Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-96-21-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Mardi 2 décembre 1997

4 L'audience est ouverte à 10 heures 30.

5 M. le Président (interprétation). - Bonjour, Mesdames et

6 Messieurs. Pouvons-nous procéder aux présentations, s'il vous plaît ?

7 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, je

8 m'appelle Grant Niemann. Je comparais avec mes collègues Mme McHenry,

9 Me Dixon et Me Khan pour le Bureau du Procureur.

10 M. le Président (interprétation). - Les présentations de la

11 défense, maintenant ?

12 Mme Residovic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le

13 Président. Bonjour, Madame et Messieurs les Juges. Je m'appelle

14 Edina Residovic. Je défends M. Zejnil Delalic, en compagnie de mon

15 collègue le Pr. Eugène O’Sullivan du Canada.

16 M. Olujic (interprétation). - Bonjour Madame et Messieurs les

17 Juges. Je m'appelle Zeljko Olujic. Je viens de Croatie où je suis avocat.

18 Je défends M. Zdravko Mucic, en compagnie de Me Greaves, avocat au

19 Royaume-Uni.

20 M. Karabdic (interprétation). - Bonjour. Je m’appelle

21 Salih Karabdic. Je suis avocat à Sarajevo. Je défends M. Hazim Delic, en

22 compagnie de Me Thomas Moran, avocat à Houston au Texas.

23 M. Ackerman (interprétation). - Bonjour. Je m'appelle

24 John Ackerman. Je défends M. Esad Landzo, avec ma collègue

25 Cynthia McMurrey.

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1 M. le Président (interprétation). - Merci.

2 Pouvons-nous faire entrer le témoin, s'il vous plaît ?

3 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

4 Veuillez rappeler au témoin qu'il est toujours sous serment.

5 Mme le Greffier. - Monsieur Gow, je vous rappelle que vous

6 déposez toujours sous serment.

7 M. le Président (interprétation). - Monsieur Ackerman, vous en

8 étiez à votre contre-interrogatoire.

9 M. Ackerman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

10 Bonjour, Professeur Gow.

11 M Gow (interprétation). - Bonjour.

12 M. Ackerman (interprétation). - Comment allez-vous ?

13 M Gow (interprétation). - Je suis toujours ici.

14 M. Ackerman (interprétation). - Vous vous êtes bien reposé

15 hier ?

16 M Gow (interprétation). - Oui, j'ai bien dîné. Merci.

17 M. Ackerman (interprétation). - Donc vous êtes prêt à cette

18 longue journée de contre-interrogatoire ?

19 M Gow (interprétation). - Aussi prêt que possible, oui.

20 M. Ackerman (interprétation). - Reprenons là où nous nous sommes

21 arrêtés hier. Nous avions parlé de quelque chose que vous aviez écrit à la

22 page 10 de votre livre Triomphe et je souhaiterais le relire. Vous parlez,

23 bien entendu, des détails que vous avez abordés dans votre livre.

24 Vous dites à vos lecteurs la chose suivante : "Ce degré de

25 détail, de minutie, est nécessaire pour obtenir une interprétation fidèle,

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1 au lieu de la démarche habituelle d'analyse des difficultés, que

2 représentaient le conflit yougoslave, qui se fonde moins sur l'analyse des

3 détails que sur des opinions fondées sur des informations et une

4 compréhension des choses

5 incomplètes.".

6 Lorsque nous nous sommes arrêtés hier, vous alliez faire des

7 remarques sur cette citation. Je vous en prie, allez-y.

8 M Gow (interprétation). - Oui, très bien. J'allais dire,

9 d’emblée, trois choses.

10 Tout d'abord, je n'interpréterai pas les derniers mots de ce que

11 j'ai dit comme disant que je considère ce que j'ai fait comme parfait ou

12 comme tout à fait complet. Je pense que toutes les oeuvres concernant ce

13 point ou d'autres manqueront, évidemment, de certains détails.

14 Je voudrais également faire une remarque particulière sur le

15 premier jet qui était très long et très détaillé. J'en ai fait par la

16 suite une autre, avec d'autres personnes qui ont examiné mon texte avec

17 moi. J'ai ajouté l'explication selon laquelle il faut inclure tous ces

18 détails afin que les choses soient bien comprises.

19 La grande majorité, sinon tous les livres écrits, manquent de

20 détails et d'éléments extrêmement cruciaux. Par exemple, lorsqu'on parle

21 de la diplomatie internationale, le 6 octobre 1991, le Conseil européen de

22 l'Union européenne a décidé qu'à partir de maintenant il étudierait ce

23 qu’allaient devenir la Yougoslavie et les Républiques yougoslaves dans le

24 contexte de leur indépendance ; c'est-à-dire qu'il allait envisager les

25 négociations en prenant en compte, bien sûr, ce droit à l'indépendance.

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1 C’est quelque chose qui est généralement laissé de côté dans les

2 différents livres et qui, par conséquent, mène à des interprétations

3 erronées en ce qui concerne les actions de l'Union européenne de janvier à

4 avril 1992.

5 Des personnes parlent de choses en partant de points

6 particuliers, notamment la déclaration des régions autonomes serbes,

7 d’abord en Croatie, puis en Bosnie-Herzégovine, en septembre et

8 novembre 1991. Ces éléments sont cruciaux pour comprendre ce qui s'est

9 passé, c'est ce que je voulais dire.

10 M. Ackerman (interprétation). - Donc, en fait, il y a deux

11 interprétations.

12 Tout d'abord, vous critiquez en quelque sorte les personnes qui

13 tiraient des conclusions sur le conflit en ex-Yougoslavie en se fondant

14 sur des informations et une compréhension des choses incomplètes. Ces

15 personnes fondaient ces analyses sur ces points et en tiraient des

16 conclusions peut-être erronées. Ensuite, vous essayez de clarifier le

17 point suivant. Vous essayez de ne pas faire cela, n'est-ce pas ?

18 M. Gow (interprétation). - Etant donné que le livre était si

19 long et qu'il comprenait autant de détails, effectivement c'est ce que

20 j'ai essayé de faire.

21 M. Ackerman (interprétation). - Très bien. Je suppose que vous

22 connaissez bien le livre de Lord Owen qui narre son expérience du conflit

23 yougoslave ?

24 M. Gow (interprétation). - Si vous me posez la question, oui,

25 effectivement, je le connais bien.

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1 M. Ackerman (interprétation). - Ce livre a été écrit en

2 utilisant un point de vue plus personnel qui narre son expérience en

3 parlant notamment de la Conférence internationale pour l'ex-Yougoslavie et

4 de l'évolution du Plan Vance Owen, etc.

5 M. Gow (interprétation). - Oui.

6 M. Ackerman (interprétation). - Nous pouvons peut-être dire une

7 chose sur le livre de Lord Owen. Il a essayé de suivre le même schéma que

8 vous dans votre livre Triomphe. En tout cas, il était certain des faits

9 qu'il a expliqués. Je crois qu'un CD-Rom est sorti, en même temps que le

10 livre, qui présentant les faits. Il l’a utilisé pour son livre, n'est-ce

11 pas ?

12 M. Gow (interprétation). - Oui, je sais qu'il a fait un CD-Rom.

13 Plusieurs fois, je l'ai vu sur les ordinateurs de certaines personnes.

14 M. Ackerman (interprétation). - Très bien. Il y a une chose qui

15 me surprend dans son livre. Il s'est fondé sur un certain nombre d'auteurs

16 et de commentateurs, qu’il a cités. Misa Glenny par exemple. Mais il n'a

17 cité aucune de vos oeuvres, ce qui est bizarre parce que vous aviez déjà

18 écrit de nombreux articles et autres sur la Yougoslavie. Y avait-il une

19 certaine

20 dissension entre vous ?

21 M. Gow (interprétation). - Non, je ne suis absolument pas au

22 courant de ce genre de tensions ou de dissensions. J'ai beaucoup parlé

23 avec son assistant de recherche qui, par la suite, a coopéré avec l'un de

24 mes collègues, lorsqu'il a été écrit le meilleur livre, à mon avis, sur

25 Srebrenica. J'ai parlé à Jeremy Brade et d'autres personnes du ministère

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1 des Affaires étrangères. Je ne vois pas où il y a un problème.

2 M. Ackerman (interprétation). - Nous avons parlé hier d'une

3 chose sur laquelle je voudrais me concentrer.

4 M. Gow (interprétation). - Oui. Je voudrais ajouter que j'ai

5 également parlé avec des conseillers militaires. Graham Macy, le

6 conseiller militaire de Lord Owen, et moi-même, nous avons parlé ensemble.

7 M. Ackerman (interprétation). - Je voudrais me concentrer sur le

8 travail que pourrait faire un historien et celui que pourrait faire un

9 journaliste. Nous en avons parlé vaguement hier, vous en souvenez-vous ?

10 M. Gow (interprétation). - Oui.

11 M. Ackerman (interprétation). - L'une des choses qu'on

12 trouverait dans un travail universitaire, et peut-être pas dans le travail

13 d'un journaliste, serait l'utilisation de notes de bas de pages, par

14 exemple ?

15 M. Gow (interprétation). - Oui, c'est une des différences,

16 effectivement.

17 M. Ackerman (interprétation). - Un universitaire veut bien

18 détailler les choses pour ses lecteurs qui sont souvent d'ailleurs

19 d'autres universitaires extrêmement critiques. Il veut leur dire qu'il a

20 des sources qui lui permettent d'arriver aux conclusions auxquelles il est

21 arrivées. Généralement, les notes de bas de page donnent la source des

22 documents et leur origine, afin de pouvoir les évaluer.

23 M. Gow (interprétation). - Oui, effectivement, je suis d'accord.

24 M. Ackerman (interprétation). - Donc, lorsqu'un historien

25 annonce quelque chose comme étant un fait et y ajoute une note de bas de

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1 page, c'est une première chose. Mais lorsqu'un historien donne son

2 opinion, on voit généralement que c'est bien ce qui s'est produit, il

3 ajoutera, par exemple, quelque chose (cela semble être le cas), ou bien il

4 dira :"Voici la meilleure conclusion que je peux tirer" ; il semble que

5 les choses se soient passées comme cela. C'est peut-être une façon

6 d'exprimer une opinion par rapport à un fait, n'est-ce pas ?

7 M. Niemann (interprétation). - Objection. Le Pr. Gow a dit hier

8 qu'il n'était pas un historien. On lui a posé des questions sur la

9 méthodologie utilisée pour un historien. Comme il a fait un témoignage

10 déjà sur ce point, je fais objection.

11 M. Ackerman (interprétation). - Demandez au témoin s'il a

12 déclaré cela, c'est-à-dire qu'il n'était pas un historien !

13 M. Gow (interprétation). - J'ai dit hier que je n'ai pas été

14 formé en tant qu'historien. Je connais un peu la discipline d'histoire,

15 mais je ne suis pas bien placé pour parler ou faire des remarques sur

16 l'histoire en tant que profession.

17 M. Ackerman (interprétation). - Peut-être pourrions-nous parler

18 des universitaires et faire une distinction entre eux et les historiens ?

19 Mais, avant de faire cela, je dois vous poser une question sur

20 quelque chose que vous avez écrit dans l'introduction de votre livre

21 Triomphe. Vous dites ceci et je cite : "Le deuxième défi auquel j'ai été

22 confronté c'était de fournir, grâce à des documents disponibles, des

23 arguments et des faits qui, le plus possible, passeront le test de

24 l'histoire plusieurs années, 30, 40 ans après les faits, après que les

25 archives nous montrent ce qui s'est véritablement produit. J'espère au

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1 moins que ce livre sera une référence dont la vérité des faits sera

2 prouvé. Bien sûr, il pourrait être amélioré grâce à de nouvelles

3 informations qui seront disponibles dans les 30 prochaines années".

4 Vous espérez que votre test passera le test de l'histoire et des

5 historiens, n'est-ce

6 pas ?

7 M. Gow (interprétation). - Non, pas vraiment. Si on interprète

8 correctement, je dis simplement que j'écris quelque chose qui passera le

9 test de l'histoire dans 30 ans. Lorsque les documents pertinents sortiront

10 des archives, j'espère que les personnes pourront aller dans ces archives

11 consulter ces documents et, peut-être est-ce un espoir vain, qu'au vu des

12 documents disponibles, des discussions qui en émergeront, mon livre

13 passera ce test. Je ne dis pas que c'est un travail d'histoire ; je ne dis

14 pas cela.

15 M. Ackerman (interprétation). - Donc, vous vouliez passer le

16 test des historiens, mais cela ne veut pas dire que vos travaux sont

17 d'origine historique ou de nature historique, n'est-ce pas ?

18 M. Gow (interprétation). - Ce n'est pas un travail dont qu'un

19 historien, formé dans cette matière, considérerait comme un texte

20 historique.

21 M. Ackerman (interprétation). - Alors, qu'êtes-vous, si vous

22 dites que vous n'êtes pas un historien ?

23 M. Gow (interprétation). - Je suis un expert en matière de

24 guerre. C'est une discipline qui recouvre différents éléments : des

25 éléments d'histoire, de relations internationales, de sociologie. C'est

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1 une matière composite, en quelque sorte.

2 Comment me décrirais-je ? En fait, je fais beaucoup de travaux

3 académiques reliés à la politique. C'est ainsi que je me décrirais.

4 M. Ackerman (interprétation). - Comme par exemple un diplôme en

5 questions internationales qui impliquerait d'étudier l'histoire,

6 l'économie, la science politique, les langues peut-être. Même si vous

7 n'êtes pas un expert dans ces différentes disciplines, vous devenez un

8 expert en économie, en histoire, etc.

9 M. Gow (interprétation). - Peut-être pas dans toutes ces

10 disciplines. En fait, je suis un mélange de toutes ces disciplines.

11 M. Ackerman (interprétation). - Oui, mais cela peut être l'une

12 des deux possibilités. Cela dépend sous quel angle vous regardez les

13 choses, je suppose.

14 La conclusion que je tire des dernières minutes de notre

15 discussion, notamment de cette dernière citation qu'on trouve dans

16 l'introduction de votre livre, est que nous sommes ici aujourd'hui et que

17 vous parlez de passer le test du temps. Il y a beaucoup d'informations sur

18 le conflit de Yougoslavie qui ne sont pas encore disponible. C'est ce que

19 vous venez de dire ?

20 M. Gow (interprétation). - Il y a des choses qui ne seront pas

21 disponibles avant l'ouverture officielle des archives, c'est-à-dire dans

22 30 ans ; c'est quelque chose de tout à fait normal. Moi, je fais de mon

23 mieux pour recueillir les informations disponibles au moment où je le

24 fais ; c'est le rôle d'un universitaire.

25 M. Ackerman (interprétation). - Nous avons entendu, notamment

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1 lorsque vous n'étiez pas là, que des archives de l'armée de Bosnie sont

2 encore confidentielles. Il y a des archives en Bosnie-Herzégovine qu'un

3 universitaire n'a pu consulter et, par exemple, qui se trouvent dans les

4 quartiers-généraux des corps d'armée, n’est-ce pas ?

5 M. Gow (interprétation). - Oui, c'est le cas pour de nombreuses

6 forces armées et pour d'autres pays.

7 M. Ackerman (interprétation). - Ce serait le cas en Serbie, en

8 Croatie, dans toute l'ex-Yougoslavie ? Il y a des documents qui n'ont pas

9 été communiqués à des universitaires ?

10 M. Gow (interprétation). - Pas seulement à des universitaires,

11 je pense à des officiels ou à d'autres hommes politiques.

12 M. Ackerman (interprétation). - Nous savons que même si la fin

13 de la Deuxième guerre mondiale a eu lieu il y a 50 ans, il y a encore des

14 faits de la Deuxième guerre mondiale que nous découvrons aujourd'hui et

15 qui changent notre opinion sur le conflit, n'est-ce pas ?

16 M. Gow (interprétation). - Je ne suis pas sûr d'être d'accord

17 sur ce point. Je ne sais pas si des documents apparaissant changent notre

18 opinion générale, si c'est ce que vous dites.

19 Effectivement, il y a toujours de nouveaux documents, de nouvelles choses

20 qui sortent.

21 M. Ackerman (interprétation). - Peut-être pas qui changent

22 l'opinion de façon importante !

23 M. Gow (interprétation). - C’est vrai, mais il y a des documents

24 qui sont toujours à consulter.

25 M. Ackerman (interprétation). - Lorsque vous avez devant vous

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1 une situation dans laquelle vous disposez d'informations et de

2 compréhension incomplètes, comme vous l'avez dit vous-même, il y a

3 toujours un danger, n'est-ce pas ? Une personne pourrait tirer une

4 conclusion erronée.

5 M. Gow (interprétation). - Il y a un danger. Une personne

6 pourrait effectivement commettre des erreurs sur des détails spécifiques

7 parce qu'il y a un vide d'information. C'est possible dans certains cas,

8 une personne pourrait tirer une conclusion erronée.

9 Mais, dans ce cas, je suis très confiant en ce qui concerne les

10 conclusions que j'ai tirées dans le cadre de ma compréhension générale des

11 choses. Et outre la citation que vous avez faite, je pense que je passerai

12 le test dans 30 ans.

13 M. Ackerman (interprétation). - Oui, je suppose qu'effectivement

14 vous passerez ce test.

15 Lorsque vous écrivez un article, un livre, une oeuvre

16 universitaire ou une oeuvre de recherche, si vous êtes parvenu à une

17 conclusion erronée, quelqu'un le soulignera sans doute dans une critique

18 en se fondant sur des faits dont cette personne dispose. Ce sera peut-être

19 un peu gênant, mais ce qui se passera simplement c'est que l'on vous dira

20 que vous êtes arrivé à une conclusion erronée. Si l'on regarde les textes

21 historiques sur la Deuxième guerre mondiale par exemple, quand on lit les

22 premiers livres qui ont été écrits, on se rend compte que des conclusions

23 étaient erronées, n'est-ce pas ?

24 M. Gow (interprétation). - Oui, on peut dire cela. Cela ne veut

25 pas dire que dans

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1 d'autres cas ce serait également vrai.

2 M. Gow (interprétation). - Cela ne veut pas dire cela

3 effectivement, ce n'est pas improbable.

4 C'est moins improbable dans le cas de la guerre de Yougoslavie.

5 En ce qui concerne la Deuxième guerre mondiale, on parle de circonstances

6 qui étaient entourées d'un certain secret, d'une certaine confidentialité

7 par les gouvernements, ce qui n'est pas véritablement le cas dans la

8 guerre de Yougoslavie où il y avait une ouverture beaucoup plus grande.

9 C'est le cas dans le monde moderne, en général.

10 M. Ackerman (interprétation). - Mais en ce qui concerne le

11 conflit yougoslave, les questions sont posées sur la véracité et la

12 fiabilité d'un certain nombre d'éléments que l'on peut lire, de

13 déclarations faites par les participants, de choses de ce genre, n'est-ce

14 pas ?

15 M. Gow (interprétation). - C'est peut-être le cas si vous ne

16 sentez pas ce qui se passe sur le terrain et quels sont les différents

17 éléments en jeu.

18 M. Ackerman (interprétation). - Lorsqu'on passe de travaux de

19 journalistes ou d'universitaires à une salle d'audience, où nous sommes

20 maintenant, dans laquelle les résultats d'une conclusion erronée peuvent

21 avoir une conséquence grave sur la vie d'une personne, un standard de

22 preuves très sévère est indispensable, et nous le demandons, c'est-à-dire

23 la preuve au-delà de tout doute raisonnable. Lorsque l'on arrive ici, le

24 coût de l'erreur est très grave. Le comprenez-vous ?

25 M. Niemann (interprétation). - Objection. Le Pr. Gow n'est pas

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1 là pour faire des remarques sur les fonctions et le fonctionnement de ce

2 Tribunal et sur des questions telles que la preuve au-delà de tout doute

3 raisonnable. Il n'est pas dans une position qui lui permet de faire des

4 commentaires sur de tels points.

5 M. le Président (interprétation). - Me Ackerman sait qu'un

6 expert vient pour donner son opinion et c'est tout ; les opinions qu'il

7 émet ne sont pas nécessairement

8 contraignantes.

9 M. Ackerman (interprétation). - Oui, je comprends tout à fait.

10 M. le Président (interprétation). - La question de la preuve

11 n'est pas dans ses fonctions, n'est-ce pas ?

12 M. Ackerman (interprétation). - Ce n'est pas la question. Je lui

13 parle simplement de la base factuelle de ces opinions qui est une question

14 importante et pas de ce que sont les opinions. Merci.

15 Professeur Gow, pensez-vous qu’il s’agit là d’un document qui

16 serait fiable ?

17 Nous avons parlé très brièvement des difficultés que

18 représentent la crédibilité, la fiabilité, la véracité et des déclarations

19 que les participants auraient pu faire de ce conflit.

20 Connaissez-vous la frustration exprimée par Lord Owen dans son

21 livre où il dit : « Jamais en 30 ans de vie publique, j'ai dû travailler

22 dans un climat de déshonneur, de propagande. Beaucoup de personnes avec

23 qui j'ai dû traiter en ex-Yougoslavie étaient simplement des étrangers de

24 la vérité ». Connaissez-vous cela ?

25 M. Gow (interprétation). - Oui, je suis sûr de l'avoir lu. Je me

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1 rappelle effectivement que Lord Owen avait exprimé son opinion sur ce

2 point à plusieurs reprises.

3 M. Ackerman (interprétation). - Il a parlé de cela, n'est-ce

4 pas ? Pour beaucoup de personnes qui ont été impliquées dans le conflit de

5 l'ex-Yougoslavie, qui avaient mûri sous le communisme de Tito, la vérité

6 avait beaucoup moins d'importance dans le monde communiste que dans le

7 monde démocratique d’Occident. Vous vous souvenez avoir dit cela ?

8 M. Gow (interprétation). - Oui.

9 M. Ackerman (interprétation). - Etes-vous d'accord avec la

10 frustration de Lord Owen qui ne parvenait pas à faire la différence entre

11 la vérité et la fiction lorsqu'il parlait à certains participants de ce

12 conflit ?

13 M. Gow (interprétation). - Je ne suis pas sûr de savoir si je

14 suis d'accord ou pas

15 avec sa frustration. Je me rend compte qu'effectivement il était frustré

16 sur ce point.

17 M. Ackerman (interprétation). - Je suis sûr que vous avez dû

18 avoir des expériences similaires et être frustré, comme lui, en entendant

19 certaines des choses que les gens vous disaient. Vous ne saviez pas si

20 elles étaient vraies ou pas.

21 M. Gow (interprétation). - La question est : est-ce que j'ai été

22 frustré ?

23 M. Ackerman (interprétation). - Je suppose que vous l'avez été ?

24 M. Gow (interprétation). - Oui, j'ai connu un certain degré de

25 frustration, pas autant que Lord Owen parce que j'étais dans une position

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1 différente. Il avait à négocier avec des gens dans une situation de

2 nécessité et il avait besoin de la vérité. Les gens ne lui disaient peut-

3 être pas tout le temps. Dans mon cas, j'ai parlé à certaines personnes.

4 Parfois, on a une réponse honnête et parfois non.

5 M. Ackerman (interprétation). - Lord Owen était plus impliqué

6 dans des conclusions. Il essayait de tirer des conclusions sur lesquelles

7 il pouvait fonder sa politique.

8 M. Gow (interprétation). - Lord Owen essayait d'obtenir des

9 éléments sur lesquels fonder sa politique. Je crois qu'il était

10 extrêmement frustré lorsqu'il avait à faire à des personnes qui ne

11 disaient pas toujours la vérité. Comme il n'obtenait pas le soutien des

12 gouvernements étrangers, il avait besoin de ces éléments pour fonder une

13 politique qui pourrait mettre d'accord tous les membres de la Conférence

14 internationale. En fait, il essayait d'utiliser tous les éléments

15 disponibles dans un contexte où l’on ne pouvait établir une politique

16 cohérente.

17 M. Ackerman (interprétation). - Sans donner de noms, nous

18 pouvons nous mettre d'accord sur la chose suivante. Presque toutes les

19 personnes, impliquées dans des relations diplomatiques, ont essayé de

20 résoudre le conflit de la Yougoslavie. Toute personne faisant cela aurait

21 fini par être frustrée ?

22 M. Gow (interprétation). - Oui, effectivement.

23 Ackerman (interprétation). - Nous allons maintenant, pendant un

24 certain temps,

25 parler de la déclaration que vous avez faites hier dans le cadre de

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1 l'interrogatoire principal. Nous allons revenir sur certains des points

2 que vous avez abordés dans le cadre de cet interrogatoire.

3 Dans le cadre de votre déclaration, vous avez parlé du fait que

4 nombre des conclusions auxquelles vous étiez arrivé se basaient sur des

5 documents qui vous avaient été communiqués par le Bureau du Procureur,

6 n'est-ce pas ?

7 M. Gow (interprétation). - En effet, le Bureau du Procureur m'a

8 communiqué un certain nombre de documents que j'ai consultés.

9 M. Ackerman (interprétation). - Quand ces documents vous ont-ils

10 été communiqués ?

11 M. Gow (interprétation). - Depuis août 1994, depuis le début de

12 ma coopération avec le Bureau du Procureur, ces documents m’ont

13 progressivement été communiqués les uns après les autres.

14 M. Ackerman (interprétation). - Hier, vous avez parlé dans le

15 détail des événements qui s'étaient produits à Konjic et dans la région de

16 Konjic. Toujours en parlant de ces mêmes points, vous avez déclaré que

17 vous vous étiez fondé sur des documents qui vous avaient été communiqués

18 par le Bureau du Procureur, n'est-ce pas ?

19 M. Gow (interprétation). - Je ne sais pas exactement à quoi vous

20 pensez. Quand ai-je fait un lien direct entre les documents qui m'avaient

21 été fournis par le Bureau du Procureur et ce que vous avez à l'esprit, je

22 ne sais pas exactement à quoi vous faites référence. Il est vrai qu'au

23 début de ma déclaration, hier j'ai déclaré que des documents m’avaient été

24 communiqués par le Bureau du Procureur. Certains de ces documents avaient

25 trait à la municipalité de Konjic.

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1 M. Ackerman (interprétation). - Quand ces documents, relatifs

2 aux événements qui se sont déroulés dans Konjic et aux alentours de

3 Konjic, vous ont-ils été fournis par le Bureau du Procureur ?

4 M. Gow (interprétation). - Il faudrait que je puisse consulter

5 certaines sources pour

6 pouvoir être très précis. Ai-je le droit de poser la question à vos

7 collègues de l'accusation ?

8 Pour autant, que je m'en souvienne, les premiers documents

9 relatifs à ces événements m’ont été communiqués au début du mois de

10 septembre lorsque le Bureau du Procureur m'a contacté sur cette question

11 plus précise. Par la suite, au mois de novembre me semble-t-il, j'ai reçu

12 d'autres documents lorsque je suis venu ici. Au départ, je pensais

13 simplement venir témoigner, c'est tout.

14 M. Ackerman (interprétation). - Ces documents vous ont-ils

15 étaient envoyés à Londres ? A partir de la fin de 1991 ou même dans le

16 Bureau du Procureur, quand avez-vous eu l'occasion de vous pencher sur ces

17 documents ?

18 M Gow (interprétation). - Pour la majorité d’entre eux, je les

19 ai consultés dans le Bureau du Procureur. J'ai également reçu des

20 documents que j'ai pu emporter avec moi.

21 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président,

22 j'aimerais demander, ici, que le Bureau du Procureur me communique des

23 exemplaires des documents qui n'auraient pas été préalablement communiquée

24 aux conseils de la défense. Cela me permettrait de les utiliser dans le

25 cadre de mon contre-interrogatoire et dans mes tentatives de récusation du

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1 témoin.

2 M. le Président (interprétation). - A quoi pensez-vous

3 exactement ? Quels sont les documents auxquels vous pensez plus

4 particulièrement ? Peut-être qu'ils ne savent pas quels sont les documents

5 auxquels vous faites référence ?

6 M Gow (interprétation). - En fait, la seule façon pour eux de

7 savoir de quoi je parle c'est de savoir si les documents qu'ils ont

8 communiqué au Pr. Gow ont été également tous communiqués aux conseils de

9 la défense. Ont-ils été versés dans le cadre de pièces à conviction pour

10 ce procès ? S'il y a de tels documents, j'aimerais pouvoir les consulter.

11 Peut-être n'est-ce pas le cas ! Peut-être que tous les documents nous ont

12 été communiqués ! Mais, seul Me Niemann peut répondre à cette question,

13 moi je ne peux pas le savoir.

14 M. le Président (interprétation). - Avez vous reçu certains de

15 ces documents ?

16 M. Ackerman (interprétation). - L'accusation nous a communiqué

17 un certain nombre de documents depuis le début de cette affaire, Monsieur

18 le Président. Simplement, je ne sais pas si l’intégralité des documents,

19 qui ont été montrés au Pr. Gow et qui lui ont permis de fonder ses

20 opinions dans le cadre de sa déclaration face à ce Tribunal, nous a été

21 communiquée. J'ai besoin de les voir tous !

22 M. le Président (interprétation). - Savez-vous s’il y en a qui

23 ont été communiqués au Pr. Gow et qui ne vous l’ont pas été ?

24 M. Ackerman (interprétation). - Je n'ai aucun moyen de le

25 savoir, Monsieur le Président. Je crois que Me Niemann peut rapidement

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1 nous dire si, effectivement, tous ces documents nous ont été communiqués

2 ou non.

3 M. le Président. - Je ne crois pas que le témoin puisse

4 répondre. C'est à l'accusation de nous informer de ce qui a été fait en la

5 matière.

6 M Gow (interprétation). - Si je puis me permettre d'intervenir,

7 j'ai reçu des documents qui avaient déjà été versés au dossier. C’est

8 peut-être la raison pour laquelle certains documents n'ont pas été

9 communiqués aux conseils de la défense.

10 M. Ackerman (interprétation). - Puis-je demander Me Niemann de

11 répondre directement à la question, s’il vous plaît ?

12 M. le Président (interprétation). - Voulez-vous intervenir sur

13 ce point et nous dire ce qu'il en est ?

14 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai

15 pas connaissance de documents qui auraient été communiqués à la défense ou

16 versés au dossier dans le cadre de ce procès sans avoir été préalablement

17 montrés au Pr. Gow. En outre, je n’ai connaissance d’aucun document qui

18 n’ait soit pas été communiqué à la défense, soit versé au dossier.

19 M. Ackerman (interprétation). - Parfait, je me satisfais de

20 cette affaire.

21 Professeur, vous nous avez dit hier en réponse à une question

22 posée par Me

23 Niemann : "D’après ce que je comprends, même si Konjic n'était pas à

24 majorité serbe, Konjic donc a été désigné comme devant faire partie d'un

25 territoire serbe sur la base d'un certain nombre de représentants de la

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1 communauté serbe qui siégeaient dans les organes politiques locaux.".

2 Mais j'ai bien peur de ne pas savoir quel est le chiffre exact

3 de ces représentants. Ce chiffre exact n'a pas beaucoup d'importance. Ce

4 n'est pas ce qui est le plus important sur ce point. Je vais vous demander

5 pourquoi vous avez formulé cette réponse de cette façon-là ?

6 M Gow (interprétation). - J'ai tiré cette conclusion d'un

7 document que j'ai pu consulter. Je crois que ce document a été versé au

8 dossier. Peut-être peut-on confirmer cela ?

9 Ce document indiquait que dans un certain nombre de régions, qui

10 avaient reprises, elles l'avaient été sur la base du fait que plus de 50 %

11 de la population était serbe, ou sur le fait qu'il y avait un certain

12 nombre de représentants serbes au sein des organes politiques locaux.

13 M. Ackerman (interprétation). - Savez-vous qu'elle est la source

14 de ce document ?

15 M Gow (interprétation). - Je crois que c’est un document

16 provenant du SDS.

17 M. Ackerman (interprétation). - Hier également, vous avez

18 déclaré, je cite : "D'après moi, le SDS à Konjic a fourni, a distribué,

19 quelques 400 armes à des Serbes vivant dans la région". Pouvez-vous nous

20 dire d'où vous tirer cette information ?

21 M Gow (interprétation). - Je l'ai obtenu d'une source

22 secondaire. En fait, c'est un livre qui a été publié en espagnol. Je n'ai

23 absolument plus le nom de le hauteur en tête. C'est difficile pour moi de

24 vous donner le titre en espagnol. Il me semble que l'auteur cite une

25 source pour un des documents présentés, dans un autre contexte peut-être,

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1 peut-être pas dans le cadre de cette affaire, mais peut-être présenté ici

2 au Tribunal dans le cadre d'une commission d’experts.

3 M. Ackerman (interprétation). - Donc, en fait, il s'agit

4 simplement d'un élément d'information qui s'est retrouvé un peu par hasard

5 dans ce livre espagnol et que vous avez

6 décidé de considérer comme étant un élément d'information parfaitement

7 fiable ?

8 M Gow (interprétation). - J’aurais certainement dû m'assurer de

9 la source de ce document et l'apporter avec moi, mais je crois que ce

10 document peut être fiable. J'ai parlé avec l'auteur de son ouvrage.

11 M. Ackerman (interprétation). - Vous diriez donc qu'il est

12 relativement fiable ? Eh bien, j'en prends bonne note.

13 Vous avez également déclaré hier dans le cadre d'une de vos

14 réponses à une question de l'accusation ceci...

15 Excusez-moi, il faut que je revienne un peu en arrière.

16 En fait, vous parliez de la décision prise par Jovic et

17 Milosevic le 5 décembre 1991. Nous sommes bien d'accord ?

18 M. Gow (interprétation). - Oui, en effet, j'en ai parlé.

19 M. Ackerman (interprétation). - Me Niemann vous a demandé quel

20 était, d'après vous, leur motif pour prendre cette décision. Il

21 s'agissait, bien entendu, de la décision qui visait à scinder la JNA entre

22 la Bosnie-Herzégovine, la Serbie et le Monténégro.

23 Votre réponse à cette question a été la suivante. Je vais la

24 citer pour être aussi fidèle que possible. Vous avez dit : "Je pense que

25 leurs motifs étaient les suivants. Ils voulaient se préparer à une

Page 9111

1 situation dans le cadre de laquelle les unités de la JNA étaient déployées

2 en Bosnie-Herzégovine dans le but de mener à bien le projet d'annexion de

3 certaines régions de la Bosnie-Herzégovine dans le cadre de ce projet de

4 création d'un nouvel Etat".

5 Il fallait qu'après toute reconnaissance au point de vue

6 international le statut indépendant de la Bosnie-Herzégovine soit vu. Il

7 fallait donc que dans une telle situation la JNA soit considérée comme une

8 force d'occupation étrangère. Par conséquent, sa décision a été prise

9 parce qu'elle permettait de cacher, de dissimuler, les activités réelles.

10 Il s'agissait en fait de brouiller un peu les cartes en scindant

11 officiellement la JNA et en s'assurant du fait que des

12 Serbes de Bosnie se trouvaient en Bosnie-Herzégovine. Il fallait pouvoir

13 prouver qu'il ne s'agissait plus de la même armée, même si elle avait

14 toujours la même structure et disposait de toutes les ressources qu'avait

15 eues préalablement la JNA, telle qu'elle avait été instituée en Bosnie-

16 Herzégovine auparavant. Sur quoi fondez-vous cette opinion ?

17 M. Gow (interprétation). - Je fonde cette opinion sur ma

18 compréhension générale des faits qui sont survenus sur le territoire de

19 l'ex-Yougoslavie et sur les propos, contenus dans le journal de Jovic,

20 révélant clairement qu'ils étaient en train de prévoir la situation dans

21 le cadre de laquelle la JNA, si elle restait en Bosnie-Herzégovine, sans

22 mesures particulières, serait considérée comme une armée étrangère,

23 présente sur le territoire de ce qui serait alors un pays jouissant d'un

24 statut indépendant au point de vue international.

25 Par conséquent, ils prenaient des mesures leur permettant de

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1 modifier cette situation. Je ne crois pas qu'il s'agisse là d'une opinion

2 qui soit la mienne. C'est quelque chose que vous avez vous-même sans doute

3 tiré, au vu de votre étude, de l'évolution des choses à ce moment-là.

4 Je vous rappelle que le Conseil de Sécurité, en mai 1992, a pris

5 des sanctions à l'égard de la Serbie et du Monténégro, justement au vu du

6 rôle joué par les forces armées de Belgrade sur le territoire de Bosnie-

7 Herzégovine.

8 M. Ackerman (interprétation). - Oui, je vois. Nous reviendrons

9 là-dessus par la suite.

10 La question que je vais vous poser maintenant est la suivante.

11 Dans le journal de Jovic, il n'y a rien qui dise clairement quels étaient

12 ses motifs à lui et à Milosevic, quels étaient ses motifs lorsqu'il

13 s'agissait de brouiller des cartes ou de dissimuler certaines activités.

14 Le journal dit la chose suivante : "Nous nous sommes préoccupés

15 des répercussions au point de vue international qui découleraient de la

16 présence et du déploiement de force de Serbie et du Monténégro sur le

17 territoire de la Bosnie-Herzégovine, après que celle-ci a été

18 reconnue comme Etat indépendant.". C’est ce qu’il dit ?

19 M. Gow (interprétation). - Oui, c'est bien ce qu'il dit. Le fait

20 qu'ils y pensent et qu'ils prennent des mesures permettant d'éviter cela

21 -d'ailleurs les mesures qu'ils prennent ne comprennent pas un retrait de

22 tout l'équipement de la JNA de la Bosnie-Herzégovine- indique bien, je

23 crois, quelles étaient leurs intentions. Ils voulaient absolument essayer

24 de dissimuler leur projet.

25 Je précise d'ailleurs que lorsque la JNA a été retirée de la

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1 Slovénie, des territoires croates non occupés et de la Macédoine, et

2 lorsqu'elle s'est retirée de certains territoires de Bosnie-Herzégovine

3 qui ne devaient pas faire partie de ce projet, tout l'équipement a été

4 retiré de ces territoires. Cela est tout différent de la situation dont

5 nous parlons actuellement.

6 Il me semble que les pays membres du Conseil de Sécurité, au

7 moment des faits ont jugé, comme moi, que c'était là les objectifs qui

8 étaient visés. La plupart des personnes seraient d'accord avec moi pour

9 dire que c'était précisément ce qui était en train de se passer.

10 M. Ackerman (interprétation). - Nous rentrerons plus en détail

11 dans cette question plus tard.

12 Vous savez bien, n'est-ce pas, qu'il y a eu des situations dans

13 le cadre desquelles les Serbes rebelles en Bosnie-Herzégovine ont empêché

14 le retrait de certaines armes de Bosnie-Herzégovine et empêché qu'elles

15 soient rapatriées vers la Serbie et le Monténégro.

16 M. Gow (interprétation). - Très peu d'armes ont été retirées des

17 territoires serbes en Bosnie-Herzégovine. Peu d'armes ont été renvoyées

18 vers la Serbie et le Monténégro. En fait, la plupart des armes sont

19 restées en possession de certaines unités. Les armes, qui ont été

20 retirées, étaient des armes de haute technologie. Ce sont surtout des

21 avions qui ont été retirés, à peu près 40 avions. Le reste de l'équipement

22 et des armes sont restés sur place.

23 En fait, certains des membres de la JNA eux-mêmes ne savaient

24 pas exactement ce qui se passait sur ce plan-là. Même le commandant du

25 district militaire de Sarajevo n'était pas

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1 forcément au courant de ce qui se passait, c'est possible.

2 M. Ackerman (interprétation). - Je vais vous poser la question

3 une fois encore. Vous savez qu'il y a eu des occasions au cours desquelles

4 des rebelles serbes ont empêché le retrait de certaines armes de Bosnie-

5 Herzégovine par des forces serbes et du Monténégro. Ils ont empêché ce

6 retrait, n'est-ce pas ?

7 M. Gow (interprétation). - Si ce n'était pas clair dans le cadre

8 de ma première réponse à cette question, je vais ajouter que oui. Il y a

9 eu des instances au cours desquelles des Serbes de Bosnie-Herzégovine ont

10 essayé d'empêcher non seulement que des armes soient retirées, mais

11 également que la JNA elle-même se retire. Ce sont des cas très isolés, je

12 le répète. Ils ont agi dans le cadre de ce qu'ils avaient, eux, compris de

13 la situation. Peut-être que ce qu'ils avaient compris ne reflétait pas ce

14 qui se passait, en fait.

15 M. Ackerman (interprétation). - Hier, vous nous avez dit que

16 vous aviez réussi à vous saisir d'un document, d'un livre assez rare parce

17 qu'il avait été très vite retiré des librairies, le journal de Jovic. En

18 fait, la question que je vous pose est la suivante. Quand avez-vous obtenu

19 un exemplaire de cet ouvrage ?

20 M. Gow (interprétation). - C'est très difficile à dire. Je ne

21 m'en souviens pas. Je ne sais vraiment plus quand je l'ai obtenu.

22 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que cela fait plus d'un

23 an ?

24 M. Gow (interprétation). - Vraiment, je ne m'en souviens pas.

25 J'aurai peut-être le moyen de consulter certains documents qui me

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1 permettraient de répondre, mais là je ne peux pas.

2 M. Ackerman (interprétation). - Comprenez moi bien. Je ne

3 cherche pas à obtenir une date précise. Donnez-moi simplement une

4 évaluation approximative.

5 M. Gow (interprétation). - Je sais très bien, mais très

6 franchement je n'ai aucune idée de l'époque approximative à laquelle je

7 l'ai obtenu. Peut-être un an, peut-être un peu plus,

8 un peu moins, je ne sais pas.

9 M. Ackerman (interprétation). - L'avez-vous obtenu en mars 97 ?

10 Est-ce une possibilité ?

11 M. Gow (interprétation). - C’est possible. Probablement que

12 j'avais ce livre en ma possession en mars 97.

13 M. Ackerman (interprétation). - L'aviez-vous en votre possession

14 lorsque vous avez déposé dans le cadre de l'affaire Tadic

15 M. Gow (interprétation). - Je l'avais vu lorsque j'ai déposé

16 dans le cadre de cette affaire Tadic, mais à ce moment-là, je n'avais pas

17 mon propre exemplaire, mais j'avais vu cet ouvrage, je savais quelle en

18 était la teneur. L'une des raisons pour lesquelles j'en ai parlé, c'est

19 qu'il m'a semblé que peut-être cela avait été une mauvaise idée de se

20 fonder sur des images vidéo faisant état de certaines déclarations du

21 Général Jovic plutôt que sur son journal. En fait, le journal du

22 Général Jovic donne des dates très précises. Je m'en suis rendu compte

23 dans le cadre de mon témoignage dans l'affaire Tadic.

24 M. Ackerman (interprétation). - Ces éléments qui apparaissent

25 dans le journal de Jovic, est-ce quelque chose qui vous a frappé assez

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1 récemment, depuis votre témoignage dans l'affaire Tadic, ou quelque chose

2 dont vous êtes devenu conscient depuis mars 1997 ?

3 M. Gow (interprétation). - Oui, j'en étais conscient.

4 M. Ackerman (interprétation). - Hormis les documents qui vous

5 ont été montrés par l'accusation concernant les événements liés à Konjic,

6 quelles sont les informations dont vous avez pu disposer depuis mars 1997

7 dont vous nous avez parlé hier ici pour la première fois ? Quels sont les

8 nouveaux éléments d'information dont vous nous avez parlés ici et dont

9 vous n'aviez pas connaissance avant mars 1997 ? Quels sont les nouveaux

10 éléments d'information dont vous nous avez fait part ?

11 M. Gow (interprétation). - Excusez-moi, si j'ai dit quelque

12 chose de nouveau hier.

13 Peut-être pourriez-vous me donner le contexte dans lequel j'ai dit cela ?

14 Pour l'instant, je ne comprends pas très bien. Sans doute ai-je appris des

15 choses nouvelles depuis mars 1997, il y a toujours des éléments nouveaux

16 d'information qui surgissent.

17 M. Ackerman (interprétation). - Moi non plus, je ne sais pas.

18 J'essaie de savoir, à partir de ce que vous allez me dire, s'il y a des

19 documents, des informations cruciales, des analyses nouvelles que vous

20 auriez pu effectuer depuis mars 1997 et qui modifient votre opinion,

21 depuis celle que vous avez formulée dans le cadre de l'affaire Tadic, ou

22 celle que vous aviez en mars 1997. S'il y a de nouveaux éléments

23 d'information dites-le nous ?

24 M. Gow (interprétation). - Si l'on présente la chose ainsi...

25 Mais je ne suis pas bien sûr de comprendre... Je me demande pourquoi vous

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1 me demandez cela. Pour autant que je sache, je ne peux pas dire que des

2 choses cruciales aient surgi qui changent notablement ma compréhension

3 générale des faits.

4 M. Jan (interprétation). - Est-ce vraiment pertinent ?

5 M. Ackerman (interprétation). - Oui, absolument. Je vais en

6 arriver au noeud de la question, Monsieur le Juge.

7 Y a-t-il eu un moment où vous avez dit à un représentant du

8 Bureau du Procureur que vous aviez trouvé des éléments d'information

9 absolument fondamentaux qui venaient modifier entièrement l'opinion que

10 vous aviez pu formuler sur cette question et que vous alliez en parler

11 devant le Tribunal ? Leur avez-vous dit une chose pareille ?

12 M. Gow (interprétation). - Je ne me rappelle pas avoir dit quoi

13 que ce soit de ce genre à qui que ce soit, notamment pas à des

14 représentants du Bureau du Procureur. Non, franchement, je n'en ai aucun

15 souvenir.

16 M. Ackerman (interprétation). - J'en conclus que vous seriez

17 surpris d'apprendre que dans une requête, déposée devant ce Tribunal,

18 demandant au Tribunal d'autoriser votre venue ici, l'accusation a signalé

19 que vous alliez pouvoir communiquer au Tribunal de nouveaux

20 éléments d'information dont vous ne disposiez pas en mars 1997 et qui

21 allaient surprendre le Tribunal. Vous seriez surpris d'apprendre cela ?

22 M. Gow (interprétation). - Non, cela ne me surprendrait pas.

23 Mais laissez-moi poser une question. Est-ce que mars 1997 est la date à

24 laquelle j'ai témoigné dans l'affaire Tadic ?

25 M. Ackerman (interprétation). - Non, c'est la date qui marque le

Page 9118

1 début de ce procès.

2 M. Gow (interprétation). - Ah bien, je vois. Je ne peux pas

3 parler au nom du Bureau du Procureur bien évidemment, mais je pense qu'il

4 est important de dire que, dans les témoignages que j'ai faits sur les

5 deux plans dont j'ai parlés, j'apporte dans cette affaire des éléments de

6 preuve qui, si je ne le faisais pas, ne s'y trouveraient pas. Je ne vois

7 pas pourquoi vous avez un problème avec l'idée de nouveaux éléments

8 d'information dans un tel contexte.

9 M. Ackerman (interprétation). - Nous sommes en train

10 d'interpréter le terme "nouveau" différemment. Tout comme hier, nous

11 avions des difficultés à nous mettre d'accord sur votre fonction exacte au

12 sein de l'université.

13 M. Niemann (interprétation). - Objection à ce type de question.

14 Le Pr. Gow n'a pas pu consulter cette requête et on la lui présente sur la

15 base du fait qu'il nous aurait dit, ou que nous lui aurions dit, qu'il

16 disposait de nouveaux éléments d'information.

17 En fait, le conseil de la défense fait référence au paragraphe 2

18 de la page 2 de cette requête où il est dit, en outre, suite au témoignage

19 du Dr Kalic, que de nouveaux faits et informations concernant le caractère

20 international du conflit armé ont été portés à la connaissance de

21 l'accusation.

22 Monsieur le Président, ce n'est pas une question qui doit être

23 soumise au Pr. Gow si les conseils de la défense ont besoin

24 d'éclaircissement sur ce fait, ce n'est pas une question qui surgit au vu

25 des nouveaux faits que le Pr. Gow a pu apporter dans le cadre de sa

Page 9119

1 déclaration. En

2 fait, cela a trait à d'autres éléments de preuve apportés par le Dr Kalic.

3 Je fais objection au fait que cette question soit posée au

4 Pr. Gow.

5 M. Ackerman (interprétation). - Avec tout le respect que je dois

6 à Me Niemann, Monsieur le Président, en fait on vous demandait, dans le

7 cadre de cette requête, d'autoriser l'accusation à citer le Pr. Gow à

8 comparaître parce qu'il apportait de nouveaux faits dont le Dr Kalic ne

9 disposait pas au moment où il avait fait sa déclaration concernant le

10 caractère international du conflit armé.

11 Le Pr. Gow vient de nous dire que ce n'est pas vrai, qu'aucun

12 nouvel élément d'information dont il ait connaissance n'est apparu depuis

13 mars 1997. Voilà l'objectif de la question. Je ne crois pas qu'il faille

14 ajouter quoi que ce soit sur ce point.

15 M. Jan (interprétation). - Avez-vous vu le Pr. Kalic ?

16 M. Ackerman (interprétation). - Oui, j'ai eu l'occasion de jeter

17 un coup d'oeil à son témoignage sur la question.

18 Si je puis me permettre, pour en revenir au commentaire que

19 vient de faire le conseil de la défense, j'aimerais dire que je n'ai pas

20 dit que ce n'était pas vrai. J'ai dit que je n'étais pas absolument

21 certain de ce qu'il en était. Je ne pensais pas qu'il était fait référence

22 à cette requête. Je ne sais pas s'il y a des éléments d'information

23 nouveaux ou pas, je ne m'en souviens pas, c'est tout. Il serait infondé de

24 dire que j'ai dit que ce n'était pas vrai.

25 M. Ackerman (interprétation). - S'il y avait de nouveaux

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1 éléments de preuve très frappants qui auraient pu changer votre position

2 dans l'affaire Tadic, vous auriez sans aucun doute été capable de nous le

3 dire comme vous le faites aujourd'hui, n'est-ce pas ?

4 M. Gow (interprétation). Si vous parlez de nouveaux éléments de

5 preuves frappants, je répondrai que je ne crois pas que ces nouveaux

6 éléments de preuve aient été frappants. J'ai dit qu'ils ont été en mesure

7 de changer ma position très large sur le sujet depuis le procès Tadic et

8 depuis mars 1997. Je ne suis toujours pas sûr de la date à laquelle cela

9 s'est

10 passé, à laquelle j'ai compris l'incidence de ces nouveaux éléments de

11 preuve de façon générale.

12 M. Ackerman (interprétation). - Bien, je pense que nous en avons

13 fini sur ce point. Pourrions-nous avoir la pause du matin, Monsieur le

14 Président ?

15 M. le Président (interprétation). - Je ne vois pas la nécessité

16 de toute cette discussion. Il y a des différences entre l'affaire Tadic et

17 l'affaire Celebici. Je pense que si je devais témoigner au sujet

18 d'incidents de cette nature, je ne verrais aucun problème à ce que quelque

19 chose se soit passé dans le cadre de l'affaire Tadic et que quelque chose

20 d'autre se passe dans l'affaire qui nous intéresse ici. Je ne vois pas où

21 est le problème

22 M. Ackerman (interprétation). - Ma seule préoccupation,

23 Monsieur le Président, était ce qui vous était dit par l'accusation et

24 l'absence de nouveaux éléments de preuve, dont pourtant on vous a parlés.

25 C'est la seule chose qui me préoccupait.

Page 9121

1 M. le Président (interprétation). - Les nouveaux éléments de

2 preuve sont peut-être nouveaux pour l'accusation, mais pas nécessairement

3 pour le témoin. Pour l'accusation, la notion de nouveauté peut être

4 différente. C'est l'expert qui dépose ici. C'est lui qui décide de ce

5 qu'il juge pertinent et non pertinent par rapport à ce qu'il dit aux

6 Juges.

7 M. Ackerman (interprétation). - Si vous acceptez que les choses

8 sont nouvelles uniquement pour Maître Niemann, je suis d’accord.

9 M. le Président (interprétation). - Oui.

10 M. Jan (interprétation). - Le mot « frappant » n’est pas le bon

11 mot.

12 M. Ackerman (interprétation). - En effet. Il était mal utilisé

13 dans les circonstances.

14 M. le Président (interprétation). - Nous faisons une pause

15 pendant une vingtaine de minutes.

16 L'audience, suspendue à 11 heures 30 est reprise à 12 heures.

17

18 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez poursuivre,

19 Maître Ackerman.

20 M. Ackerman (interprétation). - Merci beaucoup,

21 Monsieur le Président.

22 Professeur Gow, en rapport avec le journal intime de M. Jovic,

23 vous avez dit hier que la traduction qui vous avait été fournie par le

24 Bureau du Procureur était imprécise. C'est bien cela ?

25 M. Gow (interprétation). - Je ne me rappelle pas que ce soient

Page 9122

1 les mots exacts que j’ai utilisés. J’ai dit que la traduction n’était pas

2 parfaite. Toute personne qui lirait cette traduction admettrait la même

3 chose. Ce n'est pas un anglais parfaitement peaufiné. Mais je n'ai pas

4 dit, pour autant que je me rappelle, qu'il y ait eu quoi que ce soit

5 d'imparfait en ce qui concerne la façon dont cette traduction transmettait

6 le sens.

7 M. Ackerman (interprétation). - C’est ce que je voulais vous

8 demander. Cette traduction modifie-t-elle le sens de ce qui est dit ?

9 M. Gow (interprétation). - Non, pas pour autant que j’aie pu le

10 voir.

11 M. Ackerman (interprétation). - Merci.

12 Vous nous avez dit hier la chose suivante. La question portait

13 sur l'importance de la journée du 5 décembre 1991. Vous nous avez dit :

14 « L’importance de cette journée réside dans le fait que, le

15 5 décembre 1991, Milosevic et Jovic ont prévu ce que serait la situation à

16 la suite de la reconnaissance de la personnalité indépendante de la

17 Bosnie-Herzégovine sur le plan international. Par conséquent, ils ont pris

18 la décision de permettre la poursuite de ce projet mais, d’une certaine

19 façon, ils voulaient que le projet soit mis en oeuvre de façon déguisée ».

20 C’est sur ce point que ma question posera. Existe-t-il une base

21 documentaire justifiant la conclusion que vous avez tirée quant à cette

22 tentative de déguiser la poursuite de ce projet ?

23 M. Gow (interprétation). - Je ne peux pas fournir une réponse

24 certaine. J'essaie de

25 me rappeler tout ce que j’ai vu.

Page 9123

1 Je dirai tout d’abord que cette idée ne m’est pas venue d’un

2 document, mais de la réalité de la situation. J'ai constaté qu'une

3 décision avait été prise en conjonction avec le commandant de la JNA et le

4 Général Kadijevic.

5 J’ai également fait référence aux mémoires du Général Kadijevic

6 qui sont pertinentes dans cette affaire, s’agissant de déterminer quelles

7 étaient les intentions de mise en oeuvre de ce plan en trois phases,

8 destiné à permettre l’annexion de territoires situés en Croatie et en

9 Bosnie-Herzégovine.

10 J’ai également tiré cette impression du fait qu’une aide, aide

11 très instrumentale en fait, avait été fournie par les Serbes de

12 Bosnie-Herzégovine aux services de sécurité serbes, à la présence des

13 unités de la JNA sur ce territoire, après la division de la JNA en deux

14 forces armées. Le but était également de permettre la poursuite de la

15 présence, même après cette date, des unités de Serbie et du Monténégro sur

16 ces territoires.

17 J’ai donc tiré cette impression des faits et non d'un document.

18 Je ne me rappelle pas si un élément documentaire existe ou pas.

19 M. Ackerman (interprétation). - Vous êtes certainement au

20 courant du fait que des documents authentiques établissent clairement ce

21 que Milosevic ou Jovic ont déclaré lorsqu’ils ont dit : « Ce que nous

22 essayons de faire, c’est déguiser nos intentions quant à ce que nous

23 faisons en divisant la JNA entre la Bosnie-Herzégovine et la Serbie et le

24 Monténégro ». Ce n’est pas dit précisément par l’un ou l’autre des hommes

25 dans un document, n'est-ce pas ?

Page 9124

1 M. Gow (interprétation). - Si je me souviens bien, dans

2 l'interview de Jovic, au moment de la mort de la Yougoslavie, je crois me

3 rappeler qu'il a parlé d'une situation qui était légèrement hors de

4 contrôle ; c'est ce qui était dit. Cela semble indiquer qu'il existait

5 bien une intention de produire une impression donnée par rapport au fond

6 de la situation.

7 M. Ackerman (interprétation). - Nous aurons sans doute la

8 possibilité de revenir

9 sur ce point dans la suite de cet interrogatoire.

10 Hier, Me Niemann vous a posé la question suivante : « Est-ce que

11 le rôle de Belgrade a consisté à soutenir, ou ce rôle était-il supérieur

12 ou inférieur à cela ? ».

13 Vous avez fourni la réponse suivante : « Il me semble que le

14 rôle de Belgrade a consisté à concevoir et à planifier l'exécution de ce

15 projet destiné à permettre la division de ces territoires et leur

16 séparation de la Bosnie-Herzégovine suivie de leur rattachement à la

17 Serbie et au Monténégro » (fin de citation).

18 Il me semble que la déclaration que vous avez faite en rapport

19 avec cette citation n'est pas liée directement à votre affirmation ferme

20 que vous ne vous appuyez que sur des faits, que sur la réalité pour vous

21 exprimer.

22 M. Gow (interprétation). - Je ne vois pas exactement où se situe

23 le problème. Il me semble que ce que l'on examine pour parler, pour

24 s'exprimer, c'est la réalité des faits et la compréhension que l'on en a

25 en tant qu'expert dont le rôle consiste à aider les Juges de cette Chambre

Page 9125

1 de première instance. Je donnais une opinion qui, selon mon jugement,

2 correspondait à la réalité. Je ne vois pas en quoi cela peut poser le

3 moindre problème, ou mettre en exergue la moindre divergence entre des

4 éléments factuels, et l'opinion que j'offre sur la base de ces éléments

5 factuels ou, en tous cas, la façon dont je les comprends.

6 M. Ackerman (interprétation). - Je crois qu'il y en a et je vous

7 demanderai quel est le document précis qui étaye vos propos.

8 M. Gow (interprétation). - Quel document spécifique étayent mes

9 propos ?

10 M. Ackerman (interprétation). - Oui, qu'est-ce qui l’appuie

11 ainsi, pour que vous puissiez dire que vous avez telle ou telle impression

12 plutôt qu’une autre ? Existe-t-il un document précis qui étaye votre

13 conclusion ou est-ce la meilleure conclusion que vous ayez pu tirer sur la

14 base des documents disponibles ?

15 M. Gow (interprétation). - J'ai dit cela sur la base d'une

16 évaluation des éléments qui

17 m'ont été remis, éléments qui sont documentaires, ou qui constituent des

18 faits qui sont réellement survenus, ou qui sont les réponses apportées à

19 des entrevues que j'ai eues avec des personnes que j'ai rencontrées dans

20 le cours du processus.

21 Je ne vois aucune raison de modifier en quoi que ce soit le

22 jugement que j'ai tiré de ces éléments, car j'ai la plus grande confiance

23 dans le fait que ce que j'ai dit supportera l'épreuve du temps et des

24 années.

25 M. Ackerman (interprétation). - Je vous en prie, ne croyez pas

Page 9126

1 une seconde que je vous demande aujourd'hui de modifier votre avis.

2 M. Gow (interprétation). - Je comprends bien. Je vous dis

3 simplement que je confirme la base de mon avis.

4 M. Ackerman (interprétation). - La seule chose que j'essaie

5 d'obtenir de vous, c'est que vous me disiez si vos conclusions sont des

6 conclusions entièrement personnelles, ou si vous avez un élément matériel

7 qui peut les étayer ?

8 M. Gow (interprétation). - Si je puis vous répondre, cet avis

9 est partagé. Les documents qui m'ont été remis ont été remis à d'autres

10 également, en tous cas dans l'affaire Tadic. Je crois que je réponds ainsi

11 à votre question.

12 M. Ackerman (interprétation). - Ce que je vais vous demander

13 maintenant est très difficile. Vous ne connaissez pas d'autres documents

14 qui n'ont pas été partagés et que vous n'auriez pas évoqués dans vos

15 écrits ou dans d'autres publications ? Vous estimez que j'ai en ma

16 possession tous les documents permettant d'étayer votre avis ?

17 M. Gow (interprétation). - Je ne peux pas affirmer avec

18 certitude que vous avez en votre possession tous les documents qui

19 permettent d'étayer mon avis, pas du tout. Mais je crois que ce que vous

20 avez en votre possession vous permet de conclure qu'il existe une base

21 étayant mon avis.

22 M. Jan (interprétation). - Excusez-moi, j'ai un extrait du

23 journal intime de Jovic.

24 Est-ce que le terme "sloba" fait référence au

25 Président Slobodan Milosevic ?

Page 9127

1 M. Gow (interprétation). - Oui, en effet.

2 M. Jan (interprétation). - Merci.

3 M. Ackerman (interprétation). - Me Niemann vous a demandé hier

4 de quelle façon vous qualifieriez le rapport qui existait entre les Serbes

5 de Bosnie et Belgrade.

6 Votre réponse a consisté à dire : "Je pense que les Serbes de

7 Bosnie au sein de la JNA, ainsi qu'au sein de certaines structures

8 politiques associées à ceux qui étaient fidèles à ce projet, agissaient en

9 effet dans l'intérêt de Belgrade. Et dans le cadre de leur poursuite du

10 projet de Belgrade, je pense qu'ils peuvent avoir été amenés à saper à la

11 base ce qui autrement aurait été une question politique authentique pour

12 les Serbes de Bosnie-Herzégovine, mais ils assumaient le rôle d'un soutien

13 à Belgrade dans leur action contre la Bosnie-Herzégovine" (fin de

14 citation).

15 Je pense que si l'on résume, si l'on synthétise cette phrase,

16 vous adoptez la position qui consiste à dire que les Serbes de Bosnie en

17 Bosnie-Herzégovine agissaient en faveur de Belgrade.

18 M. Gow (interprétation). - Avec une nuance : tous les Serbes de

19 Bosnie n'agissaient pas en faveur de Belgrade.

20 En effet, ceux qui participaient à la réalisation de ce projet

21 agissaient dans l'intérêt de Belgrade. Etant donné le dernier commentaire

22 qu'ils avaient fait, le commentaire que vous avez inclus quant à

23 l'authenticité de ce problème politique, je pense qu'il y avait

24 effectivement des questions politiques authentiques aux yeux des Serbes de

25 Bosnie quant à leur statut en Bosnie-Herzégovine et à l'avenir de la

Page 9128

1 Bosnie-Herzégovine. Mais cette question a été complètement mise de côté

2 par le recours à la violence.

3 M. Ackerman (interprétation). - S'agissant de ceux qui étaient

4 membres du groupe que vous venez de décrire, vous diriez qu'ils agissaient

5 en appuyant le concept de la création

6 d'une grande Serbie ?

7 M. Gow (interprétation). - Je dirai qu'ils agissaient pour

8 réaliser la conception de la création d'une mini-Yougoslavie et pas

9 tellement d'une grande Serbie.

10 Si vous analysez les mots utilisés par le Général Kadijevic, il

11 apparaît clairement que le concept défendu était le concept de création

12 d'une nouvelle Yougoslavie intégrant des éléments de Croatie et de Bosnie-

13 Herzégovine et ce dans l'intérêt des Serbes.

14 M. Ackerman (interprétation). - Pouvez-vous me dire s'il y a une

15 autre différence que terminologique entre l'idée de Milosevic d'une grande

16 Serbie et ce que vous venez de nous dire de l'idée de Kadijevic, qui

17 consistait à se saisir d'une partie des territoires de Croatie et de

18 Bosnie-Herzégovine pour créer une Yougoslavie composée de Serbes ? Quelle

19 est la différence ?

20 M. Gow (interprétation). - Je ne suis pas sûr qu'il serait exact

21 de dire que Milosevic défend l'idée de la grande Serbie. Je ne voudrais

22 pas entamer des discussions inutiles à ce sujet.

23 Milosevic, lui aussi, devrait être compris comme défendant

24 l'idée d'une Yougoslavie, d'une mini-Yougoslavie, ou d'une Yougoslavie de

25 taille plus petite, quelle que soit la qualification que vous vouliez

Page 9129

1 donner à cette Yougoslavie, mais destinée aux Serbes. J'ai parlé de

2 précision lorsque j'ai dit leur concept de ce qu'ils faisaient.

3 Maintenant, si vous m'interrogez, en me demandant s'il existe un grande

4 différence entre un territoire sous le contrôle de Belgrade destiné aux

5 Serbes et appelé Yougoslavie, ou le concept de ce qui a été proposé en

6 janvier 1992, c'est-à-dire la création d'une fédération ou d'une

7 association (je ne me rappelle plus très bien) de territoires serbes

8 unifiés, sur le fond le concept est le même, à savoir qu'il y aurait un

9 certain nombre de territoires, une population et que l'ensemble serait

10 sous le contrôle de Belgrade. Mais la grande Serbie n'est pas ce qu'ils

11 s'imaginaient en train de poursuivre.

12 M. Ackerman (interprétation). - Mais le concept de grande Serbie

13 n'est pas un concept inventé, ici, par moi. Il a été évoqué par des

14 universitaires, des responsables politiques,

15 en Serbie et ailleurs, depuis des années.

16 M. Gow (interprétation). - De nombreuses personnes parlent de la

17 grande Serbie et de son idée. Mon impression, sans avoir procédé à une

18 évaluation détaillée, est que la plupart de ceux qui discutent de grande

19 Serbie, ne viennent pas nécessairement de Serbie ou des communautés serbes

20 en d'autres lieux. Cela ne me semble pas être un concept très fondé, en

21 tout cas sur le plan de la précision.

22 M. Ackerman (interprétation). - Je ne le crois pas non plus,

23 mais l'idée selon laquelle il convenait d'élargir la zone de la Serbie et

24 du Monténégro pour inclure tous les Serbes vivant en Yougoslavie est

25 possible.

Page 9130

1 M. Gow (interprétation). - Si vous acceptez que, sur le fond, le

2 but consiste à créer une situation permettant ce genre de chose de

3 Belgrade !

4 M. Ackerman (interprétation). - Ce n'était pas un concept qui

5 n'existait que dans l'esprit de Milosevic, mais qui se retrouvait très

6 largement en Serbie à l'époque et parmi les Serbes.

7 M. Gow (interprétation). - C'était certainement une idée dont on

8 peut dire qu'elle remonte probablement à la moitié du XIXème siècle, dont

9 il a été fait mention de façon plus pertinente à partir de la moitié des

10 années 80 et qui a circulé en Yougoslavie, notamment parmi les Serbes, à

11 savoir que les Serbes, dans tous les territoires de la RSFY la

12 défendaient.

13 M. Ackerman (interprétation). - Il s'agissait d'inclure tous les

14 Serbes de Bosnie Herzégovine, de Croatie, dans un même lieu. Cette idée

15 avait un grand appui parmi les Serbes ; l'idée qu'il faudrait qu'il existe

16 une patrie des Serbes essentiellement, un pays composé de Serbes et

17 uniquement de Serbes.

18 M. Gow (interprétation). - Le problème s'est certainement posé

19 en Croatie s'agissant de la dénomination à donner à la communauté serbe,

20 lorsque la nouvelle constitution croate a vu le jour en 1990, ou plutôt le

21 projet de nouvelle constitution croate qui semblait

22 modifier le statut des Serbes de Croatie qui, jusque-là, étaient un

23 peuple. Etant donné la position de la Croatie par rapport à la

24 Yougoslavie, ils sont devenus une minorité, en tout cas un groupe

25 différent, ce qui a provoqué un sentiment populaire important en Croatie.

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1 M. Ackerman (interprétation). - Mais vous ne souhaitez pas

2 retirer votre idée selon laquelle il y avait un projet de créer une mini-

3 Yougoslavie plus grande que ce qui restait de la Yougoslavie et se

4 composant principalement de Serbes ?

5 M. Gow (interprétation). - Absolument pas.

6 M. Ackerman (interprétation). - Vous maintenez votre position

7 selon laquelle vous avez compris que ce concept n'était pas limité à

8 Kadijevic, Milosevic et Jovic ou aux hommes qui étaient au pouvoir à

9 Belgrade, mais avait été adopté par les Serbes dans l'ensemble de la

10 Yougoslavie, ou en tout cas par une majorité d'entre eux ?

11 M. Gow (interprétation). - C'est un concept qui était défendu

12 dans certains milieux et qui était certainement populaire dans ces

13 milieux, dans les conditions de crise et de dissolution de la RSFY que

14 vivaient ces populations.

15 Il est clair que Milosevic, Jovic, Kadijevic ou d'autres

16 n'auraient pas eu la possibilité de mettre en oeuvre un tel projet sans

17 des éléments matériels. Si vous me demandez si ces éléments matériels ont

18 été utiles à ces communautés, je vous dirai qu'effectivement c'était le

19 cas. Exactement de la même manière qu'Hitler a exploité les sentiments des

20 Allemands à l'époque dans une situation où la population se posait des

21 questions qui lui étaient propres aux sujet de problèmes qui lui étaient

22 sensibles. Mais, à mon avis, ils ont été utilisés par les Nazis.

23 M. Ackerman (interprétation). - Ce que vous dites ne signifie-t-

24 il pas que parce que vous aviez des Serbes vivant en Bosnie-Herzégovine,

25 qui défendaient cette philosophie et tentaient de la mettre en œuvre, il y

Page 9132

1 avait nécessité dans la réalité d'un lien avec Belgrade. Dans ce cas, ce

2 qui est fait revient à un projet universel parmi le peuple serbe,

3 indépendamment des lieux où vivent ces Serbes ?

4 M. Gow (interprétation). - C'est un projet qui ne peut exister

5 qu'avec l'accord de Belgrade, c'est vrai. C'est une chose que d'être un

6 serbe de Bosnie ou de Croatie, d'entendre parler d'un territoire unifié

7 destiné à tous les Serbes.

8 La réalisation de ce projet n'est pas possible si Belgrade n'est

9 pas au moins ouverte à cette idée ou, dans le cas précis qui nous

10 intéresse, si Belgrade ne cherche pas à utiliser cette idée, à

11 l'exploiter, comme je l'ai dit précédemment, pour que l'on passe de ce qui

12 était une question politique authentique à des dispositions concrètes

13 destinées à mettre en oeuvre un projet militaire et politique qui

14 impliquerait le recours à la force. Et je pense que la violence a rendu

15 très difficile la mise en oeuvre de ce projet en tant que projet politique

16 authentique.

17 M. Ackerman (interprétation). - Mais, pendant la guerre de

18 Bosnie-Herzégovine, Radovan Karadzic et le SDS comprenaient très

19 clairement, ainsi que ceux qui les défendaient, qu'en mettant en œuvre

20 cette politique, ils proposaient une oreille sympathique à Belgrade.

21 C’était clair, n'est-ce pas ? Il n’y avait pas de problème au

22 sujet de la façon dont Belgrade se sentait par rapport à cela ?

23 M. Gow (interprétation). - Je pense qu’il est clair que des

24 éléments de la JNA et du service de sécurité serbe les ont aidés à mettre

25 en oeuvre ce projet qui remonte à une date bien antérieure, comme l’a

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1 d'ailleurs dit le chef du service sécurité serbe à un certain moment. Ce

2 projet consistait à prendre le contrôle des événements s'agissant de

3 déterminer qui dirigerait les Serbes de Bosnie.

4 M. Ackerman (interprétation). - Vous nous avez dit hier, je

5 cite : « Les Serbes de Bosnie ont répondu politiquement en créant

6 officiellement la République serbe de Bosnie-Herzégovine qui a été

7 renommée plus tard, rebaptisée pour devenir la Republika Srbska en

8 avril 1992. Ils ont officiellement consolidé la République serbe de

9 Bosnie-Herzégovine qui plus tard, au mois d’août, a été rebaptisée en

10 Republika Srbska et ont déclaré dans les faits qu’ils s’associaient avec

11 la Serbie et le Monténégro par la constitution qui a été votée en

12 janvier 1992. Par leur coopération militaire avec la JNA, ils ont ainsi

13 commencé une campagne armée destinée à s'assurer le contrôle de tous les

14 points de communication et d’accès les plus importants à la Bosnie-

15 Herzégovine, de façon à créer un cadre pour une action militaire et

16 politique » (Fin de citation).

17 Cette réponse n'est-elle pas contradictoire avec ce que nous

18 venons de discuter ?

19 M. Gow (interprétation). - Je ne vois pas en quoi elle est

20 contradictoire.

21 M. Ackerman (interprétation). - Si les Serbes de Bosnie

22 n'étaient que les pions, les pantins, de la machine de Belgrade, est-ce

23 que cela n'aurait pas un sens de penser qu’ils souhaitaient capturer le

24 plus grand nombre de territoires et le plus grand nombre de Serbes

25 également pour pouvoir déclarer qu’ils faisaient partie de la nouvelle

Page 9134

1 République fédérale de Yougoslavie ? Il me semble qu’il y a contradiction

2 entre cela et l'idée qu’ils voulaient créer leur propre République

3 distincte de Belgrade en Bosnie-Herzégovine, en n’ayant pratiquement pas

4 de relations avec Belgrade. N’y a-t-il pas contradiction à ce niveau ?

5 M. Gow (interprétation). - Je vais vous aider. J'ai parlé de

6 l'article 2 de la Constitution de janvier 1992. Dans cet article, les

7 Serbes de Bosnie disent précisément que la République Serbe de Bosnie-

8 Herzégovine, qui ensuite a été rebaptisée en Republika Srbska, faisait

9 partie de la Yougoslavie fédérale. Ils l'ont fait dans l’espoir qu’il

10 serait possible de convaincre la Bosnie-Herzégovine de se rattacher à la

11 Serbie et au Monténégro.

12 Au moment où cela n'a pas été le cas, en avril 1992, ils ont

13 consolidé l'existence de la République de Bosnie-Herzégovine en la

14 rebaptisant Republika Srbska. En avril, les termes « Republika Srbska »

15 n'étaient pas utilisés. La consolidation de la Republika Srbska

16 consistait, à cette étape, à créer un élément fédéral qui pourrait

17 s’intégrer plus tard à la Yougoslavie fédérale. Je ne vois aucune

18 contradiction.

19 M. Ackerman (interprétation). - Mais un moment est arrivé où

20 Karadzic et Milosevic ne se sont plus entendus l'un avec l'autre. Ils ont

21 eu des divergences. En fait, ces

22 divergences étaient importantes entre eux.

23 M. Gow (interprétation). - Il y a eu une période où Milosevic et

24 Karadzic sont apparus, sans aucun doute, comme en désaccord l’un avec

25 l’autre.

Page 9135

1 Mais j'ajouterai une nuance et je reviendrai à un commentaire

2 que vous avez fait au sujet de Lord Owen. Il est toujours très difficile

3 de savoir, dans l'attitude de ces hommes, où est l’authenticité et le

4 déguisement. En tout cas, cette remarque s’applique pour Karadzic.

5 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que le moment où Karadzic

6 a développé des idées messianiques en laissant entendre que, plutôt que

7 d’avoir Milosevic comme dirigeant des Serbes, il pourrait être le

8 dirigeant des Serbes.

9 M. Gow (interprétation). - C’est possible, je ne sais pas.

10 M. Ackerman (interprétation). - Et il ne fait aucun doute qu’il

11 a agi à plusieurs reprises comme s’il considérait la Republika Srbska

12 comme totalement distincte de Belgrade et comme poursuivant une voie et

13 des objectifs totalement différents, n’est-ce pas ?

14 M. Gow (interprétation). - Il y avait des divergences entre les

15 deux hommes. Est-ce qu'il est possible d'expliquer très largement ces

16 divergences par rapport aux exigences de Belgrade compte tenu des

17 circonstances qui prévalaient à l'époque sur le plan international ?

18 En me référant aux mémoires de Kadijevic, je crois me rappeler

19 qu'il affirme s'être rendu compte que cela était possible, que l'existence

20 contemporaine de cette entité était possible. Je crois qu’il a dit quelque

21 chose de ce genre. Je pense que l’on retrouve des phrases du même genre

22 dans la bouche du Général Mladic.

23 Est-ce que cette idée d'une réalité internationale possible dans

24 le moment présent est l'idée centrale ? Je pense que les divergences entre

25 Belgrade et Karadzic sont largement dues au fait que Belgrade disait :

Page 9136

1 « En ce moment, nous ne pouvons pas faire ni dire ceci ».

2 M. Ackerman (interprétation). - Vous n'avez pas de bases

3 documentaires pour étayer cette impression ?

4 M. Gow (interprétation). - Vous pourriez vous reporter aux

5 rapports des réunions tenues à Pale en mai 1993. Vous y verrez que

6 Milosevic, parlant devant l'assemblée de Pale, qui était l'assemblée du

7 SDS, du Parti Démocratique Serbe des Serbes de Bosnie, disait aux Serbes

8 de Bosnie : « En ce moment, pour le bien de l’ensemble du peuple serbe, il

9 serait préférable de ne pas poursuivre la réalisation de ce projet. Nous

10 avons fait tout ce que nous pouvions pour le moment, mais en ce moment

11 nous défendons l’intérêt de l’ensemble du peuple serbe, et pas simplement

12 les intérêts des Serbes de Bosnie » (fin de citation).

13 A cette époque, c’était l’un des points qui étaient à la base

14 des divergences existant entre les deux hommes. Milosevic disait : « Il

15 n'est plus dans l'intérêt de tous les Serbes, pour vous, de continuer à

16 poursuivre ce projet en ce moment ». L’avis des hommes de Pale était :

17 « Nous ne nous satisfaisons pas de cette opinion ».

18 M. Ackerman (interprétation). - Mais c'était l'époque où

19 Milosevic rejetait certaines idées, abandonnait les idées de Pale, n’est-

20 ce pas ?

21 M. Gow (interprétation). - Je ne suis pas sûr qu'il ait

22 abandonné complètement ces idées, mais il est tout à fait manifeste que

23 l'assemblée de Pale a rejeté sa proposition.

24 M. Ackerman (interprétation). - Oui.

25 M. Gow (interprétation). - Je ne pense pas que cela signifie

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1 nécessairement que les Serbes aient abandonné toute implication dans la

2 défense de ces idées parce que l'engagement entre le deux entités existait

3 encore en 1995.

4 M. Ackerman (interprétation). - Hier, vous avez répondu à la

5 question : "Est-ce que la JNA opérait dans la municipalité de Konjic, pour

6 autant que vous le sachiez sur la base de vos lectures ?" : « Je crois que

7 la JNA a opéré dans la municipalité de Konjic. Elle y était présente

8 pendant une période relativement courte du conflit armé jusqu'au mois de

9 mai, légèrement après mai 1992. Mais des unités spécifiques de la JNA ont

10 quitté la région de Konjic. Je crois que des bombardements ont continué,

11 des tirs d'artillerie ont continué qui se

12 fondait sur la JNA". Quelle lecture avez-vous faite pour arriver à cette

13 conclusion ?

14 M. Gow (interprétation). - Des documents que j’ai vu au Bureau

15 du Procureur, des documents dont je pense qu'ils sont déjà versés au

16 dossier, ou qui ont été proposés au dossier, par la défense.

17 M. Ackerman (interprétation). - Pouvez-vous nous dire de quels

18 documents précis il s'agit ?

19 M. Gow (interprétation). - Il est difficile de m'en rappeler

20 maintenant, mais un des documents était l'interview dont j'ai parlée hier,

21 avec M. Delalic dans laquelle il décrit -d'après mes souvenirs, je crois

22 que c'est ce document, je crois que c'était M. Delalic sans avoir vérifié,

23 je ne peux pas en être totalement sûr- tout d’abord la prise des casernes

24 de Celebici, puis il parle de Pradina, Ljuta je crois. Il décrit la

25 situation au moment où la JNA est partie de Konjic et a été transférée à

Page 9138

1 l'extérieur de Konjic.

2 M. Ackerman (interprétation). - Il s'agit là d'une situation

3 dans laquelle les autorités de Konjic expulsaient la JNA de la zone, c'est

4 cela en quelque sorte ?

5 M. Gow (interprétation). - Il s'agit peut-être d’un autre

6 document. Je ne crois pas que ce soit cet interrogatoire qui montre que la

7 JNA est restée, que la JNA avec son nouveau nom est restée, et qu'elle a

8 lancée des actions utilisant des armes d’artillerie à ce moment-là.

9 Est-ce que la JNA est expulsée ? Je ne suis pas sûr de cette

10 formulation, mais il est vrai que M. Delalic et d'autres semblaient être

11 impliqués dans des activités qui ont assuré le transfert de la JNA à

12 l’extérieur de la municipalité de Konjic.

13 M. Ackerman (interprétation). - En se fondant sur ce document,

14 vous affirmez que M. Delalic est un rapporteur fiable, qui dit la vérité

15 sur les choses qui se sont produites dans la zone de Konjic durant la

16 guerre ?

17 M. Gow (interprétation). - J’ai parlé de M. Delalic, de son

18 interrogatoire. Il a peut-être dit d'autres choses. Je ne peux pas me

19 rappeler de tout. Il n’y avait rien dans ce document

20 qui me semblait être déraisonnable ou qui semblait diverger d'autres

21 opérations sur ces mêmes événements.

22 M. Ackerman (interprétation). - Je suppose que vous n'avez pas

23 de document, aucune information, qui permettrait de montrer qu'au début de

24 mai 1992, la JNA, je parle précisément de la JNA, a été impliquée dans les

25 opérations de combats dans la municipalité de Konjic ?

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1 M. Gow (interprétation). - Selon moi, les unités de la JNA

2 basées dans la municipalité de Konjic ne pouvaient pas s'engager dans un

3 conflit armé parce que les casernes étaient encerclées à ce moment-là et

4 assiégées. Je crois que l'électricité et l'eau avaient été coupées. C'est

5 ainsi que je comprends la situation en me fondant sur des choses que j’ai

6 vues, sur des informations reçues, notamment sur l’interrogatoire de

7 M. Delalic.

8 Mais j'ai parlé de la situation de Konjic à hauteur de ce que

9 j’ai vu. C’est cohérent avec ma vision générale des choses. Je n'ai pas

10 parlé à des enquêteurs sur ces points particuliers, sur ce qui s'est passé

11 à Konjic.

12 M. Ackerman (interprétation). - Très bien. M. Niemann vous a

13 parlé hier d'une déclaration faite par le Président Izetbegovic, d’un état

14 de guerre, le 22 juin 1992. Et là, il était dit que la Bosnie-Herzégovine

15 était engagée dans un état de guerre avec une puissance étrangère, vous

16 vous en souvenez ?

17 M. Gow (interprétation). - Oui, je m'en souviens.

18 M. Ackerman (interprétation). - On vous a demandé quelle était

19 cette puissance étrangère contre qui la guerre avait lieu. Vous avez

20 répondu : « La déclaration d’état de guerre, je crois, concernait la

21 République fédérale de Yougoslavie, c’est-à-dire la Serbie et le

22 Monténégro ; il s'agissait là des puissances hostiles » (fin de citation).

23 Vous savez, n'est-ce pas, que pendant toute la guerre en Bosnie-

24 Herzégovine le gouvernement bosniaque avait des revendications et essayait

25 d'obtenir des Etats-Unis ou de

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1 l’OTAN son appui afin de mettre un terme à la guerre.

2 M. Gow (interprétation). - Si vous me demandez si c’était une

3 des parties de la stratégie du gouvernement bosniaque de mobiliser les

4 puissances étrangères et la communauté internationale, je dirai oui.

5 M. Ackerman (interprétation). - Mais c’est exactement ce que je

6 vous demandais, je pensais être clair sur ce point.

7 M. Gow (interprétation). - Ce n’est pas les mots que vous avez

8 utilisés.

9 M. Ackerman (interprétation). - Il a été dit que le gouvernement

10 bosniaque avait pilonné des villes, où ses propres habitants résidaient,

11 afin d'attirer la sympathie internationale.

12 M. Gow (interprétation). - Oui, ce genre de choses ont été

13 dites.

14 M. Ackerman (interprétation). - Vous rappelez-vous d'un incident

15 qui s’est produit le 8 septembre 1992 lorsque le Général Nambiar, je crois

16 que c’était bien son nom, du moins c’est ce qui a été déclaré, a dit :

17 « Le gouvernement bosniaque a attaqué un convoi humanitaire, au cours de

18 cet incident deux soldats français ont été tués », est-ce exact ?

19 M. Gow (interprétation). - Je ne me rappelle pas de cette

20 information ce jour-là, mais des incidents de ce type arrivaient.

21 M. Ackerman (interprétation). - Dans ce cas, le gouvernement

22 bosniaque, si ces informations sont vraies, accusait les forces Serbes

23 afin de s'attirer la sympathie et l’appui de la communauté internationale

24 dans ce conflit ?

25 M. Gow (interprétation). - Je ne me rappelle pas

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1 particulièrement de cet incident, je ne pense pas pouvoir faire ce

2 jugement sur cet incident.

3 M. Ackerman (interprétation). - Puis-je rafraîchir la mémoire où

4 n'avez-vous jamais entendu parler de cet incident ?

5 M. Gow (interprétation). - Peut-être pourriez-vous rafraîchir ma

6 mémoire, oui. Je ne dis pas que je n’ai jamais entendu parler de cet

7 incident, je dis que je ne m'en souviens pas

8 maintenant, c’est tout.

9 M. Ackerman (interprétation). - Lord Owen dans son livre parle

10 d'une lettre du 9 septembre du Général Nambiar à Izetbegovic. Il dit : «Je

11 suis choqué et très en colère. Je dois vous dire que, à peu près à

12 19 heures 30, le 8 septembre 1992 des soldats sous votre contrôle ont

13 attaqué un convoi logistique de la FORPRONU désarmé à l'entrée de

14 l’aéroport. Cette attaque non provoquée en plein jour sur un convoi

15 humanitaire des Nations unies, et clairement identifié comme étant un

16 convoi des Nations unies, a provoqué la mort de deux soldats français, des

17 blessures sur trois autres et la destruction de quatre véhicules des

18 Nations unies ».

19 Ceci vous rafraîchit-il la mémoire ?

20 M. Gow (interprétation). - Je suis tout à fait prêt à accepter

21 que cet incident s’est bien produit le 8 septembre.

22 M. Ackerman (interprétation). - Lord Owen dit que les motifs qui

23 ont justifié cette action étaient que les Musulmans de Bosnie essayaient

24 de reprocher ces actions aux Serbes de Bosnie, dressant ainsi le portrait

25 des Serbes comme étant encore pire que ce que pensait la communauté

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1 internationale. Ainsi, cela pourrait justifier l’entrée des Américains et

2 de l’OTAN dans la guerre au profit des Musulmans. Etes- vous d'accord avec

3 cette analyse ?

4 M. Gow (interprétation). - Je ne sais pas quels documents ou

5 autres informations Lord Owen a utilisé pour formuler ce jugement.

6 Mais cela ne pose pas de problème de savoir que parfois les

7 forces musulmanes ont été impliquées dans des actions quelquefois tournées

8 contre les Nations unies, parfois sur des objets se trouvant sur le

9 territoire du gouvernement musulman de Bosnie, et qu’ils faisaient cela

10 pour obtenir un certain soutien.

11 M. Ackerman (interprétation). - Cela nous ramène aux

12 déclarations de Lord Owen dont nous avons parlées ce matin, c'est-à-dire

13 les difficultés qu'il éprouvait à faire la différence

14 entre la vérité et la fiction, et ce qui se produisait, et ce qu'il disait

15 au cours de la crise yougoslave.

16 M. Gow (interprétation). - Oui, peut-être.

17 M. Ackerman (interprétation). - Oui.

18 Passons à une autre question dont vous avez parlée hier en

19 détail, c'était une question que Me Niemann vous a posée, concernant les

20 fonctions d'un coordinateur et ce qu'est un coordinateur. Vous rappelez-

21 vous avoir abordé ce point ?

22 M. Gow (interprétation). - Oui.

23 M. Ackerman (interprétation). - Si vous me le permettez, puis-je

24 revenir à la question antérieure, afin de clarifier un point.

25 Vous avez parlé des difficultés de faire la différence entre la

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1 vérité et la fiction, et de cet incident que vous avez mentionné. Il m'est

2 difficile d'ici, sans étudier le problème, de dire : "Oui, cela est

3 cohérent avec le schéma général".

4 Mais il y a eu un incident en 1994 au cours duquel des soldats

5 britanniques qui se trouvaient avec les forces des Nations unies ont

6 identifié des Musulmans tirant de la façon dont vous l'avez décrite. Je

7 dis que ces choses se sont produites parfois. Je n'ai pas de problème pour

8 dire cela. Mais je crois qu'il faut s'appuyer sur des faits qui nous

9 permettraient d'établir ces jugements.

10 M. Ackerman (interprétation). - Merci. Revenons au coordinateur.

11 Vous avez expliqué en détail, comment vous compreniez la nature du

12 coordinateur et ses fonctions. Vous avez notamment parlé de John Hackett

13 et de son rôle en tant que coordinateur au cours de la Deuxième guerre

14 mondiale. Vous en souvenez-vous ?

15 M. Gow (interprétation). - Oui, je m'en souviens.

16 M. Ackerman (interprétation). - En vous fondant sur votre

17 connaissance du rôle de John Hackett, vous nous avez dit que cela pourrait

18 aider le Tribunal à comprendre ce qu'était le

19 rôle de coordinateur.

20 M. Gow (interprétation). - Je l'ai donné en tant qu'exemple.

21 J'ai donné un exemple d'un cas où l'on trouvait un coordinateur qui avait

22 été utilisé au cours d'opérations militaires, ainsi qu’un exemple des

23 activités qu'il était censé réaliser. Je pense que cela donnait une

24 indication générale du rôle du coordinateur. J'ai dit que ce n'était pas

25 un terme courant, qu'il fallait le comprendre dans un contexte spécifique

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1 montrant les fonctions générales de ce rôle.

2 M. Ackerman (interprétation). - Pensez-vous qu'un groupe de

3 Bosniaques se trouvait autour d'un bâtiment à Konjic et qu'ils se sont

4 dits : "Nous allons créer un coordinateur comme John Hackett au cours de

5 la Deuxième guerre mondiale" ?

6 M. Gow (interprétation). - Non, je ne pense pas, je voulais

7 simplement donner une indication.

8 M. Ackerman (interprétation). - Je suppose qu'avant hier, à part

9 vous et M. Greaves, personne dans cette pièce ne savait qui était

10 John Hackett et quel rôle il avait joué au cours de la Deuxième guerre

11 mondiale en tant que coordinateur. Etes-vous d'accord ?

12 M. Gow (interprétation). - Parlez-vous des gens qui se trouvent

13 ici, dans cette Chambre ?

14 M. Ackerman (interprétation). - Oui, les Juges ou tous les gens

15 de cette pièce ?

16 M. Gow (interprétation). - Concernant les personnes qui sont

17 ici, je ne veux pas faire d'hypothèses erronées, mais je ne pense pas non

18 plus qu'ils connaissaient l'existence du rôle de coordinateur et de ses

19 fonctions.

20 M. Ackerman (interprétation). - Mais c'est une information assez

21 difficile à décrypter.

22 M. Gow (interprétation). - Cette information proviendrait plus

23 probablement d'une personne qui a fait des études ou qui est spécialiste

24 de la guerre plutôt que d'une personne qui se trouve ici dans cette

25 Chambre de Première instance ou d'un juriste.

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1 M. Ackerman (interprétation). - Mais vous n'avez pas de raison

2 de croire qu'un groupe de Bosniaques à Konjic savait qui était

3 John Hackett, quel était son rôle et quelles étaient ses fonctions en tant

4 que coordinateur au cours de la Deuxième guerre mondiale ?

5 M. Gow (interprétation). - Je l'ai déjà dit et je ne pense pas

6 qu'ils connaissaient ou qu'ils aient fait référence à ce M. John Hackett.

7 Je ne vois pas pourquoi vous mentionnez cela.

8 M. Ackerman (interprétation). - Mais c'est tout à fait

9 pertinent ! Vous êtes en train de suggérer à ce Tribunal que le rôle joué

10 par M. Delalic en tant que coordinateur à Konjic ressemblait sans doute à

11 ce que M. John Hackett faisait au cours de la Deuxième guerre mondiale. Si

12 vous le pouvez, nous pourrions définir ses fonctions en se basant sur ce

13 point obscur de l'histoire que vous avez mentionné hier ?

14 M. Niemann (interprétation). - Objection, Monsieur le Président.

15 Cela est une mauvaise interprétation du témoignage qui a été fait.

16 M. Ackerman (interprétation). - Je ne crois pas ! Je crois que

17 c'est exactement ce qu'il a essayé de faire hier.

18 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, le témoin,

19 à aucun moment, n'a dit ce qui s'était produit avec John Hackett et à

20 aucun moment n'a dit que ce qui s'était produit avec John Hackett s'est

21 également produit avec M. Delalic. Le témoin donnait simplement un exemple

22 pour apporter son concours au Tribunal et lui permettre de mieux

23 comprendre quel était le rôle du coordinateur à l'époque.

24 M. Ackerman (interprétation). - J'accepte cette objection de

25 M. Niemann, Monsieur le Président. Je vais poser la question suivante au

Page 9146

1 témoin.

2 M. le Président (interprétation). - Laissez donc le témoin

3 s'exprimer.

4 M. Ackerman (interprétation). - Je lui poserai cette question.

5 Dire à la Chambre de première instance les activités de John Hackett en

6 tant que coordinateur au cours de la Deuxième guerre mondiale pourrait

7 aider cette Chambre à mieux comprendre les actions de

8 Zejnil Delalic à Konjic en 1992, comment cela pourrait-il l’aider puisque

9 les hommes de Bosnie Herzégovine n'avaient aucune idée des activités de

10 Delalic.

11 M. Gow (interprétation). - Je ne crois pas qu'il soit nécessaire

12 de dire que ces personnes n'avaient pas connaissance de John Hackett, du

13 rôle du coordinateur et la manière dont on peut le comprendre ; je crois

14 avoir été clair. Je pense m'être bien exprimé quand j'ai expliqué cela aux

15 Juges, lorsque j'ai donné cet exemple de John Hackett.

16 Les Juges ont demandé : "Qu'en est-il de Konjic ?" et j'ai

17 répondu : "Il y a des traits communs dans cette situation : le manque

18 d'une structure de commandement régulier à un certain nombre (et là je

19 mets les choses entre guillemets) "d'armées privées", d'unités avec

20 différents commandants agissant dans une certaines mesure indépendamment,

21 et la situation avec ce flou et cette confusion qui régnaient".

22 Un rôle pouvait être joué par une personne qui pouvait avoir les

23 qualités requises, qui pouvait savoir tout de toutes les unités, connaître

24 la situation partout, et qui avait une certaine autorité. Cette personne

25 pouvait discuter avec les différentes parties pour organiser les choses ;

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1 elle aurait pu coordonner... -attendez, je vais changer de mot- ...essayer

2 d'organiser des opérations qui devaient être appliquées ou pas ; cela

3 serait cohérent avec les objectifs d'autres groupes. Je pense avoir très

4 clair sur point.

5 Je parlais là des similarités dans les situations et je n'ai pas

6 dit que Zejnil Delalic ou toute personne à Konjic, en Bosnie Herzégovine,

7 ou dans toute la Yougoslavie disait :"Qu'est-ce que nous faisons ?

8 Regardons l'exemple de John Hackett, c'est un bon exemple ; nous devrions

9 peut-être faire quelque chose de ce type.". Je ne disais pas qu'il y avait

10 un parallèle exact entre les deux, je voulais simplement donner cet

11 exemple pour définir ce qu'était un coordinateur, pour mieux l'expliquer.

12 M. Ackerman (interprétation). - Donc, vous n'avez pas

13 d'information, aucune connaissance, concernant ce qu'a dit la présidence

14 de guerre. Par exemple, elle aurait dit : "Nous

15 avons besoin d'une personne pour résoudre les problèmes d'équipement et

16 d'approvisionnement entre ces différents groupes à Konjic ; peut-être

17 pourrions-nous utiliser Delalic", celui-ci aurait répondu : "Oui, je veux

18 bien. Quel serait mon titre ?" et quelqu'un aurait dit : "Que penses-tu de

19 coordinateur ?". Je suppose que vous n'avez pas d'information pour tout

20 cela ?

21 M. Gow (interprétation). - Tout d'abord, je crois qu'il jouait

22 déjà un rôle de facto. J'ai vu un document en date du 2 mai qui lui

23 donnait l'autorisation de voyager et de faire d'autres choses. Dans ce

24 document, j'ai vu également qu'il était censé payer ses propres dépenses.

25 C'est l'une des raisons pour lesquelles j'en suis arrivé à la conclusion

Page 9148

1 hier que lorsqu'il remplissait ses fonctions, on lui avait donné la

2 possibilité de voyager, ce qui lui permettait de jouer ce type de rôle.

3 Il me semble qu'il avait le rôle de coordinateur parce qu'il

4 avait les qualités que j'ai décrites, qui étaient également pertinentes

5 pour John Hackett, et qui ont été confirmées par le poste de coordinateur

6 le 18 mai.

7 Je ne dis pas que ce poste ait été créé en utilisant le modèle

8 de Hackett et que certaines personnes aient dit : "Nous n'avons qu'à faire

9 la même chose", ou que son poste ait été compris de la même manière. C'est

10 simplement une étiquette, un nom qui a été utilisé et qui était pertinent

11 pour le rôle joué à ce moment-là. Cela me semblait très clair.

12 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que le Bureau du

13 Procureur, lorsque qu'il vous a fourni certains documents qui allaient

14 vous aider pour venir témoigner devant nous, vous a donné le témoignage

15 entier de certains généraux bosniaques qui ont témoigné ici.

16 M. Gow (interprétation). - Si vous parlez du témoignage des

17 Généraux Divjak et Pasalic, effectivement.

18 M. Ackerman (interprétation). - Je me demandais si, puisqu'ils

19 sont les experts concernant l'utilisation de ce terme en Yougoslavie, vous

20 ne penseriez pas qu'ils sont plus à

21 même que vous de savoir ce que c'est ?

22 M. Gow (interprétation). - Eh bien, je réfléchis... Mais je ne

23 me rappelle pas avoir vu dans leurs déclarations un élément frappant qui

24 aurait pu me faire dire :"Tiens, il y là un élément qui me fait penser que

25 je n'ai pas raison sur ce point" ou "Ils proposent une interprétation

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1 différente de la mienne". Si vous me rafraîchissiez la mémoire, je

2 pourrais peut-être vous aider.

3 M. Ackerman (interprétation). - Je crois que vous avez admis

4 hier que le terme "coordinateur" n'a pas de définition universelle et

5 n'est pas un terme militaire universellement reconnu.

6 M. Gow (interprétation). - J'ai dit -et je ne changerai pas ma

7 position- que ce n'était pas un terme courant. Je crois avoir dit

8 également que je ne savais pas. Peut-être ai-je manqué quelque chose dans

9 les témoignages de Pasalic ou Divjak, mais je n'ai jamais entendu que ce

10 terme ait été utilisé auparavant dans le contexte yougoslave.

11 M. Ackerman (interprétation). - Le terme "coordinateur", dans un

12 contexte militaire, ne veut en fait rien dire d'autre que ces personnes

13 qui créent cette position ou plutôt que ceux qui la créent veulent bien

14 lui donner, n'est-ce pas ?

15 M. Gow (interprétation). - Si vous regardez le compte rendu,

16 j'ai dit hier que c'est un thème qui pourrait vouloir dire tout et

17 n'importe quoi. Mais pour que ce rôle soit réussi, quelles que soient les

18 fonctions qui y sont associées, quel que soit le rôle qui est joué, il

19 faudrait que ce rôle existe dans des circonstances inhabituelles où il n'y

20 a pas de structures officielles et régulières. Pour que ce rôle

21 fonctionne, il faut qu'il y ait ces différentes circonstances.

22 M. Ackerman (interprétation). - Je crois que vous avez dit hier

23 que dans cette situation particulière, cela se fondait principalement sur

24 le fait que M. Delalic semblait avoir un rapport de confiance entre les

25 différents groupes en présence et qui opéraient dans la municipalité de

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1 Konjic, et qu'il pouvait communiquer entre ces différentes groupes, qu’il

2 pouvait

3 aborder des questions qui semblaient être d'importance.

4 M Gow (interprétation). - Excusez-moi, je n'ai pas très bien

5 compris ce qui me semble être une question, n’est-ce pas ?

6 M. Ackerman (interprétation). - Oui, si nous n’avez pas compris

7 la question, peut-être voulez-vous que je la répète, parce que je ne

8 voudrais pas que vous répondiez à une question que vous n’avez pas

9 compris ?

10 M Gow (interprétation). - Oui, si vous voulez bien me la

11 répétez, j’essayerai de suivre.

12 M. Ackerman (interprétation). - Hier, vous nous avez indiqué,

13 dans une certaine mesure, que le poste de coordinateur était fondé sur la

14 capacité de Zejnil Delalic à s’attirer la confiance des différents groupes

15 qui se trouvaient sur le terrain, des groupes armés, et à pouvoir

16 communiquer avec ces groupes qui se trouvaient sur la municipalité de

17 Konjic. Ils pouvaient suggérer des questions qui les intéressaient tous.

18 M Gow (interprétation). - Oui, j'ai dit que c’était une des

19 qualités qui étaient pertinentes. Ce n’était peut-être pas le cas avec

20 John Hackett. Peut-être qu’une autre personne n’aurait pas pu le faire.

21 M. Ackerman (interprétation). - Hier, vous avez aussi parlé du

22 groupe tactique. Vous avez dit au Tribunal ce que vous en compreniez,

23 quelles étaient selon vous ses fonctions. Vous vous fondiez à ce moment-là

24 sur vos connaissances militaires générales pour évaluer les fonctions du

25 groupe tactique, sur les différentes armées que vous avez étudiées.

Page 9151

1 M Gow (interprétation). - Oui, sur celles-là, mais également sur

2 des références faites dans des encyclopédies et lexiques qui définissaient

3 ce genre de termes.

4 M. Ackerman (interprétation). - Je suppose que vous n'iriez pas

5 à l'encontre des interprétation du Général Divjak et du Général Pasalic,

6 qui sont venus ici, qui nous ont donné leur interprétation du groupe

7 tactique et du contexte de la municipalité de Konjic en 1992, n'est

8 ce pas ?

9 M Gow (interprétation). - Je sais pas comment je pourrais avoir

10 une opinion différente d'eux.

11 M. Ackerman (interprétation). - Vous feriez référence à leur

12 matière de définir ces termes, étant donné qu'ils connaissent le contexte

13 yougoslave, notamment sur le terme de groupe tactique ?

14 M Gow (interprétation). - J'aurais une opinion divergente si

15 leur compréhension du terme était différente des diverses définitions qui

16 sont données dans les encyclopédies ou lexiques auxquels je me suis

17 référés, qui me semblent être des références.

18 M. Ackerman (interprétation). - Donc si ce Tribunal doit essayer

19 de décider de déterminer ce qu’est un groupe tactique, dans le contexte de

20 Konjic en 1992, il ferait peut-être mieux de compulser les témoignages du

21 Général Divjak et du Général Pasalic, par rapport à ce que vous avez dit

22 hier ?

23 M Gow (interprétation). - Je ne crois pas que ce soit incohérent

24 avec ce que je viens de dire. A moins d'examiner d'autres éléments entre

25 ces deux déclarations, je ne peux pas dire si, oui au non, cela serait

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1 totalement juste. Je ne dis pas être mieux informé soit que le

2 Général Divjak, soit le Général Pasalic. Mais, comme je l’ai dit, je me

3 renseignerai pour savoir si ces déclarations sont cohérentes avec

4 l’utilisation de ces termes dans les publications militaires de la

5 Yougoslavie, dans les publications bien connues, et également la façon

6 dont ces termes sont interprétés dans le contexte de la situation en 1992,

7 je crois l’avoir dit clairement hier, dans le cadre d'une armée qui

8 n’était pas formée, mais à qui l'on donnait progressivement des

9 structures, et dans le cadre duquel cette structure temporaire était

10 utilisée.

11 Je crois que je l’ai dit clairement hier, la décision du

12 27 juillet de nommer M. Delalic en tant que commandant du Groupe tactique,

13 mais j'ai dit que sur le territoire il s'agissait simplement d'unité,

14 n’est pas cohérent soit avec l’utilisation yougoslave du groupe tactique,

15 pour autant que je le sache.

16 Il n’est pas courant pour un groupe tactique de regrouper plus

17 de cinq brigades et de mettre toutes les unités dans une zone géographique

18 particulière, c’est aller un peu plus en avant, mais je ne vois pas

19 pourquoi cette mesure serait prise.

20 M. Ackerman (interprétation). - Essayons de trouver un terrain

21 d’entente. Etes-vous d’accord pour dire que les fonctions du groupe

22 tactique sont limitées aux fonctions qui lui sont assignées par son

23 créateur ?

24 M Gow (interprétation). - Oui, effectivement.

25 M. le Président (interprétation). - Très bien, nous allons faire

Page 9153

1 la pause déjeuner. Nous reviendrons à 14 heures 30.

2 L’audience est suspendue à 13 heures

3 L'audience est reprise à 14 heures 35.

4 M. le Président (interprétation). - Peut-on faire entrer le

5 témoin, s'il vous plaît ?

6 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

7 M. le Président (interprétation). - Veuillez rappeler au témoin

8 qu'il est toujours sous serment.

9 Mme le Greffier (interprétation). - Monsieur, je vous rappelle

10 que vous êtes toujours sous serment.

11 M. Gow (interprétation). - Merci.

12 M. le Président (interprétation). - Maître Ackerman, je vous en

13 prie, poursuivez.

14 M. Ackerman (interprétation). - Merci beaucoup,

15 Monsieur le Président. Professeur Gow, re-bonjour.

16 M. Gow (interprétation). - Bonjour.

17 M. Ackerman (interprétation). - Hier, vous nous avez fait part

18 d'une autre de vos impressions, impression que vous tiriez de certains

19 documents que vous aviez pu consulter dans le cadre du Bureau du

20 Procureur. Vous avez dit qu'il y avait une rivalité personnelle entre

21 M. Delalic et Esad Ramic. Qu'est-ce que qui vous a fait croire cela dans

22 ce document ? Quels sont les éléments qui vous ont poussé à croire cela ?

23 M. Gow (interprétation). - C’est difficile à dire sans avoir

24 sous la main les documents auxquels vous faites référence. Mais, en dépit

25 du fait que j'avais déjà cette impression auparavant, je pense que ce sont

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1 surtout deux documents datés du 24 et du 28 août. Le premier d'entre eux

2 stipule, je crois, qu'Esad Ramic doit me répondre de ce qui s'est passé.

3 Le second déclare, donc trois ou quatre jours plus tard : "Je pense que

4 M. Mucic..." ou plutôt le document parle de M. Mucic et inclus une

5 référence, comme d'ailleurs dans bien d'autres cas, au fait que je cite :

6 "L'ordre n'a pas été mené à bien, tel que cela a été prévu".

7 Je dis cela dans le cadre de la consultation d'autres documents,

8 ou peut-être après avoir visionné l'interview que j'ai eu l'occasion de

9 regarder précédemment. Mais cela semble correspondre au schéma général qui

10 semblait prévaloir. Je n'ai pas vraiment étudié la situation de Konjic

11 aussi précisément, mais c'est l'impression que j'en ai en tant qu'expert

12 et au vu des événements qui se sont produits. J'ai l'impression que oui,

13 cela a pu être le cas.

14 M. Ackerman (interprétation). - Je vois. Donc, le mieux que vous

15 pouvez nous dire pour le moment est que vous avez l'impression que cela

16 aurait pu être le cas, n'est-ce pas ?

17 M. Gow (interprétation). - Oui, je crois que c'est bien ce que

18 j'ai dit hier d'ailleurs. J'ai l'impression au vu de ce que j'ai pu voir ;

19 c'est tout ce que je peux dire pour le moment. Je ne peux pas dire que des

20 éléments précis me permettent de dire qu'un réel problème existait sur ce

21 point.

22 M. Ackerman (interprétation). - Vous avez également parlé

23 d'autres choses. Vous avez déclaré, encore une fois, que ces documents

24 vous avaient été communiqués par l'accusation.

25 Tout d'abord, j'ai l'impression que, pour répondre de façon

Page 9155

1 correcte à l'une de mes questions, il vous faudra peut-être consulter

2 certains de ces documents une nouvelle fois. Peut-être que Me Niemann vous

3 permettra de les consulter. Peut-être vous faudra-t-il le demander ? Vous

4 en êtes d'accord ?

5 M. Gow (interprétation). - Oui, je serais heureux de pouvoir les

6 regarder, si on pense que cela est possible.

7 M. Ackerman (interprétation). - Je ne peux pas moi-même insister

8 sur ce point, mais si vous avez l'impression que vous ne pouvez pas

9 répondre à ma question sans pouvoir consulter préalablement ces documents,

10 je vous demanderai de consulter ces documents.

11 M. Gow (interprétation). - Entendu. Je serais heureux de le

12 faire, mais j'ai l'impression que, d'une façon générale, tout ce que je

13 dis provient de la synthèse que j'ai pu faire

14 au vu des différents éléments d'information que j'ai pu consulter.

15 M. Ackerman (interprétation). - J'aimerais vous poser une

16 question portant sur ce processus qui vous a permis de consulter certains

17 documents en provenance du Bureau du Procureur.

18 Est-ce que le Bureau du Procureur vous a fourni toutes les

19 pièces à conviction de cette affaire, plus d'autres documents parmi

20 lesquels vous avez choisi ceux qui vous semblaient les plus pertinents

21 dans le cadre de votre témoignage ? Ou bien vous a-t-il été communiqué un

22 petit nombre de documents qui, d'après eux, étaient pertinents dans le

23 cadre de votre témoignage ? Que s'est-il passé exactement ?

24 M. Gow (interprétation). - Je ne suis pas sûr de la réponse

25 qu'il faut apporter à la première partie de la question. Je ne sais pas

Page 9156

1 s'ils m'ont montré toutes les pièces versées au dossier dans le cadre de

2 cette affaire. Ils m'ont montré beaucoup de documents. Du moins, ils m'ont

3 permis de regarder nombre de documents.

4 Ils étaient vraiment très nombreux. J'ai fait de mon mieux pour

5 essayer de les regarder tous et de trier parmi eux les choses qui me

6 paraissaient les plus pertinentes.

7 Mais je dois bien préciser que je n'ai pas pu examiner dans le

8 détail chacun des documents qui m'ont été transmis. Il y avait des

9 dossiers très épais. Je ne pouvais vraiment pas consulter chacun des

10 papiers qui se trouvaient dedans. J'ai vraiment essayé de trouver les

11 éléments les plus intéressants, pas plus.

12 M. Ackerman (interprétation). - Parmi ces documents, vous

13 souvenez-vous s'il y avait des documents qui avaient été saisis dans un

14 appartement à Vienne par la police de Vienne ? Auriez-vous consulté des

15 documents qui provenaient prétendument d'un appartement de Vienne ?

16 M. Gow (interprétation). - On m'a montré certains documents dont

17 on m'a dit qu'ils venaient de Vienne. Je pense qu'il s'agit des mêmes

18 documents que ceux auxquels vous faites

19 référence.

20 M. Ackerman (interprétation). - Dans une certaine mesure, les

21 opinions dont vous nous avez fait part aujourd'hui se fondent sur certains

22 de ces « documents de Vienne » ?

23 M. Gow (interprétation). - Oui, il est juste de dire que je me

24 suis appuyé sur certaines informations contenues dans ces documents pour

25 élaborer mes opinions.

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1 M. Ackerman (interprétation). - Au cours de la consultation des

2 documents qui vous ont été transmis par le Bureau du Procureur ou par

3 d'autres sources, je me réfère à la période commençant en mai 1992 jusqu'à

4 la fin de cette même année, avez-vous eu l'impression qu'il y avait un

5 certain nombre de coordinateurs qui étaient en action dans le cadre de la

6 municipalité de Konjic ?

7 M. Gow (interprétation). - Je ne sais pas s'il y avait plusieurs

8 coordinateurs dans la municipalité de Konjic. Je ne suis pas à même de le

9 dire.

10 M. Ackerman (interprétation). - Vous ne savez pas qu'il y avait

11 un coordinateur chargé des questions de transmission et de communication ?

12 M. Gow (interprétation). - Non, je ne me rappelle pas avoir noté

13 cela. Comme je l’ai dit plusieurs fois, je ne me suis pas penché en détail

14 sur la situation qui prévalait à Konjic.

15 Je suis un expert et j'essaie d'établir une synthèse entre

16 différents éléments qui me permettent d'avoir une compréhension générale

17 de la situation. S'il fallait que je devienne enquêteur, alors là je me

18 pencherais sur tous les détails de ce type. C'est une question toute

19 différente que celle d'essayer de savoir ce que peut être un coordinateur.

20 Le fait qu'il ait pu y avoir plusieurs coordinateurs ou un

21 coordinateur chargé de certaines tâches, ne me semble pas aider à la

22 compréhension de ce qu’est un coordinateur.

23 M. Ackerman (interprétation). - Je ne remets pas ici en question

24 votre rôle en tant que témoin dans le cadre de cette affaire, mais

25 j'essaie d'établir certaines choses assez claires. Prenez tout votre

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1 temps. Je ne vous demande pas de vous dépêcher. Rien n’est caché, je vous

2 pose simplement des questions.

3 Etes-vous au courant de cela ? Oui, parfait. Sinon tant pis, ce

4 n'est pas grave. J'en tirerai la conclusion suivante, il y a des choses

5 qui vous empêchent de le savoir, c’est tout. La question suivante est

6 celle-ci : saviez-vous qu'il y avait un coordinateur chargé des questions

7 économiques dans la municipalité de Konjic ?

8 M. Gow (interprétation). - Je crois pouvoir dire, cela vous

9 évitera de poser certaines questions, que je n'étais pas au courant qu'il

10 y avait plus d'un coordinateur, je l’ai déjà dit.

11 M. Ackerman (interprétation). - Fort bien. Parmi les documents

12 qui vous ont été montrés par le Bureau du Procureur, ou parmi les

13 documents qui vous ont été transmis par d'autres sources, avez-vous appris

14 quoi que ce soit concernant l'existence d'autres groupes tactiques, par

15 exemple le Groupe tactique n°2 ? Saviez-vous qu'il y avait ce Groupe

16 tactique ?

17 M. Gow (interprétation). - Oui, je savais que d'autres groupes

18 tactiques avaient été constitués.

19 M. Ackerman (interprétation). - Saviez-vous qu’il y avait un

20 groupe opérationnel au Mont Igman qui était en fonctionnement ?

21 M. Gow (interprétation). - Oui, je sais que ce groupe

22 opérationnel existait.

23 M. Ackerman (interprétation). - Fort bien.

24 Hier, je ne sais pas si vous répondiez à une question, ou si

25 vous étiez en plein milieu d'une explication portant sur la situation qui

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1 prévalait au Nicaragua et l'affaire des contrats, vous vous en rappelez ?

2 M. Gow (interprétation). - Oui, effectivement j'ai abordé ce

3 sujet hier, mais ce n'était pas en réponse à une question. C'était quelque

4 chose qui me semblait intéressant. Il me semblait intéressant que je

5 formule mes opinions sur ce sujet.

6 M. Ackerman (interprétation). - Il me semble que vous avez

7 abordé ce sujet parce

8 que vous étiez un peu vexé par la décision prise dans le cadre de

9 l’affaire Tadic par ce Tribunal, sur le fait que sa décision était basée

10 sur ce que vous considériez comme étant une fausse interprétation de la

11 décision prise dans l'affaire du Nicaragua contre les Etats-Unis. Ai-je

12 raison de dire cela ?

13 M. Gow (interprétation). - Non, je ne dirai pas que vous avez

14 raison de dire cela.

15 M. Ackerman (interprétation). - Vous avez lu la décision de la

16 Cour internationale de Justice dans le cadre de cette affaire ?

17 M. Gow (interprétation). - De la CIJ?

18 M. le Président (interprétation). - (Hors micro.)

19 Dans le cadre de l'affaire du Nicaragua ?

20 M. Ackerman (interprétation). - Avez-vous lu cette décision ?

21 M. Gow (interprétation). - Est-ce que j'ai lu le jugement rendu

22 par la CIJ dans le cadre de l'affaire le Nicaragua contre les Etats-Unis ?

23 Je ne l'ai pas lu.

24 M. Ackerman (interprétation). - Avez-vous une formation

25 juridique ?

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1 M. Gow (interprétation). - Non, je n'ai pas de formation

2 juridique. Je ne crois pas que j'aurais prévalu de mes connaissances et

3 que je me serais permis de venir ici en tant qu'expert en matière

4 juridique en quelque sorte que ce soit.

5 M. Niemann (interprétation). - J'interromps ici,

6 Monsieur le Président parce que le Pr. Gow a expressément donné ses

7 opinions sur des faits dans le cadre de la crise du Nicaragua.

8 Je ne crois pas qu'il ait jamais dit qu'il souhaitait se

9 prononcer dans quelque sens que ce soit sur la décision prise par la Cour

10 internationale de Justice. Cette question n'a jamais été soulevée.

11 M. Ackerman (interprétation). - Comme vous ne savez rien sur

12 cette décision prise par la CIJ, j'en déduis que vous ne savez pas qu'une

13 partie de cette décision se fondait sur les objectifs des contrats et sur

14 leurs activités au Nicaragua. Vous ne le savez pas, n'est-ce pas,

15 puisque vous n'avez pas consulté ce jugement ?

16 M. Gow (interprétation). - Ce que j'ai pu dire, je l'ai dit sans

17 me fonder sur ce qui peut se trouver dans ce document. J'ai formulé ce que

18 j'ai dit en me fondant en partie sur ce qui était dit dans le cadre du

19 jugement de l'affaire Tadic.

20 Je ne comprends pas les implications juridiques de ce qui s'est

21 passé, je le dis très clairement. Moi, ce que j'ai compris, ce n'est pas

22 tant que cela avait à voir avec ce que j'avais dit dans le cadre de mon

23 témoignage plutôt qu'avec le fait que certains liens avaient été établis.

24 Ces liens existaient-ils ou pas ? Je ne sais pas. La question n'est pas

25 là. Il me semble que pour comparer ces deux affaires de façon

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1 intéressante, c'est ce que j'ai essayé de faire hier, cela n'est pas

2 justifié. Quelles sont les implications juridiques dans le cadre de ces

3 affaires ? Je ne sais pas. Je sais qu'il y a des différences de fond

4 importantes entre ces deux affaires.

5 Je considère ces affaires du point de vue de mon expertise en

6 matière de relations internationales et en matière de guerre. Il y a des

7 différences entre ces deux affaires, à la fois du point de vue des

8 activités qui se déroulaient sur le territoire du pays concerné et

9 également du point de vue des activités qui avaient cours à l'extérieur

10 dans les pays qui se prétendaient impliqués dans les affaires en question.

11 M. Ackerman (interprétation). - Si vous avez lu la décision dans

12 le cadre de l'affaire Tadic, vous devez bien savoir que cette partie de

13 l'affaire du Nicaragua contre les Etats-Unis porte non pas sur la nature

14 du conflit, mais sur la question de savoir si, oui ou non, les Etats-Unis

15 ont exercé un commandement et un contrôle suffisant sur les contrats pour

16 être considérés comme étant une des parties au conflit. C'est bien la

17 question qui est au coeur de cette partie-là de l'affaire Nicaragua contre

18 Etats-Unis, nous sommes bien d'accord ?

19 M. Gow (interprétation). - Il me semble qu'entre ces deux

20 affaires les faits sont bien différents. C'est la raison pour laquelle je

21 me suis proposé. J'ai fait une déclaration sur ce point.

22 M. Ackerman (interprétation). - Je vous pose la question, une

23 fois encore. La

24 question au coeur de cette affaire était une question relative au

25 commandement et au contrôle exercé, n'est-ce pas ?

Page 9162

1 M. Gow (interprétation). - Oui.

2 M. Ackerman (interprétation). - Fort bien.

3 M. le Président (interprétation). - Nous sommes en train de

4 retomber dans des questions techniques sur lesquelles le témoin n'est pas

5 à même de se prononcer, il me semble.

6 M. Ackerman (interprétation). - L'impression que j'ai tirée hier

7 du témoignage du témoin, c'est qu'il essayait de convaincre le Tribunal

8 que l'affaire Nicaragua contre les Etats-Unis ne pouvait pas s'appliquer

9 ici, qu'il y avait des objectifs guerriers tout différents de ceux qui

10 prévalaient dans le cadre du conflit yougoslave.

11 Si le témoin veut rester à sa place et se prononcer sur

12 l'importance légale, alors je crois que peut-être je devrais être à même

13 de pouvoir explorer ses opinions en la matière.

14 Mais je ne vais pas prolonger outre mesure la discussion sur ce

15 sujet, je vais passer à une autre ligne de questions.

16 M. Gow (interprétation). - Si je puis me permettre, ce que j'ai

17 dit ne se fondait pas sur les aspects juridiques de cette affaire

18 Nicaragua contre Etats-Unis, mais se basait plutôt sur des aspects

19 factuels de cette affaire.

20 Pardonnez-moi d'interrompre, je répugne à le faire, mais je

21 tenais à le préciser.

22 M. le Président (interprétation). - Vous comprenez bien ce que

23 dit le conseil de la défense, n'est-ce pas ?

24 M. Gow (interprétation). - Oui, je le comprends. Il me semble

25 que c'est là une affaire juridique, que c'est à vous, Madame et

Page 9163

1 Messieurs les Juges et aux juristes, à vous prononcer sur ce type de

2 questions.

3 M. Ackerman (interprétation). - Il nous a fallu pratiquement

4 toute une journée pour arriver au point où nous nous trouvons maintenant.

5 Donc, nous n'avons pas accompli

6 grand-chose, je le précise.

7 Je vais maintenant aborder un nouveau domaine de questions. La

8 seule chose qui m'intéresse est d'aborder des questions extrêmement

9 générales. Je ne crois pas qu'aucune des choses dont je vais vous parler

10 maintenant, vous pose le moindre problème que ce soit, ou bien soit un

11 défi que je pose à votre qualité d'expert ou autres. C'est un domaine de

12 connaissance générale et je veux le faire figurer dans le compte-rendu de

13 cette affaire, de ce procès. J'espère vraiment que nous n'aurons pas à

14 entrer dans des débats prolongés sur ces questions qui sont vraiment très

15 limitées. Essayons de le faire, si vous le voulez bien. Je vais poser des

16 questions simples. J'espère que vous pourrez leur apporter des réponses

17 simples et concises. J'aimerais que nous puissions les aborder rapidement,

18 car par la suite nous allons aborder des questions peut-être un peu plus

19 complexes. Nous sommes bien d'accord ?

20 Je vais maintenant, pendant quelques instants, me pencher sur

21 les Nations Unies et sur leur création. Nous allons voir si nous pouvons

22 nous mettre d'accord sur un certain nombre de points.

23 Les Nations unies sont nées suite aux événements de la Deuxième

24 guerre mondiale et suite à l'échec de la Société des Nations dans ce

25 cadre, n'est-ce pas. Nous sommes bien d'accord sur ce point ?

Page 9164

1 M. Gow (interprétation). - Oui, en effet.

2 M. Ackerman (interprétation). - L'objectif des Nations Unies

3 était d'essayer de faire en sorte qu'en tant qu'organisation des Etats,

4 ils puissent arriver à accomplir des choses, là où la Société des Nations

5 avait échoué.

6 M. Gow (interprétation). - Oui.

7 M. Ackerman (interprétation). - Un effort tout particulier a été

8 fait pour essayer de pallier les défauts de la Société des Nations

9 lorsqu'elle existait, n'est-ce pas ?

10 M. Gow (interprétation). - Oui, en effet.

11 M. Ackerman (interprétation). - L'objectif à la fois de la

12 Société des Nations et de l'ONU a été de mettre sur pied une organisation

13 qui pouvait essayer de prévenir l'émergence de situations telles qu'elles

14 étaient survenues au cours de la Première et de la Deuxième guerres

15 mondiales. L'objectif était d'empêcher qu'une telle chose ne se

16 reproduise.

17 M. Gow (interprétation). - Oui, c'était là un des objectifs

18 prioritaires.

19 M. Ackerman (interprétation). - La dynamique qui a permis la

20 mise en place des Nations Unies a pris sa source dans l'agression du

21 3ème Reich contre les puissances alliées et a trouvé son origine également

22 dans le génocide perpétré par le troisième Reich ?

23 M. Gow (interprétation). - Oui, c'est clair. C'est une des

24 choses qui a conduit à la création des Nations unies.

25 M. Ackerman (interprétation). - Les personnes qui ont présidé à

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1 la création des Nations unies avaient l'espoir que cela ne se reproduirait

2 jamais plus. Elles avaient l'espoir d'en faire une organisation

3 internationale qui pourrait agir efficacement contre l'émergence

4 d'événements semblables à ceux qui s'étaient produits dans le cadre de la

5 Deuxième guerre mondiale ?

6 M. Gow (interprétation). - Je crois que le concept de sécurité

7 collective qui sous-tend la création des Nations unies avait comme

8 priorité la prévention de l'éclatement de guerres.

9 M. Ackerman (interprétation). - Là , vous avez été plus rapide

10 que moi. L'idée était d'établir un contexte de sécurité collective ?

11 M. Gow (interprétation). - Oui.

12 M. Ackerman (interprétation). - Sur la base du principe que si

13 certaines nations s'engageaient dans un processus de crime de guerre, de

14 génocide, il était bien clair que les autres nations unies allaient se

15 retourner contre elles et essayer de les empêcher de procéder ainsi,

16 n'est-ce pas ?

17 M. Gow (interprétation). - Oui.

18 M. Ackerman (interprétation). - Peu de temps après la Deuxième

19 guerre mondiale, les Nations unies, suite à tous les efforts qu'avait

20 supposés sa création, a été freinée dans ses activités par l'émergence de

21 la guerre froide et par les pouvoirs de veto dont disposaient les grands

22 protagonistes de la guerre froide au sein du Conseil de Sécurité.

23 M. Gow (interprétation). - En effet, c'est le cas.

24 M. Ackerman (interprétation). - Après la fin de la guerre

25 froide, pour la première fois depuis leur naissance peut-être, les Nations

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1 unies ont eu la possibilité de mettre en application les objectifs qui

2 avaient présidé à leur naissance.

3 M. Gow (interprétation). - Je ne sais pas si elles ont pu

4 vraiment le faire mais elles ont eu l'occasion de s'atteler à la tâche

5 dans des conditions bien meilleures que toutes celles qui avaient pu

6 prévaloir depuis la date de leur création.

7 M. Ackerman (interprétation). - Pour la première fois, elle

8 pouvait essayer de s'y mettre avec un réel sens de volonté, de désir de

9 faire prévaloir la paix et la sécurité au niveau international.

10 M. Gow (interprétation). - Oui, il y avait bien cette idée

11 d'action collective visant à établir une paix et une sécurité au niveau

12 international. Est-ce que cela se basait sur le concept de sécurité

13 collective ou pas, là je crois qu'il s'agit d'une question différente.

14 M. Ackerman (interprétation). - Dans une certaine mesure, nous

15 avons vu ce qui pouvait être fait dans le contexte de la Guerre du Golfe,

16 n'est-ce pas ?

17 M. Gow (interprétation). - En effet.

18 M. Ackerman (interprétation). - Vous seriez d'accord avec moi

19 pour dire que les Nations Unies ont échoué dans leur mission pour ce qui

20 s'est passé en ex-Yougoslavie ?

21 M. Gow (interprétation). - Mais, dans ce contexte, les

22 mécanismes proposés par les Nations Unies ont peut-être été mis à

23 l'épreuve de façon beaucoup plus importante que ce qui a pu être le cas

24 dans le cadre de la Guerre du Golfe et de ce qui s'est passé en Irak et au

25 Koweït. Il

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1 y a eu un réel engagement, une réelle implication de la communauté

2 internationale qui a essayé de maintenir la paix et la sécurité au plan

3 international. Des initiatives ont été prises dans ce sens.

4 Cela marque une différence significative avec ce qui avait pu se

5 produire auparavant, par exemple dans le cadre de ce qui s'est passé lors

6 la première guerre mondiale, mais dans le cadre de la Bosnie-Herzégovine,

7 certains incidents ont servi de détonateur. Je crois qu'il est justifié de

8 dire que les Nations Unies, dans ce qu'elles ont pu faire, étaient très

9 loin de leur idéal. Aller jusqu'à dire qu'il s'agissait d'un échec total

10 est peut-être un peu plus exagéré.

11 M. Ackerman (interprétation). - Je crois que vous seriez

12 d'accord avec moi pour dire que l'absence d'une réponse forte des Nations

13 Unies vis-à-vis de ce qui s'est produit sur ce territoire correspondait

14 peut-être à une absence de volonté de certains des pays membres des

15 Nations Unies, n'est-ce pas ?

16 M. Gow (interprétation). - Oui, je crois qu'on peut le dire. Les

17 Nations Unies comprennent nombre de composants différents, dont le Conseil

18 de Sécurité. Ce dernier ne fait qu'impliquer les politiques dans

19 lesquelles les pays membres de ce conseil sont prêts à s'engager. Ces

20 politiques sont parfois bien loin de ce que, pour la plupart des gens, il

21 semblerait nécessaire dans le cadre de telle ou telle situation. C'est

22 certainement bien loin de ce que l'on aurait pu s'attendre à ce qu'il soit

23 fait un an seulement avant la dissolution de la Yougoslavie.

24 M. Ackerman (interprétation). - Oui mais, même dans le cadre des

25 Nations Unies elles-mêmes, il y a eu des échecs semblables, n'est-ce pas ?

Page 9168

1 Je parle notamment de certains des pays membres des Nations Unies.

2 M. Niemann (interprétation). - Objection, Monsieur le

3 Président. Je ne vois pas très bien ou nous allons. Je ne sais pas si ce

4 qu'a pu dire M. Boutros Boutros Ghali dans tel ou tel contexte est

5 vraiment pertinent dans le cadre de ces débats.

6 M. Ackerman (interprétation). - Il me semble que la pertinence

7 de certaines

8 questions apparaît à la fin d'une certaine stratégie des questions posées

9 au témoin. C'est bien ce que j'essaie de faire. La pertinence de ce que

10 j'essaie obtenir n'apparaîtra qu'à la fin.

11 M. le Président (interprétation). - (Hors micro.)

12 En fait, vous essayez de faire une déclaration et vous vous

13 attendez à ce que le témoin confirme ou corrobore ce que vous êtes en

14 train de dire.

15 M. Ackerman (interprétation). - C'est bien que ce que nous

16 sommes supposés faire, n'est-ce pas ?

17 M. le Président (interprétation). - Pas forcément. Il n'a pas

18 forcément besoin d'être d'accord avec vous.

19 M. Ackerman (interprétation). - Je suis bien d'accord sur ce

20 point, il n'a pas besoin de l'être et je n'exige pas qu'il soit d'accord

21 avec moi, je ne peux pas l'exiger, loin de là.

22 Vous savez que Boutros Boutros Ghali a fait cette affirmation,

23 n'est-ce pas ?

24 M. Gow (interprétation). - Je sais que Boutros Boutros Ghali a

25 exprimé une opinion personnelle consistant à dire qu'il avait des réserves

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1 par rapport aux Nations Unies en tant qu'organisation et à son implication

2 en Bosnie-Herzégovine. Je ne crois pas que cette évaluation était

3 généralement partagée par tous ceux qui travaillaient au sein de

4 l'organisation des Nations Unies et ce n'était certainement pas le sens

5 général défendu par les représentants des Nations Unies, c'est-à-dire les

6 Etats membres.

7 Boutros Boutros Ghali a prononcé une déclaration de ce type,

8 mais je ne crois pas qu'il soit permis de dire que ce soit une déclaration

9 représentative de l'état d'esprit des états membres des Nations Unies de

10 quelque façon que ce soit.

11 M. Ackerman (interprétation). - Non, en effet, ce n'est pas ce

12 que je dis non plus. Le Conseil de Sécurité a impliqué les Etats membres

13 dans le conflit de l'ex-Yougoslavie dans une certaine mesure, et l'on

14 pourrait même dire dans une grande mesure. D'accord ?

15 M. Gow (interprétation). - D'accord.

16 M. Ackerman (interprétation). - J'aimerais maintenant passer à

17 une autre série de questions assez rapidement ; je dis "assez rapidement"

18 parce que, dans une certaine mesure, ces questions ont déjà été abordées

19 dans l'interrogatoire de Mlle Kalic. Nous pouvons donc passer rapidement

20 en revue ces sujets et je pense que dans la plupart des cas vous pourrez

21 répondre par oui ou par non. Je vous y invite en tout cas, car nous

22 souhaitons vous et moi que ce contre-interrogatoire s'achève le plus

23 rapidement possible.

24 M. Gow (interprétation). - D'accord.

25 M. Ackerman (interprétation). - Je voudrais aborder très

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1 rapidement l'histoire yougoslave -et comprenez bien que je ne veux pas

2 m'appesantir sur ce cas- car c'est la base de certaine des questions que

3 je vous poserai par la suite. Je ne voudrais pas que nous le fassions de

4 façon trop approfondie. Je n'irai pas plus loin que le premier

5 décembre 1918, date de la création du royaume des Serbes croates et

6 slovènes, n'est-ce pas ?

7 M. Gow (interprétation). - C'est effectivement la date de la

8 proclamation de ce royaume et pas la date de sa création.

9 M. Ackerman (interprétation). - C’est à ce moment-là que les

10 événements qui ont abouti à la Première guerre mondiale ont démarré.

11 M. Gow (interprétation). - Exact.

12 M. Ackerman (interprétation). - En partie pour augmenter sa

13 stabilité politique et économique et son efficacité politique et

14 économique, l'idée des peuples slaves du sud a pris naissance à ce moment-

15 là ?

16 M. Gow (interprétation). - Il est certain que cette idée

17 consistait à réunir différents peuples slaves du sud dans un seul pays.

18 Maintenant, quels sont les avantages politiques économiques liés à cette

19 idée, c'est moins clair ? Je suppose que l'un de ces avantages clairs

20 était l'augmentation de la sécurité dans bien des cas.

21 M. Ackerman (interprétation). - Je suis d'accord avec vous sur

22 ce point. Mais au

23 sein de la communauté des slaves du sud, il y avait trois groupes

24 principaux, en tout cas il y avait des Serbes qui étaient avant tout des

25 Slaves du sud, qui ont rejoint la foi orthodoxe orientale par le biais de

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1 l'occupation par Byzance, si l'on peut s'exprimer ainsi, de la Yougoslavie

2 pendant quelques temps. Les choses peuvent-elles être dites de cette

3 façon ?

4 M. Gow (interprétation). - Que me demandez-vous ? Si les choses

5 peuvent être dites de cette façon lorsque vous dites qu'il y avait trois

6 groupes principaux ?

7 M. Ackerman (interprétation). - Lorsque je dis que les Serbes

8 constituaient l'un de ces groupes !

9 M. Gow (interprétation). - Si vous dites que les Serbes

10 constituaient l'un de ces groupes, je suis d'accord.

11 M. Ackerman (interprétation). - L'autre groupe était composé des

12 Croates qui étaient avant tout membres de la religion catholique romaine.

13 M. Gow (interprétation). - Effectivement.

14 M. Ackerman (interprétation). - Et puis, il y avait une grande

15 influence de l'empire ostro-hongrois ?

16 M. Gow (interprétation). - Les pays peuplés par les Croates

17 faisaient partie de cet empire ostro-hongrois.

18 M. Ackerman (interprétation). - Il y avait les Musulmans qui

19 sont devenus musulmans en conséquence de l'occupation des Balkans par la

20 Turquie ?

21 M. Gow (interprétation). - « En fonction de », je ne sais pas

22 exactement ce que cela veut dire, mais il ne fait aucun doute qu'ils se

23 sont convertis à l'Islam durant l'occupation ottomane.

24 M. Ackerman (interprétation). - Oui, c'est ce que je voulais

25 dire. Il y avait un certain nombre d'autres groupes : les Allemands, les

Page 9172

1 Juifs, les Tziganes, les Albanais et un certain nombre d'autres peuples

2 qui ont fini par constituer la Yougoslavie.

3 M. Gow (interprétation). - Si vous posez la question, les

4 Macédoniens et les Slovènes sont également concernés. Ils sont membres de

5 la même catégorie. Ils ont joué leur rôle dans la création de la

6 Yougoslavie.

7 M. Ackerman (interprétation). - Finalement, ce royaume a fini

8 par adopter le nom de Yougoslavie en 1929. Que veut dire yougoslave ?

9 M. Gow (interprétation). - Cela signifie le pays des Slaves du

10 sud.

11 M. Ackerman (interprétation). - Après 1929, lorsque ce pays est

12 devenu la Yougoslavie, cela n'a pas été vraiment un pays qui a vécu dans

13 la paix et l'harmonie sur toute la période qui a suivi ?

14 M. Gow (interprétation). - Je dirai que c'est devenu le royaume

15 de Yougoslavie précisément parce que, dans la période antérieure, il y

16 avait eu pas mal de divergences nationales et politiques qui s'étaient

17 faites jours, notamment par le biais de l'assassinat d'un des

18 représentants croates à l'Assemblée nationale et par la déclaration d'une

19 dictature royale. La proclamation du royaume de Yougoslavie a été une

20 réponse à cette situation.

21 M. Ackerman (interprétation). - Même après 1929, les Croates,

22 notamment, n'ont pas été très satisfaits du sort qui leur a été réservé

23 dans cette Yougoslavie, n'est-ce pas ?

24 M. Gow (interprétation). - La proclamation de la dictature

25 royale ne s'est pas faite sans problème. Vous savez sans doute que le Roi

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1 Alexandre lui-même a été assassiné à Marseille en 1934 par un terroriste

2 macédonien qui agissait de concert avec une organisation terroriste

3 Croate.

4 M. Ackerman (interprétation). - La version de 1929 de la

5 Yougoslavie a finalement pris fin lorsque l’Italie et l’Allemagne ont

6 envahi le pays le 6 avril 1941, n'est-ce pas ?

7 M. Gow (interprétation). - C’est exact.

8 M. Ackerman (interprétation). - Après la Deuxième guerre

9 mondiale, la Yougoslavie, pour l'essentiel, s'est reconstituée, et a été

10 recréée par Tito en tant qu'Etat

11 communiste.

12 M. Gow (interprétation). - Exact. En tant que Fédération

13 communiste.

14 M. Ackerman (interprétation). - Oui, elle se composait des six

15 républiques que nous connaissons bien : la Slovanie, la Croatie, la

16 Bosnie-Herzégovine, la Serbie, le Monténégro et la Macédoine.

17 M. Gow (interprétation). - C’est exact.

18 M. Ackerman (interprétation). - Chacune de ces républiques avait

19 sa propre constitution. Je ne mettrai pas trop l'accent là-dessus. Elles

20 avaient des frontières clairement définies.

21 M. Gow (interprétation). - Chacune d'entre elles jouissait de la

22 souveraineté sur le plan officiel bien que, dans les premières phases, il

23 était entendu que tout cela n'était qu'une façade cachant un pouvoir

24 communiste déguisé. Par la suite, les choses ont changé.

25 S'agissant des frontières clairement définies, elles sont

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1 clairement définies, mais pas toujours de façon précise parce qu'en

2 Yougoslavie un certain nombre de problèmes qui se sont posés ont porté sur

3 la détermination des frontières dans certains cas, notamment entre la

4 Slovénie et la Croatie, la Bosnie et la Serbie. Entre la Bosnie et la

5 Croatie, c'était plus simple parce que la frontière était une rivière.

6 M. Ackerman (interprétation). - Depuis la création par Tito de

7 cette Fédération, ces frontières sont demeurées, en gros, identiques

8 jusqu'à nos jours.

9 M. Gow (interprétation). - Ces frontières, pour autant que je le

10 sache, sont demeurées identiques à l'exception de la frontière entre la

11 Slovénie et l’Italie qui a été déterminée de façon définitive en 1953 et

12 qui est restée la même depuis jusqu'à la fin de la SRFY.

13 M. Ackerman (interprétation). - Je vous ai dit que je n'étais

14 pas remonté beaucoup plus loin que 1918, mais là un défi m'est posé. La

15 Bosnie-Herzégovine existait depuis une date

16 bien antérieure à la création du royaume des Croates et des Slovènes comme

17 on l’appelait.

18 M. Gow (interprétation). - La Bosnie-Herzégovine était une

19 principauté sous l'Empire ostro-hongrois. Bien avant cela, sous l'Empire

20 romain, la Bosnie-Herzégovine avait été un royaume médiéval. Cela dit,

21 c’était une Bosnie-Herzégovine différente de ce qu'elle est aujourd'hui,

22 car les territoires d'aujourd'hui ont été intégrés à la Bosnie-Herzégovine

23 au XVIIIème siècle, ou peut-être au début du XIXème.

24 M. Ackerman (interprétation). - On a souvent dit que la Bosnie

25 peut être reconnue en tant qu’endroit dans lequel il y avait une grande

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1 harmonie entre les différents groupes.

2 M. Gow (interprétation). - C'est ce qu'on a dit. D'autres

3 personnes ont aussi souligné que c'était un endroit où l'on pouvait faire

4 l'expérience de périodes de troubles entre les différents groupes.

5 M. Ackerman (interprétation). - Mais, ce que je viens de dire, a

6 été dit par vous.

7 M. Gow (interprétation). - Oui, en effet. J'en suis certain.

8 M. Ackerman (interprétation). - Le gouvernement fédéral de Tito

9 était un gouvernement constitutionnel dans le sens où il a rédigé une

10 constitution.

11 M. Gow (interprétation). - Effectivement.

12 M. Ackerman (interprétation). - Chacune des Républiques faisant

13 partie de cette Fédération a également rédigé sa propre constitution.

14 M. Gow (interprétation). - C'est exact.

15 M. Ackerman (interprétation). - La Fédération a subi un certain

16 nombre de modifications au cours des années, n'est-ce pas ?

17 M. Gow (interprétation). - La constitution fédérale a subi un

18 certain nombre de changements, effectivement. Mais il y a eu quatre

19 constitutions fédérales : 1946, 1953, 1963, 1974.

20 M. Ackerman (interprétation). - Celle qui m'intéresse en premier

21 lieu est celle

22 de 1974. Le plan constitutionnel fondamental de cette constitution se

23 concentrait sur la reconnaissance des populations ethniques de Yougoslavie

24 et d'un concept de représentation proportionnelle de chacune de ces

25 populations dans les activités gouvernementales.

Page 9176

1 M. Gow (interprétation). - Je ne vois pas très clairement ce que

2 vous entendez par le mot « population » dans votre question.

3 Je répondrai de la façon que je juge la plus exacte, à savoir

4 que la Fédération reposait sur l'idée des Républiques et de l'existence

5 des deux provinces autonomes qui ont été créées à l'intérieur de la Serbie

6 et qui, par la Constitution de 1974, se sont vues octroyer un certain

7 degré d'autonomie, c'est-à-dire pas le même pouvoir que les Républiques,

8 mais en tout cas une autonomie assez comparable.

9 Si par population, vous entendez les Républiques, les personnes

10 habitant dans les Républiques, ma réponse est oui. Si vous entendez autre

11 chose, ma réponse est non. Il devait y avoir une représentation égale au

12 sein des organes fédéraux dans les Républiques.

13 M. Ackerman (interprétation). - Essayons d'être plus précis.

14 Dans la structure de la JNA, un effort a été fait, au moins au niveau du

15 corps des officiers de la JNA, pour que ce corps reflète de façon précise

16 les pourcentages de Serbes, de Croates, de Slovènes, de Macédoniens, de

17 Musulmans qui vivaient en Yougoslavie, de façon à ce que chacun se sente

18 proportionnellement représenté au sein d'un organe d'Etat.

19 M. Gow (interprétation). - Un effort a été accompli sur la base

20 de la représentation ethnique, effectivement. Mais parfois cette base

21 s'est transformée en base de calcul des origines républicaines. C'était

22 donc une représentation proportionnelle au sein du corps des officiers au

23 niveau des Républiques.

24 M. Ackerman (interprétation). - Dans les différentes industries

25 d'Etat qui fonctionnaient en Yougoslavie, quelle était la règle

Page 9177

1 appliquée ?

2 M. Gow (interprétation). - Je ne suis pas sûr que cela ait été

3 le cas dans les

4 industries. Si je comprends bien, et je ne suis pas un expert en

5 industrie, ce n'était pas le cas.

6 Dans la plupart des industries importantes, notamment les

7 grandes industries des Républiques considérées généralement comme les

8 principales industries de l'endroit, vous aviez, par exemple, une

9 industrie du gaz et de l'électricité Croate. Du point de vue des

10 industries, de façon générale chacune était rattachée à une république

11 particulière.

12 M. Ackerman (interprétation). - Conviendriez-vous avec moi que

13 la Constitution de 1974 n'était pas un cadre totalement satisfaisant aux

14 yeux de l'ensemble de la population yougoslave ?

15 M. Gow (interprétation). - Il serait difficile d'en disconvenir

16 car, apparemment c'est toujours le cas, en tout cas à long terme.

17 Certaines personnes finissent par considérer que la constitution n'est pas

18 satisfaisante. En fait, à la fin de la RSFY, la poursuite de cette

19 constitution était largement remise en cause.

20 M. Ackerman (interprétation). - Un sentiment général s'est

21 établi dans le pays selon lequel la constitution donnait à Belgrade et au

22 gouvernement fédéral un rôle trop important dans le gouvernement de la

23 Yougoslavie.

24 M. Gow (interprétation). - Deux points de vue conflictuels

25 existaient. L'un consistait à penser que Belgrade et la Fédération avaient

Page 9178

1 trop de pouvoir, notamment dans la situation où le Parti communiste

2 contrôlait les droits de dévolution aux Républiques de sorte que chacune

3 des Républiques et chacun des Partis communistes a fini par construire ses

4 propres structures. Il existait également un point de vue selon lequel

5 Belgrade et le Monténégro, ainsi que quelques autres entités, n'avaient

6 pas assez de pouvoir.

7 M. Ackerman (interprétation). - Là encore, vous anticipez sur ma

8 question suivante, qui consistait à vous demander si les gens en Serbie

9 estimaient être blessés d'une certaine façon par la construction de cette

10 constitution ?

11 M. Gow (interprétation). - Il y en avait qui se sont sentis

12 blessés, lésés par

13 l'avènement de cette constitution, principalement en raison de la création

14 des régions autonomes et pas tellement en raison de la situation vis-à-vis

15 des autres Républiques. Mais les deux choses en fait à la fin des

16 années 1980 ont fini par coïncider.

17 M. Ackerman (interprétation). - C'est devenu une sorte d'élément

18 public en 1990 avec le mémorandum de l'Académie serbe des arts et des

19 sciences, n'est-ce pas ?

20 M. Gow (interprétation). - Pour être précis, je ne dirai pas

21 avec certitude que les choses sont devenues claires, notamment parce que

22 ce document n'a pas été rendu public immédiatement. Mais, il ne fait aucun

23 doute que la question est devenue une question importante qui traitait de

24 la situation des Serbes en Yougoslavie, notamment sur le plan

25 constitutionnel la situation des Serbes vis-à-vis des provinces autonomes.

Page 9179

1 M. Ackerman (interprétation). - Ces idées étaient très

2 certainement exprimées dans le mémorandum.

3 M. Gow (interprétation). - Oui.

4 M. Ackerman (interprétation). - La base des sujets de plaintes

5 exprimés dans ce mémorandum était que les Serbes ne possédaient pas un

6 pays propre, la Serbie comportant deux provinces autonomes, et que cela

7 était injuste ; les Serbes avaient besoin de définir leur propre intérêt

8 national. Est-ce un résumé à peu près exact ?

9 M. Gow (interprétation). - C'est un résumé à peu près exact dans

10 la mesure où il est exact que cela a été écrit dans le contexte de

11 pressions en faveur de la dissolution de la RSFY.

12 M. Ackerman (interprétation). - Le sens de ce mémorandum

13 consiste à dire que la Serbie n'avait pas le droit de posséder son propre

14 Etat en vertu de la Constitution, pour l'essentiel.

15 M. Gow (interprétation). - Le sens est le suivant : la Serbie

16 n'était pas autorisée à posséder son propre Etat, mais je pense qu'il faut

17 comprendre cela de façon plus précise par référence à l'existence des

18 provinces autonomes (le Kosovo et la Vojvodine) au sein de la Serbie

19 qui possédait donc un certain degré d'autonomie, au moins en 1981. Cette

20 situation est demeurée la situation officielle, mais elle a changé de

21 facto après 1981.

22 Comment la Serbie pouvait-elle exercer sa souveraineté avec la

23 présence de ces provinces autonomes ? C'est la question qui s'est posée et

24 l'on peut dire qu'au sein des organes fédéraux les Serbes ont utilisé leur

25 droit de veto par rapport à ces deux territoires qui constituaient avec la

Page 9180

1 Serbie la totalité de la Serbie. L'idée est que la loi qui faisait de la

2 Serbie une sorte de territoire amputé, réduisait le pouvoir des autorités

3 serbes et du Parlement, et donc que l'existence de ces provinces autonomes

4 était un obstacle.

5 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que malgré le fait que la

6 République s'appelait "République de Serbie", était habitée principalement

7 par des Serbes à l'exception des Albanais, de quelques Musulmans et

8 autres, c'était avant tout une république serbe ?

9 M. Gow (interprétation). - Oui, elle avait une population de

10 quelques 66 % de Serbes.

11 M. Ackerman (interprétation). - Le mémorandum ne se plaignait

12 pas de la même manière à l'égard des Musulmans et de la façon dont la

13 Constitution était injuste à l'égard des Musulmans parce qu'il n'existait

14 pas d'Etat musulman, n'est-ce pas ?

15 M. Gow (interprétation). - Non, mais je ne suis pas sûr que

16 c'était ce qui était attendu d'un mémorandum de l'Académie Serbe.

17 M. Ackerman (interprétation). - Moi non plus.

18 M. Gow (interprétation). - Absolument.

19 M. Ackerman (interprétation). - Ce mémorandum a joué un rôle, et

20 peut-être un rôle important dans la montée de Slobodan Milosevic, n'est-ce

21 pas ?

22 M. Gow (interprétation). - On dit souvent qu'il a joué un rôle

23 important dans la montée de Slobodan Milosevic. Il est certain que quelque

24 chose a contribué à l'atmosphère qui a prévalu au moment où Slobodan

25 Milosevic est devenu premier dirigeant de la Ligue des

Page 9181

1 Communistes de Serbie et qu'il est devenu par la suite Président de la

2 Serbie. Cela a certainement joué un rôle. C'est un problème qui a été lié

3 à son accession au rôle de dirigeant, mais les deux éléments ont joué

4 ensemble.

5 M. Ackerman (interprétation). - Vous avez dit par le passé que

6 ce mémorandum a joué un rôle important dans la montée de Slobodan

7 Milosevic en tant que dirigeant de la Serbie. Allez-vous désavouer cette

8 déclaration ?

9 M. Gow (interprétation). - Non, je reprendrai cette même

10 déclaration, mais j'ajouterai que je comprends maintenant dans quelles

11 conditions j'ai fait cette déclaration.

12 J'ai établi une distinction parce que certains ont parlé de la

13 montée de Slobodan Milosevic comme étant le résultat automatique de la

14 publication du document de l'Académie Serbe et qu'il y avait donc égalité

15 entre les deux événements. Je ne pense pas que c'était le cas. Je pense

16 qu'un problème a surgi, qui a créé les circonstances dans lesquelles

17 Milosevic est devenu dirigeant de la Ligue des Communistes de Serbie.

18 M. Ackerman (interprétation). - Vous ne liriez pas la

19 déclaration de votre ouvrage "Triomphe" comme consistant à nier ce que

20 vous venez d'expliquer, n'est-ce pas ?

21 M. Gow (interprétation). - Non, je tenais simplement à apporter

22 quelques éclaircissements.

23 M. Ackerman (interprétation). - C'est une question terrible.

24 Quand je vous ai demandé si cela a joué un rôle important, vous avez

25 fourni des explications, mais, dans votre ouvrage "Triomphe", vous écrivez

Page 9182

1 la phrase suivante : "Cela a joué un rôle important dans la montée de

2 Slobodan Milosevic". Vous l'écrivez sans aucune explication, sans les

3 explications que vous apportez aujourd'hui. Vous souhaitez donc que les

4 lecteurs de votre livre comprennent ce que vous dites en l'absence de ces

5 explications, n'est-ce pas ?

6 M. Gow (interprétation). - Je préférerais que les lecteurs le

7 fassent en lisant le texte et en se référant à ce qui a été écrit sur le

8 sujet dans le plus grand détail. Je pense que c'est ce

9 qui est équitable pour eux et ce qu'ils souhaitent eux-mêmes. Si je devais

10 réécrire sur le sujet, je prendrais soin d'expliquer les choses de la

11 façon dont je viens de le faire aujourd'hui.

12 M. Ackerman (interprétation). - Nous nous éloignons un peu du

13 sujet et je pense que je peux vous poser des questions un peu plus large.

14 A la fin des années 80, Milosevic et devenu directeur de la

15 Ligue des Communistes de Serbie.

16 M. Gow (interprétation). - Exact.

17 M. Ackerman (interprétation). - Avant son ascension à ce poste,

18 des problèmes s'étaient-ils posés avec les Albanais vis-à-vis de

19 prétentions des Serbes minoritaires selon lesquelles ils subissaient une

20 discrimination, étaient expulsés de leurs emplois et des choses du même

21 genre ?

22 M. Gow (interprétation). - Exact.

23 M. Ackerman (interprétation). - Milosevic à été envoyé sur les

24 lieux par la personne qui, à l'époque, dirigeait la Ligue des Communistes

25 pour voir s'il pouvait régler la situation.

Page 9183

1 M. Gow (interprétation). - Exact.

2 M. Ackerman (interprétation). - C'est pendant l'une de ces

3 visites au Kosovo qu'il a prononcé l'une de ses allocutions qui est

4 devenue célèbre, dans laquelle il a dit aux Serbes rassemblés : "Personne

5 ne devrait pouvoir avoir le droit de vous battre".

6 M. Gow (interprétation). - C'est lors de sa deuxième visite en

7 cinq jours, parce qu'une manifestation avait été organisée selon un

8 scénario bien précis qu'il en est arrivé à prononcer ces mots

9 effectivement.

10 M. Ackerman (interprétation). - L'effet de ces mots sur la

11 population, sur la minorité serbe, a consisté à les pousser à demander des

12 dispositions particulières.

13 M. Gow (interprétation). - Vous avez déjà indiqué que la

14 communauté serbe avait

15 été bouleversée. Milosevic a fait exploser la situation en utilisant des

16 situations pré-organisées à l'intention de son peuple.

17 M. Ackerman (interprétation). - Il a aussi établi clairement

18 qu'il fallait regarder du côté de Belgrade pour chercher un appui dans

19 cette situation et par rapport à ce mécontentement ?

20 M. Gow (interprétation). - Il a établi clairement qu'il pouvait

21 chercher du soutien du côté de Belgrade pour exprimer leur mécontentement.

22 M. Ackerman (interprétation). - Une fois qu'il a pris le pouvoir

23 en tant que dirigeant de la Ligue des Communistes, l'une des choses qu'il

24 a tenté d'accomplir a consisté à supprimer l'autonomie du Kosovo et à

25 vider cette région de son sens en la réintégrant à la Serbie ?

Page 9184

1 M. Gow (interprétation). - Exact.

2 M. Ackerman (interprétation). - Y est-il parvenu ?

3 M. Gow (interprétation). - Bien qu'officiellement le Kosovo ait

4 toujours été une région autonome, les pouvoirs qui la rendaient autonome,

5 ont été supprimés.

6 M. Ackerman (interprétation). - Ce qui a réellement supprimé la

7 raison de l'autonomie demeure l'action de Milosevic qui a obtenu trois

8 votes au sein de la présidence, c'est ce qui lui a fait gagner son poste.

9 C'est donc une action politique qui a eu lieu ?

10 M. Gow (interprétation). - Exactement.

11 M. Ackerman (interprétation). - Supprimer l'autonomie du Kosovo

12 et le vider de son sens, est-ce que, malgré l'éclatement de la guerre,

13 cela a été fait dans le contexte de menaces et d'une situation dangereuse

14 à l'époque ?

15 M. Gow (interprétation). - La situation était dangereuse

16 effectivement à l'époque.

17 M. Ackerman (interprétation). - L'autonomie a donc été enlevée

18 au Kosovo au cours de ce que je considère comme le dernier vote important,

19 en tous cas le vote le plus

20 important, qui a eu lieu dans une situation de contrainte en présence de

21 militaires.

22 Pour que les choses dont nous discutons soient tout à fait

23 claires, je rappelle que dans l'affaire Tadic, vous avez dit au Tribunal :

24 "Lorsque le vote ultime sur la suppression de l'autonomie ou, en tous cas,

25 la réduction de l'autonomie du Kosovo est survenu, cela s'est fait dans un

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1 climat de menaces considérables...". Je recommence : "Lorsque le vote

2 ultime sur la suppression de l'autonomie ou, en tous cas, d'éléments de

3 l'autonomie du Kosovo a eu lieu, ce vote a eu lieu dans un climat de

4 menaces considérables avec des éléments du ministère Fédéral et du

5 ministère de l'Intérieur, ainsi que des forces armées de l'armée populaire

6 yougoslave déployée dans la région, à l'intérieur du Parlement et autour

7 du Parlement". Est-ce exact ?

8 M. Gow (interprétation). - Oui, j'ai dit cela.

9 M. Ackerman (interprétation). - Et vous l'avez dit parce que

10 c'est la vérité ?

11 M. Gow (interprétation). - Je l'ai dit parce que, selon moi,

12 c'est une interprétation exacte, associée à tout ce que je vous ai déjà

13 dit précédemment.

14 M. Ackerman (interprétation). - Ces événements qui se

15 déroulaient en Serbie et qui étaient liés à la suppression de l'autonomie

16 du Kosovo et de la Vojvodine ont eu un effet relativement important sur la

17 façon de penser des autres habitants vivant dans les autres républiques de

18 la Yougoslavie, n'est-ce pas ?

19 M. Gow (interprétation). - Selon moi, cela a été le cas.

20 M. Ackerman (interprétation). - Cela a créé une appréhension

21 quant au fait que les dirigeants de Belgrade pouvaient tenter d'étendre

22 leurs pouvoirs au-delà des frontières de la Serbie, n'est-ce pas ?

23 M. Gow (interprétation). - Cela a créé une appréhension quant au

24 fait que les dirigeants de Belgrade s'intéressaient à renforcer les

25 éléments centraux de la fédération, et ce faisant cherchaient à réduire

Page 9186

1 les pouvoirs détenus par les républiques.

2 Comme je l'ai dit précédemment, le fait d'avoir placé le

3 contrôle du Parti

4 communiste au niveau des républiques avait débouché sur la création d'un

5 certain nombre de structures politiques. Ceux qui étaient engagés dans ces

6 structures politiques, ne souhaitaient pas que leur position soit

7 modifiée.

8 M. Ackerman (interprétation). - C'est à ce moment-là que les

9 habitants des autres républiques ont commencé à discuter sérieusement de

10 sujets tels que l'autoprotection et peut-être même de sujets tels que

11 l'indépendance, n'est-ce pas ?

12 M. Gow (interprétation). - C'est en tout cas la façon dont je

13 comprends les choses, sans aucun doute.

14 M. Ackerman (interprétation). - L'un des résultats manifeste de

15 cette appréhension, de cette inquiétude, a été la création de partis

16 politiques à base ethnique dans les républiques, n'est-ce pas ?

17 M. Gow (interprétation). - Il est exact que des partis

18 ethniquement définis ont vu le jour dans les autres républiques, comme

19 d'ailleurs également en Serbie.

20 M. Ackerman (interprétation). - En 1990, des élections se sont

21 déroulées en divers endroits et le Parti communiste a subi un échec. Ce

22 sont les partis ethniques qui ont remporté la grande majorité des voix à

23 l'issue de ces élections.

24 M. Gow (interprétation). - En fait, cela dépend de la partie des

25 états yougoslaves dont vous parlez. La Ligue des Communistes rénovée de

Page 9187

1 Slovénie a obtenu d'assez bons résultats parce que le dirigeant du Parti

2 communiste, de l'époque dont vous parlez, avait été réélu un week-end

3 auparavant au poste de Président de la Slovénie.

4 M. Ackerman (interprétation). - M. Kucan ?

5 M. Gow (interprétation). - Oui, M. Kucan. Donc, l'image qu'on

6 peut dépeindre varie d'un endroit à l'autre.

7 M. Ackerman (interprétation). - Mais, c'était très certainement

8 le cas en Bosnie-Herzégovine ?

9 M. Gow (interprétation). - En Bosnie-Herzégovine, il est exact

10 de dire que la grosse majorité des sièges est revenue à des parties à

11 caractéristiques ethniques, bien que 25 % des voix à peu près soient

12 revenues à des partis non caractérisés sur le plan ethnique.

13 M. Ackerman (interprétation). - C'est également dans cette

14 période de modification, de transformation, qu'il y a eu une

15 transformation de la législation en Croatie qui a eu pour résultat que la

16 population serbe de Croatie a pu croire que son statut avait changé.

17 M. Gow (interprétation). - Il y a eu un certain nombre de

18 transformations de la législation en Croatie. Vous faites référence au

19 projet de nouvelle constitution croate de 1990 dont j'ai parlé dans ma

20 déposition hier. Si tel est le cas, je dirai dans ma déposition

21 d'aujourd'hui que c'est effectivement vrai, qu'il y a eu des

22 transformations qui ont modifié la façon dont le peuple serbe de Croatie

23 apparaissait dans la constitution. Ils ont pris cela pour une diminution

24 de leur statut.

25 M. Ackerman (interprétation). - Et les choses en sont arrivées à

Page 9188

1 un moment où le peuple serbe de Croatie a déclaré autonomes les deux

2 régions dont vous avez parlé hier ?

3 M. Gow (interprétation). - Non, je ne crois pas que cela se soit

4 fait en réaction à cette décision, à cette transformation

5 constitutionnelle. Elle a été un facteur qui a joué un rôle important dans

6 la création de la situation à cause de laquelle les Serbes de Croatie ont

7 été mécontents, mais il y en a eu d'autres. A l'été 1992, il y a eu

8 restructuration du ministère de l'Intérieur par exemple, une autre

9 transformation en Croatie qui, à mon avis, avait pour but de se

10 débarrasser des Serbes et des Communistes, les deux étant considérés comme

11 allant de pair. On voulait se débarrasser à la fois des Serbes et des

12 Communistes mais en dernière analyse, le résultat était le même. Tout cela

13 a créé de l'appréhension au sein de la communauté serbe de Croatie.

14 Mais la déclaration de la Republika Sbrska de Krajina n'est pas

15 venue beaucoup plus tard et la déclaration d'autonomie de l'une des deux

16 régions autonomes, je ne me rappelle pas

17 exactement les dates, s'est produite de nombreux mois après cette

18 transformation constitutionnelle alors que la déclaration de la première a

19 eu lieu très peu de temps après.

20 Il serait simpliste de dire que la déclaration des régions

21 autonomes est venue en réaction au changements constitutionnels ; ils ont

22 été l'un des facteurs qui a pu jouer un rôle dans la proclamation des

23 régions autonomes serbes.

24 M. Ackerman (interprétation). - Vous comprenez bien que je ne

25 pose pas ces questions dans le vide. J'aimerais vous rappeler quelques-uns

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1 des mots que vous avez vous-même écrits au sujet de ce changement

2 constitutionnel.

3 Je cite : "Cela a très certainement été une étape qui a fait que

4 les Serbes de la région de Krajina ont commencé à ressentir un sentiment

5 de menace. Dans cette situation, parfois avec l'aide de l'armée populaire

6 yougoslave, avec le soutien de Belgrade, les Serbes locaux ont commencé à

7 proclamer des régions autonomes. Dans le courant de l'année 1990, ils ont

8 déclaré la création de deux régions autonomes, l'une en Krajina et l'autre

9 en Slovénie orientale... "

10 M. Gow (interprétation). - En Slavonie.

11 M. Ackerman (interprétation). - "En Slavonie orientale, en

12 Baranja et dans le SREM. Dans ces conditions, ils ont commencé à créer, en

13 tout cas dans la région de Krajina, une zone de no man's land de facto

14 pour les autorités croates", (fin de citation). C'est ce que vous avez dit

15 dans l'affaire Tadic. C'est une description assez précise.

16 M. Gow (interprétation). - C'est une description précise et, en

17 tout cas, elle me paraît tout à fait correspondre à ce que j'ai dit

18 précisément en réponse à vos questions.

19 M. Ackerman (interprétation). - Ces types d'activité ont

20 constitué les premières étapes ou les premiers couloirs de la mort de la

21 Yougoslavie en quelque sorte. C'est à ce moment là que la Yougoslavie a

22 commencé à se démanteler ?

23 M. Gow (interprétation). - Il faudrait faire un travail

24 universitaire. Quand la

25 Yougoslavie a-t-elle commencé à se démanteler c'était effectivement un des

Page 9190

1 événements qui amenaient à sa dissolution.

2 M. Ackerman (interprétation). - Nous n'allons pas laisser les

3 choses en l'état. Vous avez maintenant l'occasion de parler du

4 démantèlement de la Yougoslavie, d'accord ? J'espère que vous aurez la

5 possibilité de nous dire ce que vous tenez à nous dire sur ce point. Si

6 nous adoptons une vision générale sur la dissolution de la Yougoslavie,

7 cela s'est produit à cause de la fin de la guerre froide, n'est-ce pas ?

8 M. Gow (interprétation). - La fin de la guerre froide a

9 effectivement été l'un des facteurs pertinents.

10 M. Ackerman (interprétation). - En fait, la colle qui tenait

11 tous ces Etats ensemble était un besoin de défense collective dans toute

12 la région yougoslave afin de dissuader une éventuelle agression

13 soviétique.

14 M. Gow (interprétation). - Sous la domination de Tito, ils

15 pouvaient faire des choses qui pouvaient maintenir une certaine

16 discipline. Après sa mort, les possibilités d'une invasion soviétique ont

17 été considérées comme une raison de maintenir les choses telles quelles.

18 M. Ackerman (interprétation). - Un autre facteur a été qu'au

19 cours de toute la période de la guerre froide et, certainement après cette

20 rupture entre Tito et Staline, l'Occident a considéré la Yougoslavie comme

21 un point stratégique important dans le cadre de la guerre froide, n'est-ce

22 pas ?

23 M. Gow (interprétation). - Ce n'était pas un point stratégique

24 d'importance prioritaire, ni pour l'Occident, ni pour l'Union soviétique.

25 Mais, effectivement, cette région avait un certain intérêt stratégique.

Page 9191

1 C'est un peu comme cela que sa position au cours de la guerre froide a été

2 définie.

3 M. Ackerman (interprétation). - Je crois avoir lu quelque part

4 que l'Ouest considérait le territoire de Yougoslavie comme une espèce

5 d'itinéraire, peut-être pas très

6 probable, mais qui pourrait être utilisé par l'Union soviétique si elle

7 avait l'intention d'envahir l'Europe. Par conséquent, l'Occident avait un

8 certain intérêt à maintenir une armée yougoslave assez puissante et un

9 cadre de défense au sein de l'armée yougoslave dans le contexte de la

10 guerre froide. Est-ce exact ?

11 M. Gow (interprétation). - Il y avait un certain nombre

12 d'éléments dans ce que vous avez dit. Peut-être puis-je vous apporter mon

13 concours.

14 Au cours de la guerre froide, l'Occident a considéré trois

15 questions stratégiques principales concernant la Yougoslavie. Il y avait

16 notamment la menace que constituait l'Union soviétique. Mais la question

17 principale, question stratégique pour l'OTAN, était toujours le front

18 central, c'est-à-dire les forces d'Europe Centrale en Allemagne.

19 M. Ackerman (interprétation). - Vous avez parlé d'un vide, c'est

20 cela ?

21 M. Gow (interprétation). - Oui, la deuxième raison était

22 d'empêcher les membres de l'Union soviétique de s'établir sur la côte

23 adriatique de la Yougoslavie, d'établir des structures navales. La

24 troisième raison était la volonté de maintenir un régime communiste en

25 Yougoslavie, mais un régime communiste dissident qui n'était pas loyal à

Page 9192

1 Staline. J'espère que ces points vous ont aidés.

2 Cela ne veut pas dire forcément qu'il fallait renforcer l'armée

3 yougoslave ; notamment, dans les années 1950, les Etats-Unis ont aidé la

4 Yougoslavie à survivre et à ne pas tomber sous le contrôle soviétique à

5 nouveau.

6 Cependant, je ne suis pas sûr que, jusque dans les années 80, il

7 n'y avait pas de raison pour supposer que l'armée yougoslave ait des liens

8 avec l'occident. Il semblait que les Soviétiques seraient plus proches. Il

9 n'y avait pas de raison de penser que les liens seraient plus proches avec

10 l'Union Soviétique qu'avec l’occident, en cas de guerre.

11 M. Ackerman (interprétation). - Très bien.

12 M. Gow (interprétation). - Ce qui est confirmé dans une certaine

13 mesure par la

14 relation entre le Général Kadijevic et un général de l'Union Soviétique

15 durant les derniers jours auxquels nous faisons référence.

16 M. Ackerman (interprétation). - Je voudrais maintenant avancer

17 dans le temps. Nous avons donc vu la mort de Tito. Nous voyons la fin de

18 la guerre froide et les problèmes, dont nous venons de parler, émerger en

19 Yougoslavie, puis l'apparition de Slobodan Milosevic.

20 Pensez-vous qu'il y ait eu une période au cours de laquelle

21 Slobodan Milosevic s'est vu comme un nouveau Tito potentiel, un nouvel

22 homme fort de la Yougoslavie qui pourrait maintenir la Yougoslavie et son

23 unité, de la même manière dont Tito l'avait fait, en utilisant cette idée

24 de la fraternité et de l'unité ? Pensez-vous que cela était possible, que

25 Slobodan Milosevic a pensé cela ?

Page 9193

1 M. Gow (interprétation). - Je ne voudrais pas exprimer quelles

2 étaient les pensées de Milosevic, ni me mettre à sa place. Je ne sais pas

3 s'il a exprimé une opinion sur ce point, mais je pense que cela

4 l'intéressait, qu'il voulait atteindre la position suprême.

5 Il y avait également l'impression selon laquelle des

6 représentants diplomatiques de Belgrade, vers 1987/1988, avaient

7 effectivement examiné la possibilité d'un nouvel homme fort qui arriverait

8 jusqu'à la position suprême pour prendre le contrôle de la Yougoslavie.

9 M. Ackerman (interprétation). - C'est ce qu'a pensé le

10 Département d'Etat des Etats-Unis, n’est-ce pas, pendant une période de

11 deux ans ?

12 M. Niemann (interprétation). - Objection. Je ne vois pas la

13 pertinence de cette question.

14 M. Ackerman (interprétation). - Au départ, c'était un Communiste

15 endurci. Il adhérait au concept de la fraternité et de l'unité. Milosevic

16 était opposé aux idées nationalistes qui naissaient en Serbie, n’est-ce

17 pas ?

18 M. Gow (interprétation). - C’est difficile à dire. Je ne sais

19 pas quelle était son opinion. Il adhérait sans doute aux principes établis

20 du Parti vers 1987, lorsqu'il a fait ses deux

21 visites au Kosovo. Lorsqu'il est revenu, il semblait avoir adopté un

22 nouveau programme, de nouveaux principes.

23 J’ajoute que, durant sa première visite au Kosovo, il a

24 effectivement prononcé les différents principes du Communisme yougoslave.

25 Lorsqu'il y est revenu, à la fin de la semaine, il avait une perspective

Page 9194

1 différente.

2 M. Ackerman (interprétation). - Ce discours apparaît dans :

3 « Vie et Mort de la Yougoslavie », n'est-ce pas ?

4 M. Gow (interprétation). - Oui, je suppose.

5 M. Ackerman (interprétation). - Connaissez-vous cette citation

6 de Milosevic : « L'apparition du mémoire de l'Académie des arts et des

7 sciences serbe ne représente que le pire des nationalismes. Il signifie la

8 liquidation du système actuel socialiste de notre pays. Cela veut dire la

9 désintégration après laquelle il n'y aura pas de survie. Aucune des

10 nations ou nationalités ne survivra. La politique de fraternité et d’unité

11 de Tito est la seule base sur laquelle la survie de la Yougoslavie pouvait

12 être assurée ». Connaissez-vous cette citation ?

13 M. Gow (interprétation). - Oui.

14 M. Ackerman (interprétation). - Vous dites qu'au cours de sa

15 deuxième visite au Kosovo, il s'est rendu compte que la voie qui

16 l’amènerait au pouvoir était le nationalisme plutôt que l'unité ou la

17 fraternité, n’est-ce pas ?

18 M. Gow (interprétation). - Oui, effectivement, cela semble être

19 le cas.

20 M. Ackerman (interprétation). - Le fait que Milosevic ait reçu

21 des Etats-Unis un soutien -nous venons d'en parler- lui a permis d'avoir

22 suffisamment de courage pour poursuivre dans ses efforts de construire son

23 pouvoir en Yougoslavie, n'est-ce pas ?

24 M. Gow (interprétation). - Je ne suis pas sûr de pouvoir faire

25 des remarques sur le soutien qu'il a reçu des Nations unies et la manière

Page 9195

1 dont il l'a ressenti.

2 M. Ackerman (interprétation). - Je voudrais vous rappeler

3 quelque chose que vous

4 avez écrit vous-même, dans un article qui s'appelle « Survie ».

5 Je vous cite : « Les Etats-Unis ont donné à Milosevic un soutien

6 clair pendant les deux premières années de sa montée au pouvoir en Serbie.

7 Cela montrait l'espoir qu'avaient les Etats-Unis qu'un tel leader, un tel

8 dirigeant pourrait mener la politique de la Yougoslavie, de la même façon

9 que Tito. Le soutien des Etats-Unis à Milosevic allait renforcer

10 l'agressivité des dirigeants serbes vis-à-vis d'autres éléments de la

11 Fédération ».

12 Vous rappelez-vous de cela ?

13 M. Niemann (interprétation). - Objection. Je ne vois pas comment

14 la position des Etats-Unis vis-à-vis de Slobodan Milosevic est pertinente

15 à nos débats.

16 M. le Président (interprétation). - Je suppose qu'il y a des

17 moyens de contourner les choses. Peut-être est-ce un détour qui est

18 utilisé par le conseil ! Peut-être veut-il arriver quelque part,

19 finalement ! Je sais que tout cela est pertinent, mais je ne vois pas où

20 le conseil veut en venir. Peut-être Maître Ackerman peut-il nous le dire ?

21 M. Ackerman (interprétation). - Les choses paraîtront

22 pertinentes lorsque je ferai mes remarques finales à la fin du

23 contre-interrogatoire. Je ne suis pas en train de vous faire perdre votre

24 temps en abordant des sujets qui ne semblent pas pertinents. J'essaie

25 d'aller le plus vite possible, d'ailleurs.

Page 9196

1 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.

2 M. Ackerman (interprétation). - En septembre 1989, la Slovénie a

3 amendé sa constitution en déclarant la souveraineté de la République,

4 n'est-ce pas ?

5 M. Gow (interprétation). - Oui.

6 M. Ackerman (interprétation). - Et après cette mesure -on peut

7 l’appeler « cette mesure fatale » ou « cette étape fatale »-, bref après

8 son indépendance, toutes les républiques ont eu tendance à faire de même,

9 n'est-ce pas ?

10 M. Gow (interprétation). - Oui. En général, oui, elles essaient.

11 Chaque république

12 essayait d'établir son statut.

13 M. Ackerman (interprétation). - A chaque fois, la Serbie a

14 essayé de proposer ce qui serait une nouvelle fédération yougoslave

15 essayant de maintenir une seule Yougoslavie qui serait contrôlée par

16 Belgrade ?

17 M. Gow (interprétation). - Oui, c'est exact.

18 Pour en revenir à la question précédente, lorsque la Slovénie a

19 pris cette mesure, c'était aussi après l'affirmation de la souveraineté

20 par le Kosovo en Serbie.

21 M. Ackerman (interprétation). - Oui, j'essaie de faire de mon

22 mieux. Je sais que je ne procède pas de façon chronologique. Je ne cesse

23 d’aller et venir dans cette chronologie.

24 M. Gow (interprétation). - Oui, je comprends que c'est

25 difficile. Je fais cela tout le temps.

Page 9197

1 M. Ackerman (interprétation). - Oui, effectivement.

2 La Croatie et la Slovénie, pendant cette période, ont proposé

3 une nouvelle Yougoslavie qui aurait plus la structure d’une confédération,

4 qui prendrait pour modèle, dans une certaine mesure, la

5 Communauté européenne, une association quelque peu informelle d’Etats

6 souverains.

7 M. Gow (interprétation). - Je ne sais pas si c'était le modèle

8 de l'Union européenne qui a été pris, peut-être y a-t-il eu une allusion,

9 effectivement. Il y a eu une proposition conjointe en vue d'une

10 confédération qui aurait pour but d'assurer la souveraineté et

11 l'indépendance politique des Républiques contre la position serbe qui

12 était de proposer une Yougoslavie en se fondant sur un ancien modèle qui

13 consisterait à centraliser le pouvoir à Belgrade, ou au centre en tout

14 cas.

15 M. Ackerman (interprétation). - Qu'est-ce qui vous pose

16 problème, que j'ai dit : « utilisé comme modèle l'Union européenne » ?

17 M. Gow (interprétation). - Non, je ne vais pas contester ce

18 point.

19 Je voulais exprimer une certaine réserve quant au fait que le

20 modèle de l'Union européenne avait été utilisé. La Communauté européenne a

21 été une image qui a été parfois associée avec ce qui se produisait en

22 Yougoslavie.

23 Excusez-moi, je ne voulais pas interrompre les débats sur ce

24 point.

25 M. Ackerman (interprétation). - Vous voyez quand je pose une

Page 9198

1 telle question, vous êtes long parce que lorsque j'obtiens une réponse de

2 ce type, je suis obligé de rallonger la question parce que je dois vous

3 lire une citation de votre livre.

4 Dans votre livre « Triomphe » vous dites : « La confédération a

5 été proposée par les Slovènes et les Croates qui souhaitaient réformer la

6 Yougoslavie et en faire une association informelle d’Etats souverains dont

7 le modèle utilisé était l'Union européenne ». Ce sont bien vos mots ?

8 M. Gow (interprétation). - Ce sont mes mots. Je fais la

9 distinction entre les mots que j'ai utilisés et mon interprétation. J'ai

10 dit que cette image avait été utilisée et que les intentions ou

11 l'élaboration de cette nouvelle association avait été évoquée. Je ne pense

12 pas que ce soit un problème très important. J'espère que cela ne l'est

13 pas. Vous pouvez m'attribuer mon interprétation plutôt que de l'attribuer

14 à d'autres personnes.

15 M. Ackerman (interprétation). - J’essaie simplement de dire que

16 parfois vous discutez de la formulation de mes questions. Vous finissez

17 par contester vos propres mots.

18 M. Gow (interprétation). - Je ne pense pas me contester moi-

19 même. Peut-être que sur ce point, je suis sur le point d'être récusé, mais

20 je ne pense pas être en discordance avec mes propres mots. Je suis

21 cohérent avec les mots que j'ai écrits. Lorsque vous me posez une

22 question, j'essaie d'être précis au moment d’y répondre.

23 M. Ackerman (interprétation). - Vous vous rappelez avoir dit

24 lorsque vous avez répondu à ma question : « Je ne dirai pas que le modèle

25 de la Communauté européenne a été utilisé » ? C’est bien ce que vous

Page 9199

1 m’avez dit ?

2 M. Gow (interprétation). - Je souhaiterais voir le compte rendu

3 sur ce point. Je ne pense pas me rappeler précisément avoir dit cela.

4 M. Ackerman (interprétation). - Je crois que nous ergotons. Il

5 faudrait nous arrêter maintenant.

6 A cette époque, la politique de l'Occident, pour autant qu'il y

7 avait une politique de l'Occident, se concentrait principalement sur la

8 tentative de préserver la fédération yougoslave, c’est-à-dire l’état de

9 Yougoslavie.

10 M. Gow (interprétation). - Oui.

11 M. Ackerman (interprétation). - Et cette position a eu l'effet

12 peut-être non désiré de soutenir les objectifs de Milosevic et des Serbes,

13 n'est-ce pas ?

14 M. Gow (interprétation). - Oui. Cela me semble exact.

15 M. Ackerman (interprétation). - Parce que Milosevic et les

16 Serbes ont vu que l'Occident soutenait leurs efforts de maintenir en

17 l'état la fédération yougoslave, Milosevic et les Serbes se sont sentis la

18 liberté, ou plutôt Milosevic et les Serbes n’ont pas senti la nécessité

19 d'être flexibles sur leur proposition.

20 M. Gow (interprétation). - Oui, cela semble exact.

21 M. Ackerman (interprétation). - Lorsque la Croatie a annoncé sa

22 souveraineté en 1990, les Serbes ont réagi à ce moment-là en Croatie. Ils

23 ont effectivement coupé une partie de la Croatie, en ont fait un no man's

24 land pour les Croates et ont commencé à créer ces zones autonomes, n'est-

25 ce pas ?

Page 9200

1 M. Gow (interprétation). - Oui, nous en avons déjà parlé.

2 M. Ackerman (interprétation). - Milosevic a commencé à

3 comprendre alors qu'il n'allait pas réussir à remplir ses objectifs,

4 c’est-à-dire à devenir l'homme fort de la Yougoslavie et à maintenir

5 l'Etat yougoslave sous son contrôle. Il a commencé à parler de la

6 souveraineté de la nation serbe et il a annoncé que les Serbes devraient

7 être regroupés dans une seule nation.

8 Même s'il ne pouvait pas obtenir tout le territoire de la Yougoslavie, il

9 en obtiendrait autant que possible pour en faire une nation serbe. Peut-on

10 dire cela ?

11 M. Gow (interprétation). - Il m'est difficile de répondre à

12 certaines de ces questions parce que la formulation semble revêtir une

13 interprétation un peu large et un peu vague. Ces mots sont importants, des

14 mots que j'ai moi-même utilisés parfois dans un certain contexte.

15 Mais je ne veux pas sortir de ce contexte. Il me semble que dans

16 ce contexte, il y a un certain fardeau, une certaine difficulté à prendre

17 la formulation plus au sérieux que dans d'autres cas. Il faut donc essayer

18 d'être précis dans ces phrases et dans ces mots.

19 Je m'excuse devant vous tous si je ne dis pas les choses

20 correctement. Mais je crois que cela me paraît difficile parfois de

21 définir une formulation.

22 M. Ackerman (interprétation). - Laissez moi vous dire quelque

23 chose. Je vous pardonne. Vous êtes ici en tant qu'expert. Nous voulons

24 tous être précis. Je ne suis pas un expert et je ne peux pas être

25 suffisamment précis. Chaque fois que vous avez besoin de précisions dans

Page 9201

1 l’une de mes questions, s'il vous plaît, demandez le moi. Bien entendu,

2 nous comprenons que vous ne pouvez pas répondre à des questions

3 imprécises.

4 M. Gow (interprétation). - Oui, c'est ce que j'ai dit. J'ai dit

5 cela parce que j'aurais pu répondre oui à la question que vous venez de me

6 poser, mais j'aurais des réserves quant à la terminologie utilisée.

7 M. Ackerman (interprétation). - Voulez-vous être plus précis

8 quant à ce que j'ai dit ou voulez-vous que je vous lise quelque chose que

9 vous avez écrit dans votre livre sur ce point ?

10 M. Gow (interprétation). - Comme vous le souhaitez.

11 M. Ackerman (interprétation). - Vous avez dit dans votre livre,

12 et c'est vraiment la base de cette question imprécise que je viens de vous

13 poser : « Milosevic a déclaré que la nation serbe était souveraine et que

14 tous les Serbes, par conséquent, devaient vivre dans un seul Etat.

15 Cela voulait dire que si une fédération yougoslave ne devait pas

16 naître, des tentatives seraient engagées pour réunir les Serbes, tous les

17 Serbes. Ni la Croatie ni la Bosnie, où les Serbes constituaient environ

18 30 % du territoire, ne pourrait acquérir leur indépendance sans problème.

19 En 1991, lorsque les troubles ont éclaté dans ces pays, à la

20 fois Milosevic et des leaders de l'opposition, ont fait des discours qui

21 contenaient une menace de guerre ».

22 Je voudrais attirer votre attention sur la première partie de

23 cette citation. « La déclaration de souveraineté de la nation serbe et

24 tous les Serbes réunis dans un seul Etat ». C'est là d’où j'ai tiré ma

25 question imprécise.

Page 9202

1 M. Gow (interprétation). - Si vous l'exprimez ainsi, je peux

2 vous répondre oui, bien sûr cela ne me pose aucun problème. Mais la

3 terminologie que vous aviez utilisée auparavant me semblait différente et

4 un peu vague. Bien sûr, c'était le cas.

5 M. Ackerman (interprétation). - En fait, lorsque j'ai des

6 problèmes avec vous, c'est que je prends ce que vous avez dit et que j'y

7 mets mes propres mots. C'est pour cela que je ne suis pas aussi précis que

8 vous.

9 M. Gow (interprétation). - Je ne veux pas que vous ayez de

10 problèmes avec moi, mais peut-être avons-nous parfois des échanges un peu

11 rapide. La raison en est que j'essaie d'être simplement précis sur ce qui

12 est dit.

13 M. Ackerman (interprétation). - J'apprécie tout à fait votre

14 effort.

15 Après ces annonces -et là je parle des annonces portant sur la

16 réunion de tous les Serbes dans une seule nation, par exemple par

17 Milosevic- il est devenu clair pour les dirigeants, en Croatie et en

18 Slovénie, que tout espoir d'obtention d'un arrangement avec Milosevic pour

19 créer une nouvelle fédération yougoslave était vain, n'est-ce pas ?

20 M. Gow (interprétation). - Je pense qu'ils ont tiré cette

21 conclusion et qu'ils l'ont peut-être fait avant.

22 M. Ackerman (interprétation). - En tout cas, il y avait des

23 signes très forts qu'il n'y aurait aucun arrangement possible avec

24 Milosevic. L'un de ces signes était la réunion du 15 mars 1991 lorsque

25 Stipe Mesic n’a pas eu la possibilité d'occuper son poste à la présidence.

Page 9203

1 M. Gow (interprétation). - Le 15 mai 1991.

2 M. Ackerman (interprétation). - Je voudrais revenir pour un

3 instant sur ce dont nous avons parlé, c'est-à-dire la politique de l'ouest

4 qui, en fait, a consisté à soutenir les objectifs de Milosevic, c'est-à-

5 dire à maintenir la Fédération yougoslave telle quelle.

6 Mais en plus cette politique a eu pour résultat, au moins dans

7 l'esprit de Milosevic ou dans celui de Kadijevic ou d'autres dirigeants

8 serbes, de penser qu'il y avait une certaine légitimité quant à

9 l'utilisation de la force en Slovénie et en Croatie au moment où ces deux

10 républiques ont déclaré leur indépendance et se sont séparées de la

11 Fédération yougoslave.

12 M. Gow (interprétation). - Je ne suis pas sûr, si je vous

13 comprends bien, de pouvoir dire qu'il y avait une légitimité d'utilisation

14 de la force pour maintenir la Yougoslavie, mais il y avait un certain

15 soutien quant au maintien de la Yougoslavie en tant qu'unité. Peut-être

16 ces personnes ont-elles pensé que, si la force était utilisée, certaines

17 objections seraient formulées, mais qu'au bout du compte cela n'avait pas

18 beaucoup d'importance.

19 Je peux ajouter, puisqu'il semble que vous vous appuyez de façon

20 assez considérable sur la séquence des événements tels qu'expliqués dans

21 le livre, que, depuis la fin de ce livre, je me suis rendu compte que,

22 bien que certaines de ces impressions sont fondées sur des apparences

23 extérieures et sur les circonstances de l'époque, lorsqu'on étudie plus

24 particulièrement certains points, les mémoires de Warren Zimmermann, par

25 exemple, l'Ambassadeur des Etats-Unis à Belgrade à l'époque, et sur le

Page 9204

1 journal de Jovic auquel nous avons fait référence plus tôt, les Etats-Unis

2 disaient officieusement : « Nous soutenons l'idée d'une seule Yougoslavie,

3 mais nous ne ferons jamais obstacle à la démocratie ».

4 Peut-être est-ce dans le livre, mais cela apparaît clairement

5 dans le journal de Jovic.

6 Il y a un certain nombre de cas et certains articles écrits en 1991 qui

7 parlent de ce point.

8 M. Ackerman (interprétation). - Etes-vous en train de me dire

9 que votre livre « Triomphe », que vous souhaitez voir passer l'épreuve de

10 l'histoire ou l’épreuve des 30 ans à venir, a déjà commencé à s'émietter ?

11 M. Gow (interprétation). - Pas du tout. Je ne pense pas qu'il y

12 ait eu de changements très importants. Je dis simplement que je pense que

13 de nouveaux documents apparaîtront par la suite et qu'ils seront

14 disponibles.

15 M. Ackerman (interprétation). - Je crois que c'est un bon moment

16 pour la pause.

17 M. le Président (interprétation). - Nous devrions lever

18 l'audience pour 30 minutes. Vous continuerez ensuite.

19 L'audience est suspendue à 16 heures 35.

20 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

21 M. le Président (interprétation). - Maître Ackerman, poursuivez.

22 M. Ackerman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

23 Professeur Gow, je vais essayer une fois encore, d'atteindre mon

24 objectif. Pour l'instant, j'essaie d'avancer aussi vite que possible,

25 c'est ma priorité. J'aimerais que nous couvrions assez rapidement un

Page 9205

1 certain nombre d'éléments historiques, la toile de fond historique.

2 Je n'essaie pas d'être particulièrement précis sur ces points-là

3 parce qu'il s'agit précisément de dresser ici une toile de fond générale

4 et j'espère, à un certain moment, entrer dans plus de détails et sur des

5 points qui demandent, au contraire, beaucoup de précisions. Combien de

6 temps allons-nous passer à dresser cette toile de fond ? Cela dépend

7 principalement de vous. Je n'aimerais pas, bien sûr, que vous me

8 permettiez de me tromper, de faire une déclaration erronée, sur le plan

9 historique mais surtout, je vous en prie, à moins que vous ayez à

10 apporter des précisions, je vous demande de ne pas jouer sur les mots si

11 je pose une question qui est à peu près correcte. Je ne sais pas si on

12 peut le faire, mais du moins j'aimerais bien que nous essayions. Moi, je

13 vais essayer en tout cas, c'est vraiment mon objectif.

14 La question que je veux vous poser maintenant est la suivante :

15 est-il bien exact qu'en 1990 et 1991, la politique occidentale,

16 volontairement ou involontairement, vis-à-vis de la Serbie, a contribué à

17 un durcissement de son intransigeance parce que l'Occident voulait ce que

18 la Serbie voulait, par conséquent la Serbie et l'armée serbe avaient peu

19 de marge de manoeuvre et devaient rester inflexibles. La Serbie et son

20 armée étaient convaincues que, pour sortir de cette impasse, il fallait

21 prendre des mesures unilatérales. La politique occidentale a ,de fait,

22 permis de légitimer le recours à la force qui a été utilisé contre la

23 Slovénie tout d'abord et ensuite contre la Croatie. Est-ce exact ?

24 M. Gow (interprétation). - Je pense que c'est exact.

25 Mais pour revenir à ce que vous disiez avant la pause, cette

Page 9206

1 idée de menace ou non, ce que j'ai dit concernant la démarche de

2 l'Ambassadeur Zimmermann à un certain moment, lorsque Kadijevic s'est

3 rendu à Moscou en mars, on lui a assuré qu'il n'y aurait pas

4 d'intervention, donc ceci se rattache à la situation que je décrivais

5 précédemment. Je tenais à le préciser ; je voulais clarifier ce que nous

6 avions dit avant la pause.

7 M. Ackerman (interprétation). - Oui, il y a eu un certain nombre

8 de déclarations faites par des gouvernements occidentaux qui s'étaient

9 engagés à ne pas envoyer de troupes en Yougoslavie. De fait, le climat qui

10 prévalait n'était pas un climat de peur, en tout cas à Belgrade, pas de

11 crainte qu'il y aurait une intervention militaire durant toute la guerre

12 et jusqu'en 1995 et d'une façon générale, c'est bien ce qui s'est passé.

13 M. Gow (interprétation). - Oui, je crois que, d'une façon

14 générale, on pensait que c'est la situation qui prévalait jusqu'à ce qu'un

15 certain point ne soient pas franchi, qu'une certaine limite ne soit pas

16 dépassée.

17 M. Ackerman (interprétation). - Précédemment, vous avez parlé de

18 Milan Kucan, le Président de la Slovénie. Il y a eu un moment où Milosevic

19 était prêt à établir un accord dans le cadre duquel il accorderait,

20 l'indépendance de la Slovénie contre l'accord de la Slovénie de modifier

21 la constitution de la République Socialiste Fédérative de Yougoslavie. Il

22 est clair que Milosevic essayait précisément de modifier cette

23 constitution et de modifier l'interprétation de la souveraineté qui y

24 était faite pour faire en sorte que les nations, les peuples, c'est-à-dire

25 ceux qu'ils considéraient comme des groupes ethniques et nationaux,

Page 9207

1 quelles que soient leurs limites nationales, soient revus.

2 M. Gow (interprétation). - Oui, généralement, on peut dire que

3 c'est exact.

4 M. Ackerman (interprétation). - Bien.

5 M. Kucan a déclaré relativement à cet entretien qu'il avait eu

6 avec Milosevic qu'il était évident au cours de cet entretien que les

7 Serbes n'insisteraient pas pour garder la Slovénie à l'intérieur de la

8 Yougoslavie.

9 Je cite : « Nous, les Slovène, -a-t-il dit- nous avions dit que

10 nous voulions avoir le droit d'avoir notre propre Etat. Milosevic a

11 répondu : « Les Serbes veulent que ce droit leur soit reconnu ». Je parle

12 là de tous les Serbes de Yougoslavie, « qu'on leur reconnaisse le droit à

13 être dans un seul et même Etat ». J’ai répondu que les Serbes avaient,

14 certes, également ce droit, mais de même que les Slovènes, ils pouvaient

15 exercer ce droit dans la mesure où il l'exerçait sans aller à l’encontre

16 d’autres nations. Milosevic a répondu : « Oui, bien sûr, c'est évident »,

17 « Suite à cela, nous sommes partis en avion pour Lubjana ».

18 Vous vous rappelez cette déclaration faite par Milan Kucan

19 concernant ces vues suite à l'entretien qu'il avait eu avec Milosevic ?

20 M. Gow (interprétation). - Oui, en effet.

21 M. Ackerman (interprétation). - Aussi brièvement que possible,

22 j'aimerais aborder les efforts déployés par la communauté européenne pour

23 essayer de trouver une solution à cette

24 crise. Il y a eu un plan élaboré très tôt qui a été le résultat d'une

25 conférence le 7 septembre 1991 entre Lord Carrington et d'autres

Page 9208

1 participants qui présidaient cette conférence.

2 Les principes de cet accord étaient les suivants : qu'il n'y

3 aurait pas de changements unilatéraux des frontières par la force, qu'il y

4 aurait une protection de tous ceux qui se trouvaient sur le territoire de

5 la Yougoslavie, un respect des aspirations et des intérêts légitimes des

6 uns et des autres, n'est-ce pas ?

7 M. Gow (interprétation). - En effet.

8 M. Ackerman (interprétation). - Et ce projet, n'est-ce pas, a

9 été en bien des aspects similaires au plan édifié par la Slovénie, par la

10 Croatie qui visait à créer une confédération assez lâche, confédération

11 assez proche en fait de celle prévalant dans le cadre de l'Union

12 européenne de la communauté européenne à l'époque.

13 M. Gow (interprétation). - C’est ce que j’ai interprété,

14 d'autres personnes ont eu d'autres interprétations. Je crois qu’à

15 Belgrade, ce n'est pas l'interprétation qui a prévalu, pardon excusez-moi,

16 ma réponse à la question, est oui, c'est tout.

17 M. Ackerman (interprétation). - Cinq des six dirigeants locaux,

18 régionaux en Yougoslavie étaient d'accord avec ce plan proposé par Lord

19 Carrington, n'est-ce pas ?

20 M. Gow (interprétation). - Cinq des Républiques se sont mis

21 d'accord pour signer ce projet.

22 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que Milosevic s'est

23 prononcé à l'encontre de ce projet ?

24 M. Gow (interprétation). - Oui, il s’est prononcé contre le

25 principe qui sous-tendait l'accord.

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1 M. Ackerman (interprétation). - Et en fait, il s'est opposé à ce

2 projet parce qu'il a dit qu'il ne voulait pas que les Serbes deviennent

3 une minorité nationale dans de nouvelles Républiques au sein de la

4 Yougoslavie. En fait, il voulait que ces minorités en Croatie et en

5 Bosnie-Herzégovine jouissent de leur propre souveraineté, que ces

6 minorités Serbes jouissent de leur propre souveraineté ?

7 M. Gow (interprétation). - Pour autant que je m'en souvienne, la

8 délégation Serbe, dans le cadre de la conférence de Carrington, a soulevé

9 la question selon laquelle les Serbes en Croatie pouvaient ou pas être

10 considérés comme souverains. Avaient-ils le droit ou pas à

11 l'autodétermination ? Je crois que c'est là la question précise qui a été

12 posée lors de cette conférence. La réponse à cette question, pour autant

13 que je m'en souvienne, a été qu'on ne pouvait pas considérer que cette

14 minorité était souveraine, mais on pouvait peut-être considérer qu'ils

15 avaient un certain droit à un certain degré d'autodétermination.

16 M. Ackerman (interprétation). - Et la réponse de Milosevic à

17 ceci, son objection était dans la droite ligne de l’accord qu'il avait

18 essayé d'établir avec Kucan précédemment ?

19 M. Gow (interprétation). - En effet. Sa tentative d'arriver à un

20 accord avec Kucan, je précise que Kucan n'a pas accepté cette modification

21 de la constitution, cet accord s'est fait sur ces mêmes principes, c'est-

22 à-dire que la totalité du peuple Serbe jouisse d'un droit à la

23 souveraineté quel que soit le territoire sur lequel ils se trouvent.

24 M. Ackerman (interprétation). - Et en fait, ce qui lui

25 paraissait particulièrement inadapté dans cette proposition, c'est qu'il

Page 9210

1 n'y aurait pas de restauration de la souveraineté pour le Kosovo et la

2 Vojvodine.

3 M. Gow (interprétation). - Il faudrait que je me replonge sur la

4 lettre de cet accord pour m’en souvenir. Je ne m'en rappelle pas

5 exactement comme cela pour ce qui est de la restauration de la

6 souveraineté du Kosovo et de la Vojvodine.

7 M. Jan (interprétation). - Excusez-moi un instant, vous avez

8 dit qu'il fallait que la minorité serbe soit souveraine sans limitation au

9 point de vue du territoire, qu’entendez-vous par là exactement ? Je ne

10 comprends pas très bien.

11 M. Gow (interprétation). - Si je puis me permettre...

12 M. Jan (interprétation). - Je voulais simplement un

13 éclaircissement.

14 M. Gow (interprétation). - Ce que je voulais dire, c'est que

15 l'idée proposée par Milosevic était la suivante : la nation serbe, le

16 peuple serbe devait être considéré comme étant un peuple souverain, sur

17 tous les territoires qu'il occupait dans l'ex-Yougoslavie et non pas une

18 souveraineté accordée à certains territoires isolés délimités, certaines

19 républiques, par opposition à des unités territoriales.

20 Ce que Milosevic proposait, c'est en fait que la souveraineté

21 soit accordée non pas à la Serbie, à la Bosnie-Herzégovine, à la Croatie,

22 à la Slovénie ni à la Macédoine, mais qu’elle soit accordée au peuple

23 serbe. Il proposait de reconnaître les Slovènes comme, là aussi, un groupe

24 de populations, comme un ensemble.

25 Si Kucan acceptait de faire ces modifications, le statut des

Page 9211

1 Serbes dans l'ensemble du territoire serait considéré comme celui d'un

2 peuple souverain. Suis-je clair ?

3 Il proposait de faire en sorte que les Serbes, quel que soit

4 leur emplacement géographique sur le territoire, deviennent une

5 incarnation de la souveraineté plutôt que d’en faire une question d'unité

6 territoriale qui serait accordée à un certain degré de souveraineté.

7 M. le Président (interprétation). - Vous dites donc que, quelles

8 que soient les limites territoriales des différents constituants...

9 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)

10 M. Gow (interprétation). - J’espère que je vous ai aidé.

11 M. Jan (interprétation). - Oui, merci.

12 M. Gow (interprétation). - Ce que cela veut dire dans la

13 pratique, c’est que cela posait la modification de la souveraineté

14 d'autres entités souveraines.

15 M. Ackerman (interprétation). - Bien. Professeur Gow, essayons

16 de continuer.

17 Je vais vous citer une fois encore : « Sur six républiques, cinq

18 ont accepté en principe le plan proposé par la Communauté européenne. Dès

19 lors, le seul obstacle était

20 Milosevic qui rejetait ce plan, en dépit du fait que cette objection

21 n'était pas entièrement infondée. L'objection primaire de la Serbie,

22 c'était le statut proposé des communautés serbes en dehors de la Serbie

23 qui serait classifié comme faisant partie d'une nation dans le cadre de

24 l'ancienne Yougoslavie. Ces communautés deviendraient dès lors de

25 nouvelles entités nationales. La position de la Serbie était que ces

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1 minorités devaient devenir souveraines. Cela correspondait à la

2 proposition des Serbes en Croatie. Un autre obstacle majeur était le

3 quiproquo concernant l'autonomie politique des Serbes en Croatie, la

4 restauration de l'autonomie pour les provinces serbes de Kosovo et de

5 Vojvodine, le retrait desquelles avait été au centre du programme

6 politique de Milosevic, en fait qui avait été son seul accomplissement

7 depuis son arrivée au pouvoir en 1986. En suggérant une telle chose, il a,

8 en fait, interféré dans les affaires internes de la Serbie ».

9 Qu’en pensez-vous ?

10 M. Gow (interprétation). - C'est tout à fait valable. Je me

11 permets de souligner -vous m'avez interrompu à ce moment-là, je n'ai pas

12 pu répondre comme je le voulais- qu'il y a une différence entre quelque

13 chose qui serait intégré dans un plan et le quiproquo qui a rendu très

14 clair le fait que le camp serbe souhaitait obtenir un certain type de

15 statut pour les Serbes en Croatie.

16 La question de la province du Kosovo se posait également,

17 province contenant une majorité de populations d'Albanie. Comme je le

18 disais, il faudrait que je puisse me replonger dans la lettre de cet

19 accord. Je ne crois pas qu'une référence spécifique ait été faite au

20 Kosovo, mais c'est ce quiproquo qui portait sur la question de l'autonomie

21 des Serbes en Croatie. Ce quiproquo était également lié aux types

22 d'arrangements similaires qui étaient en train d'être établis avec la

23 Serbie.

24 M. Ackerman (interprétation). - Pour clarifier les choses autant

25 que possible, la Communauté européenne essayait de fonctionner sur la base

Page 9213

1 des principes du droit international

2 ancrés depuis longtemps, qui émergeaient d'un accord signé à Helsinki,

3 accord portant sur l'intégrité des frontières nationales.

4 Milosevic, d'un autre côté, essayait de créer un statut de

5 souveraineté qui se basait sur un nationalisme ethnique, sans se limiter à

6 des frontières délimitant une nation. C'est cela qui l'opposait à la

7 Communauté européenne et à la communauté internationale à ce moment-là,

8 n'est-ce pas ?

9 M. Gow (interprétation). - Oui, c'était précisément au centre de

10 la question.

11 M. Ackerman (interprétation). - Je vais vous poser à présent une

12 autre question. Nous venons de décrire une certaine philosophie, celle qui

13 était proposée par Milosevic.

14 Cette philosophie n'a pas été toujours très cohérente telle

15 qu'elle a été formulée, en tout cas par Milosevic. En effet, il n'a jamais

16 exprimé la volonté d'appliquer ce principe aux Albanais qui visaient au

17 Kosovo. Il n'a jamais dit qu'ils devaient jouir d'une certaine

18 souveraineté. Il ne semblait vouloir appliquer ce principe qu’aux Serbes

19 sur l’ensemble du territoire de Yougoslavie, n’est-ce pas ?

20 M. Gow (interprétation). - Oui, en effet. Si vous voulez, je

21 peux essayer d'expliquer pourquoi il a procédé ainsi.

22 M. Ackerman (interprétation). - Si c’est important, allez-y,

23 mais il me semble que, ce qui est évident, c'est que le principe qu'il

24 était prêt à appliquer aux Serbes, qu’il n'était pas prêt à l'appliquer

25 aux Albanais, est aux dépens des Serbes, n’est-ce pas ? C'est bien cela

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1 qu'il a fait.

2 M. Gow (interprétation). - Oui, on peut synthétiser et dire les

3 choses ainsi.

4 M. Ackerman (interprétation). - N'oublions pas que nous essayons

5 de progresser un peu plus rapidement, n’est-ce pas ? Disons que nous

6 sommes d'accord sur ce point, vous êtes d'accord ?

7 (Le témoin fait un signe affirmatif.)

8 M. Ackerman (interprétation). - Je ne sais pas si le Tribunal

9 sait très bien qui est Kadijevic, nous en avons parlé beaucoup, je ne sais

10 pas si nous avons défini qui il était et quel étaient son rôle ? Pouvez-

11 vous le faire et nous dire qui il était et quel était son rôle exactement

12 M. Gow (interprétation). - Si je ne l'ai pas dit dans le cadre

13 de mon témoignage d'hier, alors, je m'en excuse, je vais essayer

14 d'éclaircir les choses. Le Général Kadijevic était le secrétaire fédéral à

15 la défense dans le cadre de la République socialiste fédérative de

16 Yougoslavie. Il était, en fait, la personne occupant le plus haut poste

17 dans la structure militaire, il était à la fois ministre au gouvernement

18 en tant que représentant officiel au sein de la présidence collégiale, il

19 était également commandant placé sous les ordres du commandant suprême qui

20 était la présidence de la Yougoslavie, il était donc commandant de la JNA,

21 de l'armée populaire yougoslave.

22 M. Ackerman (interprétation). - Kadijevic, tout comme Milosevic,

23 était formellement opposé à cette idée proposée par la Communauté

24 européenne à l'époque, n'est-ce pas ?

25 M. Gow (interprétation). - Comme Milosevic, il était opposé. Je

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1 ne sais pas si l'objection se fondait sur les mêmes idées, mais il était

2 opposé.

3 M. Ackerman (interprétation). - Il a qualifié le plan comme

4 étant, je cite, l'attaque de l'Allemagne contre la Yougoslavie pour la

5 troisième fois au cours du siècle.

6 M. Gow (interprétation). - En effet.

7 M. Ackerman (interprétation). - Il avait aussi une crainte toute

8 personnelle dans le sens où il avait compris que l'adoption d'un tel plan

9 supposerait la fin de l'armée populaire yougoslave et peut-être la fin de

10 son poste de commandant.

11 M. Gow (interprétation). - Oui, la dissolution de Yougoslavie

12 signifiait cela. Est-ce que le plan lui-même supposait exactement cela ?

13 Je ne sais pas. En tout cas, c'est ce qu'il a compris. Il a compris que

14 telles seraient les conséquences de l'adoption de ce plan.

15 M. Ackerman (interprétation). - Bien, mais je pense qu'en

16 faisant cette déclaration, il signifiait que, d'après lui, l'adoption du

17 plan supposerait la fin de l'armée yougoslave.

18 M. Gow (interprétation). - Oui.

19 M. Ackerman (interprétation). - Je crois que vous avez souvent,

20 fort souvent exprimé vos vues sur le sujet que je vais maintenant aborder.

21 Je crois que nous pourrons procéder très rapidement. Vous avez un bon

22 nombre de fois prononcé votre jugement sur ce point, à savoir que la

23 Yougoslavie a cessé d'exister le 15 mai 1991, lorsque Stipe Mesic n'a pas

24 pu occuper son siège en tant que Président de la présidence de

25 Yougoslavie.

Page 9216

1 M. Gow (interprétation). - Peut-être que j'ai formulé cette

2 opinion. Il me semble qu'une question m'a été posée sur ce point dans le

3 cadre de l'affaire Tadic. Il me semble que, dans ces circonstances-là,

4 j'ai dit que oui, à partir de ce moment-là, la RSFY a cessé de fonctionner

5 en tant que telle et je pense qu'on peut dire qu'elle a cessé d'exister

6 officiellement le 27 avril 1992 et je le dis parce que cela correspond à

7 ce qui a été dit par la commission Badinter.

8 M. Jan (interprétation). - Qui est Mesic ?

9 M. Gow (interprétation). - Stipe Mesic était le représentant

10 croate qui avait été désigné pour faire partie du conseil d'état,

11 autrement dit, la présidence collective. Et dans le cadre de cette

12 présidence, il y avait des représentants de chacune des six républiques

13 plus un représentant des deux provinces autonomes à l'intérieur de la

14 Serbie. Il y avait également le ministre de la défense, Kadijevic qui

15 participait à toutes les réunions. Mesic, le 15 mai 1991 devait, dans le

16 cadre de la rotation du siège de la présidence, devenir Président de ce

17 conseil. Avant, cette relation n'était qu'une simple formalité, mais ce

18 jour-là, le vote permettant de procéder à cette rotation a été bloqué,

19 c'est la raison pour laquelle j'ai dit que le 15 mai était la date à

20 laquelle la RSFY a, en fait, cessé d'exister. Si elle a cessé d'exister,

21 c'est précisément parce qu'il y a eu ce blocus du vote.

22 M. Ackerman (interprétation). - Quand on dit : "cesser

23 d'exister", cela veut dire qu'elle a vraiment cessé d'exister, elle ne

24 pouvait plus continuer à fonctionner comme une fédération. Donc, en fait à

25 partir de ce moment-là, elle n'a plus vraiment eu d'existence officielle.

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1 M. Gow (interprétation). - Oui, c'est ce que je dirais moi, mais

2 en fait, tout n'est pas aussi simple, et c'est bien ce que j'ai essayé de

3 dire tout à l'heure.

4 M. Ackerman (interprétation). - A nombre d'occasions, je crois

5 que vous avez pris soin d'utiliser les mots : "a cessé de fonctionner" par

6 opposition à : "a cessé d'exister", vous seriez d'accord avec ce que je

7 vais dire maintenant, à savoir qu'à partir d'avril 1992, elle avait cessé

8 d'exister ?

9 M. Gow (interprétation). - Je serai entièrement d'accord avec

10 vous sur ce point.

11 M. Ackerman (interprétation). - A partir du 1er mai 1992, il n'y

12 avait plus de RSFY, n'est-ce pas ?

13 M. Gow (interprétation). - Je vous l'accorde.

14 M. Ackerman (interprétation). - Fort bien. Au 1er mai 1992, les

15 autorités fédérales à Belgrade ne contrôlaient plus les choses que du

16 point de vue juridique, ne contrôlaient plus que les aspects juridiques de

17 ce qui se passait en Serbie et au Monténégro, ce n'est que sur ces points-

18 là qu'elles pouvaient exercer leur pouvoir en tant que gouvernement.

19 M. Gow (interprétation). - La Serbie et le Monténégro étaient

20 les républiques qui constituaient alors la République fédérale de

21 Yougoslavie, la RFY.

22 M. Ackerman (interprétation). - Cette RFY ne dépassait pas les

23 frontières délimitées par la Serbie et le Monténégro ?

24 M. Gow (interprétation). - En effet, c'était le cas, je crois.

25 M. Ackerman (interprétation). - A ce moment-là, ceci était

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1 reconnu, c'était un fait reconnu. Je ne parle pas de reconnaissance

2 diplomatique de la RFY, je parle d'une reconnaissance de facto,

3 reconnaissance du fait que la Serbie et le Monténégro étaient

4 désormais une entité distincte et que la RFY était constituée de ces deux

5 entités.

6 M. Gow (interprétation). - C'est exact.

7 M. Ackerman (interprétation). - N'y avait-il pas eu bien avant

8 cela un accord adopté par Milosevic même si, de temps en temps, il

9 changeait un peu de position, accord fait en octobre 91, accord selon

10 lequel les frontières seraient respectées. N'avait-il pas dit cela ?

11 M. Gow (interprétation). - Oui, le 4 octobre 1991, il s'est mis

12 d'accord sur le principe de l'intégrité territoriale.

13 M. Ackerman (interprétation). - Fort bien.

14 Quand la Communauté européenne a compris que la Yougoslavie

15 était en train de se dissoudre, et qu'il y avait de forts désirs

16 d'indépendance du côté de la Slovénie, du côté de la Croatie et peut-être

17 également du côté d'autres républiques, sa réponse a été de mettre sur

18 pied une commission chargée d'étudier cette évolution, cette commission a

19 été appelée, je n'arrive pas à prononcer son nom, mais je crois que

20 c'était la Commission Badinter, n'est-ce pas ?

21 M. Gow (interprétation). - La communauté européenne a préparé

22 une conférence qui s'est tenue ici à La Haye et la commission qui a été

23 placée sous la présidence de Robert Badinter, le juriste français, a eu

24 pour mission de formuler un avis sur les problèmes juridiques qui se

25 posaient.

Page 9219

1 M. Ackerman (interprétation). - Cette commission avait

2 principalement pour fonction de donner un avis à la Communauté européenne

3 sur quelles devraient être les conditions qui présideraient à l'octroi

4 d'un statut d'indépendance à ces républiques, n'est-ce pas ?

5 M. Gow (interprétation). - La commission a été mise sur pied

6 pour essayer d'apporter une réponse aux questions formulées par

7 Lord Carrington, le Président de la Conférence sur les domaines qui le

8 préoccupaient, par exemple quand la délégation serbe a soulevé cette

9 question, nous avons parlé précédemment de la souveraineté des serbes ou

10 le droit d'autodétermination, précisément, Lord Carrington a posé la

11 question à la Commission et a

12 essayé d'obtenir un avis consultatif de cette commission d'un point de vue

13 juridique, mais, un peu plus tard.

14 J'ai l'impression que je comprends seulement maintenant ce que

15 vous voulez dire, dans le cadre de ce processus, plus tard au mois de

16 décembre 1991, la Communauté européenne a décidé d'inviter les républiques

17 yougoslaves qui cherchaient à obtenir une reconnaissance du point de vue

18 international à se manifester. Et dans ce cadre, le conseil de la

19 Communauté européenne, dans le cadre de la conférence, a demandé l'avis de

20 la commission sur ce point, a demandé à la commission d'évaluer ou de

21 peser les candidatures de ces différentes républiques et d'établir un

22 certain nombre de lignes de conduite générale permettant de savoir si oui

23 ou non elles pouvaient obtenir ce statut.

24 M. Jan (interprétation). - Est-ce la même commission que celle

25 qui a été décrite comme une commission d'arbitrage par le Pr. Kalic ?

Page 9220

1 M. Gow (interprétation). - Peut-être, mais il faudrait que je

2 vérifie le procès-verbal d'audience pour voir quel nom lui a donné le

3 Dr Kalic. Il s'agissait de la commission consultative auprès de la

4 Conférence européenne sur la Yougoslavie.

5 M. Ackerman (interprétation). - Cette Commission Badinter a

6 proposé au Conseil européen des orientations à appliquer par le Conseil

7 pour déterminer s'il convenait ou s’il ne convenait pas d'accorder la

8 reconnaissance de ces Etats en tant qu’Etats à part entière.

9 M. Gow (interprétation). - Des orientations ont été fournies par

10 la Commission consultative, des avis quant à la façon d'appliquer ces

11 orientations également.

12 M. Ackerman (interprétation). - Et un moment est arrivé, n'est-

13 ce pas, où le Conseil européen a décidé d'accepter et d'appliquer la

14 vision de la Commission en ce qui concerne ces orientations.

15 M. Gow (interprétation). - Je ne suis pas sûr de bien comprendre

16 ce que vous voulez dire, mais en tout cas je répondrai la chose suivante :

17 le Conseil européen, au cours de la

18 nuit du 16 au 17 décembre 1991, a accepté les projets d'orientation et a

19 décidé d'accepter la personnalité internationale indépendante de ces

20 Etats. Le 15 janvier 1992, le Conseil européen s’est réuni pour discuter

21 des avis proposés par la Commission consultative, après quoi il a pris des

22 décisions politiques sur la base de ces avis mais pas uniquement sur la

23 base de ces avis, puisque l'un des avis en question consistait à penser

24 que la Macédoine devait également être internationalement reconnue. Pour

25 diverses raisons, cela n'a pas eu lieu.

Page 9221

1 M. Ackerman (interprétation). - Je pense que vous pourrez être

2 plus précis après que je vous aurai donné lecture de vos propres mots. Je

3 vais donc le faire. Je cite : « Une semaine seulement après avoir établi

4 une politique commune de l'Union européenne, et y compris après avoir pris

5 l’avis de la Commission Badinter et avoir décidé d'agir conjointement,

6 Bonn, c’est-à-dire le Gouvernement allemand, a annoncé le 23 décembre 1991

7 qu'il reconnaîtrait la Slovénie et la Croatie et établirait des relations

8 diplomatiques avec ces 2 Etats le 15 janvier » (fin de citation).

9 M. Gow (interprétation). - C'est exact.

10 M. Ackerman (interprétation). - Ce qui s’est passé, en fait,

11 c'est que le Gouvernement allemand ayant accepté d'en passer par la

12 Commission Badinter, pour diverses raisons -et nous pourrions discuter

13 longuement de ces raisons mais nous n'avons pas besoin de le faire ici- a

14 dit : « Nous allons procéder à la reconnaissance effective le

15 15 janvier ». C’est bien ce qui s'est passé, n'est-ce pas ?

16 M. Gow (interprétation). - C’est ce qui s’est passé.

17 M. Ackerman (interprétation). - Ce qui se passait à ce moment-là

18 au sein de la Communauté européenne, cela a été un effort très délibéré et

19 très minutieux pour tenter de traverser méthodiquement ce processus en

20 évitant l'éclatement d'hostilités armées, n'est-ce pas ? Lorsque la

21 reconnaissance a finalement été octroyée, le but consistait à tenter

22 d'établir un cadre, un accord, une façon de procéder qui minimiserait

23 autant que faire se peut le risque d'éclatement

24 d'une guerre.

25 M. Gow (interprétation). - Je pense que la Communauté

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1 européenne, comme cela a été le cas d'ailleurs d'autres protagonistes

2 internationaux, a souhaité limiter toute possibilité d'hostilités armées

3 ou en tout cas en réduire l'importance. Encore fois, pardonnez-moi de

4 faire ce que vous appellerez « me quereller », mais je ne crois pas que je

5 sois en train de me quereller avec vous ; je cherche simplement à être

6 clair. Les hostilités armées se déroulaient déjà en Croatie, qui est l'un

7 des pays en question. Elles duraient depuis 6 mois à cette date-là. Je ne

8 pense donc pas qu'il ait été question pour la Communauté européenne de

9 faire ce qu'elle pouvait pour empêcher la possibilité d'hostilités armées,

10 ces hostilités existaient déjà.

11 Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, ou si je vous ai bien

12 entendu, je pense que vous me demandiez si telle était la motivation de la

13 mise en oeuvre du travail décidé lors de cette réunion du Conseil des

14 Ministres de la Communauté européenne. Or, je pense que ce dont il

15 s'agissait, c'était de trouver les modalités de la gestion du processus de

16 dissolution de la RSFY avant tout.

17 M. Ackerman (interprétation). - Il y avait certainement un sens,

18 n'est-ce pas ? Nous parlons ici, bien sûr, d'un travail diplomatique très

19 sensible qui se déroulait à l'époque, mais il y avait bien un sens donné

20 par la Communauté européenne à cette action, c'est-à-dire qu'en recourant

21 aux travaux de la Commission Badinter, en mettant le plus grand soin, la

22 plus grande attention à ces délibérations, le Conseil des Ministres de la

23 Communauté européenne tentait de mettre un terme aux hostilités qui

24 avaient lieu en Croatie mais aussi d'empêcher l'éclatement d'une guerre

25 plus importante en Yougoslavie. Ce n'était pas ce que les représentants

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1 avaient à l'esprit lorsqu'ils ont essayé de réaliser leur tâche ?

2 M. Gow (interprétation). - Je pense qu'ils espéraient

3 certainement être en mesure d'empêcher cela, mais la question en débat

4 était très importante. Même lors de la réunion de décembre du Conseil des

5 ministres de la Communauté européenne à laquelle j'ai fait référence,

6 entre ceux qui estimaient qu'il convenait d'aller vers une reconnaissance

7 de la personnalité indépendante et internationale de ces Etats et ceux qui

8 estimaient qu'il serait préférable de retarder le processus, les

9 différences étaient grandes.

10 M. Ackerman (interprétation). - Je pense que vous conviendrez

11 qu’au moins plusieurs commentateurs ont estimé que l'action du

12 Gouvernement allemand a peut-être contribué à l'éclatement d'une guerre

13 plus vaste, plus large.

14 M. Gow (interprétation). - Je conviens qu'un certain nombre de

15 commentateurs ont proféré ce genre d'observations.

16 M. Ackerman (interprétation). - Bien.

17 J’aimerais que nous accélérions un peu. Je vous demanderai de

18 vous concentrer sur les événements qui se sont produits en

19 Bosnie-Herzégovine, notamment en octobre 1991. Peut-être que nous

20 n'avancerons pas dans le temps, mais nous avancerons en ce qui concerne

21 les sujets abordés.

22 Octobre 1991 et les activités qui se déroulaient au Parlement de

23 Bosnie à cette date. Le Parlement de Bosnie-Herzégovine a affirmé la

24 qualité d’Etat souverain de la Bosnie-Herzégovine, à savoir que la

25 Bosnie-Herzégovine était un Etat peuplé de citoyens égaux et de peuples de

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1 Bosnie-Herzégovine, à savoir les Musulmans, les Slaves islamisés, les

2 Serbes et les Croates, ainsi que d'autres populations, d'autres groupes

3 qui vivaient sur ce territoire. Cela s'est produit en octobre 1991, n'est-

4 ce pas ?

5 M. Gow (interprétation). - Exact.

6 M. Ackerman (interprétation). - A cette date, dans ce Parlement,

7 le représentant du SDS était un homme répondant au nom de

8 Radovan Karadzic.

9 M. Gow (interprétation). - A cette date, Karadzic était le

10 dirigeant du SDS au Parlement bosniaque, bien qu'à la date précise de

11 l'adoption de la plate-forme relative à la souveraineté, d'après ce dont

12 je me souviens, Karadzic avait fait sortir les délégués du SDS de la

13 salle.

14 M. Ackerman (interprétation). - Le 14 octobre 1991, exprimant

15 son opposition à l'idée de souveraineté pour la Bosnie-Herzégovine, il a

16 effectivement pris la parole à la tribune, n'est-ce pas ?

17 M. Gow (interprétation). - Oui, en effet.

18 M. Ackerman (interprétation). - J'aimerais reprendre ces mots,

19 dites-moi si je les cite avec précision. Je cite : « Vous souhaitez mener

20 la Bosnie-Herzégovine sur le même chemin de souffrance et d'enfer que la

21 Croatie et la Slovénie viennent de traverser. Ne croyez pas que vous

22 pourrez mener la Bosnie-Herzégovine en enfer et ne croyez pas que,

23 peut-être, vous pourrez entraîner la disparition du peuple musulman, parce

24 que les Musulmans ne pourront pas se défendre en cas de guerre. Comment

25 empêcherez-vous que tout le monde se fasse tuer en Bosnie-Herzégovine ? »

Page 9225

1 (fin de citation). C'est exact ?

2 M. Gow (interprétation). - C'est exact.

3 M. Ackerman (interprétation). - Les paroles sont assez

4 provocantes, n'est-ce pas ?

5 M. Gow (interprétation). - Apparemment, oui.

6 M. Ackerman (interprétation). - Le Président Izetbegovic a jugé

7 nécessaire de répondre à ces propos en disant : « En tant que Président de

8 la présidence de Bosnie-Herzégovine, j'ai le regret, dans cette situation,

9 de devoir prendre la parole au nom du peuple musulman. Je déclare

10 solennellement que les Musulmans n'attaqueront personne. Mais je déclare

11 solennellement aussi que les Musulmans se défendront avec la plus grande

12 détermination et qu'ils survivront. Ils ne disparaîtront pas, comme

13 Karadzic l’a dit. Ils ne peuvent pas disparaître » (Fin de citation). Vous

14 vous rappelez ces mots ?

15 M. Gow (interprétation). - Oui, je me les rappelle.

16 Il pourrait être utile pour les Juges que j'ajoute de surcroît

17 que ce débat au sujet de la plate-forme relative à la souveraineté se

18 déroulait sur une toile de fond marquée par la

19 création des régions autonomes serbes dont j'ai déjà parlé dans ma

20 déposition. Cette création des régions autonomes a eu lieu en

21 septembre 1991.

22 M. Ackerman (interprétation). - Oui. La vision qu'avait

23 Radovan Karadzic à l'esprit à l'époque, dont une partie avait déjà été

24 transformée en réalité par la déclaration, résidait dans le fait qu'une

25 grande partie de la Bosnie-Herzégovine deviendrait peut-être purement

Page 9226

1 serbe et deviendrait partie intégrante de la RSFY.

2 M. Gow (interprétation). - C’est ce que je dirais,

3 effectivement.

4 M. Ackerman (interprétation). - Un grand nombre de Serbes de

5 Bosnie-Herzégovine, pourtant, ont rejeté cette vision de Radovan Karadzic,

6 n’est-ce pas ?

7 M. Gow (interprétation). - Il ne fait aucun doute qu'un grand

8 nombre de Serbes n'ont pas nécessairement accordé leur appui à cette

9 vision de Karadzic, y compris des adhérents du SDS. Par exemple, un peu

10 plus tard, lorsqu’ils se sont rendu compte de ce qui se passait

11 exactement, ils ont même quitté le parti.

12 M. Ackerman (interprétation). - Dans votre livre, vous avez

13 écrit -et il y a peut-être un problème de relecture de cette phrase-...

14 Vous admettez qu'il y a un problème de révision de l'orthographe à bien

15 des endroits dans le livre « Triomphe ».

16 M. Gow (interprétation). - Oui, je le reconnais.

17 M. Ackerman (interprétation). - Je ne souhaite pas vous

18 embarrasser à ce sujet, ce n'est pas mon intention.

19 M. Gow (interprétation). - Plus je le lis, plus je pense qu'il y

20 a effectivement un problème de lecture des preuves.

21 M. Ackerman (interprétation). - Je ne vais pas m'appesantir sur

22 ce sujet, mais peut-être, pouvez-vous jeter quelques lumières sur cette

23 phrase car elle ne m'apparaît pas totalement claire dans la façon dont

24 elle est écrite dans votre livre.

25 Je cite : « Il ne faut pas partir du principe cependant que tous

Page 9227

1 les Serbes défendaient

2 clairement les tendances exprimées dans la ligne Karadzic, sinon des

3 centaines, au moins des milliers d'entre eux ont rejeté sa vision » (fin

4 de citation.

5 Je ne comprends pas bien cette phrase. Est-ce qu’elle parle de

6 dizaines, de centaines de Serbes, ou parle-t-elle de 100.000 Serbes ? Quel

7 est le nombre que vous essayez de citer ?

8 M. Gow (interprétation). - Excusez-moi, je n'ai peut-être pas

9 été assez clair. J’ai indiqué que peut-être, il serait préférable

10 d'exprimer ce nombre en milliers de Serbes, peut-être des centaines de

11 milliers d'entre eux n'ont pas suivi la vision de Karadzic, bien que je ne

12 pense pas qu'il soit possible de préciser exactement ce nombre.

13 M. Ackerman (interprétation). - C’est la façon dont j'ai lu ce

14 que vous avez écrit, mais je n’en n’étais pas sûr, donc y compris des

15 Serbes en poste au Parlement de Bosnie-Herzégovine ont appuyé la position

16 d’Izetbegovic et se sont exprimés en faveur d'un référendum qui a été

17 initié en fait par la Commission Badinter, n'est-ce pas ?

18 M. Gow (interprétation). - Exact.

19 M. Ackerman (interprétation). - Karadzic bien sûr s'est opposé à

20 la tenue de ce référendum ?

21 M. Gow (interprétation). - Exact.

22 M. Ackerman (interprétation). - Le référendum a eu lieu le 29

23 février et le 1er mars 1992.

24 M. Gow (interprétation). - Exact.

25 M. Ackerman (interprétation). - 64,4 % de la population de

Page 9228

1 Bosnie a voté.

2 M. Gow (interprétation). - C'est sans doute le chiffre, je n'en

3 suis pas absolument sûr. Je crois que c'est à peu près cela.

4 M. Ackerman (interprétation). - Vous comprenez que j'essaie

5 d'être précis.

6 M. Gow (interprétation). - Oui, je comprends bien, c'est la

7 raison pour laquelle je fais attention à ma réponse car je n'ai pas le

8 chiffre en tête.

9 M. Ackerman (interprétation). - 99,7 % ont voté en faveur de

10 l'indépendance.

11 M. Gow (interprétation). - Ce pourcentage me semble exact.

12 M. Ackerman (interprétation). - Par la suite, des Serbes ont

13 prétendu que le référendum n'était pas valable parce qu'ils avaient refusé

14 d'y participer.

15 M. Gow (interprétation). - Oui, c'est exact.

16 M. Ackerman (interprétation). - En fait, le SDS a annoncé qu'il

17 allait boycotter le référendum.

18 M. Gow (interprétation). - C'est exact.

19 M. Ackerman (interprétation). - Il n'a pas fait qu'annoncer cela

20 et encourager les Serbes à ne pas voter. Au-delà de cela, il a pris des

21 mesures actives pour empêcher les Serbes de voter au cours de ce

22 référendum, n'est-ce pas ?

23 M. Gow (interprétation). - Exact.

24 M. Ackerman (interprétation). - Les Serbes ont érigé des

25 barrières de façon à ce que les urnes ne puissent pas être apportées dans

Page 9229

1 les bureaux de vote où les Serbes étaient susceptibles de voter.

2 M. Gow (interprétation). - C'est ce qui a été dit dans la

3 presse, en effet.

4 M. Ackerman (interprétation). - Je pense que vous conviendrez

5 avec moi que selon les principes démocratiques normaux, un tel référendum

6 était en fait destiné à la totalité de la population de Bosnie-

7 Herzégovine.

8 M. Gow (interprétation). - Je crois que vous venez de parler des

9 principes démocratiques normaux, mais je ne sais pas ce que sont ces

10 principes démocratiques normaux. Les référendums sont tenus sur des bases

11 très différentes et exigent des types de majorité différents, en tout cas

12 c’est ce que je pense sur la base de l’avis exprimé par la commission

13 consultative Badinter. C'est ce qui était approprié et exécutoire dans le

14 cas qui nous intéresse.

15 M. Ackerman (interprétation). - Les principes démocratiques

16 normaux, jusqu'aux

17 temps les plus reculés, sont en général fondés sur l'idée du contrôle par

18 la majorité. C'est une déclaration à peu près exacte, n’est-ce pas ?

19 M. Gow (interprétation). - C’est l'un des éléments de la

20 démocratie, en effet, et si vous parlez de référendum unanime, parfois, il

21 faut prendre en compte des critères particuliers.

22 M. Ackerman (interprétation). - Dans ce cas, il n'y en avait

23 pas.

24 M. Gow (interprétation). - C’est ce que j'ai cru comprendre.

25 M. Ackerman (interprétation). - La position Serbe selon laquelle

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1 parce qu’elle était une minorité, elle refusait de voter, serait absurde,

2 en cas de défaite du référendum, car une minorité refusant de voter serait

3 absurde si vous considérez que le but était d'obtenir le pouvoir

4 majoritaire, n'est-ce pas ?

5 M. Gow (interprétation). - Ce serait le cas si l'on se trouvait

6 dans une situation normale, dans le contexte de la Bosnie-Herzégovine, les

7 Serbes ont aussi prétendu, sur la base d'un amendement de la constitution

8 de 1990 qui rendait tous les peuples fondateurs égaux, que parce que les

9 Serbes avaient refusé de participer au référendum, ce référendum devait

10 être considéré comme non valable, mais ce n'est pas l’avis adopté par la

11 commission consultative.

12 M. Ackerman (interprétation). - Il est intéressant d'essayer

13 d'empêcher des gens de voter pour ensuite prétendre que le référendum

14 n'est pas valable parce qu'ils n'ont pas voté.

15 M. Gow (interprétation). - Aussi bizarre que cela puisse

16 paraître du point de vue des pratiques démocratiques, mais ce n'est pas

17 nécessairement le cas si l'on pense en fonction de la situation de

18 l'époque et des intentions et des aspirations des Serbes.

19 M. Ackerman (interprétation). - Le seul peuple qui a accepté la

20 proposition selon laquelle les Serbes faisaient perdre la validité à ce

21 référendum ont été les autres Serbes, le reste du monde a considéré le

22 référendum comme valable et a agi en fonction de cette validité, n'est-ce

23 pas ?

24 M. Gow (interprétation). - C'est exact dans un sens large. Mais

25 si vous avez lu le

Page 9231

1 compte rendu de l'affaire Tadic, vous constaterez qu'un collègue

2 universitaire, un de mes collègues universitaires, Robert Hiden estime en

3 fait que cela n'aurait pas dû se passer ainsi. Tout le monde n'a pas un

4 avis unanime sur cette question.

5 M. Ackerman (interprétation). - C'est exact, tout le monde n'a

6 pas le même avis dans le monde. Rien n'est accepté par tout le monde dans

7 le monde, mais en tout état de cause, le résultat du référendum a été tel

8 que la commission Badinter a estimé qu'il suffisait pour constituer

9 l’expression de la volonté du peuple de Bosnie-Herzégovine et la

10 communauté européenne ainsi que ses états membres ont ensuite procédé à la

11 reconnaissance de la personnalité indépendante internationale de la

12 Bosnie-Herzégovine.

13 M. Gow (interprétation). - Exact.

14 M. Ackerman (interprétation). - Le 22 mai 1992, les Nations

15 Unies ont accepté la Bosnie-Herzégovine, ce qui a ajouté à l'approbation

16 internationale de ce pays et l’a mené un peu plus loin vers le statut

17 d'Etat à part entière, n’est-ce pas ?

18 M. Gow (interprétation). - Exact.

19 M. Ackerman (interprétation). - Si bien que lorsque la Bosnie-

20 Herzégovine a acquis sa reconnaissance internationale pas le biais de la

21 communauté européenne, les Etats-Unis, et finalement les Nations Unies,

22 les citoyens de Bosnie-Herzégovine qui ont pris les armes contre cette

23 reconnaissance internationale légitimée au niveau gouvernemental pouvaient

24 de façon appropriée être appelés des rebelles, n’est-ce pas ?

25 M. Gow (interprétation). - Ils pouvaient être appelés des

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1 rebelles mais ce n'est pas la seule façon dont il était possible de les

2 qualifier.

3 M. Ackerman (interprétation). - Ils pouvaient être appelés

4 toutes sortes de choses mais il est peut-être plus précis de faire

5 référence à eux en tant que rebelles de Bosnie plutôt que de les appeler

6 les forces serbes. Par exemple, je doute qu'il serait approprié de faire

7 référence à eux en tant que rebelle de Bosnie même si, d'un point de vue

8 technique, il serait possible de le

9 faire mais si l'on veut donner un sens aux mots que l'on emploie, ils se

10 considéraient, eux, comme Serbes plutôt que comme Bosniaques dans ce

11 contexte, et par conséquent, la notion de rébellion que vous souhaitez

12 décrire dans le terme que vous employez, n'est pas celle qui convient aux

13 Serbe de Bosnie qui cherchaient plutôt quelque chose à opposer à l'emploi

14 du terme "bosniaque".

15 M. Ackerman (interprétation). - Pendant quelques centaines

16 d'années avant cette date, ces Serbes qui étaient nés en Bosnie, dont les

17 pères étaient nés en Bosnie dont les grands-pères étaient nés en Bosnie,

18 se sont certainement reconnus en tant que bosniaques et citoyens de

19 Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

20 M. Gow (interprétation). - Encore une expression qui pose

21 problème.

22 M. Ackerman (interprétation). - Ils s'intitulaient eux-mêmes.

23 M. Gow (interprétation). - Tout d'abord, je pense que l'idée de

24 citoyenneté de Bosnie-Herzégovine n'est pas quelque chose que l'on peut

25 considérer comme appropriée jusqu'à la création de la République

Page 9233

1 socialiste de Bosnie-Herzégovine dans le cadre de la République Fédérale

2 du Peuple Yougoslave, ou peut-être même de la République Socialiste

3 Fédérative de Yougoslavie, à savoir à partir de 1974, date à laquelle, en

4 tout cas, ils ont obtenu un passeport distinct, si bien que sur le plan

5 républicain on avait un passeport de Bosnie-Herzégovine, de Croatie ou un

6 autre passeport. Donc, du point de vue de la citoyenneté, il serait

7 impropre de dire qu'ils jouissaient de plusieurs siècles de citoyenneté.

8 Il est clair qu'au cours des XIXème et XXème siècles, certains

9 se considéraient comme bosniaques et, de façon générale, dans l'ex-

10 Yougoslavie ils faisaient référence à eux-mêmes en tant que Bosniaques,

11 qu'ils soient Serbes, Croates ou Musulmans. Mais il est également clair,

12 vous le constaterez dans les événements de 1976/1988, que certains d'entre

13 eux se considéraient comme orthodoxes, ce qui augmentait leur association

14 à la notion de "serbisme" et si l'on remonte dans le temps, ils se

15 considéraient même comme orthodoxes

16 orientaux, c'est de là que découle l'identité serbe qui a pris de plus en

17 plus d'importance.

18 M. Ackerman (interprétation). - Dans une certaine mesure, ils

19 s'intitulaient Serbes de Bosnie, ils votaient aux élections qui se

20 déroulaient en Bosnie-Herzégovine, ils travaillaient au parlement de

21 Bosnie-Herzégovine, ils détenaient des postes au sein du gouvernement de

22 Bosnie-Herzégovine et vivaient en Bosnie-Herzégovine.

23 M. Gow (interprétation). - Si vous parlez des centaines d'années

24 qui ont précédé -et je pense que c'est ce que vous avez dit en parlant de

25 la période récente par opposition à la période plus ancienne-, alors je ne

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1 suis pas sûr qu'ils se soient appelés nécessairement Serbes de Bosnie. Je

2 tiens à souligner que je n'ai pas de grandes connaissances en

3 anthropologie, mais si l'on regarde la Bosnie-Herzégovine et le destin de

4 ces populations jusqu'à la reconnaissance complète, on trouve un

5 éclaircissement dans l'utilisation de la terminologie ainsi que dans la

6 façon dont ils s'appelaient eux-mêmes et un certain nombre de prétentions

7 ont été émises à ce sujet.

8 M. Ackerman (interprétation). - Si nous remontons plus loin dans

9 l'histoire... Je suis désolé d'avoir dit ce que je viens de dire, je ne

10 voulais pas remonter dans l'histoire. Je pensais simplement aux recherches

11 effectuées dans les années 90 mais si nous remontons plus loin dans

12 l'histoire, un peuple qui s'appelait Croates/Musulmans vivait en Bosnie-

13 Herzégovine.

14 M. Gow (interprétation). - Vous trouverez des gens qui

15 s'appelaient de toutes sortes de noms. Je ne sais pas si vous savez ceci

16 ou si vous ne le savez pas. Vous pouvez simplement me dire si vous ne le

17 savez pas, si tel est le cas, et nous aborderons un sujet différent.

18 Savez-vous que la citoyenneté de la République Fédérative de

19 Yougoslavie, la RSFY, était considérée comme une citoyenneté dérivée. En

20 d'autres termes, on pouvait être citoyen de RSFY mais pour cela, il

21 fallait être reconnu en tant que citoyen de l'une ou l'autre des

22 républiques. Le saviez-vous ?

23 M. Gow (interprétation). - Je ne dirai pas que je sais

24 exactement ce qu'il en est de la citoyenneté et de cette idée que vous

25 venez de décrire comme citoyenneté dérivée, mais je pense que peut-être en

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1 remontant à l'une de mes réponses précédentes, vous constaterez que j'ai

2 souligné qu'il y avait un certain degré d'attachement à chacune des

3 républiques et que lorsqu'on avait un passeport de la RSFY, le nom de la

4 république dont on provenait y était stipulé. Cela désignait votre statut

5 en tant que citoyen. Donc, le numéro de passeport commençait, par exemple

6 pour la Bosnie-Herzégovine, par la lettre BH.

7 M. Ackerman (interprétation). - Pour obtenir un passeport

8 yougoslave, il fallait prouver et démontrer que l'on était citoyen de

9 l'une des républiques et cette dénomination apparaissait dans le

10 passeport.

11 M. Gow (interprétation). - Dans l'ensemble, mais la dénomination

12 qui apparaissait n'était pas nécessairement celle de la République dont on

13 provenait dans tous les cas. Je connais des cas où des gens de Belgrade

14 avaient des passeports BH et ils n'avaient jamais rien fait avec la

15 Bosnie-Herzégovine et n'avaient aucun rapport avec elle, je tiens à le

16 souligner.

17 M. Ackerman (interprétation). - Il y a des gens qui circulent

18 avec des passeports auxquels ils n'ont pas droit. Ce genre de chose

19 arrive, n'est-ce pas ?

20 M. Gow (interprétation). - Exactement, c'est ce que je voulais

21 établir avec la plus grande clarté.

22 M. Ackerman (interprétation). - Si vous souhaitez être citoyen

23 de la République Dominicaine, tout ce que vous avez à faire est de lui

24 envoyer 50 000 dollars et vous recevrez par la poste un passeport. Saviez-

25 vous cela ?

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1 M. Gow (interprétation). - Je ne le savais pas mais merci du

2 conseil !

3 M. Ackerman (interprétation). - Vous n'avez même pas besoin

4 d'aller en République Dominicaine. Si l'on parle de l'éclatement de la

5 guerre en Bosnie-Herzégovine et de la réunion des diverses forces qui se

6 sont combattues les unes les autres, je pense que vous

7 conviendrez avec moi que les forces du gouvernement bosniaque, celles qui

8 essayaient de défendre l'intégrité du nouvel Etat indépendant, se

9 composaient pratiquement d'éléments provenant de tous les groupes

10 ethniques de Bosnie-Herzégovine. Il y avait des Musulmans, des Serbes, des

11 Juifs, des Tziganes et pratiquement tous les peuples étaient représentés,

12 tous ceux qui vivaient sur le territoire de Bosnie-Herzégovine, au sein de

13 l'armée du gouvernement bosniaque, de la Défense territoriale et des

14 autres organisations.

15 M. Gow (interprétation). - Quelle que soit la dénomination que

16 l'on utilise, il y avait des représentants de diverses communautés au sein

17 des forces armées. C'est probablement la première fois que j'entends

18 parler des tziganes dans cet armée mais je ne sais pas s'il n'y en avait

19 pas effectivement.

20 M. Ackerman (interprétation). - Vous connaissez certainement le

21 Général Divjak ?

22 M. Gow (interprétation). - Je sais qui est le Général Divjak.

23 M. Ackerman (interprétation). - Vous savez que c'est un serbe de

24 Bosnie qui était officiellement officier de la JNA.

25 M. Gow (interprétation). - Je sais cela et je sais aussi qu'il

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1 était commandant adjoint des forces armées de Bosnie-Herzégovine.

2 M. Ackerman (interprétation). - Si l'on parle des forces

3 gouvernementales bosniaques en tant que forces musulmanes, il y a un petit

4 décalage dans les mots, un mauvais emploi du terme, n’est-ce pas ?

5 M. Gow (interprétation). - Techniquement, c'est un terme

6 imprécis. La dénomination la plus appropriée, probablement, consisterait à

7 parler de « Musulmans », ce qui est en général le mot utilisé pour décrire

8 les forces armées du Gouvernement bosniaque auxquelles il est fait

9 référence.

10 M. Ackerman (interprétation). - La meilleure façon de décrire

11 ces forces, probablement, consiste à parler des forces gouvernementales

12 bosniaques. C’est ce qu’elles

13 étaient, n'est-ce pas ?

14 M. Gow (interprétation). - C’est la meilleure façon de les

15 décrire, mais ce n'est pas la seule.

16 M. Ackerman (interprétation). - Vous avez parlé hier de la ligue

17 patriotique.

18 M. Gow (interprétation). - Oui, de la ligue patriotique.

19 M. Ackerman (interprétation). - Ce groupe comportait également

20 des Serbes et des Croates.

21 M. Gow (interprétation). - Effectivement mais, encore une fois,

22 surtout des Musulmans.

23 M. Ackerman (interprétation). - Lorsque la rébellion a éclaté,

24 est-ce que tous les Serbes résidant en Bosnie ont appuyé les forces

25 rebelles ou ont-elles toutes participé aux côtés des forces rebelles à

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1 leur action ?

2 M. Gow (interprétation). - Non, je crois que nous avons déjà

3 établi ce fait.

4 M. Ackerman (interprétation). - Nous avons établi qu'elles n'ont

5 pas toutes appuyé Karadzic. Mais, lorsque la guerre a effectivement

6 éclaté, elles n'ont pas non plus pris part à cette guerre.

7 M. Gow (interprétation). - Certaines ne l'ont pas fait, mais je

8 pense qu'il a également été établi que certaines d'entre elles ont

9 participé, en tant que membres des forces armées de la Bosnie-Herzégovine,

10 à ce conflit.

11 M. Ackerman (interprétation). - Des dizaines de milliers de

12 Serbes ont fui le pays plutôt que de se trouver impliqués dans des combats

13 aux côtés des Serbes de Bosnie.

14 M. Gow (interprétation). - C'est exact.

15 M. Ackerman (interprétation). - Pour l’essentiel, les Serbes les

16 plus éduqués qui vivaient dans des lieux tels que Banja Luka et des

17 endroits de ce genre.

18 M. Gow (interprétation). - C'est peut-être bien le cas.

19 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, je crois

20 que j'en suis arrivé à un point d’interruption parfait. J’ai toute une

21 série de nouveaux sujets à aborder à partir de maintenant. Ce serait donc

22 un moment très approprié pour suspendre la séance.

23 M. le Président (interprétation). - Etant donné le programme que

24 vous semblez avoir adopté, vous avez l'air d'être capable de poursuivre

25 éternellement ! Mais je suppose que c'est votre programme lui-même qui

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1 vous a forcé à vous interrompre.

2 Oui, nous allons suspendre.

3 M. Ackerman (interprétation). - Merci.

4 M. le Président (interprétation). - Maître Niemann, ce matin

5 vous avez laissé entendre que le Docteur Gow ne pouvait pas rester plus

6 longtemps.

7 M. Niemann (interprétation). - Non, Monsieur le Président, il y

8 a des difficultés à ce sujet et j'ai dit que je ne souhaitais pas avoir à

9 reciter le Dr Gow à la barre, car il ne sera pas disponible avant le mois

10 de janvier.

11 M. le Président (interprétation). - Eh bien, malgré tout, tout

12 va bien. Nous allons devoir supporter ce processus. Il y a tant de choses

13 qui semblent aller de travers ici... Nos projets semblent très souvent

14 entravés. Nous n'avançons pas exactement de la façon souhaitée. Je pense

15 que tout dépend de la prochaine date à laquelle vous pouvez le citer à la

16 barre. Je ne sais pas si nous avons un autre expert à entendre demain.

17 M. Niemann (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, ce

18 témoin est arrivé. Il sera prêt à comparaître dès le matin.

19 M. le Président (interprétation). - Eh bien, au revoir,

20 Professeur Gow. Nous n'en avons pas fini avec vous. Je ne sais pas si nous

21 en sommes arrivés à la moitié des interrogatoires, je n'en suis même pas

22 sûr. Quoi qu'il en soit, nous poursuivrons l’écoute de ce débat très

23 intéressant et les réponses que vous apportez aux questions qui vous sont

24 posées la prochaine fois. C’est un avis d'expert que nous attendons depuis

25 quelque temps. Quelle que soit la date à

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1 laquelle vous pourrez venir, nous espérons pouvoir patienter jusque là et

2 entendre la fin de ces auditions.

3 M. Gow (interprétation). - Est-ce que nous avons atteint le

4 chapitre 2 ?

5 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Nous

6 suspendons l'audience jusqu'à demain matin.

7 La séance est levée à 17 heures 30.

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