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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-96-21-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Jeudi 6 novembre 1997
4 L'audience est ouverte à 10 heure 05.
5 M. le Président (interprétation). - Mesdames et Messieurs,
6 bonjour. Les parties peuvent-elles se présenter ?
7 M. Niemann (interprétation). - Je m'appelle Grant Niemann. Je
8 comparais avec Me Turone, Me McHenry et Me Khan au nom de l'accusation.
9 M. le Président (interprétation). - Qui comparaît au nom de la
10 défense ?
11 Mme Residovic (interprétation). - Bonjour, Messieurs les Juges.
12 Je suis Edina Residovic, je défends M. Zejnil Delalic avec
13 Me Eugene O'Sullivan, professeur canadien.
14 M. Olujic (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les
15 Juges. Je m'appelle Zeljko Olujic, je défends Zdravko Mucic avec
16 Me Michael Greaves.
17 M. Karabdic (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les
18 Juges, je m'appelle Salih Karabdic ; je suis avocat à Sarajevo. Je défends
19 Hazim Delic avec Me Thomas Moran, avocat à Houston au Texas.
20 M. Ackerman (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les
21 Juges. Je m'appelle John Ackerman. Je comparais avec Me Cynthia McMurrey
22 pour défendre M. Esad Landzo. Je vous remercie.
23 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
24 Nous avons la grande tristesse de vous faire part ce matin, au
25 nom de tout le Tribunal et au nom des membres des Chambres, du décès, au
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1 cours de la nuit dernière, du
2 Juge Li, un des Juges de ce Tribunal.
3 Il avait 91 ans, mais son âge n'avait aucune incidence négative
4 sur ses prestations. Il avait 91 ans, certes, mais sa pensée était aussi
5 lucide qu'au moment où il a été diplômé en 1922. C'était un des hommes les
6 plus énergiques que j'ai jamais rencontrés dans ma vie, et il nous a
7 accompagnés tout au long de ces années. Il a été l'un des membres
8 fondateurs du Tribunal. Il a été présent et actif, que ce soit au niveau
9 de l'élaboration du Règlement, dans tout autre aspect de procédure et
10 toute activité statutaire. Il a participé à tous les comités constitués
11 dans le cadre de l'élaboration du Règlement du Tribunal.
12 Soit dit en passant, il ne demandait pas à être réélu. Il avait
13 décidé d'interrompre sa carrière. Mais il est tombé malade et il a été
14 hospitalisé ici à La Haye. Les dernières informations que nous avions nous
15 laissaient penser qu'il se remettait et se portait bien.
16 Mais, ce matin, à mon arrivée au Tribunal, j'ai subitement pris
17 connaissance de la nouvelle de sa mort. J'ai, bien sûr, beaucoup de
18 respect pour les gens de cet âge. Il n'est pas surprenant qu'il décède à
19 cet âge mais, quand on voit l'énergie qu'avait cet homme, sa volonté de
20 travailler et d'aider, nous sommes surpris, navrés.
21 Il faisait ses exercices matinaux, il prenait une douche
22 froide : il était vraiment très en forme. Il était plus en forme que la
23 plupart des personnes de son âge mais, malheureusement, voilà ce qui s'est
24 produit.
25 Nous allons le regretter vivement. Il nous manquera, même s'il
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1 fallait, bien sûr, qu'il nous quitte. Nous savions qu'il allait nous
2 quitter, mais tant qu'il était parmi nous, il a été un excellent
3 compagnon ; il a vraiment été utile à tous les égards ; il a rempli toutes
4 les fonctions que pouvait remplir un collègue. Je voulais vous faire part
5 à tous de notre grande tristesse, ce matin.
6 Il avait des membres de sa famille ici, et nous espérons que des
7 dispositions seront prises pour qu'il puisse retourner en Chine.
8 Nous aimerions observer une minute de silence à sa mémoire avant
9 de poursuivre les débats de ce matin.
10 (Les membres du Tribunal se lèvent pour une minute de silence.)
11 M. le Président (interprétation). - Que cet homme repose en
12 paix.
13 M. Niemann (interprétation). - Nous voudrions aussi faire part
14 de nos condoléances pour le départ inattendu de M. Li.
15 M. Li était un grand juriste, un homme d'une compétence extrême
16 et vraiment dévoué à la prédominance du droit. Il voulait veiller à ce que
17 tout accusé bénéficie d’un procès équitable. Nous sommes vraiment navrés
18 de son départ subit.
19 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
20 M. Moran (interprétation). - Je n'ai jamais eu l'occasion de
21 travailler avec le Juge Li, mais je l'ai vu ici au Tribunal. J'ai aussi lu
22 ses opinions qui sont vraiment d'une rédaction parfaite ; elles sont
23 tellement bien conçues qu'elles sont étonnantes.
24 Quand on voyait sa condition physique alors qu'il avait 91 ans,
25 c'était vraiment un homme étonnant, un éminent juriste, et au nom de tous
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1 les avocats de la défense, nous pouvons dire que nous remettons nos
2 condoléances à sa famille.
3 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie,
4 Maître Moran.
5 M. Ackerman (interprétation). - Je tiens simplement à dire,
6 Monsieur le Président, que cette annonce que vous nous faites ce matin
7 nous rappelle à nous tous, une fois de plus, quelle est la nature
8 transitoire et éphémère de notre vie sur terre. L'imprévisible peut se
9 produire à tout moment, et nos vies seront jugées sans autre forme de
10 procès.
11 Ceux qui connaissaient bien le Juge Li subissent une grande
12 perte et ressentiront un grand vide.
13 Comme vous l'avez dit ce matin, tout le monde voudrait avoir une
14 vie aussi longue que la sienne et pouvoir aussi maintenir cette pureté,
15 cette brillance, qu'il a su assurer toute sa
16 vie.
17 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie,
18 Maître Ackerman.
19 Maître Niemann ?
20 M. Niemann (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
21 J'espère en avoir terminé de la présentation de mon exposé en l'espace de
22 30 minutes.
23 Nous avons tenu compte des remarques que vous aviez faites,
24 Madame et Messieurs les Juges, s'agissant de la question de l'erreur dans
25 la numérotation ou dans le décompte des cassettes vidéo.
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1 Je vais vous demander de bien vouloir parcourir avec moi
2 certains extraits du compte rendu quant aux questions posées et aux
3 explications fournies. Ceci permettra peut-être d'élucider la question.
4 Mais nous avons un fondement qui justifie, à notre avis, la recevabilité
5 de ces pièces, hormis le fait que ces documents ou cassettes ont été
6 saisis sur les lieux.
7 Ces cassettes ont été montrées à des personnes qui seraient en
8 mesure d'authentifier les documents. C'est sur cette base que nous
9 pourrions demander le versement au dossier de ces cassettes, eu égard au
10 fait que le versement de la cassette avec le Général Pasalic a été
11 autorisé sur cette base.
12 Je crois que vous faire parcourir le compte rendu -ce que je
13 vais faire à l'instant- nous permettra de faire l'économie de nouveaux
14 témoignages. Je crois que si on allait plus loin, on en arriverait à un
15 point où on n'aurait, finalement, plus grand chose à ajouter.
16 Mais, si vous me le permettez, nous allons voir tout d'abord ce
17 qu'il en est du témoignage de M. Morbauer, officier autrichien.
18 Dans le cadre de l'interrogatoire principal, Me Turone lui a
19 posé une question à ce propos, page 3558, ligne 16, du transcript. Une
20 première fois, la question était posée -je cite : "Y avait-il des
21 cassettes vidéo parmi les documents saisis ? Réponse : Oui, beaucoup de
22 cassettes vidéo ont été saisies. Question : Pour autant que vous vous en
23 souveniez, combien de cassettes
24 ont-elles été saisies dans les locaux d'Inda-Bau ? Réponse du témoin :
25 Environ une cinquantaine. Il y a eu, apparemment, quelques problèmes, une
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1 erreur de numérotation. Je dirais que 50 ou 51 cassettes avaient été
2 saisies, mais il s'est finalement avéré qu'il s'agissait de 54 cassettes."
3 M. Turone poursuit, page 3559, en posant la question suivante :
4 "Vous avez parlé d'une erreur dans le décompte des cassettes vidéo. Quelle
5 erreur se serait produite et quand cette erreur a-t-elle été rectifiée
6 pour autant qu'elle l'ait été ? Pourriez-vous nous donner quelques
7 explications sur ce point ? Réponse du témoin : Au vu du dossier
8 Taubergasse 15, porte 10, je crois que dans ce cas-là, cela a été rectifié
9 sur-le-champ et consigné dans le rapport. Toute erreur relative à Inda-Bau
10 a été rectifiée ultérieurement."
11 Plus tard, dans le compte rendu établi dans le cadre du contre-
12 interrogatoire mené par Me Residovic du témoin Mörbauer, elle lui dit
13 ceci : "Monsieur Mörbauer, est-il exact que, dans certains rapports, les
14 informations relatives à ces documents saisis portent aussi sur des
15 erreurs de décompte pour ce qui est des cassettes vidéo ?" Le témoin
16 répond pratiquement dans les mêmes termes : "S'agissant du nombre de
17 cassettes vidéo saisies, les premières saisies viennent de la porte 14.
18 L'erreur a été découverte par un collègue et rectifiée. Quant aux
19 cassettes vidéo à Taubergasse 14 -il s'agit ici des locaux d'Inda-Bau-
20 l'erreur a été découverte plus tard. Je l'ai relevée d'ailleurs dans le
21 rapport".
22 Toujours dans le cadre du contre-interrogatoire du
23 témoin Mörbauer, le témoin dit à la page 3724, ligne 6 : "Les cassettes
24 vidéo de la société Inda-Bau ont toujours été au nombre de 54.
25 Apparemment, il y en avait donc 54. Elles n'ont été comptées que plus
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1 tard. Elles ont aussi été affectées d'une étiquette mais, pour ce qui est
2 des références et du nom donné à ces cassettes, ceci se fait plus tard, au
3 moment où nous avons traité des documents et des cassettes".
4 Question posée à M. Mörbauer : "Je regarde la deuxième page du
5 Niederschrift
6 venant de Inda-Bau. Pour moi, il est clair qu'on dit là 51 cassettes. Ce
7 qui m'intéresse, c'est à propos de ces trois cassettes. Les avez-vous
8 trouvées plus tard ? Quels seraient les noms donnés à ces cassettes ?
9 Pouvez-vous me le dire ?" Réponse du témoin : "Dans le carton, il y avait
10 toujours eu apparemment 54 cassettes mais, après la remise, elles n'ont
11 pas été comptées. Elles ont été étiquetées plus tard, mais nous nous
12 sommes rendus compte qu'il y en avait, non pas 51, mais 54. On n'a pas
13 donné une référence ou un nom tout de suite, c'est seulement après une
14 semaine et demie ou deux semaines d'analyse que ces pièces ont été
15 examinées. Ceci est indiqué dans le rapport en même temps que le contenu
16 et les références de ces cassettes."
17 Toujours dans le cadre du contre-interrogatoire du
18 témoin Mörbauer, on lui repose une question à ce propos et il dit à la
19 page 3740, ligne 11 : "A Inda-Bau, d'après le rapport, 51 cassettes ont
20 été saisies, mais il y en avait, en fait, 54. C'est ce que nous avons
21 réalisé. C'est donc en fait le rapport original, mais nous n'avons pas
22 fait référence à chacune des pièces en les nommant." Voilà ce que veut
23 dire le témoin Mörbauer à propos de ce problème.
24 M. le Président (interprétation). - Mais comment avez-vous
25 interprété tout ce que vous venez de lire ?
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1 M. Niemann (interprétation). - Comment ai-je compris ceci ? Le
2 témoin Mörbauer reconnaît qu'il y a eu erreur, parce que le Juge Jan a
3 posé hier la question de savoir pourquoi on n'avait pas posé la question
4 au témoin Mörbauer à ce moment-là.
5 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)
6 M. Niemann (interprétation). - En tout cas, la question a été
7 posée.
8 M. Jan (interprétation). - C'était Navrat qui en avait, en fait,
9 opéré la saisie, qui les avait comptées. Je faisais uniquement référence
10 au témoignage de Navrat et non à celui de Mörbauer. En effet, ce dernier a
11 vu les cassettes beaucoup plus tard.
12 M. Niemann (interprétation). - S'agissant de Navrat, il dit à la
13 page 5705, dans le cadre du contre-interrogatoire. "Question : Nous sommes
14 passés de 51 à 54 cassettes ?
15 Réponse : C'est exact. Question : Il y a une différence de trois
16 cassettes ? Réponse : Oui, c'est exact. Question : Une possibilité qui se
17 présente, c'est que trois cassettes ont été ajoutées aux 51 cassettes
18 initiales ; acceptez-vous une telle possibilité ou pas ? Réponse : Tout
19 est possible, mais j'ai peine à imaginer une telle situation. Question :
20 Une autre possibilité, c'est en fait qu'on avait affaire à 54 cassettes
21 vidéo, différentes de celles qui avaient été saisies chez Inda-Bau.
22 Réponse de Navrat : Ce n'est pas exact. Elles n'étaient pas identifiées.
23 Question : Il n'y avait pas de marque apposée, pas plus du carton qui les
24 contenait. Acceptez-vous cette possibilité ? Réponse de Navrat : Cette
25 possibilité ne peut pas être exclue. En fait, la boîte en carton qui a
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1 quitté Inda-Bau n'était peut-être pas celle qui est arrivée à la police de
2 Vienne puisque, là non plus, on n'avait pas apposé de marque
3 d'identification.
4 Puis, le Juge Karibi-Whyte dit ceci : C'était sous sa garde
5 jusqu'au moment où il a apporté le carton jusqu'aux locaux de la police.
6 Question suivante : "Nous savons de façon certaine que le nombre
7 de cassettes qui se trouvaient dans la boîte en carton a changé entre
8 temps ?". Réponse : "C'est exact". Question : "Vous examiniez peut-être
9 une autre boîte en carton ?". Réponse du témoin : "J'ai du mal à imaginer
10 une telle situation". Question suivante : "Si les cassettes vidéo ont
11 changé, les documents ont peut-être changé eux aussi entre le moment où
12 vous les avez apportés dans les locaux de la police et celui où ils ont
13 été examinés". Question du Juge Jan : "Pourquoi ne pas laisser cette
14 question au niveau des argumentations et de la présentation des exposés
15 plutôt que de poser cette question au témoin ? Quant à ce que pourraient
16 nous dire les témoins à ce propos, je ne pense pas que l'on puisse tirer
17 davantage d'informations ; ils ont dit tous ce qu'ils pouvaient dire et la
18 position est claire : ils affirment que le nombre initial de cassettes a
19 toujours été de 54 cassettes, que Navrat a reçu 54 cassettes mais qu'il y
20 a eu une erreur dans le décompte au moment de la perquisition : on a
21 indiqué le nombre de 51 et non pas de 54 cassettes. Mais l'erreur a été
22 décelée plus tard et corrigée. Je ne pense pas que nous
23 pourrions avoir davantage de précision de la part des témoins puisqu'ils
24 nous ont dit tout ce qu'ils pouvaient nous dire".
25 Excusez-moi, Monsieur le Président, mais nous disposons, à notre
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1 avis, d'une base supplémentaire permettant la recevabilité de ces
2 cassettes vidéo. Les éléments de preuve sont ce qu'ils sont ; nous ne
3 pouvons pas les développer davantage. Tout ce que nous pouvons dire, c'est
4 que, s'agissant de la confusion au niveau du décompte, nous avons obtenu
5 les éléments que nous pouvions avoir grâce aux témoignages. Il y a
6 effectivement une différence et nous n'avancerons pas si nous cherchons
7 une autre explication que celle qui a déjà été fournie.
8 Si cette question vous préoccupe vraiment, Madame et Messieurs
9 les Juges, je pourrai poursuivre l'exposé de mes arguments mais on
10 pourrait trouver une autre solution au problème. Je dirai que la confusion
11 au niveau du nombre de cassettes est compréhensible ; cela relève de
12 l'erreur humaine. L'erreur est malencontreuse. Il est clair que les choses
13 auraient pu mieux se passer, mais je ne pense pas qu'on puisse croire que
14 quelqu'un ait procédé à une substitution de cassettes vidéo et ait porté
15 une mauvaise numérotation.
16 A bien des égards, la police autrichienne n'était pas vraiment
17 intéressée à cette affaire puisqu'elle savait qu'elle avait été déférée à
18 La Haye ; elle n'avait donc pas vraiment d'intérêt particulier. Ceci
19 explique-t-il le manque de soin apporté ? C'est possible, mais ceci ne
20 devrait pas entamer la recevabilité des documents et cassettes car nous
21 avons apporté la preuve que les documents et cassettes saisis sont restés
22 sous la garde de la police jusqu'au moment où ils ont été emmenés aux
23 locaux de la police. Ce n'est pas la première fois que ce genre d'erreur
24 se produit lorsqu'il y a des opérations de perquisition et de saisie, ces
25 questions sont toujours difficiles ; mais j'estime qu'il n'y a rien de
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1 "sinistre" dans ce qui s'est passé qui pourrait justifier l'exclusion de
2 ces éléments de preuve pour ces raisons.
3 Le document I-25, dont vous avez dû recevoir copie écrite du
4 compte rendu, est une vidéo montrant une interview qui a eu lieu,
5 courant 1992, entre un témoin qui a comparu
6 devant nous, M. Divjak, une personne portant le nom de Karic, et l'accusé
7 Zejnil Delalic. Des parties importantes de cette interview nous montrent
8 les interventions de M. Divjak et, dans certaines parties de la cassette,
9 on voit M. Delalic répondre à des questions qui lui sont posées par un
10 journaliste.
11 Me McHenry a fait diffuser une partie de cette cassette à
12 l'intention du témoin Divjak.
13 Si vous me le permettez, je vais parcourir avec vous la
14 retranscription écrite pour en montrer les éléments les plus saillants
15 qui, à notre avis, en établissent l'authenticité et la fiabilité, et
16 rendent ce document recevable en tant qu'élément de preuve.
17 Page 8465 du compte rendu, ligne 7, Me McHenry dit au témoin
18 Divjak : "Monsieur, je vais vous demander de regarder un extrait d'une
19 cassette vidéo et si vous reconnaissez cet extrait comme étant tiré d'une
20 interview qui vous a été accordée avec M. Delalic. C'est un extrait de la
21 cassette I-25 portant la numérotation de l'accusation 115. Ensuite, je
22 vais vous poser des questions".
23 L'extrait est diffusé et il y a aussi le compte rendu de cette
24 cassette qui a fait l'objet d'une interprétation simultanée par les
25 interprètes ; ceci est consigné dans le compte rendu.
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1 C'est alors que le témoin dit, à la page 8467 : "Je me souviens
2 que cette interview a eu lieu entre le 29 octobre et le 1er ou
3 le 2 novembre". La situation était donc tout à fait différente de celle
4 qui régnait à Prozor et dont nous discutons à présent. A l'évidence, ce
5 témoin a reconnu la cassette et les images de l'interview qui avait eu
6 lieu.
7 Puis, un autre extrait est diffusé qui est consigné à la
8 page 8476 du compte rendu, et Me McHenry dit, une fois de plus, qu'elle
9 veut diffuser un extrait de la pièce 115 de la cassette I/25. L’extrait
10 est diffusé. Puis, Me McHenry dit cela : "Veuillez examiner l'extrait et
11 dites-nous ce que vous y voyez ?". Le témoin indique : "C'est le comité
12 international de la Croix-Rouge, en direction du commandant
13 Zejnil Delalic".
14
15 Une autre question est posée par Me McHenry, à la page 8477,
16 concernant le comité de la Croix-Rouge et sa mission, mais je ne vais pas
17 poursuivre sur ce point.
18 D’après nous, Madame et Messieurs les Juges, d’une part cette
19 cassette vidéo est non seulement une cassette qui a été trouvée dans les
20 locaux perquisitionnés, et même s'il y a eu une erreur dans le décompte du
21 nombre de cassettes trouvées, mais elle a été identifié par le témoin
22 Mörbauer et par le témoin Navrat au mieux de leur capacité. Et, d'autre
23 part, cette cassette établit un certain nombre d'indices de fiabilité.
24 Cette cassette a été reconnue et authentifiée par le témoin Divjak.
25 En dernier lieu, cette cassette vidéo nous montre l'accusé
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1 Delalic. Et même si, pour l'instant, nous ne regardons que la
2 retranscription de la cassette, son apparition sur la cassette ne fait que
3 corroborer l'authenticité de cette cassette et son caractère fiable.
4 Pour nous, les segments diffusés sont pertinents. Les segments,
5 retranscrits sur les documents que vous avez sous les yeux, sont
6 pertinents, quant à la question de la responsabilité du commandement
7 supérieur, et émoignent des rapports qui étaient en train de s'établir
8 entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO.
9 Nombre de documents, parmi ceux que nous avons regardés,
10 corroborent tous ces éléments et le fait que ces segments sont pertinents
11 et fiables. Nous sommes d'avis que nous devrions être autorisés à en
12 demander le versement au dossier.
13 Madame et Messieurs les Juges, nous passons à la pièce suivante,
14 la pièce 116 qui est également la pièce 1/I-46. Ce document est également
15 un document saisi à Inda-Bau.
16 M. O’Sullivan (interprétation). - Excusez-moi d'interrompre
17 Me Niemanne, Monsieur le Président, mais je suis un peu perdu.
18 Vous avez posé une question à M. Niemann et je ne suis pas
19 certain qu'il y ait répondu. Vous lui avez demandé d'éclaircir certains
20 points, de nous expliquer où nous en sommes sur ce point précis. Vous avez
21 demandé à Me Niemann de répondre à cette question et
22 je ne crois pas qu'il l’ait fait.
23 M. le Président (interprétation). - Oui, mais enfin ce n'est pas
24 la question que je vais poser maintenant.
25 Quels sont les segments de cassettes qui vont faire l'objet de
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1 votre prochaine demande de versement ? Est-ce les pièces 51, 54 ? Est-ce
2 l'ensemble de ces cassettes ? Allons-nous les observer globalement ?
3 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)
4 M. Niemann (interprétation). - J'en ai un exemplaire ici
5 Messieurs les Juges.
6 M. le Président (interprétation). - Soyons clairs sur ce point,
7 s'il vous plaît, Maître Niemann.
8 M. Niemann (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
9 M. le Président (interprétation). - Parce que les cassettes que
10 nous sommes en train d'observer sont clairement distinctes des cassettes
11 51 ou 54 qui nous occupent, sont distinctes des cassettes saisies à Inda-
12 Bau, cassettes dont on ne sait pas si elles sont au nombre de 51 ou 54 ;
13 alors essayons d'établir clairement ce que sont ces cassettes.
14 M. Niemann (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Il
15 s'agit de deux cassettes, le pièce 115 qui est la cassette I-25, et la
16 pièce 116 qui est la cassette I-46. Ce sont ces deux cassettes qui font
17 partie des 51 ou 54 cassettes qui ont été trouvées dans les locaux d’Inda-
18 Bau, lieu où les cassettes ont été mal décomptées.
19 J'ai déjà déclaré quels étaient les éléments pertinents
20 concernant ces cassettes. J'ai déjà dit que les officiers Mörbauer et
21 Navrat ont indiqué qu'une erreur avait été commise, et qu’elle n'avait été
22 découverte que quelques jours plus tard. Le mauvais décompte de ces
23 cassettes a eu lieu dans les locaux d’Inda-Bau, lorsque le niederschrift,
24 le rapport, a été établi, mais ces deux cassettes font bien partie de cet
25 ensemble de cassette. Elles font partie des 54 cassettes qui ont été
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1 saisies dans les locaux, Monsieur le Président.
2 M. le Président (interprétation). - Mais le problème est le
3 suivant : s'il y a 51 cassettes, les trois cassettes additionnelles -il
4 doit bien y avoir trois cassettes additionnelles s'il y en a 54-, s'il y a
5 51 cassette, il en manque trois ; s'il y en a 54 il n'y a aucun problème.
6 Si on considère qu'il y a 51 cassettes, nous ne sommes pas absolument
7 certains de savoir quelles sont les trois cassettes qui font passer le
8 chiffre de 51 à 54. Me suivez-vous ?
9 M. Niemann (interprétation). - Je comprends fort bien les
10 arguments avancés. Mais les témoignages ne viennent pas à l'appui des
11 arguments, notamment avancés par la défense. Les témoignages corroborent
12 le fait qu'il y avait 54 cassettes dès le départ.
13 M. le Président (interprétation). - Si c'est ce qui a été dit
14 dans le cadre des témoignages, alors il y aurait toujours eu, de toute
15 façon, 54 éléments, 54 cassettes. Mais si, sur les documents de
16 l'accusation figure le chiffre 51, ce sont...
17 Nous savons, par ailleurs, qu'au moment où les cassettes sont
18 arrivées aux locaux de la police, il y en avait 54. Donc, il y a une
19 incohérence qui pose problème. C’est cette erreur qui pose problème.
20 M. Niemann (interprétation). - Oui, il y a eu une erreur,
21 effectivement.
22 M. le Président (interprétation). - Si cette erreur a eu lieu,
23 comment expliquer que cette erreur ne s'est pas produite après que les
24 cassettes aient été saisies ?
25 M. Niemann (interprétation). - Les témoignages disent que
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1 l'erreur a été faite au moment du compte de ces cassettes, et non pas au
2 moment de la saisie de ces cassettes. Ce que dit l'officier Navrat, c'est
3 que 54 cassettes ont été saisies, qu'il y a eu une erreur au moment du
4 décompte de ces cassettes.
5 Mais il n'y a pas eu d'erreur quant aux cassettes elles-même, il
6 n'y a pas eu trois cassettes qui ont été ajoutées.
7 Mais je suis passé à un autre point.
8 M. le Président (interprétation). - Oui, en effet. Mais il y a
9 cette incertitude qui
10 règne sur cette cassette et c'est ce qui trouble toute l'affaire.
11 M. Niemann (interprétation). - Oui, j'en suis conscient. C'est
12 la raison pour laquelle j'essayais d'aborder la question par un autre
13 angle. Mais, si le témoin Divjak vient ici...
14 M. le Président (interprétation). - Le témoin Divjak peut venir
15 au moment où la cassette est diffusée, mais elle ne peut être diffusée que
16 si vous l'acceptez en temps qu'élément de preuve.
17 M. Niemann (interprétation). - Mais le témoin Divjak l’a vue,
18 elle lui a été diffusée cette cassette !
19 M. le Président (interprétation). Mais c'est une question tout
20 à fait différente. Si nous finissons par découvrir que ces cassettes sont,
21 en fait, des sources peu sûres, même si le témoin a vu ces cassettes,
22 peut-être que cela pourrait nous donner une approche différente de la
23 question.
24 M. Niemann (interprétation). - Peut-être, en effet ! Mais, il
25 est peu probable que ce soit le cas, que le témoin soit venu et qu’il ait
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1 dit : oui, je reconnais cet entretien, j’y ai moi-même pris part.
2 M. le Président (interprétation). - Eclaircissons cette affaire.
3 M. Niemann (interprétation). - Peu importe la provenance de la
4 cassette.
5 M. le Président (interprétation). - Ce n'est pas ce que vous
6 dites !
7 M. Niemann (interprétation). - Je dis deux choses différentes.
8 M. le Président (interprétation). - Vous ne vous appuyez pas sur
9 le fait que vous avez apporté cette cassette de ces locaux ; c'est-ce que
10 vous dites. Je vous ai écouté avec beaucoup d'attention. Tout ce ce que
11 vous dites se fonde sur le fait qu'il y avait 54 cassettes. Si ces 54
12 cassettes viennent toutes d’Inda-Bau, c’est sur ce point que vous vous
13 basez, vous vous fondez sur le fait que c’est 54 cassettes ont été amenées
14 de ces locaux, ont été saisies dans ces locaux. Vous dites cela, et ce
15 n’est pas la même chose que de dire : "J'ai les cassettes", qu'elles
16 soient ou non celles qui ont été saisies sur les...
17 Avoir ces cassettes en sa possession est une chose, mais dire
18 qu'elles proviennent des locaux d'Inda-Bau est une autre chose.
19 M. Niemann (interprétation). - Je pensais avoir été clair sur ce
20 point, Monsieur le Président. Si je ne le suis pas, je vais y revenir,
21 mais je vous présente deux arguments différents. Ce matin, quand j'ai
22 commencé mon exposé, j'ai déclaré que non seulement j'allais me référer au
23 compte rendu de ce qui avait été dit...
24 M. le Président (interprétation). - Votre autre argument est que
25 la cassette a été vue par le témoin, le Général Divjak. Ce sont les
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1 cassettes d'Inda-Bau qui ont été diffusées à ce monsieur.
2 M. Niemann (interprétation). - D'après moi, Monsieur le Juge,
3 l'autre argument est le suivant...
4 M. le Président (interprétation). - J'aime la droiture, j'aime
5 que les arguments soient clairs et nets. C'est la raison pour laquelle je
6 ne suis pas tout à fait d'accord avec votre façon de procéder.
7 Si vous dites qu'il s'agissait des cassettes d'Inda-Bau, je
8 prends cet argument pour ce qu'il est. Mais si vous n'êtes pas en train de
9 vous appuyer sur les cassettes d'Inda-bau, vous auriez pu l'indiquer.
10 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, suggérez-
11 vous que je ne suis pas franc et que je ne suis pas honnête dans ce que je
12 présente comme arguments ? Je suis vraiment troublé par ce que vous
13 semblez sous-entendre.
14 M. le Président (interprétation). - Je vous l'ai déjà dit : vous
15 avez présenté deux arguments que j'ai écoutés, mais, en fait, ces deux
16 arguments sont très semblables l'un à l'autre.
17 M. Niemann (interprétation). - Je ne partage pas votre avis sur
18 ce point, Monsieur le Président.
19 Je dis que ces cassettes ont été saisies dans les locaux. Je
20 crois que c'est cela qui vous trouble, qui vous gêne. Je ne crois pas que
21 ce qui vous gêne soit le fait que je dise qu'une erreur dans le décompte
22 des cassettes a été faite.
23 L'objection qui pourrait être faite à la recevabilité serait une
24 objection tenant à leur manque de fiabilité et au manque de certitude
25 quant à l'endroit où elles ont été saisies. Il pourrait y avoir objection
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1 sur la recevabilité, sur ce point. Mais l'autre argument que j'avance
2 n'est pas du tout touché par ce problème.
3 Je vous rappelle que la pièce 114 a déjà été acceptée au
4 dossier. Il s'agit de l'entretien qui a eu lieu avec le
5 témoin Arif Pasalic. La raison pour laquelle vous vous préoccupez
6 particulièrement de ce point est que le témoin est venu, a témoigné et a
7 authentifié ce document. Ce document 114 est également une pièce saisie à
8 Inda-Bau. C'est la pièce I-22. C'est donc un document tout à fait
9 similaire à ceux que nous observons et c'est un document qui a été reçu au
10 dossier.
11 M. le Président (interprétation). - Quand un élément de preuve
12 est admis et qu'on s'aperçoit par la suite que son versement au dossier
13 s'est déroulé dans des conditions sujettes à caution, il nous est encore
14 possible de l'exclure du dossier.
15 M. Niemann (interprétation). - Mais je ne nie pas votre droit à
16 le faire, Monsieur le Président.
17 M. le Président (interprétation). - C'est la raison pour
18 laquelle je veux que vous nous présentiez des arguments de telle sorte
19 qu'aucun élément disqualifiant ne touche les éléments de preuve que vous
20 cherchez à présenter.
21 M. Niemann (interprétation). - Mais je veux absolument savoir
22 cependant si, Madame et Messieurs les Juges, vous allez accepter mes
23 arguments alternatifs.
24 M. le Président (interprétation). - Pourquoi pas ? Aucune
25 décision n'a été prise à ce sujet. Nous allons entendre les exposés de la
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1 défense sur tous les sujets qui ont été évoqués.
2 M. Niemann (interprétation). - Mais il est intéressant de noter
3 que les membres du conseil de la défense eux-mêmes ont présenté une partie
4 de ces cassettes vidéo en tant qu'élément de preuve.
5 M. le Président (interprétation). - Eh bien, nous allons voir
6 quelles sont les positions des uns et des autres. Nous n'allons pas nous
7 prononcer immédiatement, nous n'allons pas prendre de décision tant que
8 tous les arguments ne sont pas présentés.
9 M. Niemann (interprétation). - Je suis cependant très perturbé
10 par le fait, Monsieur le Président, que vous ayez sous-entendu que je
11 n'étais pas franc et honnête dans ce que j'avançais, parce que je n'ai
12 certes pas l'intention de procéder de la sorte.
13 M. le Président (interprétation). - Peut-être me suis-je mal
14 fait comprendre, Maître Niemann.
15 Mon intention est la suivante : si l'argument avancé se fonde
16 sur le fait que ces cassettes proviennent toutes des locaux d'Inda-Bau,
17 c'est un problème tout différent de celui qui se poserait si nous étions
18 en train d'observer des cassettes qui n'ont pas été saisies.
19 Il y a peut-être eu d'autres copies qui auraient pu être faites
20 et qui auraient pu être diffusées ici, mais si l'argument se fonde sur le
21 fait que les cassettes ne proviennent pas des locaux, on ne peut pas se
22 baser sur l'ensemble des 54 cassettes qui ont été comptées, puisque le
23 fait même de les avoir comptées, la façon dont s'est déroulé ce décompte,
24 pose problème.
25 Il y a ce problème du décompte. S'agit-il de 51 ou de
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1 54 cassettes ?
2 M. Niemann (interprétation). - Je crois qu'il est nécessaire de
3 rendre le point suivant limpide : pour moi, il est très clair que ces
4 cassettes vidéo proviennent des locaux d'Inda-Bau. Jamais je n'ai
5 sous-entendu que ces vidéos provenaient d'autres lieux que ceux-là.
6 Ce qui a pu se produire, c'est que lorsque j'ai dit qu'elles
7 pouvaient éventuellement provenir d'autres lieux, quoi que j'ai pu dire
8 sur ce point, cela ne touche en aucun cas l'argument central.
9 Il est clair, de toute façon, que le témoin qui est venu
10 témoigner devant ce Tribunal a déclaré : "Oui, je me souviens de cet
11 événement, je me souviens avoir pris part à cet événement". Lorsque le
12 témoin dit : "Oui, il s'agit là d'une cassette qui fait état d'un
13 événement qui a bien eu lieu et auquel j'ai bien participé", la question
14 est très claire. Nous sommes dans cette situation-là. Vous n'avez pas à
15 vous préoccuper du problème du décompte des cassettes.
16 Le plus important pour moi, Madame et Messieurs les Juges, est
17 que jamais je n'ai affirmé que ces cassettes provenaient d'autres lieux
18 que les locaux d'Inda-Bau qui ont fait l'objet d'une perquisition.
19 Nous comprenons bien que ce problème du décompte des cassettes
20 vous trouble. Peut-être ce problème de décompte aurait-il pu avoir des
21 effets catastrophiques si, d'une part, les témoins n'avaient pas reconnu
22 qu'il y avait eu une erreur et si, d'autre part, un témoin n'était pas
23 venu et n'avait pas authentifié cette cassette.
24 M. le Président (interprétation). - Il n'est pas impossible que
25 cette cassette ne soit pas l'une de celles qui ont fait l'objet d'un
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1 décompte. Si nous parlons de 51 cassettes, êtes-vous en train de dire
2 qu'il s'agit d'une cassette additionnelle ?
3 M. Niemann (interprétation). - Mais comment pourrais-je spéculer
4 sur la provenance de cette cassette ? Ce que je sais, c'est que sur le
5 compte rendu, les membres de la police autrichienne n'adoptent pas du tout
6 cette perspective. D'après eux, il y a eu erreur dans le décompte des
7 cassettes. C'est tout ce qu'ils disent. La raison pour laquelle j'ai fait
8 lecture du compte rendu, c'est que je voulais démontrer qu'il n'était pas
9 nécessaire de rappeler ces témoins à comparaître et de les faire témoigner
10 plus avant sur ce point.
11 M. le Président (interprétation). - Cela ne ferait aucune
12 différence. Ils ont été interrogés de façon extrêmement précise. Tout ce
13 qui s'est produit apparaît dans le Niederschrift et les cassettes ont été
14 comptées dans les locaux de la police. Cela est un fait établi. Ce n'est
15 pas au moment de la saisie qu'on a dit qu'il y en avait 54. Lorsqu'elles
16 ont été saisies, on disait qu'il y
17 en avait 51. Mais s'il y a eu mécompte, le mécompte a eu lieu sur les
18 lieux de la saisie et non pas dans les locaux de la police.
19 M. Niemann (interprétation). - Mais ce n'est pas ce que dit le
20 compte rendu, le témoignage. Le compte rendu déclare que l'erreur dans le
21 décompte des cassettes a eu lieu sur les locaux de la saisie de ces
22 cassettes et non pas dans les locaux de la police. C'est ce que dit le
23 témoignage.
24 M. le Président (interprétation). - Parfait. Vous pouvez
25 poursuivre. Il y aura réponse à ces arguments.
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1 M. O'Sullivan (interprétation). - Mais Monsieur le Président,
2 c'est une déformation des faits. Comment pouvons-nous dire qu'un officier
3 de police a reconnu qu'il y avait eu un mécompte qui a eu lieu sur les
4 lieux de la saisie ? C'est une mésinterprétation de ce qui figure dans le
5 compte rendu du témoignage de l'officier Navrat.
6 M. Niemann (interprétation). - Je n'ai pas dit que c'était
7 l'officier Navrat, Monsieur le Président. Je me fonde sur ce qui apparaît
8 à la page 3740, ligne 11, du compte rendu.
9 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, je crois
10 qu'il est important d'être très clair. M. Navrat ne s'est jamais distancié
11 de son rapport dans lequel il était stipulé qu'il y avait 51 cassettes. Il
12 n'a jamais dit : "Il y a eu erreur, j'étais très pressé et il y a eu
13 erreur". De plus, l'officier Mörbauer n'était pas là, et le fait qu'il ait
14 pu dire qu'il y avait eu erreur, au moment du décompte de ces cassettes,
15 n'a aucune importance étant donné qu'il n'était pas là au moment où ces
16 cassettes ont été comptées.
17 M. Navrat n'est jamais venu dire devant ce Tribunal qu'il avait
18 fait une erreur, qu'il était pressé et qu'il avait opéré un mauvais
19 décompte des cassettes. Il est toujours resté fidèle à son rapport et à ce
20 chiffre de 51. Voilà ce que dit le compte rendu.
21 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, autre
22 exemple d'une partie disant : "Cet élément de preuve est en notre faveur,
23 la Chambre d'instance doit donc
24 l'accepter"...
25 Comme je l'ai dit précédemment cette semaine, il y a un moment
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1 où la Chambre de première instance doit faire un choix quant à la
2 crédibilité des éléments qui sont présentés. Ce n'est pas parce que des
3 éléments de preuve nous sont favorables qu'ils sont forcément recevables
4 et forcément justes.
5 M. le Président (interprétation). - Maître Moran, lorsque le
6 conseil de l'accusation aura fini de présenter sont exposé, vous pourrez
7 répondre.
8 M. Niemann (interprétation). - Pour ce qui est de l'allégation
9 selon laquelle il y a eu mésinterprétation du compte rendu, non, ce n'est
10 pas vrai, il n'y a pas eu de déclaration directe de Navrat, mais il dit
11 bien que, lorsqu'il a été confronté au fait qu'il y avait trois cassettes
12 vidéo supplémentaires outre les 51 présentes, et lorsque la question lui a
13 été posée de savoir s'il acceptait cette possibilité, sa réponse a été :
14 "Tout est possible". Mais j'ai du mal à imaginer que cela ce soit produit.
15 Monsieur le Président, dans la cassette I-46 figure un passage
16 que Me Residovic a montré au témoin Divjak dans le cadre de son
17 témoignage. Au cours de son contre-interrogatoire, elle diffuse la
18 cassette et, à la page 8565, elle déclare : "J'aimerais que ce segment
19 soit marqué et que la cassette soit donnée à l'accusation dans le cadre de
20 ces 46 cassettes.".
21 Nous avons ensuite demandé qu'une cote soit attribuée à ce
22 document et il a reçu la cote D116/1. Puis la cassette est diffusée et
23 montrée au témoin Divjak. Ce document a été enregistré sous la
24 cote D116/1.
25 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, je
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1 voudrais participer au débat à ce stade de la discussion mais je tiens à
2 dire d'emblée que cette façon de mettre en évidence une portion très
3 réduite d'une cassette que nous avons reçue de l'accusation et dont nous
4 ignorons la provenance et cette manière de démontrer son origine qui est
5 manifestée ce
6 matin ne me paraît pas acceptable. Nous avons reçu des dizaines de
7 cassettes de l'accusation, et avancer comme argument que nous avons vu une
8 séquence d'une cassette vidéo de la part de l'accusation ne répond donc
9 toujours pas à la question que vous vous posez, Monsieur le Président,
10 quant à l'origine de la cassette en question.
11 M. Niemann (interprétation). - Effectivement, si la défense
12 utilise cette cassette pour récuser le témoin, le disqualifier, lui
13 enlever sa crédibilité, cela signifie que c'est elle-même qui a accordé
14 une certaine crédibilité, au départ, à ces cassettes vidéo, sinon toute
15 l'action ne servirait à rien et ce ne serait qu'un moyen de mener la
16 Chambre de première instance sur une voie erronée, ce qui ne me paraît pas
17 utile.
18 Je parle donc de cette même séquence de la cassette vidéo qui a
19 été montrée au témoin, Branko Gotovac, au cours de son contre-
20 interrogatoire par Me McMurrey. J'aimerais vous rappeler ce fait.
21 Mais, Monsieur le Président, ceci n'est pas notre seule base
22 d'argumentation et j'insiste bien aujourd'hui pour dire que nous ne
23 mettons pas en cause le fait que ces cassettes viennent des locaux d'Inda-
24 Bau et de nulle part ailleurs ; le reste a été dit à titre
25 d'argumentation.
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1 Si nous prenons la page 3 du rapport d'interrogatoire de
2 Zejnil Delalic, nous voyons que l'enquêteur lui pose des questions
3 relatives à une interview qu'il avait accordée dans le cadre d'une
4 émission de la télévision zagreboise, "Slikom na sliku" ; j'en ai déjà
5 parlé précédemment. Vous vous souviendrez que nous avons déjà discuté du
6 fait de savoir si, oui ou non, il était à Zagreb au début du mois de mai.
7 En tout état de cause, on voit cette émission dans une partie de la
8 cassette vidéo I-46, pièce à conviction 116. Monsieur le Président, vous
9 avez un exemplaire de ce texte et je puis vous en remettre une copie ainsi
10 qu'une copie pour les Juges et une autre pour le Greffe.
11 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)
12 M. Niemann (interprétation). - C'est une interview relativement
13 longue mais nous
14 n'en avons extrait que quelques parties dont nous avons l'intention de
15 nous servir dans ce procès. L'interview comporte deux parties : d'abord,
16 des images de l'émission "Slikom na sliku" puis une deuxième partie
17 intitulée "La guerre en Bosnie-Herzégovine". Ce texte se retrouve dans la
18 cassette vidéo et représente une partie très longue -trois heures environ
19 si je ne m'abuse- ; nous n'en avons donc extrait que des parties
20 relativement brèves qui ont une pertinence par rapport à la présentation
21 des arguments de l'accusation.
22 Cette cassette vidéo nous montre donc des images de l'interview
23 menée à Zagreb au mois de mai, date de l'interview de l'accusé
24 Zejnil Delalic dans le cadre de l'émission de télévision.
25 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)
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1 M. Niemann (interprétation). - Oui, au début du mois de mai.
2 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)
3 M. Niemann (interprétation). - Je ne vous ai pas entendu...
4 M. Jan (interprétation). - Lorsqu'il était coordinateur ?
5 M. Niemann (interprétation). - Oui, effectivement.
6 M. Jan (interprétation). - Lorsqu'il était coordinateur ou avant
7 sa nomination au poste de coordinateur ? Je pense que sa nomination date
8 du 12 mai.
9 M. Niemann (interprétation). - Excusez-moi, il faut que je
10 vérifie. C'est peut-être à la date de sa nomination en tant que
11 coordinateur ; en tout cas, il avait déjà une activité à Konjic à l'époque
12 où il travaillait pour l'armée.
13 Ce que je souhaite dire, eu égard à ce fait, c'est que
14 l'interrogatoire de Zejnil Delalic a été mené par les enquêteurs et que
15 des questions lui ont été posées au sujet de cette émission de télévision.
16 A la question "Quand ?", il répond à ce sujet : "Cela s'est passé au mois
17 de mai, lorsque je suis allé à Zagreb à des fins de logistique".
18 Question : "Au début du mois de mai, à la moitié du mois de mai ou à la
19 fin du mois de mai ?" Réponse : "Au cours de la première
20 quinzaine de mai". Question : "Quel était l'objet de cette interview ?".
21 Réponse : "Il y avait un groupe d'habitants de Konjic qui vivaient à
22 Zagreb. La guerre venait de commencer et ces personnes souhaitaient en
23 savoir plus quant à ce qui se passait à Konjic. Vous savez que Konjic est
24 à 350 kilomètres. Depuis le début de la guerre, ces personnes souhaitaient
25 des informations précises sur les événements en cours et le type de
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1 coopération qui liait la Défense territoriale et le HVO". Question :
2 "Comment avez-vous été choisi pour cette interview ?". Et Zejnil Delalic
3 explique à ce moment-là qu'il venait de la région qui intéressait ces
4 personnes ; et je souhaite prouver, avec les arguments que je suis en
5 train d'avancer, que rien, dans le rapport de cet interrogatoire, ne
6 permet de penser que l'interview n'a pas eu lieu et que Zejnil Delalic n'y
7 a pas participé.
8 Comme je vous l'ai dit, Monsieur le Président, la cassette est
9 assez longue. Une séquence importante est intitulée : "La guerre en
10 Bosnie-Herzégovine".
11 Les enquêteurs poursuivent, comme nous le voyons en page 5 du
12 rapport de l'interrogatoire du 23 août 1996, en rapport avec l'équilibre
13 des forces, avec les événements de la guerre de Bosnie-Herzégovine.
14 Les questions sont les suivantes : "Question de l’enquêteur :
15 Est-ce que le journaliste est le même que celui qui vous a dit, à un autre
16 moment, que vous étiez à un poste de direction lorsque la caserne de
17 Celebici a été libérée ?". Cette phrase se retrouve en page 5, Monsieur le
18 Président.
19 "Réponse de l’accusé : Je ne comprends pas de quel autre
20 contexte vous parlez.
21 Question : Parce que sur l'une des cassettes vidéo saisies à
22 Vienne, le 18 mars 1996, il y a une séquence où vous déclarez être le chef
23 d'un groupe qui a libéré la caserne de Celebici, et que vous étiez la
24 personne qui a organisé la prison en la transformant de caserne en prison.
25 Ceci est dit par un journaliste, sur la cassette vidéo que nous avons
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1 saisie, une vidéo intitulée : La guerre en Bosnie-Herzégovine." ; le titre
2 est cité.
3 Il déclare à ce moment-là : "Ce que je vous demande, c'est si
4 cette cassette vidéo n'est pas simplement un commentaire tapé à la machine
5 ou enregistré entre deux séquences, ou bien diffusé en direct ou
6 enregistré ?".
7 L'enquêteur ajoute : "C'est une cassette vidéo qui comporte
8 plusieurs séquences de la télévision. Ma question consiste à vous demander
9 si c'est simplement un journaliste qui profère une déclaration selon
10 laquelle vous seriez un dirigeant de haut rang de la région de Konjic à
11 l'époque en avril-mai ?".
12 L'accusé répond, en rapport avec cette question : "La cassette
13 vidéo à laquelle vous faites référence a été filmée un an plus tard à
14 Vienne.".
15 J'ai besoin d'un éclaircissement à ce sujet. Monsieur le
16 Président, vous noterez qu'il y a deux parties dans cette cassette vidéo.
17 Une partie enregistrée à partir de l'émission de télévision de Zagreb en
18 mai 1992. Et une autre partie, beaucoup plus longue, qui a pour titre : La
19 guerre en Bosnie-Herzégovine. C'est de cette deuxième partie que l'accusé
20 vient de parler dans les propos que je viens de citer.
21 Concernant cette deuxième partie de la cassette vidéo, il
22 déclare : "La cassette vidéo, dont vous parlez, a été filmée un an plus
23 tard à Vienne, et tous les commentaires que je fais dans ce film, entre
24 les séquences, sont des inventions. Vous pouvez les oublier. Ces
25 commentaires ont été faits par des personnes présentes dans les locaux
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1 d'un club bosniaque à Vienne."
2 Pour ce qui me concerne, Monsieur le Président, j'insiste sur un
3 point : nous ne demandons le versement au dossier d'aucune partie de cette
4 cassette vidéo. Il a été dit que nous exagérions, mais la seule partie qui
5 nous intéresse est celle où l'on voit l'accusé, en personne, en train de
6 parler. Je ne cherche pas à verser au dossier de ce procès des
7 commentaires formulés par des journalistes ou par des tiers.
8 Dans les extraits que nous vous avons remis, nous avons pris le
9 plus grand soin de
10 retirer les séquences qui ne montrent pas l'accusé en train de parler.
11 Je poursuis. L'enquêteur continue son interrogatoire et demande
12 -nous voyons cela en bas de page- : "Qui a tourné cette vidéo : La guerre
13 en Bosnie-Herzégovine ?".
14 L'accusé répond : "Diverses séquences viennent de divers
15 endroits. Certaines séquences sont filmées en vidéo et d'autres filmées à
16 la télévision. Quant aux séquences dont vous parlez en ce moment, elles
17 ont été filmées dans une association culturelle de Bosniaques à Vienne."
18 Monsieur Président, à aucun endroit, en réponse aux questions
19 posées à ce sujet, l'accusé ne répond : "Si vous dites que vous avez
20 retrouvé cela dans les locaux de Vienne, c'est une erreur, vous vous êtes
21 trompé, il y a un problème." A aucun endroit, l'accusé ne déclare que
22 c’est un montage fait de toutes pièces par les policiers ou par quiconque.
23 On aurait pu s'attendre, si tel avait été le cas, que l'accusé le dise.
24 S'il y avait eu un problème à ce niveau, on peut s'attendre à ce que
25 l'accusé le fasse savoir.
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1 Bien au contraire, il reconnaît la première partie de la
2 cassette vidéo, celle qui porte sur l'émission de télévision de Zagreb en
3 mai 1992, et, à ce sujet, il dit : "Oui, tout à fait" et il explique
4 quelle a été sa participation à cette émission.
5 S'agissant de la partie de la cassette concernant la guerre en
6 Bosnie-Herzégovine, il répond que certaines séquences ont été tournées par
7 des journalistes et que d'autres manquent de précision ou ne sont pas
8 fidèles à la réalité. Nous ne demandons pas, Monsieur le Président, le
9 versement au dossier de cette partie de la cassette.
10 En tout état de cause, dans cette cassette vidéo, Monsieur le
11 Président, je dis que nous avons un élément de preuve parfait, idéal, car
12 il nous vient de l'accusé lui-même. Je le répète, c'est donc un élément de
13 preuve idéal.
14 Rien n'est dit sur le fait que cette cassette vidéo n'aurait pas
15 été retrouvée dans les locaux de Vienne, ou que l'accusation, la police ou
16 qui que ce ce soit d'autre, inspiré par une
17 volonté malveillante, ait pu faire quoi que ce soit de répréhensible, eu
18 égard à cette cassette.
19 Nous disons donc, Monsieur le Président, que cette cassette est
20 un élément de preuve recevable et pertinent. Nous disons que la première
21 séquence de cette cassette est pertinente, car nous y voyons ce que
22 faisait l'accusé au début de la guerre, c'est-à-dire dans la première
23 moitié de mai 1992. Nous le voyons au cours d'une interview accordée à la
24 télévision de Zagreb. Il y est fait référence au fait que la caserne de
25 Celebici est transformée en une autre installation.
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1 Il y est aussi fait référence à un ultimatum adressé à la JNA et
2 dans lequel l'accusé lui-même a joué un certain rôle. Cela figure dans le
3 rapport de l'interrogatoire.
4 Il y est fait référence également au commandement conjoint du
5 HVO avec l'armée de Bosnie-Herzégovine. Vous en avez entendu abondamment
6 parler, Monsieur le Président, au cours des dépositions.
7 La cassette vidéo en question contient, en outre, la séquence à
8 laquelle je vous ai déjà renvoyée, dans laquelle un nom de code est
9 utilisé Oganj ou feu, en anglais. Ceci fait également partie de la vidéo
10 dont je suis en train de vous parler. Sur la base de tous ces éléments,
11 Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Juges, en
12 raison du fait que l'accusé lui-même a parlé de cette vidéo sans en
13 contester l'existence, nous affirmons que cette vidéo est pertinente, nous
14 affirmons qu'elle est authentique. Nous affirmons qu'il convient de
15 l'accepter en tant que pièce à conviction.
16 Voilà, Monsieur le Président, ce que je voulais dire et les
17 arguments que je voulais présenter.
18 M. Greaves (interprétation). -°Pourrais-je demander à mon
19 collègue de bien vouloir reprendre un élément qu'il vient de mentionner
20 dans la séquence 8 ?
21 Dans le texte, cela figure dans les deux dernières lignes.
22 Apparemment, deux
23 personnes différentes utilisent le nom de code Oganj. Mon collègue
24 pourrait-il m'expliquer quel effet cela a sur la déclaration qu'il vient
25 de faire -et je ne parle pas de preuve- selon laquelle le terme Oganj ne
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1 serait utilisé que pour désigner Zejnil Delalic ?
2 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)
3 M. Greaves (interprétation). - Dans le document, il n'y a que le
4 terme Oganj. Nous ne savons pas à qui il est fait référence.
5 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)
6 M. Greaves (interprétation). - Le problème, c'est que deux
7 personnes utilisent le nom de code d'Oganj ; et que nous ne trouvons, dans
8 le texte, que le terme Oganj, sans aucune mention de la personne à
9 laquelle ce terme est associé.
10 M. Niemann (inteprétation). - Nous disons qu'Oganj est l'accusé
11 Zejnil Delalic parce que c'est ce qui est dit dans le texte. L'accusé
12 lui-même déclare : "002, est-ce que vous m'entendez ? Oganj appelle Oganj
13 à l'appareil".
14 M. Greaves (interprétation). -°Oui, mais le document ne dit pas
15 quel Oganj cela concerne, ni à quelle personne ce terme est associé.
16 Me Niemann (interprétation). -°Le document parle d'Oganj 1,
17 c'est en tout cas ce que nous affirmons.
18 M. Greaves (interprétation) - Ce n'est pas ce qui est écrit dans
19 le texte, le terme Oganj est simplement utilisé.
20 M. Niemann (interprétation). - Bien entendu.
21 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, eu
22 égard à ce débat, je voudrais simplement attirer votre attention sur un
23 point qui ne devrait pas nous induire en erreur.
24 Il est exact qu'au cours de l'interview de M. Delalic, un
25 certain nombre de sujets ont été discutés. Je dois dire que l'accusation
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1 nous a remis 80 cassettes vidéo, certaines très
2 intéressantes, d'autres qui traitent des problèmes de la guerre.
3 L'accusation à présenté une cassette particulière, intitulée
4 "Slikom na sliku". Mon client, au cours de l'interrogatoire, a discuté de
5 cette émission, ainsi que de la cassette dont le versement est demandé
6 aujourd'hui au dossier.
7 Mais, parmi les 80 cassettes que l'accusation nous a remises, un
8 assez grand nombre abordent les problèmes liés à la guerre. Mon client a
9 pu en voir un certain nombre, mais jamais vu la cassette dont nous venons
10 de parler ; il n'a pas non plus identifié cette cassette.
11 Par conséquent, l'interrogatoire de mon client, au cours duquel
12 il a abordé un certain nombre de thèmes, ne peut pas servir de base au
13 versement au dossier d'une cassette vidéo dont nous ne connaissons pas
14 l'origine.
15 Et puis, il y a également ce qui a déjà été dit, y compris par
16 M. Delalic. Pas mal de gens ont filmé les événements de la guerre et fait
17 des commentaires à propos de ce qui figurait sur ces images.
18 Nous allons parler maintenant de l'utilisation du terme d'Oganj
19 qui s'applique à plusieurs personnes inconnues, Me Greaves vient d'attirer
20 votre attention sur ce point, ce qui me paraît tout à fait capital. Cette
21 utilisation du terme Oganj ne peut, en aucun cas, servir de base à la
22 recevabilité en tant que pièce à conviction de ce procès d'une cassette
23 vidéo que mon client n'a jamais vue.
24 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, la
25 cassette vidéo se compose de deux séquences. Comme je crois l'avoir déjà
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1 expliqué, l'une porte sur la guerre en Bosnie-Herzégovine, l'autre sur
2 l'émission diffusée par la télévision zagreboise intitulée "Slikom na
3 sliku".
4 C'est donc une cassette vidéo unique, divisée en deux parties.
5 Elle est évoquée à la page 5 de la transcription de l'interrogatoire où il
6 était question de la guerre en Bosnie-Herzégovine.
7 L'enquêteur déclare : "Une cassette vidéo a été saisie à Vienne,
8 le 18 mars 1996", et il y a une séquence sur cette cassette vidéo.
9 Il poursuit : "Mais il n'y a aucun doute sur cette transcription
10 de l'interrogatoire quant au fait que le sujet a bel et bien été abordé
11 par l'enquêteur lorsqu'il s'est adressé à l'accusé dans le cours de
12 l'interrogatoire".
13 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, c'est
14 vous qui avez posé la question intéressante.
15 Vienne est un concept très large. Ici, nous parlons de cassettes
16 vidéo prétendument saisies dans les locaux d'Inda-Bau.
17 Quant à l'interrogatoire ou à la discussion au sujet des
18 événements de la guerre avec mon client, ils n'ont aucune incidence et ne
19 permettent en aucun cas de recevoir cette cassette vidéo en tant que pièce
20 à conviction dans le procès.
21 Il y aurait un moyen très propre et très honnête de le faire
22 pour l'accusation, prouver l'origine de chacun des éléments de preuve
23 soumis à ce dossier, et le faire par l'intermédiaire d'un témoin auquel
24 des questions seraient posées.
25 Si mon client est interrogé à ce sujet, il pourra sûrement
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1 répondre à propos des événements de la guerre, mais l'opération qui est
2 menée en ce moment n'est pas honnête. Merci.
3 M. Niemann (interprétation). - Les documents et les éléments qui
4 sont soumis à d'autres chambres de première instance, dans d'autres
5 procès, l'ont été d'une manière tout à fait comparable ; ce que vient de
6 dire ma collègue est donc inexact.
7 M. le Président (interprétation). - Est-ce que ce sont vos
8 derniers arguments au sujet des cassettes ?
9 M. Niemann (interprétation). - Oui, j'ai discuté de tous les
10 éléments saisis à Vienne.
11 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.
12 M. Greaves (interprétation) - Monsieur le Président, je vais
13 vous prier de manifester quelque indulgence à mon égard ce matin ; je
14 parlerai beaucoup plus brièvement que mon collègue.
15 J'espère ne pas dépasser une heure, mais j'aimerais parler sans
16 interruption, c'est-à-dire ne pas être interrompu par la pause qui va
17 survenir dans quelques minutes en raison du fait que M. Landzo doit voir
18 le médecin.
19 Je vous prierai donc, Monsieur le Président, d'avoir
20 l'obligeance et l'amabilité de bien vouloir me redonner la parole à
21 14 heures 30 de telle sorte que mon exposé ne soit pas interrompu.
22 M. le Président (interprétation). - Cela vous convient-il ?
23 M. Greaves (interprétation) - Cela me convient. Merci beaucoup,
24 Monsieur le Président.
25 M. Jan (interprétation). - La séquence 10 me paraît importante,
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1 dans cette dernière cassette dont nous venons de parler.
2 Il est question de l'interview par Milosevic et Maric, deux
3 journalistes. Avez-vous vu cette séquence ? Qui affirme qu'elle a été
4 filmée dans le camp de Celebici ?
5 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Juge, vous parlez de
6 la deuxième séquence ?
7 M. Jan (interprétation). - Non, de la séquence n° 10.
8 M. Niemann (interprétation). - Parlez-vous de la séquence 10 ?
9 M. Jan (interprétation). - Oui. Nous lisons dans le compte
10 rendu : "Scènes reprises de la télévision et concernant la prison de
11 Celebici, préparée par Jadranka Milosevic et Zvonko Maric".
12 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, la
13 séquence où il est dit que M. Delalic est debout avec une femme qui
14 l'interroge à côté d'un arbre dans le camp ?
15 M. Jan (interprétation). - Oui, effectivement. Il y est dit que
16 les scènes viennent de la prison de Celebici.
17 M. Niemann (interprétation). - Me demandez-vous pourquoi nous
18 disons que cela a été tourné dans la prison de Celebici ?
19 M. Jan (interprétation). - Effectivement.
20 M. Niemann (interprétation). - Je pense que c'est seulement la
21 première partie qui concerne la prison de Celebici.
22 Mme Odio-Benito (interprétation). - Je crois que nous avons vu
23 cette séquence.
24 M. Jan (interprétation). - Non, pas celle-ci.
25 Mme Odio-Benito (interprétation). - Je crois que nous l'avons
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1 vue.
2 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, si je puis
3 me permettre d'interrompre un instant, il est possible qu'il y ait une
4 erreur.
5 Me McHenry est en train de m'en parler et je devrais peut-être
6 effectuer un certain nombre de vérifications. Au retour dans le prétoire,
7 nous pourrons vous donner des détails supplémentaires, notamment s’il y a
8 effectivement une erreur.
9 M. Jan (interprétation). - Lorsque l'accusé a été interrogé par
10 les représentants du Bureau du Procureur, l’a-t-il été au sujet de cette
11 séquence particulière ? E, si oui, qu'a-t-il dit dans ce cas ?
12 M. Niemann (interprétation). - Non, il n'a pas été interrogé au
13 sujet de cette séquence particulière.
14 M. Jan (interprétation). - Mais je suppose qu'il a été interrogé
15 sur les différentes séquences de la cassette ? Pouvez-vous vérifier ce
16 qu'il a dit au sujet de cette séquence particulière ?
17 M. Niemann (interprétation). - Je vais vérifier.
18 Mme Residovic (interprétation). - Puis-je vous aider ?
19 M. le Président (interprétation). - Avez-vous des explications
20 au sujet de la séquence 10 ?
21 Mme Residovic (interprétation). - Oui.
22 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.
23 Mme Residovic (interprétation). - Eh bien, je crois qu'il est
24 tout à fait intéressant que le Juge Jan ait remarqué cette séquence. Je
25 pense que c'est une bonne preuve du fait qu'elle est non pertinente, en
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1 tout cas en ce qui concerne son origine.
2 Nous avons présenté cette séquence, cette cassette à deux
3 témoins, le médecin Grubac et un témoin protégé. Les deux médecins -car
4 ils étaient tous les deux médecins- ont dit, dans leur déposition, qu'à
5 l'époque de l'interview Zejnil Delalic n'était pas présent.
6 Par conséquent, l'élément de preuve présenté devant ce Tribunal
7 remet en cause leur déposition, la fiabilité des éléments de preuve
8 présentés de la manière dont cette cassette vidéo nous est présentée. Je
9 tiens à le souligner.
10 M. le Président (interprétation). - Nous allons maintenant
11 suspendre l'audience. Nous reprenons à 14 heures 30.
12 L'audience est suspendue à 11 heures 25
13 L'audience est reprise à 14 heures 40.
14 M. Neimann (interprétation). - Juge Jan, je voulais tirer au
15 clair quelques questions relatives à la dernière séquence de vidéo dont
16 j'ai demandé le versement. J'avais déjà parlé du P116 et de la séquence 10
17 de cette cassette -on en a discuté et la minute de cet interrogatoire le
18 montre- en date des 18 et 19 mars 1996, pages 51 et 52, ainsi qu'à la
19 page 55.
20 Le témoin convient du fait qu'il a participé à l'interrogatoire
21 mais il a dit qu'il n'était pas là au moment où les images ont été
22 filmées. Il est allé au camp ; le tournage du film se faisait au camp et,
23 d'après lui, il y a participé mais il était rentré chez lui au moment du
24 tournage de ces images. Il semble y avoir une certaine confusion et, pour
25 surmonter tout problème, nous demanderons que les termes "dans le camp"
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1 soient supprimés. Il y a eu effectivement discussion avec lui, il est
2 retourné au camp mais il se peut que le tournage n'ait pas eu lieu à ce
3 moment-là.
4 M. Ackerman (interprétation). - J'avais cru comprendre de la
5 part de Me Niemann, lorsqu'il a commencé à nous présenter les cassettes
6 vidéo, que les comptes rendus n'étaient là qu'à titre d'aide-mémoire. Le
7 fait de supprimer quelque chose de cet aide-mémoire ne correspond peut-
8 être pas à sa présentation.
9 Je pensais que vous alliez vous aussi les utiliser en tant
10 qu'aide-mémoire comme l'avait proposé Me Niemann, mais ceci ne relève pas
11 du dossier d'audience. J'espère avoir compris.
12 M. Niemann (interprétation). - Oui, il a aussi tout à fait
13 raison à propos de la suppression. Si on laisse entendre que l'accusation
14 veut affirmer que la vidéo porte sur les images filmées dans le camp avec
15 l'accusé, M. Delic, ce n'est pas ce que nous disons ; nous ne présentons
16 pas une telle hypothèse.
17 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)
18 C'est la raison. Vous avez dit à juste titre qu'il faudrait
19 supprimer les termes "dans le
20 camp".
21 (Hors micro.)
22 M. Niemann (interprétation). - Il faudra effectivement voir le
23 compte rendu de cet interrogatoire ; c'est assez long mais il ne fait pas
24 l'ombre d'un doute qu'il s'est rendu au camp ce jour-là.
25 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Maître
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1 Greaves ?
2 M. Greaves (interprétation) - Bon après-midi. Puis-je
3 commençer ?
4 M. le Président (interprétation). - Oui.
5 M. Greaves (interprétation) - La question est importante eu
6 égard au temps que nous y avons consacré. Si vous me le permettez, cet
7 après-midi, Madame et Messieurs les Juges, je voudrais vous faire part de
8 quelques remarques d'ordre plus général qui porteront sur la nature de
9 l'exercice que vous invite à faire l'accusation en vous soumettant ce
10 document. Ce faisant, j'espère raviver votre mémoire ; ce n'est pas
11 nécessaire mais je le ferai un peu contre votre gré. Je vais vous remettre
12 en mémoire quelques points fondamentaux de droit, ce qui faisait défaut
13 jusqu'à présent dans les interventions de l'accusation.
14 Il y a un certain temps de cela, au cours de l'été, alors que le
15 soleil brillait encore et qu'il faisait chaud, une requête a été déposée
16 qui portait sur la question du contre-interrogatoire, question qui a été
17 abordée par un échange d'arguments écrits et oraux. L'argument a été bien
18 plaidé des deux côtés par les deux parties mais un aspect tout à fait
19 révélateur est apparu à cette occasion et refait surface ici.
20 Voilà ce que nous disons : l'argument présenté à cette occasion
21 a apporté la preuve de ce que l'accusation se préoccupait peu, en réalité,
22 de la façon dont étaient menés les contre-interrogatoires. Il se peut fort
23 bien que l'accusation se soit rendu compte que ses témoins ne s'en
24 sortaient pas nécessairement bien dans ce processus de contre-
25 interrogatoire.
Page 8953
1 Vous vous souviendrez qu'au cours de la présentation des
2 arguments, l'accusation a,
3 en fait, laissé entendre qu'il ne faudrait pas qu'il y ait des contre-
4 interrogatoires par surprise mais je vous ai rappelé que tout
5 interrogatoire implique surprise. Vous avez donné votre avis à cette
6 occasion sur le contre-interrogatoire tel qu'il devait se présenter et
7 j'espère que les règles que vous avez énoncées on été appliquées par nous
8 tous. Me Niemann nous a présenté ses arguments et, à ce propos,
9 j'avancerai ceci : l'accusation n'a pas pris ce revers sans se rebeller
10 et, apparemment, cet exercice qu'on vous demande de faire montre la façon
11 dont l'accusation croit pouvoir faire verser au dossier des éléments de
12 preuve sans qu'il y ait de contre-interrogatoire. Il ne s'agit pas
13 d'éléments de preuve périphériques ; l'accusation dit que ce sont des
14 éléments centraux, vitaux, pour sa stratégie, que c'est important pour
15 vous et, sous cet angle, il s'agit donc d'éléments de preuve importants.
16 Quand on pense à l'importance qu'accorde l'accusation à ces documents et à
17 la façon assez désinvolte dont on vous a demandé de recevoir ces éléments
18 de preuve, vous verrez que le processus impliqué est important. Nous
19 disons que la façon dont l'accusation vous invite à y procéder est tout à
20 fait injuste.
21 Que fait l'accusation ? Elle vous présente une procédure qui
22 fait qu'elle n'a pas à recourir à des méthodes qui signifieraient qu'on
23 fasse comparaître un témoin. Si on fait comparaître un témoin qui va
24 donner des informations sur les documents et les événements, ceci présente
25 des inconvénients parce qu'il y a contre-interrogatoire et il pourra
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1 apparaître que les éléments de preuve ne sont pas du tout fiables ni
2 pertinents. Etant donné la façon dont on vous demande d'accepter le
3 versement au dossier de ces documents, c'est un peu comme si l'on donnait
4 une possibilité d'avancer et, par cette procédure que l'on utilise, il
5 faut revoir le règlement.
6 Je vais citer les articles 20 et 21 du Statut et deux articles
7 du Règlement, 89 et 95.
8 Je voudrais d'abord bien identifier trois types de documents
9 dont on parle dans cette procédure. Il y a d'abord les documents qui
10 apparemment seraient écrits par quelqu'un mais qui n'est pas partie à la
11 procédure et qui n'a pas non plus été cité comme témoin ; il y a ensuite
12 des
13 documents qu'on ne peut attribuer à personne parce qu'ils ne sont pas
14 signés ; et il y a enfin, des documents qui, apparemment, seraient de la
15 main de l'un des accusés.
16 Pour ce qui est de cette partie de l'argumentation, je
17 m'intéresserai uniquement à la première et à la troisième catégories. A la
18 lumière des points de droit que je vais illustrer, je vais avancer des
19 hypothèses à propos de ces documents.
20 Je parle de la première catégorie de documents, ceux qui
21 seraient le fait de quelqu'un qui n'est pas un accusé, qui n'est pas
22 partie à l'affaire et qui n'a pas été cité comme témoin.
23 Examinons un instant la nature de l'information qui est contenue
24 dans ces documents. C'est un récit d'événements ; c'est une présentation
25 de personnalités et d'événements qui se seraient produits en Bosnie
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1 en 1992.
2 Dans la mesure où c'est véritablement un récit de tels
3 événements, ce n'est effectivement qu'un morceau d’ouï-dire, d'éléments de
4 preuve de ouï-dire, mais avec plusieurs distinctions :
5 La première distinction manifeste est celle-ci : il n'y a pas de
6 témoin qui vient vous relater les événements. Vous n'avez jamais
7 l'occasion de voir, d'entendre le témoin, d'estimer, par son comportement,
8 s'il est digne de foi. Tout aussi important est le fait que la défense n'a
9 jamais l'occasion de voir ni d'entendre ce témoin et de voir les
10 documents. Celui qui fait la déclaration n'est pas soumis à un
11 interrogatoire pour voir quelle est l'authenticité et la véracité de ce
12 qu'il raconte dans ce document.
13 J'en conclus ceci : les faits allégués et présentés dans les
14 documents ne font l'objet d'aucun examen critique, et nous n'avons pas la
15 moindre possibilité de vérifier l'exactitude, la fiabilité et vraiment la
16 solidité du document.
17 Nous estimons respectueusement que le fait de verser de tels
18 documents au dossier représenterait une violation flagrante des deux
19 articles du statut que j'ai mentionnés. En vertu de l'article 89(D) et de
20 l'article 95 du Règlement, vous devriez refuser le versement de ces pièces
21 au
22 dossier.
23 Je prends un certain temps pour le dire, mais c'est important.
24 J'aimerais vous rappeler des points de droit :
25 Tout d'abord l'article 20 du Statut, premier paragraphe.
Page 8956
1 L'intitulé concerne l'ouverture et la conduite du procès. Voici ce qu'il
2 dit : "La Chambre de première instance veille à ce que le procès soit
3 équitable et rapide et à ce que l'instance se déroule conformément aux
4 règles de procédure et de preuve, les droits de l'accusé étant pleinement
5 respectés".
6 Vous aurez remarqué, Madame et Messieurs les Juges, que ce sont
7 des termes qui sont obligatoires et qui ont force de loi puisqu'on dit
8 qu'ils veillent à ce que le procès soit équitable. Ce sont des
9 formulations très affirmatives et il n'y a donc aucune ambiguïté quant à
10 la condition qui vous est imposée de mener à bien cette tâche.
11 Je passe maintenant à l'article 21 du Statut, le second
12 paragraphe de celui-ci : "Toute personne contre laquelle des accusations
13 sont portées a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement en
14 vertu des dispositions de l'article 22" où on parle de la protection des
15 victimes et des témoins.
16 Je passe maintenant au 21(IV) : "Toute personne contre laquelle
17 une accusation est portée en vertu du présent statut a droit, en pleine
18 égalité, au moins aux garanties suivantes : (E) à interroger ou faire
19 interroger les témoins à charge". Ce sont donc des termes qui ont un
20 caractère tout à fait obligatoire. C'est une obligation qui vous est
21 imposée d'exécuter ces obligations.
22 En fait, l'accusation vous invite à un stratagème : en demandant
23 le versement de ces documents, l'accusation présente des reçus de tiers
24 qui ne peuvent jamais être contestés d'aucune façon ni vérifiés en contre-
25 interrogatoire. Après tout, on ne peut pas contre-interroger un document,
Page 8957
1 n'est-ce pas ?
2 Nous estimons que ceci est en violation des conditions du 21(IV)
3 (E) qui autorise
4 l'accusé à interroger ou faire interroger le témoin à charge. On vous
5 présente des récits qui ne font l'objet d'aucun examen critique. Si ces
6 documents étaient autorisés, ils auraient pour effet de priver chacun des
7 accusés des droits qui lui sont garantis, à savoir de contre-interroger
8 les témoins à charge.
9 Nous estimons que ceci montre qu'il y a une inéquité, une
10 injustice inhérente dans l'exercice qu'on vous demande d'exécuter.
11 S'il fallait s'en convaincre davantage, il suffirait d'examiner
12 les termes des règles 89 et 95 du Règlement. Le paragraphe (B) de
13 l'article 89 : "La Chambre applique les règles d'administration de la
14 preuve propres à parvenir, dans l'esprit du statut et des principes
15 généraux du droit, à un règlement équitable de la cause".
16 Nous estimons que les articles relatifs à l'administration de la
17 preuve devraient être en harmonie avec l'esprit du Statut, et le statut
18 est clair, sans ambiguïté : si quelqu'un fait le récit d'un événement, il
19 faut qu'il y ait possibilité de contre-interrogatoire. Si ce droit n'est
20 pas accordé, on ne peut pas dire que cet article du règlement soit en
21 harmonie avec l'esprit du Statut. Je parle, bien sûr, du paragraphe (C)
22 -vous le connaissez bien- qui parle de la valeur probante des éléments de
23 preuve.
24 Au (D), on dit que la Chambre peut exclure tout élément dont la
25 valeur probante est largement inférieure à l'exigence d'un procès
Page 8958
1 équitable. Le dernier segment de la phrase montre clairement les
2 obligations qui vous sont imposées, et le 89 (E) vous autorise à demander
3 à vérifier l'authenticité de tout élément de preuve obtenu hors audience.
4 Manifestement, nous parlons là de documents qui sont obtenus
5 hors audience, et je vous rappelle les pouvoirs qui vous sont conférés. Ce
6 ne sont pas des pouvoirs qui sont là simplement pour orner l'article. Non,
7 ces pouvoirs sont là pour veiller à ce que, lorsque la question de
8 l'authenticité ou de la véracité se pose, vous disposiez des pouvoirs
9 nécessaires pour que tout soit démontré en matière d'authenticité.
10 Article 95 : la forme est aussi obligatoire. Les termes sont
11 forts : "N'est recevable aucun moyen de preuve obtenu par des moyens qui
12 entament fortement sa fiabilité ou si son admission irait à l'encontre
13 d'une bonne administration de la justice et lui porterait gravement
14 atteinte".
15 Si vous examinez de concert ces deux articles du Règlement et
16 les articles du Statut, vous avez le fondement nécessaire pour affirmer
17 ceci : il faut avoir des règles et articles adéquats pour prouver la
18 recevabilité des éléments de preuve. Il y a d'abord l'authentification
19 pour prouver la fiabilité, et c'est seulement alors qu'une Chambre peut
20 passer à la phase de l'appréciation de la valeur probante.
21 La même chose pourrait se dire, à quelques faibles distinctions
22 près, pour ce qui est de la troisième catégorie de documents, ceux dont
23 nous pensons qu'ils ne présentent pas la moindre preuve. Rien ne prouve
24 que les documents de l'accusation soient vraiment de la main des accusés,
25 mais supposons un instant que ce soit un document de l'accusé.
Page 8959
1 Le même argument s'applique. Je ne vais pas vous faire
2 reparcourir les articles du Statut et du Règlement, mais je me permets de
3 vous rappeler le 21 (G) qui dit qu'un accusé ne peut pas être obligé à
4 témoigner contre lui-même. Quelle est la conséquence de ce paragraphe ?
5 Voici un exemple flagrant. Si ces documents étaient considérés comme
6 recevables, notamment le 130, cela permettrait à l'accusation de faire
7 entrer au dossier un récit de la main de l'accusé qui n'aurait pas fait
8 l'objet de contre-interrogatoire.
9 Nous estimons que, là aussi, il y a violation flagrante des
10 articles auxquels j'ai fait référence. Etant donné les articles 89 (D)
11 et 95, ces documents doivent être exclus. Je reviens à mon point de départ
12 et j'avancerai respectueusement que c'est la façon par laquelle
13 l'accusation vous fait parvenir des documents qui n'ont pas été vérifiés
14 et qui ne peuvent pas l'être. Il est impossible de contre-interroger un
15 document. J'arrive à l'exemple spécifique qui montre, de façon patente, ce
16 que recherche l'accusation. Rappelez-vous, à l'examen des documents qui
17 vous
18 ont été présentés, le nom de Esad Ramic. C'est un nom qui apparaît
19 fréquemment dans ces documents. Vous avez peut-être d'autres raisons de
20 vous souvenir de M. Ramic.
21 Nous affirmons que cet exemple prouve que ce que l'accusation
22 essaie en fait c'est d'étouffer le contre-interrogatoire, de priver
23 l'accusé ou les accusés de leurs droits. Il ne faut pas aller très loin
24 pour trouver de nombreuses références à ce M. Ramic, des références à des
25 événements auxquels apparemment il a participés et à propos desquels on
Page 8960
1 pourrait s'attendre que M. Ramic ait un souvenir très précis.
2 Remontons quelques semaines en arrière. Vous vous souviendrez de
3 la demande déposée devant cette Chambre, une requête aux fins de
4 l'obtention d'une injonction au nom de M. Ramic, qui disait être incapable
5 de comparaître. Il est venu à La Haye, après que vous ayez rendu votre
6 décision et accordé l'injonction, nous ne le savons pas parce qu'il n'a
7 jamais déposé, nous ne savons pas si lui comme d'autres, tout au long,
8 étaient disposés à comparaître et si les informations données par mon
9 confrère étaient aussi erronées.
10 Mais il était ici, il était quelque part derrière cette porte,
11 il était à disposition. Il aurait pu être appelé à la barre par
12 l'accusation. Des questions auraient pu être posées à cet homme à propos
13 de ces documents. Il aurait pu comparaître à titre de témoin, authentifier
14 les événements relatés dans ces documents, il était prêt à déposer.
15 Qu’a fait l'accusation ? Elle a dit qu'elle pouvait se passer de
16 lui et de son témoignage. Elle l'a renvoyé chez lui sans aucun
17 interrogatoire principal ni de contre-interrogatoire. L'accusation l’a
18 renvoyé chez lui parce qu'elle pouvait se passer de son témoignage. Nous
19 estimons que c'est là une indication très claire de la façon dont
20 l'accusation aurait pu attester de la véracité de ces documents et le fait
21 qu'elle répugnait à le faire.
22 Une autre façon s'offrait à l'accusation. Elle aurait pu
23 présenter les documents aux juges et dire que ces documents étaient
24 authentiques. De cette façon, personne n'aurait pu contester
25 l'authenticité de ces documents. J'aimerais aussi apporter d'autres
Page 8961
1 éléments d'ordre
2 général, mais qui porteront sur un grand nombre d'arguments. Tout d'abord,
3 des documents produits par quelqu'un qui n'est pas partie au procès ni un
4 témoin. Dans la plupart des cas, aucune preuve n'est apportée de ce qu'il
5 s'agit bien d'un document authentique, de ce que ce document est bien
6 rédigé par la personne dont on voit la signature au bas de ce document.
7 Il n'y a pas la moindre preuve du moindre élément. Pour ce qui
8 est de documents dont l'auteur n'est pas connu, on ne peut rien dire à ce
9 moment, on ne peut même pas dire ni commencer à dire s'il y a un
10 quelconque degré de fiabilité. C'est impossible de prouver l'exactitude,
11 la fiabilité et la valeur probante qui sont les critères, à notre avis,
12 que vous devriez appliquer, Madame et Messieurs les Juges.
13 Pour ce qui est de documents qui auraient été produits par un
14 des accusés, il n'y a pas la moindre once de preuve qui montrerait que
15 ces documents sont bien de la main des accusés. Je vais donner un exemple
16 très simple des choses erronées qui vous sont proposées : on dit que
17 certains documents auraient été écrits par M. Delalic. On dit qu'il les a
18 écrits parce qu'il y a un nom de code qui était Oganj. Mais vous savez
19 qu'en fait deux personnes utilisaient le nom de code Oganj. C'est
20 d'ailleurs inscrit dans le compte rendu de la vidéo. Il est certain que
21 l'accusation va dire : mais, bien sûr, Oganj renvoyait à M. Delalic
22 puisqu'on le trouve au bas du document.
23 Cependant, le problème que rencontre l'accusation est que deux
24 personnes utilisent le même nom de code. Comme rien n'est prouvé, il e
25 pourrait for bien que ce soit l'autre homme qui utilisait ce nom de code
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1 Oganj. Nous estimons que ceci démontre les grands écueils qui se
2 présentent si l'on est enclin à adopter une proposition, certes,
3 attrayante, de l'accusation, mais c'est bien là que réside le danger,
4 c'est-à-dire qu'on vous demande tout simplement d'accepter ces documents
5 sur la base de confiance.
6 C'est ce que l'accusation vous demande, sans preuve, sans
7 authenticité, sans fiabilité. On vous demande votre confiance. Vous devez
8 faire confiance à l'accusation, vous dit-on.
9 Nous avançons aussi que si vous estimez que certains documents
10 ont été écrits, produits par un accusé, contre lequel ces documents
11 peuvent être utilisés, il n'y a pas plusieurs façons de procéder. Il
12 incombe à la personne qui fait cette allégation de prouver que ce document
13 est bien de la main de cet accusé. Si vous n'y parvenez pas, ce document
14 ne peut pas être considéré comme recevable car il n'y a aucun indice de
15 fiabilité.
16 Nombreuses sont les façons dont on peut attester d'un document.
17 Une de ces façons a été évoquée ici. On peut montrer un document à un
18 accusé dans le cadre d'un entretien. On lui demande si c'est bien son
19 document, mais cela n'a pas été fait.
20 Reprenons deux exemples simples dans cette affaire. Je ne vais
21 pas vous faire parcourir une liste sur la manière dont on peut
22 correctement prouver l'authenticité d'un document, mais l'accusation n'a
23 pas pris la peine de le faire au moment de l'interrogatoire de l'accusé et
24 maintenant qu'il s'agit d'apporter effectivement la preuve, elle se
25 contente de dire : voilà, nous estimons que ces documents sont
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1 authentiques et il faut donc que vous le croyez.
2 J'en arrive à ceci : c'est ce que l'accusation vous invite à
3 faire. Voici ce que dit l'accusation, elle dit : voici un document, qui
4 porte le nom, par exemple, de Mucic. L'accusation dit toujours, sans
5 apporter plus de preuves, qu'il est ainsi démontré que c'est bien le
6 document de M. Mucic.
7 Voilà une procédure des plus périlleuses. La démarche adoptée
8 par l'accusation pour apporter la preuve d'un document est tout du moins
9 cavalière. Quelle cette démarche ? La voici. Vous êtes des Juges
10 professionnels, nous pouvons vous soumettre tous les documents que nous
11 voulons, et se faisant nous estimons en vous soumettant ces documents
12 qu'ils sont authentiques. Nous vous disons que c'est sans doute telle ou
13 telle personne qui les ont écrits. Il ne faut rien prouver d'autre, il
14 vous suffit de décider de la modalité. Le fait que ce soit un faux
15 document ou pas, peu importe.
16 Il suffit que nous disions que ces documents soient fiables pour
17 qu'ils le soient ; et
18 pour apporter l'authenticité, il suffit de dire que ces deux documents qui
19 apparaissent être tout à fait authentique comme ceux que vous venez
20 d'examiner. L'accusation dit : c'est là l'authenticité dont vous avez
21 besoin. Nous estimons que cette procédure de versement de documents au
22 dossier n'est pas une bonne procédure.
23 Cela aura peut-être l'air d'un exemple un peu absurde, un peu
24 stupide, mais illustrera assez bien la procédure et retiendra, j'espère,
25 votre attention sur l'objet même de la procédure dans le cas présent.
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1 Je vais peut-être me moquer un peu de Me Moran. Je suis sûr
2 qu'il n'en prendra pas ombrage.
3 Veuillez me suivre pour quelques instants : supposons que
4 Me Moran, tout d'un coup, soit suspecté d'être un Texan, c'est très grave.
5 Un mandat de perquisition est donc obtenu pour qu'il y ait une
6 perquisition et une saisie dans ses locaux. Bien sûr, nous avons une
7 équipe d'élite de la police de Vienne qui vient faire la perquisition.
8 C'est un bureau qui est ouvert à plusieurs personnes. Il y a
9 20 documents sur la table, qui sont saisis avec d'autres documents et ce
10 document est signé par Thomas Moran et présente un sceau d'apparence
11 officielle. Il a sûrement écrit quelque part le mot : Texas. Le document
12 principal reprend plusieurs déclarations.
13 Les voici : Texas, c'est une petite île dans le Pacifique sud.
14 Il n'y a pas de cow-boy qui porte de grand chapeau ridicule au Texas. Le
15 Texas a été découvert en 1350 par un explorateur italien obscur qui
16 s’était perdu. Quand il est rentré, il a dit à ses camarades : "Oui, je
17 sais, c’est ce que disait Dante lorsqu'il a écrit l'Enfer". Voilà des
18 déclarations tout à fait absurdes. Parmi les autres documents saisis, il y
19 en a un ou plusieurs qui ont trait au Mexique.
20 Lorsque le procès commence et que M. Moran est accusé d'être
21 Texan, nous plaçons à l'examen du Tribunal le document principal et
22 d'autres documents qui parlent du Mexique, et nous faisons ces
23 allégations.
24 Le document principal porte sa signature et nous n'avons pas la
25 moindre preuve de ce que ce soit le cas, mais il faut que vous le preniez
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1 comme argent comptant. Le sceau ressemble à d'autres sceaux que nous avons
2 déjà vus et il semble être tout à fait authentique. Par conséquent, il
3 faut accepter le fait que ce soit un sceau authentique.
4 Il y a un fil conducteur dans ce document puisqu'on parle
5 toujours du Texas. Il y a un fil conducteur dans l'autre document
6 puisqu'on parle toujours du Mexique. Bien sûr, le Mexique n'est pas du
7 tout loin du Texas. Ces fils conducteurs signifient que M. Moran Texan et
8 donc qu'il est coupable du délit, même si nous n'avons pas la moindre
9 preuve que ce soit bien son document.
10 Si on prend tous ces éléments collectivement, la Chambre va
11 dire : non seulement c'est authentique et vérifié, mais il a été prouvé
12 que M. Moran est effectivement un Texan. Mais, en fait, le document a été
13 écrit par M. Ackerman qui l’a posé sur le bureau de M. Moran pour
14 discréditer sa réputation d’homme fort affable.
15 Voilà ce qu'on vous invite à faire dans cette affaire,
16 précisément cela, en faisant un plus un, pour arriver à cinq.
17 Nous avançons ceci : l'occasion est d'or pour que vous puissiez
18 établir tout un jeu d'articles, ou de consignes, qui seraient assez
19 analogues à ceux établis dans l'affaire Tadic et qui assoiraient la
20 réputation de ce Tribunal, constitueraient un test ou un critère pour le
21 versement de documents au dossier, en utilisant les caractéristiques que
22 j'ai évoqués.
23 J'en ai discuté avec mes collègues. Je sais que Me Ackerman a
24 une formulation et qu'il aimerait vous soumettre. C'est une question
25 d'intérêt général, qui n'intéresse pas seulement M. Mucic, M. Delalic,
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1 mais tous les accusés, non seulement dans cette affaire, mais dans
2 d'autres affaires.
3 Voici ce que nous disons.
4 Vous devriez rejeter ce qui est un système injuste, inéquitable,
5 et qu'on vous
6 demande d'accepter, que l'accusation vous demande d'accepter.
7 Vous serez soulagé, Madame et Messieurs les Juges, de savoir que
8 je ne veux pas vous imposer le parcours de documents document par
9 document, ligne par ligne. Je vais me contenter de relever un exemple aux
10 fins d'illustrer mon propos.
11 Je parle du document 130. L'accusation a longuement élaboré sur
12 ce document. Mais, en fait, il n'y a pas la moindre preuve que ce document
13 ait été de la main de Zdravko Mucic. Rien ne prouve que ce soit vraiment
14 un document du consul bosniaque.
15 M. Jan (interprétation). - Est-il aussi un officier consulaire
16 où est-il le consul de la République ?
17 M. Greaves (interprétation). - Le consul est tenu d'appliquer
18 les conventions relatives aux diplomates.
19 M. Jan (interprétation). - Je me demandai simplement si ces
20 consuls n'étaient pas aussi représentants de la République ailleurs.
21 M. Greaves (interprétation). - Je ne sais pas, je ne m'exprime
22 pas sur ce point.
23 M. Jan (interprétation). - Ce document n'était pas datée.
24 M. Greaves (interprétation). - Si c'était vraiment un document
25 authentique, c'est assez bizarre qu'il n'y ait pas de date. Les
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1 fonctionnaires sont réputés, sont bien connus, pour être mettre des dates
2 sur des documents. Mais ce document n'est revendiqué par personne.
3 Fait important, il est destiné au 4ème Corps d'armée de Mostar.
4 Nous avons entendu parler de ce 4ème Corps d'armée. Le Général Pasalic en
5 connaît un sacré bout là-dessus. On aurait pu lui poser des questions à
6 propos de ce document, mais cela n'a pas été fait.
7 Bien évidemment, il y a ici un contraste frappant avec ce qui
8 s'est passé avec le dépositaire des archives, M. Mrkajic. Quel contraste
9 entre le fait de citer un dépositaire d'archives à comparaître devant vous
10 et à manipuler un ensemble important de documents, et le fait de ne jamais
11 demander quoi que ce soit à un autre témoin qui aurait pu se prononcer sur
12 la
13 question.
14 Ce document n'a pas été trouvé en possession de M. Mucic.
15 Jamais, on ne lui a posé aucune question relative à ce document. On a
16 demandé à M. Delalic de se prononcer sur un certain nombre de choses peu
17 importantes.
18 Mais voici des commentaires qui, d'après nous, s'appliquent à
19 tous les niveaux. Ce qui est important, c'est la chose suivante : il n'y a
20 aucun indice de preuve ou d’authenticité de ce document. Par conséquent,
21 l’ensemble de ces documents est biaisé. L'accusation n'a même pas essayé
22 de prouver qu'ils avaient été authentifiés de façon légale. Voilà ce que
23 j'avais à dire, Madame et Messieurs les Juges.
24 Un point encore, toutefois, pour ce qui est des enregistrements
25 vidéo. Si vous pensez qu'ils peuvent aider l'accusation, c'est à vous d’en
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1 décider. Mais, d'après nous, la valeur de ces enregistrements est nulle.
2 Leur valeur probante est nulle. Ces enregistrements n'ont aucun poids.
3 L'accusation voudrait vous montrer des photos de M. Mrkajic, un
4 monsieur fort replet, qui à l’air bien nourri, et des enregistrements
5 faits dans le camp. Cela les regarde ! Nous disons que cela n’aide en rien
6 à poursuivre l'examen de cette affaire. Voici ce que nous disons, Monsieur
7 le Président, voilà ce que je dis.
8 Nous vous invitons respectueusement à rejeter toute cette
9 procédure. Nous disons clairement telle est la procédure qu'ils auraient
10 dû adopter, ils ne l'ont pas fait et ils vous invitent injustement à
11 examiner ces documents en adoptant une procédure tout à fait sujette à
12 caution. Nous ne sommes pas d'accord. Nous souhaitons établir des critères
13 de la plus haute qualité pour l'examen des documents et pour la
14 recevabilité de ces documents.
15 Nous voulons établir des fondements sains sur lesquels d'autres
16 pourront s'appuyer, des fondements permettant d'admettre des documents de
17 façon disciplinée et entièrement justifiée.
18 C'est tout ce que j'avais à dire. Merci, Monsieur le Président.
19 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie,
20 Maître Greaves. Maître Ackerman, vous souhaitez intervenir ?
21 M. Ackerman (interprétation). - Avec votre permission, Madame et
22 Messieurs les Juges, je vais parler de là où je me trouve parce que je
23 vais être bref.
24 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.
25 M. Ackerman (interprétation). - Je vous remercie.
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1 Lorsque j'ai commencé à penser et à réfléchir à tous ces
2 documents, trois éléments se sont présentés à mon esprit.
3 La première chose étant donné que je suis avocat, c'est qu'il
4 fallait à tout prix préserver les intérêts de mon client, c'est évident.
5 Mais, dans une large mesure, ces problèmes vont bien au-delà de ce premier
6 aspect que je viens d'évoquer.
7 Le droit, c'est quelque chose qui revêt une importance toute
8 particulière pour moi. C'est quelque chose que j'ai appris à aimer tout au
9 long de ma carrière. Ma carrière m'a emmené à découvrir nombre d'endroits
10 différents. Et j'ai découvert notamment un lieu qui ressemble fort à celui
11 dans lequel vous vous trouvez, Madame et Messieurs les Juges, cet après-
12 midi même.
13 Pour qu'il y est application du droit, un Etat de droit, il faut
14 qu'il y est un respect public du droit. Voilà ce qui rend l'application du
15 droit et l'Etat de droit possible.
16 En réfléchissant à tout cela, je me suis aussi mis à réfléchir à
17 votre rôle, à vous, Madame et Messieurs les Juges, pour ce qui est de
18 cette affaire et au rôle de ce Tribunal.
19 Bien évidemment, le monde entier doit considérer que le Tribunal
20 est un lieu où des procès équitables ont lieu. Vos collègues, les autres
21 Juges, qui siègent dans le cadre de ce Tribunal, les Juges qui se
22 pencheront sur les affaires à venir, ont le droit de bénéficier de votre
23 expérience et de vos décisions, à vous, Juges qui siégeaient à présent,
24 pour les décisions qu’ils aurons à prendre à l'avenir.
25 Mais, il semble que, pour l'instant, les décisions prises par ce
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1 Tribunal fond état d'une petite faille. Il manque une décision claire, une
2 décision complète, relative à l’attitude que le Tribunal doit avoir face
3 aux éléments de preuve, à la façon dont il doit manipuler les éléments de
4 preuve. C'est un problème extrêmement complexe.
5 Nombre de juridictions, dans le monde entier et depuis fort
6 longtemps déjà, se sont penchées sur ce problème. C'est un problème qui a
7 évolué aux fils des ans. Comme notre société dépend de plus en plus du
8 papier et de son utilisation, de la communication, ce problème a pris de
9 plus en plus d'importance.
10 Voici que nous sommes à la veille de l’ère électronique et que
11 se posent nombre de questions quant aux documents informatiques et aux
12 enregistrements, pour ce qui est de leur utilisation en temps qu'éléments
13 de preuve.
14 Cette Chambre de première instance devrait être à même, et est
15 capable, d'établir, pour elle-même et pour les Juges qui siégeront à
16 l’avenir, un certain nombre de règles et de décisions qui vous permettront
17 d'arriver à prendre une décision concernant les documents qui vous sont
18 présentés aujourd'hui. C'est quelque chose que vous devez faire, non
19 seulement pour vous, pour ce cas particulier, mais aussi pour les Juges
20 qui siégeront à l'avenir dans ce Tribunal.
21 En me fondant sur ma propre expérience, je sais que l'un des
22 grands ennemis des Juges, c'est la rapidité, le fait d'avoir à agir dans
23 la rapidité. Vous vous penchez sur une affaire particulière et vous êtes
24 tellement absorbé par cette affaire, que parfois la rapidité prend le pas
25 sur toutes les autres considérations. Mais; il faut résister à cette
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1 tentation d'agir dans la rapidité. Même dans les instances du degré le
2 plus bas, le Juge parle toujours, du cas qui l'occupe en l'occurrence,
3 mais aussi pour les cas qui se présenteront à l'avenir.
4 Lorsque vous statuez sur ce cas, sur l'affaire de Celebici, ce
5 n’est pas seulement pour ce qui se passe dans le cadre de cette affaire,
6 vous parlez pour l'ensemble des affaires qui pourront se présenter dans le
7 cadre de cette juridiction. Vous parlez en fait pour l'Histoire. Tout
8 ce que nous disons ici aura une importance historique, dans 50 ans.
9 De même qu'aujourd'hui, 50 ans après, nous parlons de ce que les
10 Juges, à Nuremberg, ont dit et ont écrit. Etant donné que ces documents
11 existent, sont disponibles, on peut s'apercevoir que certaines décisions,
12 prises alors, sont encore parfaitement logiques, parfaitement cohérentes,
13 et que d'autres n’ont pas les mêmes qualités.
14 Lorsqu'on parle de preuves par titre, de documents que l’on
15 cherche à verser au dossier, dont on cherche à recevoir l'autorisation
16 pour le versement au dossier, on parle dans la plupart des cas, en fait,
17 d'ouï-dire. Ces documents font état de déclarations qui ont été faites en
18 dehors du prétoire et qui sont versés parce que le contenu de ces
19 documents présent un intérêt pour l'affaire. Voilà ce qu'on appelle l’ouï-
20 dire. Le document qu'on vous présente et qu'on vous demande d'admettre au
21 dossier est, en fait, un document d'ouï-dire.
22 Une des caractéristiques des éléments de preuve par ouï-dire, et
23 une des raisons pour lesquelles les Juges font toujours fort attention
24 lorsqu'il s'agit de recevoir des éléments qui font état de déclaration par
25 ouï-dire, c'est que ce type d'éléments de preuve ne sont pas vérifiables.
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1 On ne peut pas interroger ce type d'éléments de preuve. La personne,
2 faisant la déclaration qui est recueillie dans le document, doit pouvoir
3 être à ce point digne de confiance que la Cour puisse dire que le
4 processus de contre-interrogatoire n'est en aucun cas lésé. Si la personne
5 qui a fait la déclaration ne satisfait pas à ces critères de confiance, il
6 faut qu'il y ait contre-interrogatoire.
7 D'après moi, Madame et Messieurs les Juges, ces documents
8 doivent précisément être considérés comme correspondant à ce que je viens
9 de dire. Vous devez pouvoir nous indiquer si, d'après vous, les personnes
10 dont les déclarations sont recueillies dans ces documents sont
11 suffisamment dignes de confiance pour qu'il n'y ait pas de contre-
12 interrogatoire. Si vous êtes d'avis que ce n'est pas le cas, tout
13 s'arrête, il n'est nul besoin d'aller plus loin. Si vous pensez que les
14 personnes concernées satisfont à ces critères de confiance, vous devez
15 ensuite vous
16 pencher sur la question de l'authenticité de ces documents.
17 Il est parfois difficile de proposer des éléments permettant
18 d'authentifier, mais c'est tout à fait simple à comprendre. Un document
19 est authentifié si la personne à laquelle la question est posée déclare
20 que oui, ce document est authentique ; c'est-à-dire que si je vous donne
21 une feuille de papier en vous disant : "Voici la première page du New York
22 Herald Tribune", ce quotidien international, s'il y a moyen de prouver
23 qu'il s'agit bien de ce que j'affirme, alors c'est un document
24 authentifié. Si je vous fais passer un morceau de papier trouvé sur le
25 bureau de Me Moran, document portant apparemment sa signature, et si je
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1 vous dis : "Madame et Messieurs les Juges, voici une lettre rédigée par
2 Me Moran", ce faisant je n'authentifie pas le document. Pour ce faire il
3 faudrait que j'aille un peu plus loin, que je trouve un témoin qui aurait
4 vu Me Moran signer le document et un expert qui pourrait comparer
5 l'écriture figurant sur le document et l'écriture de Me Moran. Il faudrait
6 que je rassemble tous ces différents éléments pour pouvoir l'authentifier.
7 Vous allez regarder tous les documents qui vous ont été
8 présentés et si vous en arrivez à la conclusion que l'accusation n'a pas
9 prouvé, au-delà de tout doute raisonnable, que les documents sont
10 authentiques, vous n'avez pas besoin d'aller plus loin. En revanche, si
11 vous êtes d'avis qu'il a été prouvé au-delà de tout doute raisonnable que
12 les documents qui vous sont présentés sont authentiques, vous devez passer
13 à une troisième analyse, celle qui a trait à la valeur probante et à la
14 pertinence des documents.
15 La question à vous poser est la suivante : "Les dépositions
16 figurant dans ces documents correspondent-elles à l'un des chefs
17 d'accusation figurant dans l'acte d'accusation et cela doit-il être prouvé
18 au-delà de tout doute raisonnable ?" Si la réponse à la question est oui,
19 le document est pertinent et a valeur probante. Si la réponse est non,
20 tout s'arrête et le document ne peut pas être admis au dossier.
21 Cela me semble être une procédure que tout juge doit respecter
22 lorsqu'il s'agit de
23 décider si des éléments de preuve peuvent être ou non versés à un dossier.
24 Je vous suggère d'avoir recours à ce type d'analyse pour l'étude de ces
25 documents et je vous demande respectueusement de prendre votre temps pour
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1 vous déclarer par écrit sur ce point afin que les tribunaux à venir, les
2 procureurs à venir, les conseils de la défense à venir, disposent d'un
3 guide leur permettant d'établir leur dossier.
4 Merci, Monsieur le Président de m'avoir écouté.
5 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie,
6 Maître Ackerman.
7 Les conseils de la défense veulent-ils s'exprimer sur ce point ?
8 Mme Residovic (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges,
9 nous sommes ici dans le cadre d'un processus très important, d'un procès
10 très difficile qui se déroule sous les yeux du monde depuis le 10 mars de
11 cette année, et toutes ces personnes qui nous regardent s'intéressent à la
12 justice et tentent de déterminer si nous établissons correctement les
13 faits, si nous contribuons correctement à l'évolution du droit et de la
14 justice.
15 Mes distingués collègues ont attiré votre attention sur les
16 dispositions du statut, notamment des articles 20 et 21, et je dois dire
17 avec satisfaction que j'ai pris part à ce procès jusqu'à très récemment,
18 en tant qu'avocat de la défense, conseil de mon client, M. Delalic, et que
19 j'ai absolument satisfait aux dispositions que cette Chambre de première
20 instance a demandé à tous les conseils d'appliquer dans la défense des
21 accusés, c'est-à-dire de leurs clients.
22 Cependant cette semaine, nous sommes confrontés à une tâche très
23 difficile, mes collègues et moi-même, et nous avons attiré l'attention de
24 la Chambre de première instance sur de très nombreux arguments. En tant
25 que conseil de la défense de M. Delalic, j'entends l'accusation me parler
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1 d'un certain nombre de documents dont elle affirme qu'il s'agit d'éléments
2 de preuve pertinents, et ce en l'absence de fondement convaincant à cet
3 égard, ce qui met la défense et mon client dans une situation très
4 difficile.
5 L'accusation nous montre des documents dont l'authenticité n'a
6 été prouvée en rien,
7 dont la valeur probante n'a été prouvée par rien, des documents au sujet
8 desquels mon client n'a pas eu la possibilité de contre-interroger des
9 témoins, pour mettre réellement en pratique les dispositions des
10 articles 20 et 21.
11 Nous avons presque accepté cette manière de procéder, à savoir
12 le fait que des arguments soient présentés au sujet de chacun de ces
13 documents mais, Monsieur le Président, nous sommes aujourd'hui en face
14 d'un très grand nombre de documents.
15 Si vous estimez que la procédure que vient de proposer
16 l'accusation aujourd'hui est la bonne procédure à suivre plutôt que celle
17 que mes collègues ont proposée pour leur part, nous sommes prêts à nous y
18 plier, mais nous ne voulons pas le faire dans le cadre imposé par
19 l'accusation, à savoir comparer des documents non authentiques, non
20 authentifiés, à d'autres documents tout aussi peu authentifiés. Nous
21 proposerions, si cela est possible, eu égard à certains documents,
22 d'apporter des preuves à la Chambre de première instance quant à leur
23 absence d'authenticité, de valeur probante et de pertinence, c'est-à-dire
24 à l'absence de tout ce que la Chambre de première instance nous a demandé
25 d'appliquer en tant que règles depuis le 10 mars.
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1 Nous sommes en face d'un très grand nombre de documents et si
2 vous estimez que c'est de cette façon qu'il convient que nous procédions à
3 partir de maintenant, je me plierai bien entendu à votre décision,
4 Monsieur le Président. Dans ces conditions, mon confrère Eugene O'Sullivan
5 et moi-même proposerions de nous partager les arguments que nous avons à
6 vous présenter. Nous vous proposerions dans ce cas de vous exposer toutes
7 les raisons pour lesquelles nous estimons que les documents qui vous ont
8 été soumis ne méritent pas d'être considérés comme des pièces à conviction
9 dans ce procès. Le sort de notre client nous intéresse suffisamment pour
10 accepter de travailler dans ces conditions.
11 Si vous nous autorisez à le faire, j'aimerais commencer
12 d'ailleurs par attirer votre attention sur deux choses seulement : parmi
13 les très nombreux documents que mon illustre
14 collègue Me Niemann vous a soumis, de façon très talentueuse d'ailleurs,
15 nous avons entendu un grand nombre de faits relatifs à la guerre et à
16 M. Delalic ; il a également été question d'autres faits qui sont des faits
17 de deuxième, voire même de troisième main, et dont rien ne permet
18 d'évaluer la véracité.
19 A ce stade, je voudrais vous demander l'autorisation de faire
20 quelque chose que je n'aime pas beaucoup faire, d'ailleurs, puisque mon
21 collègue Me Niemann l'a fait et que je m'y suis opposée, à savoir
22 témoigner.
23 Monsieur le Président, j'ai passé quatre ans pleins et entiers
24 en temps de guerre, j'ai vécu au quotidien tout ce caractérise une
25 guerre : les bombardements, les détonations, la violence, les difficultés
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1 humaines et autres, et je puis vous dire qu'avec mes collègues, nous
2 n'avons pas versé une larme pendant ces quatre ans.
3 Mais récemment, j'ai regardé le film d'Ademir Kenovic qui a été
4 primé à Cannes et qui, en deux heures, nous montre un grand nombre des
5 réalités de la vie que nous avons vécue, nous, les 300 000 habitants de
6 Sarajevo. Pas un de ces faits n'était véridique, mais chacun d'eux portait
7 sur un événement de la guerre et tous les spectateurs, dans la salle de
8 cinéma, étaient en larmes.
9 Voyez-vous, un grand nombre des habitants de Konjic, un grand
10 nombre de ceux qui ont fui Konjic, un grand nombre de ceux qui se sont mis
11 à fréquenter les associations, les clubs en Autriche, en Allemagne et
12 ailleurs ont raconté à leur façon des faits réels, ou moins réels. Eh
13 bien, ce sont des choses qui arrivent et je ne suis pas prête à écarter
14 d'un geste de la main tout ce que nous avons entendu ces deux derniers
15 jours dans un cadre comparable à ce que je viens de décrire.
16 On a entendu parler du fait que, contre un des accusés de ce
17 procès, des procédures pénales ont été engagées pendant la guerre, quelque
18 part. C'est ce que l'on nous dit.
19 En tant qu'amicus curiae et en tant que personne ici qui n'a pas
20 d'attachement
21 nationaliste particulier, je tiens à vous dire, Monsieur le Président, que
22 dans les conditions de notre réalité, les poursuites ne sont pas le début
23 d'un procès, ce ne sont que des enquêtes, ce n'est qu'une instruction.
24 Nous, nous avons un système judiciaire tout à fait contraire à ce que vous
25 connaissez vous-même et dans lequel la personne poursuivie et les membres
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1 de sa famille ne sont pas tenus de témoigner et de dire la vérité.
2 Un grand nombre des documents que nous a montré l'accusation
3 traitent peut-être d'une époque, d'une période dans laquelle des personnes
4 ont été mises en accusation, des périodes au cours desquelles un membre de
5 la famille, ou quelqu'un de proche en tout cas, a écrit quelque chose au
6 Procureur, mais l'accusation n'a fait absolument aucun effort pour tenter
7 même de prouver la pertinence de l'un de ces éléments.
8 C'est la raison pour laquelle, Monsieur le Président, si vous me
9 le permettez, je pourrai accepter d'examiner les documents les uns après
10 les autres, mais avant de le faire, je tiens à signaler que nous sommes
11 entièrement d'accord avec les propos tenus par mes confrères, MM. Greaves
12 et Ackerman, avant moi et nous attendons vos instructions quant à la façon
13 de procéder à partir de maintenant.
14 M. le Président (interprétation). - Je suppose que tout cela
15 devrait vraiment beaucoup me surprendre. Je vous ai proposé de répondre
16 aux arguments de l'accusation. Si vous estimez que ces arguments sont
17 insuffisants, si vous estimez avoir d'autres arguments à leur opposer, je
18 vous en prie, faites-le. Si vous souhaitez les critiquer, faites-le
19 également. Ce n'est pas à moi qu'il appartient de vous indiquer une
20 procédure différente de celle qui est la coutume dans une Chambre de
21 première instance. Je pensais que c'était une méthode tout à fait normale
22 dans le cadre de ce prétoire.
23 Mme Residovic (interprétation). - Merci beaucoup, Monsieur le
24 Président. Me O'Sullivan et moi-même allons donc commencer la présentation
25 de nos arguments, conformément à ce que vous venez de nous dire. Ces
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1 arguments sont nombreux.
2 M. le Président (interprétation). - Bien sûr, je vous donne la
3 parole, vous pouvez procéder.
4 M. O'Sullivan (interprétation). - Merci, Monsieur le Président,
5 je tenterai de m'exprimer le plus brièvement possible, mais je vous
6 demande votre indulgence et votre attention.
7 D'abord, nous tenons à dire que s'agissant de M. Delalic, nous
8 appuyons totalement les exposés qui viennent d'être présentés par
9 MM. Greaves et Ackerman. Pour ce qui me concerne, je me contenterai de
10 présenter des observations générales conformes à la décision prise par
11 vous, le 12 septembre, à savoir que la chaîne de conservation des
12 documents avait été prouvée, eu égard aux chemises en carton, mais que le
13 contenu de ces chemises en carton n'intervenait pas dans votre décision.
14 Je voudrais entrer dans le processus qui a permis de se
15 prononcer quant à la recevabilité de ces documents. Mon ami, Me Niemann, a
16 dit que selon ce qu'a déclaré M. Mörbauer, les documents lui ont été remis
17 par M. Navrat. Mais, toujours selon M. Mörbauer, le contenu des chemises
18 en carton n'a pas été analysé jusqu'à la date du 22 mars, ce processus
19 ayant duré jusqu'au 2 avril. Il est venu déposer ici, devant ce Tribunal,
20 et n'a reconnu aucun des documents qui lui ont été soumis.
21 Or il avait été cité à comparaître dans le but précis
22 d'identifier ces documents. Me Niemann vous a expliqué, à cet égard, que
23 l'officier Mörbauer a évoqué un certain nombre de faits à la demande de
24 l'accusation, et nous disons que ces faits ne sont pas étayés par la
25 réalité.
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1 Nous aimerions maintenant revenir sur le problème des trois
2 cassettes vidéo, prétendument saisies dans les locaux d'Inda-Bau. Ce
3 matin, mon ami, Me Niemann, a déclaré que cette différence de trois, entre
4 le chiffre de 51 et celui de 54 cassettes prétendument saisies, était due
5 à un défaut de comptabilisation. Mais, à mon avis, les choses sont tout à
6 fait claires. Le
7 témoin Navrat a été guidé par Me Niemann, le 5 août, dans son
8 interrogatoire principal, et l'officier Navrat, dans la pièce à
9 conviction 165, a montré un Niederschrift qui montre tout à fait
10 clairement qu'il a saisi 51 cassettes vidéo.
11 A la page 5644 de sa déposition, ceci est dit de la façon la
12 plus claire. Me Niemann ne lui a jamais demandé si c'était le chiffre
13 exact et M. Navrat a maintenu ce chiffre. En fait, la seule chose qui a
14 été demandée à M. Navrat concernait la date apposée sur le Niederschrift.
15 A ce sujet, M. Navrat a admis que la date était erronée. Mais aucune
16 question n'a été posée à M. Navrat pour lui demander de confirmer ce
17 chiffre de 51 cassettes vidéo. M. Navrat a confirmé que l'opération avait
18 été menée avec un nombre d'hommes suffisant, sans aucune pression, sans
19 aucune hâte particulière. Le rapport du 18 mars de M. Navrat conforte
20 encore une fois le fait que 51 cassettes vidéo ont été saisies dans les
21 locaux.
22 Un autre point pertinent vient de la déposition de M. Panzer qui
23 lui aussi était interrogé en interrogatoire principal par Me Niemann, le
24 2 septembre. Les réponses aux questions, dans le rapport préparé par
25 M. Panzer le 22 avril, montrent qu'il y avait 54 cassettes vidéo, qui
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1 selon Panzer ont été marquées les 19 et 20 mars. C'est la première fois
2 que l'on trouve une différence dans les nombres, avec le rapport du
3 22 avril 1996. Il est tout à fait clair qu'il y a une différence de trois
4 cassettes vidéo, mais ce que je dis, c'est qu'il ne peut s'agir d'une
5 erreur de comptabilisation parce que ceci n'est pas étayé par la réalité.
6 Monsieur le Président, reprenons donc le transcript à cette date, c'est-à-
7 dire le contre-interrogatoire de M. Mörbauer par mon confrère, Me Moran et
8 nous arrivons au point qui vous intéresse.
9 A la page 3779, ligne 10, M. Moran demande à M. Mörbauer :
10 "N'est-il pas difficile à un officier de police entraîné de compter de
11 1 à 51 ?" A ce stade, Me Niemann élève une objection. En bas de page, à la
12 ligne 22, Me Niemann dit : "Il est absurde de poser ce genre de question
13 au témoin, le conseil connaît la réponse, chacun ici dans ce prétoire
14 connaît la réponse." Avec tout le respect que je dois à Me Moran, je suis
15 d'accord avec l'accusation, les
16 officiers de police savent compter.
17 Les dernières remarques que je ferai au sujet de ces cassettes
18 vidéo sont en rapport avec le fait de présenter une cassette vidéo à un
19 témoin, dans un prétoire. Bien entendu, cela ne prouve absolument rien en
20 ce qui concerne la provenance de la cassette vidéo, plus précisément la
21 portion de cette cassette montrée au Docteur Grubac et au Docteur P,
22 c'est-à-dire les images de l'interview réalisée par Svonkomovic* Jadanka*
23 Milosevic. Monsieur le Président, ces deux témoins ont donc vu l'original
24 de ces images fournies à la défense de M. Delalic par les journalistes
25 eux-mêmes, M. Maric* et Mme Milosevic. C'est la défense de Delalic qui a
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1 fourni ces images, conformément aux lois de la communication de pièces à
2 l'accusation. C'est une séquence de la cassette I-46, fournie par la
3 défense à l'accusation.
4 Pour résumer, Monsieur le Président, il n'y a aucune confusion
5 de la part de la police qui a été faite à ce niveau. Les textes sont tout
6 à fait clairs. Les policiers savent compter, ils ont compté différemment.
7 Ces cassettes vidéo, par conséquent, n'ont pas été authentifiées, la
8 pertinence n'est pas prouvée, et elles n'ont que très peu sinon aucune
9 valeur probante. C'est pour ces raisons que nous demandons, avec tout le
10 respect que nous devons à la Cour, de les exclure des éléments de preuve.
11 Le deuxième point que je voudrais brièvement évoquer, Monsieur
12 le Président, porte sur la pièce à conviction 113, à laquelle mon
13 confrère, Me Greaves, a fait quelques références dans son exposé. Je ne
14 répéterai pas les articles et les règlements qu'il a évoqués lui-même, à
15 savoir les articles 21, 20, 89, et 95 du règlement. Mais j'ajouterai
16 simplement un point, eu égard à la position de M. Delalic, dans ce
17 document. Ce document, bien entendu, prétend être une lettre de la main de
18 M. Mucic et est censé présenter un rapport sur des questions liées à
19 l'année 1992. Nous disons que si vous deviez statuer sur ce document et le
20 considérer comme recevable, si vous deviez décider qu'il s'agit d'un
21 document de M. Mucic conformément à l'article 21-4 du Règlement, M. Mucic
22 ne peut pas être contraint de témoigner. La conséquence
23 de cela serait que l'article 21-4 s'appliquerait à M. Delalic et que
24 celui-ci serait privé du droit de contre-interrogatoire. Une argumentation
25 du même type a été fournie par Me Greaves dans ces aspects plus généraux.
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1 J'aimerais reprendre, au nom de M. Delalic, l'ensemble de ces
2 arguments qui empêchent, à mon avis, de considérer comme recevables ces
3 documents en vertu des articles 20 et 21 du statut. Nous demandons donc,
4 avec tout le respect que nous devons au Tribunal, que la pièce à
5 conviction 130 soit exclue en vertu des articles 89 et 95 du règlement. Je
6 donne maintenant à la parole à Me Residovic.
7 Mme Residovic (interprétation). - Avec tout le respect que je
8 vous dois, Monsieur le Président, j'aimerais vous rappeler mes objections
9 déjà présentées quant aux éléments de preuve dont le versement au dossier
10 a été demandé. J'ai dit à plusieurs reprises pour quelles raisons je
11 considérais qu'il fallait ne pas les verser au dossier et les considérer
12 comme pièces à conviction. Je ne souhaiterais pas reprendre l'ensemble des
13 arguments que j'ai déjà exposés, eu égard à chacun des documents qui a été
14 montré ici. C'est pourquoi, pour l'ensemble des documents, je dirai
15 maintenant les choses suivantes, avant de passer à des arguments plus
16 détaillés et plus précis.
17 Premièrement, l'accusation n'est pas parvenue à apporter la
18 preuve qu'un des documents présentés par l'accusation provient bien de la
19 saisie effectuée dans les locaux d'Inda-Bau.
20 Comme vous vous en souviendrez, le témoin Mörbauer -les réponses
21 qu'il a apportées à l'accusation peuvent être trouvées avec une grande
22 précision puisque le compte-rendu peut être cité ligne par ligne et page
23 par page- n'a donc fait que dire, dans sa déposition, qu'il avait reçu du
24 témoin Navrat un certain nombre de dossiers. Plusieurs jours après avoir
25 reçu une caisse en carton du témoin Navrat, ce témoin, M. Mörbauer, a
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1 réalisé une analyse des documents. Tout ce que nous avons dans les
2 réponses apportées aux questions de l'accusation
3 porte sur un Bericht, c'est-à-dire une analyse réalisée le 22 ou plutôt,
4 d'ailleurs, le 26 avril, date à laquelle il a soumis ces documents au
5 Tribunal.
6 Nous avons donc une période qui est très imprécise (22-26 avril)
7 pendant laquelle nous ne pouvons pas suivre de façon précise le sort
8 réservé à ces dossiers.
9 Conformément à votre décision, Monsieur le Président, que j'ai
10 déjà citée, l'accusation a également cité à comparaître la personne qui a
11 examiné les dossiers saisis dans les locaux d'Inda-Bau. Ce témoin a
12 indiqué très sincèrement qu'il n'avait pas apposé la moindre marque
13 distinctive sur ces documents au moment même de la saisie, qu'il n'avait
14 donc spécifié aucun des documents de façon particulière.
15 Le témoin Mörbauer, lui, avait déclaré que tous les signes
16 distinctifs qu'il avait apposés sur les documents après les avoir examinés
17 avaient disparu. Il a dit devant ce Tribunal, dans ce prétoire, qu'il
18 était incapable de reconnaître un seul des documents qui lui ont été
19 montrés puisqu'il ne connaissait pas la langue bosniaque, ne retrouvait
20 pas les signes distinctifs qu'il y avait apposés et n'avait jamais, dans
21 sa vie, pratiqué la moindre analyse graphologique du moindre document.
22 Monsieur le Président, la première remarque qu'on peut faire au
23 sujet de l'ensemble des documents présentés par l'accusation est donc bien
24 que l'accusation a été totalement incapable de nous apporter la moindre
25 preuve quant à la provenance de cette somme importante de documents
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1 qu'elle nous soumet. Autrement dit, l'accusation n'a pas pu nous dire d'où
2 venaient ces documents.
3 En ce qui concerne l'authentification des documents, il est
4 également tout à fait important que l'accusation nous indique et nous
5 prouve qui est le détenteur de tel ou tel document. L'accusation n'a
6 malheureusement pas pu nous apporter la moindre preuve ou nous donner le
7 moindre argument susceptible de nous prouver, conformément aux règles
8 appliqués par ce Tribunal, qui était l'auteur des documents soumis à votre
9 attention.
10 Je vais maintenant, si vous le voulez bien, tenter de vous
11 exposer un certain nombre d'arguments relatifs à des documents
12 particuliers.
13 Mais, pour certains documents que je ne peux pas intégrer dans
14 une catégorie particulière, je voudrais commencer par dire les choses
15 suivantes immédiatement : par exemple, je n'ai pas prononcé, jusqu'à
16 présent, la moindre observation ou la moindre remarque au sujet du
17 document 127, et je vous demanderais, Monsieur le Président, de bien
18 vouloir me permettre de le faire maintenant. Je recherche ce document que
19 je vais analyser maintenant.
20 Vous savez qu'il s'agit d'une ordonnance du 3 juin 1992 qui
21 contient un certain nombre d'instructions et de modalités concrètes
22 relatives à la mise en service d'une ligne de chemin de fer. L'accusation,
23 en rapport avec ce document, s'efforce de vous amener dans une situation
24 où vous pourriez croire qu'un coordinateur a des pouvoirs précis qui lui
25 permettent de donner des ordres.
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1 J'aimerais à cet égard vous rappeler la déposition du
2 Général Divjak qui est venu ici à la barre et qui a établi une différence
3 très importante, très significative, entre un ordre et un décret. Il a
4 également confirmé de la façon la plus claire que la signature d'un
5 coordinateur -et d'ailleurs la fonction de coordinateur- n'a aucune valeur
6 d'autorité. D'après les propos tenus par le Général Divjak, le
7 coordinateur n'est qu'un mot qui lui permet de signer les documents, mais
8 il n'a pas de qualité d'autorité, il n'a pas de qualité d'exécution.
9 J'aimerais également attirer votre attention sur un document qui
10 a été versé au dossier de ce procès par la Chambre de première instance.
11 Il émane de l'état-major de Bosnie-Herzégovine et est signé par le général
12 d'armée Rasim Delic selon lequel un coordinateur des forces armées de
13 Bosnie-Herzégovine n'a aucun pouvoir de commandement et n'a qu'un rôle
14 symbolique. La fonction de commandement est attribuée aux organes qui ont
15 nommé le coordinateur à son poste.
16 Au vu de ce fait, il n'y a aucun doute que l'accusation fait
17 référence à ce document
18 qui, en fait, n'a aucune pertinence s'agissant de prouver les fonctions de
19 mon client, le poste de mon client, et qui n'a aucune pertinence notamment
20 par rapport aux charges indiquées dans l'acte d'accusation examiné par
21 cette Chambre de première instance.
22 Il est donc manifeste, hormis le fait de savoir quelle est la
23 provenance de ce document -j'ai déjà dit que nous n'en connaissions pas la
24 source-, que nous n'avons aucune preuve non plus quant au fait qu'il émane
25 des locaux d'Inda-Bau. En outre, ce document n'a aucune valeur probante,
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1 aucune pertinence, par rapport à l'acte d'accusation. Sa pertinence est
2 égale à zéro.
3 Le document suivant que l'accusation a tenté de nous montrer
4 comme authentique et fiable est le document 128. Vous vous rappellerez,
5 Monsieur le Président, que c'est une demande pour entamer des poursuites
6 contre M. Zejnil Delalic et M. Zdravko Mucic, et vous vous rappellerez
7 également de ce document ainsi que des charges criminelles qui ont été
8 retenues par le Général Pasalic. Il a donc été demandé que ce document
9 soit versé au dossier dans un cadre un peu restreint car il indiquait les
10 fonctions de ces personnes.
11 Monsieur le Président, contrairement à l'accusation qui a tenté
12 de démontrer la valeur probante limitée de ce document en le comparant à
13 d'autres documents, permettez-moi de procéder de façon un peu différente.
14 Ce document est considéré comme ayant une pertinence limitée,
15 mais il y en a d'autres qui sont dans la même situation, notamment les
16 documents 137, 141 et 125...
17 Je vous prie de m'excuser, Monsieur le Président ; je viens de
18 recevoir une proposition de mon client. Je vous remercie de vous montrer
19 compréhensif pour cette interruption.
20 Ce document, qui est comparé à d'autres documents dont je viens
21 de donner les cotes (125, 141 et 137), démontre donc bien dans quelle
22 mesure la pertinence de ces documents est inexistante dans un cadre aussi
23 limité que celui qui a été pris en compte, à savoir : ces
24 documents peuvent-ils vraiment prouver les fonctions ou le poste
25 qu'occupait mon client à une période déterminée ?
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1 Vous vous rappellerez peut-être de la déposition du
2 Général Pasalic qui a examiné une déclaration du chef d'état-major dans
3 laquelle il est question de ce poste et de ces fonctions. Vous vous
4 rappellerez, dans ce document, que la personne qui a souvent été utilisée
5 ou prise comme base, comme appui, pour étayer l'authenticité d'un
6 document, était Edib Saric. Dans ce document, il est question d'un
7 commandant adjoint et, dans le document du 14 août, nous voyons
8 qu'Edib Saric est cité comme étant l'homme proposé au poste de remplaçant
9 du commandant du groupe tactique 2, qu'il est proposé, le 22 août, au
10 poste d'adjoint au commandement du groupe JUG et, enfin, dans le texte du
11 24 novembre 1992, nous voyons que ce même homme est proposé au poste
12 d'adjoint de commandant du groupe opérationnel.
13 Lorsque l'ensemble de ces documents ont été montrés au témoin,
14 le Général Pasalic, ce dernier a dit aux juges qu'à l'époque où il
15 s'occupait de structurer le commandement suprême, il n'avait pas la
16 moindre connaissance des postes occupés par les différentes personnes dont
17 il a été question.
18 Autrement dit, ces documents ne peuvent pas avérer le poste ou
19 les fonctions d'une des personnes dont le nom figure dans ces documents,
20 ni d'ailleurs d'une des personnes dont nous discutons ici.
21 Le document 128, par exemple, va totalement à l'encontre de ce
22 qui est stipulé dans la pièce à conviction 141, à savoir le texte du dépôt
23 de plainte que le Général Pasalic a bien reconnu comme ayant été déposée
24 par les responsables du 4ème Corps d'armée.
25 En examinant ces simples documents, vous constaterez Monsieur le
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1 Président, que le poste de M. Delalic à la date du 30 mai est totalement
2 contraire à celui qui est indiqué dans ce document et, plus tard, en ce
3 qui concerne l'arrêt des poursuites, vous constaterez que ce poste est
4 encore évoqué de façon différente.
5 Toutes les raisons qui nous ont été proposées comme étant des
6 motifs pertinents pour déterminer la position occupée par mon client à
7 telle ou telle époque et tout ce que propose l'accusation est donc
8 totalement dépourvu de pertinence.
9 Quant au cadre très limité dans lequel cette pertinence tente de
10 nous être prouvée, il ne suffit pas du tout pour corroborer les faits
11 évoqués dans l'acte d'accusation.
12 Monsieur le Président, souhaitez-vous que je poursuive ou
13 pensez-vous que je pourrais peut-être m'interrompre maintenant ?
14 M. le Président (interprétation). - Nous allons avoir une pause
15 et revenir à 16 heures 30.
16 L'audience, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 35.
17 M. le Président (interprétation). - Me Residovic, vous avez
18 encore besoin de combien de temps pour nous exposer vos arguments ? Nous
19 ne siégions pas demain et je pense qu’ensuite nous ne siégerons pas
20 pendant quelques temps.
21 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, comme
22 vous l'avez dit vous-même, et le Procureur également, ces documents sont
23 d'une certaine importance.
24 Je vais tenter de regrouper mes arguments pour les exposer plus
25 brièvement, je sais que la question que vous venez de me poser n'a pas
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1 l’intention de me limiter dans le temps, mais malheureusement, en ce
2 moment, je suis absolument incapable de vous dire de combien de temps
3 exactement j'ai encore besoin. Tout ce que je peux vous dire, c'est que je
4 vais m'efforcer de regrouper mes arguments, de les présenter de la façon
5 la plus concise possible, et de ne citer à titre d'exemple tel ou tel
6 document que lorsque cela sera indispensable.
7 Je regrette beaucoup de ne pouvoir vous fournir une réponse plus
8 précise, mais je ne peux pas déterminer le temps dont j'ai besoin. Est-ce
9 que je terminerai aujourd'hui ? Je le
10 souhaite, mais si tel n'est pas le cas je vous demanderai de m'autoriser à
11 poursuivre par la suite.
12 M. le Président (interprétation). - J'essayais simplement de
13 vous mettre en garde eu égard à ce problème de temps, mais bien entendu je
14 n'avais pas l’intention de vous contraindre à modifier votre manière de
15 procéder.
16 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président,
17 Me McMurrey a un rendez-vous à 17 heures 05, elle sera donc contrainte de
18 quitter le prétoire à ce moment-là.
19 M. le Président (interprétation). - Elle y est autorisé.
20 Mme Residovic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
21 Puis-je poursuivre ?
22 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.
23 Mme Residovic (interprétation). - Merci. La suite de mon exposé
24 est facilitée par le fait que la majorité des arguments de droit, que je
25 souhaitais exposer devant ce Tribunal, ont déjà été exposés par mes
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1 confrères.
2 Comme je l'ai souligné avant la pause, je vais m'efforcer de
3 m'appuyer sur des arguments fondamentaux qui ont trait à un certain nombre
4 des éléments de preuve qui nous ont été soumis.
5 Je parlerai par exemple des éléments de preuve cités par
6 l'accusation qui sont une série de documents ayant l'apparence de
7 documents officiels. J'ai analysé quelques-uns de ces documents et je
8 souhaiterais, eu égard à ces documents, reprendre les propos déjà tenus
9 par mon confrère Me Greaves.
10 Nous ne savons pas qu'elle est la provenance de ces documents.
11 Nous ne savons pas si leur authenticité est vérifiée. Et nous n'avons
12 qu'un seul moyen pour se faire, nous l’avons déjà fait lorsque nous avons
13 tenté de prouver l'authenticité d'un certain nombre de documents provenant
14 du gouvernement bosniaque.
15 La seule manière de le faire, c'est de citer ici les
16 représentants des organes officiels
17 susceptibles éventuellement de confirmer l'authenticité de ces documents.
18 Car, je n'ai pas besoin de répéter que les tampons, les signatures, tout
19 ce qui figure sur ces documents, peuvent bien sûr, étant donné les
20 possibilités de la technique moderne, être aujourd’hui falsifiés.
21 Et puis, nous avons d'autres documents, une autre série de
22 documents qui sont manuscrits. Il y en a un grand nombre dans l'ensemble
23 des documents présentés par l'accusation. Je ne les ai pas compté un à un,
24 mais il en reste au moins neuf.
25 Je n'ai pas l'intention, Monsieur le Président, de commencer
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1 l'analyse détaillée de ces neuf documents, devant vous aujourd'hui. Je
2 n'ai pas non plus l'intention pour chacun de ces documents de m'efforcer
3 de prouver qu'il existe la moindre possibilité de montrer l'authenticité
4 de ces documents contrairement à ce qu’a fait l'accusation. La position de
5 la défense consiste, en effet, à dire que cette possibilité est
6 inexistante.
7 Eu égal donc à ces documents manuscrits, j'aimerais vous
8 rappeler les arguments déjà présentés par mes confrères qui démontrent
9 que, pour certains de ces documents manuscrits, l'accusation affirme
10 qu'ils sont rédigés par des tiers, et tente de déclarer pour d'autres
11 documents qu'ils ont été écrits de la main de mon client.
12 Pour les raisons qui ont déjà été exposées devant ce Tribunal,
13 l’accusation n’est absolument pas parvenue à démontrer qui était le
14 véritable auteur de ces documents, ou plutôt de ces petits morceaux de
15 papiers, de ces petits gribouillages, ou même de ces portions de petits
16 gribouillages et petits papiers. L'accusation donc n'est pas parvenue à
17 démontrer quelle était la provenance de ces documents, où ils avaient été
18 trouvés. Elle n'a pas démontré quelle était la valeur de ces documents, ni
19 à qui ils appartenaient.
20 A partir de cette somme de documents manuscrits, je n'en
21 prendrais que deux, Monsieur le Président.
22 L'un d'entre eux est le document 126, écrit le 27 avril 1993,
23 d'après ce qui figure sur ce document. Il s'agit d'un document qui est
24 donc datée d'une période bien ultérieure à la
25 période qui intéresse ce Tribunal et qui prétend traiter d'événements
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1 relatifs à la période qui intéresse la Chambre de première instance. Il
2 est stipulé dans ce document un certain nombre de choseq relativeq au
3 conflit entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine, entre un éventuel
4 accord entre Milosevic et Tudjman, entre des évolutions possibles des
5 événements. Mais aucune référence, aucun élément concret, ne figure dans
6 ce texte, eu égard à ce qu'affirme l'accusation en rapport avec mon client
7 ou un autre des accusés.
8 Il y a un autre élément, qui est peut-être encore plus
9 problématique eu égard à ce document, c'est ce que prouve le premier
10 paragraphe où il est question d'un certain nombre de personnes qui
11 seraient parties en Tchécoslovaquie. Nous serions donc en droit de nous
12 poser la question de savoir si ce document ne vient pas de
13 Tchécoslovaquie, et si d'une façon ou d'une autre il ne serait pas tombé
14 dans les mains du Procureur, et donc arrivé devant ce Tribunal à partir de
15 Tchécoslovaquie.
16 L'autre document manuscrit, dont je voudrais parler, est le
17 document 131. Vous vous rappellerez, Monsieur le Président, que le titre
18 de ce document est : L'aventurier.
19 J'aimerais prier les techniciens de bien vouloir montrer ce
20 document 131, à savoir la version bosniaque de ce document, à l'écran. Ce
21 qui nous permettra de voir quel est l'aspect extérieur des documents que
22 l'accusation nous soumet aux fins de nous démontrer leur authenticité et
23 leur véracité.
24 Cela est l'un des documents dont mon confrère Me Ackerman a dit
25 que, malheureusement, il serait possible de les trouver également dans une
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1 corbière à papiers. C'est un morceau de papier où quelqu'un a jeté ses
2 idées. Nous ne savons d'ailleurs pas de qui il s'agit et l'accusation nous
3 affirme qu'il existe quelqu'un, un témoin, qui peut analyser et prouver
4 l'authenticité de ce document. Elle déclare que ce document a été écrit de
5 la main de l’assistant du commandant du groupe tactique.
6 Maintenant, j'aimerais qu'on nous montre le verso de ce ce même
7 document.
8 M. le Président (interprétation). - Pensez-vous qu'il est
9 indispensable que nous nous livrions à cet exercice ? Vous pensez que
10 c’est indispensable ? Vous pouvez le faire si vous le souhaitez, mais je
11 ne pense pas que cela permette d'expliquer davantage que ce qui a déjà été
12 expliqué.
13 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, je ne
14 m'exprime qu'au sujet des pièces soumises par l'accusation. Je crois que
15 l'accusation a eu un temps suffisant pour vous soumettre ces documents au
16 courq des trois derniers jours.
17 Pour ma part, j'essaie, je m'efforce et j'espère pouvoir
18 m'exprimer uniquement sur quelques-uns de ces documents, et consacrer à
19 cette expression un temps restreint. J'ai l'intention de ne parler que de
20 deux documents manuscrits au sujet desquels j'aimerais indiquer un certain
21 nombre d'éléments.
22 Je respecte votre souci d'éviter toute répétition, votre souci
23 d'efficacité, de clarté dans les débats. Je crois que c'était le sens des
24 suggestions que vous m'avez faites, Monsieur le Président, ce dont je vous
25 remercie. Puis-je poursuivre, Monsieur le Président ?
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1 M. le Président (interprétation). - Oui, vous le pouvez.
2 Mme Residovic (interprétation). - Lorsque nous voyons ce type de
3 document et tenant compte de l'argument qui a été présenté, à savoir qu'il
4 était possible, dans un certain endroit, de trouver une balle ou un
5 couteau, je tiens à souligner que ceci n'a rien à voir avec une balle et,
6 s'agissant de l'un de ces objets, il convient de mener une enquête pour
7 savoir à qui appartient l'objet en question. Pour un document, il convient
8 de déterminer à qui appartenait ce document.
9 S'agissant de documents manuscrits, je sais que mon collègue,
10 Me Niemann, connaît beaucoup mieux la géographie des Balkans que je ne
11 connais moi-même la géographie de l'Australie. Mais la remarque qu'a faite
12 mon collègue, Me Niemann, au sujet d'un document où il était question de
13 Donje Selo, à côté duquel coulerait la rivière Neretsva... Vous vous
14 souvenez
15 sans doute de ce document où il est question de la caserne de Dugo Selo.
16 Celle-ci, d'après mes connaissances de la géographie, se trouve dans un
17 autre Etat, celui de la Croatie. Il s'agit d'une caserne alors que
18 l'accusation nous parle de Donje Selo, qui est une région, qui est une
19 partie de l'opstina ou de la municipalité de Konjic.
20 Je crois que nous devrions éviter de tomber dans des problèmes
21 de ce genre qui nous amèneraient dans la situation de considérer comme
22 valables et pertinents des documents qui, en fait, nous sont soumis par
23 l'accusation et qui nous présentent des faits erronés. Je vous déclare,
24 Monsieur le Président, que la façon de présenter ces documents de la part
25 de l'accusation montre qu'il existe un problème global et je pense qu'il
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1 convient d'éviter de reproduire les problèmes suscités par le mode de
2 présentation des documents par l'accusation. Vous savez, n'est-ce pas,
3 quels sont tous les autres problèmes liés à la présentation des éléments
4 de preuve. Vous les retrouvez dans le procès-verbal d'audience ou dans
5 d'autres documents.
6 J'aimerais maintenant attirer votre attention sur un troisième
7 groupe de documents liés à l'affirmation de l'accusation selon laquelle
8 l'authenticité et la pertinence des documents en question sont confirmées
9 par le fait que, par rapport à un certain nombre d'entre eux, M. Delalic,
10 mon client, se serait exprimé au cours d'interrogatoires menés à
11 Scheveningen et qu'il aurait reconnu ces documents.
12 Je vous rappelle la discussion que nous avons eue avec le
13 Procureur au sujet d'un ordre du 11 juillet. Le débat a été assez long et
14 il a été prouvé, à l'issue de ce débat, que le document qui était censé
15 provenir de Vienne ne venait pas de Vienne mais de Munich. Le Procureur
16 nous a montré le document 1220 qui montre un fax prouvant de la façon la
17 plus nette quels sont les problèmes liés à la transmission des documents,
18 à l'époque, dans le territoire encerclé de Sarajevo sur lequel se trouvait
19 mon client.
20 Les autres documents appartenant à cette série de documents
21 prétendument montrés à mon client n'ont même pas été présentés à ce
22 Tribunal. Je parle, en particulier, d'un document
23 important. Sur le compte rendu de l'interrogatoire mené à Scheveningen, on
24 voit de la façon la plus claire que je déclare avoir transmis ce document
25 dans le cadre du dossier relatif à mon client.
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1 J'aimerais attirer votre attention sur ce que j'ai également
2 stipulé dans une des exceptions préjudicielles que j'ai déposées, à savoir
3 que tous les éléments de preuve qui nous sont soumis ont une fiabilité
4 tellement contestable qu'ils ne devraient absolument pas et ne peuvent pas
5 être considérés ou acceptés en qualité de pièces à conviction dans ce
6 procès.
7 Il nous est dit qu'à l'issue de deux perquisitions menées à
8 Vienne et à Munich, plus de 2 700 documents auraient été saisis. Nous
9 constatons que des erreurs ont été commises dans le cadre de la
10 perquisition, de la saisie et de la transmission de ces documents. Nous
11 constatons qu'une partie de ces documents a été photocopiée et emportée en
12 dehors de toute autorisation du Tribunal. A ce sujet, les témoins
13 interrogés -Mörbauer, D'Hooge et d'autres policiers autrichiens entendus
14 par cette Chambre de première instance- ont dit des choses très
15 différentes. Cela nous permet de penser que le Procureur lui-même ne
16 connaît pas la provenance de certains des documents qu'il nous soumet
17 aujourd'hui et dont il affirme aujourd'hui qu'ils se trouvaient dans les
18 dossiers saisis.
19 J'aimerais attirer votre attention, Monsieur le Président, sur
20 la déclaration du témoin Panzer faite devant ce Tribunal lorsque mon
21 collègue le contre-interrogeait en rapport avec la chemise en carton vert.
22 A ce moment-là, le témoin Panzer, souhaitant répondre le plus rapidement
23 possible, a dit : "Eh bien, nous avons fait ce dossier vert, moi-même et
24 mon collègue Mörbauer, et nous y avons placé un certain nombre de papiers
25 qui étaient en assez grand nombre."
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1 J'aimerais vous rappeler, Monsieur le Président, que dans le
2 Niederschrift d'Inda-Bau, sur lequel figure prétendument la liste de tous
3 ces documents, il est clairement stipulé que douze dossiers ont été saisis
4 dans les locaux. Aucun papier n'est mentionné sur cette liste. Or, la
5 déposition de M. Panzer, devant ce Tribunal, nous dit clairement que nous
6 n'avons aucun moyen fiable de confirmer la fiabilité des documents qui
7 nous sont soumis -sans parler des autres qualités exigibles de ces
8 documents- compte tenu du fait qu'ils sont considérés comme devant avoir
9 une valeur probante et une certaine pertinence.
10 Enfin, Monsieur le Président, j'aimerais attirer votre attention
11 sur d'autres documents dont il est proposé que vous les acceptiez à titre
12 d'éléments de preuve. L'accusation nous présente, par exemple, la carte
13 des Bérets Verts reconnue par mon client, comme le précise l'accusation.
14 Elle nous propose également une lettre dont on ne sait pas si elle se
15 trouvait dans les dossiers de l'accusation sous forme d'original ou sous
16 forme de copie.
17 Le Procureur nous dit que l'organisation a été fondée en 1994 et
18 le document nous donne la date du 15 janvier 1992. Il apparaît donc
19 manifestement que ce document n'a absolument pas le moindre pouvoir de
20 nous prouver ce que souhaite prouver l'accusation. Ce document n'a aucune
21 valeur. Puis un autre document également traite de l'appartenance de mon
22 client au SDA et dans lequel vous voyez très manifestement, suite à
23 l'interrogatoire mené à Scheveningen, que mon client explique une
24 situation précise. Il dit que le club de Vienne n'a rien à voir avec un
25 parti politique et ce fait a également été confirmé par le témoin Panzer.
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1 M. Panzer a dit qu'en Autriche, les partis politiques étrangers ne
2 pouvaient pas exister.
3 Il y a également le document qui porte les chiffres 18-3 et qui
4 montre, encore une fois, l'absence de fiabilité des éléments proposés par
5 l'accusation quant à la certitude que nous devrions avoir que ce document
6 vient de Vienne. Nous avons entendu le témoin Panzer qui a affirmé avoir
7 immédiatement placé les objets sous clef dans une armoire, nous avons
8 entendu M. D'Hooge nous parler de photocopies faites quelques jours plus
9 tard, nous avons entendu Mörbauer nous dire que des photocopies ont été
10 faites la nuit même, mais aucun de ces témoins ne nous a jamais parlé d'un
11 document qui porterait la cote 18-3. Ce document provient-il de Munich où
12 mon client a été arrêté ce jour-là et chez qui il était éventuellement
13 possible de
14 trouver cette carte ?
15 Dans ces conditions, je suis personnellement amenée à douter de
16 tous les éléments qui nous sont cités eu égard à ces documents et je mets
17 en doute leur fiabilité et leur pertinence.
18 Enfin, Monsieur le Président, on nous propose, comme élément de
19 preuve pertinent, une copie pour laquelle, suite aux questions posées par
20 mon confrère Me O'Sullivan, il a été impossible de déterminer s'il
21 s'agissait d'un original ou d'une copie, mais sur laquelle il est stipulé
22 que ce document aurait été préparé par mon client ; l'accusation l'affirme
23 sur la base d'un certain nombre d'éléments. Je pense que, parmi les
24 langues que parle mon client, il aurait également fallu mentionner le
25 roumain qu'il parle effectivement. Le Procureur n'a apporté absolument
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1 aucune preuve puisque nous ne savons pas qui l'a écrit, qui l'a signé, et
2 quel lien peut être établi entre ce document et mon client.
3 Monsieur le Président, j'appuie donc totalement les arguments de
4 droit déjà présentés par mes confrères au sujet de l'ensemble de ces
5 documents et je suis absolument convaincue que, dans l'intérêt du droit et
6 de la justice, vous allez statuer, eu égard à l'ensemble de ces documents,
7 que l'accusation s'est montrée incapable de prouver leur authenticité, que
8 l'accusation s'est montrée incapable de prouver leur fiabilité et que,
9 s'agissant de l'ensemble de ces documents, l'accusation s'est montrée
10 incapable de prouver leur pertinence ou leur valeur probante, tout ceci
11 conformément aux dispositions des articles 89 et 95, et je pense que ces
12 deux articles nous donnent le droit d'exiger que ces documents soient
13 rejetés en tant que pièces à conviction ou éléments de preuve dans ce
14 procès.
15 Je vous remercie.
16 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup,
17 Me Residovic.
18 Voulez-vous intervenir, Maître Moran ?
19 M. Moran (interprétation). - Oui, j'aimerais scinder ma
20 présentation en plusieurs parties. Je voudrais d'abord faire un petit
21 exercice d'éloquence comme l'ont fait Me Ackerman et
22 Me Greaves à propos des éléments de preuve, puis j'aimerais m'attarder un
23 peu sur ce fils conducteur dont a parlé le Procureur et vous montrer qu'il
24 y a en fait absence de fil conducteur. Il y a également trois ou quatre
25 documents individuels dont j'aimerais discuter car je voudrais vous
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1 expliquer pourquoi ces documents ne sont pas recevables, tout au moins à
2 l'encontre de mon client. Enfin, j'aimerais évoquer quelques questions
3 personnelles.
4 Je vais ainsi commencer. Le Procureur a dit que la Chambre était
5 constituée de juges professionnels tout à fait aptes à opérer un tri et à
6 retenir ce qui leur semblait opposable. Il y a eu une affaire bien connue
7 -une affaire d'après la Deuxième guerre mondiale- qui était l'affaire
8 Krupp, en vertu de la législation sur le conseil N°10. Etant donné la
9 décision qui est tombée dans l'affaire Erdemovic, je ne sais pas quelle
10 est la pertinence de ces affaires relevant de la loi du Conseil de
11 contrôle N°10 mais voici ce que je veux dire : tous les procès, tous les
12 tribunaux, d'après la Deuxième guerre mondiale, que ce soit Nuremberg,
13 Tokyo, les lois du Conseil de contrôle N°10, et d'autres affaires, se sont
14 déroulés suivant des règles de fonctionnement qui ont été imposées à des
15 juges par des forces extérieures, et ces règles étaient assez identiques
16 les unes aux autres. Au fond, on peut examiner les règlements et les
17 articles. Par exemple, il y a l'affaire Yamashita qui avait ses propres
18 règles et qui dit : "Tout ce que veut faire le Procureur est recevable ;
19 il peut utiliser des avis, même s'il n'a pas droit au contre-
20 interrogatoire. Les juges peuvent admettre comme élément de preuve
21 matériel tout rapport provenant d'une agence gouvernementale, d'un
22 gouvernement des Nations Unies d'alors", qui a trait aux alliés pendant la
23 deuxième guerre mondiale. Par exemple, on a même utilisé ces articles pour
24 accepter le rapport du gouvernement russe à propos du meurtre de
25 10 000 officiers polonais qu'auraient commis les Allemands et, il y a
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1 quelques mois, le Président Eltsine a dit que c'étaient les Russes qui
2 l'avaient fait.
3 Ces règles et articles ont été vivement critiqués lors d'une
4 affaire où la Chambre a dit qu'on pouvait peut-être recevoir ces documents
5 mais qu'on ne pouvait pas nous dire quel poids
6 accorder aux éléments de preuve. Nous avons à décider du poids à accorder.
7 J'aimerais illustrer mon propos par l'affaire Yamashita qui n'a
8 pas été un des meilleurs jours de la Cour suprême des Etats-Unis. Le
9 Conseil de sécurité a, par la constitution de ce tribunal, adopté
10 l'article 15 du Statut qui, au lieu d'imposer un règlement de l'extérieur
11 à ses juges, dit que ce sont les Juges qui doivent élaborer le Règlement,
12 et je crois qu'il y a onze articles relatifs à l'administration de la
13 preuve. Le Conseil de sécurité a également dit qu'il était possible
14 d'examiner les règles d'administration de la preuve nationale.
15 Ceci m'amène à l'examen du document 130 à propos duquel
16 l'accusation affirme qu'il s'agit d'une déclaration de M. Mucic dans
17 laquelle il incrimine mon client. Je ne sais pas si c'est bien une
18 déclaration de M. Mucic ou pas.
19 S'agissant de la nature de recevabilité générale, je laisse le
20 soin à Me Olujic ou à Me Greaves d'argumenter, mais je dirai qu'il y a de
21 cela quelques semaines, j'ai déposé un mémoire devant la Chambre en citant
22 une affaire britannique, R. c/ Silcott, et plusieurs affaires de la Cour
23 suprême américaine, sur la recevabilité de déclarations de co-accusés
24 contre d'autres accusés, donc contre d'autres co-accusés, au moment où
25 certains documents ont été versés au dossier il y a quelques mois de cela.
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1 Je crois que la Chambre a dit à ce moment-là qu'une déclaration d'un
2 accusé ne peut être reçue que contre cet accusé-là et contre personne
3 d'autre. Je le disais à propos du document 130.
4 Je passe maintenant à un autre document de l'accusation. D'après
5 mes notes, il s'agit du document 126 et celui-ci porte directement sur la
6 question posée hier et avant-hier par le Juge Jan à propos de la date à
7 laquelle s'est créé le groupe tactique n° 1.
8 Je crois que la pièce de l'accusation 118, à savoir l'ordre
9 désignant M. Delalic à ce poste de commandement, montrait que ce faisant,
10 il remplaçait quelqu'un d'autre. Mais nous ne savons pas quand le groupe
11 tactique a été créé ; nous supposons que c'était sans doute avant le
12 11 juillet.
13 Toutefois, le document de l'accusation 128 a trait à un incident
14 qui s'est produit auparavant. Je précise : c'est un rapport qui implique
15 un homme assassiné, un certain dénommé Bubalo. Tous ces actes se sont
16 produits avant le 11 juillet, comme le dit bien ce rapport, et indiquent
17 les différentes fonctions occupées par diverses personnes au moment de
18 l'incident. Manifestement, lorsque l'on dit que M. Delalic était le
19 commandant du groupe tactique 1 en juin, nous savons que c'est faux. Ces
20 fils conducteurs ne mènent plus à rien finalement alors que l'accusation
21 les utilise pour parler de la recevabilité de ces documents.
22 Le document de l'accusation 129 semble être un rapport
23 d'enquête. A mon avis, ceci ressemble fort au rapport de cette commission
24 soviétique qui avait enquêté sur la mort des officiers polonais dans
25 l'affaire de Nuremberg. Il a un défaut absolu de recevabilité : on ne sait
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1 pas qui est l'auteur de ce rapport, à qui il était destiné ; trois
2 personnes ont signé ce rapport -je suppose que l'on pourrait trouver au
3 moins une de ces personnes pour qu'elle vienne témoigner à propos de ces
4 faits- et nous n'avons aucun moyen de les contreinterroger.
5 Je parle maintenant de la pièce 131, toujours de l'accusation,
6 cette lettre de l'aventurier. Deux problèmes se posent à ce niveau et
7 voici ce que je vous suggère,-et je ne suggère rien de sinistre de la part
8 de qui que ce soit- : ce que nous avons vu n'est qu'un faux tampon, on
9 trouve simplement un chiffre avec huit numéros qui figure sur tous les
10 documents du Procureur. L'original bosniaque porte le même numéro que
11 celui qui figure sur le document 131, mais quand on examine la traduction
12 en anglais, on retrouve ces huit numéros à la fin du document. Est-il
13 possible de faire afficher à l'écran la traduction en anglais où l'on voit
14 le numéro de fin de page ?
15 Puis, à la page suivante, la deuxième, on a la traduction en
16 anglais et il y a un autre chiffre avec sept numéros qui montre que c'est
17 la fin de cette page.
18 Mais ces numéros diffèrent de ceux que l'on trouve sur
19 l'original bosniaque. Je n'y trouve aucune explication, je ne parle pas
20 bosniaque. Je vous demande d'examiner ceci sous
21 l'angle de la recevabilité, du moins au niveau de la traduction.
22 Je parle maintenant du document 135 déposé par l'accusation. Le
23 Procureur ne cesse de parler de ces fils conducteurs montrant les éléments
24 de preuve. Apparemment, il s'agirait d'une carte de membre du parti du SDA
25 délivrée à M. Delalic le 4 mai 1992. Où était-il ? Il n'était pas à
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1 Vienne, il était en Bosnie. Tout le prouve alors que la carte a été
2 délivrée à Vienne.
3 S'agissant du document 143, qu'est-ce que c'est ? Cela paraît
4 être, nous dit-on, un communiqué de presse, une déclaration... Nous ne
5 savons pas qui l'a rédigé, il n'y a pas d'en-tête, nous ne savons pas d'où
6 cela vient.
7 Pour ce qui est du document 146, je cite : "Le rapport ou le
8 mémo Hazim", je ne vais pas parler de la recevabilité générale de ce
9 document, mais j'objecte à ce qu'il soit versé contre mon client.
10 D'abord, on ne sait pas qui est Hazim même si le Procureur
11 affirme qu'il s'agit de Hazim Delic. Mais -autre raison- rien n'a été
12 prouvé pour montrer qu'il avait quoi que ce soit à faire jusqu'au moment
13 de son arrivée à La Haye dans la prison. Nous ne savons pas si, après
14 décembre 1992, il était incarcéré dans un trou d'hommes à Celebici ou dans
15 une autre prison, voire dans celle de Celebici ou dans la salle de sports
16 de Musala. Il n'avait sans doute aucune façon de contacter des personnes
17 qui seraient au fait de tout ceci.
18 Je ferai mienne aussi les objections soulevées par mes confrères
19 et, si vous me le permettez, pendant quelques minutes,...
20 M. le Président (interprétation). - Voulez-vous vous écarter de
21 la discussion, Maître Moran ?
22 M. Moran (interprétation). - Il s'agit d'une question
23 personnelle. Il est fort possible que je ne sois pas présent le
24 24 novembre et il y a 50 % de chance pour que je ne revienne pas. J'aurais
25 bien voulu dire au revoir à la Chambre.
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1 C'est une question professionnelle et personnelle qui n'a rien à
2 voir avec notre affaire mais, au fil des mois que nous avons passés ici,
3 j'ai vraiment admiré de plus en plus les travaux de la Chambre. Je crois
4 que nous avons fait plus ample connaissance ; nous nous apprécions
5 mutuellement ce qui veut dire que je serais fort triste de ne pas vous
6 dire au revoir dès maintenant au cas où je ne reviendrais pas.
7 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il des doutes ?
8 M. Moran (interprétation). - Il y a 50 % de chance pour que je
9 ne revienne pas ici pour des raisons professionnelles privées.
10 M. le Président (interprétation). - Il serait fort triste que
11 vous nous quittiez puisque vous êtes arrivé à ce stade du procès.
12 M. Moran (interprétation). - Je comprends parfaitement.
13 M. le Président (interprétation). - Dont acte.
14 M. Moran (interprétation). - Mais dans l'éventualité où je ne
15 reviendrais pas, je voulais vous prévenir.
16 M. le Président (interprétation). - Nous espérons vraiment que
17 vous serez de nouveau parmi nous parce que nous aurons besoin de vous.
18 M. Moran (interprétation). - J'en suis très flatté. Merci,
19 Monsieur le Président.
20 M. le Président (interprétation). - Maître Niemann ?
21 M. Niemann (interprétation). - Si vous me le permettez, Madame
22 et Messieurs les Juges, j'aimerais d'abord revenir sur la question des
23 arguments généraux qui vous ont été présentés par Me Greaves et
24 Me Ackerman.
25 Madame et Messieurs les Juges, Maître Ackerman vous a exhortés à
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1 examiner toute la question de la preuve par titre et de fournir à la
2 juridiction que nous constituons un avis, une opinion, qui pourrait être
3 d'utilité et d'application pour des affaires qui seront entendues par ce
4 Tribunal.
5 Nous nous joignons à cette exhortation, mais nous demandons que
6 vous le fassiez au vu du règlement d'administration de la preuve et de la
7 procédure que vous avez élaboré aini qu'au vu du statut parce que nous ne
8 ressemblons pas à une juridiction nationale.
9 Il n'est pas exact de dire qu'il faudrait tenir compte de ce qui
10 se pratique dans les systèmes internes lorsqu'il s'agit de traiter de la
11 recevabilité. Vous savez que dans les droits internes qui varient, des
12 difficultés se sont posées à l'encontre de documents et, en premier lieu,
13 parce que vous avez affaire à des documents qui constituent un ouï-dire.
14 Il ne fait pas l'ombre d'un doute que ce sont là des ouï-dire.
15 Il n'est pas juste de dire que des documents ne peuvent pas être
16 considérés comme recevables parce qu'en fait, de cette façon, on ne donne
17 plus le droit à l'accusé et à sa défense de contre-interroger les témoins.
18 En vertu de l'article 21 du statut, il est certain que l'accusé a le droit
19 de procéder à une confrontation avec un témoin à charge et a le droit au
20 contre-interrogatoire de ce témoin. Mais ce serait une construction
21 erronée, à mon avis, que d'en conclure que cette garantie s'applique à
22 toutes les facettes que peuvent présenter une preuve, y compris les
23 documents eux-mêmes. Des documents ont toujours été reconnus à titre
24 d'ouï-dire, en vertu des règles y afférent.
25 Dans certains systèmes de Common Law, le traitement donné à ces
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1 preuves par titres ont engendré une législation considérable, visant à
2 améliorer les dispositions déjà anciennes s'appliquant à de tels
3 documents. Les principes anciens de Common Law, qui estiment que l'auteur
4 étant cité comme constituant la seule preuve, n'est plus pratiquement
5 d'application aujourd'hui.
6 De nouvelle mesure ont été prises, des mesures considérables,
7 depuis ces jours anciens de principes de Common Law. Des exceptions très
8 importantes permettent de demander le versement au dossier de documents
9 commerciaux, de documents informatiques, de documents de gouvernement, des
10 publications du domaine public, des certificats. Tout cela a été
11 réglé par la loi, par la législation.
12 Vous avez mis au point un jeu d'articles du Règlement pour
13 parler de la recevabilité des éléments de preuve. L'article 89 le dit très
14 simplement. Me Greaves, ou Me Ackerman, vous les a fait parcourir. Il vous
15 a dit, à ce propos, à l'examen de l'article 89, que il a été dit que
16 voudriez mettre au point un jeu d'articles qui soit le reflet fidèle de la
17 nécessité que vous avez de trancher dans un procès équitable. Nous
18 n'allons jamais en disconvenir.
19 Mais, dans notre système, il y a aussi un équilibre à respecter,
20 équilibre qui a été mis en place étant donné la nécessité qu'il y a de
21 tenir compte de l'intérêt des victimes, des témoins ; de tenir compte
22 aussi du fonctionnement général de ce Tribunal et des compétences qui lui
23 sont attribuées.
24 Nous voulons avant tout trouver la vérité. Si vous avez le
25 moindre doute, le moindre malaise, à propos d'un document, il ne faut pas
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1 que vous l'utilisiez, il ne faut pas l'accepter, il faudrait le rejeter.
2 Il faut le faire si vous estimez qu’en l'admettant vous allez peut-être ne
3 pas respecter la nécessité, que vous devrez respecter, qui est d'assurer
4 un procès équitable pour les accusés.
5 Mais, parallèlement, le Statut et le Règlement exigent, de vous,
6 que vous tenez denier compte aussi des intérêts plus larges, à savoir
7 l'intérêt des témoins et des victimes.
8 M. Jan (interprétation). - Ce n'est pas adéquat. Un document
9 peut-il être utilisé contre un accusé ? Lorsque vous avez l'auteur présumé
10 de ce document qui se trouve au prétoire, oui, mais lorsque l'accusé ne
11 peut pas procéder au contre-interrogatoire, ne peut pas intervenir, quant
12 aux avenants ou considérants de tel ou tel document ?
13 M. Niemann (interprétation). - Pensez-vous au témoin Ramic ?
14 M. Jan (interprétation). - Non, je parle de la lettre dont on
15 affirme qu'elle est de la main de Mucic. Delalic n'est pas en mesure de
16 procéder au contre-interrogatoire, de poser des questions à propos ce
17 document. Est-ce là quelque chose de juste à l'égard de M. Delalic ? *
18 M. Niemann (interprétation). - Cela relève de la même catégorie
19 que tous les autres documents, Monsieur le Juge.
20 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)
21 Le problème c'est que la personne, contre qui ce document est
22 dirigé, ne peut pas procéder à l'interrogatoire. Je parle ici d’équité.
23 M. Niemann (interprétation). - Effectivement. Par exemple,
24 concernant une question de conspiration ou de complot, si des partis se
25 mettent ensemble, s'il y a un regroupement de personnes ayant commis des
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1 délits, et si cela se présente sous forme de preuve par titre, une
2 situation similaire va peut-être se présenter. Considèrera-t-on alors ce
3 document comme recevable contre une partie ou le groupe ? Il faudra que
4 vous preniez une décision. Il faudra peut-être le faire à partir du
5 principe de l'équité. Est-il juste de procéder de la sorte ?
6 A notre avis, aucun article du Règlement ne stipule qu'il n'est
7 pas possible d'appliquer le principe qui vous guide tout du long :
8 l'intérêt du procès équitable. Il est donc peut-être équitable que vous
9 admettiez que vous versiez ces pièces au dossier. En général, nous vous
10 exhortons à tenir compte de ce principe, à trancher sur le principe du
11 procès équitable.
12 Si vous estimez que les éléments de preuve sont recevables
13 contre un co-accusé dans ces circonstances, il n'en demeure pas moins que
14 nous avons affaire à un procès équitable, mais il faut appliquer ce
15 principe à cette fin.
16 Il n'est pas exact de dire que par le seul fait qu'il n'est pas
17 possible d'avoir un contre-interrogatoire à l'encontre d'un document,
18 l'affaire est ainsi réglée et qu'on ne peut pas avoir un procès équitable.
19 Pour nous, cela ne se présente pas ainsi.
20 Vous pourriez avoir plusieurs documents dirigés contre des
21 personnes qui sont mortes et qu'on ne peut pas faire comparaître.
22 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)
23 Mais, l’accusé n'a pas le droit en vertu de la loi.
24 M. Niemann (interprétation). - C'est peut-être frustrant.
25 M. Jan (interprétation). - Moi, je parle d'équité.
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1 M. Niemann (interprétation). - C'est peut-être frustrant parce
2 que la personne est présente, mais elle peut ne pas procéder au contre-
3 interrogatoire.
4 M. Jan (interprétation). - Moi, je m'intéresse surtout à
5 l’équité.
6 M. Niemann (interprétation). - Est-ce différent du cas où vous
7 avez un document !
8 M. Jan (interprétation). - Nous parlons d'un procès équitable.
9 C’est uniquement sous cet angle que je pose la question.
10 M. Niemann (interprétation). - Un autre point, qui a été relevé
11 dans le cadre des arguments de la défense, porte sur le fait que les
12 documents devraient être authentifiés ou prouvés au-delà de tout doute
13 raisonnable. J’ai souvent posé cette question.
14 Plusieurs documents relèvent de ces catégories, mais ce sont des
15 éléments de preuve indirecte. Il faut les rassembler pour avoir un produit
16 et un résultat final. Les preuves indirectes ne sont pas, comme certains
17 le diront peut-être, un maillon de la chaîne. Ce qui ferait dire que, si
18 on enlevait un de ces maillons, il n'y aurait plus du tout de chaîne.
19 Les preuves indirectes sont une espèce de fil conducteur, un des
20 fils qui constituent une corde. En soi, il n'a peut-être aucune force,
21 mais si on l'ajoute à d'autres fils, il se fortifie et il peut être
22 utilisé. Je ne fais pas preuve d'originalité en choisissant cette
23 analogie, car elle provient d'un juriste éminent du Royaume-Uni,
24 M. Pollak.
25 Je trouve que c'est une analogie tout à fait adéquate. Ce qui
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1 veut dire que lorsque vous allez examiner chacun de ces documents et
2 chacun des arguments présentés, vous allez vous demander si ce document
3 est celui qui va vraiment trancher l'affaire à lui seul, indépendamment
4 des autres. Si l'accusation se contentait de demander le versement d'un
5 seul dossier, l'affaire serait ainsi réglée, mais ce n'est pas ce que nous
6 avons essayé de faire. Nous disons que chacun des documents doit être
7 examiné et il y a effectivement une procédure de
8 traitement : il s'agit d'opérer un tri et d'apprécier le poids de chacun
9 des documents. Vous allez peut-être en rejeter certains si vous estimez
10 qu'ils n'ont pas le degré voulu de poids et de fiabilité.
11 M. le Président (interprétation). - Je crois que la difficulté
12 se présente lorsque c'est le contenu même d'un document qui est en jeu et
13 non pas les circonstances qui ont entouré sa saisie parce que, dans ce
14 cas, on pourrait parler de circonstances indirectes. Mais pour savoir
15 exactement quand un document a été rédigé, là, c'est autre chose.
16 M. Niemann (interprétation). - Lorsqu'il y a, dans des
17 documents, des éléments qui induisent telle ou telle conclusion, vous
18 allez peut-être vouloir un renfort d'arguments venant d'autres documents,
19 une assurance supplémentaire, car un document va peut-être donner une
20 conclusion probante sur un des éléments du délit, et il faudrait, bien
21 sûr, que vous soyez satisfait de ce que ce document apporte la preuve au-
22 dessus de tout doute raisonnable. Ceci est incontestable.
23 Mais je reviens à l'argument général qui vous a été soumis. Eu
24 égard au fait que les règles d'administration de la preuve sont ce
25 qu'elles sont, nous pensons que vous êtes face à une tâche complexe parce
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1 que vous êtes à la fois juges et jury. Dans la plupart des systèmes se
2 présente une situation où le juge entend tous les éléments de preuve dans
3 le processus de voir dire pour déterminer aussi la recevabilité, puis la
4 question est passée au jury. Vous devez assumer ces deux fonctions et je
5 serai le premier à dire que c'est là une fonction aussi difficile que
6 complexe. J'espère de tout coeur que les deux parties au procès ont fait
7 de leur mieux pour vous aider à vous acquitter de cette tâche.
8 Revenons aux principes de Nuremberg. Il ne me semble pas juste
9 de décrire l'un quelconque des documents dont nous demandons le versement
10 au dossier. Si je me souviens bien des principes de Nuremberg que je vous
11 ai indiqués au cours de mon long exposé à propos de la recevabilité des
12 pièces, je dis qu'il y a une similitude remarquable entre le Règlement de
13 procédure et de preuve que vous avez mis au point -je pense ici surtout à
14 l'article 89- et ce qui s'est appliqué à Nuremberg. L'objectif principal
15 est d'élucider et de parvenir à la vérité. Suffisamment de restrictions
16 vous sont imposées pour ce qui est de l'obtention de preuves physiques.
17 Les règles nationales, par exemple, relatives à l'ouï-dire ne vous
18 permettraient pas d'avoir accès à ces éléments de preuve et ceci ne sera
19 pas utile en fin de compte. Je crois que ce sont les juges, en plénière,
20 qui peuvent au mieux élaborer des articles de règlement qui serviront
21 notre fin. Il est prévu au règlement l'article 89 et d'autres articles
22 plus limités pour l'administration de la preuve.
23 Si vous voulez aborder cette question difficile, il faut savoir
24 comment appliquer au mieux le règlement lorsqu'on veille à la nécessité du
25 procès équitable, mais lorsqu'on veille aussi à la possibilité de vous
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1 soumettre des éléments que vous aurez à examiner. Tâche difficile. Mais
2 ceci ne peut pas se faire en se contentant d'appliquer des règlements
3 nationaux qui varient d'un système juridique à l'autre et où vous n'avez
4 pas le bénéfice d'une législature qui vous sert d'orientation dans le
5 choix des articles à appliquer.
6 Vous avez une tâche difficile à accomplir, Madame et Messieurs
7 les juges. Vous recevez beaucoup plus d'éléments de preuve que ce qui peut
8 être soumis à un jury lorsqu'il y a procès avec jury. La tâche est
9 difficile mais le règlement est conçu précisément pour vous permettre de
10 parvenir à la vérité et, ce faisant, il ne faut pas que vous soyez
11 entravés ou privés de la possibilité d'avoir accès aux éléments de preuve.
12 Je tiens vraiment à vous encourager à examiner le règlement dans sa
13 conception et dans l'application qu'il faut en faire.
14 M. Ackerman (interprétation). - Une question vient d'être
15 soulevée à la suite de celle qu'a posée le juge Jan à propos de
16 déclarations par un co-accusé. Me Niemann a aussi évoqué la question du
17 complot. Puis-je avoir deux minutes pour évoquer ce sujet ?
18 M. le Président (interprétation). - Vous avez peut-être le droit
19 mais est-ce vraiment nécessaire ? Allez-y, si vous voulez.
20 M. Ackerman (interprétation). - Je peux être rapide. Dans le
21 système d'où je viens, et ayant travaillé dans plusieurs affaires sur le
22 complot, je sais que les procureurs adorent la théorie du complot. D'abord
23 -prémisse générale-, la déclaration d'un co-accusé n'est pas recevable
24 contre un autre co-accusé (et c'est souvent réglé par la disjonction
25 d'instance), ou alors la déclaration n'est pas reçue ou considérée comme
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1 recevable lorsque les juges ou le jury peuvent l'utiliser contre un autre
2 accusé.
3 Il y a eu un exemple dans une affaire de complot où les accusés
4 semblaient avoir agi ensemble dans le cadre d'un objectif conjoint. Les
5 déclarations faites par les co-accusés au cours de ce complot et dans les
6 afférences qu'on en a tirées sont donc des déclarations communes qu'on
7 peut attribuer à l'un quelconque des co-accusés. Ce type de déclaration
8 serait recevable pour un accusé contre un autre accusé mais cette
9 situation s'achève lorsque le complot se termine.
10 Souvent, lorsque des accusations sont portées contre des
11 individus dont on prétend qu'ils ont agi ensemble dans un objectif commun,
12 une fois le complot terminé, les gens veulent s'exonérer et en incriminer
13 d'autres, ce qui veut dire que toute déclaration faite ultérieurement,
14 comme c'est le cas de la déclaration Mucic ici -elle a été faite bien
15 après que Celebici ne fonctionne plus- ne peut présenter aucune fiabilité
16 parce que cela peut être considéré comme étant une déclaration conçue pour
17 incriminer ou exonérer quelqu'un et non pas comme quelque chose qui fasse
18 partie d'un travail de complot.
19 Je peux vous dire comment les tribunaux américains travaillent.
20 J'ai travaillé dans une centaine d'affaires de complot et je crois que la
21 déclaration de Mucic ne serait pas considérée comme recevable, aux Etats-
22 Unis, contre un des autres co-accusés, et n'est pas recevable ici dans le
23 cas de Mucic.
24 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je crois
25 qu'il faudra terminer par une autre question qui était en suspens, celle
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1 de la recevabilité de la pièce 155. Nous avons,
2
3 en fait, repoussé la décision s'agissant de la demande de recevabilité. On
4 parle ici d'une lettre qui aurait été écrite par Mucic ainsi que d'une
5 ordonnance en vue de l'obliger à produire un échantillon de son écriture.
6 Je vais vous communiquer une décision orale. Les interprètes
7 n'assurent pas l'intégralité ou la fiabilité de ce qu'ils vont dire.
8 La Chambre de première instance a examiné les deux requêtes
9 présentées par l'accusation à propos de la pièce 155. Il est clair que la
10 requête fait intervenir des éléments cruciaux pour ce qui est de la
11 construction de différentes dispositions du statut et du règlement du
12 Tribunal international, plus particulièrement celles qui ont trait à la
13 nature et à la portée des droits d'un accusé devant le Tribunal, critères
14 retenus pour la recevabilité des éléments de preuve et les pouvoirs qu'ont
15 la Chambre saisie d'une affaire.
16 La Chambre a décidé de faire droit à la première requête de
17 l'accusation, à savoir que la pièce 155 devrait être considérée comme
18 recevable au dossier, de l'avis de la Chambre. Les dispositions relatives
19 à la recevabilité sont très claires et sans ambiguïté. Le critère de
20 recevabilité, en vertu de l'article 89-C, est que l'évidence est
21 pertinente et a valeur probante. La Chambre reconnaît que la fiabilité est
22 une composante intrinsèque de chaque élément de recevabilité. C'est
23 effectivement le fil conducteur indivisible qui se trame à travers les
24 deux composantes.
25 Mais il n'est ni nécessaire, ni souhaitable de le considérer
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1 comme étant le seul jalon individuel sur la voie de la recevabilité devant
2 cette Chambre. Il faut examiner la pertinence avant que la pièce puisse
3 être recevable. La lettre en tant que telle a suffisamment de valeur
4 probante et de fiabilité.
5 Quant à ce qu'affirme l'accusation, à savoir que le contenu de
6 la lettre a trait à certains chefs d'accusation repris dans l'acte
7 d'accusation à cause des allégations que la lettre aurait été de la main
8 de Mucic, ceci n'a pas été suffisamment prouvé. L'accusation n'a pas
9 suffisamment établi de liens entre le contenu et Mucic. La pièce n'est
10 donc reçue que dans la mesure où la preuve de son existence a été faite
11 devant la Chambre, à savoir que la lettre était pertinente pour cette
12 affaire, présentait une valeur probante et avait trait au témoin P par le
13 biais d'une autre personne.
14 La question du contenu de cette lettre et du poids accordé à
15 celle-ci sera examinée lors des délibérations de la Chambre. La Chambre
16 n'est pas en mesure de faire droit à la requête de l'accusation à propos
17 de l'ordonnance demandée exigeant la production d'un échantillon des
18 écritures provenant de M. Mucic.
19 La Chambre de première instance n'est pas convaincue qu'un
20 échantillon d'écriture en soi peut être considéré comme constituant une
21 preuve matérielle contre un accusé.
22 La Chambre estime que si l'élément matériel...
23 (interruption de la traduction)
24 Il est peu probable que nous ayons une audience avant le lundi
25 1er décembre étant donné les difficultés que nous rencontrons parce qu'une
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1 autre Chambre va siéger dans ce prétoire. Mais lorsque nous allons nous
2 retrouver, nous allons travailler jusqu'au vendredi 5 décembre. Au cours
3 de cette semaine, nous espérons pouvoir entendre le témoignage des deux
4 témoins experts. Nous espérons que le professeur Economides pourra être
5 soumis au contre-interrogatoire et que nous pourrons avoir les trois
6 phases de l'interrogatoire pour le professeur Gau. Nous espérons pouvoir
7 accomplir ceci dans la période prévue.
8 Après cette période, nous n'allons sans doute pas recommencer
9 avant le lundi 12 janvier. La Chambre exhorte la défense à préparer ses
10 témoins pour éviter tout retard inutile, lorsque l'accusation aura terminé
11 de présenter ses arguments et ses témoins. J'espère que tout ceci pourra
12 être terminé en janvier pour que nous puissions poursuivre. Il y a encore
13 les plaidoiries finales à recevoir de Me Niemann, au nom de l'accusation.
14 M. Niemann (interprétation). - Oui, c'est ce que nous nous
15 attendions à faire. Nous
16 nous attendions à respecter ces délais. Cela devrait être terminé dans la
17 première semaine.
18 M. le Président (interprétation). - Effectivement, lors de la
19 première semaine de décembre.
20 M. Jan (interprétation). - Nous devrions pouvoir commencer avec
21 la défense en janvier.
22 M. le Président (interprétation). - Tout à fait. Je voulais
23 simplement avertir la défense pour qu'elle soit au courant afin qu'elle
24 puisse s'organiser en conséquence et qu'elle entame sa présentation dès
25 notre retour en janvier.
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1 Je crois que c'est à peu près tout ce que nous avions à dire
2 pour aujourd'hui.
3 L'audience est levée à 17 heures 40.
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