Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL   AFFAIRE N° IT-96-21-T

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE  

  3  

  4   Mardi 15 juillet 1997

  5   L'audience est ouverte à 10 heures 05.

  6   (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

  7   M. le Président (interprétation). - Mesdames et Messieurs,

  8   bonjour. Nous commençons. En fait, nous reprenons là où nous nous nous

  9   étions arrêtés hier. Veuillez rappeler au témoin qu'il est toujours sous

 10   serment. Mais peut-être pourrions-nous d'abord avoir les comparutions et

 11   nous poursuivrons.

 12   M. le Greffier. - Je vous rappelle que vous témoignez toujours

 13   sous serment.

 14   Témoin M (interprétation). - Oui.

 15   Mme McHenry (interprétation). - Bonjour Mesdames et Messieurs.

 16   Je suis Teresa McHenry. Je représente le bureau du Procureur et je

 17   comparais aujourd'hui avec Me Giuliano Turone et Me Elles Van Dusschoten,

 18   notre substitut d'audience.

 19   M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.

 20   Mme Residovic (interprétation) - Bonjour Madame et Messieurs les

 21   juges. Je m'appelle Edina Residovic. Je défends Zejnil Delalic avec le

 22   Pr O’Sullivan, professeur canadien.

 23   M. Olujic (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les

 24   juges. Je suis Zeljko Olujic. Je défends Zdravko Mucic avec

 25   Me Mickaël Greaves, avocat de Grande-Bretagne et d’Irlande du nord.


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  1   M. Karabdic (interprétation). -  Je m'appelle Salih Karabdic. Je

  2   viens de Sarajevo, je défends Hazim Delic en compagnie de Me Thomas Moran,

  3   avocat de Houston au Texas.

  4   M. Ackerman (interprétation). - Bonjour. Je m'appelle

  5   John Ackerman. Je défends Esad Landzo en présence de Me Cynthia McMurrey,

  6   avocate américaine.

  7   M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Ackerman, je

  8   crois que vous pouvez poursuivre votre contre-interrogatoire.

  9   Mme McHenry (interprétation). - Si vous le voulez, je peux vous

 10   faire état de la discussion que j'ai eue avec le témoin hier avant que ne

 11   commence Me Ackerman.

 12   M. le Président (interprétation). - C'est une bonne idée. Voyons

 13   ce que vous avez à nous dire.

 14   Mme McHenry (interprétation). - Tout d'abord, il est vrai que,

 15   dans un livre intitulé "Souffrances à Konic et à Tarcin", la déclaration

 16   d'une demi-page de ce témoin est en serbo-croate. Je fais remarquer que la

 17   défense a été informée du fait que, l'année dernière ou en janvier 1997,

 18   beaucoup de livres étaient à la disposition du public à propos des

 19   événements de Celebici. Et, en particulier le 16 janvier 1997,

 20   l'accusation avait déposé un mémoire en réponse à une requête présentée

 21   par la défense. Il s'agissait, dans le chef de la défense, de la demande

 22   de communication de pièces à décharge. Et l'accusation avait dit être au

 23   courant de la publication de deux livres et, en particulier, de celui-ci

 24   intitulé "Souffrances des Serbes à Tacin et à Konic". Cela a été publié à

 25   Belgrade par le Comité des réfugiés de la République de Serbie, en 1995.


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  1   La défense savait donc que ce livre avait été publié et, même si

  2   on avait dit que ce n'était pas nécessaire, l'accusation aurait dit, dans

  3   sa requête déposée devant le Tribunal, qu'elle était prête à autoriser

  4   l'examen de ce livre. Le témoin a dit qu'il avait vu ce livre et il nous a

  5   fait remarquer que sa déclaration s'y trouvait -celle précisément à

  6   laquelle il faisait référence. Apparemment, ce n'est pas exactement le

  7   livre qu'il a vu lui-même mais, dans ce livre-ci, je pense qu'il y a

  8   certains éléments, notamment l'introduction, qui sont en anglais. Et il y

  9   a des déclarations de témoins. Certains sont cités nommément, d’autres

 10   pas, mais certaines de ces déclarations sont en serbo-croate. Il se peut

 11   que le témoin ait vu la version antérieure de ce livre qui n'était qu'en

 12   serbo-croate. Ce témoin dit se souvenir de la maison d'édition de ce

 13   livre. Il avait été édité par Sretan Lyakoljevic, également à Belgrade. Ce

 14   livre est sans doute sur le marché, dans les librairies et bibliothèques.

 15   Ce témoin est prêt à contacter la personne qui est censée avoir

 16   une copie exacte du livre que le témoin a consulté, mais il ne peut pas le

 17   faire maintenant. L'accusation pense que la défense peut examiner ceci.

 18   Elle pouvait d'ailleurs déjà le faire en janvier 1997.

 19   Il n'est donc pas nécessaire que le témoin entreprenne de

 20   nouveaux efforts à ce propos. Mais voilà où nous en sommes.

 21   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Tout est

 22   fonction de ce que la défense considère comme étant une déclaration, faite

 23   par le témoin, qui ne lui aurait pas été remise. Mais même dans ce cas,

 24   sauf si le témoin possède cette déclaration, il ne peut pas la présenter.

 25   M. Moran (interprétation). - Ceci soulève une autre question, et


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  1   l'accusation pourra peut-être nous aider sur ce point : en vertu de

  2   l'article 66 a, le procureur a l’obligation de fournir à la défense, même

  3   sans qu'elle ne le demande, les exemplaires des déclarations qui sont en

  4   la possession de l'accusation.

  5   M. le Président (interprétation). - En la possession de

  6   l'accusation ?

  7   M. Moran (interprétation). - C'est exact. J'aimerais savoir s'il

  8   y a des déclarations de témoins à charge qui se retrouvent dans ce livre.

  9   M. Jan (interprétation). - Veuillez lire l'article 66 a, les

 10   déclarations obtenues par le Procureur.

 11   M. Moran (interprétation). - N'y a il pas une décision qui vient

 12   de l’affaire Tadic -je me trompe peut-être, il s'agit peut-être de

 13   l'affaire Blaskic- où l’on dit, peu importe comment : le Bureau du

 14   Procureur entre en possession de ces documents. Il y a des modalités plus

 15   larges d'obtention de ces déclarations. Mais il se peut que je me trompe.

 16   M. le Président (interprétation). - Il y a le 67 b aussi qui

 17   intervient. Ce droit leur est accordé par l'article 67 b.

 18   M. Ackerman (interprétation). - J’estime que, même si la requête

 19   peut se formuler au titre du 66 b, le 66 a exige de l'accusation quelle

 20   remette ses documents à la défense, que cette dernière les ait demandés ou

 21   pas.

 22   M. le Président (interprétation). - Vous savez qu'il y a des

 23   déclarations versées en annexe à l’acte d'accusation, mais si vous aviez

 24   utilisé ce droit qui vous est donné au 66 b vous auriez pu obtenir tous

 25   les documents qui sont à l'accusation.


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  1   M. Moran (interprétation). - Nous avons bien sûr déposé une

  2   requête en vertu du 66 b.

  3   M. le Président (interprétation). - Vous auriez pu utiliser

  4   cette filière et obtenir tous ceux qu'avait l'accusation. Cela aurait pu

  5   vous satisfaire.

  6   M. Moran (interprétation). - Je voudrais aussi suggérer à la

  7   Cour que plusieurs témoins se sont vu poser la question de savoir s'ils

  8   avaient fait des déclarations à qui que ce soit. Concernant ces

  9   déclarations, celles qui viennent des témoins et les déclarations qui ont

 10   été reprises dans ce livre, on pourrait effectivement parler de

 11   l'article 68 pour ce qui est des éléments à décharge.

 12   Cela peut avoir une incidence sur la crédibilité des témoins à

 13   charge ou les éléments de preuve présentées par l'accusation.

 14   M. le Président (interprétation). - Mais tout dépend si cela est

 15   de nature exonératoire. Cela ne l'est pas simplement si quelqu'un a parlé

 16   ou écrit une lettre à quelqu'un.

 17   M. Moran (interprétation). - Non, Monsieur le Président, mais ce

 18   que j'ai à l’esprit, c’est que si l’on demande à quelqu'un s'il a fait

 19   d'autres déclarations, il devrait le dire, sinon sa crédibilité est

 20   entamée.

 21   M. le Président (interprétation). - Je pense que vous avez une

 22   interprétation trop large du terme déclaration.

 23   M. Moran (interprétation). - Je vous remercie.

 24   M. le Président (interprétation). - Voyons ce que vous avez à

 25   dire.


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  1   M. Ackerman (interprétation). - Il est difficile de répondre à

  2   ce que dit l'accusation. Je n'ai pas vu ce livre que Me McHenry avait

  3   entre les mains, il serait bien de pouvoir l'examiner.

  4   M. Jan (interprétation). - L'accusation apparemment vous aurait

  5   déjà fait part de l'existence de ces deux livres l'année dernière et en

  6   tout cas en janvier 97. Pourquoi n'examinez-vous pas ces livres pour voir

  7   la teneur des déclarations qui y sont consignées ?

  8   M. Ackerman (interprétation). - Avant que Me McHenry

  9   n’intervienne ce matin, je ne savais pas du tout que ces documents étaient

 10   à notre disposition. Il se peut que les confrères qui m'ont précédé aient

 11   été informés, moi je n'avais pas encore eu le temps de consulter ces

 12   livres.

 13   Mais ce qui me perturbe à l'instant même, c'est que dans le

 14   cadre de plusieurs témoignages que nous avons entendus, et que j'ai

 15   entendus depuis mon arrivée dans ce procès, moi personnellement, ou l'un

 16   ou l'autre de mes confrères, avons fait des demandes officielles pour

 17   avoir des informations, des déclarations faites à des organisations telle

 18   que l'Association de détenus, que beaucoup des témoins ont nié avoir fait

 19   de telles déclarations et qu'à plus d'une occasion depuis que je travaille

 20   sur ce procès, l'accusation a été priée de dire au Tribunal s’il y avait

 21   ou pas, à sa connaissance, des déclarations faites à l'Association des

 22   détenus ou à toute autre organisation. Or, si je me souviens bien, chaque

 23   fois que la question a été posée, l'accusation a dit à ce Tribunal qu'elle

 24   n'était pas du tout informée de ce genre de déclarations qu'auraient fait

 25   les témoins, et qu’elle ne savait pas non plus si des déclarations avaient


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  1   été faites à une organisation telle que l'Association des détenus.

  2   Je ne peux pas ici aller plus loin que cette généralisation

  3   puisque je n'ai pas vu ce livre.

  4   Si la seule déclaration reprise dans ce livre est celle du

  5   témoin qui est devant nous aujourd'hui, je n'ai pas à me plaindre puisque,

  6   effectivement, on nous informe aujourd'hui de la présence de cette

  7   déclaration dans ce livre.

  8   Mais pour ce qui est du contre-interrogatoire que je mène

  9   aujourd'hui, il serait important que je reçoive une copie de la partie du

 10   livre reprenant la déclaration de ce témoin. Ainsi, je pourrais établir

 11   s'il y a des éléments que je pourrais utiliser à des fins de récusation.

 12   Voilà, plus ou moins, où j'en suis pour le moment. J'avoue que j'ai été

 13   surpris ce matin -ce n'était peut-être pas le cas de certains de mes

 14   confrères- d'apprendre l'existence d'un tel livre.

 15   M. le Président (interprétation). - Tout dépend de l'importance

 16   des recherches menées pour voir ce qui s'est passé depuis. Mais,

 17   apparemment, vous connaissiez l'existence de ce livre depuis longtemps,

 18   que l'accusation en soit informée ou pas.

 19   Mme McHenry (interprétation). - L'accusation est disposée à

 20   fournir un exemplaire à la défense. Maître Ackerman pourra utiliser cette

 21   déclaration pendant son contre-interrogatoire.

 22   Je vous précise tout de suite que la déclaration est en serbo-

 23   croate et que nous n'avons pas de traduction en anglais, mais vous avez

 24   peut-être des confrères qui parlent la langue.

 25   S’agissant de toutes les déclarations reçues de l'Association


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  1   par l'accusation, il se peut que d'autres témoins aient fourni une

  2   déclaration soit à cette Association, soit à un service gouvernemental,

  3   soit aux médias. Cela ne veut donc pas dire que l'accusation ait dit

  4   qu'aucune autre déclaration n'avait été faite. Je voulais simplement dire

  5   que l'Association ne nous a pas fourni ces déclarations, que nous ne les

  6   avons donc pas remises à la défense, pour que tout soit clair.

  7   Je suis aussi prête à obtenir un exemplaire à la Cour.

  8   M. Ackerman (interprétation). - Je ne peux pas beaucoup utiliser

  9   le serbo-croate pour le moment, je pense qu'il serait utile d'avoir cela

 10   pendant la prochaine pause. Je demanderai à quelqu'un d'examiner cela pour

 11   moi afin de me traduire le contenu. Je vois bien la déclaration.

 12   M. le Président (interprétation). - L'accusation en a-t-elle une

 13   traduction ?

 14   Mme McHenry (interprétation). - Non, franchement non. Nous ne

 15   savions même pas que ces déclarations se trouvaient dans le livre, mais

 16   puisque nous en avons parlé hier, nous avons fait une recherche et nous

 17   avons trouvé ce livre. Il n'y a pas de traduction, j'ai demandé à

 18   quelqu'un de regarder le texte rapidement. Nous avons un résumé, mais pas

 19   de traduction.

 20   M. Jan (interprétation). - (Hors micro.).

 21   M. le Président (interprétation). - Donc vous aurez un certain

 22   privilège, vous serez la première personne à traduire cette déclaration.

 23   M. Ackerman (interprétation). - J'en conviens, mais à première

 24   vue, cela est un livre tout à fait normal, dont la publication est tout à

 25   fait ordinaire. Ce n'est pas de fabrication maison. Peut-être qu'on le


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  1   trouve dans les librairies, les bibliothèques. En d'autres termes, il

  2   s'agit bien d'un document public.

  3   Autre élément que je constate : le nom de ce témoin est écrit

  4   dans ce livre destiné au public et sans la protection qui a été demandée

  5   pour lui dans notre procès. Je ne sais pas si cela a une importance

  6   quelconque, mais c'est bien la situation telle qu'elle se présente.

  7   Mme McHenry (interprétation). - Puis-je intervenir sur ce

  8   point ? C'est un fait, s'agissant de plusieurs témoins. La protection

  9   qu'ils demandent concerne le fait qu'ils puissent témoigner ici, et non

 10   pas le fait qu'ils aient été des victimes au camp de Celebici. Par

 11   exemple, il y en a plusieurs dont le nom figure dans l'acte d'accusation

 12   et qui ont quand même demandé des mesures de protection. C'est leur statut

 13   de témoin qu'il s'agit de protéger et non pas leur identité.

 14   Le fait qu'un livre montre publiquement que cette personne a été

 15   une victime de Celebici ne signifie pas pour autant qu'elle n'ait pas le

 16   droit de bénéficier de mesures de protection.

 17   Effectivement, ce livre est public. Dans la requête que nous

 18   avons déposée en janvier, nous avions mentionné plusieurs livres. A notre

 19   connaissance, il y a plusieurs livres que nous considérons comme étant

 20   documents publics plutôt que reprenant des déclarations.

 21   Je vais peut-être demander que quelqu'un du bureau du Procureur

 22   vienne ici et puisse faire des copies, de sorte que vous disposiez de

 23   cette copie pendant la pause.

 24   M. Ackerman (interprétation). - Fort bien. Je vais, bien sûr,

 25   sans doute avoir une conversation avec Mme McHenry, qu’il n'est pas utile


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  1   de faire figurer au procès-verbal d'audience. Nous ferons cela en privé.

  2   Je suis prêt à poursuivre mon contre-interrogatoire, à

  3   l'exclusion bien sûr de ce que je voudrais utiliser dans ce livre et du

  4   parti que je vais en tirer.

  5   Je pense terminer mon contre-interrogatoire avant la pause du

  6   matin et je demanderai la possibilité de demander au témoin de revenir

  7   après avoir eu l'occasion d’examiner la déclaration, si cela me semble

  8   nécessaire.

  9   M. le Président (interprétation). - Si vous voulez vraiment le

 10   récuser, ne pourriez-vous pas le faire avant d'avoir vu cette

 11   déclaration ?

 12   M. Ackerman (interprétation). - Effectivement.

 13   M. le Président (interprétation). - Poursuivez.

 14   M. Ackerman (interprétation). - Monsieur M, j'aimerais parler

 15   davantage des mémoires que vous avez écrits à propos de ce que vous avez

 16   vécu à Celebici. Etes-vous prêt à répondre à ces questions ?

 17   Témoin M (interprétation). - Oui.

 18   M. Ackerman (interprétation). - Pourriez-vous nous dire si, dans

 19   le cadre de la rédaction de ces mémoires, vous vous êtes surtout intéressé

 20   à ce que vous avez vécu au camp de Celebici à Musala, ou si vous avez

 21   élargi votre champ d'investigation pour parler de tout ce que vous avez

 22   vécu avant et pendant la guerre qui a sévi en Bosnie ?

 23   Témoin M (interprétation). - Ainsi, vous vous souvenez de ce que

 24   j'ai dit. Je vous ai dit que j'écrivais ces mémoires pour moi-même. Je ne

 25   voulais pas, du moins pour le moment, publier cet ouvrage. Et, pour


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  1   satisfaire votre curiosité, je vous dirais que je parle de la période qui

  2   va de 1992, avant que le conflit n'éclate, jusqu'à la fin du conflit. J'ai

  3   mentionné un peu par hasard que j'étais en train d'écrire mes mémoires.

  4   J'ai dit que je ne savais pas si cela ferait jamais l'objet d'une

  5   publication. Si c'est le cas, elles seront, bien sûr, à la disposition du

  6   public. Je parle de ce que j'ai moi-même vécu et de tous les événements

  7   qui se sont déroulés entre janvier 1992 et la fin de 1995.

  8   M. Ackerman (interprétation). - Vous êtes-vous fondé uniquement

  9   sur votre propre expérience, ou avez-vous mené des enquêtes ou fait une

 10   recherche supplémentaire en utilisant d'autres éléments pour vous aider à

 11   écrire ces mémoires ?

 12   Témoin M (interprétation). -  Ces écrits portent sur mes

 13   expériences et mes réflexions personnelles à propos de la situation de la

 14   guerre elle-même. Je n'ai rien utilisé d'autre parce que des mémoires, ce

 15   sont des mémoires.

 16   M. Ackerman (interprétation). - Avant mai 1992, vous saviez,

 17   bien sûr, ce qui se passait en ex-Yougoslavie, et plus précisément, en

 18   Bosnie. Vous aviez beaucoup d'informations, n'est-ce pas ?

 19   Témoin M (interprétation). - Oui, par les médias.

 20   M. Ackerman (interprétation). - Et aussi à partir de discussions

 21   que vous avez eues avec d'autres personnes ?

 22   Témoin M (interprétation). - Oui.

 23   M. Ackerman (interprétation). - Je suppose que vous avez

 24   également tiré beaucoup d'informations de la télévision.

 25   Témoin M (interprétation). - Oui.


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  1   M. Ackerman (interprétation). - Et c'était surtout la télévision

  2   de Belgrade qui vous informait ?

  3   Témoin M (interprétation). - Non, c'était la télévision de

  4   Sarajevo, parce que je vivais dans les environs de Sarajevo.

  5   M. Ackerman (interprétation). - N'y a-t-il pas eu un moment où

  6   il n'était plus possible de capter la télévision de Sarajevo, mais

  7   uniquement celle de Belgrade ?

  8   Témoin M (interprétation). - Oui. Mais, à l'époque, je ne

  9   pouvais pas regarder la télévision ; il n'y avait pas d'électricité. On ne

 10   pouvait pas regarder la télévision parce que l'électricité était coupée.

 11   M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que c'est à partir

 12   d'informations obtenues par la télévision que vous avez compris que ce

 13   serait peut-être une bonne idée de vous armer et d'armer les habitants de

 14   Bradina ?

 15   Témoin M (interprétation). - Non. Et je vous ai dit que je

 16   regardais la télévision de Sarajevo.

 17   M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que vous regardiez les

 18   chaînes de la télévision de la Republika Serbska ?

 19   Témoin M (interprétation). - Non. Je regardais les chaînes

 20   officielles de Sarajevo.

 21   M. Ackerman (interprétation). - Que s'est-il passé avant que

 22   vous ne vous procuriez des armes ainsi que l'ont fait les habitants de

 23   Bradina ? Qu'est-ce qui vous a amené à croire qu'il était nécessaire de

 24   vous procurer ces armes ?

 25   Témoin M (interprétation). - C'était la situation politique


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  1   elle-même qui prévalait dans la République et surtout dans la municipalité

  2   de Konjic où la population serbe représentait moins de 20 % de la

  3   population. Je n'ai pas les chiffres exacts. Il y avait des gens qui

  4   fuyaient de la ville de Konjic et d'autres endroits où les Serbes se

  5   trouvaient en minorité. Même avant l'attaque menée contre Bradina, les

  6   gens étaient intimidés s'ils se trouvaient dans la minorité. Ils

  7   quittaient la ville, ils partaient en direction de Sarajevo parce qu'ils

  8   craignaient le pire. Et, fort de cette expérience connue par d'autres, je

  9   me suis posé cette question : est-ce que je devrais partir avec ma femme

 10   et mon enfant, partir de Bradina ou rester. Je pensais qu'un conflit

 11   pouvait éclater mais je suis resté, je ne pensais pas que la guerre

 12   prendrait une telle tournure parce que si je l'avais cru, je serais parti.

 13   M. Ackerman (interprétation). -  Je suppose que vous êtes au

 14   courant des différents discours, des allocutions de Slobodan Milosevic à

 15   propos de son idée de la création d'une grande Serbie.

 16   Témoin M (interprétation). -  Non. Je connais bien cette idée,

 17   mais personnellement je n'étais pas favorable à ce genre d'idée.

 18   M. Ackerman (interprétation). -  Avant que n'éclatent ces

 19   problèmes en Bosnie-Herzégovine en 91 et en 92, n'y avait-t-il pas eu ce

 20   qu'on peut appeler une coexistence pacifique entre les habitants de cette

 21   région, quel que soit le groupe ethnique auquel ils pouvaient appartenir ?

 22   Témoin M (interprétation). - Oui, j'ai déjà dit qu'avant le

 23   conflit, j'étais l'un des organisateurs qui avaient essayé de trouver des

 24   gens de bonne volonté pour négocier avec les villages où les Musulmans

 25   étaient majoritaires. J'ai donc formé un comité, et j'ai dit hier que je


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  1   suis allé trois fois dans trois villages différents pour essayer de

  2   trouver des façons d'éviter que n'éclate un conflit armé, pour essayer de

  3   trouver une solution en tout cas dans notre partie du pays, afin que la

  4   tension diminue.

  5   M. Ackerman (interprétation). -  Avant toutes ces difficultés, à

  6   la fin des années 80, les gens qui habitaient en Bosnie-Herzégovine et

  7   dans la région où vous viviez connaissaient des conditions de vie, un

  8   niveau de vie relativement bons, n'est-ce pas ?

  9   Témoin M (interprétation). - Oui.

 10   M. Ackerman (interprétation). -  Un niveau de vie en gros

 11   européen, les gens avaient une voiture, un téléphone, une télévision etc.

 12   Serez-vous d'accord avec ceci ?

 13   Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, j'objecte

 14   à cette question. Je n'ai pas objecté jusqu'ici, mais je ne pense pas que

 15   ce soit pertinent.

 16   M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, je pense

 17   que l'accusation elle-même a établi la pertinence de ces questions

 18   lorsqu'elle a invité Mme Calic à témoigner. Je suis simplement en train de

 19   donner suite à de nombreuses questions dont Mme Calic a déjà parlé. Je

 20   pense que l'accusation a établi la pertinence de ces questions, à

 21   l'intention de la Chambre, en citant Mme Calic, notamment le fait que le

 22   Tribunal ne peut pas vraiment comprendre les ramifications de cette

 23   affaire sans comprendre le contexte du conflit. C'est pourquoi je pose ces

 24   questions qui me semblent absolument adéquates.

 25   M. le Président (interprétation). -  Oui. Mais ce témoin n'a


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  1   absolument pas déposé sur ces points. Je pensais que ce qui vous

  2   intéressait, c'était ce qui l'avait décidé à s'armer. Cela me semblait

  3   être le point d'arrivée de vos questions.

  4   M. Ackerman (interprétation). -  Oui, bien sûr, c'est là que je

  5   veux en arriver. Monsieur, je ne suis pas sûr que vous ayez répondu à ma

  6   dernière question qui portait sur les conditions de vie dont vous

  7   jouissiez avant que n'éclate le conflit.

  8   Les conditions de vie étaient bonnes, n'est-ce pas ?

  9   Témoin M (interprétation). -  Relativement, oui.

 10   M. Ackerman (interprétation). -  Y a-t-il eu un moment, avant

 11   que les habitants de Bradina ne décident de s'armer, où vous avez eu

 12   connaissance, par exemple, des événements qui s'étaient déroulés en

 13   Krajina, région de Croatie ?

 14   Témoin M (interprétation). -  Non. J'ai dit que depuis février

 15   1992, nous n'avions pas la possibilité de regarder la télévision puisque

 16   l'électricité était coupée.

 17   M. Ackerman (interprétation). -  Avez-vous jamais entendu parler

 18   d'un homme qui s'appelait Milan Babic et qui était actif à Knin ?

 19   Témoin M (interprétation). -  Non.

 20   M. Ackerman (interprétation). -  Vous saviez, bien entendu, qu'à

 21   un moment donné, Bradina est devenue une localité assez stratégique dans

 22   le cadre du conflit qui avait éclaté au début début de 1992 ?

 23   Témoin M (interprétation). -  Un endroit stratégique ?

 24   Je peux vous dire que Bradina était un endroit où les gens se

 25   sont organisés eux-mêmes, et il n'y a pas eu d'organisation venant de


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  1   l'extérieur. Les gens qui habitaient là ont essayé de s'organiser de façon

  2   à préserver la paix par des moyens pacifiques. Ils ont essayé de le faire,

  3   c'est-à-dire qu'ils se sont organisés pour protéger leurs foyers, leurs

  4   mères, leurs femmes, mais pas pour des considérations stratégiques.

  5   M. Ackerman (interprétation). -  Vous compreniez, bien entendu,

  6   que Bradina était située sur la principale voie de chemin de fer et la

  7   principale route reliant Sarajevo et la côte. N'est-ce pas ?

  8   Témoin M (interprétation). -  Oui.

  9   M. Ackerman (interprétation). -  Et vous savez qu'en avril 92,

 10   Sarajevo a été assiégée et que le pilonnage de Sarajevo a alors commencé ?

 11   Témoin M (interprétation). -  Je savais qu'il y avait, à

 12   l'époque, des problèmes à Sarajevo.

 13   M. Ackerman (interprétation). -  Et vous saviez que Sarajevo

 14   était assiégée.

 15   Témoin M (interprétation). -  Non, Non. Je ne le savais pas.

 16   Même maintenant, je ne sais pas de quel siège vous parlez.

 17   M. Ackerman (interprétation). - Vous ne savez pas que Sarajevo a

 18   essuyé les tirs de l'artillerie serbe presque quotidiennement pendant plus

 19   de deux ans ?

 20   Témoin M (interprétation). - Je sais qu'il y a eu une guerre à

 21   Sarajevo, et qu'on a tiré.

 22   M. Ackerman (interprétation). - Savez-vous que l'organisation

 23   des Nations Unies a essayé -essayé- de maintenir l'aéroport de Sarajevo

 24   ouvert pour que les habitants de Sarajevo puissent être ravitaillés en

 25   denrées alimentaires, en médicaments et autres produits de cette nature ?


Page 4865

  1   Témoin M (interprétation). - Je ne comprends pas la question,

  2   puis-je vous demander à quelle époque vous faites référence ? Je dois vous

  3   rappeler que j'ai été arrêté en mai 1992 et que j'ai séjourné ensuite au

  4   camp de Celebici. Je ne pense pas que ce que vous venez de mentionner

  5   concernant Sarajevo, le siège ou les tentatives de l'ONU pour ravitailler

  6   en nourriture et en médicaments la ville de Sarajevo, soit arrivé à la

  7   suite de cela. Je ne connais donc pas bien les événements auxquels vous

  8   faites référence. J'étais en prison à l'époque.

  9   M. Ackerman (interprétation). - Très bien, mais vous savez qu'à

 10   Bradina, il y avait, des deux côtés de la localité, des tunnels qui

 11   pouvaient être utilisés très efficacement pour bloquer la voie ferrée et

 12   qu'il suffisait pour cela de plastiquer ces tunnels ? Vous le saviez,

 13   n'est-ce pas ?

 14   Témoin M (interprétation). - Je le savais et cela a été fait.

 15   Les tunnels ont été fermés des deux côtés : du côté de Konjic -je connais

 16   les noms des gens qui l'ont fait, je peux vous les donner- et de l'autre

 17   côté, le tunnel a été fermé avec de la terre. Il ne nous était donc pas

 18   possible d'aller où que ce soit à Sarajevo ou à Konjic depuis Bradina.

 19   M. Ackerman (interprétation). - Vous saviez, bien sûr, que le

 20   gouvernement de Bosnie-Herzégovine avait tout intérêt à l'époque à

 21   maintenir cette route ouverte pour que Sarajevo puisse être approvisionnée

 22   en produits alimentaires, médicaments, etc., n'est-ce pas ?

 23   Témoin M (interprétation). - Oui, je le savais. Par ailleurs, je

 24   ne sais pas si vous savez que j'étais moi-même sur l'une de ces

 25   barricades, et qu'à l'exception de la fouille des personnes qui passaient


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  1   cette barricade, entre les deux offensives lancées contre Bradina, les

  2   personnes qui traversaient Konjic et avaient besoin d'aide médicale à

  3   Sarajevo étaient autorisées à passer. Ces personnes allaient à Sarajevo et

  4   pouvaient revenir, de sorte que le territoire autour de Bradina n'était

  5   pas bloqué. Il y avait un couloir ; il y avait des mesures de sécurité et

  6   certains contrôles, mais la route qui passait à travers Bradina n'a jamais

  7   été bloquée à 100 %. Il y avait des points de contrôle, des barrages, pour

  8   des raisons de sécurité, car on craignait que des armes ne passent, mais

  9   aussi des offensives ou des actes de sabotage. Tout au long de cette

 10   période, la route est restée ouverte, il était possible de passer.

 11   M. Ackerman (interprétation). - Vous saviez qu'étant donné les

 12   intérêts en présence, l'armée de Bosnie-Herzégovine souhaitait que cette

 13   route reste ouverte pour pouvoir ravitailler Sarajevo, et que les Serbes

 14   de Bosnie souhaitaient que cette route soit coupée, fermée, pour isoler

 15   Sarajevo.

 16   Vous saviez que la principale mission, des deux côtés, des deux

 17   parties, était en fonction, n'est-ce pas ?

 18   Témoin M (interprétation). - Je ne sais pas ce que l'une ou

 19   l'autre partie faisait. Je sais que l'armée de Republika Srpska n'avait

 20   pas bloqué la route à Bradina.

 21   Ce sont des gens qui habitaient là qui se sont organisés, ou des

 22   gens qui avaient fui vers Bradina et qui avaient déjà une expérience, qui

 23   savaient ce qui s'était passé ailleurs. C'est donc en fonction de

 24   l’expérience qu'ils avaient qu'ils ont voulu se protéger.

 25   Il n'y avait pas d'ordres qui venait de Republika Srpska ou de


Page 4867

  1   l'armée de Republika Srpska. Nous étions organisés nous-mêmes en

  2   autodéfense.

  3   M. Ackerman (interprétation). - Vous saviez que si Bradina était

  4   attaquée, c'était que l'on souhaitait que la route reste ouverte. C'est la

  5   raison pour laquelle cette offensive a été lancée.

  6   M. le Président (interprétation). - Je suis surpris que vous

  7   posiez autant de questions politiques auxquelles le témoin ne sera pas à

  8   même de répondre. Il vous a déjà donné la réponse.

  9   M. Ackerman (interprétation). - Si le témoin ne connaît pas la

 10   réponse à mes questions, libre à lui de le dire. Je passerai alors à une

 11   autre question.

 12   M. le Président (interprétation). - S'il ne connaît pas la

 13   réponse, pourquoi lui poser ces questions ?

 14   M. Ackerman (interprétation). - Vous vous souvenez de ma

 15   dernière question : avez-vous quelques connaissances sur cette question ?

 16   M. le Président (interprétation). - Ce n'est pas nécessaire.

 17   M. Ackerman (interprétation). - Très bien. Lorsque la bataille

 18   de Bradina a commencé, vous nous avez dit que vous étiez en poste et armé

 19   d'un fusil automatique.

 20   Témoin M (interprétation). - Oui.

 21   M. Ackerman (interprétation). - Des coups ont été tirés des deux

 22   côtés, n'est-ce pas ?

 23   Témoin M (interprétation). - Dans la zone de Bradina, oui.

 24   M. Ackerman (interprétation). - Vous avez vous-même tiré avec

 25   votre arme ?


Page 4868

  1   Témoin M (interprétation). - Oui.

  2   M. Ackerman (interprétation). - Plusieurs fois ?

  3   Témoin M (interprétation). - Plusieurs fois.

  4   M. Ackerman (interprétation). - Lorsqu'il est devenu clair pour

  5   vous que les forces qui essayaient de défendre Bradina étaient en sous-

  6   effectif et qu'il valait mieux se rendre, vous vous êtes manifestement

  7   rendu en portant l'arme avec laquelle vous aviez tiré ?

  8   Témoin M (interprétation). - Oui.

  9   M. Ackerman (interprétation). - Après votre reddition -et je ne

 10   m'attarderai que peu sur ce point car beaucoup de questions ont déjà été

 11   posées-, immédiatement après et avant que vous ne soyez obligé de monter

 12   sur les camions, vous dites que vous avez été frappé gravement, pendant

 13   assez longtemps, n'est-ce pas ?

 14   Témoin M (interprétation). - Oui.

 15   M. Ackerman (interprétation). - A la suite de ces coups, vous

 16   saigniez ?

 17   Témoin M (interprétation). - Oui.

 18   M. Ackerman (interprétation). - Vous étiez blessé au bras ?

 19   Témoin M (interprétation). - Oui.

 20   M. Ackerman (interprétation). - Vous dites avoir encore des

 21   cicatrices sur le bras à la suite des coups reçus à ce moment-là ?

 22   Témoin M (interprétation). - Oui.

 23   M. Ackerman (interprétation). - Vous avez été battu au point de

 24   tomber par terre au moins dix fois avant que vous ne montiez sur le

 25   camion ?


Page 4869

  1   Témoin M (interprétation). - Je ne peux pas vous dire combien de

  2   fois exactement, mais je suis tombé plusieurs fois, peut-être dix fois,

  3   peut-être même plus. En tout cas, je suis tombé plusieurs fois, mais je

  4   n'ai pas compté.

  5   M. Ackerman (interprétation). - Lorsque vous êtes finalement

  6   monté dans le camion, vous avez perdu connaissance pendant un certain

  7   temps ?

  8   Témoin M (interprétation). - Pas entièrement. Je n'ai pas

  9   entièrement perdu connaissance, j'étais sonné.

 10   M. Ackerman (interprétation). - Vous nous avez parlé de votre

 11   arrivée à Celebici et vous nous avez dit que vous avez d'abord été enfermé

 12   au tunnel n° 9. Je voudrais vous poser quelques questions sur cet épisode.

 13   D'accord ?

 14   Témoin M (interprétation). - Oui.

 15   M. Ackerman (interprétation). - A partir du moment où vous avez

 16   été placé au tunnel n° 9, jusqu'à votre transfert ou hangar n° 6, vous

 17   avez dit que pendant cette période de sept jours vous n'avez été battu

 18   qu'une fois, est-ce exact ?

 19   Témoin M (interprétation). - Une fois, au moment où j'ai été

 20   enfermé dans le tunnel, et une deuxième fois quand on m'a fait sortir du

 21   tunnel pour me frapper. Donc deux fois au total.

 22   M. Ackerman (interprétation). - Cette question que je vous

 23   posais portait sur le moment où vous étiez prisonnier dans le tunnel et ce

 24   jusqu'au moment de votre transfert. Donc pendant ces sept jours, vous avez

 25   dû sortir une fois du tunnel et vous avez été frappé une fois, n'est-ce


Page 4870

  1   pas ?

  2   Témoin M (interprétation). - Oui.

  3   M. Ackerman (interprétation). - Vous avez dit que, dans le

  4   tunnel, vous étiez assis de telle façon que vous vous faisiez face ?

  5   Témoin M (interprétation). - Oui.

  6   M. Ackerman (interprétation). - N'est il pas vrai que le tunnel

  7   est trop étroit pour que deux personnes puissent s’asseoir en se faisant

  8   face ?

  9   Témoin M (interprétation). - Je crois que vous connaissez les

 10   dimensions du tunnel. Nous nous faisions face. Nous étions contre le mur

 11   avec les jambes pliées et nous nous faisions face.

 12   M. Ackerman (interprétation). - C’est comme cela que vous êtes

 13   restés pendant tout le temps de votre séjour au tunnel n° 9 ?

 14   Témoin M (interprétation). - Oui, pendant tout ce temps nous

 15   avons dû rester appuyés contre le mur, avec les genoux un peu en l'air,

 16   les jambes repliées et les genoux relevés.

 17   M. Ackerman (interprétation). - Je voudrais en arriver

 18   maintenant au hangar n° 6.

 19   Vous avez décrit hier à la Chambre un incident au cours duquel

 20   on vous a brûlé la main avec un couteau. Vous rappelez-vous cet incident ?

 21   Témoin M (interprétation). - Oui.

 22   M. Ackerman (interprétation). - Seriez-vous à même de montrer à

 23   tous, ainsi qu'à la Chambre, les cicatrices sur la main qui remontent à

 24   cet incident de la brûlure ?

 25   Témoin M (interprétation). - Oui.


Page 4871

  1   M. Ackerman (interprétation). - Pourrais-je vous demander,

  2   Madame et Messieurs les juges, que le rétroprojecteur soit placé de sorte

  3   que le témoin puisse placer sa main dessus et que nous voyions ainsi les

  4   cicatrices toujours visibles sur la main du témoin.

  5   Est-ce que vous voyez l'écran ?

  6   Témoin M (interprétation). - Oui.

  7   M. Ackerman (interprétation). - Vous voyez l'écran ?

  8   Témoin M (interprétation). - Oui.

  9   M. Ackerman (interprétation). - Très bien, merci.

 10   Avez-vous jamais dit à qui que ce soit... Je reprends. Non, je

 11   poserai quand même cette question. Avez-vous jamais dit à qui que ce soit

 12   qu'en une occasion, au hangar n° 6 , vous avez pu passer la main par

 13   dessous le mur du hangar, la paroi du hangar, et ramasser de l'herbe pour

 14   la manger ?

 15   Témoin M (interprétation). - Non, je n'ai pas dit cela. J'ai dit

 16   que j'avais mangé de l'herbe après être allé aux toilettes. Mais je ne

 17   pouvais pas le faire de la façon que vous avez décrite, car j'étais du

 18   côté du hangar qui correspondait au parking, parking qui était bétonné.

 19   M. Ackerman (interprétation). - Je voudrais appeler votre

 20   attention maintenant sur l'incident que vous avez relaté concernant les

 21   deux frères Dordic. Vous voyez à quel incident je fais allusion, n'est-ce

 22   pas ?

 23   Témoin M (interprétation). - Oui.

 24   M. Ackerman (interprétation). - L'incident que vous avez décrit

 25   hier comprenais un acte sexuel.


Page 4872

  1   Témoin M (interprétation). - Oui.

  2   M. Ackerman (interprétation). - Hier, vous nous avez dit que

  3   vous ne vous rappeliez pas vraiment le garde ou les gardes impliqués dans

  4   cet incident. Pour ma part, j'avancerai que le garde impliqué portait le

  5   nom d’Osman Delic. Est-ce que cela vous rafraîchit la mémoire ?

  6   Témoin M (interprétation). - Pas vraiment.

  7   M. Ackerman (interprétation). - Vous nous avez aussi dit hier

  8   qu'il y avait un détenu qui s'appelait Bosko Samoukovic et je voudrais que

  9   vous vous remémoriez cet épisode. D'accord ?

 10   Témoin M (interprétation). - Oui.

 11   M. Ackerman (interprétation). - S'agissant de la cause du décès

 12   de Bosko Samoukovic et du moment de ce décès, je crois comprendre que vous

 13   vous fondez sur ce que le docteur Relja vous en a dit.

 14   Témoin M (interprétation). - Non, ce que j'ai dit se fonde sur

 15   ce que je sais personnellement. J'ai raconté ce que j'avais vu lors de ces

 16   incidents et non pas ce que d'autres m'ont dit ou ce que d'autres ont

 17   subi. Personnellement, j'ai pu voir de mes yeux ce qui s'est passé, ce qui

 18   est arrivé à Bosko Samoukovic.

 19   M. Ackerman (interprétation). - Je vous parle, pour ma part, du

 20   moment qui a suivi l'évacuation de M. Samoukovic du hangar n° 6, lorsqu'il

 21   a été emmené à l'infirmerie dans le bâtiment n° 22. Vous ne savez pas

 22   personnellement ce qui s'est passé après qu'il ait été emmené du

 23   hangar n° 6 , n'est-ce pas ?

 24   Témoin M (interprétation). - Oui. Effectivement, je sais

 25   uniquement ce qui s'est passé dans le hangar, et j'ai vu comment il était


Page 4873

  1   frappé. Je l’ai vu de mes propres yeux.

  2   M. Ackerman (interprétation). - Et pour ce qui s'est passé après

  3   qu'il ait été emmené du hangar n° 6 vers le bâtiment n° 22, vous vous

  4   fondez sur ce que le Docteur Relja a dit de l'état de l'intéressé et de

  5   son décès.

  6   Mme McHenry (interprétation). - J'objecte à cette question. Le

  7   témoin n'a pas à se fonder sur quoi que ce soit concernant quoi que ce

  8   soit.

  9   M. Ackerman (interprétation). - J'accepte cette objection. Je

 10   voudrais vous poser une dernière série de questions. Elles portent sur la

 11   première visite de la Croix-Rouge internationale au camp de Celebici. Vous

 12   souvenez-vous du moment où cette visite a eu lieu ?

 13   Témoin M (interprétation). - Non. Je ne me souviens pas de la

 14   date, mais je peux vous dire que cela s'est passé un mois ou un mois et

 15   demi environ après mon emprisonnement.

 16   M. Ackerman (interprétation). - Vous savez n'est-ce pas, que

 17   deux semaines environ avant cette visite, M. Landzo avait quitté Celebici,

 18   il n'était donc plus présent sur les lieux.

 19   Témoin M (interprétation). - Non. Je n'en sais rien.

 20   M. Ackerman (interprétation). - Voilà, j'en ai terminé avec mon

 21   contre-interrogatoire.

 22   M. le Président (interprétation). - Y-a-t-il un interrogatoire

 23   supplémentaire de la part de l'accusation ?

 24   M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, puis-je

 25   rappeler à la Chambre que j'examinerai pendant la pause la déclaration qui


Page 4874

  1   nous a été montrée ce matin et que j'aurai peut-être des questions

  2   supplémentaires à poser. En dehors de cela, j'en ai terminé avec mon

  3   contre-interrogatoire.

  4   Mme McHenry (interprétation). - J'ai deux questions pour ma part

  5   à poser. Monsieur le témoin, vous avez dit que M. Music vous avait

  6   insulté. Pouvez-vous nous donner des détails supplémentaires sur cet

  7   incident ?

  8   Témoin M (interprétation). - Oui, pendant l'une des visites au

  9   camp, Music est venu, il a fait une espèce de revue, il a commencé par le

 10   côté droit, il parlait à quelqu'un. J'imagine qu'il parlait aux gens qu'il

 11   connaissait. Il connaissait mon frère personnellement, il est venu vers

 12   l'endroit où je me trouvais avec mon frère, il m'a demandé ce qu'il en

 13   était de ma libération et de la libération de mon frère, et il a dit :

 14   "C’est un Chetnik, il ne sera jamais libéré".

 15   Mme McHenry (interprétation). - Est-ce votre frère qui a posé

 16   des questions sur votre libération ou est-ce M. Mucic qui a dit : "C'est

 17   un Chetni", et est-ce M. Mucic qui a dit : "C’est un Chetnik, il ne sera

 18   jamais libéré, il sera tué" ?

 19   Témoin M (interprétation). - Oui, c'est mon frère qui a posé la

 20   question. Je n'osais pas le demander.

 21   Mme McHenry (interprétation). - Est-ce Music qui a donné la

 22   réponse ?

 23   Témoin M (interprétation). - Oui. Il a répondu, et je voudrais

 24   ajouter ceci, dans une conversation avec...

 25   Mme McHenry (interprétation). - J'ajouterai, Madame et Messieurs


Page 4875

  1   les juges, que dans une conversation avec le témoin j'ai constaté ceci, et

  2   si nécessaire cette personne est prête à fournir l'information en

  3   question.

  4   M. Jan (interprétation). - Madame McHenry, est-ce que ces

  5   précisions sont suscitées par le contre-interrogatoire ou êtes-vous en

  6   train d'apporter des éléments supplémentaires ?

  7   Mme McHenry (interprétation). - Je pense qu'il s'agit d'éléments

  8   de précision à la suite de questions soulevées par la défense.

  9   M. Jan (interprétation). - En quoi consistent ces précisions ?

 10   Mme McHenry (interprétation). - Je voulais préciser les

 11   événements, ce qui s'était passé.

 12   M. Greaves (interprétation). - Excusez-moi d'interrompre...

 13   Mme McHenry (interprétation). - Je pense que lorsque le Conseil

 14   de la défense soulève une question nouvelle, l'accusation est habilitée à

 15   poser des questions sur les circonstances entourant ces éléments. Et je

 16   pense qu'à ce titre mon interrogatoire supplémentaire est justifié. Je

 17   voudrais passer à la question suivante, si vous le voulez bien.

 18   M. Greaves (interprétation). - J'ai une objection sur la base du

 19   fait que l'une des questions qui est donnée à la page 32, ligne 13, semble

 20   indiquer qu’en fait le témoin se fonde sur quelque chose qui a été raconté

 21   par une toute autre personne. Il est dit : dans une conversation avec le

 22   témoin. J'objecte comme d'habitude, le fait est qu'il faut d'abord établir

 23   les fondements permettant d'introduire ce qui apparaît comme un témoignage

 24   par ouï-dire.

 25   J'invite donc l'accusation à le faire et, si elle ne le peut


Page 4876

  1   pas, j'objecte à la recevabilité de cet élément de preuve.

  2   M. le Président (interprétation). - Je croyais que vous

  3   compreniez que les réponses supplémentaires données n'étaient pas en

  4   réponse à celles qui lui avaient été posées.

  5   Mme McHenry (interprétation). - Je voudrais préciser ceci, si

  6   vous le voulez bien, et répondre en même temps à Me Greaves. Monsieur le

  7   témoin, est-ce quelque chose que vous avez entendu vous-même de la bouche

  8   de M. Mucic et, si tel n'est pas le cas, qui vous a dit qu'il avait tenu

  9   pareils propos et quand ?

 10   Témoin M (interprétation). - Qu'est-ce que vous voulez dire ?

 11   Concernant ma libération ou celle de mon frère ?

 12   Mme McHenry (interprétation). - La conversation que vous

 13   rapportez où M. Mucic a dit quelque chose concernant les raisons de votre

 14   libération ou du fait que vous n'étiez pas libéré, l'avez-vous entendue

 15   personnellement ou avez vous entendu quelqu'un vous le dire ?

 16   Témoin M (interprétation). - Non, je l'ai entendu

 17   personnellement, cela s'est passé dans le hangar. Mon frère était allongé

 18   près de moi, j’étaits assis à côté de lui. Il a posé cette question me

 19   concernant et le concernant lui-même et tels sont les mots exacts qui ont

 20   été prononcés : je ne pouvais pas être libéré parce que j'étais un

 21   Chetnik.

 22   Mme McHenry (interprétation). - Merci. Ma dernière question,

 23   Monsieur, vous avez dit lors du contre-interrogatoire qu'à votre arrivée

 24   au camp, vous avez reçu des indications laissant croire que Ralje était

 25   commandant du camp. Qu'avez-vous appris quant au rôle de Ralje à Celebici


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  1   après cette période initiale de votre séjour au camp ?

  2   Témoin M (interprétation). - Ce que je pense personnellement,

  3   c'est une impression que j'ai acquise lorsque je suis arrivé au campn sur

  4   la base de ce que je l'ai vu faire au moment où les détenus descendaient

  5   des camions. Les hommes descendaient et se faisaient battre, et j'ai

  6   entendu Ralje personnellement demander pour les trois premiers détenus qui

  7   sont descendus du camion qu'on ne les frappe pas. C’est pourquoi j'ai

  8   pensé sortir rapidement du camion pour ne pas être frappé. Mais j'ai vu

  9   Ralje monter dans une voiture et partir. C'est comme cela que j'ai eu

 10   l'impression qu'il était commandant.

 11   Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, pour que les choses

 12   soient claires, vous parlez de cette toute première période, mais après,

 13   qu'avez-vous vu, qu'avez-vous appris au sujet de l'éventuelle continuation

 14   du rôle que jouait éventuellement Ralje dans le camp ? Je parle bien de la

 15   période postérieure à celle au sujet de laquelle vous venez de témoigner.

 16   Témoin M (interprétation). - Non. Après le transfert au hangar,

 17   je n'ai plus vu Ralje et je n'ai plus rien su de son activité. Donc je

 18   parlais simplement du moment de l'arrestation et de l'arrivée dans le

 19   camp, la toute première période. L'entrée dans le camp.

 20   Mme McHenry (interprétation). - Très bien, je n'ai pas d'autres

 21   questions.

 22   M. le Président (interprétation). - Le témoin peut maintenant se

 23   retirer. Est-ce que vous avez un autre témoin ?

 24   Mme McHenry (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Nous

 25   avons un autre témoin qui est prêt à déposer, mais j'aimerais simplement


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  1   vous informer d'une chose. En vertu d'une requête commune que vous avez

  2   acceptée il y a quelques mois, Monsieur le Président, ce témoin devrait

  3   faire l'objet d'un examen médical et j'ai été informée du fait que cet

  4   examen médical est prévu pour cet après-midi. Donc une possibilité serait

  5   que nous fassions une pause maintenant, pour que le Conseil de la défense

  6   puisse prendre connaissance d'une traduction orale de ce qui est dans le

  7   livre. C'est une demi-page seulement. Ensuite ce témoin pourrait être

  8   rappelé pour que son examen médical ne soit pas reporté et qu'il puisse

  9   s’y rendre dans les délais prévus. C'est une proposition que je vous fais,

 10   Monsieur le Président, mais sinon nous avons un autre témoin qui est prêt.

 11   M. le Président (interprétation). - Très bien j'accède à votre

 12   demande. Je pense que nous pouvons faire une pause, et nous réunir à

 13   nouveau à 11 heures 45 pour poursuivre jusqu'à l'heure du déjeuner, à

 14   savoir 13 heures.

 15   Vous pouvez donc procéder. Je suis sûr qu'une demi-page peut

 16   être traduite pendant la durée de la pause.

 17   (Le témoin quitte la salle d'audience.)

 18   L'audience, suspendue à 11 h 10, est reprise à 11 h 50.

 19  

 20   M. le Président (interprétation). - Maître Ackerman... ?

 21   M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai

 22   plus de questions à poser au témoin. Je ne sais pas ce qu'il en est des

 23   autres conseils de la défense mais, pour ce qui me concerne, j'en ai

 24   terminé avec mon contre-interrogatoire.

 25   M. le Président (interprétation). - Je suppose qu'il n'y a pas


Page 4879

  1   d'autres questions pour ce témoin. Dites-lui donc qu'il peut disposer en

  2   restant disponible pour l'examen médical.

  3   Quel est votre témoin suivant, Madame McHenry ?

  4   Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président,

  5   l'accusation appelle à présent Monsieur B, et je pourrais peut-être

  6   évoquer une question dont j'ai déjà discuté avec les conseils de la

  7   défense, notamment avec celui de M. Mucic, en ce qui concerne la pièce à

  8   conviction de la défense n° 155. Pendant que nous discutons de cela,

  9   l'huissier peut aller chercher le témoin.

 10   Monsieur le Président, vous vous souvenez que la date de dépôt

 11   de ce document était fixée à mercredi. L'accusation s'est engagée à

 12   respecter ce délai et Me Greaves nous a annoncé qu'il souhaitait avoir la

 13   possibilité de jeter un coup d'oeil à ce document avant de présenter sa

 14   réponse. Nous n'avons pas d'objection de notre côté.

 15   La proposition que je fais, avec tout le respect que je dois au

 16   Tribunal, est donc la suivante : tout en respectant, du côté de

 17   l'accusation, le délai de mercredi fixé par le Tribunal et étant entendu

 18   que la défense pourrait présenter sa réponse d'ici à vendredi, cette

 19   requête pourrait être examinée immédiatement au début du mois d'août, ce

 20   qui donnerait à l'accusation la possibilité d'organiser les choses afin

 21   que le conseil principal de l'accusation, Me Niemann, soit présent. J'en

 22   ai déjà discuté avec Me Greaves qui est tout à fait d'accord.

 23   M. Greaves (interprétation) - Ma collègue a rendu compte avec

 24   précision de la conversation que nous avons eue. Bien entendu, la décision

 25   est entre les mains des juges. Mais, s'agissant de cette proposition, nous


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  1   sommes tout à fait d'accord avec tout ce ce qui a été dit ce matin.

  2   M. le Président (interprétation). - Lorsque j'aurai reçu votre

  3   document écrit, nous fixerons une date pour la discussion des arguments

  4   des uns et des autres.

  5   M. Greaves (interprétation) - Merci beaucoup, Monsieur le

  6   Président.

  7   Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, je tiens,

  8   au nom de l'accusation, à retirer la demande du témoin, Monsieur B, qui

  9   avait au préalable demandé qu'un écran le sépare des accusés. Le témoin a

 10   décidé que ce n'était pas nécessaire, et je viens de me rappeler qu'il

 11   convient que je vous en informe. Nous vous prions de nous excuser pour

 12   n'avoir pas encore informé les juges à ce sujet. Nous retirons donc cette

 13   requête relative à l'installation d'un écran pour séparer le témoin des

 14   accusés.

 15   Le témoin continue cependant à souhaiter que son identité et

 16   toutes les données permettant de le reconnaître ne soient pas divulguées

 17   aux médias. J'informe donc le conseil de la défense que ce témoin insiste

 18   beaucoup pour que toutes les données personnelles le concernant ne soient

 19   pas divulguées, il s'agit de données très délicates, et s'il doit y avoir

 20   des questions-réponses, il est souhaitable que cela se fasse à huis clos.

 21   Quant au témoin suivant, le témoin D, il demandera les mêmes

 22   mesures de protection.

 23   (Le témoin B est introduit dans la salle d'audience.)

 24   M. le Président (interprétation). - Peut-on faire prêter serment

 25   au témoin ?


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  1   Témoin B (interprétation). - Je déclare solennellement que je

  2   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  3   M. le Président (interprétation). - Vous pouvez poursuivre,

  4   Maître.

  5   Mme McHenry (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

  6   Bonjour, Monsieur. Monsieur, ai-je eu raison de dire que vous

  7   avez demandé que votre identité ne soit pas divulguée, ni au public ni aux

  8   médias ?

  9   Témoin B (interprétation). - Oui.

 10   Mme McHenry (interprétation). - Donc, vous serez désigné sous le

 11   nom de Monsieur B. Comprenez-vous cela ?

 12   Témoin B (interprétation). - Oui, je le comprends.

 13   Mme McHenry (interprétation). - Et comprenez-vous bien que si

 14   moi-même ou quiconque vous pose une question et que vous pensez que vous

 15   risquez de dévoiler votre identité dans votre réponse, vous pouvez

 16   demander que la réponse soit fournie à huis clos ?

 17   Témoin B (interprétation). - Oui, merci.

 18   Mme McHenry (interprétation). - Avec l'aide de l'huissier, je

 19   voudrais maintenant, Monsieur, vous remettre une feuille de papier sur

 20   laquelle figure un nom, et je vous demanderai de confirmer que c'est bien

 21   votre nom, mais sans le prononcer.

 22   Témoin B (interprétation). - Oui.

 23   Mme McHenry (interprétation). - Merci. Monsieur B, quel est

 24   votre âge aujourd'hui ?

 25   Témoin B (interprétation). - J'ai trente-six ans.


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  1   Mme McHenry (interprétation). - Quelle est votre appartenance

  2   ethnique ?

  3   Témoin B (interprétation). - Je suis de nationalité serbe.

  4   Mme McHenry (interprétation). - Où habitiez-vous au début de

  5   1992 ?

  6   Témoin B (interprétation). - Je vivais à Konjic au début de

  7   l'année 1992.

  8   Mme McHenry (interprétation). - Voulez-vous dire la ville de

  9   Konjic même ?

 10   Témoin B (interprétation). - Je pense effectivement à la ville

 11   de Konjic.

 12   Mme McHenry (interprétation). - Est-ce qu'un moment est arrivé

 13   où vous avez quitté la ville de Konjic ?

 14   Témoin B (interprétation). - J'ai quitté la ville de Konjic le

 15   17 avril pour me rendre dans un village voisin car la guerre avait éclaté

 16   en Bosnie-Herzégovine et il n'était pratiquement plus possible de

 17   s'approvisionner. J'avais un enfant d'un an et demi et je ne pouvais pas

 18   m'approvisionner en denrées de première nécessité. Je me suis donc rendu

 19   dans un village voisin où je pensais que les conditions seraient

 20   meilleures. C'est à ce moment-là que j'ai quitté Konjic. Mais si vous

 21   pensez à toutes les fois où je suis parti de Konjic, je suis, en effet,

 22   également parti de Konjic pour me rendre à Sarajevo pour faire mes études.

 23   Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, en mai et juin 1992,

 24   où habitiez vous ?

 25   Témoin B (interprétation). - En mai et juin 1992, je vivais dans


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  1   le village de Bordjani, près de Konjic.

  2   Mme McHenry (interprétation). - Est-ce qu'un moment est venu où

  3   des opérations militaires ont eu lieu à Bordjani ?

  4   Témoin B (interprétation). - Oui, des opérations militaires ont

  5   eu lieu à Bordjani lorsque les Musulmans ont attaqué notre village. Je

  6   puis dire que je n'ai pas vu les soldats musulmans car, dès le début de

  7   l'attaque par l'artillerie, des avions ont commencé à bombarder et nous

  8   avons fui de tous les côtés. Je pense que l'attaque a duré une journée

  9   entière.

 10   Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous participé à la défense

 11   du village ?

 12   Témoin B (interprétation). - La question n'est pas claire pour

 13   moi parce que personne n'a participé à la défense de ce village et donc

 14   moi non plus. Il n'y a pas eu de défense organisée de ce village.

 15   Mme McHenry (interprétation). - Etiez-vous armé à ce moment-là ?

 16   Témoin B (interprétation). - Non. Je n'ai jamais été armé.

 17   Mme McHenry (interprétation). - Qu'avez-vous fait au moment de

 18   l'attaque de Bordjani ? Pouvez-vous simplement décrire brièvement ce qui

 19   s'est passé ?

 20   Témoin B (interprétation). - J'ai fui pour sauver ma tête. Ce

 21   serait sans doute la réponse la plus courte que je pourrais vous faire.

 22   Mais si vous voulez davantage de détails, je puis ajouter qu'à un certain

 23   moment, une pluie de projectiles s'est abattue sur Bordjani ; les obus

 24   tombaient déjà sur nos maisons. Nous avons donc fui à toutes jambes vers

 25   la forêt. Je crois que c'était une chance pour nous d'avoir cette grande


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  1   forêt qui n'était pas loin de ne nos maisons et c'est ainsi que nous avons

  2   fui en direction de cette forêt.

  3   Mme McHenry (interprétation). - Et où êtes-vous allé ensuite ?

  4   Témoin B (interprétation). - Nous avons réussi à sortir et à

  5   atteindre le village de Bradina après avoir traversé cette forêt. J'ai

  6   marché deux jours entiers pour parcourir les dix kilomètres qui nous

  7   séparaient du village de Bradina. En route, nous avions beaucoup de mal à

  8   avancer parce que les obus n'arrêtaient pas de tomber. Nous marchions en

  9   petits groupes qui s'étaient constitués comme ils avaient pu et nous avons

 10   atteint ce village de Bradina qui, selon moi -mais c'est une évaluation-

 11   est à une distance d'environ dix kilomètres. A ce moment-là, le village de

 12   Bradina n'était pas encore attaqué. Avant la guerre, c'était déjà un

 13   village majoritairement peuplé de Serbes, de sorte que nous pensions que

 14   nous y serions davantage en sécurité. Nous avions entendu des informations

 15   à Bordjani, même si les informations étaient très peu fiables au début de

 16   la guerre. Il y avait, en effet, des tentatives de désinformation, comme

 17   nous l'avons constaté par la suite. Mais nous avions entendu dire que les

 18   femmes et les enfants seraient, avec cent pour cent de certitude, évacués

 19   vers le village de Bradina, et que les femmes et les enfants s'y

 20   trouveraient en sécurité. Tous ceux qui avaient des femmes et des enfants

 21   ne pensaient qu'à la sécurité de leur famille. Et c'est ainsi que nous

 22   nous sommes rendus à Bradina.

 23   Mme McHenry (interprétation). - A quel moment,

 24   approximativement, si vous le savez, l'attaque de Bordjani a-t-elle eu

 25   lieu ? Donc à quel moment avez-vous passé deux jours pour vous rendre au


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  1   village de Bradina ?

  2   Témoin B (interprétation). - L'histoire n'est pas mon point

  3   fort, voyez vous, les dates non plus, mais je vais essayer de répondre de

  4   la façon la plus précise possible. Cela étant, je tiens à faire certaines

  5   réserves sur les dates que je vais citer. Je crois que l'attaque de

  6   Bradina a eu lieu entre le 10 et le 15 mai, mais je ne suis pas absolument

  7   certain de la date.

  8   Mme McHenry (interprétation). - Après être arrivé à Bradina,

  9   combien de temps y êtes-vous resté ?

 10   Témoin B (interprétation). - Je suis resté à Bradina, mais je ne

 11   sais plus combien de temps. Quelques jours... peut-être cinq ou six jours.

 12   Mme McHenry (interprétation). - Et que s'est-il alors passé ?

 13   Témoin B (interprétation). - Après cela, lorsque l'attaque de

 14   Bordjani a cessé, j'ai pu escalader une colline voisine pour voir, depuis

 15   Bradina, si le village de Bordjani était encore pilonné. Et lorsque j'ai

 16   vu que le calme était revenu, j'ai pris ma femme et mon enfant, et nous

 17   sommes rentrés chez nous à Bordjani ; et c'est là que nous avons continué

 18   à vivre, dans notre maison familiale.

 19   Mme McHenry (interprétation). - Et que s'est-il passé après

 20   votre retour à Bordjani ?

 21   Témoin B (interprétation). - Après mon retour à Bordjani, j'ai

 22   vécu dans ma maison. Dans le village, il n'y avait plus que quelques rares

 23   personnes qui restaient. Beaucoup d'habitants avaient pris la fuite.

 24   Certains étaient restés à Bradina croyant que l'endroit était plus sûr.

 25   Personnellement, je n'étais pas de cet avis.


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  1   En effet, j'ai vu que Bradina ne disposait d'aucune défense

  2   contre les Musulmans, qu'il n'y avait aucune organisation parmi les

  3   villageois, même s'il y avait certaines armes d'infanterie. Il n'y avait

  4   aucune sécurité à Bradina.

  5   Je suis donc rentré à Brdjani et j'y suis resté jusqu'au moment

  6   où j'ai été incarcéré au camp. Je me suis contenté de rester au village.

  7   Je ne suis allé nulle part, si ce n'est que j’ai fait quelques dizaines de

  8   mètres autour de ma maison, parce qu’un grand danger régnait.

  9   Mme McHenry (interprétation). - Qu’est-ce qui a provoqué votre

 10   arrestation et votre internement à Celebici ? Pourriez-vous nous dire ce

 11   qui s'est passé ?

 12   Témoin B (interprétation). - Après la chute de Bradina, pas le

 13   lendemain, mais le surlendemain, en tout cas un certain temps s'est

 14   écoulé, un seul homme est venu. C'était un Musulman dont je ne conaissais

 15   pas la fonction officielle. Je pense qu’il était membre de la police

 16   militaire musulmane. Il s'appelait Pavo, j’ai oublié son prénom. Je le

 17   connaissais bien avant la guerre.

 18   Il nous a donné lecture d'une liste de noms de personnes qui

 19   devaient apparemment se présenter, pour un interrogatoire informatif ou

 20   pour information, au village voisin. Dans cette liste figuraient

 21   littéralement tous les hommes de Brdjani. Certains étaient restés à

 22   Bradina, ils ont été amenés au camp de Celebici depuis Bradina. Je pense

 23   qu'il y avait aussi tous les autres hommes figurant dans la liste.

 24   Dès que la lecture de ladite liste a été faite, l'ordre fut

 25   donné de prendre immédiatement la route. Nous n'avions pas le choix. Nous


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  1   devions aller au village de Podorasac. Même si nous nous attendions à

  2   quelque chose, toutes nos craintes se sont avérées exactes.

  3   Mme McHenry (interprétation). - Pourriez-vous nous dire ce qui

  4   s'est passé après cet interrogatoire aux fins d'information ?

  5   Témoin B (interprétation). - Non.

  6   Mme McHenry (interprétation). - Pourriez-vous poursuivre pour

  7   nous dire ce qui s'est passé après que vous vous soyez rendu au village de

  8   Podorasac ?

  9   Témoin B (interprétation). - Lorsque nous sommes arrivés au

 10   village de Podorasac, on nous a donné l'ordre de monter dans un ou deux

 11   camions. Ces camions étaient bâchés, fermés, et nous ne savions toujours

 12   pas où nous allions. Nous n'avions reçu aucune information.

 13   Quinze ou vingts minutes se sont peut-être écoulées, je ne sais

 14   pas exactement, et l'ordre fut donné de descendre. Nous avons vu que nous

 15   étions arrivés à d'anciennes installations militaires, à Celebici. Ces

 16   installations furent utilisées par la suite comme camp de prisonniers.

 17   Nous y sommes arrivés et on nous a demandé de descendre.

 18   Mme McHenry (interprétation). - Pourriez-vous nous situer cela

 19   dans le temps, à quelle date approximativement êtes-vous arrivé à

 20   Celebici ?

 21   Témoin B (interprétation). - Cela à dû se passer dans la

 22   deuxième quinzaine de juin.

 23   Mme McHenry (interprétation). - Pour que nous ayons une idée

 24   d'ensemble, pourriez-vous nous dire combien de temps vous êtes resté à

 25   Celebici ? Quand avez-vous définitivement quitté Celebici ?


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  1   Témoin B (interprétation). - J'ai quitté Celebici dans la

  2   seconde quinzaine d’août.

  3   Mme McHenry (interprétation). - Revenons, si vous le voulez

  4   bien, au moment où vous êtes arrivé à Celebici. A quel moment de la

  5   journée êtes-vous arrivé ? Vous en souvenez-vous ? Combien de personnes

  6   furent amenées à Celebici en même temps que vous ?

  7   Témoin B (interprétation). - Tout ce que je peux dire, c'est

  8   qu’entre cinquante et soixante hommes y furent amenés. C’est mon

  9   estimation.

 10   Nous y sommes arrivés vers midi. Il était peut-être 13 heures,

 11   je ne me souviens plus exactement. En effet, l'homme qui nous avait dit

 12   d’aller à Podorasac a dû venir vers 10 heures le matin. Il a fallu une

 13   heure pour arriver à Podorasac. Il devait donc être 11 heures à ce moment-

 14   là. Je suppose que nous avons dû arriver à Celebici entre 12 heures et

 15   13 heures.

 16   Mme McHenry (interprétation). - Vous êtes donc arrivé à

 17   Podorasac avant d'être transporté à Celebici. Pendant ce temps qui s'est

 18   écoulé, avant que vous n'arriviez au camp, avez-vous été l'objet de

 19   sévices ? Avez-vous été frappé ? Je vous demande simplement si, pendant le

 20   trajet vers le camp, vous avez fait l'objet de sévices physiques.

 21   Témoin B (interprétation). - Non. Je n'ai pas était maltraité.

 22   Je ne sais pas si d'autres l’ont été. Il y avait beaucoup de personnes

 23   dans ce groupe et je n'ai pas vu ce qui est advenu à chacun des membres.

 24   Je ne sais pas s'ils ont été battus ou pas.

 25   Mme McHenry (interprétation). - Passons au moment où vous êtes


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  1   arrivé à Celebici. Pourriez-vous nous dire comment cela s'est passé ?

  2   Témoin B (interprétation). - A notre arrivée au camp, l'ordre

  3   nous fut donné de descendre des camions et de nous aligner contre un mur

  4   qui devait faire vingt mètres de long à peu près. C'était un mur en béton

  5   qui se trouvait à l'entrée même du camp. On nous infligeait beaucoup

  6   d'insultes, de menaces, d'humiliations. On nous a dit de vider nos poches

  7   et qu'il fallait aussi enlever lacets, ceintures, montres, argent, tout ce

  8   que nous avions. Nous devions les déposer près de nous. Puis, nous avons

  9   dû nous mettre en colonne et suivre les gardes. Nous étions sans arrêt

 10   entourés de gardes. Nous sommes allés vers une partie du camp que je ne

 11   connaissais pas. Lorsque je suis arrivé, je ne savais pas du tout où on

 12   allait nous mettre.

 13   Mme McHenry (interprétation). - Permettez-moi de vous

 14   interrompre : des objets de valeur vous ont-ils été pris au moment où vous

 15   avez dû vider vos poches ?

 16   Témoin B (interprétation). - Tous ceux qui avaient des montres

 17   devaient les enlever. Il fallait donner tout ce que nous avions en poche.

 18   Nous avons dû donner l'argent, même si l'argent yougoslave n'avait déjà

 19   plus beaucoup de valeur à cette époque. C'était simplement un tas de

 20   papiers qui circulait.

 21   Mme McHenry (interprétation). - Des objets de valeur vous ont-

 22   ils été pris ?

 23   Témoin B (interprétation). - J'ai dû donner ma montre. Un mois

 24   plus tard, j'ai dû donner mon anneau, ma bague. Mais c'est à peu près un

 25   mois après mon arrivée que j'ai dû donner cette bague.


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  1   Mme McHenry (interprétation). - Vous a-t-on restitué l'un ou

  2   l'autre de ces objets ?

  3   Témoin B (interprétation). - Non, jamais rien n'a été rendu à

  4   quiconque.

  5   Mme McHenry (interprétation). - Vous a-t-on forcé à dire quoi

  6   que ce soit à votre arrivée au camp ?

  7   Témoin B (interprétation). - A notre arrivée, non, personne ne

  8   m'a posé aucune question.

  9   Mme McHenry (interprétation). - Veuillez poursuivre votre récit.

 10   Que s'est il passé après que vous ayez dû donner vos objets de valeur ?

 11   Témoin B (interprétation). - Nous avons reçu l'ordre de suivre

 12   les gardes. Moi, je me trouvais au milieu de cette colonne. Nous avons été

 13   amenés à un petit endroit surélevé, près de ce mur. Ce n'était pas très

 14   loin, mais il n'y avait rien à cet endroit si ce n’est des trous d'homme.

 15   Il y avait des installations de ravitaillement en essence ou en eau... Je

 16   ne sais pas, je ne suis pas expert en la matière. Ces trous d'homme

 17   étaient profonds de 2 ou 3 mètres, cela dépendait. Il nous fut donné

 18   l'ordre de descendre, d'entrer dans ces trous d'homme. Certains étaient à

 19   moitié remplis d'eau, dans d'autres il n'y avait pas d'eau. Dans certains

 20   trous, il y avait cinq hommes, dans d'autres dix. Nous avons été forcés

 21   d'entrer dans ces trous d'homme.

 22   Je ne pourrais pas vous dire combien de temps nous avons passé

 23   dans ces trous d'homme. Je pense qu'on perd la notion du temps quand on se

 24   trouve dans une telle situation. Personnellement, le temps que j’ai passé

 25   là m’a paru une éternité.


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  1   Mme McHenry (interprétation). - Savez-vous si les prisonniers

  2   qui vous avaient accompagné et qui étaient avec vous étaient aussi placés

  3   dans ces trous d'homme ?

  4   Témoin B (interprétation). - Les gardes musulmans étaient

  5   présents et l'équipe du camp, qui travaillait tout le temps au camp, était

  6   là. Il y avait donc un rapport entre prisonniers et gardes.

  7   Mme McHenry (interprétation). - Connaîtriez-vous le nom des

  8   personnes qui étaient présentes au moment où vous-mêmes avez été placés

  9   dans les trous d'homme, les personnes venant du camp j’entends ?

 10   Témoin B (interprétation). - Je connaissais certains de ces

 11   hommes, mais j'ai oublié les noms. Je me souviens de certains surnoms. Par

 12   exemple, l'homme responsable de cette équipe de gardes qui nous avait

 13   emmenés aux trous d'homme, ce commandant s’appellait Hazim Delic.

 14   Mme McHenry (interprétation). - Veuillez poursuivre. Mais alors

 15   que vous vous trouviez dans ce trou d'homme, est-ce que vous entendiez des

 16   sons ou des bruits qui venaient d'autres trous d'homme ?

 17   Témoin B (interprétation). - Bien sûr. Il était possible

 18   d'entendre les bruits provenant de ces autres trous d'homme.

 19   Ce qui m'a surpris et choqué tout particulièrement, c’est que

 20   j'ai entendu les appels à l'aide de mon père, parce que je ne savais pas

 21   alors que mon père -qui était en ville à ce moment-là- avait été emmené au

 22   camp en même temps que moi et avait été placé dans un trou d'homme. Il

 23   n'était pas avec moi, mais il était dans un autre trou d'homme. C'est un

 24   homme de 65/66 ans, très malade, et j'entendais ses plaintes. Il semblait

 25   étouffer ; il disait qu'il allait mourir d'étouffement. C'est ce que


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  1   j'entendais alors que je me trouvais dans ce trou d'homme. Je me suis

  2   rendu compte que c'était mon père.

  3   J'ai entendu quelqu'un qui ouvrait le trou d'homme à côté du

  4   nôtre et, bientôt, le nôtre a aussi été ouvert. Nous avons reçu l'ordre de

  5   sortir et, la première chose que j'ai vue, c'était mon père qui était

  6   assis à proximité du trou, donc près du nôtre. Il était pratiquement

  7   inconscient. Cela a été un des premiers chocs que j'ai eus à mon arrivée

  8   au camp.

  9   Mme McHenry (interprétation). - Vous dites que votre père se

 10   trouvait en ville, mais de quelle ville voulez-vous parler ?

 11   Témoin B (interprétation). - Je parle de la ville de Konjic. Je

 12   vous ai dit que j'avais été amené du village de Brdjani où nous avions

 13   notre vieille maison familiale, mais nous vivions dans la ville de Konjic.

 14   Mon père se trouvait dans notre appartement, dans la ville de Konjic.

 15   Comme son nom avait figuré dans la liste lue à Brdjani et qu'il ne se

 16   trouvait pas au village de Brdjani à l'époque, il avait été amené au camp

 17   depuis Konjic.

 18   Mme McHenry (interprétation). - Au moment où vous êtes sorti du

 19   trou d'homme, vous souvenez-vous de personnes du camp qui se

 20   trouvaient là ?

 21   Témoin B (interprétation). - Lorsqu'on nous a fait sortir, nous

 22   avons dû former une file. J'ai vu Hazim Delic et j'ai vu Pavo Mucic. Il

 23   était debout à ma gauche. Il portait une tenue de camouflage et des

 24   lunettes de soleil. Je me souviens parfaitement de sa présence. Il y avait

 25   aussi les autres gardes qui étaient toujours autour.


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  1   Mme McHenry (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé au

  2   camp, avez-vous remarqué quoi que ce soit sur l'état physique dans lequel

  3   se trouvait M. Hazim Delic ?

  4   Témoin B (interprétation). - Monsieur Delic boîtait alors d'une

  5   jambe, mais je ne me rappelle plus de laquelle. Je ne sais pas comment il

  6   a été blessé ; certains ont dit qu'il avait été blessé, d'autres pensaient

  7   qu'il avait eu un problème alors qu'il dévalisait un café. Je ne sais

  8   pas... Mais le fait est qu'il avait une blessure à la jambe et qu'il

  9   boîtait.

 10   Mme McHenry (interprétation). - Que s'est-il alors passé après

 11   que vous ayez été sorti du trou d'homme ? Où vous a-t-on amené ?

 12   Témoin B (interprétation). - Après être sorti du trou d'homme,

 13   on nous a donné l'ordre de suivre un chemin -bien sûr, à la suite d'un

 14   garde. Nous avons été amenés devant un hangar, un entrepôt militaire.

 15   C'était une structure métallique qui devait faire 25 mètres de long et

 16   10 ou 15 mètres de large à peu près. Nous y sommes entrés un à un. Nous

 17   avons d'abord été alignés, et puis nous avons dû entrer l'un après

 18   l'autre. Un endroit nous a été affecté, c'est là que nous devions rester

 19   assis.

 20   Mme McHenry (interprétation). - -Pouvez-vous nous dire plus ou

 21   moins approximativement où vous vous trouviez dans ce hangar, quelle était

 22   votre place ?

 23   Témoin B (interprétation). - J'étais tout près de la porte

 24   d'entrée du hangar, sur le côté le plus court. J'étais donc assis du côté

 25   de la largeur, à 3 ou 4 mètres de la porte.


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  1   Mme McHenry (interprétation). - Est-ce là que vous êtes resté

  2   pendant tout le temps que vous avez passé à Celebici ?

  3   Témoin B (interprétation). - Oui.

  4   Mme McHenry (interprétation). - Combien de personnes,

  5   approximativement, se trouvaient déjà au hangar n  6 au moment où vous y

  6   êtes arrivé ?

  7   Témoin B (interprétation). - Lorsque notre groupe a été amené à

  8   ce hangar, nous avons occupé l'espace tout entier. Il ne restait plus de

  9   place. Nous avons été répartis sur la longueur, sur la largeur et aussi au

 10   milieu. Des cercles concentriques avaient été formés. Il devait y avoir

 11   entre 350 de 400 hommes. Je ne pourrais pas vous donner un nombre exact.

 12   Je n'osais pas -et je ne pouvais d'ailleurs pas- faire un décompte des

 13   personnes qui se trouvaient dans le hangar.

 14   Mme McHenry (interprétation). - Pourriez-vous décrire les

 15   conditions dans lesquelles vous avez vécu en matière de nourriture, de

 16   sanitaires, d’eau ? Quelles étaient les conditions ?

 17   Témoin B (interprétation). - Vous voulez le détail ou vous

 18   voulez un seul mot ? Le seul mot serait l'horreur. Mais voulez-vous en

 19   savoir davantage ?

 20   Mme McHenry (interprétation). - Donnez-nous quelques détails.

 21   Témoin B (interprétation). - L'horreur, c'est un euphémisme. Il

 22   y avait de la saleté, de la crasse. Il y avait des maladies dermiques

 23   infectieuses. On ne se lavait pas pendant un mois. Il y avait des poux.

 24   En matière de nourriture, on recevait une toute petite tranche

 25   -toute fine- de pain par jour. Mais il y avait aussi des moments où, même


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  1   cela, on n'en recevait pas. Nous buvions de l'eau qui nous était donnée en

  2   bouteille et qui venait des bouches d'incendie qu'il y avait là, dans les

  3   installations pour les sapeurs-pompiers, ce qui veut dire que beaucoup de

  4   gens souffraient notamment de problèmes intestinaux. C'était sans doute dû

  5   à la qualité de l'eau et aux conditions qui régnaient dans le camp.

  6   C'étaient vraiment des conditions inhumaines. La famine régnait. On

  7   n'avait rien à manger. Nous n'avions pas le droit de recevoir de

  8   nourriture. C'est seulement après la visite de la Croix-Rouge qu'il nous

  9   fut permis de recevoir des vivres des personnes de l'extérieur. Je peux

 10   dire que ce fut le cas pendant pratiquement tout mon séjour au camp. Avant

 11   la guerre, je pesais 90 kg et, au sortir du camp, je pesais 50 kg. Je

 12   crois que cela était vrai pour chacun des détenus. On était des cadavres

 13   ambulants.

 14   Lorsqu’on se levait, on nous disait : "Assied-toi ! ”. Lorsqu'on

 15   nous laissait sortir pour aller aux latrines, si les gardes fermaient les

 16   portes, ou s'il était possible de se lever simplement pour se détendre les

 17   jambes, les gens tombaient dans les pommes parce qu'on avait vraiment

 18   faim. On n'avait absolument pas de force.

 19   Mme McHenry (interprétation). - Etiez-vous parfois autorisé à

 20   sortir du hangar n° 6 pour accomplir certaines tâches ?

 21   Témoin B (interprétation). - Il y avait d'autres prisonniers -et

 22   pas seulement moi- qui sont sortis du hangar parce qu'il y avait toutes

 23   les tâches qu'il fallait exécuter dans le camp, ces corvées. En effet,

 24   cette installation militaires, ce n'était pas simplement un camp, c'était

 25   aussi un entrepôt pour les munitions et l'armement de l'armée musulmane.


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  1   C'était pratiquement une caserne pour l'armée musulmane. Les gens venaient

  2   pour s'entraîner, pour se former, ou pour d'autres raisons. Je ne sais

  3   pas. Il y avait un autre bâtiment plein de troupes musulmanes.

  4   Il y avait donc des corvées, ce qui fait que je sortais assez

  5   souvent pour décharger des armes ou de la nourriture, pour laver la

  6   voiture de quelqu'un. Souvent, les gens venaient faire laver leur voiture

  7   par les prisonniers, ou pour demander que les prisonniers fassent d'autres

  8   tâches de nettoyage ou pour déplacer certaines choses, pour transporter

  9   telle ou telle chose. Ces corvées étaient fréquentes.

 10   Mme McHenry (interprétation). -  Et qui, en général, vous

 11   donnait l'ordre de faire toutes ces corvées ?

 12   Témoin B (interprétation). -  En général, c'était un gardé qui

 13   venait, celui qui était de faction, qui avait sans doute reçu lui-même des

 14   instructions. On lui disait de rassembler un certain nombre de prisonniers

 15   et de leur faire faire ceci ou cela. Parfois, on nous demandait si on

 16   voulait travailler. Parfois, on designait les cinq premiers de cette

 17   rangée-ci, les cinq premiers de cette rangée-là. Il y avait plusieurs

 18   façons de sélectionner les prisonniers qui étaient sensés accomplir ces

 19   tâches. Parfois, il nous était permis de sortir pour nous laver les mains

 20   ou pour nous laver après avoir fait toutes ces tâches. Et quelquefois, il

 21   y en a qui se sont portés volontaires.

 22   Mme McHenry (interprétation). - Y avait-il quelqu'un au camp

 23   dénommé Ivica Buric ?

 24   Témoin B (interprétation). - Oui. Oui, il se trouvait au camp.

 25   C'était le chauffeur de Pavo Mucic. Il était le chauffeur du camp. Il


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  1   conduisait aussi pour d'autres personnes, pas simplement pour Pavo . Je

  2   suppose qu'il allait chercher du ravitaillement.

  3   Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que vous connaissiez

  4   M. Buric avant la guerre?

  5   Témoin B (interprétation). - Oui. Je l'ai vu à plusieurs

  6   reprises avant la guerre. Je ne le connaissait pas bien, certes, mais

  7   j'avais d'excellents rapports avec son frère.

  8   Mme McHenry (interprétation). - Est-ce qu’il est arrivé que

  9   M. Buric vous fasse sortir pour que vous exécutiez une tâche précise ?

 10   Témoin B (interprétation). - Oui. Ceci se produisait souvent. Je

 11   ne peux pas vous dire exactement combien de fois cela s'est passé. Mais,

 12   en règle générale, c'était dans mon intérêt : il me demandait de laver sa

 13   voiture, ce qui me permettait de me laver moi aussi. Et souvent il m'a

 14   offert de la nourriture. En effet, de cette façon-là il pouvait m'en

 15   procurer. Lorsqu'il devait remplacer un garde, il me permettait de sortir

 16   parce que la température à l'intérieur du hangar était insupportable.

 17   C'était l'été. Pendant deux ou trois mois, il n'est pas tombé une goutte

 18   de pluie. Imaginez ce que cela donne lorsque vous êtes dans une structure

 19   métallique sous un toit en tôle ondulée. C'était pratiquement un plaisir

 20   de pouvoir sortir, quoi qu'on fasse, sauf pour les tabassages, bien sûr.

 21   Mais il me faisait sortir et nous avions des petites conversations.

 22   Mme McHenry (interprétation). - Et au cours de ces conversations

 23   que vous avez eues avec M. Buric, vous a-t-il donné des informations à

 24   propos des personnes pour lesquelles il travaillait et à propos de la

 25   structure et du fonctionnement du camp ?


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  1   Témoin B (interprétation). - Nous avons parlé un peu de tout.

  2   Nous évoquions tous les sujets possibles. Pendant toute cette période,

  3   j'avais l'impression qu'il s'excusait presque, qu'il éprouvait des

  4   difficultés à comprendre pourquoi tout ceci se passait, pourquoi les

  5   Croates et les Serbes luttaient les uns contre les autres. Il disait être

  6   horrifié par ce que faisaient les Musulmans à l'encontre des prisonniers

  7   et des prisonnières serbes du camp. Pavo et lui étaient les seuls Croates

  8   qui se trouvant au camp, du moins pendant que j'y étais moi.

  9   Mme McHenry (interprétation). -  Est-ce que M. Buric vous a

 10   jamais dit avoir parlé avec qui que ce soit du fait que vous seriez

 11   éventuellement maltraité ou que ces tabassages vous seraient épargnés ?

 12   Témoin B (interprétation). - C'est norrmal, c'est naturel,

 13   lorsque vous êtes dans une situation difficile, on essaie de s'en sortir

 14   et j'ai demandé à Buric s'il pouvait m'aider à sortir de cette situation.

 15   J'avais vu des personnes rouées de coups, d'autres étaient tuées, et Buric

 16   m'a promis de parler à Pavo. Il essayait de me protéger pour que rien de

 17   vraiment trop horrible ne m'arrive. Il est même arrivé qu'il me dise que

 18   Pavo lui avait dit de me dire de ne pas me préoccuper, qu'il ne

 19   m'arriverait rien. Tout était bien sûr effroyable. Mais quand je pense à

 20   des choses encore plus horribles, je pense à la mort.

 21   Mme McHenry (interprétation). - Savez-vous quand vous avez eu

 22   ces conversations avec M. Buric ? Ce sont-elles déroulées tout au long du

 23   temps que vous avez passé au camp ?

 24   Témoin B (interprétation). - Les cinq ou six premiers jours mis

 25   à part, nous avons eu ces conversations pendant tout mon séjour au camp.


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  1   Quelquefois, il m'appelait deux fois sur la journée, ou bien il lui

  2   arrivait d'être absent un jour ou deux. Mais nous avions de très fréquents

  3   contacts pendant tout mon séjour à Celebici.

  4   Mme McHenry (interprétation). - Pendant que vous étiez au camp,

  5   à combien de reprises avez-vous vu M. Mucic ?

  6   Témoin B (interprétation). - C'est difficile à dire avec

  7   précision, combien de fois ou à quelles occasions j'ai pu voir

  8   M. Mucic.Mais en moyenne, je dirais deux fois par mois, donc pas très

  9   souvent. La première fois, c'était tout de suite après que je sois arrivé

 10   et la fois suivante, ce fut dix jours plus tard. Puis, pendant un certain

 11   temps, je ne l'ai pas vu, peut-être que d'autres le voyaient car, comme je

 12   l'ai dit, je ne suis pas resté dans le hangar tout le temps, je

 13   travaillais souvent.

 14   Mme McHenry (interprétation). - Et à ces occasions, lorsque vous

 15   avez vu M. Mucic, où était-ce ? Etait-ce à l'intérieur ou l'extérieur du

 16   hangar ? Pouvez vous nous en dire plus ?

 17   Témoin B (interprétation). - La plupart du temps, c'était dans

 18   le hangar, Pavo Mucic. venait escorté par quelques gardes et il leur

 19   donnait l'ordre de rester près de la porte et de nous surveiller. Et il

 20   allait passer en revue les prisonniers. Il posait des questions. Parfois,

 21   il passait près du prisonnier sans poser de questions. En général les

 22   questions étaient : "Quel genre d'armes aviez vous ?" En tout cas, c'est-

 23   ce qu’il m'a demandé.

 24   Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que M. Delic avait un

 25   bureau dans le camp?


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  1   Témoin B (interprétation). - Oui.

  2   Mme McHenry (interprétation). - Et comment saviez-vous qu'il

  3   avait un bureau dans le camp ?

  4   Témoin B (interprétation). - Une fois, j'ai été emmené avec un

  5   autre prisonnier pour nettoyer la partie du camp où il y avait des

  6   bureaux. Et il y avait aussi un dortoir et une salle à manger. C'est là

  7   que M. Delic.avait un bureau. Il y avait aussi d'autres pièces dans ce

  8   bâtiment et on m'y a interrogé après qu'on m'ait amené à Celebici. Un

  9   garde, qui nous surveillait pendant que nous travaillions, a dit à l'autre

 10   prisonnier :"Va là-bas nettoyer le bureau de Pavo". C'est cette phrase qui

 11   m'a fait croire que Pavo avait un bureau dans ce bâtiment.

 12   Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelque

 13   chose sur le moment au cours duquel cette conversation a pris place ? Est-

 14   ce que c'était au début de votre séjour? Pouvez-vous nous citer le mois de

 15   cette conversation ? Je fais référence ici à cette conversation au cours

 16   de laquelle le prisonnier a reçu instruction d'aller nettoyer le bureau de

 17   Pavo ?

 18   Témoin B (interprétation). - Il est difficile pour moi de vous

 19   donner une date. Je crois que c'était la deuxième moitié du mois de

 20   juillet. Environ un mois après que je sois arrivé au camp.

 21   Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, saviez-vous qui était

 22   le commandant du camp ?

 23   Témoin B (interprétation). - Je pensais que le commandant du

 24   camp était Pavo Mucic. Quand on arrive quelque part, on demande d'abord où

 25   on est, qu'est-ce que c'est. On essaie d'avoir des renseignements autant


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  1   que possible. Et tout le monde voulait savoir qui était le commandant du

  2   camp. Il y avait aussi d'autres raisons à cela: Il y a des gens qui ont

  3   peut-être pensé que ce serait un ami à eux, ou bien qu'il y aurait un ami

  4   à eux dans le camp qui pourrait les aider. On essayait donc de savoir qui

  5   était le commandant du camp, qui d'autre se trouvait dans le camp, etc.,

  6   dans l'espoir de pouvoir en tirer un parti quelconque. C'est donc pour

  7   cette raison que nous avons posé des questions aux gens qui se trouvaient

  8   déjà dans le camp et que nous avons appris qui était le commandant du

  9   camp.

 10   Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que ces conversations

 11   avec M. Buric vous ont également permis d'apprendre quelque chose sur la

 12   personne qui commandait le camp ?

 13   Témoin M (interprétation). - Une fois, par plaisanterie, j'ai

 14   dit à Buric : "Qui garde-tu ici ? Dès que Mucic sera parti, M. Delic te

 15   fera garde dans le camp". Et Buric m'a répondu : "Tant que Pavo sera ici,

 16   il n'y aura pas de problème. Monsieur Delic.peut faire ce qu'il veut, je

 17   n'aurai pas à travailler comme garde".

 18   Mme McHenry (interprétation). - Très bien. Qu'avez-vous compris

 19   quant au rôle de M. Delic dans le camp?

 20   Témoin B (interprétation). - Certains gardes s'adressaient à

 21   M. Delic en l'appelant "commandant" et c'est lui qui avait la charge des

 22   prisonniers ainsi que celle des gardes et des tours de garde, et de tout

 23   ce qui concernait le hangar ou les prisonniers. Je sais qu'un certain

 24   nombre d'entre eux s'adressaient à lui en disant "commandant". J'ai donc

 25   pensé qu'il était le commandant des gardes. Il semblait venir en second.


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  1   Peut-être était-il en fait le commandant le plus important. C'est-ce que

  2   j'ai cru comprendre sur la base des fonctions qu'il avait.

  3   Mme McHenry (interprétation). - Quand vous étiez dans le camp,

  4   avec quelle fréquence voyiez-vous M. Delic ?

  5   Témoin B (interprétation). - Je ne sais pas. Un jour pouvait

  6   passer sans que je voie Delic. Souvent je le voyais plusieurs fois dans la

  7   journée, donc très souvent. On peut dire que je le voyais presque

  8   quotidiennement.

  9   Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous jamais été interrogé

 10   pendant que vous étiez dans le camp ?

 11   Témoin B (interprétation). - Oui. J'ai été interrogé à peu près

 12   sept jours après mon arrivée dans le camp. Ces interrogatoires avaient

 13   déjà commencé plus tôt, mais mon tour est venu à peu près sept jours plus

 14   tard. Il y avait un groupe de cinq ou six personnes. Des groupes d'à peu

 15   près cinq ou six personnes étaient constitués, qui  recevaient l'ordre de

 16   s'asseoir sur le sol en béton, devant le bâtiment de l'administration où

 17   se trouvaient les bureaux, les mains en l'air. On devait garder les mains

 18   en l'air pendant tout le temps que nous attendions. Ensuite, nous étions

 19   appelés à l'intérieur et on devait faire une déclaration. Cela s'est passé

 20   pour moi à peu près sept jours après mon arrivée au camp.

 21   Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous dire qui vous a

 22   interrogé et quel traitement vous a été réservé pendant l'interrogatoire ?

 23   Témoin B (interprétation). - J'ai été interrogé par Mladen

 24   Zovko. Je ne sais pas le poste qu'il occupait à ce moment-là, mais c'est

 25   lui qui m'a interrogé. A cet interrogatoire, il y avait aussi une femme


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  1   dont j'ai oublié le nom, mais elle tapait à la machine pendant que je

  2   parlais, et on m'a posé des questions sur cette dernière période. Puis

  3   ceux qui m'interrogeaient faisaient une sorte de résumé de ce que j'avais

  4   dit et le dictaient à la dactylo. Je n'étais pas obligé de répondre de

  5   telle ou telle manière, et je suis sûr qu'à ce moment-là, ce qui était

  6   dicté à la dactylo était exact. En d'autres termes, j'étais tout à fait

  7   d'accord avec ce qu'on dictait à la dactylo, mais je n'ai pas eu le temps

  8   après de lire la déclaration. Je l'ai signé, et je suis retourné au

  9   hangar.

 10   Mme McHenry (interprétation). - Vous a-t-on jamais donné les

 11   résultats de l'interrogatoire ou bien ne vous a-t-on jamais expliqué les

 12   raisons pour lesquelles vous étiez détenu ?

 13   Témoin B (interprétation). - Non, jamais. Quand j'ai vu que

 14   j'allais être interrogé, j'ai espéré que ce serait là la possibilité pour

 15   moi de sortir du camp puisque je pensais qu'on n'avait rien à me

 16   reprocher. Mais il n'y a pas eu de résultat, et les possibilités de

 17   quitter le camp ne se sont pas vérifiées. J'ai demandé à quelqu'un, je ne

 18   sais plus qui, pourquoi on me gardait, de quoi j'étais coupable, et on m'a

 19   répondu : "Tu es coupable parce que tu es serbe".

 20   Mme McHenry (interprétation). - Monsieur B, pendant que vous

 21   étiez au camp de Celebici, avez-vous été vous-même maltraité ?

 22   Témoin B (interprétation). - Une ou deux fois, Hazim Delic m'a

 23   frappé. Excusez-moi si je ne prononce pas son nom correctement. La

 24   première fois, il m'a frappé à la poitrine alors que j'étais assis. Il est

 25   passé à côté de moi et il m'a frappé. La deuxième fois, il m'a frappé avec


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  1   une batte de base-ball. C'était plus tard. Je ne peux pas dire que c'était

  2   un coup particulièrement fort. La seule fois où j'ai été passé à tabac,

  3   c'est tout de suite après la visite de la Croix-Rouge...

  4   Mme McHenry (interprétation). - Avant que vous ne parliez de

  5   cette visite, est-ce que vous avez pu voir qu'un instrument quelconque

  6   était utilisé contre les prisonniers ?

  7   Témoin B (interprétation). -  Hazim Delic utilisait souvent une

  8   batte de base-ball. Pendant tout un temps... Je ne sais pas comment

  9   appeler cet instrument... C'était un appareil qui provoquait des secousses

 10   électriques. Il le plaçait sur la peau et cela provoquait des secousses.

 11   Je ne sais pas comment l'appeler. Je sais que c'était très désagréable. Et

 12   lui trouvait cela très amusant et il l'a fait à beaucoup de prisonniers.

 13   Mme McHenry (interprétation). -  Vous dites que c'était très

 14   désagréable. Comment savez-vous que c'était très désagréable ?

 15   Témoin B (interprétation). - Je sais que c'était très

 16   désagréable parce qu'il me l'a fait aussi.

 17   Mme McHenry (interprétation). -  Merci. Très bien. Monsieur,

 18   vous commenciez à décrire ce qui s'était passé tout de suite après la

 19   visite de la Croix-Rouge. Tout d'abord, pouvez-vous nous dire à peu près

 20   quand la Croix-Rouge a visité le camp ?

 21   Témoin B (interprétation). - Je peux vous dire que cette visite

 22   a eu lieu à peu près dans la première moitié du mois d'août, peut-être

 23   vers le 10 août. Mais je ne suis pas sûr de la date exacte. Première

 24   moitié du mois d'août, vers le 10 août.

 25   Mme McHenry (interprétation). - Veuillez poursuivre et nous


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  1   raconter ce qui s'est passé et comment vous avez été maltraité après la

  2   visite de la Croix-Rouge.

  3   Témoin B (interprétation). - Après la visite de la Croix-Rouge,

  4   très peu de temps après le départ de la Croix-Rouge, les portes du hangar

  5   étaient fermées, nous avons entendu des bruits de pas et nous avons su

  6   ainsi qu'il y avait un groupe assez important de gens qui arrivaient.

  7   C'était un groupe mené par Hazim Delic, un groupe de gardes, je crois

  8   qu'il y en avait huit, divisé en deux groupes de quatre, qui sont entrés

  9   par deux côtés, et chaque prisonnier a été battu par un groupe de quatre

 10   gardes. Je me souviens qu'à ce moment-là, j'ai reçu beaucoup de coups et

 11   j'en ai ressenti des séquelles après ma libération.

 12   Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que quelqu'un dirigeait

 13   ces passages à tabac infligés aux prisonnierx et pouvez-vous nous décrire

 14   de façon précise ce qui vous est arrivé ?

 15   Témoin B (interprétation). - Hazim Delic était debout, près de

 16   moi, assez près de moi, et pas loin de la porte. Et il disait : "Pas trop

 17   fort pour lui". Il voulait que certains prisonniers soient plus ou moins

 18   battus . Je ne sais pas très bien quel était le critère qu'il appliquait,

 19   mais je sais que quand les gens de la Croix-Rouge sont venus, ils ont

 20   fermé la porte du hangar, et en principe nous étions libres de parler à

 21   ces gens, mais personne n'osait s'approcher de la Croix-Rouge. Personne ne

 22   voulait être près d’eux ou leur dire quoi que ce soit, car on craignait

 23   toutes sortes de chose. Je pense qu'on craignait leur présence et les

 24   interprètes, il y en avez qui venaient de Mostar, notamment une qui venait

 25   de Mostar dont je ne me souviens pas le nom.


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  1   A un moment donné, je me suis approché de ces personnes de la

  2   Croix-Rouge. J'ai demandé si l'interprète parlait français. On m'a dit

  3   qu’il n’interprétait que l'anglais. Puisque j'avais étudié le français

  4   avant la guerre, j'ai essayé de parler en français et d'expliquer les

  5   conditions de détention au camp, ce qui se passait, ce qu'on nous faisait

  6   subir. Il a alors demandé aux autres prisonniers de raconter ce qui se

  7   passait dans le camp.

  8   Dans un groupe de prisonniers, il y a toujours quelqu'un qui

  9   essaie d’avoir son avantage, peut-être pour avoir un peu plus de pain, ou

 10   autre chose. Je crois que quelqu'un a donné mon nom et c'est pourquoi j'ai

 11   été frappé après la visite. Cela m'a étonné parce que jusque-là on ne

 12   m'avait pas beaucoup frappé.

 13   Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous dire qui vous a

 14   frappé de façon précise, comment cela s'est-il passé ?

 15   Témoin B (interprétation). - Voilà la procédure précise : nous

 16   avons dû tous nous asseoir, le visage tourné vers le mur. Nous devions

 17   tous mettre les mains derrière la nuque pour que les gardes puissent nous

 18   frapper. Nous étions tous dans cette position et le groupe de gardes est

 19   passé pour frapper chacun des prisonniers. J'ai l'impression que certains

 20   prisonniers ont été frappés plus que d'autres, mais la procédure suivie a

 21   été la même pour tous. Si quelqu'un tombait après les premiers coups, les

 22   gardes attendaient. Il fallait se relever pour que les autres gardes

 23   puissent continuer à frapper.

 24   Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, pendant votre séjour à

 25   Celebici, avez-vous été le témoin de sévices infligés à d'autres


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  1   prisonniers ?

  2   Témoin B (interprétation). - Oui. Cela se passait presque tous

  3   les jours et même tous les jours. Par exemple, Esad Landzo ou Hazim Delic

  4   venaient et disaient : "Très bien, tous ceux de Bradina debout". Les

  5   personnes de Bradina devaient se lever, ils les passaient alors en revue

  6   et les frappaient.

  7   Le vrai cauchemar, c'est quand il commençait à faire nuit.

  8   Presque toutes les nuits, des gardes faisaient sortir des prisonniers pour

  9   les frapper ou les tuer.

 10   Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous jamais été le témoin

 11   de mauvais traitements ou d'incidents qui ont entraîné la mort de

 12   prisonniers ?

 13   Témoin B (interprétation). - Oui. Effectivement. J'ai vu une

 14   fois un de ces meurtres, quand Esad Landzo a tué Bosko Samoukovic. Il l'a

 15   fait devant nous tous. Nous étions trois cent cinquante ou quatre cents,

 16   et cela s'est passé peut-être à deux ou trois mètres de l’endroit où je me

 17   trouvais. Il a tué cet homme.

 18   Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous décrire de façon

 19   précise ce que vous avez vu ?

 20   Témoin B (interprétation). - J’ai vu Landzo entrer par la porte

 21   et donner l'ordre à Bosko Samoukovic de se lever. Ce dernier était un

 22   homme âgé, déjà frêle. Il avait peut-être soixante-dix ans. Landzo a

 23   commencé à le frapper sauvagement devant moi. Je pense qu'il l'a d'abord

 24   frappé avec la crosse d'un fusil. Bosko est tombé, mais l'autre a continué

 25   à le frapper à coups de bottes sur tout le corps. A la fin, il a ramassé


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  1   un bâton ou quelque chose et l’a achevé. Je ne sais pas s'il était déjà

  2   mort à ce moment-là ou s'il est mort le jour suivant, quand Hazim Delic

  3   est venu.

  4   Le jour suivant, Hazim Delic est entré dans le hangar et a

  5   demandé à un des fils de Bosko Samoukovic qui était là : "Savez-vous ce

  6   qui s'est passé, ce qui est arrivé à votre père ?". Il a dit : "Il est

  7   mort, cela doit être le froid". "Vous pensez qu'il a attrapé froid !" Ce

  8   sont les paroles de Delic. Il est difficile pour moi de me souvenir

  9   exactement parce que lorsque Delic parlait aux prisonniers, il était très

 10   cynique, mais c'est ce dont je me souviens. Delic a dit que Samoukovic

 11   était mort d’un refroidissement.

 12   Mme McHenry (interprétation). - Très bien. Est-ce qu’il y avait

 13   un prisonnier appelé Zeljko Klimenta au camp de Celebici lorsque vous y

 14   étiez ?

 15   Témoin B (interprétation). - Oui.

 16   Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous dire ce que

 17   vous avez vu ou entendu s’agissant de ce prisonnier ?

 18   Témoin B (interprétation). - Zeljko Klimenta a été tué au camp,

 19   un jour ou deux, disons plusieurs jours avant la visite de la Croix-Rouge.

 20   Je ne sais pas exactement à quelle date, un soir, en passant.

 21   Zeljko Klimenta était propriétaire de plusieurs cafés à Konjic.

 22   On disait de lui que c'était un excellent homme d'affaires. On lui

 23   réservait un traitement différent. On le faisait sortir souvent et il

 24   recevait des cigarettes.

 25   La plupart des personnes, à Konjic, le connaissaient. Beaucoup


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  1   pouvaient venir au camp frapper des prisonniers, mais ils pouvaient aussi

  2   rendre visite aux prisonniers du camp. Les gardes faisaient sortir des

  3   prisonniers du hangar pour qu'ils puissent parler à ceux qui venaient leur

  4   rendre visite.

  5   J'ai pu entendre, pas très loin de moi, de l'autre côté du

  6   hangar, de l'autre côté de la paroi en tôle du hangar, que quelqu'un

  7   demandait à Zelko Klimenta de sortir. J'ai entendu Delic dire à un certain

  8   Emir : "Je ne sais pas, je suis un peu... Emir, fais ce qu'il te plaît, il

  9   n'est pas censé vivre plus longtemps que jusqu'à demain". Cela s'est passé

 10   la veille du jour où Zeklo Klimenta a été tué.

 11   Mme McHenry (interprétation). - Très bien. Veuillez continuer.

 12   Après cette conversation que vous avez entendue et à laquelle participait

 13   M. Delic, avez-vous pu observer quelque chose concernant M. Klimenta ?

 14   Témoin M (interprétation). - Klimenta est revenu dans le hangar,

 15   comme je l’ai dit, après la nuit tombée. Je ne me souviens plus exactement

 16   si quelqu'un avait été battu et frappé cette nuit-là, mais nous dormions

 17   sur le sol en béton, donc on ne s'endormait pas profondément.

 18   Le matin, quelqu'un a appelé Klimenta, l’a fait sortir pour

 19   prendre un café avec les gardes. Cela arrivait aussi parfois. C'était donc

 20   tôt le matin, quatre ou cinq heures du matin. Il est sorti, je n'ai pas

 21   attaché beaucoup d'importance à ce fait à ce moment-là, mais tout d'un

 22   coup nous avons entendu un coup de feu, nous avons tous sursauté.

 23   Tout de suite après le coup de feu, le prisonnier qui s'appelait

 24   Martic est entré en courant dans le hangar et nous a dit : "Keljo a été

 25   tué". C'était le surnom de Klimenta. Il s'est assis à sa place et a


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  1   commencé à pleurer. Peu de temps après, la porte a été fermée.

  2   Nous nous taisions tous et attendions de savoir ce qui allait se

  3   passer. Des prisonniers ont entendu leur nom, ont dû sortir et rincer le

  4   sang. Le corps était juste devant le hangar. Il avait sans doute été tué

  5   alors qu'il revenait vers le hangar. Il a été abattu dans le dos. Des

  6   prisonniers ont été appelés pour évacuer le corps et nettoyer le sang.

  7   C'était deux ou trois jours avant la visite de la Croix-Rouge.

  8   Moi, je voulais juste survivre. Nous sommes sortis pour aller

  9   aux toilettes. Quand nous sommes ressortis, il n'y avait plus de trace ni

 10   du corps ni de sang sur le sol.

 11   M. le Président (interprétation). - Je suppose que nous pouvons

 12   procéder à la pause. Nous nous retrouverons à 14 heures 30.

 13   Mme McHenry (interprétation). - Merci.

 14   L'audience, suspendue à 13 h, est reprise à 14 h 40.

 15   (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

 16   M. le Président (interprétation). - Peut-on rappeler au témoin

 17   qu'il témoigne toujours sous serment ?

 18   M. le Greffier. - Je vous rappelle que vous témoignez toujours

 19   sous serment.

 20   M. le Président (interprétation). - Vous pouvez poursuivre,

 21   Maître McHenry.

 22   Mme McHenry (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 23   Monsieur, un des détenus s'appelait-il Scepo Gotovac à Celebici ?

 24   Témoin B (interprétation). - Oui.

 25   Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous me dire, je vous


Page 4911

  1   prie, si vous avez vu de vos yeux ou entendu quelque chose à l'époque qui

  2   avait un rapport avec M. Gotovac ?

  3   Témoin B (interprétation). - Scepo Gotovac a été amené quelques

  4   jours après mon arrivée dans le camp. Un jour, après l'avoir frappé, la

  5   porte du bâtiment s'est ouverte et ils l'ont jeté à l'intérieur du

  6   bâtiment. A ce moment-là, j'ai vu Zenga et Hazim Delic. Il a été jeté à

  7   côté de moi, il s'est assis.

  8   Delic lui a dit qu'au cours de la deuxième guerre mondiale, il

  9   avait tué deux Musulmans à l'endroit même où se trouvait le camp. Il lui a

 10   dit qu'il ne devait pas espérer sortir vivant du camp. Après cela, il a

 11   essayé de se défendre avec des mots. Il a dit qu'il n'avait jamais tué

 12   personne. Ils nous ont même lancé un certain nombre de phrases, à nous,

 13   les autres détenus, après être sortis en fermant la porte derrière eux.

 14   Ce soir là, Scepo Gotovac a été frappé à deux reprises. D'abord

 15   le soir même. On l'a fait sortir et il a été frappé pendant assez

 16   longtemps. Nous entendions les plaintes, les gémissements. Ce n'est pas à

 17   ce moment-là qu'il a été tué. Il est rentré. Je crois que c'est le

 18   lendemain soir.

 19   Il était encore allongé au sol, en très mauvais état. On lui a

 20   de nouveau, le soir suivant, donné l'ordre de sortir. Esad Landzo est

 21   entré dans le hangar. Je crois que Delic était à l'extérieur, pas loin de

 22   la porte. Il ne voulait pas sortir, il a essayé de se défendre. Ordre a

 23   été donné à deux autres détenus de se mettre debout et de le faire sortir

 24   de force. Quand il est sorti, cela se passait tout près de l'endroit où

 25   j'étais moi-même dans le hangar, ils ont commencé à le frapper. D'après le


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  1   nombre des coups, d'après ce qu'on pouvait entendre, d'après les

  2   mouvements qu'on entendait, on pouvait penser qu'il y avait beaucoup de

  3   monde à l'extérieur, qu'ils étaient nombreux, qu'il y avait plus qu'un

  4   seul homme. C'était incroyable, en tout cas c'est l'impression que que

  5   j'ai eue, incroyable d'entendre combien ils le frappaient.

  6   A un moment, je suppose qu'ils se sont fatigués. Zenga a

  7   dit : "Laisse-le moi". A ce moment-là, on a entendu des coups assénés par

  8   un seul homme, des coups très durs, des coups sur tout le corps. Au bout

  9   de quelque temps, nous, qui étions tout près, nous n'avons plus entendu de

 10   coups ni de plaintes. Il n'y avait plus aucune résistance, plus aucun

 11   gémissement, plus aucun cri. On n'entendait plus que le bruit des coups

 12   sur un corps humain et rien d'autre.

 13   Après quelque temps, quelqu'un est entré et a donné l'ordre à

 14   des détenus, assis près de la porte, de sortir pour ramasser le corps.

 15   Evidemment ils ont été obligés de le faire, ils ont ramassé le corps, et

 16   Esad Landzo a dit que si quelqu'un lui enlevait le badge qu'il avait sur

 17   le front, il le tuerait. En effet, quelqu'un avait accroché à son front le

 18   badge du parti démocratique serbe. Et M. Gotovac est resté allongé peut-

 19   être deux ou trois jours -je ne sais pas exactement- tout près de moi.

 20   Evidemment, personne n'a eu le courage de lui enlever le badge qu'il avait

 21   sur le front. Et je ne sais pas qui, plus tard, a reçu l'autorisation

 22   d'enlever le corps. C'était d'ailleurs presque toujours la même équipe.

 23   C'étaient ceux qui étaient assis le plus près de la porte qui ramassaient

 24   les corps, et ce sont eux qui ont ramassé son corps et qui l'ont mis près

 25   du hangar, à l'extérieur.


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  1   M. Olujic (interprétation). - Je vous prie de m'excuser, mais,

  2   encore une fois, à cause du paravent, M. Mucic ne peut pas du tout voir le

  3   témoin. Je prierai donc qu'on écarte un peu le paravent pour que mon

  4   client puisse voir le témoin.

  5   Mme McHenry (interprétation). - Peut-être pourrait-on également

  6   demander au témoin de s'avancer un peu. Je ne sais pas si ce serait bien.

  7   M. le Président (interprétation). - Oui. Mais on peut aussi

  8   écarter un peu les côtés du paravent pour que la vue soit plus dégagée.

  9   Témoin B (interprétation). - C'est peut-être mieux d'agir au

 10   niveau du paravent.

 11   M. le Président (interprétation). - Pouvez-vous l'écarter un peu

 12   plus ?

 13   M. Olujic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 14   Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, lorsque vous dites que

 15   le corps est resté sur place pendant deux jours, M. Gotovac était-il mort

 16   ou vivant à ce moment-là ? Et de quelle façon concluez-vous qu'il était

 17   mort ou vivant ?

 18   Témoin B (interprétation). - Je ne suis pas médecin, voyez-vous,

 19   pour tirer une conclusion de ce genre. Mais si quelqu'un reste dans la

 20   même position, jour et nuit, pendant deux jours, sans bouger, et ne

 21   respire pas, je crois qu'il est mort.

 22   Mme McHenry (interprétation). - Merci. Monsieur, est-ce qu'un

 23   prisonnier portait le nom de Simo Jovanovic dans le camp ?

 24   Témoin B (interprétation). - Oui.

 25   Mme McHenry (interprétation). - Pourriez-vous, je vous prie,


Page 4914

  1   dire aux juges ce que vous avez observé de ce qu'a vécu Jovanovic ?

  2   Témoin B (interprétation). - Oui. Simo Jovanovic était un homme

  3   qui avait à peu près soixante ans et qui était déjà dans le camp avant mon

  4   arrivée. J'ai entendu dire que, même avant mon arrivée dans le camp, il

  5   avait été terriblement passé à tabac.

  6   Mme McMurrey (interprétation) - Monsieur le Président,

  7   l'accusation sait bien qu'il faut que les fondements juridiques existent

  8   pour que le témoin puisse être interrogé au sujet de ce qui s'est passé

  9   dans le camp. Je demande donc que ces fondements soient établis quant au

 10   récit d'informations de deuxième main.

 11   Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, pouvez-vous nous dire

 12   ce que vous avez vu de vos yeux, ou entendu personnellement quant au

 13   traitement qui a été réservé à M. Jovanovic après votre arrivée dans le

 14   camp ?

 15   Témoin B (interprétation). - Monsieur Simo Jovanovic était déjà

 16   en assez mauvais état lorsque je l'ai vu dans le camp, et je ne sais pas

 17   exactement à quel moment, durant mon séjour dans le camp, Jovanovic a

 18   reçu, un soir, l'ordre de sortir. A ce moment-là, j'ai vu Esad Landzo -que

 19   tout le monde appelait Zenga- entrer accompagné d'un homme que je ne

 20   connaissais pas. Plus tard, ils ont dit que cet homme venait du village où

 21   était né Simo Jovanovic. Est-ce exact ou pas ? Je ne sais pas. Et il a dû

 22   sortir.

 23   Ce qui était très caractéristique, c'est qu'avant qu'il ne

 24   sorte, il y a eu un certain nombre d'échanges verbaux : "Sors ! Nous ne te

 25   ferons rien de mal, nous sommes amis", des phrases de ce genre. Et,


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  1   lorsqu'il est sorti, les coups ont commencé immédiatement. Ils ont

  2   commencé à le frapper. C'étaient certainement plusieurs hommes, encore une

  3   fois, qui le frappaient. On a entendu des cris et des gémissements

  4   terribles. Et, plus tard, lorsque j'ai parlé avec des gens dans le camp,

  5   j'ai constaté qu'il y avait des gens qui habitaient à 500 mètres ou un

  6   kilomètre dans le village de Celebici, à 500 mètres ou un kilomètre du

  7   camp, et qui, pendant ces passages à tabac...

  8   Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, encore une fois, je

  9   vous demande si vous pouvez nous dire ce que vous avez vu ou entendu vous-

 10   même eu égard à M. Jovanovic.

 11   Témoin B (interprétation). - Oui, d'accord.

 12   Mme McHenry (interprétation). - Pendant ce passage à tabac que

 13   vous avez entendu à l'extérieur, avez-vous pu entendre la voix de

 14   quelqu'un en particulier ?

 15   Témoin B (interprétation). - J'ai eu l'impression d'entendre la

 16   voix de Esad Landzo. Evidemment, c'était toujours une voix parmi d'autres.

 17   J'ai l'impression personnellement d'avoir entendu sa voix. Je ne sais pas

 18   combien de temps le passage à tabac a duré ; je crois qu'il a duré assez

 19   longtemps et, après quelques temps, il est difficile de dire exactement

 20   qui est entré parce que cela se passait toujours le soir ou dans

 21   l'obscurité mais, en tout cas, quelqu'un est entré et a donné l'ordre de

 22   rapporter son corps.

 23   Et le matin, lorsque nous nous sommes réveillés, lorsque le jour

 24   est venu, nous l'avons vu mort. Lui aussi est resté au moins deux jours

 25   sur les lieux et, au bout de deux jours, un détenu, qui connaissait peut-


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  1   être mieux les gardiens, a demandé qu'on enlève le corps parce qu'il

  2   faisait une chaleur insupportable dans le hangar et nous avions tous un

  3   peu peur que le corps se mette à sentir ou quelque chose de ce genre. Avec

  4   deux ou trois autres détenus, j'ai donc moi-même emporté son corps à

  5   l'extérieur. Nous l'avons placé derrière le hangar. Je crois que nous

  6   l'avons recouvert d'une vieille chemise militaire des soldats de

  7   l'ancienne armée populaire yougoslave. Je ne sais pas exactement combien

  8   de temps le corps est resté derrière le hangar et quand il a été emporté

  9   définitivement.

 10   Mme McHenry (interprétation). - Pendant le temps où le corps

 11   s'est trouvé dans le hangar, est-ce qu’il était immobile, est-ce qu’il

 12   respirait ?

 13   Témoin B (interprétation). - Non., non, on n'entendait pas de

 14   respiration, et il était immobile.

 15   Mme McHenry (interprétation). - Vous avez évoqué plusieurs fois

 16   le nom d'Esad Landzo, surnommé Zenga, dans le camp. Connaissiez-vous

 17   M. Landzo avant la guerre ?

 18   Témoin B (interprétation). - Je n'ai jamais personnellement fait

 19   la connaissance de Landzo. Je ne le connaissais pas personnellement. J'ai

 20   peut-être vu ce garçon une fois ou deux dans la vie. Son visage ne mettait

 21   pas inconnu, c'est tout ce que je peux dire, mais je n'ai jamais eu le

 22   moindre contact personnel avec lui.

 23   Mme McHenry (interprétation). - Mais lorsque vous dites que vous

 24   pouviez reconnaître son visage, vous parlez de la période antérieure à

 25   votre arrivée dans le camp ?


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  1   Témoin B (interprétation). - Oui. Quand je l'ai vu dans le camp,

  2   j'ai vu que c'était quelqu'un dont le visage ne m'était pas étranger, mais

  3   je ne connaissais ni son nom ni son prénom. Nous n'avions donc jamais eu

  4   de contact personnel ; nous ne nous connaissions pas et je n'ai jamais

  5   appris comment il s'appelait.

  6   Mme McHenry (interprétation). - Et, lorsque vous étiez dans le

  7   camp, avec quelle fréquence est-ce que vous voyiez Esad Landzo ?

  8   Témoin B (interprétation). - Très souvent.

  9   Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, est-ce que vous avez

 10   vu d'autres mauvais traitements infligés à des prisonniers, et même des

 11   mauvais traitements qui n'auraient pas abouti à la mort du prisonnier ?

 12   Témoin B (interprétation). - Presque tous les jours.

 13   Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous, je vous prie, nous

 14   dire ce que vous avez personnellement vu s'agissant de mauvais traitements

 15   infligés à d'autres prisonniers ?

 16   Témoin B (interprétation). - Je vais essayer de vous parler

 17   brièvement de quelques-uns des mauvais traitements, même s'il me paraît

 18   impossible de les décrire tous compte tenu du peu de temps dont nous

 19   disposons. Esad Landzo était le plus actif dans ces mauvais traitements ;

 20   c'est celui qui avait le plus d'imagination pour inventer toutes sortes de

 21   formes de sévices. Et certaines de ses spécialités consistaient à mettre

 22   le feu à certaines parties des corps de tel ou tel détenu.

 23   Mme McMurrey (interprétation) - Monsieur le Président, excusez-

 24   moi, mais je demande encore une fois que le fondement juridique soit

 25   établi et qu'on sache si le témoin parle de ce qu'il a vu personnellement


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  1   ou de ce qu'il a obtenu comme informations de seconde main. Je demande que

  2   le fondement soit établi.

  3   M. le Président (interprétation). - Il a dit au préalable qu'il

  4   n'allait citer que quelques-uns des mauvais traitements et je pense qu'il

  5   a bien dit qu'il ne parlait que de ce qu'il avait vu. Pour l'instant, il a

  6   simplement dit que l'un d'entre eux était très imaginatif, mais il n'a pas

  7   dit qu'il tenait ces informations de quelqu'un d'autre.

  8   Mme McMurrey (interprétation) - Je pense qu'il serait bon que

  9   Me McHenry demande au témoin de ne parler que de ce qu'il a vu lui-même ou

 10   de ce qu'il a entendu lui-même.

 11   M. le Président (interprétation). - Je ne vois pas très bien

 12   quel est le but de votre remarque.

 13   Mme McHenry (interprétation). - Puis-je poursuivre, Monsieur le

 14   Président ?

 15   M. le Président (interprétation). - Oui, vous le pouvez.

 16   Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, pouvez-vous continuer

 17   à nous dire ce que vous avez vous-même vu faire par Zenga ?

 18   Témoin B (interprétation). - Je répète que je vais essayer de

 19   vous faire part de quelques-uns seulement des exemples de ces mauvais

 20   traitements que j'ai vus de mes yeux et qui se sont déroulées près de moi.

 21   Un jour, deux frères étaient assis dans le hangar à même le sol.

 22   Je ne connais pas leur identité exacte. Ce qui s'est passé, c'est qu'en

 23   fait, il les a forcés à pratiquer une fellation devant tout le monde et à

 24   avoir un rapport sexuel. C'est vraiment très difficile de vous raconter

 25   cela. Quand je me rappelle l'événement, ces deux jeunes gens et combien je


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  1   pleurais. Je me rappelle que nous devions tous regarder cela, alors que

  2   pour lui c'était simplement un passe-temps, c'est vraiment pénible.

  3   Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, en dehors de la

  4   fellation, est-ce que vous avez vu quoi que ce soit d'autre qui soit

  5   arrivé à l'un ou autre de ces deux frères ?

  6   Témoin B (interprétation). - Il les a forcés à se frapper l'un

  7   l'autre. Ils ont donc été obligés de se porter des coups l'un à l'autre.

  8   Si l'un des deux frappait trop faiblement l'autre, il le forçait à

  9   recommencer en utilisant toute sa force.

 10   Ensuite, il a pris, je ne sais pas exactement ce que c'était,

 11   est-ce que c’était une mèche ou autre chose, en tout cas un objet qu'on

 12   utilise avec des explosifs. Il les a forcés à relever leur chemise, à

 13   dénuder la partie supérieure du corps. Il leur a entouré la poitrine avec

 14   cette mèche. A l'extrémité de la mèche qui était disponible, il a mis le

 15   feu. Il les a obligés, en leur donnant l'ordre de ne pas bouger, à rester

 16   immobile, sur place. S'ils faisaient le moindre geste, ils se faisaient

 17   frapper.

 18   J'ai du mal à me rappeler les noms parce que je ne connaissais

 19   pas le nom de tous les détenus. Mais il lui arrivait de s'approcher d'un

 20   des détenus et de lui donner l'ordre de faire des pompes, c'est-à-dire de

 21   faire peser son poids sur les mains, de monter et descendre. Pendant que

 22   le détenu faisait des pompes, de toutes des forces, il lui donnait des

 23   coups de pied dans le corps. Je n'exagère vraiment pas, j'ai vu au moins

 24   une vingtaine de fois cette gymnastique. Quand il frappait, il donnait des

 25   coups à ce qu'on peut vraiment appeler des cadavres en train de faire de


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  1   la gymnastique.

  2   Un jour, tout près de moi, il a passé sur une flamme quelque

  3   chose qu'on pourrait appeler une pince. Il l'a passée sur une flamme.

  4   Ensuite, il a placé cette pince dans le nez, la bouche, les oreilles d'un

  5   détenu qui venait du village de Bradina. Il l'a torturé comme cela. Cela

  6   met difficile aujourd'hui de vous décrire toutes les formes de tortures

  7   que j'ai vues personnellement.

  8   Devant moi, un ancien chauffeur de taxi, je crois qu'il

  9   s'appelait Bendzo, s’est déshabillé. Il avait la jambe complètement

 10   brûlée. Nedjo Graganic, un détenu, lui a versé de l'essence sur la jambe,

 11   toute sa jambe a brûlé, depuis le genou jusqu'en bas. Tout cela, dans une

 12   saleté indescriptible et avec une température très élevée, dans une très

 13   grande chaleur.

 14   Mme McHenry (interprétation). - Les blessures qu'on eu les

 15   hommes qui ont subi ces sévices sont-elles restées visibles par la suite,

 16   dans certains cas ?

 17   Témoin B (interprétation). - Oui.

 18   Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, à quelle moment avez-

 19   vous quitté Celebici ?

 20   Témoin B (interprétation). - J'ai quitté Celebici dans la

 21   deuxième quinzaine du mois d’août. J'ai été transféré au centre de sports

 22   de Konjic.

 23   Mme McHenry (interprétation). - Combien de temps êtes-vous resté

 24   dans ce centre sportif de Konjic ?

 25   Témoin B (interprétation). - Une dizaine de jours au plus.


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  1   Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, dans quelles

  2   circonstances avez-vous quitté le camp de Musala ?

  3   Témoin B (interprétation). - J'ai été échangé un jour, un

  4   gardien est venu, il m'a donné l'ordre de sortir. Je suis sorti. Dehors,

  5   il y avait quelques gardes et d'autres hommes.

  6   Pavo Mucic m'a donné une feuille de papier. Je crois que, dans

  7   le titre, il était écrit : "République de Bosnie-Herzégovine -

  8   municipalité de Konjic", je ne sais pas exactement. Il était écrit : "Les

  9   accusations et la détention de Zelenic sont terminées et le

 10   détenu est envoyé pour un échange".. Alors, j'ai dû accepter l'échange.

 11   Enfin, je n'étais pas obligé, mais j'ai dû l'accepter.

 12   Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, lorsque vous avez reçu

 13   ce document de M. Mucic, était-il déjà rempli et signé, ou une partie de

 14   cette procédure s'est-elle déroulée sous vos yeux, en votre présence ?

 15   Témoin B (interprétation). - Je crois que la signature a été

 16   apposée en ma présence.

 17   Mme McHenry (interprétation). - Je demande l'aide de l'huissier.

 18   Je demanderai que ce document soit enregistré aux fins d'identification.

 19   Si je ne me trompe pas, il s'agit de la pièce 158. Ce document a déjà été

 20   remis à tous les conseils de la défense.

 21   Monsieur, je vais vous demander si vous identifiez ce document

 22   qui porte désormais la côte 158 comme pièce de l'accusation. C'est bien ce

 23   document-là ?

 24   Témoin B (interprétation). - Oui.

 25   Mme McHenry (interprétation). - Quelle est la nature de ce


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  1   document ?

  2   Témoin B (interprétation). - Oui, c'est bien ce document.

  3   Mme McHenry (interprétation). - C'est donc le document que vous

  4   a remis M Mucic et que vous venez de décrire à l'instant. Est-ce bien

  5   exact ?

  6   Témoin B (interprétation). - Oui.

  7   M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)

  8   M. Moran (interprétation). - Excusez-moi, les interprètes

  9   s'agitent dans les cabines parce que votre micro n'est pas branché.

 10   Mme McHenry (interprétation). - Je vais vérifier ce qu'il en

 11   est. Mais, apparemment, il y a un terme neutre en serbo-croate qui n'a pas

 12   la signification de nous lui attribuons. Je vais vérifier bien sûr, mais

 13   si j'ai bien compris c'est ce qui m'a été dit.

 14   M. le Président (interprétation). - Je suppose que si...

 15   Mme McHenry (interprétation). - Nous allons vérifier auprès des

 16   services de traduction. Vous comprendrez bien que je ne suis pas tout à

 17   fait à même de répondre à la question posée hors micro par le Juge Jan, je

 18   ne parle pas le serbo-croate.

 19   Avez vous fait l'objet d'un échange au moment que vous venez de

 20   préciser ?

 21   Témoin B (interprétation). - Non.

 22   Mme McHenry (interprétation). - Pourriez-vous rapidement décrire

 23   ce qui s'est passé ?

 24   Témoin B (interprétation). - Mon père et moi, deux soldats

 25   musulmans -je suppose qu'ils étaient soldats puisqu'ils portaient


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  1   l'uniforme- nous ont emmenés en voiture à un endroit appelé Fojnica. J'ai

  2   attendu dix jours que l'échange ait lieu à Fojnica. Pendant tout ce temps,

  3   ils essayaient de procéder à l'échange, mais en vain. Je ne sais pas

  4   pourquoi il y avait des difficultés.

  5   Par la suite, j'ai été ramené à Konjic. A l'arrivée à Konjic, je

  6   suis retourné au village de Brdjani où se trouvait ma famille. Je suis

  7   resté au village jusqu'à mon départ.

  8   Mme McHenry (interprétation). - Quand avez-vous quitté Brdjani

  9   et toute la région de Konjic ?

 10   Témoin B (interprétation). - Quand ai je quitté Brdjani ? C'est

 11   le 13 mars que je suis parti. C'est à ce moment-là que j'ai quitté à la

 12   fois la municipalité de Konjic et la Bosnie-Herzégovine. En passant par la

 13   Croatie et la Hongrie, je suis arrivé à Belgrade.

 14   Mme McHenry (interprétation). - Excusez-moi un instant, s'il

 15   vous plaît, Monsieur le Président.

 16   M. le Président (interprétation). - Poursuivez.

 17   Mme McHenry (interprétation). - J'en ai ainsi terminé de mon

 18   interrogatoire principal.

 19   Pourrais-je rapidement demander une audience à huis clos, de

 20   sorte que le son ne soit pas transmis à la galerie du public ?

 21   M. le Président (interprétation). - Allez-y.

 22   Mme McHenry (interprétation). - Je vous remercie.

 23   L'audience se poursuit à huis clos.

 24   (Audience à huis clos.)

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 20   (Fin de la partie de l'audience à huis clos.)

 21   (L'audience est reprise en séance publique)

 22   Mme McHenry (interprétation). - Nous sommes désormais en

 23   audience publique.

 24   Je demanderai que la pièce de l'accusation 158 soit versée au

 25   dossier. Je n'ai plus de questions à poser.


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  1   M. le Président (interprétation). - Y a-t-il une objection au

  2   versement de cette pièce ? Non, il n'y en a pas. La pièce est versée au

  3   dossier. Y a-t-il des contre-interrogatoires ?

  4   M. O'Sullivan (interprétation). - Oui. D'abord, le conseil de

  5   M. Delalic, suivi de celui de M. Mucic, puis viendra le conseil de

  6   M. Delic et nous terminerons par le conseil de M. Landzo.

  7   Mme Residovic (interprétation). - Puis-je procéder ?

  8   M. le Président (interprétation). - Allez-y.

  9   Mme Residovic (interprétation). - Bonne après-midi, Monsieur B.

 10   Vous le savez peut-être, je m'appelle Edina Residovic. Je défends

 11   M. Zejnil Delalic.

 12   Etant donné que je vais poser plusieurs questions portant sur

 13   les noms de membres de votre famille, je demanderai à ce que nous passions

 14   à huis clos afin que le droit que vous avez à la protection de votre

 15   identité ne soit pas violé. Est-ce que nous pourrions passer en audience à

 16   huis clos ?

 17   M. le Président (interprétation). - Veillons-y pour le contre-

 18   interrogatoire.

 19   (L'audience se poursuit à huis clos.)

 20   (Audience à huis clos.)

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  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

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  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18   (Fin de l'audience à huis clos.)

 19   (Poursuite de l'audience en séance publique.)

 20   Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, avez-vous passé

 21   deux mois et demi à Celebici et Musala, à partir de fin juin jusqu'à la

 22   mi-août ?

 23   Témoin B (interprétation). - Oui.

 24   Mme Residovic (interprétation). - Vous l'avez déjà dit devant ce

 25   Tribunal, vous êtes arrivé à Belgrade en passant par Zagreb et la Hongrie.


Page 4927

  1   C'est de là que vous vous êtes rendu à l'endroit où vous résidez

  2   aujourd'hui. Est-ce exact ?

  3   Témoin B (interprétation). - Ce qui est important, c'est que je

  4   suis arrivé à Belgrade en passant par Zagreb et la Hongrie. J'aimerais que

  5   le lieu de ma résidence actuelle soit secret.

  6   Mme Residovic (interprétation). - Merci. Oui, mais en tant que

  7   Serbe, vous qui avez été incarcéré pendant un certain temps au camp de

  8   Celebici, en route vers Belgrade, n'avez-vous pas rencontré de

  9   difficultés ?

 10   Témoin B (interprétation). - Aucune.

 11   Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, à part la maison

 12   familiale de Brdjani, vos parents avaient aussi un appartement à Konjic ?

 13   Témoin B (interprétation). - Oui.

 14   Mme Residovic (interprétation). - Pourriez-vous nous dire si la

 15   maison de Brdjani a été endommagée ?

 16   Témoin B (interprétation). - Pas de gros dégâts. Si on peut

 17   qualifier de "dégâts" le fait que nos voisins soient venus, qu'ils aient

 18   tiré des coups de feu sur la maison à plusieurs reprises, de tout près.

 19   Mme Residovic (interprétation). - Qu'en est-il de l'appartement

 20   à Konjic ?

 21   Témoin B (interprétation). - Il est resté intact.

 22   Mme Residovic (interprétation). - Vous avez dit que vous étiez

 23   diplômé de la faculté d'économie de Sarajevo.

 24   Témoin B (interprétation). - Oui.

 25   Mme Residovic (interprétation). - Est-il exact que par la suite


Page 4928

  1   vous avez été spécialiste en économie pour une des plus grandes firmes de

  2   Bosnie  ?

  3   Témoin B (interprétation). - Oui. La firme s'appelait Enis.

  4   Mme Residovic (interprétation). - Vous êtes allé travailler

  5   jusqu'à la mi-avril. Est-ce exact ?

  6   Témoin B (interprétation). - Mon dernier jour de travail était

  7   le 13 avril.

  8   Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, vous êtes témoin

  9   du fait qu'à partir du 6 avril, Sarajevo a été attaquée et ceci a créé un

 10   climat très significatif d'une menace immédiate de guerre ou d'une

 11   situation de guerre ?

 12   Témoin B (interprétation). - Je ne sais pas à quelle attaque

 13   vous pensez, parce que le 13 avril j'étais à Sarajevo, il n'y avait pas de

 14   problème de communication, il n'y avait pas d'attaques non plus. Pour ce

 15   qui est du climat, je dirais que vous avez raison. Il était très mauvais

 16   bien avant cela.

 17   Mme Residovic (interprétation). - A partir de votre expérience

 18   personnelle, pourriez-vous confirmer, à l'intention de ce Tribunal, le

 19   fait qu'à plusieurs endroits sur la route principale, il y avait des

 20   points de contrôle. Certains de ceux-ci étaient occupés par des

 21   représentants de la police de réserve. A Ilidza, à Hadzici ainsi qu'à

 22   Bradina, des Serbes occupaient-ils ces points de contrôle ?

 23   Témoin B (interprétation). - Je ne peux pas vous donner de

 24   réponse précise parce que pratiquement à la fin du travail que je faisais

 25   à Sarajevo, je n'utilisais pas un véhicule pour aller tous les jours à


Page 4929

  1   Sarajevo pour la simple raison qu'il était difficile d'obtenir de

  2   l'essence, de trouver de l'essence. Si on en trouvait, on prenait la

  3   voiture ; sinon, on allait en train. A partir du train, je n'ai jamais vu

  4   de barricades. Il se peut qu'il y en ait eu.

  5   Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, revenons un

  6   instant à ce que vous venez de dire. Vous nous avez dit qu'il y avait de

  7   graves pénuries d'essence. Devant ce Tribunal, vous avez dit que dès la

  8   deuxième quinzaine d'avril, il y avait aussi de graves pénuries

  9   alimentaires dans votre région. C'était la raison pour laquelle vous aviez

 10   quitté la ville de Konjic et aussi parce que vous vous inquiétiez pour

 11   votre enfant.

 12   Témoin B (interprétation). - Une des raisons était aussi qu'il

 13   était très difficile de de trouver de la nourriture, du lait pour un bébé.

 14   Je m'étais dit qu'il serait plus facile de trouver tout ce ce qu'il

 15   fallait, notamment du lait, à la campagne.

 16   Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, vous savez, de par

 17   votre expérience personnelle, qu'il n'y avait pas assez de nourriture à

 18   Konjic, dans la région, en avril.

 19   Témoin B (interprétation). - Moi, je pensais surtout aux

 20   produits pour bébés, pour nourrissons. C'est ce qui m'intéressait à

 21   l'époque. Ce n'était pas moi, dans la famille, qui allais faire les

 22   provisions. Je ne sais pas ce qu'il y avait dans les magasins, mais je

 23   savais qu'il était difficile de trouver les aliments pour nourrissons,

 24   même pendant l'année qui avait précédé les événements dans notre région.

 25   C'est la raison pour laquelle je les amenais de Sarajevo.


Page 4930

  1   Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, j'aimerais vous

  2   demander ceci : après que vous ayez quitté Brdjani pour aller en ville,

  3   nous allons parler de certaines localités. Je vais vous montrer un extrait

  4   de vidéo. Il n'y a pas de son, c'est une cassette vidéo originale qui a

  5   été montrée à l'accusation en juillet 1996. Elle vient de la télévision de

  6   Konjic.

  7   Cette cassette a été aussi mise à la disposition de l'accusation

  8   il y a deux mois. Je demanderai à la régie de bien vouloir projeter cet

  9   extrait de vidéo. Est-il possible que la régie nous diffuse ceci et je

 10   demanderai aussi que cette pièce soit enregistrée aux fins

 11   d'identification.

 12   (L'extrait est projeté.)

 13   Je vous remercie. Monsieur B, avez-vous été en mesure de

 14   reconnaître l'endroit, la localité où ceci a été filmé ?

 15   Témoin B (interprétation). - Je pense que c'est l'église

 16   orthodoxe serbe de Konjic d'après la tour que j'ai vue. Je pense que c'est

 17   cette tour ou cette église, mais je n'en suis pas sûr.

 18   Mme Residovic (interprétation). - Auparavant, vous avez vu un

 19   panorama de la ville. De quelle ville s'agissait-il ?

 20   Témoin B (interprétation). - De Konjic.

 21   Mme Residovic (interprétation). - Puisque le témoin a reconnu la

 22   ville, l'endroit où se trouvait ce groupe de personnes -et c'était bien-là

 23   l'intention de la défense-, je demanderai que cet extrait soit versé au

 24   dossier.

 25   M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.


Page 4931

  1   Mme McHenry (interprétation). - J'aimerais soulever une

  2   objection pour deux raisons, la première étant la pertinence, et la

  3   deuxième que le témoin n'est pas à 100 % sûr de reconnaître la ville. Il a

  4   reconnu la tour, mais sans plus, ainsi que le panorama de la ville de

  5   Konjic. Voilà donc les deux raisons -la pertinence et le fondement- qui

  6   motivent mon objection.

  7   Mme Residovic (interprétation). - Madame et Messieurs les juges,

  8   j'estime que cette objection est sans fondement puisque, s'agissant de

  9   l'endroit et de la ville, la défense a pu obtenir l'identification par le

 10   témoin. Ici, on voit qu'il y a la pénurie dont parlait le témoin. Je pense

 11   que celui-ci a été suffisamment précis et qu'on peut considérer comme

 12   valable l'identification qu'il a faite.

 13   Si vous le voulez, on peut regarder une fois de plus cet

 14   extrait. Voulez-vous revoir cet extrait ?

 15   M. le Président (interprétation). - Qu'essayez-vous d'établir ?

 16   Je ne sais pas s'il y a une pertinence quelconque parce que je ne sais pas

 17   quel objectif vous poursuivez. Quelle est la question ou l'élément qu'est

 18   censé établir cet extrait vidéo ?

 19   Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, le

 20   témoin a dit...

 21   M. le Président (interprétation). - Je ne pense pas que ce soit

 22   nécessaire, et je considère l'objection comme retenue. Ceci ne présente

 23   aucune pertinence.

 24   Mme Residovic (interprétation). - Vous avez tranché, je

 25   m'abstiendrai de tout commentaire. Il n'en demeure pas moins que le témoin


Page 4932

  1   a parlé de pénurie en matière d'aliments pour nourrissons, par exemple,

  2   pour les petits. Il y avait manifestement des files entières de personnes

  3   qui attendaient des rations, comme cet extrait vidéo l'a montré.

  4   M. le Président (interprétation). - Je persiste à croire qu'il

  5   n'y a aucune pertinence et ceci n'a rien avoir ni avec le témoignage ni

  6   avec ce que vous essayez d'établir.

  7   Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, début mai 1992,

  8   est-ce qu'un commandant de Podorasac, Zvonko Zovko et le MUP de Konjic ont

  9   perquisitionné ou ont procédé à des fouilles dans le village de Brdjani et

 10   en êtes-vous informé ?

 11   Témoin B (interprétation). - Quand dites-vous que ceci se serait

 12   passé ?

 13   Mme Residovic (interprétation). - Début mai 1992.

 14   Témoin B (interprétation). - Je ne suis pas au courant.

 15   Mme Residovic (interprétation). - Vous ne savez pas non plus

 16   qu'à cette époque, certaines personnes du village de Brdjani ont été

 17   incarcérées parce qu'elles possédaient des armes.

 18   Témoin B (interprétation). - Non, je ne sais pas. Je ne sais

 19   pas, ou j'apporte une correction : même si je suis né dans ce village, je

 20   n'y allais que très rarement et à l'exception de quelques personnes, je

 21   n'y connaissais personne. Alors je ne pense pas avoir vraiment une

 22   connaissance valable parce que je ne connais pas l'endroit.

 23   Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous qu'à cette époque,

 24   le HVO existait à Konjic et que plusieurs Musulmans de la ville et des

 25   environs y participaient ?


Page 4933

  1   Témoin B (interprétation). - Me demandez-vous si je suis au

  2   courant aujourd'hui ou si j'étais au courant à l'époque ?

  3   Mme Residovic (interprétation). - Les deux.

  4   Témoin B (interprétation). - Je le sais, effectivement,

  5   aujourd'hui. Tout le monde le sait, c'est de notoriété publique.

  6   Franchement, à l'époque, je n'étais pas au courant qu'une quelconque

  7   formation militaire se serait trouvée là. Sinon, je me serais enfui, je

  8   serais allé ailleurs pour trouver refuge.

  9   Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, savez-vous qu'en

 10   Bosnie-Herzégovine, un état de menace immédiate de guerre a été proclamé ?

 11   Témoin B (interprétation). - Non.

 12   Mme Residovic (interprétation). - Et cette proclamation a eu

 13   lieu le 8 avril.

 14   Témoin B (interprétation). - Non.

 15   Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous que le 17 avril, il

 16   y a eu aussi une mobilisation générale ?

 17   Témoin B (interprétation). - Non.

 18   Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, êtes-vous un

 19   conscrit ou avez-vous servi sous les armes ?

 20   Témoin B (interprétation). - Non. Vous voulez dire maintenant ?

 21   Mme Residovic (interprétation). - Non, à l'époque.

 22   Témoin B (interprétation). - A l'époque, j'ai reçu cette

 23   formation peut-être un, deux ou trois mois auparavant. Je suis allé à

 24   Mostar faire certains exercices, et puis j'ai été appelé sous les

 25   drapeaux. J'étais censé me présenter, mais par la suite personne ne m'a


Page 4934

  1   plus rappelé.

  2   Mme Residovic (interprétation). - Et donc, personnellement vous

  3   n'êtes pas allé vous présenter où que ce soit ?

  4   Témoin B (interprétation). - Non.

  5   Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, vous dites que

  6   M. Spago est venu au cours de la deuxième quinzaine du mois de juin, et il

  7   était porteur d'une liste reprenant tous les hommes du village de

  8   Brdjani ?

  9   Témoin B (interprétation). - Oui.

 10   Mme Residovic (interprétation). - Vous avez dit aussi que sept

 11   jours après votre arrivée à Celebici, vous aviez été interrogé par la

 12   commission qui était chargée d'interroger les détenus ?

 13   Témoin B (interprétation). - Oui.

 14   Mme Residovic (interprétation). - Beaucoup de temps s'est écoulé

 15   depuis, j'en suis fort consciente, mais, à partir de l'information que

 16   vous venez de fournir, peut-on conclure que vous avez été interrogé vers

 17   le 25 juin ?

 18   Témoin B (interprétation). - Je ne suis pas sûr. Je vous ai

 19   expliqué que j'ai quelques réserves à propos des dates. Cinq ans se sont

 20   écoulés depuis les événements, alors je ne suis pas sûr si c'était le 23,

 21   le 25 ou le 26.

 22   Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B., tout ce que je

 23   vous demande, c'est de fournir une date approximative comme vous l'avez

 24   fait pour les autres événements.

 25   Vous êtes donc arrivé vers la mi-juin et, sept jours plus tard,


Page 4935

  1   vous avez été interrogé.

  2   Témoin B (interprétation). - Oui, à peu près.

  3   Mme Residovic (interprétation). - C'est à peu près vers le 25

  4   juin ?

  5   Témoin B (interprétation). - Approximativement. Il se peut que

  6   cela se soit passé vers le 25 juin.

  7   Mme Residovic (interprétation). - Merci. Connaissez-vous

  8   Strajo Zivak, un voisin de Brdjani ?

  9   Témoin B (interprétation). - Oui.

 10   Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous que Strajo Zivak a

 11   donné un fusil M 48 à votre père ?

 12   Témoin B (interprétation). - Non.

 13   Mme Residovic (interprétation). -  Est-il vrai que vous avez

 14   parlé avec votre père de certaines armes qui avaient été offertes par

 15   Strajo Jivak ? Est-il vrai, Monsieur B, lorsque vous étiez à Bradina, que

 16   vous vous trouviez dans la maison de Vaso Kuljanin ?

 17   Témoin B (interprétation). - Oui.

 18   Mme Residovic (interprétation). - Est-il vrai que vous avez

 19   remis l'arme de votre père à Vaso Kuljanin ?

 20   Témoin B (interprétation). - Non.

 21   Mme Residovic (interprétation). - Si quelqu'un d'autre disait

 22   que c'est vrai, alors il ne ne dirait pas la vérité ?

 23   Témoin B (interprétation). - Sans doute.

 24   Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, il ne me reste

 25   plus que quelques questions à vous poser. Vous avez dit qu'après, quand on


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  1   vous a donné l'ordre de sortir, vous êtes allé à Podorasac ?

  2   Témoin B (interprétation). - Oui, à Podorasac.

  3   Mme Residovic (interprétation). - Podorasac était le siège ou le

  4   quartier-général du commandement du HVO ?

  5   Témoin B (interprétation). - Croyez-moi, je n'en sais rien. Pour

  6   moi, c'était du pareil au même. Qui avait son siège là ? Je n'en sais

  7   vraiment rien.

  8   Mme Residovic (interprétation). - Avez-vous vu des écussons sur

  9   l'uniforme de M. Nedzad Spago ?

 10   Témoin B (interprétation). - Je ne me souviens pas de l'écusson.

 11   Mme Residovic (interprétation). - Monsieur B, connaissez-vous

 12   les personnes suivantes : Merko Jevac, Zedo Jevac, Savo Jevac, Radenko

 13   Gligorevic, Staledc Mladen, Dragovic Vojo, Dragovic Ratko, Senikovic

 14   Slobodan et d'autres comme étant vos voisins ?

 15   Témoin B (interprétation). - Je connais certaines de ces

 16   personnes par leur nom de famille pour les avoir rencontrées au camp.

 17   J'imagine qu'ils viennent de Brdjani. Mais, comme je l'ai déjà dit, je

 18   connaissais très peu de gens du village. Je ne connaissais que quelques

 19   foyers qui se trouvaient dans le voisinage immédiat de la maison qui

 20   appartenait à ma famille.

 21   Mme Residovic (interprétation). - Connaissez-vous Agan Ramic ?

 22   Témoin B (interprétation). - Oui, je le connais. Je ne le

 23   connaissais pas avant la guerre, mais je l'ai rencontré pendant la guerre.

 24   Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous qui était le

 25   commandant d'une unité de la défense territoriale dans votre village ?


Page 4937

  1   Témoin B (interprétation). - Je ne sais pas ; je ne sais pas

  2   quelles étaient ses fonctions. Je sais que presque tous parmi eux avaient

  3   participé à la défense territoriale. Mais quelles étaient ses fonctions au

  4   sein de la défense territoriale ? Je n'en sais rien.

  5   Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous que les personnes

  6   que j'ai énumérées il y a un instant et certaines autres de Brdjani

  7   avaient remis à Agan Ramic un total de quarante-sept fusils dont vingt-

  8   neuf étaient des M 48, six étaient des armes semi-automatiques et douze

  9   étaient des armes d'un autre type.

 10   Témoin B (interprétation). - Peut-être. Il se peut que ce soit

 11   vrai. Je n'ai jamais compté d'armes, pas plus que je n'ai gardé de note

 12   sur les armes que les uns ou les autres pouvaient avoir.

 13   Mme Residovic (interprétation). -  Ainsi donc, Monsieur B, vous

 14   saviez que, parmi les habitants de Brdjani, certains avaient des armes

 15   militaires ?

 16   Témoin B (interprétation). - Je pense qu'à ce moment-là, il y

 17   avait des armes à peu près partout, mais je ne sais pas quelles armes

 18   étaient entre les mains de qui, et s'il s'agissait d'armes militaires ou

 19   de chasse. Je n'en sais vraiment rien.

 20   Mme Residovic (interprétation). - La déclaration que vous avez

 21   faite lors de votre déposition comme quoi personne n'était armé à Brdjani

 22   et comme quoi personne n'avait participé la défense du village ne peut

 23   donc être considérée comme entièrement vrai ?

 24   Témoin B (interprétation). - Je ne sais pas qui était armé à

 25   Brdjani mais je sais qu'il n'y a eu aucune défense du village et personne


Page 4938

  1   ne peut dire que les gens de Brdjani ont participé à la défense du

  2   village.

  3   Mme Residovic (interprétation). - J'ai encore deux questions à

  4   vous poser. Saviez-vous que le parti démocratique serbe, dont vous n'êtes

  5   pas membre, a pris, dans la première moitié du mois d'avril, une décision

  6   de non participation à la défense de Konjic ?

  7   Témoin B (interprétation). - Comme vous l'avez dit, je n'ai

  8   jamais été membre du parti démocratique serbe. Je ne suis donc, d'aucune

  9   manière que ce soit, au courant de cette décision. Ma vie se limitait

 10   essentiellement à Sarajevo, et je sais très peu de choses de ce qui se

 11   passait à Konjic à l'époque; je n'y allais que pour y passer la nuit.

 12   Mme Residovic (interprétation). - Mais en tant qu'habitant de

 13   Sarajevo, vous connaissiez les positions du SDS et de Radovan Karadjic à

 14   l'époque ?

 15   Témoin B (interprétation). - C'était vraiment très difficile

 16   de travailler à l'époque en tant qu'économiste, et donc j'étais préoccupé.

 17   Je ne suis pas quelqu'un qui s'intéresse beaucoup à la politique. Je ne me

 18   suis jamais intéressé à la politique. Je ne savais donc pas grand-chose

 19   sur les positions auquelles vous faites référence. On regardait, bien

 20   entendu, la télévision de temps en temps, et on voyait que la situation

 21   était très mauvaise. Mais je n'ai jamais été très au courant des positions

 22   de Radovan Karadjic ou de qui que soit d'autre.

 23   Mme Residovic (interprétation). - Je vous remercie Monsieur B.

 24   Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.

 25   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.


Page 4939

  1   Qui souhaite maintenant procéder au contre-interrogatoire ?

  2   M. Olujic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Un

  3   instant, si vous le permettez, pour que je me prépare...

  4   Puis-je poursuive, Monsieur le Président ?

  5   Mme Residovic (interprétation). - Oui, je vous en prie.

  6   M. Olujic (interprétation). - Merci.

  7   Bonne après-midi, Monsieur B. Je m'appelle Jalko Olujic et je

  8   suis le défendeur de Dravko Mucic. Nous parlons deux langues différentes,

  9   mais je crois que nous nous comprendrons. Vous parlez serbe, je parle le

 10   croate, mais nous habitons depuis longtemps dans le même Etat et je crois

 11   que nous pourrons nous comprendre.

 12   Je ne vais pas être très long, Monsieur B.

 13   Témoin B (interprétation). - Puis-je dire quelque chose ? Toute

 14   ma vie, on m'a appris que je parlais serbo-croate et je continue de dire

 15   que je parle serbo-croate.

 16   M. Olujic (interprétation). - C'est une erreur, autant la vôtre

 17   que la leur.

 18   Vous avez parlé déjà depuis ce matin et je vais donc essayer

 19   d'être aussi bref que possible car j'imagine que vous êtes fatigué. Quoi

 20   qu'il en soit, il faut que nous précisions certains points. Dans votre

 21   déposition d'aujourd'hui, dans ce prétoire, vous avez dit que M. Buric

 22   était une personne qui vous avait aidé au camp.

 23   Témoin B (interprétation). - Oui.

 24   M. Olujic (interprétation). - Est-ce vrai ?

 25   Témoin B (interprétation). - Absolument.


Page 4940

  1   M. Olujic (interprétation). -Puis-je vous poser une autre

  2   question ? Nous devons attendre un peu que les interprètes aient le temps

  3   de traduire nos questions et nos réponses pour que le public puisse nous

  4   suivre.

  5   Témoin B (interprétation). -  Oui, excusez-moi.

  6   M. Olujic (interprétation). - Connaissiez-vous donc M. Buric ?

  7   Témoin B (interprétation). -  Je le connaissais très

  8   superficiellement. Il était beaucoup plus jeune que moi et il ne faisait

  9   pas partie de mon groupe. Mais je connaissais très bien son frère et cela

 10   explique sans doute l'aide qu'il m'a apportée. J'imagine que c'est son

 11   frère qui l'a incité à le faire. C'est ce que je suppose.

 12   M. Olujic (interprétation). - Quel était le nom de son frère ?

 13   Témoin B (interprétation). - Je connaissais son frère. Il

 14   s'appelait Sdravko. Pardon, excusez-moi, le frère de qui j'étais proche

 15   s'appelait Goran. Excusez-moi, il s'appelait Goran.

 16   M. Olujic (interprétation). - Monsieur B, comment M. Buric

 17   traitait-il les autres prisonniers dans le camp ?

 18   Témoin B (interprétation). - Voyez-vous, personne n'a jamais dit

 19   quoi que ce soit de négatif concernant ce jeune homme. Il traitait les

 20   gens de façon correcte, et je crois qu'il essayait, pour l'essentiel, de

 21   les aider. Il n'a pas fait que m'aider, il a sans doute aidé d'autres

 22   personnes aussi. En deux mots, c'était une personne correcte.

 23   M. Olujic (interprétation). - De quelle origine ethnique était-

 24   il ?

 25   Témoin B (interprétation). - Il était croate.


Page 4941

  1   M. Olujic (interprétation). - Madame et Messieurs les juges, je

  2   voudrais poser une question qui risque de révéler l'identité du témoin.

  3   Pour ces deux questions donc, pouvons-nous passer à huis clos s'il vous

  4   plaît ?

  5   M. le Président (interprétation). - Oui.

  6   M. Olujic (interprétation). -  Est-ce prêt ? Très bien, merci.

  7   (L'audience se poursuit à huis clos.)

  8   (Audience à huis clos.)

  9   (expurgée)

 10   (expurgée)

 11   (expurgée)

 12   (expurgée)

 13   (expurgée)

 14   (L'audience se poursuit en publique).

 15   En réponse à des questions posées par mes confrères dans le

 16   cadre du contre interrogatoire, vous avez dit que vous travailliez à

 17   Sarajevo avant la guerre.

 18   Témoin B (interprétation). - Oui.

 19   M. Olujic (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion de

 20   rencontrer un certain Petar Blajevic ?

 21   Témoin B (interprétation). - Pouvez-vous me donner son surnom ?

 22   Parce que je pense que je ne le connais pas.

 23   M. Olujic (interprétation). - Petar Blajevic. Je ne connais que ce nom.

 24   Témoin B (interprétation). - S'il est de Konjic, je pense que je

 25   le connais. Je connais un Petar Blajevic. Mais combien de personnes en


Page 4942

  1   ex-Yougoslavie portent-elles ce même nom ? Vous le devinerez vous-même.

  2   M. Olujic (interprétation). - Ce Petar Blajevic vient de

  3   Serbie ? Son surnom pourrait être Serbia.

  4   Témoin B (interprétation). - Oui, je le connais.

  5   M. Olujic (interprétation). - C'est celui-là que j'ai en tête.

  6   Témoin B (interprétation). - Oui, je le connais.

  7   M. Olujic (interprétation). - Comment l'avez-vous connu ?

  8   Témoin B (interprétation). - Je ne l'ai pas connu à Sarajevo, je

  9   le connaissais déjà avant, bien avant.

 10   M. Olujic (interprétation). - Mais il travaillait avec vous à

 11   Sarajevo ?

 12   Témoin B (interprétation). - C'était une grande société comme

 13   l'ont dit vos confrères ; il y avait à peu près deux mille employés dans

 14   cette société, avec au moins vingt succursales. Et il travaillait dans

 15   l'un de ces départements. Je pense que c'était le département chargé de

 16   l'entretien des bâtiments dans lesquels nous travaillions, si je ne me

 17   trompe.

 18   M. Olujic (interprétation). - Connaissiez-vous Zdravko Mucic

 19   avant ?

 20   Témoin B (interprétation). - Nous n'avions jamais été présentés

 21   personnellement et nous n'étions pas amis, mais je le connaissais.

 22   M. Olujic (interprétation). - Dans votre déposition aujourd'hui,

 23   vous avez dit que vous aviez entendu dire par d'autres prisonniers que

 24   M. Mucic avait un bureau dans le camp, est-ce exact ?

 25   Témoin B (interprétation). - Je ne l’ai pas entendu dire par


Page 4943

  1   d'autres prisonniers, je l'ai entendu une fois alors que nous étions en

  2   train de nettoyer les locaux et un des gardes a dit : "Nettoie le bureau

  3   de Pavo". Je ne fais donc que répéter ce que j'ai entendu, je ne tirerais

  4   pas de conclusion. Peut-être que cet homme s'est trompé, ce n'était peut-

  5   être pas le bureau de Pavo Mucic, je ne sais pas.

  6   M. Olujic (interprétation). - Donc vous pensez que c'est une

  7   possibilité ?

  8   Témoin B (interprétation). - Je ne fais que répéter ce que j'ai

  9   entendu. Maintenant, en ce qui concerne les compétences des gardes, à quel

 10   point elles sont fiables, ce n'est pas à moi de juger, je n'en sais rien.

 11   M. Olujic (interprétation). - Monsieur B, lorsque vous avez

 12   entendu ces propos, je vais essayer de préciser quand cela s'est passé :

 13   était-ce juste avant l'arrivée de la Croix-Rouge ou après ? Quelques jours

 14   avant ou quelques jours après ?

 15   Témoin B (interprétation). - Je ne dirais pas que c'était

 16   quelques jours avant, c'était plus que quelques jours avant, disons un

 17   mois après mon arrivée au camp. Je ne peux pas dire exactement si c'était

 18   trente-et-un, trente-deux ou vingt-neuf jours après, car dans ces

 19   conditions il est très difficile de mesurer le temps.

 20   M. Olujic (interprétation). - Je comprends bien, c'est la raison

 21   pour laquelle j'essaie d'établir un lien entre cet incident et d'autres

 22   événements. Je comprends qu'après toutes les souffrances que vous avez

 23   endurées, il est difficile de situer exactement les choses dans le temps.

 24   Mais essayons, si vous le voulez bien, de situer approximativement cela

 25   dans le temps.


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  1   Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président,

  2   j'objecte, car le témoin a déjà dit qu'il ne savait pas exactement quand

  3   cela s'était passé. Il nous dit environ trente jours après son arrivée

  4   dans le camp, donc j'objecterai à toute autre question sur ce point.

  5   M. le Président (interprétation). - J'imagine qu'on peut encore

  6   essayer de préciser cette période. Il doit y avoir un moyen de rétrécir

  7   l'intervalle de temps concerné.

  8   M. Olujic (interprétation). - Très bien, laissons cela de côté

  9   pour l'instant et allons de l'avant, Monsieur B.

 10   Dans votre déposition aujourd'hui, vous avez dit que lorsque

 11   vous avez été libéré du camp, le document de libération vous a été remis

 12   par M. Zdravco Mucic, est-ce exact ?

 13   Témoin B (interprétation). - Oui.

 14   M. Olujic (interprétation). - Monsieur B, dites-moi qui a signé

 15   ce document attestant de votre libération ?

 16   Témoin B (interprétation). - Zdravco Mucic. C'était entre le

 17   hall sportif et l’école primaire. Ces bâtiments étaient reliés entre eux.

 18   Il y avait une table et d'autres gens que Zdravco Mucic. On m'a dit que

 19   j'allais être échangé. Mucic était en train de signer les papiers. Dès que

 20   le papier a été signé pour moi, on me l’a donné.

 21   M. Olujic (interprétation). - Mais ce papier que vous avez reçu,

 22   qui l’a signé ?

 23   Témoin B (interprétation). - Sans doute M. Mucic. Vous voyez

 24   trois lignes. Monsieur Mucic.

 25   M. Olujic (interprétation). - Mais je ne vous demande pas de


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  1   supposer, je vous demande simplement de dire ce dont vous êtes sûr. Si

  2   vous n'êtes pas sûr...

  3   Témoin B (interprétation). - J'ai vu M. Mucic se pencher alors

  4   qu'il était assis derrière la table et écrire quelque chose sur ces

  5   papiers. Donc j'imagine que c'est ça, c'est tout ce que je peux vous dire,

  6   c'est ce que j'ai vu.

  7   M. Olujic (interprétation). - Monsieur B, lorsque vous avez

  8   quitté le camp de Celebici, avez-vous vu M. Mucic juste avant ?

  9   Témoin B (interprétation). - Juste avant que je ne quitte le

 10   camp, il est venu au hangar n° 6. Je ne sais pas exactement combien de nos

 11   noms ont été lus à ce moment-là, mais il était là jusqu'à ce que nous

 12   montions dans une camionnette. Je ne sais pas combien nous étions, je ne

 13   sais pas ce qui a servi à transporter les autres, je suis monté dans cette

 14   camionnette et j'ai été emmené à Musala. Après cela, je ne suis plus allé

 15   à Celebici et je ne pouvais plus y retourner.

 16   M. Olujic (interprétation). - Monsieur Mucic vous a-t-il demandé

 17   à ce moment-là si vous aviez un fusil ou une arme ?

 18   Témoin B (interprétation). - Il m'a demandé une fois si j'étais

 19   armé. J'ai répondu, comme précédemment dans la déclaration que j'avais

 20   faite au camp de Celebici, que je n'avais aucune arme. Il est simplement

 21   passé devant moi sans faire de commentaires.

 22   M. Olujic (interprétation). - Vous avez dit que lorsque vous

 23   êtes arrivé au camp, vous aviez donné tous vos objets de valeur : argent,

 24   bague en or...

 25   Témoin B (interprétation). - La bague, l'anneau, je ne sais pas


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  1   exactement quand j'ai dû le donner, mais c'était un mois après, je pense.

  2   J’avais une montre à quartz, de l'argent qui n'avait déjà plus aucune

  3   valeur, j'avais une tabatière. Nous n'avions déjà plus de cigarettes, donc

  4   nous faisions nos propres cigarettes. J'avais une espèce de fume-

  5   cigarettes dans lequel on enfile les cigarettes qu'on roule à la main. Je

  6   ne me souviens pas de chaque détail.

  7   M. Olujic (interprétation). - Oui, c’est logique que vous ne

  8   vous souveniez pas de tout. Lorsque vous avez remis ces objets, quelqu’un

  9   était-il présent ?

 10   Témoin B (interprétation). - On a posé ces choses à côté de

 11   nous, au moment où nous étions tournés vers le mur. Les gardes étaient là.

 12   Monsieur Delic était là, ainsi que les autres gardes. Je ne sais pas qui a

 13   ramassé ces objets ni comment, parce qu'on nous a emmenés vers le trou

 14   d'homme.

 15   M. Olujic (interprétation). - Monsieur Mucic était-il présent à

 16   ce moment-là ?

 17   Témoin B (interprétation). - Je ne l'ai pas vu à ce moment-là.

 18   M. Olujic (interprétation). - Monsieur B, dites-moi, est-ce que

 19   qui que ce soit vous a jamais dit, parmi les prisonniers, qu'à l'occasion

 20   de mauvais traitements ou autres sévices Pavo Mucic avait été présent ?

 21   Témoin B (interprétation). - Non.

 22   M. Olujic (interprétation). - Lors des quatre ou cinq fois que

 23   vous avez aperçu M. Mucic au camp, avez-vous jamais observé qui que ce

 24   soit en train d'être maltraité en présence de M. Mucic ?

 25   Témoin B (interprétation). - Non.


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  1   M. Olujic (interprétation). - Très rapidement Monsieur B, où

  2   avez-vous fait une déclaration pour la première fois concernant l'affaire

  3   qui vous a amené ici, au Tribunal de La Haye ?

  4   Témoin B (interprétation). - Dois-je répondre et vous donner une

  5   adresse, une ville ? Uniquement la ville ?

  6   Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, je

  7   demanderai qu'on ne pose pas cette question au témoin, même à huis clos,

  8   qu'on ne demande pas au témoin le lieu ou la localité où il a fait une

  9   déclaration. A supposer que ce ne soit pas loin du lieu où il réside

 10   maintenant, il est compréhensible que le témoin soit mal à l'aise à l'idée

 11   de donner des éléments indiquant ses coordonnées actuelles.

 12   Je ne pense pas qu'il y aurait une objection à ce que le conseil

 13   de la défense demande auprès de qui la déclaration a été faite, sous

 14   réserve que cela ne mette pas le témoin mal à l'aise pour ce qui est de la

 15   divulgation de ses coordonnées.

 16   M. Olujic (interprétation). - Cette déclaration a-t-été

 17   recueillie à l'extérieur du territoire de la Bosnie-Herzégovine ?

 18   Témoin B (interprétation). - Si vous êtes satisfait d'une

 19   réponse de ce style, je peux vous dire que c'est dans une ville de Serbie.

 20   J'avais le statut de réfugié et tous les réfugiés ont été

 21   invités à faire ce genre de déclaration au ministère de l’intérieur.

 22   C’était un entretien très bref où l’on disait qui on était, ce qu'on avait

 23   fait. J'ai expliqué par quoi j'étais passé.

 24   Lorsque j'ai dit que j'avais été détenu dans un camp, on m'a

 25   demandé si je pouvais faire une déclaration concernant ce séjour dans le


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  1   camp. J'ai dit que je n'étais pas contre et donc j'ai fait une déclaration

  2   concernant ce séjour au camp.

  3   M. Olujic (interprétation). - Je n'ai pas d'autres questions à

  4   poser. Je vous remercie Monsieur le Président.

  5   M. le Président (interprétation). - Merci.Y a-t-il d'autres

  6   contre-interrogatoires ?

  7   Nous allons procéder à la pause maintenant et nous reprendrons à

  8   16 h 30.

  9   M. Moran (interprétation). - C'est ce que j'allais suggérer, je

 10   vous remercie.

 11  

 12   L'audience, suspendue à 16 h, est reprise à 16 h 35.

 13   (Audience publique.)

 14   M. Moran (interprétation) - Merci, Monsieur le Président. Puis-

 15   je procéder ?

 16   Bonjour Monsieur, je m'appelle Tom Moran, et je représente Hazim

 17   Delic. Je vais vous poser quelques questions. Je vous les préciserai, mais

 18   je vous demande d'emblée d'écouter attentivement les questions que je vous

 19   pose et si vous les comprenez mal, demandez-moi de vous les reformuler. Je

 20   n'ai nulle intention de créer la confusion entre nous. Cela vous va-t-il ?

 21   Une deuxième chose, je viens de vous voir hocher de la tête pour répondre

 22   oui. Il y a deux personnes ici qui sont très importantes, elles se

 23   trouvent ici et là, ce sont des procès-verbalistes, elles ont pour tâche

 24   de consigner tout ce qui est dit dans ce prétoire et elles ne peuvent pas

 25   mettre par écrit un hochement de tête. Donc, si vous dites oui ou non, je


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  1   vous prierai de le dire verbalement, je l'apprécierais beaucoup et les

  2   juges également, j'en suis sûr. Acceptez-vous d'agir ainsi, Monsieur ?

  3   Témoin B (interprétation). - Oui.

  4   M. Moran (interprétation) - Bien, merci beaucoup. Il y a un

  5   certain nombre de poinst que j'aimerais revoir avec vous. D'abord, je sais

  6   bien que vous avez donné une déclaration au bureau du Procureur en février

  7   l'année dernière. Vous avez fourni une déclaration au ministère de

  8   l'Intérieur de Serbie, n'est-ce pas ? Au moment de votre libération du

  9   camp ou après votre échange, je voudrais vous demander la chose suivante :

 10   avez-vous parlé de ce que vous avez vécu dans le camp avec qui que ce soit

 11   d'autre, avec d'autres représentants des autorités par exemple ?

 12   Témoin B (interprétation). -  Tout à fait normalement, j'en ai

 13   parlé avec les membres de ma famille, avec également les membres de ma

 14   famille qui étaient dans le camp. Malheureusement, nous nous rappelons

 15   souvent ce séjour. Mais je n'en ai pas parlé avec qui que ce soit d'autre

 16   occupant un poste officiel.

 17   M. Moran (interprétation) -  Donc, par exemple, vous n'en avez

 18   pas parlé avec l'Association des anciens détenus ou avec l'Association des

 19   femmes américaines serbes ou quelque organisation de ce genre ?

 20   Témoin B (interprétation). - Si je parle avec vous, par exemple

 21   en moment, je ne peux pas toujours savoir de quel organisme vous êtes

 22   membre. Donc, il peut se faire que quelqu'un ait fait partie d'un

 23   organisme et que je n'en aie pas été informé.

 24   M. Moran (interprétation) -  Bien. Mais vous n'avez fourni que

 25   deux déclarations par écrit officiellement. Sont-ce les deux seules


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  1   déclarations écrites que vous avez faites officiellement ?

  2   Témoin B (interprétation). -  J'ai fait une déclaration en

  3   Serbie. Et j'ai fait une déclaration, oui effectivement, auprès de cette

  4   organisation serbe de femmes, je ne crois pas avoir besoin de vous dire où

  5   cela s'est passé, mais j'ai fait cette déclaration en présence d'un

  6   représentant de ce Tribunal. Maintenant je n'ai pas les détails au sujet

  7   d'une organisation éventuellement touristique à laquelle j'aurais pu

  8   parler.

  9   M. Moran (interprétation) -  Donc, vous avez fourni une

 10   déclaration à un représentant du Tribunal dénommé Ole Hortemo en février

 11   dernier ?

 12   Témoin B (interprétation). - Oui.

 13   M. Moran (interprétation) - Il y avait donc une autre personne

 14   présente qui représentait un autre groupe au moment où vous avez fait

 15   cette déclaration, quelqu'un qui représentait une association de femmes,

 16   est-ce que j'ai bien compris ce que vous avez dit ?

 17   Témoin B (interprétation). - Personne d'autre n'était présent au

 18   moment où j'ai fait ma déclaration. Il n'y avait que l'interprète de

 19   M. Hortemo quand je l'ai faite. Personne d'autre n'a été mis au courant à

 20   ce moment-là de ma déclaration, en tout cas c'est ce que je pense.

 21   Maintenant, qu'est-ce que M. Hortemo en a fait, par la suite, l'a-t-il

 22   montrée à quelqu'un ? Je n'en sais rien. Mais, en ce qui concerne le

 23   moment où j'ai fait ma déclaration, n'étaient présents que M. Hortemo et

 24   son interprète. Maintenant, s'ils étaient membres de telle ou telle

 25   organisation, vous pouvez vérifier auprès de M. Hrtemo. Je crois qu'il est


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  1   norvégien et je crois que j'ai bien prononcé son nom. Et si tel n'est pas

  2   le cas, je vous prierai de le corriger.

  3   M. Moran (interprétation) - Vous n'en savez pas plus que moi,

  4   Monsieur, en ce qui concerne la prononciation de son nom.

  5   Monsieur le Président, je vais poser encore deux question et je

  6   crois qu'il conviendrait qu'elles soient posées à huis clos.

  7   M. le Président (interprétation). - Très bien. Que l'on installe

  8   la salle.

  9   M. Moran (interprétation) -  Donc, je demande un huis clos

 10   pendant quelques minutes.

 11   (L'audience se poursuit à huis clos.)

 12   (Audience à huis clos.)

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 13   (Fin de l'audience à huis clos.)

 14   (L'audience reprend en séance publique.)

 15   M. Moran (interprétation) -  Monsieur, vous comprenez pourquoi

 16   j'ai demandé un huis clos. Maintenant, je voudrais vous interroger encore

 17   sur quelques points et je crois que nous en en aurons fini. En réponse aux

 18   questions posées dans l'interrogatoire principal, vous avez dit que

 19   pendant vous résidiez à Bradina, vous êtes allé à Bradina à un certain

 20   moment, au mois de mai ou au mois d'avril 1992, vous rappelez-vous cela ?

 21   Vous y êtes allé pendant une période courte.

 22   Témoin B (interprétation). -  Oui, en mai 1992, j'y ai passé un

 23   très bref séjour.

 24   M. Moran (interprétation) - Et vous avez dit que tout était

 25   assez désorganisé ou extrêmement désorganisé. Je crois que ce sont les


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  1   mots que vous avez utilisés pour qualifier la défense de Bradina. Vous

  2   rappelez-vous cela ?

  3   Témoin B (interprétation). - Il est très possible que j'aie dit

  4   cela. Qualifier le degré d'organisation de quelque chose, c'est une

  5   évaluation très personnelle et évaluer le degré d'organisation c'est

  6   vraiment quelque chose qui est très subjectif. Et donc pour la même chose,

  7   vous pourriez dire que c'est très mal organisé et moi dire que c'est très

  8   bien organisé. Moi, j'ai eu l'impression que la chose était très mal

  9   organisée, qu'il n'y avait aucune organisation. J'ai vu que ma femme et ma

 10   fille ne pouvaient pas quitter Bradina sous l'égide de la Croix-Rouge, et

 11   je n'ai jamais voulu participer à quelque combat que ce soit. Mon seul

 12   intérêt était de m'extirper d'un environnement dangereux, de sorte

 13   qu'après quelques jours, j'ai décidé de revenir à Brdjani et à ce moment-

 14   là cette décision s'est avérée bonne.

 15   Je voudrais simplement souligner que je n'ai jamais eu le

 16   moindre intérêt pour quelque chose qui pourrait s'apparenter à une

 17   doctrine ou une méthode militaire. Et donc même si on considérait que je

 18   suis une personne compétente, je vois mal comment je pourrais dire que

 19   quelque chose est bien ou mal organisé sur le plan militaire.

 20   J'ai donc simplement dit que mon évaluation était l'évaluation

 21   personnelle d'un amateur, comme vous pourriez dire, par exemple, qu’un

 22   match sportif vous paraît personnellement bon ou mauvais.

 23   M. Moran (interprétation). - Bien sûr. Vous avez dit dans votre

 24   déposition que vous aviez 36 ans. Vous avez donc sans doute un âge qui

 25   vous a permis de faire votre service militaire au sein de la JNA.


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  1   Avez-vous fait votre service militaire ou avez-vous été

  2   exempté ? Si vous avez été exempté, ce n'est pas un problème.

  3   Témoin B (interprétation). - J'ai accompli mon service

  4   militaire.

  5   M. Moran (interprétation). - Bien. Vous avez donc quelque

  6   expérience militaire, sans pour autant faire partie, bien entendu, du

  7   quartier général ou de l'état-major. Mais, lorsque vous étiez à Bradina,

  8   vous avez pu juger du degré d'organisation de la JNA à l'époque. A

  9   l’évidence, vous vous êtes trouvé dans une armée bien organisée et

 10   respectée en Europe. Vous êtes d'accord ?

 11   Témoin B (interprétation). - Malheureusement, je dois dire que

 12   je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites que la JNA était une

 13   force militaire bien organisée. Au moment où j'ai accompli mon service

 14   militaire en 1994, je travaillais comme standardiste dans un standard

 15   téléphonique. Je n'ai donc pas d'expérience liée à une quelconque théorie

 16   militaire si vous avez en tête une attaque, par exemple, ou une activité

 17   de ce genre.

 18   Sur la base de mon expérience, je dirais que la JNA était

 19   terriblement mal organisée. Donc, je répète que je ne suis pas compétent.

 20   Y compris pendant mon service militaire, je n'étais que standardiste et

 21   donc je ne vois pas comment je pourrais prononcer un jugement de ce genre.

 22   M. Moran (interprétation). - Je vais passer à un autre sujet. Je

 23   vais vous dire pourquoi je vous pose cette question de façon à ce qu'elle

 24   ne vous surprenne en aucune façon.

 25   Vous êtes peut-être la première personne à qui nous parlons ici


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  1   qui s'est trouvée à l'intérieur du camp tout en sortant de temps en temps.

  2   Vous en êtes sorti de temps en temps pour diverses activités.

  3   La question que je vous pose est la suivante : si j'ai bien

  4   compris, il y avait des militaires qui vivaient et qui stationnaient dans

  5   le camp de Celebici, et qui ne faisaient pas partie des gardes ; ils

  6   faisaient partie d'une unité distincte. Pouvez-vous me donner davantage de

  7   renseignements à ce sujet ?

  8   Témoin B (interprétation). - Je dois vous dire, pour commencer,

  9   que votre première affirmation est inexacte. Je veux parler du moment où

 10   vous avez dit que je pouvais circuler dans Celebici. Je travaillais dans

 11   le camp. Celebici est un grand village. Le camp se trouve à l'intérieur de

 12   ce village, ce qui veut dire que je ne circulais pas dans le village ; je

 13   ne circulais que dans le camp et toujours sous escorte. Ce n'était donc

 14   pas un avantage.

 15   Il arrivait quelquefois qu'à 1 h 00 du matin, un véhicule

 16   arrive. Une dizaine d’hommes recevaient l'ordre d’aller décharger ce

 17   véhicule. Ensuite, un deuxième groupe recevait le même ordre. Il ne

 18   s'agissait donc pas de circulation libre mais sous escorte. Nous devions

 19   nous rendre à tel ou tel endroit dans l'enceinte du camp où je

 20   travaillais.

 21   La deuxième partie de votre question portait sur d'autres

 22   militaires, sur d'autres personnes en uniforme distinctes des gardiens.

 23   C'est bien cela ? Dites-moi si j'ai bien compris ?

 24   M. Moran (interprétation). - Oui, Monsieur. Bien. D'abord je

 25   tiens à vous dire que ma question portait sur le camp et pas sur le


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  1   village de Celebici.

  2   Y avait-il d'autres militaires qui étaient cantonnés dans le

  3   camp ou qui vivaient dans le camp de Celebici et qui ne faisaient pas

  4   partie des gardes ? Une autre unité peut-être ? Qui partageaient les

  5   locaux du camp ?

  6   Témoin B (interprétation). - A un moment, dans un hangar proche

  7   du hangar n° 6 qui servait de lieu de détention, ont séjourné des hommes

  8   en uniforme. Nous pensions qu'il s'agissait de militaires puisqu'ils

  9   étaient armés. Je dis bien que nous le pensions parce qu'ils ne nous ont

 10   jamais été présentés avec quelque précision que ce soit. Donc, si on peut

 11   appeler "séjour" ces moments brefs qu'ils ont passés dans le camp, la

 12   réponse est oui.

 13   Bien sûr, il y avait aussi d'autres personnes qui se trouvaient

 14   là et qui n'avaient pas de relations directes avec les gardes. Je crois

 15   qu'il y avait quelqu'un qui réparait les armes, les fusils et qui avait là

 16   une pièce avec un lit, pour y passer la nuit. Peut-on parler de cela comme

 17   d'un séjour dans le camp ? Je ne sais pas.

 18   M. Moran (interprétation). - Bien. Maintenant, vous rappelez-

 19   vous avoir parlé, dans votre déposition, du jour où vous êtes arrivé à

 20   Celebici, du jour où vous avez reçu l'ordre de vous mettre contre un mur

 21   après être descendu du camion ? Vous avez dit qu'il y avait des soldats

 22   musulmans qui étaient arrivés juste après votre arrivée à Celebici. Vous

 23   avez dit, dans votre déposition, aux réponses à l’interrogatoire

 24   principal, que vous avez tous été alignés le long d'un mur et que vous

 25   avez subi des insultes, des menaces, et qu'on vous avait donné l'ordre de


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  1   vider vos poches. Vous rappelez-vous avoir dit cela ?

  2   Témoin B (interprétation). - Oui.

  3   M. Moran (interprétation). - Bien. Avez-vous vu des gens qui

  4   circulaient dans les alentours et qui ne faisaient pas partie des

  5   gardiens ?

  6   Témoin B (interprétation). - Non. Je n'en ai pas vu. Je dois

  7   vous dire qu'à ce moment-là, j'ai eu l'impression que je n'avais pas le

  8   droit de trop regarder autour de moi. Je dis que c'était une impression.

  9   Donc, je n'ai regardé que les gardiens et peut-être même que je n'ai pas

 10   vu tous les gardiens. Je regardais ceux que j'avais devant moi, dans la

 11   direction de mon regard. Je n'ai pas vu qui étaient les gardes qui se

 12   trouvaient derrière moi.

 13   Vous voyez, je ne me suis pas vraiment retourné, je n'ai pas

 14   regardé tout autour de moi pour voir s'il y avait d'autres personnes. Dans

 15   des situations de ce genre, il est assez peu naturel de se retourner et de

 16   regarder le paysage. Peut-être que d'autres l'ont fait, mais moi non.

 17   M. Moran (interprétation). - Je comprends. Monsieur, merci

 18   beaucoup.

 19   Monsieur le Président, j'en ai fini avec ce témoin.

 20   M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Y a-t-il

 21   d’autres contre-interrogatoires ?

 22   Mme McMurrey (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

 23   M. le Président (interprétation). - Vous avez la parole.

 24   Mme McMurrey (interprétation). - Je voudrais informer le

 25   Greffier que je vais avoir besoin de ces trois photographies des gens de


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  1   Belgrade dans quelques instants. Je n'en connais pas le numéro. Merci.

  2   Puis-je procéder ? Merci.

  3   Bonjour, Monsieur le Témoin B. Je m’appelle Cynthia McMurrey.

  4   Bonjour. Je suis le conseil de la défense de M. Esad Landzo.

  5   Je sais que l'accusation en a déjà discuté avec vous, mais il y

  6   a une chose que j'aimerais que vous acceptiez cet après-midi, c'est-à-dire

  7   que vous ne parliez, dans votre déposition devant ce Tribunal, que de ce

  8   que vous avez personnellement vécu, personnellement vu et personnellement

  9   entendu, sans citer d'autres témoins. Sommes-nous d'accord sur ce point ?

 10   Témoin B (interprétation). - Oui.

 11   Mme McMurrey (interprétation). - Merci beaucoup. Je crois que,

 12   lorsque vous avez répondu, lorsque vous avez fait votre déclaration au

 13   bureau du Procureur en février 1996, vous avez rencontré et discuté avec

 14   M. Ole Hortemo. J'ai du mal à prononcer son nom. Est-ce bien cela ?

 15   Témoin B (interprétation). - Oui.

 16   Mme McMurrey (interprétation). - Vous lui avez donc accordé un

 17   entretien ce jour là, n'est-ce pas ?

 18   Témoin B (interprétation). - Oui.

 19   Mme McMurrey (interprétation). - A un moment donné, entre cette

 20   date et aujourd'hui, l'accusation vous a dit que, nous-mêmes, membres des

 21   conseils de la défense, souhaitions également vous rencontrer pour avoir

 22   un entretien avec vous au sujet de ce qui s'était passé à Celebici ?

 23   Témoin B (interprétation). - Oui.

 24   Mme McMurrey (interprétation). - Vous avez dit aux membres du

 25   bureau du Procureur que vous ne souhaitiez pas parler avec nous, n'est-ce


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  1   pas ?

  2   Témoin B (interprétation). - Oui.

  3   Mme McMurrey (interprétation). - Vous avez donc décidé que vous

  4   ne nous accorderiez pas la même courtoisie que celle que vous aviez

  5   accordée au bureau du Procureur. Est-ce bien cela ?

  6   Témoin B (interprétation). - Je ne vois pas pourquoi on pourrait

  7   dire que j'ai été particulièrement courtois à l'égard de l'accusation. A

  8   l'époque, je ne voyais d'ailleurs pas pourquoi j'aurais eu le moindre

  9   besoin de parler avec des membres de la défense. Je ne trouvais pas cela

 10   nécessaire. J'avais la liberté de choisir et, lorsqu'on a la liberté de

 11   choisir, on opte en faveur de ce que l’on souhaite. Mais, pas une seule

 12   phrase, pas un seul mot, ne m'a laissé entendre que cela pouvait être une

 13   quelconque obligation pour moi. Si cela m'avait été dit, et puisque

 14   j'avais déjà accepté de me présenter devant ce Tribunal, j'aurais joué le

 15   jeu, si je puis m'exprimer ainsi, et j'aurais accepté de discuter avec

 16   vous. Pourquoi pas. Mais on m'a dit que je pouvais choisir, que je pouvais

 17   accepter ou refuser. A l'époque, j'ai choisi et j’ai décidé de ne pas

 18   discuter avec vous.

 19   Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Nous respectons

 20   également votre choix.

 21   Vous avez déclaré précédemment que vous aviez, bien sûr, accordé

 22   une déclaration au bureau du Procureur et que vous aviez également parlé à

 23   des membres de l'association "Amitié des Femmes serbes". Vous avez

 24   également dit avoir discuté avec des représentants d'une agence de

 25   tourisme, si je ne m'abuse.


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  1   Pouvez-vous nous dire quel genre de déclaration vous avez faite

  2   à cette agence de tourisme ?

  3   Témoin B (interprétation). - Soit il y a eu erreur

  4   d'interprétation, soit vous avez mal compris.

  5   Lorsque ce monsieur, votre collègue -celui qui m'a interrogé

  6   précédemment- m'a demandé comment j'en étais venu à faire une déclaration,

  7   j'ai dit de façon très claire -et je le répète à présent- que je n'ai

  8   fourni aucune déclaration à une organisation de femme serbes. Je n'ai

  9   fourni une déclaration exclusivement qu'à M. Hortemo, en présence de son

 10   interprète. A ce moment-là, j'avais l'impression que je n'avais pas à

 11   répondre à la question de savoir qui avait organisé cela. Donc, j'ai dit

 12   que cela aurait pu être une agence de tourisme. Cela signifie que je n'ai

 13   pas fait de déclaration à une quelconque agence de tourisme.

 14   J'ai déjà dit que je n'avais fourni de déclaration à personne

 15   d'autre qu’à un représentant officiel de ce Tribunal pour autant que

 16   M. Hortemo ait été, à l'époque, ou soit encore aujourd'hui, un

 17   représentant du Tribunal. C'est, en tout cas, comme cela qu'il m'a été

 18   présenté.

 19   Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Je voudrais maintenant

 20   demander l'aide de l'huissier pour que ces trois photographies soient

 21   remises à Monsieur B. Pour le compte rendu, j'ajouterai que je demande les

 22   cotes de ces trois photographies.

 23   M. le Greffier - Il s'agit des pièces 5-2, 6-2 et documents 7-2.

 24   Mme McMurrey (interprétation). - Merci beaucoup. Je suppose que

 25   nous allons commencer par la première photographie. Je demanderai qu'elle


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  1   soit placée sur le rétroprojecteur.

  2   M. le Président (interprétation). - Pouvez-vous faire identifier

  3   les cotes de façon à ce qu'elles correspondent ?

  4   Mme McMurrey (interprétation). - Oui, je vais demander à

  5   l'huissier de le faire. Monsieur l'Huissier, pouvez-vous nous donner la

  6   cote qui figure sur les photographies avant de la placer sur le

  7   rétroprojecteur ?

  8   M. l’Huissier (interprétation). - D6/2.

  9   Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Pouvez-vous me dire si

 10   vous avez déjà vu cette femme par le passé sur la base de ce que nous

 11   voyons à l'écran en ce moment ?

 12   Témoin B (interprétation). - Je crois que non. Je crois que je

 13   ne l'ai pas vue.

 14   Mme McMurrey (interprétation). - Bien. Merci. Peut-on passer à

 15   la photographie suivante, je vous prie ?

 16   M. l’Huissier (interprétation). - D5/2.

 17   Mme McMurrey (interprétation). - Il s'agit de la photographie

 18   D5/2. Pouvez-vous regarder cette photographie et me dire si vous avez

 19   jamais vu -et si vous la reconnaissez- cette personne par le passé ?

 20   Témoin B (interprétation). - Oui.

 21   Mme McMurrey (interprétation). - Pouvez-vous nous dire de qui il

 22   s'agit ?

 23   Témoin B (interprétation). - C'est le Dr Milivoje Bjelica, c'est

 24   d'ailleurs écrit. Je vois son nom inscrit là.

 25   Mme McMurrey (interprétation). - Vous le connaissez pour l’avoir


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  1   vu à Belgrade. Est-ce exact ?

  2   Témoin B (interprétation). - Oui.

  3   Mme McMurrey (interprétation). - Le connaissez-vous en qualité

  4   de président de l'Association des anciens détenus de Belgrade ?

  5   Témoin B (interprétation). - Non.

  6   Mme McMurrey (interprétation). - Est-il vrai qu'à un certain

  7   moment, il vous a examiné à Belgrade ?

  8   Témoin B (interprétation). - Oui.

  9   Mme McMurrey (interprétation). - Et, lorsqu'il vous a examiné,

 10   lui avez-vous fait une déclaration au sujet de ce que vous aviez vécu à

 11   Celebici ?

 12   Témoin B (interprétation). - Non.

 13   Mme McMurrey (interprétation). - Lorsqu'il vous a examiné, à

 14   Belgrade, est-ce qu’il a fait des radiographies de parties de votre

 15   corps ?

 16   Témoin B (interprétation). - Je ne me rappelle pas s'il y a eu

 17   des radiographies. Je sais que j'ai subi un examen médical, mais je ne me

 18   rappelle pas s'il y a eu des radiographies.

 19   Mme McMurrey (interprétation). - Donc, s'il y a eu des

 20   radiographies, il ne vous les a pas remises, n'est-ce pas ?

 21   M. le Président (interprétation). - Il a répondu à la question ;

 22   il a dit qu'il ne savait pas s'il y avait des radiographies. Dans ces

 23   conditions, il ne peut donc pas répondre à la question suivante.

 24   Mme McMurrey (interprétation). - J'en poserai une autre,

 25   Monsieur le Président. Monsieur, vous rappelez-vous si vous avez eu un


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  1   examen d'urine à quelque moment que ce soit dans le cadre de cet examen

  2   médical ?

  3   Témoin B (interprétation). - Non, je ne me rappelle pas. Je peux

  4   vous dire que cet examen a été fait il y a sans doute cinq ans. Entre

  5   temps, des choses tellement importantes ont eu lieu dans ma vie, des

  6   changements tellement importants -il y avait des problèmes d'existence,

  7   des problèmes de déménagement de Belgrade, etc.- que je ne me rappelle pas

  8   de tous les détails de cet examen médical particulier.

  9   Mme McMurrey (interprétation). - Donc vous dites dans votre

 10   déposition que vous ne vous rappelez pas de ce qui s'est passé au cours de

 11   cet examen médical, mais vous vous rappelez que vous n'avez pas fait de

 12   déclaration au sujet de ce que vous aviez vécu à Celebici à l'intention de

 13   ce monsieur. C'est bien cela ?

 14   Témoin B (interprétation). - J'éprouvais certaines difficultés,

 15   certaines douleurs au dos, et il est fort possible qu'il m'ait demandé ce

 16   qui s'était passé, si j'étais tombé, ou si c'était à la suite d'un coup

 17   que j'aurais reçu... Des choses de ce genre. Je ne sais pas quels sont les

 18   termes médicaux, les termes appropriés. Je pense que quand un médecin vous

 19   voit , il veut connaître la source du problème. Il se peut qu'il m'ait

 20   demandé si j'étais tombé ou si quelqu'un m'avais frappé. De cette façon,

 21   il peut savoir comment vous traiter. Il doit connaître l'origine du mal.

 22   Il se peut que je lui ai dit que j'étais détenu dans un camp. Il m'est

 23   difficile de me souvenir exactement des propos que j'ai tenus alors, mais

 24   il est fort probable qu'il m'ait posé la question.

 25   Mme McMurrey (interprétation). - Vous saviez que ce médecin


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  1   avait aussi des rapports avec l'association des anciens détenus à

  2   Belgrade, n'est-ce pas ?

  3   Témoin B (interprétation). - Non. Je ne savais même pas qu'une

  4   telle association existait à Belgrade et je n'en ai d'ailleurs jamais été

  5   membre. J'ai obtenu l'adresse du Dr Bjelica par le biais d'un autre

  6   détenu, un de mes parents. Et, lorsque nous sommes arrivés en Serbie, les

  7   premiers jours, personne ne s'est présenté nulle part. Nous craignions la

  8   mobilisation. On ne savait pas ce qui pouvait advenir. Par la suite, ces

  9   craintes ne se sont pas avérées, mais nous n'avions aucun document, aucun

 10   certificat médical.

 11   J'ai appris que cet homme était très humain, qu'il était prêt à

 12   nous examiner gratuitement. Je ne le connaissais pas avant la guerre. Je

 13   ne savais pas non plus qu'il était affilié à une association quelconque.

 14   Je ne connaissais pas son nom de famille.

 15   Mme McMurrey (interprétation). - Vous dites qu'aucun d'entre-

 16   vous ne s'était présenté à ce médecin pour faire un examen auprès de lui ?

 17   Témoin B (interprétation). - Non.

 18   Pourriez-vous être plus précise quand vous posez les questions ?

 19   Je n'ai jamais dit que personne ne se présentait ou ne s'inscrivait auprès

 20   des autorités. Lorsque j'ai appris qu'il était possible de le faire sans

 21   craindre de conséquences, je suis allé immédiatement voir les autorités

 22   compétentes. Mais ceci s'est fait après quelques jours. C'est donc

 23   seulement par la suite que nous nous sommes inscrits.

 24   Mme McMurrey (interprétation). - Excusez-moi,

 25   Monsieur l'Huissier, pourrions-nous changer de photo ? Montrez-nous la


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  1   dernière. Ce serait la cote D/7/2.

  2   Reconnaissez-vous ce monsieur ?

  3   Témoin B (interprétation). - Non.

  4   Mme McMurrey (interprétation). - J'aimerais qu'il soit précisé

  5   au procès-verbal que la seule personne reconnue sur les photos, c'est

  6   celle de la photo D 5/2. Je vous remercie, Monsieur l'Huissier.

  7   Donc, lorsque vous êtes arrivé à Belgrade, vous n'avez pas

  8   demandé de l'aide auprès de l'Association des anciens détenus. Est-ce bien

  9   exact ?

 10   Témoin B (interprétation). - C'est exact.

 11   Mme McMurrey (interprétation). - Je crois que vous avez dit

 12   auparavant que vous ne vous intéressiez pas du tout à la politique. Mais,

 13   en tant qu'économiste, vous savez pertinemment que l'économie et la

 14   politique sont inextricablement liées entre-elles.

 15   Témoin B (interprétation). - Vous avez raison, mais il me faut

 16   peut-être vous donner davantage de détails. Dans la société pour laquelle

 17   je travaillais, je m'occupais du marché intérieur. La politique est

 18   importante pour des économistes qui s'occupent d'importation ou

 19   d'exportation, ainsi ils connaissent la situation qui prévaut dans un pays

 20   donné, ils peuvent voir si le marché est favorable ou si, au contraire, il

 21   y a un exode de capitaux, et ainsi de suite. Je dirais que la politique

 22   n'était pas ma préoccupation principale mais, si vous insistez, je dirais

 23   que personne ne peut s'isoler totalement de la politique. Si vous avez des

 24   yeux, des oreilles, il vous faut bien voir et entendre des choses qui

 25   paraissent dans les journaux et à la télévision. On a une certaine


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  1   connaissance de la situation, mais ce n'était pas mon métier ni ma

  2   préoccupation, pas plus que mon intérêt.

  3   Mme McMurrey (interprétation). - Mais vous avez pourtant déclaré

  4   que vous étiez au courant de la situation politique, laquelle avait fait

  5   perdre toute sa valeur à la devise yougoslave. Est-ce bien exact ?

  6   Témoin B (interprétation). - Bien sûr.

  7   Mme McMurrey (interprétation). - Je crois que vous avez dit

  8   aussi, dans votre déposition, que des troupes musulmanes avaient attaqué

  9   Brdjani. Est-ce exact ?

 10   Témoin B (interprétation). - Si vous avez prêté une oreille

 11   attentive à mes propos, j'ai dit que je m'étais enfui du village de

 12   Brdjani. Et, ceci, dès que cette pluie d'obus et de projectiles commença à

 13   tomber. Je ne sais pas ce qu'on utilisait comme armement ; je ne sais pas

 14   si c'était un équipement militaire anti-aérien. Je ne sais pas. Je n'ai

 15   pas vu de troupes musulmanes en train de pénétrer dans le village.

 16   Mme McMurrey (interprétation). - Mais vous savez aujourd'hui que

 17   ce n'était pas des troupes musulmanes mais que c'étaient les forces

 18   alliées du HOS, de la défense territoriale et du HVO, qui attaquaient ?

 19   Mme McHenry (interprétation). - Je voudrais, sinon objecter, du

 20   moins demander à Me. Mc Murrey de retirer ce qu'elle a dit parce qu'elle a

 21   dit-elle-même qu'il devait parler uniquement de ce qu'il a observé. Alors,

 22   si elle veut lui poser une question à propos de ouï-dire, pas d'objection,

 23   mais que tout soit clair.

 24   Mme McMurrey (interprétation). - Je vais lui demander si, à

 25   partir de ses études, il sait que c'étaient des forces alliées.


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  1   Mme McHenry (interprétation). - Je demanderai à ce moment-là que

  2   nous soit précisé le terme "études".

  3   Mme McMurrey (interprétation). - Je passe, parce que ce n'est

  4   pas si important que cela.

  5   M. le Président (interprétation). - C'est un excellent jeu.

  6   Mme McMurrey (interprétation). - Je peux faire de bonnes

  7   performances de temps en temps !

  8   Vous avez dit que c'était la police militaire musulmane qui vous

  9   avais arrêté dans la seconde quinzaine de juin. Ce n'est pas vrai, n'est-

 10   ce pas ? N'avez-vous pas dit que c'était cette police militaire

 11   musulmane ?

 12   Témoin B (interprétation). - Excusez-moi, mais je ne me souviens

 13   pas avoir dit que c'était la police militaire musulmane qui était venue

 14   m'arrêter en juin ou le 2 juin. Quand aurais-je dit cela ?

 15   Mme McMurrey (interprétation). - En interrogatoire principal.

 16   Vous avez dit que, dans la deuxième quinzaine de juin, sans vous rappeler

 17   de la date exacte, c'étaient des policiers militaires musulmans qui

 18   étaient venus à Brdjani et qui avaient arrêté au moins cinquante, sinon

 19   soixante hommes du village. N'est-ce pas ce que vous avez déclaré ?

 20   Témoin B (interprétation). - Excusez-moi mais, au départ,

 21   j'avais entendu 2 juin et non pas deuxième quinzaine de juin. Ceci étant,

 22   dans cette deuxième quinzaine de juin, je supposais que cette personne

 23   travaillait pour la police militaire musulmane. C'était M. Spago. Je viens

 24   de me souvenir de son prénom : Ferid. Il a donné lecture d'une liste, mais

 25   n'insistez pas trop sur les chiffres précis. Moi, je n'ai estimé que de


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  1   cinquante à soixante hommes du village ; peut-être que c'était moins ou

  2   plus, mais j'ai dit que c'étaient ceux-là qui avaient été arrêtés.

  3   Mme McMurrey (interprétation). - Ce qui m'intéresse ici

  4   particulièrement, c'est qu'il s'agissait de forces ou de police militaires

  5   musulmanes alors que c'étaient des forces alliées autres qui avaient

  6   attaqué, n'est-ce pas ?

  7   Témoin B (interprétation). - Je ne suis vraiment pas un expert

  8   en terminologie militaire. Pour moi, des forces, ce sont plusieurs

  9   personnes, alors qu'en l'occurrence, ce fut un seul homme -un membre de la

 10   police militaire musulmane- qui est venu.

 11   Excusez-moi, mais je parle de ce terme de police militaire

 12   musulmane. Peut-être qu'elle portait à l'époque un autre nom, comme la

 13   défense territoriale, et que, par la suite, c'est devenu l'armée de

 14   Bosnie-Herzégovine. Je ne sais pas exactement. Mais je crois que vous

 15   savez de qui je veux parler. C'était cette seule personne, Ferid Spago. Il

 16   se peut que quelqu'un se soit rendu à l'autre extrémité du village parce

 17   que c'est un village montagneux qui se compose de plusieurs hameaux,

 18   chacun très isolé, avec des maisons tout aussi isolées. Alors je ne sais

 19   pas si quelqu'un d'autre s'est rendu dans une autre partie du village.

 20   Mais moi, je ne me souviens que de Ferid Spago.

 21   M. le Président (interprétation). - Le conseil essaie

 22   d'expliquer au témoin qu'il n'existait pas une telle organisation connue

 23   sous le nom de police militaire.

 24   Mme McMurrey (interprétation). - Merci Monsieur le Président.

 25   M. le Président (interprétation). - Connaissez-vous une telle


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  1   organisation ?

  2   Témoin B (interprétation). - Je connaissais un homme qui me l'a

  3   dit. J'ai parlé des Musulmans pour vous indiquer qu'il ne s'agissait pas

  4   de Serbes. Il se peut que ce ne soit pas une organisation. Une partie de

  5   l'armée de Bosnie-Herzégovine était constituée par la police militaire. Je

  6   pense qu'il y a une police militaire dans toutes les armées du monde et je

  7   pense que je peux dire et répéter qu'un homme, faisant partie de ces

  8   forces, est venu nous donner lecture de cette liste.

  9   Mme McMurrey (interprétation). - Merci.

 10   Témoin B (interprétation). - Excusez-moi, puis-je ajouter cela ?

 11   Je n'entendais pas par là qu'une organisation paramilitaire soit venue et

 12   se soit donnée le titre de police militaire. Il n'y avait pas de groupe

 13   séparé qui comprenait, dans son intitulé, le nom de "police militaire". Je

 14   n’ai jamais voulu dire qu'il s'agissait d'une organisation séparée,

 15   c'était simplement un homme qui relevait de certaines forces.

 16   Mme McMurrey (interprétation). - Maintenant, tout est clair.

 17   Permettez-moi de revenir à ce que Me Residovic, qui défend M. Delalic,

 18   vous a présenté en extrait vidéo. Vous avez bien reconnu la ville de

 19   Konjic et l'église orthodoxe serbe.

 20   Pour vous, cette file de personnes était-elle bien une file de

 21   personnes qui faisaient la queue pour obtenir des rations alimentaires ?

 22   Témoin B (interprétation). - Permettez-moi d'abord de dire que

 23   c'est une impression que j'ai retirée de Konjic. Il y a beaucoup de villes

 24   traversées d’une rivière, avec un paysage vert sur les rives. Ce procès

 25   portant sur Celebici et Konjic, j'en ai conclu logiquement que c'était


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  1   Konjic. La ville ressemblait d'abord à celle de Konjic. J'ai aussi supposé

  2   qu'il s'agissait de l'église orthodoxe.

  3   Je ne sais pas ce que ces personnes faisaient à attendre et ce

  4   qu'elles avaient dans leur sac. Même si je viens moi-même de Konjic et si

  5   j'y ai longtemps vécu, je n'ai reconnu aucune personne dans cette file.

  6   Mme McMurrey (interprétation). - Même si vous n'avez reconnu

  7   personne, n'avez-vous pas reconnu que c'était une file de personnes qui

  8   attendaient pour obtenir une ration alimentaire ?

  9   Mme McHenry (interprétation). - Objection ; c'est une question

 10   déjà posée qui a reçu réponse.

 11   M. le Président (interprétation). - Pourquoi en tirerait-il une

 12   telle conclusion ?

 13   Mme McMurrey (interprétation). - J'ai demandé s'il reconnaissait

 14   cette file comme étant une queue de personnes attendant de la nourriture.

 15   M. le Président (interprétation). - Comment aurait-il pu le

 16   faire ? Etait-il écrit quelque part sur la vidéo que c'était une espèce de

 17   queue que les gens formaient pour obtenir de la nourriture ?

 18   Mme McMurrey (interprétation). - Je croyais que cela avait

 19   vraiment l'air de ce genre de chose, d’un rationnement alimentaire. C'est

 20   ce que j'essayais d'obtenir du témoin. Mais si vous n'êtes pas de cet

 21   avis, Monsieur le Président, je passe.

 22   M. le Président (interprétation). - Beaucoup de gens pourraient

 23   tirer des conclusions différentes de cette assemblée de personnes.

 24   Mme McMurrey (interprétation). - Fort bien, Monsieur

 25   le Président. Merci.


Page 4973

  1   Vous avez dit que, même lors de la dernière année, il y avait

  2   pénurie alimentaire. Je crois que vous avez parlé aussi de nourriture pour

  3   nourrisson. Y avait-il pénurie alimentaire à Konjic en 1992 ?

  4   Témoin B (interprétation). - Croyez moi, je ne sais pas ce qu'il

  5   en était des autres ravitaillements. Je sais que je ramenais souvent de la

  6   nourriture pour bébé de Sarajevo. Cela ne veut pas dire que je ne pouvais

  7   pas en trouver à Konjic, mais c'était plus facile d’en trouver à Sarajevo

  8   que dans une petite ville comme Konjic.

  9   C'était souvent ma mère ou ma femme qui allaient faire les

 10   courses. C'étaient elles qui s'occupaient de cela, donc moi je ne sais

 11   pas.

 12   Mme McMurrey (interprétation). - Comme viviez-vous à Konjic et

 13   comment travailliez-vous à Sarajevo ? Saviez-vous qu'en avril, il y avait

 14   quelques vingt mille réfugiés qui traversaient Konjic à l'époque ?

 15   Témoin B (interprétation). - Non.

 16   Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Vous avez déjà déclaré

 17   que des blessures avaient été infligées à Nedeljko Draganic, à Dusco

 18   Bendzo, ainsi qu’à d'autres personnes dont vous avez cité le nom.

 19   J'aimerais une précision. Vous avez peut-être vu les blessures

 20   de ces personnes, mais vous n'avez pas vu ce qui leur était arrivé, alors

 21   que ces personnes se trouvaient à l'extérieur du hangar. N'est-ce pas ?

 22   Témoin B (interprétation). - J'ai dit, sans ambiguïté aucune,

 23   quelles étaient les blessures, de quelles personnes il s'agissait, et

 24   quelles étaient les tortures dont j'avais été le témoin oculaire. Par la

 25   suite, j'ai précisé les blessures que j'avais vues.


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  1   J'ajouterai que j'ai vraiment vu ces blessures, mais que je n'ai

  2   pas assisté au moment où ces blessures -par exemple les brûlures- ont été

  3   infligées. J'ai peut-être vu d'autres choses. Si vous le voulez, je

  4   pourrais apporter d'autres précisions.

  5   Mme McMurrey (interprétation). - Mais vous avez déjà apporté ces

  6   précisions. Je vous en remercie d'ailleurs.

  7   Je voudrais vous demander si vous étiez au courant d'un incident

  8   survenu le 12 juillet 1992. Ce jour-là, des policiers militaires furent

  9   tués dans un village appelé Repovci. Etiez-vous au courant ?

 10   Témoin B (interprétation). - Je ne me souvenais pas de la date,

 11   mais je pense que c'était vers cette date-là. J'ai appris qu'un groupe de

 12   policiers militaires avaient été tués.

 13   Mme McMurrey (interprétation). - Mais en fait, vous connaissiez

 14   certains de ces policiers du fait que vous viviez à Konjic ?

 15   Témoin B (interprétation). - On pourrait dire que je connaissais

 16   peut-être au maximum deux de ces policiers, mais je n'ai jamais appris le

 17   nom de toutes les personnes qui furent tuées lors de cet incident.

 18   Mme McMurrey (interprétation). - Rappelez-vous, ces meurtres

 19   n'ont-ils pas été considérés d'une brutalité toute particulière ?

 20   Témoin B (interprétation). - Je ne me trouvais pas sur les lieux

 21   et je ne disposais pas non plus de beaucoup d'informations. Je n'osais pas

 22   trop mener d'enquête. A l'époque, je savais qu'un accident était advenu,

 23   que des personnes avaient perdu la vie. Je connaissais personnellement une

 24   personne. Il se peut que j'en connaisse une seconde, mais je ne dispose

 25   vraiment d'aucun détail. Je ne sais pas qui a mené l'enquête, je ne sais


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  1   pas ce qui est arrivé.

  2   Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Vous avez également

  3   déclaré que, de temps en temps, un garde venait au hangar n° 6 et qu'il

  4   avait sans doute reçu l'ordre de sélectionner certains détenus qu'il

  5   devait affecter à certaines activités. Est-ce bien exact ?

  6   Témoin B (interprétation). - Oui.

  7   Mme McMurrey (interprétation). - Même si vous n'étiez que

  8   standardiste lorsque vous faisiez votre service militaire dans la JNA,

  9   cette expérience vous permettait de savoir que les gardes exécutent, en

 10   général, les ordres.

 11   Témoin B (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne sais pas

 12   comment l'armée de Bosnie-Herzégovine était organisée. Est-ce qu'on

 13   suivait des ordres ou est-ce que chacun en faisait à sa guise ? Si c'est

 14   là votre hypothèse, il se peut qu'elle soit correcte, mais c'est tout ce

 15   que je peux dire. Je ne suis pas du tout sûr et je ne sais pas du tout

 16   quelle était la structure de commandement. Peut-être n'aurais-je pas dû

 17   avancer cette hypothèse.

 18   Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Vous savez qu'avant la

 19   visite de la Croix-Rouge internationale au mois d’août, M. Landzo a quitté

 20   Celebici et qu'il n'y était plus ?

 21   Témoin B (interprétation). - Peut-être bien. Je ne sais pas

 22   quand M. Landzo a exactement quitté Celebici.

 23   Mme McMurrey (interprétation). - Avant la guerre, vous

 24   connaissiez un homme -dont je ne dirai pas le nom en audience publique-

 25   dont le prénom était Mirko et qui était propriétaire d'un restaurant à


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  1   Konjic ?

  2   Témoin B (interprétation). - Oui, mais il ne s'appelle pas

  3   Mirko. C'était son surnom.

  4   Mme McMurrey (interprétation). - Oui, j'utilise uniquement son

  5   surnom.

  6   Témoin B (interprétation). - Vous avez évité de prononcer le nom

  7   de famille et ce n'est effectivement pas un nom, c'est un surnom. Je veux

  8   être sûr qu'on parle bien de la même personne.

  9   Mme McMurrey (interprétation). - Saviez-vous que M. Landzo

 10   travaillait pour lui avant la guerre ?

 11   Témoin B (interprétation). - C'est par la suite que je l'ai

 12   appris. J'ai dû voir M. Landzo quelquefois dans ce restaurant, mais je n'y

 13   ai pas fait attention. Mais Mirko était un excellent ami. Il est fort

 14   probable que c'est chez lui que j'ai vu Landzo. Mais c’est plus tard

 15   seulement que j'ai appris que M. Landzo avait travaillé dans ce

 16   restaurant.

 17   Quand vous allez au restaurant et si vous y voyez quelqu'un,

 18   cela ne veut pas nécessairement dire que cette personne y travaille. Je

 19   n'ai pas fait attention à la fonction qu'exerçait alors M. Landzo.

 20   Mme McMurrey (interprétation). - Lorsque vous étiez à Celebici,

 21   vous avez appris que M. Landzo était aussi un ami de Mirko. Vous êtes

 22   aussi devenus des amis ou presque. M. Landzo ne vous a jamais fait de mal

 23   à Celebici ?

 24   Témoin B (interprétation). - C'est tout à fait exact. M. Landzo

 25   ne m'a jamais fait de mal et je ne l'ai d'ailleurs jamais dit.


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  1   Ce n'est pas à cause de Landzo que j'ai été amené à Celebici, ce

  2   n'est d’ailleurs pas lui qui m’y a amené.

  3   Moi je vous dis simplement ce que j'ai vu et ce que j'ai

  4   entendu. Je dis effectivement qu’il ne m’a jamais fait de mal.

  5   Mme McMurrey (interprétation). - Une dernière question : c'est

  6   vrai qu'au risque d'être puni pour ce qu'il faisait, M. Landzo a permis à

  7   votre femme de venir vous rendre visite là où lui avait son petit endroit

  8   alors que vous étiez à Celebici, n'est-ce pas ?

  9   Témoin B (interprétation). - Oui.

 10   Mme McMurrey (interprétation). - Merci Monsieur. Je n'ai plus de

 11   questions à vous poser.

 12   M. le Président (interprétation). - Y a-t-il des questions que

 13   l'accusation voudrait poser à la suite des contre-interrogatoires ?

 14   Mme McMurrey (interprétation). - Oui.

 15   Vous avez vu des personnes qui avaient subi des blessures du

 16   fait de brûlures infligées par des armes ou des instruments chauffés à

 17   blanc. Pourriez-vous nous dire quels sont ceux des incidents que vous avez

 18   vus personnellement et quels sont ceux des incidents dont vous n'auriez vu

 19   que les séquelles des blessures par la suite ?

 20   Témoin B (interprétation). - J'ai personnellement été le témoin

 21   des incidents concernant l'oreille d'un des prisonniers dans laquelle une

 22   pince chauffée à blanc avait été introduite ; puis, le fait d'entourer une

 23   mèche de détonateur autour du corps d'un des frères ; les sévices, les

 24   coups de pied fréquents, portés sur les hommes qui faisaient des pompes.

 25   Pour ce qui est des brûlures, je n'ai pas vu le moment même où


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  1   elles furent causées. J'ai vu les blessures résultant des brûlures mais

  2   pas le moment où elles ont été infligées.

  3   Mme McHenry (interprétation). - C'était la seule question que je

  4   voulais poser dans le cadre de l'interrogatoire supplémentaire.

  5   Je voulais vous dire aussi que le service de traduction m'a

  6   fourni une traduction corrigée où il n'est pas question de “sa” au

  7   féminin, mais de “son” au masculin. J'en ai déjà fourni une copie au

  8   conseil.

  9   Aussi, à la première ligne, au lieu de dire : "Après avoir

 10   interrogé la personne dont le nom figure ci-après", ils ont simplement

 11   modifié la grammaire. Ce sont des pièces que je soumets parce que la pièce

 12   a déjà été versée au dossier. Cette pièce n'a pas changé.

 13   M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. L'aspect le

 14   plus marquant, c'était cette question du masculin et du féminin. Mais je

 15   pense que ceci a été modifié.

 16   Je suppose que nous avons terminé l'interrogatoire de ce témoin.

 17   Fort bien Monsieur, vous pouvez vous retirer.

 18   L'audience est levée à 17 h 30.

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