Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-96-21-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Mardi 8 juillet 1997

4

5 L'audience est ouverte à 10 heures.

6 M. le Président (interprétation). - Bonjour, Mesdames et

7 Messieurs. Peut-on faire entrer le témoin ?

8 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience.)

9 M. le Président (interprétation). - Veuillez faire prêter

10 serment au témoin.

11 Témoin P (interprétation). - Je déclare solennellement que je

12 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

13 M. le Président (interprétation). - Les Conseils peuvent-ils se

14 présenter ?

15 Monsieur, veuillez-vous asseoir.

16 Témoin P (interprétation). - Merci.

17 Mme McHenry (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les

18 Juges. Je m'appelle Teresa McHenry. Je représente le Bureau du Procureur

19 et je comparais avec Giuliano Turone et notre substitut d'audience,

20 Elles Van Dusschoten.

21 M. le Président (interprétation). - Qui comparaît à la

22 défense ?

23 Mme Residovic (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs

24 les Juges. Je suis Edina Residovic. Je défends Zejnil Delalic et je

25 comparais avec le professeur Eugène O'Sullivan, professeur du Canada.

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1 M. Olujic (interprétation). - Bonjour, je suis Zeljko Olujic. Je

2 défends Zdravko Mucic en compagnie de mon éminent confrère,

3 Michael Greaves, avocat britannique.

4 M. Karabdic (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les

5 Juges. Je m'appelle Salih Karabdic. Je défends Hazim Delic avec Me

6 Thomas Moran, avocat de Houston au Texas.

7 M. Ackerman (interprétation). - Je m'appelle John Ackerman. Je

8 défends Esad Landzo en compagnie de Cynthia McMurrey. Merci.

9 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

10 Maître McHenry, veuillez poursuivre.

11 Mme McHenry (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

12 Monsieur, est-il exact que vous avez demandé que votre nom ne

13 soit pas divulgué dans le cadre de votre déposition d'aujourd'hui et que

14 vos traits n'apparaissent pas au public ?

15 Est-ce que vous m'entendez, Monsieur ? Il n'est pas utile que

16 vous fassiez quoi que ce soit. Normalement, je crois que vous m'entendez.

17 Témoin P (interprétation). - Oui.

18 Mme McHenry (interprétation). - On vous désignera sous le

19 pseudonyme de Monsieur P. Est-ce que ceci vous convient ?

20 Témoin P (interprétation). - Oui.

21 Mme McHenry (interprétation). - Je vais vous montrer un nom qui

22 a été écrit sur une feuille de papier. Pouvez-vous confirmer qu'il s'agit

23 bien là de votre identité ? Ceci sera alors remis au Greffe pour que le

24 procès-verbal d'audience soit correct. Est-ce bien votre nom ?

25 Témoin P (interprétation). - Oui.

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1 Mme McHenry (interprétation). - Fort bien. Peut-on remettre ceci

2 au Greffe ? Les Conseils de la défense, veulent-ils le voir ? Je ne pense

3 pas que ce soit nécessaire puisqu'ils sont déjà informés du nom.

4 Quel âge avez-vous, Monsieur ?

5 Témoin P (interprétation). - J'ai 42 ans et j'aurais 43 ans sous

6 peu.

7 Mme McHenry (interprétation). - Quel est votre métier ?

8 Témoin P (interprétation). - Oui.

9 Mme McHenry (interprétation). - Excusez-moi . Quelle est votre

10 activité professionnelle ?

11 Témoin P (interprétation). - Je suis médecin, spécialiste en

12 oto-rhino-laryngologie, et je travaille dans un centre médical.

13 Mme McHenry (interprétation). - Les activités oto-rhino, est-ce

14 effectivement une spécialisation dans le domaine de la gorge et du nez ?

15 Témoin P (interprétation). - Oui.

16 Mme McHenry (interprétation). - Pourriez-vous en quelques mots

17 nous dresser la formation que vous avez reçue ?

18 Témoin P (interprétation). - J'ai terminé l'enseignement

19 primaire et secondaire à Konjic. J'ai fait l'école de médecine à Sarajevo.

20 J'ai fait trois semestres de post-graduat au service de chirurgie,

21 d'anesthésie et de réanimation et je n'ai pas pu poursuivre cette

22 spécialisation du fait de la guerre. J'ai fait cette spécialisation à

23 Sarajevo.

24 Mme McHenry (interprétation). - Quelle est votre appartenance

25 ethnique ?

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1 Témoin P (interprétation). - Je suis serbe.

2 Mme McHenry (interprétation). - Où viviez-vous début 1992 ?

3 Témoin P (interprétation). - Je vivais à Konjic.

4 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que vous avez à un moment

5 donné quitté la ville de Konjic ?

6 Témoin P (interprétation). - Uniquement au cours de ces

7 semestres de spécialisation et aussi pendant la guerre.

8 Mme McHenry (interprétation). - Au cours de ces opérations de

9 guerre, pourriez-vous nous dire exactement quand vous avez quitté la ville

10 de Konjic et où vous êtes allé ? Rapidement.

11 Témoin P (interprétation). - Je ne me souviens pas des dates

12 exactes, mais je pense avoir quitté Konjic dans la seconde moitié du mois

13 d'avril, peut-être vers le 25 avril et jusqu'alors, entre le 10 et le 17

14 avril 1992, le directeur du centre médical, le docteur Ahmet Jusufbegovic,

15 nous a appelés, nous médecins serbes.

16 Il y avait parmi nous un avocat serbe et aussi une dame. Ce

17 médecin nous a mis en garde. Il nous a conseillés de trouver un refuge

18 pour nos familles parce qu'apparemment, il faisait l'objet de menaces de

19 la part de Serbes. J'ai proposé de faire fonction de garde personnel de ce

20 médecin. Je n'ai pas pris la chose très au sérieux à l'époque.

21 Toutefois, à l'arrivée des forces du HOS au motel de Konjic, je

22 me suis rendu compte que la situation était grave et qu'il me fallait

23 essayer de trouver un refuge pour ma famille. Je ne me souviens pas de la

24 date précise à laquelle j'ai quitté la ville. Je vous disais : "Cela

25 pouvait être le 20, le 22 ou le 21." Je ne suis pas sûr et je suis parti

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1 vers le village de Bradina.

2 Dans l'intervalle, avant que je ne quitte la ville et que je me

3 décide à partir pour Bradina au Bureau du Centre médical, Miroslav Stenek

4 est arrivé. C'était mon ancien professeur de mathématiques. Pendant dix ou

5 quinze ans, il avait travaillé dans la police, au SUP. Je ne sais pas ce

6 qu'il y faisait exactement. Il m'a donné un conseil. Il m'a aussi

7 conseillé de chercher refuge ailleurs, d'aller soit au lac Boradz ou à

8 Bijella et je lui ai demandé comment j'allais franchir les points de

9 contrôle qui étaient établis au sortir de Konjic et il m'a dit que je

10 pourrais tout du moins aller à Bradina.

11 Mme McMurrey (interprétation). - Excusez-nous, mais ce n'est pas

12 une réponse à la question qui a été posée. Serait-il possible que le

13 témoin se limite à répondre aux questions effectivement posées par

14 l'accusation.

15 M. le Président (interprétation). - Poursuivez, Monsieur,

16 poursuivez.

17 Témoin P (interprétation). - Je suis allé chercher les membres

18 de ma famille en voiture et, à Podorasac, je me suis trouvé face à des

19 barricades qu'il m'était impossible de franchir. J'ai dû rebrousser chemin

20 et, puis, le téléphone a sonné dans mon appartement, j'ai répondu à

21 l'appel et j'ai appris que je pouvais franchir les barricades et qu'il n'y

22 aurait plus de difficultés qui me seraient faites. J'ai donc pu les

23 franchir et je suis arrivé à Bradina.

24 Par la suite, j’ai appris à Bradina qu’au point de contrôle, un

25 groupe de Musulmans qui allaient de Konjic en direction des villages de

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1 Potvidolje avaient été arrêtés et n'avaient pas pu poursuivre leur chemin,

2 arrêtés par les barricades. J'ai passé le jour là et je pense que c'est le

3 lendemain que je suis retourné à Konjic pour travailler. Cela s'est

4 poursuivi sur plusieurs jours. Je ne sais pas pendant combien de temps.

5 Vers le 5 ou le 6 mai, cela s'est poursuivi parce qu'il y avait

6 un bus qui allait de Reporze via Konjic et j'utilisais ce bus qui servait

7 à acheminer les travailleurs. Puis, dans l'intervalle, il s’est produit à

8 plusieurs reprises que je ne pourrais pas arriver à mon travail. J'ai

9 alors appelé le Dr Izet Begovic pour lui dire qu'il m'était impossible

10 d'arriver au centre.

11 J’ai reçu une autorisation de lui à une occasion. Puis, quand

12 j’allais à Raporze, il est venu me rendre visite et ils m'ont dit que si

13 je ne pouvais pas venir au travail pendant un jour ou deux, cela ne

14 poserait pas de problème. C'est le type de conseil qu'il ma donné.

15 Mme McHenry (interprétation). - Pourrais-je vous demander ceci ?

16 Pendant le temps vous avez passé à Bradina, vous y viviez, y avait-il une

17 défense armée organisée ?

18 Témoin P (interprétation). - S'agissant de l'organisation de la

19 défense, tout ce que je sais, c’est que les gens se sont organisés entre

20 eux. C’était de l'autodéfense, de l'auto-organisation. Moi, je n'avais pas

21 d'arme, je travaillais dans une clinique ambulatoire. J'ai été arrêté

22 alors que je portais mon tablier blanc ; j'ai été arrêté dans mon cabinet

23 avec une personne qui était blessée.

24 Mme McHenry (interprétation) - Ma question était de savoir s'il

25 y avait une défense organisée à Bradina et j'aimerais que le Tribunal

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1 demande au témoin de répondre aux questions qui ont été posées.

2 M. le Président (interprétation). - Si vous interveniez moins,

3 peut-être que le témoin pourrait poursuivre.

4 Mme McHenry (interprétation). - Vous avez indiqué que vous-même,

5 vous n'étiez pas armé. Mais faisiez-vous partie d'une organisation

6 quelconque visant à la défense de Bradina ?

7 Témoin P (interprétation). - Si l'on peut qualifier cela de

8 "participation", je ne sais pas. Je travaillais à la clinique ambulatoire.

9 Ce qui veut dire que si j'avais un travail à remplir et si on voulait me

10 poser cette question pour me provoquer, je dirais que je travaillais en

11 tant que médecin dans mon cabinet.

12 Mme McHenry (interprétation). - Fort bien. Peut-on donc dire,

13 sans risque de se tromper, que des personnes s'étaient organisées, que

14 certaines personnes étaient armées ? Mais vous, est-il exact que vous

15 n'étiez ni armé ni membre d'une organisation de défense ?

16 Témoin P (interprétation). - Oui.

17 Mme McHenry (interprétation). - Faisiez-vous partie d'une

18 organisation politique ?

19 Témoin P (interprétation). - Non, je n'étais affilié à aucune

20 organisation politique. Je n'ai pas non plus participé aux élections dans

21 la République, en novembre 1991. C'était ma façon à moi de marquer ma

22 protestation parce que je n'étais pas d'accord avec l'idée des partis

23 politiques.

24 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous participé à des

25 négociations qui ont eu lieu entre les personnes de Konjic et celles de

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1 Bradina, à propos de certaines préoccupations en matière de défense qui

2 étaient celles de certaines communautés ?

3 Témoin P (interprétation). - Oui.

4 Mme McHenry (interprétation). - En ce moment même, je ne vais

5 pas vous poser de questions précises à ce propos. Je voulais simplement

6 préciser que vous en étiez parti.

7 Y a-t-il eu une action militaire en mai 1992 qui a débouché sur

8 votre arrestation ? Pourriez-vous nous préciser le moment précis où cela

9 s'est passé et ce qui vous est arrivé plus particulièrement ?

10 Témoin P (interprétation). - Oui. Avant la grande offensive, il

11 y a eu des échanges de coups de feu le long de la ligne de confrontation.

12 Je ne savais pas où étaient situées ces lignes de confrontation parce que

13 je n'y étais pas. Mais le 25 mai 1992, vers 13 heures, a commencé le

14 pilonnage de Bradina.

15 Mme McHenry (interprétation). - Où vous trouviez-vous exactement

16 lorsque débuta le pilonnage.

17 Témoin P (interprétation). - J'étais à mon cabinet. Il y avait à

18 mes côtés mon confrère Hedhem Seper, et pendant un certain temps, se

19 trouvait là aussi Risto Zuza. Nous nous trouvions dehors, nous étions

20 assis sous un pommier devant le cabinet.

21 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous, à un moment donné,

22 été capturé ou arrêté ?

23 Témoin P (interprétation). - Oui. Le 26 mai 1992 j'ai été arrêté

24 là où je travaillais, revêtu de mon tablier blanc de médecin. Il y avait

25 des gens du village qui avaient croisé les mains derrière la nuque, qui

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1 marchaient en direction du dispensaire ; ils étaient suivis de personnes

2 portant des uniformes de camouflage. J'ai vu qu'il y avait sur ces

3 uniformes les insignes du HVO et du TO.

4 J'ai été fouillé devant la clinique, puis je fus emmené à un

5 centre, ou un point de rassemblement devant le café de Bradina. Une

6 colonne s'était déjà constituée et juste derrière l'école, sur la route

7 du village qui va vers Yvan-Zeblo, sur la route même tout près de l'école,

8 des femmes et des enfants avaient été rassemblés.

9 Nous avons été forcés de nous mettre par deux en colonne et nous

10 avons marché en direction de Konjic. Nous avons peut-être marché un

11 kilomètre, un kilomètre et demi parce que le tunnel avait déjà fait

12 l'objet d'uns explosion. C'était le tunnel qui menait de Bradina à Konjic

13 sur la route principale.

14 Alors que nous marchions, on nous frappait avec des crosses de

15 fusil, à coups de pieds, et nous avons été contraints de chanter des

16 chansons Oustachis. C'était vraiment effroyable de les voir frapper de

17 vieilles personnes, de les voir contraindre ces personnes à chanter ces

18 chants oustachis.. Je me souviens de l'un de ces chants : "L'étoile brille

19 sur Melkovic et ramène notre Ante Pavelic." C'était la chanson.

20 Puis, à proximité du tunnel, nous avons été embarqués dans des

21 camions. Puis, pour autant que je m'en souvienne, je me suis trouvé dans

22 un camion TAM 2001. Je ne sais pas si ce camion appartenait aux centres de

23 distribution d'électricité de Konjic ou à une autre firme de Konjic. Je ne

24 suis pas sûr.

25 Mme McHenry (interprétation). - Où avez-vous été emmené après

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1 votre arrestation ?

2 Témoin P (interprétation). - Après notre arrestation, nous avons

3 été emmenés en véhicule à la salle de sport au centre sportif de Konjic.

4 Lorsque nous sommes descendus des véhicules, il y avait deux

5 rangs de soldats en uniforme de camouflage, et lorsque je suis descendu,

6 quelqu'un m'a frappé très durement à la tête. J'ai perdu mes lunettes,

7 j'ai essayé de les ramasser, quelqu'un a marché dessus. C'est à ce moment-

8 là que le tabassage a commencé avec des barres en métal remplies de sable

9 que nous avons vues par la suite ; c'est ce qu'ils ont utilisé par la

10 suite dans le camp.

11 On a aussi utilisé des crosses de fusil, les coups de pieds. On

12 a aussi utilisé d'autres parties des fusils.

13 Nous avons ensuite été emmenés dans le couloir de la salle de

14 sport et j'ai dû avancer à genoux vers les vestiaires. Nous devions

15 baisser la tête, et si quelqu'un s'aventurait à regarder de côté, cette

16 personne faisait l'objet de tabassage et de coups supplémentaires, même si

17 les coups pleuvaient tout le temps.

18 Mme McHenry (interprétation). - Combien de temps avez-vous passé

19 dans le centre sportif ?

20 Témoin P (interprétation). - Nous n'y sommes pas restés

21 longtemps. On nous a gardés dans le vestiaire. C'est une estimation que je

22 vous donne ici, je n'en suis pas sûr. Ce que je sais, c'est que l'on y est

23 resté entre vingt et quarante minutes maximum. Puis, on est venu nous

24 chercher et on nous a dit que nous allions aller à Grude et que nous

25 avions été amenés à Konjic par erreur.

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1 Nous avons à nouveau dû monter dans des camions. Moi je me suis

2 retrouvé dans une camionnette sur laquelle on lisait les termes

3 "Oslobodenje"; Cela veut dire que cela appartenait à la maison d'édition

4 Oslobodenje. Nous avons été amenés à Celebici.

5 Deux ou trois hommes s'y trouvaient. Je ne pense pas qu'ils

6 portaient l'uniforme de camouflage. Ils nous ont frappés au cours du

7 trajet dans la camionnette. Dans cette camionnette se trouvaient avec moi

8 Zlavko Zelenovic, Milan Zivak, son fils Dragan, Milan Zura. Je ne peux pas

9 vous dire combien d'autres personnes il y avait.

10 Mme McHenry (interprétation). - Ceci s'est passé le 26 mai, et

11 vous êtes arrivé à Celebici ce 26 mai.

12 Témoin P (interprétation). - Oui.

13 Mme McHenry (interprétation). - Vous avez dit que vos lunettes

14 étaient cassées. Permettez-moi d'avancer : avez-vous pu obtenir une autre

15 paire de lunettes ou n'avez-vous jamais eu de lunettes lorsque vous vous

16 trouviez à Celebici ?

17 Témoin P (interprétation). - J'ai retrouvé des lunettes lorsque

18 j'ai été transféré du centre médical de Konjic. Je peux vous dire comment

19 cela s'est passé lorsque j'ai été transféré à l'école élémentaire le 3

20 mai.

21 Mme McHenry (interprétation). - Je voulais simplement m'assurer

22 que vous aviez obtenu ces lunettes.

23 Pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé à votre arrivée à

24 Celebici ?

25 Témoin P (interprétation). - Nous sommes descendus de cette

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1 camionnette. Là aussi, il y avait deux rangs de soldats qui nous ont

2 frappés et qui nous ont contraints à monter sur la carrosserie du camion.

3 Moi, je n'avais pas de ceinture. Mon pantalon baissait et je trouvais un

4 peu difficile de monter sur cette carrosserie de camion, et je recevais

5 sans cesse des coups. A côté de moi, il y avait Guzka qui était le chef du

6 service du "Souk" et aussi Jefko Nikcic qui était chef du commissariat de

7 police de Konjic.

8 Mme McHenry (interprétation). - Lorsque vous dites qu'à vos

9 côtés se trouvaient M. Guzka et M. Nikcic, qu'entendez-vous par là ?

10 Voulez-vous dire qu'eux aussi avaient été arrêtés et qu'ils allaient être

11 détenus ou qu'ils se trouvaient là, mais qu'ils ne faisaient pas partie

12 des personnes que l'on était en train de frapper ?

13 Témoin P (interprétation). - Ils n'étaient pas détenus.

14 C'étaient des fonctionnaires qui faisaient partie ou qui relevaient des

15 autorités de l'époque.

16 Mme McHenry (interprétation). - Veuillez poursuivre.

17 Témoin C (interprétation). - Comme je vous le disais, j’ai

18 franchi ces deux rangs de soldats et quelle que soit la question qui

19 m’était posée, je devais répondre. A chaque nouvelle question, le

20 tabassage s'est intensifié.

21 Il y avait au-dessus, un garçon en uniforme de camouflage. Il

22 m'a fait tomber et j'ai dû essayer de remonter. Quand finalement j'y suis

23 parvenu, le camion s'est déplacé de quelques mètres à peine et ils nous

24 ont dit qu'ils nous emmenaient à Gruda. Une fois de plus, ils nous ont

25 forcés à descendre, ce que nous avons fait; et nous avons dû nous aligner

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1 contre un muret, devant l'entrée du tunnel n° 9. Je suppose que c'était

2 une espèce d'abri antiatomique qui faisait partie des anciennes

3 installations militaires de Celebici.

4 Il nous a fallu lever les bras. Ils m’ont pris mon portefeuille,

5 ma carte bancaire, un chèque signé, de l'argent, mais ils n'ont pas vu ma

6 montre, donc ils ne l'ont pas prise. Les coups pleuvaient sur nous sans

7 arrêt. J'ai demandé à M. Guska si je devais enlever mon tablier blanc. Il

8 m'a répondu que je devais le garder. J'ai dû enlever mes souliers et je

9 suis entré dans le tunnel n° 9, mais j'ai supplié Milan Zuza de me tenir

10 la main car je n’y voyais pas grand-chose. De plus, il faisait très sombre

11 à l'entrée de ce tunnel n° 9. J’ai réussi à y entrer.

12 Tous les autres détenus ont pénétré également dans ce même

13 tunnel n° 9, après avoir subi, je suppose, la même procédure que celle que

14 j'avais subie moi-même. Après une demi-heure environ de calme relatif;

15 Rale Musinovic est arrivé : Rale. Je ne me rappelle pas exactement son

16 nom, mais je sais qu'il était chauffeur dans une société de transport. Il

17 s'est présenté comme étant un dirigeant du camp, comme le commandant du

18 camp, et a dit qu'un certain nombre de soldats avaient enfreint les règles

19 et qu'il y aurait des sanctions.

20 Nous lui avons demandé de l'eau. Un gardien a apporté de l'eau

21 et nous avons pu un peu nous rafraîchir. Entre-temps, il m'a donné l'ordre

22 de le suivre pour aller travailler au centre médical de Konjic. Au moment

23 où je sortais du tunnel n° 9, Marko Ruzic se trouvait là. Je crois qu'il

24 portait un uniforme de camouflage. Il y a pas mal de ces hommes dont je

25 connaissais les mères, les pères, les épouses et toute la famille. Lui, je

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1 ne connaissais pas ses parents. Nous sommes montés en voiture et nous nous

2 sommes arrêtés devant le bâtiment où trouvait Zejnil Delalic.

3 Mme McHenry (interprétation) - Monsieur, je vous interromps.

4 Pouvons-nous retourner un peu en arrière ? Vous avez dit qu'on vous avait

5 pris votre portefeuille, votre carte d'identité, votre argent. Est-ce-que

6 plus tard, l'un quelconque de ces éléments (portefeuille, argent et carte

7 d'identité) vous ont été rendus ?

8 Témoin P (interprétation). - La carte d'identité non, la carte

9 bancaire non, le carnet de chèque non plus et plus tard, lorsque j'ai été

10 en fait assigné à résidence, j'ai demandé au chauffeur de Zeljko Buric

11 s'il pouvait me trouver mes papiers d'identité. Il m'a rapporté uniquement

12 ma carte d'identité et il m'a demandé si j'étais blessé. J'ai dit : "Non".

13 Il m'a dit : "Mais alors, comment se fait-il que tu as du sang sur le

14 corps ?". J'ai dit : "On m'a frappé". Il a dit : "Cela t'a ouvert la

15 peau ?". J'ai dit : "Oui, notamment au niveau de la tête". Et il m'a dit :

16 "Voilà, il y a du sang sur ta carte d'identité, c'est sans doute une

17 conséquence de ces coups".

18 Mme McHenry (interprétation) - Monsieur, est-ce que votre argent

19 vous a été retourné ?

20 Témoin P (interprétation). - Non et je ne le souhaite pas.

21 Mme McHenry (interprétation) - Monsieur, vous avez indiqué que

22 vous avez été emmené dans le tunnel n° 9. Combien de temps êtes-vous resté

23 dans ce tunnel n° 9 avant d'en ressortir pour être transféré ailleurs ?

24 Autrement dit, y êtes-vous resté une heure, une nuit ? Pouvez-vous nous

25 dire combien de temps vous êtes resté dans ce tunnel n° 9 avant de

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1 ressortir pour aller ailleurs ?

2 Témoin P (interprétation). - Environ une heure. On m'a emmené

3 ensuite devant le bâtiment de M. Zejnil Delalic. J'ai attendu quelques

4 minutes ; eux sont allés annoncer notre arrivée. Je suis ensuite monté

5 dans le bureau de M. Zejnil Delalic : il était assis dans un bureau, je

6 crois qu'il portait une blouse et Dinko Sebic se trouvait également sur

7 place.

8 Mme McHenry (interprétation) - Monsieur, est-ce que je peux vous

9 interrompre ? Vous dites que M. Delalic portait une blouse. L'avez-vous

10 rencontré le matin ou l'après-midi du 26 ?

11 M. Olujic (interprétation). - Objection monsieur le Président !

12 Le témoin n'a pas parlé de l'heure et l'accusation lui pose une question

13 au sujet de l'heure.

14 Témoin P (interprétation). - Monsieur a sans doute raison.

15 M. le Président (interprétation). - L'interprétation ne passe

16 pas, nous n'entendons pas.

17 M. Olujic (interprétation). - Monsieur le Président, je vais

18 répéter. Nous élevons une objection car le témoin n'a pas parlé de l'heure

19 à laquelle cela s'est passé dans la journée en question. Or la question

20 porte sur l'heure. C'est donc une question qui influence le témoin.

21 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le président !

22 M. le Président (interprétation). - Sur la même objection ?

23 Mme Residovic (interprétation). - L'objection porte sur le fait

24 que l'on met dans la bouche du témoin des mots qu'il n'a pas prononcé. Je

25 ne sais pas si l'interprétation est exacte, mais ce que nous avons

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1 entendu, c'est que M. Delalic portait une blouse et non pas un manteau de

2 quelque nature que ce soit.

3 M. le Président (interprétation). - Oui, une blouse. A morning

4 coat, c'est une blouse. La question ensuite a été : A quelle heure est-ce

5 que vous vous trouviez à cet endroit ? Le morning-coat ne suggère pas du

6 tout que la rencontre ait eu lieu le matin ou l'après-midi. Cela n'a rien

7 à voir avec ce sujet.

8 Mme McHenry (interprétation) - Il y a peut-être un petit

9 problème d'interprétation. Monsieur, pouvons-nous éclaircir des choses ?

10 Ai-je raison de dire que vous êtes arrivé à Celebici le 26 mai ?

11 Témoin P (interprétation). - Le 26 mai, oui.

12 Mme McHenry (interprétation) - Si vous vous le rappeler,

13 Monsieur, pouvez-vous nous dire quel jour et à peu près à quelle heure

14 vous avez été amené dans l'appartement de M. Delalic ?

15 Témoin P (interprétation). - J'ai été amené là-bas dans la nuit

16 du 26 au 27, mais aux environs de 4 heures du matin. Et c'est là que j'ai

17 vu M. Delalic chez lui en blouse. Nous nous sommes salués, il m'a demandé

18 si j'avais faim. J'ai dit que je n'avais pas faim.

19 Mme McHenry (interprétation) - Un instant, de façon à ce que les

20 choses soient claires : Ai-je raison de dire que si vous dites 4 heures du

21 matin cela veut dire aux petites heures du matin du 27 mai ?

22 Témoin P (interprétation). - Oui.

23 Mme McHenry (interprétation) - Lorsque vous dites que vous avez

24 rencontré M. Delalic dans son appartement, pouvez-vous nous dire si vous

25 savez quel est le prénom de M. Delalic et où se trouvait son appartement ?

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1 Témoin P (interprétation). - L'appartement se trouvait en face

2 de la station d'essence de Konjic. M. Delalic avait là un garage, à une

3 certaine époque, un atelier de mécanique et plus tard cet atelier a été

4 fermé et n'a plus fonctionné. Ensuite, c'est là qu'il avait sa boîte de

5 nuit. Je n'y allais pas régulièrement, j'y suis allé une seule fois,

6 ensuite je n'y suis plus retourné.

7 Mme McHenry (interprétation) - Donc lorsque vous parlez de

8 M. Delalic, est-ce que vous connaissez le prénom du M. Delalic dont vous

9 parlez ?

10 Témoin P (interprétation). - Je le connais : Zejnil.

11 Mme McHenry (interprétation) - Très bien, revenons maintenant un

12 peu en arrière. Pouvez-vous nous dire avec exactitude -je sais que vous

13 avez déjà essayé de le faire- ce qui s'est passé lorsque vous êtes arrivé

14 dans l'appartement de M. Delalic ? Je vous demande de continuer votre

15 récit en nous disant exactement ce qui s'est passé.

16 Témoin P (interprétation). - Monsieur Delalic m'a offert à

17 dîner, il m'a offert à boire, j'ai refusé. Il m'a offert du café, j'ai bu

18 un café, il m'a offert des cigarettes, nous avons fumé ensemble. Il a

19 ensuite dit à Dinko Sebic : "Regarde ce que tes Oustachis lui ont fait !"

20 parce que j'étais couvert de sang.

21 Je lui ai demandé si je pouvais aller me nettoyer dans sa salle

22 de bains. J'y suis allé, je me suis lavé et c'est à moment-là qu'en me

23 regardant dans le miroir, j'ai vu les ecchymoses importantes que j'avais

24 sur le visage. Je suis revenu dans la pièce, il m'a demandé si je savais

25 où étaient les mitrailleuses. J'ai dit : "Oui, il n'y a qu'un seul barrage

Page 4357

1 routier, qu'un seul poste de contrôle près du café de Mico". Il m'a dit :

2 "Mais comment est-ce que tu sais s'il y a l'électricité là-bas ?". Mico a

3 un générateur que j'ai utilisé à l'époque, quand je faisais les travaux de

4 réparation ; j'étais donc au courant. C'est ce que je lui ai expliqué.

5 Ensuite, il a appelé le Docteur Ahmet Jusufbegovic au téléphone

6 et il a parlé avec un représentant des services d'urgence. Et je l'ai

7 entendu dire : "Il doit venir tout de suite, pas question de dormir, s'il

8 le faut il doit venir en pyjama".

9 Ahmet Jusufbegovic a rappelé et a dit que Relja était là.

10 Mme McHenry (interprétation) - Pour que les choses soient

11 claires, lorsque vous êtes allé dans la maison de M. Delalic, est-ce qu'il

12 a appelé le Docteur Ahmet Jusufbegovic ou pas ? Quand il a essayé de faire

13 venir un médecin, à qui exactement est-ce qu'il parlait au téléphone ou

14 comment exactement cela s'est-il passé ?

15 Témoin P (interprétation). - Il a appelé les services d'urgence

16 parce que c'est un numéro sur lequel les appels sont transférés

17 automatiquement 3 heures après la fin des heures de travail. Je ne sais

18 pas à qui il a parlé au téléphone, en tout cas il a demandé le Docteur

19 Ahmet Jusufbegovic.

20 Mme McHenry (interprétation) - Et qui est le Docteur Ahmet

21 Jusufbegovic ? Avait-il un rapport quelconque avec les services de santé

22 de Konjic ?

23 Témoin P (interprétation). - Oui, c'était le directeur du centre

24 médical. M. Delalic a dit : "Reljo a besoin de soins". Il a vu combien

25 j'étais blessé. "Alors je vous l'envoie, il faut le remettre sur pied

Page 4358

1 parce qu'après il faut qu'il travaille. Si vous avez un soldat pour le

2 protéger, très bien". Ensuite, il a dit au revoir et sa secrétaire m'a

3 donné un paquet de cigarettes et des allumettes parce qu'il le lui avait

4 demandé. Et je suis allé au centre de santé.

5 Mme McHenry (interprétation) - Monsieur, un instant ! Pendant

6 cette conversation, outre le fait de parler du Docteur Ahmet Jusufbegovic,

7 est-ce qu'il y a eu une conversation pour laquelle vous avez entendu ce

8 que M. Delalic a dit de son côté, même si vous n'étiez pas directement

9 impliqué dans cette conversation ?

10 Témoin P (interprétation). - Oui, il lui a demandé pourquoi ces

11 hommes de Repovcanin n'avaient pas participé à l'attaque contre Bradina.

12 Je ne sais pas ce que le Docteur Jusufbegovic lui a dit. Ensuite, j'ai

13 entendu de mon côté : Vérifie cela et s'ils ne sont pas là demain matin

14 qu'ils rendent leurs armes au barrage routier de Bradina !".

15 Mme McHenry (interprétation) - Très bien. Qui a dit que si les

16 gens de Repovci n'étaient pas là le lendemain matin...

17 M. O'Sullivan (interprétation). - Objection monsieur le

18 Président ! Le témoin ne le sait pas.

19 Mme McHenry (interprétation) - J'essaie d'obtenir un

20 éclaircissement, c'est à cette fin que je pose la question.

21 M. le Président (interprétation). - Hors micro.

22 Mme McHenry (interprétation) - Effectivement, je ne lui demande

23 pas ce que dit la personne de l'autre côté, à l'autre bout du fil, je lui

24 demande simplement de dire plus précisément ce qu'a dit M. Delalic. Donc

25 monsieur, lorsque vous citez la phrase : "Vérifie ! Si les hommes de

Page 4359

1 Repovcina ne sont pas là demain il faut qu'ils rendent leurs armes",

2 savez-vous qui a dit cela ?

3 Témoin P (interprétation). - Monsieur Delalic.

4 Je peux continuer ?

5 M. le Président (interprétation). - Vous avez répondu à la

6 question je crois.

7 Mme McHenry (interprétation) - Après cette conversation avec

8 M. Delalic, où vous a-t-on emmené ?

9 Témoin P (interprétation). - J'ai été emmené au centre médical

10 de Konjic. Il m'a dit d'enlever ma blouse qui était salie, qui était très

11 sale. C'est ce que j'ai fais : je l'ai enlevée, et j'ai rencontré le Dr

12 Metokslav. Il y avait aussi une infirmière. Ils m'ont examiné et ont

13 estimé qu'il n'était pas nécessaire de recoudre. Ils m'ont soigné, ils

14 m'ont rendu ma blouse.

15 Le Docteur Ahmet Jusufbegovic est arrivé à ce moment-là mais je

16 n'oublierai jamais Veljko et Branka qui ont soigné ma blessure, qui m'ont

17 mis du sparadrap. Ensuite, j'ai accompagné le Dr Ahmet Jusufbegovic à la

18 maternité.

19 Là le Dr Ahmet Jusufbegovic m'a demandé si les gens de Repovci

20 avaient participé. J'ai répondu que je ne savais pas, que je n'avais vu

21 personne puisque j'étais au dispensaire.

22 M. Jan (interprétation). - Quelle est la pertinence de tout cela

23 pour nous? Vous pouvez bien sûr étendre votre interrogatoire principal

24 autant que vous le voulez, mais je me demande quelle est la pertinence de

25 tout cela pour nous ?

Page 4360

1 Mme McHenry (interprétation) - Oui, Monsieur le juge, je crois

2 qu'une grande partie de ce qui a été dit est pertinent, mais avançons.

3 Monsieur, sans rentrer dans les détails, combien de temps avez-

4 vous travaillé à l'hôpital de Konjic ? Dites-moi simplement combien de

5 temps.

6 Témoin P (interprétation). - J'y ai donc passé la nuit, j'y ai

7 passé la matinée et le soir et le lendemain, autrement dit deux jours :

8 enfin ce matin-là, le soir et le lendemain je suis allé à l'école primaire

9 du 3 mars.

10 Mme McHenry (interprétation) - A cette époque-là, cette école du

11 3 mars était-elle utilisée comme école ou comme autre chose ?

12 Témoin P (interprétation). - Il n'y avait plus de cours quand je

13 suis arrivée à l'école du 3 mars, j'ai trouvé des blessés qui venaient

14 déjà de Celebici, ce qui signifie que quelqu'un avait déjà examiné ces

15 personnes à Celebici. Mais quand ? Je ne le sais pas.

16 Simplement plus tard, j'ai appris que le Docteur Rusmir et le

17 Docteur Vijerko et je crois avoir entendu le nom du Docteur Jusufbegovic,

18 étaient venus, mais je n'en suis pas sûr. Je l'ai entendu dire.

19 Mme McHenry (interprétation) - Est-ce qu'il y a eu un moment où

20 vous avez travaillé dans l'école du 3 mars, où vous vous êtes occupé des

21 blessés de Celebici ?

22 Témoin P (interprétation). - Oui.

23 Mme McHenry (interprétation) - Très bien. Dites-moi simplement à

24 peu près combien de temps vous avez travaillé dans l'école du 3 mars.

25 Témoin P (interprétation). - Cela a dû duré à peu près une

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1 dizaine de jours, je ne sais pas exactement combien, mais une dizaine de

2 jours.

3 Mme McHenry (interprétation) - Et comment saviez-vous que ces

4 blessés que vous traitiez venaient de Celebici ?

5 Témoin P (interprétation). - Ils me l'ont dit eux-mêmes et

6 certains ont été arrêtés en même temps que moi. Par exemple, Sodzak

7 Ligorivoc a été arrêté en même temps que moi. Marko Mrkajic a été arrêté

8 en même temps que moi.

9 Mme McHenry (interprétation) - Monsieur avançons ! Outre le fait

10 de vous dire qu'ils venaient de Celebici, est-ce que l'une quelconque de

11 ces personnes vous a dit où et dans quelles circonstances elles avaient

12 été blessées ?

13 Témoin P (interprétation). - C’est à l’occasion de passages à

14 tabac, c’est de cette façon qu'ils ont été blessés. Il y avait des

15 fractures des bras, des hanches, des genoux.

16 Mme McHenry (interprétation). - Pouvons-nous poursuivre,

17 Monsieur. Est-ce qu’une quelconque de ces personnes vous a dit si ces

18 blessures leur avaient été infligées pendant leur séjour à Celebici ?

19 Témoin P (interprétation). - A Celebici.

20 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous estimer combien de

21 personnes présentaient des blessures significatives ou graves provenant de

22 Celebici ?

23 Témoin P (interprétation). - Il y en a d'abord eu à peu près

24 vingt-cinq. Puis, plus tard, leur nombre a augmenté et on est passé à une

25 trentaine de blessés.

Page 4362

1 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, est-ce que

2 l'interprétation est terminée en anglais ? Très bien.

3 Est-ce que M. Slobodan Babic faisait partie des personnes que

4 vous avez traitées ?

5 Témoin P (interprétation). - Il ne se trouvait pas dans l’école

6 primaire du 3 mars. Si, si, Slobodan Babic y était.

7 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur Babic était-il capable

8 de dire lui-même quoi que ce soit au sujet des circonstances dans

9 lesquelles il avait été blessé ?

10 Témoin P (interprétation). - Non, il était inconscient.

11 Mme McHenry (interprétation). - Qu'est-il arrivé à M. Babic ?

12 Témoin P (interprétation). - Les détenus m’ont raconté qu'il

13 avait été passé à tabac, mais à l'occasion de...

14 Mme McHenry (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur, je vais

15 vous poser la question plus clairement. S'agissant de son état médical,

16 dans quel état était-il, M. Babic sur le plan médical ?

17 Témoin P (interprétation). - Quand je suis arrivé, nous n'avions

18 pas de médicaments. Un ou deux jours plus tard, le Dr Zrubji Brekalo est

19 arrivé avec un assistant médical. Ils sont venus pour faire les bandages

20 et à la fin, il m'a dit : "travailles tout seul et dis moi de quels

21 médicaments tu as besoin." J’ai écrit une liste comprenant des

22 antibiotiques, des sulfamides et pas mal d'autres médicaments.

23 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, j'aimerais vous donner

24 des instructions plus précises. Pouvez-vous nous dire exactement quelles

25 ont été vos observations sur M. Babic ? Quelles blessures avez-vous

Page 4363

1 constatées sur son corps et que s'est-il passé ensuite, en conséquence de

2 ces blessures ?

3 Témoin P (interprétation). - Tout son corps était couvert de

4 blessures. J'ai essayé d’utiliser un cathéter pour l’examiner de façon

5 interne, et j’ai vu qu’il avait du sang dans les urines. J’ai essayé

6 d’examiner son système digestif, or qu’il avalait de l'eau ou quoi que ce

7 soit d'autre, il le rendait tout de suite. J’ai alors essayé de voir d'où

8 cela pouvait provenir et j'ai constaté que des côtes étaient cassées.

9 M. Jan (interprétation). - Est-ce que Slobodan Babic est de la

10 même famille que Mirko Babic qui a comparu ici ?

11 Mme McHenry (interprétation). - Je ne le sais pas, les noms de

12 famille sont souvent les mêmes. Monsieur, savez-vous si Slobodan Babic est

13 de la même famille que Mirko Babic ?

14 Témoin P (interprétation). - Non, je ne le sais pas.

15 Mme McHenry (interprétation). - Je crois me rappeler qu'un

16 certain nombre de témoins ont parlé de M. Slobodan Babic, y compris du

17 fait qu'il avait des blessures et qu'il avait été blessé en plusieurs

18 endroits, notamment à Celebici. C’est la raison pour laquelle je pose ces

19 questions. Le témoin ne sait pas s'il y a un rapport de famille.

20 M. Jan (interprétation). - Je posais simplement la question.

21 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le témoin, pouvez-vous

22 poursuivre en nous disant ce que vous avez observé sur le corps de

23 M. Babic et ce qui lui est arrivé. Vous disiez qu'il avait des blessures

24 au niveau de la bouche.

25 Témoin P (interprétation). - Oui, des détenus m'ont dit qu'on

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1 lui avait mis une crosse de fusil dans la bouche.

2 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, je vous demande

3 simplement de nous dire ce que vous avez observé personnellement au sujet

4 de ses blessures et ce qui est arrivé à M. Babic en conséquence de ces

5 blessures.

6 Témoin P (interprétation). - Il était inconscient. Je suis

7 parvenu à l'examiner. J'ai vu que dans la bouche une partie du palais mou

8 et du palais dur était écrasé. J'ai essayé d'utiliser une poche que j'ai

9 associée à l'extrémité du cathéter et c'est ainsi que j'ai pu constater

10 qu'il avait du sang dans les urines.

11 Mme McHenry (interprétation). - Très bien. Qu’est-il arrivé à

12 M. Babic, en conséquence de ses blessures si quelque chose lui est

13 arrivé ?

14 Témoin P (interprétation). - Il est mort après deux jours. Il

15 est décédé.

16 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, pouvez-vous nous dire

17 si sa mort est due aux blessures vous avez observées et décrites ?

18 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai une

19 objection que je souhaite élever et faire inscrire au compte rendu, à

20 savoir que ce témoin est à présent interrogé comme s'il était expert,

21 alors qu'il ne figure pas sur la liste des experts cités par l'accusation.

22 L'accusation le présente comme un témoin factuel.

23 Donc j'élève une objection par rapport au fait qu'on lui pose

24 des questions d'expert quant à la cause d'un décès et des éléments de ce

25 genre, puisqu'il n'a pas été nommé par l'accusation en qualité de

Page 4365

1 d'expert.

2 Mme McHenry (interprétation). - Puis-je répondre brièvement ?

3 M. le Président (interprétation). - Oui.

4 Mme McHenry (interprétation). - Nous avons déjà parlé de cela

5 par le passé. L'accusation pense et a très certainement interprété

6 l'ordonnance du Tribunal au sujet des témoins experts comme n'incluant pas

7 ce témoin qui est un peu à la frontière du témoin factuel et du témoin

8 expert. Sa déclaration fait partie des documents de ce procès. Ils ont été

9 fournis à la défense au moment de la première comparution de leur client

10 et figure dans cette déclaration le fait qu'il était médecin et qu'il a

11 traité un certain nombre de personnes.

12 C'est par la suite que des conflits ont surgi, des conflits

13 d'interprétation quant à la signification exacte de l'ordonnance de la

14 Chambre de première instance. A ce moment-là, nous avons fourni au

15 Tribunal le curriculum vitae de ce témoin et celui d'un autre témoin. Nous

16 avons dit à la défense, de la façon la plus claire, que ces témoins

17 allaient déposer et qu'ils parleraient de ce qui figure dans leur

18 déclaration préalable.

19 Aussi, je ne pense pas que la défense ait pu se sentir lésée de

20 quelque façon que ce soit. Je peux trouver des exemples dans la

21 jurisprudence de situations similaires dans lesquelles un témoin qui se

22 trouve à la frontière du témoin expert et du témoin factuel peut être

23 interrogé sur les deux plans.

24 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, le

25 1er avril j'ai élevé une objection écrite quant à la déposition du Dr N,

Page 4366

1 en tant que témoin expert. Je suis sûr que le Tribunal s'en souvient. Je

2 reprends donc ces arguments en tant qu'objection pour ne pas perdre trop

3 de temps.

4 M. Ackerman (interprétation). - Le curriculum présenté à la

5 défense fait moins d'une demi page et ne contient pratiquement aucune

6 information. Si le Tribunal pense qu'il s'agit d'un document important

7 fourni à la défense, ce n'en est pas un.

8 Le fait qu'un expert, qui a également des connaissances

9 factuelles, peut être considéré comme un témoin factuel et perd

10 automatiquement sa qualité de témoins expert est tout simplement faut. Un

11 expert vient ici déposer devant le Tribunal sur la base de ses

12 connaissances d'expert. Cela n'a rien à voir avec le fait de raconter ce

13 qu'on a observé et de dire l'avis que l'on a au sujet de ces observations.

14 Ici, le témoin est prié de fournir son avis de médecin basé sur

15 ses observations. Donc il apparaît tout à fait clairement qu'on

16 l'interroge comme s'il s'agissait d'un témoin expert et son nom aurait dû

17 figurer sur la liste des témoins experts qui a été fournie au Tribunal.

18 Nous aurions dû en être informés de façon à pouvoir procéder à des

19 recherches complémentaires sur le travail de cet homme en particulier.

20 M. Jan (interprétation). - Il est mort à l'hôpital.

21 Mme McHenry (interprétation). - Il est mort dans l'école du

22 3 mars.

23 M. Jan (interprétation). - Transformée en hôpital.

24 Mme McHenry (interprétation). - En hôpital de fortune,

25 effectivement.

Page 4367

1 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)

2 Mme McHenry (interprétation). - Oui, Monsieur le Juge, et je

3 crois que ce témoin peut et devrait être autorisé à communiquer au

4 Tribunal les observations qu'il a pu faire quant au rapport éventuel ou

5 inexistant de ses observations avec la mort de la personne en question. Je

6 crois que lorsque quelqu'un est témoin factuel, il peut dans certaines

7 circonstances être invité à donner son avis.

8 Nous avons la déclaration de ce témoin qui fait partie des

9 documents utilisés dans le cadre de procès. Les observations de ce témoin

10 ont également été communiquées et chaque fois que nous avons un élément

11 nouveau, nous le communiquons à la défense.

12 C'est la première fois que nous entendons une objection de ce

13 genre et je crois que cette Chambre d'instance devrait autoriser le témoin

14 à communiquer ses observations. Vous pouvez vous-même juger de ce qui est

15 approprié. Quant à la défense, elle aura la possibilité de procéder au

16 contre-interrogatoire.

17 M. le Président (interprétation). - Maître Olujic ?

18 M. Olujic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Tout

19 d'abord, il est vrai que le témoin doit nous dire tout ce qu'il connaît et

20 dont il a connaissance et nous n'avons pas d'objection à cet égard.

21 Mais tant en droit civil qu'en Common Low, un témoin expert aide

22 le Tribunal et par conséquent, il doit présenter certaines références. Je

23 respecte entièrement le témoin et je suis convaincu qu'il est bien oto-

24 rhino laryngologue, mais sur la base d'une demi-page de curriculum vitae,

25 je ne peux pas dire s'il est qualifié pour donner un avis sur des

Page 4368

1 blessures.

2 Aussi, je voudrais que le témoin limite ses remarques aux

3 observations qu'il a faites. Il a pu constater certaines blessures, il

4 peut alors le dire. Mais formuler une opinion sur ces blessures ne serait

5 pas acceptable, à moins qu'il n'ait le statut de témoin expert aux yeux du

6 prétoire.

7 M. le Président (interprétation). - Je ne suis pas sûr de

8 comprendre votre objection. Est-ce les qualifications du témoin ou est-ce

9 parce que le curriculum vitae est trop court ou parce que le témoin ne

10 serait pas médecin ou n'aurait pas travaillé à cet endroit comme médecin ?

11 M. Ackerman (interprétation). - J'objecte au fait le témoin

12 comparait ici comme témoin à charge et que l'accusation a eu un certain

13 temps pour désigner tout témoin expert qu'elle voudrait appeler. Elle a eu

14 le temps de fournir des informations à la défense concernant chacun de ces

15 témoins. Cela n'a pas été fait.

16 Madame McHenry nous dit qu'elle ne pensait pas que nous allions

17 soulever ce genre d'objection. C'est là incompréhensible car nous l'avons

18 déjà fait concernant le Dr O, qui a été présenté par l'accusation comme un

19 témoin factuel et non un témoin expert, notion que nous avons contestée et

20 la Chambre nous a suivis. Elle a convenu avec nous que ce témoin aurait dû

21 être désigné comme témoin expert et qu'il ne devait pas être autorisé à

22 donner un avis d'expert, mais uniquement à témoigner comme personne laïque

23 en quelque sorte et se limiter à ce que les gens lui avaient rapporté.

24 Je n'objecte pas au fait que ce témoin nous dise que Slobodan

25 Babic avait une coupure au bras ou qu'il saignait du nez ou d'autres

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1 observations qu'il aurait pu faire, mais j'objecte au fait que l'on dise

2 au témoin : donnez-nous votre opinion sur la cause du décès de cette

3 personne. C'est quelque chose que personne d'entre nous ne peut faire.

4 Cela suppose certaines compétences et je ne suis pas sûr qu'il

5 ait été établi que le témoin a les connaissances suffisantes pour que le

6 Tribunal le reconnaisse comme expert en pathologie. Il n'y a aucune

7 indication comme quoi ce témoin peut se prononcer sur ce genre de chose.

8 Je n'objecte pas uniquement à cette question particulière, mais à toute

9 question qui impliquerait que le témoin donne un avis sur ces blessures.

10 Mais je n'objecte pas au fait que le témoin décrive les blessures qu'il a

11 pu voir.

12 M. Jan (interprétation). - Je crois vous avez suffisamment de

13 matière. Le témoin sait ce que les blessures étaient. Le fait la personne

14 dont on parle soit morte dans les deux jours à l'hôpital devrait suffire.

15 Nous pouvons tirer nos propres conclusions quant à savoir s'il est mort de

16 ses blessures, de sévices ou d'autre chose.

17 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, je pense

18 que vous pouvez effectivement le faire, mais je dirais que même si le

19 médecin n'est pas un expert en pathologie, il devrait être autorisé à

20 donner son avis. Il y a de nombreux cas en jurisprudence qui permettent de

21 dire que si un témoin possède des compétences particulières, une

22 expérience particulière, et même s'il n'est pas considéré comme expert, il

23 peut témoigner.

24 M. le Président (interprétation). - Qu'une personne soit morte

25 est une question de bon sens. Il n'est pas nécessaire de demander l'avis

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1 d'un médecin pour savoir si quelqu'un est mort. Toute personne peut en

2 témoigner.

3 Si cette personne est morte, le témoin a eu connaissance du fait

4 et peut nous le dire en tant que personne qui y a assisté.

5 Mme McHenry (interprétation). - Je suis absolument d'accord avec

6 vous, mais je ne comprends pas l'objection.

7 M. le Président (interprétation). - L'objection est que vous

8 demandez au témoin un avis d'expert.

9 Mme McHenry (interprétation). - C'est vrai, Monsieur le

10 Président. Sur ce point, je ne pense pas que son opinion doive être

11 considérée comme une opinion d'expert. Je pense que dans la mesure où

12 cette objection a été une objection technique, quant à la notification qui

13 a été faite à la défense, cette objection ne se justifie pas. Il y a

14 désaccord et ce désaccord persistera quant à la question de savoir si le

15 présent témoin doit être considéré comme témoin expert. Pour notre part,

16 il n'était pas sur la liste.

17 Après que la défense ait soulevé cette objection concernant le

18 docteur O, nous avons immédiatement fourni les curriculum vitae et la

19 défense en dispose depuis plus d'un mois. Si la défense n'est pas

20 satisfaite des compétences expliquées dans le curriculum vitae, elle

21 pouvait soulever la question au préalable ou elle pourrait interroger le

22 témoin sur ce point lors du contre-interrogatoire. Je pense donc que sur

23 le plan juridique le témoin devrait être autorisé à donner son avis sur ce

24 qu'il a observé et à tirer des conclusions raisonnables étant donné ses

25 compétences particulières. La cour accordera la valeur qu'il convient à

Page 4371

1 cette déposition même si le témoin n'est pas pathologiste.

2 Certes, ses compétences ne vont pas aussi loin mais, Madame et

3 Messieurs les Juges, vous pourrez tirer vos propres conclusions avec la

4 prudence voulue.

5 La question qui se pose est celle-ci : "Est-ce que le témoin

6 doit être autorisé à formuler ses observations à l'attention de la

7 Chambre ?" L'accusation estime qu'il doit être effectivement autorisé à le

8 faire et que cela ne lésera pas la défense. Le débat est ici un débat

9 technique, et la défense et l'accusation sont en désaccord sur le fond

10 mais, dans le mesure où l'on parle ici des qualifications du témoin, je

11 tiens à répéter que le curriculum vitae du témoin a été fourni il y a déjà

12 pas mal de temps et que la défense pouvait donc y revenir ou peut poser

13 des questions lors du contre-interrogatoire.

14 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai déjà

15 objecté à la déposition du docteur O. Les arguments que je pourrais

16 avancer aujourd'hui, sont les mêmes qu'alors à savoir que la Chambre de

17 Première Instance a rendu une ordonnance disant que si l'accusation fait

18 quelque chose, si elle désigne un témoin de façon tardive, il doit y avoir

19 une bonne raison pour ce faire. Il faudrait que cette ordonnance soit

20 appliquée.

21 C'est au milieu du mois d'avril que j'ai déposé mon objection à

22 la déposition du docteur O. Cela fait donc dix semaines. L'accusation n'a

23 fait aucune tentative pour désigner le présent témoin comme le témoin

24 expert. Or, dix semaines est largement suffisant pour déposer une requête

25 à la Chambre de Première Instance et dire : "Nous souhaitons que ce témoin

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1 témoigne en tant témoin expert."

2 M. Jan (interprétation). - Quel est le chef qui a trait à

3 Slobodan Babic ?

4 Mme McHenry (interprétation). - Je pense que ce sont les chefs

5 treize et quatorze de l'acte d'accusation.

6 M. le Président (interprétation). - Le témoin ne dépose pas en

7 tant que témoin expert.

8 Mme McHenry (interprétation). - Le témoin dépose en tant que

9 témoin factuel, ce qui englobe le fait que le témoin a des compétences

10 particulières et une expérience particulière.

11 M. le Président (interprétation). - Le témoin peut avoir des

12 compétences particulières en vertu desquelles il est habilité à formuler

13 certains avis et c'est considérant ce fait -si je comprends bien- que

14 vous le considérez comme témoin factuel.

15 Mme McHenry (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le

16 Président, je ne suis pas sûr de comprendre votre question.

17 M. le Président (interprétation). - Vous amenez le témoin à dire

18 ce qui est arrivé à la personne qu'il a pu observer ?

19 Mme McHenry (interprétation). - Oui, je lui ai demandé ce qu'il

20 concluait quant à la question de savoir si ...

21 M. le Président (interprétation). - Voilà ce qui explique

22 l'objection de la défense. Il ne s'agit pas de la conclusion du témoin. Ce

23 qui s'est passé est ce qui compte et non pas les conclusions du témoin. Ce

24 qui s'est passé, c'est que cette personne est morte. La conclusion serait

25 la conclusion qu'il tire des événements.

Page 4373

1 Mme McHenry (interprétation). - C'est exact, Monsieur le

2 Président. Nous pensons qu'il devrait être autorisé à donner son avis et,

3 en l'occurrence, la défense a reçu notification dès la date de la première

4 comparution quant au fond de la déposition du témoin.

5 A la suite du problème surgi avec la déposition du docteur O,

6 bien que nous ayons dit que nous continuons à croire qu'il n'était non pas

7 témoin expert au sens de l'ordonnance rendue par la Chambre, mais bien

8 témoin factuel, nous avons immédiatement fourni le curriculum vitae du

9 présent témoin de sorte qu'il ne peut y avoir de discussion sur ce point.

10 Le docteur O, pour sa part, n'était pas un détenu au camp et la défense

11 n'avait pas reçu par avance son curriculum vitae. C'est là une question

12 entièrement différente.

13 Si, Madame et Messieurs les Juges, nous étions en désaccord avec

14 l'accusation et que vous considériez le présent témoin comme un témoin

15 expert, nous demanderions l'autorisation de désigner le témoin comme tant

16 un témoin expert qu'un témoin factuel et nous argumenterions qu'il a les

17 deux qualités simultanément.

18 La défense n'a pas été lésée à notre sens, car elle disposait de

19 la déclaration du témoin depuis plus d'un an ainsi que du curriculum vitae

20 depuis six semaines de sorte qu'il n'y a pas de discussion possible quant

21 à la préparation de la défense vis-à-vis de ce témoin. A cet égard, nous

22 avons envoyé très précisément une lettre contenant les curriculum vitae et

23 nous avons dit : "Nous voudrions voir le témoin déposer de façon conforme

24 à la déclaration".

25 M. le Président (interprétation). - Je crois que vous pouvez

Page 4374

1 poser votre question au témoin.

2 M. Greaves (interprétation). - Je voudrais poser une question.

3 Madame McHenry a décrit ce monsieur comme étant un homme qui a des

4 compétences particulières qui lui permettent de donner son avis sur

5 certaines choses. En anglais, cela veut dire expert.

6 M. le Président (interprétation). - Il n'a pas été appelé à

7 cette fin.

8 M. Greaves (interprétation). - Non, mais...

9 M. le Président (interprétation). - S'il l'avait été, la

10 procédure aurait été différente . Quelqu'un qui a des compétences

11 particulières peut donner son opinion et cela ne signifie pas

12 nécessairement qu'il est expert. Il y a des fondements à la qualité

13 d'expert. Ces fondements sont les faits sur lesquels l'avis de l'expert se

14 base. Voilà la procédure normale. Les conclusions sont fondées sur

15 certains faits. L'intéressé peut se prononcer du fait de ses compétences

16 particulières,...

17 M. Greaves (interprétation). - Oui.

18 M. le Président (interprétation). - ..., ce que d'autres

19 personnes ne peuvent

20 pas faire. Peut-être y a-t-il ici certaines difficultés quant

21 aux règles qui ont été appliquées. Le témoin devrait maintenant pouvoir

22 poursuivre et donner son opinion. Le problème principal qui se pose est de

23 savoir dans quelle mesure les règles ont été appliquées. Il ne sert à rien

24 de parler du témoin comme étant un témoin simultanément factuel et expert.

25 Ou bien, on est expert ; ou bien, on ne l'est pas et, si on est expert, il

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1 faut baser son opinion sur ses connaissances. Il s'ensuit que pour montrer

2 que les règles ont été appliquées, cela devrait être suffisant pour

3 accepter le témoin comme témoin expert en l'occurrence.

4 Mme McHenry (interprétation). Dois-je comprendre que je peux

5 poser la question au témoin ?

6 M. le Président (interprétation). - Oui, vous le pouvez pour

7 autant que vous donniez une réponse satisfaisante indiquant que vous avez

8 respecté les règles qui s'appliquent en l'occurrence.

9 M. Jan (interprétation). - En effet, vous avez déjà suffisamment

10 de matière. L'homme a été très gravement blessé. Il est mort deux jours

11 plus tard. S vous voulez poser la question de la cause du décès, cela

12 ouvre un champ très large. Y a-t-il eu une expertise pathologique ? Avez-

13 vous examiné l'état cardiaque du décédé ? Beaucoup de facteurs

14 interviennent. Pourquoi voulez-vous ouvrir ce champ très large ? Il a été

15 gravement blessé et il est mort deux jours plus tard. Cela devrait

16 suffire.

17 Mme McHenry (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges,

18 je suis d'accord que cela suffit et si le témoin n'est pas autorisé à

19 tirer des conclusions...

20 M. le Président (interprétation). - Vous avez besoin des règles

21 concernant le témoin expert, vous avez besoin de la qualité d'expert, car

22 il était là, il a soigné cette personne. Cette personne est morte.

23 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, si je ne

24 suis pas autorisé à demander au témoin si, oui ou non, il a pu observer et

25 conclure qu'il y avait un rapport quelconque entre les blessures et le

Page 4376

1 décès. L'accusation pense néanmoins que les circonstances sont telles que

2 la Chambre peut tirer ses propres conclusions. Je suis d'accord avec vous

3 sur ce point.

4 M. Jan (interprétation). - C'est ce qu'il a dit il y a un quart

5 d'heure.

6 Mme McHenry (interprétation). - Oui, effectivement. Je pense que

7 la conclusion, étant donné qu'il était là et avait des compétences

8 particulières ainsi qu'une certaine expérience, est pertinente.

9 L'accusation pose peut-être parfois des questions qui ne sont pas toujours

10 nécessaires, mais qui peuvent aider la Chambre. C'est pourquoi, je

11 demanderai à être autorisée à poser cette question particulière.

12 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez poser cette

13 question, mais vous ne vous fondez pas sur ses compétences. Voilà ce que

14 nous disons.

15 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le témoin, pouvez-vous

16 nous parler du décès de M. Babic et du rapport que cela pourrait avoir eu

17 égard aux blessures infligées que vous avez pu observer et dont vous avez

18 parlé ?

19 M. Jan (interprétation). - Cela pourrait amener à une autre

20 question. Avait-il les tests pathologiques avec lui ? Avait-il pu mourir

21 d'autres causes ? Il pouvait être malade, avoir une maladie outre ces

22 blessures. C'est là que je dis que vous ouvrez un champ très large.

23 Pourquoi voulez-vous lui poser cette question ?

24 Mme McHenry (interprétation). - Parce que l'accusation, avec

25 tout le respect que nous devons à la Chambre, estime qu'il est pertinent

Page 4377

1 de soulever la question du décès. Il n'y a pas eu d'examen pathologique et

2 je pense que c'est vrai pour toute personne qui a été tuée à Celebici. Les

3 circonstances étaient telles que les corps étaient immédiatement emportés

4 et qu'aucune autopsie n'était faite dont nous aurions le rapport

5 M. Jan (interprétation). - Non seulement les tests

6 pathologiques, mais nous devrions aussi connaître l'histoire médicale de

7 la personne décédée. Il pouvait avoir un problème cardiaque ou autre. Vous

8 avez ouvert là un champ très large.

9 Mme McHenry (interprétation). - Je pense que toutes ces choses

10 devront être pondérées. Les circonstances sont telles qu'on ne connaît pas

11 l'histoire médicale de tous les gens de Celebici.

12 M. Jan (interprétation). - Est-ce qu'un examen post mortem a été

13 effectué ?

14 Mme McHenry (interprétation). - Nous pouvons poser la question

15 et je pense que la réponse sera "non".

16 M. Jan (interprétation). - Alors, comment cela va-t-il nous

17 aider ?

18 Mme McHenry (interprétation). - Je pense que ces questions sont

19 très réelles. Il faut qu'elles soient pondérées, et les faits de la cause

20 sont à mettre en rapport avec la situation de guerre qui prévalait ainsi

21 que les circonstances de Celebici.

22 M. le Président (interprétation). - Nous avons perdu trop de

23 temps sur une question très simple. Voilà une personne qui s'occupait de

24 la personne décédée. Cette personne est donc morte. Le témoin peut déposer

25 et nous dire que l'intéressé est mort. Il n'a pas besoin d'expert pour ce

Page 4378

1 faire. Cela n'est pas nécessaire. Ne liez donc pas à cette conclusion ses

2 compétences particulières puisque vous n'avez pas établi que le témoin

3 avait ces compétences particulières.

4 Mme McHenry (interprétation). - En ce cas, Monsieur le

5 Président, si je vous comprends bien, sans entrer dans les compétences du

6 témoin en tant que pathologiste, je lui poserai la question suivante : "En

7 tant que personne qui étiez présente et qui traitiez M. Babic, pouvez-vous

8 nous dire le rapport qui existe entre les blessures que vous avez

9 observées et la cause du décès ?"

10 M. le Président (interprétation). - Vous revenez au même point.

11 M. Jan (interprétation). - A la même question.

12 M. le Président (interprétation). - Ce n'est pas là la question.

13 Mme McHenry (interprétation). - Si vous me dites que je ne suis

14 pas autorisée à...

15 M. le Président (interprétation). - Ce qui s'est passé à ce

16 Monsieur, après ses blessures, uniquement cela.

17 Mme McHenry (interprétation). - Très bien. Monsieur le

18 Président, j'ai demandé et je vais donc aller de l'avant. Si l'accusation

19 le pense et le juge nécessaire, nous déposerons un mémoire sur ce point.

20 Je vais aller de l'avant maintenant, car je crois comprendre que

21 vous avez accepté l'objection de la défense.

22 M. le Président (interprétation). - Oui, j'accepte l'objection

23 de la défense.

24 Mme McHenry (interprétation). - Très bien, merci.

25 Monsieur, je voudrais maintenant vous poser la question

Page 4379

1 suivante. Vous nous avez parlé de votre séjour à l'école du 3 mars. Quand

2 avez vous quitté l'école du 3 mars et dans quelles circonstances et où

3 vous a-t-on emmené ?

4 Peut-on vérifier que le micro du témoin est bien branché ?

5 Témoin P (interprétation). - Je pense que nous sommes restés

6 environ dix jours -je ne sais pas exactement combien de temps- dans cette

7 école primaire qui s'appelait l'école du 3 mars et, un soir, Pavo Mucic

8 est arrivé. Il m'a fait sortir dans le couloir à l'extérieur des salles

9 des classes où nous travaillions et il m'a dit que pour des raisons de

10 sécurité, il fallait que nous soyons transférés. Il m'a donné lecture des

11 noms de plusieurs personnes qui devaient être emmenées et j'ai appris plus

12 tard que ces personnes avaient été emmenées au centre sportif de Musala.

13 Le docteur Zuza est allé avec eux et, ensuite, nous avons été ramenés à

14 Celebici au bâtiment n° 22.

15 Mme McHenry (interprétation). - Avant la guerre, connaissiez-

16 vous M. Pavo Mucic ?

17 Témoin P (interprétation). - Oui, effectivement. Je connaissais

18 M. Mucic avant la guerre. La femme de son frère allait à la même école

19 primaire et secondaire que moi et nous étions très proches pendant nos

20 études à Sarajevo ; il me rendait visite au département de chirurgie. Je

21 luis donnais des congés de maladie ; nous nous retrouvions de temps en

22 temps dans le centre de la ville. Oui, je le connaissais.

23 Mme McHenry (interprétation). - Avant qu'il vienne vous parler

24 et qu'il ne vous dise que certaines personnes allaient être emmenées à

25 Musala et d'autres à Celebici, avez-vous vu M. Mucic à l'école du 3 mars ?

Page 4380

1 Témoin P (interprétation). - Avant cela, il était effectivement

2 déjà venu. M. Mucic est venu plusieurs fois à l'école. Une fois par

3 exemple, il s'est assis avec moi dans le couloir et il m'a demandé ce qui

4 était arrivé à mon visage et à ma tête. J'ai dit : "Tu vois les traces".

5 Je lui ai montré mon dos, et il m'a dit : "Ton dos est suffisamment large

6 et il a bien résisté aux coups".

7 Mme McHenry (interprétation). - A ces occasions, est-ce que

8 M. Mucic vous a parlé de son rôle au camp de Celebici ?

9 Témoin P (interprétation). - Oui. Il m'a dit qu'il avait été

10 contraint d'assumer le commandement du camp de Celebici et qu'il devait

11 assumer ses fonctions bientôt.

12 Mme McHenry (interprétation). - Combien de jours était-ce à peu

13 près avant que M. Mucic ne vous ait dit qu'il allait prendre le

14 commandement du camp et le moment où il est venu et a fait le tri des

15 personnes qui devaient aller au hall sportif et à Celebici ?

16 M. Olujic (interprétation). - Objection monsieur le Président !

17 Le témoin n'a pas dit "reprendre le commandement du camp". C'est mon

18 confrère de l'accusation qui l'a dit. C'est en tout cas ce que j'ai cru

19 comprendre de l'interprétation.

20 M. le Président (interprétation). - Il y a là un point

21 d'interprétation. Qu'est-ce que le témoin a dit ? Il a dit que M. Mucic

22 avait dit être contraint d'assumer le commandement du camp. Et la question

23 qui est posée est : combien de temps séparent ces propos de M. Mucic et le

24 moment où il a effectivement assumé le commandement du camp ?

25 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le témoin, vous êtes

Page 4381

1 autorisé maintenant à répondre à la question. Voulez-vous nous dire quel

2 est l'intervalle de temps qui a séparé ces deux événements ?

3 Témoin P (interprétation). - Peut-être deux jours avant que nous

4 soyons nous-mêmes transférés.

5 Mme McHenry (interprétation). - Merci.

6 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)

7 Mme McHenry (interprétation). - Oui., Monsieur le Président, je

8 vais poser la question... Monsieur le témoin, si je calcule bien vous avez

9 été transféré de l'école du 3 mars à Celebici dix à douze jours avant ...

10 ou douze à quatorze jours avant que vous ne soyez arrêté pour la première

11 fois le 26 mai.

12 Témoin P (interprétation). - La dernière version que vous donnez

13 est exacte. J'ai passé environ deux jours au centre médical, ensuite dix

14 jours à l'école du 3 mars et ensuite j'ai été transféré à Celebici.

15 Mme McHenry (interprétation). - Très bien. C’est environ vers le

16 10 juin que vous avez été transféré à Celebici et c'est deux jours avant à

17 peu près que M. Mucic vous a dit qu'il allait reprendre le commandement du

18 camp ?

19 Témoin P (interprétation). - Oui, quelque chose dans le style

20 qu'on le forçait, qu'on faisait pression sur lui pour qu'il accepte de

21 commander le camp dans un avenir proche.

22 M. le Président (interprétation). - Nous allons maintenant

23 suspendre cette audience et reprendre à midi.

24 L'audience, suspendue à 11 heures 30, est reprise à 12 heures 05.

25 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

Page 4382

1 M. le Président (interprétation). - Je pense vous pouvez

2 poursuivre, maître.

3 Mme McHenry (interprétation). - Merci, Madame et Messieurs les

4 juges.

5 Vous avez dit, Monsieur, que vers le 10 juin, vous avez été

6 amené à Celebici. Par la suite, je vais vous poser d’autres questions

7 quant aux détails, par exemple quant au moment où vous avez été relâché de

8 Celebici.

9 Afin de donner aux juges une idée d'ensemble qui leur permettra

10 de comprendre votre réponse, dites-nous combien de temps vous êtes resté

11 en tant que prisonnier, à savoir que vous avez été détenu 24 heures par

12 jour à Celebici ?

13 Pourriez-vous nous dire à quel moment vous avez cessé d'être

14 détenu 24 heures par jour à Celebici ? Pourriez-vous donner une date ?

15 Témoin P (interprétation). - Le 22 juillet 1992.

16 Mme McHenry (interprétation). - Après le 22 juillet, date à

17 laquelle vous avez été libéré, avez-vous continué à aller de jour à

18 Celebici pour y soigner les détenus et les blessures qu'ils avaient

19 subis ?

20 Témoin P (interprétation). - Oui.

21 Mme McHenry (interprétation). - Dans le cadre que nous essayons

22 de dresser, quand avez-vous arrêté d'aller à Celebici pendant la journée ?

23 A quel moment avez-vous cessé d’avoir des contacts avec Celebici ?

24 Témoin P (interprétation). - Six ou sept jours avant que je ne

25 m’échappe.

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1 Mme McHenry (interprétation). - Quand vous dites "échappé", est-

2 ce de Konjic ?

3 Témoin P (interprétation). - Je pourrai en parler plus tard, si

4 vous me le permettez. Mais après que j’aie été libéré, le 22 juillet 1992,

5 je suis resté à Konjic environ trois jours. Par la suite, j'ai été à

6 Ostrojac et je me suis enfui par la suite d'Ostrojac.

7 Mme McHenry (interprétation). - Quand avez-vous quitté Ostrojac

8 et toute la région de Konjic se faisant ?

9 Témoin P (interprétation). - Je suis parti de la région de

10 Konjic, de la municipalité de Komjalica vers le 16 octobre 1992.

11 Mme McHenry (interprétation) - Cela veut dire qu'à partir du

12 6 octobre vous n'avez plus eu de contact avec Celebici ?

13 Témoin P (interprétation). - Je crois que c'est vers le

14 10 octobre. Je me suis trompé, je ne suis pas non plus un as des

15 mathématiques.

16 Mme McHenry (interprétation) - Je reviens au moment où vous avez

17 été amené à Celebici en tant que prisonnier, vers le milieu du mois de

18 juin. Pourriez-vous nous dire où vous êtes resté à Celebici ?

19 Témoin P (interprétation). - J'ai été placé dans le bâtiment

20 n° 22. C'était un entrepôt et c'est là qu'on gardait les pompes

21 hydrauliques, dans les anciennes casernes de la JNA.

22 Mme McHenry (interprétation) - Et lorsque vous êtes arrivé pour

23 la première fois au bâtiment 22, est-ce qu'on utilisait cet entrepôt pour

24 y entreposer des pompes hydrauliques ?

25 Témoin P (interprétation). - Non. Lorsque nous avons été amenés

Page 4384

1 dans ce bâtiment par ce camion IVECO, je pense que c'est la société de

2 transport de Konjic qui était le propriétaire et on y avait déjà installé

3 des lits, de façon à amener les personnes blessées dans cet espace où il y

4 avait déjà des lits.

5 Mme McHenry (interprétation) - Lorsque vous étiez à Celebici,

6 est-ce qu'on utilisait ce bâtiment 22 en guise de dispensaire de fortune ?

7 Témoin P (interprétation). - C'est exactement ainsi qu'on

8 appelait ce bâtiment : l'infirmerie ou le dispensaire, mais en fait

9 c'était simplement le bâtiment 22.

10 Mme McHenry (interprétation) - Pourriez-vous décrire le

11 fonctionnement de ce dispensaire, de cette infirmerie ? Quel équipement y

12 avait-il ? Y avait-il des médicaments ? Est-ce que vous pourriez nous

13 donner une idée plus précise de la façon dont fonctionnait cette

14 infirmerie ?

15 Témoin P (interprétation). - Sol en béton. Il y avait deux

16 petites fenêtres de 30 centimètres sur 20 peut-être ; le toit était en

17 tôle ondulée, la porte était en métal, elle s'ouvrait vers l'extérieur et

18 les lits étaient disposés contre les parois. Au milieu, il y avait

19 simplement une table de bureau. Là, nous y avions de l'ouate, une pince,

20 on avait une paire de ciseaux. Je pense que c'était à peu près tout ce

21 qu'il y avait en guise d'équipement. Il y avait aussi quelques

22 médicaments, une bonne partie des médicaments que nous avions reçus.

23 Je vous ai dit que le Docteur Brinkelo était venu ; il y avait

24 aussi M. Makazin qui était le technicien médical. Ces deux personnes nous

25 ont rendu visite ; elles ont amené des médicaments qu'elles ont dit avoir

Page 4385

1 été offerts par Karitas. Ceci nous a grandement aidé et nous avons

2 vraiment utilisé ces médicaments énormément.

3 Mme McHenry (interprétation) - Pendant que vous vous trouviez à

4 Celebici, y avait-il une procédure vous permettant de demander un

5 complément de médicaments ? Est-ce que vous avez pu demander des

6 médicaments supplémentaires aux gens du camp et si c'était le cas comment

7 cette procédure fonctionnait-elle ?

8 Témoin P (interprétation). - Il m'a été dit que je devais faire

9 une requête écrite pour des médicaments et je l'ai fait. Il fallait

10 remettre cette demande surtout à M. Delic. Il ramenait de temps en temps

11 quelque chose. Je ne sais pas quelle était la procédure qui lui incombait

12 à lui, je ne sais pas comment il s'est procuré ces médicaments.

13 Mme McHenry (interprétation) - Lorsque vous avez demandé des

14 médicaments, avez-vous toujours pu obtenir ce que vous demandiez ?

15 Témoin P (interprétation). - Non, nous n'avons reçu qu'une

16 infime portion des médicaments que nous demandions. Pour l'essentiel,

17 c'était des analgésiques ; il y avait quelques antibiotiques. Comme il y

18 avait des personnes âgées, nous avons demandé des diurétiques ; c'est en

19 général ce que nous demandions.

20 Mme McHenry (interprétation) - Est-ce que vous y aviez un

21 équipement vous permettant d'établir un diagnostic, d'opérer, d'envoyer

22 des gens à l'hôpital ? Pourriez-vous nous dire comment cela fonctionnait ?

23 Témoin P (interprétation). - Il nous était impossible d'envoyer

24 des gens ; en fait, une fois, il m'est arrivé de demander, alors que je me

25 trouvais à l'école du 3 mars ... il y avait M. Kuljanin qui devait aller

Page 4386

1 chez l'opticien, il y avait Mrkajic, Srzo Gligorevic qui sont venus avec

2 moi. En d'autres termes, ils recevaient déjà une certaine attention

3 médicale au centre médical parce que Gligorevic avait une fracture et il a

4 eu un plâtre à l'avant-bras.

5 Mme McHenry (interprétation) - A Celebici, avez-vous été en

6 mesure d'envoyer qui que ce soit dans un véritable hôpital ?

7 Témoin P (interprétation). - Non.

8 Mme McHenry (interprétation) - Comment tenait-on les dossiers ?

9 Est-ce qu'il y avait des dossiers médicaux pour les prisonniers ? Est-ce

10 que vous aviez peut-être les antécédents médicaux de ces personnes et

11 étiez-vous vous-même en mesure de tenir des dossier médicaux ?

12 Témoin P (interprétation). - Nous ne disposions pas de dossiers

13 précédents concernant les détenus ; nous avons demandé à recevoir un

14 protocole ou du moins un dossier où nous pourrions communiquer les

15 identités, la thérapeutique administrée, les médicaments donnés. Je ne

16 sais pas si c'est Mucic qui l'a fait, mais finalement nous avons reçu de

17 quoi écrire et nous avons aussi reçu un crayon pour pouvoir écrire.

18 Mme McHenry (interprétation) - Etiez-vous en mesure d'être tout

19 à fait complet et précis dans ce journal que vous teniez, et si vous

20 n'avez pas été en mesure de le faire à quoi est-ce dû ?

21 Témoin P (interprétation). - Je pouvais avoir un dossier précis

22 pour ce qui est du prénom, du patronyme, de la date de naissance des

23 personnes, mais s'agissant du diagnostic je craignais que quelqu'un ne

24 vérifie mes conclusions. Je n'ai donc établi qu'un diagnostic très léger.

25 En d'autres termes, je n'osais pas expliquer. Je disais simplement :

Page 4387

1 fracture de l'avant-bras et qu'un coup avait été asséné à cet avant-bras.

2 C'est ainsi que je procédais.

3 Mme McHenry (interprétation) - Savez-vous ce qu'il est advenu de

4 ce journal que vous teniez ?

5 Témoin P (interprétation). - Je ne sais pas exactement ce qu'il

6 en est advenu, mais je sais que plus tard, lorsque j'avais déjà été

7 assigné à résidence et que je venais au camp, j'ai vu que des parties de

8 ce journal étaient utilisées comme papier à cigarette. En effet, et ceci

9 se passait plusieurs jours avant que moi je ne sois relâché, les détenus

10 avaient reçu de la nourriture, du tabac, mais ils n'avaient pas de papier

11 à cigarette ; donc ils utilisaient des parties de ce journal pour rouler

12 leurs cigarettes.

13 Mme McHenry (interprétation) - Je ne me trompe donc pas en

14 disant que vous n'avez pas aujourd'hui ce journal que vous teniez ?

15 Témoin P (interprétation). - Effectivement je ne l'ai pas et je

16 n'étais d'ailleurs pas autorisé à l'emporter avec moi, parce que ce sont

17 des dossiers médicaux qui auraient pu me coûter la vie.

18 Mme McHenry (interprétation) - Hormis vous, y avait-il d'autres

19 médecins qui travaillaient au dispensaire ?

20 Témoin P (interprétation). - Oui, il y avait un autre médecin.

21 Mme McHenry (interprétation) - Vous n'avez pas besoin de citer

22 cette personne par son nom.

23 Témoin P (interprétation). - D'accord.

24 Mme McHenry (interprétation) - Avez-vous fait l'objet d'un

25 interrogatoire alors que vous étiez détenu à Celebici ?

Page 4388

1 Témoin P (interprétation). - Oui. J'ai fait une déclaration. Je

2 pense que la personne qui m'a interrogé s'appelait Pajic. C'était un

3 sergent d'active dans la JNA avant la guerre et c'est à lui que j'ai fait

4 cette déclaration longue d'une demie-page, sur un papier de format A4.

5 Mme McHenry (interprétation) - Et pourriez-vous nous dire

6 approximativement à quel moment vous avez été interrogé ?

7 Témoin P (interprétation). - Je ne sais pas exactement. Ce peut

8 être quatre, cinq, voire sept jours. J'ai effectivement fait une

9 déclaration.

10 Mme McHenry (interprétation) - Quand vous dites de quatre à sept

11 jours, c'est après avoir été amené au camp ?

12 Témoin P (interprétation). - Oui.

13 Mme McHenry (interprétation) - Vous a-t-on jamais expliqué la

14 raison de votre incarcération ? Vous a-t-on jamais dit si vous aviez été

15 placé dans telle ou telle catégorie de prisonniers ?

16 Témoin P (interprétation). - Oui. A une reprise, lorsque je

17 parlais à M. Mucic, j'ai découvert qu'il y avait environ dix catégories.

18 Je lui ai demandé de me dire dans laquelle j'étais et il m'a dit qu'en

19 fonction de certains critères, je relevais de la première catégorie et en

20 fonction d'autres catégories, je ne faisais partie d'aucune catégorie.

21 Mme McHenry (interprétation). - Dans le cadre de vos activités,

22 avez-vous eu l’occasion de vous occuper de prisonniers blessés ?

23 Témoin P (interprétation). - Voilà comment cela s'est passé.

24 Effectivement, j'ai traité certains prisonniers, ce qui est normal

25 puisque j'étais censé leur donner des médicaments. Je les ai auscultés

Page 4389

1 avec mon stéthoscope. Je pouvais vérifier leur tension artérielle. Je

2 pouvais voir s’ils avaient une bronchite ou une crise d'asthme ou encore

3 une inflammation. En fonction des médicaments que j’avais, j’essayais de

4 les soulager quelque part, mais ce n'était pas vraiment un traitement à

5 proprement parler.

6 Mme McHenry (interprétation). - Des personnes sont-elles mortes

7 alors qu'elles se trouvaient dans l'infirmerie, et si tel était le cas,

8 pourriez-vous nous citer leur nom ?

9 Témoin P (interprétation). - Oui. Pero Mrkajic, né en 1926 ou

10 1928 et Branko Samoukovic. Ils sont décédés à l'infirmerie.

11 Mme McHenry (interprétation). - Outre ces deux personnes qui

12 sont mortes à l'infirmerie, y avait-il d'autres personnes dans le camp que

13 vous ayez examinées ou dont vous auriez examiné le cadavre ou dont vous

14 auriez eu l'occasion de voir les cadavres ?

15 Témoin P (interprétation). - Oui, j'ai eu l'occasion de voir un

16 cadavre : celui de Cedo Abramovic. Il était enseignant. Il est arrivé un

17 matin. En fait, Broceta est arrivé le matin pour me voir. Je ne me

18 souviens plus de son prénom. Il y avait Ivovic, dont le prénom était Ismet

19 - je ne suis pas très sûr, - Iugo Juti. Je suis allé au hangar n° 6 avec

20 lui.

21 Mme McHenry (interprétation). - Où avez-vous vu le cadavre de

22 M. Avramovic ?

23 M. O'Sullivan (interprétation). - Objection quant à la

24 pertinence de cette question. Oui, j'élève une objection quant à la

25 pertinence parce que M. Avramovic n’est pas repris dans l'acte

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1 d'accusation.

2 Mme McHenry (interprétation). - En règle générale, j'aimerais

3 dire à l'attention du procès-verbal d'audience qu'il y a accusation pour

4 responsabilités de supérieurs hiérarchiques et, à cet égard, certains noms

5 sont mentionnés, mais d'autres meurtres peuvent intervenir dans

6 l'établissement de ce chef d'accusation.

7 A cet égard, j'ajouterai que tout élément de preuve relatif à la

8 façon dont on traitait les cadavres, quant à l'inspection ou quant à

9 l'instruction relative à ces cadavres ; que tout ceci est important. Je

10 n'ai pas l'intention de poser trop de questions à propos de ces personnes.

11 M. le Président (interprétation). - Etes-vous satisfait ?

12 M. O'Sullivan (interprétation). - Avec tout le respect que je

13 dois à la Cour, certains noms sont cités de façon précise dans l'acte

14 d'accusation, or, le nom de cette personne n'est pas repris. Il n'y a donc

15 pas pertinence.

16 M. le Président (interprétation). - S'il y a apparition d'une

17 certaine structure dans la conduite, c'est peut-être pertinent. Veuillez

18 poursuivre, Maître McHenry.

19 Témoin P (interprétation). - Ce cadavre se trouvait au hangar

20 n° 6, dans la partie la plus éloignée de la porte, vers le milieu, à mi-

21 chemin à l'intérieur. Il y avait un pilier en métal à cet endroit. J'ai

22 examiné le cadavre, j'y ai vu des lacérations, des contusions à la tête,

23 au thorax, il y avait aussi une ecchymose à la poitrine. Je n'en sais pas

24 plus à ce propos.

25 Puis, j'ai reçu l'ordre de transporter ce cadavre, ce que nous

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1 avons fait. Borceta a exigé que nous procédions à notre rituel religieux.

2 Cela, je ne le savais pas.

3 Mme McHenry (interprétation). - Savez-vous ce qu'il est advenu

4 finalement du cadavre de M. Avramovic.

5 Témoin P (interprétation). - Non, je ne sais pas. Ce que je

6 sais, c'est que Broceta m'a dit qu'il a assisté aux funérailles. Quant à

7 savoir où le corps avait été emporté, je ne le sais pas.

8 Mme McHenry (interprétation). - Revenons à M. Mrkajic. Pourriez-

9 vous nous dire quelles furent vos observations personnelles quant à

10 M. Mrkajic ? Dans quel état était-il, au vu de vos observations ?

11 Témoin P (interprétation). - J’ai examiné Pero Mrkajic, il avait

12 des hématomes au dos, aux jambes, aux membres inférieurs et supérieurs.

13 J'ai vérifié s’il avait des inflammations, il n’y en avait pas. Je sais

14 que Pero Mrkajic -je parle ici de la situation avant la guerre- avait

15 diabète de vieillesse. Il maîtrisait le diabète en suivant un régime

16 particulier. Je sais que lorsque M. Pavo Mucic est venu, il m’a demandé ce

17 qui se passait, comment allait M. Mrkajic. Je lui ai dit qu’il souffrait

18 du diabète.

19 Mucic a sorti de l’insuline, à effet retard. Il connaissait les

20 résultats des tests du laboratoire. Il n'y avait pas de problème d'acétone

21 et le traitement pouvait se faire à l'aide de l’insuline.

22 Mme McHenry (interprétation). - Quand on parle d'hématome, ce

23 sont des ecchymoses, des contusions, n'est-ce pas, lorsque vous avez dit

24 avoir observé ces hématomes.

25 Témoin P (interprétation). - Oui, oui.

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1 Mme McHenry (interprétation). - Je ne sais pas si j’ai tout à

2 fait bien compris. Avez-vous traité M. Mrkajic puisqu'il avait un problème

3 latent de diabète ?

4 Témoin P (interprétation). - Pero est mort le lendemain de son

5 arrivée au dispensaire.

6 Mme McHenry (interprétation). - Pourriez-vous nous donner une

7 description plus précise ? Pourriez-vous nous donner une idée de l'ampleur

8 des hématomes qu'il avait au corps ?

9 Témoin P (interprétation). - C'était un hématome assez large au

10 dos, aux cuisses et aux mollets. Je ne peux pas vous dire exactement

11 quelle était l'ampleur de cela.

12 Mme McHenry (interprétation). - J'essaie toujours de comprendre

13 ce que vous avez dit. Avez-vous administré de l'insuline à M. Mrkajic, et

14 si vous ne l'avez pas fait pourquoi ?

15 Témoin P (interprétation). - Je ne lui ai pas donné d'insuline

16 parce qu'il n'en avait jamais pris auparavant. En général, on administre

17 de l'insuline uniquement après avoir reçu les résultats des tests en

18 laboratoire. Parce que si on l'administre n'importe comment, cela peut

19 créer des complications. Cela dit, je n'ai pas eu l'occasion de vérifier

20 les résultats du laboratoire. Je ne sentais pas non plus l'acétone. Je

21 suppose qu'il n'avait pas, dans le cadre de ces complications, ce problème

22 de diabète.

23 Vraiment, en général, c'est une contre-indication de travailler

24 sans résultats de laboratoire.

25 Mme McHenry (interprétation). - Vous ai-je bien compris ? Vous

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1 ne l'avez pas traité pour son problème de diabète parce que vous n'avez

2 pas senti l'acétone, ce qui aurait indiqué qu'il avait vraiment un besoin

3 aigu d'insuline. Vous craigniez de lui donner autre chose puisque vous

4 n'aviez pas en main les résultats de laboratoire.

5 Est-ce là une bonne synthèse de ce que vous venez de dire ?

6 Témoin P (interprétation). - Oui. Parce qu'effectivement, il y a

7 là un déséquilibre corporel en matière de sels minéraux, et je ne veux pas

8 insister là-dessus. Je ne vais pas vous donner une leçon de médecine ici à

9 l'intention de la Chambre d'instance. J'ai essayé de résumer mon

10 explication le plus possible.

11 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous expliqué à M. Mucic

12 qu'à votre avis, il ne fallait pas administrer d'insuline en l'absence de

13 résultats de laboratoire ?

14 Témoin P (interprétation). - Oui et il m'a dit : "Fais comme tu

15 penses qu'il faut faire".

16 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous dire à quel

17 moment à peu près M. Mrkajic est mort ?

18 Témoin P (interprétation). - En juillet.

19 Mme McHenry (interprétation). - Et M. Avramovic ? Pouvez-vous

20 nous dire à quel moment, à quelle période à peu près M. Avramovic est

21 mort ?

22 Témoin P (interprétation). - Je crois que c'était à peu près fin

23 juin.

24 Mme McHenry (interprétation). - Revenons maintenant, si vous le

25 voulez bien, quelques instants à M. Bosko Samoukovic. Pouvez-vous me dire,

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1 s'agissant de M. Bosko Samoukovic, quelles ont été vos observations,

2 comment il est arrivé au dispensaire, qui l'a amené et quelles

3 observations vous avez pu faire sur son état de santé ?

4 Témoin P (interprétation). - Ce jour là était un jour

5 ensoleillé, et il était plus tard que midi. J'ai d'abord entendu des coups

6 et des plaintes,. J'ai eu l'impression que cela a duré une vingtaine, une

7 trentaine de minutes, que ce passage à tabac a duré extrêmement longtemps.

8 Il est arrivé peu de temps après, porté par des détenus au dispensaire.

9 Derrière eux marchait Esad Landzo, le gardien.

10 Lorsque j'ai posé une question, parce que chez nous l'anamnèse

11 est importante en pratique médicale, j'ai donc demandé : "De quoi il

12 s'agit ?". On m'a dit : "Il a eu un malaise, il s'est évanoui." Les

13 détenus l'ont allongé sur un lit. Je crois que c'était le second lit à

14 droite dans le coin. Ils l'ont donc allongé Je lui ai demandé : "Bojko,

15 que s'est-il passé ?". Il m'a répondu que Esad Landzo l'avait passé à

16 tabac.

17 J'ai examiné son pouls qui battait très mal, il était absolument

18 épuisé. J'ai entendu des crépitements lorsque j'ai ausculté au

19 stéthoscope, ce qui signifie des problèmes au niveau des côtes, et je lui

20 ai donné ce que j'avais à ma disposition comme médicaments. Mais après

21 quinze à vingt minutes, il est mort.

22 Mme McHenry (interprétation). - Excusez-moi, pouvez-vous

23 expliquer exactement ce que vous entendez par : "demander l'anamnèse".

24 Vous avez dit qu'il souffrait d'une maladie. Pouvez-vous nous dire plus en

25 détail ce que vous vouliez dire par là. Je ne suis pas sûre d'avoir bien

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1 compris.

2 Témoin P (interprétation). - L'anamnèse signifie que l'on

3 demande des renseignements au sujet de son état de santé, s'il a eu un

4 traumatisme, à quel moment ce traumatisme est survenu, s'il a perdu

5 conscience, à quel moment, de façon à reconstituer l'intégralité de

6 l'événement.

7 Mais chez nous, il nous arrivait que l'on amène des blessés.

8 Lorsque nous posions ce genre de question, les gardiens avaient pour

9 habitude de répondre : "Il est tombé et il s'est blessé." Mais je

10 connaissais M. Bosko Samoukovic et je sais qu'il n'avait pas de malaise

11 de ce genre avant la guerre.

12 C'est un travailleur des chemins de fer qui subissait un examen

13 médical tous les ans, et il travaillait sur des trains en circulation. Il

14 avait donc une responsabilité. S'il avait souffert de tels malaises, il

15 aurait été déclaré incompétent pour ce genre de travail Et s'il avait

16 souffert d'épilepsie.

17 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, avez-vous une

18 conversation avec M. Esad Landzo lorsqu'il est arrivé avec les prisonniers

19 qui ont amené M. Bosko Samoukovic ?

20 Témoin P (interprétation). - Non, il m'a simplement dit : "S'il

21 n'est pas près d'ici 6 heures, prépare-toi toi-même."

22 Mme McHenry (interprétation). - Excusez-moi, mais qu'avez-vous

23 compris que cela signifiait ?

24 Témoin P (interprétation). - Qu'il fallait se préparer à des

25 coups.

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1 Mme McHenry (interprétation). - A votre avis lorsqu'il vous a

2 dit : "S'il n'est pas prêt d'ici 6 heures, il (M. Bosko Samoukovic)",

3 qu'avez-vous compris que cela signifiait ? Comment l'avez-vous

4 interprété ?

5 Témoin P (interprétation). - J'ai compris que cela voulait dire

6 que l'on allait revenir le chercher pour le passer de nouveau à tabac.

7 Mme McHenry (interprétation). - Outre le fait d'avoir remarqué

8 qu'il avait des douleurs à la poitrine et qu'une côte était cassée,

9 pouvez-vous nous dire quelles autres observations vous avez pu faire au

10 sujet de l'aspect extérieur de M. Bosko Samoukovic ?

11 Témoin P (interprétation). - Son aspect extérieur était assez

12 lamentable, il avait du mal à respirer. Je ne peux pas qualifier les

13 choses de façon plus précise, car seul un pathologiste peut vous apporter

14 dès qualifications plus exactes.

15 Mais sur le plan de l'examen clinique, j'ai constaté des

16 crépitement. Je pense donc qu'il y avait un problème au niveau du thorax.

17 Je n'ai pas pu bien sûr avoir des radios. J'étais prisonnier, je ne

18 pouvais donc rien demander de spécial. Si je demandais quelque chose de

19 spécial, je me faisais frapper. Donc, je ne demandais rien de spécial.

20 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, outre l'examen

21 clinique auquel vous avez procédé, avez-vous pu constater quo que ce soit

22 au sujet de son aspect extérieur ? Je ne vous demande pas de nous dire

23 quels examens techniques vous avez effectués ou pas, mais y avait-il

24 d'autres signes sur son corps qui indiquaient la présence de blessures ?

25 Par exemple, y avait-il du sang, des contusions, des signes de

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1 brûlure ?

2 Témoin P (interprétation). - Je n'ai pas pu remarquer cela. Pour

3 autant que je me souvienne aujourd'hui, je n'ai pas pu remarquer quoi que

4 ce soit à ce moment-là. Il m'a simplement dit qu'il avait été passé à

5 tabac.

6 Mme McHenry (interprétation). - Lorsqu'il a déclaré que c'est M.

7 Esad Landzo qui l'avait frappé, a-t-il utilisé les termes : "Monsieur

8 Landzo" ? Ces termes précis ?

9 Témoin P (interprétation). - Non, il a dit : "C'est Zenga qui

10 m'a frappé." Et il n'arrêtait pas de dire : "J'étouffe, j'étouffe.".

11 Mme McHenry (interprétation). - A peu près à quel moment cela

12 s'est-il passé si vous le savez ? Je parle de la mort de M. Bosko

13 Samoukovic ?

14 Témoin P (interprétation). - Et bien voyez-vous, j'établis un

15 lien avec un événement important qui s'est passé là-bas aussi le 12

16 juillet. Pendant quatre, cinq ou peut-être six jours après le 12 juillet -

17 était-ce le 15, le 16, le 17, le 18 juillet, je n'en suis pas sûr, mais en

18 tout cas cela a eu lieu au cours de la seconde moitié du mois de juillet.

19 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Aviez-vous vu M. Bosko

20 Samoukovic dans le camp à quelque moment que ce soit, avant son arrivée

21 au dispensaire ?

22 Témoin P (interprétation). - Oui. Quelques jours avant, je

23 m'étais rendu dans le bâtiment n°, je ne savais pas qui je devais

24 examiner. Je l'ai vu, il ne se plaignait de rien et il avait l'air en bon

25 état physique.

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1 Mme McHenry (interprétation). - Qu'est il arrivé au corps de

2 M. Bosko Samoukovic ?

3 Témoin P (interprétation). - Je ne sais pas ce qu'il est advenu

4 du corps de M. Bosko Samoukovic. Je ne me rappelle pas aujourd'hui combien

5 de temps il est resté chez nous, après quoi il a été emporté, comment il a

6 été enterré ; ce sont des détails dont je n'ai pas connaissance.

7 Mme McHenry (interprétation). - Vous a-t-on demandé de remplir

8 un certificat de décès pour M. Bosko Samoukovic ?

9 Témoin P (interprétation). - J'essaie vraiment de décrire de

10 façon aussi réaliste que possible les choses qui se sont passées. Dans des

11 circonstances normales, il était courant de remplir un certificat de décès

12 et de donner l'autorisation d'inhumation. Mais de quel certificat aurais-

13 je pu parler, de quelle(s) blessure(s) aurais-je pu parler, de quelle

14 autorisation d'inhumer aurais-je pu parler ?

15 Je vous en prie, vraiment, je n'étais pas en mesure d'écrire

16 quoi que ce soit. Je n'avais pas le droit d'écrire quoi que ce soit. Cela

17 aurait été équivalent à signer mon arrêt de mort.

18 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, qui que ce soit du

19 camp - je ne parle pas d'un autre détenu - ou d'extérieur au camp - mais

20 je ne parle pas d'un détenu - vous a jamais demandé ce qui était arrivé à

21 M. Bosko Samoukovic ?

22 Témoin P (interprétation). - Je crois qu'un jour sa fille est

23 venue et m'a demandé ce qui s'était passé. Je n'ai pas voulu lui donner de

24 détail, j'ai simplement dit qu'il était mort.

25 Mme McHenry (interprétation). - Savez-vous si, oui ou non, une

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1 personne liée au camp a accompli la moindre enquête ou vous a posé la

2 moindre question dans le cadre d'une enquête relative aux circonstances

3 ayant entouré le décès de M. M. Bosko Samoukovic ?

4 Témoin P (interprétation). - Je ne suis pas au courant de cela.

5 Mme McHenry (interprétation). - Très bien. Et s'agissant de

6 M. Avramovic ou de M. Mrkajic, savez-vous si oui ou non il y a eu une

7 enquête au sujet de leur décès ? Avez-vous été interrogé au sujet de leur

8 décès ?

9 Témoin P (interprétation). - Oui, des questions m'ont été posées

10 au sujet de Sedo. On m'a demandé de quoi il était mort. J'ai répondu

11 simplement de façon à me mettre, moi-même et les autres détenus, le moins

12 possible en danger. J'ai dit qu'il était mort d’un infarctus. En effet, on

13 n’arrêtait pas de me demander : "de quoi est-il mort, de quoi est-il

14 mort ?"

15 Mais plus tard, un homme d’un certain âge m’a dit que Sedonja

16 avait une blessure à la tête, qu’il s’était fracassé la tête en heurtant

17 le sol en béton. C’est M. Ivanovic qui m’a dit cela, Miljian je crois.

18 Mme McHenry (interprétation). - Vous avez dit, lors de la

19 déclaration de ce qui était arrivé à M. Samo que le nom de Landzo,

20 surnommé "Zenga", avait été mentionné et qu’il s’agissait d’un garde du

21 camp. Est-ce que vous connaissiez le surnom de "Zenga", à l’époque où il

22 était dans le camp ?

23 Témoin P (interprétation). - Non, il vivait dans la même rue que

24 moi. Il habitait au rez-de-chaussée. Je le connais vaguement, mais je ne

25 l'ai jamais connu vraiment, son nom de famille en particulier. Je sais

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1 qu’il a trois noms de famille : "Lavic, Luvic et Landzo" qui peuvent

2 correspondre aux gens qui habitaient dans ce quartier de Glavapicevo.

3 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous jamais appris son vrai

4 nom ?

5 Témoin P (interprétation). - Oui.

6 Mme McHenry (interprétation). - L’avez appris après avoir quitté

7 le camp ?

8 Témoin P (interprétation). - Non, j'ai quitté la région de la

9 municipalité de Konjic le 16 octobre. Plus tard, il n'y avait pas

10 d'anciens détenus là où je me trouvais, donc je n'avais plus personne à

11 qui parler de ce genre de choses. Mais lorsque je me suis retrouvé à

12 Belgrade, pour des séances de recyclage, je rencontras souvent d'anciens

13 détenus et nous discutions les uns avec les autres. Nous disions : "te

14 souviens-tu de cela, de tel endroit ?" C’étaient des conversations

15 difficiles pour moi. C’est seulement à ce moment-là que j'ai appris son

16 vrai nom.

17 Mme McHenry (interprétation). - Je ne vous demande pas de citer

18 leur nom, mais j'aimerais simplement savoir si pendant que vous vous

19 trouviez dans le camp, vous avez jamais été informé qu'une personne était

20 morte dans le camp, même si vous n'aviez pas été celui qui personnellement

21 avait traité cette personne ou même si vous n'avez pas vu personnellement

22 le cadavre.

23 Témoin P (interprétation). - Oui.

24 Mme McHenry (interprétation). - Je vais vous poser des questions

25 précises, Monsieur P, pouvez-vous nous dire si vous savez quoi que ce

Page 4401

1 soit ?

2 M. O'Sullivan (interprétation). - Objection, Monsieur le

3 Président ! Il s’agit de ouï-dire, de narration, de propos tenus par

4 d'autres. Le témoin ne peut pas s'appuyer sur son expérience personnelle.

5 Mme McHenry (interprétation). - C’est exact, mais si je

6 comprends bien la jurisprudence appliquée dans Tribunal, le ouï-dire peut

7 être acceptable lorsqu'il s'agit de propos fiables. J’essaie simplement de

8 voir si ce ouï-dire, considéré dans certains systèmes, est fiable ou pas.

9 M. O'Sullivan (interprétation). - On ne peut pas poser la

10 question, recevoir la réponse et ensuite établir la fiabilité des propos

11 tenus. Il faut que l'ordre des facteurs soit différent.

12 Mme McHenry (interprétation) - Permettez-moi de répondre en

13 quelques mots. Monsieur le Président, je crois qu'il est tout à fait

14 convenable et que c'est en fait la solution la plus efficace et dans

15 certains cas la seule solution pour obtenir des informations en

16 s'enquérant des circonstances dans lesquelles quelqu'un a appris quelque

17 chose.

18 Il semble inutile d'utiliser des moyens techniques particuliers

19 pour faire connaître toutes les circonstances. Je pense que les juges

20 peuvent entendre quelle est la nature de ces circonstances, déterminer si

21 oui ou non les propos tenus par le témoin sont fiables. Si ces propos ne

22 sont pas fiables, les juges peuvent ne pas en tenir compte. Si des

23 objections permanentes sont élevées sur la base d'un aspect normatif

24 stipulant qu'il faut agir de telle et telle façon -a), b), c)- alors nous

25 ne pourrons pas travailler de façon efficace.

Page 4402

1 M. Jan (interprétation). - Vous établissez ici une règle très

2 générale. S'il a dit : "J'ai entendu telle ou telle chose dite au sujet du

3 décès de cet homme", je crois comprendre que cette personne peut être

4 interrogée". Mais dire simplement : "J'ai entendu que d'autres personnes

5 sont mortes", cela ne demande pas une réponse fiable ou pertinente.

6 Mme McHenry (interprétation) - Je suis d'accord avec vous,

7 monsieur le Juge, je crois que poser des questions au sujet des

8 circonstances dans lesquelles le témoin a appris telle ou telle chose et

9 de qui il l'a appris peut être intéressant. Je ne dis pas que les juges ne

10 devraient pas entendre parler des circonstances, y compris de la personne

11 qui est la source de l'information. Mais les objections ne sont pas un

12 moyen approprié ou nécessaire de fonctionner.

13 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Juge, je pense que la

14 décision Tadic est très claire sur ce point. Le ouï-dire a été évoqué à

15 plusieurs reprises, s'agissant du recueil des éléments de preuve.

16 M. Jan (interprétation). - Il faut que la fiabilité soit avérée

17 et qu'il y ait un lien entre la fiabilité et la source d'information.

18 Mme McHenry (interprétation) - Je suis tout à fait d'accord

19 monsieur le juge. Je suis également d'accord avec Maître Moran, mais il

20 n'y a rien dans l'arrêt Tadic qui explique de quelle façon précise les

21 choses doivent se faire et je pense que normalement lorsqu'un témoin

22 décrit quelque chose, les circonstances dans lesquelles il a reçu

23 l'information transparaissent. Je crois que c'est la seule manière de

24 parvenir à cette fin.

25 M. le Président (interprétation). Posez donc la question.

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1 Mme McHenry (interprétation) - Merci Monsieur le Président.

2 Monsieur, pouvez-vous nous dire de la bouche de qui vous avez appris

3 quelque chose au sujet de Pedko Gligorevic et des circonstances dans

4 lesquelles vous l'avez appris ?

5 Témoin P (interprétation). - J'ai appris de la bouche de

6 certains détenus que Pedko Gligorevic était mort le 27 au matin, dans la

7 prison.

8 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, je vous

9 prie de m'excuser. Lorsque la question porte sur un qui, la réponse ne

10 consiste pas à parler des détenus. Or le fondement juridique ici, c'est

11 l'établissement de la fiabilité et celle-ci ne peut pas être avérée

12 lorsque dans la réponse il est question de détenus. Il faut qu'il soit

13 question d'une personne identifiée.

14 M. le Président (interprétation). - Mais il y a un problème

15 parce que vous ne permettez pas au témoin de divulguer la totalité des

16 choses. Lorsque ce sera fait, nous verrons si c'est recevable ou pas, mais

17 laissez le parler. Nous statuerons ensuite sur la recevabilité.

18 Mme McHenry (interprétation) - Merci, je demanderai à la partie

19 adverse de cesser d'interrompre le témoin.

20 Monsieur, pouvez-vous poursuivre votre récit ?

21 M. Ackerman (interprétation). - Je fais objection. Je peux

22 élever une objection à quelque moment que ce soit, et notamment lorsque le

23 témoin ne répond pas précisément à la question. C'est mon droit le plus

24 strict.

25 M. le Président (interprétation). Je vous remercie, mais je vous

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1 prie de nous laisser entendre la réponse.

2 Témoin P (interprétation). - Lorsque j'étais assigné à

3 résidence, j'ai vu arriver un certain Blaro du HVO. Je ne connais pas son

4 prénom. Il allait rendre visite à des gens qui se trouvaient à Donje Selo.

5 C'est là que j'ai rencontré un membre de la famille de Mrkajic. J'ai vu

6 qu'elle était habillée en noir. Je lui ai demandé ce qui était arrivé. Je

7 savais que le mari, Scepo, était mort en prison. Elle m'a dit : "Eh bien

8 tu vois, mon mari et mon frère Petko aussi".

9 Mme McHenry (interprétation) - Est-ce que vous avez des membres

10 de votre famille qui ont une relation quelconque avec M. Petko

11 Gligorevic ?

12 Témoin P (interprétation). - Koviljka Gligorevic est la soeur de

13 Petko Gligorevic et c'est la tante de Mrkajic.

14 Mme McHenry (interprétation) - Merci. Pouvez-vous me dire si

15 vous avez des renseignements quelconques au sujet d'un détenu appelé

16 Slavko Sucic ?

17 Témoin P (interprétation). - Oui, c'était un détenu.

18 Mme McHenry (interprétation) - Pouvez-vous nous dire si vous

19 avez fait une quelconque observation au sujet du traitement subi par

20 M. Slavko Susic ?

21 Témoin P (interprétation). - J'ai vu Slavko Susic deux fois :

22 une fois c'était dans le bâtiment 22. Nous avions des lits assez hauts

23 dans ce bâtiment et nous pouvions donc regarder ce qui se passait par la

24 fenêtre, à l'extérieur. J'ai jeté un coup d'oeil ce jour-là et j'ai vu

25 M. Delic et M. Landzo qui frappaient Slavko Susic.

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1 La deuxième fois que je l'ai vu, c'est lorsqu'on m'a demandé

2 d'examiner Sreten Zelenovic. Je l'ai examiné, je lui ai dit qu'il fallait

3 lui administrer de la pénicilline. On a fait sortir Sreten du bâtiment

4 n° 9 ; il était allongé sur le béton, je me suis agenouillé à côté de lui

5 et je lui ai fait une piqûre de pénicilline.

6 J'ai remarqué à ce moment-là que Slavko Susic, qui était je

7 pense en troisième position sur la gauche à partir de la porte -je crois

8 qu'il portait des pantalons de couleur crème et des bottes de mineur

9 retournées- était en très mauvais état.

10 Mme McHenry (interprétation) - Pouvez-vous nous dire quelle

11 rencontre a eu lieu la première ? Avez-vous d'abord vu M. Delic et

12 M. Landzo frapper M. Susic ? L'avez-vous rencontré dans le tunnel n° 9 la

13 deuxième fois ?

14 Témoin P (interprétation). - La première occasion, c'est

15 lorsqu'il s'est fait passer à tabac. La deuxième occasion, c'est le jour

16 où je lui ai administré une injection.

17 Mme McHenry (interprétation) - Très bien. Revenons à la première

18 fois où vous avez vu M. Susic. Lorsque vous dites que vous avez vu

19 M. Delic et M. Landzo en train de le frapper, pouvez-vous nous donner

20 davantage de détails au sujet de ce que vous avez vu exactement ? Par

21 exemple, est-ce que l'un ou l'autre avait un instrument dans la main ?

22 Pouvez-vous nous dire exactement ce que vous avez vu personnellement à ce

23 moment-là ?

24 Témoin P (interprétation). - J'ai entendu des gémissements, mais

25 je n'avais pas le droit d'être à la fenêtre. Si quelqu'un me voyait en

Page 4406

1 train de regarder par la fenêtre, j'étais fini. Donc je n'ai pas de détail

2 concret. Cela a été un échange de regards d'un instant.

3 Mme McHenry (interprétation) - Et pendant cet échange de

4 regards, avez-vous pu vous rendre compte si M. Landzo ou M. Delic

5 portaient à la main un instrument quelconque ?

6 Témoin P (interprétation). - Oui, Delic en avait un.

7 Mme McHenry (interprétation) - Pouvez-vous, je vous prie, nous

8 dire exactement ce que vous avez vu entre les mains de Delic et s'il

9 faisait quoi que ce soit avec cet instrument ?

10 Témoin P (interprétation). - Je n'ai vu cet objet qu'un instant

11 à peine, mais de quoi s'agissait-il exactement, je ne peux pas vous le

12 dire. Je ne me rappelle pas en fait.

13 Mme McHenry (interprétation) - Vous dites qu'il l'agitait, mais

14 l'agitait-il près de M. Susic ou loin de M. Susic ?

15 M. le Président (interprétation). - Il vient de dire qu'il ne se

16 souvient pas. Alors comment pouvez-vous lui poser des questions

17 supplémentaires au sujet de cet incident ?

18 Mme McHenry (interprétation) - Vous avez raison. Vous dites que

19 vous ne vous souvenez pas, monsieur. Est-ce que vous ne vous souvenez pas

20 de ce qui s'est passé ou est-ce que vous ne vous souvenez pas exactement

21 de la nature de cet objet contondant ?

22 Témoin P (interprétation). - Je ne me rappelle pas exactement

23 quel était cet objet parce qu'ils avaient aussi des matraques et des

24 battes de base-ball. Ils avaient aussi ce qu'on appelait des matraques

25 électriques. Ils avaient des pieds de chaise, des pieds de table, des

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1 morceaux de planche, des poignées de pelle, des choses comme cela. Voilà

2 quel était l'essentiel des objets qui étaient utilisés dans les passages à

3 tabac. Mais je ne me rappelle pas exactement celui qui a été utilisé dans

4 cette circonstance particulière.

5 Mme McHenry (interprétation) - Monsieur vous avez commencé à

6 répondre et je ne suis pas sûre que votre réponse ait été entièrement

7 interprétée. Vous avez dit que vous avez vu M. Delic agiter un instrument

8 contondant. Pouvez-vous vous rappeler à quelle distance il était de

9 M. Susic ? Aviez-vous l'impression qu'il l'agitait en direction de

10 M. Susic ou seulement en l'air ?

11 M. le Président (interprétation). - Il a simplement parlé

12 d'objets contondants. Je ne sais vraiment pas ce que vous souhaitez lui

13 faire dire.

14 Mme McHenry (interprétation) - Essayons d'être plus précis.

15 Monsieur, à quelle distance, si vous pouvez le dire, se trouvait M. Delic

16 de M. Susic lorsque vous l'avez vu agiter cet instrument contondant ?

17 Témoin P (interprétation). - Il était près, près.

18 Mme McHenry (interprétation) - Et puis vous avez déclaré avoir

19 vu plus tard M. Susic et qu'il était en mauvais état physique. Pouvez-vous

20 nous dire ce qui, plus précisément, vous pousse à dire qu'il était en

21 mauvais état physique, si vous le savez ?

22 M. le Président (interprétation). - Nous allons aller déjeuner

23 et vous allez reprendre cette longue déclaration après le déjeuner.

24 Mme McHenry (interprétation) - Merci.

25 L'audience est suspendue à 13 heures.

Page 4408

1

2 L'audience est reprise à 14 heures 35.

3 M. le Président (interprétation). - Bon après-midi, Mesdames et

4 Messieurs. Où en étions-nous ? Vous pouvez poursuivre, Madame McHenry.

5 Mme McHenry (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

6 Avant la pause du déjeuner, nous étions en train de parler de Slavko

7 Susic. Voudriez-vous nous dire ce que vous vouliez dire lorsque vous

8 disiez l’avoir vu en mauvais état au tunnel n° 9 ? Qu'avez vous pu

9 constater de son état ?

10 Témoin P (interprétation). - Il avait l’air épuisé et, de façon

11 générale, il était en mauvais état. Il avait l'air d'un prisonnier épuisé.

12 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous pu voir des traces de

13 contusion ou d'abrasion sur son corps ?

14 Témoin P (interprétation). - Non, je n'ai pas constaté cela.

15 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous par la suite appris de

16 qui que ce soit qui travaillait au camp ce qui était arrivé à M. Susic ?

17 M. O'Sullivan (interprétation). - Objection, Monsieur le

18 Président ! Il s'agirait ici de ouï-dire.

19 Mme McHenry (interprétation). - Puis-je poursuivre, Monsieur le

20 Président ?

21 M. le Président (interprétation). - Oui.

22 Mme McMurrey (interprétation). - Monsieur le Président,

23 l'objection porte sur la connaissance personnelle. Le témoin a déjà dit

24 qu'il avait vu ce qui était arrivé à Slavko Susic et ce que demande

25 maintenant l'accusation relève du ouï-dire, ce qui est couvert par notre

Page 4409

1 objection. Le témoin ne va pas parler de ce qu’il connaît de façon

2 personnelle.

3 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, en vertu de

4 l'ordonnance rendue dans l'affaire Tadic, je pense que l'accusation doit

5 prouver la fiabilité de ce témoignage de seconde main.

6 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, je pense

7 que la réponse du témoin décrira les circonstances dans lesquelles il a

8 appris ce qu'il a appris et vous pourrez alors décider si ce qu’il

9 rapporte est fiable. Au sens de l'accusation, il s'avérera que cela est

10 fiable.

11 M. le Président (interprétation). - Veuillez poser la question

12 au témoin.

13 Mme McHenry (interprétation). - De fait, jusqu'ici, je lui ai

14 demandé s'il a appris quelque chose. Je n'ai pas encore demandé au témoin

15 ce qu'il avait appris le cas échéant, de sorte que la question qui est

16 posée pour l'instant est : est-ce que le témoin a jamais appris quelque

17 chose de la bouche de quelqu'un d'autre quant à ce qui s'est passé avec

18 M. Susic.

19 M. le Président (interprétation). - Je pense que vous pouvez

20 poser cette question.

21 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, je pense

22 qu'il faudrait parvenir à une solution concernant cette question. Je

23 rappellerai à la Chambre qu'avant le déjeuner, lorsqu'une question

24 similaire a été posée, Mme McHenry a informé la Chambre qu'elle pourrait

25 prouver ensuite que l'information venait d'une source fiable.

Page 4410

1 Cette source s'est avérée être la femme d'un cousin de la

2 personne dont nous parlions, qui n'a jamais été à Celebici. Dieu sait de

3 qui elle a obtenu cette information. Je pense donc que la seule façon pour

4 la Chambre de pouvoir juger de la fiabilité d'une source est que

5 l'accusation commence par identifier la source et par dire s'il s'agit

6 d'une connaissance directe ou si c'est une information qui est passée par

7 le truchement d'une dizaine de personnes avant de parvenir au témoin.

8 Je pense qu'il serait tout à fait irrégulier de suivre

9 l'accusation qui veut d'abord obtenir le moyen de preuve et nous

10 convaincre que celui-ci est fiable. Je pense que ce serait là atteler la

11 charrue avant les boeufs.

12 M. le Président (interprétation). - A mon sens la Chambre de

13 première instance ne peut statuer avant d'avoir entendu ce que le témoin a

14 à dire. Ce serait également atteler la charrue avant les boeufs. Il faut

15 d'abord savoir ce qui est suggéré avant de pouvoir décider de la fiabilité

16 de ce qui est dit.

17 Il ne suffit pas de dire, d'interdire de parler de telle ou

18 telle chose. Lorsque le témoin aura fournir une réponse à la question

19 posée, nous pourrons juger si cette réponse est recevable ou non.

20 M. Jan (interprétation). - Pourquoi ne posez-vous pas d'abord la

21 question suivante : est-ce que le témoin était au courant de l'état de

22 Susic ?

23 Mme McHenry (interprétation). - Très bien, Monsieur le

24 Président, je peux procéder ainsi. Monsieur le témoin, peu de temps après

25 avoir vu M. Susic, avez-vous entendu des gardes au camp discuter de l'état

Page 4411

1 de M. Susic ? Pouvez-vous simplement me dire si oui ou non, pour

2 commencer, vous avez entendu des gardes parler de M. Susic et ce peu de

3 temps après que vous ayez vu vous-même M. Susic ?

4 Témoin P (interprétation). - D'abord, j'ai constaté que Susic

5 était mort ; je l'ai appris de la bouche de Marko Mrjkajic qui était

6 détenu au camp. En effet, nous allions ensemble chercher de la

7 nourriture ; c'était parfois moi qui allais chercher de la nourriture,

8 parfois lui, et nous nous retrouvions pour ramener la nourriture. C'est à

9 moment-là que j'ai entendu dire que Susic était mort. Ce n'est qu'après

10 que j'ai entendu des gardes rire et l'un d'entre eux dire : "Macic l'a

11 achevé". Voilà ce que j'ai entendu.

12 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous dire,

13 s'agissant de cette conversation que vous avez surprise entre les gardes,

14 combien de temps s'était écoulé depuis le moment où vous aviez aperçu

15 M. Susic dans le tunnel ?

16 Témoin P (interprétation). - Je crois dans les deux jours.

17 M. Jan (interprétation). - Il doit dire la conversation entière,

18 car il aurait pu entendre au passage une phrase qui n'expliquerait pas

19 toute la situation.

20 Mme McHenry (interprétation). - Très bien.

21 M. le Président (interprétation). - Pas même le lien, ce qui

22 s'est passé.

23 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, pouvez-vous vous

24 rappeler et dire à la Chambre de façon précise les circonstances dans

25 lesquelles vous avez surpris ces propos entre les gardes ?

Page 4412

1 Témoin P (interprétation). - Je l'ai déjà dit, j'ai dit ce que

2 j'avais entendu et de qui j'avais entendu l'information comme quoi Slavko

3 était mort.

4 Mme McHenry (interprétation). - Merci.

5 M. le Président (interprétation). - Pouvez-vous nous dire

6 comment cette personne de qui vous avez reçu l'information a vu

7 l'intéressé mourir ? Est-ce qu'on l'a vue ?

8 M. Jan (interprétation). - Vous voyez, une fois que vous entrez

9 dans ces questions de ouï-dire, il faut avancer des éléments aussi.

10 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président je pense

11 ...

12 Témoin P (interprétation). - Zerko Mrkajic était aussi détenu au

13 n°°9, là où se trouvait Slavko Susic.

14 M. le Président (interprétation). - Il est possible qu'il ait

15 entendu la même chose que vous. Il faut que quelqu'un qui était là présent

16 ait su que l'intéressé était mort et ait assisté au décès, car vous

17 comprenez que ouï-dire sur ouï-dire sur ouï-dire ne nous mène nulle part.

18 Nous voulons trouver quelqu'un dont le témoignage soit fiable pour pouvoir

19 l'entendre.

20 Témoin P (interprétation). - Zerko Mrkajic était aussi au n° 9,

21 là où se trouvait Slavko Susic, il était donc présent et c'est lui qui m'a

22 donné cette information. C'est une personne qui se trouvait bel et bien

23 là.

24 Mme McHenry (interprétation) - Merci. Monsieur, vous avez déjà

25 décrit M. Delic, debout près de M. Susic, avec un instrument contondant. Y

Page 4413

1 a-t-il eu une autre occasion où vous ayez vu M. Delic avec quelque

2 instrument que ce soit, à proximité ?

3 Témoin P (interprétation). - Monsieur Delic, je l'ai vu le 3

4 août 1992 ou à peu près, et cette fois-là, Resto Zuza a été amené. C'était

5 un malade mental dans une condition très grave, un cas très difficile. Il

6 avait quelque chose en main, un bâton, quelque chose qui sert à calmer, un

7 bâton électrique.

8 Mme McHenry (interprétation) - Je vais essayer d'aller plus

9 lentement. Vous avez dit que Resto Zuza était un malade mental, un cas

10 difficile. Est-ce que Resto Zuza était aussi détenu au camp ?

11 Témoin P (interprétation). - Oui, mais il était détenu au camp

12 de Musala.

13 Mme McHenry (interprétation) - Et avez-vous aussi aperçu M. Zuza

14 à Celebici ?

15 Témoin P (interprétation). - Oui, il est venu ce jour.

16 Mme McHenry (interprétation) - Je voudrais préciser ce point

17 avant d'aller de l'avant. Lorsque vous dîtes : "Il avait quelque chose, un

18 bâton électrique en main", qui est ce "il" ?

19 Témoin P (interprétation). - Monsieur Delic. Je peux vous

20 décrire la scène : c'est un bâton qui fait à peu près deux cartouches de

21 cigarettes de long, avec un bouton. Il s'approchait de Resto et lorsqu'il

22 appuyait sur ce bouton, cela déclenchait une secousse électrique. Et Resto

23 était projeté dans le coin.

24 Mme McHenry (interprétation) - Combien de fois avez-vous vu

25 M. Delic utiliser cet instrument contre M. Zuza ?

Page 4414

1 Témoin P (interprétation). - Deux fois.

2 M. Moran (interprétation). - J'objecte à cette série de

3 questions car le nom de M. Zuza n'apparaît pas plus tôt et je ne pense pas

4 que ces réponses soient pertinentes.

5 Mme McHenry (interprétation) - Monsieur le Président, le nom

6 n'est pas spécifiquement mentionné dans l'acte d'accusation, mais il se

7 trouve mentionné au chef d'accusation, sous le titre "actes inhumains

8 comprenant l'utilisation d'un appareil électrique". Il est dit que

9 M. Delic a utilisé cet instrument contre de nombreux détenus.

10 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, je pense

11 qu'au chef 42 et 43, on trouve des listes de noms. Qu'on me corrige si je

12 me trompe, mais il me semble que c'est la première fois que j'entends

13 parler de cette personne. Deuxième chose : encore une fois qu'on me

14 corrige si je me trompe, c'est la première fois que j'entends parler de

15 cet appareil électrique.

16 Si l'on veut des moyens de preuve concernant des actes

17 répréhensibles autres, peut-être faudrait-il d'abord présenter des moyens

18 de preuve relatifs aux actes répréhensibles qui sont incriminés dans

19 l'acte d'accusation. Je comprends que le Règlement de preuve et de

20 procédure...

21 M. le Président (interprétation). - Je ne suis pas sûr que nous

22 puissions épuiser la liste des actes inhumains.

23 M. Moran (interprétation). - Oui, excusez-moi.

24 M. le Président (interprétation). - Je vous dis que je ne suis

25 pas sûr que nous puissions épuiser les actes à caractère inhumain.

Page 4415

1 M. Moran (interprétation). - Oui, je comprends.

2 M. le Président (interprétation). - Nous ne savons jamais quels

3 sont les appareils qui pourraient tomber sous le coup des chefs 42 et 43.

4 M. Moran (interprétation). - Mon objection, Monsieur le

5 Président, porte sur le fait qu'il n'y a pas de pertinence pour ce qui est

6 de M. Susic tant que l'accusation n'aura pas présenté des moyens de preuve

7 comme quoi il s'agit des actes incriminés dans l'acte d'accusation.

8 Je comprends que le Règlement de preuve et de procédure prévoit

9 la présentation des moyens de preuve pour établir des violations graves

10 dans la présentation de la cause par l'accusation, mais je pense que

11 l'accusation doit d'abord avoir une cause à défendre.

12 M. le Président (interprétation). - Je vois que votre argument

13 porte sur le nom qui n'est pas mentionné dans l'acte d'accusation. Vous ne

14 dites pas que l'acte n'est pas inhumain.

15 M. Moran (interprétation). - Ce que je dis, Monsieur le

16 Président, c'est qu'il est peut-être possible de recevoir des moyens de

17 preuve concernant des incidents qui renforceraient la cause de

18 l'accusation, mais je ne pense pas que nous puissions le faire tant que

19 l’accusation n’a pas présenté certains moyens de preuve pour établir les

20 chefs mentionnés dans l'acte d'accusation.

21 Il faut d'abord que l’accusation présente des moyens de preuve

22 comme quoi Milenko Kuljanin et M. Dordic ont été eux aussi victimes de cet

23 appareil électrique. A cet égard, il n'est pas pertinent de présenter des

24 moyens de preuve comme quoi d'autres personnes auraient subi le même

25 traitement.

Page 4416

1 La raison pour laquelle le Règlement de preuve et de procédure

2 permet de présenter d'autres moyens de preuve est que cela peut contribuer

3 à prouver les allégations contenues dans l'acte d'accusation et aider

4 ainsi l'accusation à présenter sa cause.

5 Pour l'instant, nous avons entendu des moyens de preuve qui sont

6 étrangers aux faits reprochés dans l'acte d'accusation.

7 M. le Président (interprétation). - Mon interprétation est que

8 ce chef d'accusation ne se limite pas aux deux personnes qui sont

9 nommément mentionnées dans le texte. Le chef d'accusation va au-delà de

10 ces deux personnes.

11 M. Moran (interprétation). - Alors, Monsieur le Président,

12 puisque je n'ai rejoint les rangs de l'équipe de la défense que peu de

13 temps avant le procès, j'avancerai l'idée que cela ne suffit pas pour

14 satisfaire aux critères de notification écrite qui est prévue par le

15 règlement, car on pourrait alors parler de n'importe qui durant le procès.

16 M. le Président (interprétation). - J'imagine qu'il y en a

17 beaucoup et que si vous persistez à indiquer chacun d'entre eux, l'acte

18 d'accusation pourrait être une longue énumération des personnes qui ont

19 été traitées de cette façon. Ce que l'on ait fait en l'occurrence, c'est

20 donner quelques noms précis sans exclure les autres.

21 M. Moran (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je

22 comprends.

23 M. le Président (interprétation). - Vous auriez objecté à ce

24 type de formulation du chef d'accusation.

25 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, j'avance que

Page 4417

1 si l'accusation peut prouver ce qui s'est passé à n'importe qui pour

2 établir ce chef d'accusation, nous ne recevons pas alors la notification

3 des charges requises par le statut et le règlement.

4 M. le Président (interprétation). - Oui, mais aucun nom ne doit

5 être rajouté à la liste pour autant.

6 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, je pense que

7 lorsque l'accusation a rédigé l'acte d'accusation il y a un an et demi,

8 elle aurait dû préciser qui avaient été les victimes.

9 M. le Président (interprétation). - Si vous mettez en cause

10 l'acte d'accusation pour raison d'imprécision, je n'accepte pas votre

11 argument. Je pense que l'acte d'accusation est suffisamment précis et

12 mentionne deux personnes précises.

13 Vous dites qu'on ne peut parler de personnes qui ne soient

14 mentionnées dans l'acte d'accusation ?

15 M. Moran (interprétation). - Oui, parce qu'il me semble que le

16 statut et le règlement exigent que la défense reçoive notification des

17 noms des personnes intéressées par les faits reprochés dans l'acte

18 d'accusation.

19 M. Jan (interprétation). - L’accusation est en train d'essayer

20 de prouver la nature des faits reprochés dans l'acte d'accusation,

21 indépendamment du nom.

22 M. Moran (interprétation). - Nous avons reçu le nom de deux

23 personnes.

24 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, si vous

25 me permettez d'intervenir, je voudrais dire que deux personnes sont

Page 4418

1 effectivement mentionnées et que si la défense avait voulu contester cette

2 présentation de l'acte d'accusation, elle aurait dû le faire dans le cadre

3 d'une exception préjudicielle préalable au procès.

4 Or, il y a eu bel et bien des exceptions déposées par la défense

5 de M. Delic contestant l'acte d'accusation, exceptions qui ont été

6 rejetées. Quels que soient les arguments qui ont été présentés, je pense

7 que nous devrions maintenant autoriser le témoin à poursuivre sa

8 déposition.

9 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.

10 Mme McHenry (interprétation). - Si je me souviens bien, Monsieur

11 le témoin, vous étiez en train de décrire cet appareil.

12 Témoin P (interprétation). - Oui, effectivement.

13 Mme McHenry (interprétation). - Voudriez-vous poursuivre cette

14 description et nous dire ce que vous avez pu observer ?

15 Témoin P (interprétation). - Comme je l'ai dit, il s'agit d'un

16 appareil qui fait à peu près deux cartons de cigarettes de long avec un

17 bouton sur le côté et, plus tard, certains m'ont dit que cet appareil

18 servait pour abattre le bétail. J'ai pu constater effectivement que ce

19 bâton provoquait des spasmes, des secousses chroniques et Risto était

20 projeté dans le coin de la pièce lors que ce bâton était utilisé contre

21 lui.

22 Mme McHenry (interprétation). - Vous dites que cela s'est passé

23 à peu près le 3 août 1992. Pouvez-vous nous dire ce qui fait que vous vous

24 souvenez de la date ?

25 Témoin P (interprétation). - Le 2 août correspond à la fête de

Page 4419

1 mon père. C'est le jour du saint patron de mon père. Mon père était encore

2 en prison à l'époque, ainsi que mon frère. Mes parents étaient encore

3 emprisonnés, mais je pense que c'est le 3 août que M. Mucic avait son

4 anniversaire.

5 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que M. Mucic était

6 présent le 3 août à Celebici ?

7 Témoin P (interprétation). - C'était son anniversaire. Il était

8 là à son anniversaire. Il m'a parlé, il m'a invité à m'asseoir à une table

9 et il m'a offert à boire. ainsi qu'à manger. Il y avait un gigot d'agneau.

10 Mme McHenry (interprétation). - Savez-vous si quelqu'un a filmé

11 tout ou partie de cette fête d'anniversaire ?

12 Témoin P (interprétation). - Oui, M. Mucic avait une caméra et

13 il a filmé une partie de la fête.

14 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que M. Mucic était

15 présent lorsque M. Delic utilisait cet appareil électrique contre

16 M. Zuza ?

17 Témoin P (interprétation). - Non.

18 Mme McHenry (interprétation). - Très bien. Le cas échéant,

19 qu'avez-vous pu observer d'autre ce jour-là, pour ce qui est de ce qui

20 s'est passé avec M. Zuza ?

21 Témoin P (interprétation). - Risto a été obligé à chanter des

22 chansons populaires et, ensuite, rien de particulier ne lui est arrivé.

23 Mme McHenry (interprétation). - Etiez-vous présent durant la

24 totalité de la fête d'anniversaire ou êtes-vous parti à la fin de la

25 journée ?

Page 4420

1 Témoin P (interprétation). - Je suis parti à la fin de la

2 journée. On m'a conduit.

3 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, y avait-il à Celebici

4 un détenu qui s'appelait Zeljko Milosevic ?

5 Témoin P (interprétation). - Oui, effectivement Zeljko Milosevic

6 était là,. Il était au bâtiment n° 9.

7 Mme McHenry (interprétation). - Voulez-vous dire à la Chambre ce

8 que vous-même avez pu constater éventuellement quant au traitement réservé

9 à Zeljko Milosevic.

10 Témoin P (interprétation). - Je l'ai vu à travers la fenêtre du

11 bâtiment n° 22. J'ai aussi grimpé et j'ai vu Delic et Landzo en train de

12 frapper à coups de pied Zeljko Milosevic.

13 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce quelqu'un d'autre était

14 présent auprès de M. Milosevic ?

15 Témoin P (interprétation). - Non, je n'ai vu personne d'autre.

16 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous décrire plus en

17 détail ce que vous avez vu. Par exemple, où est-ce que cela s'est passé ?

18 Combien de temps cela a duré et cette personne a-t-elle été battue

19 autrement qu'à coups de pied ? Pouvez-vous nous dire tout ce que vous vous

20 remémorez concernant cet incident ?

21 Témoin P (interprétation). - Je ne cesse de répéter que je

22 n'osais pas passer trop de temps à la fenêtre. Il arrivait qu'on voit des

23 prisonniers venant du n° 9 alors qu'on les faisait sortir pour qu'ils se

24 lavent et, puis, si on entendait des plaintes, des gémissements, nous

25 levions la tête, les yeux, mais nous n'osions pas regarder trop longtemps

Page 4421

1 parce que si on nous voyait à la fenêtre et si un garde nous voyait, nous

2 savions quelles en seraient les conséquences. C'est donc ce que j'ai vu.

3 Je l'ai vu alors qu'il était frappé à coups de pieds.

4 Mme McHenry (interprétation). - Pourriez-vous nous dire où il se

5 trouvait dans le camp à ce moment-là ?

6 Témoin P (interprétation). - Derrière le n° 9.

7 Mme McHenry (interprétation). - Merci.

8 A nouveau, sans trop nous donner de détails, est-ce que l'on

9 vous a dit ce qu'il est advenu de M. Milosevic ?

10 Témoin P (interprétation). - Oui, par la suite, nous avons

11 appris, parce que des détenus du n° 9 venaient se faire examiner là où

12 nous étions, au bâtiment 22 et, lorsqu'ils se préparaient à l'examen, il

13 arrivait que les gens blessés nous disent ce qui se passe au bâtiment

14 n° 9. Les gens ont dit : "Milosevic est mort."

15 Mme McHenry (interprétation). - Vous souvenez-vous d'une

16 personne précise, quelle qu'elle soit, qui vous aurait dit que

17 M. Milosevic était mort ?

18 Témoin P (interprétation). - Oui, Dragan Mrkajic. Il était

19 détenu au bâtiment n° 9.

20 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que Mrkajic a vu le corps

21 de M. Milosevic?

22 Témoin P (interprétation). - Nous n'en avons pas discuté.

23 Mme McHenry (interprétation). - Après que vous ayez assisté au

24 passage à tabac de M. Milosevic, après cet incident, combien de temps

25 s'est écoulé avant que M. Mrkajic vous fasse part de la mort de

Page 4422

1 Milosevic ? Approximativement.

2 Témoin P (interprétation). - Après deux ou trois jours.

3 Mme McHenry (interprétation). - Auparavant, vous avez cité

4 M. Hazim Delic. Comment le connaissiez-vous, Hazim Delic ?

5 Témoin P (interprétation). - Je le connaissais très bien et je

6 connaissais surtout son père, sa mère, parce que souvent, je venais

7 traiter ses parents à là maison. C'étaient des gens tout à fait

8 convenables. Il venait me voir pour demander un congé de maladie parce

9 qu'il voulait aider son père qui avait pris une retraite assez tôt. Ils

10 avaient un magasin, une menuiserie et, pour se faire un peu d'argent, il

11 demandait des congés de maladie et j'ai toujours répondu positivement à

12 ces demandes.

13 Mme McHenry (interprétation). - Quel était le rôle de M. Delic,

14 pour autant vous le sachiez, au camp ?

15 Témoin P (interprétation). - Je sais qu'il était commandant

16 adjoint du camp.

17 Mme McHenry (interprétation). - Comment le savez-vous ?

18 Témoin P (interprétation). - Je le sais parce que tous les

19 gardes se tournaient vers lui lorsqu'ils avaient besoin de quelque chose.

20 C'est lui qui relevait les médicaments qu'il fallait apporter, c'est lui

21 qui les amenait, c'est lui aussi qui amenait un détenu au bâtiment 22. Je

22 sais qu'il a amené en voiture Branko Gotovac, un monsieur très âgé, qui

23 avait été battu.

24 Cet homme avait une hernie énorme sur le flanc droit et je sais

25 que c'est Delic qui l'a amené en voiture et, puis, Delic a amené aussi un

Page 4423

1 autre homme assez âgé en voiture. Il s'agissait de Milorad Jovanovic.

2 Mme McHenry (interprétation). - Lors que vous êtes arrivé au

3 camp de Celebici -cela s'est passé au mois de juin-, est-ce que vous avez

4 constaté quoi que ce soit quant à l'état de santé, à la condition physique

5 de M. Delic ?

6 Témoin P (interprétation). - Oui. Il boitait d'un pied. Je ne me

7 rappelle plus lequel d'ailleurs, mais il boitait, et je pense qu'à deux

8 reprises...

9 Mme McHenry (interprétation). - Poursuivez.

10 Témoin P (interprétation). - ... à deux reprises, il m'a appelé

11 à son bureau. Il souffrait de la jambe et je lui ai recommandé un

12 analgésique, un anti-douleur particulier. Il s'était allongé.

13 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Est-ce que vous

14 connaissez un détenu dénommé Simo Jovanovic au camp ?

15 Témoin P (interprétation). - Oui, c'était un homme âgé et il

16 était détenu au bâtiment n° 6.

17 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion de voir

18 M. Jovanovic et de voir dans quel état de santé il trouvait ?

19 Témoin P (interprétation). - Oui, j'ai eu l'occasion de le voir.

20 Il était en mauvais état de santé. Il avait été passé à tabac, il avait

21 quelques côtes fracturées et son état général était vraiment très mauvais.

22 Mme McHenry (interprétation). - Pourriez-vous nous dire

23 approximativement quand vous avez vu M. Jovanovic ?

24 Témoin P (interprétation). - Je ne suis pas tout à fait sûr de

25 la date.

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1 Mme McHenry (interprétation). - Savez-vous si c'était encore

2 lorsque vous étiez détenu ou était-ce lorsque vous étiez assigné à

3 résidence et que vous alliez pendant la journée au camp ?

4 Témoin P (interprétation). - C'est du temps où j'étais

5 prisonnier que cela s'est passé.

6 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous pu soulager

7 M. Jovanovic et le traiter, lui donner un traitement quelconque ?

8 Témoin P (interprétation). - Lorsque je l’ai examiné, je n'avais

9 que des anti-douleurs et j'ai dit qu'il fallait qu'on le transfère au

10 bâtiment 22.

11 Mme McHenry (interprétation). - Que s'est-il passé après que

12 vous ayez formulé cette requête afin qu'il soit transféré au bâtiment 22 ?

13 Témoin P (interprétation). - Après quelques jours, M. Jovanovic

14 est décédé.

15 Mme McHenry (interprétation). - Avant de mourir, avait-il été

16 transféré au bâtiment 22 comme vous l'aviez demandé ?

17 Témoin P (interprétation). - Non, il n'a pas été transféré au

18 bâtiment 22.

19 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que vous êtes en mesure

20 de vous souvenir de chaque prisonnier que vous avez soigné, de chaque

21 plaie que vous avez pansée ?

22 Témoin P (interprétation). - Je me souviens de beaucoup des

23 prisonniers. Il y a des noms dont je ne me souviens pas parce que c'était

24 la première fois que je les voyais en prison. Je ne me souviens donc pas

25 de tous les noms.

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1 Mme McHenry (interprétation). - S'agissant des prisonniers dont

2 vous vous souvenez, savez-vous si vous avez soigné des prisonniers qui

3 avaient souffert de brûlures ?

4 Témoin P (interprétation). - Oui. J'ai eu l'occasion de voir de

5 tels patients. Il y avait Nedeljko Draganic, un garçon d'environ 18 ou

6 19 ans. Il souffrait de brûlures aux membres inférieurs, aux mollets et,

7 en partie, aux cuisses aussi. En fait, les blessures étaient purulentes.

8 Je l'avais soigné et il était venu se faire panser quelquefois.

9 Puis, Spaso Miljevic est aussi venu. Il m'a montré les brûlures

10 qu'il avait subies en dessous du genou et quelquefois au-dessus. Il avait

11 des jeans. Non, ce n'étaient pas des jeans, mais plutôt un pantalon de

12 survêtement qu'il avait roulé jusqu'au-dessus du genou et, puis, Momir

13 Kuljanin avait aussi des brûlures. Il était au bâtiment 22. Il avait des

14 brûlures aux paumes des mains.

15 Momir est venu deux fois au dispensaire et, puis, il avait aussi

16 un ulcère à l'estomac. Il avait aussi un ulcère à l'estomac, un ulcère qui

17 saignait.

18 Il y avait aussi Mirko Dordic qui est venu pour raison de

19 brûlures. Ses lèvres, sa langue étaient brûlées et on avait placé des

20 pinces chauffées à blanc dans ses oreilles. Il y avait du pus qui sortait

21 de ses oreilles.

22 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce qu'il y avait des femmes

23 au camp ?

24 Témoin P (interprétation). - Oui, il y avait des femmes au camp.

25 Il y avait Grosda Cecez, Milejka Antic.

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1 Mme McHenry (interprétation). - Je ne vais pas vous demander le

2 nom de toutes les femmes qui se trouvaient au camp, je voulais simplement

3 vous demander ceci. Là où nouveau, ne dites pas ce que vous avez entendu,

4 dîtes nous si oui ou non vous avez reçu des informations au camp allant

5 dans le sens d'abus et de sévices sexuels infligés à ces femmes qui

6 habitaient au camp.

7 Témoin P (interprétation). - Oui.

8 Mme McHenry (interprétation) - Je poursuis. De qui teniez-vous

9 cette information ?

10 Témoin P (interprétation). - Je me trouvais au bureau ; une

11 secrétaire y travaillait, ceci après ma libération du camp. J'ai été

12 assigné à résidence et c'est à ce moment-là que j'ai entendu cette

13 information. Au bâtiment de commandement, la secrétaire s'appelait Ismeta

14 Pozder. Elle m'a dit que M. Delic gardait pour lui-même Milejka Antic et

15 que cette femme était virgo intacta. C'est le terme médical pour parler

16 d'une femme qui est encore vierge.

17 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous jamais entendu

18 M. Delic ayant une conversation avec une quelconque personne à propos des

19 femmes ?

20 Témoin P (interprétation). - Oui, j'étais présent dans la pièce.

21 Et ceci est aussi quand je me trouvais assigné à résidence. Je venais

22 certains jours, pas tous les jours d'ailleurs, à Celebici. J'étais présent

23 dans la pièce, j'étais debout en compagnie de quelqu'un qui s'appelait

24 Nurko. Je peux vous décrire son aspect extérieur. Il y avait encore une ou

25 deux personnes, en uniforme celles-là, dans la pièce et elles parlaient à

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1 mots couverts d'une femme qu'ils avaient amenée chez le coiffeur, elle

2 avait pris une douche et par la suite, au vu de leurs conversations, je me

3 suis dit qu'il devait s'agit de Grosda Cecez.

4 Mme McHenry (interprétation) - Pourriez-vous nous dire quels

5 sont vos souvenirs exacts de cette conversation ? En d'autres termes, qui

6 a dit quoi ?

7 Témoin P (interprétation). - "Comment tu as aimé cette femme ?

8 Elle te plaisait cette femme ?" C'est la question posée à Nurko. Nurko

9 s'occupait des armes et c'est la première fois que je l'ai vu là, au

10 bâtiment de commandement.

11 Mme McHenry (interprétation) - Et qui a dit : "Comment tu as

12 aimé cette femme ?".

13 Témoin P (interprétation). - Monsieur Delic.

14 Mme McHenry (interprétation) - Est-ce que d'autres paroles ont

15 été échangées à propos du fait que le garde Nurko pouvait être avec cette

16 femme ? Est-ce que d'autres choses ont été dites, et si tel est le cas,

17 quelles furent-elles ?

18 Témoin P (interprétation). - Je ne me souviens pas d'autres

19 détails. Je n'ai pas vraiment entendu le reste de la conversation.

20 Mme McHenry (interprétation) - Est-ce qu'on a dit quoi que ce

21 soit sur le fait que M. Delic avait eu des contacts avec cette personne

22 dont il était question dans la conversation ?

23 Témoin P (interprétation). - Non.

24 Mme McHenry (interprétation) - Merci. Alors que vous vous

25 trouviez au camp, aviez-vous la liberté de soigner les personnes qui vous

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1 semblaient nécessiter des soins ou est-ce qu'il vous fallait demander la

2 permission de soigner tel ou tel détenu en particulier ?

3 Témoin P (interprétation). - Je ne pouvais pas soigner qui je

4 voulais. Quelquefois on m'emmenait à tel ou tel endroit pour voir une

5 personne précise, par exemple au bâtiment 6. Je sais qu'une fois je suis

6 allé au tunnel n° 9. Par la suite, les gardes du camp opéraient un choix

7 parmi les détenus blessés et ils les emmenaient pour que je les soigne.

8 Mme McHenry (interprétation) - Question autre : Simo Jovanovic,

9 à propos de qui vous avez déjà déposé, est-ce qu'il y a d'autres

10 transferts ou d'autres soins particuliers que vous ayez requis pour tel ou

11 tel autre détenu ?

12 Témoin P (interprétation). - Oui, on m'a emmené à une occasion

13 voir Milovan Kuljanin. Il se peut que je me trompe pour ce qui est du

14 prénom. Il était là, il avait été frappé, battu et il avait fait ses

15 besoins, il avait déféqué et uriné dans son pantalon et j'ai demandé à

16 M. Delic s'il était possible de l'amener au bâtiment 22. Après qu'un

17 certain temps se soit écoulé, peut-être une heure, une heure et demi,

18 M. Pavo Mucic est arrivé. Il a demandé pourquoi Mici n'avait pas été amené

19 au bâtiment 22. J'ai dit que j'avais demandé à M. Delic de le faire. Je ne

20 me souviens pas s'il a été amené en voiture ou s'il a été transporté au

21 bâtiment 22. Il a passé pas mal de temps au bâtiment 22.

22 Mme McHenry (interprétation) - Vous souvenez-vous de la date, du

23 par exemple durant lequel cet incident s'est produit ? Etiez-vous déjà

24 assigné à résidence ou étiez-vous toujours détenu ?

25 Témoin P (interprétation). - Je me trouvais au camp à l'époque.

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1 Mme McHenry (interprétation) - En tant que prisonnier ?

2 Témoin P (interprétation). - Oui, effectivement, en tant que

3 prisonnier.

4 Mme McHenry (interprétation) - Outre ce que vous avez déjà dit

5 dans votre déposition, pourriez vous nous dire quel était le rôle de

6 M. Mucic au camp ?

7 Témoin P (interprétation). - Nous appelions toujours M. Mucic

8 commandant. C'est tout ce que je peux dire. Je n'en sais pas plus au sujet

9 de la fonction qu'il occupait, mais tout le monde l'appelait commandant,

10 que ce soit les gardes ou nous. Il est vrai que j'ai entendu dire à deux

11 reprises, lorsque j'ai été voir M. Delic au bâtiment de commandement, que

12 sa jambe lui faisait mal. J'ai vu une cicatrice, mais il n'y avait pas de

13 signe extérieur du (...) pour ce qui est du mollet. Quelqu'un l'aidait à

14 poser la jambe en hauteur pour lui faire un massage, mais nous appelions

15 M. Mucic commandant.

16 Mme McHenry (interprétation) - Est-ce que ceci est vrai pour

17 toute la période que vous avez passée au camp, ou n'était-ce vrai que pour

18 une partie de ce temps ?

19 Témoin P (interprétation). - C'était vrai alors que j'étais au

20 camp, et plus tard aussi. C'était pareil après.

21 Mme McHenry (interprétation) - Donc tant en tant que prisonnier

22 que lorsque vous étiez assigné à résidence. Est-ce exact ?

23 Témoin P (interprétation). - Oui, oui.

24 Mme McHenry (interprétation) - A quelle fréquence voyez-vous

25 M. Mucic au camp ? Mais d'abord, j'aimerais parler du temps où vous vous

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1 trouviez en tant que prisonnier au camp.

2 Témoin P (interprétation). - Nous ne nous voyons pas très

3 souvent. Il se peut que nous nous voyions une fois par semaine, voire

4 deux, quelquefois trois fois par semaine.

5 Mme McHenry (interprétation) - Et lorsque vous étiez assigné à

6 résidence, le voyiez-vous aussi souvent ou à quelle fréquence le voyiez-

7 vous ?

8 Témoin P (interprétation). - Je crois que je l'ai vu plus

9 souvent à cette époque-là. En effet, après que j'aie été assigné à

10 résidence, il est venu une fois. Cela a dû se passer vers le 1er ou le

11 2 septembre. Il m'a invité à son bureau, m'a dit que je devrais rédiger

12 une liste des personnes âgées, des personnes faibles ou malades. Mais il

13 m'a mis en garde, il m'a dit : "Fais attention au diagnostic que tu vas

14 poser pour chacun de ces prisonniers, parce que toi comme moi nous

15 pourrions en subir des conséquences.

16 Alors, pour un jeune homme de dix-huit ans, ne dis pas qu'il a

17 un problème de prostate ou d'infection de la prostate. Essaie de trouver

18 le diagnostic qui colle avec lui". Et c'est bien ce que j'ai fait.

19 J'étais avec M. Mucic au moment de son anniversaire et il a été

20 à deux reprises dans le véhicule quand son chauffeur m'a ramené à

21 Ostrovic.

22 Mme McHenry (interprétation) - J'aimerais revenir un peu en

23 arrière. Est-il exact que M. Mucic est venu au bâtiment 22 quand vous vous

24 y trouviez ?

25 Témoin P (interprétation). - Oui, je me souviens bien de

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1 M. Mucic. Je peux vous dire ceci, c'est une histoire assez amusante. Nous

2 trouvions tous les deux l'histoire assez amusante. Je crois que c'est à

3 cette occasion-là qu'il a amené au bâtiment 22 la mère de Miroslav

4 Kuljanin qui avait été blessé au cours du pilonnage de la salle de sports

5 à Konjic. Il y avait aussi Zoran Cecez avec lui.

6 Ils sont sortis, Zoran et la mère de Miroslav, il a demandé si

7 j'avais besoin de quelque chose. Je n'ai pas vraiment fait attention parce

8 que Miroslav Kuljanin avait beaucoup d'abcès très développés. Il avait

9 aussi des blessures provenant des éclats d'obus, toutes sortes de

10 blessures. Alors, M. Mucic m'a dit :"Mais comment allez-vous sortir ceci

11 de son crâne ?". J'ai dit : "J'ai besoin de quelque chose pour couper,

12 d'un scalpel".

13 Mucic a sorti un canif de poche et me l'a donné. Il m'a dit :

14 "Il est très bien affilé, tu peux l'utiliser si tu veux". Et j'ai dit que

15 je n'avais pas besoin et que je pouvais m'en sortir avec des ciseaux. Et

16 c'est ce que j'ai fait. Et nous avons ri parce qu'il a dit : "Un médecin

17 Chetnik ne peut pas travailler sans couteau".

18 Mme McHenry (interprétation) - Lorsqu'il venait au hangar, est-

19 ce que M. Mucic vous a demandé, ou a demandé aux prisonniers d'où ils

20 tenaient leurs blessures, comment ils avaient été blessés ?

21 Témoin P (interprétation). - Non. C'est seulement lorsqu'on m'a

22 demandé comment j'avais été blessé, et ceci s'est passé deux ou trois

23 jours après que je sois arrivé à l'école du 3 mars. Et puis des gens en

24 uniforme sont arrivés de Split. Ils parlaient avec un accent croate. Ils

25 m'ont demandé comment j'avais été blessé. J'ai répondu que j'étais tombé

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1 d'une voiture. Ils m'ont dit : "Pourquoi ne dis-tu pas la vérité ?". J'ai

2 répété que j'étais tombé d'une voiture et un de ces soldats en uniforme,

3 assez basané, qui était grand, avait une lettre U sur une partie de son

4 uniforme. Ils ont dit qu'ils étaient protégés par la police militaire.

5 Après qu'ils soient partis, nous avons entendu dire que les

6 policiers qui parlaient entre eux étaient des policiers du HVO. Ils nous

7 ont dit que rien ne se passerait pour nous parce qu'ils voulaient nous

8 utiliser dans un échange, pour retrouver des personnes à eux qui avaient

9 été capturées à Kupres.

10 Mme McHenry (interprétation) - Permettez-moi de revenir un

11 instant. Y a-t-il eu une période où il n'y a pas eu de nourriture au camp

12 pendant assez longtemps ?

13 Témoin P (interprétation). - Oui. Je crois que cela s'est passé

14 à partir du 12 juillet 1992. A ce moment-là, je ne sais pas si c'est sept

15 ou neuf membres de la police militaire de la défense territoriale de

16 Bosnie-Herzégovine qui avaient été tués. Nous n'avons pas reçu de

17 nourriture. Certains ont dit qu'ils en avaient reçu, mais je sais que

18 nous, pendant quatre ou cinq jours, nous n'avons rien reçu, même pas un

19 morceau de pain, nous avions de l'eau, c'est tout.

20 Mme McHenry (interprétation) - Savez-vous si quelqu'un au camp,

21 à un moment, a entrepris quelque chose pour essayer d'amener de la

22 nourriture ? Si vous êtes au courant d'une telle chose, pourriez-vous nous

23 donner des détails ?

24 Témoin P (interprétation). - Oui, je m'en souviens parfaitement.

25 Ceci s'est passé le matin, il devait être 10 heures ou 10 heures et demi.

Page 4433

1 Il y avait un téléphone rouge à l'extérieur de la fenêtre. M. Mucic

2 parlait à voix très forte et moi j'étais assis de l'autre côté. Je l'ai

3 entendu qui appelait le major Sefik Kevric et il lui demandait de livrer

4 de la nourriture. Il a dit : "Peu m'importe ce qu'ils disent au

5 commandement, moi je veux avoir de la nourriture à apporter aux gens. Il

6 serait plus honnête, soit de tuer ces personnes, soit de les nourrir."

7 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur Mucic a-t-il indiqué

8 qu'il craignait pour lui-même si aucune nourriture n'était obtenue ?

9 Témoin P (interprétation). - Oui, il a dit : "Je ne serais pas

10 responsable de cela."

11 Mme McHenry (interprétation). - De la nourriture a-t-elle été

12 obtenue après cette période ?

13 Témoin P (interprétation). - Je crois que la nourriture est

14 arrivée un ou deux jours plus tard et je sais que l'on m'a appelé. Je suis

15 sorti, mon collègue est sorti aussi. Il y avait un peu de pâté -environ

16 cent grammes- et des miches de pain. Moi, je portais le pâté et mon

17 collègue portait les pains. Quand nous sommes arrivés auprès des détenus,

18 nous avons décidé que nous allions faire des réserves, que nous nous

19 nourririons à trois détenus sur un pâté et que nous partagerions une demi-

20 miche de pain à trois détenus.

21 Mais M. Delic est arrivé derrière nous et a dit : "Non, non, ce

22 n'est pas possible, vous devez manger tout ce qu'on vous donne en une

23 fois." Nous avons donc mangé tous les pâtés, nous avons mangé toutes les

24 miches de pain. Nous avions très soif, nous n'arrêtions pas de frapper à

25 la porte et c'est M. Mucic qui était de garde à ce moment-là qui nous a

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1 permis d'obtenir autant d'eau que nous le voulions.

2 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, nous

3 allons maintenant passer à un domaine tout à fait différent. Je ne sais

4 pas si vous souhaitez faire la pause maintenant ou un peu plus tard, mais

5 simplement je voulais vous informer que nous allions changer de thème.

6 M. le Président (interprétation). - La pause est prévue

7 normalement à 16 heures, Maître McHenry.

8 Mme McHenry (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le

9 Président, je me souvenais mal de l’heure. J'ai quelques questions à

10 poser, sans plus. Donc, cela me convient tout à fait.

11 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez encore

12 poursuivre pendant 30 minutes.

13 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Monsieur, vous avez déjà

14 indiqué auparavant que vous avez été autorisé à quitter le camp le

15 22 juillet. Est-ce exact ?

16 Témoin P (interprétation). - Oui, c'est exact.

17 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, je vais vous prier de

18 décrire avec précision ce qui s'est passé au moment de votre remise en

19 liberté, et je vous prierai de parler lentement de façon que je puisse

20 vous poser une question complémentaire si tout n’est pas absolument clair

21 quant à l'identité des gens dont vous parlez.

22 Dites-nous ce qui s'est passé au moment où vous avez été remis

23 en liberté ?

24 Témoin P (interprétation). - Le 22 juillet, aux alentours de

25 10 heures, ou plutôt 11 heures, le gardien Fadil, dont je ne me souviens

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1 pas du prénom, mais que l'on appelait "Focak", est entré dans notre

2 bâtiment 22. Il m'a dit à mon collègue et à moi-même : "Ramassez vos

3 affaires, vous avez bien de la chance, vous allez devoir servir à boire

4 parce que vous rentrez chez vous".

5 Nous avons ramassé nos affaires, mais je dois ajouter que nous

6 savions, nous avions reçu une information selon laquelle il était possible

7 que quelqu'un vienne nous chercher vers 10 heures ce matin-là pour nous

8 remettre en liberté. Je n'avais pas cru ce que m'avait dit mon collègue

9 selon lequel M. Delalic allait envoyer une voiture nous chercher à

10 10 heures. Or, ce que je vous raconte se passait à 10 heures. Nous nous

11 sommes donc assis...

12 Mme McHenry (interprétation). - Excusez-moi, mais lorsque cette

13 personne, Focak, a dit : "Vous allez me payer pour cela." voulait-il dire

14 que vous alliez payer un verre, payer à boire ?

15 Témoin P (interprétation). - Je crois qu'il a dit cela pour

16 plaisanter. Cela voulait dire, je suppose, que nous lui devions un verre

17 de quelque chose à boire pour fêter l'événement.

18 Mme McHenry (interprétation). - Oui, c'est ce que j'avais cru

19 comprendre, mais je voulais que les choses soient claires. Lorsque vous

20 parlez de votre collègue, parlez-vous de l'autre médecin qui travaillait

21 avec vous au dispensaire ?

22 Témoin P (interprétation). - Oui.

23 Mme McHenry (interprétation). - Et c'est ce même matin qu'il

24 vous a dit croire que M. Delalic allait envoyer une voiture vous

25 chercher ?

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1 Témoin P (interprétation). - Oui.

2 Mme McHenry (interprétation). - Très bien, je vous prie de

3 m'excuser. Veuillez poursuivre, Monsieur.

4 Témoin P (interprétation). - Nous sommes sortis du bâtiment. Je

5 crois que c'était une Jeep blanche, nous sommes donc sortis du bâtiment

6 dans la direction de la maison de M. Delalic.

7 Mme McHenry (interprétation). - Lorsque vous dites "nous", vous

8 pensez à vous et à l'autre médecin ?

9 Témoin P (interprétation). - Oui c'est à nous deux que je pense.

10 Nous sommes donc entrés dans ce lieu où se trouvait M. Zejnil Delalic, et

11 M. Djemal Delalic, son frère. Dans une autre partie de la pièce, il y

12 avait quelqu'un qui dormait et qui ronflait. Mon collègue a dit plus tard

13 qu'il agissait du frère aîné de Zejnil.

14 Monsieur Zejnil nous a offert à dîner. Nous avons répondu que

15 nous avions déjà dîné. Il nous a offert quelque chose à boire. Moi, j'ai

16 accepté de prendre un café, mon collègue m'a poussé du coude et m'a dit :

17 "Cela prendra trop longtemps à cuire, quand vas-tu boire ce café". J'ai

18 donc décidé de demander une boisson plus forte, et nous avons bu du

19 cognac.

20 Monsieur Djemal Delalic, lui, était en uniforme de camouflage et

21 a dit qu'il venait d'arriver des combats. A ce moment-là, quelqu'un est

22 venu dire à M. Delalic qu'il fallait qu'il appelle le Dr Ahmet

23 Jusufbegovic pour des raisons liées au travail.

24 Moi, je ne suis pas allé voir le Dr docteur Ahmet Jusufbegovic

25 le lendemain, mais le jour où j'y suis allé -je crois que c'était un

Page 4437

1 dimanche- j'ai passé un coup de téléphone dans la maison d'un Musulman,

2 parce que, à l'époque, les téléphones des Serbes avaient été débranchés.

3 J'ai demandé si M. Ahmet Jusufbegovic était au travail. On m'a dit oui et

4 je suis allé au centre médical.

5 Je l'ai trouvé devant les salles de stomatologie. Il y avait le

6 Dr Izet Begovic, le Dr Sead Haiduk, stomatologue et le Dr Hereouf

7 Saraelic.

8 Le Dr Izet Begovic m'a prié de l'accompagner dans son cabinet

9 qui, à ce moment-là, se trouvait dans les anciens locaux réservés aux

10 services d'hygiène. Le Dr Sead Haiduk marchait derrière moi. A ce moment-

11 là, le Dr Izet Begovic m'a dit qu'il n'y avait absolument aucune

12 possibilité pour moi de recommencer à travailler, car les collègues ne

13 souhaitaient pas coopérer avec moi, travailler avec moi, ni même tout

14 simplement me voir.

15 Il m'a donc proposé de retourner à Celebici, à la prison. A ce

16 moment-là, j'ai commencé à pleurer et j'ai dit : "Ecoute, ne parle pas de

17 cela, je vais tout de même rester à Konjic." Je suis allé alors dans mon

18 appartement où quelqu'un habitait déjà. C'est un collègue musulman qui

19 habitait dans cet appartement. Au bout de quelques jours, j'ai demandé à

20 Fadil Spago, le commandant de la police militaire, si je pouvais déménager

21 dans le village de Ostaza dans la municipalité de Jablanica.

22 L'autorisation m'a été donnée.

23 Mme McHenry (interprétation). - Un instant s'il vous plaît,

24 Monsieur. Lorsque vous dites que vous étiez à Celebici, le 22 juillet, et

25 que le garde Focak est arrivé avec un papier, ce papier vous a-t-il été

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1 remis ? Si oui, de quel papier s'agissait-il ?

2 Témoin P (interprétation). - Oui, j'ai reçu un morceau de papier

3 sur lequel il était écrit que je n'appartenais pas au S..., enfin à une

4 organisation du parti -je n'aime vraiment pas repenser à ce papier-, que

5 je n'étais pas membre d'une organisation terroriste.

6 J'ai montré ce papier à M. Delalic lorsque je me trouvais chez

7 lui dans l'appartement. Il a pris ce papier et il y a ajouté : "s'occupe

8 des détenus blessés".

9 Il m'a demandé à ce moment-là où j'allais me trouver, et je lui

10 ai demandé de ne pas inscrire sur ce papier les itinéraires que j'allais

11 suivre, parce que M. Delalic savait d'où venait mon épouse. Je lui ai donc

12 demandé de ne pas inscrire cet itinéraire sur le papier car il

13 m'arriverait d'aller rendre visite à ma femme. Au moment où je me suis

14 enfui, où je me suis exilé, j'ai emporté ce papier avec moi.

15 Mme McHenry (interprétation). - Savez-vous quels sont les noms

16 qui apparaissent sur ce morceau de papier comme responsables de

17 l'autorisation de votre libération ?

18 Témoin P (interprétation). - Oui, sur le papier, il est écrit

19 Zejnil Delalic. M. Delalic est sorti avec moi. Puis un jour, la télévision

20 de Bosnie-Herzégovine a enregistré une conversation de M. Delalic avec

21 moi.

22 M. Jan (interprétation). - Un instant, vous êtes en train de

23 parler de la teneur d'un document. Quel est ce document ?

24 Mme McHenry (interprétation). - C'est exactement ma question.

25 Puis-je prier que ce document soit versé au dossier. Je tiens à souligner

Page 4439

1 que ce document a déjà été remis à l'ensemble des conseils de la défense.

2 Il faut que ce document soit identifié. Peut-on faire figurer au compte

3 rendu que ce document sera la pièce à conviction n° 154, et qu'elle a été

4 enregistrée avec cette cote aux fins d'identification.

5 Monsieur P, je vous demande si vous reconnaissez de quel

6 document il s'agit, et si tel est bien le cas, de nous dire de quel

7 document il s'agit ?

8 Témoin P (interprétation). - C'est le certificat que j'ai reçu

9 au moment de ma remise en liberté après la prison. En bas à gauche, il

10 est écrit : "s'occupe des détenus blessés." C'est ce que M. Zejnil Delalic

11 a finalement rajouté sur ce papier lorsque nous étions dans son

12 appartement.

13 Là, il est écrit :"29 mai" comme date d'arrestation, alors qu'en

14 fait, j'ai été arrêté le 26, oui le 26. Or, c'est la date du 29 mai qui

15 figure.

16 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, s'agit-il du document

17 au sujet duquel vous venez de témoigner ; ce document qui vous a été remis

18 dans le camps et sur lequel M. Delalic a ensuite rajouté quelques mots

19 dans son appartement.

20 Témoin P (interprétation). - Oui. Oui, c'est cela.

21 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Monsieur le Président, je

22 voudrais demander le versement au dossier de la pièce à conviction de

23 l'accusation n° 154.

24 M. le Président (interprétation). - La pièce est acceptée.

25 Mme McHenry (interprétation). - Je n'ai aucune autre question au

Page 4440

1 sujet de ce document. Merci.

2 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)

3 Zejnil Delalic est cité ici comme étant le chef du comité

4 d'enquête.

5 Mme McHenry (interprétation). - Il est écrit également : "Pour

6 la commission d'enquête", et je crois que sur la base d'autres

7 dépositions, nous pouvons déterminer qu'il s'agit de cette commission

8 d'enquête qui a existé pendant les premières semaines de l'existence du

9 camp.

10 Monsieur, avez-vous jamais rencontré M. Zejnil Delalic dans le

11 camp de Celebici ?

12 Témoin P (interprétation). - Oui, j'ai rencontré M. Zejnil

13 Delalic deux ou trois semaines après avoir été assigné à résidence.

14 Mme McHenry (interprétation). - Pourriez-vous, je vous prie,

15 décrire les circonstances dans lesquelles vous avez vu Zejnil Delalic dans

16 le camp. Encore une fois, je vous demanderais de parler assez lentement de

17 façon que, si j'ai besoin de vous poser une question supplémentaire au

18 sujet de l'identité de la personne dont vous parlez, je puisse

19 intervenir ?

20 Témoin P (interprétation). - Un matin, on m'a conduit en

21 voiture jusque dans le camp de Celebici à partir de la maison dans

22 laquelle j'étais assigné à résidence, et devant le bâtiment de

23 commandement, j'ai trouvé un gardien qui m'a demandé d'entrer dans ce

24 bâtiment de commandement.

25 Mon collègue et moi-même nous sommes trouvés dans une pièce dans

Page 4441

1 laquelle se trouvait M. Zejnil Delalic, M. Sefik Delalic, et quelqu'un

2 dont je ne me rappelle pas le nom. Il y avait Mme Iadranka Milosevic,

3 quelqu'un s'est présenté sous le nom de Svonko Maric. C'étaient des

4 journalistes de la télévision de Bosnie-Herzégovine. M. Zejnil Delalic...

5 Mme McHenry (interprétation) - Une question d'éclaircissement,

6 Monsieur. Madame Milosevic et Mme Maric étaient-elles les journalistes de

7 la télévision bosniaque ?

8 Témoin P (interprétation). - Oui.

9 Mme McHenry (interprétation). - Très bien. Veuillez continuer

10 Monsieur, et nous dire ce qui s'est passé.

11 Témoin P (interprétation). - Monsieur Zejnil Delalic nous a

12 proposé de nous asseoir. Ensuite, il nous a demandé ce que nous voulions

13 boire, un café, un jus de fruit ou un alcool. Mais ce jour-là, il n'avait

14 que l'eau de vie de prune comme alcool. Donc, nous avons dit que nous ne

15 voulions pas d'alcool et nous avons bu un café. Je crois que j'ai

16 également bu un jus de fruit.

17 Il m'a demandé quel était l'état des détenus. J'ai répondu qu'à

18 ce moment précis, les détenus n'étaient pas en trop mauvais état comparé à

19 l'état dans lequel ils étaient auparavant. Il m'a demandé à ce moment-là

20 si j'étais prêt à le dire devant les caméras, ce que j'avais fait, de même

21 que mon collègue.

22 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous eu le sentiment que

23 vous étiez capable de dire toute la vérité au sujet de ce qui se passait à

24 Celebici au moment de votre interview ?

25 Témoin P (interprétation). - Non je me sentais très mal. Je

Page 4442

1 devais faire attention à chaque mot que je disais, la situation était

2 difficile pour moi, sinon je savais très bien ce qui allait se passer.

3 Pour l'essentiel j'ai tout de même dit à peu près quelle était la

4 situation parce que, écoutez bien, les détenus, j'ai bien dit quels

5 étaient les éléments qui leur avaient été fournis, j’ai bien décrit les

6 conditions de vie des détenus et je peux vous dire que n'importe quel

7 soldat aimerait bien avoir un médecin militaire qui s'occupe avec un tel

8 soin des détenus. Ce qui fait que je n'ai vu que certaines catégories de

9 maladies, des blessures décrites dans la littérature médicale. En février

10 ou en mars 1993, j'ai reçu une Croix Rouge.

11 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, est-ce que je peux

12 vous demander si les procédures recommandées n'étaient pas appliquées dans

13 le camp de Celebici ? Est-il exact de dire cela ?

14 Témoin P (interprétation). - Est-ce que vous pouvez me reposer

15 la question de façon un peu plus claire, je vous prie ?

16 Mme McHenry (interprétation). - Je vais essayer de préciser un

17 peu les choses, Monsieur. A part les occasions dont vous venez de parler

18 dans votre déposition... Je vais essayer d'avancer. Vous avez indiqué

19 précédemment, Monsieur, qu'à un certain moment, vous avez rédigé une liste

20 à la demande de M. Mucic sur laquelle figuraient les noms des prisonniers

21 qui étaient dans l'état de santé le plus dégradé. Est-ce exact ?

22 Témoin P (interprétation). - Oui, j'ai rédigé cette liste et

23 M. Music a pris cette liste un peu plus tard et l’a portée. Un jour,

24 j'étais avec lui dans sa voiture privée, quand nous nous sommes arrêtés

25 devant la maison de M. Delalic et il a emporté cette liste en haut.

Page 4443

1 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que tous ceux dont les

2 noms figuraient sur la liste que M. Music a emportée dans l'appartement de

3 M. Delalic s'y trouvaient parce qu'ils étaient en mauvais état physique ?

4 Témoin P (interprétation). - Non, il y avait aussi sur cette

5 liste les noms de gens que j'y avais placés, mais en dehors des dix

6 catégories que j'avais indiquées, il y avait les gens des catégories 1,

7 2 et 3 qui ne pouvaient pas être libérés. Ceux des autres catégories

8 pouvaient être libérés, certains d'entre eux sur la base de leur

9 inclination personnelle. Etait-ce leur choix personnel ? Je ne le sais

10 pas, mais M. Mucic et M. Delic m'ont demandé de placer un certain nombre

11 de noms sur cette liste et après cela a duré deux ou trois jours. Sur la

12 base des inclinations personnelles de M. Pavo Mucic et de M. Delic, ces

13 personnes étaient libérées ou non.

14 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, pendant que vous

15 travailliez au camp, y a-t-il eu un moment où les conditions se sont

16 améliorées de façon significative ?

17 Témoin P (interprétation). - Oui. En fait, un peu avant, c'est-

18 à-dire quatre à cinq jours avant ma remise en liberté, on remarquait déjà

19 une amélioration parce que les familles avaient reçu l'autorisation

20 d'apporter des vivres. Mais j'ai vu, parce que sous la porte du

21 bâtiment 22, une porte métallique, de la porte jusqu'au mur il y avait une

22 ouverture de cinq centimètres à peu près. Nous appelions cela l'oeilleton

23 et lorsque nous nous sentions un peu mieux que d'habitude, nous pouvions

24 jeter un coup d'oeil par cette ouverture. Alors les gardes prenaient ces

25 vivres et les mettaient dans une Fiat 500. Et j'ai vu pas mal de ces

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1 filets à provision en plastique qui allaient dans les containers.

2 Puis certains -comment cela se faisait-il, je ne sais pas,

3 était-ce sur la base de sympathie personnelle ou sur la base de relations-

4 recevaient ces filets en plastique avec des vivres à l'intérieur.

5 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, excusez-moi, ai-je

6 raison de comprendre que vous avez dit qu'à la mi-juillet des gens ont

7 quelquefois pu recevoir de la nourriture, des vivres venant de

8 l'extérieur ?

9 Témoin P (interprétation). - Je l’ai dit, quatre à cinq jours

10 avant ma remise en liberté. J'ai remarqué qu'à ce moment-là, et très

11 progressivement, des autorisations ont peu à peu été données à certains

12 pour qu'ils apportent des vivres. Mais ces vivres étaient mis dans les

13 containers et ce que nous recevions, c'était du pain sec. Mais quand on

14 sentait l'odeur qui était restée sur cette tranche de pain, on se rendait

15 compte que la tranche de pain sentait la viande. Elle avait donc dû

16 toucher de la viande.

17 On recevait donc du pain, des oignons ; les cigarettes ne

18 passaient pas, les sous-vêtements ne passaient pas, même si certains en

19 recevaient, on ne sait pas comment, mais certains en recevaient.

20 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, est-il exact que le

21 camp de Celebici a été visité par des représentants de la Croix-Rouge ?

22 Témoin P (interprétation). - Oui. Les représentants de la Croix-

23 Rouge sont arrivés je crois le 12 août 1992.

24 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, je peux vous poser une

25 question ? Y a-t-il un changement quelconque ? Avez-vous remarqué quoi que

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1 ce soit en ce qui concerne les conditions en vigueur dans le camp après la

2 visite de la Croix Rouge ?

3 Témoin P (interprétation). - Oui, il y a eu une énorme

4 différence. Je sais que quand je suis arrivé pour la première fois dans le

5 camp, j'ai salué un homme de grande taille qui avait la barbe, qui portait

6 des lunettes -je crois qu'il était hollandais- et ce jour-là j'ai été pour

7 la première fois dans le bâtiment n° 6.

8 Mme McHenry (interprétation). - Un éclaircissement, Monsieur, je

9 vous prie. Lorsque vous dites "première fois", est-ce la première fois où

10 la Croix Rouge est arrivée dans le camp ou bien la première fois où vous

11 êtes arrivé dans le camp, que vous avez rencontré cet homme de grande

12 taille avec des lunettes ? J'essaie d'éclaircir les choses, je ne sais pas

13 si c'est un problème de traduction.

14 Témoin P (interprétation). - Je crois que c'est la première fois

15 qu'est venue la Croix Rouge internationale. Je sais qu'il y avait une

16 femme qui s'est présentée comme infirmière et le lendemain, j'ai reçu une

17 lettre, via la Croix-Rouge internationale, dans laquelle certains me

18 demandaient où j'habitais à moment-là.

19 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce qu'il y a eu des passages

20 à tabac après la visite de la Croix-Rouge ?

21 Témoin P (interprétation). - Lorsque je suis arrivé le lendemain

22 matin, j'ai vu que les détenus étaient assez renfermés, et dans une

23 conversation avec moi, ils m'ont dit qu'ils s'étaient fait passer à tabac

24 et qu'ils ne parleraient plus à des représentants de la Croix-Rouge

25 internationale. Je leur ai dit de ne pas agir ainsi parce qu'ils ne

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1 faisaient que se faire du mal à eux-mêmes. Il s'agissait d'une

2 organisation humanitaire internationale et il faudrait qu'ils essaient de

3 coopérer avec elle. C'est ce qu'ils ont accepté.

4 Après la visite de la Croix Rouge et mon départ du camp de

5 Celebici, les conditions dans ce camp se sont considérablement améliorées.

6 Il y avait encore un coup donné ici ou là, mais plus de passage à tabac

7 généralisé.

8 Mme McHenry (interprétation). - Donc Monsieur vous avez indiqué

9 avoir travaillé dans le camp jusqu'à une certaine date au mois d'octobre.

10 Est-ce que vous alliez au camp tous les jours à cette époque-là et pour

11 quelles raisons avez-vous cessé de travailler complètement dans le camp ?

12 Témoin P (interprétation). - Depuis le début, j’y allais tous

13 les jours, y compris le samedi et le dimanche. C'est M. Zeljko Buric qui

14 venait me chercher -c'était le chauffeur personnel de M. Pavo Mucic- et

15 plus tard, peut-être qu'il venait un autre jour, mais moins fréquemment,

16 si bien qu'il est arrivé un moment où j'y allais tous les sept jours.

17 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que vous aviez cessé de

18 travailler complètement à Celebici lorsque vous avez quitté la région ?

19 Témoin P (interprétation). - Je crois que cela faisait quatre,

20 ou plutôt sept jours que je n'étais pas allé à Celebici. Donc c'était une

21 très bonne occasion pour moi de m'enfuir.

22 M. le Président (interprétation). - Merci, Maître McHenry, je

23 crois que nous allons interrompre ici et revenir à 16 heures 30.

24 L’audience, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 30.

25 M. le Président (interprétation). - Madame McHenry, veuillez

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1 poursuivre.

2 Mme McHenry (interprétation). - Merci, Monsieur le Président,

3 j'en ai d'ailleurs presque terminé. Monsieur, après que vous ayez quitté

4 la région de Konjic, en octotre 1992, avez-vous jamais eu des contacts

5 avec M. Mucic ?

6 Témoin P (interprétation). - Oui.

7 Mme McHenry (interprétation). - Combien de fois ?

8 Témoin P (interprétation). - Une fois, il a appelé et je n'étais

9 pas chez moi. C’est ma fille qui a répondu. Une autre fois, il a appelé la

10 famille de ma femme. Il a appelé une troisième fois et c'est moi, à ce

11 moment-là, qui ai répondu au téléphone.

12 Mme McHenry (interprétation). - A quel moment M. Mucic vous a-t-

13 il appelé ?

14 Témoin P (interprétation). - Avant la signature des accords de

15 Dayton.

16 Mme McHenry (interprétation). - De quoi voulait-il vous parler

17 plus précisément ? Monsieur Mucic vous a-t-il dit qu’une enquête était

18 menée à son sujet, en rapport avec des crimes de guerre ?

19 Témoin P (interprétation). - Il a dit qu'il avait été accusé par

20 les Musulmans de certains assassinats et qu'il avait été proclamé partisan

21 des Chetniks.

22 Mme McHenry (interprétation). - A-t-il indiqué quoi que ce soit

23 quant à une enquête qui aurait été en cours sur ses activités ?

24 Témoin P (interprétation). - Non, il n'a rien dit de tel.

25 M. le Président (interprétation). - Cette question est-elle

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1 vraiment nécessaire ?

2 Mme McHenry (interprétation). - Je pense, monsieur le Président,

3 que les rapports du témoin avec M. Mucic, y compris les entretiens

4 téléphoniques et la lettren sont tout à fait pertinents. J'en ai presque

5 terminé avec les entretiens téléphoniques, mais je voudrais encore poser

6 quelques questions sur ce point.

7 Lorsque M. Mucic vous a appelé...

8 M. Jan (interprétation). - Il s’est passé un an après qu'il ait

9 quitté le camp de Celebici. Alors est-ce bien pertinent ?

10 Mme McHenry (interprétation). - Je pense que c'est pertinent.

11 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)

12 Je comprendrais que cela soit pertinent si quelque chose s’était

13 passé directement après le départ de Celebici, mais en l’occurrence, en

14 quoi est-ce pertinent ?

15 Mme McHenry (interprétation). - Je pense que la nature des

16 rapports entre le témoin et M. Mucic est pertinente pour évaluer la

17 fiabilité du témoin.

18 M. Jan (interprétation). - Voulez-vous dire que le témoin est un

19 ami de M. Mucic ?

20 Mme McHenry (interprétation). - Non, je ne le pense pas.

21 M. Jan (interprétation). - En quoi alors cela nous aidera-t-il

22 alors à apprécier ce qui s'est passé à Celebici ?

23 Mme McHenry (interprétation). - Je pense que cela nous aidera à

24 apprécier la culpabilité.

25 M. Jan (interprétation). - Ce sera trop long.

Page 4449

1 Mme McHenry (interprétation). - J'ai encore quelques questions à

2 poser qui ne porteront pas sur la nature de ce qui a été dit. Monsieur le

3 témoin, durant ces entretiens, avez-vous pu entendre que quelqu'un d'autre

4 était présent aux côtés de M. Mucic ?

5 Témoin P (interprétation). - Oui, il y avait, avec M. Mucic,

6 Petr Blazevic et son frère Jelko.

7 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que Petr Blazevic avait

8 un rôle quelconque au camp de Celebici ?

9 Témoin P (interprétation). -J'ai entendu dire que Petr Blazevic,

10 avant que je n'arrive à Celebici, avait été garde au camp.

11 M. Greaves (interprétation). - Il s'agit de ouï-dire, monsieur

12 le Président, et le fondement de ce moyen de preuve n'a pas été

13 suffisamment établi par ma confrère. Elle doit le faire, à mon sens.

14 Mme McHenry (interprétation) - Je suis désolée, je ne pense pas

15 qu'il s'agisse de ouï-dire.

16 M. Greaves (interprétation). - Si vous relisez le compte-rendu,

17 vous verrez que le témoin dit : "J'ai entendu dire que..." C'est donc du

18 ouï-dire.

19 Mme McHenry (interprétation) - Très bien. Monsieur le témoin,

20 allons de l'avant. Quelle est la deuxième fois où vous avez eu un contact

21 avec M. Mucic ?

22 Témoin P (interprétation). - Il y a un mois, j'ai reçu la

23 lettre.

24 Mme McHenry (interprétation) - Je voudrais demander maintenant à

25 l'huissier de montrer ce document au témoin.

Page 4450

1 (L'huissier présente le document au greffier et au témoin).

2 Témoin P (interprétation). - Oui.

3 Mme McHenry (interprétation) - Il s'agit de la pièce 155, je

4 pense. Monsieur le témoin, est-ce la lettre que vous avez reçue de

5 M. Mucic ?

6 Témoin P (interprétation). - Sa signature s'y trouve. Elle m'a

7 été donnée par quelqu'un d'autre.

8 Mme McHenry (interprétation) - Ai-je raison de dire que cette

9 lettre ne vous est pas arrivée par courrier ?

10 Témoin P (interprétation). - Non, en effet.

11 Mme McHenry (interprétation) - Monsieur le Président, je

12 voudrais que cette pièce n° 155 soit versée au dossier et j'en aurai ainsi

13 terminé avec mes questions.

14 M. Ackerman (interprétation). - Madame et messieurs les juges,

15 j'objecte à ce que cette lettre soit versée au dossier contre mon client

16 M. Landzo. Si cette pièce doit être reçue, je demanderai alors qu'elle ne

17 soit reçue qu'à l'encontre de M. Mucic. Je ne suis même pas sûr qu'elle

18 soit recevable contre M. Mucic, mais en tout cas pas contre M. Landzo.

19 Cette lettre contient des mentions d'autres accusés qui n'ont aucune

20 pertinence, qui sont hostiles.

21 Mme McHenry (interprétation) - Excusez-moi d'interrompre, nous

22 n'avons pas d'objection à ce que cette pièce ne soit versée qu'à

23 l'encontre de M. Mucic, si cette indication vous est utile.

24 M. le Président (interprétation). - Je ne suis pas sûr de savoir

25 comment cette pièce peut être versée contre M. Mucic puisque le témoin dit

Page 4451

1 avoir reçu cette lettre par le truchement de quelqu'un d'autre.

2 Mme McHenry (interprétation) - Effectivement, monsieur le

3 Président, il l'a reçue par le truchement de quelqu'un et je pense que si

4 l'on lit la lettre, et si l'on examine la signature apposée en bas, cela

5 suffit à prouver que...

6 M. le Président (interprétation). - Je ne vois pas la signature.

7 Tout ce que je vois, c'est "Pavo".

8 Mme McHenry (interprétation) - Monsieur le Président, je pense

9 que c'est bien Pavo que l'on peut lire sur cette lettre, mais si vous

10 lisez le contenu de la lettre, la nature de cette lettre en ressort

11 claiement. Il apparaît qu'elle a été écrite par M. Mucic et qu'il y a

12 suffisamment d'éléments de preuve indiquant que cette lettre est fiable et

13 qu'elle peut être reçue contre M. Mucic. S'il y a d'autres éléments que

14 vous souhaiteriez avoir, je demanderai alors que M. Mucic soit invité à

15 donner des échantillons de son écriture pour qu'une comparaison soit

16 possible.

17 M. le Président (interprétation). - Un bon écrivain pourrait

18 écrire la même chose.

19 M. Greaves (interprétation). - On invite maintenant la Cour à

20 être expert graphologue en plus d'être juge. C'est une proposition très

21 intéressante.

22 M. Jan (interprétation). - Nous devons le faire très souvent

23 pour voir si un document est écrit par une personne particulière. Il

24 appartient à la Cour de se prononcer sur les moyens de preuve présentés.

25 Il faut qu'il y ait des moyens de preuve avant de pouvoir venir à une

Page 4452

1 conclusion.

2 M. Jan (interprétation). - Dites-vous que cette lettre n'a pas

3 été écrite par votre client ?

4 M. Greaves (interprétation). - Je ne prétends rien du tout, je

5 dis simplement qu'il faut faire la distinction entre quelqu'un qui vous

6 affirme quelque chose et les éléments de preuve permettant de l'établir. A

7 mon avis, ces éléments de preuve n'ont pas été présentés et l'accusation

8 ne peut forcer M. Mucic à donner des échantillons de son écriture. Il

9 s'agit ici d'un argument présenté par l'accusation, c'est à elle de le

10 prouver.

11 M. le Président (interprétation). - Qu'en est-il de la personne

12 qui a transmis le moyen de preuve, le truchement de la lettre ?

13 Mme McHenry (interprétation) - Monsieur le Président, je peux

14 poser cette question au témoin. Est-ce que la personne qui vous a remis

15 cette lettre s'est identifiée ?

16 Témoin P (interprétation). - Non, elle ne s'est pas identifiée.

17 Mme McHenry (interprétation) - Monsieur le Président, je pense

18 que si vous examinez le contenu de la lettre, même si vous pouvez dire

19 qu'un bon écrivain aurait pu écrire ce genre de chose, la question qu'il

20 faut se poser est de savoir si, à première vue, ce n'est pas l'accusé qui

21 a effectivement écrit la lettre. Je pense que si l'on examine les

22 informations précises qui se trouvent dans la lettre, ce sont des éléments

23 qui étaient de la connaissance de M. Mucic, notamment pour ce qui est du

24 rapport entre M. Mucic et le témoin, et cela me paraît suffisant. Sinon,

25 je demanderai que Madame et Messieurs les juges vous donniez instruction à

Page 4453

1 M. Mucic de donner des échantillons de son écriture, car il m'apparaît

2 inconcevable qu'un accusé puisse écrire des lettres telles que celle-ci et

3 dise ensuite : "Je refuse de donner des échantillons de mon écriture".

4 Nous pourrons vous donner des références juridiques, si vous le

5 souhaitez, indiquant que l'accusé peut recevoir l'instruction de donner

6 ces échantillons. Que peut-on tirer comme conclusion s'il refuse de le

7 faire ?

8 M. Jan (interprétation). - Mais Madame McHenry, vous utilisez

9 ceci comme un aveu de la part de l'accusé ?

10 Mme McHenry (interprétation) - Oui,effectivement, monsieur le

11 juge.

12 M. Jan (interprétation). - Aveu de quoi ?

13 Mme McHenry (interprétation) - Entre autre chose que M. Mucic

14 était présent au moment où les prisonniers ont été transférés de l'école

15 du 3 mars à Celebici.

16 M. Jan (interprétation). - Est-ce un aveu de culpabilité ?

17 Lorsque vous parlez de culpabilité, vous parlez d'éléments incriminants

18 pour l'accusé. Est-ce que cette lettre est incriminante en quelque manière

19 que ce soit ?

20 Mme McHenry (interprétation). - Oui, monsieur le Président, je

21 pense que cette lettre est incriminante, elle contient des éléments qui

22 corroborent de façon importante ce que le témoin a dit dans sa déposition.

23 Je vois ici aussi que l’accusé reconnaît avoir été le commandant du camp,

24 en tout cas à la date du 3 août. Je pense que c'est là aussi un aveu de

25 l’accusé. Je ne pense pas que l'accusé ait dit "Je suis coupable, je l'ai

Page 4454

1 fait", mais je ne pense pas non plus qu'il soit nécessaire qu'il y ait

2 aveu.

3 M. le Président (interprétation). - Votre argument est que si

4 vous proférez une allégation, il appartient à la personne accusée de la

5 réfuter ?

6 Mme McHenry (interprétation). - Non, Monsieur le Président.

7 M. le Président (interprétation). - Voilà ce que vous êtes en

8 train de dire : vous devriez maintenant trouver un expert graphologue qui

9 prouve que cette lettre est de la main de l'accusé.

10 Mme McHenry (interprétation). - Je pense qu'à la vue de cette

11 lettre et de sa teneur, il apparaît que M. Mucic l’a bien écrite.

12 M. le Président (interprétation). - Qu’est-ce qui vous fait dire

13 cela ?

14 Mme McHenry (interprétation). - Par exemple, il discute de ce

15 qui s'est passé à l’Ecole du 3 mars. Il dit aussi ce qui s’est passé au

16 procès. Je pense ainsi qu’il discute d'éléments ayant un rapport avec le

17 témoin. Cela me paraît être un élément suffisant.

18 M. le Président (interprétation). - Vous pensez que le témoin ne

19 pouvait écrire cette lettre ?

20 Mme McHenry (interprétation). - Je pense que c'est là une

21 question...

22 M. le Président (interprétation). - Il y a ici des éléments que

23 vous devriez établir.

24 Mme McHenry (interprétation). - Je pense que l'on peut faire

25 preuve aussi de bon sens. Dans la mesure où vous ne me suivez pas, je

Page 4455

1 pense que l'accusation est habilitée alors à demander à la Chambre de

2 donner instruction à l'accusé de donner des échantillons de son écriture,

3 car agir autrement signifierait que l'on donnerait aux accusés carte

4 blanche, ce qui leur permettrait d'agir à leur guise, y compris d'envoyer

5 des menaces écrites au témoin.

6 M. le Président (interprétation). - Je vous entends bien. A

7 première vue, il me paraît difficile d'accepter cette lettre comme moyen

8 de preuve suffisant dont iil serait établi qu'elle a été écrite de la main

9 de M. Mucic. Il n'y a rien en effet qui lie la lettre et l'accusé, si ce

10 n'est le nom de Pavo qui apparaît en bas de la lettre. Tout ce qui s'y

11 trouve sont des éléments qui ne sont pas uniquement de la connaissance de

12 M. Mucic. Il y a aussi là des choses connues d'autres personnes.

13 Mme McHenry (interprétation). - Il y a de nombreux faits dans

14 cette lettre...

15 M. le Président (interprétation). - Que seul lui pouvait savoir.

16 Mme McHenry (interprétation). - Effectivement. Et si vous n'êtes

17 pas d'accord avec le versement de la pièce, je demanderai alors, en vertu

18 de l'article qui dit que vous pouvez rendre des ordonnances, de donner

19 instruction à l'accusé de fournir des échantillons de son écriture.

20 Mme McHenry (interprétation). - Excusez-moi de ce petit retard,

21 je faisais référence à l'article 54 en vertu duquel vous avez le pouvoir

22 d'ordonner à l'accusé de fournir des échantillons de son écriture.

23 M. Greaves (interprétation). - C’est monstrueux ! Vous souvenez-

24 vous de l'article 21-4-G qui requiert que le Tribunal n'impose pas à un

25 accusé de témoigner contre lui-même, article 21 du statut ? La lecture que

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1 l'accusation fait de l'article 54 du Règlement me paraît extravagante.

2 C'est à mon avis la proposition la plus extravagante que la Chambre ait

3 entendu jusqu'ici et je vous demande instamment de la rejeter.

4 Mme McHenry (interprétation). - Y compris aux Etats-Unis, et

5 dans des affaires traitées par la Cour suprême des Etats-Unis, il est

6 prévu que la fourniture d'échantillons d'écriture ne constitue pas une

7 infraction au droit de l’accusé de ne pas témoigner contre lui-même. Si

8 vous souhaitez un mémoire écrit concernant ce point, je peux vous le

9 fournir, mais cela ne me paraît pas nécessaire. Il me semble qu'il est

10 bien établi dans de nombreuses juridictions que l'on peut donner

11 instruction à un accusé de fournir des échantillons d'écriture sans que

12 cela soit une violation du droit à ne pas témoigner contre soi-même. Et si

13 l'accusé refuse de le faire, on peut en tirer des conclusions quant au

14 comportement de l’accusé.

15 M. Greaves (interprétation). - Il n'y a aucune règle de ce style

16 dans le Statut ou le Règlement et j'invite instamment la Chambre à rejeter

17 cette demande.

18 M. le Président (interprétation). - Nous allons suspendre

19 l'audience pendant cinq minutes et revenir ensuite.

20 L'audience, suspendue à 16 heures 55, est reprise à 17 heures 05.

21 M. le Président (interprétation). - La Chambre de première

22 instance a examiné la question. Il nous semble difficile de prendre une

23 décision à l'instant même. La décision quant à la recevabilité de ce

24 document sera repoussée et nous attendrons d'avoir vos arguments,

25 notamment ceux de la défense, mais aussi ceux de l'accusation pour ce qui

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1 est de la recevabilité.

2 S'agissant de la pertinence de cette lettre qui accuse ou dresse

3 un doigt accusateur à l'encontre de telle personne ne fait que cela pour

4 le moment et il faut d'abord régler la question pour voir s'il est

5 possible d'accepter que cette lettre provient de la main de l'accusé.

6 L'argument doit porter sur le fond pour ce qui est du fait que

7 l'accusé ne peut s'incriminer lui-même. Du côté de l'accusation, on dit

8 que c'est un premier commencement de preuve, mais nous estimons que ce

9 n'est pas suffisant. Nous attendons d'avoir les interventions écrites des

10 parties pour trancher sur la question de la recevabilité. Il y aura des

11 arguments écrits et un échange d'arguments en audience également.

12 Mme McHenry (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

13 Dans ce contexte, la lettre fait allusion à un article de journal, et pour

14 que tout soit clair au procès-verbal je demanderai que ceci soit montré

15 aux conseils de la défense, puis montré au témoin. Je vous demanderai de

16 verser cette pièce au dossier au cas où elle prendrait une importance

17 différente au vu de l'autre pièce.

18 Pour le moment, ce n'est qu'une annexe ; nous ne demandons pas à

19 ce que ce soit versé dès maintenant au dossier et je vous dis aussi,

20 madame et messieurs les juges, qu'il n'y a pas encore de traduction de cet

21 article, mais nous veillerons à ce que les services de traduction se

22 chargent de traduire cet article de journal dans les meilleurs délais.

23 M. Ackerman (interprétation). - Je suppose que l'accusation ne

24 demande pas à verser cette pièce contre d'autres personnes que contre

25 Mucic.

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1 M. le Président (interprétation). - De toute façon, il n'y a pas

2 de versement au dossier ni de recevabilité reconnue.

3 M. Jan (interprétation). - En avez-vous terminé de votre

4 interrogatoire principal ?

5 Mme McHenry (interprétation). - Oui, je voulais simplement

6 montrer cet article au témoin pour voir s'il s'agit bien de l'article, et

7 puis nous en aurons ainsi terminé.

8 Monsieur le témoin, reconnaissez-vous ce document ?

9 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président !

10 M. le Président (interprétation). - Oui ?

11 Mme Residovic (interprétation). - Nous voudrions savoir comment

12 l'accusation est entrée en possession de cet article de journal, parce que

13 les offrir à la notification c'est bien, mais il faut d'abord expliquer

14 comment l'accusation a pris connaissance de cet article. Je comprends la

15 langue, l'article n'a pas été traduit ; cet article fait état de noms

16 d'autres personnes et je ne sais pas quel motif l'accusation invoque pour

17 présenter ce document à la Cour.

18 M. le Président (interprétation). - N'avez-vous pas dit que

19 c'était annexé à la lettre ?

20 Mme McHenry (interprétation). - Effectivement, je pense que le

21 témoin va vous le dire ; cet article précis a été donné au témoin avec la

22 lettre. En fait, cette lettre fait référence à cet article et nous avions

23 dit qu'il serait peut-être utile d'identifier cette pièce pour préciser

24 exactement ce qui se passait.

25 M. Greaves (interprétation). - Le témoin ne va pas trouver très

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1 difficile d'apporter cet élément de preuve. Il va répéter ce que le

2 Procureur lui a dit de dire.

3 M. le Président (interprétation). - C'est assez difficile. Vous

4 auriez pu préparer des extraits au moment où vous offriez la lettre.

5 Mme McHenry (interprétation). - J'aurais pu le faire il y a cinq

6 minutes, au moment où j'ai présenté l'autre pièce, mais ce qui me semblait

7 pertinent c'était d'abord la lettre qui faisait certains constats. Il ne

8 me semblait pas que cet article ait été nécessaire, mais si une discussion

9 intervient, relative au report de la décision et du versement au dossier,

10 je crois qu'il faudrait indiquer quelle est la nature de cet article pour

11 le procès-verbal d'audience.

12 Personnellement, je n'ai pas vu de traduction de ce texte. Dans

13 la mesure où ce qui est en jeu ici c'est de savoir ce que le témoin a reçu

14 ce qu'il y avait en annexe, la pertinence va peut-être s'avérer plus tard

15 et s'il n'y a pas de pertinence vous pourrez en faire fi, Madame et

16 Messieurs les juges, mais puisque le témoin est ici -et nous n'avons rien

17 fait d'autre que de demander au témoin de nous dire si c'est bien

18 l'article auquel il est fait allusion dans la lettre- je ne vois aucun

19 problème. Ceci ne lèse personne. Si vous estimez par la suite que cette

20 lettre n'a aucune pertinence, vous pouvez la laisser de côté.

21 M. le Président (interprétation). - Le document n'était pas

22 encore entré dans le dossier. Alors peut-être qu'il faudrait... Je suppose

23 que la lettre n'a pas encore été admise ni numérotée. On peut donc y

24 attacher l'article.

25 Mme McHenry (interprétation). - Merci monsieur, je comprends.

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1 Monsieur, pourriez-vous nous dire si vous reconnaissez ce qui vous a été

2 donné : la pièce 156 ?

3 Témoin P (interprétation). - Oui.

4 Mme McHenry (interprétation). - Quand l'avez vous reçue et

5 qu'est-ce ?

6 Témoin P (interprétation). - Je l'ai reçue en même temps que la

7 lettre.

8 Mme McHenry (interprétation). - Il y a une partie surlignée.

9 Est-ce que cette partie était déjà surlignée lorsque vous avez reçu la

10 lettre et l'article ou est-ce que c'est vous-même qui avez apporté cet

11 élément ?

12 Témoin P (interprétation). - C'était surligné quand j'ai reçu le

13 document.

14 Mme McHenry (interprétation). - Fort bien. Nous reportons à

15 plus tard la demande de versement des dossiers. J'en ai ainsi terminé de

16 l'interrogatoire principal. Je vous remercie.

17 M. le Président (interprétation). - Contre-interrogatoire pour

18 ce témoin ?

19 M. O'Sullivan (interprétation). - Oui, dans l'ordre suivant :

20 d'abord le conseil de M. Delalic, suivi de celui de M. Mucic ; troisième

21 conseil : celui de M. Delic, et nous terminerons par le conseil de

22 M. Landzo.

23 Mme Residovic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

24 Nous avons travaillé longuement aujourd'hui. Je suis prête pour

25 le contre-interrogatoire, mais puisque mon contre-interrogatoire durera

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1 beaucoup plus longtemps que les quinze minutes qui nous restent

2 aujourd'hui, je serais très heureuse si le Tribunal acceptait que nous

3 commencions ce contre-interrogatoire demain. Je crois que le témoin aussi

4 a été sous le feu de nombreuses questions toute la journée d'aujourd'hui.

5 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup de faire

6 preuve d'autant d'indulgence. Nous pourrons effectivement lever l'audience

7 aujourd'hui et nous recommencerons demain à 10 heures 30.

8 Mme Residovic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

9 L'audience est levée à 17 heures 20.

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