Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-96-21-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Mardi 28 octobre 1997

4 L'audience est ouverte à 10 heures 05.

5 M. le Président (interprétation). - Mesdames et Messieurs,

6 bonjour. Pourrait-on faire entrer le témoin s'il vous plaît et faire les

7 présentations ?

8 M. Niemann (interprétation). - Je m'appelle Grant Niemann et je

9 suis avec Me McHenry, Me Giulano Turone et Me Khan.

10 M. le Président (interprétation). - La défense pourrait-elle se

11 présenter également.

12 Mme Residovic (interprétation) - Je défends Zejnil Delalic en

13 compagnie de mon collègue Eugène O'Sullivan, professeur au Canada.

14 M. Olujic (interprétation). - Je m'appelle Zelko Olujic, je

15 défends M. Zdravko Mucic avec mon collègue Michael Greaves.

16 M. Karabdic (interprétation) - Madame et Messieurs, bonjour. Je

17 m'appelle Salih Karabdic, je suis avocat à Sarajevo et je défends, en

18 compagnie de M. Thomas Moran, de Houston au Texas, M. Hazim Delic.

19 M. Ackerman (interprétation). - Bonjour, je m'appelle

20 John Ackerman, je défends M. Esad Landzo avec ma collègue

21 Me Cynthia McMurrey.

22 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.

23 (Le témoin est introduit dans la salle.)

24 Mme McHenry (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.

25 Avant que n'entre le témoin, je voudrais présenter à cette Cour quelques

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1 points.

2 Il y a deux semaines, M. Landzo avait déposé une requête sur un

3 mémorandum qui avait été envoyé par le Greffe le 15 octobre.

4 Je me demander s'il serait possible de prévoir aujourd'hui une

5 audience entre maintenant et le 6 novembre, à votre convenance bien

6 entendu. Je voulais rappeler à cette Cour l'existence de cette requête.

7 M. le Président (interprétation). - Très bien, discutez-en avec

8 les juristes et ils prévoiront une audience.

9 Mme McHenry (interprétation). - Puis-je demander à cette

10 Chambre qu'un analyste et un traducteur soient présents dans la cabine

11 technique parce qu'un peu plus tard au cours de ce témoignage, je

12 montrerai à ce témoin certains extraits de vidéo. Je voudrais donc qu'il y

13 ait un interprète et un analyste dans cette cabine, s'il vous plaît.

14 M. Moran (interprétation). - Nous n'avons pas d'objection à

15 cette demande bien entendu si ces personnes ne seront pas témoins dans le

16 procès.

17 M. le Président (interprétation). - Ils ne pourront pas être

18 témoins, effectivement, s'ils jouent un tel rôle.

19 M. Moran (interprétation). - Oui, c'est tout à fait cela,

20 Monsieur le Président, c'est pourquoi nous formulons cette demande.

21 M. le Président (interprétation). - Bon, très bien.

22 Mme McHenry (interprétation) - Merci.

23 M. le Président (interprétation). - Voulez-vous rappeler au

24 témoin qu'il dépose encore sous serment.

25 Mme le Greffier. - Je vous rappelle, Monsieur, que vous êtes

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1 encore sous serment.

2 M. Divjak (interprétation). - Bonjour à tous.

3 M. le Président (interprétation). - Bonjour.

4 Mme McHenry (interprétation). - Lorsque nous en avons terminé

5 hier soir, vous étiez en train de nous expliquer votre carrière, puis-je

6 maintenant, vous demander de nous décrire brièvement, comment l'armée de

7 Bosnie-Herzégovine a été créée et comment elle a évolué entre avril et le

8 début décembre 1992 ?

9 M. Divjak (interprétation). - Je dois dire qu'il y a eu une

10 agression contre la Bosnie-Herzégovine qui a suivi l'agression subie par

11 la Croatie. L'agression a été perpétrée tout d'abord par la JNA, l'armée

12 nationale Yougoslave, ensuite rejointe par des unités paramilitaires

13 provenant du Monténégro serbe et des unités paramilitaires du parti du

14 SDS, c'est-à-dire, le parti des Serbes.

15 J'ai dit que la première agression a été perpétrée par l'armée

16 populaire serbe. Je confirme cela en disant que tous les équipements

17 militaires et toutes les armes qui se trouvaient sur le territoire croate

18 en 1991 se trouvaient en Croatie. Après l'accord sur un cessez-le-feu en

19 Croatie signé par Fanjo Tudjman et Milosevic, le 1er janvier 1992, des

20 unités de l'armée populaire yougoslave ont été déployées sur le territoire

21 de la Bosnie-Herzégovine, et la Bosnie-Herzégovine, à ce moment-là, a fait

22 la démarche pour être reconnue comme un Etat indépendant par l'Union

23 Européenne et par l'Organisation des Nations Unies.

24 Au sein de ce qui restait de la présidence de la Fédération

25 yougoslave, pendant plus de six mois, des représentants de la

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1 Bosnie-Herzégovine et de la Croatie n'ont pas participé. Ce n'est qu'à la

2 fin de 1991 qu'ils ont décidé d'engager l'armée yougoslave afin de

3 protéger les droits des Serbes, tout comme ils l'avaient fait en Croatie

4 précédemment. Ils ont donc décidé de faire la même chose en

5 Bosnie-Herzégovine. Il y a, bien sûr, des arguments qui viennent

6 corroborer ce que je dis, notamment la déclaration de Jovic, Président de

7 la Présidence de la Yougoslavie à l'époque et chef de l'état-major de la

8 JNA, déclaration dans laquelle il évoquait la possibilité de protéger les

9 Serbes qui étaient en danger en Croatie et en Bosnie-Herzégovine.

10 Lorsque je mentionne les menaces à la sécurité de la

11 Bosnie-Herzégovine, je vous renvoie également à la première agression qui

12 a été commise contre la Bosnie-Herzégovine. C'était dans le village de

13 Ravno qui se trouve sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Cette

14 offensive a eu lieu à la fin de septembre 1991. Le prétexte était que dans

15 le village de Ravno, l'armée croate avait été déployée et que selon, eux

16 il, fallait protéger le territoire de la Bosnie-Herzégovine contre les

17 offensives des Croates. Il y a des documents qui prouvent qu'en septembre,

18 des unités de volontaires venant du Monténégro et de Serbie et des unités

19 de la JNA, l'armée populaire yougoslave, en provenance de Podrorica et

20 Uzice, sont venus soutenir le parti du SDS, en Bosnie-Herzégovine et sont

21 arrivés jusqu'à Mostar à la fin de l'année.

22 Je m'excuse d'avoir à mentionner tous ces détails, mais ils sont

23 nécessaires pour expliquer pourquoi l'Etat de Bosnie-Herzégovine a dû

24 organiser sa défense et pourquoi il l'a fait. Tous ces détails sont

25 importants pour bien comprendre les événements.

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1 Il est également important de dire qu'à la fin de 1990 déjà et

2 au début 1991, à partir des lieux de stationnement de la JNA, certaines

3 personnes ont été armées, entraînées et équipées en armes par le SDS. A

4 l'appui de tous ces arguments, il y a des documents qui se trouvent à

5 notre Institut des crimes de guerre, documents portant sur toutes ces

6 questions, saisis par le deuxième district militaire pendant la guerre.

7 Il faut également souligner que la Bosnie-Herzégovine a accepté

8 sa présidence et ses autorités, alors que les membres de la présidence qui

9 représentait les Serbes ont fait obstacle au travail. En novembre déjà, il

10 y avait une autorité parallèle à l'autorité légale de Bosnie-Herzégovine.

11 Ils ont formé leur propre parlement en février 1992, ils ont adopté leur

12 propre constitution, puis ont essayé d'imposer leur autorité dans les

13 municipalités, tout d'abord dans celles où les Serbes représentaient une

14 majorité et, dès septembre, soutenus par des unités de la JNA, ils ont

15 renforcé leur autorité dans des endroits où ils n'étaient pas

16 majoritaires. A Foca par exemple, à Visegrad, à Zrovnik, principalement

17 dans tout les lieux à la frontière de la Serbie et du Monténégro.

18 A la fin 1991 et au début 1992, soutenus par des chars et des

19 pièces d'artillerie, à partir de casernes de Sarajevo, ils se sont retirés

20 et ils ont établi leurs positions au-dessus de la ville, en dominant la

21 ville.

22 Les unités blindées et motorisées de la JNA ont été déployées à

23 des endroits où elles n'avaient jamais été jusqu'alors. Ils ont occupé des

24 lieux stratégiques, ils élaboraient des actions stratégiques à partir de

25 la Croatie et de la Serbie vers Sarajevo.

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1 Etant donné la situation, les dirigeants politiques de la

2 Bosnie-Herzégovine ont continué à rechercher la paix par la négociation.

3 On a parlé d'une Fédération, et au cours de ces négociations,

4 Alija Izetbegovic et le Président de la Macédoine ont joué un rôle très

5 important. De ceci, nous en avons également des preuves.

6 Le projet qui consistait à créer la Grande Serbie, qui

7 s'appliquait au territoire de Bosnie-Herzégovine également, existait

8 depuis au moins deux cents ans, et les forces extrémistes en Serbie et en

9 Bosnie-Herzégovine trouvaient là la possibilité de concrétiser ce projet.

10 Le 6 avril 1992, l'Union européenne a reconnu la Bosnie-

11 Herzégovine en tant qu'Etat indépendant limité par ses frontières

12 historiques. Elle a accepté l'organisation de Bosnie-Herzégovine telle

13 qu'elle était alors, en acceptant les structures qui avaient été fixées

14 lors des élections de 1990.

15 Ce même jour, c'est-à-dire le 6 avril, la Bosnie-Herzégovine a

16 donc eu le statut d'Etat, mais elle n'avait pas de force armée pour

17 défendre ce territoire et son statut d'Etat que l'Union européenne lui

18 avait reconnu.

19 A ce propos, permettez-moi d'ouvrir une petite parenthèse : en

20 Yougoslavie, il y avait deux forces armées organisées : les forces armées,

21 c'est-à-dire la JNA d'un côté, et la Défense territoriale de l'autre.

22 La JNA, l'armée populaire yougoslave, avait pour devoir de

23 protéger le système établi par la Constitution et l'intégrité territoriale

24 de la Yougoslavie. Chaque République organisait sa défense territoriale,

25 et l'objectif de ces forces armées était de lutter contre ce que l'on

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1 appelait alors l'ennemi interne et externe. Disons qu'il s'agissait de

2 forces armées qui, dans les situations de crise, devaient s'assurer que la

3 Bosnie-Herzégovine et la Yougoslavie restent stables.

4 Selon la Constitution yougoslave, les Républiques contrôlaient

5 la défense territoriale.

6 Cependant, en 1990, la présidence a pris la décision de retirer

7 les armes et l'équipement militaire de compagnies et d'autres

8 organisations contrôlées par l'Etat pour les placer dans les entrepôts ou

9 dans les arsenaux de la défense territoriale des Républiques.

10 Pour étayer cet argument selon lequel l'agression contre la

11 Bosnie-Herzégovine n'a pas pris vingt-quatre heures, mais bien plus

12 longtemps, le 8 mai 1991, la présidence de la Yougoslavie -et là encore,

13 il s'agissait d'une présidence plus ou moins déchue, plus ou moins amputée

14 puisque quatre Républiques n'étaient pas représentées dans cette

15 présidence- a adopté la décision selon laquelle tous les équipements de la

16 défense territoriale devait être placés dans les entrepôts de la Défense

17 territoriale.

18 C'était un moyen pour que la JNA empêche les Républiques de

19 défendre leur intégrité territoriale. Par conséquent, le 6 avril, sans

20 leur propre armée et avec la Défense territoriale qui ne disposait ni

21 d'armes ni de munitions, face à cette situation, la présidence a décidé

22 que la Défense territoriale de la République de Bosnie-Herzégovine devait

23 être formée. L'objectif de cette démarche étant de défendre l'intégrité

24 territoriale et le territoire de la Bosnie-Herzégovine où, pendant des

25 milliers d'années, les Serbes, les Bosniens, les Croates, les Juifs et les

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1 Romains avaient vécu.

2 En Bosnie-Herzégovine, une localité que l'on appelait Prnjavor

3 regroupait vingt-quatre groupes ethniques différents. Le 6 avril lorsque

4 cette décision a été prise, le poste de chef d'état-major de la Défense

5 territoriale a été créé pour la Bosnie-Herzégovine.

6 Je me rappelle avoir dit hier que l'objectif principal de la

7 présidence était que l'état-major reflète la composition de la population

8 à ce moment-là en termes de groupes ethniques. A ce moment-là, cette

9 démarche était tout à fait cohérente avec les idées contenues dans la

10 Constitution de la Bosnie-Herzégovine. Lorsque le poste de chef d'état-

11 major de la Défense territoriale a été créé, ce chef d'état-major a

12 envoyé...

13 Pour être plus précis, chaque municipalité en Bosnie-Herzégovine

14 avait sa propre défense territoriale. Nous avons demandé à chacun des

15 chefs d'état-major municipaux de nous dire s'il soutenait le nouvel état-

16 major de la Défense territoriale. Tous les chefs d'état-major des

17 localités dans lesquelles les Serbes n'étaient pas majoritaires ont

18 déclaré par écrit qu'ils soutenaient la Défense territoriale et ont envoyé

19 des listes de noms de personnes qui soutenaient le chef d'état-major de la

20 Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine et la décision prise par la

21 présidence de guerre de créer la Défense territoriale.

22 Sur les 109 municipalités existant avant l’agression perpétrée

23 contre la Bosnie-Herzégovine, 73 chefs d'états-majors municipaux ont signé

24 ces lettres de soutien à la décision de la présidence et à la Défense

25 territoriale créée par cette même décision.

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1 Simultanément à la création des chefs d'états-majors municipaux,

2 des groupes de citoyens patriotiques de la Bosnie-Herzégovine ont été

3 créés. La Ligue patriotique était le groupe sans doute le mieux organisé,

4 ainsi que les Bérets verts, un autre groupe. La police de Bosnie-

5 Herzégovine les soutenait.

6 Là encore, je dois faire une petite parenthèse. Les Serbes, qui

7 faisaient partie de la force de police conjointe, l'ont abandonnée lorsque

8 ces autorités parallèles ont été créées par les Serbes de Bosnie. Ainsi,

9 dans les commissariats de police, il ne restait que des membres des

10 peuples croate et bosniaque. Comme dans le cas de la Défense territoriale

11 au départ, puis de l'armée de Bosnie-Herzégovine, un certain nombre de

12 Serbes sont restés au sein de la police et de l'armée.

13 Le 15 avril 1992, la présidence a pris la décision selon

14 laquelle tous les groupes de combat, les groupes patriotiques, devaient

15 être subordonnés à la Défense territoriale afin de coordonner les

16 activités de toutes les unités sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

17 En mai, la présidence a pris la décision de créer l'armée de

18 Bosnie-Herzégovine. Au même moment, une loi sur la défense a été adoptée

19 aux termes de laquelle, pendant la guerre, les forces armées devaient être

20 créées et inclure l'armée de Bosnie-Herzégovine, le Conseil croate de la

21 défense, la police, des unités du ministère de l'Intérieur, c'est-à-dire

22 la police, et une formation armée émanant d'entreprises qui avaient déjà

23 leurs propres unités.

24 Je voudrais souligner rapidement, pour parler du HVO, que le

25 peuple croate de Bosnie-Herzégovine comportait certains extrémistes. Vers

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1 la fin de 1991, certaines personnes ont exprimé le désir que les Croates,

2 après des milliers d’années, aient la possibilité de former leur propre

3 Etat. Des documents existent dans lesquels les dirigeants du HDZ de

4 l'époque expriment leur désir et leur conception de la façon la plus

5 claire. Vous allez sans doute discuter de ces positions politiques dans

6 peu de temps, ici même, avec les personnes qui interviendront dans les

7 audiences à venir.

8 Les Croates, un peu comme les Serbes, forment également un

9 pouvoir parallèle. Les Croates ont créé la communauté croate de Herceg-

10 Bosna et également des unités du Conseil croate de la défense.

11 Dans cette loi de défense de la Bosnie-Herzégovine, il est

12 stipulé que le HVO fait partie des forces armées du pays. Toutefois, et

13 c'est regrettable, à l'exception des unités armées du HVO de Sarajevo et

14 de Posavina, ces unités du HVO vont par la suite appliquer la politique du

15 HDZ, politique qui n'avait pas grand-chose à voir avec les dispositions de

16 la loi sur la défense.

17 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, s'agissant du HVO,

18 j'ai une question à vous poser. En 1992, et particulièrement d’avril à

19 décembre 1992, même si officiellement le HVO était supposé se trouver

20 placé sous les ordres des états-majors municipaux, savez-vous si, dans la

21 réalité, ces unités du HVO étaient effectivement soumises aux ordres des

22 états-majors municipaux ?

23 M. Divjak (interprétation). - Ces unités étaient sous les ordres

24 des états-majors municipaux, mais cela dans les structures de l’Etat de

25 Bosnie-Herzégovine. Je veux donc dire que, dans les villages où le pouvoir

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1 installé a été un pouvoir croate, les unités du HVO ont bien respecté

2 leurs engagements. Par contre, celles se trouvant à Sarajevo et à Posavina

3 étaient au départ sous les ordres de la Défense territoriale, plus tard

4 sous les ordres de l'armée de Bosnie-Herzégovine, et non pas sous les

5 ordres du Conseil croate de la défense.

6 Il y a là, sans doute, une comparaison à établir, si vous me le

7 permettez. De la même façon que le pouvoir a été créé par des Serbes en

8 Bosnie, les Croates, dans certaines parties de la Bosnie-Herzégovine, ont

9 créé leur propre pouvoir et leur propre gouvernement.

10 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que je vous comprends

11 bien, Monsieur, en entendant qu’au cours de l'année 1992, il y a eu en

12 Bosnie-Herzégovine des endroits où le HVO n'obéissait pas aux ordres des

13 états-majors municipaux, même si officiellement, sur le papier, ces unités

14 étaient censées le faire ? Est-ce bien cela que vous venez de dire,

15 Monsieur ?

16 M. Divjak (interprétation). - Ces unités du HVO étaient placées

17 sous le commandement des états-majors municipaux, dans les municipalités

18 où la majorité revenait au peuple bosnien. Cependant, dans les endroits où

19 ces unités du HVO étaient avec l'armée de Bosnie-Herzégovine, elles

20 étaient versées dans les unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine et

21 n'avaient plus à obéir aux ordres des états-majors municipaux.

22 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que je vous comprends

23 bien lorsque j'entends que vous dites que, dans certaines régions, le HVO

24 agissait sous les ordres des états-majors municipaux alors que dans

25 d'autres régions, là où les Musulmans bosniaques n'étaient pas la

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1 majorité, les unités du HVO n'obéissaient pas à ces ordres des états-

2 majors municipaux ? Est-ce bien cela, Monsieur ?

3 M. Divjak (interprétation). - La première partie de votre

4 intervention est juste, la deuxième non. Dans les endroits où la majorité

5 revenait au peuple bosnien, ces unités faisaient partie des structures de

6 l'armée de Bosnie-Herzégovine et agissaient aux côtés de l'armée de

7 Bosnie-Herzégovine. Autrement dit, elles étaient sur un pied d'égalité

8 avec les autres unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Elles entraient

9 dans une composition mixte de l'armée de Bosnie-Herzégovine et obéissaient

10 aux ordres des commandants chargés de ces unités et du commandement

11 suprême de l'armée.

12 Mme McHenry (interprétation). - Revenons en peu en arrière,

13 Monsieur. Vous avez déclaré que la législation a été changée, au mois de

14 mai, à Sarajevo, pour permettre la création de l'Etat de Bosnie-

15 Herzégovine. Pourriez-vous nous donner quelques explications

16 supplémentaires et nous dire comment la Défense territoriale a été

17 transformée en armée de Bosnie-Herzégovine à ce moment-là ? Et nous

18 redire si cela s'est passé exclusivement au mois de mai ou si le processus

19 a duré quelque temps ?

20 M. Divjak (interprétation). - Etant donné le fait que la Défense

21 territoriale n'a fait, au départ, que poursuivre la mise en oeuvre des

22 objectifs qui étaient déjà les siens, étant donné la menace subie par la

23 Bosnie-Herzégovine dans toutes ces localités, le désir est né de mettre en

24 oeuvre tous les moyens possibles pour se défendre.

25 La décision a été prise de créer l'armée de Bosnie-Herzégovine

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1 qui devait être un moyen, une ressource supérieure et de meilleure

2 qualité, pour défendre l'Etat de la Bosnie-Herzégovine. De cette façon,

3 l'armée de Bosnie-Herzégovine devait incarner un système plus solide de

4 commandement. Au sein du système qui venait de démarrer, des rapports

5 structurés devaient être mis en place, à savoir que l’armée de Bosnie-

6 Herzégovine nouvellement créée devait être une structure plus solide, plus

7 ferme, que l'ancienne Défense territoriale. Dans un premier temps, des

8 brigades ont été créées. Plus tard...

9 Mme McHenry (interprétation). - Quand, à peu près, les brigades

10 ont-elles été créées ?

11 M. Divjak (interprétation). - Cela dépendait des endroits. Il y

12 a eu quelques rivalités dans les différentes localités de Bosnie-

13 Herzégovine. C’est à Zenica, à la fin du mois de juin et au début du mois

14 de mai, que la première brigade a vu le jour. Les responsables de la

15 défense de Tuzla affirment également avoir créé leur brigade à peu près à

16 cette même époque. Mais, déjà au mois de septembre, des corps d'armée ont

17 été mis en place.

18 Il a été possible de décider de créer, à ce moment-là, l’armée

19 parce que les armements et les munitions disponibles étaient déjà en

20 quantité un peu plus grande que par le passé. Bien entendu, vous allez me

21 demander comment cela se fait. Compte tenu du fait que nos armements se

22 trouvaient dans les arsenaux de l'armée populaire yougoslave, compte tenu

23 du fait que la présidence de la Bosnie-Herzégovine exigeait que les armes

24 qui appartenaient par le passé à la Défense territoriale de la République

25 de la Bosnie-Herzégovine soient restituées au peuple de Bosnie-

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1 Herzégovine, et que la JNA refusait de le faire, une partie des armements

2 stockés dans les arsenaux de l’armée populaire yougoslave a d'abord était

3 bloquée par la Défense territoriale. Puis, la Défense territoriale s'en

4 est servie pour s’armer elle-même. Plus tard, en mai, juin et juillet, une

5 partie des armements et des munitions disponibles de la Défense

6 territoriale a provenait des armes et des munitions confisquées à

7 l'agresseur.

8 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, est-il exact que

9 lorsque la Défense territoriale a été transformée en armée de Bosnie-

10 Herzégovine il y a eu un changement de dénomination ? Dans les

11 municipalités, cette armée n’a plus porté le nom de Défense territoriale,

12 mais d’Etat-major municipal de l’armée de Bosnie-Herzégovine ?

13 M. Divjak (interprétation). - Il y a eu effectivement

14 modification des structures. Dans un premier temps, l’état-major de la

15 Défense territoriale, qui a eu alors des compétences un peu plus

16 importantes qu'au moment de la création de l’armée de Bosnie-Herzégovine,

17 a été nommée Etat-major des forces armées. A partir de ce moment-là, cet

18 état-major a été chargé de mener à bien les actions relevant des forces

19 armées de la police, de la Défense territoriale et du HVO. Cette façon de

20 fonctionner des états-majors municipaux n'ayant pas donné de résultats

21 satisfaisants, les compétences qui leur étaient dévolues ont été réduites

22 et les tâches qui leur étaient confiées ont été diminuées.

23 A ce moment-là, ont été créés des brigades et des corps d'armée,

24 ce qui a réduit le nombre de leurs tâches pratiquement à deux : première

25 tâche, effectuer la mobilisation ; deuxième tâche, assurer les

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1 approvisionnements en matériels, c'est-à-dire répondre aux besoins en

2 logistique des unités placées sous leur responsabilité.

3 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, qui avait compétence

4 pour nommer les commandants de la Défense territoriale, aussi bien au tout

5 début de la guerre qu'au moment où la Défense territoriale s'est

6 transformée en armée de Bosnie-Herzégovine ?

7 M. Divjak (interprétation). - Pour les états-majors municipaux,

8 pour l'Etat-major de la République de la Défense territoriale, la

9 présidence nommait les commandants. Très souvent, et lorsque la situation

10 l'exigeait, cette tâche était accomplie au nom de la présidence de la

11 République. Le chef d'état-major de la Défense territoriale, qui ensuite

12 est devenue l’armée de Bosnie-Herzégovine, signait très souvent à la place

13 de l'état-major de la République les décisions de nominations. Au niveau

14 inférieur, c'est-à-dire au niveau des états-majors municipaux, le

15 commandant de l'état-major suprême signait ces décisions. Plus tard, au

16 moment où l'armée de Bosnie-Herzégovine a existé, une partie des

17 compétences en question a été dévolue aux commandants. Certaines des

18 compétences des commandants des unités ont été dévolues aux commandants

19 des corps d'armée et des brigades.

20 Mme McHenry (interprétation). - Devant qui la Défense

21 territoriale était-elle responsable notamment dans les régions où les

22 états-majors n'existaient pas ?

23 M. Divjak (interprétation). - Elle était directement responsable

24 devant le quartier général de l’état-major de Bosnie-Herzégovine,

25 autrement dit directement responsable devant le chef d'état-major et ses

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1 subordonnés.

2 Mme McHenry (interprétation). - Lorsque vous mentionnez le

3 quartier général de l'état-major, vous parlez bien du quartier général de

4 Sarajevo, n'est-ce pas ?

5 M. Divjak (interprétation). - Oui, de Sarajevo, au niveau du

6 commandant et de ses adjoints. Dans le système de commandement, il y a une

7 ligne directe entre les commandants et leurs adjoints. C'est ainsi qu'il y

8 a d'une part la logistique, d'autre par le moral des troupes, les

9 transmissions. Chacune de ces actions est dévolue à un adjoint du

10 commandant.

11 Mme McHenry (interprétation). - Y a-t-il eu, au départ, une

12 police militaire qui faisait partie de la Défense territoriale, puis, plus

13 tard, des états-majors de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

14 M. Divjak (interprétation). - Là, nous rentrons déjà dans le

15 détail de l'organisation des formations. Il importe de comprendre que dans

16 chacun des commandements des états-majors municipaux, et bien entendu la

17 situation était la même au départ au niveau de l'état-major de la

18 République, il existait une instance dont la tâche consistait à défendre

19 le sort des particuliers et des biens contre toute action hostile. Cette

20 instance portée le nom d'un organe chargé de la sécurité et c'est elle qui

21 constituait les unités chargées de la défense, d’abord au niveau du

22 commandement, puis au niveau de la documentation, des bâtiments. Ensuite,

23 à partir des états-majors militaires et jusqu’aux brigades, chaque

24 formation avait sa police. Par exemple, au mois de mai 1992, nous avons

25 créé un bataillon de la police militaire qui dépendait de l'état-major

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1 militaire au niveau de la République et dont la tâche fondamentale

2 consistait à défendre les bâtiments et les personnes auxquelles étaient

3 confiées les tâches les plus importantes au niveau de la République. Il

4 aurait fallu qu’une telle instance existe également au niveau des états-

5 majors municipaux et donc que la police fasse partie aussi des structures

6 municipales.

7 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Monsieur, vous avez déjà

8 parlé des problèmes qui ont surgi sur le terrain. J’aimerais vous poser la

9 question suivante. Dans la première étape de la guerre, y a-t-il eu

10 parfois des problèmes pour appliquer la procédure prescrite par la loi et

11 les décrets officiels en raison notamment de difficultés survenues sur le

12 terrain ?

13 M. Divjak (interprétation). - Il importe de bien connaître la

14 situation globale dans laquelle s'est trouvé l'ensemble de la défense de

15 la Bosnie-Herzégovine. D'un côté, il restait des lois et des décrets qui,

16 à une certaine époque, avaient permis, de façon tout à fait satisfaisante,

17 de mettre en oeuvre les structures de commandement et de direction. Avant

18 tout en raison de motifs objectifs, mais parfois également en raison de

19 motifs subjectifs, ce système un jour n'a plus pu fonctionner.

20 J'aimerais vous citer en exemple ce que nous avons déjà dit, à

21 savoir que c'est la législation qui établit que les forces armées

22 constituent la puissance militaire. Ces forces armées sont composées de

23 l'armée du HVO, de la police et des forces de sécurité chargées de la

24 sécurité des biens. Ce concept a très rarement était appliqué dans la

25 pratique. Si je m'appuie sur mon expérience personnelle, je peux dire

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1 qu'il est rarement arrivé qu’à la demande du commandant de l'état-major

2 des forces armées de Bosnie-Herzégovine des représentants de la police de

3 Bosnie-Herzégovine aient participé aux opérations de combats, même si

4 c'est bien la police qui, à Sarajevo, a subi les premiers coups au moment

5 de l'agression de la ville. De même, et c'est regrettable, jamais il n'est

6 arrivé que le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine participent ensemble,

7 sur l'ensemble du territoire, à la défense du pays.

8 Je vais vous citer une de mes expériences personnelles. Au mois

9 de juin, une tentative a été faite pour casser le siège de la ville de

10 Sarajevo. Je me suis trouvé moi-même à même d'utiliser la radio pour

11 annoncer que des unités de Kiseljak, de la Défense territoriale et des

12 unités du HVO allaient traverser Ilidza pour participer à cette tentative

13 de libéralisation de la ville de Sarajevo. Malheureusement, très peu de

14 temps après avoir fait cette annonce, nous avons reçu un message de notre

15 état-major de Kiseljak qui nous annonçait que les unités de Kiseljak

16 n’avaient pas eu l'autorisation de circulation, et donc qu'elles ne

17 pouvaient, à leur regret, participer à cette tentative de libération de

18 Sarajevo, car elles n’avaient pas été autorisées à traverser le territoire

19 contrôlé par le HVO.

20 Il faut aussi parler du système de télécommunication qui a joué

21 un très grand rôle dans l'agression vécue par la ville. Je dois le dire,

22 car il n'y avait aucun moyen d'utiliser les moyens électroniques pour

23 acheminer à temps les informations, les annonces, les ordres, vers les

24 diverses unités concernées. Il pouvait arriver que des ordres ou des

25 informations prennent plusieurs jours pour arriver à leur destinataire.

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1 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, étant donné les

2 problèmes sur le terrain, y compris de transmission, était-il vrai que

3 certains états-majors municipaux fonctionnaient parfois de façon plus

4 indépendante que Sarajevo ? Savez-vous, par exemple, s’il est arrivé que

5 la présidence de guerre nomme des personnes à des fonctions de commandant

6 de la Défense territoriale et ce sans avoir l'agrément de la présidence de

7 Sarajevo ou des instances militaires de Sarajevo ?

8 M. Divjak (interprétation). - Je n'ai pas vécu personnellement

9 ce type d’expérience. Je parlerai d'une façon plus théorique. Il existait

10 deux lignes de commandement, si je puis m'exprimer ainsi, d'une part la

11 présidence et les présidences de guerre municipales, d'autre par la

12 filière militaire.

13 Donc il pouvait arriver que quelqu'un soit nommé à un poste sans

14 que cette nomination soit transmise à la connaissance de l'état-major de

15 l'armée. Je vais essayer de m'expliquer. Dans les rangs de l'armée de

16 Bosnie-Herzégovine, qui était auparavant la Défense territoriale, il

17 existait un mode d'information du commandement suprême des forces armées

18 de Bosnie-Herzégovine, mode d’information qui se pratiquait au quotidien,

19 à savoir qu'au-dessus de l'armée de la Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire

20 des forces armées, se trouvait le commandement suprême, composé des

21 membres de la présidence de la Bosnie-Herzégovine, du ministre de la

22 Défense, du ministre de l'Intérieur et de quelques autres personnalités

23 dont les attributions consistaient à organiser et à mener à bien la

24 défense de la Bosnie-Herzégovine.

25 A l'origine, il y a eu des cellules de crise au niveau des

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1 présidences, puis mélange des structures civiles et militaires au niveau

2 de ce qui s'est appelé la présidence de guerre. Cette structure mixte

3 militaro-civile pouvait également faire des propositions à la Présidence.

4 Le commandant informait tous les jours le Commandement suprême

5 qu'il était donc possible d'informer de sa position sur un projet de

6 nomination de telle ou telle personne à tel ou tel poste.

7 Maintenant, je vous donne mon point de vue personnel :

8 s'agissant de la création des cadres à des postes de responsabilités et

9 des propositions de nomination faites dans ce sens, je pense que le parti

10 des Bosniens, c'est-à-dire le SDA, a joué un rôle très important eu égard

11 à la nomination des cadres bosniens.

12 Le SDA, évidemment, ne faisait que renforcer les points déjà

13 marqués par certains au niveau des états-majors municipaux ou d'autres

14 structures de niveau inférieur. Je n'ai jamais entendu dire que quelqu'un

15 ait placé qui que ce soit à un poste de commandement au niveau d'une

16 municipalité sans que cela ait été fait avec l'accord des structures

17 suprêmes de l'armée, c'est-à-dire du Commandement suprême de l'armée de

18 Bosnie-Herzégovine.

19 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, en 1992, vous êtes-

20 vous rendu dans la municipalité de Konjic à un moment quelconque ?

21 M. Divjak (interprétation). - Oui. Le 17 octobre 1992, je me

22 suis rendu dans la municipalité de Jablanica et le même jour dans la

23 municipalité de Konjic. Je pense que je devrais vous fournir quelques

24 explications sur les raisons pour lesquelles je me suis trouvé dans ces

25 lieux.

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1 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, avant que vous ne

2 fournissiez ces explications, est-il exact que votre première visite à

3 Konjic depuis le début de la guerre s'est située le 17 octobre 1992,

4 qu'autrement dit vous n'auriez pas été à Konjic avant cette date ?

5 M. Divjak (interprétation). - Non, je ne m'y étais pas trouvé

6 avant cette date. Le 17 octobre 1992, dans l'après-midi, aux environs de

7 18 heures, je me suis trouvé sur le territoire de la municipalité de

8 Konjic, et c'était bien la première fois, le 17 octobre 1992.

9 Mme McHenry (interprétation). - Parlant de la période qui a

10 précédé votre arrivée à Konjic -je parle plus précisément de la période

11 qui se situe entre le mois d'avril et le 17 octobre-, ai-je raison de

12 penser que vous ne saviez pas quelle était la situation sur le terrain à

13 Konjic ? Vous ne saviez même pas de quelle façon les forces opéraient à

14 Konjic ?

15 M. Divjak (interprétation). - Non, j'ignorais tout à ce sujet

16 pour une raison très simple : au sein de l'état-major de l'armée de

17 Bosnie-Herzégovine, des attributions déterminées étaient dévolues à telle

18 ou telle personne, toutes ensemble étant chargées de suivre la situation

19 globale en Bosnie-Herzégovine.

20 Compte tenu du fait qu'à l'époque, j'étais adjoint au chef

21 d'état-major de l'armée de Bosnie-Herzégovine, mes activités étaient

22 principalement concentrées sur la région de Sarajevo et de ses environs.

23 Les informations qui provenaient du terrain étaient d'abord transmises au

24 responsable des opérations avant de parvenir au commandant. A l'époque, je

25 ne disposais pas de la moindre possibilité de participer au problème, et

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1 encore moins de participer à un quelconque règlement de ce problème.

2 Mme McHenry (interprétation). - Est-il exact, Monsieur, qu'à

3 l'époque, vous ne saviez pas quels étaient les différents commandants de

4 la Défense territoriale sur le terrain ? Je parle toujours de la période

5 précédant votre arrivée à Konjic ?

6 M. Divjak (interprétation). - Non, je ne le savais pas, mais je

7 viens d'essayer de vous expliquer qu'à cette époque-là, mon activité

8 fondamentale ne se situait pas au niveau des états-majors municipaux mais

9 à un niveau supérieur.

10 Mme McHenry (interprétation). - De façon que nous ayons une idée

11 globale, Monsieur -je reviendrai sur la période que vous avez passée à

12 Konjic- pouvez-vous nous dire de façon générale combien de temps vous êtes

13 resté dans la région de Konjic à partir du 17 octobre ?

14 M. Divjak (interprétation). - En comptant mon temps de liberté

15 -là, c'est une plaisanterie !-, j'y ai passé quarante jours plus vingt-

16 huit pendant lesquels mon armée tentait d'empêcher que l'on me tue. J'ai

17 donc passé au total quarante-deux jours sur le territoire de Konjic.

18 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, pouvez-vous nous dire

19 pour quelle raison vous avez été envoyé à Konjic et quelles y ont été vos

20 responsabilités ?

21 M. Divjak (interprétation). - Etant donné que nous n'étions pas

22 satisfaits de la mise en place des activités de défense sur le territoire

23 de la Bosnie-Herzégovine, la Présidence a pris la décision de transférer

24 l'état-major de la Bosnie-Herzégovine ailleurs. Ceci voulait dire que le

25 commandant de l'état-major, avec un certain nombre de ses adjoints, devait

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1 commander, devait être chargé des combats armés sur le territoire d'Igman,

2 à savoir un territoire libre au sein de la Bosnie-Herzégovine.

3 Etant donné qu'à l'époque, je faisais partie de la délégation de

4 l'Etat de Bosnie-Herzégovine, lors d'une session des Nations Unies en

5 septembre 1992, j'ai profité de l'occasion, lors la conférence de presse

6 mais aussi lorsque j'ai été au contact direct avec les plus hauts

7 responsables militaires américains, pour parler de ce qui se passait en

8 Bosnie-Herzégovine, de l'agression que ce pays a subie, du génocide

9 perpétré sur la population bosniaque, y compris sur les Serbes et les

10 Croates qui n'acceptaient pas la politique du SDS ou du HDZ.

11 Comme j'étais à la fois le représentant de l'état-major et

12 Serbe, il fallait à mon retour que nous retrouvions le chef de l'état-

13 major de la Bosnie-Herzégovine sur le mont d'Igman. Ainsi, pour des

14 raisons que je n'ai jamais comprises, il a fallu que je prenne un taxi

15 pour y accéder, pour éviter soi-disant que quelqu'un ne m'arrête. C'est

16 donc ainsi que je suis allé à Konjic, afin de préparer le logement et les

17 conditions matérielles permettant au chef de l'état-major de quitter la

18 région, mais aussi, en même temps, pour examiner la situation en ce qui

19 concerne les combats et en faire rapport au chef de l'état-major par la

20 suite.

21 Mme McHenry (interprétation). - Avant de vous rendre à Konjic,

22 connaissiez-vous M. Zejnil Delalic ?

23 M. Divjak (interprétation). - Non.

24 Mme McHenry (interprétation). - Lorsque vous êtes allé à Konjic,

25 avez-vous eu l'occasion de le rencontrer ?

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1 M. Divjak (interprétation). - Avant, vous voulez dire ?

2 Mme McHenry (interprétation). - Non, je m'excuse : après, quand

3 vous êtes allé à Konjic, dans la période entre le 17 octobre et plus tard,

4 avez-vous rencontré M. Zejnil Delalic ?

5 M. Divjak (interprétation). - Oui, je l'ai vu une dizaine de

6 fois.

7 Mme McHenry (interprétation). - D'accord. Pendant la période où

8 vous étiez à Konjic, quel était le poste qu'occupait M. Delalic ?

9 M. Divjak (interprétation). - Pour moi, c'était le commandant du

10 Groupe tactique numéro 2.

11 Mme McHenry (interprétation). - Savez-vous qui l'a nommé à ce

12 poste au sein du Groupe tactique 2 ?

13 M. Divjak (interprétation). - Tout à l'heure, j'ai répondu par

14 l'affirmative, qu'il était le commandant du Groupe tactique 2, mais il

15 faut savoir qu'avant que je ne le rencontre pour la première fois, je ne

16 savais même pas qu'il était le commandant du Groupe tactique 2.

17 Je n'ai pas vu de document, mais je crois qu'il a été nommé à ce

18 poste par le chef d'état-major de la Bosnie-Herzégovine selon le principe

19 dont j'ai parlé tout à l'heure. Il fallait que ce soit donc le Président

20 de la Présidence de la Bosnie-Herzégovine.

21 Cela étant, j'ai déjà dit qu'à un certain moment, la Présidence

22 pouvait déléguer une partie de ses propres compétences au chef de l'état-

23 major de la Bosnie-Herzégovine.

24 Mme McHenry (interprétation). - A l'époque, qui était le chef de

25 l'état-major de la Bosnie-Herzégovine ?

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1 M. Divjak (interprétation) - Monsieur Sefer Halilovic.

2 Mme McHenry (interprétation). - Si j'ai bien compris, vous avez

3 dit que M. Delalic était le commandant du Groupe tactique numéro 2. Vous

4 rappelez-vous quel numéro portait le groupe tactique dont M. Delalic était

5 responsable ? En ce qui concerne le groupe tactique numéro 1, pouvez-vous

6 me dire qui était le commandant ? C'était peut-être M. Delalic ?

7 M. Greaves (interprétation). - Je suis désolé, mais le témoin a

8 déjà donné la réponse en ce qui concerne le responsable du groupe tactique

9 numéro 2. Il n'est donc pas normal de lui poser la question afin qu'il

10 donne une réponse différente.

11 M. Divjak (interprétation) - Je n'ai pas compris la question.

12 Vous me demandez s'il a été commandant de plusieurs groupes tactiques,

13 c'est cela ?

14 Mme McHenry (interprétation). - Je vous demande si vous êtes sûr

15 que le groupe tactique dont M. Delalic était responsable était le groupe

16 tactique numéro 2, ou bien s'il s'agissait d'un autre groupe tactique.

17 M. Divjak (interprétation) - Je vous ai dit qu'il s'agissait du

18 groupe tactique n° 2, mais je ne sais pas exactement quelles unités

19 faisaient partie de ce groupe tactique numéro 2.

20 Je vais vous expliquer : un groupe tactique est une formation

21 provisoire qui regroupe un nombre varié d'unités, de structures et

22 d'organisations. Il s'agit là d'une structure équivalente à un bataillon

23 renforcé qui peut inclure l'infanterie, l'artillerie, les unités blindées,

24 les unités d'ingénierie, de liaison, etc. Je ne peux pas vous dire quelle

25 était la force de cette structure.

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1 Mme McHenry (interprétation). - Le commandant d'un groupe

2 tactique avait-il un poste important au sein de l'armée de

3 Bosnie-Herzégovine ?

4 M. Divjak (interprétation). - Etant donné qu'il s'agissait de

5 structures provisoires, le commandement d'un groupe tactique pouvait être

6 entre les mains d'officiers de différents rangs. Les groupes tactiques

7 étant créés dans un certain but et pour une période déterminée. Lorsque la

8 tâche était accomplie, le groupe tactique était supprimé. Comme il

9 s'agissait d'une structure équivalente à un bataillon renforcé, la

10 pratique en Bosnie-Herzégovine a démontré un certain décalage par rapport

11 à la théorie.

12 A l'époque, il n'existait pas de grades au sein de l'armée de la

13 Bosnie-Herzégovine concernant ceux qui ont intégré et qui ont quitté

14 l'armée populaire yougoslave. Même si, pour la plupart d'entre nous, nous

15 avions renoncé à nos grades, lorsqu'on s'adressait à nous, on le faisait

16 en utilisant nos anciens grades. Mais quand nous devions nous adresser aux

17 autres, nous utilisions leurs fonctions propres : commandant ou chef. Je

18 pense qu'à cette époque-là, Zejnil Delalic n'avait pas de grade.

19 Quant à savoir quel était le grade d'un commandant d'un groupe

20 tactique, je vais vous relater une de mes expériences liées à Sarajevo,

21 qui n'explique rien de particulier en ce moment. Cependant, il faut savoir

22 qu'il arrivait qu'à Sarajevo, alors qu'un individu avait le grade de

23 major, parler du grade d'un commandant du groupe tactique dépendait de

24 l'époque de sa nomination à ce poste. S'il était colonel, il le restait.

25 S'il était capitaine, il en était de même.

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1 Mme McHenry (interprétation). - Savez-vous qui était le

2 supérieur de M. Delalic ?

3 M. Divjak (interprétation) - Dans ce système de commandement,

4 logiquement le chef de l'état-major de la Bosnie-Herzégovine devait être

5 le supérieur en tant que commandant du groupe tactique numéro 1.

6 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous dire si

7 M. Delalic était le commandant du groupe tactique numéro 1 ou celui du

8 groupe tactique numéro 2 ?

9 M. Greaves (interprétation). - C'est la deuxième fois que

10 Me McHenry essaye de poser la même question.

11 Mme McHenry (interprétation). - Je souhaite éclaircir ce que

12 M. Divjak vient de mentionner dans sa réponse.

13 M. le Président (interprétation). - Pour le moment, ce n'est pas

14 la peine de poser cette question. Vous pourrez le faire par la suite.

15 Mme McHenry (interprétation). - Vous rappelez-vous de la date et

16 de l'endroit où vous avez rencontré M. Delalic pour la première fois ?

17 M. Divjak (interprétation) - Le 17 octobre, je me trouvais chez

18 lui. On essayait de résoudre le problème de Juica Prazina. Il s'agissait

19 d'un commandant de l'armée de Bosnie-Herzégovine peu discipliné.

20 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous donner les

21 détails de cette première rencontre avec M. Delalic. Que s'est-il passé

22 pendant cette rencontre ?

23 M. Divjak (interprétation) - Je suis venu de Croatie en Bosnie-

24 Herzégovine d'une manière peu appropriée. Lorsque je dis peu appropriée,

25 je veux parler du fait que j'ai été l'adjoint du chef de l'état-major de

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1 la Bosnie-Herzégovine. Etant donné que les personnes qui devaient

2 respecter ce fait n'ont rien fait pour permettre à une personne détenant

3 un tel poste de se rendre sur le territoire d'Igman, conformément à

4 l'accord que nous avions passé à Sarajevo le 20 septembre 1992, je vous ai

5 déjà indiqué que j'avais fait un grand détour, en taxi, par Posusjce

6 jusqu'à Jablanica.

7 Lorsque j'ai parlé avec le commandant de la Défense territoriale

8 de Jablanica, j'ai reçu un appel de Konjic. On me disait qu'il fallait que

9 je m'y rende de toute urgence, à cause des problèmes qui venaient de

10 surgir. Je ne connaissais pas les détails de la situation. Ils m'ont fait

11 venir en véhicule jusqu'aux bâtiments où se trouvaient M. Delalic et

12 plusieurs personnes. J'en ai reconnu deux : M. Juica Prazina, que je

13 connaissais et qui à l'époque était le commandant de la brigade spéciale

14 de l'armée de Bosnie-Herzégovine, et il y avait également Dragan Andric.

15 Je le connaissais déjà avant la guerre.

16 C'était la première fois que je voyais M. Delalic. J'ai été

17 surpris par sa force et par sa taille étant donné qu'à l'époque beaucoup

18 de choses se passaient en Bosnie-Herzégovine et donc que peu de gens

19 étaient en grande forme physique. Il m'a montré un document dans lequel le

20 chef de l'état-major de Bosnie-Herzégovine donnait ordre d'examiner le cas

21 du commandant de la brigade spéciale de la Bosnie-Herzégovine de l'époque.

22 En effet, le 15 octobre, Juica Prazina s'était rendu à Igman pour la

23 première fois. Il était entré dans le commandement d'une de nos unités et

24 avait attaqué physiquement les membres de l'état-major.

25 Mme McHenry (interprétation). - Permettez-moi de vous guider un

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1 peu plus, s'il vous plaît. Peut-on dire que lorsque vous avez rencontré

2 M. Delalic, il vous a exposé la situation à Konjic ? Ou bien a-t-il donné

3 cette tâche à quelqu'un d'autre ?

4 M. Divjak (interprétation) - Je peux vous dire qu'à ce moment-

5 là, ce n'était pas le cas. On parlait alors d'un problème qu'il fallait

6 résoudre alors qu'en même temps, je n'avais pas la possibilité de

7 connaître les détails de la situation à Konjic.

8 Permettez-moi de lire encore deux phrases seulement. Donc : "Le

9 commandant de l'état-major a donné l'ordre de résoudre le problème lié à

10 Juica. Il fallait donc examiner, il fallait interroger tous ceux qui

11 étaient présents lors de cet incident, et notre décision a été que,

12 pendant un certain temps, ils devaient être emprisonnés afin de nous

13 permettre d'établir la vérité sur ce qui s'était à Igman".

14 Peut-être n'est-ce pas pertinent, mais je peux vous dire que le

15 lendemain, le 18 octobre, M. Delalic a fait à appeler M. Andric, qui avait

16 un poste au sein de l'état-major de la Défense territoriale de Konjic,

17 pour lui demander de lui donner des informations concernant la situation

18 militaire dans la région de Konjic. C'est alors que j'ai reçu des

19 informations importantes concernant la situation militaire dans cette

20 région. Vous pouvez vous imaginer de quoi il s'agissait : des positions de

21 l'ennemi, des positions de nos propres unités et des unités de l'armée de

22 Bosnie-Herzégovine, de celles du MUP et du HVO. Il m'a informé de la

23 décision de l'état-major relative à la défense de Konjic et il m'a exposé

24 les problèmes liés, à l'époque, à la défense de Konjic.

25 Mme McHenry (interprétation). - Pendant la période que vous avez

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1 passée à Konjic, avez-vous vu M. Delalic en train de rencontrer d'autres

2 représentants de l'état-major du Commandement suprême de Sarajevo ?

3 M. Divjak (interprétation) - Oui, mais seulement plus tard, vers

4 le début du mois de novembre. A cette époque-là déjà, c'est-à-dire pendant

5 que j'y étais, des représentants du Commandement suprême de la Bosnie-

6 Herzégovine venaient dans cette région avec pour tâche de préparer la

7 levée du blocus de Sarajevo. A cette époque-là, M. Karic Vehbija, par

8 exemple, est venu en tant que représentant du Commandement suprême.

9 Ensuite sont venus Alija Ismet, Mirsad Causevic et beaucoup d'autres qui

10 passaient par Konjic pour se rendre ailleurs accomplir leur tâche.

11 Cependant, je n'étais pas présent lors des discussions ou rencontres -si

12 jamais il y en a eu- entre ces personnes-là.

13 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Savez-vous si M. Delalic

14 a envoyé des rapports écrits ou bien s'il a fait des rapports oraux

15 concernant la situation à Konjic?

16 M. Divjak (interprétation) - Je ne sais pas s'il avait une

17 communication régulière avec le commandement, mais je pense qu'en tant que

18 commandant du groupe tactique, il était probablement tenu de le faire. Je

19 sais qu'une fois, il m'a montré un rapport concernant la situation qui

20 s'était créée suite à l'action du HVO dans la région de Prozor. Il

21 s'agissait là d'une situation dramatique et cela apparaissait dans le

22 rapport par lequel il demandait de l'aide afin de résoudre ce problème.

23 Mme McHenry (interprétation). - Pour clarifier les choses,

24 s'agissait-il d'un rapport envoyé à l'état-major de l'armée de Bosnie-

25 Herzégovine à Sarajevo ?

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1 M. Divjak (interprétation) - Cela a été préparé, mais je ne sais

2 pas de quelle manière cela a été envoyé au Commandement suprême. Je vous

3 ai déjà parlé du problème principal. Entre le 18 et le 19, il y a eu un

4 regain de tension entre HVO et les citoyens bosniens à Prozor. En effet,

5 entre le 23 et le 24, une unité militaire du HVO a fait son apparition

6 -nous avons pu constater par la suite qu'il s'agissait de forces qui

7 appartenaient à l'armée croate-, avec des chars. Ces forces étaient sous

8 le commandement de M. Smidt.

9 Mme McHenry (interprétation). - Je pense qu'il serait plus utile

10 que je vous guide dans les questions et si, par la suite, vous pensez que

11 vous n'avez pas pu vous exprimer complètement, vous pourrez me le dire. Je

12 veux vous poser la question suivante : pendant les problèmes dont vous

13 avez parlé dans la région de Prozor, quelqu'un de l'état-major municipal

14 de Prozor a-t-il envoyé un rapport à M. Delalic concernant ces problèmes ?

15 M. Divjak (interprétation) - Je ne sais rien en ce qui concerne

16 l'existence d'un rapport, mais M. Sabic, le commandant de l'état-major

17 municipal, est venu et il a dressé un tableau dramatique de ce qui se

18 passait avec les Bosniens dans la région de Prozor.

19 Mme McHenry (interprétation). - Pour l'instant, je ne vais pas

20 vous poser de questions concernant les détails sur ce qui se passait à

21 Prozor. Simplement, par la suite, lorsque les journalistes de la

22 télévision vous ont interviewé avec M. Delalic, avez-vous discuté des

23 problèmes de Prozor ?

24 M. Divjak (interprétation) - Je ne connais pas les détails de

25 cette interview, mais je l'ai accordée tout simplement parce qu'il fallait

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1 faire savoir au public en Bosnie-Herzégovine ce qui se passait dans cette

2 région lié aux activités du HVO.

3 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur Delalic a-t-il, lui

4 aussi, accordé son interview dans le cadre de la même émission ?

5 M. Divjak (interprétation) - Je pense que oui, mais je ne suis

6 pas sûr. Je pense que Caric était présent lui aussi. Je me rappelle du

7 journaliste, c'était un dénommé Maric. Peut-être pourrait-il témoigner à

8 ce sujet.

9 Mme McHenry (interprétation). - Oui. Par la suite, nous nous

10 pencherons sur cet enregistrement, mais pour le moment, parlons encore de

11 Konjic. Pendant la période où vous étiez à Konjic, vous êtes-vous rendu

12 dans un entrepôt militaire pour faire un état de la situation ?

13 M. Divjak (interprétation). - Oui, mais non pas seulement les

14 entrepôts militaires. Je voulais savoir quelle était la situation globale

15 pour connaître la possibilité pour les unités de Jablanica, Konjic et

16 Mostar de participer à la levée du blocus de Sarajevo. Je suis donc allé

17 voir les entrepôts militaires. J’ai été très déçu parce que je m'attendais

18 à ce que la situation soit meilleure pour permettre d'utiliser des moyens

19 beaucoup plus importants.

20 Mme McHenry (interprétation). - Je vais poser une question plus

21 précise. Est-ce que vous vous êtes rendu dans un entrepôt situé à

22 Celebici ?

23 M. Divjak (interprétation). - Oui. Il s'agit d'un entrepôt

24 militaire. Etant donné que je vois quelque chose de semblable ici devant

25 moi, je pense que là il s'agirait de la structure marquée "H".

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1 Mme McHenry (interprétation). - A qui appartenait cet entrepôt,

2 qui avait le contrôle sur cette structure ?

3 M. Divjak (interprétation). - Il s'agissait du groupe

4 tactique 2.

5 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Qui vous a fait venir

6 dans cet entrepôt ?

7 M. Divjak (interprétation). - Bien sûr le commandant du Groupe

8 tactique 2. Il était la seule personne capable de le faire. Je parle donc

9 de M. Delalic.

10 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Lorsque vous vous êtes

11 rendu là-bas, est-ce que vous avez pu voir des bâtiments où l'on détenait

12 des prisonniers ?

13 M. Divjak (interprétation). - Je ne savais pas qu'il y avait de

14 tels bâtiments à Celebici. Tout ce que je voulais faire, c'était visiter

15 l'entrepôt. Concernant les prisonniers, je n'en savais rien.

16 Mme McHenry (interprétation). - Vous avez déjà parlé de

17 l'organisation de groupes tactiques. Est-ce que vous pouvez nous dire qui

18 était responsable en ce qui concerne le commandement de groupes

19 tactiques ?

20 M. Divjak (interprétation). - C'était l'état-major de la Bosnie-

21 Herzégovine.

22 Mme McHenry (interprétation). - Est-il vrai que seulement

23 certaines unités pouvoir faire partie d'un groupe tactique ? Est-il vrai

24 aussi qu'un groupe tactique pouvait avoir une responsabilité territoriale,

25 avec une responsabilité sur toutes les unités sur ce territoire ?

Page 8311

1 M. Divjak (interprétation). - Seulement sur le territoire

2 déterminé par l'état-major.

3 Mme McHenry (interprétation). - Nous pourrions maintenant lever

4 la séance et reprendre à midi.

5 L’audience, suspendue à 11 h 30, est reprise à midi.

6 M. le Président (interprétation). - Voulez-vous rappeler au

7 témoin qu'il dépose toujours sous serment.

8 Mme le Greffier. - Je vous rappelle, Monsieur, que vous déposez

9 toujours sous serment.

10 M. le Président (interprétation). - Veuillez poursuivre,

11 Maître McHenry.

12 Mme McHenry (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

13 Monsieur, parmi les unités et les soldats qui composaient un

14 groupe tactique, qui était chargé de l'ordre et de la discipline ?

15 M. Divjak (interprétation). - Veuillez m'excuser, je n'ai pas

16 entendu l'interprétation, je n'ai pas de son dans mes écouteurs.

17 Mme McHenry (interprétation). - Excusez-moi, je crois que vous

18 avez un problème d'écouteurs. Effectivement, les interprètes disent que la

19 cabine anglaise n'entend pas ce que dit le témoin, il y a un problème de

20 microphones visiblement. Je crois qu'il y a un problème.

21 M. Divjak (interprétation). - Un, deux, trois...

22 Mme McHenry (interprétation). - La cabine n'entend toujours pas.

23 M. le Président (interprétation). - Voyez avec les techniciens.

24 Vous dites que cela va prendre dix minutes.

25 M. le Président (interprétation). - Nous reviendrons quand le

Page 8312

1 problème sera résolu.

2 Mme McHenry (interprétation). - Merci.

3 L'audience, suspendue à 12 h 05, est reprise à 12 h 20.

4 M. le Président (interprétation). - Nous allons poursuivre la

5 séance jusqu’à 13 heures 15 au lieu de 13 heures. Mais ne nous trompons

6 pas, nous reprendrons à 14 heures 30 et non pas à 14 heures 45 comme nous

7 pourrions le faire. Par conséquent, nous ne perdrons pas de temps.

8 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

9 Maître McHenry, veuillez poursuivre.

10 Mme McHenry (interprétation). - Le problème technique a été

11 résolu.

12 Vous avez répondu à ma question précédente, mais comme votre

13 réponse n'a pas été interprétée, je vais vous la reposer. Qui était

14 responsable de l'ordre et de la discipline dans les unités, et parmi les

15 soldats faisant partie des groupes tactiques ?

16 M. Divjak (interprétation). - Globalement, il s'agissait du

17 commandant du groupe tactique. Mais au niveau de chaque unité, c'était le

18 commandant de l'unité ; au niveau de la section, le commandant de la

19 section ; au niveau de la compagnie, le commandant de la compagnie. Toutes

20 les personnes étaient responsables devant le commandant du groupe

21 tactique. Donc il s'agissait autant du commandant du groupe tactique que

22 du commandant des unités subordonnées à ce commandant du groupe tactique.

23 Le groupe tactique et son commandant n'avaient pas particulièrement de

24 responsabilité sur un soldat pris individuellement.

25 Mme McHenry (interprétation). - Qui était chargé de s'assurer

Page 8313

1 que le système des rapports ou le système de transmission de l'information

2 fonctionnait, des différents niveaux du groupe tactique jusqu'au

3 commandant du groupe tactique ?

4 M. Divjak (interprétation). - Un des éléments importants était

5 effectivement la transmission d'informations. Dans ce système, les

6 commandants d'unité devaient rendre compte des informations qu'ils

7 détenaient à leurs supérieurs, en cas d’informations concernant des

8 combats ou urgentes. Par conséquent, les commandants des unités faisaient

9 leurs rapports au commandant du groupe tactique.

10 Mme McHenry (interprétation). - Vous avez indiqué précédemment

11 que l'autorité d'un commandant de groupe tactique dépendait des tâches qui

12 lui avaient été assignées par le quartier général principal. Je voudrais

13 que soient présentées au témoin la pièce 99/7, annexe 9, et la pièce 99/7,

14 annexe 7. Nous avons des exemplaires pour les Juges. Ces documents ont

15 déjà été versés au dossier.

16 M. Ackerman (interprétation). - Le Procureur a-t-il également

17 des exemplaires pour la défense ?

18 Mme McHenry (interprétation). - Oui, nous en avons.

19 Puis-je poser la question suivante : le conseil de la défense a-

20 t-il reçu des exemplaires ? Non ? Excusez-moi.

21 (Les documents sont distribués à chaque partie.)

22 Je voudrais préciser un point. J'aimerais être sûre que les deux

23 annexes ont bien été distribuées au témoin, annexe 7 et annexe 9.

24 M. Divjak (interprétation). - Oui, j'ai la 7 et la 9.

25 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, je voudrais que vous

Page 8314

1 vous concentriez sur le document portant la date du 11 juillet, c'est-à-

2 dire l'annexe 9.

3 Mme Residovic (interprétation). - Veuillez m'excuser, puis-je

4 obtenir un exemplaire du document en bosniaque, s'il vous plaît ?

5 (Le document est remis à Mme Residovic.)

6 Mme McHenry (interprétation). - Veuillez examiner le document 9,

7 en date du 11 juillet. Pourriez-vous nous dire ce que dit ce document

8 concernant l'autorité donnée à M. Delalic ?

9 M. Divjak (interprétation). - J'interprète ce document de la

10 façon suivante. Il nomme M. Zejnil Delalic commandant du groupe tactique.

11 Il est dit : "groupe tactique n° 1". Je ne sais pas s'il y a une erreur ou

12 pas, mais cela n'est pas clair. On ne sait pas très exactement quelles

13 unités font partie de ce groupe tactique. Il s'agit des zones de Hadzici,

14 Pazaric, Konjic et Jablanica. Cela voudrait dire que les unités de ces

15 zones formeraient ce groupe tactique. Mais sur la base de ce document, on

16 ne peut pas savoir de quelles unités il s'agit.

17 En tant que commandant, Zejnil Delalic devait savoir de quelles

18 unités il s'agissait et quelles unités formaient ce groupe tactique. Je ne

19 vois pas où cela est dit dans le document.

20 Mme McHenry (interprétation). - Très bien. Passons au document

21 en date du 27 juillet, l’annexe 7. Pouvez-vous nous dire si ce document

22 établit les responsabilités et l'autorité de M. Delalic ?

23 M. Divjak (interprétation). - Même chose que pour le document

24 précédent : on ne voit pas très clairement quelles unités forment ce

25 groupe tactique. On parle des zones de Zenica, Jablanica, Prozor, Konjic,

Page 8315

1 Pazaric, Hadzici, Igman.

2 C'est un bon exemple de ce que j'ai essayé de vous dire

3 précédemment. Comme je l'ai souligné, la loi sur la défense de Bosnie-

4 Herzégovine stipule que les forces armées sont formées par l'armée de la

5 Bosnie-Herzégovine, le HVO, des unités du ministère de l'Intérieur ou la

6 police, et des unités faisant partie d’entreprises ou d’organismes d'Etat.

7 Par conséquent, je ne peux pas lire dans ce document quelles

8 formations ou quelles unités font partie du groupe tactique. Ce document

9 n'est pas précis. Il ne s'agit pas d'un document qui a été émis dans le

10 cadre d'opérations de combats.

11 Ce document dit également que toutes les nominations qui ont été

12 faites dans cette zone sont nulles et non avenues. Il s'agit simplement de

13 la nomination de Zejnil Delalic au poste de commandant, mais ce document

14 ne précise pas quelles unités il va contrôler.

15 Mme McHenry (interprétation). - Ce document dit-il quoi que ce

16 soit sur le type de formations ou le type d'unités ? Pourriez-vous nous

17 dire ce que le document stipule à propos des formations ou des unités en

18 question ?

19 M. Divjak (interprétation). - Aucun des deux documents que j'ai

20 sous les yeux ne précise le nom d'unités dans la zone de Pazaric, Hadzici.

21 Aucun des deux documents n'est suffisamment clair sur ce point. Quelles

22 sont les unités sous le contrôle de M. Delalic ? Les documents n'en disent

23 rien.

24 Si cela avait été précisé à l'époque, si toutes les informations

25 devant être incluses l’avaient effectivement été, cela aurait été un point

Page 8316

1 positif. Je ne parle pas spécifiquement de la région de Konjic, mais de la

2 Bosnie-Herzégovine toute entière. Il faudrait toujours pouvoir spécifier

3 quelles unités tombent sous le contrôle de quelles personnes.

4 Mme McHenry (interprétation). - Je voudrais attirer votre

5 attention sur la première ligne du paragraphe numéro un, où l’on parle de

6 Svih. Pouvez-vous me dire ce que cela veut dire ?

7 M. Divjak (interprétation). - Cela veut dire qu'on utilise la

8 loi de la défense et que vous utilisez les termes de cette loi. Le

9 commandant n'a pas donné l'ordre que le HVO, la police et toutes les

10 unités soient inclus. Il s'agit simplement d'un terme général qui veut

11 dire : tous. Dans les documents militaires, il faut qu'un tel terme soit

12 utilisé et que ce soit spécifié. Toutes les unités doivent être précisées.

13 Ce n'est pas le rôle du commandant de donner le nom des unités. Par

14 conséquent, il n'a pas lui-même demander que telle ou telle unité soit

15 mise sous son commandement, à moins que le Commandement suprême du

16 quartier général le fasse.

17 Mme McHenry (interprétation). - Très bien, merci. Ai-je raison

18 de dire que, dans une structure normale, les unités font partie

19 d'organisations plus importantes tels que les bataillons ou les corps

20 d'armée ?

21 M. Divjak (interprétation). - Oui, tout à fait. L'unité tactique

22 de base est le bataillon. L'unité conjointe, le premier niveau si vous

23 voulez, la brigade. Pendant la période où j'étais sur place, les brigades

24 et les corps d'armée étaient créés. Dans la zone de Sarajevo, ces brigades

25 avaient déjà été créées, ainsi que le corps d'armée de Sarajevo.

Page 8317

1 Mme McHenry (interprétation). - Veuillez patienter un instant,

2 s'il vous plaît.

3 Monsieur, savez-vous si à ce moment-là à Konjic il y avait des

4 brigades et des corps d'armée déjà créés ?

5 M. Divjak (interprétation). - Non. Le corps d'armée n'avait pas

6 été créé à ce moment-là, mais les brigades étaient en création. L'un de

7 mes rôles principaux, qui avait été défini le 2 novembre 1992 par le

8 Commandement suprême, était d'aider à la création de ces brigades à

9 Jablanica et Neretvica. A ce moment-là, la brigade de Konjic était en

10 formation, mais ce n'était pas terminé.

11 Mme McHenry (interprétation). - Le fait que ces plus grandes

12 entités n'étaient pas encore créées posait-il des problèmes de

13 coordination et de contrôle aux différentes municipalités ? Etait-ce le

14 cas ? Y avait-il ce genre de problèmes ?

15 M. Divjak (interprétation). - La question n'est pas tout à fait

16 claire, mais je vais essayer d'y répondre au mieux. Il y avait une

17 certaine marge de décision. Les quartiers généraux municipaux recevaient

18 certains ordres de leurs supérieurs. Ils avaient une certaine marge de

19 manoeuvre pour prendre leurs décisions, les ordres reçus par le commandant

20 du groupe tactique, mais ce n'est pas très clair dans votre question.

21 Lorsque j'étais à Konjic, la tâche principale de ces unités

22 était l'organisation afin de lever et de débloquer la situation de

23 Sarajevo. Tous les quartiers généraux des groupes tactiques travaillaient

24 à cette préparation. Ils préparaient l'équipement militaire et les hommes

25 afin de débloquer Sarajevo. Au niveau de la préparation et de la méthode

Page 8318

1 utilisée pour se préparer, les commandants des groupes tactiques avaient

2 également une certaine marge de manoeuvre. En revanche, en ce qui concerne

3 les délais et la préparation des soldats qui allaient exécuter cette

4 tâche, tout cela était plus organisé.

5 Mme McHenry (interprétation). - Savez-vous quand le groupe

6 tactique dirigé par M. Delalic a été organisé ? Même si vous ne connaissez

7 pas la date exacte, pouvez-vous nous donner une date approximative ?

8 M. Divjak (interprétation). - Non, je ne peux même pas vous

9 donner une date approximative. La dernière fois que j'ai vu cette

10 personne, c'était le 23 novembre. Je n’étais pas informé de toutes les

11 opérations dans la zone de Konjic parce qu’en fait j’étais un peu coupé de

12 cette zone. Comme mes amis croates le diraient, j'ai été arrêté par une

13 unité en Bosnie-Herzégovine.

14 Mme McHenry (interprétation). - Durant la période que vous avez

15 passée à Konjic en novembre, savez-vous si le Groupe tactique dirigé par

16 M. Delalic existait encore ?

17 M. Divjak (interprétation). - D'après ce que je sais, je crois.

18 Mme McHenry (interprétation). - Vous avez apporté précédemment

19 des précisions en ce qui concerne vos contacts avec M. Delalic durant

20 cette période, et je parle plus particulièrement de votre déclaration

21 selon laquelle le commandant du quartier général de Prozor est venu à

22 Konjic afin d'informer M. Delalic des problèmes de Prozor. Ma question est

23 la suivante : M. Delalic avait-il une certaine autorité au quartier

24 général de Prozor ?

25 Mme Residovic (interprétation). - Objection, Madame et

Page 8319

1 Messieurs les Juges. Le témoin n'a pas dit que le commandant du quartier

2 général de Prozor était venu informer Zejnil Delalic de ce qui se passait.

3 Il a simplement dit que le commandant de la Défense territoriale de Prozor

4 était venu faire un rapport sur les événements, mais il n'a pas spécifié

5 qu'il s'agissait d'un rapport fait à M. Delalic.

6 Mme McHenry (interprétation). - Bien. Je vais préciser ce point.

7 Peut-être ai-je mal compris, mal interprété les paroles du témoin.

8 Revenons un peu en arrière.

9 Monsieur, savez-vous pourquoi le dirigeant du quartier général

10 de Prozor s'est rendu à Konjic. Lorsque vous nous en avez parlé, que

11 faisait-il à Konjic ?

12 M. Divjak (interprétation). - Le commandant du quartier général

13 municipal des forces armées de Prozor, en tout cas je crois, a abandonné

14 son unité. Pour être clair, il est venu à Konjic pour faire un rapport sur

15 ce qui s'était passé à Prozor autour du 18/19 jusqu'au 25 novembre 1992,

16 moment où il est arrivé jusqu'à nous. Il a fait un rapport à Karic qui est

17 ensuite venu en tant que représentant du commandement principal. Il est

18 venu à Konjic, je l'ai dit à d'autres personnes. J'étais présent,

19 Zejnil Delalic aussi, lorsqu'il nous a dit de quelle manière le HVO avait

20 agi, ainsi que les unités de l'armée croate dont le commandant était

21 Smidt.

22 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur...

23 M. le Président (interprétation). - Mais à qui faisait-il ces

24 rapports lorsqu'il est venu ?

25 M. Divjak (interprétation). - Il transmettait ces informations à

Page 8320

1 des représentants du commandement principal des forces armées.

2 Zejnil Delalic, le commandant du groupe tactique 2, était également

3 présent. Par conséquent, au nom du commandement principal, il y avait

4 Karic, moi-même et également Zejnil Delalic. Il ne s'adressait donc pas à

5 Zejnil Delalic en tant que commandant, mais à lui en tant que commandant

6 du groupe tactique de cette zone, le groupe le mieux organisé en tant

7 qu'unité militaire dans cette zone.

8 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.

9 Mme McHenry (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

10 Monsieur, je vais vous demander de visionner un extrait d'une cassette

11 vidéo. Je vais vous demander si vous reconnaissez cette interview. Il

12 s'agit d'une interview que vous avez donnée avec Zejnil Delalic. Je vais

13 demander aux techniciens que la cassette I/25, pièce du Bureau du

14 Procureur 155, soit diffusée. Ensuite, je vous poserai quelques questions.

15 (Diffusion de la cassette, traduction ci-après.)

16 "Question : Ces conflits se sont également déroulés dans une

17 zone qui est votre zone de responsabilité. M. Karic a dit qu'il était

18 optimiste et que vous étiez parvenus à un certain nombre d'accords. Donc

19 vous avez fait des progrès importants. Pouvez-vous nous dire si les

20 accords auxquels vous étiez parvenus ont été appliqués dans la réalité ?

21 Réponse : Ce sont des accords récents. Il y a que quelques

22 jours, nous étions encore en négociation. Mais aujourd'hui, nous

23 commençons à avoir les premiers résultats de ces accords. La population

24 ressent cela, les soldats dans les deux formations, un esprit d'amitié

25 règne. Les tensions diminuent, des tensions qui ont existé depuis des mois

Page 8321

1 déjà. Nous sommes à une zone frontière, ce que l'on appelait jusqu'à peu

2 le nouvel Etat ou la nouvelle province d'Herceg-Bosna et la Bosnie 'pure'.

3 Cela veut dire que dans les deux camps, nous étions souvent considérés

4 comme des brebis galeuses, visiblement parce que les hommes politiques

5 n'avaient pas pris les bonnes décisions au bon moment, décisions que les

6 militaires ont maintenant prises d'une façon beaucoup plus active et

7 beaucoup plus sérieuse.

8 Je crois qu'effectivement cela a été un grand succès. Les

9 positions sur la ligne de front sont maintenant partagées. Les soldats des

10 formations du HVO et de nos propres unités se voient comme auparavant,

11 parfois ils s'embrassent même, ils se serrent dans les bras. Et puis tout

12 d'un coup, nous avons compris que la lutte était extrêmement claire et que

13 l'ennemi était également très spécifique et tout à fait déterminé."

14 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, lorsque la personne

15 qui vous a interviewé a dit que les problèmes se passaient sur la zone de

16 responsabilité qui était la vôtre et celle de Zejnil Delalic, cela montre-

17 t-il que celui-ci avait une compétence territoriale sur certaines zones ?

18 M. Divjak (interprétation). - On voit dans l'extrait de son

19 interview qu’on ne peut pas dire qu'il avait une compétence territoriale

20 dans cette zone. Ce dont parle M. Delalic se passait dix à douze jours

21 après l'attaque de l'armée croate et du HVO à Prozor. Il parle d'une

22 accalmie de la situation lorsque la Commission conjointe a été créée, le

23 26 ou 27 octobre. D'après mes souvenirs, M. Pasalic, M. Karic et, pour les

24 Croates ou pour le HVO, M. Paljaka (?) faisaient partie de cette

25 commission. Ils sont venus à Prozor. Ils ont passé en revue les unités du

Page 8322

1 HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine. La situation s'est donc apaisée.

2 C'est comme cela que j'interprète les paroles de M. Delalic,

3 d'après ce que j'y ai vu. Cela ne veut pas dire qu'il avait compétence sur

4 le quartier municipal des forces armées de Prozor.

5 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, je vais essayer de

6 compléter avec une autre question. Je demanderai que soit montrée au

7 témoin la pièce à conviction de l’accusation 189.

8 M. Divjak (interprétation). - Je peux simplement ajouter que

9 cette interview a dû avoir lieu entre le 1er/2 octobre et le 29 octobre,

10 donc dans une situation très différente de celle dont nous parlions

11 s'agissant de Prozor.

12 (Les documents sont distribués aux parties.)

13 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, ai-je raison de

14 comprendre que ce document ordonne à l'état-major municipal des forces

15 armées de Prozor de battre en retraite sur toutes leurs lignes de front et

16 de créer une nouvelle ligne de défense sur des positions différentes ?

17 M. Divjak (interprétation). - C'est ce qui est écrit dans ce

18 texte. Il est ordonné aux forces armées de Prozor de se retirer pour créer

19 une ligne de front différente devant la ville. Est-ce que les instructions

20 viennent de la personne qualifiée pour les donner, c'est-à-dire du

21 commandant de l'état-major au quartier général ? Je n'en suis pas sûr.

22 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, ce texte donne-t-il

23 une indication quant au fait qu’auraient été conférés à M. Delalic des

24 pouvoirs sur l'état-major municipal de Prozor ou pas ?

25 M. Divjak (interprétation). - Il est possible de déduire de ce

Page 8323

1 texte que M. Delalic s'est vu conférer cette mission après consultation

2 avec le commandant de l'état-major suprême des forces armées. C'est ce qui

3 est stipulé dans le préambule. La rédaction du texte semble indiquer qu'il

4 a reçu mission du chef d'état-major de régler les problèmes qui ont surgi

5 en rapport avec le HVO, en date du 27 août 1992. A la lecture de ce texte,

6 il est possible de conclure qu'il a été en consultation avec le quartier

7 général de Sarajevo.

8 Mme McHenry (interprétation). - Ce document coïncide-t-il ou non

9 avec le décret du 27 juillet stipulant que M. Delalic est en situation de

10 pouvoir par rapport à toutes les unités sur tout ces territoires, y

11 compris Prozor ?

12 M. Divjak (interprétation). - J'ai compris la question. Je pense

13 que, par ce décret, le représentant de l'état-major principal tente de

14 déterminer exactement les zones de responsabilité ainsi que les forces qui

15 pourraient, à un moment déterminé, se trouver sous les ordres du

16 commandant du groupe tactique, car je vous rappelle que dans mon analyse

17 précédente du document du 27 juillet, j'ai déclaré que les forces dont

18 Zejnil Delalic était censé être responsable n'étaient pas déterminées avec

19 précision. Ici, nous avons un additif qui semble permettre de le

20 déterminer pour une période précise.

21 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, je vous demanderai

22 maintenant d'examiner la pièce à conviction de l'accusation 99/7,

23 annexe 10, qui a été versée au dossier précédemment. Nous en avons des

24 exemplaires supplémentaires pour les Juges, ainsi que pour les membres de

25 la défense, s'ils ne sont pas en possession de leur exemplaire.

Page 8324

1 (Les documents sont distribués aux différentes parties.)

2 Monsieur, j'aimerais vous demander de vous concentrer plus

3 particulièrement sur les paragraphes 4 et 5 de ce document, pour le

4 moment. Ai-je raison de comprendre que ce document donne ordre au

5 commandement municipal des armées de Bosnie-Herzégovine à Konjic, donne

6 ordre au quartier général de la police de Konjic également, de mettre en

7 place un registre et d'organiser cet ordre par rapport à une offensive

8 prochaine.

9 M. Divjak (interprétation) - Si vous me le permettez, j'aimerais

10 revenir encore une fois sur le préambule où il est stipulé que cet ordre

11 vient du commandement supérieur des forces armées de Bosnie-Herzégovine.

12 Autrement dit, il a reçu encore une fois un ordre dont -à la lecture de ce

13 document- on ne connaît pas la nature. Ensuite, il le transmet à l'état-

14 major municipal des forces armées de Konjic pour que les choses dont vous

15 venez de parler soient effectuées, c'est-à-dire que la police de Konjic

16 mette en place des registres, des permanences et tout le reste, à savoir

17 que le commandement suprême lui donne ordre.

18 On utilise souvent des expressions qui probablement n'ont pas

19 été communiquées aux divers éléments de l'état-major. Nous avons dit qu'il

20 s'agissait de l'état-major principal et pas du commandement suprême. Il

21 est ensuite stipulé qu'il faut se diriger vers Kalinovik dans le but de

22 mener une offensive. Je ne sais pas de quoi il était question dans cette

23 opération JUG, mais il ordonne, sans doute aux unités de l'état-major de

24 Konjic qui ne font pas partie de son groupe tactique.

25 A ce propos, j'aimerais aviser le Tribunal que j'ai commis un

Page 8325

1 lapsus lorsque j'ai parlé des groupes tactiques 1 et 2. Vous êtes

2 intervenu et m'avez dit que j'avais parlé du groupe tactique 2, alors

3 qu'il est bien question du groupe tactique 1.

4 Ce document indique que les ordres qu'il transmet le sont après

5 que lui-même en ait reçus de l'instance supérieure, qui est le quartier

6 général de l'état-major et la personne de Sefer Halilovic.

7 Mme McHenry (interprétation). - Ce document indique-t-il qu'à un

8 certain moment M. Delalic s'est vu conférer des pouvoirs sur le quartier

9 général municipal de Konjic ? Est-ce que cela correspond aux pouvoir

10 conférés à M. Delalic sur les formations, évoquées dans le document du

11 27 juillet, qui portaient sur une région dont Konjic faisait partie ?

12 M. Divjak (interprétation) - Je réponds à cette question en

13 indiquant que ce texte lui donne une mission concrète, mais ne lui confère

14 pas de pouvoirs globaux sur telle ou telle région. Donc, une mission

15 concrète lui est confiée sur la base de ce dont nous avons parlé.

16 Mais ce document est adressé à la présidence de guerre de Konjic

17 plutôt à titre d'information qu'à titre d'ordre. C'est peut-être ce qui

18 crée une certaine confusion quant au fait que, grâce à ce document, les

19 responsabilités de M. Delalic sont élargies. Je ne vois pas sur la base de

20 ce texte en quoi ses responsabilités seraient élargies par rapport à ce

21 que stipulait le texte précédent. Elles sont simplement précisées.

22 Je vous prie de m'excuser, nous l'avons vu également tout à

23 l'heure lorsque nous avons traité d'un ordre relatif à Prozor.

24 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Je reviendrai sur ce

25 document plus tard. Excusez-moi, Monsieur le Président, j'avais oublié ce

Page 8326

1 que vous venez de dire.

2 Passons à une question différente. Il a été question, il y a

3 quelques instants, de Celebici. Pourriez-vous, je vous prie, nous dire à

4 quel moment, et pour la première fois, vous avez appris l'existence d'une

5 prison à Celebici ?

6 M. Divjak (interprétation) - En date du 11 octobre 1992, dans le

7 cadre des rapports relatifs à la situation générale à Konjic, il a été

8 déclaré qu'il existait aussi deux prisons dans lesquelles se trouvaient

9 les personnes qui avaient participé à l'attaque contre la région de la

10 municipalité de Konjic, donc des soldats. Cela a été stipulé dans un

11 rapport. Il a été question de l'existence d'une prison à Celebici, ainsi

12 que -je crois- dans une salle de sports de la vieille ville.

13 Mme McHenry (interprétation). - Pendant votre séjour à Konjic,

14 avez-vous appris l'identité des commandants de ces prisons ?

15 M. Divjak (interprétation) - Alors que je me trouvais à

16 l'endroit où a été transféré l'état-major municipal du quartier général

17 principal, c'est-à-dire à Konjic, où se trouvaient mes bureaux, fin

18 octobre j'ai appris qui était le commandant. Je l'ai donc vu une fois et

19 je l'ai revu une seconde fois plus tard. Rien de particulier n'a été

20 susceptible d'attirer mon attention quant à la personne qui était

21 commandant de la prison militaire de Celebici.

22 Mme McHenry (interprétation). - Connaissez-vous le nom de la

23 personne qui était le commandant ?

24 M. Divjak (interprétation) - Cinq ans plus tard, au cours de la

25 sixième année suivant les faits, si l'on pense à M. Mucic, était-ce le cas

Page 8327

1 à l'époque ? Je ne peux vous le dire avec certitude. Le souvenir des

2 événements pâlit.

3 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous eu des contacts ou des

4 conversations avec le commandant du camp au sujet de la prison ?

5 M. Divjak (interprétation) - Non.

6 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous jamais rencontré le

7 commandant du camp et M. Delalic ensemble ?

8 M. Divjak (interprétation) - Ensemble, non. J'ai déjà dit que

9 j'avais vu cet homme à sa place, c'est-à-dire où il était censé se trouver

10 en vertu des compétences qui lui avaient été conférées par les instances

11 militaires.

12 Mme McHenry (interprétation). - Où se trouvait l'endroit dont

13 vous venez de parler, Monsieur ?

14 M. Divjak (interprétation) - Cet endroit se trouve à Konjic,

15 dans le motel que l'état-major municipal utilisait, où j'avais moi-même

16 mes bureaux et passais mon temps pendant mon séjour à Konjic. J'y passais

17 une partie de mon temps et une autre partie dans les bâtiments militaires

18 de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

19 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, pendant votre séjour à

20 Konjic, M. Delalic vous a-t-il jamais dit quoi que ce soit au sujet de

21 Celebici, ou au sujet de la prison en particulier ?

22 M. Divjak (interprétation) - Nous n'avons pas parlé de cela

23 spécialement. Mais en une occasion, c'était déjà à la mi-novembre, alors

24 que nous discutions des problèmes généraux qu'il avait affrontés en tant

25 que commandant, et ce en raison de l'aggravation des rapports et des

Page 8328

1 malentendus avec le Conseil croate de la défense, il a évoqué les menaces

2 dont il était l'objet.

3 A ce moment-là, il a parlé d'un détail : une tentative par la

4 force. Je me souvient du nom de cet homme, car il a pointé ensuite un

5 revolver contre moi. Donc Mirko Pirkic a tenté de pénétrer par la force

6 dans la prison militaire. Il m'a dit que cela le préoccupait car il avait

7 peur que quelqu'un puisse nuire aux personnes qui étaient en cours

8 d'examen. C'est tout ce qu'il m'a dit au sujet de la prison militaire de

9 Celebici.

10 Si vous souhaitez que je vous communique d'autres éléments

11 d'information...

12 Il s'agit d'un fait dont j'ai pris connaissance au moment de

13 l'inspection des lignes, je le tiens de soldats. Un certain nombre d'entre

14 eux ont fait connaître leur mécontentement, car ceux qui se trouvaient

15 dans la prison recevaient à manger trois fois par jour alors que les

16 soldats participant à la défense de Konjic ne recevaient à manger que deux

17 par jour. J'ai été un peu surpris, non pas du nombre de deux ou trois

18 repas, mais qu'ils s'adressent à moi pour en parler.

19 Je me suis rendu compte que dans la situation dans laquelle ils

20 se trouvaient, avec des armements et des munitions en quantités

21 insuffisantes, alors qu'ils passaient parfois vingt-quatre heures et plus

22 sur les lignes, ils avaient peut-être des difficultés à comprendre comment

23 une personne qui avait participé à l'attaque contre la ville pouvait,

24 elle, être traitée de cette façon alors que les soldats qui faisaient le

25 sacrifice de leur vie vivaient dans des conditions moins agréables.

Page 8329

1 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, pendant votre séjour à

2 Konjic, savez-vous si la Croix-Rouge a visité Celebici ?

3 M. Divjak (interprétation) - Je ne connais pas les détails.

4 Mais, un soir, je me rappelle que lorsque j'y suis allé pour un instant

5 très bref... Nous nous sommes vus à peine une douzaine de fois.

6 Quelquefois, il m'arrivait de me contenter de boire un café avec lui.

7 Donc, un jour, j'ai rendu une brève visite à Delalic. Il y avait une

8 équipe de la Croix-Rouge devant les installations. Zejnil Delalic m'a dit

9 que cette équipe était venue visiter la prison, que les instructions

10 étaient arrivées de Sarajevo et que, selon les informations que m'a

11 transmises Delalic à l'époque, la Croix-Rouge avait estimé que les

12 conditions étaient satisfaisantes. Ceci a eu lieu vers le 2 ou le

13 5 novembre.

14 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, lorsque la Croix-Rouge

15 voulait se rendre dans un endroit, qui, en général, l'autorisait à visiter

16 une prison particulière ? Ma question porte à la fois sur les instances de

17 la République et sur le lieu particulier où se trouvait la prison en

18 question.

19 M. Divjak (interprétation). - Pendant mon séjour à Konjic, je ne

20 connaissais pas le système de décision présidant à ce genre de choses.

21 Mais plus tard, en 1994 et également à l'époque où j'étais assistant du

22 commandant pour la coopération avec les structures civiles, j'ai appris à

23 connaître le système de contrôle mis en place par la Croix-Rouge.

24 Il était possible à la Croix-Rouge de visiter une prison après

25 avoir reçu l'autorisation de la présidence de Bosnie-Herzégovine qui

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1 transmettait ses ordres, s'il s'agissait de structures militaires, à

2 l'état-major général de la Bosnie-Herzégovine, à l'époque où j'étais en

3 fonction. A ce moment-là, l'état-major général de la Bosnie-Herzégovine

4 ordonnait directement aux états-majors subsidiaires -si des problèmes de

5 ce genre existaient- d'autoriser la Croix-Rouge à venir visiter les

6 installations. Autrement dit, c'est toujours des états-majors principaux

7 que les ordres partaient pour descendre jusqu'aux unités.

8 Mme McHenry (interprétation). - Nous allons vous montrer

9 maintenant la pièce à conviction de l'accusation n° 115, séquence I/25.

10 C'est une bande vidéo, je ne pense pas qu'elle soit sonore. Il n'y a que

11 des images, donc je vous prierai de les regarder. Je vous interrogerai

12 ensuite sur ce qu'elles montrent.

13 M. Divjak (interprétation). - Comité international de la

14 Croix-Rouge.

15 Mme McHenry (interprétation). - J'aimerais maintenant, Monsieur,

16 vous montrer un document. Je demande l'aide de l'Huissier et qu'il soit

17 enregistré à des fins d'identification. Nous avons des exemplaires

18 supplémentaires pour les Juges. Ce document a déjà était remis à la

19 défense, mais si elle le souhaite, nous en avons à son intention.

20 (Les documents sont remis aux parties et aux Juges.)

21 Mme le Greffier. - Document du Procureur 192.

22 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur, je voudrais vous

23 demander... Excusez-moi.

24 (Distribution de documents.)

25 M. O'Sullivan (interprétation). - Une première objection,

Page 8331

1 Monsieur le Président. Il est question dans ce texte d'un article de

2 presse qui, à l'évidence, constitue du ouï-dire, conformément à l'article

3 général régissant le ouï-dire.

4 Ma deuxième objection, Monsieur le Président, repose sur la

5 pertinence.

6 M. le Président (interprétation). - Entendons les arguments de

7 l'accusation.

8 Mme McHenry (interprétation). - Est-il exact que la séquence

9 vidéo que nous avons vue et ce document (pièce à conviction de

10 l'accusation 192) sont des demandes de la Croix-Rouge adressées à

11 M. Delalic ? Ces demandes font-elles partie d'une procédure normale étant

12 donné sa position de l'époque ?

13 M. Divjak (interprétation) - A mon avis, non. Je vous ai dit

14 quel était le principe en vigueur. Or, ce texte porte sur une prison à

15 Konjic. Il n'est donc pas question ici de la prison de Celebici.

16 Quant au fait que cette demande est adressée vraisemblablement à

17 Zejnil Delalic, parce qu'à l'époque il était le coordinateur, son rôle

18 pouvait consister, dans le cadre de ses compétences, à être coordinateur

19 entre la présidence de guerre de Konjic et la Croix-Rouge internationale.

20 Mais je ne suis pas sûr qu'il ait eu ces compétences.

21 Ce texte porte sur les personnes qui se trouvent dans le gymnase

22 de Konjic. Il y est stipulé qu'elles ont besoin d'un certain nombre de

23 choses pour bénéficier de la défense à laquelle elles ont droit en tant

24 que citoyens et qu'elles doivent être protégées, contre les obus en

25 particulier.

Page 8332

1 Mme McHenry (interprétation). - Merci.

2 M. Jan (interprétation). - Un instant, je vous prie. Que

3 signifie l'expression : "C/o" que l'on trouve dans le document ? Monsieur,

4 à qui est adressé ce document ? Ce n'est pas dit dans le document, c'est

5 donc la question que je vous pose. A qui est adressé ce document ?

6 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Juge, c'est la

7 question que je voulais poser.

8 M. le Président (interprétation). - "C/o" signifie "Care of",

9 aux bons soins de. C'est une expression bien connue que l'on utilise dans

10 les adresses.

11 M. Jan (interprétation). - Mais qui est le destinataire ?

12 Mme McHenry (interprétation). - Je vais poser la question au

13 témoin.

14 M. le Président (interprétation). - Il n'a pas écrit la lettre.

15 M. Jan (interprétation). - Le document n'est même pas de lui.

16 Vous pouvez poursuivre.

17 Mme McHenry (interprétation). - Je peux donner mon opinion quant

18 à l'identité de la personne destinataire de cette lettre.

19 M. le Président (interprétation). - Vous n'êtes pas en mesure de

20 le faire, ce n'est pas votre rôle.

21 Mme McHenry (interprétation). - Mon avis, c'est que cette lettre

22 est adressée au commandant Zejnil Delalic, coordinateur de l'armée de

23 Bosnie-Herzégovine.

24 M. le Président (interprétation). - Pourquoi trouve-t-on

25 l'expression "C/o" ?

Page 8333

1 Mme McHenry (interprétation). - Je crois que c'est la procédure

2 normale.

3 M. Jan (interprétation). - Vous devez savoir à qui est adressé

4 de ce document, vous avez besoin de le savoir.

5 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Juge, l'accusation

6 estime qu'il est raisonnable de penser que le document doit être considéré

7 comme un tout. L'accusation estime que c'est une déduction raisonnable,

8 notamment lorsque l'on relie ce document à la séquence vidéo que nous

9 avons vue, et que l'on tient compte de ce que le témoin a déjà déclaré au

10 sujet de sa conversation avec M. Delalic concernant les visites

11 ultérieures de la Croix-Rouge.

12 M. le Président (interprétation). - Vous allez un peu loin !

13 Pourquoi ne s'est-il pas adressé à lui au lieu de dire : aux bons soins

14 de ? Il devait savoir à qui il voulait transmettre ce document, cela

15 n'apparaît pas comme étant une lettre qui lui a été adressée.

16 M. O'Sullivan (interprétation). - J'objecte encore une fois.

17 M. le Président (interprétation). - Pourquoi interrompez-vous

18 alors que nous avons peut-être un élément pertinent par rapport à ce qui a

19 été fait ?

20 M. O'Sullivan (interprétation). - Ce que nous disons, c'est que

21 la lettre n'est pas adressée à la personne à laquelle on prétend qu'elle

22 est adressée. La lettre est confiée "aux bons soins de", donc il n'y a

23 rien à première vue qui indique sur cette lettre qu'elle lui est adressée.

24 Le fait qu'une copie ait été envoyée à Pavo Mucic est plus

25 important que le fait qu'une copie lui ait été envoyée à lui, sans parler

Page 8334

1 du destinataire.

2 M. Jan (interprétation). - Une copie est également adressée au

3 Président de la République, elle ne lui est apparemment pas adressée

4 directement.

5 Mme McHenry (interprétation). - L'accusation n'a pas d'élément

6 de preuve complémentaire au sujet de ce document, donc je ne peux pas vous

7 le dire. Tout ce que nous pouvons déduire raisonnablement, c'est qu'elle a

8 été adressée à quelqu'un d'autre et peut-être pas à M. Delalic à cause

9 du : "aux bons soins de", M. Delalic n'en ayant reçu qu'une copie.

10 M. Jan (interprétation). - Personne ne peut recevoir une lettre

11 "aux bons soins de" alors qu'il est commandant, ou coordinateur de l'armée

12 de Bosnie-Herzégovine, ou commandant d'un groupe tactique ou de quelque

13 formation que ce soit.

14 Mme McHenry (interprétation). - Il est possible -et l'accusation

15 estime que cela a encore une valeur probante- que la lettre ait été

16 adressée à M. Mucic, ou aux bons soins de M. Delalic, ou qu'elle ait été

17 envoyée à quelqu'un d'autre aux bons soins de M. Delalic. L'une ou l'autre

18 de ces solutions nous paraît de toute façon dotée de valeur probante.

19 M. Greaves (interprétation). - Rien ici ne constitue un élément

20 de preuve quant au fait que le destinataire aurait été M. Mucic. Il est

21 simplement stipulé qu'il a reçu une copie. C'est différent. Etre

22 destinataire ou recevoir une copie, ce n'est pas la même chose.

23 M. Jan (interprétation). - Nous devons déterminer l'élément de

24 pertinence. Ce document est adressée à une personne qui a un contrôle sur

25 le centre de détention de Konjic. Qui est cette personne ? Apparemment, à

Page 8335

1 partir de la lettre, ce n'est pas Zejnil Delalic, puisque la lettre a été

2 envoyée à ses bons soins. Elle a été envoyée à quelqu'un qui a autorité

3 sur la détention et la circulation des prisonniers.

4 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Juge, il est

5 possible que M. Delalic ait reçu ce document.

6 M. le Président (interprétation). - Je pense que nous devons

7 oublié cela pour le moment. Le document n'est pas admissible dans sa forme

8 actuelle, en tout état de cause.

9 Nous allons nous séparer pour le déjeuner et nous reprendrons à

10 14 heures 45.

11 L'audience est suspendue à 13 h 20

12 L’audience, suspendue à 13 h 20, est reprise à 14 h 00.

13 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président,

14 Mme McMurray souhaite s'excuser, elle a dû aller chercher certains

15 documents qu'elle a oublié d'apporter.

16 (Le Président acquiesce.)

17 Merci.

18 (Le témoin est introduit dans la salle.)

19 M. le Président (interprétation). - Veuillez rappeler au témoin

20 qu'il est toujours sous serment.

21 Mme le Greffier. - Je vous rappelle, Monsieur, que vous êtes

22 toujours sous serment.

23 M. le Président (interprétation). - Veuillez continuer.

24 Mme McHenry (interprétation). - Pour ceux d'entre nous qui ne

25 parlent pas serbo-croate, il y a toujours des problèmes concernant

Page 8336

1 l'interprétation. Avant la pause, je n'avais pas le droit de poser la

2 question sur ce que signifiait "NR" ; je viens de recevoir un mémorandum

3 de la Section de la traduction indiquant que "CO" était une mauvaise

4 traduction de "NR". Je demande donc que le Service de l'interprétation

5 éclaircisse ce point.

6 Au vu de l'explication que nous venons de recevoir, je pense

7 qu'il n'est plus nécessaire de poser la question sur la signification du

8 "NR".

9 Je souhaiterais maintenant poser une autre question.

10 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez le faire.

11 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Vous avez dit déjà que

12 vous êtes allé visiter un entrepôt militaire à Celebici. Pouvez-vous nous

13 dire quels équipements s'y trouvaient ?

14 M. Divjak (interprétation). - Il y avait des munitions et des

15 armes. Le tout était rangé conformément aux instructions du service

16 technique, à savoir que les munitions et les armes étaient entreposées

17 séparément, pour ne pas porter atteinte à la sécurité du bâtiment où elles

18 étaient stockées.

19 Mme McHenry (interprétation). - Etes-vous allé dans un autre

20 entrepôt militaire avec M. Delalic ?

21 M. Divjak (interprétation). - Non, et je ne me suis pas rendu à

22 la visite des unités avec M. Delalic parce que je l'ai fait avec des

23 commandants qui m'étaient directement subordonnés.

24 Mme McHenry (interprétation). - Quand vous avez rencontré

25 M. Delalic à dix ou douze reprises, mises à part les situations concrètes

Page 8337

1 que vous avez décrites, où et en quelles occasions avez-vous vu

2 M. Delalic ? Par exemple, était-ce à Konjic ou en dehors de Konjic, et si

3 oui, où dans Konjic ?

4 M. Divjak (interprétation). - Je l'ai rencontré une fois à

5 Jablanica, trois ou quatre fois à l'endroit où il vivait. Pour le reste du

6 temps, c'était là où je logeais, c'est-à-dire dans un motel à Konjic.

7 Mme McHenry (interprétation). - Où se trouve le motel de Konjic

8 par rapport à la maison de M. Delalic.

9 M. Divjak (interprétation). - C'est à environ quatre cents

10 mètres par rapport à sa maison, peut-être moins.

11 Mme McHenry (interprétation). - La maison de M. Delalic était-

12 elle utilisée autrement que comme une résidence ?

13 M. Divjak (interprétation). - Oui, en partie c'était l'endroit

14 où il vivait, et dans une partie de cette maison se trouvait le centre de

15 communication de l'état-major municipal de la Défense territoriale où l'on

16 recevait et envoyait des informations, c'est-à-dire où se faisait la

17 communication entre l'état-major et le Commandement supérieur. Cela veut

18 dire que dans l'appartement lui-même, rien n'indiquait des

19 caractéristiques militaires.

20 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Lorsque vous êtes allé à

21 Celebici, avez-vous rencontré quelqu'un du camp ?

22 M. Divjak (interprétation). - Non, je n'ai vu personne. A un

23 moment donné, étant en voiture, sur le chemin, j'ai vu une personne que je

24 connaissais déjà, qui était membre de l'état-major municipal de la Défense

25 territoriale avant la guerre. Mais exceptée cette personne, je n'ai vu

Page 8338

1 personne d'autre et je n'ai été en contact avec personne.

2 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Qui était la personne que

3 vous avez rencontrée et que vous connaissiez avant la guerre, quel était

4 son nom ?

5 M. Divjak (interprétation). - J'essaie de me souvenir. Je crois

6 que c'était Markic ou Mrkajic ou quelque chose d'approchant.

7 Mme McHenry (interprétation). - Pendant que vous y étiez,

8 saviez-vous si M. Mrkajic était toujours membre de la Défense territoriale

9 ou s'il était détenu en prison ?

10 M. Divjak (interprétation). - Ni l'un ni l'autre. A l'époque, il

11 n'était plus membre de la Défense territoriale à Konjic. Tout simplement,

12 je l'ai vu en train d'effectuer des travaux, ce qui m'a amené à conclure

13 qu'il travaillait au sein de cette structure où se trouvait l'entrepôt.

14 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que vous déclarez qu'au

15 moment où vous avez vu M. Mrkajic, vous ne croyiez pas qu'il était détenu

16 dans le camp ?

17 M. Divjak (interprétation). - A ce moment-là, non. Il

18 accomplissait des tâches qui m'ont simplement amené à conclure qu'il

19 faisait partie du personnel employé au sein de cette structure militaire.

20 Mme McHenry (interprétation). - D'accord. Et comment saviez-vous

21 que M. Mrkajic n'était plus membre de la Défense territoriale à l'époque ?

22 M. Divjak (interprétation). - Je ne le savais pas, mais lorsque

23 j'ai reçu les données relatives à l'état-major municipal, on ne donnait

24 pas de détails sur les individus, sur chacun pris séparément, mais j'ai

25 posé certaines questions sur des personnes que je connaissais avant parce

Page 8339

1 qu'entre 1984 et 1989, j'étais le commandant de la Défense territoriale du

2 district de Mostar, donc je connaissais une partie des personnes qui

3 étaient employées au sein de l'état-major municipal. Je n'ai pas reçu

4 d'informations sur cette personne ni sur d'autres, et je ne savais pas si

5 les personnes qui y travaillaient avant étaient toujours membres de

6 l'état-major municipal de Konjic.

7 Mme McHenry (interprétation). - Merci, Monsieur. Le bureau du

8 Procureur n'a plus de questions.

9 M. le Président (interprétation). - La défense peut procéder à

10 un contre-interrogatoire.

11 M. O'Sullivan (interprétation). - D'abord ce sera l'avocat de la

12 défense de M. Delic, ensuite de M. Mucic, ensuite de M. Delalic et enfin

13 de M. Landzo.

14 M. le Président (interprétation). - Merci.

15 M. Moran (interprétation). - Bonjour. Puis-je procéder au

16 contre-interrogatoire ?

17 M. le Président (interprétation). - Oui.

18 M. Moran (interprétation). - Bonjour, Général.

19 M. Divjak (interprétation). - Bonjour. Mais, s'il vous plaît,

20 dites Général retraité.

21 M. Moran (interprétation). - Général, bien sûr, nous nous

22 connaissons déjà et mise à part la réunion que nous avons eue ici au

23 Tribunal, nous nous sommes aussi rencontrés à l'hôtel pendant suffisamment

24 de temps pour échanger une poignée de main, mais je pense que nous n'avons

25 pas vraiment pu communiquer parce que vous ne parlez pas suffisamment bien

Page 8340

1 anglais et que, pour ma part, je ne parle pas bosniaque.

2 M. Divjak (interprétation). - Oui, mais vous ne parlez pas

3 français.

4 M. Moran (interprétation). - Oui, tout à fait, c'est vrai, je

5 suis un Américain qui ne parle pas d'autre langue que l'anglais.

6 Je vais me présenter. Je suis Me Moran et je représente à

7 Hazim Delic. Soit dit en passant, connaissez-vous M. Delic ?

8 M. Divjak (interprétation). - Peut-être l'ai-je vu il y a

9 longtemps, mais je ne le connais pas très bien.

10 M. Moran (interprétation). - Très bien. Général, je vais vous

11 expliquer ce à quoi je m'attends, ce que je veux atteindre avec vous. Je

12 vais parler des activités militaires et je souhaite vous dire aussi que

13 j'ai passé vingt ans en tant que militaire d'active ou dans les réserves

14 dans l'armée des Etats-Unis, donc je connais un peu les opérations de

15 l'OTAN.

16 M. Divjak (interprétation). - Excusez-moi, je suppose que vous

17 n'avez pas fait la guerre du Vietnam.

18 M. Moran (interprétation). - Effectivement. J'ai commencé mon

19 service à peu près deux semaines après la fin de cette guerre-là.

20 M. Divjak (interprétation). - Heureusement pour vous.

21 M. Moran (interprétation). - Monsieur, j'ai l'habitude que les

22 généraux me pose des questions et je n'ai pas l'habitude de leur poser les

23 questions, donc si jamais ce que je vous dis n'était pas clair, veuillez

24 m'interrompre.

25 Pour commencer, je souhaiterais que l'on parle des groupes

Page 8341

1 tactiques. Non pas concrètement du groupe tactique 1 ou du groupe

2 tactique 2, mais pour voir si j'ai bien tout compris, si tout est bien

3 clair dans ma tête en ce qui concerne le fonctionnement des groupes

4 tactiques. Je vais donc vous poser quelques questions allant dans ce sens.

5 Si j'ai bien compris, un groupe technique était une sorte

6 d'état-major provisoire contrôlant un certain groupe d'unités ayant une

7 tâche concrète.

8 M. Divjak (interprétation). - C'est exact.

9 M. Moran (interprétation). - Donc, par exemple, si on prend le

10 niveau du bataillon, vous pourriez avoir des troupes blindées de ce

11 bataillon et vous pourriez avoir une unité d'infanterie et, par exemple,

12 si vous souhaitiez créer un groupe technique, vous pourriez regrouper au

13 sein d'un même ensemble ce bataillon et cette unité d'infanterie.

14 M. Divjak (interprétation). - Oui, si vous ajoutez à cela aussi

15 par exemple l'artillerie et le génie militaire, dans ce cas, vous avez une

16 sorte d'unité de bataillons renforcée.

17 M. Moran (interprétation). - Ce qui était donc typique, par

18 exemple, c'est qu'un groupe tactique, au lieu d'avoir le contrôle sur un

19 certain territoire, avait le contrôle sur un certain nombre d'unités

20 concrètes, par exemple, comme on l'a indiqué tout à l'heure, du bataillon

21 et de l'infanterie.

22 M. Divjak (interprétation). - Oui, c'est ce que je viens

23 d'expliquer.

24 M. Moran (interprétation). - Ce qui était typique pour un groupe

25 tactique, c'est par exemple qu'il recevait un ordre selon lequel, par

Page 8342

1 exemple, un groupe tactique contiendrait tel nombre d'unités et aurait

2 telle mission.

3 M. Divjak (interprétation). - Je m'excuse, mais tout cela a déjà

4 été expliqué. Je confirme. Un groupe tactique est, par exemple, un

5 bataillon renforcé recevant un ordre en ce qui concerne sa mission, en ce

6 qui concerne les unités et aussi en ce qui concerne les limites sur le

7 plan géographique et lorsqu'on parle concrètement de groupe tactique, le

8 commandant supérieur doit donner des informations sur la mission exacte,

9 les unités, la taille et la logistique. En effet, normalement le groupe

10 tactique lui-même ne dispose pas de la logistique, mais celle-ci peut lui

11 être attribuée d'une manière dont on pourra parler tout à l'heure.

12 M. Moran (interprétation). - Une fois la mission accomplie, le

13 Commandement suprême soit dissout le groupe tactique, soit lui donne une

14 autre mission.

15 M. Divjak (interprétation). - Oui, sur le plan théorique et

16 pratique.

17 M. Moran (interprétation). - Pour prendre encore une fois

18 l'exemple du bataillon blindé dont on a parlé, on peut dire, par exemple,

19 que sa mission est de s'emparer du mont 573 et ensuite de se préparer à

20 attaquer un autre objectif, et par la suite cette mission peut être

21 changée ?

22 M. Divjak (interprétation). - Oui, tout à fait.

23 M. Moran (interprétation). - Est-ce qu'il serait habituel pour

24 un groupe tactique qui existe depuis un certain temps de se voir assigner

25 des tâches qui sont en dehors de ses fonctions habituelles ? Serait-il

Page 8343

1 conforme à la doctrine militaire soit de l'ancienne armée populaire

2 yougoslave, soit de l'armée de la Bosnie-Herzégovine que, si vous avez un

3 groupe tactique depuis un certain temps, le Commandement suprême décide, à

4 l'occasion de la visite dans la région par exemple d'un supérieur qui

5 souhaite s'y rendre, de donner au groupe tactique la tâche de s'occuper de

6 ces officiers ou de ces visiteurs étrangers, même si cela ne fait pas

7 partie de la mission habituelle de ces unités-là ?

8 M. Divjak (interprétation). - Il s'agit là de la décision prise

9 par celui qui connaît très bien la situation sur le territoire donné. Le

10 commandant du groupe tactique peut aller au-delà de ses propres

11 compétences et au-delà de celles de ses unités pour accomplir des tâches

12 qui lui ont été confiées par ses supérieurs. Théoriquement, il est donc

13 possible qu'il reçoive mission de s'occuper des visiteurs, de leur assurer

14 le logement, par exemple, et aussi de participer aux activités que ce

15 groupe tactique doit, conformément aux ordres reçus du Commandement

16 suprême, exécuter concernant d'autres opérations.

17 M. Moran (interprétation). - Donc il serait tout à fait normal,

18 par exemple, qu'un commandant de groupe tactique reçoive l'information

19 qu'il y aura une mission des Nations Unies venant dans la région de Konjic

20 et que ce commandant reçoive l'ordre de s'occuper de cette délégation même

21 si cela ne fait pas partie de ses tâches habituelles ?

22 M. Divjak (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai essayé

23 d'expliquer tout au long de mon témoignage que l'officier subordonné met

24 en application les ordres reçus de son supérieur. Donc, s'il s'agit d'un

25 groupe tactique, il a une mission initiale et, mise à part cette mission

Page 8344

1 initiale, il applique les ordres que son supérieur lui a donnés.

2 S'il s'agit de tâches allant au-delà de ses ordres, dans ce cas

3 il est passé outre la mission qu'il a reçue dans le cadre de sa tâche

4 principale dans le groupe tactique.

5 M. Moran (interprétation). - Je vous prie d'examiner des

6 documents que vous avez reçus du Procureur. Il s'agit du document n° 99,

7 annexe 10, et du document n° 189.

8 M. Divjak (interprétation). - En date du 11 juillet ?

9 M. Moran (interprétation). - Le document n° 99, annexe 10, est

10 en date du 24 août, alors que le document n° 189 est en date du 28 août.

11 Je souhaite clarifier quelque chose dans ma propre tête, vous voyez.

12 Prenez le document que vous voulez et on en parlera.

13 M. Divjak (interprétation). - Celui dont le numéro se termine

14 par "59", du 24 août 92.

15 M. Moran (interprétation). - Oui, d'accord. Il s'agirait donc du

16 document n° 99, annexe 10. Ici, il s'agit d'ordres donnés par M. Delalic.

17 Est-ce que ce serait un exemple de ces missions spéciales où le commandant

18 exerce des fonctions qui vont au-delà de sa mission habituelle ?

19 M. Divjak (interprétation). - Je confirme ce que j'ai déjà dit :

20 c'est que le commandant du groupe tactique a eu une tâche qui ne se

21 référait pas seulement à sa propre unité, mais qu'il a reçu un ordre selon

22 lequel il devait régler la situation concernant les rapports au sein de la

23 zone de responsabilité de l'état-major municipal de Konjic et, en tant que

24 commandant du groupe tactique, il transmet l'ordre qu'il a reçu du

25 commandant suprême à l'état-major municipal de Konjic.

Page 8345

1 M. Moran (interprétation). - En effet, il est donc une sorte de

2 lien entre le Commandement suprême de Sarajevo et l'état-major municipal

3 de Konjic ?

4 M. Divjak (interprétation). - Ici, il s'agit d'un document où

5 lui n'est pas en train de faire passer un ordre. C'est lui qui donne

6 l'ordre, parce qu'il donne l'ordre à l'état-major municipal de Konjic,

7 mais il donne l'ordre au nom du chef du Commandement suprême de l'armée de

8 la Bosnie-Herzégovine.

9 On peut expliquer cela de deux manières quand on voit le terme

10 "Commandement suprême", parce que le Commandement suprême de la Bosnie-

11 Herzégovine, comme je l'ai dit, était constitué de membres de la

12 présidence, du ministre de la Défense, du ministre des Affaires

13 intérieures et d'autres personnalités. Sur la base de ce document, nous

14 pouvons conclure qu'il a reçu l'ordre du Président de la présidence.

15 M. Moran (interprétation). - D'accord. Et de manière semblable à

16 ce que vous venez de dire, le document du Procureur n° 189, en date du

17 28 août, concerne l'incident à Prozor. Je fais appel encore une fois à

18 votre expertise de militaire. Vous avez parlé du fait qu'un groupe

19 tactique avait la responsabilité sur une région géographique donnée. Est-

20 ce que le commandant d'une organisation militaire telle que celle-ci

21 devait coordonner les actions entre les unités à gauche, les unités à

22 droite, les unités logistiques, d'artillerie, etc. ?

23 M. Divjak (interprétation). - Tout d'abord, il ne s'agit pas

24 d'un incident mais d'une attaque contre Prozor, d'une action militaire.

25 M. Moran (interprétation). - Si je m'exprime mal et si j'utilise

Page 8346

1 les mauvais mots, je vous prie de m'en excuser.

2 M. Divjak (interprétation). - L'ordre que j'ai sous les yeux ne

3 porte pas sur les unités à gauche, à droite, devant, derrière, la

4 logistique, etc., comme vous venez de le dire.

5 Dans ce document, on voit qu'à nouveau, au nom du Commandement

6 suprême, la personne essaye de résoudre le problème qui a suivi

7 l'offensive sur la municipalité de Prozor. Il ordonne à la population

8 bosnienne de se retirer parce qu'elle est menacée de massacres. Dans ce

9 document, il paraît occuper le rôle de commandant. Il est plutôt en train

10 de transmettre les ordres du commandant de Sarajevo. Mais, dans ce cas, ce

11 document ne se réfère pas aux unités de droite ou aux unités de gauche

12 comme vous l'avez dit. Il ne fait qu'exprimer la volonté du Commandement

13 suprême de protéger la population bosnienne de Prozor. Comme on le voit

14 dans la signature, le commandant du chef d'état-major municipal de Prozor

15 doit obéir à ces ordres.

16 M. Moran (interprétation) - Vous avez dit, dans votre contre-

17 interrogatoire, comment vous et M. Delalic vous êtes rendus à une réunion

18 d'information sur cette attaque. C'est dans l'interrogatoire principal que

19 vous avez dit cela. Voilà où je veux en venir : ne serait-il pas

20 raisonnable pour le commandant d'une unité de combat, s'il y avait un

21 problème dans une zone qui se trouve à l'extérieur de sa zone de

22 responsabilité, donc s'il y avait un problème sur sa droite ou sur sa

23 gauche, qu'il veuille en apprendre plus sur ce qui se passe ?

24 M. Divjak (interprétation) - Je vais d'abord répondre à votre

25 dernière question. Ce document en date du 28 août a été transmis presque

Page 8347

1 un mois avant qu'il y ait un rapport de propos prononcés par le commandant

2 du chef d'état-major municipal de Prozor. D'autre part, Delalic et moi-

3 même ne sommes allés nulle part afin qu'on nous fasse un rapport. Ce qui

4 s'est passé, c'est que le commandant est venu et nous a trouvés sur place

5 ensemble : M. Caric, Delalic et moi-même. D'autre part, il nous a parlé de

6 la situation dans laquelle étaient les Bosniens de Prozor.

7 Pour répondre à votre question, en ce qui concerne les

8 opérations de combat, chaque unité avait ses propres voisins, bien

9 entendu, et toutes les opérations avaient un objectif, c'est-à-dire celui

10 qui avait été établi par le commandant supérieur. Le commandant du groupe

11 tactique aurait dû ou devait connaître la situation dans les unités qui

12 l'entouraient, par exemple les commandants du chef d'états-majors

13 municipaux de Prozor, de Jablanica et d'autres localités devaient

14 connaître les situations dans les unités qui les entouraient. Ils

15 s'aidaient les uns les autres logistiquement. J'ai déjà expliqué que dans

16 le cadre du groupe tactique, nous avions un système logistique sur lequel

17 les quartiers-généraux qui entouraient la municipalité de Konjic

18 s'appuyaient. En clair, dans la zone en l'occurrence de la vallée de la

19 rivière Neretva, cela couvrait tous les quartiers-généraux municipaux des

20 forces armées qui entouraient Konjic.

21 M. Moran (interprétation) - Bien. Parlons maintenant d'autre

22 chose, et là encore en termes généraux. Parlons des commandements, pas

23 d'un commandement spécifique, mais des commandements en général.

24 Dans toutes les armées que j'ai connues, il y avait des

25 commandants, des gens tout à fait spéciaux qui avaient des droits, qui

Page 8348

1 avaient des privilèges, qui avaient un pouvoir particulier que d'autres

2 personnes, mêmes des officiers de même rang ou de même grade ou même de

3 grade supérieur n'avaient pas. Etait-ce un système qui était en vigueur

4 dans votre pays également ?

5 M. Divjak (interprétation) - Je voudrais ajouter également

6 qu'ils avaient aussi des responsabilités spéciales et non pas seulement

7 des droits et des privilèges.

8 M. Moran (interprétation) - Bien. Vous êtes d'accord avec moi

9 pour dire qu'être un commandant est quelque chose de tout à fait spécial.

10 Dans toutes les armées que j'ai connues... Laissez-moi revenir en arrière.

11 D'après ce que j'ai compris des témoignages de quelques témoins qui sont

12 venus ici, mais je ne suis pas sûr d'avoir bien compris, il y a les

13 commandants, commandants de brigade, de bataillon, de compagnie, corps

14 d'armée et ces commandants ont, bien sûr, un certain nombre de personnes

15 qui travaillent pour eux parce qu'il n'y a que vingt-quatre heures pour

16 faire une journée et qu'il faut bien qu'il y ait des gens qui travaillent

17 pour eux. Donc ce commandant émet un ordre et ses employés, officiers-

18 adjoints, officiers chargés des opérations, etc., ont ce que l'on appelle

19 un pouvoir de commandement exécutif, n'est-ce pas ?

20 M. Divjak (interprétation) - Lorsque l'on parle de pouvoir de

21 commandement exécutif, on parle de commandants subordonnés. Si on parle

22 par exemple d'un commandant de brigade, lorsqu'on dit commandant ou

23 pouvoir de commandement exécutif, on parle, alors de commandant de

24 bataillon.

25 Laissez-moi vous donnez un exemple. Un commandant cherche à

Page 8349

1 prendre une colline particulière, disons la colline 258, et en informe le

2 personnel qui travaille pour lui. Il donne à ce personnel un certain temps

3 pour évaluer la situation et propose des idées quant à la marche à suivre.

4 Cependant, le commandant est celui qui prendra la décision finale sur la

5 manière dont les choses vont se faire. C'est par conséquent sa

6 responsabilité à lui. En revanche, son personnel a la responsabilité de

7 préparer des propositions qui lui seront ensuite soumises, puis se pose la

8 question de savoir si le commandant est effectivement capable de prendre

9 une décision qui n'entraînera la mort de personne. Va-t-il adopter une

10 position plutôt défensive ou va-t-il lancer une offensive parce que la vie

11 de telle ou telle personne est en danger ?

12 Malheureusement lorsqu'une personne défend son propre

13 territoire, comme nous le faisions, il faut avoir suffisamment de

14 connaissances générales, il faut faire preuve de professionnalisme, il

15 faut être psychologue et il faut connaître parfaitement bien la situation,

16 non seulement sur son propre territoire, mais aussi dans toute la Bosnie-

17 Herzégovine, et connaître les comportements des pays de l'OTAN et ceux des

18 pays du Pacte de Varsovie.

19 En fait, ma réponse est que c'est le commandant qui assume tout

20 les responsabilités. Cependant, il est aidé par plusieurs personnes. Il y

21 a telle personne au niveau des brigades, pas au niveau du bataillon, au

22 niveau des chefs d'état-major au niveau municipal. Ils analysent les

23 choses, proposent des solutions, disent : "Nous pourrions faire ceci, nous

24 pourrions prendre la colline 258, mais il faudrait que nous le fassions de

25 telle manière ou de telle autre". C'est ensuite au commandant de prendre

Page 8350

1 la décision. Seulement, si le commandant prend une décision, il faudrait

2 que ses employés ou ses subordonnés assument cette responsabilité avec

3 lui.

4 Si le commandant décide de s'approcher de cette colline par la

5 gauche, la responsabilité de ses subordonnés est alors limitée parce que,

6 justement, il n'a pas été suffisamment responsable et n'a pas pris

7 suffisamment pris en compte les avis d'autres personnes, et la décision

8 alors ne sera peut-être pas la plus avisée.

9 Quoi qu'il en soit, c'est le commandant qui doit assumer la

10 responsabilité de la décision et de la manière dont elle est appliquée.

11 M. Moran (interprétation) - Imaginons que le chef d'état-major

12 de la brigade propose un plan et que le commandant décide que oui, que

13 c'est un plan très valable et qu'il faut le suivre. A ce moment-là

14 quelqu'un, sans doute l'officier chargé des opérations, prendra le

15 téléphone et dira à ses subordonnés : "Allez-y, vous pouvez prendre cette

16 colline", la colline 352 par exemple. Est-ce que cela marcherait aussi

17 dans votre pays ?

18 M. Divjak (interprétation) - Oui. Il dirait comment doivent être

19 faites les choses, avec quels moyens et qui doit assister, avec quels

20 moyens logistiques tout cela doit être fait. Il aurait à ce moment-là tous

21 les éléments afin que le commandant puisse concrétiser cette décision.

22 Comme dans toutes les autres armées, je peux vous dire qu'au

23 tout début de la formation de la Défense territoriale et de l'armée de la

24 Bosnie-Herzégovine, nous avons essayé d'adapter les principes en vigueur

25 jusqu'alors, les principes de la JNA, aux règles de fonctionnement de

Page 8351

1 l'OTAN, pour être plus précis, règles qui, à de nombreux égards, étaient à

2 peu près similaires. D'ailleurs c'est un système de contrôle et de

3 commandement qui est universel à toutes les armées.

4 M. Le Président (interprétation). - Mais pourquoi poser toutes

5 ces questions, Maître Moran ?

6 M. Moran (interprétation) - J'allais passer à une question

7 suivante, Monsieur le Président. Dernière question et ensuite je change de

8 sujet.

9 Très bien. Lorsque cet officier chargé des opérations transmet

10 cet ordre à ses subordonnés, il n'agit pas, n'est-ce pas ? Il ne fait que

11 transmettent les ordres qui lui ont été donnés par le commandant ?

12 M. Divjak (interprétation) - Il y a un principe selon lequel le

13 commandant doit transmettre ses ordres directement à ses subordonnés.

14 M. Moran (interprétation). - Ce que je veux dire, Général, c'est

15 qu'un commandant commande et que ceux qui ne sont pas des commandants ne

16 commandent pas, n'est-ce pas, ils ne peuvent que transmettre les ordres,

17 mais ils ne sont pas commandants ?

18 M. Divjak (interprétation) - Oui, vous avez raison. Le

19 commandant commande et les autres transmettent les ordres. Mais cela

20 dépend de l'importance de l'unité dont on parle. Selon les tâches qui sont

21 assignées, un commandant pourra décider de constituer sa propre unité

22 chargée des opérations, laquelle pourra aider le commandant à concrétiser

23 la décision de la manière dont il le souhaite.

24 M. Moran (interprétation) - Bien. Passons à autre chose.

25 Général, vous êtes l'un des seuls généraux qui a dû ou qui a été forcé de

Page 8352

1 créer une armée, de créer une structure de défense au moment où vous étiez

2 impliqué dans une guerre. Je ne crois pas que cela se soit passé à de

3 nombreuses reprises au cours de l'Histoire. Je voudrais vous parler plus

4 précisément de la confusion qui régnait à ce moment-là, s'il y avait

5 confusion.

6 Y avait-il différentes filières de commandement, disons en

7 avril, mai, juin, juillet, août 1992, et cela a-t-il amené une certaine

8 confusion ?

9 M. Divjak (interprétation) - Oui, effectivement, il y avait une

10 confusion. Mais je ne sais pas à quel point vous voulez parler de

11 confusion précisément.

12 M. Moran (interprétation) - La Présidence de guerre municipale,

13 par exemple, avait-elle plus de pouvoirs en temps de guerre qu'elle n'en

14 aurait eu normalement de par la loi ?

15 M. Divjak (interprétation) - Je ne peux pas vous donner vraiment

16 de réponse précise, mais en tout cas pour ce qui est de la zone dans

17 laquelle j'ai passé 40 jours, je sais qu'à Sarajevo, dans certaines

18 cellules de crise, la Présidence et des organismes civils ont eu à faire,

19 dans certains cas, des choses que le Commandement suprême de la Bosnie-

20 Herzégovine n'avait pas envisagées. Cela ne veut pas dire que la confusion

21 régnait, mais avant tout le pays devait être défendu contre ce qui était à

22 ce moment-là la quatrième armée d'Europe.

23 Les moyens de communication ne fonctionnaient plus, ils étaient

24 plus ou moins détruits. Les décisions prises par la Présidence de la

25 Bosnie-Herzégovine n'arrivaient pas toujours aux chefs d'états-majors

Page 8353

1 municipaux. Nous manquions d'équipements, de ressources. Pour la bonne

2 conduite de la guerre, il n'y avait pas suffisamment de vivres,

3 d'électricité, d'eau et autres éléments vitaux ; toutes caractéristiques

4 d'une ville assiégée d'ailleurs.

5 Tout naturellement, dans de telles circonstances, certains

6 éléments venaient peut-être perturber le système de commandement de la

7 Bosnie-Herzégovine. Je parle ici en termes généraux.

8 En revanche, pour la zone dont nous parlons aujourd'hui, je ne

9 peux pas vous donner de détails, en l'occurrence pour octobre 1992 à

10 Konjic.

11 M. Moran (interprétation) - Tout à fait, Monsieur, nous parlons

12 en termes généraux, c'est entendu.

13 Toujours en termes généraux, la coordination entre la Défense

14 territoriale, qui est devenue l'armée de Bosnie-Herzégovine, d'une part,

15 et le HVO d'autre part, notamment au début de la guerre, était-elle

16 efficace, mauvaise, faible ?

17 M. Divjak (interprétation). - Je vais essayer de répéter ce que

18 j'ai déjà dit : dans certaines zones de Bosnie-Herzégovine, cette

19 coordination était excellente. Le ministère de la Défense ou le ministre

20 de la Défense de Bosnie-Herzégovine, Jerko Doko, a participé à

21 l'élaboration de la loi sur la défense en Bosnie-Herzégovine. Ce texte

22 précisait que le HVO était un élément des forces armées de Bosnie-

23 Herzégovine.

24 Cependant -et je le répète tant je l'ai déjà dit-, à la fin de

25 1991, la communauté croate de Herceg-Bosna a été créée. C'était une

Page 8354

1 institution parallèle qui venait s'ajouter aux autorités légales de

2 Bosnie-Herzégovine, un peu comme le SDS qui agissait dans une zone

3 majoritairement serbe.

4 Dans leurs documents -et cela s'est produit ultérieurement- il

5 était manifeste qu'ils n'acceptaient pas la Bosnie-Herzégovine. Par

6 conséquent, dans l'ouest de la Bosnie-Herzégovine et dans le centre de la

7 Bosnie, ils n'ont pas rejoint les forces de la Bosnie-Herzégovine.

8 Je vous ai donné quelques exemples positifs dans lesquels les

9 unités du HVO, des brigades à Sarajevo, les unités du HOS à Sarajevo, les

10 109ème et 110ème brigades à Posavina, le deuxième corps d'armée de Bosnie-

11 Herzégovine étaient des éléments constitutifs des forces armées de Bosnie-

12 Herzégovine.

13 Je vous ai également donné des exemples lorsqu'il y a eu une

14 tentative pour casser le siège de Sarajevo en juin 1992, siège auquel les

15 unités du HVO n'ont pas participé. Ces unités n'ont pas essayé de

16 débloquer Sarajevo ; elles ont même empêché une unité de la Défense

17 territoriale de Bosnie-Herzégovine de Kiseljak de participer à cet effort.

18 M. Moran (interprétation) - Général, avec l'aide de

19 M. l'huissier, je voudrais que vous vous concentriez sur la pièce 99,

20 annexe 9. Je ne veux pas que vous regardiez le contenu de ce document. A

21 ce propos, Monsieur le Président, je précise que c'est en bosniaque. Une

22 mention manuscrite figure en haut de ce document, en tout cas sur

23 l'exemplaire dont je dispose. Peut-être pourriez-vous préciser de quoi il

24 s'agit précisément ? Tout en haut de la page, il me semble que c'est un

25 rapport de transmission d'un fax. Est-ce exact, Général ?

Page 8355

1 M. Divjak (interprétation). - Moi, je lis "23 juillet 1992 à

2 11 heures et 23 minutes.

3 M. Moran (interprétation) - Peut-être pouvez-vous m'aider, parce

4 que je ne connais pas bien le fonctionnement de ces fax en ex-Yougoslavie

5 en 1992. A l'endroit d'où je viens, lorsque j'envoie un fax, mon fax

6 imprime immédiatement la date, le lieu et l'origine du fax. Est-ce ce à

7 quoi cela vous fait penser ?

8 M. Divjak (interprétation). - Ici aussi, la provenance est

9 inscrite. Ce numéro, 384, est la suite de ce numéro en haut à gauche.

10 M. Moran (interprétation) - Dans un endroit dénommé Inda-bau,

11 n'est-ce pas ? Savez-vous ce que c'est ?

12 M. Divjak (interprétation). - Moi non plus, je ne connais pas

13 bien les fax non plus.

14 M. Moran (interprétation) - Général, mon bureau a une

15 photocopieuse dont je ne me sers pas personnellement, mais je vois très

16 bien de quoi vous voulez parler.

17 Encore deux petits détails, Général, et je crois que nous en

18 aurons fini, et je vous remercie à l'avance de votre témoignage. Au début

19 de la guerre -je parle toujours de la période avril...

20 M. Divjak (interprétation). - Avril, oui.

21 M. Moran (interprétation) - ...la période avril/novembre 1992.

22 Pendant cette période, était-il courant de nommer quelqu'un à un poste au

23 sein de l'armée si cette personne n'était pas la plus appropriée pour le

24 poste, simplement en raison d'un manque de formation militaire ?

25 En d'autres termes, était-il courant ou peu courant de nommer

Page 8356

1 quelqu'un dont l'entraînement militaire était très insuffisant à un poste

2 de responsabilité au sein de l'armée simplement parce qu'il n'y avait pas

3 de soldat professionnel comme vous pour être nommé à ce poste ?

4 M. Divjak (interprétation). - Nous en arrivons là à un problème

5 de commandement, de politique des cadres où j'étais en désaccord. Mais,

6 comme on dit en Bosnie, cela ne mange pas de pain.

7 M. Moran (interprétation) - Poursuivez, s'il vous plaît, je ne

8 parle pas de la politique.

9 M. Divjak (interprétation). - Oui, je vais vous expliquer. Je

10 prendrai l'exemple de Sarajevo : il y avait suffisamment d'officiers de

11 bonne qualité, entraînés et compétents, qui avaient quitté dès septembre-

12 octobre 1991 l'ancienne armée populaire yougoslave et qui sont devenus des

13 soldats, alors que d'autres qui se sont imposés dans la défense de

14 Sarajevo -pour utiliser un terme modéré- sont devenus commandants alors

15 qu'ils n'avaient aucunes connaissances réelles, et ce à des postes très

16 élevés.

17 Par exemple, à Sarajevo, trois des huit brigades étaient

18 commandées par des hommes incompétents. Il y en avait une qui était même

19 commandée par quelqu'un qui n'avait pas fait son service militaire parce

20 qu'il n'était pas apte au service. Deux autres de ces commandants étaient,

21 jusqu'à la guerre, de simples civils, des citoyens habitant entre quatre

22 murs.

23 C'est sans doute en rapport avec les responsables municipaux

24 dont vous avez parlé tout à l'heure, qui avaient peut-être davantage

25 confiance en eux qu'ils ne pouvaient avoir confiance dans des patriotes

Page 8357

1 dévoués et dignes de confiance. Je parle pour Sarajevo. Pour les autres

2 régions, je n'ai pas qualité pour parler.

3 Mais permettez que je poursuive jusqu'au bout : tous ceux qui

4 ont maintenu ce genre de conception portent la responsabilité de ce que

5 des gens, qui n'avaient pas des connaissances militaires suffisantes,

6 voire aucunes connaissances, ont pu être placés à des postes de hautes

7 responsabilités.

8 Je vous rappelle qu'il y a un instant, vous avez qualifié de la

9 meilleure manière qui soit le comportement que l'on doit attendre d'un

10 commandant.

11 M. Moran (interprétation) - Général, je vous remercie beaucoup.

12 Bon voyage de retour à Sarajevo.

13 Monsieur le Président, je n'ai plus de question.

14 M. Divjak (interprétation). - J'aimerais bien boire un café avec

15 vous. (Rires.)

16 M. Moran (interprétation) - Dès que vous le voudrez, Monsieur !

17 M. Greaves (interprétation) - Bonjour, Général Divjak.

18 M. Divjak (interprétation). - Bonjour, Monsieur.

19 (expurgée)

20 (expurgée)

21 (expurgée)

22 (expurgée)

23 (expurgée)

24 (expurgée)

25 (expurgée)

Page 8358

1 (expurgée)

2 (expurgée)

3 (expurgée)

4 (expurgée)

5 M. Greaves (interprétation) - Je crois que nous allons

6 poursuivre.

7 M. le Président (interprétation). - Oui, vous pouvez poursuivre,

8 M. Greaves (interprétation) - Merci, Monsieur le Président.

9 Général, je voudrais vous poser quelques questions fort simples

10 qui peuvent néanmoins avoir leur importance.

11 S'agissant des devoirs des supérieurs et des subordonnés, vous

12 avez parlé des devoirs des subordonnés qui consistent à rendre compte à

13 leurs supérieurs. Dans une armée normale, c'est la description élémentaire

14 du rapport qui doit lier n'importe quel subordonné à son supérieur, n'est-

15 ce pas ?

16 M. Divjak (interprétation). - Oui, vous avez raison.

17 M. Greaves (interprétation) - Je parle de théorie, mais je n'ai

18 aucun doute sur le fait que vous-même, sur la base de votre expérience en

19 tant que soldat professionnel, avez déjà vécu des situations pour

20 lesquelles des rapports, pourtant nécessaires, n'ont pas été transmis.

21 M. Divjak (interprétation). - La responsabilité de tout

22 subordonné consiste, à un moment déterminé de la journée -dans la

23 pratique, cela se situe entre vingt et vingt-deux heures- de rendre compte

24 de ce qui s'est passé dans la journée. C'est l'A-B-C du système de

25 direction et de commandement.

Page 8359

1 Dans les pires situations, lorsqu'il était impossible d'utiliser

2 les moyens de communication ou d'autres moyens techniques, comme par

3 exemple un véhicule motorisé, pour transmettre ce rapport, on envoyait un

4 messager deux ou trois heures à l'avance pour que, à l'heure prévue, le

5 rapport arrive à destination.

6 Je me rappelle une situation à Konjic où, depuis plusieurs

7 jours, les communications étaient totalement interrompues. Je me souviens

8 que des messagers ont été envoyés à Bjelasnica où se trouvait l'émetteur

9 de la télévision de Bosnie-Herzégovine, pour qu'un message soit transmis

10 depuis cet endroit vers Sarajevo.

11 Ni dans la pratique ni dans la théorie je n'ai vécu de situation

12 où ce type de rapports ne pouvait pas être transmis. Mais le fait est que

13 de tels rapports parfois n'arrivaient pas à destination en temps voulu.

14 D'autre part, dans tout ordre, qu'il soit oral ou écrit, il est

15 stipulé au cours des préparatifs d'exécution des tâches militaires :

16 "Cette exécution peut se faire également selon les besoins."

17 Indépendamment du niveau d'organisation du système de direction

18 et de commandement, pour autant que je sache, ce type d'obligation a été

19 respecté.

20 M. Greaves (interprétation) - Peut-on maintenant passer à un

21 élément qui a été abordé par Me Moran dans les questions qu'il vous a

22 posées, à savoir le moment où a été créée l'armée de Bosnie-Herzégovine,

23 je vous prie ?

24 La structure de la Défense territoriale était-elle une structure

25 préexistante, ou s'agissait-il d'une structure totalement nouvelle au

Page 8360

1 moment où l'armée de Bosnie-Herzégovine a été créé ?

2 M. Divjak (interprétation). - Dans les premiers temps, la

3 Défense territoriale était identique à ce qu'elle était au début de

4 l'agression contre la Bosnie-Herzégovine. Pour l'essentiel, dans la

5 majorité des cas, le la Bosnie-Herzégovine. Pour l'essentiel, dans la

6 majorité des cas, les commandants des états-majors de la Défense

7 territoriale étaient des hommes qui avaient déjà travaillé dans les rangs

8 de la Défense territoriale. Je parle de ces états-majors municipaux où la

9 majorité de la population était musulmane de Bosnie. Il en allait de même

10 dans les états-majors correspondant à une population à majorité croate.

11 S'agissant de l'insuffisance d'efficacité dans l'organisation de

12 la défense, et du fait que l'armée présuppose une organisation solide et

13 ferme, il a été décidé de créer l'armée de Bosnie-Herzégovine.

14 J'en arrive là à une question de Mme McHenry qui n'a pas eu de

15 réponse. Elle a demandé si la Défense territoriale a été transformée en

16 armée de Bosnie-Herzégovine du jour au lendemain, ou si le processus a

17 duré un certain temps.

18 Bien entendu, ce processus a duré entre six et huit mois ; ce

19 n'est pas du jour au lendemain qu'il a été possible de transformer la

20 Défense territoriale en armée de Bosnie-Herzégovine. Si nous devions dire

21 de façon simpliste que la Défense territoriale s'assimilait un peu à une

22 structure civile, la création des états-majors municipaux, la création des

23 brigades et des corps d'armée nous amènent à une situation où l'on se

24 trouve face à un mode d'organisation classique connu dans toutes les

25 armées. Le système de direction et de commandement devient, de ce fait,

Page 8361

1 beaucoup plus solide, la responsabilité des commandants étant de ce fait

2 considérablement accrue, et les responsables de la Défense de la Bosnie-

3 Herzégovine devenant plus manifestes.

4 M. Greaves (interprétation) - Au début de la guerre, les unités

5 de la Défense territoriale existant dans la cadre de la théorie de la

6 défense populaire, ont nécessité un certain temps, pratiquement jusqu'à la

7 fin de l'année, pour être transformées en ce que j'appellerai une armée

8 régulière, pour utiliser un terme connu de tous.

9 M. Divjak (interprétation). - Oui, il a fallu pas mal de temps.

10 M. Greaves (interprétation) - Il ne fait aucun doute que dans

11 cette période de six à huit mois, il y a eu des moments où le processus ne

12 s'est pas passé sans heurts !

13 M. Divjak (interprétation). - Il ne s'est pas passé sans heurts,

14 notamment dans les endroits où il n'y avait pas suffisamment de cadres

15 formés. Il est même arrivé que les cadres aient été remplacés au bout de

16 huit à dix mois. Cela a été le cas dans les endroits où il n'y avait pas

17 suffisamment de ressources matérielles pour mener le combat. Bien entendu,

18 d'autres moyens techniques faisaient défaut également, notamment les

19 moyens nécessaires à l'exercice des fonctions de commandement.

20 Dans mon cas particulier par exemple, lorsque j'ai reçu pour

21 mission -cela s'est passé au mois de mai, lorsque les premières brigades

22 ont été créées à Zenica et à Tuzla- de créer une brigade à Jablanica,

23 celle-ci n'a été formée qu'en janvier ou février 1993.

24 M. Greaves (interprétation) - Il ne fait aucun doute qu'au

25 cours du processus de création de l'armée de Bosnie-Herzégovine, certaines

Page 8362

1 unités n'ont existé que pendant quelques mois avant d'être démantelées.

2 Est-ce exact ?

3 M. Divjak (interprétation) - Oui, les premiers groupes de

4 patriotes armés se sont organisés sur leur propre initiative, et ce sur

5 l'ensemble du territoire de Bosnie-Herzégovine. Ce sont ces unités qui ont

6 empêché le démantèlement complet de la Bosnie-Herzégovine. Elles n'ont pas

7 été démantelées par la suite, mais elles ont été versées dans des unités

8 plus importantes.

9 Je vous rappelle que j'ai déjà déclaré -je parle de Sarajevo

10 mais cela a sans doute été également le cas dans d'autres régions- que les

11 groupes qui dépendaient de la Ligue patriotique et les unités dont le

12 maître était le SDA, les Bérets verts, et autres unités de ce genre comme

13 les Tigres si je ne m'abuse ; tous ces groupes ont fonctionné au départ de

14 façon autonome sur les territoires où ils s'étaient constitués.

15 Compte tenu du fait qu'à l'origine, cela s'est déroulé sous la

16 direction de la Défense territoriale, et ce pendant un certain temps, le

17 12 avril 1992, la Présidence a décidé que l'ensemble de ces unités

18 devaient entrer dans la composition de la Défense territoriale et que ce

19 processus devait être achevé au 15 avril 1992. Ce jour-là, en Bosnie-

20 Herzégovine, nous fêtons le jour de la création de l'armée de la Bosnie-

21 Herzégovine.

22 Malheureusement, y compris postérieurement à cette date,

23 certains groupes ont continué à agir de façon autonome. L'état-major et

24 les premiers commandants ont alors pris des mesures énergiques, et jusqu'à

25 la fin de l'année 1992, ces groupes restants ont tout de même été versés

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1 dans les rangs de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

2 Néanmoins, des expériences vécues montrent que, y compris en

3 1993 à Sarajevo, certaines unités ont mené des opérations offensives en

4 dehors du champ de leurs compétences. Je dirai qu'elles ont agi dans le

5 dos de l'état-major officiellement mis en place.

6 M. Greaves (interprétation) - Vous avez déjà parlé de

7 l'insuffisance de la formation de certains hommes. La présence de troupes

8 mal entraînées au sein de l'armée de Bosnie-Herzégovine était-elle un

9 problème significatif en 1992 ?

10 M. Divjak (interprétation) - D'abord, ce dont j'ai parlé c'est

11 de l'insuffisance de formation des cadres, des commandants, mais le

12 patriotisme était le ciment de l'ensemble des troupes : soldats et

13 commandements.

14 A titre de comparaison, si l'on donne un ordinateur à quelqu'un

15 qui n'a aucune notion d'informatique, il ne sait pas quoi en faire.

16 Malheureusement, la situation était telle que des gens se sont trouvés à

17 des postes de direction, qu'ils ont pu prendre le commandement de

18 certaines unités, qu'ils ont pu décider d'emmener ces unités où ils le

19 voulaient sans avoir la capacité d'évaluer la situation, de juger de la

20 réalité des opérations offensives et de prendre des décisions.

21 Ce que je vais vous dire maintenant est mon point de vue

22 personnel : malheureusement des dizaines de combattants ayant participé à

23 la défense de Sarajevo sont morts par manque de compétence d'hommes qui

24 étaient placés à des postes de commandement.

25 M. le Président (interprétation). - Nous allons prendre une

Page 8364

1 brève pause et nous reprendrons l'audience à 16 heures 30.

2 L'audience, suspendue à 16 h, est reprise à 16 h 33.

3 M. Moran (interprétation) - Monsieur le Président, un point

4 d'intendance, si vous me le permettez, parce que c'est bien de cela qu'il

5 s'agit.

6 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.

7 M. Moran (interprétation) - Nous nous sommes rendu compte que la

8 pièce à conviction de l'accusation 192 n'a pas été versée au dossier. Je

9 demande le versement au dossier de ce document : la lettre, la traduction

10 anglaise de la lettre et la partie de la lettre qui est photographiée en

11 bosniaque sur une feuille séparée, sans ce qui entoure cette photographie.

12 M. le Président (interprétation). - Je ne sais pas exactement

13 quelle est la position de l'accusation sur ce point. Quelle est-elle, je

14 vous prie ?

15 Mme McHenry (interprétation). - L'accusation n'a aucune

16 objection, elle demandera que toutes les pièces qui ont été montrées au

17 témoin soient versées au dossier.

18 M. le Président (interprétation). - Vous pensez simplement que

19 montrer un document au témoin suffit pour que la pièce soit versée ? Je ne

20 crois pas que cela suffise. Il faut qu'il y ait une justification.

21 Mme McHenry (interprétation). - S'agissant de ce document,

22 l'accusation n'a pas d'objection.

23 M. le Président (interprétation). - J'accepte cela, mais le

24 document ne peut être versé au dossier que par l'intermédiaire de

25 quelqu'un.

Page 8365

1 Mme McHenry (interprétation). - Nous parlons bien du document de

2 la Croix-Rouge. La fiabilité de ce document est suffisante pour qu'il soit

3 recevable.

4 M. le Président (interprétation). - La correction de la

5 traduction nous donne cette possibilité. Maître McHenry sait bien qu’être

6 informé plus tôt aurait fait toute la différence. Sur la base de la

7 traduction, je vois qu'il est question de demander que ce document soit

8 remis en mains propres, et qu'il ne s'agit pas simplement d'un envoi aux

9 bons soins de, cela signifie que le document a bien été envoyé à la

10 personne à laquelle il était destiné.

11 M. Moran (interprétation) - Monsieur le Président, si

12 nécessaire, je modifie ma demande pour inclure le mot. Je pense que

13 l'accusation sera d'accord sur le fait que cela ne pose pas de problème

14 absolu.

15 Mme McHenry (interprétation). - Absolument. Nous insistons sur

16 ce point.

17 M. O’Sullivan (interprétation). - Au nom de M. Delalic, nous

18 objectons à cela, car l'authenticité du document n'est pas prouvée. Nous

19 objections également sur des bases de pertinence.

20 M. le Président (interprétation). - Nous tenons compte de votre

21 objection, non pas en renvoyant le document, mais en prenant note qu'il y

22 a une objection exprimée sur des bases de pertinence.

23 M. Moran (interprétation) - Le document est-il admis ?

24 M. le Président (interprétation). - Oui.

25 M. Moran (interprétation) - Merci beaucoup.

Page 8366

1 M. le Président (interprétation). - Faites entrer le témoin.

2 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience.)

3 M. le Président (interprétation). - Veuillez rappeler au témoin

4 qu'il dépose toujours sous serment.

5 Mme Le Greffier. - Je vous rappelle, Monsieur, que vous êtes

6 toujours sous serment.

7 M. Greaves (interprétation). - Avant la pause, nous avions

8 brièvement discuté du problème de ce que l'on pourrait appeler les unités

9 irrégulières agissant de façon autonome. Vous rappelez-vous cela ?

10 M. Divjak (interprétation) - Oui, j'ai cité des exemples de

11 telles situations à Sarajevo, au cours de l'année 1993.

12 M. Greaves (interprétation). - Puis-je vous proposer un autre

13 exemple ? Celui d'Akrepi. Est-ce qu'il existait une unité répondant à ce

14 nom ?

15 M. Divjak (interprétation) - A ce moment-là, les Akrepis

16 faisaient, pour ce que j'en sais, partie des états-majors municipaux des

17 forces armées de Konjic. Je connaissais le commandant de cette unité

18 Akrepi.

19 M. Greaves (interprétation). - Connaissiez-vous M. Pirkic ?

20 M. Divjak (interprétation) - Oui, je le connaissais.

21 M. Greaves (interprétation). - Je pense que vous avez eu

22 quelques problèmes avec ce personnage à l'époque, n'est-ce pas ?

23 M. Divjak (interprétation) - Je n'ai pas eu de difficultés avec

24 son unité, mais avec son commandant.

25 M. Greaves (interprétation). - Pouvons-nous passer à l'examen de

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1 la situation logistique qui existait en 1992 ? Général, conviendriez-vous

2 avec moi que pendant toute la première période de la guerre, jusqu'à

3 fin 1992, il existait des difficultés considérables du point de vue de la

4 logistique et ce dans toute la République ?

5 M. Divjak (interprétation) - Oui, vous avez raison. Ces

6 problèmes sont apparus également au début du conflit avec le HVO et en

7 raison de l'appui que l'armée croate a fourni au HVO ; si bien que les

8 filières d'approvisionnement normal ont été interrompues et qu'une partie

9 du soutien logistique a même été arrêtée sur le territoire de

10 l’Herzégovine occidentale et n'a pas pu parvenir jusqu'au centre

11 logistique de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

12 M. Greaves (interprétation). - Les pénuries portaient-elles sur

13 tous les types d'équipement, c'est-à-dire les vivres, le carburant,

14 l'armement, etc. ?

15 M. Divjak (interprétation) - Les pénuries ont porté

16 principalement sur les armes lourdes. L'armée de Bosnie-Herzégovine n'a

17 pas eu jusqu'à la fin de la guerre des armes lourdes en quantités

18 suffisantes, ce qui aurait pu influer de façon considérable sur la

19 modification du rapport de force entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et

20 les forces responsables de l'agression contre la Bosnie-Herzégovine.

21 M. Greaves (interprétation). - Il ne fait aucun doute que la

22 plus grande partie des approvisionnements allait aux unités combattantes,

23 n'est-ce pas ?

24 M. Divjak (interprétation) - Ce qui était nécessaire pour le

25 combat allait aux unités combattantes, mais il existait une solidarité

Page 8368

1 entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et la population concernant les

2 vivres. Il est arrivé que dans des moments de crise pour l'armée, la

3 population apporte des vivres aux combattants, en prélevant sur le peu

4 qu'elle possédait elle-même. La situation inverse s'est produite également

5 dans les moments où, de temps à autre, les vivres disponibles dans les

6 centres de logistique de l'armée de Bosnie-Herzégovine étaient un peu plus

7 importants que d’habitude. A ce moment-là, l'armée de Bosnie-Herzégovine

8 apportait son aide aux familles des combattants, c'est-à-dire aux civils.

9 M. Greaves (interprétation). - Outre les pénuries en éléments

10 matériels, il y a également le problème que vous avez décrit portant sur

11 la destruction des systèmes de communication. Ce problème a-t-il existé

12 sur l'ensemble du territoire de la République ?

13 M. Divjak (interprétation) - L'un des objectifs premiers de

14 l'attaque perpétrée par l'armée populaire yougoslave et les unités

15 paramilitaires du SDS a été les centres de télécommunication. Je suis en

16 mesure de vous dire que sur dix stations de télévision existant en Bosnie-

17 Herzégovine, dès le mois d'avril ou mai, sept ont été prises par des

18 unités de l'armée populaire yougoslave.

19 Monsieur le Président, je saisis l'occasion pour vous dire qu'un

20 Serbe, Maja Petrovic, soldat de l'armée de Bosnie-Herzégovine, accompagné

21 d'une dizaine de soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine et de

22 représentants de la télévision de Bosnie-Herzégovine, a trouvé la mort en

23 défendant l'une de ces stations de télévision à Vlasic.

24 M. Greaves (interprétation). - Mais à un niveau plus

25 élémentaire, comme par exemple les lignes de téléphone permettant les

Page 8369

1 communications entre particuliers, ces lignes ont-elles également été

2 endommagées de façon sérieuse ?

3 M. Divjak (interprétation) - Le câble principal qui reliait la

4 Bosnie-Herzégovine au reste du monde a été coupé au début de la guerre,

5 puisque vous me parlez d’abord de la Bosnie-Herzégovine dans son ensemble.

6 Pour le reste, au niveau local, les lignes entre Sarajevo, Mostar, Tuzla

7 et Bihac n'auraient pas pu cesser de fonctionner si elle n'avaient été

8 coupées. Si nous parlons donc de la région qui nous intéresse en ce

9 moment, à savoir Konjic, cette région était également dans cette

10 situation.

11 Mais, j'ai déjà expliqué que les journalistes, y compris de la

12 télévision, ont voyagé à pied pendant huit heures en utilisant, notamment

13 des luges pendant l'hiver, pour apporter des informations sur la situation

14 à Konjic, Jablanica, Prozor, jusqu'à Mostar, en provenance de Bjelasnica.

15 En ce qui concerne l'armée de terre de Bosnie, les armes étaient

16 entreposées dans les arsenaux de la JNA. Les moyens de communication

17 moderne, les radios, les radars et autres éléments de ce genre sont restés

18 entre les mains de l'armée populaire de Yougoslavie. L'armée de Bosnie-

19 Herzégovine n'a pas pu disposer, même après le début de la guerre, de

20 moyens de communication modernes et suffisants pour transmettre les

21 ordres.

22 Maintenant vous m'interrogez ! Au début de la guerre, ce qui

23 fonctionnait le mieux était le système des messagers.

24 M. Greaves (interprétation). - Dernière question sur ce point,

25 Général. J'aimerais vous poser la question suivante : dans bon nombre

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1 d'armées, les soldats les moins bien entraînés, ceux de moindre qualité se

2 voient assigner les tâches de moindre importance, comme celles de

3 sentinelles. Etait-ce également le cas dans l'armée de Bosnie-

4 Herzégovine ?

5 M. Divjak (interprétation) - Eu égard à ceux qui posaient un

6 problème en matière d'organisation des cadres, je pense qu'ils réalisaient

7 des missions très responsables. Maintenant, s'agissant de ce que j'ai pu

8 voir à Sarajevo, et dans une moindre mesure à l'état-major municipal des

9 forces armées de Konjic, je dirai que les jeunes gens que j'y ai vus

10 étaient des personnes compétentes et de bonne qualité. Ils étaient, en

11 fait, d'origines différentes. Ou bien ils avaient été dans les rangs de

12 l'armée populaire yougoslave par le passé, dans les unités chargées des

13 transmissions, ou bien, pour ce qui concerne Konjic -je le sais bien

14 depuis avant la guerre, car comme je vous l'ai déjà dit, j'ai été

15 commandant du district militaire de Mostar- les commandants qui

16 dirigeaient les radioamateurs de Konjic étaient parmi les plus connus de

17 Bosnie-Herzégovine.

18 Pour répondre à votre question, puisque j'ai été témoin de

19 l'action des radioamateurs à Konjic, ils avaient l'habitude de transmettre

20 des informations de la présidence de guerre ou de la cellule de crise de

21 Konjic. En fait, ils maintenaient les liaisons avec le monde entier.

22 Maintenant, vous me parlez des simples soldats. Ceux-ci étaient,

23 en fait, le nerf de la guerre pour le système de transmission.

24 Mais, si l'on parle de l'influence de personnes extérieures à

25 l'armée et à la police, je mettrais avant tout en Bosnie-Herzégovine

Page 8371

1 l'accent sur l'action des radioamateurs.

2 M. Greaves (interprétation). - Je vous prie de regarder la carte

3 de Bosnie-Herzégovine et de vous pencher sur la situation de Konjic en

4 tant que lieu stratégique au sein de la République.

5 Veuillez montrer le document D74/1 qui se trouve à côté de

6 l'écran, s’il vous plaît. Général, levez-vous et placez-vous à côté du

7 microphone afin de montrer les endroits dont nous allons parler.

8 Tout d'abord, je souhaite vous poser une question concernant la

9 position de Konjic sur la route, entre Sarajevo et la mer. S'il vous

10 plaît, montrez cette route en y indiquant tous les endroits importants

11 entre Sarajevo et la côte. S'il vous plaît, rapprochez-vous du microphone.

12 M. Divjak (interprétation). - Je souhaite avoir l’air de

13 Zuico Dzumhur qui parlait de Konjic comme le bijou de la Bosnie-

14 Herzégovine.

15 Bien sûr, vous m'avez posé une question militaire. Je vais vous

16 répondre en tant qu’amoureux de la Bosnie-Herzégovine, mais surtout de

17 Konjic. Muso Maric a dit que : "Igman nourrit et rend riche Konjic". Quand

18 on dit Igman, on parle de l'usine. Il est clair que c'est un endroit

19 important du point de vue stratégique et géographique. Il se trouve

20 quelque part entre l’Herzégovine et la Bosnie. C'est l'endroit où,

21 beaucoup plus qu'ailleurs, les Serbes, les Croates et les Bosniens ont

22 vécu ensemble. Dans la région de Konjic, beaucoup de pierres tombales sont

23 la preuve du début de la vie commune dans cette région.

24 Vous avez posé la question à propos de la route. D'un côté, on a

25 la route qui part par la vallée de la Neretva jusqu'à Konjic. Ensuite,

Page 8372

1 Ivan Sedlo, Ilidza, pendant la guerre, par le biais d'Igman jusqu'à

2 Sarajevo. C'est une route importante du point de vue stratégique, ce qui

3 veut dire qu'il est possible de l'emprunter pour faire passer par là des

4 unités allant jusqu'au niveau de la division. En effet, sur cette route et

5 autour de celle-ci, c'est surtout dans la région de la vallée de la

6 Neretva qu'on pouvait organiser de grandes opérations militaires. Sinon,

7 ici, il y a une ligne ferroviaire et des centrales hydroélectriques. Mais,

8 pour le moment, il existe un grand problème concernant ces centrales

9 électriques qui n'a toujours pas été résolu.

10 Il existe d'autres routes menant de la Croatie par le biais de

11 Posusje, Cursnica, Jablanica et Konjic. Il est aussi possible d’arriver

12 jusqu’à Konjic en venant depuis Prozor. Il est bien sûr possible

13 d'atteindre Prozor depuis plusieurs endroits, y compris par exemple depuis

14 Split. Pour aller jusqu'à Konjic, il est possible de faire un détour par

15 le biais de Fojnica, Dusina, Prozor encore une fois, ou bien directement

16 jusqu'à Konjic.

17 Ce qui était important à l'époque, et là on ne parle pas encore

18 de l'année 1992, c’est que cet endroit était à la fois le centre des

19 moyens matériels qui arrivaient depuis la Croatie jusqu'à Konjic , mais

20 aussi par la région de Visoko, contrôlée par le HVO au moment où les

21 rapports entre le HVO et la Défense territoriale étaient bons.

22 Etant donné que c'était, ici, la seule route entre la Croatie et

23 Sarajevo, de nombreuses personnes très importantes l'empruntaient pour se

24 rendre à la Présidence de guerre et pour rendre également visite à

25 M. Delalic. Souvent des responsables locaux rendaient cela possible en

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1 proposant à l'un ou à l'autre un véhicule pour aller à Sarajevo. Des

2 problèmes logistiques étaient également résolus pour eux.

3 De toute façon, il s'agissait d'un endroit qui devait être le

4 point stratégique pour toutes les unités, et non pas seulement pour les

5 unités du groupe tactique 1.

6 M. Greaves (interprétation). - Pour résumer, deux choses

7 importantes concernent Konjic. D'un côté, il s'agit d'une route qui peut

8 supporter les troupes des unités les plus grandes et les plus lourdes.

9 D’un autre côté, il s'agissait d'un centre stratégique, d'un centre

10 logistique important.

11 M. Divjak (interprétation). - Oui, absolument. C'était un centre

12 important, non pas seulement en ce qui concerne le matériel et les

13 équipements, mais aussi parce que les personnes qui passaient par cette

14 région en ayant quitté Sarajevo étaient capables de dire au public quelle

15 était l'ampleur du génocide qui se déroulait dans cette ville.

16 M. Greaves (interprétation). - Seriez-vous d'accord pour dire

17 que si, à un moment et à un endroit, et surtout dans la région de Konjic,

18 cette route avait été fermée, cela aurait eu des effets très nuisibles par

19 rapport à la survie de la République de la Bosnie-Herzégovine pendant

20 cette première année ?

21 M. Divjak (interprétation). - Oui, et cela s'est avéré vrai

22 pendant la guerre avec les forces croates. Lorsque les ponts ont été

23 détruits près du village de Bijela et de Brednica, la circulation a été

24 complètement interrompue. Nos unités devaient donc faire des détours.

25 Effectivement, à ce moment-là, Konjic était très important du point de vue

Page 8374

1 logistique pour soutenir les opérations de combats autour de Sarajevo.

2 M. Greaves (interprétation). - Encore quelques détails sur ce

3 sujet. Cela veut dire qu'une personne très compétente pouvait menacer la

4 sécurité de la Bosnie-Herzégovine toute entière ?

5 M. Divjak (interprétation). - Je n'ai pas bien compris la

6 question.

7 M. Greaves (interprétation). - Un soldat très compétent, avec un

8 bon équipement, pouvait donc menacer la sécurité de la Bosnie dans son

9 ensemble ?

10 M. Divjak (interprétation). - Je ne suis pas sûr d’avoir bien

11 compris. Vous parlez d'un soldat qui devrait être nommé ? Ou bien d’un

12 soldat qui pourrait s'attaquer à Konjic et qui pourrait donc menacer la

13 sécurité de la Bosnie-Herzégovine ?

14 M. Greaves (interprétation). - Il serait possible, relativement

15 facilement, de fermer cette route avec un petit nombre de soldats, y

16 compris peut-être avec un seul soldat ?

17 M. Divjak (interprétation). - Un seul soldat, non, mais peut-

18 être être qu’un groupe de soldats bien entraînés pourrait le faire, avec

19 beaucoup d'explosifs, beaucoup d'équipements. C'est ce qui s'est passé en

20 ce qui concerne le pont à Bijela.

21 M. Greaves (interprétation). - Nous souhaitons mieux comprendre

22 la topographie de la région le long de la route. Y a-t-il de nombreuses

23 montagnes dans cette région ?

24 M. Divjak (interprétation). - Oui, il y a des montagnes très

25 hautes, de plus de 2 000 mètres. Il est impossible de faire de grands

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1 détours par rapport à la route parce qu'on entre tout de suite dans les

2 montagnes. Les seules possibilités sont à Tarcin, près de Bradina, de

3 Konjic. Mais, plus loin, le long de la vallée de la Neretva, il est

4 impossible de faire des manoeuvres techniques dans cette partie de la

5 route.

6 M. Greaves (interprétation). - Quand vous dites la vallée de la

7 rivière de la Neretva, il s'agit de la vallée par laquelle passe la route

8 vers Konjic ?

9 M. Divjak (interprétation). - Oui, la route passe par la vallée

10 de la Neretva. Il y a plusieurs ponts sur cette route.

11 M. Greaves (interprétation). - Pourriez-vous indiquer sur la

12 carte la rivière de Neretva ? Prend-elle sa source dans les montagnes ?

13 Va-t-elle jusqu'à la route qui va effectivement vers Konjic ?

14 M. Divjak (interprétation). - Je suppose que vous voulez que je

15 dise cela devant le Tribunal. Vous étiez sur place, donc vous connaissez

16 la réponse. Comme toutes les rivières en Bosnie-Herzégovine, elle prend sa

17 source dans une montagne. Je vous montre sur la carte où commence la

18 rivière. C'est quelque part entre les montagnes Volujak, Zerengora.

19 Ensuite, avec le fleuve de Bijela, elle s'élargit. Puis, il y a le lac de

20 Borci et elle va jusqu'à Konjic.

21 Cette route prend sa source à Kalinovik. Elle a été construite

22 il y a une dizaine d'années. Il y a donc une très bonne route entre Konjic

23 et Kalinovik. Dans cette partie, il est possible de traverser la rivière à

24 pied, surtout en été. Ensuite, plus loin, après Konjic, il y a le lac de

25 Jablanica.

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1 M. Greaves (interprétation). - C'est un lac naturel ou

2 artificiel ?

3 M. Divjak (interprétation). - C'est un lac artificiel qui a été

4 créé il y a environ vingt-cinq ou trente ans pour construire une centrale

5 électrique à Jablanica. En passant par Jablanica, on retrouve plusieurs

6 autres lacs, où les centrales électriques de Grabovica et de Mostar ont

7 été créées. Le fleuve Rama rejoint la rivière de la Neretva. Sur ce fleuve

8 aussi, il y a une grande centrale électrique. Il s'agit d'un réservoir

9 énergétique. L'unique structure qui fonctionnait pendant toute la guerre,

10 dans la région de la Bosnie-Herzégovine, était effectivement la centrale

11 électrique de Jablanica. Ainsi, de temps en temps Konjic et Jablanica

12 étaient approvisionnées en énergie électrique pendant une certaine partie

13 de la journée. Konjic était une ville industrielle, avec notamment une

14 industrie militaire très développée et une usine où l'on produisait des

15 munitions pour l'infanterie.

16 M. Greaves (interprétation). - En ce qui concerne la ligne

17 ferroviaire, s'agit-il d'une ligne qui va le long de la route entre

18 Sarajevo et la côte ?

19 M. Divjak (interprétation). - Pour partie, cette ligne

20 ferroviaire va le long de la route. Il y a de nombreux tunnels. Ensuite,

21 après Konjic, la ligne longe le côté droit de la Neretva. La plupart du

22 temps, elle longe sur la droite la rivière de la Neretva. Etant donné

23 qu'il s'agit d'une partie qui est étroite, la distance entre la route et

24 la ligne ferroviaire n'a pas plus de 150 mètres de large.

25 En octobre 1992, quand j'étais à Konjic, j'ai été surpris de

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1 constater que, vers 1 heure 15 de l'après-midi arrivait, tous les jours,

2 un train passant entre Pazaric et Konjic.

3 M. Greaves (interprétation). - Merci. J'ai fini pour le moment

4 mes questions concernant la carte. Vous pouvez vous asseoir. Si vous

5 souhaitez vous servir de la carte, n'hésitez pas, s'il vous plaît.

6 Général, je souhaiterais maintenant que nous parlions du concept

7 de la Défense populaire. Corrigez-moi si j'ai tort. Ai-je raison si je dis

8 que l'origine de ce concept se trouve dans la guerre de partisans de 1941

9 jusqu'à 1945 ?

10 M. Divjak (interprétation). - Le concept de la Défense populaire

11 a été créé par Joseph Broz Tito, le commandant suprême de l'armée

12 populaire yougoslave. Ce concept a été soutenu par les organismes de

13 chaque République. Cela permettait à chacune d'entre elles, dans des

14 circonstances extraordinaires, de faire appel à la Défense territoriale

15 afin de défendre le territoire de cette République. Au sein des forces

16 armées, le but des activités de guerre de la Défense territoriale, sous

17 forme de lutte de partisans, était de participer aux combats, aux

18 batailles et même aux opérations militaires contre l'ennemi, contre

19 l'agresseur. L'expérience de la Deuxième guerre mondiale et la lutte armée

20 de partisans se sont reflétées dans la conception de la Défense

21 territoriale dans l'ex-Yougoslavie.

22 M. Greaves (interprétation). - Peut-on dire que la leçon de la

23 Deuxième guerre mondiale était que même un petit groupe de soldats armés

24 pouvait porter atteinte, même d'une manière importante, aux forces

25 opposées beaucoup plus nombreuses ?

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1 M. Divjak (interprétation). - Oui. Comme toutes les autres

2 armées du monde, l'ex-armée populaire yougoslave -dans le cadre de

3 l'entraînement pour la Défense territoriale- se basait sur l'expérience

4 d'autres guerres et d'autres peuples. Nous nous sommes donc penchés sur la

5 guerre du Vietnam, sur la guerre d'Algérie, les guerres d'Amérique

6 centrale. Toutes ces expériences concernant la lutte de partisans entre

7 1941 et 1945 étaient ajustées au territoire sur lequel les opérations

8 devaient être menées.

9 L'un des principes concernant la manière dont la guerre de

10 partisans était menée -par le biais d'opérations limitées dans le cadre de

11 petites unités très bien entraînées, à l'endroit et au moment où l'ennemi

12 ne s'y attend pas- consiste en une attaque provoquant des pertes plus

13 importantes que celles prévues si une unité militaire lançait une

14 opération sur les lignes de front.

15 Lorsque nous entraînions les membres de la Défense territoriale

16 -et, je le répète, entre 1984 et 1989 j'étais le commandant de la Défense

17 territoriale du district de Mostar-, entre autres choses nous appliquions

18 ce principe. C'est pourquoi, dans notre organisation et dans nos

19 formations, il existait des unités spéciales de sabotage qui étaient

20 chargées d'accomplir des tâches de sabotage. Normalement, ce genre

21 d'opérations s'effectuait un peu plus loin par rapport à la ligne de

22 front. Leur but était identique à celui des forces sur les lignes de

23 front. En même temps, ces unités avaient suffisamment de liberté pour

24 choisir la manière dont elles allaient accomplir leur tâche, choisir leurs

25 positions, le moment de l'action. Donc le commandant avait la possibilité,

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1 étant donné qu'il était suffisamment loin de la ligne du front et qu'il

2 n'avait pas de lien direct avec le commandant sur le front, il pouvait

3 contribuer, grâce aux résultats obtenus, à ce que le but commun soit

4 atteint.

5 M. Greaves (interprétation). - S'agit-il d'une manière de mener

6 la guerre particulièrement adaptée à la région et au terrain de la Bosnie-

7 Herzégovine ?

8 M. Divjak (interprétation). - Oui. Cela a été surtout approprié

9 lorsque l'armée de Bosnie-Herzégovine a manqué d'armes lourdes, de

10 matériels. Donc des opérations de sabotage semblables étaient

11 particulièrement importantes.

12 M. Greaves (interprétation). - Au sein de la JNA, tout le monde

13 était-il entraîné de la même façon ou cela s'appliquait-il à certaines

14 personnes seulement ?

15 M. Divjak (interprétation). - Tout le monde ne pouvait pas

16 recevoir de formation en matière de sabotage ; cependant, tous les soldats

17 recevaient un entraînement général. On leur donnait quelques cours. Ils

18 devaient faire quelques exercices. Ils apprenaient à faire fonctionner le

19 matériel de sabotage et à l'utiliser.

20 En ce qui concerne les unités de base, c'est-à-dire les

21 compagnies, les petites sections, c'était toujours le commandant de ces

22 unités qui formait certaines unités de combat pour des tâches spécifiques.

23 Ces unités étaient alors envoyées au coeur des territoires ennemis afin de

24 mener des opérations de sabotage contre des postes de commandement, les

25 moyens de communication, les centres de logistique, et si cela s'avérait

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1 nécessaire contre des personnes.

2 M. Greaves (interprétation). - Ces personnes ou ces unités

3 devaient-elles également rassembler des informations, par exemple sur la

4 circulation sur les routes principales ?

5 M. Divjak (interprétation). - Toutes les unités de combat

6 devaient rassembler des informations sur les ennemis. Au sein des

7 bataillons ou des brigades, il y avait des groupes de soldats spécifiques.

8 A d'autres niveaux, d'autres organes avaient pour tâche principale de

9 rassembler des informations sur le terrain, la présence de l'ennemi, la

10 situation dans les différentes zones, la population et sa composition ;

11 toutes les informations dont les commandants avaient besoin afin que leurs

12 opérations soient couronnées de succès.

13 M. Greaves (interprétation). - Bien. Posons la question de façon

14 différente. Peut-on rassembler les informations en envoyant des soldats ou

15 des petits groupes de soldats derrière les lignes afin de surveiller une

16 route particulière et de faire rapport des mouvements militaires aux

17 commandants ?

18 M. Divjak (interprétation). - Non. Nous n'envoyions pas des

19 commandants seuls parce que, dans de telles circonstances, les gens ont

20 toujours besoin d'être aidés.

21 Je ne sais pas si vous faites de la randonnée, mais on ne part

22 jamais seul en randonnée, il y a toujours plusieurs personnes.

23 En fait, un commandant ordonne à plusieurs personnes de partir.

24 Elles peuvent rester sur le terrain pendant une période déterminée et

25 rassembler des informations.

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1 M. Greaves (interprétation). - En gardant à l'esprit

2 l'importance de la route entre Mostar et Sarajevo, et nous en avons parlé,

3 il serait raisonnable que tout gouvernement ou tout organe s'assure que

4 cette route reste ouverte, n'est-ce pas ?

5 M. Divjak (interprétation). - Oui.

6 M. Greaves (interprétation). - Etes-vous d'accord avec moi pour

7 dire qu'il serait tout à fait logique qu'un gouvernement prenne les

8 mesures qui s'imposent pour s'assurer que des personnes qui pourraient

9 faire fermer la route ne puissent pas le faire ?

10 M. Divjak (interprétation). - Cela fait partie des

11 responsabilités des autorités que j'ai déjà mentionnées. Au sein de

12 l'armée de la Bosnie-Herzégovine, il y avait des personnes, dans les

13 unités, les chefs d'états-majors municipaux, dont la mission était de

14 protéger des bâtiments et des structures tels que les routes, les réseaux

15 de transport, les convois de la présidence ou de la cellule de crise et

16 les commandants eux-mêmes. Ces unités-là étaient chargées de protéger tout

17 cela. Si cela n'était pas fait, la responsabilité finale incombait à

18 l'officier supérieur de la zone, celui qui était le commandant de toutes

19 les autres unités.

20 Puisque vous me parlez plus particulièrement de la route qui

21 relie Sarajevo à Mostar, tous les commandants dans leur propre zone de

22 responsabilité avaient le devoir de protéger les bâtiments qui se

23 trouvaient le long de la route reliant Sarajevo à Mostar.

24 M. Greaves (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire

25 qu'une des mesures nécessaires, à court terme, pour protéger cet axe

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1 aurait été la détention de civils menaçant éventuellement cette route ?

2 M. Divjak (interprétation). - Pas seulement des individus, mais

3 toute personne qui pourrait éventuellement saboter ces différents

4 bâtiments. Durant la guerre, toutes les structures cruciales sont souvent

5 des bâtiments de nature militaire. Donc toutes ces structures étaient

6 considérées comme vitales pour la défense et la protection de la Bosnie-

7 Herzégovine.

8 M. Greaves (interprétation). - Bien entendu, les gens qui

9 habitaient dans cette région étaient les plus à même de connaître les

10 bâtiments vitaux pour cette défense, n'est-ce pas ?

11 M. Divjak (interprétation). - Vous n'arrêtez pas de me poser des

12 questions dont la réponse est implicite, n’est-ce pas. Pas des civils,

13 mais des soldats, oui !

14 M. Greaves (interprétation). - Toute personne ayant une

15 formation militaire serait à même de connaître l'importance de certains

16 bâtiments par rapport à d'autres, n'est-ce pas ?

17 M. Divjak (interprétation). - Oui. On le voit tous les jours. Si

18 un voisin veut faire du mal ou veut causer un certain préjudice à son

19 voisin, il va par exemple détruire un petit pont au-dessus d'un petit

20 ruisseau. Toute personne qui veut protéger ses biens ou sa ville sait que

21 les gens qui ont de mauvaises intentions détruiront des bâtiments ou des

22 biens qui lui sont vitaux, de même que l'agresseur à Sarajevo ne nous

23 donnait plus d'eau, ni d'électricité, ni de gaz, mais cela se passait dans

24 une autre zone.

25 M. Greaves (interprétation). - Une dernière question. Général.

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1 Je crois qu'après votre arrivée à Konjic, fin 1992, on vous a montré un

2 rapport sur Celebici, n'est-ce pas ?

3 M. Divjak (interprétation). - Je voudrais connaître la personne

4 qui dit me l'avoir montré. Ce n'était pas fin 92. C'était à partir du

5 17 octobre 92 jusqu'au 2 décembre 1992, et à partir de cette date, j'étais

6 à Parsovici. Entre le 2 et le 28 décembre plus précisément.

7 M. Greaves (interprétation). - Donc il s'agit d'un rapport du

8 Comité international de la Croix-Rouge, n'est-ce pas ?

9 M. Divjak (interprétation). - J'en ai déjà parlé, mais ce

10 n'était pas un rapport. On m'a donné des informations oralement et on m'a

11 dit qu'un groupe de la Croix-Rouge... Je crois que c'était entre le

12 29 octobre et le 1er novembre, je me rappelle de cette nuit-là parce qu'il

13 pleuvait.

14 Devant les bâtiments où M. Delalic vivait, il y avait cette

15 équipe de la Croix-Rouge qui avait visité le camp, les prisons, et elle a

16 dit qu'elle n'avait aucune objection à faire.

17 M. Greaves (interprétation). - Merci, Général.

18 M. Divjak (interprétation). - Je voudrais simplement ajouter

19 quelque chose sur le système de commandement. Il est du devoir de tout

20 commandant, lorsqu'il reçoit un ordre, de dire au commandant s'il a bien

21 compris la teneur de l'ordre. En d'autres termes, la communication ne

22 s'interrompt pas entre les deux commandants. Il doit spécifier au

23 commandant qu'il a bien compris l'ordre qu'il a reçu.

24 Il est également important de noter qu'un commandant qui a reçu

25 un ordre, s'il ne peut pas y obéir, doit également le faire savoir à son

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1 supérieur. C'est un principe qui existe au sein du système de commandement

2 et, d'après mon expérience, les commandants ont respecté ce principe et

3 l'ont suivi. Je voulais juste ajouter cet élément.

4 M. Greaves (interprétation). - Je vous remercie, Général.

5 M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Residovic, je

6 ne pense pas qu'il soit approprié que vous commenciez votre contre-

7 interrogatoire maintenant. Nous le commencerons donc demain matin, à

8 10 heures.

9 Cela conclut nos débats d'aujourd'hui. Nous continuerons demain

10 matin à 10 heures.

11 L'audience est levée à 17 heures 30.

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