'il a un rapport, est

  8   quelque peu différent.

  9   M. le Président (interprétation).  - Au sujet de la même

 10   requête ?

 11   M. Greaves (interprétation). - Je vais parler ici coiffé de la

 12   casquette d'un Amicus curiae, car j'ai quelques commentaires à faire qui

 13   pourraient être d'une certaine assistance au Tribunal, si vous le

 14   permettez.

 15   M. le Président (interprétation).  - Je vous le permets.

 16   M. Greaves (interprétation). - Il tout à fait clair que les

 17   éléments utilisés devant ce Tribunal relèvent de deux systèmes importants

 18   du droit mondial, à savoir la Common Law et le droit romain. Je connais

 19   bien la Common Law et chacun comprendra ici que la Common Law et le droit

 20   romain ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients.

 21   Je suis un expert de la Common Law, mais le respect que

 22   j'éprouve à l'égard du droit romain croît chaque jour. Il y a bien sûr des

 23   inconvénients, mais je parle ici des éléments que je respecte.

 24   Cela étant, le règlement qui préside à nos travaux ici est 

 25   tiré de ces deux systèmes. Il est possible que la Common Law ait une


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  1   participation un peu plus  importante dans ce système que le droit romain,

  2   mais c'est un problème qui pourra être réglé en temps utile.

  3   Les règles applicables à la protection des suspects, notamment

  4   en matière d'interrogatoire, de comparution devant le Tribunal, etc., sont

  5   des articles qui, à mon avis, relèvent pratiquement totalement de la

  6   Common Law. Tout conseil qui se pencherait sur ces aspects du Règlement de

  7   procédure et de preuve et qui viendrait de la Common Law les connaîtrait

  8   pratiquement automatiquement.

  9   A mon avis, il est tout à fait normal que ce Tribunal souhaite

 10   examiner la façon dont les juridictions de Common Law interprètent et

 11   appliquent ces lois, pour déterminer ce qu’est la signification d’une loi

 12   déterminée et comment le tribunal où nous siégeons, en ce moment, doit

 13   appliquer ses propres lois.

 14   Je continuerai en disant que l’interprétation, dans la Common

 15   Law, est un élément très important. Il n’est pas toujours très simple.

 16   Dans la plupart des systèmes juridiques, il y a un certain nombre de

 17   subtilités qu’il importe d’interpréter. Donc, si l’on est en présence de

 18   quelqu’un qui vient du droit romain, ses subtilités, l’importance de cette

 19   interprétation, les conséquences, les effets des avertissements qui

 20   doivent être donnés au suspect et à l’accusé, ou de l’absence de tels

 21   avertissements, sont des questions qui sont si complexes que des avocats

 22   de Common Law sont mieux placés que des avocats de droit romain pour

 23   informer et conseiller leur client, quant à ce qu’il doit dire ou pas,

 24   s’il doit parler ou pas, quant à ce qu’il doit faire.

 25    Donc, pour dire les choses simplement, je dirai qu'un avocat


Page 2695

  1   du droit romain est tout à fait aussi compétent qu'un avocat de Common

  2   Law, comme je l’ai dit pour commencer. Mais peut-être, quand on en arrive

  3   aux questions de comportement à adopter en matière d'interrogatoire, cette

  4   remarque n'est plus aussi exacte.

  5    Il y a eu également quelques échanges au sujet d'un certain

  6   nombre de personnes qui participent à des équipes de la défense, de

  7   l’accusation, etc. Je ne voudrais pas rentrer dans ces détails, mais vous

  8   faire part de mon expérience pratique en Angleterre et au Pays de Galles.

  9   Si je rencontre un jeune membre du barreau qui n'a, de toute évidence, pas

 10   d’expérience et risque de faire quelque chose qui sera préjudiciable à son

 11   client, je n'en tirerai pas avantage, mais je lui consacrerai quelques

 12   minutes en particulier pour lui donner quelques avertissements sur la base

 13   de l’expérience que j’ai acquise dans ma vie en tant qu'avocat. Je dirai à

 14   mon confrère : vous risquez de commettre une grave erreur dans les

 15   conseils que vous apporterez à votre client, et à votre place, je ferai

 16   ceci ou cela. Je considérerai ceci comme mon devoir. Ce dernier n’est pas

 17   de garantir une sanction, une condamnation à tout prix, mais de faire ce

 18   qui est autorisé, ce qui admissible en droit. C'est un principe que

 19   j’applique depuis le premier jour où j’ai commencé à travailler il y a

 20   plus de vingt ans. Je pense que si cette idée devait être acceptée, il

 21   pourrait être possible d’envisager que les devoirs de ma collègue, Mme

 22   McHenry, aient pu aller au-delà de ce qui a été stipulé ici, il y a

 23   quelques instants.

 24    Si vous le souhaitez, je peux poursuivre mais je crois que

 25   j'en ai dit assez sur le sujet.


Page 2696

  1   Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, puis-

  2   je également prononcer quelques mots dans ce débat ?

  3   M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.

  4   Mme Residovic (interprétation). - De même que mes confrères,

  5   je souhaite que devant ce Tribunal, il importe de faire ce qu'il faut pour

  6   que ce procès soit équitable et ce, eu égard à tous les accusés.

  7    C'est pour cette raison que nous, la défense de M. Delalic,

  8   avons tenté à plusieurs reprises de prouver à ce Tribunal et cette chambre

  9   d’instance, les lacunes qui existaient dans le règlement et de proposer

 10   quelques modalités de remplissage de celles-ci. Je parle plus précisément

 11   d'articles comme l'article 89 b du règlement. Bien entendu, le droit et le

 12   système juridique dont nous venons ne sont pas les mêmes qu'ici. Ici un

 13   système différent est appliqué. Mais nous sommes un certain nombre à venir

 14   de ce système différent et si le Tribunal souhaite que les procès soient

 15   équitables et justes à l'égard des accusés, je crois qu'il est important

 16   d'avoir une certaine liberté dans le choix des articles et des règlements

 17   qui s'appliqueront.

 18    J'ai écouté l'argumentation de M. Ackerman. En l'entendant,

 19   je n'ai pas compris qu'il ait critiqué, de quelque façon que ce soit,

 20   l'incompétence qui caractériserait l'ensemble d'entre nous qui venons d'un

 21   système juridique différent. Je pense que M. Ackerman a ajouté de nouveaux

 22   arguments à ceux que nous avions nous-mêmes déjà présenté, et ce dans le

 23   but d'attirer l'attention de ce tribunal sur un certain nombre de choses

 24   que nous n'avons pas faites dans notre rapport à notre client parce que

 25   nous n’étions, tout simplement, pas informés, parce que nous n'en avions


Page 2697

  1   pas connaissance. Cela pourrait être au détriment de nos clients.

  2   Il est possible que nous ayons évité de faire telle ou telle

  3   chose pour des raisons, en revanche, que nous connaissons parfaitement

  4   bien, parce qu'elles font partie de notre connaissance judiciaire, de

  5   notre pratique juridique et judiciaire et de l'ensemble des choses que

  6   nous faisons tous les jours dans notre pays.

  7   Donc lorsque nous avons entendu que M. Delalic allait venir de

  8   Munich, nous pensions que nous aurions la possibilité de participer à un

  9   débat dans le sens du voir dire, qui nous permettrait de faire appel à un

 10   expert du droit pénal international en provenance du territoire de l'ex-

 11   Yougoslavie. En disant cela, je ne parle pas de la Bosnie-Herzégovine, ni

 12   de la Croatie, ni de la Slovénie qui eussent risqué d'être partie prenante

 13   éventuellement au conflit dont il est question devant ce prétoire.

 14    Je pense aujourd'hui, également, qu'il serait très important

 15   que nos collègues puissent avoir accès à une séance de ce type, au cours

 16   de laquelle des experts se présenteraient devant ce tribunal pour

 17   expliquer quelles sont les connaissances précises et le sens de ces

 18   éléments de droit dans le cadre précis de ce tribunal. En disant cela, je

 19   pense plus particulièrement aux pratiques en vigueur s'agissant des

 20   interrogatoires.

 21    J'ai, pour ma part, rempli les fonctions de procureur pendant

 22   de très nombreuses. années. J’ai également été défenseur. Je peux donc

 23   dire, devant ce tribunal et nous avons des experts qui pourront le

 24   confirmer, que toute déclaration fournie à l’accusation, au procureur ou à

 25   la police ait immédiatement mise sous scellés et ne peut être utilisée en


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  1   aucun cas, au court du procès, ni contre l'accusé, ni en sa faveur à moins

  2   que lui-même, au cours d'une séance publique de ce procès, n’exige que

  3   l'on fasse appel à tel ou tel passage de sa déclaration. Il est tout à

  4   fait manifeste qu'au court des premiers jours que nous avons passé devant

  5   ce tribunal, nous manquions d'un certain nombre de connaissances

  6   indispensables au sujet de tout ce qui concerne les déclarations. Je vous

  7   prierai, monsieur le Président, et ce pour que l'article 21 du statut soit

  8   tout à fait respecté, de faire en sorte que nos collègues puissent

  9   bénéficier de cette séance d'information dont j'ai parlé tout à l'heure et

 10   que désormais, ce tribunal entende éventuellement, dans des modalités

 11   différentes, les arguments que nous présentons.

 12    Encore une phrase si vous me le permettez. S'agissant des

 13   lacunes de la procédure prévue pour régir les procès qui se jugent ici, la

 14   défense de Delalic a soumis, au mois de novembre déjà, des requêtes

 15   complémentaires concernant ces lacunes et la façon de les compenser afin

 16   que la procédure appliquée devant ce tribunal soit tout à fait appropriée.

 17   Car il y a souvent des arguments que je présente et que vous ne comprenez

 18   pas et, en sens inverse, quand mes collègues du Common Law présentent des

 19   arguments, il m'arrive souvent de mal les comprendre. Par exemple, un jour

 20   j'ai demandé clairement que signifiait “ participation active de mon

 21   client ” et, à ce moment-là, j'ai cru comprendre que la réponse que

 22   j’avais obtenue était claire, à savoir que mon client pouvait participer

 23   au procès au court des séances à son gré, c’est-à-dire prendre la parole,

 24   répondre, présenter des commentaires, etc..

 25   Or, l'interprétation définitive est tout à fait différente


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  1   puisqu'elle consiste à dire que s'il a un défenseur, il ne peut pas

  2   s'exprimer lui-même et je suis son défenseur. Pour toutes ces raisons, je

  3   soutiens les arguments qui viennent d'être présentés par mes confrères.

  4   Pas du tout parce que je pense que mes confrères aient pu attaquer moi-

  5   même ou mes confrères qui viennent d'un système judiciaire différent, mais

  6   parce que je pense que leurs commentaires peuvent contribuer à assurer

  7   l'équité et la justice du procès,  en tout cas des procès ultérieurs.

  8   M. le Président (interprétation).  - Merci beaucoup,

  9   Mme Residovic.

 10   M. Moran (interprétation). - J'ai une requête pratiquement

 11   identique à soumettre en troisième lieu. Donc peut-être pourrais-je

 12   prendre la parole tout de suite. Cela nous éviterait de perdre un temps

 13   précieux.

 14   M. le Président (interprétation).  -  S’agit-il de la même

 15   requête ou d'une requête différente ?

 16   M. Moran (interprétation). -  Pour l'essentiel, c'est une

 17   requête de même nature. Je pense que nous perdrions moins de temps si je

 18   pouvais déjà présenter ma position sur la requête dont nous discutons en

 19   ce moment et ajouter les arguments que j’ai au sujet de la troisième.

 20   M. le Président (interprétation).  -  Puisque, sur le fond, il

 21   s'agit de requêtes très comparables, vous pouvez poursuivre.

 22   M. Moran (interprétation). -  Monsieur le Président, je

 23   voudrais d'abord reprendre ce qui a été dit par M. Ackerman avec quelques

 24   nuances et quelques suppressions.

 25   Tout d'abord l'article 73 stipule que la déclaration doit être


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  1   demandée aux suspects ou à l'accusé dans un délai de 60 jours, après sa

  2   première comparution. Or, cette règle n'a pas été toujours appliquée, nous

  3   l'avons vu dans les événements récents. Donc, je pense que cette règle

  4   devrait être appliquée de façon plus souple.

  5   Par ailleurs, nous parlons des sources dont nous disposons.

  6   L’article 73 du règlement, je le connais très bien en tant qu'avocat

  7   américain car je crois qu'il est pratiquement identique à l'article 12 du

  8   Règlement de procédure et de preuve des Etats-Unis. Ce sont pratiquement

  9   des copies conformes l'un de l'autre. L'article 42 du règlement de ce

 10   Tribunal est également pratiquement identique au paragraphe 1 de l'affaire

 11   Moranda.

 12   En réponse à une requête de M. Delalic l'année dernière,

 13   l'accusation a cité d'ailleurs cette affaire Moranda. Aujourd'hui, nous

 14   voyons que M. Delalic a fourni quelques déclarations. Quand j'ai entendu

 15   parler de cela, j'ai réagi très violemment. J'ai proféré des insultes et

 16   décidé de laisser la chose de côté pendant quelque temps, jusqu'à ce que

 17   l'ensemble de l'équipe soit constituée.

 18   Nous voyons que l'ex-Yougoslavie a adopté une procédure dans

 19   laquelle, lorsqu'une déclaration est recueillie par la police, d'ailleurs

 20   il convient de faire une distinction entre la police et les magistrats,

 21   car il s'agit de deux corps professionnels différents, de ce que je crois

 22   comprendre de la loi yougoslave, il s'agit dans cette argumentation de

 23   déclaration fournie à la police et pas de déclaration fournie aux

 24   magistrats.

 25   Je ne sais pas pourquoi l'ex-Yougoslavie a adopté cette règle


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  1   d'ailleurs. Cela a sans doute quelque chose à voir avec l'histoire du

  2   pays, l'histoire de cette région du monde et aussi des abus qui y ont été

  3   commis et plus généralement en Europe centrale. Le fait est que cette

  4   règle existe.

  5   A mes côtés, est assis mon honorable confrère qui est un

  6   avocat très compétent. Je regretterais beaucoup si quiconque ici devait

  7   penser le contraire. Mais il se trouve ici, lui, dans une situation où

  8   compte tenu du système juridique appliqué, la pratique est tout à fait

  9   différente de ce à quoi il a lui-même été habitué.

 10   Sans violer le secret de l'avocat et de son client, je

 11   voudrais faire référence à une déclaration de M. Delic qui est placé en

 12   annexe de notre requête. Il déclare qu'après avoir consulté un conseil, il

 13   a pensé que le système juridique appliqué ici était le même que celui de

 14   l'ex-Yougoslavie. Ce n'est pas une déclaration sous serment, mais M. Delic

 15   est prêt à faire un affidavit s'il le faut.

 16   Tels sont les faits : je pense que toute renonciation à ses

 17   droits, en vertu de l'article 42 et de l'article 63 porte sur

 18   l'interrogatoire des accusés. Je dois prendre quelques précautions étant

 19   donné le secret qui lie l'avocat et son client. Je ne souhaiterais bien

 20   entendu pas violer ce secret. J'ajouterai que M. Delic, s'il est appelé à

 21   témoigner à la barre, le fera en conformité avec la teneur de sa

 22   déclaration écrite.

 23   Bien entendu, mes propos n'ont aucune intention de constituer

 24   une attaque personnelle à l'encontre de ma collègue compétente,

 25   Me McHenry. Chacun d'entre nous, ici, en tant qu'avocat, est lié par sa


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  1   propre éthique juridique, l'étique de son pays. A titre d'exemple, je suis

  2   lié par ce que la Cour suprême du Texas a déclaré être mon obligation

  3   légale. Maître Greaves, lui, est sans doute lié par les considérations

  4   éthiques qui s'appliquent aux avocats du Royaume-Uni.

  5   Nous avons, aux Etats-Unis, un règlement modèle qui je crois a

  6   été adopté par pratiquement tous les Etats et qui stipule notamment quels

  7   sont les devoirs du procureur. Il y est stipulé que le devoir du procureur

  8   n'est pas d'obtenir une condamnation, mais de veiller à ce que la justice

  9   soit bien rendue.

 10   Je répète que je ne profère pas ici une attaque personnelle

 11   contre ma collègue, mais je crois que dans des circonstances de ce genre

 12   soit nous sommes obligés de dire "stop", soit nous sommes dans

 13   l'obligation d'examiner le conseil qui a pu être fourni par un autre

 14   avocat pour vérifier que ce conseil est le plus approprié. S'il ne l'est

 15   pas, il nous appartient d'examiner quelles peuvent en être les

 16   conséquences. Les conséquences ont été que renoncer à son droit n'était

 17   pas dans ce cas une renonciation intelligente, informée, et en toute

 18   connaissance de cause.

 19   Cela est un fait. Je crois, monsieur le Président, que je peux

 20   terminer ici mon argumentation pour faire gagner du temps au Tribunal.

 21   M. le Président (interprétation).  - Si vous avez autre chose

 22   à dire, entendons-le.

 23   M. Moran  (interprétation). - J'en ai terminé.

 24   Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président,

 25   j'aimerais encore une fois déclarer que l'accusation, moi comprise, mais


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  1   aussi l'ensemble des membres de cette équipe sont bien conscients que leur

  2   devoir consiste à faire prévaloir la vérité et la justice. Cela étant,

  3   nous n'avons pas connaissance du fait qu'il y ait eu dans nos agissements

  4   un écart considérable par rapport à ce devoir. Nous savons qu'il y a des

  5   représentants qui viennent de différents systèmes juridiques. Je crois que

  6   c'est également le devoir des juges qui siègent dans ce prétoire, leur

  7   devoir à tous est de veiller à l'accomplissement de la justice. Je dirai

  8   pour ma part que rien n'a été fait qui puisse jeter le moindre doute sur

  9   ce point.

 10   Nous entendons la défense nous dire que des avocats du droit

 11   romain, ou en tout cas des avocats de l'ex-Yougoslavie, ne seraient pas

 12   compétents pour apporter des conseils compétents dans ce cas, et même que

 13   les accusés n'auraient pas compétence pour renoncer aux droits qui leur

 14   reviennent.

 15   Pour ce qui nous concerne, nous estimons que cela est tout à

 16   fait inexact. Si les juges avaient voulu faire apparaître dans le

 17   règlement qu'aucun accusé ne peut renoncer à son droit car ce ne serait

 18   pas juste ou qu'aucun accusé ne pourrait fournir une déclaration avant

 19   d'avoir parlé à un avocat américain, il l'aurait fait s'il l'avait voulu.

 20   Le règlement est très clair. Il stipule que l'accusé doit être

 21   informé de ses droits et qu'il a également le droit d'y renoncer

 22   volontairement et de façon informée. Nous avons l'intention de prouver que

 23   c'est exactement ce qui a été fait. Le fait que des avocats qui ont pu

 24   éventuellement avoir des stratégies de défense différentes et participer à

 25   ce travail n'est pas une base valable pour le dépôt de cette requête.


Page 2704

  1   J'ajoute que le droit de l'ex-Yougoslavie n'est certainement

  2   pas adopté ici. D'ailleurs, le droit de nombreux de pays n'est pas

  3   appliqué ici. Un débat a eu lieu au sein de ce tribunal au sujet des

  4   droits qu'il souhaitait et qu'il allait appliquer ou non.

  5   La décision a été prise par le Tribunal de ne pas appliquer le

  6   droit de l'ex-Yougoslavie. Ces débats ont été longs et nourris et

  7   l'accusation a respecté, à chaque instant et en toute circonstance, ce qui

  8   est contenu dans le règlement de procédure et de preuve qui est le résumé

  9   du droit que le tribunal a décidé d'appliquer.

 10   Un certain nombre d'éléments sont connus des avocats de la

 11   Common Law, mais ils sont tirés, par exemple, des conventions des Droits

 12   de l'Homme européenne, qui peuvent provenir des Etats-Unis également, mais

 13   qui ne proviennent pas de dispositions judiciaires précises des Etats-Unis

 14   ou d'un pays de Common Law. Dans le règlement de procédure et de preuve,

 15   un certain nombre de dispositions proviennent donc de pays et de systèmes

 16   de droit romain.

 17   Maintenant, j'aimerais répondre une minute aux arguments

 18   avancés eu égard à M. Delic. Je crois, Monsieur le Président, que vous

 19   avez vu nos réponses aux requêtes concernant MM. Landzo et Delic. Nous les

 20   avons déposées hier.

 21   Si tel n'était pas le cas, j'agrémenterai ma réponse d'un

 22   certain nombre de détails supplémentaires, mais je pense que vous avez eu

 23   cette réponse et que vous avez pu en prendre connaissance.

 24   S'agissant de M. Delic, la question est de savoir s'il

 25   constitue une raison valable. L'accusation convient de ce que si une


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  1   déclaration est faite soixante jours après la comparution initiale, cela

  2   pourrait constituer une raison valable ou un bon respect, si un délai

  3   raisonnable a été respecté par rapport au moment où la déclaration a été

  4   faite.

  5   La deuxième déclaration de M. Delic, faite à sa demande, l'a

  6   été début janvier et le conseil lui-même l'a concédé. Il est arrivé peu de

  7   temps après, en janvier. Si ce conseil avait voulu soulever une question à

  8   ce moment-là, il aurait pu le faire. Mais il se fait que de nouvelles

  9   stratégies ont été élaborées, des décisions ont été prises sans qu'il nous

 10   soit dit, en fin de compte, ce qui serait préférable pour l'accusé. Cela a

 11   poussé la défense à adopter un autre cours.

 12   Il a été affirmé que l'origine de cette requête est, en fait,

 13   une décision rendue par cette Chambre de première instance selon laquelle

 14   une déclaration involontaire n'était pas recevable. Mais nous pensons que

 15   c'est un principe fondamental du droit qui est ici respecté, et si

 16   M. Delic ou l'un quelconque des accusés avait voulu soulever une objection

 17   à partir de cette déclaration, il aurait pu le faire et le droit aurait

 18   été rendu de la même façon.

 19   Nous ne croyons pas, dès lors, que quoi que ce soit constitue

 20   un motif valable dans les requêtes présentées.

 21   S'agissant de M. Delic, pour que tout soit clair, nous voulons

 22   dire que les deux entretiens se sont déroulés dans le parfait respect des

 23   procédures du Tribunal. Les accusés et leurs conseils ont été informés de

 24   tous leurs droits et tout cela a été consigné dans le procès-verbal.

 25   Il a été dit expressément que la déclaration pouvait être


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  1   utilisée contre l'accusé, comme moyen de preuve, et s'il y avait eu

  2   confusion ou malentendu, des questions auraient pu être posées. Mais elles

  3   ne l'ont pas été parce que l'accusé et son conseil ont, de leur plein gré,

  4   décidé de renoncer à ces droits.

  5   Nous avons soulevé des faits spécifiques dans la requête. Par

  6   exemple, lorsqu'a eu lieu la deuxième déclaration, l'accusation avait déjà

  7   dit à l'accusé qu'elle allait retenir cette déclaration contre lui.

  8   Nous pensons que rien ne prouve que la déclaration de M. Delic

  9   n'ait pas été faite de plein gré et en parfaite connaissance de cause.

 10   Mon collègue de droit romain vient de me rappeler, également,

 11   qu'il n'est pas exact de dire, que dans les systèmes de droit romain, on

 12   attend de l'accusé qu'il parle. Il n'est pas exact de dire qu'il peut

 13   décider si l'on va retenir sa déclaration contre lui ou non.

 14   Les déclarations faites au bureau du procureur ne sont pas à

 15   comparer aux déclarations faites à la police dans les systèmes de droit

 16   romain.

 17   M. Moran (interprétation). -  Permettez-moi de réagir.

 18   Tout d'abord, je pense que la Chambre de première instance, si

 19   elle veut entendre le témoignage de M Mucic, saura qu'il a été averti,

 20   qu'il a reçu quelques avertissements d'un juge d'instruction viennois.

 21   On lui a dit : "SI vous ne faites pas des déclarations à la

 22   police, les choses vont se durcir". L'Autriche est un système de droit

 23   romain.

 24    En second lieu, l'expérience que j'ai glanée est la suivante.

 25   Par exemple, mon étude s'occupe d'une affaire dont j’ai entendu parler


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  1   lundi et qui vient à l'appui de ceci :

  2   Une erreur est commise par un avocat. Au cours du procès, on

  3   essaie de remédier à l'erreur commise par l'avocat. Je pense ici à une

  4   affaire qui a commencé le 1er mai 1997. Un juge fédéral de mon système a

  5   décidé que l'on ne pouvait pas appliquer une peine de mort parce que l'un

  6   des accusés n'avait pas compris les implications et l'application de la

  7   loi du droit, ceci en 1982. Je pourrais vous en fournir un exemplaire. Je

  8   l'ai à l'hôtel, je pourrai vous en procurer un exemplaire.

  9   Nous demandons la possibilité de montrer si, oui ou non, il y

 10   a eu malentendu et mauvaise compréhension du droit de la part d'un conseil

 11   et la possibilité de prouver aussi si ce malentendu, cette mauvaise

 12   lecture du droit, a eu pour résultat que mon client a "renoncé" à ses

 13   droits sans vraiment comprendre ce qu'il faisait et quels étaient ses

 14   droits, si mauvaise compréhension il y avait, et si ceci peut avoir un

 15   effet substantiel sur le cours de la procédure. Nous pouvons y remédier

 16   maintenant.

 17   Il ne faut pas attendre quinze ans comme c'était le cas de mon

 18   autre client. Nous pouvons régler ceci sur-le-champ.

 19   M. le Président (interprétation). - En fait, à la fin des

 20   plaidoiries de l'affaire M. Mucic, une avalanche de requêtes ont été

 21   déposées.

 22   Je croyais qu'il était bien compris que l'objet de ces

 23   requêtes et de chacune d'entre elles était de savoir si, lors d'une

 24   déclaration faite par un suspect, dans certaines circonstances, il y avait

 25   coercition, fraude ou abus de pouvoir. Alors, toute déclaration faite dans


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  1   ces circonstances pouvait être rejetée.

  2   Cela est une règle de droit de Common Law. Si tel était le

  3   cas, il fallait en fait connaître ces facteurs en audience. Le

  4   représentant de l'accusation qui aurait procédé à cet interrogatoire

  5   devrait prouver qu'il n'y avait ni coercition ni abus de force. C'est ce

  6   que l'on comprend, en général, dans le monde de la Common Law, lorsque

  7   l'on dit que l'on veut mettre à l'épreuve une déclaration qui pourrait

  8   être entachée de sévices.

  9   D'après ce que j'entends maintenant, les arguments avancés que

 10   doit connaître la Chambre de première instance vont plus loin que la

 11   question de la validité des déclarations volontaires faites par un accusé.

 12   Les arguments portent sur les motifs qui ont poussé à faire,

 13   de son propre chef, cette déclaration. Je crois que nous parlons ici d'une

 14   question différente de celle qui consiste à savoir si quelqu'un a un peu

 15   forcé la main d'un accusé ou d'un suspect, l'a forcé à faire certaines

 16   choses.

 17   C'est peut-être une autre facette de la question, mais je

 18   crois qu'elle diffère sérieusement de la règle générale.

 19   Nous avons entendu les affirmations et les différents

 20   arguments. J'ai bien entendu ce que vous disiez à propos de la position

 21   adoptée par l'accusation.

 22   Pour ceux qui ont une expérience en Common Law, on a cité

 23   l’avis de M. Christmas Humpfrey. On dit qu'il faut d'abord rendre la

 24   justice. Tout le monde veut vraiment que la justice soit rendue. Personne

 25   ne veut condamner pour le plaisir de condamner. Il faut que si


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  1   condamnation il y a, elle soit provoquée par les faits divulgués.

  2   Ces arguments allaient un peu plus loin que la simple question

  3   de savoir si ces témoins se sont vu forcer la main, ont été poussés à

  4   faire des déclarations. Je crois que ce sont deux arguments tout à fait

  5   différents. Je ne sais pas, je crois qu'il faudra que nous nous

  6   prononcions sur la question, en dépit de la difficulté qui existe et qui

  7   est certaine. Car il n'est pas facile de parler de la question de l'aspect

  8   volontaire, de l'initiative prise en dehors des requêtes qui ont été

  9   déposées. Je crois que ce qui a été souligné, notamment par John Ackerman,

 10   est que, peut-être les conseils prodigués à l’accusé, n'ont pas été les

 11   meilleurs, ce qui fait qu'il n'aurait pas été en mesure de vraiment

 12   pleinement exercer un choix.

 13   Je crois que c'est à cela que revient l'argumentation. S'il

 14   avait reçu les conseils appropriés, il aurait mieux exercé les options qui

 15   lui étaient ouvertes et il n'aurait peut-être pas fait la déclaration

 16   qu'il a faite.

 17   Il semblerait que Me Moran ait une démarche assez proche de

 18   celle de Me Ackerman. Ils disent tous deux qu'étant donné leur passé, le

 19   pays qu'ils connaissaient et qui leur était familier étant différent, ils

 20   n'ont peut-être pas bien compris et ils n'ont pas pris une décision

 21   adéquate, conforme à ce qu'ils connaissaient dans leur pays.

 22   Je ne sais pas comment le règlement aurait pu anticiper tout

 23   cela et comment il aurait pu tenir compte de chaque particularité. Chaque

 24   accusé pouvait-il transporter avec lui son propre droit ?

 25   Je ne pense pas que ce soit là l'esprit dans lequel le


Page 2710

  1   règlement a été élaboré.

  2   Le règlement énonce une règle générale qui peut s'appliquer à

  3   tout ceux qui se trouvent saisis ou qui comparaissent devant ce tribunal.

  4   Ce règlement doit être appliqué par le Tribunal, d'où les

  5   dispositions que nous avons et qui vont même jusqu'à l'article 95 qui

  6   permet de recevoir des éléments de preuve qui n'ont pas été reçus de façon

  7   adéquate, au cas où l'admission allait à l'encontre d'une bonne

  8   administration de la justice. Cela est tout à fait différent de la

  9   question des éléments de preuve qui auraient pu être fournis du propre gré

 10   de l'accusation, mais il faut tenir compte des dispositions des droits de

 11   l'homme qu'il faut respecter également. On aurait pu alors exclure le

 12   moyen de preuve s'il était contraire aux prescriptions des conventions des

 13   droits de l'homme.

 14         Je crois en

 15   fait que nous nous prononcerons après la suspension qui va avoir lieu dès

 16   maintenant. Mais il nous faut encore entendre le conseil de M. Mucic

 17   auparavant.

 18   M. Greaves (interprétation). - Je suis désolé, mais

 19   apparemment, Me McHenry a quelque chose d'urgent à nous dire parce qu'elle

 20   s'est levée sur-le-champ.

 21   Mme McHenry (interprétation). - S'il est vrai que Me Greaves

 22   va intervenir sur la requête proprement dite portant sur la déclaration,

 23   j'aimerais dire ceci. L'accusation n'a pas encore répondu, en partie parce

 24   qu'il s'agit de parler de façon détaillée de ce qui s'est passé en

 25   Autriche et du droit autrichien, et nous pensions pouvoir fournir une


Page 2711

  1   réponse complète d'ici la fin de la semaine. Il ne nous semble pas

  2   nécessaire que cette Chambre prenne une position sur la requête déposée

  3   par M. Mucic dès maintenant.

  4   Après le témoin "O", nous aurons un témoignage qui, étant

  5   donné les allégations graves qui ont été portées, nécessite des

  6   éclaircissements sur les mesures prises par le Bureau du Procureur, mais

  7   pour ce qui est de l'ensemble des éléments de preuve, les événements

  8   ultérieurs et ce qui s'est passé à l'égard des autorités viennoises, cela

  9   va nous prendre un certain temps.

 10   A l'évidence, nous allons répondre dans la mesure de nos

 11   moyens à ce que dira Me Greaves ici, à l'audience, mais s'agissant de la

 12   réponse complète que nous devrons fournir, nous aimerions pouvoir

 13   compléter cette réponse que nous donnerions ici à l'audience par la suite.

 14   M. le Président (interprétation). - Si j'ai bien compris (et

 15   je pense que c'est bien comprendre la situation), lorsqu'une allégation,

 16   une plainte ou un grief a été émis, vous devez réagir. Tous les éléments

 17   de preuve qui sont nécessaires pour montrer que le témoin, de son propre

 18   gré, a fait cette déclaration ou qu'il n'a pas été forcé à la faire

 19   doivent nous être fournis par l'accusation et le conseil de la défense

 20   peut procéder à un contre-interrogatoire.

 21   Mme McHenry (interprétation). - Je suis tout à fait d'accord

 22   avec cette procédure. Je ne marquais pas de désaccord par rapport à cela.

 23   Je voulais simplement indiquer que s'agissant de certains éléments, il

 24   n'était pas obligatoire de fournir des éléments de preuve.

 25   M. Greaves (interprétation). -  Ce que vient de soulever ma


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  1   consoeur m'amène à parler de la fin de mon intervention plutôt que du

  2   début. Permettez-moi d'expliquer la chose suivante.

  3   Nous faisons valoir que le processus par lequel certaines

  4   déclarations verbales ont été faites par Mucic sont affectées par les

  5   allégations que j'ai à faire à l'encontre d'enquêteurs du Bureau du

  6   Procureur mais également par tout ce qui s'est passé depuis son

  7   arrestation le 18 mars. Cela comprend les procédures appliquées par la

  8   police et par les tribunaux autrichiens.

  9   Il y a eu vraiment une transition brutale entre la procédure

 10   qui lui a été conseillée à Vienne et la procédure utilisée ici également

 11   au titre des articles 42 et 43.

 12   Voilà donc notre position. J'ai essayé de l'expliquer à

 13   l'accusation, mais je crois qu'elle ne m'a pas bien compris. Vous vous

 14   souviendrez que, la semaine dernière, je vous ai saisis d'un élément qui

 15   me semblait important (et j'espère qu'il sera pris en compte) : la façon

 16   d'apporter des éléments de preuve et toute la question de la recevabilité

 17   de ces déclarations.

 18   Si l'on veut comprendre la situation et les éléments soulevés

 19   par M. Mucic et par moi-même, évidemment, par son truchement, c'est qu'il

 20   faut suivre un bon ordre chronologique dans les éléments de preuve. Si

 21   l'on demande à faire comparaître deux témoins avant l'enquêteur

 22   autrichien, vous ne comprendrez pas la nature de ma requête. Ce sera tout

 23   à fait incompréhensible pour vous.

 24   Je vous dis ceci parce que j'ai passé la journée d'hier à

 25   Vienne, en compagnie d'éminents confrères du barreau autrichien. Il y a


Page 2713

  1   d'abord des points de droit dont il faudra vous saisir, et je l'ai déjà

  2   dit à l'accusation. J'espère pouvoir demander la présence d'un juriste

  3   autrichien en tant qu'expert et témoin parce que vous allez avoir besoin

  4   de son aide. Il devra vous donner des informations sur la nature du droit

  5   autrichien et sur les modalités d'interrogatoires des personnes arrêtées,

  6   afin que vous puissiez mieux comprendre l'état d'esprit de l'accusé et que

  7   vous puissiez appliquer l'article 89 B et l'article 95. En l'absence de

  8   telles comparutions, vous ne pourrez pas prendre une bonne décision sur

  9   cette requête qui est basée sur des éléments de faits et de droit.

 10   En second lieu, il y a deux témoins de faits que j'ai

 11   découverts (mais je n'ai pas encore eu l'occasion de recevoir leur

 12   déclaration) s'agissant d'un événement qui s'est produit à Vienne. Il

 13   faudra que je dispose de cette déclaration, mais en attendant, je ne peux

 14   pas procéder à un bon interrogatoire de M. Abribat et de M. Auduga. Il se

 15   peut que leurs interventions ne me soient pas très utiles, mais il faut

 16   d'abord que j'aie les informations préalables pour bien défendre mon

 17   client.

 18   En troisième lieu, ce matin (et je ne critique en aucune façon

 19   l'accusation), c'est un peu par hasard qu'on a placé certains documents

 20   dans le mauvais casier. Ces documents que voici concernent des événements

 21   qui se sont produits à Vienne. Même si le plus clair de cela a été

 22   traduit, je ne l'ai reçu que juste avant votre arrivée en audience et je

 23   n'ai pas eu le temps de digérer ou même de comprendre la teneur et les

 24   ramifications de ces documents ainsi que les répercussions que cela peut

 25   avoir pour la requête que j'ai déposée devant ce Tribunal. Il se peut que


Page 2714

  1   j'aie à modifier cette requête ou à ajouter des éléments pour qu'elle soit

  2   compréhensible pour vous.

  3   Mais je reviens au début de ce que je voulais dire. Quelle est

  4   la procédure adoptée pour évaluer la recevabilité des déclarations faites

  5   par M. Mucic à la police autrichienne ainsi qu'au Bureau du Procureur,

  6   ici, à ce Tribunal ? Il y a des déjà eu des discussions préalables portant

  7   sur d'autres requêtes, sur la question de statuer sur un voir dire. Je

  8   suppose que si vous venez d'un système de Common Law, vous vous

  9   souviendrez de la procédure pénale qu'il y a chez vous, dans vos

 10   juridictions, tant du côté du Parquet que du ministère public.

 11         Si l'on pose

 12   la question de la recevabilité, la procédure coutumière de la Common Law

 13   (je suis désolé d'insister tellement sur la Common Law au détriment de mes

 14   collègues de droit romain, mais je vous prie de faire preuve d'indulgence

 15   un instant) est la suivante. Lorsque l'accusation veut amener un élément

 16   de preuve contesté quant à sa recevabilité, il faut que ce moyen de

 17   preuve, si c'est un témoignage, soit cité. A ce moment-là la défense, si

 18   elle le veut, peut faire un procès à l'intérieur d'un procès. Elle peut

 19   faire citer des témoins à décharge pour parler des événements en cause. Je

 20   pense que c'est la procédure la plus rapide et la plus équitable pour

 21   régler la question.

 22   Si je vous le dis, c'est parce que je voudrais soumettre cela

 23   à votre bon jugement. La seule façon de bien statuer sur la question de la

 24   recevabilité est d'entendre les témoins à charge portant sur cette

 25   question dans un ordre correct et chronologique. Sinon, vous allez devoir


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  1   travailler à tâtons en étant dans l'obscurité la plus complète, ce qui

  2   voudrait dire que mon client ne pourrait pas être jugé équitablement.

  3   Je sais que l'accusation tient à faire entendre ses témoins le

  4   plus vite possible. Dans un document signifié par le greffe ce matin, il

  5   apparaît que l'accusation "veut faire citer ses témoins le plus vite

  6   possible" (je cite). Je me demande donc pourquoi il y a une telle hâte,

  7   pourquoi il faut mener à tel train cette procédure. Je pense que c'est une

  8   question de présomption sérieuse. L'accusation semble insister pour que

  9   les témoins soient cités avec une hâte indue.

 10   Je pense qu'il faut quelque peu maîtriser la présentation des

 11   éléments de preuve pour que la bonne procédure soit respectée. Afin de

 12   vous aider à statuer équitablement, tant dans l'intérêt de l'accusation

 13   mais aussi - j'insiste - dans l'intérêt de la défense, il faut que ce soit

 14   fait.

 15   J'ai essayé de vous aider. Je n'ai pas pour intérêt d'utiliser

 16   des stratégies ou des stratagèmes contre l'accusation. J'essaie de vous

 17   faire comprendre la bonne procédure à suivre. Peut-être vous prononcerez-

 18   vous en faveur de l'accusation, mais en tout cas, il faut qu'une bonne

 19   procédure soit respectée si l'on veut que le procès soit juste et

 20   équitable.

 21   L'accusation nous dit qu'il faut que la Cour se saisisse de

 22   cette requête idoine, et je suis d'accord avec l'accusation à propos du

 23   droit autrichien. Il est vrai que l'ensemble de la question n'a pas été

 24   dûment préparé (c'est vrai pour l'accusation comme pour nous).

 25   Hier, un confrère autrichien m'a donné quelques conseils, mais


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  1   en allemand. J'ai beau faire les efforts les plus grands ; je ne suis pas

  2   un maître de la langue allemande. Certains documents ont été traduits,

  3   mais il faudra que j'obtienne l'avis qualifié d'une personne, à savoir

  4   celui d'un juriste autrichien. Je ne suis donc pas en mesure de vous

  5   présenter correctement cette requête au nom de l'accusé.

  6   Je vous propose donc de décider de reporter cette question

  7   pour choisir un calendrier plus approprié et plus ajusté aux intérêts du

  8   Tribunal, de l'accusation et de l'accusé.

  9   Mme McHenry (interprétation). - Permettez-moi de réagir,

 10   Monsieur le Président. Nous n'agissons pas avec une hâte indue. Au

 11   contraire, quelle est la situation dans laquelle nous nous trouvons ? Le

 12   conseil de la défense a proféré de très sérieuses allégations quant au

 13   caractère volontaire de la renonciation de son client. Certains éléments

 14   tiennent peut-être précisément à ce qui s'est passé dans la procédure

 15   autrichienne. Même si nous ne concédons pas ce point, il se peut que la

 16   défense veuille insister sur certains aspects du droit autrichien qui ne

 17   nous sont pas particulièrement connus. Il n'a pas argumenté sur tous les

 18   éléments mais il a fait certaines allégations sur la conduite du Bureau du

 19   procureur.

 20   Il est un fait que le bureau du Procureur veut agir vite pour

 21   apporter tous les éclaircissements nécessaires, de telle sorte que les

 22   éléments de preuve montrent que nous n'avons pas agi de façon inadéquate

 23   ou injuste. L'ensemble de cette questions ne pourra, sans doute, pas

 24   trouver solution immédiatement.

 25   Néanmoins, l'accusation n'a ménagé aucun effort. Elle a appelé


Page 2717

  1   l'enquêteur en chef d'Autriche. Il n'est pas expert en procédure

  2   autrichienne, il ne connaît peut-être pas tous les tenants et aboutissants

  3   du droit autrichien, mais il pourra témoigner sur le comportement du

  4   bureau du Procureur. Il pourra montrer que celui-ci a agi de façon

  5   adéquate et respectueuse des droits de l'accusé.

  6   Il est arrivé en avion ce matin. Il devra repartir demain.

  7   Nous voudrions le faire comparaître et le citer aujourd'hui, après le

  8   témoin O qui à aussi ses propres problèmes de calendrier. S'il s'avère

  9   nécessaire de le rappeler, dans l'intérêt de l'accusation ou du Tribunal,

 10   à une date ultérieure, cela pourra être fait. Il dispose d'information sur

 11   ce qui s'est passé s'agissant du comportement du bureau du Procureur.

 12   Nous voudrions le citer. Nous croyons avoir le droit, bien sûr

 13   sous votre tutelle Madame et Messieurs les Juges, de déterminer la façon

 14   dont nous faisons citer nos témoins.

 15   Nous savons gré à Me Greaves des conseils qu'il nous a

 16   prodigués quant à la façon de faire valoir nos moyens. Il se peut que nous

 17   n'ayons pas la bonne procédure, mais nous estimons qu'il faut, sans plus

 18   tarder, écarter toutes insinuations de mauvais comportements de la part du

 19   bureau du Procureur. C'est la raison pour laquelle nous voulons citer le

 20   témoin que nous allons citer.

 21   Si vous estimez, ou si la défense estime que ce témoin doit

 22   être rappelé par la suite, cela est possible. Nous ne pensons pas que ce

 23   soit nécessaire. Mais s'il apparaît que nous nous sommes trompés, ce n'est

 24   pas grave et nous pourrions le citer par la suite.

 25   Nous aurions le droit, et même le devoir d'apporter les


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  1   éclaircissements nécessaires tout de suite, étant donné les allégations

  2   faites par le conseil de la défense.

  3   M. le Président (interprétation). - Je pense que c'est une

  4   question qui doit être réglée entre l'accusation et la défense. Je pense

  5   que la charge de la preuve est du côté de l'accusation qui doit prouver

  6   que la déclaration faite par un accusé était volontaire.

  7   En tout état de cause, il faudra effectivement indiquer à la

  8   défense la façon dont vous allez présenter votre argumentation.

  9   M. Greaves (interprétation). - Si ma consoeur appelle sous

 10   peut M. Abribat, je vais demander un ajournement car je ne dispose pas de

 11   toutes les informations dont j'ai besoin pour procéder au contre-

 12   interrogatoire. Ce serait une perte de votre temps à mon avis.

 13   Je comprends bien que l'accusation n'aime pas qu'on fasse des

 14   allégations quant au comportement de leurs enquêteurs. Mais dans la

 15   réalité d'aujourd'hui, il est fréquent d'avoir de telles allégations dans

 16   quelques continents que ce soit. Ce sont des allégations qui ne sont pas

 17   mises à l'épreuve pendant un certain temps. Elle n'entament en rien

 18   l'intégrité de l'accusation. Il n'y a qu'un petit aspect de leurs

 19   activités qui est contesté ici.

 20   Je ne dirai en aucune manière que les allégations que je

 21   voudrais faire, entachent les autres enquêteurs qui n'ont rien à voir avec

 22   mon client, ni avec l'ensemble de l'équipe de recherche.

 23   Si l'on veut se débarrasser de ce qui entache prétendument

 24   cette hâte, (elle doit être réglée, mais pour cela)*, il faudra respecter

 25   une procédure adéquate. Il faudra que vous fassiez confiance en ce que je


Page 2719

  1   vais dire. Si nous nous ne respectons pas l'ordre prévu pour la

  2   comparution des témoins, vous ne serez pas capables de comprendre ce qui

  3   se passe.

  4   Avec tout le respect que j'ai pour ma consoeur, je ne vois pas

  5   en quoi consiste l'urgence. Rien n'est apporté qui justifie cette hâte,

  6   alors que la question est importante. C'est sur mon invitation, mais c'est

  7   seulement ce matin que j'ai appris que M. Abribat était prévu dans la

  8   liste des témoins.

  9   Je ne m'oppose pas à ce qu'il comparaissent en tant que

 10   témoin. Mais il est assez malencontreux que l'accusation ait décidé de le

 11   faire venir en avion ce matin. Connaissant ce que j'avais dit et

 12   anticipant déjà ce que j'allais dire ce matin, je crois qu'il était

 13   prématuré et peu sage de faire venir M Abribat dès ce matin.

 14   L'accusation doit peut-être réfléchir à cette question.

 15   Je reviens à mon hypothèse de départ que je vous soumets,

 16   Madame et Messieurs les Juges.

 17   Il est dans l'intérêt de la justice, et c'est la raison d'être

 18   de notre présence ici, que vous adoptiez ce que je vous propose, pour la

 19   bonne conduite de la procédure.

 20   Bien sûr, ma consoeur dit qu'il incombe à l'accusation de

 21   choisir l'ordre et la nature de ses témoins. Mais, en fin de compte, le

 22   pouvoir d'appréciation est entre vos mains, Madame et Messieurs les Juges

 23   qui contrôlaient la procédure afin qu'il y ait jugement et procès

 24   équitable. Cela va peut-être nécessiter certaines instructions de votre

 25   part au moment où tel point doit être jugé plus particulièrement.


Page 2720

  1   Je suis sure que c'est un processus que vous connaissez tous

  2   ici. C'est un processus dont je déclare, Monsieur le Président, qu'il est

  3   tout à fait approprié pour tenter de régler les problèmes assez graves que

  4   je viens d'évoquer.

  5   Donc j'en appelle à vous, Madame et Messieurs les Juges pour

  6   prendre en considération ces éléments avec le plus grand sérieux.

  7   M. le Président (interprétation). - Maître Greaves, ne pensez-

  8   vous pas, qu'au moment où vous faites ces allégations, vous devez disposer

  9   des faits susceptibles de les fonder ?

 10   Donc, si quelqu'un se présente porteur de telles déclarations,

 11   je pense que nous pourrons justifier les faits.

 12   M. Greaves (interprétation). - Je croyais que j'étais en

 13   possession de cent pour cent des faits, mais c'est seulement en allant à

 14   Vienne hier, que je me suis rendu compte qu'il me manquait encore quelques

 15   éléments.

 16   Bien que j'ai parlé avec un associé de l'avocat qui sera ou ne

 17   sera pas témoin factuel : cette personne était à Salzbourg à l'époque et

 18   avait des obligations professionnelles auxquelles elle n'a pas pu

 19   renoncer.

 20   Pour être simple dans ma réponse, je dirai que je depuis que

 21   je vous ai parlé la dernière fois, Monsieur le Président, j'ai eu

 22   connaissance de nouveaux éléments. C'est pourquoi j'ai déposé cette

 23   requête aujourd'hui.

 24   M. le Président (interprétation). - Je vais examiner la

 25   meilleure façon de statuer sur ce point.


Page 2721

  1   M. Greaves (interprétation). - Merci Monsieur le Président.

  2   M. le Président (interprétation). - La Chambre d'instance va

  3   suspendre ses travaux jusqu' à midi.

  4  

  5   L'audience, suspendue à 11 heures 35, est reprise à 12 heures 05.

  6   M. le Président (interprétation).  - Nous commencerons par

  7   notre décision au sujet des deux requêtes. Nous pouvons en traiter

  8   simultanément puisque dans l'idéal, les mêmes conditions s'appliquent à

  9   ces deux requêtes.

 10   Nous avons examiné les requêtes. Nous en avons discuté entre

 11   nous. La Chambre d'instance fera connaître sa décision plus détaillée

 12   ultérieurement. Pour le moment, nous considérons que les exigences

 13   relatives à la recevabilité de ces requêtes n'ont pas été violées, donc

 14   ces deux requêtes sont recevables pour le moment.

 15   S'agissant des exigences de fond quant à la validité de ces

 16   requêtes, elles seront examinées au moment où les déclarations en question

 17   seront présentées.  Cela étant, les circonstances en vigueur qui, à

 18   l'époque, entouraient les faits, font que les requêtes sont à l'évidence

 19   recevables pour le moment.

 20   La base dévaluation d'une déclaration n'est pas établie dans

 21   ces deux cas. Les arguments avancés quant au fond ne permettent pas de

 22   penser qu'il y ait eu fraude ou emploi de la force, ou encore coercition

 23   dans la façon dont ces déclarations ont été recueillies.

 24   Quant à savoir si les déclarations répondent aux normes

 25   requises, c'est là un autre problème.


Page 2722

  1   Je crois que ce sera tout sur ce sujet.

  2   M.  Jan (interprétation). - A la fin du procès, lorsque

  3   l'ensemble des éléments de preuve seront entre les mains des parties

  4   prenantes au procès, il sera possible à la défense d'arguer que ces

  5   déclarations devraient être exclues de l'examen des personnes chargées de

  6   juger, et ce sur le fond, si le règlement n'a pas été respecté.

  7   M. le Président (interprétation).  - Oui, pouvons-nous

  8   entendre vos arguments ?

  9   M. Ostberg (interprétation). - Merci, monsieur le Président.

 10   Hier, nous avons déposé une requête portant sur la protection d'une

 11   personne dont le nom a déjà été cité, mais je demanderai que désormais

 12   cette personne soit mentionnée sous l'initiale "O". Il s'agit donc de M. O

 13   et j'ai l'intention de citer M. O immédiatement. Auparavant, j'aimerais

 14   qu'il y ait décision au sujet de la mesure de protection.

 15   M. Moran  (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai reçu

 16   un affidavit  ce matin à 9 heures, et ce dans une pile importante de

 17   documents. J'ai vu le nom du témoin O apparaître deux ou trois fois dans

 18   l'ensemble de ces documents, mais personne n'a pris la peine de m'informer

 19   de l'identité de ce témoin O. J'aimerais la connaître.

 20   M. Ostberg (interprétation). - Je peux le faire en séance à

 21   huis clos. Dès que nous passerons en séance à huis clos, je dirai à chacun

 22   quelle est l'identité de ce témoin.

 23   M.  Jan (interprétation). - N'avez-vous pas communiqué à la

 24   défense, précédemment, des documents où ce témoin est identifié ?

 25   M. Ostberg (interprétation). - Bien sûr, monsieur le juge,


Page 2723

  1   mais c'est seulement à son arrivée à La Haye que ce témoin a évoqué un

  2   certain nombre de raisons pour lesquelles il demande des mesures de

  3   protection. A l'examen de ces motifs, je n'ai pas estimé être en mesure de

  4   refuser l'application des mesures de protection. Je n'ai pas pu en parler

  5   précédemment car c'est seulement à son arrivée à La Haye qu'il a fait

  6   connaître ses préoccupations quant à sa sécurité.

  7   Je ne puis même pas présenter des excuses à mes collègues de

  8   la défense à ce sujet car je n'étais pas au courant.

  9   M. le Président (interprétation).  - Avez-vous essayé de

 10   parler aux avocats de la défense sur ce point, maintenant que les

 11   circonstances sont connues ?

 12   M. Ostberg (interprétation). - Je vous demande un instant. Mon

 13   assistante m'informe qu'hier, tous les principaux avocats des équipes de

 14   la défense ont été informés au téléphone de ce fait, mais nous ne sommes

 15   pas parvenus à joindre M. Karabdic. Je suppose que c'est cela qui devait

 16   faire l'objet de l'objection que voulait soulever Me Moran.

 17   M.  Jan (interprétation). - Connaissez-vous l'identité du

 18   témoin et le fond des arguments présentés par lui ?

 19   M. Moran  (interprétation). - Monsieur le Président, avant la

 20   pause, McHenry a cité un titre qui concernait le témoin E, mais il y a un

 21   problème, voire deux.

 22   L'un est que nous avons été informés à 9 heures 45 ce matin de

 23   l'existence de 15 pages qui m'ont été fournies, y compris une ou deux

 24   pages sur lesquelles il y a une très grande quantité de lignes recouvertes

 25   de noir, ainsi que de grandes croix noires.


Page 2724

  1   Deuxième problème, on m'a informé ce matin de la comparution

  2   éventuelle d'un témoin expert non désigné spécifiquement. 

  3   Nous aurions une objection par rapport à cette comparution. Il

  4   y a des documents qui sont en grande partie en latin, qui sont

  5   relativement volumineux, ils se compose d'un grand nombre de pages et il

  6   s'agit de diagnostics médicaux. Très franchement, monsieur le Président,

  7   ma connaissance du latin remonte à très loin et elle ne me suffit pas.

  8   J'ai reçu une dizaine de pages en latin que je ne peux comprendre. Il est

  9   possible que ces documents aient été communiqués en bosniaque, mais je ne

 10   parle pas du tout le bosniaque.

 11   M.  Jan (interprétation). - Vous ne demandez donc pas que ce

 12   soit l'identité qui ne soit pas divulguée, mais que leur déposition ne

 13   soit pas publique. Mais il s'agit de la déposition que vous avez déjà

 14   rejetée ce matin en invoquant le fait que vous n'étiez pas prêt.

 15   M. Moran  (interprétation). - Le 25 janvier 1997, monsieur le

 16   juge, cette Chambre d'instance a rendu une ordonnance au sujet des témoins

 17   experts. Je suis prêt à argumenter sur cette ordonnance. Pour l'essentiel,

 18   il est stipulé qu'avant l'audition d'un témoin; il faut que nous

 19   connaissions les éléments fondamentaux de la déclaration qu'il va faire.

 20   Nous avons respecté cette règle. Nous pensons que c'est une

 21   disposition qui relève des motifs valables évoqués à plusieurs reprises ce

 22   matin au sujet des requêtes. La Chambre d'instance n'a pas statué sur ce

 23   point au cours du procès. Nous avons besoin d'un expert. Nous avons

 24   prévenu à temps de ce besoin et je pense qu'il convient d'établir une

 25   distinction nette entre un témoin factuel et un témoin expert.


Page 2725

  1   Un expert fourni des avis et témoigne en raison de son

  2   expertise particulière. Un témoin factuel, lui, déclare avoir vu telle et

  3   telle chose.

  4   Ces personnes, comme j'aimerais le rappeler ici, ont été

  5   désignées en tant que témoins experts pour des raisons valables. L'un de

  6   ces experts était le Dr Calic, l'autre était un général néerlandais dont

  7   le nom m'échappe pour l'instant. Le fait que l'une de ces personnes soit

  8   spécialisée sur le plan professionnel ne signifie pas nécessairement que

  9   la personne en question peut témoigner en qualité de témoin expert. Ce

 10   matin, si on me donnait le nom d'un témoin expert, cela ne suffirait pas

 11   pour que je l'accepte. Il faudrait, pour ce faire, que j'examine les faits

 12   plus avant.

 13   M. Ostberg (interprétation). - Nous ne considérons pas la

 14   personne dont nous parlons comme un témoin expert. Cette personne apparaît

 15   sur notre liste sous le numéro 12, je vais pas divulguer son nom. Il

 16   s'agit d'un témoin dont le nom a été communiqué à la défense. La Chambre

 17   d'instance est informée du sujet de sa déposition.

 18   Quant à la connaissance qu'ont ou pas les avocats de la

 19   défense, je suis surpris de ce que je viens d'entendre. En effet, la

 20   défense a reçu un relevé détaillé des éléments dont cette personne va

 21   parler aujourd'hui devant ce Tribunal, chacun en a été informé en temps

 22   utile, c'est-à-dire en 1996 et chacun a reçu l'ensemble de ces documents,

 23   à part Me Karabdic qui a inspecté ces documents le 25 juillet 1996.

 24   Des traductions anglaises ont été fournies. Les documents,

 25   eux, ont été donnés à la défense sous leur forme originale, mais les


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  1   traductions anglaises complètes ont été fournies à Me Brackovic, le 4 mars

  2   1997. Maître Karabdic a reçu ces traductions le 19 février 1997 et

  3   Me Tapuskovic n'a jamais demandé de traduction. Maître Residovic a reçu

  4   ces rapports en serbo-croate, avant d'en recevoir la traduction, sachant

  5   que le serbo-croate est la langue qu'elle parle.

  6   L'accusation a fait tout ce qui était en son pouvoir pour

  7   informer au mieux la défense de ce qu'elle avait l'intention de faire.

  8   Nous sommes en train de fournir l'ensemble de ces documents en anglais

  9   pour rendre service à la défense, en tout cas en ce qui concerne le témoin

 10   qui comparaîtra peut-être aujourd'hui. L'ensemble de ces éléments sont

 11   couverts par la confidentialité. Les délais et toutes les contraintes

 12   nécessaires ont été respectés. Je ne comprends donc absolument pas et ne

 13   suis pas en mesure de comprendre la nature des objections.

 14   M. Moran  (interprétation). - Je serais très heureux de

 15   montrer à la Chambre d'instance n°1 ce qui figure dans mon dossier, et qui

 16   à mon avis porte sur le témoin O, ainsi que les documents remis à

 17   9 heures 45 ce matin. Je les ai tous les deux en mains, un document

 18   comporte cinq pages et l’autre quinze, le document de cinq pages m’ayant

 19   été remis à 9 heures ce matin.

 20   Je ne sais pas très bien quoi dire de plus. Si je prends la

 21   page 5 de cet ensemble de documents, je vois que les deux versions ne sont

 22   pas identiques.

 23   A la page 5, vous voyez qu'il n'y a qu'un numéro de référence

 24   alors qu'il y a deux notations sur le document qui m'a été remis plus

 25   tard.


Page 2727

  1   M. Ostberg (interprétation). - Ce n'est pas un changement ou

  2   un défaut d'identité. Il y a peut-être eu peaufinement, amélioration de la

  3   deuxième version, mais il s'agit simplement de la traduction d'un document

  4   dont l'original est dans une autre langue. Nous avons fourni cette

  5   traduction pour aider l'ensemble des personnes assises du côté de la

  6   défense. Il ne doit pas y avoir le moindre malentendu à ce sujet.

  7   M. Moran  (interprétation). - La dernière fois que j'ai

  8   comparu ici, deux langues étaient les langues officielles du tribunal, le

  9   français et l'anglais. Je ne crois pas savoir que le serbo-croate soit une

 10   langue officielle. Je ne parle pas le serbo-croate et je le lis encore

 11   moins. Le fait qu'un document ait été servi en serbo-croate, je suis pas

 12   sûr que cela soit conforme aux statuts et aux règlements.

 13   M. le Président (interprétation).  - Vous avez un membre de

 14   votre équipe avec vous.

 15   M. Moran  (interprétation). - C'est exact. Je peux très

 16   agréablement stipuler avec le conseil de la partie adverse qui parle bien

 17   le serbo-croate.

 18   M. le Président (interprétation).  - Très bien. 

 19   M. Moran  (interprétation). - Il y a autre chose. Nous avons

 20   donc reçu un certain nombre de documents, ce matin à 9 heures, et il nous

 21   a été annoncé qu'il y aurait une modification dans l'ordre de comparution

 22   des témoins. Cette modification concerne le témoin qui va comparaître

 23   maintenant.

 24    Lorsque nous sommes sortis du Tribunal jeudi, le témoin

 25   suivant devait être M. Abribat. Ce matin, tout d'un coup, on nous annonce


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  1   que le témoin censé comparaître n'est plus le même. Quand il y a

  2   modification de la liste des témoins à une heure aussi tardive et à un

  3   moment aussi proche de la comparution, le moins que l'on puisse faire est

  4   de nous prévenir.

  5   M. Ostberg (interprétation). - J'ai une observation à faire à

  6   ce sujet également. Je suis tout à fait certain que, dans son

  7   interrogatoire, la défense va sûrement connaître les mêmes problèmes

  8   concrets de logistique que ceux nous vivons en ce moment. Bien entendu,

  9   nous devons amener des témoins qui viennent de différentes régions du

 10   monde, qui doivent se trouver à différents moments ensemble, ce sans trop

 11   gêner leur vie professionnelle ou personnelle. Donc, je suis sûr que mes

 12   collègues de la défense agiront de la même manière, quand leur tour

 13   viendra. Il y a des choses qui sont absolument inévitables, même si on

 14   essaie au mieux de les éviter.

 15   M. Moran  (interprétation). - Je ne crois pas qu'il y ait

 16   obligation, dans le cadre de la procédure appliquée par la Chambre

 17   d'instance, de faire comparaître les témoins dans un ordre déterminé. Nous

 18   pouvons choisir l'ordre de comparution des témoins, mais je crois me

 19   souvenir que le 25 janvier, une ordonnance a été rendue au sujet de la

 20   liste des témoins de l'accusation.

 21   Mme McMurrey (interprétation). - Puis-je prendre la parole au

 22   sujet de Landzo. J’ajouterai que nous avons reçu des informations au

 23   niveau de la modification de la liste des témoins à 9 heures 45. Nous

 24   sommes venus au Tribunal ce matin, en pensant que nous entendrions, à la

 25   barre des témoins, Bart D'Hooge et non le témoin O.


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  1    Je crois que cela porte préjudice à notre présentation des

  2   arguments si on s'attend à ce que l’on mène un contre-interrogatoire d'un

  3   témoin qui n'est pas attendu avant plusieurs jours plus tard. Cette

  4   modification de la liste des témoins est une chose, mais il y a également

  5   le problème de la protection de ce témoin. Ce dernier réclame des mesures

  6   de protection. Tout cela a été discuté à huis clos et nous ne voyons pas

  7   très bien quels en sont les motifs. Nous ne connaissons pas officiellement

  8   l'identité du témoin. Nous avons reçu son nom sur le document, mais il ne

  9   stipule que le nom du témoin O. Mme McHenry nous a donné un petit indice

 10   ce matin, mais en dehors de celui-ci, nous ne savons pas exactement de

 11   quelle personne il s’agit. Donc, selon le calendrier prévu, nous

 12   attendions Bart D'Hooge à la balle des témoins et, tout d'un coup, on nous

 13   annonce par surprise, sans que nous y soyons préparés, que le contre-

 14   interrogatoire ne pourra pas suivre son cours prédéterminé aujourd'hui.

 15   M.  Jan (interprétation). - Mais n’êtes-vous pas au courant de

 16   l'identité du témoin O ?.

 17   Mme McMurrey (interprétation). - Non, on ne nous a jamais

 18   informé de l'identité du témoin O.

 19   M. Ostberg (interprétation). - Le chef de l'équipe des

 20   conseils d’Esad Landzo a été informé hier à 14 heures.

 21   M.  Jan (interprétation). - Avez-vous fourni des

 22   renseignements sur l'identité du témoin O à la défense ? C’est de cela que

 23   nous parlions avec Mme McMurrey.

 24   M. Ostberg (interprétation). - Oui, nous avons fourni les

 25   éléments d’identité du témoin O, mais je parlais de M. Brackovic qui est


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  1   toujours le chef de l'équipe chargée de la défense de M. Landzo, son

  2   conseil principal. Il a déclaré, à 14 heures hier, qu'il allait informer

  3   M. Ackerman. Ce qui s'est passé par la suite, je n'en suis pas informé.

  4   Cela étant, nous avons fait de notre mieux pour vous fournir l'ensemble

  5   des documents et informations dont vous pouviez avoir besoin.

  6   M. le Président (interprétation).  - Sur la base de ce qui

  7   vient de vous être dit, êtes-vous prête à défendre votre argumentation au

  8   sujet de la protection du témoin ?

  9   Mme McMurrey (interprétation). - Oui, nous sommes prêts à

 10   défendre notre position au sujet de la protection de e témoin, mais pas

 11   pour le contre-interrogation d'un témoin annoncé par surprise.

 12   M. Ostberg (interprétation). - Je maintiens qu’il n’y a pas de

 13   surprise dans les circonstances. Nous avons vu le nom figurer sous le

 14   numéro 12. Nous avons informé la défense qu'il avait demandé des mesures

 15   de protection et nous l’avons fait en dépit de difficultés. Nous avons

 16   communiqué cette information au conseil principal de M. Landzo. Je suis

 17   prêt à participer à une audience au sujet de la protection qui a été

 18   demandée et qui repose en partie sur des préoccupations relativement

 19   nouvelles, dont nous n'avions pas connaissance avant la journée d'hier,

 20   une requête ayant été immédiatement déposée. Je me sens dans l’obligation

 21   de protéger les témoins que nous citons devant le Tribunal.

 22   Mme McMurrey (interprétation). - Nous ne contestons pas la

 23   validité de cette protection mais, pour que cela figure au PV, que

 24   M. Brackovic a été informé hier et que nous n’avons pas été informés dans

 25   les délais qui nous semblent utiles. Je pense que c’est un élément


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  1   important à souligner. C’est seulement à 9 heures 45 ce matin que nous en

  2   avons été informés..

  3   M. Ostberg (interprétation). - Je pense, Monsieur le

  4   Président, que Mme McHenry a quelques éléments à ajouter.

  5   Mme McHenry (interprétation). - J'ai la possibilité d'examiner

  6   ces documents  pendant que vous parlez. J'ai vu la liste des témoins

  7   modifié où M. Bart D'Hooge apparaît effectivement. Il y a eu une

  8   modification qui fait passer un témoin d'une place au-dessus. Je ne crois

  9   pas que, pour une modification d'une place, la défense puisse dire qu'elle

 10   est incapable de mener le contre-interrogatoire. Pour ce qui nous

 11   concerne, nous ne sommes pas en mesure de garantir que c'est la dernière

 12   fois que cela se produit.

 13    Nous sommes dans un situation extraordinairement difficile.

 14   M. Turone le sait encore mieux que moi. Il y a d’énormes difficultés pour

 15   faire venir les témoins ici. C’est avec la meilleure foi du monde que nous

 16   tentons d'informer le plus rapidement possible la défense. Nous ne pensons

 17   pas que le fait qu’un témoin ait bougé d’une place sur la liste, puisse

 18   servir de fondement valable pour que la défense puisse prétendre ne pas

 19   pouvoir mener un contre-interrogatoire utile.

 20   M. Ackerman (interprétation). - Je suis tout à fait prêt, en

 21   ce qui concerne mon client, M. Landzo, à accepter une nouvelle règle, à

 22   savoir qu’à parti d’aujourd’hui, l'accusation nous dise officiellement

 23   qu'elle peut peut-être citer deux ou trois témoins dans la journée pour

 24   que nous puissions nous préparer par rapport à ces deux ou trois témoins

 25   simultanément.


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  1    Maintenant un délai aurait-il dû être respecté ? Aurions-nous

  2   dû être informés à un autre moment, c’est secondaire. Le fait important

  3   est que nous ne sommes pas prêts à mener le contre-interrogatoire

  4   aujourd’hui. Nous venons à peine de recevoir un grand nombre de documents,

  5   à 9 heures 45 ce matin, qui portent sur les actes de ce témoin. Il s'agit

  6   d'un médecin, il a été identifié à notre intention et il a procédé à un

  7   certain nombre de consultations. Les documents que nous avons entre les

  8   mains sont en fait le résultat de ses consultations. Nous ne savons pas

  9   s’il s’agit d’un témoin expert ou pas. S'il n'avait pas de formation

 10   médicale, il n'aurait pas l'autorisation de déposer ici.

 11   Donc, il apparaît manifestement que ce témoin parlera au

 12   Tribunal parce qu'il est médecin et, en raison de son expertise et de ses

 13   connaissances médicales, il s'agit donc pour nous d'un témoin expert. Je

 14   ne sais pas s’il est approprié que la Chambre d'instance rende une

 15   décision maintenant, mais nous pensons qu'elle devrait le faire. En

 16   deuxième argument, nous aimerions que la déposition soit repoussée jusqu'à

 17   10 heures le lendemain, de façon à nous permettre de préparer notre

 18   contre-interrogatoire sur la base de la nouvelle liste des témoins.

 19   Mme Residovic (interprétation). - Je prierai le Tribunal de

 20   bien vouloir également reporter cette comparution et pour répondre aux

 21   éléments avancés par Mme McHenry, je demande si la défense pourrait être

 22   informée par téléphone de toute modification éventuelle apportée à la

 23   liste des témoins, la veille de la citation de ce témoin. Ma collègue m’a

 24   dit que l’accusation, dans son ensemble, souhaitait que le procès soit

 25   équitable, alors informer quelqu’un par téléphone à 16 heures, un


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  1   dimanche, au sujet d’une modification de comparution ne me semble pas

  2   équitable.

  3   Je voudrais prier ma collègue, puisqu'elle nous a déjà annoncé

  4   que des cas du même genre pourraient se produire à l'avenir, de souscrire

  5   à ma demande. Je pense qu'il faut donc une décision du Tribunal quant au

  6   fait qu'aucune modification de la liste des témoins ne peut être effectuée

  7   dans un délai aussi court que celui qui a mis aujourd'hui la défense dans

  8   la situation dans laquelle elle se trouve.

  9   M. Greaves (interprétation). - Je souhaiterais ajouter un

 10   élément. Je me trouvais à Vienne hier et j'ai donc appris vers 9 h 30 ce

 11   matin que ce témoin allait être cité. Peu de temps après, est arrivé ce

 12   document, qui a été amené par un représentant du Bureau du procureur.

 13   Il est exact de dire que nous disposons déjà d'un document qui

 14   paraît similaire en serbo-croate et dans lequel on retrouve toute une

 15   série de choses. Me Tapuskovic et moi-même n'avons pas eu l'occasion

 16   d'examiner ce document pour voir s'il pouvait être comparé à ce que nous

 17   avions reçu précédemment. Il n'y a que 24 heures dans une journée,

 18   Monsieur le Président, et ces 24 heures sont occupées à autre chose qu'à

 19   simplement comparaître devant le Tribunal, notamment pour préparer les

 20   éléments que nous allons présenter. C'est la raison de ma demande aux fins

 21   d'un ajournement.

 22   Je ne sais pas si j'aurai beaucoup de questions à poser, mais

 23   l'un des devoirs qui incombent à un conseil est de vérifier les documents

 24   qui figurent dans le dossier en serbo-croate ou sous forme de traduction.

 25   Nous avons pour devoir de vérifier que la version anglaise est bien


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  1   conforme à l'original en serbo-croate. Il serait tout à fait erroné que ce

  2   Tribunal reçoive certains éléments qui auraient été mal traduits. Il n'est

  3   pas correct que nous n'ayons pas la possibilité de vérifier d'abord ces

  4   éléments avant qu'ils ne soient admis en tant que pièces à conviction. Or

  5   ce n'est pas faisable en l'espace de quinze minutes avant le début d'une

  6   audience. Cela ne peut être vendu comme produit fini. Il n'est pas

  7   possible de vérifier s'il y a quelques lacunes ou erreurs que ce soit dans

  8   la traduction. Voilà le problème.

  9   M. Ostberg (interprétation). - J'essaie de ne pas éterniser le

 10   débat, mais je dois une fois encore souligner ceci : s'agissant de la

 11   communication des preuves, nous avons fait l'impossible, et il n'est pas

 12   exact de dire, comme le fait mon collègue, Me Ackerman, que nous n'avons

 13   pas respecté la procédure.

 14   Nous avons communiqué cette pièce, et une décision a été prise

 15   par cette Cour pour dire que la signification d'un document dans la langue

 16   du conseil de la défense et de l'accusé suffit. Il y a aussi une note

 17   selon laquelle il était prévu de longue date de citer ce témoin. Je peux

 18   vous donner lecture du paragraphe pertinent. Il est possible de

 19   communiquer cela sans communiquer pour autant l'identité du témoin.

 20   Signification a été faite et s'il y a un problème de

 21   communication entre les conseils de la défense de langue différente, je

 22   n'y peux rien.

 23   Comme je vous l'ai dit, la pleine et entière communication a

 24   été effectuée et les conseils ont été informés dès hier de ce qui allait

 25   se produire. A mon humble avis, cela ne revient pas à prendre les conseils


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  1   de la défense par surprise. Nous avons fait de notre mieux. Nous avons

  2   connu de grosses difficultés pour amener ce témoin à La Haye. Nous avons

  3   même dû lui promettre qu'il pourrait rentrer assez rapidement.

  4   Ce sera tout, Madame et Messieurs les Juges. Nous sommes prêts

  5   à passer à la question de la protection.

  6   M. le Président (interprétation). - Les conseils de la défense

  7   disent qu'ils se sont vu signifier ce document ce matin et pour vous,

  8   c'est un délai raisonnable ?

  9   M. Ostberg (interprétation). - Non. Ces documents leur ont été

 10   signifiés il y a des mois.

 11   M. le Président (interprétation). - Qu'est-ce qui a été

 12   signifié ce matin ?

 13   M. Ostberg (interprétation). - C'est pour leur rendre un

 14   service que nous avons, ce matin, remis au conseil de la défense une

 15   traduction propre et nette des documents...

 16   M. le Président (interprétation). - ...qui leur avaient été

 17   transmis il y a longtemps ?

 18   M. Ostberg (interprétation). - Exactement.

 19   M. Greaves (interprétation). - C'est la traduction que le

 20   Tribunal va utiliser. A moins que vous n'ayez acquis du jour au lendemain

 21   la parfaite connaissance du serbo-croate, Monsieur le Président, vous

 22   allez utiliser la traduction qui vous a été signifiée ce matin à 9 h 45.

 23   Or nous n'avons pas vérifié l'authenticité de cette traduction.

 24   M. Moran (interprétation). - On n'en est même pas arrivé à la

 25   question initiale. L'accusation dit que c'est un témoin factuel, mais si


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  1   c'est un médecin, il peut témoigner à propos d'un diagnostic, auquel cas

  2   c'est de l'expertise. Ce n'est pas un témoin factuel mais bien un témoin

  3   expert. Un médecin peut témoigner de beaucoup de choses, par exemple d'un

  4   accident de la circulation, tout comme un témoin factuel, mais dès qu'il

  5   commence à dire : "j'ai examiné cette personne qui présente les symptômes

  6   suivants", ce n'est plus un témoin factuel mais un témoin expert du fait

  7   de son bagage professionnel.

  8   M. le Président (interprétation). - Deux questions sont en

  9   jeu. Je concède que le fait de se voir signifier un document le matin dont

 10   on doit discuter dans la matinée est un peu précipité, mais je pense qu'il

 11   est possible de discuter de la question de la protection qui est une

 12   question différente. Nous pouvons maintenant nous entretenir de la question

 13   de savoir si le témoin peut être à votre disposition, parce que même s'il

 14   témoigne, il faudra un certain temps pour entendre son témoignage dans le

 15   cadre de son interrogatoire avant de passer au contre-interrogatoire. Il

 16   se peut fort bien que le contre-interrogatoire se déroule demain, ce qui

 17   vous donnerait plus de temps pour vous préparer.

 18   Je suppose donc que nous pouvons poursuivre et aborder la

 19   question de la protection. Nous allons discuter de cette question à huis

 20   clos et nous allons donc siéger à huis clos sans plus tarder.

 21   (Audience à huis clos)

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