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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-96-21-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3
4 Mardi 15 juillet 1997
5 L'audience est ouverte à 10 heures 05.
6 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)
7 M. le Président (interprétation). - Mesdames et Messieurs,
8 bonjour. Nous commençons. En fait, nous reprenons là où nous nous nous
9 étions arrêtés hier. Veuillez rappeler au témoin qu'il est toujours sous
10 serment. Mais peut-être pourrions-nous d'abord avoir les comparutions et
11 nous poursuivrons.
12 M. le Greffier. - Je vous rappelle que vous témoignez toujours
13 sous serment.
14 Témoin M (interprétation). - Oui.
15 Mme McHenry (interprétation). - Bonjour Mesdames et Messieurs.
16 Je suis Teresa McHenry. Je représente le bureau du Procureur et je
17 comparais aujourd'hui avec Me Giuliano Turone et Me Elles Van Dusschoten,
18 notre substitut d'audience.
19 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.
20 Mme Residovic (interprétation) - Bonjour Madame et Messieurs les
21 juges. Je m'appelle Edina Residovic. Je défends Zejnil Delalic avec le
22 Pr O’Sullivan, professeur canadien.
23 M. Olujic (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les
24 juges. Je suis Zeljko Olujic. Je défends Zdravko Mucic avec
25 Me Mickaël Greaves, avocat de Grande-Bretagne et d’Irlande du nord.
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1 M. Karabdic (interprétation). - Je m'appelle Salih Karabdic. Je
2 viens de Sarajevo, je défends Hazim Delic en compagnie de Me Thomas Moran,
3 avocat de Houston au Texas.
4 M. Ackerman (interprétation). - Bonjour. Je m'appelle
5 John Ackerman. Je défends Esad Landzo en présence de Me Cynthia McMurrey,
6 avocate américaine.
7 M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Ackerman, je
8 crois que vous pouvez poursuivre votre contre-interrogatoire.
9 Mme McHenry (interprétation). - Si vous le voulez, je peux vous
10 faire état de la discussion que j'ai eue avec le témoin hier avant que ne
11 commence Me Ackerman.
12 M. le Président (interprétation). - C'est une bonne idée. Voyons
13 ce que vous avez à nous dire.
14 Mme McHenry (interprétation). - Tout d'abord, il est vrai que,
15 dans un livre intitulé "Souffrances à Konic et à Tarcin", la déclaration
16 d'une demi-page de ce témoin est en serbo-croate. Je fais remarquer que la
17 défense a été informée du fait que, l'année dernière ou en janvier 1997,
18 beaucoup de livres étaient à la disposition du public à propos des
19 événements de Celebici. Et, en particulier le 16 janvier 1997,
20 l'accusation avait déposé un mémoire en réponse à une requête présentée
21 par la défense. Il s'agissait, dans le chef de la défense, de la demande
22 de communication de pièces à décharge. Et l'accusation avait dit être au
23 courant de la publication de deux livres et, en particulier, de celui-ci
24 intitulé "Souffrances des Serbes à Tacin et à Konic". Cela a été publié à
25 Belgrade par le Comité des réfugiés de la République de Serbie, en 1995.
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1 La défense savait donc que ce livre avait été publié et, même si
2 on avait dit que ce n'était pas nécessaire, l'accusation aurait dit, dans
3 sa requête déposée devant le Tribunal, qu'elle était prête à autoriser
4 l'examen de ce livre. Le témoin a dit qu'il avait vu ce livre et il nous a
5 fait remarquer que sa déclaration s'y trouvait -celle précisément à
6 laquelle il faisait référence. Apparemment, ce n'est pas exactement le
7 livre qu'il a vu lui-même mais, dans ce livre-ci, je pense qu'il y a
8 certains éléments, notamment l'introduction, qui sont en anglais. Et il y
9 a des déclarations de témoins. Certains sont cités nommément, d’autres
10 pas, mais certaines de ces déclarations sont en serbo-croate. Il se peut
11 que le témoin ait vu la version antérieure de ce livre qui n'était qu'en
12 serbo-croate. Ce témoin dit se souvenir de la maison d'édition de ce
13 livre. Il avait été édité par Sretan Lyakoljevic, également à Belgrade. Ce
14 livre est sans doute sur le marché, dans les librairies et bibliothèques.
15 Ce témoin est prêt à contacter la personne qui est censée avoir
16 une copie exacte du livre que le témoin a consulté, mais il ne peut pas le
17 faire maintenant. L'accusation pense que la défense peut examiner ceci.
18 Elle pouvait d'ailleurs déjà le faire en janvier 1997.
19 Il n'est donc pas nécessaire que le témoin entreprenne de
20 nouveaux efforts à ce propos. Mais voilà où nous en sommes.
21 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Tout est
22 fonction de ce que la défense considère comme étant une déclaration, faite
23 par le témoin, qui ne lui aurait pas été remise. Mais même dans ce cas,
24 sauf si le témoin possède cette déclaration, il ne peut pas la présenter.
25 M. Moran (interprétation). - Ceci soulève une autre question, et
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1 l'accusation pourra peut-être nous aider sur ce point : en vertu de
2 l'article 66 a, le procureur a l’obligation de fournir à la défense, même
3 sans qu'elle ne le demande, les exemplaires des déclarations qui sont en
4 la possession de l'accusation.
5 M. le Président (interprétation). - En la possession de
6 l'accusation ?
7 M. Moran (interprétation). - C'est exact. J'aimerais savoir s'il
8 y a des déclarations de témoins à charge qui se retrouvent dans ce livre.
9 M. Jan (interprétation). - Veuillez lire l'article 66 a, les
10 déclarations obtenues par le Procureur.
11 M. Moran (interprétation). - N'y a il pas une décision qui vient
12 de l’affaire Tadic -je me trompe peut-être, il s'agit peut-être de
13 l'affaire Blaskic- où l’on dit, peu importe comment : le Bureau du
14 Procureur entre en possession de ces documents. Il y a des modalités plus
15 larges d'obtention de ces déclarations. Mais il se peut que je me trompe.
16 M. le Président (interprétation). - Il y a le 67 b aussi qui
17 intervient. Ce droit leur est accordé par l'article 67 b.
18 M. Ackerman (interprétation). - J’estime que, même si la requête
19 peut se formuler au titre du 66 b, le 66 a exige de l'accusation quelle
20 remette ses documents à la défense, que cette dernière les ait demandés ou
21 pas.
22 M. le Président (interprétation). - Vous savez qu'il y a des
23 déclarations versées en annexe à l’acte d'accusation, mais si vous aviez
24 utilisé ce droit qui vous est donné au 66 b vous auriez pu obtenir tous
25 les documents qui sont à l'accusation.
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1 M. Moran (interprétation). - Nous avons bien sûr déposé une
2 requête en vertu du 66 b.
3 M. le Président (interprétation). - Vous auriez pu utiliser
4 cette filière et obtenir tous ceux qu'avait l'accusation. Cela aurait pu
5 vous satisfaire.
6 M. Moran (interprétation). - Je voudrais aussi suggérer à la
7 Cour que plusieurs témoins se sont vu poser la question de savoir s'ils
8 avaient fait des déclarations à qui que ce soit. Concernant ces
9 déclarations, celles qui viennent des témoins et les déclarations qui ont
10 été reprises dans ce livre, on pourrait effectivement parler de
11 l'article 68 pour ce qui est des éléments à décharge.
12 Cela peut avoir une incidence sur la crédibilité des témoins à
13 charge ou les éléments de preuve présentées par l'accusation.
14 M. le Président (interprétation). - Mais tout dépend si cela est
15 de nature exonératoire. Cela ne l'est pas simplement si quelqu'un a parlé
16 ou écrit une lettre à quelqu'un.
17 M. Moran (interprétation). - Non, Monsieur le Président, mais ce
18 que j'ai à l’esprit, c’est que si l’on demande à quelqu'un s'il a fait
19 d'autres déclarations, il devrait le dire, sinon sa crédibilité est
20 entamée.
21 M. le Président (interprétation). - Je pense que vous avez une
22 interprétation trop large du terme déclaration.
23 M. Moran (interprétation). - Je vous remercie.
24 M. le Président (interprétation). - Voyons ce que vous avez à
25 dire.
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1 M. Ackerman (interprétation). - Il est difficile de répondre à
2 ce que dit l'accusation. Je n'ai pas vu ce livre que Me McHenry avait
3 entre les mains, il serait bien de pouvoir l'examiner.
4 M. Jan (interprétation). - L'accusation apparemment vous aurait
5 déjà fait part de l'existence de ces deux livres l'année dernière et en
6 tout cas en janvier 97. Pourquoi n'examinez-vous pas ces livres pour voir
7 la teneur des déclarations qui y sont consignées ?
8 M. Ackerman (interprétation). - Avant que Me McHenry
9 n’intervienne ce matin, je ne savais pas du tout que ces documents étaient
10 à notre disposition. Il se peut que les confrères qui m'ont précédé aient
11 été informés, moi je n'avais pas encore eu le temps de consulter ces
12 livres.
13 Mais ce qui me perturbe à l'instant même, c'est que dans le
14 cadre de plusieurs témoignages que nous avons entendus, et que j'ai
15 entendus depuis mon arrivée dans ce procès, moi personnellement, ou l'un
16 ou l'autre de mes confrères, avons fait des demandes officielles pour
17 avoir des informations, des déclarations faites à des organisations telle
18 que l'Association de détenus, que beaucoup des témoins ont nié avoir fait
19 de telles déclarations et qu'à plus d'une occasion depuis que je travaille
20 sur ce procès, l'accusation a été priée de dire au Tribunal s’il y avait
21 ou pas, à sa connaissance, des déclarations faites à l'Association des
22 détenus ou à toute autre organisation. Or, si je me souviens bien, chaque
23 fois que la question a été posée, l'accusation a dit à ce Tribunal qu'elle
24 n'était pas du tout informée de ce genre de déclarations qu'auraient fait
25 les témoins, et qu’elle ne savait pas non plus si des déclarations avaient
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1 été faites à une organisation telle que l'Association des détenus.
2 Je ne peux pas ici aller plus loin que cette généralisation
3 puisque je n'ai pas vu ce livre.
4 Si la seule déclaration reprise dans ce livre est celle du
5 témoin qui est devant nous aujourd'hui, je n'ai pas à me plaindre puisque,
6 effectivement, on nous informe aujourd'hui de la présence de cette
7 déclaration dans ce livre.
8 Mais pour ce qui est du contre-interrogatoire que je mène
9 aujourd'hui, il serait important que je reçoive une copie de la partie du
10 livre reprenant la déclaration de ce témoin. Ainsi, je pourrais établir
11 s'il y a des éléments que je pourrais utiliser à des fins de récusation.
12 Voilà, plus ou moins, où j'en suis pour le moment. J'avoue que j'ai été
13 surpris ce matin -ce n'était peut-être pas le cas de certains de mes
14 confrères- d'apprendre l'existence d'un tel livre.
15 M. le Président (interprétation). - Tout dépend de l'importance
16 des recherches menées pour voir ce qui s'est passé depuis. Mais,
17 apparemment, vous connaissiez l'existence de ce livre depuis longtemps,
18 que l'accusation en soit informée ou pas.
19 Mme McHenry (interprétation). - L'accusation est disposée à
20 fournir un exemplaire à la défense. Maître Ackerman pourra utiliser cette
21 déclaration pendant son contre-interrogatoire.
22 Je vous précise tout de suite que la déclaration est en serbo-
23 croate et que nous n'avons pas de traduction en anglais, mais vous avez
24 peut-être des confrères qui parlent la langue.
25 S’agissant de toutes les déclarations reçues de l'Association
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1 par l'accusation, il se peut que d'autres témoins aient fourni une
2 déclaration soit à cette Association, soit à un service gouvernemental,
3 soit aux médias. Cela ne veut donc pas dire que l'accusation ait dit
4 qu'aucune autre déclaration n'avait été faite. Je voulais simplement dire
5 que l'Association ne nous a pas fourni ces déclarations, que nous ne les
6 avons donc pas remises à la défense, pour que tout soit clair.
7 Je suis aussi prête à obtenir un exemplaire à la Cour.
8 M. Ackerman (interprétation). - Je ne peux pas beaucoup utiliser
9 le serbo-croate pour le moment, je pense qu'il serait utile d'avoir cela
10 pendant la prochaine pause. Je demanderai à quelqu'un d'examiner cela pour
11 moi afin de me traduire le contenu. Je vois bien la déclaration.
12 M. le Président (interprétation). - L'accusation en a-t-elle une
13 traduction ?
14 Mme McHenry (interprétation). - Non, franchement non. Nous ne
15 savions même pas que ces déclarations se trouvaient dans le livre, mais
16 puisque nous en avons parlé hier, nous avons fait une recherche et nous
17 avons trouvé ce livre. Il n'y a pas de traduction, j'ai demandé à
18 quelqu'un de regarder le texte rapidement. Nous avons un résumé, mais pas
19 de traduction.
20 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.).
21 M. le Président (interprétation). - Donc vous aurez un certain
22 privilège, vous serez la première personne à traduire cette déclaration.
23 M. Ackerman (interprétation). - J'en conviens, mais à première
24 vue, cela est un livre tout à fait normal, dont la publication est tout à
25 fait ordinaire. Ce n'est pas de fabrication maison. Peut-être qu'on le
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1 trouve dans les librairies, les bibliothèques. En d'autres termes, il
2 s'agit bien d'un document public.
3 Autre élément que je constate : le nom de ce témoin est écrit
4 dans ce livre destiné au public et sans la protection qui a été demandée
5 pour lui dans notre procès. Je ne sais pas si cela a une importance
6 quelconque, mais c'est bien la situation telle qu'elle se présente.
7 Mme McHenry (interprétation). - Puis-je intervenir sur ce
8 point ? C'est un fait, s'agissant de plusieurs témoins. La protection
9 qu'ils demandent concerne le fait qu'ils puissent témoigner ici, et non
10 pas le fait qu'ils aient été des victimes au camp de Celebici. Par
11 exemple, il y en a plusieurs dont le nom figure dans l'acte d'accusation
12 et qui ont quand même demandé des mesures de protection. C'est leur statut
13 de témoin qu'il s'agit de protéger et non pas leur identité.
14 Le fait qu'un livre montre publiquement que cette personne a été
15 une victime de Celebici ne signifie pas pour autant qu'elle n'ait pas le
16 droit de bénéficier de mesures de protection.
17 Effectivement, ce livre est public. Dans la requête que nous
18 avons déposée en janvier, nous avions mentionné plusieurs livres. A notre
19 connaissance, il y a plusieurs livres que nous considérons comme étant
20 documents publics plutôt que reprenant des déclarations.
21 Je vais peut-être demander que quelqu'un du bureau du Procureur
22 vienne ici et puisse faire des copies, de sorte que vous disposiez de
23 cette copie pendant la pause.
24 M. Ackerman (interprétation). - Fort bien. Je vais, bien sûr,
25 sans doute avoir une conversation avec Mme McHenry, qu’il n'est pas utile
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1 de faire figurer au procès-verbal d'audience. Nous ferons cela en privé.
2 Je suis prêt à poursuivre mon contre-interrogatoire, à
3 l'exclusion bien sûr de ce que je voudrais utiliser dans ce livre et du
4 parti que je vais en tirer.
5 Je pense terminer mon contre-interrogatoire avant la pause du
6 matin et je demanderai la possibilité de demander au témoin de revenir
7 après avoir eu l'occasion d’examiner la déclaration, si cela me semble
8 nécessaire.
9 M. le Président (interprétation). - Si vous voulez vraiment le
10 récuser, ne pourriez-vous pas le faire avant d'avoir vu cette
11 déclaration ?
12 M. Ackerman (interprétation). - Effectivement.
13 M. le Président (interprétation). - Poursuivez.
14 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur M, j'aimerais parler
15 davantage des mémoires que vous avez écrits à propos de ce que vous avez
16 vécu à Celebici. Etes-vous prêt à répondre à ces questions ?
17 Témoin M (interprétation). - Oui.
18 M. Ackerman (interprétation). - Pourriez-vous nous dire si, dans
19 le cadre de la rédaction de ces mémoires, vous vous êtes surtout intéressé
20 à ce que vous avez vécu au camp de Celebici à Musala, ou si vous avez
21 élargi votre champ d'investigation pour parler de tout ce que vous avez
22 vécu avant et pendant la guerre qui a sévi en Bosnie ?
23 Témoin M (interprétation). - Ainsi, vous vous souvenez de ce que
24 j'ai dit. Je vous ai dit que j'écrivais ces mémoires pour moi-même. Je ne
25 voulais pas, du moins pour le moment, publier cet ouvrage. Et, pour
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1 satisfaire votre curiosité, je vous dirais que je parle de la période qui
2 va de 1992, avant que le conflit n'éclate, jusqu'à la fin du conflit. J'ai
3 mentionné un peu par hasard que j'étais en train d'écrire mes mémoires.
4 J'ai dit que je ne savais pas si cela ferait jamais l'objet d'une
5 publication. Si c'est le cas, elles seront, bien sûr, à la disposition du
6 public. Je parle de ce que j'ai moi-même vécu et de tous les événements
7 qui se sont déroulés entre janvier 1992 et la fin de 1995.
8 M. Ackerman (interprétation). - Vous êtes-vous fondé uniquement
9 sur votre propre expérience, ou avez-vous mené des enquêtes ou fait une
10 recherche supplémentaire en utilisant d'autres éléments pour vous aider à
11 écrire ces mémoires ?
12 Témoin M (interprétation). - Ces écrits portent sur mes
13 expériences et mes réflexions personnelles à propos de la situation de la
14 guerre elle-même. Je n'ai rien utilisé d'autre parce que des mémoires, ce
15 sont des mémoires.
16 M. Ackerman (interprétation). - Avant mai 1992, vous saviez,
17 bien sûr, ce qui se passait en ex-Yougoslavie, et plus précisément, en
18 Bosnie. Vous aviez beaucoup d'informations, n'est-ce pas ?
19 Témoin M (interprétation). - Oui, par les médias.
20 M. Ackerman (interprétation). - Et aussi à partir de discussions
21 que vous avez eues avec d'autres personnes ?
22 Témoin M (interprétation). - Oui.
23 M. Ackerman (interprétation). - Je suppose que vous avez
24 également tiré beaucoup d'informations de la télévision.
25 Témoin M (interprétation). - Oui.
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1 M. Ackerman (interprétation). - Et c'était surtout la télévision
2 de Belgrade qui vous informait ?
3 Témoin M (interprétation). - Non, c'était la télévision de
4 Sarajevo, parce que je vivais dans les environs de Sarajevo.
5 M. Ackerman (interprétation). - N'y a-t-il pas eu un moment où
6 il n'était plus possible de capter la télévision de Sarajevo, mais
7 uniquement celle de Belgrade ?
8 Témoin M (interprétation). - Oui. Mais, à l'époque, je ne
9 pouvais pas regarder la télévision ; il n'y avait pas d'électricité. On ne
10 pouvait pas regarder la télévision parce que l'électricité était coupée.
11 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que c'est à partir
12 d'informations obtenues par la télévision que vous avez compris que ce
13 serait peut-être une bonne idée de vous armer et d'armer les habitants de
14 Bradina ?
15 Témoin M (interprétation). - Non. Et je vous ai dit que je
16 regardais la télévision de Sarajevo.
17 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que vous regardiez les
18 chaînes de la télévision de la Republika Serbska ?
19 Témoin M (interprétation). - Non. Je regardais les chaînes
20 officielles de Sarajevo.
21 M. Ackerman (interprétation). - Que s'est-il passé avant que
22 vous ne vous procuriez des armes ainsi que l'ont fait les habitants de
23 Bradina ? Qu'est-ce qui vous a amené à croire qu'il était nécessaire de
24 vous procurer ces armes ?
25 Témoin M (interprétation). - C'était la situation politique
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1 elle-même qui prévalait dans la République et surtout dans la municipalité
2 de Konjic où la population serbe représentait moins de 20 % de la
3 population. Je n'ai pas les chiffres exacts. Il y avait des gens qui
4 fuyaient de la ville de Konjic et d'autres endroits où les Serbes se
5 trouvaient en minorité. Même avant l'attaque menée contre Bradina, les
6 gens étaient intimidés s'ils se trouvaient dans la minorité. Ils
7 quittaient la ville, ils partaient en direction de Sarajevo parce qu'ils
8 craignaient le pire. Et, fort de cette expérience connue par d'autres, je
9 me suis posé cette question : est-ce que je devrais partir avec ma femme
10 et mon enfant, partir de Bradina ou rester. Je pensais qu'un conflit
11 pouvait éclater mais je suis resté, je ne pensais pas que la guerre
12 prendrait une telle tournure parce que si je l'avais cru, je serais parti.
13 M. Ackerman (interprétation). - Je suppose que vous êtes au
14 courant des différents discours, des allocutions de Slobodan Milosevic à
15 propos de son idée de la création d'une grande Serbie.
16 Témoin M (interprétation). - Non. Je connais bien cette idée,
17 mais personnellement je n'étais pas favorable à ce genre d'idée.
18 M. Ackerman (interprétation). - Avant que n'éclatent ces
19 problèmes en Bosnie-Herzégovine en 91 et en 92, n'y avait-t-il pas eu ce
20 qu'on peut appeler une coexistence pacifique entre les habitants de cette
21 région, quel que soit le groupe ethnique auquel ils pouvaient appartenir ?
22 Témoin M (interprétation). - Oui, j'ai déjà dit qu'avant le
23 conflit, j'étais l'un des organisateurs qui avaient essayé de trouver des
24 gens de bonne volonté pour négocier avec les villages où les Musulmans
25 étaient majoritaires. J'ai donc formé un comité, et j'ai dit hier que je
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1 suis allé trois fois dans trois villages différents pour essayer de
2 trouver des façons d'éviter que n'éclate un conflit armé, pour essayer de
3 trouver une solution en tout cas dans notre partie du pays, afin que la
4 tension diminue.
5 M. Ackerman (interprétation). - Avant toutes ces difficultés, à
6 la fin des années 80, les gens qui habitaient en Bosnie-Herzégovine et
7 dans la région où vous viviez connaissaient des conditions de vie, un
8 niveau de vie relativement bons, n'est-ce pas ?
9 Témoin M (interprétation). - Oui.
10 M. Ackerman (interprétation). - Un niveau de vie en gros
11 européen, les gens avaient une voiture, un téléphone, une télévision etc.
12 Serez-vous d'accord avec ceci ?
13 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, j'objecte
14 à cette question. Je n'ai pas objecté jusqu'ici, mais je ne pense pas que
15 ce soit pertinent.
16 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, je pense
17 que l'accusation elle-même a établi la pertinence de ces questions
18 lorsqu'elle a invité Mme Calic à témoigner. Je suis simplement en train de
19 donner suite à de nombreuses questions dont Mme Calic a déjà parlé. Je
20 pense que l'accusation a établi la pertinence de ces questions, à
21 l'intention de la Chambre, en citant Mme Calic, notamment le fait que le
22 Tribunal ne peut pas vraiment comprendre les ramifications de cette
23 affaire sans comprendre le contexte du conflit. C'est pourquoi je pose ces
24 questions qui me semblent absolument adéquates.
25 M. le Président (interprétation). - Oui. Mais ce témoin n'a
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1 absolument pas déposé sur ces points. Je pensais que ce qui vous
2 intéressait, c'était ce qui l'avait décidé à s'armer. Cela me semblait
3 être le point d'arrivée de vos questions.
4 M. Ackerman (interprétation). - Oui, bien sûr, c'est là que je
5 veux en arriver. Monsieur, je ne suis pas sûr que vous ayez répondu à ma
6 dernière question qui portait sur les conditions de vie dont vous
7 jouissiez avant que n'éclate le conflit.
8 Les conditions de vie étaient bonnes, n'est-ce pas ?
9 Témoin M (interprétation). - Relativement, oui.
10 M. Ackerman (interprétation). - Y a-t-il eu un moment, avant
11 que les habitants de Bradina ne décident de s'armer, où vous avez eu
12 connaissance, par exemple, des événements qui s'étaient déroulés en
13 Krajina, région de Croatie ?
14 Témoin M (interprétation). - Non. J'ai dit que depuis février
15 1992, nous n'avions pas la possibilité de regarder la télévision puisque
16 l'électricité était coupée.
17 M. Ackerman (interprétation). - Avez-vous jamais entendu parler
18 d'un homme qui s'appelait Milan Babic et qui était actif à Knin ?
19 Témoin M (interprétation). - Non.
20 M. Ackerman (interprétation). - Vous saviez, bien entendu, qu'à
21 un moment donné, Bradina est devenue une localité assez stratégique dans
22 le cadre du conflit qui avait éclaté au début début de 1992 ?
23 Témoin M (interprétation). - Un endroit stratégique ?
24 Je peux vous dire que Bradina était un endroit où les gens se
25 sont organisés eux-mêmes, et il n'y a pas eu d'organisation venant de
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1 l'extérieur. Les gens qui habitaient là ont essayé de s'organiser de façon
2 à préserver la paix par des moyens pacifiques. Ils ont essayé de le faire,
3 c'est-à-dire qu'ils se sont organisés pour protéger leurs foyers, leurs
4 mères, leurs femmes, mais pas pour des considérations stratégiques.
5 M. Ackerman (interprétation). - Vous compreniez, bien entendu,
6 que Bradina était située sur la principale voie de chemin de fer et la
7 principale route reliant Sarajevo et la côte. N'est-ce pas ?
8 Témoin M (interprétation). - Oui.
9 M. Ackerman (interprétation). - Et vous savez qu'en avril 92,
10 Sarajevo a été assiégée et que le pilonnage de Sarajevo a alors commencé ?
11 Témoin M (interprétation). - Je savais qu'il y avait, à
12 l'époque, des problèmes à Sarajevo.
13 M. Ackerman (interprétation). - Et vous saviez que Sarajevo
14 était assiégée.
15 Témoin M (interprétation). - Non, Non. Je ne le savais pas.
16 Même maintenant, je ne sais pas de quel siège vous parlez.
17 M. Ackerman (interprétation). - Vous ne savez pas que Sarajevo a
18 essuyé les tirs de l'artillerie serbe presque quotidiennement pendant plus
19 de deux ans ?
20 Témoin M (interprétation). - Je sais qu'il y a eu une guerre à
21 Sarajevo, et qu'on a tiré.
22 M. Ackerman (interprétation). - Savez-vous que l'organisation
23 des Nations Unies a essayé -essayé- de maintenir l'aéroport de Sarajevo
24 ouvert pour que les habitants de Sarajevo puissent être ravitaillés en
25 denrées alimentaires, en médicaments et autres produits de cette nature ?
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1 Témoin M (interprétation). - Je ne comprends pas la question,
2 puis-je vous demander à quelle époque vous faites référence ? Je dois vous
3 rappeler que j'ai été arrêté en mai 1992 et que j'ai séjourné ensuite au
4 camp de Celebici. Je ne pense pas que ce que vous venez de mentionner
5 concernant Sarajevo, le siège ou les tentatives de l'ONU pour ravitailler
6 en nourriture et en médicaments la ville de Sarajevo, soit arrivé à la
7 suite de cela. Je ne connais donc pas bien les événements auxquels vous
8 faites référence. J'étais en prison à l'époque.
9 M. Ackerman (interprétation). - Très bien, mais vous savez qu'à
10 Bradina, il y avait, des deux côtés de la localité, des tunnels qui
11 pouvaient être utilisés très efficacement pour bloquer la voie ferrée et
12 qu'il suffisait pour cela de plastiquer ces tunnels ? Vous le saviez,
13 n'est-ce pas ?
14 Témoin M (interprétation). - Je le savais et cela a été fait.
15 Les tunnels ont été fermés des deux côtés : du côté de Konjic -je connais
16 les noms des gens qui l'ont fait, je peux vous les donner- et de l'autre
17 côté, le tunnel a été fermé avec de la terre. Il ne nous était donc pas
18 possible d'aller où que ce soit à Sarajevo ou à Konjic depuis Bradina.
19 M. Ackerman (interprétation). - Vous saviez, bien sûr, que le
20 gouvernement de Bosnie-Herzégovine avait tout intérêt à l'époque à
21 maintenir cette route ouverte pour que Sarajevo puisse être approvisionnée
22 en produits alimentaires, médicaments, etc., n'est-ce pas ?
23 Témoin M (interprétation). - Oui, je le savais. Par ailleurs, je
24 ne sais pas si vous savez que j'étais moi-même sur l'une de ces
25 barricades, et qu'à l'exception de la fouille des personnes qui passaient
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1 cette barricade, entre les deux offensives lancées contre Bradina, les
2 personnes qui traversaient Konjic et avaient besoin d'aide médicale à
3 Sarajevo étaient autorisées à passer. Ces personnes allaient à Sarajevo et
4 pouvaient revenir, de sorte que le territoire autour de Bradina n'était
5 pas bloqué. Il y avait un couloir ; il y avait des mesures de sécurité et
6 certains contrôles, mais la route qui passait à travers Bradina n'a jamais
7 été bloquée à 100 %. Il y avait des points de contrôle, des barrages, pour
8 des raisons de sécurité, car on craignait que des armes ne passent, mais
9 aussi des offensives ou des actes de sabotage. Tout au long de cette
10 période, la route est restée ouverte, il était possible de passer.
11 M. Ackerman (interprétation). - Vous saviez qu'étant donné les
12 intérêts en présence, l'armée de Bosnie-Herzégovine souhaitait que cette
13 route reste ouverte pour pouvoir ravitailler Sarajevo, et que les Serbes
14 de Bosnie souhaitaient que cette route soit coupée, fermée, pour isoler
15 Sarajevo.
16 Vous saviez que la principale mission, des deux côtés, des deux
17 parties, était en fonction, n'est-ce pas ?
18 Témoin M (interprétation). - Je ne sais pas ce que l'une ou
19 l'autre partie faisait. Je sais que l'armée de Republika Srpska n'avait
20 pas bloqué la route à Bradina.
21 Ce sont des gens qui habitaient là qui se sont organisés, ou des
22 gens qui avaient fui vers Bradina et qui avaient déjà une expérience, qui
23 savaient ce qui s'était passé ailleurs. C'est donc en fonction de
24 l’expérience qu'ils avaient qu'ils ont voulu se protéger.
25 Il n'y avait pas d'ordres qui venait de Republika Srpska ou de
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1 l'armée de Republika Srpska. Nous étions organisés nous-mêmes en
2 autodéfense.
3 M. Ackerman (interprétation). - Vous saviez que si Bradina était
4 attaquée, c'était que l'on souhaitait que la route reste ouverte. C'est la
5 raison pour laquelle cette offensive a été lancée.
6 M. le Président (interprétation). - Je suis surpris que vous
7 posiez autant de questions politiques auxquelles le témoin ne sera pas à
8 même de répondre. Il vous a déjà donné la réponse.
9 M. Ackerman (interprétation). - Si le témoin ne connaît pas la
10 réponse à mes questions, libre à lui de le dire. Je passerai alors à une
11 autre question.
12 M. le Président (interprétation). - S'il ne connaît pas la
13 réponse, pourquoi lui poser ces questions ?
14 M. Ackerman (interprétation). - Vous vous souvenez de ma
15 dernière question : avez-vous quelques connaissances sur cette question ?
16 M. le Président (interprétation). - Ce n'est pas nécessaire.
17 M. Ackerman (interprétation). - Très bien. Lorsque la bataille
18 de Bradina a commencé, vous nous avez dit que vous étiez en poste et armé
19 d'un fusil automatique.
20 Témoin M (interprétation). - Oui.
21 M. Ackerman (interprétation). - Des coups ont été tirés des deux
22 côtés, n'est-ce pas ?
23 Témoin M (interprétation). - Dans la zone de Bradina, oui.
24 M. Ackerman (interprétation). - Vous avez vous-même tiré avec
25 votre arme ?
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1 Témoin M (interprétation). - Oui.
2 M. Ackerman (interprétation). - Plusieurs fois ?
3 Témoin M (interprétation). - Plusieurs fois.
4 M. Ackerman (interprétation). - Lorsqu'il est devenu clair pour
5 vous que les forces qui essayaient de défendre Bradina étaient en sous-
6 effectif et qu'il valait mieux se rendre, vous vous êtes manifestement
7 rendu en portant l'arme avec laquelle vous aviez tiré ?
8 Témoin M (interprétation). - Oui.
9 M. Ackerman (interprétation). - Après votre reddition -et je ne
10 m'attarderai que peu sur ce point car beaucoup de questions ont déjà été
11 posées-, immédiatement après et avant que vous ne soyez obligé de monter
12 sur les camions, vous dites que vous avez été frappé gravement, pendant
13 assez longtemps, n'est-ce pas ?
14 Témoin M (interprétation). - Oui.
15 M. Ackerman (interprétation). - A la suite de ces coups, vous
16 saigniez ?
17 Témoin M (interprétation). - Oui.
18 M. Ackerman (interprétation). - Vous étiez blessé au bras ?
19 Témoin M (interprétation). - Oui.
20 M. Ackerman (interprétation). - Vous dites avoir encore des
21 cicatrices sur le bras à la suite des coups reçus à ce moment-là ?
22 Témoin M (interprétation). - Oui.
23 M. Ackerman (interprétation). - Vous avez été battu au point de
24 tomber par terre au moins dix fois avant que vous ne montiez sur le
25 camion ?
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1 Témoin M (interprétation). - Je ne peux pas vous dire combien de
2 fois exactement, mais je suis tombé plusieurs fois, peut-être dix fois,
3 peut-être même plus. En tout cas, je suis tombé plusieurs fois, mais je
4 n'ai pas compté.
5 M. Ackerman (interprétation). - Lorsque vous êtes finalement
6 monté dans le camion, vous avez perdu connaissance pendant un certain
7 temps ?
8 Témoin M (interprétation). - Pas entièrement. Je n'ai pas
9 entièrement perdu connaissance, j'étais sonné.
10 M. Ackerman (interprétation). - Vous nous avez parlé de votre
11 arrivée à Celebici et vous nous avez dit que vous avez d'abord été enfermé
12 au tunnel n° 9. Je voudrais vous poser quelques questions sur cet épisode.
13 D'accord ?
14 Témoin M (interprétation). - Oui.
15 M. Ackerman (interprétation). - A partir du moment où vous avez
16 été placé au tunnel n° 9, jusqu'à votre transfert ou hangar n° 6, vous
17 avez dit que pendant cette période de sept jours vous n'avez été battu
18 qu'une fois, est-ce exact ?
19 Témoin M (interprétation). - Une fois, au moment où j'ai été
20 enfermé dans le tunnel, et une deuxième fois quand on m'a fait sortir du
21 tunnel pour me frapper. Donc deux fois au total.
22 M. Ackerman (interprétation). - Cette question que je vous
23 posais portait sur le moment où vous étiez prisonnier dans le tunnel et ce
24 jusqu'au moment de votre transfert. Donc pendant ces sept jours, vous avez
25 dû sortir une fois du tunnel et vous avez été frappé une fois, n'est-ce
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1 pas ?
2 Témoin M (interprétation). - Oui.
3 M. Ackerman (interprétation). - Vous avez dit que, dans le
4 tunnel, vous étiez assis de telle façon que vous vous faisiez face ?
5 Témoin M (interprétation). - Oui.
6 M. Ackerman (interprétation). - N'est il pas vrai que le tunnel
7 est trop étroit pour que deux personnes puissent s’asseoir en se faisant
8 face ?
9 Témoin M (interprétation). - Je crois que vous connaissez les
10 dimensions du tunnel. Nous nous faisions face. Nous étions contre le mur
11 avec les jambes pliées et nous nous faisions face.
12 M. Ackerman (interprétation). - C’est comme cela que vous êtes
13 restés pendant tout le temps de votre séjour au tunnel n° 9 ?
14 Témoin M (interprétation). - Oui, pendant tout ce temps nous
15 avons dû rester appuyés contre le mur, avec les genoux un peu en l'air,
16 les jambes repliées et les genoux relevés.
17 M. Ackerman (interprétation). - Je voudrais en arriver
18 maintenant au hangar n° 6.
19 Vous avez décrit hier à la Chambre un incident au cours duquel
20 on vous a brûlé la main avec un couteau. Vous rappelez-vous cet incident ?
21 Témoin M (interprétation). - Oui.
22 M. Ackerman (interprétation). - Seriez-vous à même de montrer à
23 tous, ainsi qu'à la Chambre, les cicatrices sur la main qui remontent à
24 cet incident de la brûlure ?
25 Témoin M (interprétation). - Oui.
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1 M. Ackerman (interprétation). - Pourrais-je vous demander,
2 Madame et Messieurs les juges, que le rétroprojecteur soit placé de sorte
3 que le témoin puisse placer sa main dessus et que nous voyions ainsi les
4 cicatrices toujours visibles sur la main du témoin.
5 Est-ce que vous voyez l'écran ?
6 Témoin M (interprétation). - Oui.
7 M. Ackerman (interprétation). - Vous voyez l'écran ?
8 Témoin M (interprétation). - Oui.
9 M. Ackerman (interprétation). - Très bien, merci.
10 Avez-vous jamais dit à qui que ce soit... Je reprends. Non, je
11 poserai quand même cette question. Avez-vous jamais dit à qui que ce soit
12 qu'en une occasion, au hangar n° 6 , vous avez pu passer la main par
13 dessous le mur du hangar, la paroi du hangar, et ramasser de l'herbe pour
14 la manger ?
15 Témoin M (interprétation). - Non, je n'ai pas dit cela. J'ai dit
16 que j'avais mangé de l'herbe après être allé aux toilettes. Mais je ne
17 pouvais pas le faire de la façon que vous avez décrite, car j'étais du
18 côté du hangar qui correspondait au parking, parking qui était bétonné.
19 M. Ackerman (interprétation). - Je voudrais appeler votre
20 attention maintenant sur l'incident que vous avez relaté concernant les
21 deux frères Dordic. Vous voyez à quel incident je fais allusion, n'est-ce
22 pas ?
23 Témoin M (interprétation). - Oui.
24 M. Ackerman (interprétation). - L'incident que vous avez décrit
25 hier comprenais un acte sexuel.
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1 Témoin M (interprétation). - Oui.
2 M. Ackerman (interprétation). - Hier, vous nous avez dit que
3 vous ne vous rappeliez pas vraiment le garde ou les gardes impliqués dans
4 cet incident. Pour ma part, j'avancerai que le garde impliqué portait le
5 nom d’Osman Delic. Est-ce que cela vous rafraîchit la mémoire ?
6 Témoin M (interprétation). - Pas vraiment.
7 M. Ackerman (interprétation). - Vous nous avez aussi dit hier
8 qu'il y avait un détenu qui s'appelait Bosko Samoukovic et je voudrais que
9 vous vous remémoriez cet épisode. D'accord ?
10 Témoin M (interprétation). - Oui.
11 M. Ackerman (interprétation). - S'agissant de la cause du décès
12 de Bosko Samoukovic et du moment de ce décès, je crois comprendre que vous
13 vous fondez sur ce que le docteur Relja vous en a dit.
14 Témoin M (interprétation). - Non, ce que j'ai dit se fonde sur
15 ce que je sais personnellement. J'ai raconté ce que j'avais vu lors de ces
16 incidents et non pas ce que d'autres m'ont dit ou ce que d'autres ont
17 subi. Personnellement, j'ai pu voir de mes yeux ce qui s'est passé, ce qui
18 est arrivé à Bosko Samoukovic.
19 M. Ackerman (interprétation). - Je vous parle, pour ma part, du
20 moment qui a suivi l'évacuation de M. Samoukovic du hangar n° 6, lorsqu'il
21 a été emmené à l'infirmerie dans le bâtiment n° 22. Vous ne savez pas
22 personnellement ce qui s'est passé après qu'il ait été emmené du
23 hangar n° 6 , n'est-ce pas ?
24 Témoin M (interprétation). - Oui. Effectivement, je sais
25 uniquement ce qui s'est passé dans le hangar, et j'ai vu comment il était
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1 frappé. Je l’ai vu de mes propres yeux.
2 M. Ackerman (interprétation). - Et pour ce qui s'est passé après
3 qu'il ait été emmené du hangar n° 6 vers le bâtiment n° 22, vous vous
4 fondez sur ce que le Docteur Relja a dit de l'état de l'intéressé et de
5 son décès.
6 Mme McHenry (interprétation). - J'objecte à cette question. Le
7 témoin n'a pas à se fonder sur quoi que ce soit concernant quoi que ce
8 soit.
9 M. Ackerman (interprétation). - J'accepte cette objection. Je
10 voudrais vous poser une dernière série de questions. Elles portent sur la
11 première visite de la Croix-Rouge internationale au camp de Celebici. Vous
12 souvenez-vous du moment où cette visite a eu lieu ?
13 Témoin M (interprétation). - Non. Je ne me souviens pas de la
14 date, mais je peux vous dire que cela s'est passé un mois ou un mois et
15 demi environ après mon emprisonnement.
16 M. Ackerman (interprétation). - Vous savez n'est-ce pas, que
17 deux semaines environ avant cette visite, M. Landzo avait quitté Celebici,
18 il n'était donc plus présent sur les lieux.
19 Témoin M (interprétation). - Non. Je n'en sais rien.
20 M. Ackerman (interprétation). - Voilà, j'en ai terminé avec mon
21 contre-interrogatoire.
22 M. le Président (interprétation). - Y-a-t-il un interrogatoire
23 supplémentaire de la part de l'accusation ?
24 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, puis-je
25 rappeler à la Chambre que j'examinerai pendant la pause la déclaration qui
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1 nous a été montrée ce matin et que j'aurai peut-être des questions
2 supplémentaires à poser. En dehors de cela, j'en ai terminé avec mon
3 contre-interrogatoire.
4 Mme McHenry (interprétation). - J'ai deux questions pour ma part
5 à poser. Monsieur le témoin, vous avez dit que M. Music vous avait
6 insulté. Pouvez-vous nous donner des détails supplémentaires sur cet
7 incident ?
8 Témoin M (interprétation). - Oui, pendant l'une des visites au
9 camp, Music est venu, il a fait une espèce de revue, il a commencé par le
10 côté droit, il parlait à quelqu'un. J'imagine qu'il parlait aux gens qu'il
11 connaissait. Il connaissait mon frère personnellement, il est venu vers
12 l'endroit où je me trouvais avec mon frère, il m'a demandé ce qu'il en
13 était de ma libération et de la libération de mon frère, et il a dit :
14 "C’est un Chetnik, il ne sera jamais libéré".
15 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce votre frère qui a posé
16 des questions sur votre libération ou est-ce M. Mucic qui a dit : "C'est
17 un Chetni", et est-ce M. Mucic qui a dit : "C’est un Chetnik, il ne sera
18 jamais libéré, il sera tué" ?
19 Témoin M (interprétation). - Oui, c'est mon frère qui a posé la
20 question. Je n'osais pas le demander.
21 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce Music qui a donné la
22 réponse ?
23 Témoin M (interprétation). - Oui. Il a répondu, et je voudrais
24 ajouter ceci, dans une conversation avec...
25 Mme McHenry (interprétation). - J'ajouterai, Madame et Messieurs
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1 les juges, que dans une conversation avec le témoin j'ai constaté ceci, et
2 si nécessaire cette personne est prête à fournir l'information en
3 question.
4 M. Jan (interprétation). - Madame McHenry, est-ce que ces
5 précisions sont suscitées par le contre-interrogatoire ou êtes-vous en
6 train d'apporter des éléments supplémentaires ?
7 Mme McHenry (interprétation). - Je pense qu'il s'agit d'éléments
8 de précision à la suite de questions soulevées par la défense.
9 M. Jan (interprétation). - En quoi consistent ces précisions ?
10 Mme McHenry (interprétation). - Je voulais préciser les
11 événements, ce qui s'était passé.
12 M. Greaves (interprétation). - Excusez-moi d'interrompre...
13 Mme McHenry (interprétation). - Je pense que lorsque le Conseil
14 de la défense soulève une question nouvelle, l'accusation est habilitée à
15 poser des questions sur les circonstances entourant ces éléments. Et je
16 pense qu'à ce titre mon interrogatoire supplémentaire est justifié. Je
17 voudrais passer à la question suivante, si vous le voulez bien.
18 M. Greaves (interprétation). - J'ai une objection sur la base du
19 fait que l'une des questions qui est donnée à la page 32, ligne 13, semble
20 indiquer qu’en fait le témoin se fonde sur quelque chose qui a été raconté
21 par une toute autre personne. Il est dit : dans une conversation avec le
22 témoin. J'objecte comme d'habitude, le fait est qu'il faut d'abord établir
23 les fondements permettant d'introduire ce qui apparaît comme un témoignage
24 par ouï-dire.
25 J'invite donc l'accusation à le faire et, si elle ne le peut
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1 pas, j'objecte à la recevabilité de cet élément de preuve.
2 M. le Président (interprétation). - Je croyais que vous
3 compreniez que les réponses supplémentaires données n'étaient pas en
4 réponse à celles qui lui avaient été posées.
5 Mme McHenry (interprétation). - Je voudrais préciser ceci, si
6 vous le voulez bien, et répondre en même temps à Me Greaves. Monsieur le
7 témoin, est-ce quelque chose que vous avez entendu vous-même de la bouche
8 de M. Mucic et, si tel n'est pas le cas, qui vous a dit qu'il avait tenu
9 pareils propos et quand ?
10 Témoin M (interprétation). - Qu'est-ce que vous voulez dire ?
11 Concernant ma libération ou celle de mon frère ?
12 Mme McHenry (interprétation). - La conversation que vous
13 rapportez où M. Mucic a dit quelque chose concernant les raisons de votre
14 libération ou du fait que vous n'étiez pas libéré, l'avez-vous entendue
15 personnellement ou avez vous entendu quelqu'un vous le dire ?
16 Témoin M (interprétation). - Non, je l'ai entendu
17 personnellement, cela s'est passé dans le hangar. Mon frère était allongé
18 près de moi, j’étaits assis à côté de lui. Il a posé cette question me
19 concernant et le concernant lui-même et tels sont les mots exacts qui ont
20 été prononcés : je ne pouvais pas être libéré parce que j'étais un
21 Chetnik.
22 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Ma dernière question,
23 Monsieur, vous avez dit lors du contre-interrogatoire qu'à votre arrivée
24 au camp, vous avez reçu des indications laissant croire que Ralje était
25 commandant du camp. Qu'avez-vous appris quant au rôle de Ralje à Celebici
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1 après cette période initiale de votre séjour au camp ?
2 Témoin M (interprétation). - Ce que je pense personnellement,
3 c'est une impression que j'ai acquise lorsque je suis arrivé au campn sur
4 la base de ce que je l'ai vu faire au moment où les détenus descendaient
5 des camions. Les hommes descendaient et se faisaient battre, et j'ai
6 entendu Ralje personnellement demander pour les trois premiers détenus qui
7 sont descendus du camion qu'on ne les frappe pas. C’est pourquoi j'ai
8 pensé sortir rapidement du camion pour ne pas être frappé. Mais j'ai vu
9 Ralje monter dans une voiture et partir. C'est comme cela que j'ai eu
10 l'impression qu'il était commandant.
11 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, pour que les choses
12 soient claires, vous parlez de cette toute première période, mais après,
13 qu'avez-vous vu, qu'avez-vous appris au sujet de l'éventuelle continuation
14 du rôle que jouait éventuellement Ralje dans le camp ? Je parle bien de la
15 période postérieure à celle au sujet de laquelle vous venez de témoigner.
16 Témoin M (interprétation). - Non. Après le transfert au hangar,
17 je n'ai plus vu Ralje et je n'ai plus rien su de son activité. Donc je
18 parlais simplement du moment de l'arrestation et de l'arrivée dans le
19 camp, la toute première période. L'entrée dans le camp.
20 Mme McHenry (interprétation). - Très bien, je n'ai pas d'autres
21 questions.
22 M. le Président (interprétation). - Le témoin peut maintenant se
23 retirer. Est-ce que vous avez un autre témoin ?
24 Mme McHenry (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Nous
25 avons un autre témoin qui est prêt à déposer, mais j'aimerais simplement
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1 vous informer d'une chose. En vertu d'une requête commune que vous avez
2 acceptée il y a quelques mois, Monsieur le Président, ce témoin devrait
3 faire l'objet d'un examen médical et j'ai été informée du fait que cet
4 examen médical est prévu pour cet après-midi. Donc une possibilité serait
5 que nous fassions une pause maintenant, pour que le Conseil de la défense
6 puisse prendre connaissance d'une traduction orale de ce qui est dans le
7 livre. C'est une demi-page seulement. Ensuite ce témoin pourrait être
8 rappelé pour que son examen médical ne soit pas reporté et qu'il puisse
9 s’y rendre dans les délais prévus. C'est une proposition que je vous fais,
10 Monsieur le Président, mais sinon nous avons un autre témoin qui est prêt.
11 M. le Président (interprétation). - Très bien j'accède à votre
12 demande. Je pense que nous pouvons faire une pause, et nous réunir à
13 nouveau à 11 heures 45 pour poursuivre jusqu'à l'heure du déjeuner, à
14 savoir 13 heures.
15 Vous pouvez donc procéder. Je suis sûr qu'une demi-page peut
16 être traduite pendant la durée de la pause.
17 (Le témoin quitte la salle d'audience.)
18 L'audience, suspendue à 11 h 10, est reprise à 11 h 50.
19
20 M. le Président (interprétation). - Maître Ackerman... ?
21 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai
22 plus de questions à poser au témoin. Je ne sais pas ce qu'il en est des
23 autres conseils de la défense mais, pour ce qui me concerne, j'en ai
24 terminé avec mon contre-interrogatoire.
25 M. le Président (interprétation). - Je suppose qu'il n'y a pas
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1 d'autres questions pour ce témoin. Dites-lui donc qu'il peut disposer en
2 restant disponible pour l'examen médical.
3 Quel est votre témoin suivant, Madame McHenry ?
4 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président,
5 l'accusation appelle à présent Monsieur B, et je pourrais peut-être
6 évoquer une question dont j'ai déjà discuté avec les conseils de la
7 défense, notamment avec celui de M. Mucic, en ce qui concerne la pièce à
8 conviction de la défense n° 155. Pendant que nous discutons de cela,
9 l'huissier peut aller chercher le témoin.
10 Monsieur le Président, vous vous souvenez que la date de dépôt
11 de ce document était fixée à mercredi. L'accusation s'est engagée à
12 respecter ce délai et Me Greaves nous a annoncé qu'il souhaitait avoir la
13 possibilité de jeter un coup d'oeil à ce document avant de présenter sa
14 réponse. Nous n'avons pas d'objection de notre côté.
15 La proposition que je fais, avec tout le respect que je dois au
16 Tribunal, est donc la suivante : tout en respectant, du côté de
17 l'accusation, le délai de mercredi fixé par le Tribunal et étant entendu
18 que la défense pourrait présenter sa réponse d'ici à vendredi, cette
19 requête pourrait être examinée immédiatement au début du mois d'août, ce
20 qui donnerait à l'accusation la possibilité d'organiser les choses afin
21 que le conseil principal de l'accusation, Me Niemann, soit présent. J'en
22 ai déjà discuté avec Me Greaves qui est tout à fait d'accord.
23 M. Greaves (interprétation) - Ma collègue a rendu compte avec
24 précision de la conversation que nous avons eue. Bien entendu, la décision
25 est entre les mains des juges. Mais, s'agissant de cette proposition, nous
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1 sommes tout à fait d'accord avec tout ce ce qui a été dit ce matin.
2 M. le Président (interprétation). - Lorsque j'aurai reçu votre
3 document écrit, nous fixerons une date pour la discussion des arguments
4 des uns et des autres.
5 M. Greaves (interprétation) - Merci beaucoup, Monsieur le
6 Président.
7 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, je tiens,
8 au nom de l'accusation, à retirer la demande du témoin, Monsieur B, qui
9 avait au préalable demandé qu'un écran le sépare des accusés. Le témoin a
10 décidé que ce n'était pas nécessaire, et je viens de me rappeler qu'il
11 convient que je vous en informe. Nous vous prions de nous excuser pour
12 n'avoir pas encore informé les juges à ce sujet. Nous retirons donc cette
13 requête relative à l'installation d'un écran pour séparer le témoin des
14 accusés.
15 Le témoin continue cependant à souhaiter que son identité et
16 toutes les données permettant de le reconnaître ne soient pas divulguées
17 aux médias. J'informe donc le conseil de la défense que ce témoin insiste
18 beaucoup pour que toutes les données personnelles le concernant ne soient
19 pas divulguées, il s'agit de données très délicates, et s'il doit y avoir
20 des questions-réponses, il est souhaitable que cela se fasse à huis clos.
21 Quant au témoin suivant, le témoin D, il demandera les mêmes
22 mesures de protection.
23 (Le témoin B est introduit dans la salle d'audience.)
24 M. le Président (interprétation). - Peut-on faire prêter serment
25 au témoin ?
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1 Témoin B (interprétation). - Je déclare solennellement que je
2 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
3 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez poursuivre,
4 Maître.
5 Mme McHenry (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
6 Bonjour, Monsieur. Monsieur, ai-je eu raison de dire que vous
7 avez demandé que votre identité ne soit pas divulguée, ni au public ni aux
8 médias ?
9 Témoin B (interprétation). - Oui.
10 Mme McHenry (interprétation). - Donc, vous serez désigné sous le
11 nom de Monsieur B. Comprenez-vous cela ?
12 Témoin B (interprétation). - Oui, je le comprends.
13 Mme McHenry (interprétation). - Et comprenez-vous bien que si
14 moi-même ou quiconque vous pose une question et que vous pensez que vous
15 risquez de dévoiler votre identité dans votre réponse, vous pouvez
16 demander que la réponse soit fournie à huis clos ?
17 Témoin B (interprétation). - Oui, merci.
18 Mme McHenry (interprétation). - Avec l'aide de l'huissier, je
19 voudrais maintenant, Monsieur, vous remettre une feuille de papier sur
20 laquelle figure un nom, et je vous demanderai de confirmer que c'est bien
21 votre nom, mais sans le prononcer.
22 Témoin B (interprétation). - Oui.
23 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Monsieur B, quel est
24 votre âge aujourd'hui ?
25 Témoin B (interprétation). - J'ai trente-six ans.
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1 Mme McHenry (interprétation). - Quelle est votre appartenance
2 ethnique ?
3 Témoin B (interprétation). - Je suis de nationalité serbe.
4 Mme McHenry (interprétation). - Où habitiez-vous au début de
5 1992 ?
6 Témoin B (interprétation). - Je vivais à Konjic au début de
7 l'année 1992.
8 Mme McHenry (interprétation). - Voulez-vous dire la ville de
9 Konjic même ?
10 Témoin B (interprétation). - Je pense effectivement à la ville
11 de Konjic.
12 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce qu'un moment est arrivé
13 où vous avez quitté la ville de Konjic ?
14 Témoin B (interprétation). - J'ai quitté la ville de Konjic le
15 17 avril pour me rendre dans un village voisin car la guerre avait éclaté
16 en Bosnie-Herzégovine et il n'était pratiquement plus possible de
17 s'approvisionner. J'avais un enfant d'un an et demi et je ne pouvais pas
18 m'approvisionner en denrées de première nécessité. Je me suis donc rendu
19 dans un village voisin où je pensais que les conditions seraient
20 meilleures. C'est à ce moment-là que j'ai quitté Konjic. Mais si vous
21 pensez à toutes les fois où je suis parti de Konjic, je suis, en effet,
22 également parti de Konjic pour me rendre à Sarajevo pour faire mes études.
23 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, en mai et juin 1992,
24 où habitiez vous ?
25 Témoin B (interprétation). - En mai et juin 1992, je vivais dans
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1 le village de Bordjani, près de Konjic.
2 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce qu'un moment est venu où
3 des opérations militaires ont eu lieu à Bordjani ?
4 Témoin B (interprétation). - Oui, des opérations militaires ont
5 eu lieu à Bordjani lorsque les Musulmans ont attaqué notre village. Je
6 puis dire que je n'ai pas vu les soldats musulmans car, dès le début de
7 l'attaque par l'artillerie, des avions ont commencé à bombarder et nous
8 avons fui de tous les côtés. Je pense que l'attaque a duré une journée
9 entière.
10 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous participé à la défense
11 du village ?
12 Témoin B (interprétation). - La question n'est pas claire pour
13 moi parce que personne n'a participé à la défense de ce village et donc
14 moi non plus. Il n'y a pas eu de défense organisée de ce village.
15 Mme McHenry (interprétation). - Etiez-vous armé à ce moment-là ?
16 Témoin B (interprétation). - Non. Je n'ai jamais été armé.
17 Mme McHenry (interprétation). - Qu'avez-vous fait au moment de
18 l'attaque de Bordjani ? Pouvez-vous simplement décrire brièvement ce qui
19 s'est passé ?
20 Témoin B (interprétation). - J'ai fui pour sauver ma tête. Ce
21 serait sans doute la réponse la plus courte que je pourrais vous faire.
22 Mais si vous voulez davantage de détails, je puis ajouter qu'à un certain
23 moment, une pluie de projectiles s'est abattue sur Bordjani ; les obus
24 tombaient déjà sur nos maisons. Nous avons donc fui à toutes jambes vers
25 la forêt. Je crois que c'était une chance pour nous d'avoir cette grande
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1 forêt qui n'était pas loin de ne nos maisons et c'est ainsi que nous avons
2 fui en direction de cette forêt.
3 Mme McHenry (interprétation). - Et où êtes-vous allé ensuite ?
4 Témoin B (interprétation). - Nous avons réussi à sortir et à
5 atteindre le village de Bradina après avoir traversé cette forêt. J'ai
6 marché deux jours entiers pour parcourir les dix kilomètres qui nous
7 séparaient du village de Bradina. En route, nous avions beaucoup de mal à
8 avancer parce que les obus n'arrêtaient pas de tomber. Nous marchions en
9 petits groupes qui s'étaient constitués comme ils avaient pu et nous avons
10 atteint ce village de Bradina qui, selon moi -mais c'est une évaluation-
11 est à une distance d'environ dix kilomètres. A ce moment-là, le village de
12 Bradina n'était pas encore attaqué. Avant la guerre, c'était déjà un
13 village majoritairement peuplé de Serbes, de sorte que nous pensions que
14 nous y serions davantage en sécurité. Nous avions entendu des informations
15 à Bordjani, même si les informations étaient très peu fiables au début de
16 la guerre. Il y avait, en effet, des tentatives de désinformation, comme
17 nous l'avons constaté par la suite. Mais nous avions entendu dire que les
18 femmes et les enfants seraient, avec cent pour cent de certitude, évacués
19 vers le village de Bradina, et que les femmes et les enfants s'y
20 trouveraient en sécurité. Tous ceux qui avaient des femmes et des enfants
21 ne pensaient qu'à la sécurité de leur famille. Et c'est ainsi que nous
22 nous sommes rendus à Bradina.
23 Mme McHenry (interprétation). - A quel moment,
24 approximativement, si vous le savez, l'attaque de Bordjani a-t-elle eu
25 lieu ? Donc à quel moment avez-vous passé deux jours pour vous rendre au
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1 village de Bradina ?
2 Témoin B (interprétation). - L'histoire n'est pas mon point
3 fort, voyez vous, les dates non plus, mais je vais essayer de répondre de
4 la façon la plus précise possible. Cela étant, je tiens à faire certaines
5 réserves sur les dates que je vais citer. Je crois que l'attaque de
6 Bradina a eu lieu entre le 10 et le 15 mai, mais je ne suis pas absolument
7 certain de la date.
8 Mme McHenry (interprétation). - Après être arrivé à Bradina,
9 combien de temps y êtes-vous resté ?
10 Témoin B (interprétation). - Je suis resté à Bradina, mais je ne
11 sais plus combien de temps. Quelques jours... peut-être cinq ou six jours.
12 Mme McHenry (interprétation). - Et que s'est-il alors passé ?
13 Témoin B (interprétation). - Après cela, lorsque l'attaque de
14 Bordjani a cessé, j'ai pu escalader une colline voisine pour voir, depuis
15 Bradina, si le village de Bordjani était encore pilonné. Et lorsque j'ai
16 vu que le calme était revenu, j'ai pris ma femme et mon enfant, et nous
17 sommes rentrés chez nous à Bordjani ; et c'est là que nous avons continué
18 à vivre, dans notre maison familiale.
19 Mme McHenry (interprétation). - Et que s'est-il passé après
20 votre retour à Bordjani ?
21 Témoin B (interprétation). - Après mon retour à Bordjani, j'ai
22 vécu dans ma maison. Dans le village, il n'y avait plus que quelques rares
23 personnes qui restaient. Beaucoup d'habitants avaient pris la fuite.
24 Certains étaient restés à Bradina croyant que l'endroit était plus sûr.
25 Personnellement, je n'étais pas de cet avis.
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1 En effet, j'ai vu que Bradina ne disposait d'aucune défense
2 contre les Musulmans, qu'il n'y avait aucune organisation parmi les
3 villageois, même s'il y avait certaines armes d'infanterie. Il n'y avait
4 aucune sécurité à Bradina.
5 Je suis donc rentré à Brdjani et j'y suis resté jusqu'au moment
6 où j'ai été incarcéré au camp. Je me suis contenté de rester au village.
7 Je ne suis allé nulle part, si ce n'est que j’ai fait quelques dizaines de
8 mètres autour de ma maison, parce qu’un grand danger régnait.
9 Mme McHenry (interprétation). - Qu’est-ce qui a provoqué votre
10 arrestation et votre internement à Celebici ? Pourriez-vous nous dire ce
11 qui s'est passé ?
12 Témoin B (interprétation). - Après la chute de Bradina, pas le
13 lendemain, mais le surlendemain, en tout cas un certain temps s'est
14 écoulé, un seul homme est venu. C'était un Musulman dont je ne conaissais
15 pas la fonction officielle. Je pense qu’il était membre de la police
16 militaire musulmane. Il s'appelait Pavo, j’ai oublié son prénom. Je le
17 connaissais bien avant la guerre.
18 Il nous a donné lecture d'une liste de noms de personnes qui
19 devaient apparemment se présenter, pour un interrogatoire informatif ou
20 pour information, au village voisin. Dans cette liste figuraient
21 littéralement tous les hommes de Brdjani. Certains étaient restés à
22 Bradina, ils ont été amenés au camp de Celebici depuis Bradina. Je pense
23 qu'il y avait aussi tous les autres hommes figurant dans la liste.
24 Dès que la lecture de ladite liste a été faite, l'ordre fut
25 donné de prendre immédiatement la route. Nous n'avions pas le choix. Nous
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1 devions aller au village de Podorasac. Même si nous nous attendions à
2 quelque chose, toutes nos craintes se sont avérées exactes.
3 Mme McHenry (interprétation). - Pourriez-vous nous dire ce qui
4 s'est passé après cet interrogatoire aux fins d'information ?
5 Témoin B (interprétation). - Non.
6 Mme McHenry (interprétation). - Pourriez-vous poursuivre pour
7 nous dire ce qui s'est passé après que vous vous soyez rendu au village de
8 Podorasac ?
9 Témoin B (interprétation). - Lorsque nous sommes arrivés au
10 village de Podorasac, on nous a donné l'ordre de monter dans un ou deux
11 camions. Ces camions étaient bâchés, fermés, et nous ne savions toujours
12 pas où nous allions. Nous n'avions reçu aucune information.
13 Quinze ou vingts minutes se sont peut-être écoulées, je ne sais
14 pas exactement, et l'ordre fut donné de descendre. Nous avons vu que nous
15 étions arrivés à d'anciennes installations militaires, à Celebici. Ces
16 installations furent utilisées par la suite comme camp de prisonniers.
17 Nous y sommes arrivés et on nous a demandé de descendre.
18 Mme McHenry (interprétation). - Pourriez-vous nous situer cela
19 dans le temps, à quelle date approximativement êtes-vous arrivé à
20 Celebici ?
21 Témoin B (interprétation). - Cela à dû se passer dans la
22 deuxième quinzaine de juin.
23 Mme McHenry (interprétation). - Pour que nous ayons une idée
24 d'ensemble, pourriez-vous nous dire combien de temps vous êtes resté à
25 Celebici ? Quand avez-vous définitivement quitté Celebici ?
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1 Témoin B (interprétation). - J'ai quitté Celebici dans la
2 seconde quinzaine d’août.
3 Mme McHenry (interprétation). - Revenons, si vous le voulez
4 bien, au moment où vous êtes arrivé à Celebici. A quel moment de la
5 journée êtes-vous arrivé ? Vous en souvenez-vous ? Combien de personnes
6 furent amenées à Celebici en même temps que vous ?
7 Témoin B (interprétation). - Tout ce que je peux dire, c'est
8 qu’entre cinquante et soixante hommes y furent amenés. C’est mon
9 estimation.
10 Nous y sommes arrivés vers midi. Il était peut-être 13 heures,
11 je ne me souviens plus exactement. En effet, l'homme qui nous avait dit
12 d’aller à Podorasac a dû venir vers 10 heures le matin. Il a fallu une
13 heure pour arriver à Podorasac. Il devait donc être 11 heures à ce moment-
14 là. Je suppose que nous avons dû arriver à Celebici entre 12 heures et
15 13 heures.
16 Mme McHenry (interprétation). - Vous êtes donc arrivé à
17 Podorasac avant d'être transporté à Celebici. Pendant ce temps qui s'est
18 écoulé, avant que vous n'arriviez au camp, avez-vous été l'objet de
19 sévices ? Avez-vous été frappé ? Je vous demande simplement si, pendant le
20 trajet vers le camp, vous avez fait l'objet de sévices physiques.
21 Témoin B (interprétation). - Non. Je n'ai pas était maltraité.
22 Je ne sais pas si d'autres l’ont été. Il y avait beaucoup de personnes
23 dans ce groupe et je n'ai pas vu ce qui est advenu à chacun des membres.
24 Je ne sais pas s'ils ont été battus ou pas.
25 Mme McHenry (interprétation). - Passons au moment où vous êtes
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1 arrivé à Celebici. Pourriez-vous nous dire comment cela s'est passé ?
2 Témoin B (interprétation). - A notre arrivée au camp, l'ordre
3 nous fut donné de descendre des camions et de nous aligner contre un mur
4 qui devait faire vingt mètres de long à peu près. C'était un mur en béton
5 qui se trouvait à l'entrée même du camp. On nous infligeait beaucoup
6 d'insultes, de menaces, d'humiliations. On nous a dit de vider nos poches
7 et qu'il fallait aussi enlever lacets, ceintures, montres, argent, tout ce
8 que nous avions. Nous devions les déposer près de nous. Puis, nous avons
9 dû nous mettre en colonne et suivre les gardes. Nous étions sans arrêt
10 entourés de gardes. Nous sommes allés vers une partie du camp que je ne
11 connaissais pas. Lorsque je suis arrivé, je ne savais pas du tout où on
12 allait nous mettre.
13 Mme McHenry (interprétation). - Permettez-moi de vous
14 interrompre : des objets de valeur vous ont-ils été pris au moment où vous
15 avez dû vider vos poches ?
16 Témoin B (interprétation). - Tous ceux qui avaient des montres
17 devaient les enlever. Il fallait donner tout ce que nous avions en poche.
18 Nous avons dû donner l'argent, même si l'argent yougoslave n'avait déjà
19 plus beaucoup de valeur à cette époque. C'était simplement un tas de
20 papiers qui circulait.
21 Mme McHenry (interprétation). - Des objets de valeur vous ont-
22 ils été pris ?
23 Témoin B (interprétation). - J'ai dû donner ma montre. Un mois
24 plus tard, j'ai dû donner mon anneau, ma bague. Mais c'est à peu près un
25 mois après mon arrivée que j'ai dû donner cette bague.
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1 Mme McHenry (interprétation). - Vous a-t-on restitué l'un ou
2 l'autre de ces objets ?
3 Témoin B (interprétation). - Non, jamais rien n'a été rendu à
4 quiconque.
5 Mme McHenry (interprétation). - Vous a-t-on forcé à dire quoi
6 que ce soit à votre arrivée au camp ?
7 Témoin B (interprétation). - A notre arrivée, non, personne ne
8 m'a posé aucune question.
9 Mme McHenry (interprétation). - Veuillez poursuivre votre récit.
10 Que s'est il passé après que vous ayez dû donner vos objets de valeur ?
11 Témoin B (interprétation). - Nous avons reçu l'ordre de suivre
12 les gardes. Moi, je me trouvais au milieu de cette colonne. Nous avons été
13 amenés à un petit endroit surélevé, près de ce mur. Ce n'était pas très
14 loin, mais il n'y avait rien à cet endroit si ce n’est des trous d'homme.
15 Il y avait des installations de ravitaillement en essence ou en eau... Je
16 ne sais pas, je ne suis pas expert en la matière. Ces trous d'homme
17 étaient profonds de 2 ou 3 mètres, cela dépendait. Il nous fut donné
18 l'ordre de descendre, d'entrer dans ces trous d'homme. Certains étaient à
19 moitié remplis d'eau, dans d'autres il n'y avait pas d'eau. Dans certains
20 trous, il y avait cinq hommes, dans d'autres dix. Nous avons été forcés
21 d'entrer dans ces trous d'homme.
22 Je ne pourrais pas vous dire combien de temps nous avons passé
23 dans ces trous d'homme. Je pense qu'on perd la notion du temps quand on se
24 trouve dans une telle situation. Personnellement, le temps que j’ai passé
25 là m’a paru une éternité.
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1 Mme McHenry (interprétation). - Savez-vous si les prisonniers
2 qui vous avaient accompagné et qui étaient avec vous étaient aussi placés
3 dans ces trous d'homme ?
4 Témoin B (interprétation). - Les gardes musulmans étaient
5 présents et l'équipe du camp, qui travaillait tout le temps au camp, était
6 là. Il y avait donc un rapport entre prisonniers et gardes.
7 Mme McHenry (interprétation). - Connaîtriez-vous le nom des
8 personnes qui étaient présentes au moment où vous-mêmes avez été placés
9 dans les trous d'homme, les personnes venant du camp j’entends ?
10 Témoin B (interprétation). - Je connaissais certains de ces
11 hommes, mais j'ai oublié les noms. Je me souviens de certains surnoms. Par
12 exemple, l'homme responsable de cette équipe de gardes qui nous avait
13 emmenés aux trous d'homme, ce commandant s’appellait Hazim Delic.
14 Mme McHenry (interprétation). - Veuillez poursuivre. Mais alors
15 que vous vous trouviez dans ce trou d'homme, est-ce que vous entendiez des
16 sons ou des bruits qui venaient d'autres trous d'homme ?
17 Témoin B (interprétation). - Bien sûr. Il était possible
18 d'entendre les bruits provenant de ces autres trous d'homme.
19 Ce qui m'a surpris et choqué tout particulièrement, c’est que
20 j'ai entendu les appels à l'aide de mon père, parce que je ne savais pas
21 alors que mon père -qui était en ville à ce moment-là- avait été emmené au
22 camp en même temps que moi et avait été placé dans un trou d'homme. Il
23 n'était pas avec moi, mais il était dans un autre trou d'homme. C'est un
24 homme de 65/66 ans, très malade, et j'entendais ses plaintes. Il semblait
25 étouffer ; il disait qu'il allait mourir d'étouffement. C'est ce que
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1 j'entendais alors que je me trouvais dans ce trou d'homme. Je me suis
2 rendu compte que c'était mon père.
3 J'ai entendu quelqu'un qui ouvrait le trou d'homme à côté du
4 nôtre et, bientôt, le nôtre a aussi été ouvert. Nous avons reçu l'ordre de
5 sortir et, la première chose que j'ai vue, c'était mon père qui était
6 assis à proximité du trou, donc près du nôtre. Il était pratiquement
7 inconscient. Cela a été un des premiers chocs que j'ai eus à mon arrivée
8 au camp.
9 Mme McHenry (interprétation). - Vous dites que votre père se
10 trouvait en ville, mais de quelle ville voulez-vous parler ?
11 Témoin B (interprétation). - Je parle de la ville de Konjic. Je
12 vous ai dit que j'avais été amené du village de Brdjani où nous avions
13 notre vieille maison familiale, mais nous vivions dans la ville de Konjic.
14 Mon père se trouvait dans notre appartement, dans la ville de Konjic.
15 Comme son nom avait figuré dans la liste lue à Brdjani et qu'il ne se
16 trouvait pas au village de Brdjani à l'époque, il avait été amené au camp
17 depuis Konjic.
18 Mme McHenry (interprétation). - Au moment où vous êtes sorti du
19 trou d'homme, vous souvenez-vous de personnes du camp qui se
20 trouvaient là ?
21 Témoin B (interprétation). - Lorsqu'on nous a fait sortir, nous
22 avons dû former une file. J'ai vu Hazim Delic et j'ai vu Pavo Mucic. Il
23 était debout à ma gauche. Il portait une tenue de camouflage et des
24 lunettes de soleil. Je me souviens parfaitement de sa présence. Il y avait
25 aussi les autres gardes qui étaient toujours autour.
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1 Mme McHenry (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé au
2 camp, avez-vous remarqué quoi que ce soit sur l'état physique dans lequel
3 se trouvait M. Hazim Delic ?
4 Témoin B (interprétation). - Monsieur Delic boîtait alors d'une
5 jambe, mais je ne me rappelle plus de laquelle. Je ne sais pas comment il
6 a été blessé ; certains ont dit qu'il avait été blessé, d'autres pensaient
7 qu'il avait eu un problème alors qu'il dévalisait un café. Je ne sais
8 pas... Mais le fait est qu'il avait une blessure à la jambe et qu'il
9 boîtait.
10 Mme McHenry (interprétation). - Que s'est-il alors passé après
11 que vous ayez été sorti du trou d'homme ? Où vous a-t-on amené ?
12 Témoin B (interprétation). - Après être sorti du trou d'homme,
13 on nous a donné l'ordre de suivre un chemin -bien sûr, à la suite d'un
14 garde. Nous avons été amenés devant un hangar, un entrepôt militaire.
15 C'était une structure métallique qui devait faire 25 mètres de long et
16 10 ou 15 mètres de large à peu près. Nous y sommes entrés un à un. Nous
17 avons d'abord été alignés, et puis nous avons dû entrer l'un après
18 l'autre. Un endroit nous a été affecté, c'est là que nous devions rester
19 assis.
20 Mme McHenry (interprétation). - -Pouvez-vous nous dire plus ou
21 moins approximativement où vous vous trouviez dans ce hangar, quelle était
22 votre place ?
23 Témoin B (interprétation). - J'étais tout près de la porte
24 d'entrée du hangar, sur le côté le plus court. J'étais donc assis du côté
25 de la largeur, à 3 ou 4 mètres de la porte.
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1 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce là que vous êtes resté
2 pendant tout le temps que vous avez passé à Celebici ?
3 Témoin B (interprétation). - Oui.
4 Mme McHenry (interprétation). - Combien de personnes,
5 approximativement, se trouvaient déjà au hangar n 6 au moment où vous y
6 êtes arrivé ?
7 Témoin B (interprétation). - Lorsque notre groupe a été amené à
8 ce hangar, nous avons occupé l'espace tout entier. Il ne restait plus de
9 place. Nous avons été répartis sur la longueur, sur la largeur et aussi au
10 milieu. Des cercles concentriques avaient été formés. Il devait y avoir
11 entre 350 de 400 hommes. Je ne pourrais pas vous donner un nombre exact.
12 Je n'osais pas -et je ne pouvais d'ailleurs pas- faire un décompte des
13 personnes qui se trouvaient dans le hangar.
14 Mme McHenry (interprétation). - Pourriez-vous décrire les
15 conditions dans lesquelles vous avez vécu en matière de nourriture, de
16 sanitaires, d’eau ? Quelles étaient les conditions ?
17 Témoin B (interprétation). - Vous voulez le détail ou vous
18 voulez un seul mot ? Le seul mot serait l'horreur. Mais voulez-vous en
19 savoir davantage ?
20 Mme McHenry (interprétation). - Donnez-nous quelques détails.
21 Témoin B (interprétation). - L'horreur, c'est un euphémisme. Il
22 y avait de la saleté, de la crasse. Il y avait des maladies dermiques
23 infectieuses. On ne se lavait pas pendant un mois. Il y avait des poux.
24 En matière de nourriture, on recevait une toute petite tranche
25 -toute fine- de pain par jour. Mais il y avait aussi des moments où, même
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1 cela, on n'en recevait pas. Nous buvions de l'eau qui nous était donnée en
2 bouteille et qui venait des bouches d'incendie qu'il y avait là, dans les
3 installations pour les sapeurs-pompiers, ce qui veut dire que beaucoup de
4 gens souffraient notamment de problèmes intestinaux. C'était sans doute dû
5 à la qualité de l'eau et aux conditions qui régnaient dans le camp.
6 C'étaient vraiment des conditions inhumaines. La famine régnait. On
7 n'avait rien à manger. Nous n'avions pas le droit de recevoir de
8 nourriture. C'est seulement après la visite de la Croix-Rouge qu'il nous
9 fut permis de recevoir des vivres des personnes de l'extérieur. Je peux
10 dire que ce fut le cas pendant pratiquement tout mon séjour au camp. Avant
11 la guerre, je pesais 90 kg et, au sortir du camp, je pesais 50 kg. Je
12 crois que cela était vrai pour chacun des détenus. On était des cadavres
13 ambulants.
14 Lorsqu’on se levait, on nous disait : "Assied-toi ! ”. Lorsqu'on
15 nous laissait sortir pour aller aux latrines, si les gardes fermaient les
16 portes, ou s'il était possible de se lever simplement pour se détendre les
17 jambes, les gens tombaient dans les pommes parce qu'on avait vraiment
18 faim. On n'avait absolument pas de force.
19 Mme McHenry (interprétation). - Etiez-vous parfois autorisé à
20 sortir du hangar n° 6 pour accomplir certaines tâches ?
21 Témoin B (interprétation). - Il y avait d'autres prisonniers -et
22 pas seulement moi- qui sont sortis du hangar parce qu'il y avait toutes
23 les tâches qu'il fallait exécuter dans le camp, ces corvées. En effet,
24 cette installation militaires, ce n'était pas simplement un camp, c'était
25 aussi un entrepôt pour les munitions et l'armement de l'armée musulmane.
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1 C'était pratiquement une caserne pour l'armée musulmane. Les gens venaient
2 pour s'entraîner, pour se former, ou pour d'autres raisons. Je ne sais
3 pas. Il y avait un autre bâtiment plein de troupes musulmanes.
4 Il y avait donc des corvées, ce qui fait que je sortais assez
5 souvent pour décharger des armes ou de la nourriture, pour laver la
6 voiture de quelqu'un. Souvent, les gens venaient faire laver leur voiture
7 par les prisonniers, ou pour demander que les prisonniers fassent d'autres
8 tâches de nettoyage ou pour déplacer certaines choses, pour transporter
9 telle ou telle chose. Ces corvées étaient fréquentes.
10 Mme McHenry (interprétation). - Et qui, en général, vous
11 donnait l'ordre de faire toutes ces corvées ?
12 Témoin B (interprétation). - En général, c'était un gardé qui
13 venait, celui qui était de faction, qui avait sans doute reçu lui-même des
14 instructions. On lui disait de rassembler un certain nombre de prisonniers
15 et de leur faire faire ceci ou cela. Parfois, on nous demandait si on
16 voulait travailler. Parfois, on designait les cinq premiers de cette
17 rangée-ci, les cinq premiers de cette rangée-là. Il y avait plusieurs
18 façons de sélectionner les prisonniers qui étaient sensés accomplir ces
19 tâches. Parfois, il nous était permis de sortir pour nous laver les mains
20 ou pour nous laver après avoir fait toutes ces tâches. Et quelquefois, il
21 y en a qui se sont portés volontaires.
22 Mme McHenry (interprétation). - Y avait-il quelqu'un au camp
23 dénommé Ivica Buric ?
24 Témoin B (interprétation). - Oui. Oui, il se trouvait au camp.
25 C'était le chauffeur de Pavo Mucic. Il était le chauffeur du camp. Il
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1 conduisait aussi pour d'autres personnes, pas simplement pour Pavo . Je
2 suppose qu'il allait chercher du ravitaillement.
3 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que vous connaissiez
4 M. Buric avant la guerre?
5 Témoin B (interprétation). - Oui. Je l'ai vu à plusieurs
6 reprises avant la guerre. Je ne le connaissait pas bien, certes, mais
7 j'avais d'excellents rapports avec son frère.
8 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce qu’il est arrivé que
9 M. Buric vous fasse sortir pour que vous exécutiez une tâche précise ?
10 Témoin B (interprétation). - Oui. Ceci se produisait souvent. Je
11 ne peux pas vous dire exactement combien de fois cela s'est passé. Mais,
12 en règle générale, c'était dans mon intérêt : il me demandait de laver sa
13 voiture, ce qui me permettait de me laver moi aussi. Et souvent il m'a
14 offert de la nourriture. En effet, de cette façon-là il pouvait m'en
15 procurer. Lorsqu'il devait remplacer un garde, il me permettait de sortir
16 parce que la température à l'intérieur du hangar était insupportable.
17 C'était l'été. Pendant deux ou trois mois, il n'est pas tombé une goutte
18 de pluie. Imaginez ce que cela donne lorsque vous êtes dans une structure
19 métallique sous un toit en tôle ondulée. C'était pratiquement un plaisir
20 de pouvoir sortir, quoi qu'on fasse, sauf pour les tabassages, bien sûr.
21 Mais il me faisait sortir et nous avions des petites conversations.
22 Mme McHenry (interprétation). - Et au cours de ces conversations
23 que vous avez eues avec M. Buric, vous a-t-il donné des informations à
24 propos des personnes pour lesquelles il travaillait et à propos de la
25 structure et du fonctionnement du camp ?
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1 Témoin B (interprétation). - Nous avons parlé un peu de tout.
2 Nous évoquions tous les sujets possibles. Pendant toute cette période,
3 j'avais l'impression qu'il s'excusait presque, qu'il éprouvait des
4 difficultés à comprendre pourquoi tout ceci se passait, pourquoi les
5 Croates et les Serbes luttaient les uns contre les autres. Il disait être
6 horrifié par ce que faisaient les Musulmans à l'encontre des prisonniers
7 et des prisonnières serbes du camp. Pavo et lui étaient les seuls Croates
8 qui se trouvant au camp, du moins pendant que j'y étais moi.
9 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que M. Buric vous a
10 jamais dit avoir parlé avec qui que ce soit du fait que vous seriez
11 éventuellement maltraité ou que ces tabassages vous seraient épargnés ?
12 Témoin B (interprétation). - C'est norrmal, c'est naturel,
13 lorsque vous êtes dans une situation difficile, on essaie de s'en sortir
14 et j'ai demandé à Buric s'il pouvait m'aider à sortir de cette situation.
15 J'avais vu des personnes rouées de coups, d'autres étaient tuées, et Buric
16 m'a promis de parler à Pavo. Il essayait de me protéger pour que rien de
17 vraiment trop horrible ne m'arrive. Il est même arrivé qu'il me dise que
18 Pavo lui avait dit de me dire de ne pas me préoccuper, qu'il ne
19 m'arriverait rien. Tout était bien sûr effroyable. Mais quand je pense à
20 des choses encore plus horribles, je pense à la mort.
21 Mme McHenry (interprétation). - Savez-vous quand vous avez eu
22 ces conversations avec M. Buric ? Ce sont-elles déroulées tout au long du
23 temps que vous avez passé au camp ?
24 Témoin B (interprétation). - Les cinq ou six premiers jours mis
25 à part, nous avons eu ces conversations pendant tout mon séjour au camp.
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1 Quelquefois, il m'appelait deux fois sur la journée, ou bien il lui
2 arrivait d'être absent un jour ou deux. Mais nous avions de très fréquents
3 contacts pendant tout mon séjour à Celebici.
4 Mme McHenry (interprétation). - Pendant que vous étiez au camp,
5 à combien de reprises avez-vous vu M. Mucic ?
6 Témoin B (interprétation). - C'est difficile à dire avec
7 précision, combien de fois ou à quelles occasions j'ai pu voir
8 M. Mucic.Mais en moyenne, je dirais deux fois par mois, donc pas très
9 souvent. La première fois, c'était tout de suite après que je sois arrivé
10 et la fois suivante, ce fut dix jours plus tard. Puis, pendant un certain
11 temps, je ne l'ai pas vu, peut-être que d'autres le voyaient car, comme je
12 l'ai dit, je ne suis pas resté dans le hangar tout le temps, je
13 travaillais souvent.
14 Mme McHenry (interprétation). - Et à ces occasions, lorsque vous
15 avez vu M. Mucic, où était-ce ? Etait-ce à l'intérieur ou l'extérieur du
16 hangar ? Pouvez vous nous en dire plus ?
17 Témoin B (interprétation). - La plupart du temps, c'était dans
18 le hangar, Pavo Mucic. venait escorté par quelques gardes et il leur
19 donnait l'ordre de rester près de la porte et de nous surveiller. Et il
20 allait passer en revue les prisonniers. Il posait des questions. Parfois,
21 il passait près du prisonnier sans poser de questions. En général les
22 questions étaient : "Quel genre d'armes aviez vous ?" En tout cas, c'est-
23 ce qu’il m'a demandé.
24 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que M. Delic avait un
25 bureau dans le camp?
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1 Témoin B (interprétation). - Oui.
2 Mme McHenry (interprétation). - Et comment saviez-vous qu'il
3 avait un bureau dans le camp ?
4 Témoin B (interprétation). - Une fois, j'ai été emmené avec un
5 autre prisonnier pour nettoyer la partie du camp où il y avait des
6 bureaux. Et il y avait aussi un dortoir et une salle à manger. C'est là
7 que M. Delic.avait un bureau. Il y avait aussi d'autres pièces dans ce
8 bâtiment et on m'y a interrogé après qu'on m'ait amené à Celebici. Un
9 garde, qui nous surveillait pendant que nous travaillions, a dit à l'autre
10 prisonnier :"Va là-bas nettoyer le bureau de Pavo". C'est cette phrase qui
11 m'a fait croire que Pavo avait un bureau dans ce bâtiment.
12 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelque
13 chose sur le moment au cours duquel cette conversation a pris place ? Est-
14 ce que c'était au début de votre séjour? Pouvez-vous nous citer le mois de
15 cette conversation ? Je fais référence ici à cette conversation au cours
16 de laquelle le prisonnier a reçu instruction d'aller nettoyer le bureau de
17 Pavo ?
18 Témoin B (interprétation). - Il est difficile pour moi de vous
19 donner une date. Je crois que c'était la deuxième moitié du mois de
20 juillet. Environ un mois après que je sois arrivé au camp.
21 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, saviez-vous qui était
22 le commandant du camp ?
23 Témoin B (interprétation). - Je pensais que le commandant du
24 camp était Pavo Mucic. Quand on arrive quelque part, on demande d'abord où
25 on est, qu'est-ce que c'est. On essaie d'avoir des renseignements autant
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1 que possible. Et tout le monde voulait savoir qui était le commandant du
2 camp. Il y avait aussi d'autres raisons à cela: Il y a des gens qui ont
3 peut-être pensé que ce serait un ami à eux, ou bien qu'il y aurait un ami
4 à eux dans le camp qui pourrait les aider. On essayait donc de savoir qui
5 était le commandant du camp, qui d'autre se trouvait dans le camp, etc.,
6 dans l'espoir de pouvoir en tirer un parti quelconque. C'est donc pour
7 cette raison que nous avons posé des questions aux gens qui se trouvaient
8 déjà dans le camp et que nous avons appris qui était le commandant du
9 camp.
10 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que ces conversations
11 avec M. Buric vous ont également permis d'apprendre quelque chose sur la
12 personne qui commandait le camp ?
13 Témoin M (interprétation). - Une fois, par plaisanterie, j'ai
14 dit à Buric : "Qui garde-tu ici ? Dès que Mucic sera parti, M. Delic te
15 fera garde dans le camp". Et Buric m'a répondu : "Tant que Pavo sera ici,
16 il n'y aura pas de problème. Monsieur Delic.peut faire ce qu'il veut, je
17 n'aurai pas à travailler comme garde".
18 Mme McHenry (interprétation). - Très bien. Qu'avez-vous compris
19 quant au rôle de M. Delic dans le camp?
20 Témoin B (interprétation). - Certains gardes s'adressaient à
21 M. Delic en l'appelant "commandant" et c'est lui qui avait la charge des
22 prisonniers ainsi que celle des gardes et des tours de garde, et de tout
23 ce qui concernait le hangar ou les prisonniers. Je sais qu'un certain
24 nombre d'entre eux s'adressaient à lui en disant "commandant". J'ai donc
25 pensé qu'il était le commandant des gardes. Il semblait venir en second.
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1 Peut-être était-il en fait le commandant le plus important. C'est-ce que
2 j'ai cru comprendre sur la base des fonctions qu'il avait.
3 Mme McHenry (interprétation). - Quand vous étiez dans le camp,
4 avec quelle fréquence voyiez-vous M. Delic ?
5 Témoin B (interprétation). - Je ne sais pas. Un jour pouvait
6 passer sans que je voie Delic. Souvent je le voyais plusieurs fois dans la
7 journée, donc très souvent. On peut dire que je le voyais presque
8 quotidiennement.
9 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous jamais été interrogé
10 pendant que vous étiez dans le camp ?
11 Témoin B (interprétation). - Oui. J'ai été interrogé à peu près
12 sept jours après mon arrivée dans le camp. Ces interrogatoires avaient
13 déjà commencé plus tôt, mais mon tour est venu à peu près sept jours plus
14 tard. Il y avait un groupe de cinq ou six personnes. Des groupes d'à peu
15 près cinq ou six personnes étaient constitués, qui recevaient l'ordre de
16 s'asseoir sur le sol en béton, devant le bâtiment de l'administration où
17 se trouvaient les bureaux, les mains en l'air. On devait garder les mains
18 en l'air pendant tout le temps que nous attendions. Ensuite, nous étions
19 appelés à l'intérieur et on devait faire une déclaration. Cela s'est passé
20 pour moi à peu près sept jours après mon arrivée au camp.
21 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous dire qui vous a
22 interrogé et quel traitement vous a été réservé pendant l'interrogatoire ?
23 Témoin B (interprétation). - J'ai été interrogé par Mladen
24 Zovko. Je ne sais pas le poste qu'il occupait à ce moment-là, mais c'est
25 lui qui m'a interrogé. A cet interrogatoire, il y avait aussi une femme
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1 dont j'ai oublié le nom, mais elle tapait à la machine pendant que je
2 parlais, et on m'a posé des questions sur cette dernière période. Puis
3 ceux qui m'interrogeaient faisaient une sorte de résumé de ce que j'avais
4 dit et le dictaient à la dactylo. Je n'étais pas obligé de répondre de
5 telle ou telle manière, et je suis sûr qu'à ce moment-là, ce qui était
6 dicté à la dactylo était exact. En d'autres termes, j'étais tout à fait
7 d'accord avec ce qu'on dictait à la dactylo, mais je n'ai pas eu le temps
8 après de lire la déclaration. Je l'ai signé, et je suis retourné au
9 hangar.
10 Mme McHenry (interprétation). - Vous a-t-on jamais donné les
11 résultats de l'interrogatoire ou bien ne vous a-t-on jamais expliqué les
12 raisons pour lesquelles vous étiez détenu ?
13 Témoin B (interprétation). - Non, jamais. Quand j'ai vu que
14 j'allais être interrogé, j'ai espéré que ce serait là la possibilité pour
15 moi de sortir du camp puisque je pensais qu'on n'avait rien à me
16 reprocher. Mais il n'y a pas eu de résultat, et les possibilités de
17 quitter le camp ne se sont pas vérifiées. J'ai demandé à quelqu'un, je ne
18 sais plus qui, pourquoi on me gardait, de quoi j'étais coupable, et on m'a
19 répondu : "Tu es coupable parce que tu es serbe".
20 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur B, pendant que vous
21 étiez au camp de Celebici, avez-vous été vous-même maltraité ?
22 Témoin B (interprétation). - Une ou deux fois, Hazim Delic m'a
23 frappé. Excusez-moi si je ne prononce pas son nom correctement. La
24 première fois, il m'a frappé à la poitrine alors que j'étais assis. Il est
25 passé à côté de moi et il m'a frappé. La deuxième fois, il m'a frappé avec
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1 une batte de base-ball. C'était plus tard. Je ne peux pas dire que c'était
2 un coup particulièrement fort. La seule fois où j'ai été passé à tabac,
3 c'est tout de suite après la visite de la Croix-Rouge...
4 Mme McHenry (interprétation). - Avant que vous ne parliez de
5 cette visite, est-ce que vous avez pu voir qu'un instrument quelconque
6 était utilisé contre les prisonniers ?
7 Témoin B (interprétation). - Hazim Delic utilisait souvent une
8 batte de base-ball. Pendant tout un temps... Je ne sais pas comment
9 appeler cet instrument... C'était un appareil qui provoquait des secousses
10 électriques. Il le plaçait sur la peau et cela provoquait des secousses.
11 Je ne sais pas comment l'appeler. Je sais que c'était très désagréable. Et
12 lui trouvait cela très amusant et il l'a fait à beaucoup de prisonniers.
13 Mme McHenry (interprétation). - Vous dites que c'était très
14 désagréable. Comment savez-vous que c'était très désagréable ?
15 Témoin B (interprétation). - Je sais que c'était très
16 désagréable parce qu'il me l'a fait aussi.
17 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Très bien. Monsieur,
18 vous commenciez à décrire ce qui s'était passé tout de suite après la
19 visite de la Croix-Rouge. Tout d'abord, pouvez-vous nous dire à peu près
20 quand la Croix-Rouge a visité le camp ?
21 Témoin B (interprétation). - Je peux vous dire que cette visite
22 a eu lieu à peu près dans la première moitié du mois d'août, peut-être
23 vers le 10 août. Mais je ne suis pas sûr de la date exacte. Première
24 moitié du mois d'août, vers le 10 août.
25 Mme McHenry (interprétation). - Veuillez poursuivre et nous
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1 raconter ce qui s'est passé et comment vous avez été maltraité après la
2 visite de la Croix-Rouge.
3 Témoin B (interprétation). - Après la visite de la Croix-Rouge,
4 très peu de temps après le départ de la Croix-Rouge, les portes du hangar
5 étaient fermées, nous avons entendu des bruits de pas et nous avons su
6 ainsi qu'il y avait un groupe assez important de gens qui arrivaient.
7 C'était un groupe mené par Hazim Delic, un groupe de gardes, je crois
8 qu'il y en avait huit, divisé en deux groupes de quatre, qui sont entrés
9 par deux côtés, et chaque prisonnier a été battu par un groupe de quatre
10 gardes. Je me souviens qu'à ce moment-là, j'ai reçu beaucoup de coups et
11 j'en ai ressenti des séquelles après ma libération.
12 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que quelqu'un dirigeait
13 ces passages à tabac infligés aux prisonnierx et pouvez-vous nous décrire
14 de façon précise ce qui vous est arrivé ?
15 Témoin B (interprétation). - Hazim Delic était debout, près de
16 moi, assez près de moi, et pas loin de la porte. Et il disait : "Pas trop
17 fort pour lui". Il voulait que certains prisonniers soient plus ou moins
18 battus . Je ne sais pas très bien quel était le critère qu'il appliquait,
19 mais je sais que quand les gens de la Croix-Rouge sont venus, ils ont
20 fermé la porte du hangar, et en principe nous étions libres de parler à
21 ces gens, mais personne n'osait s'approcher de la Croix-Rouge. Personne ne
22 voulait être près d’eux ou leur dire quoi que ce soit, car on craignait
23 toutes sortes de chose. Je pense qu'on craignait leur présence et les
24 interprètes, il y en avez qui venaient de Mostar, notamment une qui venait
25 de Mostar dont je ne me souviens pas le nom.
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1 A un moment donné, je me suis approché de ces personnes de la
2 Croix-Rouge. J'ai demandé si l'interprète parlait français. On m'a dit
3 qu’il n’interprétait que l'anglais. Puisque j'avais étudié le français
4 avant la guerre, j'ai essayé de parler en français et d'expliquer les
5 conditions de détention au camp, ce qui se passait, ce qu'on nous faisait
6 subir. Il a alors demandé aux autres prisonniers de raconter ce qui se
7 passait dans le camp.
8 Dans un groupe de prisonniers, il y a toujours quelqu'un qui
9 essaie d’avoir son avantage, peut-être pour avoir un peu plus de pain, ou
10 autre chose. Je crois que quelqu'un a donné mon nom et c'est pourquoi j'ai
11 été frappé après la visite. Cela m'a étonné parce que jusque-là on ne
12 m'avait pas beaucoup frappé.
13 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous dire qui vous a
14 frappé de façon précise, comment cela s'est-il passé ?
15 Témoin B (interprétation). - Voilà la procédure précise : nous
16 avons dû tous nous asseoir, le visage tourné vers le mur. Nous devions
17 tous mettre les mains derrière la nuque pour que les gardes puissent nous
18 frapper. Nous étions tous dans cette position et le groupe de gardes est
19 passé pour frapper chacun des prisonniers. J'ai l'impression que certains
20 prisonniers ont été frappés plus que d'autres, mais la procédure suivie a
21 été la même pour tous. Si quelqu'un tombait après les premiers coups, les
22 gardes attendaient. Il fallait se relever pour que les autres gardes
23 puissent continuer à frapper.
24 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, pendant votre séjour à
25 Celebici, avez-vous été le témoin de sévices infligés à d'autres
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1 prisonniers ?
2 Témoin B (interprétation). - Oui. Cela se passait presque tous
3 les jours et même tous les jours. Par exemple, Esad Landzo ou Hazim Delic
4 venaient et disaient : "Très bien, tous ceux de Bradina debout". Les
5 personnes de Bradina devaient se lever, ils les passaient alors en revue
6 et les frappaient.
7 Le vrai cauchemar, c'est quand il commençait à faire nuit.
8 Presque toutes les nuits, des gardes faisaient sortir des prisonniers pour
9 les frapper ou les tuer.
10 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous jamais été le témoin
11 de mauvais traitements ou d'incidents qui ont entraîné la mort de
12 prisonniers ?
13 Témoin B (interprétation). - Oui. Effectivement. J'ai vu une
14 fois un de ces meurtres, quand Esad Landzo a tué Bosko Samoukovic. Il l'a
15 fait devant nous tous. Nous étions trois cent cinquante ou quatre cents,
16 et cela s'est passé peut-être à deux ou trois mètres de l’endroit où je me
17 trouvais. Il a tué cet homme.
18 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous décrire de façon
19 précise ce que vous avez vu ?
20 Témoin B (interprétation). - J’ai vu Landzo entrer par la porte
21 et donner l'ordre à Bosko Samoukovic de se lever. Ce dernier était un
22 homme âgé, déjà frêle. Il avait peut-être soixante-dix ans. Landzo a
23 commencé à le frapper sauvagement devant moi. Je pense qu'il l'a d'abord
24 frappé avec la crosse d'un fusil. Bosko est tombé, mais l'autre a continué
25 à le frapper à coups de bottes sur tout le corps. A la fin, il a ramassé
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1 un bâton ou quelque chose et l’a achevé. Je ne sais pas s'il était déjà
2 mort à ce moment-là ou s'il est mort le jour suivant, quand Hazim Delic
3 est venu.
4 Le jour suivant, Hazim Delic est entré dans le hangar et a
5 demandé à un des fils de Bosko Samoukovic qui était là : "Savez-vous ce
6 qui s'est passé, ce qui est arrivé à votre père ?". Il a dit : "Il est
7 mort, cela doit être le froid". "Vous pensez qu'il a attrapé froid !" Ce
8 sont les paroles de Delic. Il est difficile pour moi de me souvenir
9 exactement parce que lorsque Delic parlait aux prisonniers, il était très
10 cynique, mais c'est ce dont je me souviens. Delic a dit que Samoukovic
11 était mort d’un refroidissement.
12 Mme McHenry (interprétation). - Très bien. Est-ce qu’il y avait
13 un prisonnier appelé Zeljko Klimenta au camp de Celebici lorsque vous y
14 étiez ?
15 Témoin B (interprétation). - Oui.
16 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous dire ce que
17 vous avez vu ou entendu s’agissant de ce prisonnier ?
18 Témoin B (interprétation). - Zeljko Klimenta a été tué au camp,
19 un jour ou deux, disons plusieurs jours avant la visite de la Croix-Rouge.
20 Je ne sais pas exactement à quelle date, un soir, en passant.
21 Zeljko Klimenta était propriétaire de plusieurs cafés à Konjic.
22 On disait de lui que c'était un excellent homme d'affaires. On lui
23 réservait un traitement différent. On le faisait sortir souvent et il
24 recevait des cigarettes.
25 La plupart des personnes, à Konjic, le connaissaient. Beaucoup
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1 pouvaient venir au camp frapper des prisonniers, mais ils pouvaient aussi
2 rendre visite aux prisonniers du camp. Les gardes faisaient sortir des
3 prisonniers du hangar pour qu'ils puissent parler à ceux qui venaient leur
4 rendre visite.
5 J'ai pu entendre, pas très loin de moi, de l'autre côté du
6 hangar, de l'autre côté de la paroi en tôle du hangar, que quelqu'un
7 demandait à Zelko Klimenta de sortir. J'ai entendu Delic dire à un certain
8 Emir : "Je ne sais pas, je suis un peu... Emir, fais ce qu'il te plaît, il
9 n'est pas censé vivre plus longtemps que jusqu'à demain". Cela s'est passé
10 la veille du jour où Zeklo Klimenta a été tué.
11 Mme McHenry (interprétation). - Très bien. Veuillez continuer.
12 Après cette conversation que vous avez entendue et à laquelle participait
13 M. Delic, avez-vous pu observer quelque chose concernant M. Klimenta ?
14 Témoin M (interprétation). - Klimenta est revenu dans le hangar,
15 comme je l’ai dit, après la nuit tombée. Je ne me souviens plus exactement
16 si quelqu'un avait été battu et frappé cette nuit-là, mais nous dormions
17 sur le sol en béton, donc on ne s'endormait pas profondément.
18 Le matin, quelqu'un a appelé Klimenta, l’a fait sortir pour
19 prendre un café avec les gardes. Cela arrivait aussi parfois. C'était donc
20 tôt le matin, quatre ou cinq heures du matin. Il est sorti, je n'ai pas
21 attaché beaucoup d'importance à ce fait à ce moment-là, mais tout d'un
22 coup nous avons entendu un coup de feu, nous avons tous sursauté.
23 Tout de suite après le coup de feu, le prisonnier qui s'appelait
24 Martic est entré en courant dans le hangar et nous a dit : "Keljo a été
25 tué". C'était le surnom de Klimenta. Il s'est assis à sa place et a
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1 commencé à pleurer. Peu de temps après, la porte a été fermée.
2 Nous nous taisions tous et attendions de savoir ce qui allait se
3 passer. Des prisonniers ont entendu leur nom, ont dû sortir et rincer le
4 sang. Le corps était juste devant le hangar. Il avait sans doute été tué
5 alors qu'il revenait vers le hangar. Il a été abattu dans le dos. Des
6 prisonniers ont été appelés pour évacuer le corps et nettoyer le sang.
7 C'était deux ou trois jours avant la visite de la Croix-Rouge.
8 Moi, je voulais juste survivre. Nous sommes sortis pour aller
9 aux toilettes. Quand nous sommes ressortis, il n'y avait plus de trace ni
10 du corps ni de sang sur le sol.
11 M. le Président (interprétation). - Je suppose que nous pouvons
12 procéder à la pause. Nous nous retrouverons à 14 heures 30.
13 Mme McHenry (interprétation). - Merci.
14 L'audience, suspendue à 13 h, est reprise à 14 h 40.
15 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)
16 M. le Président (interprétation). - Peut-on rappeler au témoin
17 qu'il témoigne toujours sous serment ?
18 M. le Greffier. - Je vous rappelle que vous témoignez toujours
19 sous serment.
20 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez poursuivre,
21 Maître McHenry.
22 Mme McHenry (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
23 Monsieur, un des détenus s'appelait-il Scepo Gotovac à Celebici ?
24 Témoin B (interprétation). - Oui.
25 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous me dire, je vous
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1 prie, si vous avez vu de vos yeux ou entendu quelque chose à l'époque qui
2 avait un rapport avec M. Gotovac ?
3 Témoin B (interprétation). - Scepo Gotovac a été amené quelques
4 jours après mon arrivée dans le camp. Un jour, après l'avoir frappé, la
5 porte du bâtiment s'est ouverte et ils l'ont jeté à l'intérieur du
6 bâtiment. A ce moment-là, j'ai vu Zenga et Hazim Delic. Il a été jeté à
7 côté de moi, il s'est assis.
8 Delic lui a dit qu'au cours de la deuxième guerre mondiale, il
9 avait tué deux Musulmans à l'endroit même où se trouvait le camp. Il lui a
10 dit qu'il ne devait pas espérer sortir vivant du camp. Après cela, il a
11 essayé de se défendre avec des mots. Il a dit qu'il n'avait jamais tué
12 personne. Ils nous ont même lancé un certain nombre de phrases, à nous,
13 les autres détenus, après être sortis en fermant la porte derrière eux.
14 Ce soir là, Scepo Gotovac a été frappé à deux reprises. D'abord
15 le soir même. On l'a fait sortir et il a été frappé pendant assez
16 longtemps. Nous entendions les plaintes, les gémissements. Ce n'est pas à
17 ce moment-là qu'il a été tué. Il est rentré. Je crois que c'est le
18 lendemain soir.
19 Il était encore allongé au sol, en très mauvais état. On lui a
20 de nouveau, le soir suivant, donné l'ordre de sortir. Esad Landzo est
21 entré dans le hangar. Je crois que Delic était à l'extérieur, pas loin de
22 la porte. Il ne voulait pas sortir, il a essayé de se défendre. Ordre a
23 été donné à deux autres détenus de se mettre debout et de le faire sortir
24 de force. Quand il est sorti, cela se passait tout près de l'endroit où
25 j'étais moi-même dans le hangar, ils ont commencé à le frapper. D'après le
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1 nombre des coups, d'après ce qu'on pouvait entendre, d'après les
2 mouvements qu'on entendait, on pouvait penser qu'il y avait beaucoup de
3 monde à l'extérieur, qu'ils étaient nombreux, qu'il y avait plus qu'un
4 seul homme. C'était incroyable, en tout cas c'est l'impression que que
5 j'ai eue, incroyable d'entendre combien ils le frappaient.
6 A un moment, je suppose qu'ils se sont fatigués. Zenga a
7 dit : "Laisse-le moi". A ce moment-là, on a entendu des coups assénés par
8 un seul homme, des coups très durs, des coups sur tout le corps. Au bout
9 de quelque temps, nous, qui étions tout près, nous n'avons plus entendu de
10 coups ni de plaintes. Il n'y avait plus aucune résistance, plus aucun
11 gémissement, plus aucun cri. On n'entendait plus que le bruit des coups
12 sur un corps humain et rien d'autre.
13 Après quelque temps, quelqu'un est entré et a donné l'ordre à
14 des détenus, assis près de la porte, de sortir pour ramasser le corps.
15 Evidemment ils ont été obligés de le faire, ils ont ramassé le corps, et
16 Esad Landzo a dit que si quelqu'un lui enlevait le badge qu'il avait sur
17 le front, il le tuerait. En effet, quelqu'un avait accroché à son front le
18 badge du parti démocratique serbe. Et M. Gotovac est resté allongé peut-
19 être deux ou trois jours -je ne sais pas exactement- tout près de moi.
20 Evidemment, personne n'a eu le courage de lui enlever le badge qu'il avait
21 sur le front. Et je ne sais pas qui, plus tard, a reçu l'autorisation
22 d'enlever le corps. C'était d'ailleurs presque toujours la même équipe.
23 C'étaient ceux qui étaient assis le plus près de la porte qui ramassaient
24 les corps, et ce sont eux qui ont ramassé son corps et qui l'ont mis près
25 du hangar, à l'extérieur.
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1 M. Olujic (interprétation). - Je vous prie de m'excuser, mais,
2 encore une fois, à cause du paravent, M. Mucic ne peut pas du tout voir le
3 témoin. Je prierai donc qu'on écarte un peu le paravent pour que mon
4 client puisse voir le témoin.
5 Mme McHenry (interprétation). - Peut-être pourrait-on également
6 demander au témoin de s'avancer un peu. Je ne sais pas si ce serait bien.
7 M. le Président (interprétation). - Oui. Mais on peut aussi
8 écarter un peu les côtés du paravent pour que la vue soit plus dégagée.
9 Témoin B (interprétation). - C'est peut-être mieux d'agir au
10 niveau du paravent.
11 M. le Président (interprétation). - Pouvez-vous l'écarter un peu
12 plus ?
13 M. Olujic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
14 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, lorsque vous dites que
15 le corps est resté sur place pendant deux jours, M. Gotovac était-il mort
16 ou vivant à ce moment-là ? Et de quelle façon concluez-vous qu'il était
17 mort ou vivant ?
18 Témoin B (interprétation). - Je ne suis pas médecin, voyez-vous,
19 pour tirer une conclusion de ce genre. Mais si quelqu'un reste dans la
20 même position, jour et nuit, pendant deux jours, sans bouger, et ne
21 respire pas, je crois qu'il est mort.
22 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Monsieur, est-ce qu'un
23 prisonnier portait le nom de Simo Jovanovic dans le camp ?
24 Témoin B (interprétation). - Oui.
25 Mme McHenry (interprétation). - Pourriez-vous, je vous prie,
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1 dire aux juges ce que vous avez observé de ce qu'a vécu Jovanovic ?
2 Témoin B (interprétation). - Oui. Simo Jovanovic était un homme
3 qui avait à peu près soixante ans et qui était déjà dans le camp avant mon
4 arrivée. J'ai entendu dire que, même avant mon arrivée dans le camp, il
5 avait été terriblement passé à tabac.
6 Mme McMurrey (interprétation) - Monsieur le Président,
7 l'accusation sait bien qu'il faut que les fondements juridiques existent
8 pour que le témoin puisse être interrogé au sujet de ce qui s'est passé
9 dans le camp. Je demande donc que ces fondements soient établis quant au
10 récit d'informations de deuxième main.
11 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, pouvez-vous nous dire
12 ce que vous avez vu de vos yeux, ou entendu personnellement quant au
13 traitement qui a été réservé à M. Jovanovic après votre arrivée dans le
14 camp ?
15 Témoin B (interprétation). - Monsieur Simo Jovanovic était déjà
16 en assez mauvais état lorsque je l'ai vu dans le camp, et je ne sais pas
17 exactement à quel moment, durant mon séjour dans le camp, Jovanovic a
18 reçu, un soir, l'ordre de sortir. A ce moment-là, j'ai vu Esad Landzo -que
19 tout le monde appelait Zenga- entrer accompagné d'un homme que je ne
20 connaissais pas. Plus tard, ils ont dit que cet homme venait du village où
21 était né Simo Jovanovic. Est-ce exact ou pas ? Je ne sais pas. Et il a dû
22 sortir.
23 Ce qui était très caractéristique, c'est qu'avant qu'il ne
24 sorte, il y a eu un certain nombre d'échanges verbaux : "Sors ! Nous ne te
25 ferons rien de mal, nous sommes amis", des phrases de ce genre. Et,
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1 lorsqu'il est sorti, les coups ont commencé immédiatement. Ils ont
2 commencé à le frapper. C'étaient certainement plusieurs hommes, encore une
3 fois, qui le frappaient. On a entendu des cris et des gémissements
4 terribles. Et, plus tard, lorsque j'ai parlé avec des gens dans le camp,
5 j'ai constaté qu'il y avait des gens qui habitaient à 500 mètres ou un
6 kilomètre dans le village de Celebici, à 500 mètres ou un kilomètre du
7 camp, et qui, pendant ces passages à tabac...
8 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, encore une fois, je
9 vous demande si vous pouvez nous dire ce que vous avez vu ou entendu vous-
10 même eu égard à M. Jovanovic.
11 Témoin B (interprétation). - Oui, d'accord.
12 Mme McHenry (interprétation). - Pendant ce passage à tabac que
13 vous avez entendu à l'extérieur, avez-vous pu entendre la voix de
14 quelqu'un en particulier ?
15 Témoin B (interprétation). - J'ai eu l'impression d'entendre la
16 voix de Esad Landzo. Evidemment, c'était toujours une voix parmi d'autres.
17 J'ai l'impression personnellement d'avoir entendu sa voix. Je ne sais pas
18 combien de temps le passage à tabac a duré ; je crois qu'il a duré assez
19 longtemps et, après quelques temps, il est difficile de dire exactement
20 qui est entré parce que cela se passait toujours le soir ou dans
21 l'obscurité mais, en tout cas, quelqu'un est entré et a donné l'ordre de
22 rapporter son corps.
23 Et le matin, lorsque nous nous sommes réveillés, lorsque le jour
24 est venu, nous l'avons vu mort. Lui aussi est resté au moins deux jours
25 sur les lieux et, au bout de deux jours, un détenu, qui connaissait peut-
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1 être mieux les gardiens, a demandé qu'on enlève le corps parce qu'il
2 faisait une chaleur insupportable dans le hangar et nous avions tous un
3 peu peur que le corps se mette à sentir ou quelque chose de ce genre. Avec
4 deux ou trois autres détenus, j'ai donc moi-même emporté son corps à
5 l'extérieur. Nous l'avons placé derrière le hangar. Je crois que nous
6 l'avons recouvert d'une vieille chemise militaire des soldats de
7 l'ancienne armée populaire yougoslave. Je ne sais pas exactement combien
8 de temps le corps est resté derrière le hangar et quand il a été emporté
9 définitivement.
10 Mme McHenry (interprétation). - Pendant le temps où le corps
11 s'est trouvé dans le hangar, est-ce qu’il était immobile, est-ce qu’il
12 respirait ?
13 Témoin B (interprétation). - Non., non, on n'entendait pas de
14 respiration, et il était immobile.
15 Mme McHenry (interprétation). - Vous avez évoqué plusieurs fois
16 le nom d'Esad Landzo, surnommé Zenga, dans le camp. Connaissiez-vous
17 M. Landzo avant la guerre ?
18 Témoin B (interprétation). - Je n'ai jamais personnellement fait
19 la connaissance de Landzo. Je ne le connaissais pas personnellement. J'ai
20 peut-être vu ce garçon une fois ou deux dans la vie. Son visage ne mettait
21 pas inconnu, c'est tout ce que je peux dire, mais je n'ai jamais eu le
22 moindre contact personnel avec lui.
23 Mme McHenry (interprétation). - Mais lorsque vous dites que vous
24 pouviez reconnaître son visage, vous parlez de la période antérieure à
25 votre arrivée dans le camp ?
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1 Témoin B (interprétation). - Oui. Quand je l'ai vu dans le camp,
2 j'ai vu que c'était quelqu'un dont le visage ne m'était pas étranger, mais
3 je ne connaissais ni son nom ni son prénom. Nous n'avions donc jamais eu
4 de contact personnel ; nous ne nous connaissions pas et je n'ai jamais
5 appris comment il s'appelait.
6 Mme McHenry (interprétation). - Et, lorsque vous étiez dans le
7 camp, avec quelle fréquence est-ce que vous voyiez Esad Landzo ?
8 Témoin B (interprétation). - Très souvent.
9 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, est-ce que vous avez
10 vu d'autres mauvais traitements infligés à des prisonniers, et même des
11 mauvais traitements qui n'auraient pas abouti à la mort du prisonnier ?
12 Témoin B (interprétation). - Presque tous les jours.
13 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous, je vous prie, nous
14 dire ce que vous avez personnellement vu s'agissant de mauvais traitements
15 infligés à d'autres prisonniers ?
16 Témoin B (interprétation). - Je vais essayer de vous parler
17 brièvement de quelques-uns des mauvais traitements, même s'il me paraît
18 impossible de les décrire tous compte tenu du peu de temps dont nous
19 disposons. Esad Landzo était le plus actif dans ces mauvais traitements ;
20 c'est celui qui avait le plus d'imagination pour inventer toutes sortes de
21 formes de sévices. Et certaines de ses spécialités consistaient à mettre
22 le feu à certaines parties des corps de tel ou tel détenu.
23 Mme McMurrey (interprétation) - Monsieur le Président, excusez-
24 moi, mais je demande encore une fois que le fondement juridique soit
25 établi et qu'on sache si le témoin parle de ce qu'il a vu personnellement
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1 ou de ce qu'il a obtenu comme informations de seconde main. Je demande que
2 le fondement soit établi.
3 M. le Président (interprétation). - Il a dit au préalable qu'il
4 n'allait citer que quelques-uns des mauvais traitements et je pense qu'il
5 a bien dit qu'il ne parlait que de ce qu'il avait vu. Pour l'instant, il a
6 simplement dit que l'un d'entre eux était très imaginatif, mais il n'a pas
7 dit qu'il tenait ces informations de quelqu'un d'autre.
8 Mme McMurrey (interprétation) - Je pense qu'il serait bon que
9 Me McHenry demande au témoin de ne parler que de ce qu'il a vu lui-même ou
10 de ce qu'il a entendu lui-même.
11 M. le Président (interprétation). - Je ne vois pas très bien
12 quel est le but de votre remarque.
13 Mme McHenry (interprétation). - Puis-je poursuivre, Monsieur le
14 Président ?
15 M. le Président (interprétation). - Oui, vous le pouvez.
16 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, pouvez-vous continuer
17 à nous dire ce que vous avez vous-même vu faire par Zenga ?
18 Témoin B (interprétation). - Je répète que je vais essayer de
19 vous faire part de quelques-uns seulement des exemples de ces mauvais
20 traitements que j'ai vus de mes yeux et qui se sont déroulées près de moi.
21 Un jour, deux frères étaient assis dans le hangar à même le sol.
22 Je ne connais pas leur identité exacte. Ce qui s'est passé, c'est qu'en
23 fait, il les a forcés à pratiquer une fellation devant tout le monde et à
24 avoir un rapport sexuel. C'est vraiment très difficile de vous raconter
25 cela. Quand je me rappelle l'événement, ces deux jeunes gens et combien je
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1 pleurais. Je me rappelle que nous devions tous regarder cela, alors que
2 pour lui c'était simplement un passe-temps, c'est vraiment pénible.
3 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, en dehors de la
4 fellation, est-ce que vous avez vu quoi que ce soit d'autre qui soit
5 arrivé à l'un ou autre de ces deux frères ?
6 Témoin B (interprétation). - Il les a forcés à se frapper l'un
7 l'autre. Ils ont donc été obligés de se porter des coups l'un à l'autre.
8 Si l'un des deux frappait trop faiblement l'autre, il le forçait à
9 recommencer en utilisant toute sa force.
10 Ensuite, il a pris, je ne sais pas exactement ce que c'était,
11 est-ce que c’était une mèche ou autre chose, en tout cas un objet qu'on
12 utilise avec des explosifs. Il les a forcés à relever leur chemise, à
13 dénuder la partie supérieure du corps. Il leur a entouré la poitrine avec
14 cette mèche. A l'extrémité de la mèche qui était disponible, il a mis le
15 feu. Il les a obligés, en leur donnant l'ordre de ne pas bouger, à rester
16 immobile, sur place. S'ils faisaient le moindre geste, ils se faisaient
17 frapper.
18 J'ai du mal à me rappeler les noms parce que je ne connaissais
19 pas le nom de tous les détenus. Mais il lui arrivait de s'approcher d'un
20 des détenus et de lui donner l'ordre de faire des pompes, c'est-à-dire de
21 faire peser son poids sur les mains, de monter et descendre. Pendant que
22 le détenu faisait des pompes, de toutes des forces, il lui donnait des
23 coups de pied dans le corps. Je n'exagère vraiment pas, j'ai vu au moins
24 une vingtaine de fois cette gymnastique. Quand il frappait, il donnait des
25 coups à ce qu'on peut vraiment appeler des cadavres en train de faire de
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1 la gymnastique.
2 Un jour, tout près de moi, il a passé sur une flamme quelque
3 chose qu'on pourrait appeler une pince. Il l'a passée sur une flamme.
4 Ensuite, il a placé cette pince dans le nez, la bouche, les oreilles d'un
5 détenu qui venait du village de Bradina. Il l'a torturé comme cela. Cela
6 met difficile aujourd'hui de vous décrire toutes les formes de tortures
7 que j'ai vues personnellement.
8 Devant moi, un ancien chauffeur de taxi, je crois qu'il
9 s'appelait Bendzo, s’est déshabillé. Il avait la jambe complètement
10 brûlée. Nedjo Graganic, un détenu, lui a versé de l'essence sur la jambe,
11 toute sa jambe a brûlé, depuis le genou jusqu'en bas. Tout cela, dans une
12 saleté indescriptible et avec une température très élevée, dans une très
13 grande chaleur.
14 Mme McHenry (interprétation). - Les blessures qu'on eu les
15 hommes qui ont subi ces sévices sont-elles restées visibles par la suite,
16 dans certains cas ?
17 Témoin B (interprétation). - Oui.
18 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, à quelle moment avez-
19 vous quitté Celebici ?
20 Témoin B (interprétation). - J'ai quitté Celebici dans la
21 deuxième quinzaine du mois d’août. J'ai été transféré au centre de sports
22 de Konjic.
23 Mme McHenry (interprétation). - Combien de temps êtes-vous resté
24 dans ce centre sportif de Konjic ?
25 Témoin B (interprétation). - Une dizaine de jours au plus.
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1 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, dans quelles
2 circonstances avez-vous quitté le camp de Musala ?
3 Témoin B (interprétation). - J'ai été échangé un jour, un
4 gardien est venu, il m'a donné l'ordre de sortir. Je suis sorti. Dehors,
5 il y avait quelques gardes et d'autres hommes.
6 Pavo Mucic m'a donné une feuille de papier. Je crois que, dans
7 le titre, il était écrit : "République de Bosnie-Herzégovine -
8 municipalité de Konjic", je ne sais pas exactement. Il était écrit : "Les
9 accusations et la détention de Zelenic sont terminées et le
10 détenu est envoyé pour un échange".. Alors, j'ai dû accepter l'échange.
11 Enfin, je n'étais pas obligé, mais j'ai dû l'accepter.
12 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, lorsque vous avez reçu
13 ce document de M. Mucic, était-il déjà rempli et signé, ou une partie de
14 cette procédure s'est-elle déroulée sous vos yeux, en votre présence ?
15 Témoin B (interprétation). - Je crois que la signature a été
16 apposée en ma présence.
17 Mme McHenry (interprétation). - Je demande l'aide de l'huissier.
18 Je demanderai que ce document soit enregistré aux fins d'identification.
19 Si je ne me trompe pas, il s'agit de la pièce 158. Ce document a déjà été
20 remis à tous les conseils de la défense.
21 Monsieur, je vais vous demander si vous identifiez ce document
22 qui porte désormais la côte 158 comme pièce de l'accusation. C'est bien ce
23 document-là ?
24 Témoin B (interprétation). - Oui.
25 Mme McHenry (interprétation). - Quelle est la nature de ce
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1 document ?
2 Témoin B (interprétation). - Oui, c'est bien ce document.
3 Mme McHenry (interprétation). - C'est donc le document que vous
4 a remis M Mucic et que vous venez de décrire à l'instant. Est-ce bien
5 exact ?
6 Témoin B (interprétation). - Oui.
7 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)
8 M. Moran (interprétation). - Excusez-moi, les interprètes
9 s'agitent dans les cabines parce que votre micro n'est pas branché.
10 Mme McHenry (interprétation). - Je vais vérifier ce qu'il en
11 est. Mais, apparemment, il y a un terme neutre en serbo-croate qui n'a pas
12 la signification de nous lui attribuons. Je vais vérifier bien sûr, mais
13 si j'ai bien compris c'est ce qui m'a été dit.
14 M. le Président (interprétation). - Je suppose que si...
15 Mme McHenry (interprétation). - Nous allons vérifier auprès des
16 services de traduction. Vous comprendrez bien que je ne suis pas tout à
17 fait à même de répondre à la question posée hors micro par le Juge Jan, je
18 ne parle pas le serbo-croate.
19 Avez vous fait l'objet d'un échange au moment que vous venez de
20 préciser ?
21 Témoin B (interprétation). - Non.
22 Mme McHenry (interprétation). - Pourriez-vous rapidement décrire
23 ce qui s'est passé ?
24 Témoin B (interprétation). - Mon père et moi, deux soldats
25 musulmans -je suppose qu'ils étaient soldats puisqu'ils portaient
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1 l'uniforme- nous ont emmenés en voiture à un endroit appelé Fojnica. J'ai
2 attendu dix jours que l'échange ait lieu à Fojnica. Pendant tout ce temps,
3 ils essayaient de procéder à l'échange, mais en vain. Je ne sais pas
4 pourquoi il y avait des difficultés.
5 Par la suite, j'ai été ramené à Konjic. A l'arrivée à Konjic, je
6 suis retourné au village de Brdjani où se trouvait ma famille. Je suis
7 resté au village jusqu'à mon départ.
8 Mme McHenry (interprétation). - Quand avez-vous quitté Brdjani
9 et toute la région de Konjic ?
10 Témoin B (interprétation). - Quand ai je quitté Brdjani ? C'est
11 le 13 mars que je suis parti. C'est à ce moment-là que j'ai quitté à la
12 fois la municipalité de Konjic et la Bosnie-Herzégovine. En passant par la
13 Croatie et la Hongrie, je suis arrivé à Belgrade.
14 Mme McHenry (interprétation). - Excusez-moi un instant, s'il
15 vous plaît, Monsieur le Président.
16 M. le Président (interprétation). - Poursuivez.
17 Mme McHenry (interprétation). - J'en ai ainsi terminé de mon
18 interrogatoire principal.
19 Pourrais-je rapidement demander une audience à huis clos, de
20 sorte que le son ne soit pas transmis à la galerie du public ?
21 M. le Président (interprétation). - Allez-y.
22 Mme McHenry (interprétation). - Je vous remercie.
23 L'audience se poursuit à huis clos.
24 (Audience à huis clos.)
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20 (Fin de la partie de l'audience à huis clos.)
21 (L'audience est reprise en séance publique)
22 Mme McHenry (interprétation). - Nous sommes désormais en
23 audience publique.
24 Je demanderai que la pièce de l'accusation 158 soit versée au
25 dossier. Je n'ai plus de questions à poser.
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1 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il une objection au
2 versement de cette pièce ? Non, il n'y en a pas. La pièce est versée au
3 dossier. Y a-t-il des contre-interrogatoires ?
4 M. O'Sullivan (interprétation). - Oui. D'abord, le conseil de
5 M. Delalic, suivi de celui de M. Mucic, puis viendra le conseil de
6 M. Delic et nous terminerons par le conseil de M. Landzo.
7 Mme Residovic (interprétation). - Puis-je procéder ?
8 M. le Président (interprétation). - Allez-y.
9 Mme Residovic (interprétation). - Bonne après-midi, Monsieur B.
10 Vous le savez peut-être, je m'appelle Edina Residovic. Je défends
11 M. Zejnil Delalic.
12 Etant donné que je vais poser plusieurs questions portant sur
13 les noms de membres de votre famille, je demanderai à ce que nous passions
14 à huis clos afin que le droit que vous avez à la protection de votre
15 identité ne soit pas violé. Est-ce que nous pourrions passer en audience à
16 huis clos ?
17 M. le Président (interprétation). - Veillons-y pour le contre-
18 interrogatoire.
19 (L'audience se poursuit à huis clos.)
20 (Audience à huis clos.)
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18 (Fin de l'audience à huis clos.)
19 (Poursuite de l'audience en séance publique.)
20 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, avez-vous passé
21 deux mois et demi à Celebici et Musala, à partir de fin juin jusqu'à la
22 mi-août ?
23 Témoin B (interprétation). - Oui.
24 Mme Residovic (interprétation). - Vous l'avez déjà dit devant ce
25 Tribunal, vous êtes arrivé à Belgrade en passant par Zagreb et la Hongrie.
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1 C'est de là que vous vous êtes rendu à l'endroit où vous résidez
2 aujourd'hui. Est-ce exact ?
3 Témoin B (interprétation). - Ce qui est important, c'est que je
4 suis arrivé à Belgrade en passant par Zagreb et la Hongrie. J'aimerais que
5 le lieu de ma résidence actuelle soit secret.
6 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Oui, mais en tant que
7 Serbe, vous qui avez été incarcéré pendant un certain temps au camp de
8 Celebici, en route vers Belgrade, n'avez-vous pas rencontré de
9 difficultés ?
10 Témoin B (interprétation). - Aucune.
11 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, à part la maison
12 familiale de Brdjani, vos parents avaient aussi un appartement à Konjic ?
13 Témoin B (interprétation). - Oui.
14 Mme Residovic (interprétation). - Pourriez-vous nous dire si la
15 maison de Brdjani a été endommagée ?
16 Témoin B (interprétation). - Pas de gros dégâts. Si on peut
17 qualifier de "dégâts" le fait que nos voisins soient venus, qu'ils aient
18 tiré des coups de feu sur la maison à plusieurs reprises, de tout près.
19 Mme Residovic (interprétation). - Qu'en est-il de l'appartement
20 à Konjic ?
21 Témoin B (interprétation). - Il est resté intact.
22 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez dit que vous étiez
23 diplômé de la faculté d'économie de Sarajevo.
24 Témoin B (interprétation). - Oui.
25 Mme Residovic (interprétation). - Est-il exact que par la suite
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1 vous avez été spécialiste en économie pour une des plus grandes firmes de
2 Bosnie ?
3 Témoin B (interprétation). - Oui. La firme s'appelait Enis.
4 Mme Residovic (interprétation). - Vous êtes allé travailler
5 jusqu'à la mi-avril. Est-ce exact ?
6 Témoin B (interprétation). - Mon dernier jour de travail était
7 le 13 avril.
8 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, vous êtes témoin
9 du fait qu'à partir du 6 avril, Sarajevo a été attaquée et ceci a créé un
10 climat très significatif d'une menace immédiate de guerre ou d'une
11 situation de guerre ?
12 Témoin B (interprétation). - Je ne sais pas à quelle attaque
13 vous pensez, parce que le 13 avril j'étais à Sarajevo, il n'y avait pas de
14 problème de communication, il n'y avait pas d'attaques non plus. Pour ce
15 qui est du climat, je dirais que vous avez raison. Il était très mauvais
16 bien avant cela.
17 Mme Residovic (interprétation). - A partir de votre expérience
18 personnelle, pourriez-vous confirmer, à l'intention de ce Tribunal, le
19 fait qu'à plusieurs endroits sur la route principale, il y avait des
20 points de contrôle. Certains de ceux-ci étaient occupés par des
21 représentants de la police de réserve. A Ilidza, à Hadzici ainsi qu'à
22 Bradina, des Serbes occupaient-ils ces points de contrôle ?
23 Témoin B (interprétation). - Je ne peux pas vous donner de
24 réponse précise parce que pratiquement à la fin du travail que je faisais
25 à Sarajevo, je n'utilisais pas un véhicule pour aller tous les jours à
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1 Sarajevo pour la simple raison qu'il était difficile d'obtenir de
2 l'essence, de trouver de l'essence. Si on en trouvait, on prenait la
3 voiture ; sinon, on allait en train. A partir du train, je n'ai jamais vu
4 de barricades. Il se peut qu'il y en ait eu.
5 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, revenons un
6 instant à ce que vous venez de dire. Vous nous avez dit qu'il y avait de
7 graves pénuries d'essence. Devant ce Tribunal, vous avez dit que dès la
8 deuxième quinzaine d'avril, il y avait aussi de graves pénuries
9 alimentaires dans votre région. C'était la raison pour laquelle vous aviez
10 quitté la ville de Konjic et aussi parce que vous vous inquiétiez pour
11 votre enfant.
12 Témoin B (interprétation). - Une des raisons était aussi qu'il
13 était très difficile de de trouver de la nourriture, du lait pour un bébé.
14 Je m'étais dit qu'il serait plus facile de trouver tout ce ce qu'il
15 fallait, notamment du lait, à la campagne.
16 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, vous savez, de par
17 votre expérience personnelle, qu'il n'y avait pas assez de nourriture à
18 Konjic, dans la région, en avril.
19 Témoin B (interprétation). - Moi, je pensais surtout aux
20 produits pour bébés, pour nourrissons. C'est ce qui m'intéressait à
21 l'époque. Ce n'était pas moi, dans la famille, qui allais faire les
22 provisions. Je ne sais pas ce qu'il y avait dans les magasins, mais je
23 savais qu'il était difficile de trouver les aliments pour nourrissons,
24 même pendant l'année qui avait précédé les événements dans notre région.
25 C'est la raison pour laquelle je les amenais de Sarajevo.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, j'aimerais vous
2 demander ceci : après que vous ayez quitté Brdjani pour aller en ville,
3 nous allons parler de certaines localités. Je vais vous montrer un extrait
4 de vidéo. Il n'y a pas de son, c'est une cassette vidéo originale qui a
5 été montrée à l'accusation en juillet 1996. Elle vient de la télévision de
6 Konjic.
7 Cette cassette a été aussi mise à la disposition de l'accusation
8 il y a deux mois. Je demanderai à la régie de bien vouloir projeter cet
9 extrait de vidéo. Est-il possible que la régie nous diffuse ceci et je
10 demanderai aussi que cette pièce soit enregistrée aux fins
11 d'identification.
12 (L'extrait est projeté.)
13 Je vous remercie. Monsieur B, avez-vous été en mesure de
14 reconnaître l'endroit, la localité où ceci a été filmé ?
15 Témoin B (interprétation). - Je pense que c'est l'église
16 orthodoxe serbe de Konjic d'après la tour que j'ai vue. Je pense que c'est
17 cette tour ou cette église, mais je n'en suis pas sûr.
18 Mme Residovic (interprétation). - Auparavant, vous avez vu un
19 panorama de la ville. De quelle ville s'agissait-il ?
20 Témoin B (interprétation). - De Konjic.
21 Mme Residovic (interprétation). - Puisque le témoin a reconnu la
22 ville, l'endroit où se trouvait ce groupe de personnes -et c'était bien-là
23 l'intention de la défense-, je demanderai que cet extrait soit versé au
24 dossier.
25 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.
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1 Mme McHenry (interprétation). - J'aimerais soulever une
2 objection pour deux raisons, la première étant la pertinence, et la
3 deuxième que le témoin n'est pas à 100 % sûr de reconnaître la ville. Il a
4 reconnu la tour, mais sans plus, ainsi que le panorama de la ville de
5 Konjic. Voilà donc les deux raisons -la pertinence et le fondement- qui
6 motivent mon objection.
7 Mme Residovic (interprétation). - Madame et Messieurs les juges,
8 j'estime que cette objection est sans fondement puisque, s'agissant de
9 l'endroit et de la ville, la défense a pu obtenir l'identification par le
10 témoin. Ici, on voit qu'il y a la pénurie dont parlait le témoin. Je pense
11 que celui-ci a été suffisamment précis et qu'on peut considérer comme
12 valable l'identification qu'il a faite.
13 Si vous le voulez, on peut regarder une fois de plus cet
14 extrait. Voulez-vous revoir cet extrait ?
15 M. le Président (interprétation). - Qu'essayez-vous d'établir ?
16 Je ne sais pas s'il y a une pertinence quelconque parce que je ne sais pas
17 quel objectif vous poursuivez. Quelle est la question ou l'élément qu'est
18 censé établir cet extrait vidéo ?
19 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, le
20 témoin a dit...
21 M. le Président (interprétation). - Je ne pense pas que ce soit
22 nécessaire, et je considère l'objection comme retenue. Ceci ne présente
23 aucune pertinence.
24 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez tranché, je
25 m'abstiendrai de tout commentaire. Il n'en demeure pas moins que le témoin
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1 a parlé de pénurie en matière d'aliments pour nourrissons, par exemple,
2 pour les petits. Il y avait manifestement des files entières de personnes
3 qui attendaient des rations, comme cet extrait vidéo l'a montré.
4 M. le Président (interprétation). - Je persiste à croire qu'il
5 n'y a aucune pertinence et ceci n'a rien avoir ni avec le témoignage ni
6 avec ce que vous essayez d'établir.
7 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, début mai 1992,
8 est-ce qu'un commandant de Podorasac, Zvonko Zovko et le MUP de Konjic ont
9 perquisitionné ou ont procédé à des fouilles dans le village de Brdjani et
10 en êtes-vous informé ?
11 Témoin B (interprétation). - Quand dites-vous que ceci se serait
12 passé ?
13 Mme Residovic (interprétation). - Début mai 1992.
14 Témoin B (interprétation). - Je ne suis pas au courant.
15 Mme Residovic (interprétation). - Vous ne savez pas non plus
16 qu'à cette époque, certaines personnes du village de Brdjani ont été
17 incarcérées parce qu'elles possédaient des armes.
18 Témoin B (interprétation). - Non, je ne sais pas. Je ne sais
19 pas, ou j'apporte une correction : même si je suis né dans ce village, je
20 n'y allais que très rarement et à l'exception de quelques personnes, je
21 n'y connaissais personne. Alors je ne pense pas avoir vraiment une
22 connaissance valable parce que je ne connais pas l'endroit.
23 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous qu'à cette époque,
24 le HVO existait à Konjic et que plusieurs Musulmans de la ville et des
25 environs y participaient ?
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1 Témoin B (interprétation). - Me demandez-vous si je suis au
2 courant aujourd'hui ou si j'étais au courant à l'époque ?
3 Mme Residovic (interprétation). - Les deux.
4 Témoin B (interprétation). - Je le sais, effectivement,
5 aujourd'hui. Tout le monde le sait, c'est de notoriété publique.
6 Franchement, à l'époque, je n'étais pas au courant qu'une quelconque
7 formation militaire se serait trouvée là. Sinon, je me serais enfui, je
8 serais allé ailleurs pour trouver refuge.
9 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, savez-vous qu'en
10 Bosnie-Herzégovine, un état de menace immédiate de guerre a été proclamé ?
11 Témoin B (interprétation). - Non.
12 Mme Residovic (interprétation). - Et cette proclamation a eu
13 lieu le 8 avril.
14 Témoin B (interprétation). - Non.
15 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous que le 17 avril, il
16 y a eu aussi une mobilisation générale ?
17 Témoin B (interprétation). - Non.
18 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, êtes-vous un
19 conscrit ou avez-vous servi sous les armes ?
20 Témoin B (interprétation). - Non. Vous voulez dire maintenant ?
21 Mme Residovic (interprétation). - Non, à l'époque.
22 Témoin B (interprétation). - A l'époque, j'ai reçu cette
23 formation peut-être un, deux ou trois mois auparavant. Je suis allé à
24 Mostar faire certains exercices, et puis j'ai été appelé sous les
25 drapeaux. J'étais censé me présenter, mais par la suite personne ne m'a
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1 plus rappelé.
2 Mme Residovic (interprétation). - Et donc, personnellement vous
3 n'êtes pas allé vous présenter où que ce soit ?
4 Témoin B (interprétation). - Non.
5 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, vous dites que
6 M. Spago est venu au cours de la deuxième quinzaine du mois de juin, et il
7 était porteur d'une liste reprenant tous les hommes du village de
8 Brdjani ?
9 Témoin B (interprétation). - Oui.
10 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez dit aussi que sept
11 jours après votre arrivée à Celebici, vous aviez été interrogé par la
12 commission qui était chargée d'interroger les détenus ?
13 Témoin B (interprétation). - Oui.
14 Mme Residovic (interprétation). - Beaucoup de temps s'est écoulé
15 depuis, j'en suis fort consciente, mais, à partir de l'information que
16 vous venez de fournir, peut-on conclure que vous avez été interrogé vers
17 le 25 juin ?
18 Témoin B (interprétation). - Je ne suis pas sûr. Je vous ai
19 expliqué que j'ai quelques réserves à propos des dates. Cinq ans se sont
20 écoulés depuis les événements, alors je ne suis pas sûr si c'était le 23,
21 le 25 ou le 26.
22 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B., tout ce que je
23 vous demande, c'est de fournir une date approximative comme vous l'avez
24 fait pour les autres événements.
25 Vous êtes donc arrivé vers la mi-juin et, sept jours plus tard,
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1 vous avez été interrogé.
2 Témoin B (interprétation). - Oui, à peu près.
3 Mme Residovic (interprétation). - C'est à peu près vers le 25
4 juin ?
5 Témoin B (interprétation). - Approximativement. Il se peut que
6 cela se soit passé vers le 25 juin.
7 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Connaissez-vous
8 Strajo Zivak, un voisin de Brdjani ?
9 Témoin B (interprétation). - Oui.
10 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous que Strajo Zivak a
11 donné un fusil M 48 à votre père ?
12 Témoin B (interprétation). - Non.
13 Mme Residovic (interprétation). - Est-il vrai que vous avez
14 parlé avec votre père de certaines armes qui avaient été offertes par
15 Strajo Jivak ? Est-il vrai, Monsieur B, lorsque vous étiez à Bradina, que
16 vous vous trouviez dans la maison de Vaso Kuljanin ?
17 Témoin B (interprétation). - Oui.
18 Mme Residovic (interprétation). - Est-il vrai que vous avez
19 remis l'arme de votre père à Vaso Kuljanin ?
20 Témoin B (interprétation). - Non.
21 Mme Residovic (interprétation). - Si quelqu'un d'autre disait
22 que c'est vrai, alors il ne ne dirait pas la vérité ?
23 Témoin B (interprétation). - Sans doute.
24 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, il ne me reste
25 plus que quelques questions à vous poser. Vous avez dit qu'après, quand on
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1 vous a donné l'ordre de sortir, vous êtes allé à Podorasac ?
2 Témoin B (interprétation). - Oui, à Podorasac.
3 Mme Residovic (interprétation). - Podorasac était le siège ou le
4 quartier-général du commandement du HVO ?
5 Témoin B (interprétation). - Croyez-moi, je n'en sais rien. Pour
6 moi, c'était du pareil au même. Qui avait son siège là ? Je n'en sais
7 vraiment rien.
8 Mme Residovic (interprétation). - Avez-vous vu des écussons sur
9 l'uniforme de M. Nedzad Spago ?
10 Témoin B (interprétation). - Je ne me souviens pas de l'écusson.
11 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, connaissez-vous
12 les personnes suivantes : Merko Jevac, Zedo Jevac, Savo Jevac, Radenko
13 Gligorevic, Staledc Mladen, Dragovic Vojo, Dragovic Ratko, Senikovic
14 Slobodan et d'autres comme étant vos voisins ?
15 Témoin B (interprétation). - Je connais certaines de ces
16 personnes par leur nom de famille pour les avoir rencontrées au camp.
17 J'imagine qu'ils viennent de Brdjani. Mais, comme je l'ai déjà dit, je
18 connaissais très peu de gens du village. Je ne connaissais que quelques
19 foyers qui se trouvaient dans le voisinage immédiat de la maison qui
20 appartenait à ma famille.
21 Mme Residovic (interprétation). - Connaissez-vous Agan Ramic ?
22 Témoin B (interprétation). - Oui, je le connais. Je ne le
23 connaissais pas avant la guerre, mais je l'ai rencontré pendant la guerre.
24 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous qui était le
25 commandant d'une unité de la défense territoriale dans votre village ?
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1 Témoin B (interprétation). - Je ne sais pas ; je ne sais pas
2 quelles étaient ses fonctions. Je sais que presque tous parmi eux avaient
3 participé à la défense territoriale. Mais quelles étaient ses fonctions au
4 sein de la défense territoriale ? Je n'en sais rien.
5 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous que les personnes
6 que j'ai énumérées il y a un instant et certaines autres de Brdjani
7 avaient remis à Agan Ramic un total de quarante-sept fusils dont vingt-
8 neuf étaient des M 48, six étaient des armes semi-automatiques et douze
9 étaient des armes d'un autre type.
10 Témoin B (interprétation). - Peut-être. Il se peut que ce soit
11 vrai. Je n'ai jamais compté d'armes, pas plus que je n'ai gardé de note
12 sur les armes que les uns ou les autres pouvaient avoir.
13 Mme Residovic (interprétation). - Ainsi donc, Monsieur B, vous
14 saviez que, parmi les habitants de Brdjani, certains avaient des armes
15 militaires ?
16 Témoin B (interprétation). - Je pense qu'à ce moment-là, il y
17 avait des armes à peu près partout, mais je ne sais pas quelles armes
18 étaient entre les mains de qui, et s'il s'agissait d'armes militaires ou
19 de chasse. Je n'en sais vraiment rien.
20 Mme Residovic (interprétation). - La déclaration que vous avez
21 faite lors de votre déposition comme quoi personne n'était armé à Brdjani
22 et comme quoi personne n'avait participé la défense du village ne peut
23 donc être considérée comme entièrement vrai ?
24 Témoin B (interprétation). - Je ne sais pas qui était armé à
25 Brdjani mais je sais qu'il n'y a eu aucune défense du village et personne
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1 ne peut dire que les gens de Brdjani ont participé à la défense du
2 village.
3 Mme Residovic (interprétation). - J'ai encore deux questions à
4 vous poser. Saviez-vous que le parti démocratique serbe, dont vous n'êtes
5 pas membre, a pris, dans la première moitié du mois d'avril, une décision
6 de non participation à la défense de Konjic ?
7 Témoin B (interprétation). - Comme vous l'avez dit, je n'ai
8 jamais été membre du parti démocratique serbe. Je ne suis donc, d'aucune
9 manière que ce soit, au courant de cette décision. Ma vie se limitait
10 essentiellement à Sarajevo, et je sais très peu de choses de ce qui se
11 passait à Konjic à l'époque; je n'y allais que pour y passer la nuit.
12 Mme Residovic (interprétation). - Mais en tant qu'habitant de
13 Sarajevo, vous connaissiez les positions du SDS et de Radovan Karadjic à
14 l'époque ?
15 Témoin B (interprétation). - C'était vraiment très difficile
16 de travailler à l'époque en tant qu'économiste, et donc j'étais préoccupé.
17 Je ne suis pas quelqu'un qui s'intéresse beaucoup à la politique. Je ne me
18 suis jamais intéressé à la politique. Je ne savais donc pas grand-chose
19 sur les positions auquelles vous faites référence. On regardait, bien
20 entendu, la télévision de temps en temps, et on voyait que la situation
21 était très mauvaise. Mais je n'ai jamais été très au courant des positions
22 de Radovan Karadjic ou de qui que soit d'autre.
23 Mme Residovic (interprétation). - Je vous remercie Monsieur B.
24 Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.
25 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
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1 Qui souhaite maintenant procéder au contre-interrogatoire ?
2 M. Olujic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Un
3 instant, si vous le permettez, pour que je me prépare...
4 Puis-je poursuive, Monsieur le Président ?
5 Mme Residovic (interprétation). - Oui, je vous en prie.
6 M. Olujic (interprétation). - Merci.
7 Bonne après-midi, Monsieur B. Je m'appelle Jalko Olujic et je
8 suis le défendeur de Dravko Mucic. Nous parlons deux langues différentes,
9 mais je crois que nous nous comprendrons. Vous parlez serbe, je parle le
10 croate, mais nous habitons depuis longtemps dans le même Etat et je crois
11 que nous pourrons nous comprendre.
12 Je ne vais pas être très long, Monsieur B.
13 Témoin B (interprétation). - Puis-je dire quelque chose ? Toute
14 ma vie, on m'a appris que je parlais serbo-croate et je continue de dire
15 que je parle serbo-croate.
16 M. Olujic (interprétation). - C'est une erreur, autant la vôtre
17 que la leur.
18 Vous avez parlé déjà depuis ce matin et je vais donc essayer
19 d'être aussi bref que possible car j'imagine que vous êtes fatigué. Quoi
20 qu'il en soit, il faut que nous précisions certains points. Dans votre
21 déposition d'aujourd'hui, dans ce prétoire, vous avez dit que M. Buric
22 était une personne qui vous avait aidé au camp.
23 Témoin B (interprétation). - Oui.
24 M. Olujic (interprétation). - Est-ce vrai ?
25 Témoin B (interprétation). - Absolument.
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1 M. Olujic (interprétation). -Puis-je vous poser une autre
2 question ? Nous devons attendre un peu que les interprètes aient le temps
3 de traduire nos questions et nos réponses pour que le public puisse nous
4 suivre.
5 Témoin B (interprétation). - Oui, excusez-moi.
6 M. Olujic (interprétation). - Connaissiez-vous donc M. Buric ?
7 Témoin B (interprétation). - Je le connaissais très
8 superficiellement. Il était beaucoup plus jeune que moi et il ne faisait
9 pas partie de mon groupe. Mais je connaissais très bien son frère et cela
10 explique sans doute l'aide qu'il m'a apportée. J'imagine que c'est son
11 frère qui l'a incité à le faire. C'est ce que je suppose.
12 M. Olujic (interprétation). - Quel était le nom de son frère ?
13 Témoin B (interprétation). - Je connaissais son frère. Il
14 s'appelait Sdravko. Pardon, excusez-moi, le frère de qui j'étais proche
15 s'appelait Goran. Excusez-moi, il s'appelait Goran.
16 M. Olujic (interprétation). - Monsieur B, comment M. Buric
17 traitait-il les autres prisonniers dans le camp ?
18 Témoin B (interprétation). - Voyez-vous, personne n'a jamais dit
19 quoi que ce soit de négatif concernant ce jeune homme. Il traitait les
20 gens de façon correcte, et je crois qu'il essayait, pour l'essentiel, de
21 les aider. Il n'a pas fait que m'aider, il a sans doute aidé d'autres
22 personnes aussi. En deux mots, c'était une personne correcte.
23 M. Olujic (interprétation). - De quelle origine ethnique était-
24 il ?
25 Témoin B (interprétation). - Il était croate.
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1 M. Olujic (interprétation). - Madame et Messieurs les juges, je
2 voudrais poser une question qui risque de révéler l'identité du témoin.
3 Pour ces deux questions donc, pouvons-nous passer à huis clos s'il vous
4 plaît ?
5 M. le Président (interprétation). - Oui.
6 M. Olujic (interprétation). - Est-ce prêt ? Très bien, merci.
7 (L'audience se poursuit à huis clos.)
8 (Audience à huis clos.)
9 (expurgée)
10 (expurgée)
11 (expurgée)
12 (expurgée)
13 (expurgée)
14 (L'audience se poursuit en publique).
15 En réponse à des questions posées par mes confrères dans le
16 cadre du contre interrogatoire, vous avez dit que vous travailliez à
17 Sarajevo avant la guerre.
18 Témoin B (interprétation). - Oui.
19 M. Olujic (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion de
20 rencontrer un certain Petar Blajevic ?
21 Témoin B (interprétation). - Pouvez-vous me donner son surnom ?
22 Parce que je pense que je ne le connais pas.
23 M. Olujic (interprétation). - Petar Blajevic. Je ne connais que ce nom.
24 Témoin B (interprétation). - S'il est de Konjic, je pense que je
25 le connais. Je connais un Petar Blajevic. Mais combien de personnes en
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1 ex-Yougoslavie portent-elles ce même nom ? Vous le devinerez vous-même.
2 M. Olujic (interprétation). - Ce Petar Blajevic vient de
3 Serbie ? Son surnom pourrait être Serbia.
4 Témoin B (interprétation). - Oui, je le connais.
5 M. Olujic (interprétation). - C'est celui-là que j'ai en tête.
6 Témoin B (interprétation). - Oui, je le connais.
7 M. Olujic (interprétation). - Comment l'avez-vous connu ?
8 Témoin B (interprétation). - Je ne l'ai pas connu à Sarajevo, je
9 le connaissais déjà avant, bien avant.
10 M. Olujic (interprétation). - Mais il travaillait avec vous à
11 Sarajevo ?
12 Témoin B (interprétation). - C'était une grande société comme
13 l'ont dit vos confrères ; il y avait à peu près deux mille employés dans
14 cette société, avec au moins vingt succursales. Et il travaillait dans
15 l'un de ces départements. Je pense que c'était le département chargé de
16 l'entretien des bâtiments dans lesquels nous travaillions, si je ne me
17 trompe.
18 M. Olujic (interprétation). - Connaissiez-vous Zdravko Mucic
19 avant ?
20 Témoin B (interprétation). - Nous n'avions jamais été présentés
21 personnellement et nous n'étions pas amis, mais je le connaissais.
22 M. Olujic (interprétation). - Dans votre déposition aujourd'hui,
23 vous avez dit que vous aviez entendu dire par d'autres prisonniers que
24 M. Mucic avait un bureau dans le camp, est-ce exact ?
25 Témoin B (interprétation). - Je ne l’ai pas entendu dire par
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1 d'autres prisonniers, je l'ai entendu une fois alors que nous étions en
2 train de nettoyer les locaux et un des gardes a dit : "Nettoie le bureau
3 de Pavo". Je ne fais donc que répéter ce que j'ai entendu, je ne tirerais
4 pas de conclusion. Peut-être que cet homme s'est trompé, ce n'était peut-
5 être pas le bureau de Pavo Mucic, je ne sais pas.
6 M. Olujic (interprétation). - Donc vous pensez que c'est une
7 possibilité ?
8 Témoin B (interprétation). - Je ne fais que répéter ce que j'ai
9 entendu. Maintenant, en ce qui concerne les compétences des gardes, à quel
10 point elles sont fiables, ce n'est pas à moi de juger, je n'en sais rien.
11 M. Olujic (interprétation). - Monsieur B, lorsque vous avez
12 entendu ces propos, je vais essayer de préciser quand cela s'est passé :
13 était-ce juste avant l'arrivée de la Croix-Rouge ou après ? Quelques jours
14 avant ou quelques jours après ?
15 Témoin B (interprétation). - Je ne dirais pas que c'était
16 quelques jours avant, c'était plus que quelques jours avant, disons un
17 mois après mon arrivée au camp. Je ne peux pas dire exactement si c'était
18 trente-et-un, trente-deux ou vingt-neuf jours après, car dans ces
19 conditions il est très difficile de mesurer le temps.
20 M. Olujic (interprétation). - Je comprends bien, c'est la raison
21 pour laquelle j'essaie d'établir un lien entre cet incident et d'autres
22 événements. Je comprends qu'après toutes les souffrances que vous avez
23 endurées, il est difficile de situer exactement les choses dans le temps.
24 Mais essayons, si vous le voulez bien, de situer approximativement cela
25 dans le temps.
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1 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président,
2 j'objecte, car le témoin a déjà dit qu'il ne savait pas exactement quand
3 cela s'était passé. Il nous dit environ trente jours après son arrivée
4 dans le camp, donc j'objecterai à toute autre question sur ce point.
5 M. le Président (interprétation). - J'imagine qu'on peut encore
6 essayer de préciser cette période. Il doit y avoir un moyen de rétrécir
7 l'intervalle de temps concerné.
8 M. Olujic (interprétation). - Très bien, laissons cela de côté
9 pour l'instant et allons de l'avant, Monsieur B.
10 Dans votre déposition aujourd'hui, vous avez dit que lorsque
11 vous avez été libéré du camp, le document de libération vous a été remis
12 par M. Zdravco Mucic, est-ce exact ?
13 Témoin B (interprétation). - Oui.
14 M. Olujic (interprétation). - Monsieur B, dites-moi qui a signé
15 ce document attestant de votre libération ?
16 Témoin B (interprétation). - Zdravco Mucic. C'était entre le
17 hall sportif et l’école primaire. Ces bâtiments étaient reliés entre eux.
18 Il y avait une table et d'autres gens que Zdravco Mucic. On m'a dit que
19 j'allais être échangé. Mucic était en train de signer les papiers. Dès que
20 le papier a été signé pour moi, on me l’a donné.
21 M. Olujic (interprétation). - Mais ce papier que vous avez reçu,
22 qui l’a signé ?
23 Témoin B (interprétation). - Sans doute M. Mucic. Vous voyez
24 trois lignes. Monsieur Mucic.
25 M. Olujic (interprétation). - Mais je ne vous demande pas de
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1 supposer, je vous demande simplement de dire ce dont vous êtes sûr. Si
2 vous n'êtes pas sûr...
3 Témoin B (interprétation). - J'ai vu M. Mucic se pencher alors
4 qu'il était assis derrière la table et écrire quelque chose sur ces
5 papiers. Donc j'imagine que c'est ça, c'est tout ce que je peux vous dire,
6 c'est ce que j'ai vu.
7 M. Olujic (interprétation). - Monsieur B, lorsque vous avez
8 quitté le camp de Celebici, avez-vous vu M. Mucic juste avant ?
9 Témoin B (interprétation). - Juste avant que je ne quitte le
10 camp, il est venu au hangar n° 6. Je ne sais pas exactement combien de nos
11 noms ont été lus à ce moment-là, mais il était là jusqu'à ce que nous
12 montions dans une camionnette. Je ne sais pas combien nous étions, je ne
13 sais pas ce qui a servi à transporter les autres, je suis monté dans cette
14 camionnette et j'ai été emmené à Musala. Après cela, je ne suis plus allé
15 à Celebici et je ne pouvais plus y retourner.
16 M. Olujic (interprétation). - Monsieur Mucic vous a-t-il demandé
17 à ce moment-là si vous aviez un fusil ou une arme ?
18 Témoin B (interprétation). - Il m'a demandé une fois si j'étais
19 armé. J'ai répondu, comme précédemment dans la déclaration que j'avais
20 faite au camp de Celebici, que je n'avais aucune arme. Il est simplement
21 passé devant moi sans faire de commentaires.
22 M. Olujic (interprétation). - Vous avez dit que lorsque vous
23 êtes arrivé au camp, vous aviez donné tous vos objets de valeur : argent,
24 bague en or...
25 Témoin B (interprétation). - La bague, l'anneau, je ne sais pas
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1 exactement quand j'ai dû le donner, mais c'était un mois après, je pense.
2 J’avais une montre à quartz, de l'argent qui n'avait déjà plus aucune
3 valeur, j'avais une tabatière. Nous n'avions déjà plus de cigarettes, donc
4 nous faisions nos propres cigarettes. J'avais une espèce de fume-
5 cigarettes dans lequel on enfile les cigarettes qu'on roule à la main. Je
6 ne me souviens pas de chaque détail.
7 M. Olujic (interprétation). - Oui, c’est logique que vous ne
8 vous souveniez pas de tout. Lorsque vous avez remis ces objets, quelqu’un
9 était-il présent ?
10 Témoin B (interprétation). - On a posé ces choses à côté de
11 nous, au moment où nous étions tournés vers le mur. Les gardes étaient là.
12 Monsieur Delic était là, ainsi que les autres gardes. Je ne sais pas qui a
13 ramassé ces objets ni comment, parce qu'on nous a emmenés vers le trou
14 d'homme.
15 M. Olujic (interprétation). - Monsieur Mucic était-il présent à
16 ce moment-là ?
17 Témoin B (interprétation). - Je ne l'ai pas vu à ce moment-là.
18 M. Olujic (interprétation). - Monsieur B, dites-moi, est-ce que
19 qui que ce soit vous a jamais dit, parmi les prisonniers, qu'à l'occasion
20 de mauvais traitements ou autres sévices Pavo Mucic avait été présent ?
21 Témoin B (interprétation). - Non.
22 M. Olujic (interprétation). - Lors des quatre ou cinq fois que
23 vous avez aperçu M. Mucic au camp, avez-vous jamais observé qui que ce
24 soit en train d'être maltraité en présence de M. Mucic ?
25 Témoin B (interprétation). - Non.
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1 M. Olujic (interprétation). - Très rapidement Monsieur B, où
2 avez-vous fait une déclaration pour la première fois concernant l'affaire
3 qui vous a amené ici, au Tribunal de La Haye ?
4 Témoin B (interprétation). - Dois-je répondre et vous donner une
5 adresse, une ville ? Uniquement la ville ?
6 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, je
7 demanderai qu'on ne pose pas cette question au témoin, même à huis clos,
8 qu'on ne demande pas au témoin le lieu ou la localité où il a fait une
9 déclaration. A supposer que ce ne soit pas loin du lieu où il réside
10 maintenant, il est compréhensible que le témoin soit mal à l'aise à l'idée
11 de donner des éléments indiquant ses coordonnées actuelles.
12 Je ne pense pas qu'il y aurait une objection à ce que le conseil
13 de la défense demande auprès de qui la déclaration a été faite, sous
14 réserve que cela ne mette pas le témoin mal à l'aise pour ce qui est de la
15 divulgation de ses coordonnées.
16 M. Olujic (interprétation). - Cette déclaration a-t-été
17 recueillie à l'extérieur du territoire de la Bosnie-Herzégovine ?
18 Témoin B (interprétation). - Si vous êtes satisfait d'une
19 réponse de ce style, je peux vous dire que c'est dans une ville de Serbie.
20 J'avais le statut de réfugié et tous les réfugiés ont été
21 invités à faire ce genre de déclaration au ministère de l’intérieur.
22 C’était un entretien très bref où l’on disait qui on était, ce qu'on avait
23 fait. J'ai expliqué par quoi j'étais passé.
24 Lorsque j'ai dit que j'avais été détenu dans un camp, on m'a
25 demandé si je pouvais faire une déclaration concernant ce séjour dans le
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1 camp. J'ai dit que je n'étais pas contre et donc j'ai fait une déclaration
2 concernant ce séjour au camp.
3 M. Olujic (interprétation). - Je n'ai pas d'autres questions à
4 poser. Je vous remercie Monsieur le Président.
5 M. le Président (interprétation). - Merci.Y a-t-il d'autres
6 contre-interrogatoires ?
7 Nous allons procéder à la pause maintenant et nous reprendrons à
8 16 h 30.
9 M. Moran (interprétation). - C'est ce que j'allais suggérer, je
10 vous remercie.
11
12 L'audience, suspendue à 16 h, est reprise à 16 h 35.
13 (Audience publique.)
14 M. Moran (interprétation) - Merci, Monsieur le Président. Puis-
15 je procéder ?
16 Bonjour Monsieur, je m'appelle Tom Moran, et je représente Hazim
17 Delic. Je vais vous poser quelques questions. Je vous les préciserai, mais
18 je vous demande d'emblée d'écouter attentivement les questions que je vous
19 pose et si vous les comprenez mal, demandez-moi de vous les reformuler. Je
20 n'ai nulle intention de créer la confusion entre nous. Cela vous va-t-il ?
21 Une deuxième chose, je viens de vous voir hocher de la tête pour répondre
22 oui. Il y a deux personnes ici qui sont très importantes, elles se
23 trouvent ici et là, ce sont des procès-verbalistes, elles ont pour tâche
24 de consigner tout ce qui est dit dans ce prétoire et elles ne peuvent pas
25 mettre par écrit un hochement de tête. Donc, si vous dites oui ou non, je
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1 vous prierai de le dire verbalement, je l'apprécierais beaucoup et les
2 juges également, j'en suis sûr. Acceptez-vous d'agir ainsi, Monsieur ?
3 Témoin B (interprétation). - Oui.
4 M. Moran (interprétation) - Bien, merci beaucoup. Il y a un
5 certain nombre de poinst que j'aimerais revoir avec vous. D'abord, je sais
6 bien que vous avez donné une déclaration au bureau du Procureur en février
7 l'année dernière. Vous avez fourni une déclaration au ministère de
8 l'Intérieur de Serbie, n'est-ce pas ? Au moment de votre libération du
9 camp ou après votre échange, je voudrais vous demander la chose suivante :
10 avez-vous parlé de ce que vous avez vécu dans le camp avec qui que ce soit
11 d'autre, avec d'autres représentants des autorités par exemple ?
12 Témoin B (interprétation). - Tout à fait normalement, j'en ai
13 parlé avec les membres de ma famille, avec également les membres de ma
14 famille qui étaient dans le camp. Malheureusement, nous nous rappelons
15 souvent ce séjour. Mais je n'en ai pas parlé avec qui que ce soit d'autre
16 occupant un poste officiel.
17 M. Moran (interprétation) - Donc, par exemple, vous n'en avez
18 pas parlé avec l'Association des anciens détenus ou avec l'Association des
19 femmes américaines serbes ou quelque organisation de ce genre ?
20 Témoin B (interprétation). - Si je parle avec vous, par exemple
21 en moment, je ne peux pas toujours savoir de quel organisme vous êtes
22 membre. Donc, il peut se faire que quelqu'un ait fait partie d'un
23 organisme et que je n'en aie pas été informé.
24 M. Moran (interprétation) - Bien. Mais vous n'avez fourni que
25 deux déclarations par écrit officiellement. Sont-ce les deux seules
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1 déclarations écrites que vous avez faites officiellement ?
2 Témoin B (interprétation). - J'ai fait une déclaration en
3 Serbie. Et j'ai fait une déclaration, oui effectivement, auprès de cette
4 organisation serbe de femmes, je ne crois pas avoir besoin de vous dire où
5 cela s'est passé, mais j'ai fait cette déclaration en présence d'un
6 représentant de ce Tribunal. Maintenant je n'ai pas les détails au sujet
7 d'une organisation éventuellement touristique à laquelle j'aurais pu
8 parler.
9 M. Moran (interprétation) - Donc, vous avez fourni une
10 déclaration à un représentant du Tribunal dénommé Ole Hortemo en février
11 dernier ?
12 Témoin B (interprétation). - Oui.
13 M. Moran (interprétation) - Il y avait donc une autre personne
14 présente qui représentait un autre groupe au moment où vous avez fait
15 cette déclaration, quelqu'un qui représentait une association de femmes,
16 est-ce que j'ai bien compris ce que vous avez dit ?
17 Témoin B (interprétation). - Personne d'autre n'était présent au
18 moment où j'ai fait ma déclaration. Il n'y avait que l'interprète de
19 M. Hortemo quand je l'ai faite. Personne d'autre n'a été mis au courant à
20 ce moment-là de ma déclaration, en tout cas c'est ce que je pense.
21 Maintenant, qu'est-ce que M. Hortemo en a fait, par la suite, l'a-t-il
22 montrée à quelqu'un ? Je n'en sais rien. Mais, en ce qui concerne le
23 moment où j'ai fait ma déclaration, n'étaient présents que M. Hortemo et
24 son interprète. Maintenant, s'ils étaient membres de telle ou telle
25 organisation, vous pouvez vérifier auprès de M. Hrtemo. Je crois qu'il est
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1 norvégien et je crois que j'ai bien prononcé son nom. Et si tel n'est pas
2 le cas, je vous prierai de le corriger.
3 M. Moran (interprétation) - Vous n'en savez pas plus que moi,
4 Monsieur, en ce qui concerne la prononciation de son nom.
5 Monsieur le Président, je vais poser encore deux question et je
6 crois qu'il conviendrait qu'elles soient posées à huis clos.
7 M. le Président (interprétation). - Très bien. Que l'on installe
8 la salle.
9 M. Moran (interprétation) - Donc, je demande un huis clos
10 pendant quelques minutes.
11 (L'audience se poursuit à huis clos.)
12 (Audience à huis clos.)
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13 (Fin de l'audience à huis clos.)
14 (L'audience reprend en séance publique.)
15 M. Moran (interprétation) - Monsieur, vous comprenez pourquoi
16 j'ai demandé un huis clos. Maintenant, je voudrais vous interroger encore
17 sur quelques points et je crois que nous en en aurons fini. En réponse aux
18 questions posées dans l'interrogatoire principal, vous avez dit que
19 pendant vous résidiez à Bradina, vous êtes allé à Bradina à un certain
20 moment, au mois de mai ou au mois d'avril 1992, vous rappelez-vous cela ?
21 Vous y êtes allé pendant une période courte.
22 Témoin B (interprétation). - Oui, en mai 1992, j'y ai passé un
23 très bref séjour.
24 M. Moran (interprétation) - Et vous avez dit que tout était
25 assez désorganisé ou extrêmement désorganisé. Je crois que ce sont les
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1 mots que vous avez utilisés pour qualifier la défense de Bradina. Vous
2 rappelez-vous cela ?
3 Témoin B (interprétation). - Il est très possible que j'aie dit
4 cela. Qualifier le degré d'organisation de quelque chose, c'est une
5 évaluation très personnelle et évaluer le degré d'organisation c'est
6 vraiment quelque chose qui est très subjectif. Et donc pour la même chose,
7 vous pourriez dire que c'est très mal organisé et moi dire que c'est très
8 bien organisé. Moi, j'ai eu l'impression que la chose était très mal
9 organisée, qu'il n'y avait aucune organisation. J'ai vu que ma femme et ma
10 fille ne pouvaient pas quitter Bradina sous l'égide de la Croix-Rouge, et
11 je n'ai jamais voulu participer à quelque combat que ce soit. Mon seul
12 intérêt était de m'extirper d'un environnement dangereux, de sorte
13 qu'après quelques jours, j'ai décidé de revenir à Brdjani et à ce moment-
14 là cette décision s'est avérée bonne.
15 Je voudrais simplement souligner que je n'ai jamais eu le
16 moindre intérêt pour quelque chose qui pourrait s'apparenter à une
17 doctrine ou une méthode militaire. Et donc même si on considérait que je
18 suis une personne compétente, je vois mal comment je pourrais dire que
19 quelque chose est bien ou mal organisé sur le plan militaire.
20 J'ai donc simplement dit que mon évaluation était l'évaluation
21 personnelle d'un amateur, comme vous pourriez dire, par exemple, qu’un
22 match sportif vous paraît personnellement bon ou mauvais.
23 M. Moran (interprétation). - Bien sûr. Vous avez dit dans votre
24 déposition que vous aviez 36 ans. Vous avez donc sans doute un âge qui
25 vous a permis de faire votre service militaire au sein de la JNA.
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1 Avez-vous fait votre service militaire ou avez-vous été
2 exempté ? Si vous avez été exempté, ce n'est pas un problème.
3 Témoin B (interprétation). - J'ai accompli mon service
4 militaire.
5 M. Moran (interprétation). - Bien. Vous avez donc quelque
6 expérience militaire, sans pour autant faire partie, bien entendu, du
7 quartier général ou de l'état-major. Mais, lorsque vous étiez à Bradina,
8 vous avez pu juger du degré d'organisation de la JNA à l'époque. A
9 l’évidence, vous vous êtes trouvé dans une armée bien organisée et
10 respectée en Europe. Vous êtes d'accord ?
11 Témoin B (interprétation). - Malheureusement, je dois dire que
12 je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites que la JNA était une
13 force militaire bien organisée. Au moment où j'ai accompli mon service
14 militaire en 1994, je travaillais comme standardiste dans un standard
15 téléphonique. Je n'ai donc pas d'expérience liée à une quelconque théorie
16 militaire si vous avez en tête une attaque, par exemple, ou une activité
17 de ce genre.
18 Sur la base de mon expérience, je dirais que la JNA était
19 terriblement mal organisée. Donc, je répète que je ne suis pas compétent.
20 Y compris pendant mon service militaire, je n'étais que standardiste et
21 donc je ne vois pas comment je pourrais prononcer un jugement de ce genre.
22 M. Moran (interprétation). - Je vais passer à un autre sujet. Je
23 vais vous dire pourquoi je vous pose cette question de façon à ce qu'elle
24 ne vous surprenne en aucune façon.
25 Vous êtes peut-être la première personne à qui nous parlons ici
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1 qui s'est trouvée à l'intérieur du camp tout en sortant de temps en temps.
2 Vous en êtes sorti de temps en temps pour diverses activités.
3 La question que je vous pose est la suivante : si j'ai bien
4 compris, il y avait des militaires qui vivaient et qui stationnaient dans
5 le camp de Celebici, et qui ne faisaient pas partie des gardes ; ils
6 faisaient partie d'une unité distincte. Pouvez-vous me donner davantage de
7 renseignements à ce sujet ?
8 Témoin B (interprétation). - Je dois vous dire, pour commencer,
9 que votre première affirmation est inexacte. Je veux parler du moment où
10 vous avez dit que je pouvais circuler dans Celebici. Je travaillais dans
11 le camp. Celebici est un grand village. Le camp se trouve à l'intérieur de
12 ce village, ce qui veut dire que je ne circulais pas dans le village ; je
13 ne circulais que dans le camp et toujours sous escorte. Ce n'était donc
14 pas un avantage.
15 Il arrivait quelquefois qu'à 1 h 00 du matin, un véhicule
16 arrive. Une dizaine d’hommes recevaient l'ordre d’aller décharger ce
17 véhicule. Ensuite, un deuxième groupe recevait le même ordre. Il ne
18 s'agissait donc pas de circulation libre mais sous escorte. Nous devions
19 nous rendre à tel ou tel endroit dans l'enceinte du camp où je
20 travaillais.
21 La deuxième partie de votre question portait sur d'autres
22 militaires, sur d'autres personnes en uniforme distinctes des gardiens.
23 C'est bien cela ? Dites-moi si j'ai bien compris ?
24 M. Moran (interprétation). - Oui, Monsieur. Bien. D'abord je
25 tiens à vous dire que ma question portait sur le camp et pas sur le
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1 village de Celebici.
2 Y avait-il d'autres militaires qui étaient cantonnés dans le
3 camp ou qui vivaient dans le camp de Celebici et qui ne faisaient pas
4 partie des gardes ? Une autre unité peut-être ? Qui partageaient les
5 locaux du camp ?
6 Témoin B (interprétation). - A un moment, dans un hangar proche
7 du hangar n° 6 qui servait de lieu de détention, ont séjourné des hommes
8 en uniforme. Nous pensions qu'il s'agissait de militaires puisqu'ils
9 étaient armés. Je dis bien que nous le pensions parce qu'ils ne nous ont
10 jamais été présentés avec quelque précision que ce soit. Donc, si on peut
11 appeler "séjour" ces moments brefs qu'ils ont passés dans le camp, la
12 réponse est oui.
13 Bien sûr, il y avait aussi d'autres personnes qui se trouvaient
14 là et qui n'avaient pas de relations directes avec les gardes. Je crois
15 qu'il y avait quelqu'un qui réparait les armes, les fusils et qui avait là
16 une pièce avec un lit, pour y passer la nuit. Peut-on parler de cela comme
17 d'un séjour dans le camp ? Je ne sais pas.
18 M. Moran (interprétation). - Bien. Maintenant, vous rappelez-
19 vous avoir parlé, dans votre déposition, du jour où vous êtes arrivé à
20 Celebici, du jour où vous avez reçu l'ordre de vous mettre contre un mur
21 après être descendu du camion ? Vous avez dit qu'il y avait des soldats
22 musulmans qui étaient arrivés juste après votre arrivée à Celebici. Vous
23 avez dit, dans votre déposition, aux réponses à l’interrogatoire
24 principal, que vous avez tous été alignés le long d'un mur et que vous
25 avez subi des insultes, des menaces, et qu'on vous avait donné l'ordre de
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1 vider vos poches. Vous rappelez-vous avoir dit cela ?
2 Témoin B (interprétation). - Oui.
3 M. Moran (interprétation). - Bien. Avez-vous vu des gens qui
4 circulaient dans les alentours et qui ne faisaient pas partie des
5 gardiens ?
6 Témoin B (interprétation). - Non. Je n'en ai pas vu. Je dois
7 vous dire qu'à ce moment-là, j'ai eu l'impression que je n'avais pas le
8 droit de trop regarder autour de moi. Je dis que c'était une impression.
9 Donc, je n'ai regardé que les gardiens et peut-être même que je n'ai pas
10 vu tous les gardiens. Je regardais ceux que j'avais devant moi, dans la
11 direction de mon regard. Je n'ai pas vu qui étaient les gardes qui se
12 trouvaient derrière moi.
13 Vous voyez, je ne me suis pas vraiment retourné, je n'ai pas
14 regardé tout autour de moi pour voir s'il y avait d'autres personnes. Dans
15 des situations de ce genre, il est assez peu naturel de se retourner et de
16 regarder le paysage. Peut-être que d'autres l'ont fait, mais moi non.
17 M. Moran (interprétation). - Je comprends. Monsieur, merci
18 beaucoup.
19 Monsieur le Président, j'en ai fini avec ce témoin.
20 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Y a-t-il
21 d’autres contre-interrogatoires ?
22 Mme McMurrey (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
23 M. le Président (interprétation). - Vous avez la parole.
24 Mme McMurrey (interprétation). - Je voudrais informer le
25 Greffier que je vais avoir besoin de ces trois photographies des gens de
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1 Belgrade dans quelques instants. Je n'en connais pas le numéro. Merci.
2 Puis-je procéder ? Merci.
3 Bonjour, Monsieur le Témoin B. Je m’appelle Cynthia McMurrey.
4 Bonjour. Je suis le conseil de la défense de M. Esad Landzo.
5 Je sais que l'accusation en a déjà discuté avec vous, mais il y
6 a une chose que j'aimerais que vous acceptiez cet après-midi, c'est-à-dire
7 que vous ne parliez, dans votre déposition devant ce Tribunal, que de ce
8 que vous avez personnellement vécu, personnellement vu et personnellement
9 entendu, sans citer d'autres témoins. Sommes-nous d'accord sur ce point ?
10 Témoin B (interprétation). - Oui.
11 Mme McMurrey (interprétation). - Merci beaucoup. Je crois que,
12 lorsque vous avez répondu, lorsque vous avez fait votre déclaration au
13 bureau du Procureur en février 1996, vous avez rencontré et discuté avec
14 M. Ole Hortemo. J'ai du mal à prononcer son nom. Est-ce bien cela ?
15 Témoin B (interprétation). - Oui.
16 Mme McMurrey (interprétation). - Vous lui avez donc accordé un
17 entretien ce jour là, n'est-ce pas ?
18 Témoin B (interprétation). - Oui.
19 Mme McMurrey (interprétation). - A un moment donné, entre cette
20 date et aujourd'hui, l'accusation vous a dit que, nous-mêmes, membres des
21 conseils de la défense, souhaitions également vous rencontrer pour avoir
22 un entretien avec vous au sujet de ce qui s'était passé à Celebici ?
23 Témoin B (interprétation). - Oui.
24 Mme McMurrey (interprétation). - Vous avez dit aux membres du
25 bureau du Procureur que vous ne souhaitiez pas parler avec nous, n'est-ce
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1 pas ?
2 Témoin B (interprétation). - Oui.
3 Mme McMurrey (interprétation). - Vous avez donc décidé que vous
4 ne nous accorderiez pas la même courtoisie que celle que vous aviez
5 accordée au bureau du Procureur. Est-ce bien cela ?
6 Témoin B (interprétation). - Je ne vois pas pourquoi on pourrait
7 dire que j'ai été particulièrement courtois à l'égard de l'accusation. A
8 l'époque, je ne voyais d'ailleurs pas pourquoi j'aurais eu le moindre
9 besoin de parler avec des membres de la défense. Je ne trouvais pas cela
10 nécessaire. J'avais la liberté de choisir et, lorsqu'on a la liberté de
11 choisir, on opte en faveur de ce que l’on souhaite. Mais, pas une seule
12 phrase, pas un seul mot, ne m'a laissé entendre que cela pouvait être une
13 quelconque obligation pour moi. Si cela m'avait été dit, et puisque
14 j'avais déjà accepté de me présenter devant ce Tribunal, j'aurais joué le
15 jeu, si je puis m'exprimer ainsi, et j'aurais accepté de discuter avec
16 vous. Pourquoi pas. Mais on m'a dit que je pouvais choisir, que je pouvais
17 accepter ou refuser. A l'époque, j'ai choisi et j’ai décidé de ne pas
18 discuter avec vous.
19 Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Nous respectons
20 également votre choix.
21 Vous avez déclaré précédemment que vous aviez, bien sûr, accordé
22 une déclaration au bureau du Procureur et que vous aviez également parlé à
23 des membres de l'association "Amitié des Femmes serbes". Vous avez
24 également dit avoir discuté avec des représentants d'une agence de
25 tourisme, si je ne m'abuse.
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1 Pouvez-vous nous dire quel genre de déclaration vous avez faite
2 à cette agence de tourisme ?
3 Témoin B (interprétation). - Soit il y a eu erreur
4 d'interprétation, soit vous avez mal compris.
5 Lorsque ce monsieur, votre collègue -celui qui m'a interrogé
6 précédemment- m'a demandé comment j'en étais venu à faire une déclaration,
7 j'ai dit de façon très claire -et je le répète à présent- que je n'ai
8 fourni aucune déclaration à une organisation de femme serbes. Je n'ai
9 fourni une déclaration exclusivement qu'à M. Hortemo, en présence de son
10 interprète. A ce moment-là, j'avais l'impression que je n'avais pas à
11 répondre à la question de savoir qui avait organisé cela. Donc, j'ai dit
12 que cela aurait pu être une agence de tourisme. Cela signifie que je n'ai
13 pas fait de déclaration à une quelconque agence de tourisme.
14 J'ai déjà dit que je n'avais fourni de déclaration à personne
15 d'autre qu’à un représentant officiel de ce Tribunal pour autant que
16 M. Hortemo ait été, à l'époque, ou soit encore aujourd'hui, un
17 représentant du Tribunal. C'est, en tout cas, comme cela qu'il m'a été
18 présenté.
19 Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Je voudrais maintenant
20 demander l'aide de l'huissier pour que ces trois photographies soient
21 remises à Monsieur B. Pour le compte rendu, j'ajouterai que je demande les
22 cotes de ces trois photographies.
23 M. le Greffier - Il s'agit des pièces 5-2, 6-2 et documents 7-2.
24 Mme McMurrey (interprétation). - Merci beaucoup. Je suppose que
25 nous allons commencer par la première photographie. Je demanderai qu'elle
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1 soit placée sur le rétroprojecteur.
2 M. le Président (interprétation). - Pouvez-vous faire identifier
3 les cotes de façon à ce qu'elles correspondent ?
4 Mme McMurrey (interprétation). - Oui, je vais demander à
5 l'huissier de le faire. Monsieur l'Huissier, pouvez-vous nous donner la
6 cote qui figure sur les photographies avant de la placer sur le
7 rétroprojecteur ?
8 M. l’Huissier (interprétation). - D6/2.
9 Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Pouvez-vous me dire si
10 vous avez déjà vu cette femme par le passé sur la base de ce que nous
11 voyons à l'écran en ce moment ?
12 Témoin B (interprétation). - Je crois que non. Je crois que je
13 ne l'ai pas vue.
14 Mme McMurrey (interprétation). - Bien. Merci. Peut-on passer à
15 la photographie suivante, je vous prie ?
16 M. l’Huissier (interprétation). - D5/2.
17 Mme McMurrey (interprétation). - Il s'agit de la photographie
18 D5/2. Pouvez-vous regarder cette photographie et me dire si vous avez
19 jamais vu -et si vous la reconnaissez- cette personne par le passé ?
20 Témoin B (interprétation). - Oui.
21 Mme McMurrey (interprétation). - Pouvez-vous nous dire de qui il
22 s'agit ?
23 Témoin B (interprétation). - C'est le Dr Milivoje Bjelica, c'est
24 d'ailleurs écrit. Je vois son nom inscrit là.
25 Mme McMurrey (interprétation). - Vous le connaissez pour l’avoir
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1 vu à Belgrade. Est-ce exact ?
2 Témoin B (interprétation). - Oui.
3 Mme McMurrey (interprétation). - Le connaissez-vous en qualité
4 de président de l'Association des anciens détenus de Belgrade ?
5 Témoin B (interprétation). - Non.
6 Mme McMurrey (interprétation). - Est-il vrai qu'à un certain
7 moment, il vous a examiné à Belgrade ?
8 Témoin B (interprétation). - Oui.
9 Mme McMurrey (interprétation). - Et, lorsqu'il vous a examiné,
10 lui avez-vous fait une déclaration au sujet de ce que vous aviez vécu à
11 Celebici ?
12 Témoin B (interprétation). - Non.
13 Mme McMurrey (interprétation). - Lorsqu'il vous a examiné, à
14 Belgrade, est-ce qu’il a fait des radiographies de parties de votre
15 corps ?
16 Témoin B (interprétation). - Je ne me rappelle pas s'il y a eu
17 des radiographies. Je sais que j'ai subi un examen médical, mais je ne me
18 rappelle pas s'il y a eu des radiographies.
19 Mme McMurrey (interprétation). - Donc, s'il y a eu des
20 radiographies, il ne vous les a pas remises, n'est-ce pas ?
21 M. le Président (interprétation). - Il a répondu à la question ;
22 il a dit qu'il ne savait pas s'il y avait des radiographies. Dans ces
23 conditions, il ne peut donc pas répondre à la question suivante.
24 Mme McMurrey (interprétation). - J'en poserai une autre,
25 Monsieur le Président. Monsieur, vous rappelez-vous si vous avez eu un
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1 examen d'urine à quelque moment que ce soit dans le cadre de cet examen
2 médical ?
3 Témoin B (interprétation). - Non, je ne me rappelle pas. Je peux
4 vous dire que cet examen a été fait il y a sans doute cinq ans. Entre
5 temps, des choses tellement importantes ont eu lieu dans ma vie, des
6 changements tellement importants -il y avait des problèmes d'existence,
7 des problèmes de déménagement de Belgrade, etc.- que je ne me rappelle pas
8 de tous les détails de cet examen médical particulier.
9 Mme McMurrey (interprétation). - Donc vous dites dans votre
10 déposition que vous ne vous rappelez pas de ce qui s'est passé au cours de
11 cet examen médical, mais vous vous rappelez que vous n'avez pas fait de
12 déclaration au sujet de ce que vous aviez vécu à Celebici à l'intention de
13 ce monsieur. C'est bien cela ?
14 Témoin B (interprétation). - J'éprouvais certaines difficultés,
15 certaines douleurs au dos, et il est fort possible qu'il m'ait demandé ce
16 qui s'était passé, si j'étais tombé, ou si c'était à la suite d'un coup
17 que j'aurais reçu... Des choses de ce genre. Je ne sais pas quels sont les
18 termes médicaux, les termes appropriés. Je pense que quand un médecin vous
19 voit , il veut connaître la source du problème. Il se peut qu'il m'ait
20 demandé si j'étais tombé ou si quelqu'un m'avais frappé. De cette façon,
21 il peut savoir comment vous traiter. Il doit connaître l'origine du mal.
22 Il se peut que je lui ai dit que j'étais détenu dans un camp. Il m'est
23 difficile de me souvenir exactement des propos que j'ai tenus alors, mais
24 il est fort probable qu'il m'ait posé la question.
25 Mme McMurrey (interprétation). - Vous saviez que ce médecin
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1 avait aussi des rapports avec l'association des anciens détenus à
2 Belgrade, n'est-ce pas ?
3 Témoin B (interprétation). - Non. Je ne savais même pas qu'une
4 telle association existait à Belgrade et je n'en ai d'ailleurs jamais été
5 membre. J'ai obtenu l'adresse du Dr Bjelica par le biais d'un autre
6 détenu, un de mes parents. Et, lorsque nous sommes arrivés en Serbie, les
7 premiers jours, personne ne s'est présenté nulle part. Nous craignions la
8 mobilisation. On ne savait pas ce qui pouvait advenir. Par la suite, ces
9 craintes ne se sont pas avérées, mais nous n'avions aucun document, aucun
10 certificat médical.
11 J'ai appris que cet homme était très humain, qu'il était prêt à
12 nous examiner gratuitement. Je ne le connaissais pas avant la guerre. Je
13 ne savais pas non plus qu'il était affilié à une association quelconque.
14 Je ne connaissais pas son nom de famille.
15 Mme McMurrey (interprétation). - Vous dites qu'aucun d'entre-
16 vous ne s'était présenté à ce médecin pour faire un examen auprès de lui ?
17 Témoin B (interprétation). - Non.
18 Pourriez-vous être plus précise quand vous posez les questions ?
19 Je n'ai jamais dit que personne ne se présentait ou ne s'inscrivait auprès
20 des autorités. Lorsque j'ai appris qu'il était possible de le faire sans
21 craindre de conséquences, je suis allé immédiatement voir les autorités
22 compétentes. Mais ceci s'est fait après quelques jours. C'est donc
23 seulement par la suite que nous nous sommes inscrits.
24 Mme McMurrey (interprétation). - Excusez-moi,
25 Monsieur l'Huissier, pourrions-nous changer de photo ? Montrez-nous la
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1 dernière. Ce serait la cote D/7/2.
2 Reconnaissez-vous ce monsieur ?
3 Témoin B (interprétation). - Non.
4 Mme McMurrey (interprétation). - J'aimerais qu'il soit précisé
5 au procès-verbal que la seule personne reconnue sur les photos, c'est
6 celle de la photo D 5/2. Je vous remercie, Monsieur l'Huissier.
7 Donc, lorsque vous êtes arrivé à Belgrade, vous n'avez pas
8 demandé de l'aide auprès de l'Association des anciens détenus. Est-ce bien
9 exact ?
10 Témoin B (interprétation). - C'est exact.
11 Mme McMurrey (interprétation). - Je crois que vous avez dit
12 auparavant que vous ne vous intéressiez pas du tout à la politique. Mais,
13 en tant qu'économiste, vous savez pertinemment que l'économie et la
14 politique sont inextricablement liées entre-elles.
15 Témoin B (interprétation). - Vous avez raison, mais il me faut
16 peut-être vous donner davantage de détails. Dans la société pour laquelle
17 je travaillais, je m'occupais du marché intérieur. La politique est
18 importante pour des économistes qui s'occupent d'importation ou
19 d'exportation, ainsi ils connaissent la situation qui prévaut dans un pays
20 donné, ils peuvent voir si le marché est favorable ou si, au contraire, il
21 y a un exode de capitaux, et ainsi de suite. Je dirais que la politique
22 n'était pas ma préoccupation principale mais, si vous insistez, je dirais
23 que personne ne peut s'isoler totalement de la politique. Si vous avez des
24 yeux, des oreilles, il vous faut bien voir et entendre des choses qui
25 paraissent dans les journaux et à la télévision. On a une certaine
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1 connaissance de la situation, mais ce n'était pas mon métier ni ma
2 préoccupation, pas plus que mon intérêt.
3 Mme McMurrey (interprétation). - Mais vous avez pourtant déclaré
4 que vous étiez au courant de la situation politique, laquelle avait fait
5 perdre toute sa valeur à la devise yougoslave. Est-ce bien exact ?
6 Témoin B (interprétation). - Bien sûr.
7 Mme McMurrey (interprétation). - Je crois que vous avez dit
8 aussi, dans votre déposition, que des troupes musulmanes avaient attaqué
9 Brdjani. Est-ce exact ?
10 Témoin B (interprétation). - Si vous avez prêté une oreille
11 attentive à mes propos, j'ai dit que je m'étais enfui du village de
12 Brdjani. Et, ceci, dès que cette pluie d'obus et de projectiles commença à
13 tomber. Je ne sais pas ce qu'on utilisait comme armement ; je ne sais pas
14 si c'était un équipement militaire anti-aérien. Je ne sais pas. Je n'ai
15 pas vu de troupes musulmanes en train de pénétrer dans le village.
16 Mme McMurrey (interprétation). - Mais vous savez aujourd'hui que
17 ce n'était pas des troupes musulmanes mais que c'étaient les forces
18 alliées du HOS, de la défense territoriale et du HVO, qui attaquaient ?
19 Mme McHenry (interprétation). - Je voudrais, sinon objecter, du
20 moins demander à Me. Mc Murrey de retirer ce qu'elle a dit parce qu'elle a
21 dit-elle-même qu'il devait parler uniquement de ce qu'il a observé. Alors,
22 si elle veut lui poser une question à propos de ouï-dire, pas d'objection,
23 mais que tout soit clair.
24 Mme McMurrey (interprétation). - Je vais lui demander si, à
25 partir de ses études, il sait que c'étaient des forces alliées.
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1 Mme McHenry (interprétation). - Je demanderai à ce moment-là que
2 nous soit précisé le terme "études".
3 Mme McMurrey (interprétation). - Je passe, parce que ce n'est
4 pas si important que cela.
5 M. le Président (interprétation). - C'est un excellent jeu.
6 Mme McMurrey (interprétation). - Je peux faire de bonnes
7 performances de temps en temps !
8 Vous avez dit que c'était la police militaire musulmane qui vous
9 avais arrêté dans la seconde quinzaine de juin. Ce n'est pas vrai, n'est-
10 ce pas ? N'avez-vous pas dit que c'était cette police militaire
11 musulmane ?
12 Témoin B (interprétation). - Excusez-moi, mais je ne me souviens
13 pas avoir dit que c'était la police militaire musulmane qui était venue
14 m'arrêter en juin ou le 2 juin. Quand aurais-je dit cela ?
15 Mme McMurrey (interprétation). - En interrogatoire principal.
16 Vous avez dit que, dans la deuxième quinzaine de juin, sans vous rappeler
17 de la date exacte, c'étaient des policiers militaires musulmans qui
18 étaient venus à Brdjani et qui avaient arrêté au moins cinquante, sinon
19 soixante hommes du village. N'est-ce pas ce que vous avez déclaré ?
20 Témoin B (interprétation). - Excusez-moi mais, au départ,
21 j'avais entendu 2 juin et non pas deuxième quinzaine de juin. Ceci étant,
22 dans cette deuxième quinzaine de juin, je supposais que cette personne
23 travaillait pour la police militaire musulmane. C'était M. Spago. Je viens
24 de me souvenir de son prénom : Ferid. Il a donné lecture d'une liste, mais
25 n'insistez pas trop sur les chiffres précis. Moi, je n'ai estimé que de
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1 cinquante à soixante hommes du village ; peut-être que c'était moins ou
2 plus, mais j'ai dit que c'étaient ceux-là qui avaient été arrêtés.
3 Mme McMurrey (interprétation). - Ce qui m'intéresse ici
4 particulièrement, c'est qu'il s'agissait de forces ou de police militaires
5 musulmanes alors que c'étaient des forces alliées autres qui avaient
6 attaqué, n'est-ce pas ?
7 Témoin B (interprétation). - Je ne suis vraiment pas un expert
8 en terminologie militaire. Pour moi, des forces, ce sont plusieurs
9 personnes, alors qu'en l'occurrence, ce fut un seul homme -un membre de la
10 police militaire musulmane- qui est venu.
11 Excusez-moi, mais je parle de ce terme de police militaire
12 musulmane. Peut-être qu'elle portait à l'époque un autre nom, comme la
13 défense territoriale, et que, par la suite, c'est devenu l'armée de
14 Bosnie-Herzégovine. Je ne sais pas exactement. Mais je crois que vous
15 savez de qui je veux parler. C'était cette seule personne, Ferid Spago. Il
16 se peut que quelqu'un se soit rendu à l'autre extrémité du village parce
17 que c'est un village montagneux qui se compose de plusieurs hameaux,
18 chacun très isolé, avec des maisons tout aussi isolées. Alors je ne sais
19 pas si quelqu'un d'autre s'est rendu dans une autre partie du village.
20 Mais moi, je ne me souviens que de Ferid Spago.
21 M. le Président (interprétation). - Le conseil essaie
22 d'expliquer au témoin qu'il n'existait pas une telle organisation connue
23 sous le nom de police militaire.
24 Mme McMurrey (interprétation). - Merci Monsieur le Président.
25 M. le Président (interprétation). - Connaissez-vous une telle
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1 organisation ?
2 Témoin B (interprétation). - Je connaissais un homme qui me l'a
3 dit. J'ai parlé des Musulmans pour vous indiquer qu'il ne s'agissait pas
4 de Serbes. Il se peut que ce ne soit pas une organisation. Une partie de
5 l'armée de Bosnie-Herzégovine était constituée par la police militaire. Je
6 pense qu'il y a une police militaire dans toutes les armées du monde et je
7 pense que je peux dire et répéter qu'un homme, faisant partie de ces
8 forces, est venu nous donner lecture de cette liste.
9 Mme McMurrey (interprétation). - Merci.
10 Témoin B (interprétation). - Excusez-moi, puis-je ajouter cela ?
11 Je n'entendais pas par là qu'une organisation paramilitaire soit venue et
12 se soit donnée le titre de police militaire. Il n'y avait pas de groupe
13 séparé qui comprenait, dans son intitulé, le nom de "police militaire". Je
14 n’ai jamais voulu dire qu'il s'agissait d'une organisation séparée,
15 c'était simplement un homme qui relevait de certaines forces.
16 Mme McMurrey (interprétation). - Maintenant, tout est clair.
17 Permettez-moi de revenir à ce que Me Residovic, qui défend M. Delalic,
18 vous a présenté en extrait vidéo. Vous avez bien reconnu la ville de
19 Konjic et l'église orthodoxe serbe.
20 Pour vous, cette file de personnes était-elle bien une file de
21 personnes qui faisaient la queue pour obtenir des rations alimentaires ?
22 Témoin B (interprétation). - Permettez-moi d'abord de dire que
23 c'est une impression que j'ai retirée de Konjic. Il y a beaucoup de villes
24 traversées d’une rivière, avec un paysage vert sur les rives. Ce procès
25 portant sur Celebici et Konjic, j'en ai conclu logiquement que c'était
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1 Konjic. La ville ressemblait d'abord à celle de Konjic. J'ai aussi supposé
2 qu'il s'agissait de l'église orthodoxe.
3 Je ne sais pas ce que ces personnes faisaient à attendre et ce
4 qu'elles avaient dans leur sac. Même si je viens moi-même de Konjic et si
5 j'y ai longtemps vécu, je n'ai reconnu aucune personne dans cette file.
6 Mme McMurrey (interprétation). - Même si vous n'avez reconnu
7 personne, n'avez-vous pas reconnu que c'était une file de personnes qui
8 attendaient pour obtenir une ration alimentaire ?
9 Mme McHenry (interprétation). - Objection ; c'est une question
10 déjà posée qui a reçu réponse.
11 M. le Président (interprétation). - Pourquoi en tirerait-il une
12 telle conclusion ?
13 Mme McMurrey (interprétation). - J'ai demandé s'il reconnaissait
14 cette file comme étant une queue de personnes attendant de la nourriture.
15 M. le Président (interprétation). - Comment aurait-il pu le
16 faire ? Etait-il écrit quelque part sur la vidéo que c'était une espèce de
17 queue que les gens formaient pour obtenir de la nourriture ?
18 Mme McMurrey (interprétation). - Je croyais que cela avait
19 vraiment l'air de ce genre de chose, d’un rationnement alimentaire. C'est
20 ce que j'essayais d'obtenir du témoin. Mais si vous n'êtes pas de cet
21 avis, Monsieur le Président, je passe.
22 M. le Président (interprétation). - Beaucoup de gens pourraient
23 tirer des conclusions différentes de cette assemblée de personnes.
24 Mme McMurrey (interprétation). - Fort bien, Monsieur
25 le Président. Merci.
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1 Vous avez dit que, même lors de la dernière année, il y avait
2 pénurie alimentaire. Je crois que vous avez parlé aussi de nourriture pour
3 nourrisson. Y avait-il pénurie alimentaire à Konjic en 1992 ?
4 Témoin B (interprétation). - Croyez moi, je ne sais pas ce qu'il
5 en était des autres ravitaillements. Je sais que je ramenais souvent de la
6 nourriture pour bébé de Sarajevo. Cela ne veut pas dire que je ne pouvais
7 pas en trouver à Konjic, mais c'était plus facile d’en trouver à Sarajevo
8 que dans une petite ville comme Konjic.
9 C'était souvent ma mère ou ma femme qui allaient faire les
10 courses. C'étaient elles qui s'occupaient de cela, donc moi je ne sais
11 pas.
12 Mme McMurrey (interprétation). - Comme viviez-vous à Konjic et
13 comment travailliez-vous à Sarajevo ? Saviez-vous qu'en avril, il y avait
14 quelques vingt mille réfugiés qui traversaient Konjic à l'époque ?
15 Témoin B (interprétation). - Non.
16 Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Vous avez déjà déclaré
17 que des blessures avaient été infligées à Nedeljko Draganic, à Dusco
18 Bendzo, ainsi qu’à d'autres personnes dont vous avez cité le nom.
19 J'aimerais une précision. Vous avez peut-être vu les blessures
20 de ces personnes, mais vous n'avez pas vu ce qui leur était arrivé, alors
21 que ces personnes se trouvaient à l'extérieur du hangar. N'est-ce pas ?
22 Témoin B (interprétation). - J'ai dit, sans ambiguïté aucune,
23 quelles étaient les blessures, de quelles personnes il s'agissait, et
24 quelles étaient les tortures dont j'avais été le témoin oculaire. Par la
25 suite, j'ai précisé les blessures que j'avais vues.
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1 J'ajouterai que j'ai vraiment vu ces blessures, mais que je n'ai
2 pas assisté au moment où ces blessures -par exemple les brûlures- ont été
3 infligées. J'ai peut-être vu d'autres choses. Si vous le voulez, je
4 pourrais apporter d'autres précisions.
5 Mme McMurrey (interprétation). - Mais vous avez déjà apporté ces
6 précisions. Je vous en remercie d'ailleurs.
7 Je voudrais vous demander si vous étiez au courant d'un incident
8 survenu le 12 juillet 1992. Ce jour-là, des policiers militaires furent
9 tués dans un village appelé Repovci. Etiez-vous au courant ?
10 Témoin B (interprétation). - Je ne me souvenais pas de la date,
11 mais je pense que c'était vers cette date-là. J'ai appris qu'un groupe de
12 policiers militaires avaient été tués.
13 Mme McMurrey (interprétation). - Mais en fait, vous connaissiez
14 certains de ces policiers du fait que vous viviez à Konjic ?
15 Témoin B (interprétation). - On pourrait dire que je connaissais
16 peut-être au maximum deux de ces policiers, mais je n'ai jamais appris le
17 nom de toutes les personnes qui furent tuées lors de cet incident.
18 Mme McMurrey (interprétation). - Rappelez-vous, ces meurtres
19 n'ont-ils pas été considérés d'une brutalité toute particulière ?
20 Témoin B (interprétation). - Je ne me trouvais pas sur les lieux
21 et je ne disposais pas non plus de beaucoup d'informations. Je n'osais pas
22 trop mener d'enquête. A l'époque, je savais qu'un accident était advenu,
23 que des personnes avaient perdu la vie. Je connaissais personnellement une
24 personne. Il se peut que j'en connaisse une seconde, mais je ne dispose
25 vraiment d'aucun détail. Je ne sais pas qui a mené l'enquête, je ne sais
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1 pas ce qui est arrivé.
2 Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Vous avez également
3 déclaré que, de temps en temps, un garde venait au hangar n° 6 et qu'il
4 avait sans doute reçu l'ordre de sélectionner certains détenus qu'il
5 devait affecter à certaines activités. Est-ce bien exact ?
6 Témoin B (interprétation). - Oui.
7 Mme McMurrey (interprétation). - Même si vous n'étiez que
8 standardiste lorsque vous faisiez votre service militaire dans la JNA,
9 cette expérience vous permettait de savoir que les gardes exécutent, en
10 général, les ordres.
11 Témoin B (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne sais pas
12 comment l'armée de Bosnie-Herzégovine était organisée. Est-ce qu'on
13 suivait des ordres ou est-ce que chacun en faisait à sa guise ? Si c'est
14 là votre hypothèse, il se peut qu'elle soit correcte, mais c'est tout ce
15 que je peux dire. Je ne suis pas du tout sûr et je ne sais pas du tout
16 quelle était la structure de commandement. Peut-être n'aurais-je pas dû
17 avancer cette hypothèse.
18 Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Vous savez qu'avant la
19 visite de la Croix-Rouge internationale au mois d’août, M. Landzo a quitté
20 Celebici et qu'il n'y était plus ?
21 Témoin B (interprétation). - Peut-être bien. Je ne sais pas
22 quand M. Landzo a exactement quitté Celebici.
23 Mme McMurrey (interprétation). - Avant la guerre, vous
24 connaissiez un homme -dont je ne dirai pas le nom en audience publique-
25 dont le prénom était Mirko et qui était propriétaire d'un restaurant à
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1 Konjic ?
2 Témoin B (interprétation). - Oui, mais il ne s'appelle pas
3 Mirko. C'était son surnom.
4 Mme McMurrey (interprétation). - Oui, j'utilise uniquement son
5 surnom.
6 Témoin B (interprétation). - Vous avez évité de prononcer le nom
7 de famille et ce n'est effectivement pas un nom, c'est un surnom. Je veux
8 être sûr qu'on parle bien de la même personne.
9 Mme McMurrey (interprétation). - Saviez-vous que M. Landzo
10 travaillait pour lui avant la guerre ?
11 Témoin B (interprétation). - C'est par la suite que je l'ai
12 appris. J'ai dû voir M. Landzo quelquefois dans ce restaurant, mais je n'y
13 ai pas fait attention. Mais Mirko était un excellent ami. Il est fort
14 probable que c'est chez lui que j'ai vu Landzo. Mais c’est plus tard
15 seulement que j'ai appris que M. Landzo avait travaillé dans ce
16 restaurant.
17 Quand vous allez au restaurant et si vous y voyez quelqu'un,
18 cela ne veut pas nécessairement dire que cette personne y travaille. Je
19 n'ai pas fait attention à la fonction qu'exerçait alors M. Landzo.
20 Mme McMurrey (interprétation). - Lorsque vous étiez à Celebici,
21 vous avez appris que M. Landzo était aussi un ami de Mirko. Vous êtes
22 aussi devenus des amis ou presque. M. Landzo ne vous a jamais fait de mal
23 à Celebici ?
24 Témoin B (interprétation). - C'est tout à fait exact. M. Landzo
25 ne m'a jamais fait de mal et je ne l'ai d'ailleurs jamais dit.
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1 Ce n'est pas à cause de Landzo que j'ai été amené à Celebici, ce
2 n'est d’ailleurs pas lui qui m’y a amené.
3 Moi je vous dis simplement ce que j'ai vu et ce que j'ai
4 entendu. Je dis effectivement qu’il ne m’a jamais fait de mal.
5 Mme McMurrey (interprétation). - Une dernière question : c'est
6 vrai qu'au risque d'être puni pour ce qu'il faisait, M. Landzo a permis à
7 votre femme de venir vous rendre visite là où lui avait son petit endroit
8 alors que vous étiez à Celebici, n'est-ce pas ?
9 Témoin B (interprétation). - Oui.
10 Mme McMurrey (interprétation). - Merci Monsieur. Je n'ai plus de
11 questions à vous poser.
12 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il des questions que
13 l'accusation voudrait poser à la suite des contre-interrogatoires ?
14 Mme McMurrey (interprétation). - Oui.
15 Vous avez vu des personnes qui avaient subi des blessures du
16 fait de brûlures infligées par des armes ou des instruments chauffés à
17 blanc. Pourriez-vous nous dire quels sont ceux des incidents que vous avez
18 vus personnellement et quels sont ceux des incidents dont vous n'auriez vu
19 que les séquelles des blessures par la suite ?
20 Témoin B (interprétation). - J'ai personnellement été le témoin
21 des incidents concernant l'oreille d'un des prisonniers dans laquelle une
22 pince chauffée à blanc avait été introduite ; puis, le fait d'entourer une
23 mèche de détonateur autour du corps d'un des frères ; les sévices, les
24 coups de pied fréquents, portés sur les hommes qui faisaient des pompes.
25 Pour ce qui est des brûlures, je n'ai pas vu le moment même où
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1 elles furent causées. J'ai vu les blessures résultant des brûlures mais
2 pas le moment où elles ont été infligées.
3 Mme McHenry (interprétation). - C'était la seule question que je
4 voulais poser dans le cadre de l'interrogatoire supplémentaire.
5 Je voulais vous dire aussi que le service de traduction m'a
6 fourni une traduction corrigée où il n'est pas question de “sa” au
7 féminin, mais de “son” au masculin. J'en ai déjà fourni une copie au
8 conseil.
9 Aussi, à la première ligne, au lieu de dire : "Après avoir
10 interrogé la personne dont le nom figure ci-après", ils ont simplement
11 modifié la grammaire. Ce sont des pièces que je soumets parce que la pièce
12 a déjà été versée au dossier. Cette pièce n'a pas changé.
13 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. L'aspect le
14 plus marquant, c'était cette question du masculin et du féminin. Mais je
15 pense que ceci a été modifié.
16 Je suppose que nous avons terminé l'interrogatoire de ce témoin.
17 Fort bien Monsieur, vous pouvez vous retirer.
18 L'audience est levée à 17 h 30.
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