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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-96-21-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Mardi 12 août 1997
4 L'audience est ouverte à 10 heures 05.
5 M. le Président (interprétation). - Madame et Messieurs,
6 bonjour. Peut-on faire entrer le témoin ?
7 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience.)
8 M. le Président (interprétation). - Peut-on avoir les
9 comparutions ce matin ?
10 M. Niemann (interprétation). - Je m'appelle M. Niemann. Je
11 comparais en présence de Me McHenry, de Me Turone ainsi que de
12 Me Vandusschoten, au nom de l'accusation.
13 M. le Président (interprétation). - Les comparutions du côté de
14 la défense.
15 Mme Residovic (interprétation). - Bonjour,
16 Madame et Messieurs les Juges. Je m'appelle Edina Residovic. Je défends
17 M. Zejnil Delalic en compagnie de mon confrère Eugène O'Sullivan,
18 professeur canadien.
19 M. Olujic (interprétation). - Bonjour,
20 Madame et Messieurs les Juges. Je suis Me Olujic. Je défends M. Mucic. Mon
21 confrère, Me Greaves n'est toujours pas remis. C'est mon confrère Duric
22 qui comparait avec moi ce matin.
23 M. Karabdic (interprétation). - Je défends M. Hazim Delic avec
24 Me Tom Moran, avocat venant de Houston, au Texas.
25 M. Ackerman (interprétation). - Bonjour,
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1 Madame et Messieurs les Juges. Je m'appelle John Ackerman. Je comparais
2 avec Me Cynthia McMurrey pour défendre Esad Landzo.
3 M. le Président (interprétation). - Veuillez rappeler au témoin
4 qu'il témoigne sous serment.
5 M. le Greffier. - (Hors micro.)
6 M. Sudar (interprétation). - Je suis Branko Sudar et je suis
7 conscient de ce serment.
8 M. le Président (interprétation). - Maître McMurrey, veuillez
9 poursuivre votre contre-interrogatoire.
10 Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Bonjour
11 Monsieur le Président.
12 M. le Président (interprétation). - Bonjour.
13 Mme McMurrey (interprétation). - Bonjour Monsieur. Comment
14 allez-vous aujourd'hui ?
15 M. Sudar (interprétation). - Bien. Merci.
16 Mme McMurrey (interprétation). - Je suis sûre que vous êtes
17 content de pouvoir bientôt rentrer chez vous.
18 M. Sudar (interprétation). - Oui. Effectivement.
19 Mme McMurrey (interprétation). - Je voulais vous rappeler que
20 nous avions conclu un accord hier, selon lequel vous parleriez devant ce
21 Tribunal de choses que vous connaissez, que vous avez entendues, que vous
22 avez vues personnellement. On vient de vous rappeler que vous êtes
23 toujours sous serment. Je suis sûre que vous allez respecter cet accord.
24 Est-ce bien exact ?
25 M. Sudar (interprétation). - Oui, je respecterai cet accord et
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1 je ne dis que ce que j'ai vu.
2 Mme McMurrey (interprétation). - Merci. Je sais que vous ne vous
3 souvenez pas bien des dates, vous l'avez dit hier, mais vous avez été
4 transféré de Musala à Celebici, parce qu'il a été décidé que vous aviez
5 restitué une arme automatique. Est-ce exact ?
6 M. Sudar (interprétation). - Non, je n'ai remis aucune arme.
7 Mme McMurrey (interprétation). - Mais vous avez dit, la semaine
8 dernière, que vous aviez acheté un revolver.
9 M. Sudar (interprétation). - Un revolver ? Oui, je l'ai laissé
10 chez moi. J'ai dit où il était et le lendemain ils sont allés le chercher.
11 Effectivement, j'avais acheté un revolver.
12 Mme McMurrey (interprétation). - Jeudi dernier, à la page 57/64,
13 ligne 2 du transcript, vous avez dit que vous ne connaissiez pas les
14 gardes, mais que vous aviez peut-être connu une personne dénommée Zenga en
15 tant qu'enfant. En fait, vous avez découvert qui était Zenga ou M. Landzo
16 de la part d'autres personnes, n'est-ce pas ?
17 M. Sudar (interprétation). - Je l'avais vu, certes, mais je ne
18 le connaissais pas bien auparavant. Je l'ai vu au camp. Il était appelé
19 Zenga. Ce n'était plus un enfant, d'ailleurs, c'était un jeune homme.
20 Mme McMurrey (interprétation). - Monsieur Sudar, je crois que
21 vous avez servi dans l'armée yougoslave.
22 M. Sudar (interprétation). - C'est exact.
23 Mme McMurrey (interprétation). - Pourriez-vous nous dire quel
24 grade vous aviez dans l'armée yougoslave ?
25 M. Sudar (interprétation). - Je n'avais pas de grade. Je ne
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1 voulais pas de grade, d'ailleurs.
2 Mme McMurrey (interprétation). - Vous y étiez un simple soldat ?
3 M. Sudar (interprétation). - Effectivement, un simple soldat.
4 Mme McMurrey (interprétation). - En tant que tel, vous devez
5 suivre, appliquer les ordres de vos supérieurs, n'est-ce pas ?
6 M. Sudar (interprétation). - Je ne sais pas. Je n'avais pas de
7 supérieur, rien du tout.
8 Mme McMurrey (interprétation). - Vous avez dit devant ce
9 Tribunal que M. Landzo faisait sortir des gens du hangar n°°6. Ne serait-
10 il pas exact de dire qu'il pourrait aussi simplement avoir exécuté des
11 ordres, n'est-ce pas ?
12 M. Sudar (interprétation). - Je ne sais pas. Les ordres de qui
13 il exécutait... En tout cas, il faisait sortir des gens, mais je ne sais
14 pas sur les ordres de qui.
15 Mme McMurrey (interprétation). - N'est-il pas exact que la
16 plupart du temps -99 % du temps- chaque fois que l'on faisait sortir
17 quelqu'un du hangar n°°6, cela se faisait la nuit, il faisait sombre ?
18 M. Sudar (interprétation). - Cela se passait pendant la journée
19 aussi. Si je devais tout vous raconter, il faudrait une demi-journée pour
20 le faire. Il faisait sortir une personne après l'autre. J'ai simplement
21 relevé les cas les plus spécifiques, celui de Babic, de Mrkajic, la
22 question du chauffeur de taxi, Bendzo. Des gens étaient obligés de sortir
23 pendant la jour et Zenga venait aussi pendant la journée pour frapper les
24 gens.
25 Mme McMurrey (interprétation). - Vous avez aussi dit, à la
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1 page 57, ligne 5 du transcript de jeudi dernier, que la porte du
2 hangar n°°6 était toujours fermée, ce qui rendait la température
3 intolérable à l'intérieur du hangar.
4 M. Sudar (interprétation). - La porte était fermée quand il
5 voulait que la porte soit fermée, quand il voulait que nous n'ayons pas
6 d'air pour respirer. Nous étions à même le sol pour avoir un peu plus
7 d'air, sans eau, sans nourriture, avec presque rien. Quand il venait, il
8 ouvrait les portes. Zenga ouvrait la porte quand il venait. Parfois, la
9 porte était ouverte, mais quand il voulait nous torturer il fermait la
10 porte.
11 Mme McMurrey (interprétation). - Il est aussi exact, n'est-ce
12 pas, que la plupart des gardes étaient très jeunes ?
13 M. Sudar (interprétation). - Non. Ce n'est pas ce que je dirais.
14 Ils n'étaient pas si jeunes que cela. Dès qu'ils portaient une arme, dès
15 qu'ils peuvent être soldats, je ne pense pas qu'un enfant puisse porter un
16 uniforme.
17 Mme McMurrey (interprétation). - Mais vous savez que Zenga
18 n'avait que dix-huit ou dix-neuf ans en 1992 !
19 M. Sudar (interprétation). - Je ne sais pas quel âge il a,
20 Madame.
21 Mme McMurrey (interprétation). - Vous avez dit avoir entendu sa
22 voix le plus souvent, parce que c'était lui qui faisait sortir les gens,
23 mais il y avait d'autres gardes aussi jeunes qui pouvaient aussi avoir la
24 voix haut perchée, n'est-ce pas ?
25 M. Sudar (interprétation). - Sa voix, c'est souvent celle qu'on
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1 entendait. Il y avait aussi la voix d'Osman Dedic. Rappelez vous qu'il y
2 avait aussi un policier de Fodja (?). Il y avait quelqu'un qui s'appelait
3 Kemal. Je ne me souviens pas très bien des noms de famille.
4 C'est Landzo qu'on voyait le plus souvent, du moins d'après mes
5 observations. C'est lui qui était à l'avant-plan pour tout.
6 Mme McMurrey (interprétation). - J'aimerais que vous écoutiez ma
7 question. Il est facile d'y répondre. Il est exact que vous ne connaissez
8 pas la voix de tous les autres jeunes gardes ?
9 M. Sudar (interprétation). - J'ai oublié ces choses-là. Mais je
10 me souviens de la voix haut perchée de Zenga, qu'il était facile de
11 reconnaître. Dès qu'on entendait sa voix, ou cette voix-là on savait qu'il
12 s'agissait de Zenga. Il déambulait dans le hangar. Parfois, il avait un
13 chien qu'il obligeait à sauter au-dessus des gens. Heureusement, le chien
14 refusait de le faire. Il a fait toutes sortes de choses qui sont
15 difficiles à décrire sur un plan humain.
16 Mme McMurrey (interprétation). - Mais voici en quoi consistait
17 ma question. Je comprends que vous vouliez faire votre récit mais vous ne
18 connaissez pas la voix de tous les autres jeunes gardes, n'est-ce pas ?
19 M. Sudar (interprétation). - Par exemple, Kemo ou Osman, on
20 entendait leur voix aussi. Mais rappelez-vous, il y a cinq ans que tout
21 cela s'est passé. Je savais aussi quand Delic venait. On entendait ces
22 voix-là, on les reconnaissait.
23 Mme McMurrey (interprétation). - Jeudi dernier, vous avez parlé
24 d'un homme dénommé Scepo Gotovac. Je veux simplement que vous écoutiez ma
25 question.
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1 M. Sudar (interprétation). - Oui. Scepo Gotovac.
2 Mme McMurrey (interprétation). - Vous avez parlé de lui la
3 semaine dernière. J'ai une question précise à vous poser. Scepo Gotovac,
4 on l'a fait sortir du hangar. Vous n'avez pas vu ce qui lui est advenu à
5 l'extérieur du hangar ? Vous avez vu le résultat, lorsqu'il a été ramené à
6 l'intérieur du hangar, n'est-ce pas ?
7 M. Sudar (interprétation). - C’est Zenga qui l’a fait sortir du
8 hangar. Delic était présent, juste à l’extérieur, près de la porte, ils
9 l’ont fait sortir. On entendait Scepo gémir. C'était Zenga qui le
10 frappait. On entendait sa voix.
11 Mme McMurrey (interprétation). - La vérité est que vous ne savez
12 pas ce qui s’est passé à l'extérieur, puisque vous n’avez pas vu ce qui se
13 passait.
14 M. Sudar (interprétation). - Quand la porte était ouverte il
15 était possible de voir. On a vu sortir Scepo devant la porte. Là où il se
16 trouvait on entendait qu'ils l’arrosaient avec de l’eau.
17 Mme McMurrey (interprétation). - Je voudrais revenir à
18 Simo Jovanovic. Rappelez-vous qu'à la page 57/69, ligne 3, vous avez dit à
19 ce Tribunal que ce dernier était frappé par ces voisins, voisins qui, je
20 pense, étaient de Celebici, n'est-ce pas ?
21 M. Sudar (interprétation). - J'ai entendu dire que quelqu'un, un
22 dénommé Subasic, je ne les connaissais pas bien ces gens-là, il y avait
23 aussi un certain Cosic qui le taquinait, qui disait : "Simo, est-ce que tu
24 veux du poisson ? ", parce que manifestement il avait un étang, et Zenga
25 faisait partie du groupe aussi.
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1 Mme McMurrey (interprétation). - Je voulais aussi vous dire
2 ceci. Jeudi dernier vous avez dit que Zenga est entré, qu'il a commencé à
3 frapper certaines personnes, notamment Bosko Samoukovic. A ce moment
4 précis, moment où M. Samoukovic a été frappé et est tombé au sol, M. Zenga
5 semblait effrayé de ce qui se passait, n'est-ce pas ?
6 M. Sudar (interprétation). - Je ne me souviens pas de ce genre
7 de détails. Lorsque l'homme est tombé à terre, à vrai dire je ne
8 supportais plus la vue de tout cela. D'abord Zenga a frappé Rajko Mrkajic
9 et le fils de Samoukovic, qui s’appelait je pense Nedjo. Puis il a frappé
10 Bosko Samoukovic.
11 Mme McMurrey (interprétation). - Ce que je vous ai demandé c'est
12 si M. Landzo semblait effrayé.
13 M. Sudar (interprétation). - Je ne me souviens pas.
14 Mme McMurrey (interprétation). - Vous ne savez pas si à l'époque
15 M. Landzo se contentait d'exécuter des ordres, n'est-ce pas ?
16 M. Sudar (interprétation). - Impossible de le dire. Chacun doit
17 juger s'il exécute un ordre ou pas. Chacun est responsable de ses actes.
18 Mme McMurrey (interprétation). - Vous avez parlé d'un certain
19 Spaso Miljanic et vous avez donné des détails à propos d'une poudre jaune
20 qui était posée sur un couteau utilisé à l'intérieur du hangar. Si
21 M. Miljanic a dit devant ce Tribunal que tout ceci s'est passé à
22 l'extérieur du hangar, est-ce que qu'il ne disait pas la vérité ? Est-ce
23 qu’il se trompait ?
24 M. Sudar (interprétation). - Il était à quelque distance de moi.
25 J'ai vu, lorsqu'il a été maltraité à l'intérieur et à l'extérieur, il a
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1 été frappé à l'intérieur et Babic le forestier, Gotovac, ont été frappés à
2 l'intérieur et à l'extérieur. Il s'est passé toutes sortes de choses dont
3 je ne me souviens pas dans le moindre détail.
4 Mme McMurrey (interprétation). - Toutefois, si cette personne a
5 dit que le couteau a été chauffé à blanc à l'extérieur, chauffé grâce à un
6 linge qu'on a fait brûler, il se tromperait également en disant cela ?
7 M. Sudar (interprétation). - Il a dit que quelque chose de jaune
8 avait été saupoudré sur lui. C'est ce qu'il a dit par la suite, après
9 qu'il ait subi ces brûlures.
10 Mme McMurrey (interprétation). - Vous avez dit jeudi que vous
11 aviez vu cette poudre jaunâtre.
12 M. Sudar (interprétation). - En tout cas, il transportait une
13 poudre jaunâtre. Il y avait aussi un liquide. Je ne comprends pas ce genre
14 de choses. Tous ces produits inflammables, je n’y connais pas grand-chose.
15 Mme McMurrey (interprétation). - Merci, Monsieur Sudar. Je n'ai
16 plus de question à vous poser.
17 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il un interrogatoire
18 supplémentaire ?
19 M. Niemann (interprétation). - Quelques brèves questions.
20 M. le Président (interprétation). - Monsieur, hier, Me Moran,
21 conseil de la défense, vous a posé quelques questions relatives à une
22 liste de noms de personnes qui étaient censées être libérées du camp.
23 Votre nom figurait dans cette liste. Vous souvenez-vous de la question
24 qu'il vous a posée ?
25 M. Sudar (interprétation). - Un instant, s'il vous plaît.
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1 Pouvez-vous répéter cette question ?
2 M. Niemann (interprétation). - Hier, lors du contre-
3 interrogatoire mené par Me Moran, celui-ci vous a posé une question à
4 propos de M. Delic qui serait entré dans le hangar avec une liste de noms
5 qu'il aurait lue, liste de noms de personnes qui allaient être libérées du
6 camp. Vous vous souvenez ?
7 M. Sudar (interprétation). - Oui.
8 M. Niemann (interprétation). - Vous n'avez pas réagi lorsqu'on a
9 cité votre nom, parce que vous vouliez rester au camp ou plutôt parce que
10 vous vouliez en fait faire l'objet d'un échange par la Croix-Rouge ?
11 M. Sudar (interprétation). - Je voulais être échangé grâce à la
12 Croix-Rouge, parce que j'avais été inscrit et, auparavant, un certain
13 Zivak, qui s'était trouvé au camp, avait été libéré. Par la suite, nous
14 avons appris qu'il avait été tué. J'avais donc peur. Je croyais que la
15 Croix-Rouge me protégerait du seul fait que j'avais été inscrit sur leur
16 liste.
17 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous, par la suite, fait
18 l'objet d'un échange ?
19 M. Sudar (interprétation). - Oui.
20 M. Niemann (interprétation). - Je n'ai plus de questions à poser
21 au témoin, Monsieur le Président.
22 M. le Président (interprétation). - Il n'y a donc plus de
23 questions à poser au témoin. M. Sudar, je vous remercie. Vous pouvez
24 disposer.
25 M. Sudar (interprétation). - Je vous remercie,
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1 Madame et Messieurs les Juges.
2
3 (Le témoin est reconduit hors de la salle d'audience.)
4 M. le Président (interprétation). - Vous allez appeler à la
5 barre votre prochain témoin ?
6 M. Turone (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, nous
7 appelons à la barre M. Petko Grubac.
8 (Le témoin est introduit dans la salle).
9 M. Grubac (interprétation). - Je déclare solennellement que je
10 dirai la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
11 M. Turone (interprétation). - Puis-je commencer,
12 Monsieur le Président ?
13 M. le Président (interprétation). - Allez y, Monsieur Turone.
14 M. Turone (interprétation). - Merci. Monsieur, bonjour. Veuillez
15 décliner votre identité.
16 M. Grubac (interprétation). - Je m’appelle Petko Grubac.
17 M. Turone (interprétation). - Quel est votre lieu, votre date de
18 naissance ?
19 M. Grubac (interprétation). - Je suis né le 20 octobre 1939 près
20 de Niksic au Monténégro dans la municipalité de Pluzine.
21 M. Turone (interprétation). - Quelle est votre appartenance
22 ethnique ?
23 M. Grubac (interprétation). - Je suis Serbe Montenegrin.
24 M. Turone (interprétation). - Quelle est votre profession,
25 Monsieur ?
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1 M. Grubac (interprétation). - Je suis médecin. Je suis
2 spécialiste en neurologie et en psychiatrie.
3 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous nous parler de votre
4 formation ?
5 M. Grubac (interprétation). - J'ai terminé l’école primaire et
6 puis l’école secondaire, le lycée, et puis j'ai étudié la médecine à la
7 faculté de médecine de Sarajevo. Puis j'ai fait une spécialité à la
8 clinique de Sarajevo, en psychiatrie et en neurologie. Par la suite, j'ai
9 fait un cours de post-graduat en soin de santé et je travaillais à Konjic.
10 M. Turone (interprétation). - Où viviez-vous au début de 1992 ?
11 M. Grubac (interprétation). - Je vivais à Konjic.
12 M. Turone (interprétation). - A ce moment précis, en 1992, où
13 travailliez-vous plus précisément ?
14 M. Grubac (interprétation). - Je travaillais au centre de santé
15 en qualité de neuropsychiatre.
16 M. Turone (interprétation). - Avez-vous, à un moment donné,
17 quitté Konjic en 1992 ?
18 M. Grubac (interprétation). - Oui.
19 M. Turone (interprétation). - Pour aller où ?
20 M. Grubac (interprétation). - Je suis parti à cause de la
21 situation qui prévalait à Konjic dans la deuxième quinzaine du mois
22 d'avril 1992. J'ai emmené mon fils et ma fille dans la résidence familiale
23 de la famille de ma femme, à Bradina. La famille avait une ferme. Pendant
24 le week-end du 1er mai, nous sommes allés, ma femme et moi, rendre visite
25 à nos enfants alors que nous vivions tous les deux à Konjic encore. Après
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1 ce congé, nous sommes rentrés. Nous allions au travail en bus ou nous
2 utilisions notre propre voiture pour aller au travail à Konjic. Nous nous
3 sommes trouvés à Konjic pour la dernière fois le 6 mai.
4 M. Turone (interprétation). - Par la suite, vous vous êtes rendu
5 à Bradina ?
6 M. Grubac (interprétation). - Oui. Je suis resté avec ma famille
7 à Bradina.
8 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous préciser les raisons
9 qui vous ont poussé à quitter Konjic pour vous rendre à Bradina ?
10 M. Grubac (interprétation). - Si j'ai quitté Konjic, c'est parce
11 que je ne me sentais pas en sécurité. Des choses commençaient à se passer
12 à Konjic, qui nous ont inspiré, à moi et à ma famille, beaucoup de peur.
13 Le 1er mai 1992, un homme a été tué, un Serbe, Djordjo Magazin. Il a été
14 tué dans sa cour ; sa maison se trouvait près de l'église orthodoxe. Ce
15 fut un incident parmi d'autres. Nous avions donc peur. Nous nous sommes
16 dit qu'il était sans doute préférable que nous séjournions dans la
17 résidence familiale des parents de ma femme à Bradina.
18 M. Turone (interprétation). - Monsieur le docteur Grubac, y a-t-
19 il eu une défense armée organisée au village de Bradina ?
20 M. Grubac (interprétation). - A vrai dire, je ne pourrais pas
21 dire avec beaucoup de détails ce qui se passait, mais je pense qu'il y
22 avait une espèce de service de vigile villageoise. Il y avait aussi des
23 points de contrôle autour du village de Bradina pour empêcher que
24 quiconque ne vienne dans le village pour tuer ou mettre à feu . Ce genre
25 de chose.
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1 M. Turone (interprétation). - Est-ce que vous, d'une quelconque
2 façon, vous avez participé à ce service de défense, à ces barrages aux
3 points de contrôle ?
4 M. Grubac (interprétation). - Non. Au début, j'étais chez mes
5 beaux-parents et, par la suite, j'ai travaillé comme médecin à
6 l'infirmerie.
7 M. Turone (interprétation). - Aviez-vous des armes ? Etiez-vous
8 armé d'une quelconque façon ?
9 M. Grubac (interprétation). - Non, je n'avais pas d'armes. Je ne
10 sais d'ailleurs pas comment utiliser la moindre arme.
11 M. Turone (interprétation). - Preniez-vous part aux activités
12 d'une organisation politique quelconque ?
13 M. Grubac (interprétation). - Jusqu'en 1990, je faisais partie
14 de la ligue des communistes, comme la plupart des gens là-bas à cette
15 époque. Par la suite, avec un groupe de personnes, des Croates et des
16 Musulmans, j'ai essayé de mettre sur pied un mouvement pour la
17 Yougoslavie. Mais cela n'a pas vraiment pris. On peut dire que je ne
18 faisais pas vraiment partie d'un parti politique après cette époque-ci.
19 M. Turone (interprétation). - Avez-vous pris part à des
20 négociations se tenant entre des personnes de Bradina et des personnes de
21 Konjic, dans cette région, à cette époque ?
22 M. Grubac (interprétation). - Non. Je n'ai pas directement pris
23 part à ces négociations, mais il y avait un groupe de personnes qui se
24 sont rendues à Podorasac, un village, pour rencontrer des Musulmans et des
25 Croates.
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1 M. Turone (interprétation). - Docteur Grubac, y avait-il des
2 activités militaires à Bradina en mai 1992 ?
3 M. Grubac (interprétation). - Vous entendez par là des activités
4 militaires de la population serbe ? Ont-ils participé à des actions, eux ?
5 M. Turone (interprétation). - J'entends par là : y avait-il une
6 activité militaire quelconque, des attaques, des combats qui avaient lieu
7 à Bradina, en mai 1992 ?
8 M. Grubac (interprétation). - En mai 1992, quelqu'un —mais je ne
9 sais pas exactement qui— a fait sauter le tunnel qui se trouvait sur la
10 ligne de communication, à Bradina et à Konjic. A partir du 10 mai, ou le
11 10 mai précisément, je crois qu'il y a eu une petite attaque. Je ne sais
12 pas qui l'a déclenchée.
13 M. Turone (interprétation). - Oui, je vois. Qu'en est-il pour la
14 fin du mois de mai ?
15 M. Grubac (interprétation). - Vers le 25 mai, il y a eu une
16 attaque déclenchée sur Bradina par l'armée musulmane et croate.
17 M. Turone (interprétation). - Et où vous trouviez-vous au moment
18 de cette attaque à Bradina ?
19 M. Grubac (interprétation). - Je me trouvais dans l'infirmerie
20 du village avec mon collègue, M. Mrkajic. Il s'agit du Dr Relja Mrkajic.
21 M. Turone (interprétation). - A un moment donné, avez-vous été
22 fait prisonnier, avez-vous était arrêté ?
23 M. Grubac (interprétation). - Non. Je n'ai été ni capturé ni
24 fait prisonnier, je n'ai pas été arrêté.
25 M. Turone (interprétation). - Alors, que vous est-il arrivé
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1 exactement ?
2 M. Grubac (interprétation). - Ce jour-là, lors de l'attaque sur
3 Bradina, vers la fin de la journée, en début de soirée, des personnes sont
4 arrivées, nous ont appelés, moi et mon collègue. Ils nous ont demandé de
5 nous occuper des blessures d'un homme qui venait de se faire blesser dans
6 un hameau voisin.
7 Nous nous y sommes rendus pour examiner cette personne. Il avait
8 une blessure à la cuisse. Nous avons bandé sa blessure. Nous lui avons
9 donné quelques analgésiques et nous sommes ensuite rentrés à l'infirmerie.
10 Dans la soirée, je me suis endormi. Je suis allé dormir dans la
11 maison de mes beaux-parents, dans un petit hameau qui se trouve de l'autre
12 côté de l'infirmerie. J'y ai passé la nuit. Et le 26 mai, le jour suivant,
13 j'y étais également alors que l'attaque sur Bradina se poursuivait. De là
14 où nous étions, nous pouvions voir ce qui se produisait de l'autre côté du
15 village. Nous entendions les tirs, nous entendions et nous voyions que des
16 maisons étaient mises à feu. Cela s'est poursuivi les 26 et 27 mai.
17 Puis, il y a vraiment eu une invasion du village. Les maisons
18 ont été mises à feu ; nous avions très peur qu'ils arrivent dans cette
19 maison où je me trouvais avec ma famille et qu'ils tuent quelqu'un. Par
20 conséquent, le soir du 26 mai, nous avons passé la nuit à la maison, mais
21 le 27 mai, avec d'autres femmes et d'autres enfants qui fuyaient le
22 village, des réfugiés, nous nous sommes enfuis en traversant un ruisseau.
23 Le 27 mai. Au fur et à mesure que nous voyions qu'ils avançaient, qu'ils
24 atteignaient ce hameau et qu'ils incendiaient les maisons, nous avons
25 commencé à craindre pour nos vies. Le lendemain matin, nous avons décidé
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1 de descendre vers le centre du village.
2 M. Turone (interprétation). - Oui, je vous remercie. Je vous en
3 prie, ralentissez un peu votre rythme. Continuez un peu plus lentement.
4 M. Grubac (interprétation). - Le groupe de réfugiés comprenait à
5 peu près trente femmes, des enfants et il y avait quatre hommes environ.
6 Nous avons décidé d'emprunter la route qui menait au centre du village
7 pour atteindre le poste de contrôle de l'armée et rendre rapport à
8 l'armée. Je parle de l'armée croate et musulmane.
9 M. Turone (interprétation). - Après avoir fait rapport à ce
10 poste de contrôle, que vous est-il arrivé ?
11 M. Grubac (interprétation). - A ce poste de contrôle, nous avons
12 trouvé l'armée, des forces de police. Ils ont fait des groupes séparés,
13 les femmes et les enfants d'un côté, les ont emmenés dans l'école du
14 village. Et puis ils nous ont mis, les quatre hommes, dans une voiture et
15 nous ont emmenés à Konjic.
16 M. Turone (interprétation). - Où vous ont-ils emmenés exactement
17 à Konjic ?
18 M. Grubac (interprétation). - Ils nous ont emmenés au
19 commissariat de police, au MUP, le ministère de l'Intérieur, le bâtiment
20 occupé par le ministère de l'Intérieur.
21 M. Turone (interprétation). - Que vous est-il arrivé dans ce
22 bâtiment ?
23 M. Grubac (interprétation). - Tout d'abord, ils se sont saisis
24 de mes biens. J'avais une petite mallette avec mes affaires personnelles.
25 J'avais des documents. Ils se sont saisis de toutes ces choses. C'était à
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1 l'entrée du bâtiment. Ensuite, ils m'ont emmené à l'intérieur même du
2 bâtiment. Nous avons emprunté un couloir. J'y suis resté pendant un
3 moment. Là, ils nous ont séparés. Les trois autres hommes ont été emmenés
4 quelque part. Moi, pendant un petit moment, je suis resté dans ce couloir
5 Peu de temps après, le commandant du MUP, le ministère de
6 l'Intérieur, M. Jasmin Guska, est arrivé avec ses assistants, dont
7 l'assistant Niksic, et un certain nombre de policiers. Toutes ces
8 personnes ont commencé à m'insulter, à me battre, à me gifler. Ils ont
9 ordonné aux policiers de m'emmener dans une cellule ;. Ils m'y ont emmené
10 dans une cellule dans la cave du bâtiment.
11 Là, j'ai trouvé sept, huit, peut-être même dix personnes. J'ai
12 reconnu certaines d'entre elles. Elles m'ont déclaré qu'elles venaient du
13 village de Celebici. Elles m'ont dit qu'elles avaient été enfermées là-
14 dedans pendant trois semaines. Ils avait vraiment l'air lamentable,
15 pitoyable. Ils étaient mal rasés, sales, ils avaient faim, ils avaient la
16 figure émaciée. J'avais du mal à reconnaître certains d'entre eux. Parmi
17 eux, il y avait Simo Jovanovic.
18 C'était une pièce de trois mètres sur quatre, à peu près. A une
19 extrémité, il y avait des espèces de planches avec des vieilles
20 couvertures de l'armée. Les personnes m'ont dit qu'elle y avaient dormi,
21 s'y étaient assises depuis trois ou quatre semaines. Dans un autre coin de
22 la pièce, il y avait un seau en métal, utilisé à des fins d'hygiène.
23 M. Turone (interprétation). - Combien de temps êtes-vous resté
24 dans cette pièce avec toutes ces personnes ?
25 M. Grubac (interprétation). - Je suis resté peut-être deux
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1 heures dans cette pièce.
2 M. Turone (interprétation). - Et puis, ensuite, que s’est-il
3 passé ?
4 M. Grubac (interprétation). - Par la suite, des policiers sont
5 arrivés, nous ont dit de sortir de la cellule. Ils ont aussi rassemblé les
6 personnes qui se trouvaient dans une cellule voisine, des personnes qui,
7 elles aussi, avaient été emprisonnées, qui venaient du village de
8 Celebici. Ils nous ont tous fait monter dans un camion de police. Ils nous
9 y ont enfermés et nous ont dit de ne pas essayer de nous enfuir, ni de
10 faire quoi que ce soit. Ils nous ont emmenés.
11 M. Turone (interprétation). - Et où ce camion vous a-t-il
12 emmenés exactement ?
13 M. Grubac (interprétation). - Ils nous ont emmenés au camp de
14 Celebici, dans un bâtiment autrefois occupé par l'armée populaire
15 yougoslave.
16 M. Turone (interprétation). - Je vois. Monsieur le docteur
17 Grubac, quelqu'un vous a-t-il expliqué pourquoi on vous avait arrêté ?
18 M. Grubac (interprétation). - Personne ne m'a rien dit. Je ne
19 ressentais pas le besoin, ou plutôt ces personnes ne ressentaient pas le
20 besoin de m'expliquer quoi que ce soit. A cette époque, on était arrêté
21 sans raison. Le fait d'être Serbe suffisait à être arrêté.
22 M. Turone (interprétation). - Vous avez dit au Tribunal que
23 quelqu'un s'était emparé de vos affaires personnelles, de vos documents.
24 Les avez-vous jamais récupérés ?
25 M. Grubac (interprétation). - Non, jamais. Je ne les ai jamais
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1 récupérés, même si, par la suite, lorsque je me trouvais enfermé dans ce
2 même bâtiment, mais à une autre époque, j'ai demandé que ces affaires me
3 soient rendues.
4 M. Turone (interprétation). - Combien de prisonniers se
5 trouvaient avec vous dans le camion qui vous a emmené au camp de Celebici,
6 ce jour-là ? Donnez-moi une approximation.
7 M. Grubac (interprétation). - Je pense que nous étions à peu
8 près vingt.
9 M. Turone (interprétation). - D'ailleurs, vous souvenez-vous de
10 la date ?
11 M. Grubac (interprétation). - Donnez-moi un instant pour
12 réfléchir. Je pense que que c'était le 28 mai 1992.
13 M. Turone (interprétation). - A quelle heure êtes vous arrivé au
14 camp de Celebici ce jour-là ?
15 M. Grubac (interprétation). - Je pense qu'il était près de midi,
16 ou bien tout de suite après-midi.
17 M. Turone (interprétation). - Où le camion s’est-il arrêté à
18 l’extérieur du camp ?
19 M. Grubac (interprétation). - Le camion a passé le portail
20 d'entrée du camp, puis s'est donc arrêté à l'intérieur du camp. Il s'est
21 arrêté près du poste de contrôle du portail, près du mur. Il y avait une
22 espèce de clairière qui était à quinze ou vingt mètres du portail d’entrée
23 du camp.
24 M. Turone (interprétation). - Que s’est-il passé juste après
25 l'arrêt du camion à cet endroit là ?
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1 M. Grubac (interprétation). - Eh bien, ils ont ouvert la porte
2 arrière du camion, ils nous ont dit de sortir, de nous tenir face au mur,
3 de placer nos mains sur notre tête et de nous appuyer sur le mur,
4 d'écarter nos jambes et de vider nos poches. Excusez-moi, ils nous ont
5 également dit de retirer nos ceintures, nos ceintures de pantalon.
6 M. Turone (interprétation). - Combien de temps êtes-vous resté
7 dans cette position, alignés devant le mur ?
8 M. Grubac (interprétation). - Peut-être une demi-heure ou une
9 heure. Je pense que c'est plutôt une heure.
10 M. Turone (interprétation). - Comment vous a-t-on traité pendant
11 que vous étiez ainsi devant le mur ?
12 M. Grubac (interprétation). - Nous n'avons pas été frappés. Nous
13 n'avons pas reçu de mauvais traitements physiques.
14 M. Turone (interprétation). - Où avez-vous été emmenés après
15 être restés alignés devant le mur ?
16 M. Grubac (interprétation). - On nous a emmenés dans un
17 bâtiment, un hangar, le hangar n° 6.
18 M. Turone (interprétation). - Combien de personne, selon vous, y
19 avait-il a l'intérieur du hangar n° 6 ?
20 M. Grubac (interprétation). - Je dirai qu'il y en avait à peu
21 près deux cent cinquante.
22 M. Turone (interprétation). - En parlant de cela, et sans entrer
23 dans le détail, combien de temps, combien de nuits avez-vous passé à
24 l'intérieur du hangar n° 6 ?
25 M. Grubac (interprétation). - J'ai passé deux nuits.
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1 M. Turone (interprétation). - Pour en revenir au moment de votre
2 arrivée dans le hangar, que s'est-il passé le lendemain de votre arrivée ?
3 M. Grubac (interprétation). - Dans le hangar ?
4 M. Turone (interprétation). - De toute façon, que vous est-il
5 arrivé le jour suivant votre arrivée ?
6 M. Grubac (interprétation). - Le lendemain de notre arrivée, il
7 ne s’est rien passé de spécial. Mais dans la soirée, vers 22 heures, un
8 garde a ouvert la porte du hangar, m'a appelé, m'a dit de sortir. Il a
9 appelé mon nom et il m'a dit de sortir. C'est ce que j'ai fait. Je suis
10 sorti du hangar. Il m'a fait monter dans un camion. Il a fermé la porte et
11 puis il est parti. Moi, j'étais à l'intérieur du camion qu'il conduisait.
12 Puis, il s'est arrêté. Et puis il m'a amené dans l'intérieur du bâtiment
13 où se trouvait le commandant du camp.
14 M. Turone (interprétation). - Donc on vous a emmené dans une
15 camionnette, mais vous êtes resté à l'intérieur de l'enceinte du camp,
16 est-ce exact ?
17 M. Grubac (interprétation). - Oui, c'est absolument cela.
18 M. Turone (interprétation). - Que vous est-il il arrivé lorsque
19 vous êtes arrivé devant le bâtiment où se trouvait le commandant ?
20 M. Grubac (interprétation). - Ils m'ont amené à l'intérieur de
21 ce bâtiment, puis dans une pièce qui se trouvait à droite de l'entrée.
22 Dans cette pièce, j'ai retrouvé mon collègue Hadzi Huseinovic* qui était
23 le président de la présidence de guerre, et qui était également le
24 président du SDA à Konjic. Avec lui, ce trouvait Jasmin Guska qui était le
25 chef de la police et le chef du ministère de l'Intérieur à Konjic, et qui
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1 est également le secrétaire du parti SDA. Se trouvait également
2 Hazim Delic qui était le commandant adjoint du camp de Celebici.
3 M. Turone (interprétation). - Que s'est-il produit à l'intérieur
4 de cette pièce, avec toutes ces personnes ?
5 M. Grubac (interprétation). - Le docteur Husen Aseinovic* a
6 demandé à Delic de quitter la pièce. C'est d'ailleurs ce que celui-là a
7 fait. Ils m'ont placé sur une chaise et puis ils m'ont interrogé. Ils
8 m'ont demandé pourquoi j'avais été amené là, pourquoi je m'étais rendu à
9 Bradina, qui j'avais rencontré auparavant, si j’avais des rapports avec
10 l'armée, si j'avais des rapports avec certains officiers. Et puis,
11 finalement, le docteur Huseinovic*, vers la fin, m'a dit que je serais
12 traité conformément aux conventions de Genève et que par la suite je
13 comparaîtrai dans un procès pour ce que j'avais fait.
14 Jasmin Guska a vu mes lunettes qui se trouvaient dans ma poche.
15 Il m'a dit de les jeter par terre. Il les a écrasées d'un coup de pied.
16 Puis il m'a insulté, m'a couvert d'injures, il m'a dit de m'asseoir par
17 terre, de ramper sur le sol, il m'a dit des choses comme ça.
18 M. Turone (interprétation). - Avez-vous jamais récupéré vos
19 lunettes ou une autre paire de lunettes ?
20 M. Grubac (interprétation). - Jasmin Guska* a écrasé mes
21 lunettes, je le répète. Je l'ai vu de mes yeux. Elles étaient par terre et
22 il les a cassées. Je ne les ai jamais récupérées.
23 M. Turone (interprétation). - Une question, simplement pour nous
24 donner une information d'ordre général. Pouvez-vous voir suffisamment
25 clair sans lunettes ?
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1 M. Grubac (interprétation). - Je vois plutôt bien. Là, il
2 s'agissait de lunettes pour voir de près. Si jamais, j'avais à conduire
3 sur un long trajet, c'était utile parce qu'elles sont fumées, légèrement
4 fumées. Pour conduire c’est très agréable, lorsqu’il y a du soleil cela
5 protège les yeux. Mais je ne les portais pas tous le temps. Je ne les
6 porte qu'en ce genre d'occasion.
7 M. Turone (interprétation). - Qu’a dit Rusmir Huseinovic* quant
8 à vos conditions de détention, quant au fait que vous alliez être traité
9 conformément aux conventions de Genève. Pouvez-vous préciser ce qu'il a
10 dit ?
11 M. Grubac (interprétation). - C’est ce qu'il m'a dit. Il m'a dit
12 qu'ils allaient me traiter conformément aux dispositions des conventions
13 de Genève. Alors, je ne sais pas ce qu'il entendait par là. Je ne sais pas
14 s'il savait ce que cela signifiait de traiter un médecin prisonnier dans
15 un camp, de le traiter conformément aux dispositions des conventions de
16 Genève.
17 Par la suite, il est bien clair qu'ils ne m'ont pas du tout
18 traité comme étant un médecin. Ils ne m’ont pas traité conformément aux
19 conventions de Genève.
20 M. Turone (interprétation). - Combien de temps êtes-vous resté
21 dans ce bâtiment, le bâtiment du commandement ? Combien de temps tout cela
22 a il duré ?
23 M. Grubac (interprétation). - Cela n’a pas duré très longtemps.
24 Cela a duré peut-être trois quart d'heure ou une heure.
25 M. Turone (interprétation). - Puis ensuite, êtes-vous retourné
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1 dans le hangar n° 6 ?
2 M. Grubac (interprétation). - Oui. Ils m’ont remis dans la même
3 camionnette et ils m'ont ramené au hangar n° 6.
4 M. Turone (interprétation). - Cette nuit-là, vous l'avez passée
5 dans le hangar n° 6 ?
6 M. Grubac (interprétation). - Oui.
7 M. Turone (interprétation). - Puis, que vous est-il arrivé le
8 lendemain ?
9 M. Grubac (interprétation). - Le lendemain, quelqu'un est venu
10 me chercher. Je serais incapable de dire exactement de qui il s'agissait.
11 On m'a emmené dans le bâtiment de l'école élémentaire du 3 Mars, à Konjic.
12 M. Turone (interprétation). - Il nous semble que vous y avez été
13 emmené après deux jours passés dans le camp, donc après le 30 mai, est-ce
14 exact ?
15 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
16 M. Turone (interprétation). - Lorsqu'on vous a emmené à l'école
17 du 3 Mars, on vous y a emmené dans un véhicule ?
18 M. Grubac (interprétation). - Oui. On m'y a emmené dans un
19 véhicule, parce qu'elle se trouve à trois ou quatre kilomètres du camp de
20 Celebici.
21 M. Turone (interprétation). - Qui se trouvait dans ce véhicule ?
22 Y avait-il seulement le conducteur ou d'autres personnes étaient-elles
23 présentes ?
24 M. Grubac (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.
25 M. Turone (interprétation). - Fort bien. Quelqu'un vous a-t-il
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1 expliquer quelle serait votre mission dans l'école du 3 Mars ?
2 M. Grubac (interprétation). - Je ne me souviens pas que
3 quelqu'un m'ait dit ce que j'aurais à faire dans l'école du 3 Mars. Mais
4 lorsque j'y suis arrivé, j'ai retrouvé le Dr Mrkajic et il m'a dit que
5 nous allions aider les personnes blessées qui s'y trouvaient.
6 M. Turone (interprétation). - Fort bien. Vous êtes donc arrivé
7 dans l'école du 3 Mars. Vous y avez trouvé votre collègue M. Mrkajic.
8 Combien de malades y avait-il dans cette école au moment de votre arrivée,
9 juste au moment de votre arrivée ?
10 M. Grubac (interprétation). - Je dirais qu'il y en avait environ
11 trente.
12 M. Turone (interprétation). - Ce nombre a-t-il évolué au cours
13 des jours suivants ? Y a-t-il eu plus ou moins de malades dans les jours
14 suivants ?
15 M. Grubac (interprétation). - Il y a eu des fluctuations du
16 nombre des malades. Certains sont arrivés ou d'autres malades, au
17 contraire, sont partis dans un autre bâtiment.
18 M. Turone (interprétation). - De quel type de malades
19 s'agissait-il ? Pouvez-vous nous donner une idée des types de blessures,
20 des types de problèmes dont ces malades souffraient ?
21 M. Grubac (interprétation). - Il s'agissait de civils blessés.
22 En fait, ces patients souffraient de blessures assez sévères. Je ne sais
23 pas sur quel critère on peut se fonder pour décrire leurs blessures, mais
24 ils avaient des blessures graves, des fractures. L'un des malades était
25 dans le coma.
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1 M. Turone (interprétation). - L'un de ces malades vous a-t-il
2 expliqué quand et comment il avait été blessé ?
3 M. Grubac (interprétation). - Oui. Ils m'ont expliqué dans
4 quelles circonstances cela s'était produit.
5 M. Turone (interprétation). - Vous rappelez-vous de certaines
6 personnes en particulier, personnes qui vous ont expliqué où elles avaient
7 été blessées ?
8 M. Grubac (interprétation). - Oui. Je m'en souviens. Par
9 exemple, Merko Mrkajic m'a déclaré que sa jambe avait été cassée, alors
10 qu'on l'emmenait au camp de Celebici. Strajo Cecez avait la mâchoire
11 fracturée et il m'a dit, lui aussi, qu'il avait été blessé lors de son
12 transport au camp.
13 M. Jan (interprétation). - Cela est-il d'intérêt pour nous ?
14 Nous ne sommes plus soucieux de savoir ce qui s'est passé à Celebici.
15 M. Turone (interprétation). - Oui, c'est important pour nous,
16 parce que nous en venons maintenant à une personne en particulier qui se
17 trouve citée dans l'acte d'accusation en tant que victime d'un homicide
18 intentionnel.
19 M. Jan (interprétation). - Entendu.
20 M. Turone (interprétation). - Vous rappelez-vous combien de
21 personnes se trouvaient là, qui avaient été blessées lors de leur
22 transport au camp de Celebici ?
23 M. Grubac (interprétation). - Sur quels critères se fonder ? Se
24 fonder sur des critères médicaux ? Comment dire s'il s'agissait de
25 blessures vraiment graves ou de blessures légères ? Je dirais que je vais
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1 m'appuyer sur les critères qui sont utilisés par les tribunaux dans mon
2 pays, pour dire s'il s'agit de blessures graves ou légères.
3 M. Turone (interprétation). - J'aimerais simplement savoir
4 combien de personnes étaient victimes de blessures provoquées lors de leur
5 transport au camp de Celebici.
6 M. Grubac (interprétation). - Toutes ces personnes venaient du
7 camp de Celebici. Peut-être que quelques-unes d'entre elles n'en venaient
8 pas, mais la plupart venait de Bradina et du camp de Celebici.
9 M. Turone (interprétation). - Je vous remercie. Lors de votre
10 séjour à l'école du 3 Mars, un des malades est-il décédé ?
11 M. Grubac (interprétation). - Oui. Un malade est décédé.
12 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous donner le nom de
13 ce malade ?
14 M. Grubac (interprétation). - Oui, il s'agissait de
15 Slobodan Babic.
16 M. Turone (interprétation). - Slobodan Babic était-il lui-même à
17 même de dire quoi que ce soit quant aux circonstances qui avaient présidé
18 à sa blessure ?
19 M. Grubac (interprétation). - Non. Lors de mon arrivée à l'école
20 du 3 Mars, Slobodan Babic ne pouvait pas parler. On ne pouvait pas
21 communiquer avec lui.
22 M. Turone (interprétation). - Slobodan Babic était-il déjà dans
23 l'école lorsque vous y êtes arrivé ?
24 M. Grubac (interprétation). - Oui, il s'y trouvait.
25 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire en détail
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1 les blessures que l'on pouvait voir sur le corps de Slobodan Babic ?
2 M. Grubac (interprétation). - J'ai pu voir des bleus, des
3 contusions. Il y avait des traces de coups sur son visage, son cou et ses
4 bras. Mon collègue m'a dit qu'il avait une blessure dans sa bouche. J'ai
5 ouvert sa bouche avec une spatule et j'ai regardé à l'intérieur. Il avait
6 une blessure au palais. Celui-ci saignait légèrement.
7 M. Turone (interprétation). - Comment vous êtes-vous occupé de
8 lui ? Comment avez-vous pris soin de lui ?
9 M. Grubac (interprétation). - Il était gravement blessé, il
10 était dans le coma, Slobodan Babic. Tout ce que nous avons pu faire, c'est
11 placer un catheter pour qu'il urine, puisqu'il était incontinent. Nous
12 avions un catheter et nous l'avons implanté. Nous avions quelques
13 antibiotiques. Nous avons administré des fortes doses de péniciline
14 pendant que l'on en avait et c'est à peu près tout.
15 M. Turone (interprétation). - Vous dites qu'il avait une
16 blessure au palais dur comme au palais mou. Qu'entendez-vous par là ? Quel
17 type de blessures présentait-il à l'examen ?
18 M. Grubac (interprétation). - Tout son palais était déchiré. Des
19 lambeaux de chair pendaient. Son palais était lacéré. Il y avait du pus,
20 du sang qui goûtait. Des blessures lui avaient été occasionnées dans la
21 bouche.
22 M. Turone (interprétation). - Combien de temps est-il resté dans
23 le coma avant de mourir ?
24 M. Grubac (interprétation). - Mon arrivée, du 30 au 5 juin
25 pratiquement, c'est ce jour là qu'il est mort, le 5 juin.
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1 M. Turone (interprétation). - Est-ce que son corps a été emmené
2 tout de suite après sa mort ?
3 M. Grubac (interprétation). - Oui, le corps a été enlevée. Je ne
4 sais pas où il a été emporté.
5 M. Turone (interprétation). - Votre séjour à l'Ecole du 3 Mars
6 comment s’est-il terminé ?
7 M. Grubac (interprétation). - Un soir, c'était peut-être dans la
8 soirée ou dans la nuit du 6 au 7 juin, Pavo Mucic est arrivé. Il nous a
9 dit qu'on allait nous transférer à un autre endroit. Nous avons demandé
10 pourquoi et où nous allions. Ce sur quoi, il a répondu qu'on allait nous
11 emmener au camp de Celebici, car nous n'étions pas en sécurité à l'Ecole,
12 a-t-il dit en guise d'explication, parce que l’Ecole pouvait être la cible
13 de pilonnages.
14 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous nous dire, plus ou
15 moins, à quelle heure de la journée M. Mucic est arrivé ?
16 M. Grubac (interprétation). - Tard dans la soirée. Sans doute
17 après 22 heures.
18 M. Turone (interprétation). - Et cela s'est produit le 6 ou le
19 7 juin, avez-vous dit ?
20 M. Grubac (interprétation). - Exactement.
21 M. Turone (interprétation). - Combien de malades y avait-il ce
22 jour là ?
23 M. Grubac (interprétation). - Il y en avait beaucoup moins qu'au
24 début. En effet, un médecin est venu du centre de santé et a transporté la
25 moitié des malades à la salle de ce port de Musala à Konjic. Juste avant
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1 que nous ne soyons transférés, quelqu'un nous a dit qu'il fallait diminuer
2 le nombre de malades pour ne pas en avoir plus que dix, plus deux
3 médecins, nous deux. Donc nous étions à peu près une dizaine.
4 M. Turone (interprétation). - Ce que soir là, quand M. Mucic est
5 arrivé, il y avait environ dix malades, fort bien. M. Mucic était-il en
6 uniforme ce soir là ?
7 M. Grubac (interprétation). - Oui.
8 M. Turone (interprétation). - Est-il venu dans un véhicule ?
9 M. Grubac (interprétation). - Il y avait un grand camion avec
10 une bâche. Je ne me souviens plus exactement s'il y avait aussi une
11 voiture particulière. Mais je suis certain qu'il y avait un grand camion.
12 M. Turone (interprétation). - Après que M. Mucic vous ait dit
13 qu'il fallait que vous retourniez à Celebici, qu'avez-vous fait
14 précisément ?
15 M. Grubac (interprétation). - Mucic nous a dit qu'il nous
16 fallait aussi transporter ce que nous avions, les lits notamment, les
17 matelas sur lesquels se trouvaient certains des malades. Nous avons chargé
18 tout cela à bord du camion. Nous sommes montés dans le camion aussi et ils
19 nous on emmenaient à Celebici.
20 M. Turone (interprétation). - Les malades, les patients étaient-
21 ils debout ou couchés dans ce camion ?
22 M. Grubac (interprétation). - Certains s'appuyaient contre les
23 matelas. Ils s'étaient installés comme ils le pouvaient. Il a fallu tout
24 transporter, les personnes y compris, dans ce camion.
25 M. Turone (interprétation). - M. Mucic était-il dans le camion
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1 avec vous en direction de Celebici ?
2 M. Grubac (interprétation). - Je ne me souviens plus avec
3 certitude. Etait-il avec le chauffeur ou dans un autre véhicule ? Je ne
4 sais pas. Je sais qu'il est venu avec nous à Celebici.
5 M. Turone (interprétation). - Fort bien. Le camion s’est-il
6 arrêté à l'entrée du camp ou à l'intérieur ?
7 M. Grubac (interprétation). - Il s'est arrêté à l'intérieur du
8 camp, devant le hangar 22.
9 M. Turone (interprétation). - Que s’est-il alors produit ?
10 M. Grubac (interprétation). - Mucic nous a alors dit qu'il nous
11 fallait nous installer dans ce bâtiment qu'il nous a montré. Il a ouvert
12 la porte en métal.
13 M. Turone (interprétation). - Quand vous dites "il", de qui
14 parlez-vous ?
15 M. Grubac (interprétation). - Je parle de Pavo, de Pavo Mucic.
16 M. Turone (interprétation). - Poursuivez, Monsieur.
17 M. Grubac (interprétation). - Nous avons déchargé ce que nous
18 avions emporté, les lits, les matelas, pour les installer à l'intérieur du
19 bâtiment °22. C'est là que nous sommes restés à partir du 6 ou du 7 juin.
20 M. Turone (interprétation). - Qui vous a dit ce que vous censés
21 faire à l'intérieur du bâtiment n° 22 ?
22 M. Grubac (interprétation). - Je pense que nous n'avons reçu
23 aucune instruction officielle quant à ce que nous devions faire. Il était
24 implicite ce que nous devions faire, c'était nous occuper des malades ou
25 des blessés.
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1 M. Turone (interprétation). - A quel titre, en quelle qualité,
2 M. Mucic est-il venu vous chercher, vous a-t-il donné des ordres et vous
3 a-t-il fait transporter à Celebici ? Quelle était sa fonction officielle ?
4 Le sauriez-vous ?
5 M. Grubac (interprétation). - Il ne s'est pas présenté. Il n’a
6 pas dit en quelle qualité il venait, ni les motifs de sa venue. Il n'a pas
7 dit qu'elle était son poste. C'est par la suite que nous avons appris quel
8 était son rôle et sa fonction au quand.
9 M. Turone (interprétation). - Qu'avez-vous appris à ce propos,
10 une fois que vous vous trouviez au camp ?
11 M. Grubac (interprétation). - Ce sont les gardes et c'est grâce
12 aux rapports qui existaient entre les gardes que nous avons appris qu'il
13 était le commandant du camp de Celebici.
14 M. Turone (interprétation). - Monsieur Grubac, pour que la Cour
15 puisse avoir une idée d'ensemble, une vue d'ensemble, et sans entrer dans
16 le détail, pourriez-vous nous dire combien de temps vous avez passé en
17 tant que prisonnier au camp de Celebici ?
18 M. Grubac (interprétation). - A partir du 28 mai jusqu'au
19 22 juillet 1992, voilà le temps que j'ai passé à Celebici.
20 M. Turone (interprétation). - Vous incluez les journées que vous
21 avez passé à l'Ecole du 3 Mars, bien sûr.
22 M. Grubac (interprétation). - Oui, tout à fait.
23 M. Turone (interprétation). - Avez-vous passé tout ce temps au
24 bâtiment, au hangar n° 22 ?
25 M. Grubac (interprétation). - Oui.
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1 M. Turone (interprétation). - Relja Mrkajic*, l'autre médecin,
2 a-t-il lui aussi passé tout le temps qu'il a passé à Celebici au
3 hangar 22 ?
4 M. Grubac (interprétation). - Oui, nous étions ensemble pendant
5 tout ce temps.
6 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous nous décrire ce
7 bâtiment, le hangar 22, avec certains détails ?
8 M. Grubac (interprétation). - Ce bâtiment, c'est en fait un
9 hangar. Mais il ne ressemble pas au hangar n° 6 puisqu’il n'est pas
10 entièrement en métal. Les parois étaient en matériaux de construction. Il
11 y avait un toit métallique vers l'avant. Du côté qui faisait face au
12 bâtiment de commandement, il y avait une double porte en métallique. Face
13 à ces portes, il y avait deux fenêtres placées assez haut et qu'on
14 pouvait ouvrir en partie. Le sol était en béton ou en ciment.
15 A notre arrivée dans ce hangar, il était tout à fait vide. Les
16 dimensions étaient de dix mètres sur cinq à peu près. Nous y avons placé
17 les lits en bois que nous avions, certains matelas que nous avions
18 apportés de l'école du 3 Mars.
19 Personnellement, je dormais dans un lit, un lit de dispensaire,
20 lit qui se trouvait à l'école du 3 Mars, que nous avions emporté. Il n'y
21 avait pas d'eau à l'intérieur, ni toilettes ni d'autres moyens sanitaires.
22 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous nous dire à quoi
23 ressemblait la porte de ce bâtiment ?
24 M. Grubac (interprétation). - C'était une porte double, à deux
25 battants, en métal, qu'on pouvait ouvrir, un battant comme l'autre. Il y
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1 avait une serrure, mais c'était un hangar. Donc, tout n'était pas vraiment
2 d'équerre. Les portes étaient surélevées par rapport au sol d'un
3 centimètre et demi, deux centimètres. Nous utilisions cet interstice pour
4 voir ce qui se passait à l'extérieur, dans la cour et près du bâtiment de
5 commandement.
6 M. Turone (interprétation). - Vous parliez de fenêtres : combien
7 y en avait-il ?
8 M. Grubac (interprétation). - Il y en avait deux, de l'autre
9 côté des portes, sur la paroi opposée.
10 M. Turone (interprétation). - Quelle partie du camp vous était-
11 il possible de voir à partir de ces fenêtres ?
12 M. Grubac (interprétation). - Il y avait une fenêtre à la droite
13 de l'entrée. De là, nous pouvions voir le tunnel n° 9. Nous utilisions
14 souvent cette fenêtre par curiosité, bien sûr, mais pour nous informer des
15 blessés ; un des malades avait son père incarcéré au tunnel n° 9. Ce
16 malade passait énormément de temps à la fenêtre pour voir quel sort était
17 réservé à son père.
18 M. Turone (interprétation). - Comment s'appelait ce malade ?
19 M. Grubac (interprétation). - Il s'appelle Mrkajic. Son père
20 s'appelle Nikola Mrkajic ; il se trouvait au tunnel n° 9. Mais je ne me
21 souviens plus pour le moment du prénom du fils.
22 M. Turone (interprétation). - Peu importe.
23 M. Grubac (interprétation). - Peut-être ce nom me reviendra-t-il
24 par la suite.
25 M. Turone (interprétation). - Je vous demanderai à présent
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1 d'examiner la maquette que vous avez sous les yeux, devant vous. Libre à
2 vous de vous lever et même de faire le tour de la table pour bien regarder
3 la maquette ; vous direz au Tribunal si vous reconnaissez ce que vous
4 voyez. Dr Grubac, je crois qu'il est préférable que vous gardiez vos
5 écouteurs. Je demanderai peut-être à l'Huissier de fournir le pointeur au
6 témoin afin qu'il indique les bâtiments.
7 M. Turone (interprétation). - Que voyez-vous devant vous,
8 Monsieur Grubac ? Qu'est-ce que cela représente à votre avis ?
9 M. Grubac (interprétation). - Cette maquette représente le camp
10 de Celebici.
11 M. Turone (interprétation). - Veuillez indiquer les différents
12 endroits dont vous avez parlés : l'entrée, le bâtiment de commandement, le
13 bâtiment n° 22, le tunnel n° 9 et ainsi de suite.
14 M. Grubac (interprétation). - Je connais bien cette partie-ci
15 des installations. Quant au reste, je ne le connais pas parce que je ne me
16 déplaçais pas dans cette partie-là. Je ne sais pas si on l'a utilisée
17 comme camp. En tout cas, je ne sais pas, je ne la connais pas.
18 Là, vous avez un tronçon de la voie ferrée qui part de la gare
19 de Celebici et qui pénètre dans le périmètre du camp. Voilà l'entrée du
20 camp, à partir du village ; c'est l'entrée que nous avons utilisée. Il se
21 peut qu'il y en ait eu une autre. C'est surtout ici que les choses se
22 passaient. Voilà le mur dont j'ai parlé. C'est là que nous avons été
23 alignés lorsque nous avons été amenés la première fois. Là, c'est le
24 bâtiment de réception ou d'accueil ; c'est là que se trouvaient les
25 gardes. Le bâtiment B, c'est une caserne ou un bâtiment que le
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1 commandement utilisait. De l'autre côté, c'était le bâtiment n° 22, où
2 nous nous trouvions. Ce bâtiment-ci fait aussi partie de l'endroit où les
3 gardes dormaient et du bâtiment de commandement. Je ne sais pas qu'elle
4 était l'utilisation de ceci. De cette fenêtre, il nous était possible de
5 voir le tunnel n° 9. Parfois il nous arrivait d'aller vers un de ces
6 bâtiments plus loin. Je pense que c'était le hangar n° 6.
7 M. Turone (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur Grubac.
8 Vous pouvez reprendre place.
9 Revenons à la description que vous faisiez du hangar n° 22.
10 J'aimerais que vous nous disiez comment cet endroit fonctionnait en tant
11 qu'infirmerie. Y avait-il des équipements, des médicaments, différents
12 instruments que vous auriez utilisés ?
13 M. Grubac (interprétation). - Je vous ai déjà dit quel aspect le
14 bâtiment avait à notre arrivée. C'était un peu comme un hangar. Je ne sais
15 pas pourquoi nous en avions déduit que cela avait été un entrepôt pour le
16 matériel des sapeurs-pompiers, de lutte contre l'incendie. Un des
17 prisonniers a dit, quand nous sommes arrivés, qu'il y avait des
18 extincteurs. Nous en avons déduit que c'était donc un entrepôt où l'on
19 gardait le matériel. Il n'y avait pas d'eau —je voulais déjà dit—, pas de
20 robinet, pas de toilettes, mais il y avait de l'électricité.
21 Nous avons baptisé ce bâtiment dispensaire ou infirmerie. A
22 l'intérieur, il y avait nous deux, les deux médecins, M. Mrkajic et moi-
23 même. Il y avait quelques dix blessés à l'intérieur. Et quand nous
24 n'avions plus assez de lits pour les accueillir, nous utilisions de fins
25 matelas de gymnastique que nous avions emportés de l'Ecole du 3 Mars. Nous
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1 les avons utilisés comme matelas pour les malades. Nous avions aussi une
2 table en bois, une table de bureau, une chaise de bureau.
3 Nous avions un appareil pour mesurer la pression artérielle, un
4 stéthoscope. Au début, nous avions quelques fioles de pénicilline. Au
5 début aussi, nous avions une installation pour stériliser les pansements,
6 une espèce de tambour métallique. Nous avions aussi quelques pinces qui
7 n'étaient pas stérilisées. Nous avions certains pansements. Après, on nous
8 a donné des draps, de vieux draps afin de panser les malades. Ce tambour
9 métallique n'a pu être stérile que tant qu'il n'avait pas été ouvert ; par
10 la suite, il a fallu l'ouvrir. On a quand même utilisé ce qu'on avait
11 parce qu'on n'a plus rien reçu de stérile. Nous avions aussi quelques
12 seringues en plastique.
13 Ce n'était pas nous qui décidions de l'arrivée ou de la sortie
14 des malades. Nous n'avions aucun pouvoir, aucun moyen, de nous procurer
15 des médicaments, par exemple. Nous n'avions pas la possibilité de nous
16 procurer de l'oxygène, rien qui soit vraiment du matériel médical.
17 M. Turone (interprétation). - Vous était-il possible de
18 pratiquer des interventions chirurgicales ? Auquel cas, comment le
19 faisiez-vous, avec quels moyens ?
20 M. Grubac (interprétation). - Pour quelque intervention que ce
21 soit, il vous faut l'outillage. Il faut que tout soit stérilisé. Or, nous
22 n'avions rien. Même si nous avions du matériel de chirurgie, il fallait
23 stériliser. On avait une paire de ciseaux médicaux qui nous permettaient
24 de couper l'ouate ou les bandages. Relja a opéré un malade qui avait du
25 pus à la jambe ; il a utilisé ces ciseaux pour ouvrir la plaie et pour la
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1 nettoyer. Mais il nous était impossible de faire quoi que ce soit, rien de
2 chirurgical. On n'avait même pas la possibilité d'offrir des pansements
3 qui étaient stérilisés.
4 M. Turone (interprétation). - Fallait-il respecter une certaine
5 procédure pour obtenir des médicaments, par exemple ?
6 M. Grubac (interprétation). - Lorsque nous avons posé la
7 question, il nous a été répondu qu'il n’était pas possible d'obtenir
8 l'équipement, les instruments, mais j'ai souvent rédigé des listes de
9 médicaments dont on avait besoin. Toutefois, Hazim Delic a dit qu'il n'y
10 en avait pas. Souvent, il lui arrivait d'apporter quelques pansements,
11 quelques analgésiques et aussi un liquide contre les poux, et quelques
12 comprimés contre la diarrhée.
13 M. Turone (interprétation). - Combien de types différents de
14 médicaments aviez-vous à votre disposition ?
15 M. Grubac (interprétation). - Au début, nous avions quelques
16 antibiotiques, mais simplement quelques petites fioles de pénicilline. Je
17 crois qu'il y avait dans chaque fiole six millilitres de pénicilline. Nous
18 en avions peu. Nous n'avions pas d'antibiotiques à spectre large. Nous
19 avions eu quelques tranquillisants au départ, mais ils se sont vite
20 épuisés. Nous avions quelques comprimés contre la diarrhée, parce que
21 c'était un problème fréquent pour les prisonniers. De temps à autre, nous
22 recevions cette espèce de liquide qui permettait de se débarrasser des
23 poux.
24 Mais on n'avait rien d'autre, pas vraiment de pansements, pas de
25 pommade, rien du tout, rien qui soit stérile non plus pour s'occuper des
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1 patients.
2 M. Turone (interprétation). - Si vous estimiez qu'il était
3 nécessaire d'envoyer quelqu'un à l'hôpital, pouviez-vous le faire ?
4 M. Grubac (interprétation). - Nous n'avions pas voix au
5 chapitre, rien à dire quant au traitement à administrer aux malades. On
6 n’avait rien à dire. On ne savait pas quand les patients allaient être
7 amenés ou allaient devoir quitter le dispensaire. Jamais les patients
8 n'ont été emmenés ailleurs pour une raison médicale ou une autre, pour
9 aller vers un établissement de santé, même si cela aurait été nécessaire
10 souvent.
11 M. Turone (interprétation). - Y avait-il des dossiers médicaux
12 pour chacun des prisonniers ?
13 M. Grubac (interprétation). - C'est seulement au début que le
14 Docteur Relja* et moi-même nous avons tenu un carnet de bord. Nous avions
15 un carnet où nous inscrivions le nombre de malades, le type de problème,
16 le nom du malade, notre diagnostic. Au départ, nous croyions qu'il fallait
17 tenir un registre, qu'il était nécessaire d'avoir les antécédents
18 médicaux, un peu comme nous pratiquions auparavant. Mais cela n'a suscité
19 aucun intérêt, cela ne servait à rien. Peu à peu, nous avons abandonné ce
20 système.
21 M. Turone (interprétation). - Vous était-il possible d'avoir
22 toute la précision voulue pour ce qui est de ces dossiers que vous gardiez
23 à jour ?
24 M. Grubac (interprétation). - Non. Nous n'avons pas osé y
25 inscrire toutes les blessures infligées. Nous avions peur que quelqu'un
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1 vienne regarder ce qu'il y avait dans ce carnet et que cela ait des
2 conséquences néfastes pour nous.
3 Souvent, nous écrivions quelque chose qui était beaucoup plus
4 léger comme diagnostic que ce qui aurait été nécessité. Souvent, nous ne
5 disions pas quelle était la raison des problèmes médicaux.
6 M. Turone (interprétation). - Qui s'occupait de ce registre ?
7 L'un d'entre vous ou les 2 ? Parmi les médecins ?
8 M. Grubac (interprétation). - Le Docteur Relja* ou moi-même. Il
9 n’y avait pas vraiment de règle précise. Je crois que j'y ai noté plus de
10 choses que Relja*. Lui aussi de temps à autre y inscrivait quelque chose.
11 M. Turone (interprétation). - Savez-vous où ce carnet d'abord a
12 été gardé, et ce qu'il est advenu de lui ?
13 Pendant que vous le remplissiez, que vous l'utilisiez, où se
14 trouvait-il ?
15 M. Grubac (interprétation). - Nous le gardions sur la seule
16 table que nous avions à notre disposition. Par la suite, je l'ai rangé
17 dans un des tiroirs. Je ne sais pas quel sort lui a été réservé.
18 M. Turone (interprétation). - Fort bien.
19 Revenons au soir de votre arrivée au bâtiment n° 22.
20 Je crois que vous avez dit que ce bâtiment était vide à ce
21 moment-là. Est-ce exact ?
22 M. Grubac (interprétation). - Oui.
23 M. Turone (interprétation). - Vous avez dit être arrivé avec
24 quelques dix prisonniers blessés. Ce nombre de prisonniers a-t-il fluctué
25 dans les jours, voire dans les semaines qui ont suivi ?
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1 M. Grubac (interprétation). - Il n'y a pas eu de grosses
2 fluctuations puisque nous n'avions pas de place pour les accueillir. Mais
3 de temps en temps on utilisait un de ces matelas de fortune. Le nombre
4 était plus ou moins constant, dix, parfois cela passait à onze ou douze,
5 mais sans plus. Toutefois, ce n'était pas toujours les mêmes patients dont
6 on s'occupait. En tout cas, il y en avait toujours dix ou onze, mais ce
7 n'était pas toujours les mêmes.
8 M. le Président (interprétation). - Je crois que le moment est
9 opportun pour notre interruption. Nous reprendrons nos débats à midi.
10 L'audience, suspendue à 11 heures 30, est reprise à 12 H 05.
11 M. le Président (interprétation). - Monsieur Turone, vous pouvez
12 continuer.
13 M. Turone (interprétation). - Je vous remercie,
14 Monsieur le Président.
15 Monsieur Grubac, avant la pause, nous avons abordé la question
16 des personnes blessées qui se trouvaient à l'intérieur du hangar n°°22.
17 Pouvez-vous nous dire avec quelle fréquence les nouvelles personnes
18 blessées arrivaient dans le hangar ?
19 M. Grubac (interprétation). - Il n'y avait pas vraiment de
20 rythme établi. Il n'y avait pas un rythme réel d'arrivée. Je ne sais pas
21 de quoi dépendait leur arrivée dans le hangar n°°22. Moi-même et le
22 Dr Mrkajic n'avions absolument pas voix au chapitre quant à l'arrivée des
23 gens dans le hangar.
24 M. Turone (interprétation). - Mais approximativement, combien de
25 personnes sont arrivées, quand, à quel rythme ? Donnez-moi une
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1 approximation.
2 M. Grubac (interprétation). - Pour ce qui est du hangar n°°22,
3 les prisonniers venaient chercher de l'aide, une assistance médicale.
4 Ensuite, ils retournaient dans leur hangar respectif, le hangar n°°6 ou le
5 hangar n°°9. Nous leur apportions l'aide dont ils avaient besoin, puis ils
6 retournaient dans l'un de ces deux bâtiments. Certains d'entre eux
7 arrivaient accompagnés par des gardes. Le plus souvent, M. Delic
8 accompagnait des personnes, afin qu'elles soient hospitalisées dans un
9 hôpital. Je pense qu'il y avait dix malades à peu près, en tout, dans le
10 hangar, qui étaient hospitalisés.
11 M. Turone (interprétation). - Quels types de blessures ces
12 personnes présentaient-elles ?
13 M. Grubac (interprétation). - Différents types de blessures ;
14 des blessures provoquées par des objets contondants, des brûlures, des
15 blessures dues à des armes à feu. Il y avait également des infections qui
16 résultaient des blessures dont souffraient ces personnes.
17 M. Turone (interprétation). - Parmi ces prisonniers, quelques-
18 uns sont-ils morts dans l'infirmerie, dans le hangar n°°22 ?
19 M. Grubac (interprétation). - Pour ce qui est du hangar n°°22,
20 deux des personnes blessées sont mortes.
21 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous donner leur nom ?
22 M. Grubac (interprétation). - Il s'agissait de Petko Mrkajic et
23 de Bosko Samoukovic.
24 M. Turone (interprétation). - Pour ce qui est de
25 M. Petko Mrkajic, pouvez-vous nous dire à quelle date il est arrivé au
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1 hangar n°°22 ? A quel moment y est-il arrivé ?
2 M. Grubac (interprétation). - Il est arrivé au hangar n°°22 dans
3 le courant du mois de juin. Je dirais dans la deuxième quinzaine du mois
4 de juin.
5 M. Turone (interprétation). - Dans quel état est-il arrivé dans
6 le hangar ? Pouvait-il se déplacer seul ou était-il porté par d'autres
7 personnes qui l'aidaient à se déplacer ?
8 M. Grubac (interprétation). - Je crois qu'il était capable de
9 marcher, du moins c'est ce dont je me souviens. Il était capable de se
10 déplacer du hangar n°°6 jusqu'au hangar n°°22. Il s'arrêtait pour respirer
11 de temps en temps. Et puis, avec l'aide d'autres prisonniers, il a été
12 capable d'arriver jusqu'au hangar n°°22.
13 M. Turone (interprétation). - Vous avez dit qu'il y avait deux
14 prisonniers qui l'accompagnaient, qui l'aidaient. Ces deux prisonniers
15 vous ont-ils dit quoi que ce soit lorsqu'ils ont amené M. Mrkajic au
16 bâtiment 22 ?
17 M. Grubac (interprétation). - Je sais qu'ils m'ont dit que
18 quelqu'un leur avait donné l'ordre de transférer M. Mrkajic au
19 hangar n°°22. Ils ont dit qu'il avait été battu sauvagement et qu'il était
20 impossible de le garder avec les autres prisonniers. Ils avaient reçu
21 l'ordre de le transférer au hangar n°°22.
22 M. Turone (interprétation). - Comment vous êtes-vous occupé de
23 M. Mrkajic ? Ou l'avez-vous mis ?
24 M. Grubac (interprétation). - Nous l'avons placé sur un tapis de
25 sol, près de la sortie du hangar n°°22, sur le côté droit de l'entrée.
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1 Nous l'avons placé sur un tapis de sol qui se trouvait à même le sol.
2 M. Turone (interprétation). - Pero Mrkajic était-il conscient
3 lorsqu'il est arrivé dans le hangar ?
4 M. Grubac (interprétation). - Oui, il était conscient.
5 M. Turone (interprétation). - Etait-il à même de vous dire quoi
6 que ce soit ?
7 M. Grubac (interprétation). - Oui, il m'a parlé. Il était
8 capable de parler.
9 M. Turone (interprétation). - Vous rappelez-vous de ce qu'il a
10 dit ?
11 M. Grubac (interprétation). - Cela, je ne m'en souviens pas, du
12 moins pas dans le détail. Je sais qu'il m'a dit qu'il l'avait battu et que
13 ces blessures lui avaient été infligées dans le hangar n°°6.
14 M. Turone (interprétation). - Saviez-vous ou connaissiez-vous
15 M. Mrkajic avant de le voir dans ce hangar ? L'aviez-vous déjà vu ?
16 M. Grubac (interprétation). - Oui, Je le connaissais. Je l'avais
17 rencontré auparavant. Il était traiteur. Il avait également un restaurant
18 à Bradina.
19 M. Turone (interprétation). - N'aviez-vous jamais pris soin de
20 lui auparavant en tant que médecin ? Vous étiez-vous occupé de lui déjà ?
21 M. Grubac (interprétation). - Il souffrait de certains
22 handicaps. Il était aveugle d'un oeil, parce qu'il avait reçu une blessure
23 au cours de sa jeunesse. Alors, souvent, il venait me voir pour des
24 ordonnances, pour des médicaments, pour des prises de sang, pour le
25 contrôle de sa pression artérielle, pour des antibiotiques. Il venait me
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1 voir aussi pour des problèmes de santé de sa femme qui souffrait d'une
2 pression artérielle très élevée. Elle aussi souffrait d'un handicap. Il
3 lui manquait une jambe et elle avait une prothèse et des béquilles.
4 M. Turone (interprétation). - Savez-vous si le Dr Mrkajic avait
5 lui aussi déjà traité Pekto Mrkajic auparavant ?
6 M. Grubac (interprétation). - Oui, je le crois. Relja Mrkajic
7 m'a déclaré qu'il avait des problèmes d'insuline, de diabète et qu'il
8 était possible de remédier à ces problèmes de diabète avec des comprimés
9 et que ce n'était pas une maladie vraiment très grave. Il n'était pas
10 dépendant de l'insuline.
11 M. Turone (interprétation). - Je vois. Pouvez-vous décrire dans
12 le détail les blessures que l'on pouvait voir sur son corps ?
13 M. Grubac (interprétation). - Pero Mrkajic était couvert de
14 blessures. Il y avait des hématomes très importants sur son corps. Il y
15 avait de grandes marques bleues sur son corps. Ils avaient des hématomes
16 vraiment importants. C'est ce que l'on pouvait voir. Je ne sais pas s'il
17 avait des blessures ou des problèmes internes. Je ne pouvais pas m'en
18 assurer, parce que je n'avais pas les moyens d'établir un diagnostic
19 précis. Je n'avais rien qui puisse me permettre de déterminer s'il
20 souffrait de blessures internes.
21 M. Turone (interprétation). - Comment avez-vous pris soin de
22 M. Mrkajic ?
23 M. Grubac (interprétation). - On n'a pas vraiment pris soin de
24 lui. Tant qu'il a pu avaler des choses, on lui a donné des analgésiques.
25 C'est vraiment tout ce que nous avons fait.
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1 M. Turone (interprétation). - Lui avez-vous également donné des
2 soins pour remédier à ces problèmes de diabète ?
3 M. Grubac (interprétation). - Non. Nous n'avions rien à notre
4 disposition qui nous permette de soigner le diabète. En outre, nous
5 n'étions pas à même d'établir la concentration de sucre dans le sang,
6 parce que nous n'avions pas les éléments nécessaires pour faire ce type
7 d'examen. Même si nous avions eu les médicaments nécessaires pour remédier
8 à ce type de problème, nous ne le lui aurions pas administré puisque nous
9 n'avions pas les données qui nous permettaient de le faire.
10 M. Turone (interprétation). - N'a-t-il jamais perdu
11 connaissance ?
12 M. Grubac (interprétation). - Son état s'est aggravé de façon
13 continue. Après quelques jours, il est tombé dans le coma.
14 M. Turone (interprétation). - Combien de jours après est-il
15 mort ?
16 M. Grubac (interprétation). - Je pense qu'il est mort six ou
17 sept jours après son arrivée.
18 M. Turone (interprétation). - Pero Mrkajic avait-il des proches
19 à l'intérieur du camp ?
20 M. Grubac (interprétation). - Oui, deux de ses fils se
21 trouvaient dans le camp. Ses deux fils étaient enfermés dans le
22 bâtiment n°°9. Je devrais dire plutôt le tunnel n°°9. Il s'agissait de
23 Zarko Mrkajic. Il y avait également Desko Mrkajic. Son nom doit être
24 Desimir, Desko étant un diminutif.
25 M. Turone (interprétation). - Ces deux hommes avaient-ils le
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1 droit de voir leur père ou ont-ils pu voir son corps ?
2 M. Grubac (interprétation). - A la mort de Pero, Hazim Delic a
3 amené ses deux fils au hangar n°°22. Il leur a dit : "Venez dire au revoir
4 à votre père."
5 M. Turone (interprétation). - Le corps de Pero Mrkjaci a-t-il
6 été immédiatement retiré du hangar ?
7 M. Grubac (interprétation). - Non. Son cadavre est resté dans le
8 hangar toute la nuit. Ce n'est que le lendemain que nous, moi-même et le
9 Dr Relja Mrkajic, l'avons retiré du hangar. Des gens sont arrivés avec une
10 camionnette et ont emmené le corps. Nous avons préparé le tapis de sol,
11 afin qu'il soit propre et qu'il puisse accueillir un autre malade.
12 M. Turone (interprétation). - Y a-t-il eu une enquête sur les
13 causes de la mort de Pero Mrkajic ? Avez-vous eu connaissance d'une telle
14 enquête ?
15 M. Grubac (interprétation). - Je ne crois pas qu'il y ait eu une
16 telle enquête, du moins je n'en sais rien. Pour ce qui est de moi-même et
17 du docteur Mrkajic, personne ne nous a demandé d'écrire un rapport sur la
18 mort de M. Mrkajic ou sur l'heure de sa mort.
19 M. Turone (interprétation). - Qui que ce soit vous a-t-il
20 demandé quelque chose ou demandé pourquoi il était mort ?
21 M. Grubac (interprétation). - Non, personne ne nous a posé de
22 question.
23 M. Turone (interprétation). - Vous a-t-on demandé de remplir un
24 certificat de décès ?
25 M. Grubac (interprétation). - Non. Cela ne se faisait pas du
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1 tout dans le camp. Moi-même et le Dr Mrkajic n'avons jamais eu à remplir
2 un certificat de décès.
3 M. Turone (interprétation). - Entendu. Parlons maintenant de
4 M. Samoukovic. Pouvez-vous nous dire à quelle date il est arrivé au
5 hangar n°°22 ?
6 M. Grubac (interprétation). - M. Samoukovic Bosko est arrivé
7 après Pero Mrkajic, peut-être vers le milieu du mois de juin, pardon, vers
8 le milieu du mois de juillet.
9 M. Turone (interprétation). - Le mois de juillet ?
10 M. Grubac (interprétation). - Oui, le mois de juillet. Je pense
11 que c'était au mois de juillet, ou vers la mi-juillet. Je n'en suis pas
12 absolument certain. Je crois que c'était à la mi-juillet.
13 M. Turone (interprétation). - Entendu. Dans quel état est-il
14 arrivé ? Etait-il capable de marcher seul ?
15 M. Grubac (interprétation). - Je ne sais pas exactement dans
16 quel état il est arrivé, mais ce que je sais, c'est qu'il ne pouvait pas
17 marcher. Je ne sais pas comment il a été amené au hangar n° 22. Je sais
18 que deux prisonniers l'ont emmené à l'intérieur du bâtiment. Il y avait là
19 un lit que nous avions préparé pour lui. Il a été déposé sur ce lit.
20 M. Turone (interprétation). - Quelqu'un est-il venu voir
21 M. Samoukovic après son arrivée dans le hangar n° 22 ?
22 M. Grubac (interprétation). - Tout de suite après son arrivée,
23 après que nous l'ayons placé dans le lit, Hazim Delic est arrivé. Il a dit
24 à quelqu'un, peut-être qu'il a dit à un des gardes qui l’accompagnait,
25 d’appeler Zenga afin qu'il puisse voir ce qu'il avait fait.
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1 M. Turone (interprétation). - Que s’est-il passé alors ?
2 M. Grubac (interprétation). - Ensuite, Landzo Zenga est arrivé,
3 a regardé le blessé et a déclaré au Dr Mrkajic et à moi-même : "Eh bien,
4 il faut le guérir".
5 M. Turone (interprétation). - Quand vous dites "Zio Zenga", à
6 qui vous référez-vous, à "Zio" ou à "Zenga" ?
7 M. Grubac (interprétation). - Je me réfère à Esad Zio Zenga,
8 Esad Landzo Zenga, Esad Landzo Zenga. Je ne sais pas pourquoi j'ai des
9 problèmes à prononcer ce nom. Il s'agit bien de Esad Landzo Zenga.
10 M. Turone (interprétation). - Vous rappelez-vous des paroles
11 exactes employées par Zenga ?
12 M. Grubac (interprétation). - Je crois qu'il a dit quelque chose
13 de ce genre-là. Ce n'est peut-être pas très précis. Peut-être que ce ne
14 sont pas les mots qu'il a employés. Mais il a dit quelque chose du style :
15 "Il faut veiller à ce qu'ils guérissent".
16 M. Turone (interprétation). - Est-ce que Bosko Samoukovic était
17 conscient lorsqu'il est arrivé ?
18 M. Grubac (interprétation). - Oui, il était conscient.
19 M. Turone (interprétation). - Etait-il à même de vous dire quoi
20 que ce soit ?
21 M. Grubac (interprétation). - Il a pu prononcer quelques mots,
22 mais son état était vraiment critique et il luttait vraiment contre la
23 mort. Il avait beaucoup de difficultés à respirer. Il manquait d'air. Il
24 n'arrivait pas à respirer. Il était rouge, bleu. Par la suite, il a
25 commencé à transpirer. Son visage était couvert de sueur. Il ne cessait
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1 d'indiquer sa poitrine avec ces mains. Il a essayé par la suite de
2 s'asseoir alors qu'il était allongé. On avait vraiment l'impression qu'il
3 n'arrivait plus à respirer.
4 M. Turone (interprétation). - Vous souvenez-vous de ce qu'il a
5 pu dire au cours de toute cette période ?
6 M. Grubac (interprétation). - Oui. Il gémissait. Il ne cessait
7 de montrer sa poitrine. Je ne me souviens pas de ce qu'il a pu dire. Je ne
8 sais pas s'il a demandé quelque chose. Je ne m'en souviens pas.
9 M. Turone (interprétation). - Je vois. Pouvez-vous nous donner
10 des détails quant aux blessures qu'on pouvait voir sur son corps ?
11 M. Grubac (interprétation). - Je n'ai pas fait un examen complet
12 de son corps mais comme il ne cessait de montrer sa poitrine, j'en ai
13 déduit qu'il voulait me dire quelque chose. J'ai essayé de palper sa
14 poitrine. Je voyais bien qu’elle n’était pas aussi élastique qu'on aurait
15 pu s’y attendre. En appuyant sur sa poitrine, je pouvais entendre comme un
16 craquement, des bruits qui m'indiquaient que ses côtes étaient
17 certainement brisées.
18 M. Turone (interprétation). - De quelle façon vous êtes-vous
19 occupé de lui ?
20 M. Grubac (interprétation). - Je m'en suis occupé pendant peu de
21 temps. Nous n'avons pas vraiment pris soin de lui. Nous avons seulement
22 essayé de voir s'il y avait quelque chose dans sa bouche. Nous avons
23 essayé de le placer dans ce que nous appelons "la position de coma" afin
24 d'éviter qu'il ne s'étouffe avec sa langue ou avec quelque chose qu'il
25 aurait pu avoir dans sa bouche. Il était si mal à l'aise, il était
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1 tellement essoufflé, il avait tellement de mal à respirer qu'il était très
2 difficile de le maintenir dans cette position. Je ne crois pas lui avoir
3 donné de médicament puisque, de toute façon, nous n’avions presque rien à
4 notre disposition.
5 M. Turone (interprétation). - Quand M. Samoukovic est-il mort ?
6 M. Grubac (interprétation). - Il est mort vingt minutes, une
7 demi-heure après son arrivée dans le hangar n° 22.
8 M. Turone (interprétation). - Son corps a-t-il été immédiatement
9 retiré du hangar ?
10 M. Grubac (interprétation). - Je ne m'en souviens pas. Je ne
11 sais pas si le corps a été immédiatement retiré du hangar, mais je sais
12 qu'il n'a pas passé la nuit dans le hangar. Le corps n’a pas passé la nuit
13 dans le hangar.
14 M. Turone (interprétation). - Y a-t-il eu une enquête sur les
15 causes de la mort de M. Samoukovic ?
16 M. Grubac (interprétation). - Non. Je ne crois pas qu'il y ait
17 eu d’enquête. Personne ne m'a rien demandé. Personne n'a rien demandé au
18 Dr Relja Mrkajic, personne n'a rien demandé quant aux causes de la mort de
19 M. Samoukovic.
20 M. Turone (interprétation). - Quelqu'un vous a-t-il demandé de
21 remplir un certificat de décès ?
22 M. Grubac (interprétation). - Non.
23 M. Turone (interprétation). - Monsieur Grubac, avez-vous jamais
24 traité quelqu'un qui souffrait de brûlures ?
25 M. Grubac (interprétation). - Oui, oui. Cela dit, le plus
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1 souvent c'est mon collègue qui s'occupait de ce type de blessures parce
2 que c'est un type de blessures qu'il connaît bien puisque c'est un
3 spécialiste, un oto-rhino laryngologiste. Il s'est souvent occupé de
4 telles blessures.
5 M. Turone (interprétation). - Vous rappelez-vous combien de fois
6 des personnes sont arrivées, qui présentaient des brûlures ?
7 M. Grubac (interprétation). - Il en arrivait régulièrement. Mais
8 en fait nous n'avions rien qui nous permette de les soigner. Rien qui
9 puisse nous permettre d'enlever les peaux qui étaient sur les brûlures,
10 rien qui nous permette de nettoyer la brûlure et d’y apposer une
11 compresse. Nous n'avions que des bandages qui nous permettaient de couvrir
12 la brûlure afin qu'elle ne s'infecte pas trop.
13 M. Turone (interprétation). - Vous rappelez-vous des noms des
14 prisonniers qui présentaient ce type de brûlures ?
15 M. Grubac (interprétation). - Je ne peux pas donner des noms
16 précis, le nom de ces prisonniers, mais ce que je sais c'est qu'il y avait
17 des prisonniers qui avaient des brûlures sur leurs paumes, sur leurs
18 mains, sur leurs cuisses, sur leurs mollets. Certains présentaient des
19 brûlures au visage, aux oreilles. Je sais qu'un jour un prisonnier est
20 arrivé, il s'appelait Cakani, c'était son surnom, on l'appelait également
21 Bendzo. Je ne sais pas quel était vraiment son nom. Il y avait un Djordjo,
22 un Djordjic, un Kuljanin, mais je ne peux pas dire où ils étaient blessés,
23 où ils souffraient de blessures.
24 Il s'agissait de brûlures au premier degré ou au second degré
25 parfois, c'est ainsi que nous les appelons, des brûlures qui touchent la
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1 peau et le derme, en dessous de la peau.
2 M. Turone (interprétation). - Vous n'êtes pas à même de nous
3 donner plus de détails sur ces personnes qui présentaient des brûlures ?
4 M. Grubac (interprétation). - Je ne peux pas vous donner de
5 noms. Je sais qu'ils nous ont dit que ces brûlures étaient le résultat de
6 tortures. On leur avait versé de l'essence sur eux. On avait mis le feu à
7 l'essence. On leur avait mis des mèches allumées sur le corps. On avait
8 également utilisé des genres de feux d'artifice, des instruments utilisés
9 également dans la construction de mines.
10 M. Turone (interprétation). - Je vous remercie. Vous avez
11 toujours pris soin des prisonniers à l'intérieur du hangar 22 ou bien
12 parfois vous êtes vous rendue vous même au hangar numéro 6 ou au tunnel
13 numéro neuf pour prendre soin des prisonniers ?
14 M. Grubac (interprétation). - Moi-même et le docteur Mrkajic,
15 nous sommes rendus parfois au hangar n° 6 ou au tunnel n° 9. Nous nous
16 sommes rendus également au bâtiment où se trouvaient les femmes.
17 M. Turone (interprétation). - Qui vous a demandé de vous y
18 rendre ? Ou qui vous y a emmené ?
19 M. Grubac (interprétation). - La plupart du temps, c'était un
20 des gardes qui nous accompagnaient. Parfois, personne ne nous
21 accompagnait. Nous allions seuls. Mais la plupart du temps, c'était un des
22 gardes qui nous accompagnait. Quant à savoir qui leur donnait l'ordre de
23 nous accompagner, ça je ne sais pas.
24 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous nous donnez une idée
25 approximative de la fréquence de vos visites au hangar n° 6 ?
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1 M. Grubac (interprétation). - Difficile de le dire avec
2 précision. Mais on pourrait dire que je suis allé souvent au hangar n° 6.
3 C'est comme cela que je qualifierais la fréquence.
4 M. Turone (interprétation). - Quand vous y alliez, avez-vous
5 remarqué des prisonniers qui présentaient des blessures visibles à l'oeil
6 nu ?
7 M. Grubac (interprétation). - Oui. Il y en avait beaucoup qui
8 étaient blessés au hangar n° 6.
9 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous citer le nom de
10 certains d'entre eux.
11 M. Grubac (interprétation). - Je viens d'y repenser. Il y avait
12 par exemple Simo Jovanovic, je m'en souviens sans doute parce que je le
13 connaissais avant le camp. Il m'est arrivé de m’y rendre au hangar n° 6.
14 Il se trouvait dans une espèce de boîte, impossible pour lui de bouger. Il
15 avait été battu. Il se plaignait de manquer d'air. Il avait le corps qui
16 lui faisait mal de partout. Difficile de faire un choix parmi autant de
17 personnes qui toutes ont été frappées, passées à tabac. Difficile d’en
18 sélectionner quelques-uns.
19 M. Turone (interprétation). - Avez-vous été en mesure de vous
20 occuper de M. Jovanovic ?
21 M. Grubac (interprétation). - Non. Son état nécessitait des
22 soins intensifs dans un établissement méritant le nom d'hôpital. Mais il a
23 pas eu cette chance. Il n'a pas été transporté à l'hôpital.
24 M. Turone (interprétation). - Avez-vous fait remarquer son état
25 de santé à qui que ce soit ?
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1 M. Grubac (interprétation). - Vous voulez dire à titre
2 officiel ?
3 M. Turone (interprétation). - Oui.
4 M. Grubac (interprétation). - Non. Nous n'avions aucune
5 possibilité d'informer qui que ce soit de façon officielle. Il ne nous
6 était pas loisible non plus de rédiger des rapports à propos des personnes
7 blessées.
8 M. Turone (interprétation). - Combien de fois vous êtes-vous
9 rendu au tunnel n° 9 pour ysvoir des prisonniers, approximativement ?
10 M. Grubac (interprétation). - Le tunnel n° 9 faisait l'objet
11 d'un régime particulier, dirais-je. J'y suis allé deux ou trois fois.
12 M. Turone (interprétation). - Vous souvenez vous des raisons qui
13 vous ont amené au tunnel n° 9?
14 M. Grubac (interprétation). - J'y suis allé notamment parce
15 qu'un des gardes et venu nous demander d’aller examiner un prisonnier pour
16 voir s'il avait besoin de médicaments. J'y suis allé une deuxième fois. On
17 m'a demandé de dresser une liste des personnes souffrant de maladies
18 chroniques graves. J'y suis allé peut-être une troisième fois entre ces
19 deux visites que je viens de mentionner.
20 M. Turone (interprétation). - Avez-vous remarqué des personnes
21 présentant des blessures visibles, des traces visibles, lors de vos
22 visites au tunnel n° 9 ?
23 M. Grubac (interprétation). - Il me sera peut-être difficile de
24 vous donner une idée très claire de la situation qu’on trouvait au
25 tunnel n° 9. Voulez-vous que je décrive l'aspect que présentait ce
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1 tunnel ?
2 M. Turone (interprétation). - Si vous le voulez, rapidement.
3 M. Grubac (interprétation). - J’aimerais faire cette description
4 parce qu'il est difficile de retenir telle ou telle blessure particulière.
5 Ce tunnel, c'était en fait un tunnel de un mètre vingt, à un mètre
6 cinquante de largeur, un mètre cinquante de hauteur. Le plafond était
7 vouté et tout le tunnel était en pente. Difficile donc de marcher dans ce
8 tunnel. Les prisonniers qui s'y trouvaient, à moitié couchés, à moitié
9 assis, étaient vraiment entassés les uns sur les autres du fait de la
10 pente, de la déclivité. Impossible pour eux ne fusse que d'étendre leurs
11 jambes. Moi aussi, moi qui ne suis pas bien grand, j'ai dû me baisser pour
12 entrer dans le tunnel. L'accès était difficile car il n'y avait aucun
13 espace qui soit resté entre ces corps et l'extrémité du tunnel. Il y avait
14 une puanteur innommable. Impossible de respirer ou à peine. Les gens
15 devaient se soulager du mieux qu'ils pouvaient. C'était vraiment de la
16 crasse, dans un état affreux. Les gens étaient résignés à leur sort. Les
17 prisonniers n'étaient pas près à parler de ce qu'on leur faisait. J'ai
18 beaucoup de peine à décrire aujourd’hui les blessures que j'y ai
19 constatées.
20 M. Turone (interprétation). - Quand vous a-t-on demandé de
21 dresser cette liste des prisonniers se trouvant au tunnel n° 9, qui se
22 trouvaient dans cet état abominable ? Combien de personnes avez-vous
23 inscrites dans cette liste, vous en souvenez vous ?
24 M. Grubac (interprétation). - Ce n'est pas cette fois-là qu'on
25 m'a demandé d'inscrire les noms des personnes présentant des blessures
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1 graves. Là, on m’a plutôt demander de citer des prisonniers présentant des
2 maladies chroniques graves. Ils voulaient simplement avoir un relevé des
3 prisonniers qui avaient des maladies avant d'arriver au camps. On ne m'a
4 donc pas demandé de citer des personnes présentant des blessures, mais
5 plutôt des maladies chroniques antérieures.
6 M. Turone (interprétation). - Vous souvenez-vous du nombre de
7 personnes que vous avez inscrites dans cette liste ?
8 M. Turone (interprétation). - Personne ne voulait faire état de
9 telles maladires.
10 M. Turone (interprétation). - Parlons de façon générale. Etiez-
11 vous autorisé à administrer des soins à des personnes qui d'après vous en
12 avez besoin ?
13 M. Grubac (interprétation). - Non, je le répète, une fois de
14 plus. Nous n'avions aucun pouvoir, aucune influence. Nous ne pouvions pas
15 décider de qui, ni de comment, nous allions traiter, qui traiter, comment
16 le faire. Il y avait le docteur Relja*, moi-même, nous étions nous-mêmes
17 des prisonniers, comme tout le monde ; à quelques rares exceptions près,
18 lorsque nous nous sommes rendus dans d'autres hangars et lorsque nous
19 avons pu distribuer certains des médicaments que nous avions.
20 M. Turone (interprétation). - J'aimerais passer à un autre
21 sujet, si vous le voulez bien. Avez-vous fait l'objet d'un interrogatoire
22 mené par une commission militaire au cours de votre séjour à Celebici ?
23 M. Grubac (interprétation). - Oui. Cela s'est passé une fois. On
24 m'a fait venir au bâtiment de commandement et, là, j'ai fourni une
25 déclaration.
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1 M. Turone (interprétation). - Quand cela se serait-il passé à
2 peu près ?
3 M. Grubac (interprétation). - Dans la première quinzaine de
4 juin. Je pense que c'est au retour de l'Ecole du 3 Mars à Konjic.
5 M. Turone (interprétation). - Donc cela s'est passé au bâtiment
6 de commandement. Qui vous a fait venir du hangar 22 et vous a dit de vous
7 rendre au bâtiment de commandement ?
8 M. Grubac (interprétation). - Un des gardes.
9 M. Turone (interprétation). - Qui a procédé à cet
10 interrogatoire ?
11 M. Grubac (interprétation). - L'homme s'appelait Mladen Zovko,
12 surnommé Kuhar, le cuisinier.
13 M. Turone (interprétation). - Portait-il un uniforme ?
14 M. Grubac (interprétation). - Oui, un uniforme de camouflage.
15 M. Turone (interprétation). - Quel est le traitement qui vous a
16 été réservé au cours de cet interrogatoire ?
17 M. Grubac (interprétation). - Tout à fait correct.
18 M. Turone (interprétation). - Cela s'est passé dans une des
19 pièces du bâtiment de commandement, n'est-ce pas ? Au cours de cet
20 interrogatoire, pouviez-vous voir la fenêtre de la pièce ? Savez-vous sur
21 quoi donnait la fenêtre de cette pièce ?
22 M. Grubac (interprétation). - Elle donnait sur le bâtiment n° 22
23 et sur la cour séparant le bâtiment de commandement du bâtiment n° 22.
24 M. Turone (interprétation). - Toujours au cours de cet
25 interrogatoire, a-t-on porté contre vous des accusations précises ?
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1 M. Grubac (interprétation). - Non.
2 M. Turone (interprétation). - Et Mladen Zovko, que vous a-t-il
3 posé comme questions ?
4 M. Grubac (interprétation). - Pour autant que je m'en souvienne,
5 car l'interrogatoire a été court, je crois qu'il a tout au plus posé trois
6 ou quatre questions. Il m'a demandé mon nom, où je me trouvais, ce que je
7 faisais à Bradina. C'est à peu près tout.
8 M. Turone (interprétation). - Avez-vous dû apposer votre
9 signature à un document à la suite de l'interrogatoire ?
10 M. Grubac (interprétation). - Oui. Il m'a demandé de signer ma
11 déclaration ; ce que j'ai fait.
12 M. Turone (interprétation). - Avez-vous vu où Mladen Zovko a
13 rangé cette déclaration ?
14 M. Grubac (interprétation). - Je n'en suis pas sûr. Il l'a sans
15 doute replacée dans un dossier.
16 M. Turone (interprétation). - Passons à autre chose,
17 Monsieur Grubac. Y avait-il des femmes au camp ?
18 M. Grubac (interprétation). - Oui, il y en avait plusieurs.
19 M. Turone (interprétation). - Où étaient-elles incarcérées ?
20 M. Grubac (interprétation). - Dans le bâtiment qu'on appelait la
21 réception ou le bâtiment des gardes, juste à l'entrée du camp.
22 M. Turone (interprétation). - Avez-vous jamais été voir ces
23 femmes dans le bâtiment de la réception ?
24 M. Grubac (interprétation). - Oui, deux ou trois fois.
25 M. Turone (interprétation). - Avez-vous parlé avec l'une
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1 quelconque d'entre elle ?
2 M. Grubac (interprétation). - Oui, j'ai parlé avec toutes les
3 femmes qui se trouvaient là, car le garde a ouvert la porte de la pièce.
4 Il m'a fait entrer. Mais lui est resté à l'extérieur.
5 M. Turone (interprétation). - Vous souvenez-vous de détails
6 particuliers, des conversations, que vous avez eues avec ces femmes ?
7 M. Grubac (interprétation). - Il m'avait été dit que je devais
8 me rendre à cet endroit, car une des femmes prisonnières avait des
9 douleurs. Elle avait une pierre, un calcul aux reins.
10 Effectivement, après, j'ai constaté qu'elle avait ces douleurs.
11 Je suis retourné au bâtiment n° 22. J'ai pris quelques médicaments ; je
12 lui ai donné une injection, une piqûre antispasmodique. J'ai été rappelé
13 deux fois supplémentaires, mais je pense qu'il n'y avait pas vraiment de
14 raison particulière. Ce n'était pas dû à une maladie précise. Elles
15 voulaient avoir un contact avec moi pour savoir ce qu'il allait leur
16 advenir.
17 A cette occasion, la première fois que j'y suis allé,
18 Grozda Cecez m'a dit que les femmes étaient vraiment en difficulté. Je
19 l'ai vu : elles pleuraient, elles étaient assises sur une espèce
20 d'étagère. Je les connaissais toutes ces femmes, mais elles ne voulaient
21 pas me parler. J'avais l'impression qu'elles étaient honteuses. Lorsque
22 j'ai posé une question à Grozda, elle m'a répondu que, chaque soir, on les
23 faisait sortir et qu'elles étaient violées.
24 M. Turone (interprétation). - A un moment donné, y a-t-il eu
25 absence totale de nourriture distribuée aux prisonniers pour une raison ou
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1 pour une autre ?
2 M. Grubac (interprétation). - Oui. La nourriture était exécrable
3 et aussi très rare. Souvent, on devait se passer de nourriture pendant
4 plusieurs jours. Il s'est passé deux ou trois jours notamment où l'on n'a
5 rien eu.
6 J'ai appris, par la suite, au camp que c'est parce qu'il y avait
7 un problème sur la route de Repovci. Quelques policiers avaient été tués.
8 Apparemment, les gens du camp pensaient que c'étaient les Serbes qui
9 étaient responsables de cette mort, des Serbes qui se cachaient quelque
10 part du côté de Bradina.
11 Mais il n'était pas rare que nous n'ayons pas de nourriture
12 pendant deux ou trois jours.
13 M. Turone (interprétation). - Des femmes se sont-elles plaintes
14 de ce manque de nourriture ? Vous en souvenez-vous ?
15 M. Grubac (interprétation). - Non, je ne me souviens pas qu'une
16 des femmes ait parlé de nourriture en particulier.
17 M. Turone (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion de
18 communiquer avec votre femme pendant le temps que vous avez passé à
19 Celebici ?
20 M. Grubac (interprétation). - Non. Il m'était impossible de le
21 faire. Mais j'avais certaines relations, dirais-je, et, par le biais des
22 gardes, je lui faisais parvenir des messages. Une fois, j'ai pu lui
23 envoyer une petite note pour lui dire de ne pas venir à Celebici, parce
24 que cela pourrait s'avérer mauvais, néfaste pour elle.
25 M. Turone (interprétation). - Vous avez donc envoyé un petit
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1 message écrit à votre femme. Par le truchement de qui ?
2 M. Grubac (interprétation). - Par le truchement d'un garde que
3 je connaissais, qui la connaissait aussi. Je préférerais ne pas citer ce
4 garde.
5 M. Turone (interprétation). - Fort bien. Pourriez-vous nous
6 situer le moment où cela est arrivé ?
7 M. Grubac (interprétation). - La transmission du message ? En
8 fait, il y en a eu deux, en juin et en juillet. S'agissant de la note
9 écrite, je crois que cela s'est passé au cours de la deuxième quinzaine de
10 juin.
11 M. Turone (interprétation). - Votre femme vous a-t-elle rendu
12 visite au camp ?
13 M. Grubac (interprétation). - Oui, une fois.
14 M. Turone (interprétation). - Une seule fois ?
15 M. Grubac (interprétation). - Effectivement.
16 M. Turone (interprétation). - Quand est-elle venue vous voir ?
17 M. Grubac (interprétation). - Au cours de la deuxième quinzaine
18 de juillet, avant que je ne quitte le camp, sept ou dix jours avant mon
19 départ du camp.
20 M. Turone (interprétation). - Où, dans le camp, l'avez-vous
21 rencontrée ?
22 M. Grubac (interprétation). - Dans l'une des pièces du bâtiment
23 de commandement.
24 M. Turone (interprétation). - Et qui vous a appelé pour que vous
25 vous rendiez à cet endroit ?
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1 M. Grubac (interprétation). - Un des gardes.
2 M. Turone (interprétation). - Vous avez donc pu la voir dans une
3 pièce du bâtiment de commandement. Qui se trouvait dans cette pièce à
4 votre arrivée ?
5 M. Grubac (interprétation). - A mon arrivée, il y avait
6 Pavo Mucic et ma femme Gordana. Je ne sais plus si la secrétaire, cette
7 femme qui travaillait dans le bâtiment de commandement, s'y trouvait
8 aussi. Je ne pense pas.
9 M. Turone (interprétation). - M. Mucic est-il resté présent
10 pendant le temps que vous avez passé avec votre femme ?
11 M. Grubac (interprétation). - Oui.
12 M. Turone (interprétation). - Combien de temps a duré la
13 conversation que vous avez eue avec elle ?
14 M. Grubac (interprétation). - En tout, pas plus de quinze ou
15 vingt minutes.
16 M. Turone (interprétation). - Votre épouse vous a-t-elle apporté
17 quoi que ce soit ? Je pense à des vêtements ou de la nourriture ?
18 M. Grubac (interprétation). - Oui, un peu de nourriture, des
19 sous-vêtements, une chemise et sa belle-soeur est venue. Elle n'est pas
20 entrée dans la pièce. Elle avait demandé l'autorisation à Pavo. Par la
21 suite, elle a pu voir le frère de ma femme, son mari, donc.
22 M. Turone (interprétation). - Aujourd'hui, vous avez fait état
23 de Hazim Delic. Le connaissiez-vous avant la guerre ?
24 M. Grubac (interprétation). - Oui.
25 M. Turone (interprétation). - Comment se fait-il que vous le
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1 connaissiez ?
2 M. Grubac (interprétation). - Je connaissais son père, Ibro,
3 avant la guerre. Je ne sais plus comment nous nous sommes rencontrés. Je
4 crois que Ahmed Jusufbegovic, un confrère spécialiste en médecine interne,
5 l'avait traité. Il se peut que je l’ai aidé quand il devait passer à la
6 retraite. Son père était menuisier. Hazim et lui avait fait un travail.
7 Ils avaient installé des planches en bois chez moi. Je leur avais aussi
8 rendu visite chez eux, parce que sa mère avait été malade un certain
9 temps.
10 M. Turone (interprétation). - Quelle était la fonction
11 qu’occupait M. Delalic au camp ?
12 M. Grubac (interprétation). - Il était le commandant adjoint du
13 camp.
14 M. Jan (interprétation). - Parlez-vous de Delalic ou de Delic ?
15 M. Turone (interprétation). - Excusez-moi, j'ai dit Delalic,
16 mais je parlais de Delic. Quelle était la fonction qu'occupait Delic au
17 camp ?
18 M. Grubac (interprétation). - Oui, je pensais que vous parliez
19 de M. Delic. M. Delic était effectivement commandant adjoint du camp.
20 M. Turone (interprétation). - Comment saviez-vous qu'il avait
21 cette fonction ?
22 M. Grubac (interprétation). - Les gardes s'adressaient à lui
23 comme s'il était dans cette fonction. Personne ne nous a dit quelles
24 étaient les fonctions officielles. Nous avons tiré certaines déductions du
25 comportement qu'avaient certaines personnes et de la façon dont les gardes
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1 s'adressaient à elles.
2 M. Turone (interprétation). - A votre toute première arrivée au
3 camp, avez-vous remarqué quoi que ce soit à propos de la jambe de
4 M. Delic ? Marchait-il normalement ?
5 M. Grubac (interprétation). - Le lendemain de mon arrivée à
6 Celebici, j'ai rencontré Hazim Delic au bâtiment n° 6. Comme je le
7 connaissais, j'ai pensé que je pouvais lui adresser la parole, ce que j'ai
8 fait. Je lui ai dit : "Voilà, je suis ici !". J'ai demandé si mon
9 confrère, HadziHuseinovic, s’il savait que j'étais au camp, et j'ai
10 demandé qu'il lui dise que j'étais ici s'il ne le savait pas déjà. Hazim
11 avait des béquilles. Il a expliqué qu'il boîtait et qu'il utilisait cette
12 béquille parce qu'il avait un problème à la jambe.
13 M. Turone (interprétation). - Vous avez également parlé de
14 Zenga. Le connaissiez-vous avant la guerre ?
15 M. Grubac (interprétation). - Non, jamais je ne l'ai vu avant la
16 guerre. Je ne le connaissais pas.
17 M. Turone (interprétation). - Comment avez-vous appris comment
18 il s'appelle ?
19 M. Grubac (interprétation). - C'est quelqu'un dans le camp qui
20 me l’a dit. Je pensais qu'il s'appelait Zio et non pas Esad à l'époque,
21 d'où la confusion que j'ai créée. Parfois, je l'appelais Zio. Mais tout le
22 monde utilisait son surnom, Zenga. Je ne peux pas vous dire exactement qui
23 m'a fait part de son identité réelle, mais nous l'avons apprise. Je pense
24 qu'il y avait un autre garde qui portait le même nom de famille, Landzo.
25 M. Turone (interprétation). - Avez-vous jamais eu l'occasion de
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1 voir cet autre garde ?
2 M. Grubac (interprétation). - Je ne sais pas, je ne pourrais pas
3 le dire. Je ne sais même pas s'il a vraiment existé, ce deuxième garde. Il
4 me semble que oui. Il y avait ce deuxième garde, mais je n'en suis pas
5 tout à fait sûr. Y avait-il un deuxième garde qui portait le même nom de
6 famille ? Je ne sais plus. C'est bien possible, mais je ne pourrais pas
7 vous dire ce qu'il en est.
8 M. Turone (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion
9 d'apprendre comment on surnommait l'autre garde ?
10 M. Grubac (interprétation). - Non.
11 M. Turone (interprétation). - Quelle était la fonction
12 qu'occupait Zenga dans le camp à votre connaissance?
13 M. Grubac (interprétation). - Je crois qu'il était garde, comme
14 tous les autres gardes.
15 M. Turone (interprétation). - Bien. Vous dites qu'il y avait
16 deux fenêtres au bâtiment 22 qui donnaient sur l'entrée du tunnel n° 9.
17 Ces fenêtres étaient-elles placées à une hauteur qui vous permette d'avoir
18 une vue très claire de ce qui se passait à l'extérieur ?
19 M. Grubac (interprétation). - Oui. Il n'était pas si facile que
20 cela de regarder à l'extérieur parce que les fenêtres étaient proches du
21 plafond, ou du moins placées à une hauteur inhabituelle, à une hauteur
22 différente de celle où l’on trouve les fenêtres dans un appartement. Mais,
23 par la fenêtre qui se trouvait à la droite de l'entrée du hangar, il était
24 facile de voir l'entrée du tunnel n° 9.
25 M. Turone (interprétation). - Lorsque vous regardiez par cette
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1 fenêtre, vous a-t-il été donné de voir quelque chose de particulier ?
2 M. Grubac (interprétation). - Vous me posez la question et cela
3 me fait me souvenir d'une chose. Risto Mjkajic, ce jeune homme dont je ne
4 me souvenais pas du nom il y a un instant, regardait souvent par la
5 fenêtre parce que son père, Nikola Mjkajic était au tunnel n° 9. C'est
6 comme s’il était de faction à cette fenêtre, ce jeune homme, même si
7 d'autres prisonniers, d'autres malades qui pouvaient se déplacer, se
8 mettaient debout sur leur lit pour regarder par la fenêtre. Quelquefois,
9 on voyait ce qui se passait devant le tunnel n° 9.
10 M. Turone (interprétation). - Vous-même, avez-vous jamais
11 regardé par cette fenêtre ? Avez-vous vu ce qui se passait ?
12 M. Grubac (interprétation). - Oui, souvent je regardais par
13 cette fenêtre pour voir ce qui se passait devant le tunnel n° 9.
14 M. Turone (interprétation). - Qu'avez-vous eu l'occasion de
15 voir, ce faisant ?
16 M. Grubac (interprétation). - A plusieurs reprises, j'ai vu des
17 gardes qui battaient les prisonniers, un des prisonniers qui venait du
18 tunnel.
19 M. Turone (interprétation). - Avez-vous pu reconnaître l'un
20 quelconque des prisonniers que l’on passait à tabac devant le tunnel n° 9?
21 M. Grubac (interprétation). - Non, je n'ai pas pu les
22 reconnaître.
23 M. Turone (interprétation). - Avez-vous eu la possibilité de
24 reconnaître l'un quelconque ou l'une quelconque des personnes qui
25 tabassait les prisonniers ?
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1 M. Grubac (interprétation). - Souvent, il y avait Hazim Delic
2 parmi eux.
3 M. Turone (interprétation). - Avez-vous vu avec quoi Hazim Delic
4 battait les prisonniers, les frappait ?
5 M. Grubac (interprétation). - La plupart du temps, il utilisait
6 une batte de base-ball.
7 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous nous dire combien de
8 fois vous avez vu M. Delic utiliser cette batte de base-ball ?
9 M. Grubac (interprétation). - Souvent. Je l'ai vu souvent avec
10 cette batte de base-ball. C'était comme un emblème. Il l'a portait
11 souvent. Je crois qu'à deux reprises, je l'ai vu frapper un prisonnier
12 devant le tunnel n° 9 avec cette batte de base-ball.
13 M. le Président (interprétation). - Le moment est venu de
14 terminer l'audience de ce matin. Nous reprendrons à 14 heures 30.
15 M. Turone (interprétation). - Volontiers, Monsieur le Président.
16 L’audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 35.
17 M. le Président (interprétation). - Mesdames et Messieurs,
18 bonjour. Veuillez procéder, Maître Turone.
19 M. Turone (interprétation). - Je vous remercie,
20 Monsieur le Président. Monsieur Grubac, lors de votre séjour au camp de
21 Celebici, d'après vous quelles étaient les fonctions de M. Mucic au sein
22 du camp ?
23 Maître Olujic (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges,
24 le témoin a déjà répondu à cette question.
25 M. Turone (interprétation). - Certes, mais nous avons posé des
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1 questions relatives aux fonctions qu'il occupait. Si cela suffit à faire
2 comprendre quelles étaient ces fonctions, alors je vais poursuivre.
3 J'aimerais maintenant que le témoin nous explique quelles
4 étaient peut-être les autres fonctions exercées par M. Mucic durant
5 l'intégralité de son séjour dans le camp de Celebici.
6 M. le Président (interprétation). - Et vous pensez que cela peut
7 venir compléter les questions qui ont déjà été posées ?
8 M. Turone (interprétation). - Non. Je suis d'accord, il a déjà
9 répondu à ce type de question.
10 M. le Président (interprétation). - Par conséquent, je pense que
11 nous pouvons passer à d'autres questions.
12 M. Turone (interprétation). - En effet, je vais donc passer à
13 d'autres questions, Monsieur le Président.
14 Avez-vous vu M. Mucic de façon fréquente, ou non, dans le camp ?
15 M. Grubac (interprétation). - Je l'ai vu très fréquemment.
16 M. Turone (interprétation). - Lors de ces occasions, que
17 faisait-il dans le camp ? Quelles étaient ces activités ?
18 M. Grubac (interprétation). - De là où j’étais, il était
19 difficile pour moi de savoir ou de voir ce qu'il faisait, à moins qu'il se
20 trouve précisément juste devant le poste de commandement, ou à moins qu'il
21 entre dans notre hangar, le hangar n° 22.
22 Je voudrais m'étendre un peu sur ce point. Il se rendait de
23 temps en temps au hangar n° 22. Dans ces cas-là, les gardes ouvraient les
24 portes métalliques. Il déclarait que les portes restent ainsi ouvertes.
25 Nous en étions également très heureux parce qu'ainsi l'air entrait dans le
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1 hangar. Il y avait une circulation d'air. Nous pouvions voir ce qui se
2 passait devant le bâtiment. Parfois, il entrait dans le bâtiment n° 22. Il
3 me saluait. Il saluait mon collègue. Il saluait les personnes blessées,
4 parfois. Souvent, il donnait des coups de pied dans les papiers ou bien il
5 tirait avec un fusil sur des papiers entassés devant le bâtiment.
6 Il arrivait dans le camp avec un véhicule qui avait une plaque
7 d'immatriculation étrangère. Il avait également une motocyclette, un autre
8 véhicule également dont il se servait.
9 M. Turone (interprétation). - Généralement, il portait un
10 uniforme ?
11 M. Grubac (interprétation). - D'une façon générale, il portait
12 toujours un uniforme de camouflage.
13 M. Turone (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion de lui
14 adresser la parole ? Avez-vous eu fréquemment l'occasion de lui adresser
15 la parole ?
16 M. Grubac (interprétation). - Très souvent, il me disait
17 bonjour. Il me posait quelques questions lorsqu'il entrait dans le
18 hangar n° 22. A deux reprises, il m'a demandé de me rendre dans le
19 bâtiment de commandement du camp. Parfois, entre autres, il m'a demandé si
20 j'avais connu Jasmin Guska auparavant, le chef du MUP, le ministère de
21 l'Intérieur. Il m'avait demandé s'il avait été mon patient, si c'était
22 quelqu'un qui était en pleine possession de ses facultés.
23 M. Turone (interprétation). - Quelle était la fréquence des
24 visites de M. Mucic au bâtiment n° 22 ?
25 M. Grubac (interprétation). - Il s'y rendait fréquemment. Je ne
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1 peux pas vous dire exactement combien de fois il est venu au hangar n° 22,
2 mais il passait régulièrement.
3 M. Turone (interprétation). - Simplement pour vous saluer ou y
4 avait-il un autre motif à sa visite ?
5 M. Grubac (interprétation). - Je ne crois pas qu'il soit venu
6 pour autre chose que pour nous saluer. Je ne sais pas quelles étaient ses
7 intentions, ses autres intentions, s'il en avait.
8 M. Turone (interprétation). - Lorsqu'il venait au hangar n° 22,
9 posait-il des questions relatives aux circonstances qui avaient présidé à
10 la blessure des personnes présentes, des questions relatives à vous-même
11 ou aux personnes présentes dans le hangar ?
12 M. Grubac (interprétation). - Il n'a jamais posé ce type de
13 questions. Moi, j'avais l'impression que cela ne l'intéressait pas du
14 tout. J'ai même eu l'impression que, d'une façon générale, il ne
15 s'intéressait pas du tout à ce qui se passait dans ce bâtiment. Il n'a
16 jamais posé de questions. J'en ai déduit qu'il ne s’intéressait en rien à
17 tout ce qui pouvait toucher aux prisonniers.
18 M. Turone (interprétation). - A-t-il apporté des médicaments ?
19 M. Grubac (interprétation). - Je ne le crois pas, je ne m'en
20 souviens pas.
21 M. Turone (interprétation). - Lui avez-vous jamais demandé
22 d'apporter des médicaments ?
23 M. Grubac (interprétation). - Non. Nous ne pouvions vraiment pas
24 lui demander quoi que ce soit.
25 M. Turone (interprétation). - Bien. Vous avez dit précédemment
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1 que, le 22 juillet, vous avez reçu l'autorisation de quitter le camp.
2 Pouvez-vous nous dire précisément ce qui s’est produit ce jour-là ?
3 M. Grubac (interprétation). - Ce jour-là, dans l'après-midi,
4 Zejnil Delalic est arrivé dans le camp. Certains des gardes sont arrivés
5 au hangar n° 22; ils nous ont demandé de nous rendre au bâtiment où se
6 trouvait le poste de commandement. C'est ce que j'ai fait. Là, dans une
7 des pièces occupées par le commandement du camp, j'ai trouvé MM. Delalic
8 et Delic.
9 Nous nous sommes salués et Delalic a demandé à Hazim Delic de
10 quitter la pièce parce qu'il fallait qu'il me parle de quelque chose.
11 Delic a quitté la pièce ; moi-même et Delalic nous sommes restés dans la
12 pièce.
13 Il m'a demandé si j'allais bien et ce que je faisais. Il m'a dit
14 que mon épouse l'avait appelé, lui avait demandé de venir me voir, de me
15 parler. Elle lui avait demandé de voir s'il ne pouvait pas essayer de me
16 faire libérer du camp.
17 Il a déclaré qu'il ne pouvait pas le faire dans l'immédiat,
18 qu'il allait venir me voir quelques jours plus tard et il lui a également
19 dit qu'il avait prévu de se rendre au camp plus tôt, mais qu'il n'avait
20 pas pu le faire. Mais il m'a dit ensuite, à moi : "Je suis venu pour
21 examiner votre dossier pour voir si je peux effectivement vous relâcher".
22 De fait, il avait mon dossier sous les yeux. Il m'a dit : "Dans
23 ce dossier, il n'y a rien de particulier, il n'y a rien de suspect. Donc,
24 je vais vous relâcher du camp". Il a ajouté : "Ce soir, ils viendront vous
25 chercher et vous emmèneront hors du camp". Je l'ai salué ; je lui ai dit
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1 au revoir. Il a ajouté qu'il allait libérer mon collègue, le Dr Mrkajic.
2 Je suis retourné au hangar n° 22. J'ai parlé aux personnes
3 blessées. Je leur ai dit que Zejnil Delalic était venu, qu'il allait nous
4 libérer et que, par conséquent, à partir de cette nuit-là, ils allaient
5 sans doute rester tout seuls.
6 Ce même jour —je ne sais pas exactement à quelle heure, peut-
7 être à 21 ou 22 heures—, une jeep est arrivée au camp. C'était la jeep de
8 Delalic. Ils ont ouvert la porte du hangar ; puis, quelques gardes nous
9 ont donné des documents. Lui a dit : "En tant que médecin, il faut que
10 vous puissiez acheter à boire à tout le monde". Ils nous ont donné des
11 bouts de papier, à moi-même et au Dr Mrkajic. "Préparez-vous, rassemblez
12 vos affaires et nous allons vous emmener chez vous".
13 M. Turone (interprétation). - Avant de poursuivre, combien de
14 temps a duré votre entretien avec M. Delalic, dans le bâtiment de
15 commandement ?
16 M. Grubac (interprétation). - Un quart d'heure, vingt minutes,
17 peut-être.
18 M. Turone (interprétation). - Vers quelle heure les gardes
19 sont-ils arrivés pour venir vous chercher ?
20 M. Grubac (interprétation). - Je dirai qu'il était 21 heures ou
21 22 heures.
22 M. Turone (interprétation). - Vous dites que les gardes
23 possédaient des documents qui vous concernaient vous, ainsi que le
24 Dr Mrkajic ; c'est exact ?
25 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
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1 M. Turone (interprétation). - De quel type de documents
2 s'agissait-il ?
3 M. Grubac (interprétation). - Il s'agissait de documents qui
4 nous autorisaient à quitter le camp. J'ai envoyé une photocopie de ce
5 document à ce Tribunal lorsque cela m'a été demandé.
6 M. Turone (interprétation). - Ce document, par qui avait-il été
7 signé ?
8 M. Grubac (interprétation). - Cette autorisation avait été
9 signée par M. Delalic.
10 M. Turone (interprétation). - Fort bien. J'aimerais maintenant
11 que ce document soit enregistré aux fins d'identification. Je crois qu'il
12 porte le n° 169. Ce document a déjà été communiqué au conseil de la
13 défense. Il y a également quelques exemplaires pour vous, Madame et
14 Messieurs les Juges.
15 Pourriez-vous, s'il vous plaît, placer le document sur le
16 rétroprojecteur ?
17 Monsieur Grubac, voulez-vous bien regarder ce document, s'il
18 vous plaît, et nous dire, dire au Tribunal, s'il vous dit quelque chose,
19 si vous le reconnaissez.
20 M. Grubac (interprétation). - Oui, je le reconnais.
21 M. Turone (interprétation). - De quel document s'agit-il ?
22 M. Grubac (interprétation). - Il s'agit du certificat faisant
23 état de ma libération de la prison de Celebici.
24 M. Turone (interprétation). - C'est le document que vous ont
25 remis les gardes, le soir du 22 juillet, n'est-ce pas ?
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1 M. Grubac (interprétation). - Oui, il s'agit bien de ce
2 document. C'est un exemplaire du document que j'ai reçu le 22 juillet au
3 soir, dans le hangar n° 22 du camp de Celebici.
4 M. Turone (interprétation). - Je vous remercie. Monsieur le
5 Président, je verse au dossier la pièce 169.
6 Monsieur Grubac, sur ce document, que veut dire l'inscription
7 "Konjic-Celebici" qui y figure ?
8 M. Grubac (interprétation). - Cela signifie que je n'avais le
9 droit de me déplacer que dans la région ou dans les limites de Konjic et
10 de Celebici. Je n'étais pas autorisé à quitter Konjic ou à aller dans
11 d'autres régions.
12 M. Turone (interprétation). - Que signifient les deux phrases
13 manuscrites qui se trouvent en bas de ce papier que l'on trouve juste à
14 côté de la signature ?
15 M. Grubac (interprétation). - Elles disent que Zejnil Delalic
16 nous avait dit que nous allions pouvoir nous reposer chez nous pendant dix
17 ou quinze jours, puis que quelqu'un viendrait nous chercher pour nous
18 emmener au camp de Celebici pour que nous puissions nous occuper des
19 détenus, des prisionniers qui se trouvaient à l'intérieur de ce camp.
20 M. Turone (interprétation). - Fort bien. Que vous est-il arrivé
21 après avoir reçu ce document qui vous autorisait à quitter le camp ? Vous
22 avez parlé de la jeep tout à l'heure. Continuez à nous expliquer ce qui
23 s'est passé. Parlez lentement, je vous prie.
24 M. Grubac (interprétation). - Nous avions rassemblé nos quelques
25 possessions. Nous les avons mises dans des sacs en plastique. Nous avons
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1 dit au revoir aux personnes blessées, aux malades, puis nous nous sommes
2 assis dans cette jeep. C'est M. Delalic qui, auparavant, avait conduit
3 cette jeep. Là, le conducteur nous a emmenés à la maison de M. Delalic qui
4 se trouve à Konjic.
5 M. Turone (interprétation). - Quand vous dites "nous", c'est
6 vous-même et le Dr Mrkajic, n'est-ce pas ?
7 M. Grubac (interprétation). - Oui.
8 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire la maison
9 de M. Delalic ? Pouvez-vous nous dire où elle se trouve ?
10 M. Grubac (interprétation). - La maison se trouve dans la ville
11 de Konjic, plutôt vers la sortie de la ville, la sortie vers le sud de la
12 ville. Il y a un motel à côté. Elle est également proche de la station
13 d'essence. Elle est proche de la sortie de la ville de Konjic qui donne
14 vers la ville de Mostar. Puis, il y a une rivière qui coule proche de la
15 maison, la rivière Neretva.
16 M. Turone (interprétation). - Que vous est-il arrivé lorsque
17 vous êtes arrivé à cette maison ?
18 M. Grubac (interprétation). - Nous avons franchi un portail
19 métallique. Le conducteur et le garde nous ont fait monter des escaliers.
20 Nous sommes entrés dans la maison de M. Delalic.
21 M. Turone (interprétation). - Y avez-vous trouvé M. Delalic ?
22 M. Grubac (interprétation). - Oui. Zejnil Delalic était là et il
23 nous attendait dans la maison. Il nous a accueillis dans sa maison. Son
24 frère Dzemal était également présent.
25 M. Turone (interprétation). - Que vous a-t-il dit précisément,
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1 lors de votre arrivée dans sa maison ?
2 M. Grubac (interprétation). - Il nous a salués. Il nous a dit de
3 nous asseoir. Nous nous sommes assis. Nous avons pris place dans le salon
4 de sa maison. Il nous a proposé à boire. Nous avons bu quelque chose. Il
5 nous a dit que désormais nous étions sortis du camp, qu'il nous fallait
6 nous reposer et qu'un peu plus tard, il reviendrait nous chercher pour
7 nous emmener à Celebici, afin que nous puissions veiller sur l'état des
8 détenus et des malades.
9 M. Turone (interprétation). - Est-ce à cette occasion qu'il vous
10 a expliqué le sens des deux phrases qui se trouvent en bas du document
11 vous autorisant à quitter le camp ?
12 M. Grubac (interprétation). - Cela, je ne m'en souviens pas
13 vraiment. Je crois qu'il nous a dit que nous allions pouvoir rentrer chez
14 nous. Il nous a dit qu'il fallait que nous prenions bien soin de nous. Il
15 nous a également précisé que nous ne pouvions pas quitter Konjic, que nous
16 ne pouvions circuler que dans Konjic et Celebici.
17 Il a également dit au Dr Relja Mrkajic... ou plutôt le
18 Dr Mrkajic a demandé à M. Delalic s'il ne pouvait pas modifier les choses.
19 Comme il n'avait pas de maison à Konjic, il a demandé s'il pouvait rester
20 dans la maison de ses proches, dans une localité voisine, à Ostrozac. Il a
21 demandé, de ce fait, s'il pouvait se déplacer entre Ostrozac et Celebici.
22 Je crois que Zejnil Delalic a été d'accord pour modifier les phrases sur
23 le document. Il a dit qu'il était tout à fait d'accord pour que cela se
24 passe ainsi.
25 M. Turone (interprétation). - Combien de temps a duré cet
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1 entretien ?
2 M. Grubac (interprétation). - Il n'a pas duré très longtemps.
3 Nous avons bu quelque chose, un whisky ou un café, je ne sais pas. Nous
4 avons discuté un moment. Puis, le chauffeur m'a amené à l'appartement de
5 mes beaux-parents. Puis, il a emmené le Dr Mrkajic à l'appartement qui
6 appartenait à ses amis. Je crois que l'entretien n'a pas duré plus d'une
7 demi-heure en tout.
8 M. Turone (interprétation). - Monsieur Grubac, connaissiez-vous
9 M. Delalic avant le début de la guerre ?
10 M. Grubac (interprétation). - Oui, je le connaissais. Je l'ai
11 rencontré bien avant le début de la guerre.
12 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous expliquer dans
13 quelles circonstances vous l'avez rencontré ?
14 M. Grubac (interprétation). - Nous avons un certain nombre
15 d'amis communs. Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois justement chez
16 ces amis communs, deux ou trois fois. Des amis communs se sont rendus chez
17 lui, chez M. Delalic. J'étais présent également. J'ai rencontré des
18 membres de sa famille. Je connaissais un de ses frères. J'avais pris soin
19 de ses frères, une ou deux fois. Je m'étais rendu dans la maison de ses
20 parents, dans la maison de sa soeur. Je crois également que nous nous
21 étions croisés deux ou trois fois en ville.
22 M. Turone (interprétation). - Monsieur Grubac, n'avez-vous
23 jamais été interviewé par la télévision bosniaque ?
24 M. Grubac (interprétation). - Oui.
25 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quand cet
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1 interview a eu lieu ?
2 M. Grubac (interprétation). - C'est difficile pour moi de situer
3 cet entretien dans le temps. Je ne me rappelle pas très bien à quel moment
4 les reporters de la télévision bosniaque sont arrivés dans le camp. Je ne
5 sais pas si c'était en juillet. Peut-être était-ce en août, après ma
6 libération du camp ? Lorsque je me suis rendu au camp pour rencontrer les
7 prisonniers, c'est peut-être là que j'ai rencontré ces reporters.
8 M. Turone (interprétation). - A quel endroit dans le camp cet
9 entretien télévisé a-t-il eu lieu ?
10 M. Grubac (interprétation). - Je ne sais pas si l'équipe de
11 télévision et le cameraman sont entrés dans le bâtiment. Ils ont filmé
12 l'intérieur du bâtiment. En face du bâtiment 22, ils nous ont interviewés
13 moi et Relja Mrkajic.
14 M. Turone (interprétation). - Vous souvenez-vous des noms des
15 journalistes ou du journaliste qui vous ont interviewés ?
16 M. Grubac (interprétation). - Oui, je me rappelle du
17 journaliste, pas du nom du caméraman celà dit. Je ne me rappelle pas des
18 noms de l'équipe technique. C'était une équipe... Il y avait dans cette
19 équipe Zadranka Milosevic et Zvonko Maric.
20 M. Turone (interprétation). - Il y avait donc deux hommes ?
21 M. Grubac (interprétation). - Oui, mais Zadranka Milosevic est
22 une femme.
23 M. Turone (interprétation). - Quelqu'un vous a-t-il demandé de
24 donner cette interview ?
25 M. Grubac (interprétation). - Excusez-moi, je ne comprends pas
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1 très bien votre question. Vous voulez dire : avant leur arrivée ou bien
2 une fois qu'ils étaient là ?
3 M. Turone (interprétation). - Soit avant, soit au moment précis
4 de leur arrivée. Quelqu'un, à un moment donné, est-il venu vous voir pour
5 vous dire qu'il fallait que vous donniez une interview à la télévision
6 bosniaque ? Y a-t-il eu quelque chose de ce genre ?
7 M. Grubac (interprétation). - Non.
8 M. Turone (interprétation). - Pourquoi y a-t-il eu cet
9 entretien ? Pourquoi cette équipe de télévision est-elle arrivée pour
10 cette interview ?
11 M. Grubac (interprétation). - A vrai dire, je ne sais pas du
12 tout comment expliquer le pourquoi de cette affaire. Je ne sais pas qui
13 leur a demandé de venir, dans quelles circonstances ou pourquoi ils sont
14 venus dans le camp.
15 M. Turone (interprétation). - Mais le journaliste est venu
16 directement vous voir, vous a directement demandé de répondre à ses
17 questions.
18 M. Grubac (interprétation). - Zejnil Delalic se trouvait avec
19 eux. Il y avait également Pavo Mucic. Je ne suis pas absolument certain de
20 qui le lui a dit, peut-être Delalic ou Pavo, mais quelqu'un a dit : "Voilà
21 une équipe de télévision. Vous allez être interviewés. Ils vont filmer le
22 bâtiment". C'est tout ce qu'on a dit.
23 M. Turone (interprétation). - Et qu'ont fait
24 MM. Delalic et Mucic au cours de l’interview ? Etaient-ils présents ?
25 M. Grubac (interprétation). - Oui, il me semble que
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1 Zejnil Delalic était présent, du moins pendant un petit moment. Ensuite,
2 il est parti pour aller au poste de commandement. Mais je crois que Pavo
3 était présent pendant l'intégralité de l'entretien. Pendant que cela se
4 déroulait, il filmait lui-même ce qui se produisait avec sa propre caméra.
5 L'équipe télévisée filmait bien évidemment, mais lui aussi avec sa caméra
6 filmait ce qui se passait.
7 M. Turone (interprétation). - L'un d'entre eux, qu'il s'agisse
8 de M. Mucic ou de M. Delalic, a également donné une interview à cette
9 équipe de télévision ? Du moins en avez-vous, vous, été témoin ?
10 M. Grubac (interprétation). - Tandis que nous donnions cette
11 interview, eux ne répondaient pas à des questions. Peut-être qu'avant
12 cette interview ou après ils ont répondu à certaines questions.
13 M. Turone (interprétation). - Quels types de questions les
14 journalistes vous ont-ils posés ?
15 M. Grubac (interprétation). - Les questions étaient de ce type-
16 là : combien y a-t-il de blessés dans le camp, comment ont-ils été
17 blessés, depuis combien de temps sont-ils l'objet de soins, quel est leur
18 état actuel ? Avez-vous des médicaments ? Quelle est la situation à
19 l'intérieur du bâtiment ? Voilà le genre de questions qu'on nous a posées.
20 M. Turone (interprétation). - Qu'avez-vous répondu à ces
21 questions ?
22 M. Grubac (interprétation). - Nous avons répondu comme ils
23 l'attendaient de nous.
24 M. Turone (interprétation). - Avez vous toujours dit la vérité
25 en réponse à ces questions ?
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1 M. Grubac (interprétation). - Non. Certains des éléments que
2 nous avons fournis correspondaient à la vérité, par exemple : d'où
3 venaient les blessés, quelle était la gravité de leurs blessures, ce genre
4 de choses. Quant au reste, nous avons répondu comme ils attendaient qu'on
5 réponde, parce qu'on craignait certaines conséquences, ce qui veut dire
6 que nos autres réponses ne correspondaient pas à la vérité.
7 M. Turone (interprétation). - Vous souvenez-vous éventuellement
8 des questions auxquelles vous avez répondu en disant la vérité, et des
9 autres, là où vous auriez donné des réponses erronées ?
10 M. Grubac (interprétation). - J'ai dit la vérité lorsque j'ai
11 dit qu'il y avait des blessés et qu'ils avaient été blessés au cours du
12 transport ou pendant qu'ils étaient amenés au camp, lorsqu'ils avaient été
13 tabassés au camp ou à la salle des sports de Konjic.
14 Pour ce qui est des autres questions : les médicaments, comment
15 se sentaient les malades, le type de situation qu'on trouvait, là je n'ai
16 pas dit la vérité. J'ai dit que nous avions des médicaments, que tout se
17 passait bien, que les conditions étaient excellentes.
18 M. Turone (interprétation). - Pourquoi avez-vous fourni de
19 telles réponses ?
20 M. Grubac (interprétation). - J'avais déjà glané une certaine
21 expérience dans le camp précédemment. Je savais que si quelqu'un disait ou
22 essayait de dire la vérité il pouvait s'attendre à des sanctions.
23 M. Turone (interprétation). - Combien de temps à peu près a duré
24 cette interview ?
25 M. Grubac (interprétation). - Ils ont d'abord filmé à
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1 l'intérieur du bâtiment, ils ont parlé avec nous et, par la suite, nous
2 nous sommes rassemblés dans une des pièces du bâtiment de commandement. Le
3 tout a peut-être duré une petite heure.
4 M. Turone (interprétation). - Lorsque vous vous trouviez dans le
5 bâtiment de commandement, qui était présent aussi ?
6 M. Grubac (interprétation). - Les journalistes, Mme Milosevic et
7 M. Maric. Il y avait Pavo Mucic, Zejnil Delalic. Je ne sais pas si Delic
8 était là. Il y avait aussi d'autres assistants. Il y avait peut-être un
9 caméraman, par exemple.
10 M. Turone (interprétation). - Vous dites que M. Mucic tenait la
11 caméra aussi ou sa propre caméra et a filmé ce qui se passait. Etait-ce là
12 la seule fois où vous auriez vu M. Mucic filmer telle ou telle scène à
13 l'intérieur du camp ?
14 M. Grubac (interprétation). - Il a filmé cette fois-là, mais je
15 l'ai aussi vu qui portait une caméra. Outre cette fois-là, je l'ai vu qui
16 transportait cette caméra, la replaçait dans sa voiture, la sortait de la
17 voiture.
18 M. Turone (interprétation). - Fort bien. Est-ce que
19 M. Zejnil Delalic s’est trouvé au camp, à d'autres occasions que celles
20 que vous avez déjà décrites ?
21 M. Grubac (interprétation). - Zejnil venait de temps en temps au
22 camp. Je viens de le dire à l'instant, il était possible de jeter un coup
23 d’oeil furtif par-dessous la porte. On pouvait voir une partie de
24 l'endroit qui se trouvait entre le bâtiment de commandement et l'autre
25 bâtiment. Si la porte était ouverte, on voyait qui sortait ou qui entrait
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1 du bâtiment. Souvent, dirai-je, nous avons vu sa voiture, une jeep
2 blanche. Mais je l'ai vu lui aussi accompagné d'autres hommes en uniforme
3 alors qu'ils entraient dans le camp.
4 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous estimer le nombre de
5 fois où vous auriez vu M. Delalic au camp ?
6 M. Grubac (interprétation). - Difficile de vous donner un
7 chiffre exact. En tout cas, plusieurs fois.
8 M. Turone (interprétation). - Avez-vous, à part la conversation
9 que vous avez déjà relatée, eu d'autres conversations avec M. Delalic dans
10 le camp ?
11 M. Grubac (interprétation). - Oui, plus tard. Nous sommes allés
12 chez lui.
13 M. Turone (interprétation). - Oui, mais je parle du camp de
14 Celebici.
15 M. Grubac (interprétation). - Non. Je n'ai plus eu de contact
16 personnel avec Zejnil Delalic au camp, hormis l'occasion que j'ai déjà
17 relatée.
18 M. Turone (interprétation). - Vous avez dit qu'après votre
19 libération vous avez quand même poursuivi votre activité de médecin. Vous
20 avez continué à donner des soins aux malades de Celebici. Mais comment
21 veniez-vous au camp pour ce faire ?
22 M. Grubac (interprétation). - La plupart du temps, le conducteur
23 de Pavo Mucic, Buric, venait en camionnette. Il venait me chercher, me
24 conduisait à Celebici et, à une ou deux reprises, c'est Hazim Delic qui
25 est venu me chercher, et Pavo lui aussi est venu une fois ou deux me
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1 chercher parce qu'il allait au camp et il m'a pris en route.
2 M. Turone (interprétation). - Alliez-vous chaque jour au camp de
3 Celebici ?
4 M. Grubac (interprétation). - Cela n'a pas duré très longtemps,
5 tout au plus une dizaine de jours. Je suis allé un jour sur deux.
6 M. Turone (interprétation). - Donc vous n'y alliez pas tous les
7 jours ?
8 M. Grubac (interprétation). - Il se peut que, au cours de ces
9 dix jours, je n'y sois pas allé une fois. Sinon, c'était tous les jours.
10 Après, ce fut un jour sur deux.
11 M. Turone (interprétation). - Voyagiez-vous, pour vous rendre au
12 camp, en compagnie du Dr Relja Mrkajic ?
13 M. Grubac (interprétation). - Oui.
14 M. Turone (interprétation). - Comment se fait-il que ce régime
15 n'ait duré que dix jours ?
16 M. Grubac (interprétation). - Après ces dix jours, on m’a dit
17 qu'il n'était plus nécessaire que j'aille au camp de Celebici et qu'il
18 serait plus facile d'aller chercher Relja Mrkajic à Ostrozac parce que
19 c'était plus près que chez moi, et que moi je devrais aller à la salle des
20 sports de Konjic pour m'occuper des prisonniers qui s'y trouvaient.
21 M. Turone (interprétation). - Vous avez dit que M. Mucic vous a
22 conduit à Celebici une ou deux fois. Alliez-vous directement au camp ?
23 M. Grubac (interprétation). - Non. Chaque fois il s'est arrêté à
24 la maison de Zejnil Delalic, est entré chez Zejnil Delalic, y a passé une
25 dizaine ou une quinzaine de minutes, en ressortait et nous poursuivions
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1 notre route en direction de Celebici.
2 M. Turone (interprétation). - M. Mucic ne vous a jamais dit quoi
3 que ce soit au cours de ces trajets ?
4 M. Grubac (interprétation). - On parlait à bâtons rompus,
5 parfois il lançait des boutades. Il a dit qu'il avait certaines
6 obligations à l’égard de Zejnil, que Zejnil l'avait aidé quand lui, Mucic,
7 avait besoin d’aide, notamment quand il avait cherché du travail en
8 Autriche, et qu’il avait une certainte dette, pour ainsi dire, envers lui.
9 M. Turone (interprétation). - Fort bien, Docteur Grubac. Avez-
10 vous eu l'occasion, par la suite, de revoir Zejnil Delalic après que tout
11 cela fut terminé ?
12 M. Grubac (interprétation). - Non.
13 M. Turone (interprétation). - N'avez-vous pas parlé aussi de
14 votre épouse et de vous-même ?
15 M. Grubac (interprétation). - Effectivement. Je pensais que vous
16 parliez toujours du camp. Par la suite, j'ai revu M. Zejnil Delalic, à une
17 occasion.
18 M. Turone (interprétation). - Où cela s’est-il produit ?
19 M. Grubac (interprétation). - Vers septembre 1992, peut-être
20 était-ce dans la deuxième quinzaine.
21 M. Turone (interprétation). - Quelles furent les circonstances
22 de cette visite ?
23 M. Grubac (interprétation). - Je demeurais toujours à
24 l'appartement de mes beaux-parents, à Konjic, étant donné la situation qui
25 régnait. Nous essayions de quitter Konjic, de trouver un moyen d'en
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1 sortir. Nous savions qu'il fallait, pour ce faire, l'aide de quelqu'un.
2 Nous nous sommes donc mis d'accord, mon épouse et moi : grâce
3 aux contacts que nous avions avec certaines personnes, nous avons pensé
4 que Zejnil pourrait peut-être nous aider à partir de Konjic. Nous l'avons
5 donc appelé par téléphone, à plusieurs reprises, et mon épouse a obtenu un
6 rendez-vous de sa secrétaire. Il a dit qu'il nous recevrait en septembre,
7 au cours de la deuxième quinzaine du mois de septembre, comme je le
8 disais, et que nous devions arriver chez lui à un moment bien précis.
9 M. Turone (interprétation). - Et vous êtes allés chez lui ? Vous
10 avez honoré ce rendez-vous ?
11 M. Grubac (interprétation). - Oui, mon épouse et moi-même, nous
12 nous sommes rendus à la maison de M. Delalic.
13 M. Turone (interprétation). - Que vouliez-vous lui dire
14 précisément ?
15 M. Grubac (interprétation). - Nous voulions tout simplement lui
16 demander de nous venir en aide afin que mon épouse, mes enfants et moi-
17 même puissions quitter Konjic et partir en territoire libéré.
18 M. Turone (interprétation). - Pourquoi avoir sélectionné
19 M. Delalic plutôt qu'une autre personne ?
20 M. Grubac (interprétation). - Parce que, d'après nous, Delalic
21 avait suffisamment de pouvoir pour nous aider et nous pensions aussi qu'il
22 serait prêt à le faire.
23 M. Turone (interprétation). - Quelle fut la réponse de
24 M. Delalic ?
25 M. Grubac (interprétation). - Nous sommes arrivés chez lui. Nous
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1 y avons passé un peu de temps : plaisanteries, conversations ; nous lui
2 avons dit quel était l'objet de notre visite. En toute franchise : nous
3 lui avons dit que nous voulions quitter Konjic.
4 Il a répondu que moi-même, je pourrais peut-être partir, que
5 cela il pouvait l'arranger puisque je m'étais trouvé au camp, mais que la
6 chose pourrait s'avérer plus difficile pour ma femme et mes enfants. J'ai
7 dit, en guise de boutade : "Aucun problème, il suffit de mettre ma femme
8 et mes enfants dans le camp ; ils deviendront alors des détenus et il n'y
9 aura plus de problèmes".
10 Sur ce, il nous a dit d'attendre un peu pour voir si c'était
11 faisable. Il m'a demandé pourquoi je voulais partir de Konjic. Il m'a
12 dit : "Je vais faire en sorte que tu puisses travailler à l'hôpital
13 militaire de Igman ou de Tarcin". J'ai dit que je n'avais pas l'intention
14 de le faire, que je n'aimerais pas y travailler, que je voulais un peu
15 d'aide de sa part pour que nous puissions quitter Konjic. Il n'a fait
16 aucune promesse. Nous en sommes restés là et il a dit : "On verra ce qui
17 peut se faire".
18 M. Turone (interprétation). - Avez-vous appris, à un moment
19 donné, le poste officiel, la fonction officielle qu'occupait M. Delalic ?
20 M. Grubac (interprétation). - Oui, à parler avec lui. Il faisait
21 des plaisanteries. Il nous a montré quelques documents : une télécopie, un
22 message par télécopie qui lui avait été envoyé, je pense par des gens de
23 Borci, territoire occupé par les Serbes. Il a dit : "Regarde le nombre de
24 commandants qui ont signé", comme s'il y avait des milliers de commandants
25 par là, alors que je savais qu'il y en a beaucoup moins. Et puis, il nous
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1 a montré quelques coupures de presse, dans lesquelles les Croates
2 l'avaient critiqué, lui personnellement.
3 Aujourd'hui, je ne sais plus si, en en-tête de la photocopie, on
4 disait : "Au commandant du 1er groupe tactique, Zejnil Delalic" ou si cela
5 figurait sur une des réponses qu'il avait envoyée et signée "commandant du
6 1er groupe tactique".
7 Je pense aussi que l'article ou les articles qu'il nous a
8 montrés faisaient état de M. Delalic, comme étant le "commandant du
9 1er groupe tactique". En tout cas, c'était la première fois que je voyais
10 une description de ces fonctions : "Commandant du 1er groupe tactique de
11 Bosnie-Herzégovine".
12 Auparavant, quand nous l'avions vu, nous n'y allions pas parce
13 que nous savions que c'était le poste qu'il occupait, mais nous avions
14 appris simplement à ce moment-là qu'il avait le pouvoir de nous aider.
15 C'est sur place que nous avons appris son titre officiel.
16 M. Turone (interprétation). - Monsieur Delalic vous a montré ces
17 documents. Pourquoi, à votre avis ?
18 M. Grubac (interprétation). - Il nous a montré ces extraits, ces
19 documents pour se plaindre. Il ne comprenait pas pourquoi les Croates le
20 critiquaient ; puis, il lançait des boutades et disait que l'armée serbe
21 de Tarcin avait fait signer beaucoup de commandants pour donner
22 l'impression d'une supériorité numérique, alors qu'il savait pertinemment
23 qu'ils étaient beaucoup moins forts.
24 M. Turone (interprétation). - Merci beaucoup, Monsieur Grubac.
25 Je n'ai plus de questions à poser.
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1 M. le Président (interprétation). - Quel sera l'ordre que vous
2 allez respecter pour le contre-interrogatoire ?
3 M. O'Sullivan (interprétation) - Tout d'abord, nous entendrons
4 le conseil de M. Delalic, suivi du conseil de M. Mucic, et, en troisième
5 position, le conseil de M. Delic. Le quatrième sera le conseil de
6 M. Landzo, le premier conseil étant celui de M. Delalic.
7 Mme Residovic (interprétation). - Puis-je commençer,
8 Monsieur le Président ?
9 M. le Président (interprétation). - Allez-y.
10 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Monsieur Grubac, bonne
11 après-midi.
12 M. Grubac (interprétation). - Bonne après-midi.
13 Mme Residovic (interprétation). - Vous le savez sans doute, je
14 m'appelle Edina Residovic et je défends M. Zejnil Delalic.
15 Monsieur Grubac, avant de commencer à vous poser des questions,
16 je fais ce que j'ai coutume de faire. Je vous mets en garde. Il est très
17 important que tout le monde puisse suivre les débats. Il est essentiel que
18 tout le monde comprenne bien mes questions et vos réponses. Nous parlons
19 la même langue, nous nous comprenons, nous deux, et pour nous ce serait un
20 jeu d'enfants de communiquer. Je vous pose les questions et vous me
21 répondez.
22 Pourtant, la Cour pour laquelle vous vous trouvez ici, doit
23 connaître la nature de notre conversation. Il faut donc que tant mes
24 questions que vos réponses soient interprétées. Je vous demanderai, chaque
25 fois que j'ai posé une question, d'attendre jusqu'au moment où vous
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1 entendez la fin de l'interprétation en anglais. Puis, vous pouvez répondre
2 et je ferai de même. Est-ce que tout est clair ?
3 M. Grubac (interprétation). - Oui.
4 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Grubac, au cours de
5 l'interrogatoire principal, vous avez déclaré qu'au départ vous êtes
6 Monténégrin, mais que vous avez passé beaucoup de temps à Konjic.
7 M. Grubac (interprétation). - Oui, c'est vrai, je suis du
8 Monténégro, mais de 1965 à 1992, j'ai vécu à Konjic. C'est là que j'ai
9 fondé ma famille. J'y serais encore, à Konjic, si ce qui s'est passé ne
10 s'était pas produit.
11 Mme Residovic (interprétation). - La plupart de ce temps vous
12 l'avez passé alors que vous étiez déjà médecin, n'est-ce pas ?
13 M. Grubac (interprétation). - Je n'ai pas tout à fait compris
14 votre question, Madame.
15 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez donc passé du temps
16 à Konjic et vous l'avez passé en tant que médecin, là-bas ?
17 M. Grubac (interprétation). - Oui.
18 Mme Residovic (interprétation). - Pendant un certain temps, vous
19 avez été aussi le directeur général du centre de santé de Konjic, n'est-ce
20 pas ?
21 M. Grubac (interprétation). - Exact.
22 Mme Residovic (interprétation). - A cette époque-là, il y avait
23 quelques cinquante médecins et dentistes qui travaillaient au centre.
24 M. Grubac (interprétation). - Je ne sais pas ce que vous
25 entendez par là quand vous dites : "à cette époque".
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1 Mme Residovic (interprétation). - A l'époque où vous étiez le
2 directeur.
3 M. Grubac (interprétation). - Oui.
4 Mme Residovic (interprétation). - Vous aviez aussi des cabinets
5 ambulatoires pour les parties les plus éloignées de la municipalité de
6 Konjic.
7 M. Grubac (interprétation). - Oui.
8 Mme Residovic (interprétation). - En tant que médecin et
9 gestionnaire du centre de santé, vous connaissiez le moindre recoin de la
10 municipalité ?
11 M. Grubac (interprétation). - Exact.
12 Mme Residovic (interprétation). - Vous connaissiez pratiquement
13 tout le monde à Konjic. La plupart des habitants de Konjic vous
14 connaissaient bien !
15 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
16 Mme Residovic (interprétation). - Personnellement, vous
17 connaissiez bien beaucoup de notables, pour ainsi dire, de Konjic, à
18 savoir toutes les personnes qui avaient des fonctions importantes au plan
19 politique, public.
20 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
21 Mme Residovic (interprétation). - Vous-même, vous étiez une
22 figure de proue, n'est-ce pas, dans la municipalité à l'époque ?
23 M. Grubac (interprétation). - Je ne sais pas si c'est ce que je
24 dirais de moi-même, mais c'est vrai que j'étais très engagé.
25 Mme Residovic (interprétation). - A ce point engagé que vous
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1 connaissiez bien les structures des principales instances de la
2 municipalité et la plupart des personnes occupant des fonctions
3 publiques ?
4 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
5 Mme Residovic (interprétation). - De fait, vous qui étiez un
6 docteur prestigieux, le directeur du centre médical, vous étiez vraiment
7 une des personnes les plus importantes de la ville de Konjic.
8 M. Grubac (interprétation). - Peut-être que oui.
9 Mme Residovic (interprétation). - Avant que la guerre n'éclate,
10 vous avez été remplacé ou du moins vous avez abandonné le poste de
11 directeur et c'est M. Ahmet Jusufbegovic, un autre médecin qui est devenu
12 directeur, n'est-ce pas ?
13 M. Grubac (interprétation). - Oui.
14 Mme Residovic (interprétation). - Le médecin,
15 Ahmet Jusufbegovic, c'était bien un ami à vous, puisqu'il a été votre
16 témoin à votre mariage ?
17 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
18 Mme Residovic (interprétation). - Comme vous, cet ami qui était
19 le vôtre était aussi ami avec M. Delalic ?
20 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
21 Mme Residovic (interprétation). - M. Delalic avait-il des
22 relations amicales avec d'autres médecins qui faisaient partie du
23 personnel du centre médical ?
24 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
25 Mme Residovic (interprétation). - Dès avril 1992, beaucoup de
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1 personnes, vous notamment, vous avez compris que cette partie-là de Konjic
2 allait sans doute être balayée par les courants mauvais des opérations de
3 guerre, n'est-ce pas ?
4 M. Grubac (interprétation). - Oui.
5 Mme Residovic (interprétation). - Vous faites partie des
6 habitants de Konjic qui, en dépit des circonstances, ont essayé de
7 rétablir un certain équilibre dans les rapports inter-ethniques et
8 d'empêcher que le conflit n'éclate ?
9 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
10 Mme Residovic (interprétation). - Certains se sont organisés de
11 façon plus officielle pour faire quelque chose dans ce sens.
12 M. Grubac (interprétation). - Oui.
13 Mme Residovic (interprétation). - C'est un peu dans cette
14 optique-là qu'a été constitué le forum des citoyens, entité qui reprenait
15 plusieurs figures, personnalités importantes de la ville, des
16 journalistes, des médecins, des hommes publics, n'est-ce pas ?
17 M. Grubac (interprétation). - Oui.
18 Mme Residovic (interprétation). - Vous faisiez partie de ce
19 forum des citoyens ?
20 M. Grubac (interprétation). - Oui.
21 Mme Residovic (interprétation). - Pourtant, Monsieur Grubac,
22 vous savez sans doute, que déjà au cours de la première quinzaine du mois
23 d'avril, beaucoup d'habitants, les Serbes habitant Konjic, ont commençé à
24 quitter le village et à se regrouper dans certaines parties de la
25 municipalité, comme Donje Selo, Bretina, Borci et notamment dans ces
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1 communauté où l'on avait une majorité de Serbes dans la population.
2 M. Grubac (interprétation). - C'est exact, mais j'ajouterais que
3 ce n'était pas seuls les Serbes qui le faisaient. Les Musulmans et les
4 Croates faisaient de même.
5 Mme Residovic (interprétation). - Vous savez sans doute qu'à
6 cette époque-là, certains événements contraires ou délétères se
7 produisaient en Bosnie-Herzégovine, ce qui a entraîné la déclaration d'un
8 état de danger éminent de guerre !
9 M. Grubac (interprétation). - Oui.
10 Mme Residovic (interprétation). - Etant donné cette situation,
11 les pouvoirs publics ont sans doute voulu veiller à ce que les hommes en
12 âge de combattre ne quittent pas leur demeure ou leur résidence !
13 M. Grubac (interprétation). - Ce n'est pas ainsi que je le
14 formulerai, Madame.
15 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous que les pouvoirs
16 locaux de Konjic ont essayé d'enrayer ce mouvement de fuite de la
17 population et qu'une décision dans ce sens a été prise ?
18 M. Grubac (interprétation). - Je ne savais pas que cela avait
19 été fait au niveau des pouvoirs locaux. En tout cas, il y a eu restriction
20 des mouvements. Cela, je le sais.
21 Mme Residovic (interprétation). - Mais vous, vous qui étiez très
22 actif, vous deviez savoir que vers la mi-avril il y a eu proclamation de
23 la mobilisation générale à Konjic !
24 M. Grubac (interprétation). - Etait-ce vraiment à cette date-
25 là ? Je ne sais pas. Je sais qu'il y a eu un certain type de mobilisation.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez déclaré,
2 Monsieur Grubac, à ce Tribunal, que vous viviez et travailliez à Konjic
3 jusqu'au 6 ou 7 mai, moment auquel, avec votre votre épouse vous vous êtes
4 rendu à Bradina où se trouvaient déjà vos enfants.
5 M. Grubac (interprétation). - Oui.
6 Mme Residovic (interprétation). - Peut-être pourrait-on étoffer
7 cette explication ?
8 M. Grubac (interprétation). - Je ne suis pas allé le 6 ou 7 mai
9 à Bradina. J'y suis allé pour des vacances, parce que c'était le début du
10 mois de mai. Je voulais rendre visite à mes enfants.
11 Mme Residovic (interprétation). - C'est bien quand vous avez
12 arrêté d'aller travailler.
13 M. Grubac (interprétation). - Après le 6 ou 7 mai ?
14 Mme Residovic (interprétation). - Effectivement.
15 M. Grubac (interprétation). - Oui.
16 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Etant donné qu'après le
17 1er mai, le 6 ou le 7 vous êtes allé à Konjic, vous avez dû assister aux
18 premiers pilonnages qui ont commencé le 4 mai ?
19 M. Grubac (interprétation). - Excusez-moi, mais je crois que
20 c'est une question trop générale. Vous parlez d'un pilonnage quotidien,
21 mais je sais que l'un des jours précédents le 6 ou 7 mai, on m'a dit que
22 deux obus étaient tombés sur Konjic. L'un était tombé dans le centre-ville
23 et l'autre était tombé près de la gare. Il y avait des soldats dans la
24 ville. J'y suis resté quelques heures, mais il n'y a pas eu de pilonnage
25 pendant que j'y étais.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire d'où
2 provenaient ces obus qui sont tombés sur la ville ?
3 M. Grubac (interprétation). - Qu'entendez-vous par là ?
4 Mme Residovic (interprétation). - De quelles positions ont-ils
5 été tirés ?
6 M. Grubac (interprétation). - Je ne sais pas. Je n'avais repéré
7 aucune position armée aux alentours de Konjic. Je ne sais pas du tout d'où
8 venaient ces obus.
9 Mme Residovic (interprétation). - Si je vous disais qu'il y
10 avait des positions établies autour du lac de Borci, que diriez-vous ?
11 M. Grubac (interprétation). - Oui, c'est possible.
12 Mme Residovic (interprétation). - Un peu plus tard, comme vous
13 l'avez dit devant ce Tribunal, vous vous trouviez à Konjic et vous avez
14 bien dû être le témoin du pilonnage de la ville durant tout 1992 ! Vous
15 avez bien dû voir que la ville avait terriblement pâti de ce pilonnage,
16 qu'elle avait été terriblement détruite ?
17 M. Grubac (interprétation). - C'est tout à fait exact.
18 Mme Residovic (interprétation). - Par conséquent, les 6 et
19 7 mai, vous étiez sûrement conscient qu'il y avait des tirs d'artillerie
20 très lourds, des attaques aériennes, des missiles jetés sur la ville et
21 que c'était des attaques extrêmement importantes.
22 M. Grubac (interprétation). - Mais non. Les 6 et 7 mai, je suis
23 retourné à Bradina en prenant un bus vers midi, je crois. Ce jour-là il
24 n’y a pas eu d'attaque, en tout cas pas jusqu'au moment où j'ai quitté
25 Konjic. Ce qui a pu se passer par la suite, je n'en ai aucune idée.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez déclaré au Tribunal
2 que vous saviez que les habitants de Bradina, les Serbes, s'étaient
3 organisés et avaient organisé des tours de garde et qu’ils avaient
4 également un poste de contrôle. Etant donné que vous vous trouviez à
5 Bradina, pouvez-vous nous dire si ces postes de contrôle existaient le
6 long de l'autoroute qui, comme vous le savez, est la seule route de
7 transmission entre Sarajevo et Konjic ?
8 M. Grubac (interprétation). - C'est exact. Il y avait un poste
9 de contrôle tenu par les Musulmans et les Croates au sud du tunnel, à
10 l'entrée de Bradina, et l'autre poste de contrôle se trouvait du côté nord
11 du tunnel, dans la direction de Bradina. Ce poste de contrôle était tenu
12 par des Serbes.
13 Mme Residovic (interprétation). - Vous venez de me dire que vous
14 connaissiez bien l'organisation des autorités de la municipalité, donc
15 vous deviez bien savoir qu'au sein des structures militaires dans l'ex-
16 Yougoslavie il y avait les systèmes de défense territoriale ?
17 M. Grubac (interprétation). - Bien sûr, je connais la Défense
18 territoriale. Ce n'est pas un élément de la Défense nationale. Mais, outre
19 l'Armée populaire yougoslave, la Défense territoriale faisait partie des
20 forces armées de la Yougoslavie. Il y avait l'Armée populaire yougoslave
21 et aussi la Défense territoriale qui était un autre élément de défense.
22 Mme Residovic (interprétation). - Vous savez sans doute,
23 Monsieur Grubac, qu’auparavant le secrétaire du ministère de l'Intérieur a
24 changé son nom ; il est devenu le ministère de l'Intérieur et non plus le
25 secrétariat de l'Intérieur, et qu'il s'est chargé de la police et de la
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1 sécurité interne.
2 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
3 Mme Residovic (interprétation). - Vous savez sans doute,
4 Monsieur Grubac, qu'après que la Bosnie-Herzégovine ait été proclamée Etat
5 indépendant, la Défense territoriale a été proclamée entité de défense
6 légitime de cet Etat. Vous savez que le ministère des Affaires intérieures
7 a continué à exercer ses missions.
8 M. Grubac (interprétation). - Non, c'est vraiment simplifié, ce
9 n'est pas ainsi.
10 Mme Residovic (interprétation). - Fort bien. Par conséquent,
11 nous allons demander à quelqu'un qui connait bien ces affaires, qui
12 connait mieux ces affaires que vous et moi...
13 M. Grubac (interprétation). - Vous me demandez s’il en était
14 ainsi, je vous réponds que non. Je ne crois pas que cela s'est passé
15 ainsi. Cela ne veut pas dire que je suis un expert en la matière, mais moi
16 je crois que les choses étaient un peu différentes. Je crois que la
17 Défense territoriale n'a pas pu être déclarée force armée d'un Etat, parce
18 qu'elle faisait déjà partie des forces armées de l'Etat de Yougoslavie en
19 l'occurrence.
20 Mme Residovic (interprétation). - Passons sur ces sujets
21 politiques, Monsieur, s'il vous plaît, qui sont un peu délicats. Je vous
22 demande de confirmer un certain nombre de faits. Vous avez répondu à cette
23 question. Je vous remercie. J'aimerais simplement vous demander s'il est
24 vrai que, dans la ville de Konjic, il y a encore un certain nombre de
25 structures, un certain nombre d'autorités qui existaient auparavant et qui
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1 continuent à exercer leurs fonctions ? Y avait-il encore le MUP ? Ces
2 structures existaient lorsque vous avez quitté Konjic, n'est-ce pas ?
3 Lorsque vous êtes parti pour Konjic ces structures existaient encore ?
4 M. Grubac (interprétation). - En théorie, oui, elles existaient.
5 Mais je pense qu'il n'y avait pas des représentants de toutes les nations
6 à l'intérieur de ces structures. Je crois que les représentants de la
7 nation serbe avaient d'ores et déjà quitté ces structures à l'époque.
8 Mme Residovic (interprétation). - En ce qui concerne ces
9 autorités de Konjic, savez-vous si elles ont émis un ordre demandant aux
10 gardes serbes de démanteler les postes de contrôle qu'ils avaient établi
11 dans la ville ?
12 M. Grubac (interprétation). - Veuillez, s'il vous plaît, répéter
13 la question.
14 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous si les autorités à
15 Konjic ont demandé aux Serbes de Bradina de démanteler les postes de
16 contrôle et, par conséquent, de libérer les routes ? Ont-ils demandé aux
17 hommes serbes de se démettre de leurs armes ?
18 M. Grubac (interprétation). - Je ne peux pas répondre oui à
19 cette question. Je peux simplement dire qu'un groupe de personnes de
20 Bradina s'est effectivement rendu et a participé à des négociations
21 réunissant les Musulmans et les Croates.
22 Mme Residovic (interprétation). - Vous connaissez
23 Rajko Djordjic, n'est-ce pas ?
24 M. Grubac (interprétation). - Oui, effectivement.
25 Mme Residovic (interprétation). - Il travaillait dans le cadre
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1 de la Défense territoriale à Konjic, n'est-ce pas ?
2 M. Grubac (interprétation). - Effectivement.
3 Mme Residovic (interprétation). - Il n'a pas été chassé du
4 quartier général, n'est-ce pas ? Il a de lui-même quitté la ville ?
5 M. Grubac (interprétation). - Je ne peux pas confirmer cela.
6 Mme Residovic (interprétation). - Il était à Bradina, n'est-ce
7 pas ?
8 M. Grubac (interprétation). - Oui, il était à Bradina.
9 Mme Residovic (interprétation). - Il s'occupait de
10 l'organisation de la défense, il aidait les personnes à se procurer des
11 armes ?
12 M. Grubac (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne connais rien
13 en ce qui concerne l'approvisionnement des armes. Je ne sais pas comment
14 on pouvait trouver des armes à Bradina à l'époque, et comment on pouvait
15 s'en procurer.
16 Mme Residovic (interprétation). - Vous savez qu'il était
17 responsable de l'organisation de la défense à Bradina ?
18 M. Grubac (interprétation). - Oui.
19 Mme Residovic (interprétation). - Cependant, comme vous l'avez
20 dit à l'accusation, vous ne vouliez pas vous-même prendre part à ce type
21 d'activité ?
22 M. Grubac (interprétation). - Permettez-moi de clarifier cette
23 histoire. Défense est un terme extrêmement large. Il y avait des tours de
24 garde, des gardes qui protégeaient les femmes, les personnes âgées, les
25 enfants, des attaques. Mais ce n'était pas une défense au sens militaire
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1 du terme.
2 M. Ackerman (interprétation). - Excusez-moi,
3 Monsieur le Président. Je ne crois pas que le témoin ait compris qu'il
4 fallait qu'il attende que la traduction en anglais soit terminée avant de
5 répondre aux questions. Je ne suis même pas certain qu'il reçoive
6 l'anglais dans son casque. Je crois que nous allons avoir quelques
7 problèmes si nous ne résolvons pas cette question.
8 M. le Président (interprétation). - Oui, je vois bien qu'il y a
9 un petit problème. Je vois qu'il y a bien équilibre entre les questionns
10 et les réponses
11 M. Ackerman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
12 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Grubac, on me fait
13 signe qu'il faudrait que nous ralentissions un tout petit peu.
14 Monsieur Grubac, vous n'avez reçu aucune arme ?
15 M. Grubac (interprétation). - Non.
16 Mme Residovic (interprétation). - Cependant, vous saviez que la
17 majorité de la population de Bradina possédait des armes ?
18 M. Grubac (interprétation). - La majorité de la population avait
19 des armes ? Cela, je ne le crois pas. Je crois que certains des habitants
20 de Bradina avaient quelques armes.
21 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Grubac, pouvez-vous
22 attester du fait que, le 25 mai, le jour où -d’après vous- Bradina a été
23 l'objet d'une attaque, les postes de contrôle tenus par ces gardes
24 n'avaient pas été démantelés ?
25 M. Grubac (interprétation). - Je ne sais pas s'ils ont été
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1 démantelés ou pas. Ces postes de contrôle se trouvent à une certaine
2 distance du centre de la ville. Par conséquent, je ne m'y suis pas rendu.
3 Je ne peux pas confirmer ce que vous venez de dire.
4 Mme Residovic (interprétation). - Mais vous savez sans doute,
5 étant donné que vous vous êtes rendu au centre-ville pour travailler dans
6 l'infirmerie qui se trouve au centre de Bradina, que le blocus de la route
7 n'avait pas été levé à cette époque ?
8 M. Grubac (interprétation). - Je ne sais pas si la route était
9 désormais ouverte, car quelqu'un avait bloqué le tunnel du côté de Konjic.
10 Mme Residovic (interprétation). - Est-il exact que certaines
11 personnes à Konjic vous associaient, dans le cadre de vos activités à
12 Bradina, à la famille de votre femme et à des personnes qui portaient
13 votre nom même si elles n'étaient pas membres de votre famille, en fait ?
14 M. Grubac (interprétation). - Pouvez-vous répéter cette
15 question, s'il vous plaît ?
16 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que Rajko Djordjic est
17 un proche de votre femme ?
18 M. Grubac (interprétation). - Oui, c'est un membre de la famille
19 de ma femme.
20 Mme Residovic (interprétation). - Dans la Republika Serbska, il
21 y avait un Général Grubac. Y a-t-il un lien entre vous deux ? Le
22 connaissez-vous ?
23 M. Grubac (interprétation). - Oui, c'est un fait, je le connais.
24 Mme Residovic (interprétation). - Au vu de ces deux éléments,
25 pensez-vous ou vous a-t-on dit que certaines personnes associaient vos
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1 responsabilités à Bradina au fait que votre femme est liée à
2 Rajko Djordjic qui a organisé la défense de Bradina, et associaient vos
3 activités aux activités de l'armée populaire yougoslave et aux activités
4 du Général Grubac ? Vous en a-t-on informé ou pensez-vous que votre
5 position à vous a été associée à tous ces faits ?
6 M. Grubac (interprétation). - C'est possible, mais on ne m'en a
7 pas informé.
8 Mme Residovic (interprétation). - Vous m'avez dit que vous étiez
9 médecin, que vous étiez le chef du centre de santé. Vous connaissiez donc
10 fort bien la municipalité de Konjic, Bradina en fait partie, n’est-ce
11 pas ?
12 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
13 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous donc nous dire
14 pourquoi les autorités de Konjic devaient mettre des forces armées sur le
15 territoire de sa propre municipalité ?
16 M. Grubac (interprétation). - Mais comment pourrais-je vous
17 l'expliquer ?
18 Mme Residovic (interprétation). - Je crois que c'est précisément
19 là le noeud du problème. Normalement, il y a un passage à Bradina, mais
20 l'entrée du tunnel dans un des côtés de Bradina avait été détruite, n'est-
21 ce pas ? Sauf si l’on faisait un détour ?
22 M. Grubac (interprétation). - Oui, je le crois, mais je n'en
23 suis pas sûr.
24 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Grubac, s'il vous
25 plaît, pouvez-vous attester du fait que la composition ethnique était
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1 assez diverse à Konjic, mais que la majorité était musulmane ?
2 M. Grubac (interprétation). - Oui. Il y avait 45 000 habitants à
3 Konjic et 52 % de cette population était musulmane.
4 Mme Residovic (interprétation). - Mais, dans les régions, dans
5 les villages entourant Konjic, la majorité de la population était serbe,
6 qu’il s’agisse de Donje Selo, de Bjelovcina, de Brdjani, de Bjelasnica, de
7 Borci ?
8 M. Grubac (interprétation). - Oui.
9 Mme Residovic (interprétation). - Celebici aussi ?
10 M. Grubac (interprétation). - Oui, Celebici.
11 Mme Residovic (interprétation). - Si ces villages que nous
12 venons d'énumérer en venaient à être séparés de la communauté de Konjic,
13 alors, le centre de la ville de Konjic seraient complètement coupé des
14 autres régions constitutives de la Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?
15 M. Grubac (interprétation). - Oui, mais à qui viendrait l'idée
16 de séparer, comme vous le dites, le centre de la ville de Konjic puisqu'il
17 s'agit là de villages qui font précisément partie de la municipalité de
18 Konjic.
19 Mme Residovic (interprétation). - Mais je vous demande si cela
20 arrivait —bien sûr que cela ne nous vient pas à l'idée, ni à vous ni à
21 moi—, si quelqu'un avait l'idée de couper le centre de Konjic de tous ces
22 villages, ne serait-il pas vrai, dans ce cas, qu'effectivement le centre
23 de Konjic serait entièrement coupé du reste de la Bosnie-Herzégovine ?
24 M. Grubac (interprétation). - En théorie, oui, c'est vrai ; mais
25 ces villages ne peuvent pas être séparés de Konjic parce que, tout autour,
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1 il y a une espèce de ceinture de villages musulmans. En théorie, oui, je
2 pense que c'est exact, je crois que c'est possible.
3 Mme Residovic (interprétation). - En théorie, et si cette
4 théorie était appliquée dans les faits, si quelqu'un prenait la décision
5 de pratiquer cela, d'un point de vue des autorités locales, cela
6 provoquerait un soulèvement de la population, n'est-ce pas ? Ce serait un
7 acte anticonstitutionnel ?
8 M. Grubac (interprétation). - Evidemment.
9 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous que, le 22 mars, le
10 SDS a adopté une décision visant à créer la commune croate, la commune
11 serbe de Konjic —pardon—,décision qui reflète exactement ce que nous
12 venons de dire. Cette commune comprenait l'intégralité des communes que
13 nous avons énumérées. Cette décision a été votée le 22 mars 1992. Elle a,
14 plus tard, été soutenue par une décision du SDS dans la commune de Konjic,
15 visant à dire qu'il n'y aurait pas de participation à la défense de
16 Konjic.
17 M. Grubac (interprétation). - Je ne sais pas très bien ce que
18 cela signifie. Je n'ai jamais vu dans les médias, ou autre part, que
19 quelqu'un ait adopté une telle décision. Je n'en ai jamais entendu parler.
20 Mme Residovic (interprétation). - Aviez-vous l'impression que
21 les dirigeants politiques étaient entièrement dans les mains du SDS, à
22 Konjic ?
23 M. Grubac (interprétation). - Je ne peux pas du tout corroborer
24 ce fait.
25 Mme Residovic (interprétation). - Est-il exact que près de 600
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1 ou 700 habitants habitaient à Bradina avant le début de la guerre ?
2 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
3 Mme Residovic (interprétation). - Est-il exact qu'au moment où
4 vous vous êtes rendu à Bradina, il y avait plus de 1500 habitants dans ce
5 village ?
6 M. Grubac (interprétation). - Je ne sais pas s'il y avait
7 1500 habitants, mais je sais qu'il y en avait beaucoup plus que
8 d'habitude.
9 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous nous donner le
10 nombre de personnes en âge de combattre ?.
11 M. Grubac (interprétation). - Je ne me suis pas livré à ce type
12 de calcul. Je ne peux vraiment pas répondre à une telle question.
13 Mme Residovic (interprétation). - Vous ne savez donc
14 certainement pas combien d'enfants et de femmes il y avait dans Bradina ?
15 M. Grubac (interprétation). - En effet, je ne sais pas.
16 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous combien de
17 personnes possédaient des armes ?
18 M. Grubac (interprétation). - Non, je ne sais pas. Je
19 n'appartenais à aucune structure touchant de près ou de loin à des armes.
20 Je ne connaissais aucune personne participant à ce genre de structure.
21 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous combien d'hommes de
22 Bradina avaient été arrêtés et conduits au camp de Celebici ?
23 M. Grubac (interprétation). - A quelle période ?
24 Mme Residovic (interprétation). - Précisément au cours de ces
25 combats, de ces attaques.
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1 M. Grubac (interprétation). - Je crois que, sur la population
2 masculine, une bonne partie a été emportée à Celebici ou à Supcala.
3 Certains ont été emmenés à l'école du 3 Mars ou dans d'autres structures.
4 Mme Residovic (interprétation). - Vous ne pouvez pas nous donner
5 le chiffre exact ? Vous avez dit toute la population ?
6 M. Grubac (interprétation). - Je crois que toute la population
7 masculine a été emmenée à cette époque.
8 Mme Residovic (interprétation). - Parfait. Revenons-en à votre
9 position à vous : après votre arrivée à Bradina, avec le Dr
10 Ahmet Jusufbegovic, vous avez continué à travailler dans le centre de
11 santé, n'est-ce pas ?
12 M. Grubac (interprétation). - Non, il n'y a eu aucun accord
13 passé entre nous. Nous n'avons pas passé d'accord quant à mon travail dans
14 ce centre de santé.
15 Mme Residovic (interprétation). - Le médecin, le Dr Relja, a
16 peut-être donné son approbation ?
17 M. Grubac (interprétation). - Je ne sais pas.
18 Mme Residovic (interprétation). - Donc, c'est sur votre propre
19 initiative qu'avec le Dr Relja et le Dr Zuza, vous avez continué à
20 travailler dans l'infirmerie de Bradina ?
21 M. Grubac (interprétation). - A partir des 6 ou 7 mai, je ne
22 pouvais plus rentrer chez moi puisque le poste de contrôle tenu par les
23 Musulmans bloquait le passage à Konjic. Par conséquent, je ne pouvais plus
24 aller au-delà de ce poste de contrôle. Ils avaient également arrêté la
25 ligne de bus qui allait de Bradina à Konjic.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Bien, Monsieur Grubac. Mais je
2 ne vous pose pas une question, je ne vous demande pas pourquoi vous n'êtes
3 pas revenu à Konjic. Je vous demande si vous, le Dr Relja et l'autre
4 docteur avez continué à travailler dans l'infirmerie de Bradina.
5 M. Grubac (interprétation). - Je n'ai pas continué. J'ai
6 seulement commencé à travailler dans cette structure.
7 Mme Residovic (interprétation). - Merci, Monsieur Grubac pour
8 ces précisions. Laissez-moi vous poser quelques questions concernant cette
9 infirmerie. Je crois que je connais un certain nombre de points là-dessus,
10 mais dites-le au Tribunal. C'est une petite infirmerie, constituée de deux
11 pièces séparées, mais où existe un passage. Vous et le Dr Relja, vous
12 étiez dans une pièce et le Dr Zuza dans une autre, n'est-ce pas ?
13 M. Grubac (interprétation). - Oui, c'est bien cela.
14 Mme Residovic (interprétation). - Dans votre pièce, on
15 pratiquait la médecine générale et, dans l'autre pièce, on pratiquait des
16 opérations dentaires, n'est-ce pas ?
17 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
18 Mme Residovic (interprétation). - Le jour de l'attaque sur
19 Bradina, dans cette infirmerie, il y avait vous-même, et il y avait le
20 Dr Relja et le Dr Zuza, n'est-ce pas ?
21 M. Grubac (interprétation). - Oui.
22 Mme Residovic (interprétation). - Et il y avait également du
23 personnel médical et des techniciens.
24 M. Grubac (interprétation). - En effet.
25 Mme Residovic (interprétation). - Au cours de la journée, un
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1 villageois qui avait été blessé s'est rendu à l'infirmerie et vous vous
2 êtes occupé de lui, n'est-ce pas ?
3 M. Grubac (interprétation). - C’est exact.
4 Mme Residovic (interprétation). - Par la suite, on vous a dit
5 qu'il y avait des personnes blessées des deux côtés. Par conséquent, vous
6 vous êtes rendu sur place et vous vous êtes occupé de ces autres malades.
7 Vous avez porté assistance à ces autres malades, à Suljina Strana, n'est-
8 ce pas ?
9 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
10 Mme Residovic (interprétation). - Vous-même et le Dr Relja,
11 malgré qu'on vous l'ait proposé, n'avez jamais accepté de vous emparer
12 d'armes, n'est-ce pas ?
13 M. Grubac (interprétation). - Non, il n'en est pas ainsi.
14 Personne, personne ne m'a jamais proposé d'armes. Mais d'ailleurs, je ne
15 sais même pas me servir d'une arme.
16 Mme Residovic (interprétation). - Mais vous savez que le
17 Dr Relja n'avait pas d'armes en sa possession, n'est-ce pas ? C'est un
18 fait.
19 M. Grubac (interprétation). - En effet, le Dr Relja ne possédait
20 pas d'armes.
21 Mme Residovic (interprétation). - Vous savez que le Dr Zuza
22 avait un fusil semi-automatique, n'est-ce pas ?
23 M. Grubac (interprétation). - Non, je ne sais pas. Comment
24 pourrais-je le savoir ?
25 Mme Residovic (interprétation). - Et vous savez que ce fusil
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1 semi-automatique était dans le cabinet dentaire, au sein de l'infirmerie ?
2 M. Grubac (interprétation). - Non, pour autant que je m'en
3 souvienne, il n'y avait aucune arme dans le cabinet dentaire, il n'y avait
4 aucun fusil.
5 Mme Residovic (interprétation). - A moins qu'on les cachait.
6 Vous savez sans doute que le Dr Zuza, lorsqu'il avait été arrêté, avait
7 rendu cette arme ?
8 M. Grubac (interprétation). - C'est vous qui me l'apprenez.
9 Mme Residovic (interprétation). - Si le Dr Mrkajic devait
10 témoigner devant ce Tribunal, concernant les faits que je viens d'énoncer,
11 diriez-vous qu'ils ne sont pas exacts ?
12 M. Grubac (interprétation). - Non. Je ne dirai pas cela parce
13 que je n'étais pas présent lorsqu'ils ont été arrêtés.
14 Mme Residovic (interprétation). - Certes. Mais si le médecin
15 confirme qu'il possédait bien cette arme dans le cabinet dentaire, vous
16 direz que ce n'est pas la vérité ?
17 M. Grubac (interprétation). - Non, ce que je dis, c'est que
18 quand moi je suis entré dans le cabinet dentaire —ce que je n'ai pas fait
19 très souvent—, je n'ai pas vu de fusil. Peut-être y en avait-il un caché
20 quelque part.
21 Mme Residovic (interprétation). - Au cours de la journée, au
22 cours de la première journée de l'attaque sur Bradina, et même plus tard,
23 vous n'avez vu personne que vous reconnaissiez ? Je parle des personnes
24 qui attaquaient Bradina ? Vous ne connaissiez personne parmi elles ?
25 M. Grubac (interprétation). - Le 25, au soir, je me suis rendu à
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1 la maison de mes beaux-parents et je ne suis plus retourné là-bas. Donc,
2 je n'ai pas du tout assisté à l'attaque et je n'ai pas vu les attaquants
3 parce que c'était vraiment de l'autre côté par rapport à l'endroit où je
4 me trouvais.
5 Mme Residovic (interprétation). - Donc, ni le 26 ni le 27. mai,
6 vous n'étiez présent sur place. Vous ne pouvez pas apporter un témoignage
7 concernant ces faits ?
8 M. Grubac (interprétation). - En effet, je n'étais pas là.
9 Mme Residovic (interprétation). - Donc, vous ne pouvez rien nous
10 dire. Vous n'étiez pas présent, vous n'aviez rien vu. Vous n'avez donc pas
11 vu des gens être arrêtés, ni ce qui est arrivé aux femmes et aux enfants
12 au cours de ces deux jours, n'est-ce pas ?
13 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
14 Mme Residovic (interprétation). - Et comme vous l'avez déclaré
15 le 27 mai, vous êtes descendu à la rivière avec à peu près 35 personnes.
16 Là, vous vous êtes caché pendant un ou deux jours, n'est-ce pas ?
17 M. Grubac (interprétation). - Non, non. Je ne dirais pas deux
18 jours. Nous y sommes restés un jour. Ensuite, nous avons décidé, le
19 lendemain matin, de descendre vers la route et de nous faire connaître, de
20 faire part de notre présence.
21 Mme Residovic (interprétation). - On a parlé de deux jours :
22 n'avez-vous pas dit aux enquêteurs "deux jours" ? Il y a eu une erreur ?
23 M. Grubac (interprétation). - En fait, le premier jour, nous
24 avons dormi près du ruisseau. Nous y sommes restés parce que les soldats
25 tiraient un peu partout. Les maisons étaient incendiées. Il s'agissait de
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1 la nuit du 27. Le 28 au matin, nous sommes allés au poste de contrôle et
2 nous nous sommes fait connaître. Nous y avons passé une nuit.
3 Mme Residovic (interprétation). - Encore une question sur ce
4 point : vous connaissez Bradina ; vous savez quelle est la disposition du
5 village, vous savez qu'il y a un certain nombre de maisons isolées qui se
6 trouvent éparpillées sur les collines environnantes.
7 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
8 Mme Residovic (interprétation). - Vous êtes d'accord pour dire
9 avec moi qu'après ces événements, il était tout à fait risqué de rester
10 dans ces maisons ; c'était risqué pour une famille de rester dans un lieu
11 aussi isolé. C'était vraiment dangereux, n'est-ce pas ?
12 M. Grubac (interprétation). - En effet.
13 M. le Président (interprétation). - Nous allons avoir notre
14 pause de l'après-midi. Nous reprendrons à 16 heures 30.
15 L’audience, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 35.
16 M. le Président (interprétation). - Bonne après-midi, une fois
17 de plus, Mesdames et Messieurs. Poursuivez, Maître Residovic.
18 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Groubac, le 28 mai,
19 vous vous êtes rendu aux forces de la Défense territoriale du HVO et du
20 MUP qui se trouvaient à Bradina et qui avaient déjà pris le contrôle de
21 tout Bradina à l'époque !
22 M. Grubac (interprétation). - Je préférerais dire que c'était en
23 fait l'armée croato-musulmane. Je ne sais pas si ces forces appartenaient
24 à la Défense territoriale ou à une autre force.
25 Mme Residovic (interprétation). - En fait, vous vous êtes rendu
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1 à un membre du MUP appelé Nurko Habibija qui était agent de la circulation
2 avant la guerre, n'est-ce pas ?
3 M. Grubac (interprétation). - Oui.
4 Mme Residovic (interprétation). - Il est Musulman, si vous
5 préférez parler de l'appartenance ethnique de ces personnes. Il y avait
6 aussi un Croate dénommé Zilic qui faisait parti du MUP. Il vous a conduit
7 lui aussi au commissariat de police à Konjic.
8 M. Grubac (interprétation). - Si vous dites que l'un était
9 membre du MUP avant la guerre, celui-là ne l'était pas. Mais ma réponse
10 est affirmative.
11 Mme Residovic (interprétation). - Zilic a-t-il dit quoi que ce
12 soit à votre encontre, à cette occasion ?
13 M. Grubac (interprétation). - Habibija n'a rien dit et Zilic
14 conduisaient les quatre hommes à Konjic. Je ne me souviens pas de quoi que
15 ce soit de particulier qu'il ait dit.
16 Mme Residovic (interprétation). - Au commissariat de police de
17 Konjic, vous avez été placé dans une petite cellule dans les bâtiments de
18 la police, comme vous l'avez déjà dit devant ce Tribunal !
19 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
20 Mme Residovic (interprétation). - Grâce à l'expérience que vous
21 avez acquise, à la connaissance que vous avez de Konjic, vous saviez que
22 le bâtiment de police à Konjic n'avait pas vraiment de cellules de
23 détention et qu'avant la guerre, lorsqu'il y avait plus de prisonniers, on
24 les emmenait à la prison de Mostar !
25 M. Grubac (interprétation). - Je savais effectivement que Konjic
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1 n'avait pas de prison à proprement parlé.
2 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez donné les dimensions
3 de la cellule. Vous y avez trouvé une dizaine ou une douzaine de Serbes
4 venant de Celebici et des villages avoisinants, n'est-ce pas ?
5 M. Grubac (interprétation). - Oui.
6 Mme Residovic (interprétation). - Comme vous l'avez dit devant
7 la Cour, vous savez que ces personnes se trouvaient dans cette cellule
8 depuis trois semaines. Elles avaient donc été arrêtées entre le 5 et le
9 10 mai ?
10 M. Grubac (interprétation). - C'est ce qu'ils m'ont dit,
11 effectivement.
12 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez reconnu
13 Simo Jovanovic qui avait déjà été blessé auparavant !
14 M. Grubac (interprétation). - Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je
15 n'ai pas constaté qu'il avait des blessures visibles.
16 Mme Residovic (interprétation). - Mais vous l'avez reconnu lui ?
17 M. Grubac (interprétation). - Oui, je l'ai reconnu lui, ainsi
18 que d'autres hommes qui se trouvaient dans la cellule.
19 Mme Residovic (interprétation). - Par la suite, des membres du
20 MUP vous ont, une fois de plus, emmené à la caserne de Celebici !
21 M. Grubac (interprétation). - Au camp de Celebici.
22 Mme Residovic (interprétation). - Mais Sefko Niksic, chef
23 adjoint du MUP a donné l'ordre de vous transférer à Celebici.
24 M. Grubac (interprétation). - Je ne sais pas qui a donné cet
25 ordre.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Sefko Niksic vous a-t-il dit
2 quoi que ce soit ce jour-là ?
3 M. Grubac (interprétation). - Il se trouvait dans le couloir en
4 compagnie de Zasmin Guska et d'autres policiers. Il a fait une remarque
5 désagréable à mon égard.
6 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez parlé de la
7 conversation que vous avez eue au bâtiment du commandement, où on vous a
8 dit que vous alliez être traité dans le respect des conventions de Genève.
9 Est-il exact également qu'on vous ait dit que vous seriez jugé, parce que
10 vous étiez avec les Chetniks de Bradina ?
11 M. Grubac (interprétation). - C'est vrai que
12 Rusmir Hadzihuseinovic m'a dit que les conventions, ou la convention, de
13 Genève seraient respectées et que je serais jugé pour mes actes. Mais je
14 ne me souviens pas qu'il ait dit ce que vous, vous avez dit, à savoir que
15 c'était parce que j'avais été avec les Chetniks de Bradina.
16 Mme Residovic (interprétation). - Si cela figure dans la
17 déclaration préalable que vous avez fournie à l'intention du représentant
18 du bureau du Procureur, vos propos d'alors n'étaient pas exacts ?
19 M. Grubac (interprétation). - Je ne me souviens plus des termes
20 précis utilisés alors. Il est possible que ce soit bien ce qu'il ait dit,
21 mais il est possible qu'il ait dit aussi : Vvous serez jugé pour ce que
22 vous avez fait". Je ne peux pas confirmer que ce soit termes exacts qu'il
23 ait utilisés.
24 Mme Residovic (interprétation). - L'école du 3 Mars où vous avez
25 été transféré le lendemain, avait été transformée en dispensaire, n'est-ce
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1 pas ?
2 M. Grubac (interprétation). - Oui, effectivement, c'est ainsi
3 qu'on pourrait le qualifier, même si ce n'était pas vraiment une
4 infirmerie ou un dispensaire.
5 Mme Residovic (interprétation). - Le centre médical où vous
6 travaillez est à peu de distance de l'école, n'est-ce pas ?
7 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
8 Mme Residovic (interprétation). - Vous savez sans doute que dans
9 ce centre médical tous les citoyens, tous les habitants blessés au cours
10 des pilonnages ainsi que les combattants de la Défense territoriale, du
11 HVO et du MUP qui avaient été blessés lors d'opérations de guerre, tout le
12 monde y était traité ?
13 M. Grubac (interprétation). - Le centre médical est le seul
14 institut médical sur tout le territoire de la commune de la municipalité
15 de Konjic, hormis bien sûr les dispensaires ambulatoires. Je suppose que
16 tout le monde qui avait besoin de traitement était traité là, même si les
17 blessures qui ne nécessitaient pas de thérapie particulière, pouvaient
18 être soignées là.
19 Mme Residovic (interprétation). - Certes, mais les personnes qui
20 se trouvaient à l'école du 3 Mars étaient, en fait, des Serbes qui étaient
21 suspectés d'avoir participé aux opérations de défense de Bradina. C'est la
22 raison pour laquelle, ils n'ont pas été traités au centre médical, n'est-
23 ce pas ?
24 M. Grubac (interprétation). - Non, pas du tout. Ce n'est pas du
25 tout exact. Sinon, les conditions auraient été tout à fait différentes. Il
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1 était impossible de traiter qui que ce soit, même pas ceux qui avaient été
2 blessés à Bradina, dans ce centre.
3 Mme Residovic (interprétation). - Passons à autre chose, si vous
4 le voulez bien, Monsieur Grubac, en rapport avec vos activités d'avant la
5 guerre. A Konjic, vous vous en souvenez, avant la guerre, il y avait des
6 problèmes au centre médical, parce qu'il était difficile d'obtenir des
7 médicaments, n'est-ce pas ?
8 M. Grubac (interprétation). - Je ne me souviens pas de problème
9 particulier relatif à l'approvisionnement pharmaceutique au centre
10 médical.
11 Mme Residovic (interprétation). - Mais vous souvenez-vous, quand
12 la guerre a commencé, si le problème s'est aggravé en ce qui concerne les
13 médicaments dans ce centre ?
14 M. Grubac (interprétation). - Je n'avais aucun contact avec ce
15 centre. Alors il est difficile d'infirmer ou de confirmer ce que vous
16 dites.
17 Mme Residovic (interprétation). - Alors que vous vous trouviez
18 dans le dispensaire de l'école du 3 Mars, vous avez dressé une liste des
19 médicaments qui vous semblaient nécessaires et vous avez envoyé cette
20 liste à la pharmacie de l'hôpital.
21 M. Grubac (interprétation). - Il se peut que je l'ai fait une
22 fois ou deux au début. J'ai effectivement dressé une liste des produits
23 dont nous avions besoin, des médicaments, des pansements ou bandages
24 stériles, des seringues, des antibiotiques notamment, et d'autres
25 médicaments. J'ai remis cette liste à Hazim Delic. Mais nous ne recevions
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1 qu'une infime portion de ce que nous demandions, tout au plus quelques
2 calmants, quelques pansements ou bandages.
3 Mme Residovic (interprétation). - Nous nous sommes mal entendus.
4 Je parle de cette période de sept ou huit jours que vous avez passés à
5 l'école du 3 Mars. Vous aviez demandé des médicaments et d'autres produits
6 que vous avez reçus.
7 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
8 Mme Residovic (interprétation). - Alors que vous vous trouviez à
9 l'école du 3 Mars, vous et les personnes blessées étiez surveillés par des
10 membres de la police du HVO !
11 M. Grubac (interprétation). - Il y avait des policiers, des
12 militaires qui nous gardaient, mais je ne sais pas à quelles forces ils
13 appartenaient. Il est possible, effectivement, qu'ils soient où qu'ils
14 aient été des membres de la police du HVO.
15 Mme Residovic (interprétation). - Quand vous étiez à cette
16 école, il vous était possible d'entendre le bruit d'opérations
17 d'artillerie intenses dans la ville, ce qui a entraîné la mort de certains
18 enfants et les premières blessures parmi les civils !
19 M. Grubac (interprétation). - Je n'en savais rien. Je ne savais
20 pas ce qui se passait en ville. Nous étions tout à fait isolés, coupés de
21 tout. Nous ne pouvions pas sortir, alors comment aurais-je pu savoir ? A
22 moins, bien sûr, que quelqu'un ouvre la porte.
23 Mme Residovic (interprétation). - J'entends cela depuis quatre
24 ans. Si je ne vois rien, je peux quand même entendre quand une bombe
25 tombe. Mais ici, n'oubliez pas que vous parlez sous serment et vous devez
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1 dire la vérité.
2 M. Grubac (interprétation). - J'en suis conscient.
3 Mme Residovic (interprétation). - Les personnes dont vous vous
4 êtes occupé à l'école du 3 Mars, d'après ce que vous avez pu constater,
5 ont subi ces blessures au cours du transport ou de leur transfert au camp
6 de Celebici !
7 M. Grubac (interprétation). - C'est peut-être aussi au camp lui-
8 même...
9 Mme Residovic (interprétation). - Excusez-moi...
10 M. Grubac (interprétation). - Peut-être ailleurs. Il m'est
11 impossible d'énumérer tous les endroits où ces personnes auraient pu
12 recevoir ces blessures.
13 Mme Residovic (interprétation). - Si j'examine la déclaration
14 que vous avez faites à un représentant du bureau du Procureur en décembre,
15 je lis dans cette déclaration quelque chose qui n'était pas exact alors ?
16 M. Grubac (interprétation). - Peut-être n'ai-je pas été
17 suffisamment précis, peut-être n'ai-je pas dit qu'il y avait d'autres
18 endroits tels que le camp de Celebici ? Il y avait sans doute d'autres
19 endroits outre ceux que j'ai mentionnés où ces personnes auraient pu subir
20 ces blessures. Il m'était impossible de le savoir. Je ne peux pas,
21 aujourd'hui, non plus vous le dire.
22 Mme Residovic (interprétation). - A l'école du 3 Mars, les
23 patients, vous-même, vous n'avez fait l'objet d'aucun sévice, d'aucun
24 mauvais traitement !
25 M. Grubac (interprétation). - Ce n'est pas exact, Madame.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Vous l'avez déjà déclaré, sept
2 ou huit jours plus tard, vous avez été transféré à Celebici. Sitôt après
3 votre arrivée, vous avez été interrogé par une commission d'enquête qui
4 menait des enquêtes dans le cadre des Serbes détenus à Celebici.
5 M. Grubac (interprétation). - Je n'appellerais pas cela une
6 commission. J'ai été interrogé par une personne bien précise, Mladen Zovko
7 surnommé Kuhar, mais je ne sais pas s'il faisait partie d'une commission.
8 Mme Residovic (interprétation). - Saviez-vous que d'autres
9 personnes aussi ont été interrogées ?
10 M. Grubac (interprétation). - Oui.
11 Mme Residovic (interprétation). - Saviez-vous que ces personnes
12 ont été interrogées par d'autres personnes que Mladen Sovko ?
13 M. Grubac (interprétation). - Oui, je le savais.
14 Mme Residovic (interprétation). - Pourriez-vous nous dire
15 comment s'appelaient d'autres personnes qui interrogeaient les détenus à
16 Celebici ?
17 M. Grubac (interprétation). - Stenek, je ne me souviens plus de
18 son prénom. Il était enseignant où il travaillait au MUP. Miro, oui,
19 voilà, Miro Stenek. Il y avait d'autres d'enquêteurs ou interrogateurs,
20 mais je ne me souviens pas de leur nom.
21 Mme Residovic (interprétation). - C'étaient surtout des
22 personnes faisant partie du MUP, des inspecteurs peut-être ?
23 M. Grubac (interprétation). - Je crois que c'étaient des gens
24 qui n'avaient rien à voir avec le MUP, ceux qui prenaient les
25 déclarations. Peut-être travaillaient-ils pour le MUP ? Je n'en sais rien
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1 finalement.
2 Mme Residovic (interprétation). - Saviez-vous que Goran Lokas
3 était le supérieur des personnes qui procédaient aux interrogatoires ?
4 M. Grubac (interprétation). - Alors que je me trouvais toujours
5 à l'école du 3 Mars à Konjic, j'ai appris par quelqu'un que je connaissais
6 que Goran Lokas qui avait été chef du MUP -il avait été aussi avocat ou
7 juriste parce qu'il avait une formation de juriste- qu'il était président
8 de la commission et qu'il était responsable d'un groupe qui menait des
9 enquêtes.
10 Mme Residovic (interprétation). - Vous et votre épouse pensiez
11 que Goran Lokas pouvait vous aider, étant donné qu'il avait un certain
12 pouvoir. Il avait le pouvoir de libérer des personnes après examen de leur
13 situation, n'est-ce pas ?
14 M. Grubac (interprétation). - Pensions-nous qu'il pouvait nous
15 libérer ? Je ne sais pas. En tout cas, nous essayions de trouver une
16 issue. Nous voulions parvenir à parler à Goran Lokas, parce que nous
17 pensions qu'il pouvait peut-être nous aider, puisque nous le connaissions
18 d'avant la guerre et étant donné la fonction qu'il occupait alors, qu'il
19 pourrait peut-être nous aider.
20 Mme Residovic (interprétation). - Mais vous n'y êtes pas
21 parvenu, parce que Goran Lokas a eu un accident de circulation, n'est-ce
22 pas ?
23 M. Grubac (interprétation). - Oui.
24 Mme Residovic (interprétation). - Vous savez qu'à cette époque,
25 Jerko Kostic est devenu membre de la commission. Lui aussi travaillait au
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1 MUP avant la guerre.
2 M. Grubac (interprétation). - C'est la première fois que
3 j'entends ce nom, Jerko Kostic, Madame.
4 Mme Residovic (interprétation). - Fort bien, Monsieur Grubac. A
5 cette époque, Jerko Kostic est devenu membre de la commission. Lui aussi,
6 il travaillait au MUP avant la guerre ?
7 M. Grubac (interprétation). - C'est la première fois que
8 j’entends ce nom de Jerko Kostic, Madame, par votre bouche.
9 Mme Residovic (interprétation). - Fort bien. Monsieur Grubac,
10 vous avez déjà attesté du fait que vous avez subi un interrogatoire bref,
11 des questions vous ayant été posées, et que l'on vous avait traité de
12 façon correcte pendant cet interrogatoire, n'est-ce pas ?
13 M. Grubac (interprétation). - Oui.
14 Mme Residovic (interprétation). - Et que figurait dans cette
15 déclaration ce que vous avez dit ?
16 M. Grubac (interprétation). - Oui.
17 Mme Residovic (interprétation). - Veuillez examiner cette
18 déclaration en date du 8 juin 1992 pour voir si vous pouvez reconnaître la
19 signature qui est apposée. Est-ce bien la vôtre ?
20 J'aimerais que l'Huissier m’aide à présenter cette déclaration
21 au témoin. Comme nous avons reçu cette déclaration de l'accusation, j'ai
22 fait faire des photocopies pour les Juges et pour le Greffe. Il y a aussi
23 un exemplaire pour le témoin.
24 M. le Greffier (interprétation). - Le document portera la
25 cote D59/1.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Veuillez regarder la signature
2 qui figure à la deuxième page. Est-ce bien la vôtre ?
3 M. Grubac (interprétation). - Oui.
4 Mme Residovic (interprétation). - Je vais vous demander de
5 regarder dans le coin droit de la première page. Vous y voyez quatre K.
6 Dites-moi, les prisonniers étaient-ils classés par catégorie dans notre
7 langue ?
8 M. Grubac (interprétation). - C'est ce que j'ai entendu dire,
9 qu'effectivement les prisonniers étaient affectés par catégorie. Mais je
10 ne connaissais pas le système. Je ne sais pas combien de catégories il y
11 avait.
12 Mme Residovic (interprétation). - Si ici figure un K dans le
13 coin supérieur droit, cela veut-il dire que vous êtes dans la
14 quatrième catégorie ?
15 M. Grubac (interprétation). - Sans doute.
16 Mme Residovic (interprétation). - Cela signifie-t-il que la
17 personne qui vous a interrogé ou celle qui a analysé ce que vous avez dit
18 aurait conclu que vous releviez de la quatrième catégorie ?
19 M. Grubac (interprétation). - Comment pourrais-je le savoir ?
20 C'est sans doute ce que cela veut dire.
21 Mme Residovic (interprétation). - Je vous remercie. Etant donné
22 que le témoin a corroboré la teneur de la déclaration, a également reconnu
23 sa signature apposée à la déclaration, je demande que la déclaration soit
24 versée au dossier.
25 M. Turone (interprétation). - Aucune objection,
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1 Monsieur le Président.
2 M. le Président (interprétation). - La pièce est versée au
3 dossier.
4 Mme Residovic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
5 Monsieur Grubac, vous avez dit que, vers la mi-juin,
6 Pero Mrkajic, qui était blessé, était amené au dispensaire et qu'il y est
7 mort.
8 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
9 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous qu'un groupe
10 d'habitants de Bradina a essayé de parvenir en territoire serbe en
11 direction de Kalinovik, que ce groupe a été arrêté et détenu ?
12 M. Grubac (interprétation). - J'en étais informé.
13 Mme Residovic (interprétation). - Saviez-vous que ce groupe de
14 prisonniers avait subi de mauvais traitements et d'atroces sévices au
15 moment de l'arrestation ?
16 M. Grubac (interprétation). - C'est vrai, c'est ce que m'ont dit
17 certains membres du groupe.
18 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous aussi que
19 Pero Mrkajic a fait partie d'un de ces groupes amenés au camp
20 ultérieurement ?
21 M. Grubac (interprétation). - Oui, je le savais.
22 Mme Residovic (interprétation). - Merci.
23 Je crois que nous pouvons désormais passer à un autre sujet qui
24 a fait l'objet de l'interrogatoire. En réponse à une de mes questions,
25 vous avez dit que, pendant un certain temps, vous étiez directeur du
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1 centre médical de Konjic. Alors que vous occupiez cette fonction,
2 aviez-vous le pouvoir de déléguer certaines de vos compétences à d'autres
3 si vous étiez dans l'impossibilité de vous acquitter de ces tâches ?
4 M. Grubac (interprétation). - Oui, je le sais.
5 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez également déclaré
6 que, 6 ou 7 jours avant votre libération de Celebici, votre épouse,
7 Gordana, vous avait rendu visite.
8 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
9 Mme Residovic (interprétation). - Si votre épouse, Gordana, a
10 dit à l'intention de représentants du bureau du Procureur dans sa
11 déclaration qu'elle vous avait visité la veille de votre libération, elle
12 ne disait pas la vérité alors ?
13 M. Grubac (interprétation). - Elle a sans doute un souvenir plus
14 exact que moi. Il se peut que c'était le cas. Qu'ai-je dit ? Une dizaine
15 de jours ?
16 Mme Residovic (interprétation). - Non, vous avez dit 7 ou
17 8 jours.
18 M. Grubac (interprétation). - Sa déclaration est sans doute
19 plus précise que la mienne.
20 Mme Residovic (interprétation). - Et votre femme vivait à Konjic
21 avec ses parents pendant l'intégralité de votre séjour au camp de
22 Celebici, n'est-ce pas ?
23 M. Grubac (interprétation). - Oui.
24 Mme Residovic (interprétation). - Est-il exact que, lorsque vous
25 avez revu votre femme, vous lui avez demandé d'aller voir votre témoin
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1 pour le mariage, M. Ahmet Jusufbegovic et de lui demander de vous aider,
2 s'il le pouvait, à rendre votre libération possible ?
3 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
4 Mme Residovic (interprétation). - En fait, après son départ,
5 après le départ de votre femme, vous ne saviez pas si elle avait ou non pu
6 voir M. Jusufbegovic ou s'il avait essayé de vous aider d'une quelconque
7 autre façon ?
8 M. Grubac (interprétation). - Non, je n'étais vraiment pas en
9 mesure de le savoir. Je ne savais pas non plus si elle avait pu contacter
10 le Dr Jusufbegovic
11 Mme Residovic (interprétation). - Mais, le jour suivant, vous
12 avez appris que vous-même et le Dr Relja seriez libérés ?
13 M. Grubac (interprétation). - Je crois que c'était quelques
14 jours plus tard, mais peut-être en fait était-ce le lendemain,
15 effectivement.
16 Mme Residovic (interprétation). - Et, ce même soir, vers
17 21 heures, un garde du nom de Focak est venu et a dit sur le ton de la
18 plaisanterie que vous aviez toutes les raisons d'offrir un verre aux
19 prisonniers. Il vous a tendu les papiers qui signifiaient votre
20 libération, n'est-ce pas ?
21 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
22 Mme Residovic (interprétation). - Le papier que l'on vous a
23 donné vous était adressé et il était signé, n'est-ce pas ?
24 M. Grubac (interprétation). - Oui, je crois que c'est bien cela.
25 Mme Residovic (interprétation). - Par la suite, on vous a emmené
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1 dans la maison de M. Delalic.
2 M. Grubac (interprétation). - Oui.
3 Mme Residovic (interprétation). - Ce papier qui signifiait votre
4 libération contenait tous les éléments que nous avons déjà vus. Il n'y a
5 eu aucune correction apportée à ce document, du moins en votre présence,
6 n'est-ce pas ?
7 M. Grubac (interprétation). - Je ne me rappelle pas de ce type
8 de détails. Je ne sais pas si on a ajouté quelque chose à ce document ou
9 pas. Je ne peux pas affirmer que le contenu de ce document était identique
10 lorsque nous l'avons reçu à Celebici ou bien si quelqu'un, que ce soit
11 Zejnil ou quelqu'un d'autre, y a ajouté quelque chose dans sa maison, par
12 exemple.
13 Mme Residovic (interprétation). - Si ce matin, au cours de
14 l'interrogatoire principal, vous avez déclaré qu'une correction avait pu
15 être apportée sur ce document, sur le document du Dr Relja, alors vous ne
16 disiez pas exactement la vérité ?
17 M. Grubac (interprétation). - Il me semble avoir dit que je
18 n'étais pas certain de ce qui avait été ajouté à ces papiers. Je crois que
19 quelque chose a peut-être été ajouté au papier de Relja parce que lui-même
20 a demandé que l'on fasse figurer un autre lieu sur son papier. Mais je
21 n'excluais pas du tout la possibilité que l'on ait ajouté quelque chose
22 sur mon papier. Je ne m'en rappelle pas. Je ne peux pas dire que l'on a
23 ajouté quelque chose. Je ne peux pas dire que l'on n'a pas ajouté quelque
24 chose. Je ne peux pas émettre une opinion définitive sur ce point.
25 Mme Residovic (interprétation). - Je vous remercie.
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1 Au cours de cette rapide visite à M. Delalic chez lui, vous avez
2 été capable de voir que M. Delalic était surpris d'apprendre que vous
3 aviez été un prisonnier au camp de Celebici.
4 M. Grubac (interprétation). - Veuillez répéter cette question
5 s'il vous plaît.
6 Mme Residovic (interprétation). - Lorsque vous avez parlé à
7 M. Delalic, avez-vous décelé une impression de surprise chez lui ? Avez-
8 vous eu l'impression qu'ils étaient surpris d'apprendre que vous aviez été
9 prisonnier dans le camp de Celebici ?
10 M. Grubac (interprétation). - Non, ce n'est pas du tout
11 l'impression que j'ai eue.
12 Mme Residovic (interprétation). - Si une tierce partie déclarait
13 cela, alors on aurait l'impression que cette tierce partie l’aurait
14 ressenti, n'est-ce pas ?
15 M. Grubac (interprétation). - En effet. Moi, je n'ai vraiment
16 pas eu du tout cette impression-là.
17 Mme Residovic (interprétation). - Je voudrais que l'Huissier
18 nous aide. Je voudrais vous montrer une pièce de l'accusation. Je crois
19 que c'est la pièce n° 69. Il s'agit du document qui vous a permis d'être
20 libéré du camp. J'aimerais que nous puissions y jeter un coup d'oeil.
21 M. le Greffier. - Il s'agit de la pièce 1/69.
22 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Grubac, en bas à
23 droite, voyez-vous écrit l'expression « chef du corps d'enquête »?
24 M. Grubac (interprétation). - Sur l'exemplaire dont je dispose
25 je ne vois pas très clairement. Si vous me permettez de regarder cet
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1 exemplaire-ci, je crois que c'est bien ce qui y figure.
2 Mme Residovic (interprétation). - Est-il exact que, suite à
3 cette indication, il y a un petit mot qui indique « de », « venant de »,
4 qui est manuscrit.
5 M. Grubac (interprétation). - Oui, c'est exact.
6 Mme Residovic (interprétation). - Outre le fait que vous avez
7 entendu que Goran Lokas était Président, ou du moins chef de cette
8 structure, alors que vous vous trouviez dans l’Ecole du 3 Mars, saviez-
9 vous qui était à la tête de ce corps d'enquête ?
10 M. Grubac (interprétation). - Je ne le savais pas du tout. Je ne
11 savais même pas que ce poste existait. Je ne savais pas qu'il y avait un
12 corps d’enquête parce que personne ne menait des enquêtes, à part les
13 déclarations que nous avons pu faire. Je ne savais même pas que
14 Goran Lokas était responsable de ce corps d'enquête.
15 M. Grubac (interprétation). - Fort bien, Monsieur Grubac, mais
16 si vous observez qu'au-dessus du titre il y a le mot « pour », « à
17 l'intention de », cela veut dire que la personne qui a signé le document
18 n'est pas la personne qui était à la tête du corps d'enquête, n'est-ce
19 pas ?
20 M. Grubac (interprétation). - Absolument, c'est évident.
21 Mme Residovic (interprétation). - Mais essayons d'être un peu
22 plus précis, d'être un peu plus simples. Etant donné que vous étiez
23 directeur et que vous pouviez donner l'autorisation à quelqu'un
24 d'effectuer quelque chose en votre nom, il en est bien ainsi, n'est-ce
25 pas ?
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1 M. Grubac (interprétation). - Oui.
2 Mme Residovic (interprétation). - Alors, si l'un des médecins,
3 si l'un de vos employés recevaient un tel papier, il faudrait qu'eux aussi
4 ils indiquent sur le papier « au nom de », n'est-ce pas ? Il faudrait pour
5 mener à bien leur mission qu'ils fassent figurer cela sur le document ?
6 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
7 Mme Residovic (interprétation). - Vous serez d'accord avec moi
8 pour dire que, d'une façon générale, si le mot « au nom de » figure sur le
9 document cela signifie bien que la personne qui signe signe le document au
10 nom de quelqu'un d'autre, n'est-ce pas ?
11 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
12 Mme Residovic (interprétation). - Laissez-moi vous poser cette
13 question. Saviez-vous qu'au moment où vous avez été libéré, dans la région
14 du lac de Boraca** il y avait des combats, des offensives qui étaient
15 menées ?
16 M. Grubac (interprétation). - Non, je ne le savais pas. Je n'ai
17 pas eu connaissance de ce type d'activité.
18 Mme Residovic (interprétation). - Je ne parle pas de Celebici,
19 mais du lac de Boraca.
20 M. Grubac (interprétation). - Non, non, je n'ai aucune
21 connaissance de ce qui s'est passé autour du lac de Boraca. Je ne vois pas
22 comment vous pouvez imaginer que je sais quoi que ce soit à propos de
23 cette offensive.
24 Mme Residovic (interprétation). - Laissez-moi vous rafraîchir la
25 mémoire, Monsieur Grubac. Ce soir-là, lorsque vous vous êtes rendu dans la
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1 maison de M. Delalic, vous avez découvert qu'il venait d'arriver des
2 positions de combat qui se trouvaient sur ce lieu, qu'il revenait juste de
3 combat et qu'il devait y retourner rapidement.
4 M. Grubac (interprétation). - Mais je n'ai aucun souvenir de
5 cela. Je ne crois pas qu'il m’ait dit qu'il avait pris part à un combat.
6 Mme Residovic (interprétation). - Et si Relja Mrkajic déclare
7 que Zejnil Delalic venait précisément ce jour des positions de combat,
8 alors vous pensez qu'il ne dit pas vraiment la vérité ?
9 M. Grubac (interprétation). - Moi, je n'ai aucune raison de ne
10 pas dire la vérité. Je veux simplement dire ici que je ne me souviens pas
11 d'avoir entendu Zejnil dire qu'il arrivait des positions de combat. C'est
12 la première fois que j'entends cette information. Il est possible que
13 Relja, lors d'un entretien avec lui, alors que je n'étais peut-être pas
14 là, que je faisais autre chose, a entendu cette information. Je ne dis pas
15 que ce n'est pas vrai. Je dis que je ne peux pas confirmer ce fait parce
16 que je ne m'en rappelle pas.
17 Mme Residovic (interprétation). - Lorsque vous regardiez cette
18 maquette, lors de l'interrogatoire principal, cette maquette des bâtiments
19 du camp de Celebici, vous avez indiqué les bâtiments utilisés comme
20 prison. Est-ce exact ?
21 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
22 Mme Residovic (interprétation). - Ceci dit, vous savez sûrement
23 que tout cet ensemble représente une surface de 10 000 mètres carrés ?
24 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
25 Mme Residovic (interprétation). - En fait, il n'y a qu'une
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1 petite portion de cette surface qui était utilisée comme camp, n'est-ce
2 pas ?
3 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
4 Mme Residovic (interprétation). - Vous savez sans doute qu'une
5 grande majorité des bâtiments étaient en fait destinés à abriter des
6 équipements, de l'armement, de la nourriture pour toute la région, du
7 matériel, des fournitures.
8 M. Grubac (interprétation). - C'est la première fois que j'en
9 entends parler, Madame, c'est vous qui me l’apprenez. Je ne sais pas du
10 tout à quoi servaient ces bâtiments. Je ne sais pas quelle était la
11 fonction du reste de ce lieu.
12 Mme Residovic (interprétation). - Saviez-vous que sur ce terrain
13 il y avait de larges entrepôts appartenant à l'armée de Bosnie-
14 Herzégovine ?
15 M. Grubac (interprétation). - Je ne savais pas cela non plus.
16 Peut-être que c'était secret. Je ne sais pas comment vous pouvez penser
17 que moi je savais ce qui se trouvait dans les entrepôts militaires ?
18 Mme Residovic (interprétation). - Tout véhicule entrant dans le
19 camp de Celebici devait franchir le portail d'entrée que vous nous avez
20 indiqué. Est-ce exact ?
21 M. Grubac (interprétation). - Je ne sais pas s'il en est ainsi.
22 Peut-être qu'outre cette route menant à la voie ferrée il y avait peut-
23 être une autre voie qui permettait d'entrer dans le camp. Je n'ai aucun
24 moyen de savoir s'il y en avait une autre.
25 Mme Residovic (interprétation). - Cela dit, au cours de votre
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1 séjour dans le camp, vous avez bien vu nombre de camions, de véhicules qui
2 passaient sur cette route, qui franchissaient le portail qui se situe
3 devant le tunnel n° 9 et qui se dirigeaient vers l'autre bout du camp.
4 M. Grubac (interprétation). - Je n'ai jamais vu ce type de
5 camion. J'ai entendu des prisonniers dire que certains camions étaient
6 arrivés, qu'on avait déchargé des armements, des munitions de ces camions.
7 Moi-même, je n'ai jamais vu ces camions.
8 Mme Residovic (interprétation). - Donc, si vous avez entendu les
9 prisonniers dire que de l'armement, d'autres fournitures avaient été
10 déchargés des camions, vous pouvez peut-être confirmer le fait que cela
11 signifiait que les structures existant à Celebici, je ne parle pas du
12 camp, servaient à entreposer ces armes et qu'il y avait d'autres activités
13 dans le cadre de Celebici, qu'il y avait des personnes liées à ces autres
14 activités qui pouvaient arriver dans le camp, n'est-ce pas ?
15 M. Grubac (interprétation). - Oui, mais c'est quelque chose d'un
16 peu différent parce que vous dites quelque chose dont découle quelque
17 chose d'autre. En théorie, je peux être d'accord avec ce que vous dites
18 mais je ne peux pas vraiment confirmer ce que vous êtes en train de dire.
19 Là, vous dites trop de choses dans votre déclaration.
20 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Grubac, j'aimerais
21 qu’en fait vous nous disiez vraiment... J'aimerais être capable de ne pas
22 avoir à formuler d'hypothèse dans ce que je dis. Mais lorsque vous dites
23 que des prisonniers vous ont dit qu'on avait déchargé des armements, des
24 munitions dans le camp, d'abord j'ai cru que c'était quelque chose dont
25 vous aviez eu personnellement connaissance. Voilà.
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1 M. Grubac (interprétation). - Laissez-moi préciser que, dans le
2 Tribunal, les histoires ne sont pas considérés comme des faits confirmés.
3 Il y a des histoires qui ne sont pas acceptées par le Tribunal comme étant
4 des faits. Il y a des histoires racontées par d'autres personnes qui ne
5 sont pas acceptées dans le cadre du Tribunal comme des faits. C'est la
6 raison pour laquelle j'ai répondu de cette façon.
7 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez déclaré que vous
8 connaissiez personnellement la famille de Delalic. Est-ce exact ?
9 M. Grubac (interprétation). - Oui, je connaissais certains
10 membres de sa famille.
11 Mme Residovic (interprétation). - Vous connaissez ses frères et
12 certains de ses proches, n'est-ce pas ?
13 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
14 Mme Residovic (interprétation). - Si je puis dire, vous êtes le
15 médecin de famille de cette famille. Vous avez pris soin de la mère, du
16 frère. Est-ce exact ?
17 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
18 Mme Residovic (interprétation). - Je pense que vous pouvez
19 attester du fait que certains des membres de cette famille se ressemblent
20 beaucoup. Zejnil, Zajka et feu Sefik dont vous vous êtes également occupés
21 se ressemblent beaucoup, n'est-ce pas ?
22 M. Grubac (interprétation). - Oui, ils se ressemblent beaucoup,
23 c'est exact.
24 Mme Residovic (interprétation). - Les personnes qui, comme vous-
25 même, ne les connaissent pas bien pourraient confondre ces différents
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1 membres de la famille. N'en est-il pas ainsi ?
2 M. Grubac (interprétation). - Moi, je ne les confondrais pas.
3 Mais je pense que des personnes qui ne les connaîtraient pas bien
4 pourraient éventuellement les confondre.
5 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez rencontré feu Sefik
6 dans les bâtiments de Celebici et en quelques occasions il vous a apporté
7 une aide financière, n'est-ce pas ?
8 M. Grubac (interprétation). - Oui, c'est exact.
9 Mme Residovic (interprétation). - Vous savez également,
10 Mosieur Grubac, que Jasna Dzuhmur? était la Présidente de la Commission
11 d’échange... ?
12 M. Grubac (interprétation). - Oui, oui, je la connais. Je la
13 connaissais même avant le début de la guerre.
14 Mme Residovic (interprétation). - Et vous savez également que
15 dans le cadre de ses fonctions elle utilisait également une jeep, n'est-ce
16 pas ?
17 M. Grubac (interprétation). - Non, je ne sais pas cela. Vous me
18 l'apprenez vous, Madame.
19 Mme Residovic (interprétation). - Mais savez-vous qu'à cette
20 époque M. Delalic avait deux jeeps, une jeep blanche et une jeep verte ?
21 M. Grubac (interprétation). - Je crois qu'il avait un certain
22 nombre de jeeps.
23 Mme Residovic (interprétation). - Et que, du fait de tout ce qui
24 se produisait dans la région, ses frères, Zajka, ses proches, ses
25 chauffeurs conduisaient assez souvent ces jeeps.
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1 M. Grubac (interprétation). - Je sais que feu son frère Sefik
2 conduisait une de ses jeeps, la seconde jeep.
3 Mme Residovic (interprétation). - Et au vu de l'emplacement du
4 bâtiment n° 22, c'est-à-dire le bâtiment qui se trouve juste en face du
5 bâtiment administratif, vous pouviez voir, comme vous l'aviez dit, les
6 véhicules qui se trouvaient garés devant ce bâtiment administratif.
7 M. Grubac (interprétation). - Oui, c'est exact.
8 Mme Residovic (interprétation). - Et vous savez sans doute que
9 les personnes qui arrivaient à Celebici pour toutes sortes d'affaires
10 s'arrêtaient aussi au bâtiment de commandement, n'est-ce pas ?
11 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
12 Mme Residovic (interprétation). - Vous serez d'accord avec moi
13 pour dire que, lorsque vous avez vu une jeep conduite par Zejnil, cela ne
14 veut pas dire forcément que Zejnil se trouvait dans le bâtiment
15 administratif ?
16 M. Grubac (interprétation). - C’est absolument exact.
17 Mme Residovic (interprétation). - Vous savez également que,
18 pendant la guerre, M. Delalic a pris part à un certain nombre de
19 transactions logistiques et vous savez que, s'il s'est rendu dans ces
20 bâtiments, peut-être était-ce dans le cadre de ces transactions
21 précisément.
22 M. Grubac (interprétation). - Je répète que je n'ai aucune idée
23 du type d’affaire auquel Zejnil prenait part, qu’il s’agisse de
24 transactions logistiques ou d’autres types d’activités, d'affaires,
25 auxquelles Zejnil prenait part, qu'il s'agisse de transactions logistiques
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1 ou d'autres types d'activités.
2 En fait, la première fois que j'ai vu la dénomination exacte de
3 sa fonction, c'est le jour où je me suis rendu chez lui avec ma femme.
4 J'ai vu alors le descriptif de son poste exact.
5 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez dit que cela s’est
6 passé dans le courant du mois de septembre, n'est-ce pas ?
7 M. Grubac (interprétation). - Oui.
8 Mme Residovic (interprétation). - Depuis quand connaissez-vous
9 M. Delalic ?
10 M. Grubac (interprétation). - Je ne sais pas exactement. Je le
11 connais depuis longtemps. En tout cas, je le connais depuis bien avant la
12 guerre, quelques années avant la guerre.
13 Mme Residovic (interprétation). - Vous savez qu'il a vécu à
14 l'étranger pendant de nombreuses années et que ce n'est
15 qu'occasionnellement qu'il revenait à Konjic ?
16 M. Grubac (interprétation). - Oui, c'est exact.
17 Mme Residovic (interprétation). - Vous savez également que
18 c'était un citoyen aisé, un citoyen qui pratiquait également beaucoup de
19 sports, qu'il a participé à des événements culturels, à des activités très
20 diverses, qu'il a pris part à la course de bateaux sur le lac.
21 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
22 Mme Residovic (interprétation). - En tant que directeur du
23 centre médical, vous savez également qu'il a apporté une aide financière à
24 ce centre médical ?
25 M. Grubac (interprétation). - Je sais qu'il a fait des dons au
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1 centre médical lorsque ce centre traversait une période un peu critique.
2 Je crois que ses intentions étaient réellement d'aider ce centre.
3 Mme Residovic (interprétation). - Vous savez sans doute que,
4 juste avant la guerre, du fait des problèmes de dialyse qui se posaient
5 aux patients qui avaient besoin de ce traitement, il avait réussi à se
6 procurer des équipements pour la dialyse, mais des appareils qui n'ont
7 jamais été utilisés du fait des événements qui se sont déroulés par la
8 suite ?
9 M. Grubac (interprétation). - Je ne sais pas exactement ce dont
10 il s'agissait. Je sais qu'il avait trouvé un certain type d'équipements
11 pour le centre médical. Je ne sais pas s'il s'agissait de l'équipement
12 dont vous parlez. Je n'étais pas directement en contact avec le centre de
13 santé à cette époque-là. Je pense qu'il est tout à fait possible qu'il ait
14 fait cela parce que cela lui ressemble assez. Mais je ne peux pas
15 l’affirmer ; je ne peux pas dire que c'est un fait.
16 Mme Residovic (interprétation). - Je vous remercie. En tant
17 qu'ami de la famille, en tant qu'ami de Delalic, vous savez que, pendant
18 la guerre, il n'a jamais occupé de poste politique ou gouvernemental à
19 Konjic.
20 M. Grubac (interprétation). - Oui, je sais qu'il n'a jamais
21 occupé un poste politique ou gouvernemental à Konjic.
22 Mme Residovic (interprétation). - Vous savez également qu'il
23 avait la réputation d'être un homme d'affaires avisé et un bon citoyen ?
24 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
25 Mme Residovic (interprétation). - Vous savez que beaucoup de
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1 gens étaient flattés d'être en sa présence ?
2 M. Grubac (interprétation). - Je crois que les gens aimaient
3 être en sa compagnie, aimaient qu'on les voit en sa compagnie.
4 Mme Residovic (interprétation). - Même les gens qui ne faisaient
5 pas partie de son entourage aimaient se vanter du fait qu'ils étaient
6 proche de lui, n'est-ce pas ?
7 M. Grubac (interprétation). - Oui, je crois que c'est exact.
8 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Grubac, M. Delalic
9 est un de vos amis. Mais comme il était également très bien vu dans la
10 localité, votre comportement en tant que médecin vis-à-vis des membres de
11 sa famille, notamment envers son frère, était de ne pas forcément vous
12 faire payer immédiatement pour votre aide ?
13 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
14 Mme Residovic (interprétation). - En dehors de ce qui touche à
15 la guerre, au moment où vous avez rencontré M. Delalic, il était clair
16 pour vous qu'il n’avait pas changé d'attitude à votre égard, n'est-ce
17 pas ?
18 M. Grubac (interprétation). - Il me semble qu'il n'avait pas
19 changé de comportement à mon égard.
20 Mme Residovic (interprétation). - Peut-être avez-vous entendu
21 dire à l'époque qu'entre Bradina et une autre localité il y avait une
22 petite voie ferrée qui avait été mise en place.
23 M. Grubac (interprétation). - Je crois qu'on parlait
24 effectivement de la voie ferrée de Zejnil, puisqu'il avait aidé à la
25 mettre en place.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Vous savez qu'il avait eu
2 recours à des fonds personnels assez importants, qu'il avait consacré
3 beaucoup de son temps à faire en sorte qu'il soit plus facile pour les
4 personnes de couvrir ces distances et de faire ces trajets dans les
5 circonstances qui prévalaient pendant la guerre. Vous avez entendu parler
6 de cela ?
7 M. Grubac (interprétation). - Oui. En fait, le simple fait qu'il
8 l'appelle la "voie de Zejnil" signifiait qu'il avait joué un rôle très
9 important dans sa construction et que ce rôle avait été extrêmement
10 important.
11 Mme Residovic (interprétation). - Vous savez que cette voie
12 ferrée était utilisée par toutes les personnes, par les femmes à Bradina
13 qui désiraient voir leurs proches à Celebici. Ces femmes pouvaient
14 emprunter cette voie ferrée ; c'était un moyen sûr d'arriver à Celebici.
15 Il n'y avait pas de discrimination à l’égard de personnes ou d'autres ?
16 M. Grubac (interprétation). - C'est exact.
17 Mme Residovic (interprétation). - Cependant, vous savez aussi
18 qu'il y avait beaucoup de gens qui se livraient à des commérages sur
19 Zejnil et ce qu'il faisait à Konjic, que des personnes avaient même adopté
20 une attitude tout à fait hostile à son égard ?
21 M. Grubac (interprétation). - Oui. On a fait circuler beaucoup
22 de rumeurs.
23 Mme Residovic (interprétation). - Fort bien. Maintenant que vous
24 êtes précis quant à votre comportement envers M. Delalic, alors que vous
25 étiez sur le point de partir, votre femme vous a dit que son idée était de
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1 s'adresser à Zejnil à Konjic. Elle comptait sur vos liens d'amitié, n'est-
2 ce pas exact ?
3 M. Grubac (interprétation). - Oui, c'est exact. C'est la raison
4 pour laquelle nous avons choisi d'aller le voir, parce que nous pensions
5 précisément que Zejnil était à même de faire quelque chose, qu'il était
6 dans une position telle qu'il pouvait nous aider.
7 Mme Residovic (interprétation). - Je parle de votre libération.
8 C'est votre femme qui a eu l'idée d'aller voir M. Delalic pour aider à
9 votre libération. Vous aviez eu l'idée d'aller voir M. Jusufbegovic,
10 n'est-ce pas ?
11 M. Grubac (interprétation). - Oui, c'est exact.
12 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez bien décrit
13 l'endroit où se trouvait la maison de M. Delalic. J'aimerais vous demander
14 s’il est exact que cette maison se trouve sous une falaise, en fait dans
15 une situation assez protégée des pilonnages et de tout ce qui a pu se
16 produire à cette époque-là ?
17 M. Grubac (interprétation). - Oui, je crois que c'est un lieu
18 assez sûr. Juste en face, il y a cette faille dans les rochers. La maison
19 est protégée par cette colline qui se trouve en face de la maison.
20 Mme Residovic (interprétation). - Au cours de ces deux visites à
21 M. Delalic, alors que vous vous trouviez à Konjic, vous avez vous-même
22 découvert que, dans la cave de la maison de M. Delalic, il y avait un
23 centre de transmission, le centre de transmission du quartier général de
24 la Défense territoriale de Konjic ?
25 M. Grubac (interprétation). - Non, c'est vous qui me l’apprenez,
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1 Madame. Vous croyez que j'en sais beaucoup plus que j'en sais en fait,
2 Madame.
3 Mme Residovic (interprétation). - Toujours en rapport avec vos
4 visites avec M. Mucic à Celebici, vous avez dit que M. Mucic, à cette
5 époque, avant d'arriver au camp, s'arrêtait toujours chez M. Delalic.
6 M. Grubac (interprétation). - Oui, c'est exact. Par deux fois,
7 il s'est arrêté à la maison de M. Delalic, alors que nous nous rendions au
8 camp.
9 Mme Residovic (interprétation). - Vous êtes resté dans la
10 voiture ?
11 M. Grubac (interprétation). - Oui, c'est exact.
12 Mme Residovic (interprétation). - Et vous n'avez pas vu qui
13 Mucic a vu dans cette maison ?
14 M. Grubac (interprétation). - Non, il était impossible de le
15 savoir. Nous ne savons pas qui il a rencontré dans cette maison ou qui il
16 allait voir à l'intérieur.
17 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Mucic ne vous a pas
18 non plus quel était le motif de sa visite ?
19 M. Grubac (interprétation). - Non. Il n'a jamais expliqué
20 pourquoi il entrait dans cette maison.
21 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Grubac, vous vous
22 trouviez à Celebici quand le comité international de la Croix-Rouge est
23 venu.
24 M. Grubac (interprétation). - Non, je n'y étais pas. J'avais
25 déjà été libéré parce que cette visite a eu lieu le 12 août, je pense.
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1 Moi, j'étais pour ainsi dire en liberté conditionnelle.
2 Mme Residovic (interprétation). - Certes, mais lorsque vous êtes
3 revenu de ce congé, vous avez dû constater que la situation s'était
4 améliorée pour les prisonniers ?
5 M. Grubac (interprétation). - Effectivement, il y avait une
6 amélioration tout à fait spectaculaire suite à la visite de la
7 Croix-Rouge.
8 M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Residovic, de
9 vous être rendu compte que c'était le moment idéal pour nous arrêter
10 aujourd'hui. Nous reprendrons demain matin.
11 L'audience est levée à 17 heures 35.
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