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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-96-21-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Mercredi 3 décembre 1997
4 L'audience est ouverte à 10 heures 10.
5 M. le Président (interprétation). - Bonjour, Mesdames et
6 Messieurs. Peut-on faire entrer le témoin, s'il vous plaît ?
7 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience.)
8 Peut-on procéder aux comparutions ? Maître Niemann ?
9 M. Niemann (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,
10 Madame et Monsieur les Juges. Je comparais avec mes collègues, Me McHenry,
11 Me Dixon et Me Khan, au nom de l'accusation.
12 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Les
13 conseils de la défense peuvent-ils se présenter ?
14 Mme Residovic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le
15 Président, Madame et Messieurs les Juges. Je m'appelle Edina Residovic. Je
16 défends M. Zejnil Delalic, en compagnie de mon confrère,
17 Me Eugène O’Sullivan, professeur au Canada.
18 M. Olujic (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les
19 Juges. Je m'appelle Zeljko Olujic. Je représente Zdravko Mucic, avec mon
20 confrère, Me Greaves, avocat au Royaume-Uni.
21 M. Karabdic (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les
22 Juges. Bonjour, Monsieur le Président. Je m’appelle Salih Karabdic. Je
23 suis avocat à Sarajevo. Je comparais pour la défense de M. Hazim Delic, en
24 compagnie de mon confrère Thomas Moran, avocat à
25 Houston au Texas.
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1 M. Ackerman (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,
2 Madame et Messieurs les Juges. Je m'appelle John Ackerman. Je comparais
3 avec ma consoeur, Me McMurrey au nom de M. Esad Landzo.
4 Mme Residovic (interprétation). - Avant que le témoin ne prête
5 serment, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, je voudrais
6 vous soumettre un petit problème qui a surgi. Me le permettez-vous ?
7 M. le Président (interprétation). - Laissons le témoin prêter
8 serment et ensuite nous vous entendrons, Maître Residovic.
9 Mme Residovic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
10 M. le Président (interprétation). - Veuillez faire prêter
11 serment au témoin ; qu’il lise la déclaration qui se trouve sous ses yeux.
12 M. Economides. - Je déclare solennellement que je dirai la
13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
14 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.
15 Maître Residovic, je vous en prie.
16 Mme Residovic (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges,
17 après le contre-interrogatoire du Pr. Economides, nous aimerions savoir
18 quelles seront les procédures qui suivront.
19 Nous savons que l'accusation a déposé une requête pour la
20 citation à comparaître d'un autre témoin expert. En tant que conseil de la
21 défense, nous élevons une objection à cette requête. Nous pensons que le
22 Tribunal devrait se prononcer sur cette requête. Ces requêtes devraient
23 être débattues avant que le témoin de Slovénie n'apparaisse. Nous nous
24 opposons également à de telles pratiques parce que nous sommes obligés de
25 décider et de trancher de telles questions alors que le témoin se trouve
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1 déjà en ces lieux, dans les locaux du Tribunal.
2 J'espère donc que lorsque nous en aurons terminé du contre-
3 interrogatoire du Pr. Economides, nous obtiendrons une décision de la Cour
4 portant sur cette requête.
5 M. le Président (interprétation). - Nous n'y manquerons pas.
6 Suite au contre-interrogatoire, la Chambre se prononcera sur la requête.
7 Maître Niemann, je vous en prie, vous pouvez interroger votre
8 témoin.
9 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, je vous
10 rappelle que l'interrogatoire principal est maintenant terminé. C'est au
11 contre-interrogatoire de procéder.
12 M. O’Sullivan (interprétation). - Les contre-interrogatoires se
13 dérouleront dans l’ordre suivant : d’abord les conseils de la défense de
14 M. Mucic, ensuite ceux de M. Delic, puis les conseils de la défense de
15 M. Landzo, enfin les conseils de la défense de M. Delalic.
16 M. Greaves (interprétation). - Monsieur le Président, si vous me
17 le permettez.
18 Professeur Economides, nous sommes dans la première semaine du
19 mois de décembre 1997. Pour vous, le 1er décembre a marqué un jour
20 important dans votre carrière, n'est-ce pas ? Vous rappelez-vous ce que
21 représente cette date pour votre carrière ?
22 M. Economides. - Le 1er décembre ? C’est mon anniversaire, c'est
23 une grande date. Le 1er décembre peut représenter quelque chose, mais je
24 ne vois pas quoi actuellement !
25 M. Greaves (interprétation). - Si je peux vous le rappeler,
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1 c'est le jour, en 1956, au cours duquel vous avez soutenu votre thèse
2 devant un jury de professeurs de l'université de Strasbourg.
3 M. Economides. - C'est un détail, pour moi, actuellement.
4 M. Greaves (interprétation). - Bien sûr. Le sujet de la thèse,
5 que vous avez choisi de défendre, était la question chypriote et le droit
6 des peuples à disposer d'eux-mêmes.
7 M. Economides. - Exactement.
8 M. Greaves (interprétation). - Peut-on en tirer la conclusion
9 qu'au cours des 41 années qui ont suivi cette thèse, le sujet de
10 l’autodétermination des peuples a été l'un de ceux
11 qui ont occupé le centre de votre carrière et de vos recherches ?
12 M. Economides (interprétation). - Je ne dirai pas le centre,
13 mais c'est une question qui m'a toujours intéressé. Lorsque j'étais jeune,
14 cette question me passionnait vraiment. Depuis lors, j'ai suivi la
15 question, mais elle n'était pas vraiment au centre de mes préoccupations
16 scientifiques.
17 M. Greaves (interprétation). - Vous soutenez toujours tout ce
18 que vous avez pu écrire dans le cadre de votre thèse ?
19 M. Economides (interprétation). - Je crois que oui.
20 M. Greaves (interprétation). - Je vous remercie.
21 Professeur, j'aimerais maintenant aborder avec vous les travaux
22 de la Commission de Venise dont vous êtes membre, n'est-ce pas ? Je crois
23 que le nom exact de la commission est Commission européenne pour la
24 Démocratie par le Droit, n'est-ce pas exact ?
25 M. Economides (interprétation). - Tout à fait.
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1 M. Greaves (interprétation). - En fait, il s'agit là d'un organe
2 du Conseil de l'Europe, n'est-ce pas ?
3 M. Economides (interprétation). - Oui.
4 M. Greaves (interprétation). - Aidez-nous, s'il vous plaît, à
5 être tout à fait clair sur la question ! Comment devient-on membre de
6 cette commission ? Comment est-on nommé à ce poste ou invité à y
7 participer ?
8 M. Economides (interprétation). - D'abord, il faut une
9 déclaration du gouvernement qui veut participer aux travaux de la
10 Commission de Venise. Donc la décision, au départ, est une question
11 gouvernementale, une participation du gouvernement, aux travaux de la
12 commission. C'est le gouvernement lui-même qui nomme son représentant.
13 Moi, j'ai été nommé deux fois -parce que j'ai fait mon second mandat au
14 sein de cette commission- par le ministre des Affaires étrangères de
15 Grèce.
16 M. Greaves (interprétation). - En relation avec les travaux dont
17 vous nous avez parlés lors de votre précédent témoignage, cette commission
18 a produit, lors de sa réunion du mois de septembre 1996, une déclaration
19 qui était accompagnée d'un rapport explicatif ?
20 M. Economides (interprétation). - Oui, tout à fait.
21 M. Greaves (interprétation). - Le Conseil de l'Europe lui même,
22 c'est-à-dire en fait l'organisation mère de cette commission, a proposé un
23 projet de convention portant sur la nationalité, n'est-ce pas ?
24 M. Economides (interprétation). - Oui, mais ces deux choses ne
25 sont pas liées. Ce sont deux choses différentes.
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1 La Commission de Venise a fait son projet de déclaration, que
2 vous venez de mentionner, suivi d'un exposé des motifs et d'un rapport de
3 base.
4 Le Conseil de L'Europe travaillait depuis très longtemps, bien
5 avant la création de la Commission de Venise, sur la question de la
6 nationalité. Il vient de terminer une convention internationale sur cette
7 question qui est une oeuvre du Conseil de l'Europe, et qui n'a aucune
8 relation avec la Commission de Venise, et sa déclaration concernant la
9 succession d'Etat.
10 M. Greaves (interprétation). - Je vois.
11 Pour que tout soit clair, le Conseil de l'Europe est composé de
12 quelque quarante Etats, mais la Bosnie-Herzégovine n'en fait pas partie,
13 ainsi non plus que la République fédérale de Yougoslavie. Est-ce bien
14 exact ?
15 M. Economides (interprétation). - Tout à fait. Pas encore.
16 M. Greaves (interprétation). - Pas encore. De fait, certainement
17 lorsque la situation se sera un peu apaisée et que tout le monde sera
18 satisfait, l'invitation leur sera proposée de faire partie de cet organe.
19 Mais n'est-il pas vrai que la Bosnie-Herzégovine a préparé et participé à
20 l'élaboration de cette convention européenne, à l'invitation du Conseil de
21 l'Europe ?
22 M. Economides (interprétation). - C'est est fort possible parce
23 que quelques Etats
24 participaient aussi à cette commission à titre d'observateurs. Il est fort
25 possible que la Bosnie-Herzégovine soit un des Etats qui aient participé à
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1 l'élaboration de cette convention, mais de la place d'un observateur.
2 M. Greaves (interprétation). - Est-il également exact que ce
3 traité sera ouvert à la signature des pays qui ne sont pas membres du
4 Conseil de l'Europe, mais des Etats qui seront invités par le Comité des
5 ministres à porter leur signature sur ce traité, s'ils le désirent ?
6 M. Economides (interprétation). - Oui, la convention, de par son
7 objet, doit être ouverte à tous les Etats, au plus grand nombre d'Etats.
8 Sans doute, il y a une telle procédure qui permet au Conseil des ministres
9 d'éviter tel ou tel Etat et d'adhérer à la convention pour obtenir le
10 maximum d'acceptation de la convention, du moins sur le plan européen.
11 M. Greaves (interprétation). - Professeur, un éclaircissement
12 s'il vous plaît. Quel est le statut actuel de la convention européenne sur
13 la nationalité ? Cette convention a-t-elle été proposée à la signature des
14 Etats membres ?
15 M. Economides. - Elle a été ouverte à la signature des Etats
16 membres. Actuellement, on est en train de la signer. Elle n'est pas encore
17 entrée en vigueur, d'après mes informations.
18 Pour entrer en vigueur, il faut un certain nombre de
19 ratifications. Nous n'avons pas encore atteint ce stade. Mais, c'est une
20 convention signée, ouverte à la signature, qui va devenir une convention
21 qui sera mise en application d'ici quelque temps. Mais, je ne peux pas
22 prévoir ce délai actuellement.
23 M. Greaves (interprétation). - Nous abordons maintenant les
24 travaux de la Commission du droit international, dont vous êtes membre
25 également. Cette commission travaille, elle aussi, sur le sujet de la
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1 nationalité dans le contexte de la succession d’Etat, n'est-ce pas ?
2 M. Economides. - Oui.
3 M. Greaves (interprétation). - Au mois de juillet 1997, elle a
4 établi un rapport contenant non seulement un certain nombre de
5 commentaires sur ce même sujet, mais également de propositions, de projets
6 d'articles, portant sur ce même sujet du droit international.
7 M. Economides. - Tout à fait.
8 M. Greaves (interprétation). - Ce projet prend la forme en fait
9 d'un projet de traité sur la nationalité dans le cadre de la succession
10 d’Etat, n'est-ce pas ?
11 M. Economides. - Ce n'est pas encore décidé. La tendance de la
12 commission, lors de la session de cette année, était plutôt de faire un
13 projet de déclaration. Mais, après discussion, on a dit qu'il était
14 prématuré de prendre une décision sur la forme. Donc, cela pourrait
15 éventuellement être aussi une convention. Mais je crois que cela sera
16 décidé bien plus tard.
17 Pour le moment, on a un projet d'article. Mais nous ne savons
18 pas si ce sera un projet de déclaration ou de convention.
19 M. Greaves (interprétation). - Je vous remercie infiniment.
20 J'allais vous demander par quelle procédure ce document pouvait devenir un
21 traité, une convention. Il y a eu une première lecture. Est-ce la bonne
22 façon de parler de ce qui s'est produit ?
23 M. Economides. - Tout à fait. Il y a une première lecture. C'est
24 le premier stade. Après cela, les gouvernements vont émettre des remarques
25 sur le projet.
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1 La Commission de droit international va recevoir toutes les
2 remarques des gouvernements. Elle va alors réexaminer tous les projets sur
3 la base des remarques de l'Etat. Puis, ces projets vont être adoptés en
4 seconde lecture.
5 Une fois le projet adopté en seconde lecture, il est renvoyé à
6 l'Assemblée générale des Nations Unies, qui va décider si ce projet
7 deviendra une convention internationale. Dans un tel cas, l'Assemblée
8 générale des Nations Unies va convoquer une conférence internationale
9 spécialement pour transformer ce projet en convention internationale.
10 Donc, il faut encore beaucoup de temps pour que nous arrivions à
11 l'adoption d'une convention internationale, si nous adoptons une telle
12 convention. Beaucoup de personnes soutiennent qu'il faut que ce projet se
13 transforme simplement en projet de déclaration.
14 Si vous voulez une estimation concernant le temps, je puis vous
15 dire que la Commission du droit international va examiner ce projet en
16 seconde lecture en 1999. La question reviendra à l'Assemblée générale en
17 l'an 2000. A partir de là, nous verrons le sort qui sera réservé à ce
18 projet.
19 M. Greaves (interprétation). - Vous avez anticipé un peu mes
20 prochaines questions concernant justement les délais de l'adoption de ce
21 projet de traité. Nous parlons donc du XXIème siècle, n'est-ce pas ? Ce
22 n'est pas avant que ce projet prendra une forme définitive.
23 M. Economides. - (Hors micro.)
24 En effet.
25 M. Greaves (interprétation). - Je vais faire une petite
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1 digression. Je vais vous parler de la convention de Vienne de 1978 portant
2 sur la succession d'Etat. Vous connaissez bien cette convention, n'est-ce
3 pas ?
4 M. Economides. - Oui.
5 M. Greaves (interprétation). - Cette convention est-elle
6 toujours en vigueur ou doit-elle encore recueillir un certain nombre de
7 signataires pour pouvoir s'appliquer ?
8 M. Economides. - (Inaudible)
9 M. Greaves (interprétation). - Merci.
10 Professeur Economides, pour ce qui est du travail de la
11 Commission du droit international, lors de votre dernier témoignage, vous
12 avez dit que de, temps en temps, la Cour internationale de Justice se
13 réfère aux travaux de la Commission du droit international. Même si, pour
14 l'instant, nous n'en sommes qu'à la première lecture de ces travaux, vous
15 rappelez-vous avoir dit cela ?
16 M. Economides. - Oui.
17 M. Greaves (interprétation). - Précisément, pour ce qui est de
18 ces projets d'article dont nous avons parlés ce matin, y a-t-il eu des
19 affaires présentées dans le cadre de cette Cour internationale de Justice
20 où ces travaux ont été mentionnés, soit pour être confirmés, soit pour
21 être infirmés ?
22 M. Economides. - Pour la succession d'Etat, je ne pense pas que
23 la Cour internationale de Justice ait cité quoi que ce soit provenant de
24 la Commission de droit international. Mais, pour la question de la
25 responsabilité internationale, pour d'autres questions, qui sont toujours
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1 en voie de codification devant la Commission de droit international. La
2 cour est arrivée à citer les travaux de la Commission de Droit
3 international ; mais pas pour la succession d'Etat, que je sache. Il faut
4 dire aussi que, concernant la question de la succession d'Etat, c'est la
5 première année que la Commission de Droit international s'occupe de cette
6 question. Aucune affaire devant la Cour internationale de Justice pourrait
7 susciter un certain intérêt pour que les travaux déjà en cours soient
8 éventuellement, éventuellement je répète, cités.
9 M. Greaves (interprétation). - Professeur Economides, la tâche
10 de la Commission de Droit international est double, n'est-ce pas ? Elle
11 doit tout d'abord codifier le droit qui a déjà été mis en place pour ce
12 qui est du droit international en la matière. Ensuite, elle doit assurer
13 la mise en place de l'élaboration du droit à venir, n'est-ce pas ?
14 M. Economides. - Tout à fait.
15 M. Greaves (interprétation). - Donc, en fait, lorsqu'un ensemble
16 de projets, d'articles, est élaboré, il s'agit du résultat de ces deux
17 objectifs. Il s'agit précisément de codifier ce qui est en fait passé dans
18 la pratique du droit international et également de rassembler les
19 propositions, formulées par des personnes telles que vous, pour obtenir ce
20 qui doit être le droit à l'avenir, n'est-ce pas ?
21 M. Economides. - Tout à fait.
22 M. Greaves (interprétation). - Je vous remercie infiniment.
23 J'en viens à la question de la nationalité, à la définition de
24 ce terme, dans le contexte du droit international.
25 Diriez-vous que la définition, traditionnelle, classique, du
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1 terme nationalité est celle qui apparaît dans l'affaire Nottebohm de
2 1955 ?
3 M. Economides. - Oui.
4 M. Greaves (interprétation). - Je vais me permettre de
5 rafraîchir votre mémoire sur la teneur de cette affaire, concernant la
6 définition du terme nationalité. Préférez-vous que je vous donne la
7 version française ou anglaise de cette affaire ? Qu'est-ce que qui vous
8 serez le plus utile ?
9 M. Economides. - Oui.
10 M. Greaves (interprétation). - "Selon la pratique des Etats, les
11 décisions arbitrales et judiciaires, les opinions doctrinales, la
12 nationalité est un lien juridique ayant à sa base un fait social de
13 rattachement, une solidarité effective d'existence, d'intérêts, de
14 sentiments joints à une réciprocité de droits et de devoirs. Elle est,
15 peut-on dire, l'expression juridique du fait que l'individu, auquel elle
16 est conférée, soit directement par la loi, soit par un acte de l'autorité,
17 est, en fait, plus étroitement rattaché à la population de l'Etat qui lui
18 confère qu'à celle de tout autre Etat.
19 Conférer par un Etat, elle ne lui donne titre à la protection
20 vis-à-vis d'un autre Etat que si elle est la traduction, en terme
21 juridique, de l'attachement de l'individu considéré à l'Etat qui en a fait
22 son national.".
23 C'est, n'est-ce pas, la déclaration de droit qui a été faite
24 dans le cadre de cette affaire ?
25 M. Economides. - C’est la définition la plus complète, la plus
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1 correcte, de la nationalité, que je connaisse.
2 M. Greaves (interprétation). - Et c'est la définition qui a été
3 utilisée en tant que fondement pour l’ensemble des travaux des deux
4 commissions dont vous êtes membres, n'est-ce pas ?
5 M. Economides. - Oui.
6 M. Greaves (interprétation). - Connaissez-vous le manuel
7 anglais : Droit international d'Oppenheim ? Connaissez-vous cet ouvrage ?
8 C'est un ouvrage de référence, n'est-ce pas ?
9 M. Economides. - Tout à fait.
10 M. Greaves (interprétation). - Cet ouvrage cite précisément et
11 confirme la déclaration de l'affaire Nottebohm. La nationalité d'un
12 individu est en fait sa qualité à être le sujet, le ressortissant, d'un
13 certain Etat.
14 M. Economides. - Oui.
15 M. Greaves (interprétation). - J'aimerais vous soumettre cette
16 proposition, Professeur, pour ce qui concerne le sujet de la nationalité.
17 Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'il est clairement
18 établi, au niveau du droit, que la question de savoir qui est ou qui n'est
19 pas ressortissant d'un Etat particulier est une question qui doit être
20 tranchée par le droit interne de ce même Etat ? Cette question doit être
21 résolue sous réserve des pratiques du droit interne de cet Etat et par les
22 règles du droit international ?
23 M. Economides. - Je suis tout à fait d'accord avec vous. C’est
24 le droit interne qui désigne les ressortissants de cet Etat. C'est une
25 compétence étatique qui relève de la souveraineté de chaque Etat de
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1 déterminer quels sont ses nationaux. Mais cette détermination doit se
2 faire selon le droit international, vous venez d’ailleurs de le dire, sous
3 réserve de la concordance et de l'accord avec les règles de droit
4 international. C'est une compétence étatique, mais qui peut être soumise à
5 un certain contrôle d’accords et avec les règles du droit
6 international.
7 M. Greaves (interprétation). - Cette proposition a été faite
8 en 1923 dans le cadre des décrets sur la nationalité émis en Tunisie et au
9 Maroc. Ils apparaissent dans un certain nombre de traités. C'est un
10 principe qui a été réaffirmé de nombreuses fois, n'est-ce pas ? C'est bien
11 la forme que prend le droit actuellement sur ce sujet, n'est-ce pas ?
12 C'est bien ainsi qu'il en va !
13 C’est à l'Etat national de déterminer quelles sont les règles
14 qui s'appliquent en matière de nationalité. Les conséquences de cela,
15 c'est qu'il ne revient à aucune agence extérieure de dire à un Etat qui
16 sont où qui ne sont pas ses ressortissants, n'est-ce pas ?
17 M. Economides. - En principe, vous avez raison. Mais, dans
18 l'affaire Nottebohm, la nationalité qui a été conférée par le
19 Liechtenstein n'a pas été acceptée par le Guatemala. Un Etat qui n'a pas
20 accepté une décision gouvernementale conférant la nationalité.
21 A la suite de cette opposition, il y a eu un différend juridique
22 entre le Liechtenstein et le Guatemala qui a été porté devant la Cour
23 internationale de Justice. Celle-ci a donné raison, non pas à l’Etat
24 national, mais au gouvernement qui s'est opposé à la reconnaissance de la
25 nationalité du Liechtenstein.
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1 Votre remarque est juste. C'est l'Etat qui donne la nationalité.
2 Mais cela n'est pas, dans tous les cas, incontestable. Cela peut être
3 contesté et même renversé. Cela dépend si le droit interne, lorsqu'il a
4 été appliqué pour donner la nationalité à quelqu'un, est conforme au droit
5 international.
6 Je suis tout à fait d'accord avec vous sur la tendance générale,
7 pertinente, qui est que l'Etat donne la nationalité à ses ressortissants.
8 Mais il y a des exceptions.
9 M. Greaves (interprétation). - Je reviendrai à l'affaire
10 Nottebohm dans quelques instants.
11 Mais je voudrais traiter d'une autre question, Professeur. Etes-
12 vous d'accord avec
13 moi pour dire que le droit établit clairement que lorsqu'il y a succession
14 d'Etat et qu'elle entraîne la dissolution de l'Etat prédécesseur, la
15 nationalité de l'Etat prédécesseur cesse d'exister ?
16 M. Economides. - Incontestablement.
17 M. Greaves (interprétation). - Par conséquent, dans un cas ou
18 dans le cas de l'ex-Yougoslavie, qui s'appelait la République socialiste
19 fédérative de Yougoslavie, lorsqu'elle a été dissolue, la nationalité de
20 la République socialiste fédérative de Yougoslavie a également disparu.
21 M. Economides. - Oui, lorsque la dissolution a été effectuée, la
22 nationalité de l'ex-Yougoslavie, par la force des choses, a disparu, mais
23 j’ai dit lorsque la dissolution a été rendue, et est opérationnelle. C'est
24 une question particulière.
25 M. Greaves (interprétation). - Je ne vais pas vous demander de
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1 nous dire la date exacte. Je crois que c'est à d'autres d'établir cette
2 date.
3 Vous nous avez dit, lors de votre dernière visite, les moyens
4 par lesquels des personnes peuvent acquérir la nationalité, des moyens
5 reconnus par le droit international. En fait, vous avez mentionné trois
6 moyens. Puis-je vous rafraîchir la mémoire et vous répéter ce que vous
7 nous avez dit ?
8 Il y a d'abord le jus soli. Il s'agit d'obtenir la nationalité
9 par la naissance, je crois que c'est cela.
10 M. Economides. - Par la naissance sur un certain sol.
11 M. Greaves (interprétation). - Puis il y avait le jus sanguinis
12 qui, en termes généraux, veut dire que vous obtenez votre nationalité de
13 vos parents, de votre famille.
14 M. Economides. - Oui.
15 M. Greaves (interprétation). - Troisième moyen que vous avez
16 mentionné, c'est la naturalisation, une pratique bien connue, par laquelle
17 vous demandez à devenir le ressortissant d'un Etat particulier qui peut
18 vous accepter.
19 M. Economides. - Oui.
20 M. Greaves (interprétation). - Le livre d'Oppenheim parle de
21 deux moyens supplémentaires d'octroi de la nationalité ou d'obtention de
22 la nationalité. Je me demande si vous allez les accepter.
23 Tout d'abord, il s'agit de la réobtention d'une nationalité que
24 vous aviez auparavant. S'agit-il, selon vous, d'un moyen d'obtenir la
25 nationalité ?
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1 M. Economides. - Oui, cela existe, mais sur un autre plan. C'est
2 un moyen auxiliaire qui a un caractère plus ou moins exceptionnel.
3 D'ailleurs, je dois préciser que les trois exemples que j'ai donnés n’ont
4 pas été cités pour épuiser tous les cas. Il y a le mariage et encore
5 d'autres cas. Ce sont les exemples les plus frappants. Certainement, il y
6 a d'autres cas. Je suis a priori d'accord avec Oppenheim et d'autres
7 personnes qui donnent une liste complète du cas d'acquisition de la
8 nationalité.
9 M. Greaves (interprétation). - Je n'essaie pas de vous piéger,
10 Professeur, ne croyez surtout pas cela. Je veux simplement que vous
11 sachiez qu'il y a d'autres moyens. C'est quelque chose que je veux
12 souligner pour l'intérêt de tous.
13 Par le passé, la nationalité était obtenue par certaines
14 personnes parce que leur territoire était soit annexé, soit cédé à un
15 autre Etat.
16 M. Economides. - Oui.
17 M. Greaves (interprétation). - Je vous remercie, Professeur.
18 Dans l'affaire Nottebohm, à laquelle j'ai dit que je reviendrai,
19 il est intéressant de regarder les faits afin de pouvoir comprendre la
20 nature du lien effectif- je crois que c'est le terme exact utilisé- afin
21 de décrire le lien de nationalité. En tout cas dans les deux commissions
22 dont vous faites partie, c'est exact, n'est-ce pas ? C'est la formulation
23 type : "le lien effectif" ?
24 M. Economides. - Oui.
25 M. Greaves (interprétation). - M. Nottebohm était allemand de
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1 naissance. Avant
2 les quelques années qui ont précédé la Deuxième guerre mondiale, il avait
3 établi une entreprise au Guatemala. Vous vous en souvenez ?
4 M. Economides. - Oui.
5 M. Greaves (interprétation). - En 1939, lorsque les nuages de la
6 guerre ont assombri l'Europe, M. Nottebohm a pensé que cela aurait un
7 impact très important sur son entreprise. Il a demandé la citoyenneté du
8 Liechtenstein.
9 M. Economides. - Oui, tout à fait.
10 M. Greaves (interprétation). - A ce moment-là, il n'avait pas de
11 lien véritable avec le Liechtenstein, à part avec un frère qui y avait
12 vécu un certain temps, n'est-ce pas ?
13 M. Economides. - Oui.
14 M. Greaves (interprétation). - Ayant obtenu la nationalité du
15 Liechtenstein, il est reparti et a continué à procéder à ses affaires,
16 notamment en Allemagne et au Guatemala. Puis, le Guatemala a déclaré la
17 guerre à l'Allemagne. Il est devenu pour le Guatemala un ennemi, n'est-ce
18 pas ?
19 M. Economides. - Oui.
20 M. Greaves (interprétation). - Ils ont donc décidé de ne pas
21 tenir compte du fait qu'il avait apparemment acquis la nationalité du
22 Liechtenstein.
23 M. Economides. - Oui.
24 M. Greaves (interprétation). - Lorsqu'il a été déporté aux
25 Etats-Unis, il a perdu tous ses biens. Après cela, le Liechtenstein a
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1 entamé une procédure afin qu'il puisse récupérer ses biens, n'est-ce pas ?
2 M. Economides. - Oui.
3 M. Greaves (interprétation). - Etes-vous d'accord avec la
4 proposition suivante : l'aspect le plus important de la formulation "lien
5 effectif" ou "lien véritable" est la résidence habituelle ?
6 M. Economides. - Oui.
7 M. Greaves (interprétation). - Ce n'est pas le seul point
8 important, mais les écrivains de référence le considèrent comme étant le
9 principe ou le critère principal du lien effectif, n'est-ce pas ?
10 M. Economides. - Oui, tout à fait.
11 M. Greaves (interprétation). - Mais il serait également
12 convenable de considérer aussi le lieu de naissance, le lieu de
13 l'éducation, les intérêts commerciaux, la carrière, la participation à la
14 vie publique, le lieu de vote et ce genre de choses, n'est-ce pas, et des
15 affaires de famille également ?
16 M. Economides. - Tout à fait.
17 M. Greaves (interprétation). - Ces critères pourraient être
18 utilisés comme dans l'affaire Nottebohm pour déterminer de quel pays une
19 personne est ressortissant et de quel pays elle ne l’est pas ?
20 M. Economides. - Oui.
21 M. Jan (interprétation). - Y a-t-il une distinction entre d'une
22 part la nationalité et d'autre part le domicile ? La résidence habituelle
23 peut indiquer le domicile et non la nationalité, peut-être ?
24 M. Economides. - Ce sont deux choses différentes. Quelqu'un peut
25 avoir la nationalité de tel Etat et avoir son domicile en dehors de cet
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1 Etat. Il reste toujours national par exemple du Royaume-Uni, mais il
2 habite en France. Le plus souvent les deux coïncident, nationalité et
3 domicile. Un Grec qui est de nationalité grecque, qui habite en Grèce, va
4 vivre avec les millions de Grecs qui sont dans ce pays.
5 Le domicile et la nationalité sont deux choses différentes. Il y
6 a le plus souvent coïncidence des deux à l'intérieur du même Etat, mais
7 les deux éléments peuvent ne pas ne coïncider, comme le cas que je signale
8 de quelqu'un qui est national d'un Etat, mais qui a son
9 domicile ou sa résidence dans un autre Etat.
10 M. Jan (interprétation). -Excusez moi, Maître Greaves.
11 M. Greaves (interprétation). - Je vous en prie, n'hésitez pas.
12 Pour vous donner un exemple, Monsieur le Professeur, le Juge Jan
13 est citoyen de la République du Pakistan. Maintenant, il habite à La Haye
14 et est domicilié à La Haye. Pourrait-on par exemple traiter la question
15 ainsi ?
16 M. Jan (interprétation). - Oui, mais j'ai l'intention de
17 repartir tout de même !
18 M. Greaves (interprétation). - Je le savais Monsieur le Juge !
19 M. Economides (interprétation). - S'il exerce une fonction
20 internationale, il ne change pas de domicile selon la loi grecque.
21 N'importe quelle fonctionnaire grec, qui travaille aux Nations Unies ou
22 ailleurs, est considéré comme avoir toujours conservé son domicile dans la
23 capitale de Grèce, à Athènes. Il y a changement de domicile lorsque, pour
24 des raisons privées, quelqu'un est installé et a des activités
25 commerciales dans un autre Etat, ce qui est également tout à fait légal.
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1 M. Greaves (interprétation). - Professeur, je voudrais
2 maintenant passer aux trois principes que vous avez cités sur la
3 nationalité.
4 Le premier principe était le suivant. Vous avez dit, lors de
5 votre interrogatoire, que la succession d'Etat a le droit d'avoir une
6 nationalité.
7 M. Economides (interprétation). - Oui.
8 M. Greaves (interprétation). - Cela est un principe qui est né
9 de l'article 15 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme,
10 n'est-ce pas ?
11 M. Economides (interprétation). - Oui.
12 M. Greaves (interprétation). - La date de cette déclaration
13 universelle est 1948 ?
14 M. Economides (interprétation). - Oui.
15 M. Greaves (interprétation). - Quant à l'origine de la
16 Déclaration universelle des
17 Droits de l'Homme -corrigez-moi si j'ai tort-, s'agissait-il d'un document
18 né à la suite des événements de la Deuxième guerre mondiale ?
19 M. Economides (interprétation). - En grande partie, oui.
20 M. Greaves (interprétation). - C'était le désir de la communauté
21 internationale que cette guerre ne se reproduise pas à l'avenir, n'est-ce
22 pas ?
23 M. Economides (interprétation). - Tout à fait.
24 M. Greaves (interprétation). - L'une des considérations
25 principales qui ont mené à la création de l'article 15, serait-elle la
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1 suivante : à la fin de la guerre, en 1945, notamment en Europe, il y a eu
2 un très grand nombre de personnes déplacées ?
3 M. Economides (interprétation). - Oui, sans doute.
4 M. Greaves (interprétation). - Du fait des changements
5 importants des frontières des territoires qui ont résulté de la guerre, un
6 grand nombre de personnes sont devenues apatrides.
7 M. Economides (interprétation). - Oui.
8 M. Greaves (interprétation). - Un nombre de personnes qui
9 avaient été expulsées de territoires sur lesquels elles résidaient,
10 notamment des personnes allemandes qui avaient vécu en Pologne ou en
11 Tchécoslovaquie ?
12 M. Economides (interprétation). - Oui.
13 M. Greaves (interprétation). - Cette situation a entraîné le
14 fait suivant : il y avait beaucoup de personnes qui n'avaient plus de
15 nationalité, c'est-à-dire qui étaient apatrides.
16 M. Economides (interprétation). - Oui.
17 M. Greaves (interprétation). - Peut-on dire que, depuis 1945,
18 c'est l'apatridie qui a été au coeur des différents traités qui ont été
19 formulés sur le sujet de la nationalité ?
20 M. Economides (interprétation). - Oui.
21 M. Greaves (interprétation). - Cela parce que les apatrides ont
22 entraîné de
23 nombreux problèmes pour les gouvernements européens après la Seconde
24 guerre mondiale. ?
25 M. Economides (interprétation). - Oui.
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1 M. Greaves (interprétation). - Deux conventions, une en 1954 sur
2 le statut des personnes apatrides et une autre en 1961 également sur
3 l'apatridie, ont essayé de limiter.
4 M. Economides (interprétation). - Oui.
5 M. Greaves (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire que
6 la proposition d'article de la Convention européenne sur la nationalité et
7 de la Commission du Droit international se sont concentrées également sur
8 le problème de l'apatridie ?
9 M. Economides (interprétation). - Oui, tout à fait.
10 M. Greaves (interprétation). - Cela nous lie au deuxième
11 principe que vous avez énoncé : la nécessité pour les Etats de promulguer
12 des lois qui éviteront l'apatridie pour toute personne.
13 M. Economides (interprétation). - Oui.
14 M. Greaves (interprétation). - Et pas seulement pour un grand
15 nombre de personnes.
16 Je voudrais maintenant passer au troisième principe que vous
17 avez énoncé qui est le suivant : un Etat qui octroie sa nationalité à une
18 personne ou à un groupe de personnes doit respecter la volonté des dites
19 personnes. Vous vous souvenez nous avoir parlé de cela ?
20 M. Economides (interprétation). - Tout à fait.
21 M. Greaves (interprétation). - Il n'y a pas encore de loi
22 confirmée dans le droit international, je vous dirai pourquoi par la
23 suite. Cela vient de l'article 10 des propositions d'article du droit
24 international qui dit la chose suivante : "Les Etats concernés doivent
25 considérer le désir des personnes concernées lorsque ces personnes
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1 auraient la possibilité d'acquérir la nationalité de deux ou plusieurs
2 Etats concernés.".
3 M. Economides (interprétation). - Oui.
4 M. Greaves (interprétation). - Je voudrais vous suggérer la
5 chose suivante. Le droit dit que l'obligation revient aux Etats qui
6 doivent étudier la volonté des personnes et ne pas la suivre véritablement
7 forcément.
8 M. Economides (interprétation). - Si vous me permettez un petit
9 commentaire sur cette dernière remarque, je dirai que l'article 10 que
10 vous venez de lire est tout à fait comme vous l'avez présenté. Mais si
11 vous lisez les articles qui concernent la succession d'Etat de la
12 Commission de Droit international, transfert d'une partie du territoire,
13 l’article 22 : dissolution d'un Etat, l'article 24 : séparation d’une ou
14 des parties du territoire, ainsi que les articles qui suivent. Vous allez
15 voir que dans tous ces articles, la Commission prévoit, à titre
16 obligatoire, le droit d'option.
17 Dans tous les cas, les personnes doivent toutes se prononcer sur
18 leur nationalité en quelque sorte, si elles veulent la nationalité ou non.
19 Je dirai même que ces articles vont, selon moi, très loin, notamment
20 l'article 20. En cas de transfert du territoire, il prévoit le droit
21 d'option, non pas seulement pour des personnes qui ont des liens affectifs
22 avec un autre pays voisin, mais pour toutes les personnes.
23 Si en Bosnie-Herzégovine, il n'y avait pas un Etat indépendant,
24 mais un territoire qui passait en Bosnie-Herzégovine, il aurait fallu que
25 l’on pose la question pas seulement aux Serbes, mais aussi aux Musulmans
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1 et aux Croates pour savoir si vraiment ils voulaient être ressortissants
2 de la Bosnie-Herzégovine.
3 Le droit d'option, selon la Commission de Droit international,
4 en ce qui concerne tous les types de succession, va beaucoup plus loin. Il
5 est prévu presque obligatoirement pour tous les cas de succession, sur une
6 échelle très large.
7 M. Jan (interprétation). - Une petite question. La personne qui
8 se trouve dans l'Etat successeur a-t-elle la possibilité de conserver la
9 nationalité de l'Etat parent, en quelque sorte ? Supposons que l’Etat
10 parent ne l'accepte pas, qu'il n'accepte que ceux qui se trouvent sur
11 son territoire, que se passe-t-il ? Quel est le droit pertinent dans ce
12 cas ? En ce qui concerne le droit de l'Etat, la nationalité porte
13 essentiellement sur la question du droit pertinent, c’est-à-dire du droit
14 de l'Etat ?
15 M. Economides. - Dans un cas de succession d'Etat et le droit de
16 l'Etat successeur, l'Etat successeur qui naît a le droit de donner sa
17 nationalité à toutes les personnes qui avaient la nationalité de l'Etat
18 prédécesseur et qui ont leur résidence, qui habitent, sur le territoire de
19 l'Etat successeur. C'est un droit absolu de l'Etat successeur.
20 D'après les projets que nous citons ici, l'Etat prédécesseur
21 doit retirer sa nationalité du citoyen qui a obtenu la nationalité de
22 l'Etat successeur. Il y a même obligation du retrait de la nationalité. Il
23 est dit que, pour ne pas avoir de cas d'apatridie, l'Etat successeur,
24 prédécesseur, doit s’abstenir de donner sa nationalité à celui qui n’est
25 pas successeur dans la sienne à la personne impliquée dans un cas de
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1 succession.
2 Mais, éventuellement, l'Etat prédécesseur peut ne pas retirer sa
3 nationalité. On l'a vu dans le passé à plusieurs reprises. Auquel cas,
4 dans un tel cas, la personne aura deux nationalités : la nationalité de
5 l'Etat successeur qui lui donne sa nationalité, et la nationalité de
6 l'Etat prédécesseur qui continue d'exister.
7 S'il y a dissolution, l'Etat prédécesseur n'existe plus. Il peut
8 ne pas retirer la nationalité. La personne peut se trouver avec deux
9 nationalités. Cela peut arriver dans pas mal de cas.
10 Je dirai que la Commission de Droit international favorise la
11 double nationalité, et même la nationalité multiple. Elle permet au
12 citoyen éventuellement d'obtenir plusieurs nationalités. Si vous lisez ces
13 articles, vous allez voir que quelqu'un peut obtenir la nationalité d'un
14 ou de plusieurs Etats successeurs. Il peut être slovène et bosniaque en
15 même temps. Cela est un projet et non une loi. Ce sont les cas qui peuvent
16 se présenter.
17 M. le Président (interprétation). - Excusez moi, mais je ne
18 pense pas que votre
19 réponse ait couvert la question posée par mon collègue, le Juge Jan. Il se
20 pose des questions sur les circonstances. Lorsque le droit d'option est
21 refusé par l'Etat prédécesseur, que se passe-t-il à ce moment-là ?
22 M. Economides. - Le droit d'option n'est pas accordé par l'Etat
23 prédécesseur. Il doit toujours être accordé par l'Etat successeur. Il est
24 exceptionnel que l'Etat prédécesseur accorde un droit d'option. L'Etat
25 successeur doit accorder un droit d'option lorsque, dans sa population
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1 nouvelle, il y a des groupes qui, manifestement, ne veulent pas acquérir
2 sa propre nationalité, et veulent conserver la nationalité de l'Etat
3 prédécesseur. Dans un tel cas, l'Etat successeur doit accorder le droit
4 d'option à ces personnes. S'il ne le fait pas, il ne fait que leur
5 imposer, par voix d'autorité, une nationalité que ces personnes ne veulent
6 pas.
7 Le droit d'option est une obligation pour l'Etat successeur et
8 non pas pour l'Etat prédécesseur.
9 M. le Président (interprétation). - Oui, mais vous voulez dire
10 par là qu'un citoyen qui est obligé de devenir un membre de l'Etat
11 successeur ne peut pas adopter à nouveau la nationalité de l'Etat
12 prédécesseur. Il ne peut pas choisir cette nationalité-là, puisque c'est
13 seulement l'Etat successeur qui peut donner ce droit d'option. Cela veut
14 dire que cette personne ne peut pas conserver sa nationalité de l'Etat
15 prédécesseur.
16 M. Economides. - La formule classique du droit d'option se
17 présente de la manière suivante, on l'a vu dans l'histoire : l'Etat
18 successeur vient après un délai raisonnable et dit à une certaine
19 catégorie de citoyens "voulez-vous obtenir la nationalité, ma nationalité
20 ou voulez-vous conserver la nationalité de l'Etat prédécesseur ?". C'est
21 le droit, l'Etat successeur qui offre le choix entre deux nationalités :
22 celle de l'Etat successeur et celle de l'Etat prédécesseur. Mais ceci est
23 fait par l'Etat successeur et non pas par l'Etat prédécesseur. Les
24 personnes ont la faculté d'opter pour la nationalité de l'Etat
25 prédécesseur, si elles le veulent. Ce sont les procédés classiques du
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1 droit d'option.
2 Je vous ai expliqué la dernière fois le cas du Dodécanèse en
3 Grèce, qui sont des îles que la Grèce a prises après la Seconde guerre
4 mondiale. La Grèce, au bout d'un an, a organisé un droit d'option pour la
5 population des îles du Dodécanèse de langue italienne. Il n'y a que ces
6 gens-là qui ont participé au droit d'option. Ces gens-là avaient le droit
7 d'opter pour la nationalité italienne, s'ils le voulaient. S'ils ne
8 prenaient pas cette option, ils étaient censés conserver la nationalité
9 grecque, qu'ils ont eue tout de suite après l'annexion du Dodécanèse à la
10 Grèce. On a offert à tous ces gens-là le droit d'option en faveur de la
11 nationalité de l'Etat prédécesseur, qui était l'Italie.
12 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup, Professeur.
13 M. Greaves (interprétation). - Professeur, puis-je vous poser la
14 question suivante : Nous parlions de la proposition de l'article 10 dans
15 les propositions d'articles de la Commission du droit international.
16 Je vous ai suggéré que la formulation de cette proposition
17 d'article impliquait qu'il n'y avait pas d'obligation de donner la
18 nationalité au groupe de personnes mentionnées dans l'article 10. Je l'ai
19 suggéré parce que cela est établi dans les commentaires qui sont annexés
20 aux propositions d'articles.
21 Je cite : "L'expression "devra porter considération" implique
22 qu'il n'y a pas d'obligation stricte de donner un droit d'option aux
23 catégories des personnes qui sont mentionnées". Acceptez-vous qu'il
24 s'agit-là du sens qui est inclus dans l'article 10 ?
25 M. Economides. - Oui.
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1 M. Greaves (interprétation). - Merci.
2 De même, la convention européenne sur la nationalité, et plus
3 particulièrement son article 18-2(C), que vous connaissez, j'en suis sûr,
4 a la même formulation, n'est-ce pas ?
5 M. Economides. - Oui.
6 M. Greaves (interprétation). - Je vais vous lire l'article 18-2,
7 il dit la chose
8 suivante : Lors de la décision de l'octroi ou non de la nationalité en cas
9 de succession d'Etat, chaque Etat concerné doit tenir compte de la volonté
10 de la personne concernée. Il s'agit-là du petit (C), n'est-ce pas ?
11 M. Economides. - Oui, c'est cela.
12 M. Greaves (interprétation). - Dans les notes explicatives qui
13 suivent la convention européenne, il est dit la chose suivante : "En ce
14 qui concerne le paragraphe C, la volonté de la personne concernée doit
15 être prise en considération. Cela pourrait donner à la personne le droit
16 d'option en ce qui concerne la nationalité qui serait accordée contre la
17 volonté d'une personne.". Là encore, je suggère qu'il n'y a aucune
18 obligation mentionnée dans cet article. L'Etat n'a aucune obligation de
19 donner le droit d'option dans tous les cas, n'est-ce pas exact ?
20 M. Economides. - Oui.
21 M. le Président (interprétation). - En fait, je voudrais
22 demander la chose suivante au professeur : c'est tout à fait la
23 formulation exacte de la proposition de ces textes. Mais, dans le droit
24 international, l'Etat peut-il de façon obligatoire conférer une
25 nationalité à un groupe de personnes, si le nouveau statut professionnel
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1 vient d'une nouvelle situation, comme une situation de guerre par
2 exemple ? Est-ce bien le sens de ce qui est écrit lorsqu'on prend un
3 groupe de personnes par la force, qu'on l'expulse d'un Etat déjà
4 existant ? Le droit international insiste-t-il sur le fait qu'on peut par
5 la force maintenir leur nationalité ?
6 M. Economides. - La question effectivement est très complexe. Je
7 dirai, d'après le droit international, qu'un Etat peut accorder sa
8 nationalité, notamment à la suite d'une succession d'Etat ; à la suite
9 d'une succession d'Etat et non pas d'une occupation militaire. Lors d’une
10 occupation militaire, d'après le droit de la guerre, l'Etat n'obtient pas
11 la souveraineté. Il ne peut pas changer, sauf s'il viole le droit, la
12 nationalité du territoire occupé.
13 Lorsque nous avons un cas de succession d'Etat, l'Etat
14 successeur a le droit de donner sa nationalité, même par voie d'autorité,
15 à toute la population. On l'a vu dans l'histoire.
16 Mais -et c'est là le collectif- il doit après quelque temps voir quels
17 sont les sentiments de toutes les personnes et ouvrir un droit d'option,
18 lorsque la paix est intervenue, lorsque l'Etat est installé, lorsque tout
19 est vraiment normal, aux personnes qui manifestement ne veulent pas de
20 cette nationalité octroyée par voie d'autorité.
21 Historiquement, nous avons des cas d’option de nationalité
22 recouvrant des milliers de cas d'option de nationalité. C'est la pratique
23 internationale courante.
24 Pour répondre à votre question, je dirai qu’à la suite d'une
25 succession d'Etat, l'Etat a le droit de donner sa nationalité, mais pas
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1 d’une façon indéterminée pendant un laps de temps raisonnable. Après, il
2 doit ouvrir un droit d'option pour ces populations, notamment pour les
3 populations qui, manifestement, ne veulent pas acquérir la nationalité de
4 l'Etat successeur. On l'a vu pendant toute l'histoire.
5 C'est une question juridique très importante que nous débattons
6 actuellement. Effectivement, l'article 10 traite la question de l'option
7 sur une base non obligatoire. La convention du Conseil de l’Europe sur la
8 nationalité la traite aussi d'une manière assez souple.
9 En revanche, la Commission de Venise, qui a fait une
10 déclaration, prévoit le droit d'option comme obligatoire. La Commission de
11 Droit international concernant les cas de succession, articles 20 à 26 que
12 j'ai déjà cités, voit également le droit d'option comme obligatoire.
13 Nous sommes au stade d'une évolution du droit international qui
14 n'a pas encore été tout à fait cristallisée. Est-ce une obligation
15 internationale absolument sûre ? Personnellement, en tant
16 qu'internationaliste, je répondrai affirmativement. D'autres peuvent
17 répondre éventuellement négativement à la même question.
18 Toujours est-il que le droit d'option est quelque chose de très
19 répandu dans la pratique internationale.
20 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Je vous suis
21 très reconnaissant.
22 Pour ma part, j'appréhende un peu que si une situation
23 contraignante existe et que le nouvel Etat compte en son sein une minorité
24 importante de citoyens dissidents, il risque d'y avoir une possibilité
25 d’effets boule de neige sur ce groupe de personnes, qui essaient de se
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1 séparer du pays ; à moins de la possibilité pour elles de changer leur
2 nationalité.
3 Si on les retient de façon obligatoire et qu'elles n’ont pas la
4 possibilité de sortir de cette situation, elles peuvent trouver un autre
5 moyen de s'en sortir. C'est mon avis personnel, cela n'a rien à voir avec
6 le statut actuel du droit international.
7 M. Economides. - Le droit essaie de donner toujours des voies de
8 sortie. Dans le cas que vous venez de mentionner, il y a toujours la
9 possibilité d'octroi de la nationalité d'office, mais il doit y avoir
10 toujours l'obligation d'ouvrir un droit d'option par la suite, lorsque les
11 choses se sont calmées.
12 M. Greaves (interprétation). - Professeur, pouvons-nous passer
13 maintenant, si vous le voulez, bien, à la question de savoir quelle est la
14 nationalité des résidents d'un Etat successeur ?
15 Je reviens sur ce que vous avez dit aux Juges lors de votre
16 dernière comparution ici, à savoir que le règlement est très clair à ce
17 sujet.
18 L'Etat successeur doit accorder sa nationalité à tous les
19 ressortissants de l'Etat prédécesseur qui ont leur résidence sur le
20 territoire de l'Etat successeur.
21 J'aimerais vous poser la question suivante. Je pense que vous
22 trouverez le passage concerné dans le texte des articles de l'ILC,
23 article 4 en l’occurrence. Il est exact, n'est-ce pas, que le projet
24 d'articles stipule la chose suivante : « Sous réserve des dispositions du
25 présent projet d'articles, les personnes qui possèdent une résidence
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1 habituelle dans l'Etat affecté par la succession des Etats sont présumées
2 acquérir la nationalité de l'Etat successeur à la date de cette
3 succession ». Vous rappelez-vous cet article ?
4 M. Economides. - Oui.
5 M. Greaves (interprétation). - Je n'entends rien dans mon
6 casque.
7 (Les interprètes demandent de ralentir le débit de la parole.)
8 C'est une question qui provenait du Juge Jan, qui vous a été
9 posée lors de votre dernière comparution, à savoir le choix qui peut
10 exister entre la succession d'Etat et l'octroi d'un droit d'option. Vous
11 rappelez-vous la question du Juge Jan ?
12 M. Economides. - Je crois, oui.
13 M. Greaves (interprétation). - Est-il exact que l'objet de
14 l'article 4 consiste à traiter ce problème précis du laps de temps qui
15 s'écoule entre la date de la succession de deux Etats et l'adoption d'une
16 législation appropriée ou d'un traité qui permet d'octroyer le droit
17 d'option ?
18 M. Economides. - L'article 4 comme l'article 6 veulent attirer
19 l'attention sur la nécessité qu'il y ait une nationalité dès le
20 commencement de la succession d'Etat, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas de
21 vide et que les personnes restent sans nationalité.
22 Ce sont des présomptions qui ne sont pas irréfragables, des
23 présomptions qui peuvent ne pas se produire dans la vie courante parce que
24 la nationalité n'est pas attribuée par une présomption, mais toujours par
25 un acte de l'Etat.
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1 Ces dispositions disent que l'Etat doit légiférer de telle
2 manière qu'il puisse accorder sa nationalité dès le commencement de la
3 succession d'Etat. Cela s'est toujours fait dans l'histoire de cette
4 manière-là. Le premier acte de l'Etat qui devient souverain et indépendant
5 est de désigner les ressortissants qui composent la population du nouvel
6 Etat.
7 Ces deux dispositions soulignent cela, mais le souligne à titre
8 de présomption ou de principe pour que les Etats respectent ces lignes-là.
9 Cela ne veut pas dire que, si un Etat n'a pas accordé sa nationalité, les
10 personnes obtiennent, en vertu de l'article 4, la nationalité de l'Etat
11 successeur.
12 Pour que la nationalité soit possédée, il faut un acte de droit
13 interne de l'Etat qui accorde la nationalité à certaines catégories de
14 personnes, notamment aux personnes qui avaient
15 la nationalité de l'Etat prédécesseur et qui résident sur le territoire du
16 nouvel Etat.
17 M. Greaves (interprétation). - Le processus est à deux étapes.
18 Lorsque la succession d'Etat se produit, la présomption entre en oeuvre en
19 vertu de l'article 4.
20 En temps utile, la législation est adoptée par l'Etat souverain
21 qui établit les bases permettant aux habitants de devenir ressortissants
22 de cet Etat.
23 M. Economides. - Lorsqu'il y a succession d'Etat, c'est le droit
24 interne qui est le droit applicable. C'est le droit qui compte. Le reste,
25 ce sont des lignes de direction, comment le droit interne doit
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1 fonctionner.
2 C'est le droit interne qui doit immédiatement donner la
3 nationalité, comme prévu aux articles que je viens de citer.
4 S'il y a doute, naturellement la présomption aura sa place et
5 pourra jouer. Mais s'il n'y a pas du tout d'acte interne accordant la
6 nationalité, la nationalité ne peut pas être conférée en vertu des
7 articles 4 ou 6.
8 M. Greaves (interprétation). - Pouvons-nous maintenant en
9 arriver aux éléments spécifiques du droit d'option ?
10 Conviendriez-vous avec moi, Monsieur le Professeur, que lorsque
11 nous parlons du droit d'option, deux éléments peuvent survenir ?
12 Premièrement, l'octroi du droit d'option en vertu du traité
13 conclu par les deux parties issues de la succession d’Etat et peut-être
14 même d'autres parties extérieures. Deuxièmement, il peut entrer en oeuvre
15 grâce à l'adoption d'une législation nationale appropriée. Etes-vous
16 d'accord pour dire que ce sont les deux moyens ?
17 M. Economides. - Oui, je suis d'accord. Mais avec une nuance,
18 c'est que le traité international était la voie dans le passé. Le droit
19 d'option était prévu par un traité qui réglait toute la question de la
20 succession d'Etat.
21 Ce traité prévoyait toujours un droit d'option entre deux
22 choses ; il y avait un
23 dilemme : nationalité de l'Etat successeur ou nationalité de l'Etat
24 prédécesseur. Après la Seconde guerre mondiale, le droit d'option s’ouvre
25 en vertu de lois nationales. Ces lois ne donnent pas l'option de choisir
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1 entre deux nationalités, mais donnent seulement une option. Elles ouvrent
2 la nationalité de l'Etat qui légifère, de l'Etat concerné.
3 Je suis tout à fait d’accord avec vous, dans les deux cas, nous
4 avons un droit d'option. Dans le premier cas, choisir entre deux
5 nationalités, dans le second cas, choisir une nationalité déterminée.
6 M. Greaves (interprétation). - La Commission de Venise a établi
7 un questionnaire qu'elle a envoyé aux Etats membres. Ce questionnaire
8 demandait quels étaient les exemples de succession d’Etat dont ils avaient
9 connaissance et ce qui s'était passé à cette occasion. Vous avez répondu à
10 ce questionnaire au nom de votre pays, est-ce exact ?
11 M. Economides. - Oui.
12 M. Greaves (interprétation). - Au cours de votre déposition,
13 lorsque vous avez parlé de l'existence de la possibilité d'un droit
14 d'option, vous avez relaté l'expérience de votre pays sur un certain
15 nombre d'années. Vous avez évoqué un certain nombre d'occasions où le
16 droit d'option a été octroyé.
17 J'aimerais, si vous le voulez bien, Monsieur le Professeur, que
18 nous passions en revue ces exemples. Pouvez-vous d'abord me dire la chose
19 suivante. Je crois comprendre que dans le droit grec, il est impossible
20 aux habitants d'avoir plusieurs nationalités, est-ce exact ?
21 M. Economides. - Ce n'est pas exact. D'après le droit grec, il y
22 a la nationalité grecque bien sûr, mais il y a énormément de Grecs qui ont
23 une double nationalité. La Grèce est un pays qui a beaucoup de Grecs à
24 l'extérieur, en dehors de la Grèce. C'est un pays favorable à la double
25 nationalité, même à la nationalité multiple.
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1 Tous les Grecs qui sont installés aux Etats-Unis, il y en a
2 quelques 3 millions, sont en même temps Grecs et citoyens des Etats-Unis,
3 ressortissants des Etats-Unis. Il en est de
4 même des Grecs d’Australie, du Canada et des Grecs qui se trouvent dans le
5 monde entier. La Grèce, sur le plan de la nationalité, est un Etat très
6 souple.
7 M. Greaves (interprétation). - Veuillez m'accorder un instant,
8 je vous prie. J'ai posé cette question, Monsieur le Professeur, parce que
9 les formes qui ont été créées et les exemples en rapport avec la Grèce
10 semblaient indiquer que la nationalité multiple n'était pas possible. Cela
11 semble être faux.
12 M. Economides. - Vous avez raison, cela a été signalé par erreur
13 par le secrétariat du Conseil de l’Europe. Vous avez vu cette erreur que
14 vous avez considérée comme répondant à la réalité. Ce n'est pas vrai. Il y
15 avait une erreur dans le rapport du Conseil de l’Europe. Ce n'est pas
16 exact.
17 M. Greaves (interprétation). - C’est bien la preuve que la
18 Commission n'est pas infaillible.
19 Monsieur le Professeur, pourriez-vous m'aider sur le point
20 suivant, la première fois qu'un droit d'option a été octroyé par votre
21 pays, s'est en 1881. Je vous prie de m'excuser pour la mauvaise
22 prononciation des noms de certaines régions de votre pays, mais je crois
23 qu'il s'agissait d'incorporer à ce moment-là certaines parties d’Ipiros en
24 1881 ?
25 M. Economides. - Oui.
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1 M. Greaves (interprétation). - Merci beaucoup. Je vous prie de
2 m'excuser pour avoir massacré la langue grecque. Ce n'est pas une langue
3 que je maîtrise.
4 La deuxième occasion s'est située en 1913 lorsque la Macédoine,
5 la Crête et certaines îles de la mer Egée ont été intégrés à la Grèce.
6 M. Economides. - Oui, tout à fait.
7 M. Greaves (interprétation). - L'occasion suivante s'est située
8 entre 1918 et 1923 lorsque la Thrace occidentale a été intégrée à la
9 Grèce ?
10 M. Economides. - Tout à fait.
11 M. Greaves (interprétation). - La dernière occasion s'est située
12 en 1947 lorsque les îles du Dodécanèse ont également été intégrées à la
13 Grèce.
14 M. Economides. - Exactement.
15 M. Greaves (interprétation). - Tous ces exemples d'octroi du
16 droit d'option ont eu des conséquences assez dramatiques pour les
17 personnes qui ont tenté de l'exercer.
18 En d'autres termes, par l’exercice du droit d'option, dans
19 chacun de ces exemples, sauf deux, le maintien de la nationalité ottomane
20 a été conservé. Je parle de la Thrace occidentale où ce droit a été
21 conservé pour la nationalité bulgare et du Dodécanèse pour la nationalité
22 italienne. Vous aviez le droit de quitter le territoire si vous cherchiez
23 à exercer votre droit, mais vous deviez quitter votre maison.
24 M. Economides. - C'était l'obligation de quitter l'Etat.
25 M. Greaves (interprétation). - Absolument. En effet, c'est une
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1 conséquence assez draconienne de l'exercice du droit d'option, n'est-ce
2 pas ?
3 M. Economides. - Exactement.
4 M. Greaves (interprétation). - C'est une conséquence qui se
5 retrouve très couramment dans l'octroi du droit d'option. Ce droit
6 d'option s'est souvent accompagné par l'insistance du pays, qui octroyait
7 le droit d'option, aux personnes en question de quitter le pays. En
8 conviendriez-vous avec moi, Monsieur le Professeur ?
9 M. Economides. - Je suis tout à fait d'accord avec vous.
10 C'est pour cette raison que la Commission de Venise a essayé de
11 changer cette pratique. On a stipulé dans l'article 6 que l'option en
12 faveur de la nationalité de l'Etat prédécesseur ne devait pas avoir des
13 conséquences préjudiciables pour les optants, en particulier en ce qui
14 concerne leur droit de résider sur le territoire de l'Etat successeur et
15 sur leurs biens meubles ou immeubles qui s'y trouvent. On essaie de
16 changer la règle.
17 Effectivement, je suis tout à fait d'accord avec vous, la
18 pratique antérieure était tout
19 à fait inhumaine. Qu'est-ce que ce droit d'option ? Lorsqu'on opte pour la
20 nationalité de l'Etat prédécesseur, il faut quitter l'Etat successeur, il
21 faut emporter les biens, disparaître de l'Etat successeur et quitter le
22 pays. C'est effectivement très violent. C'est pour cela qu'on essaie
23 maintenant de changer cette règle qui était effectivement appliquée
24 jusqu'à la fin de la Seconde guerre mondiale.
25 M. Greaves (interprétation). - Accepteriez-vous de m'aider sur
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1 ce point : depuis 1990 au sein des Etats qui ont répondu au questionnaire
2 comme le vôtre, dans quinze occasions il s'est déroulé une succession
3 d'Etat. Sur ces quinze cas, dans huit cas le droit d'option a été accordé,
4 mais dans six cas il ne l'a pas été. Acceptez-vous cela ?
5 M. Economides. - Je n'ai pas compté les cas. Je sais que le
6 droit d'option n'a pas été accordé dans tous les cas. Cela confirme, à peu
7 près, ce que vous venez de dire.
8 M. Greaves (interprétation). - Compte tenu de la similitude des
9 chiffres et de l'égalité des chiffres, il semble que la pratique des Etats
10 soit très divisée en matière d'octroi du droit d'option ?
11 M. Economides. - Il faut nuancer un peu. La pratique antérieure
12 était beaucoup plus forte.
13 Il n'y a pas l'ombre d'un doute que le droit d'option était
14 quelque chose de très courant, mais avec les conséquences graves que vous
15 venez de signaler.
16 Après la Seconde guerre mondiale, le droit d'option apparaît
17 toujours, mais il n'a pas été suivi dans tous les cas.
18 Le droit international a beaucoup de faiblesses. Il n'est pas
19 toujours respecté. C'est une autre question, un autre chapitre que je ne
20 veux pas ouvrir ici.
21 Les défauts du droit international sont connus de tous. Il y a
22 des violations du droit international qui ne sont jamais sanctionnées.
23 Cela ne veut pas dire que le droit international ou l'obligation n'existe
24 pas, même s’il n'est pas respectée dans tous les cas.
25 Maintenant, je ne me souviens pas dans quel cas le droit a été
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1 accordé et dans quels cas le droit n'a pas été accordé.
2 M. Greaves (interprétation). - Oui. Je ne vais pas passer en
3 revue la longue liste des Etats qui n'ont pas accordé le droit d'option,
4 sinon nous en aurions pour un certain temps
5 Monsieur le Professeur, sur le point suivant, pouvez-vous
6 m'aider : partons du principe que, par traité ou par législation, un droit
7 d'option est effectivement accordé. Si le droit d'option a été accordé aux
8 citoyens ressortissants du pays, il faut qu'il existe un acte formel qui
9 permette d'exercer ce droit d'option, n'est-ce pas ?
10 M. Economides. - Absolument.
11 M. Greaves (interprétation). - Par exemple, un formulaire à
12 remplir pour demander la nationalité que l’on souhaite.
13 M. Economides. - Tout à fait.
14 M. Greaves (interprétation). - L'état dont la nationalité est
15 demandée devrait, par exemple, fournir un certificat de nationalité.
16 M. Economides. - Oui.
17 M. Greaves (interprétation). - Je suppose aussi que, dans
18 pratiquement tous les pays du monde, il existe l'obligation de prêter
19 serment, allégeance, aux pays dont on a demandé la nationalité.
20 M. Economides. - Oui.
21 M. Greaves (interprétation). - Vous ne pouvez pas vous réveiller
22 le matin, en 1913, par exemple, et vous dire : "Je me sens ottoman ce
23 matin." !
24 M. Economides. - Non. Habituellement, il y a certaines règles.
25 Il faut signer un papier.
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1 M. Greaves (interprétation). - Tout à fait.
2 Vous nous avez dit, lors de votre dernière déposition, que vous
3 n'aviez pas étudié la
4 question de ce qu'étaient les lois sur la nationalité des Etats de l'ex-
5 Yougoslavie, mais que, pour autant que vous le sachiez, il n'existait pas
6 de droit d'option dans le cas de la Bosnie-Herzégovine en 1992. Et
7 également, qu’en l'absence de ce droit d'option, il était impossible pour
8 les résidents habituels de ce territoire d'opter pour une autre
9 nationalité.
10 M. Economides. - Oui. Tout à fait
11 M. Greaves (interprétation). - La Bosnie-Herzégovine a été assez
12 rapide dans le vote de sa loi nationale puisqu’elle l’a fait le lendemain
13 de la déclaration annonçant son indépendance. Savez vous cela ?
14 M. Economides. - Non. J'ai une trace d'une loi concernant la
15 nationalité de la Bosnie-Herzégovine qui datait du mois d'octobre 1992,
16 alors que l'indépendance a eu lieu bien avant, si je ne me trompe pas.
17 M. Greaves (interprétation). - Oui. Nous n'avons pas besoin
18 d'entrer dans le détail, mais vous êtes d'accord qu'aucun droit d'option
19 n'a été accordé aux résidents habituels ?
20 M. Economides. - Oui.
21 M. Greaves (interprétation). - Dans les faits, ces résidents
22 habituels sont devenus ressortissants de la Bosnie-Herzégovine après la
23 succession d'Etat ?
24 M. Economides. - C’est une question capitale. La
25 Bosnie-Herzégovine devient Etat indépendant en 1992, je crois au mois
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1 d'avril. Il n'y a aucune loi qui est votée, alors qu'habituellement la
2 première chose que font les Etats nouvellement arrivant à la souveraineté
3 et à l'indépendance c’est de désigner les ressortissants. La Bosnie-
4 Herzégovine ne fait rien du tout.
5 Cela veut dire que, par voie interprétative, la
6 Bosnie-Herzégovine a maintenu sa loi précédente concernant la nationalité,
7 qui est une loi qui a été votée dans le cadre de l'ex-Yougoslavie. Cette
8 loi continue à être en vigueur. Elle n'a pas été abolie. Il n'y a pas
9 d'autre loi. Il faut donc supposer que la loi antérieure est toujours
10 valable. Or, la loi antérieure disait que tous les Bosniaques sont en même
11 temps des ressortissants de la Yougoslavie.
12 On doit donc accepter que, pendant un certain temps, tous les
13 Bosniaques aient deux nationalités : la nationalité de l'ex-Yougoslavie et
14 la nationalité de Bosnie-Herzégovine, en vertu de la loi qui avait été
15 votée dans le cadre de l'ex-Yougoslavie, dans les années 1900.
16 Par conséquent, je suis d'accord avec vous. Ils étaient tous
17 Bosniaques, mais, en même temps, ils étaient tous nationaux de la
18 République Socialiste Fédérative de Yougoslavie, cela au mois
19 d'avril 1992. Selon moi, il y avait donc une double nationalité pour tout
20 le monde, en interprétant les faits.
21 M. Greaves (interprétation). - Nous en arrivons à la pause. J'ai
22 encore une dernière question à vous poser sur ce sujet,
23 Monsieur le Professeur.
24 Comme vous en êtes convenu précédemment, au moment de la
25 dissolution de la République socialiste de Yougoslavie cette nationalité a
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1 cessé d'exister.
2 M. Economides. - Oui.
3 M. Greaves (interprétation). - Merci. Est-ce un moment approprié
4 pour la pause, Monsieur le Président ?
5 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Nous allons
6 maintenant avoir une courte pause. Nous nous retrouverons à midi.
7 L'audience, suspendue à 11 h 30, est reprise à 12 h 04.
8 M. le Président (interprétation). - Peut-on faire entrer le
9 témoin, s'il vous plaît ?
10 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)
11 Je vous en prie, Maître Greaves, poursuivez.
12 M. Greaves (interprétation). - Je n'ai plus de question à poser
13 au Pr. Economides. Je vous remercie.
14 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie,
15 Maître Moran.
16 M. Moran (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.
17 Puis-je poursuivre ?
18 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie,
19 Maître Moran.
20 M. Moran (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Professeur. Je
21 m'appelle Maître Moran, je suis avocat. Je représente un homme appelé
22 Hazim Delic.
23 Je vais vous poser un certain nombre de questions portant sur
24 certaines des choses dont vous avez parlées, lors de votre témoignage, ce
25 matin, ainsi que des questions qui me permettront de mieux saisir ce que
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1 vous avez dit lors de vos réponses à des questions qui vous ont été posées
2 par les personnes siégeant, ici, dans ce Tribunal.
3 S’il y a la moindre question que je vous pose qui n’est pas
4 totalement claire, veuillez, s'il vous plaît, m'interrompre et me demander
5 de préciser les choses.
6 Je vais commencer par la chose suivante. Seriez-vous d'accord
7 avec moi pour dire qu'il y a, en gros, quatre sources différentes de droit
8 international qui sont les quatre sources qui apparaissent dans
9 l'article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice, la CIJ.
10 Première sources : les conventions internationales, soit de
11 portée générale, soit spécifique, expriment des règles qui sont toutes
12 reconnues par les Etats, qui sont parfois opposés dans le cadre de
13 certaines affaires.
14 Deuxième source : les coutumes internationales, pratique
15 générale, qui est reconnue comme étant source de droit.
16 Troisième source : les principes généraux du droit reconnus par
17 les nations dites civilisées.
18 Quatrième source : l les décisions judiciaires et les doctrines
19 formulées par les plus grands experts de différents pays.
20 Tout ceci permet de déterminer des règles précises de droit.
21 Etes-vous d'accord avec moi pour dire que ce sont les quatre sources
22 principales du droit international ?
23 M. Economides. - Je suis tout à fait d’accord avec vous, avec la
24 précision que les
25 trois premières sources sont des sources principales et la dernière,
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1 c’est-à-dire la jurisprudence et la doctrine, une source auxiliaire.
2 M. Moran (interprétation). - Je vais vous montrer deux manuels :
3 le Droit international d’Oppenheim, publié par M. Robert Jennings, et
4 Principes du droit international public de M. Brown.
5 Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que ces deux ouvrages
6 sont vraiment des ouvrages de référence pour ce qui est du fonctionnement
7 du droit international ?
8 M. Economides. - Ce sont des ouvrages d'autorité scientifique.
9 M. Moran (interprétation). - En fait, M. Jennings était
10 Président de la Cour mondiale, je ne crois pas que nous puissions remettre
11 en question ce qu'il peut dire sur le droit international.
12 De façon assez générale, le rapport de la Commission de droit
13 international comprend les comptes rendus des sessions du 18 juillet et du
14 12 mai de cette année. C’est un document des Nations Unies qui porte la
15 référence A5/2/10. Un appendice, autre document, porte la
16 référence A/CN/DOC4/480. Ce document a été publié le 22 février de cette
17 année. Un autre document référencé A/CN/CAR/480/A1 a été fait le jour
18 suivant. C’est un rapport portant sur la nationalité dans le cadre de la
19 succession d’Etat établi par le rapporteur de cette commission.
20 Diriez-vous, avec moi, que ceci précise ce qui s'est déroulé
21 lors de ces réunions dans le cadre de la Commission du droit
22 international ?
23 Vous avez eu l'occasion de vous pencher sur ces documents, de
24 les lire avant qu'ils ne soient publiés. Ce sont des documents de
25 l’Assemblée générale.
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1 Si vous aviez pensé qu’il y avait quoi que ce soit qui ne soit
2 pas précis dans ces documents, vous auriez pu leur apporter des
3 modifications, émettre un avis contraire, quelque chose de ce genre,
4 n’est-ce pas ?
5 M. Economides. - J'ai lu tous ces documents. Je ne les ai pas
6 amenés dans mes valises naturellement, mais je les ai lus à temps, il y a
7 longtemps.
8 Le rapport fait par le rapporteur spécial est un document qui
9 fait, en principe, foi. Mais cela ne veut pas dire que les textes qui ont
10 été adoptés par la suite reflètent toujours les propositions qui figurent
11 dans les rapports.
12 Ce qui a beaucoup plus de crédibilité et d'autorité, c'est le
13 rapport lui-même, moins le rapport du rapporteur spécial qui est très
14 étendu et qui n'est pas suivi dans tous les cas par la Commission de Droit
15 international.
16 Mais je suis tout à fait d'accord avec vous sur le fait que,
17 dans les rapports, on trouve beaucoup plus d'éléments détaillés concernant
18 la question que nous examinons.
19 M. Moran (interprétation). - J'aimerais également discuter avec
20 vous de la Commission de Venise et de son rapport. J'ai un certain nombre
21 d'entre de rapports entre les mains.
22 Je vais parler de ces rapports, de façon générale, avec vous.
23 J’en ai un daté du 10 février et un autre daté des 13 et
24 14 septembre 1996. Vous avez participé, n’est-ce pas, à l’élaboration de
25 ces rapports ?
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1 M. Economides. - Oui.
2 M. Moran (interprétation). - Vous auriez pu émettre certaines
3 suggestions concernant des modifications qui auraient été apportées à ces
4 rapports. Si vous aviez pensé que des erreurs s’étaient glissées dans ces
5 rapports, vous auriez pu émettre un avis contraire, n’est-ce pas ?
6 M. Economides. - Oui.
7 M. Moran (interprétation). - Il s'agit de rapports d’autorité
8 pour ce qui est des faits qui y sont relatés, des propositions qui y sont
9 faites.
10 M. Economides. - Oui.
11 M. Moran (interprétation). - Fort bien.
12 Puisque tout cela est clair, seriez-vous d’accord avec moi pour
13 dire que la Chambre d’appel de ce Tribunal a la compétence, a l'autorité
14 nécessaire, pour interpréter et pour décider de ce qui est le droit
15 international ?
16 M. Economides. - Oui, dans le champ de sa juridiction.
17 M. Moran (interprétation). - Fort bien.
18 Professeur, je vais être très franc avec vous. J’étais en train
19 de revenir sur votre témoignage du 30 octobre. J’ai également écouté ce
20 que vous avez dit, ce matin. Très franchement, il y a certaines choses que
21 je n'ai pas très bien comprises. Je vais vous demander de m'aider à mieux
22 saisir ce que vous avez dit. Vous avez déjà répondu à certaines questions
23 que je me posais.
24 Une question vous a été posée le Juge Karibi-Whyte. Cette
25 question était liée à une situation claire et à une occupation d’un
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1 territoire. Votre réponse à cette question a été la suivante : une force
2 occupante ne peut pas modifier une nationalité, cela relève du droit
3 humanitaire international, n'est-ce pas ?
4 M. Economides. - Bien sûr. Un Etat qui occupe par la force un
5 territoire ne peut pas changer la nationalité des personnes.
6 L’occupation militaire ne peut changer ni la souveraineté qui
7 appartient à l’Etat qui est militairement occupé, ni la nationalité des
8 personnes qui habitent sur le territoire. Donc, l'occupation militaire ne
9 change pas la nationalité.
10 La Grèce a été occupée par l'Allemagne lors de la Seconde guerre
11 mondiale pendant 4 ans. La Grèce n’est pas devenue un territoire allemand.
12 Les Grecs n’ont pas changé de nationalité pour devenir des sujets
13 allemands. L'occupation militaire est en dehors de notre champ
14 d’application.
15 Je le répète encore une fois : l’occupation militaire ne change
16 ni la souveraineté du
17 territoire, ni la nationalité des personnes. La succession d’Etat légale
18 est tout à fait autre chose.
19 M. Moran (interprétation). - En fait, c'est la Convention de
20 La Haye de 1970 qui établit cela comme étant un principe du droit
21 international ?
22 Dans le cadre d’une guerre, la souveraineté sur un territoire
23 peut être transférée. Un exemple : celui de la Lorraine qui, entre la
24 France et l'Allemagne, a changé d'appartenance d’Etat trois ou quatre fois
25 au cours du même siècle.
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1 M. Economides. - Cela s’opère, mais par la voie des traités de
2 paix qui règlent la question de la guerre, qui créent les conditions de
3 paix et qui règlent toutes les questions.
4 La guerre elle-même, en tant qu'événement, ne change pas la
5 situation. Mais s’agissant de la paix qui est convenue par la suite entre
6 les Etats impliqués dans la guerre, les traités peuvent régulariser la
7 situation et la changer complètement sur le plan du droit.
8 M. Moran (interprétation). - Professeur, on vient de me faire
9 passer une petite note. Généralement, je gère bien cette situation mais,
10 là, j’ai oublié de vous préciser que, dans ce Tribunal, il y a deux jeunes
11 femmes Sténotypistes, qui écrivent tout ce que nous sommes en train de
12 dire. Elles ne peuvent pas saisir un hochement de tête, un signe que vous
13 pourriez faire. Il vous faudra répondre par oui ou non après chacune de
14 mes questions, si vous le pouvez.
15 . Prenons l'exemple de l’Alsace et de la Lorraine. Lorsqu’un
16 traité de paix est conclu entre la France et l’Allemagne, dans ce cas
17 précis le traité peut stipuler que la population concernée devient
18 citoyenne de l'Allemagne ou citoyenne de la France.
19 M. Economides. - Absolument.
20 M. Moran (interprétation). - Dans ce sens, une guerre peut
21 apporter des modifications du point de vue de la nationalité ?
22 M. Economides. - Certainement.
23 M. Moran (interprétation). - Ou bien une puissance victorieuse
24 peut simplement annexer un territoire, n’est-ce pas ?
25 M. Economides. - Au début du droit international, c'était
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1 accepté, mais depuis la Première guerre mondiale, et surtout la Seconde
2 guerre mondiale, la force a été bannie complètement.
3 Le recours à la force est considéré comme un acte illicite. Une
4 annexion unilatérale serait un acte illégal qui devrait amener des mesures
5 de sécurité de la part du Conseil de Sécurité des Nations Unies.
6 M. Moran (interprétation). - Je vois. Mais il y a diverses
7 façons de voir un peuple ou un territoire changer de mains.
8 Il peut y avoir sécession dans le cadre d'un Etat. Certaines
9 parties, certaines régions, d'un pays peuvent décider de faire sécession
10 de ce pays.
11 M. Economides. - Certainement, c'est la voie normale
12 actuellement de la sécession. Le droit d'autodisposition est exercé par
13 certains Etats et ils peuvent devenir indépendants en vertu de ce droit.
14 M. Moran (interprétation). - Il peut également y avoir des cas
15 où des Etats s'unissent pour ne former qu'un seul Etat.
16 D'ailleurs, l'un des exemples que vous avez vous-même cité dans
17 le cadre du rapport de la Commission de Venise est un exemple que je
18 connais fort bien, tout simplement parce que cela touche de très près
19 l'endroit d'où je viens. Il s’agit de l'annexion du Texas par les Etats
20 Unis en 1845, c'est l'un des exemples très précis auxquels vous vous êtes
21 référés.
22 Dans ce cas précis, une nation cesse d'exister n'est-ce pas ?
23 Donc, sa nationalité cesse d'exister par là même ?
24 M. Economides. - C'est tout à fait valable, c'est le cas récent
25 de l'Allemagne. Les deux Allemagnes se sont unies et ont fait un Etat.
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1 Vous avez un cas d'union d'Etats, mais au départ vous avez un traité
2 international qui a réglé toutes les questions, qui se sont opérées par la
3 suite.
4 Naturellement, l'union d'Etats est une façon tout à fait
5 acceptée par le droit international et qui a pour conséquence le
6 changement de la nationalité, mais qui s'opère dans la paix et non pas par
7 un recours à la force illégale.
8 M. Moran (interprétation). - Fort bien. D’autre part, un
9 changement peut intervenir dans le cadre de la souveraineté, lorsqu'une
10 nation explose. Par exemple, l'ex-Union Soviétique, en 1991 a cessé
11 d'exister parce qu'elle s'est dissoute d'une certaine façon.
12 M. Economides. - Un traité de dissolution a été signé et l'ex-
13 Union Soviétique a éclaté complètement effectivement, en vertu d'un traité
14 préalable qui a prévu précisément l'éclatement et la dissolution de l'ex-
15 Union Soviétique. Bien sûr, cela existe.
16 M. Moran (interprétation). - Gardons cet exemple de l'Union
17 Soviétique et parlons du droit international dans le cadre de cet exemple
18 précis.
19 Nous nous rappelons tous qu'en décembre 1991 le
20 Président Gorbatchev a fait un discours et a déclaré qu'il démissionnait.
21 A partir de ce moment-là, l'Union Soviétique a cessé d'exister en tant que
22 telle. Nous sommes d'accord sur ce point, n'est-ce pas ? C'est à titre
23 d'exemple que je me réfère à cela.
24 M. Economides. - Elle a cessé d'exister à partir du moment où
25 ils ont signé le traité dans la capitale de Biélorussie, je ne me souviens
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1 pas de son nom actuellement, qui prévoit la date de dissolution de l'Union
2 Soviétique, 1992 je crois. Je n'ai pas les dates, je n'ai pas étudié
3 spécifiquement ce cas, mais je sais que là on a eu un traité qui a prévu
4 la dissolution de l'Union Soviétique.
5 C'est à partir de ce traité-là que nous avons eu la dissolution
6 de l'Union Soviétique. Ce n'est pas le discours de Gorbatchev qui a mis
7 fin à l'Union Soviétique, mais le traité. Je ne me souviens pas de son
8 nom, mais je crois que c'est le traité qui a opéré cet effet.
9 M. Moran (interprétation). - De toute façon, dans le cadre du
10 droit international et quel que soit notre désir, le mien ou le vôtre,
11 d'être un citoyen de l'Union Soviétique, nous ne
12 pouvons pas le faire, parce que l'Union Soviétique n'existe plus.
13 M. Economides. - Oui.
14 M. Moran (interprétation). - Par conséquent, en vertu du droit
15 international, chacune des Républiques constituant l'ex-Union Soviétique
16 avait l'obligation d'accorder sa citoyenneté, que ce soit en Ukraine ou en
17 Biélorussie, ou que ce soit dans une autre république, à tous les
18 résidents habituels de cette même république ; et cela en vue d'éviter
19 l'apatridie.
20 M. Economides. - Oui.
21 M. Moran (interprétation). - Vous dites qu'un droit d'option qui
22 peut être exercé.
23 M. Economides. - Oui.
24 M. Moran (interprétation). - Cela ne signifie pas que si j'étais
25 un résident habituel de l'Ukraine et que l'Union Soviétique cessait
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1 d'exister je pourrais dire : "Je décide d'exercer mon droit d'option et
2 je veux devenir citoyen du Royaume-Uni". Ce n'est pas envisageable ?
3 M. Economides. - Bien sûr que non.
4 M. Moran (interprétation). - Il faut que les choses se fassent
5 des deux côtés. Il faut que l'Etat dont vous voulez devenir citoyen soit
6 prêt à vous accepter en tant que tel, soit prêt à vous reconnaître comme
7 un de ses ressortissants.
8 M. Economides. - Tout à fait.
9 M. Moran (interprétation). - Si cet Etat ne prévoit pas de faire
10 de vous un de ses ressortissants, vous n'avez aucune option possible,
11 aucun choix ne s'offre à vous.
12 M. Economides. - Oui, dans ce cas c'est vrai.
13 M. Moran (interprétation). - Même si l'Etat dont vous souhaitez
14 devenir ressortissant est prêt à vous reconnaître en tant que tel, dans ce
15 cas-là il faut que vous preniez des mesures précises pour obtenir cette
16 citoyenneté ?
17 M. Economides. - Certainement.
18 M. Moran (interprétation). - Tant que vous ne prenez pas ces
19 mesures, vous ne
20 devenez pas ressortissant de ce pays ?
21 M. Economides. - Tout à fait.
22 M. Moran (interprétation). - Donc, et je parle en toute
23 hypothèse, si j'étais un citoyen ukrainien parce que je suis résidant
24 habituel de cette République, que je souhaite devenir citoyen de la
25 Fédération russe et qu'elle me dise :"Non, M. Moran, nous ne souhaitons
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1 pas que vous deveniez un de nos ressortissants", dans un tel cas je
2 n'aurais aucun choix, aucune option ?
3 M. Economides (interprétation). - Il est évident que vous ne
4 serez pas citoyen de la Fédération de Russie si elle ne vous donne pas
5 cette possibilité par le biais de son droit interne.
6 M. Moran (interprétation). - Par le biais de sa législation
7 interne. Donc, mon choix n'existe pas ?
8 M. Economides (interprétation). - Oui, vous n'avez pas d'autre
9 choix.
10 M. le Président (interprétation). - Vous nous mettez dans une
11 position très difficile, Maître, celle où il n'y a pas d'état qui souhaite
12 vous recevoir en tant que ressortissant. Il y a cependant le cas possible
13 ou un autre état...
14 Pourquoi parler de la Fédération russe maintenant ? Cette
15 proposition est un peu gênante.
16 M. Moran (interprétation). - Entendu, Monsieur le Président.
17 S'il y avait un choix, si la Fédération de Russie me permettait
18 de devenir l'un de ces citoyens, est-ce que l'Ukraine aurait une
19 obligation quelconque de m'autoriser, en tant qu'étranger, mes enfants,
20 mes petits enfants et mes petits enfants, à continuer à vivre sur le
21 territoire ukrainien ? Ou bien est-ce qu'une nation a le droit intrinsèque
22 de décider que des non-citoyens ne pourront pas résider sur son
23 territoire ?
24 M. Economides (interprétation). - J'ai répondu à cette question
25 il y a quelques instants.
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1 On a dit que la pratique, jusqu'à présent, semble admettre cette
2 conséquence que
3 vous venez d'évoquer. Si vous faites un choix qui est contraire, par
4 exemple à la loi de l'Ukraine, la loi de l'Ukraine peut vous demander de
5 quitter le territoire.
6 On a condamné cette pratique comme étant sévère et, aujourd'hui,
7 contraire aux Droits de l'Homme. C'est pourquoi la Commission de Venise a
8 déjà fait une recommandation en faveur du changement de cette pratique. La
9 Commission du Droit international n'a pas encore abordé cette question,
10 mais j'espère qu'elle va le faire prochainement.
11 M. Moran (interprétation). - En fait, la Commission de Venise et
12 la Commission de Droit international, les déclarations, les rapports qui
13 sont faits dans ce cadre, disent : "Voici comment nous souhaiterions que
14 le Droit international soit modifié afin qu'il prévoie des garde-fous
15 supplémentaires".
16 M. Economides (interprétation). - La Commission de Venise essaie
17 de faire ce que l'on appelait tout à l'heure "œuvre de codification", de
18 dire quelles sont les règles qui se dégagent de la pratique actuelle et
19 qui sont en quelque sorte obligatoires pour les états. Mais là où la
20 Commission veut introduire des changements, elle le dit de manière très
21 claire, en indiquant qu'il serait souhaitable que désormais les états
22 fassent ceci où cela.
23 Dans les deux textes, vous avez des points de codification, donc
24 des règles existantes, mais vous avez aussi de nouvelles propositions pour
25 changer le droit existant en faveur de règles nouvelles. Ces deux éléments
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1 sont impliqués dans les deux textes, que ce soit la Commission de Venise
2 ou la Commission de Droit international.
3 Mais la Commission de Venise, contrairement à la Commission de
4 Droit international, l'énonce de manière très claire ; là où c'est quelque
5 chose de nouveau, la phrase commence toujours par : "Il serait
6 souhaitable... etc...", donc on comprend que c'est un souhait, une
7 recommandation libellée.
8 Les recommandations de la Commission de Droit international
9 utilisent le même langage. Mais, souvent, on ne peut pas voir si derrière
10 une règle, c’est une règle de codification
11 ou une règle de développement progressif du droit. C'est plus difficile.
12 M. Moran (interprétation). - Par exemple - mais ce n'est pas un
13 exemple que je prends au hasard- en 1947, lorsque le traité de paix a été
14 signé entre la Grèce et l'Italie, traité qui impliquait certaines îles du
15 Dodécanèse, il y a eu un droit d'option, mais, selon la Commission de
16 Venise, les personnes qui choisissaient d'exercer ce droit d'option et de
17 garder la citoyenneté italienne devaient quitter le territoire, n'est-ce
18 pas ?
19 M. Economides (interprétation). - C'est vrai.
20 M. Moran (interprétation). - Il ne s'agissait pas là d'une
21 violation du Droit international de la part de la Grèce, et ce ne serait
22 pas le cas non plus aujourd'hui, n'est-ce pas ? Ou bien voulez-vous
23 changer ce point précis du Droit international ?
24 M. Economides (interprétation). - Je ne peux pas me prononcer
25 mais en tout cas, après la Seconde guerre mondiale, je suis tout à fait
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1 d'accord avec vous, ce n'était pas une violation du Droit international.
2 Maintenant, cinquante ans après, la même réglementation, est-
3 elle ou non conforme au Droit international ? Il faut que ce soit une
4 juridiction qui le dise. La théorie peut dire n'importe quoi, mais ce sera
5 une opinion de théorie. Généralement pas mal de personnes pensent que les
6 Droits de l'Homme ont, entre temps, influencé énormément les droits de la
7 succession d'état et qu'il y a même des obligations nouvelles.
8 Même si je dis ceci, cela aura une autorité vraiment très
9 limitée. Il faut que ce soit une cour internationale qui le prononce, cela
10 aura toute son autorité, mais ceci n'a pas encore été dit.
11 Donc, on peut en rester avec la pratique de la Seconde guerre
12 mondiale ; elle est tout à fait valable, bien qu'il puisse y avoir deux
13 réserves.
14 M. Moran (interprétation). - Très bien. Revenons à notre exemple
15 de l'Ukraine. Je suis un citoyen d'Ukraine. Imaginons que j'aie un droit
16 d'option. Jusqu'au moment où j'exerce ce
17 droit d'option, en demandant à la Fédération russe de m'accorder sa
18 nationalité, je dois allégeance ou respect à l'Ukraine, n'est-ce pas ?
19 M. Economides (interprétation). - Certainement. Tout
20 ressortissant doit allégeance à son état, comme tout état doit protection
21 à son ressortissant. Les deux questions sont en rapport très étroit :
22 l'état doit protection et la personne allégeance ou obéissance,
23 certainement.
24 M. Moran(interprétation). - Donc, je suis un citoyen de
25 l'Ukraine, avant que la nationalité me soit accordée par la Fédération
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1 russe. Si j'essaie d'organiser une rébellion en Ukraine par exemple, si
2 j'essaie de renverser le gouvernement, je peux me retrouver dans une
3 situation très grave ?
4 M. Economides (interprétation). - Oui.
5 M. Moran (interprétation). - En fait, on parlera alors de haute
6 trahison.
7 M. Economides. - Oui, a priori on parlera de trahison. C'est un
8 acte de trahison, cela ne fait pas l'ombre d'un doute.
9 M. Moran (interprétation). - Je vais aborder une ou deux
10 questions supplémentaires et nous en aurons terminé professeur.
11 Lorsque vous avez parlé à M. Greaves, vous avez dit que vous ne
12 vous rappeliez plus de certaines dates, de certaines lois passées par la
13 République de Bosnie-Herzégovine et ce genre de choses, n'est-ce pas ?
14 Etes-vous d'accord pour dire que la date officielle est la date
15 de publication d'une loi au Journal officiel, c'était sans doute la date
16 officielle, n'est-ce pas ?
17 M. Economides. - Oui.
18 M. Moran (interprétation). - Saviez-vous, si vous ne le
19 connaissez pas ce n'est pas grave, je suis simplement curieux, que, dans
20 la Fédération Socialiste Fédérative de Yougoslavie, la nationalité était
21 fondée sur votre nationalité de la République constituante, donc en fait
22 il fallait être citoyen de l’une des Républiques constituantes avant de
23 pouvoir être citoyen de la
24 Fédération ?
25 M. Economides. - Je l’accepte comme étant tout à fait logique.
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1 Je sais qu’il y avait deux nationalités. Il y avait une nationalité au
2 sens du droit international, il y avait la nationalité yougoslave qui
3 était la seule valable dans les rapports internationaux de la Yougoslavie.
4 Mais, au sens interne, au sein de l’ex Yougoslavie, il y avait non pas la
5 nationalité, mais la citoyenneté des différentes entités composantes. Vous
6 aviez en même temps deux choses : citoyenneté interne et nationalité
7 yougoslave à l'extérieur.
8 Effectivement, ceux qui étaient citoyen d'une des entités
9 composantes avaient en même temps, nécessairement, la nationalité de la
10 Yougoslavie. Je suis d’accord avec votre analyse.
11 M. Moran (interprétation). - La raison de cette question est que
12 je viens des Etats-Unis et c'est le cas contraire dans mon pays. Ma
13 citoyenneté d’état, en tant qu'état constituant, est fondée sur le fait
14 que j'ai déjà la nationalité américaine. C’est le processus inverse.
15 Pour être citoyen de la Yougoslavie, il fallait d’abord être
16 citoyen de la République à laquelle une personne appartenait. Etes-vous
17 d’accord ?
18 M. Economides. - Oui.
19 Mme Odio Benito (interprétation). - Professeur, pourriez-vous me
20 dire quelle est la différence entre la citoyenneté et la nationalité,
21 entre ces deux concepts ?
22 M. Economides. - La nationalité est une notion de droit
23 international, c’est la nationalité de tous les êtres humains. Ils sont
24 nationaux de leur Etat. La nationalité est réglementée par le droit
25 international. La citoyenneté a une connotation de droit interne. Beaucoup
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1 d’Etats n'ont pas la notion de citoyenneté. En Grèce, la notion de
2 citoyenneté n'existe pas, il y a seulement la question de nationalité.
3 Mais dans certains Etats, par exemple en Yougoslavie, il peut exister la
4 citoyenneté qui est une nationalité interne, mais non pas de caractère
5 international. La citoyenneté est une notion réglementée par le droit
6 interne. Il y avait
7 une citoyenneté dans l'empire britannique, dans la République française
8 avec des effets spécifiques. Il faut aller consulter le droit interne pour
9 voir quelle est la signification et la portée de la citoyenneté.
10 La citoyenneté est une notion qui dépend du droit interne et qui
11 varie d’un Etat à l’autre alors que la nationalité est une notion du droit
12 international public.
13 La citoyenneté américaine, je ne l’ai jamais étudiée, mais la
14 citoyenneté de l’empire britannique peut être différente de celle de la
15 Yougoslavie ou d’autres Etats fédéraux. La réponse dépend du droit
16 interne. C’est une notion de droit interne pour les besoins d'un état
17 fédéral.
18 M. Moran (interprétation). - Je vais vous proposer un exemple et
19 j'espère que cela éclairera votre question.
20 Professeur Economides, êtes-vous d'accord avec moi pour dire
21 qu'après l'adoption des lois de Nuremberg dans les années 30, les Juifs en
22 Allemagne étaient des ressortissants de l’Allemagne, ils avaient un
23 passeport allemand, mais ils n’avaient pas de citoyenneté. S'agit-il là
24 d'un exemple de la différence entre la citoyenneté et la nationalité ?
25 M. Economides. - Oui, cela peut être un exemple selon la
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1 législation allemande de l’époque. C’étaient des gens qui n'avaient pas de
2 droits égaux aux autres nationaux. C'était la notion de quelqu'un qui
3 n'avait pas la plénitude des droits, un citoyen de seconde catégorie en
4 quelque sorte.
5 Il faut le voir dans le cadre de la législation allemande de
6 l’époque. Ce n’est pas un phénomène international, mais purement interne.
7 Je connais d’autres exemples où les nationaux ne sont pas placés
8 sur le même pied d'égalité. Il y a des nationaux de différentes
9 catégories, certains ont tous les droits, d'autres ont des droits réduits,
10 et là souvent on utilise la notion de citoyenneté pour expliquer
11 l’existence des droits réduits pour certaines catégories de personnes.
12 L'essentiel de mon intervention ici est de dire que la
13 citoyenneté doit être lue dans le cadre d'un droit interne pour qu'elle
14 soit comprise.
15 M. Moran (interprétation). - Vous avez également parlé en
16 passant de la notion de double nationalité. Je voudrais suggérer la chose
17 suivante : Lorsque quelqu'un jouit d’une double nationalité, c’est-à-dire
18 deux nationalités, c'est le cas d'un de mes clients, il doit allégeance
19 aux deux pays dont ils ont la nationalité.
20 M. Economides. - Absolument.
21 M. Moran (interprétation). - Lorsqu’il y a un conflit entre ces
22 deux pays, ils peuvent se retrouver face à un dilemme assez important,
23 n’est-ce pas ?
24 M. Economides. - Ce dilemme existe et là on voit vraiment s’il
25 est national de l’un ou de l’autre état. On pourra voir quelle est en ce
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1 qui concerne ses sentiments la nationalité effective.
2 M. Moran (interprétation). - Je voudrais vous demander si vous
3 connaissez une affaire qui est citée dans le livre d'Oppenheim, Kower Po
4 contre Etats-Unis. C'est une affaire qui date de 1951 et qui parlait d'une
5 personne qui avait la nationalité japonaise et américaine. C'est la Cour
6 suprême des Etats-Unis qui en a été saisie à l'époque.
7 M. Economides. - Non, pas du tout.
8 M. Moran (interprétation). - Mesdames et Messieurs les Juges,
9 j’espère que cela a répondu à votre question, Juge Odio Benito ?
10 Mme Odio Benito (interprétation). - Oui.
11 M. Moran (interprétation). - Sinon je pourrais insister un peu
12 plus sur ce point.
13 Dans l'affaire Nottebohm, la façon dont j'ai compris la décision
14 de la cour internationale de justice, au fait, lorsque vous êtes venu pour
15 la première le 30 octobre, vous avez dit qu'il s'agissait de l’affaire
16 Liechtenstein contre Guatemala, n’est-ce pas, il s’agit de la dénomination
17 officielle ? C’est bien le Guatemala ?
18 M. Economides. - Oui.
19 M. Moran (interprétation). - Pourquoi cette affaire a-t-elle eu
20 lieu ? Il n’y avait pas de contact effectif entre M. Nottebohm et le
21 Liechtenstein et le Guatemala n'avait pas à le traiter comme un citoyen du
22 Liechtenstein. La CIJ, cependant, n’a jamais dit que le Liechtenstein
23 n’avait pas d’obligation de le traiter comme un ressortissant du
24 Liechtenstein, un citoyen plus précisément. En fait, la CIJ n’a jamais dit
25 non plus que M. Nottebohm avait un devoir de loyauté et d'allégeance vis-
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1 à-vis du Liechtenstein, n'est-ce pas ?
2 M. Economides. - C’est exact.
3 M. Moran (interprétation). - Je vous demanderai un instant,
4 Madame et Messieurs les Juges. Si je peux consulter mes notes très
5 rapidement, je pense que nous pourrons terminer.
6 M. le Président (interprétation). - Il nous reste 20 minutes, je
7 crois.
8 M. Moran (interprétation). - Par le passé, j’ai beaucoup abusé
9 de votre patience, là, j'aimerais faire les choses le plus rapidement
10 possible.
11 M. le Président (interprétation). - Merci.
12 M. Moran (interprétation). - La convention sur la nationalité de
13 Vienne élaborée par la Commission de Vienne à Strasbourg propose dans son
14 article 2 une définition. Elle définit la nationalité de la façon
15 suivante : "La nationalité est le lien juridique entre une personne et un
16 Etat et n'indique pas l'origine ethnique d'une personne". Etes-vous
17 d'accord avec moi pour dire que c'est une déclaration qui entre bien dans
18 le cadre du droit international tel qu'il est actuellement ?
19 M. Economides. - Oui, effectivement, il y a cette définition et
20 je suis d'accord avec vous. Elle rentre dans le cadre du droit
21 international.
22 M. Moran (interprétation). - Et le droit international tel qu'il
23 existait en 194, en 1950, c'est du droit international et cela reste du
24 droit international, n'est-ce pas ?
25 M. Economides. - Oui.
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1 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, j'en ai
2 terminé avec le témoin.
3 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Peut-on
4 poursuivre le contre-interrogatoire ?
5 Mme McMurrey (interprétation). - Puis-je poursuivre,
6 Monsieur le Président ? Je vais finir dans les 15 minutes qui nous
7 restent. Je vous le promets.
8 Bonjour, Professeur Economides. Je m'appelle Cynthia McMurrey et
9 je représente Esad Landzo. Je n'ai que quelques points à éclaircir.
10 Tout d'abord, vous avez dit que vous n'avez jamais étudié le
11 droit bosniaque, c'est-à-dire le droit de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce
12 pas ?
13 M. Economides. - Oui.
14 Mme McMurrey (interprétation). - Nous avons reçu ici un expert,
15 M. Kalic, qui est venu comparaître et qui a introduit un certain nombre de
16 documents en tant que pièces à conviction. Cette personne était un expert
17 en droit yougoslave.
18 Si M. Kalic avait présenté des documents prouvant que le
19 lendemain de la déclaration de l'indépendance, la Bosnie-Herzégovine avait
20 adopté une constitution stipulant des lois sur la nationalité, alors,
21 cette loi s'appliquerait sur les personnes vivant en Bosnie-Herzégovine à
22 partir d'avril 1992 et par la suite, n'est-ce pas ?
23 M. Economides. - Bien sûr.
24 Mme McMurrey (interprétation). - Par conséquent, si c'était le
25 cas, à partir d'avril 1992 et par la suite, il n'y aurait pas de droit
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1 d'option à offrir à ces personnes, parce que, comme M. Moran l'a dit dans
2 son exemple, la seule citoyenneté, la seule nationalité, à laquelle ils
3 auraient eu droit aurait été celle de la Bosnie-Herzégovine à ce moment-
4 là. Peut-on dire cela ?
5 M. Economides. - Je crois qu'on ne peut pas dire cela.
6 Certainement, la Bosnie-Herzégovine avait le droit immédiatement
7 après la
8 déclaration d'indépendance d'adopter des lois sur la nationalité et de
9 désigner toutes les personnes qui étaient désormais des nationaux du
10 nouvel état.
11 Mais, d'après le droit international, maintenant, nous passons
12 du droit interne au droit international, la Bosnie-Herzégovine devrait
13 s'interroger sur le fait de savoir si tous ces gens-là qui sont devenus
14 des nationaux de Bosnie-Herzégovine voulaient effectivement avoir cette
15 nationalité de Bosnie-Herzégovine. Si des groupes de personnes ne
16 voulaient pas de manière manifeste, notoire, notable, la nationalité, la
17 Bosnie-Herzégovine, d'après la pratique internationale et le droit
18 international, devrait organiser et donner à ces gens-là le droit d'opter
19 pour une autre nationalité, d'un autre état successeur éventuellement,
20 et/ou pour l'état prédécesseur s'il existait.
21 C'était cela la démarche conforme au droit international et
22 cette démarche est relatée actuellement par des textes de droit
23 international concernant cette question, c'est la déclaration de Venise et
24 le rapport de la commission du droit international.
25 Donc, ma réponse en deux mots à votre question, c'est que
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1 certainement la République de la Bosnie-Herzégovine avait le droit de
2 nommer ses citoyens, mais elle avait aussi l'obligation d'examiner
3 l'éventualité de l'organisation d'un droit d'option en faveur de certains
4 groupes de personnes qui ne voudraient pas acquérir la nationalité de
5 Bosnie-Herzégovine.
6 Or, sur cette deuxième question, d'après ce que je sais, quoique
7 n'étant pas expert du droit bosniaque, un tel droit d'option n'a jamais
8 été organisé par la République de Bosnie-Herzégovine.
9 Là, selon moi, il y a une lacune sur le plan du droit
10 international. On a dit tout à l'heure que d'autres états ne l'ont pas
11 fait effectivement. Tous n'ont pas fait un droit d'option, mais je
12 considère personnellement à titre d'expert que cette attitude n'est pas
13 conforme au droit international. Selon moi, le droit d'option est
14 obligatoire.
15 Mme McMurrey (interprétation). - Très bien, Professeur. Une
16 autre question : S'il
17 n'y a pas d'état prédécesseur existant, donc il y a pas le devoir d'offrir
18 ce droit d'option n'est-ce pas ?
19 M. Economides. - Les deux textes que je viens de citer disent
20 qu'en cas de dissolution, il faut ouvrir un droit d'option en faveur
21 d'autres états successeurs parce qu’il peut y avoir des personnes qui
22 habitent en Bosnie-Herzégovine, mais qui sont Croates, Slovènes ou de la
23 République de Macédoine. Il faut donner à ces gens-là un droit d'option
24 pour éventuellement opter pour la nationalité de la Croatie, de la
25 Slovénie, etc.
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1 D’autres options existent dans tous les cas, soit en faveur de
2 l’état prédécesseur s’il existe, soit en faveur des autres états
3 successeurs en cas de dissolution de l'état prédécesseur.
4 M. Moran (interprétation). - Cette opinion que vous venez de
5 formuler, vous la fondez sur le travail de la Commission que vous venez de
6 terminer, mais il ne s'agit pas du droit international tel qu'il existe
7 aujourd'hui, n’est-ce pas ?
8 M. Economides. - Cette opinion est basée sur une pratique
9 internationale très longue, une pratique développée par la Commission de
10 Venise. La Commission de Venise a essayé de déceler le droit international
11 actuel. C’est une solution du droit international actuel, mais cette
12 solution n’a pas encore la forme solennelle d'une convention
13 internationale qui le dirait d'une manière vraiment expresse. Nous n'avons
14 pas une certitude totale.
15 Mais, selon moi, c’est déjà une règle de droit international que
16 l'on peut contester, je suis tout à fait d'accord avec vous, tant que nous
17 n'avons pas une convention internationale signée et tout à fait claire, et
18 tant que nous n’avons pas par exemple une décision de la Cour
19 internationale de Justice qui dirait la même chose. Mais c'est une
20 tendance très forte du droit international actuel qui est exprimée par ces
21 textes qui sont les deux textes qui essaient de faire la synthèse sur
22 cette question.
23 M. Moran (interprétation). - Merci beaucoup Professeur, je n’ai
24 plus de question.
25 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, nous
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1 venons juste de noter
2 dans le compte rendu, généralement je ne fais pas ce genre de remarque,
3 une erreur importante.
4 Il y a une ou deux questions sur la page 73/1 où le Professeur
5 Economides a dit : « Je dirai même que le doit international » et sur le
6 compte rendu, il apparaît : « Je ne dirai pas ». Je crois qu'il fallait
7 signaler cette erreur.
8 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.
9 M. Niemann (interprétation). - C'est important.
10 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il d'autres contre-
11 interrogatoires ?
12 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, Madame
13 et Messieurs les Juges, la défense de M. Delalic n’a pas de question à
14 poser au Pr. Economides. Merci beaucoup.
15 M. le Président (interprétation). - Maître Niemann, voulez-vous
16 procéder à un interrogatoire supplémentaire ?
17 M. Niemann (interprétation). - Merci.
18 Professeur Economides, savez-vous quand le Conseil de Sécurité
19 des Nations Unies a accepté que la République socialiste fédérative
20 yougoslave cesse d’exister en tant qu’entité ?
21 M. Economides. - Oui, vers la fin du mois de septembre 1992.
22 C'est la fameuse résolution 3/7-777.
23 M. Niemann (interprétation). - En ce qui concerne certaines
24 questions qui vous ont été posées par M. Greaves, une personne qui détient
25 la nationalité de l'état prédécesseur continue-t-elle à posséder cette
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1 nationalité jusqu'au moment où elle choisit d'exercer son droit d'option
2 afin de pouvoir acquérir la nationalité de l’état successeur ?
3 M. Economides. - Oui, c'est un fait qu'une personne qui possède
4 la nationalité de l'état prédécesseur continue de l’avoir jusqu'à la
5 dissolution de l'état prédécesseur, si l’état prédécesseur est dissous, et
6 jusqu'au retrait de la nationalité de l'état prédécesseur, si ce dernier
7 retire sa nationalité, ou jusqu'à l'option d'une autre nationalité lorsque
8 ceci implique la perte de la nationalité antérieure.
9 D'après le droit de la succession, lorsque l’état successeur
10 donne sa nationalité à tous les résidents, l'état prédécesseur est obligé
11 de retirer sa propre nationalité.
12 Ceci est prévu par la déclaration de Venise, article 12 et aussi
13 par le projet de la CDI, article 25 paragraphe premier, qui dit que l'état
14 prédécesseur retire sa nationalité aux personnes concernées ; ce sont les
15 personnes qui sont impliquées dans la succession qui remplissent les
16 conditions requises pour acquérir la nationalité de l'état successeur,
17 c'est-à-dire qui sont résidents essentiellement sur le territoire de
18 l'état successeur. Il y a une obligation de retrait.
19 Ma réponse est qu'il faut qu'il y ait retrait de la nationalité
20 ou dissolution de l’état, autrement la nationalité de l’état prédécesseur
21 continue toujours d'exister.
22 M. Niemann (interprétation). - Professeur, est-il possible de
23 rejeter une présomption de nationalité ? Et, si c'est le cas, comment
24 fait-on pour rejeter cette présomption de nationalité ?
25 M. Moran (interprétation). - Je rejette cette remarque. Elle
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1 n'entre pas dans le cadre de notre interrogatoire. Cela n’a pas été
2 mentionné dans notre interrogatoire.
3 M. Niemann (interprétation). - Si, cela l’a été dans le contre-
4 interrogatoire de Me Greaves !
5 M. le Président (interprétation). - Je pense que Me Niemann peut
6 poser cette question au témoin.
7 M. Economides. - J'ai répondu à cette question tout à l'heure en
8 disant que la présomption est valable éventuellement en cas de doute, et
9 si ceci a été fait ou non, et on peut supposer que la présomption peut
10 s'appliquer dans de tels cas.
11 Mais ce qui est important, ce n'est pas la présomption elle-même
12 qui ne donne absolument aucun droit, mais c'est le droit de l'état
13 successeur. Si ce dernier ne fait rien du tout, on ne peut pas par cette
14 présomption considérer couvrir tous les cas.
15 J'avais même dit que c'est une présomption qui n'est pas du tout
16 irréfragable. On peut prouver le contraire, si le contraire est la
17 réalité.
18 Je répète ce que j'ai dit : ce qui est important, c'est le droit
19 interne et non pas la présomption. La présomption, c'est une directive qui
20 est donnée au gouvernement de faire ceci rapidement, mais s'il ne la fait
21 pas, on ne peut rien faire et jouer à la place de l'état successeur. Donc,
22 la présomption a une valeur toute relative.
23 M. Niemann (interprétation). - Professeur, avez-vous une opinion
24 quant à la date à laquelle la nationalité de la RSFY a cessé d'exister, la
25 République Fédérative de Yougoslavie ?
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1 M. Economides. - C'est une question difficile et qui joue un
2 rôle important dans le cadre de la présente affaire. Je sais que la
3 nationalité de l'ex-Yougoslavie existait déjà lorsque la Commission
4 Badinter avait, à la fin de 1991, déjà dit que l'ex-Yougoslavie continuait
5 d'exister et qu'elle avait toujours une personnalité internationale.
6 Après, il y a eu un laps de temps, toute l'année 1992.
7 Je considère que la date critique en ce qui concerne cette
8 question, c'est la résolution que vous avez citée du Conseil de Sécurité
9 qui dit pour la première fois que la République Socialiste Fédérative de
10 Yougoslavie a cessé d'exister, mais ceci se passe au mois de
11 septembre 1992.
12 Je dois dire que, d'après le droit international classique, il
13 n'y a aucune règle de droit international qui défend à un état d'exister.
14 Un état peut exister, même s'il perd des parties de son territoire. Mais,
15 ceci n'a pas été vu de cette manière-là par le Conseil de Sécurité. Le
16 Conseil de Sécurité est venu à un moment donné et il a déclaré (je ne sais
17 pas si c'était correct sur le plan du droit international) que cette
18 décision était obligatoire par elle-même. Donc, on ne peut pas la
19 discuter. C'est une décision obligatoire qui crée une obligation pour tout
20 le monde.
21 Dans cette décision, il était dit au mois de septembre 1992 que
22 la République Socialiste Fédérative de Yougoslavie a cessé d'exister. Je
23 crois qu'il faut supposer que, jusqu'à
24
25 cette date, cette République existait. C'est mon opinion personnelle.
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1 M. Jan (interprétation). - Je voudrais poser une question. Je
2 n'ai pas eu cette résolution sous les yeux. Cette résolution reconnaît-
3 elle un fait qui a déjà eu lieu ou, cette résolution, par son fait même,
4 entraîne-t-elle les événements ?
5 M. Economides. - Actuellement, il faut étudier la décision, mais
6 je crois que cette décision n'a pas eu un effet rétroactif. Elle a
7 constaté qu'au mois de septembre 1992, la République n'existait plus.
8 Maintenant, si elle avait été dissoute quelques jours avant, il faut le
9 déduire de la décision, mais les résolutions n'ont pas d'effet rétroactif,
10 elles ont l'effet de la date de leur adoption.
11 Donc, je considère que c'est au moment où le Conseil de Sécurité
12 a constaté cela que la dissolution prend effet, parce que nous n'avons pas
13 une autre date pertinente. Il n'y a absolument aucune autre date. Il y a
14 même un soutien de la part de la Serbie qu'elle continue la personnalité
15 internationale de l'ex-Yougoslavie. C'était la position officielle de cet
16 état, mais cette position n'était pas acceptée par d'autres composantes de
17 l'ex-Yougoslavie.
18 Là, j'ai dit que le droit international n'interdit pas à un état
19 de poursuivre la personnalité internationale d'un autre état à l'infini,
20 d'une manière perpétuelle. Mais, le Conseil de Sécurité est venu et a dit
21 le contraire. Donc, la société internationale a accepté parce que les deux
22 voies sont possibles : la dissolution et la séparation. Vous avez les deux
23 cas, un état prédécesseur peut continuer d'exister ou il peut disparaître.
24 Donc, je crois que pour la Yougoslavie, on était dans un
25 contexte de séparation jusqu'en septembre 1992, mais à partir de là, on
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1 doit accepter le fait que nous avons affaire à un cas de dissolution.
2 C'est mon opinion personnelle.
3 M. le Président (interprétation). - Avez-vous d'autres
4 questions, Maître Niemann ?
5 M. Niemann (interprétation). - Non.
6 M. Moran (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le Président,
7 je voudrais
8 demander votre autorisation pour reformuler certaines questions qui ont
9 entraîné au cours du contre-interrogatoire que j'avais plus clairement à
10 l'esprit, mais que j'ai peut-être mal formulées. Puis-je faire cela ?
11 M. Niemann (interprétation). - Objection, Monsieur le Président.
12 Je n'ai rien dit quant à moi qui ait provoqué une certaine confusion. Je
13 crois que les questions ont été suffisamment posées.
14 M. Moran (interprétation). - Certaines questions ont peut-être
15 entraîné un certain degré d'ambiguïté. Il a dit quelque chose durant
16 l'interrogatoire principal et une autre chose dans le contre-
17 interrogatoire qui ont peut-être entraîné une certaine confusion. Puis-je
18 poser cette question ?
19 M. le Président (interprétation). - Allez-y.
20 M. Moran (interprétation). - Vous avez dit à la fois dans
21 l'interrogatoire principal et dans le contre-interrogatoire que lorsqu'il
22 y a une séparation d'état, la sécession d'un état ou qu'un état éclate et
23 qu'une nouvelle nationalité en résulte, lorsque la souveraineté de
24 nationalité est transférée vous avez dit que les résidents habituels de la
25 zone où la souveraineté est transférée obtiennent immédiatement la
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1 nationalité de l'état souverain. Est-ce exact ?
2 M. Economides. - Oui, c'est exact.
3 M. Moran (interprétation). - Je choisis un exemple. Si l’état du
4 Texas fait sécession des Etats-Unis demain, j'obtiendrai la nationalité de
5 la République du Texas par rapport aux Etats-Unis, n'est-ce pas ? A ce
6 moment-là, je pourrais avoir le droit d’option afin de décider si, oui ou
7 non, je veux devenir ressortissant des Etats-Unis, n'est-ce pas ?
8 M. Economides. - Non, si ce cas se présente, vous allez obtenir
9 en tant que résident la nationalité du Texas, mais vous aurez aussi...
10 L’Interprète française. - Votre micro, s’il vous plaît.
11 M. Economides. - Si vous devenez national de l'état du Texas,
12 parce que vous êtes
13 résident permanent dans cet état, vous conservez aussi la nationalité des
14 Etats-Unis jusqu'à ce que les Etats-Unis vous retirent la nationalité.
15 S’ils ne vous la retirent pas, vous avec la double nationalité. Vous êtes
16 du Texas, mais vous êtes aussi ressortissant des Etats-Unis jusqu'à ce que
17 cette question soit réglée.
18 M. Moran (interprétation). - Fort bien. Donc dans une situation
19 telle que celle de la Bosnie-Herzégovine et la Yougoslavie, si la
20 nationalité de la RFSY avait continué après que la Bosnie-Herzégovine
21 devienne un état indépendant, les gens auraient pu avoir la double
22 nationalité, c’est-à-dire la nationalité de la République de Bosnie-
23 Herzégovine et, durant sa durée d’existence, la nationalité de la RSFY,
24 c’est cela ?
25 M. Economides. - C’est cela.
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1 M. Moran (interprétation). - Très bien. Dernière question, nous
2 avons parlé de la Commission Badinter.
3 S’ils avaient dit, par exemple, le 4 juillet 1992, le processus
4 de dissolution de la RSFY est maintenant terminé et la RSFY n’existe plus,
5 seriez-vous d'accord avec cette assertion ?
6 M. Economides. - Sur le plan personnel, je n'ai aucune
7 difficulté à être d'accord. Mais, sur le plan scientifique, si vous voulez
8 que nous établissions cela, je dirai que la Commission Badinter émettait
9 des avis que l’on pouvait ne pas accepter. Il n'y a rien d’obligatoire
10 dans les avis de la Commission Badinter.
11 Mais je suis tout à fait d'accord avec vous, si la
12 Commission Badinter a dit cela en 1992, d'une manière très claire, c'est
13 une position forte.
14 M. Moran (interprétation). - Madame, Messieurs les Juges, je
15 vous remercie beaucoup de votre patience et de votre indulgence.
16 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. La
17 Commission Badinter a été formée pour d’autres objectifs. Elle devait
18 donner son avis sur d’autres points, pas forcément
19 sur l’existence de l’état ou non à ce moment-là. Cela n'avait rien à voir
20 avec ce point.
21 Merci beaucoup, Professeur Economides de l’aide que vous nous
22 avez apportée, de tout ce que vous avez pu faire pour nous pour éclaircir
23 les doutes qui restaient dans nos esprits. Merci beaucoup.
24 M. Economides. - C'était un honneur pour moi d'essayer de vous
25 aider dans la mesure de mes possibilités.
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1 M. Greaves (interprétation). - Nous voudrions souhaiter un bon
2 anniversaire, Professeur, pour demain.
3 M. le Président (interprétation). - Nous allons maintenant lever
4 l’audience. Nous nous retrouverons à 14 heures 30.
5 L’audience est suspendue à 13 heures 10.
6 L'audience est ouverte à 14 heures 35.
7 M. le Président (interprétation). - Maître Niemann, vous avez
8 toute l'après-midi.
9 M. Niemann (interprétation). - Merci, Monsieur le Président, en
10 effet.
11 Monsieur le Président, je demande la possibilité de discuter de
12 la requête que nous avons déposée le 20 novembre 1997 devant cette Chambre
13 de première instance. Dans cette requête, nous demandons à pouvoir citer
14 un nouvel expert en graphologie.
15 Selon le résultat de notre requête, donc la décision que vous
16 prendrez, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, sur ce
17 sujet, le témoin que nous citerons est un témoin slovène, si vous nous
18 autorisez à le citer à la barre.
19 J'ai été informé que les interprètes de langue slovène, qui
20 seront nécessaires pour permettre la compréhension des propos de ce
21 témoin, ne seront pas disponibles avant demain matin, au cas où vous
22 accéderiez à notre demande.
23 Mais, il y a quelques sujets que ma collègue, Me McHenry,
24 voudrait évoquer devant vous, Madame et Messieurs les Juges, des sujets
25 divers qui sont encore en suspens et qui, néanmoins, exigent l'attention
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1 de la Chambre.
2 Je pense que nous pourrons donc utiliser très utilement le reste
3 du temps cet après-midi pour traiter de ces questions en suspens. Puis,
4 nous pourrons entendre le témoin demain matin, selon ce que vous
5 déciderez, Monsieur le Président.
6 M. le Président (interprétation). - Bien. Vous pouvez
7 poursuivre.
8 M. Niemann (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
9 Cette requête demande donc l'autorisation de citer à la barre un expert en
10 graphologie qui pourra nous donner son avis au sujet des documents qui ont
11 été saisis par la police viennoise dans les locaux d'Inda-Bau. Il y a
12 également d'autres documents que ce témoin, que nous cherchons à citer à
13 la barre, a examinés ; il pourra nous donner également son avis sur
14 d'autres éléments documentaires.
15 Monsieur le Président, la défense a déposé sa réponse à cette
16 requête. Lorsque je dis la défense, je parle du conseil de l'accusé
17 Zejnil Delalic. C'est lui qui a déposé une réponse. Dans cette réponse,
18 figurent un certain nombre de points. Il pourrait être utile pour moi
19 d'aborder également ces points qui figurent dans la réponse de la défense.
20 Le premier point évoqué par la défense et que j'aimerais aborder
21 est le suivant. En raison de ce qu'a dit le témoin Mörbauer au mois de
22 juin de cette année, en réponse aux questions qui lui ont été posées dans
23 le cadre du contre-interrogatoire et en réponse aux commentaires formulés
24 par le Juge Jan, la défense a déclaré que l'accusation devrait être
25 informée du fait que la citation à la barre d'un graphologue dans cette
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1 affaire était une nécessité dans ce procès.
2 Monsieur le Président, ce que nous répondons à cet argument est
3 la chose suivante. Toutes sortes de questions peuvent être évoquées à
4 titre d'arguments. Dans le cadre de l'argumentation, un grand nombre de
5 points peuvent être soulevés à quelque stade que ce soit du procès.
6 Mais ces questions ne sont pas liées à une quelconque conclusion
7 que vous pourriez tirer vous-mêmes, Monsieur le Président, Madame et
8 Messieurs les Juges. Dans de nombreux cas, il s'agit uniquement de tester
9 les propos de l'accusation.
10 Donc, j'affirme aujourd'hui, Monsieur le Président, la chose
11 suivante : de quelle autorité dispose la défense pour formuler ces
12 affirmations ? Je ne suis pas en train de dire que votre décision,
13 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, sera contraire à ce
14 que je souhaite. Cela signifie simplement que nous estimons que vous êtes
15 en mesure, vous êtes en droit, de réserver le temps nécessaire à la
16 réflexion avant de statuer sur une question de ce type dans un sens ou
17 dans l'autre.
18 En rapport avec le document qui nous intéresse aujourd'hui, je
19 souhaiterais, plutôt que d'énumérer laborieusement tous les détails de son
20 contenu, vous dire brièvement, Monsieur
21 le Président, que j'ai quelques idées et que nous estimons qu'il comporte
22 des indices de fiabilité.
23 Premièrement, le fait que les objets aient été saisis dans les
24 locaux d'Inda-Bau. Deuxièmement, j'ai déjà décrit assez longuement la
25 relation qui existe entre ces documents et le fait que la déposition du
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1 témoin a permis de confirmer la fiabilité de ces documents, dans la mesure
2 où il a mis l'accent sur un certain nombre d'éléments contenus dans ces
3 documents. Enfin, le compte rendu de l'interrogatoire de l'accusé
4 Zejnil Delalic et la confrontation avec certain des documents, pas
5 l'ensemble des documents, mais certains d'entre eux, montrent également
6 qu'il existe un rapport.
7 Nous avons d'autres fondements solides à vous présenter,
8 Monsieur le Président, à l'appui de notre conclusion.
9 Ces documents ont un rapport avec l'accusé Zejnil Delalic. C'est
10 ce que nous affirmons, non seulement parce qu'il les connaît, Monsieur le
11 Président, mais aussi parce que des déductions peuvent être tirées des
12 documents au sujet de l'accusé.
13 A un certain moment du processus, j'ai déclaré que l'identité de
14 l'auteur de la signature importait peu. Je voulais dire par là que
15 l'authenticité du document ne dépend pas uniquement de la signature, mais
16 bien de l'analyse de l'écriture qui a servi à apposer cette signature. Je
17 pense, par exemple, à un cas de falsification de documents.
18 Lorsqu'on essaie de prouver que l'accusé a falsifié la signature
19 de quelqu'un sur un document et d'obtenir l'avantage dans la discussion,
20 il n'est pas suffisant, en tant qu'accusation, de se contenter de
21 présenter le document et de dire : "Nous l'avons trouvé dans tel et tel
22 lieu, donc il a rapport avec les autres documents dont les témoins ont
23 déjà parlés". Ce n'est pas forcément le cas. Il convient de passer à une
24 étape ultérieure et d'apporter une preuve, la preuve que le document a été
25 signé par telle ou telle personne, ou que le graphologue estime qu'il
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1 provient de telle ou telle personne.
2 Mais, Monsieur le Président, la question qui nous a conduits à
3 adopter la position
4 qui est la nôtre aujourd'hui vient en particulier de la décision rendue
5 par vous-même en date du 6 novembre 1997, est en rapport avec le document
6 Mucic et l'écriture ayant servi à rédiger ce document. Ce sont ces deux
7 éléments qui ont tranché la question pour nous, s'agissant de décider s’il
8 convenait de citer à la barre l'expert en graphologique ou pas.
9 Le premier élément, c'est que nous avons constaté la réticence
10 que vous manifestez, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges,
11 à tirer la conclusion que ce document provient, appartient ou a appartenu
12 à l'accusé Mucic. Nous ne remettons pas en cause cette décision en quoi
13 que soit, mais c'est ce qui nous a incité à trancher la question comme
14 nous l'avons fait.
15 L'autre élément, c'est que nous attendions l'échantillon
16 d'écriture. Cet échantillon pouvait influer sur la direction que nous
17 allions prendre en demandant ou pas les conseils d'un expert en
18 graphologie.
19 Ayant donc décidé de citer à la barre ce graphologue, nous avons
20 essayé d’en trouver un qui ait la compétence requise. J'estime que la
21 première audience pourrait avoir lieu très bientôt, étant donné la date de
22 votre décision.
23 Monsieur le Président, c'est la raison pour laquelle nous avons
24 décidé de procéder comme nous l'avons fait. Nous estimions, et nous
25 estimons toujours, que les fondements que nous présentons aujourd'hui
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1 suffisent. Cependant la décision que vous avez rendue le 6 novembre nous a
2 conduit à penser que ces fondements n'étaient peut-être pas suffisants.
3 C'est pourquoi nous avons décidé de demander à citer cet expert en tant
4 que témoin.
5 Comme nous l'avons dit dans notre requête, le témoin ne répondra
6 pas longuement aux questions de l'interrogatoire principal. Je ne peux pas
7 non plus estimer à l'avance la longueur du contre-interrogatoire, mais le
8 sujet n'est pas particulièrement vaste.
9 Nous avons dit clairement que nous cherchions cet élément de
10 preuve en relation avec un seul accusé, l'accusé Zejnil Delalic, et que,
11 s'il y a contre-interrogatoire autre que celui
12 du conseil de l'accusé Zejnil Delalic, on peut se demander quelle en sera
13 la pertinence. Mais nous nous occuperons de ce sujet le moment venu.
14 Je ne pense pas que le contre-interrogatoire puisse concerner
15 plus d'un seul conseil de la défense.
16 Monsieur le Président, dans la réponse apportée par la défense à
17 la décision de la Chambre de première instance dans l'affaire Tadic sur
18 l'ouï-dire, nous trouvons l'idée sous-jacente que le conseil de la défense
19 s’est appuyé sur la décision du Juge Stephen. Peut-être serait-ce utile
20 pour vous, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, que je
21 précise cet aspect de l'argumentation.
22 La défense a déclaré en page 5 de sa réponse, à peu près au
23 milieu de la page, je cite : « En outre, nous affirmons que, sur la base
24 de la décision rendue dans l'affaire Tadic sur le problème de l'ouï-dire,
25 l'accusation doit prouver l'authenticité des documents avant d’en arriver
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1 à la démonstration de la fiabilité » (fin de citation).
2 La défense poursuit par les mots suivants, je cite : « Dans la
3 décision rendue dans le cadre de l'affaire Tadic, le Juge Stephen fait
4 remarquer en page 4 de son opinion individuelle que les principes
5 impliqués s’appliquent non seulement aux témoignages oraux, mais également
6 à tous les autres éléments de preuve » (fin de citation).
7 Pour être précis, M. le Juge Stephen, en page 4 de sa décision,
8 fait référence à la distinction qui existe entre témoignage par ouï-dire
9 et témoignage oral direct.
10 Bien que la proposition selon laquelle ce qu'avance la défense
11 dans sa requête peut être un principe relativement applicable, je ne vois
12 pas que la défense puisse tirer profit de la décision rendue dans
13 l'affaire Tadic. En effet, le Juge Stephen établissait clairement une
14 distinction entre les témoignages par ouï-dire et les témoignages oraux
15 directs.
16 Monsieur le Président, ce que le Juge Stephen a déclaré et ce
17 que nous affirmons est important. Nous déclarons que rien dans
18 l'article 89, rien dans le Règlement en général, mais
19 encore moins dans l'article 89 (C) et (D), n'existe à l’appui du point de
20 vue selon lequel un témoignage ne serait admissible et considéré comme
21 pertinent par la Chambre de première instance autrement que si sa valeur
22 probante n’excédait pas considérablement son éventuel effet négatif.
23 Si le Juge Stephen a déclaré cela, c'est parce qu'il apparaît
24 que l'élément de preuve soumis par l'accusation a une telle valeur
25 probante qu'il dépasse de loin son effet préjudiciable éventuel. Cela
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1 n'est pas un point qui figure en tant que tel dans le Règlement. A notre
2 avis, toute affirmation selon laquelle ce serait le cas est inexacte.
3 Monsieur le Président, l'autre point qu'avance la défense dans
4 sa requête consiste à dire que l'accusation est dans l'obligation
5 d'apporter la preuve sur ce plan avant de présenter son élément de preuve.
6 L'affirmation parle également de preuve au-delà de tout doute raisonnable,
7 concept que j'ai déjà remis en cause en diverses occasions. Mais
8 l'argument selon lequel il importe de prouver l'authenticité, dès le
9 départ, ab initio est à notre avis un argument erroné.
10 La défense tente de s'appuyer sur la décision rendue dans
11 l'affaire Tadic sur le sujet de l'ouï-dire pour l'appliquer à l'affaire
12 qui nous intéresse. Or, rien dans la décision rendue par la Chambre de
13 première instance dans l'affaire Tadic sur l'ouï-dire ne peut appuyer les
14 dires de la défense.
15 En vérité, j'affirme ici que cette décision a un effet tout à
16 fait inverse. Elle fait spécifiquement référence à ce que j'ai déjà évoqué
17 à plusieurs reprises au sujet de la façon dont les éléments de preuve sont
18 présentés.
19 En page 5, paragraphe 10 de la décision rendue par la Chambre
20 d'instance dans l'affaire Tadic, le Juge McDonald et le Juge Vohrah
21 déclarent, et je vous demande l'autorisation de citer, à ce stade, le
22 texte de la décision car il est très instructif, je cite : « En dépit des
23 restrictions relatives qui pèsent sur l'admissibilité de l'ouï-dire... »
24 (fin de citation).
25 Le Juge McDonald fait ici référence aux pratiques de la
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1 Common Law où il existe
2 des restrictions quant à l'admissibilité de l'ouï-dire. Elle ne parle pas
3 de la situation de ce Tribunal en particulier.
4 Elle poursuit, je cite : « Les Juges dans des procès de
5 Common Law menés en l'absence de jury adoptent souvent une démarche
6 légèrement différente » (fin de citation).
7 Elle s'appuie ensuite sur M. McCormicks pour citer le passage
8 suivant, je cite : « Alors que l'admissibilité des éléments de preuve peut
9 être discutée, les attitudes très diverses des cours d'appel, eu égard aux
10 erreurs d'admission et à l'exclusion d'éléments de preuve, semblent venir
11 à l'appui de la pratique judicieuse adoptée par de nombreux juges de
12 chambres d'appel dans des procès sans jury, des juges très expérimentés,
13 qui ont admis provisoirement des éléments de preuve contestés en réservant
14 l'examen définitif de l'admissibilité à une étape ultérieure » (fin de
15 citation).
16 Je fais référence à ce passage de la décision Tadic pour, si
17 vous le permettez Monsieur le Juge, la proposition selon laquelle il est
18 impossible de déclarer que la nécessité d'apporter la preuve de
19 l'authenticité se situe ab initio. Encore moins qu'ab initio, il est
20 indispensable de prouver l'authenticité au-delà de tout doute raisonnable,
21 parce que si tel était le cas, cela contredirait entièrement la
22 proposition qui vient d'être défendue par la Chambre de première instance
23 dans l'affaire Tadic.
24 J'irai même plus loin que cela, Monsieur le Président. Je ne dis
25 pas que l'ouï-dire ne soit pas un élément de preuve au-delà de tout doute
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1 raisonnable. Je ne dis pas non plus que les éléments de preuve par ouï-
2 dire doivent être considérés de cette façon automatiquement. Mais, de
3 façon générale, les éléments de preuve par ouï-dire sont souvent
4 considérées par les tribunaux comme moins fiables que les témoignages
5 oraux directs, notamment s'agissant de la nécessité d'apporter une preuve
6 au-delà de tout doute raisonnable.
7 A mon avis, si un élément de preuve, pour pouvoir être admis par
8 cette Chambre de première instance, doit être prouvé au-delà de tout doute
9 raisonnable, alors cet élément de
10 preuve par ouï-dire ne sera jamais admis ou jamais admissible, et deux
11 exigences résulteront de cette situation.
12 La première exigence est que, s'il y a nécessité d'apporter une
13 preuve au-delà de tout doute raisonnable, toute admission d'élément de
14 preuve contestée sera impossible pour vous, Monsieur le Président, Madame
15 et Messieurs les Juges. La deuxième conséquence est que de grandes
16 portions des éléments de preuve par ouï-dire seront sans doute considérées
17 comme non admissibles par la Chambre de première instance et aucun de ces
18 deux principes, à mon avis, ne s'applique.
19 Monsieur le Président, le fait de dire :"Nous devrions avoir su,
20 nous devrions avoir été au courant, qu'il fallait prouver ces documents
21 au-delà de tout doute raisonnable" et le fait de dire que nous aurions dû
22 en être informés depuis le début, étant donné l'exigence d'apporter la
23 preuve de l'authenticité ab initio, est infondé, à notre avis, avec tout
24 le respect que nous devons à cette Chambre d'instance.
25 Mais, ayant entendu cet argument, nous avons donc décidé
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1 maintenant de citer à la barre un expert en graphologie. Nous estimons que
2 c'est nécessaire aujourd'hui compte tenu de la décision qui a été rendue
3 par vous, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, et c'est
4 parce que nous ne sommes pas inconscients du risque que nous courons que
5 nous avons déposé cette requête compte tenu du risque de rejet de cette
6 demande.
7 Monsieur le Président, l'autre question qui est abordée par la
8 défense, dont je ne suis pas sûr de la pertinence, mais qu'il convient de
9 traiter ici cet après-midi, est l'assertion selon laquelle, dans sa
10 requête, la défense aurait subi une espèce d'injustice parce que les
11 membres de la Chambre d'instance ont examiné les documents sans en
12 discuter la pertinence, la fiabilité, et ce dans un processus destiné à
13 statuer sur le versement de ces documents au dossier.
14 Je ne comprends pas du tout cet argument. Comment se fait il,
15 Monsieur le Président, que l'on puisse s'attendre à ce que vous statuiez
16 sur un document du point de vue de
17 son admissibilité sans savoir ce que ce document contient, ou de quelle
18 façon il est en rapport avec d'autres documents, et sans entendre la
19 totalité des arguments à son sujet ? Je ne parviens tout simplement pas à
20 le comprendre.
21 Cette question particulière, Monsieur le Président, émane de la
22 décision de l'affaire Tadic sur l'ouï-dire en page 7, paragraphe 17, au
23 milieu de la page. Le Juge McDonald et le Juge Vohrah déclarent la chose
24 suivante, je cite : "En outre, la défense demande que les membres de la
25 Chambre d'instance statuent quant à l'admission de tels éléments de preuve
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1 sans en avoir entendu le contenu" (fin de citation).
2 Et un peu plus loin, le problème est un peu différent mais très
3 similaire, je cite : "Cette procédure, si elle peut être appropriée dans
4 des procès menés devant le Tribunal international, lorsqu'il y a un jury,
5 ne s'applique pas à un procès où seuls les juges interviennent, car les
6 juges sont des personnes entraînées et expérimentées à statuer sur les
7 éléments de preuve dans le contexte qui caractérise leur obtention. Ils
8 sont habitués et ont l'expérience de les apprécier selon le poids qu'il
9 convient de leur accorder. Par conséquent, les juges déterminent la
10 pertinence et la valeur probante des éléments de preuve dans ce cadre".
11 (fin de citation).
12 J'irai encore plus loin que ce que dit la décision. Pour ma
13 part, à moins que vous ayez, Madame et Messieurs les Juges,
14 l'extraordinaire faculté de vous diviser, de vous couper en deux, même
15 dans un procès avec un jury, j'affirme qu'un tribunal, qui respecte le
16 droit, examine les matériaux avant de se prononcer sur leur admissibilité
17 et lorsqu'un tribunal statue sur les faits, c'est exactement cette
18 décision qu'il prend.
19 Dans le cadre du Tribunal où nous nous trouvons, Madame et
20 Messieurs les Juges, nous sommes un Tribunal qui statue sur le droit et
21 sur les faits. Vous êtes donc dans l'obligation de remplir les fonctions
22 d'un tribunal de droit en particulier. Dire que vous ne devriez pas être
23 autorisés à voir les documents et que vous ne devriez pas être autorisés à
24 discuter de leur
25 contenu pour juger de leur admissibilité, revient en fait à vous nier le
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1 droit de remplir vos fonctions en tant que Juges d'un Tribunal qui fait le
2 droit.
3 A mon avis, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les
4 Juges, pour autant qu'une assertion ait été faite au sujet d'une iniquité
5 dans cette affaire, la seule iniquité serait celle qui prévaudrait si vous
6 étiez empêchés de remplir les fonctions qui sont les vôtres. Vous n'êtes
7 pas un jury et seulement un jury, vous êtes un Tribunal qui statue sur les
8 faits et le droit.
9 Il y a encore un autre point dans la réponse de la défense qu'il
10 me paraît utile de commenter. Il se situe en page 6 de la réponse de la
11 défense. Il porte sur le problème de l'exactitude de la preuve de
12 l'authenticité ab initio. La défense à ce stade déclare la chose suivante,
13 je cite : "Il apparaît maintenant que ces documents sont soit les
14 documents de Zejnil Delalic, soit des documents qui n'appartiennent pas à
15 Zejnil Delalic. L'accusation va avoir amplement l'occasion d'argumenter
16 sur le fait que ces éléments de preuve indiquent la culpabilité de
17 l'accusé. Elle va pouvoir s'exprimer sur ce sujet très longuement pour
18 prouver la culpabilité de Zejnil Delalic" (fin de citation).
19 Ce que la défense déclare, c'est que si nous citons à la barre
20 un expert en graphologie et qu'il éclaire les zones grises, les zones
21 d'incertitude qui subsistent encore, vous pouvez, Madame et
22 Messieurs les Juges, estimer qu'il y a là un certain manque de justice. Je
23 me demande comment l’éclairer. Un problème encore incertain peut aboutir à
24 un manque de justice.
25 A mon avis, Monsieur le Président, nous devons aller au-delà de
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1 cela. Ce qui se passe ici, c'est que l'on procède à la recherche de la
2 vérité. Si on appelle à la barre un témoin qui atteint cet objectif, alors
3 comment quiconque peut-il parler d'injustice ou d'inéquité ? J'ai du mal à
4 le comprendre.
5 Il est fort possible que le témoin permette d'accorder un poids
6 supplémentaire à l'argument selon lequel ces documents n'ont pas été
7 écrits par Zejnil Delalic. Si tel est le cas, et si vous-même,
8 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, deviez accepter ces
9 éléments de preuve, ce serait très certainement à l'avantage de l'accusé.
10 Je pense également, Monsieur le Président, que les choses peuvent aller
11 exactement en sens inverse.
12 M. le Président (interprétation). - L'une des préoccupations que
13 nous avons, dans le cadre de notre décision de citer à la barre cet
14 expert, n'est pas que nous craignons ce qu'il va dire, mais ce que nous
15 avons en vue, c'est la conclusion de ce procès. Nous avons quelques
16 réticences à faire quoi que ce soit qui risque d'en prolonger la durée.
17 Nous déclarons, Monsieur le Président, que cet élément de preuve
18 dont nous parlons aujourd'hui est important. Nous estimons qu'il sera
19 susceptible de vous aider à statuer et qu'il est tout à fait essentiel.
20 Mais la défense vous a fait savoir qu'elle ne pouvait pas
21 procéder au contre-interrogatoire aujourd'hui, qu'elle aurait besoin elle-
22 même d'un témoin expert, Monsieur le Président.
23 Donc notre réponse est la suivante : la défense n'a pas besoin
24 d'un expert en graphologie pour que celui-ci lui dise qui est l'auteur des
25 documents en question. La source de toutes ces informations est sous leurs
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1 yeux en ce moment même. L'accusé peut le leur dire. Nous n'avons pas cette
2 possibilité. Elle existe pour la défense sans aucun doute. Il n'y a aucune
3 incertitude dans l'esprit des conseils de la défense à ce sujet.
4 La défense n'a pas besoin d'expert pour trancher sur cette
5 question. Si la défense nous dit : "Nous souhaitons un expert pour qu'il
6 conteste l'opinion de l'expert de l'accusation en matière de graphologie",
7 la défense est en droit de s'exprimer et d'agir de la sorte. Mais ce ne
8 serait pas le reflet de la réalité. La défense ne citera pas son témoin
9 dans le cadre de l'audition des témoins de l'accusation. Elle aura tout le
10 temps pour s'organiser et présenter cet élément de preuve en remettant en
11 cause ce que dit l'accusation.
12 A mon avis, Monsieur le Président, s'il y a le moindre doute
13 quant à la capacité de la défense à procéder au contre-interrogatoire d'un
14 expert, je serais surpris qu'un conseil
15 expérimenté se pose ce genre de questions. S'il se les posait, à notre
16 avis, la défense aurait tout le temps de se préparer quant à la façon de
17 procéder dans son contre-interrogatoire et de lire ce qu'elle aurait à
18 lire pour se préparer à la conduite de ce contre-interrogatoire.
19 Donc, Monsieur le Président, nous estimons du côté de
20 l'accusation que le fait de citer un témoin supplémentaire n'aura, de
21 façon réaliste, aucune incidence négative sur la durée de l'audition des
22 témoins de l'accusation car, si la défense a le temps de se préparer à son
23 contre-interrogatoire, elle devrait prendre toutes les précautions pour
24 être en mesure d'y procéder dans les meilleurs délais. Si elle décide de
25 ne pas procéder au contre-interrogatoire, elle pourra le faire avec tout
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1 le temps voulu, puisque nous l'avons informée de notre volonté de citer ce
2 témoin.
3 Monsieur le Président, en conclusion, nous déclarons que ce
4 témoin est très important pour l'accusation. Il résulte directement de la
5 décision que vous avez rendue, Monsieur le Président, Madame et Messieurs
6 les Juges.
7 Nous déclarons qu'il n'y a aucun problème d'injustice vis-à-vis
8 de qui que ce soit dans le fait de citer ce témoin à comparaître à ce
9 stade du procès. Il est approprié que vous accédiez à la demande de
10 l'accusation.
11 M. Jan (interprétation). - Puis-je poser une question ? Vous
12 allez non seulement poser des questions à ce témoin expert, mais il y a un
13 autre témoin auquel vous voudriez montrer l'écriture de M. Delalic parce
14 qu'un autre document a été admis, n'est-ce pas ?
15 Laissez-moi m'expliquer plus clairement. Il faut que cet expert
16 puisse avoir un exemple de l'écriture de M. Delalic devant lui lorsqu'il
17 examine les documents contestés. Cela suppose peut-être qu'un autre témoin
18 vienne au box et dise : "Oui, c'est bien un document écrit de Delalic".
19 M. Niemann (interprétation). - Non, Monsieur le Président. Nous
20 avons un document qui, d'après nous, a fait l'objet d'un contrôle adéquat,
21 que nous avons reçu et qui
22 précise que nous l'avons reçu parce qu'il était écrit de la main de
23 Delalic. Ce n'est pas un des documents de Vienne, mais un autre document
24 que nous avons reçu.
25 Je crois que nous avons reçu deux documents. Il est bien stipulé
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1 que ce sont des documents qui ont été écrits par l'accusation, qui ont été
2 vérifiés. Ce ne sera pas nécessaire.
3 M. le Président (interprétation). - Bien.
4 M. Niemann (interprétation). - Je suis un petit peu préoccupé
5 par l'approche que vous avez adoptée. Auparavant, j'avais l'impression que
6 vous aviez soumis à la Chambre de première instance la question de
7 l'admissibilité de tous les documents dont vous avez demandé le versement
8 au dossier à l'époque.
9 La défense elle aussi s'était prononcée sur la question. En
10 fait, j'avais l'impression que vous demandiez que nous prenions une
11 décision portant sur la présentation de ces documents.
12 Lorsque j'ai lu votre requête, j’ai regardé les documents pour
13 lesquels vous sembliez avoir des doutes quant à l'authenticité de
14 l'écriture. Je n'ai pas trouvé ces documents mentionnés dans la requête.
15 M. Niemann (interprétation). - C'est absolument exact
16 Monsieur le Président. Nous ne les avons pas décrits dans la requête. Nous
17 pouvons tout à fait vous les communiquer, Monsieur le Président.
18 M. le Président (interprétation). - C'est une question
19 différente. En fait, vous demandez l'autorisation de réouvrir les
20 arguments ou de représenter les arguments que vous aviez présentés une
21 fois et de façon définitive.
22 Si vous souhaitez recevoir cette autorisation, vous devez nous
23 présenter des motifs fondés qui nous permettraient d'accéder à votre
24 demande. Une décision a déjà été donnée sur la question. Je ne sais pas si
25 vous nous avez vraiment présenté des motifs fondés.
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1 M. Niemann (interprétation). - Je ne cherche pas à réouvrir des
2 arguments,
3 Monsieur le Président.
4 Je me suis déjà prononcé sur l'admissibilité des documents. Je
5 serais surpris que -peut-être que je vais l’être de toute façon- mais j'ai
6 l'impression que par rapport à ce que j'ai pu dire sur les critères de
7 fiabilité, vous n'alliez pas recevoir ces documents.
8 Dans ma requête, j'ai essayé de faire tout ce que je pouvais
9 pour ce qui a trait à cette question. C'est ce que vous avez dit dans le
10 cadre de l'examen des documents de Mucic qui nous a un peu préoccupés.
11 Vous nous avez dit que sur ces documents, alors qu'ils pouvaient être
12 considérés comme admissibles, et en dépit du fait que des éléments avaient
13 été présentés prouvant que ces documents pouvaient être utiles au procès,
14 des éléments de preuve avaient été communiqués à la Chambre de première
15 instance.
16 Il s'agit en fait d'une lettre. Vous avez dit que c'était tout à
17 fait dans le cadre de ces débats, et que cette lettre avait valeur
18 probante. Elle avait été écrite au témoin B par une personne tierce
19 inconnue. C'est cette personne tierce inconnue qui nous préoccupe. Nous ne
20 pouvons pas vous empêcher, Madame et Messieurs les Juges, de dire cela.
21 M. le Président (interprétation). - Mon problème, comme je l'ai
22 dit, est de savoir exactement ce que vous avez en tête. Je ne crois pas
23 que nous ayons le droit de vous laisser présenter quelque chose de
24 nouveau. Vous êtes en train de réouvrir toute cette question.
25 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, les
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1 éléments de preuve, que nous cherchons à obtenir, ne portent pas sur la
2 question de l'admissibilité ; pas du tout.
3 Les arguments que j'ai pu avancer dans le cadre de la question
4 de l'admissibilité n'ont rien à voir avec les arguments que je présente
5 actuellement. Je ne cherche pas à réouvrir quoi que ce soit.
6 M. le Président (interprétation). - Vous êtes en train d’essayer
7 de réouvrir toute la question portant sur le versement du dossier de ces
8 documents. Quoique fasse le témoin expert, cela aura trait aux documents,
9 n’est-ce pas ? Ces documents que vous avez déjà versés ?
10 M. Niemann (interprétation). - En effet.
11 M. le Président (interprétation). - Comment allez-vous
12 procéder ?
13 M. Niemann (interprétation). - Monsieur. le Président, je crois
14 que c'est un processus en deux étapes : la première étape est
15 l'admissibilité, l'étape suivante, c'est....
16 M. le Président (interprétation). - Nous avons déjà passé
17 beaucoup de temps pour ce qui est de tous ces documents.
18 M. Niemann (interprétation). - Nous ne sommes pas arrivés à
19 l'étape qui vous permet à vous, Madame et Messieurs les Juges, de donner à
20 chaque élément de preuve l'importance qui lui convient.
21 M. le Président (interprétation). - Je ne sais pas. Je vous
22 laisse décider. Pour ce qui me concerne, je ne crois pas que nous devrions
23 rouvrir la question à ce stade.
24 M. Niemann (interprétation). - Monsieur. le Président, je ne
25 crois pas qu'il s'agit de rouvrir quoi que ce soit. Nous n'avons pas
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1 terminé de citer à comparaître tous nos témoins. L'accusation n'a pas fini
2 la présentation de l'affaire. Tant que nous ne l'avons pas fait, nous
3 avons le droit de poursuivre. Bien sûr que si nous l'avions terminé, si
4 nous y avions mis un point final et que nous souhaitions la rouvrir, le
5 problème se poserait. Ce n'est pas le cas.
6 Je crois que la question de savoir quelle est l'importance que
7 vous attachez, Messieurs les Juges, aux éléments de preuve qui vous sont
8 présentés est une question tout à fait d'actualité.
9 M. le Président (interprétation). - Dans ce cas, montrez-nous
10 que vous avez des motifs fondés pour faire ce que vous avancez.
11 M. Niemann (interprétation). - Les voilà, les motifs fondés. Le
12 fait que la lettre de M. Mucic qui est une catégorie toute similaire au
13 document auquel nous nous attachons maintenant a été trouvée en possession
14 d'une personne dont nous disons qu'elle a des liens très forts avec
15 l'accusé Mucic.
16 Cette lettre est d'une catégorie similaire, peut-être pas
17 absolument semblable que si elle avait été saisie dans les locaux.
18 Deuxièmement, il pourrait être démontré qu'il y a eu une
19 relation à double sens entre ce document et un autre témoignage. Nous
20 déclarons qu’en dépit de cela, vous, Madame et Messieurs les Juges, vous
21 avez déclaré que ce document ne prouvait rien, que cela ne prouvait en
22 aucun cas qu’il avait été écrit par l'accusé Mucic. C'est votre décision.
23 Nous la respectons et nous l'acceptons. Maintenant, nous avons
24 l'impression que peut-être vous allez arriver à la même décision portant
25 sur ce même document que nous souhaitons maintenant présenter comme un
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1 document recevable.
2 Ce document, saisi sur les locaux, semble contenir un certain
3 nombre d'éléments de preuve important. Nous sommes en train d'essayer de
4 montrer qu'il y a un rapport entre ce document et l'accusé Delalic. Voilà
5 ce que cherche à prouver l’accusation.
6 Si vous, Messieurs les Juges, vous décidez que rien n'a été
7 prouvé, que le lien entre ce document saisi à Vienne et l'accusé Delalic,
8 n'existe pas, alors il nous faut absolument, nous accusation, trouver les
9 éléments de preuve qui nous permettront de vous prouver à vous, Madame et
10 Messieurs les Juges, qu'il y a bien un lien entre ce document et l'accusé
11 Delalic.
12 Quand nous vous aurons présenté ces éléments de preuve, vous
13 pourrez statuer. Vous pourrez nous dire si oui ou non, vous nous permettez
14 d'appeler ce nouveau témoin à comparaître.
15 M. le Président (interprétation). - Vous vous rappelez ce que
16 j'ai dit. Quand j'ai lu votre requête, je n'ai vu apparaître aucun des
17 documents qui avaient été identifiés comme étant des documents soumis à
18 examen. Aucune mention n'y était faite. Vous n'avez pas dit : « Voici
19 quels sont les sujets que nous souhaitons soumettre à examen ». Vous avez
20 parlé de façon très générale dans votre requête.
21 M. Niemann (interprétation). - Peut-être puis-je essayer de
22 modifier ma requête si
23 elle vous pose problème, Monsieur le Président.
24 M. le Président (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne sais
25 pas très bien si vous avez informé la défense de ce qu'ils allaient
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1 entendre. Je ne sais pas s'ils savaient à quoi s'attendre. Il est bien
2 certain qu'aujourd'hui, ils ne savent pas exactement à quoi ils peuvent
3 s'attendre.
4 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, je ne suis
5 pas tout à fait d'accord parce que...
6 M. le Président (interprétation). - La requête est sous vos
7 yeux. Cela parle de soi-même.
8 M. Niemann (interprétation). - Dans leur requête, ils font
9 spécifiquement référence au fait que l'accusation a bénéficié d'un
10 avantage injuste, inéquitable, en étant autorisé à compulser certains
11 documents dans le détail et à faire des commentaires sur un grand nombre
12 de ces documents, des documents dont ils disent, je cite : « qu'ils sont
13 des documents authentifiés» et dont l'accusation dit : « qu'ils montrent
14 très clairement la culpabilité de l'accusé » (fin de citation).
15 Dans mon esprit, il n'y a aucun doute quant au fait que la
16 défense sait exactement de quels documents nous parlons. Il s'agit des
17 documents saisis par la police à Vienne.
18 M. le Président (interprétation). - J'essaie d'attirer votre
19 attention sur les objections possibles qui pourront vous être opposées.
20 Vous savez ce que j'ai à l'esprit.
21 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, il y a une
22 autre question. Nous avons écrit une très longue lettre au conseil de la
23 défense qui dit très précisément quels sont les documents auxquels nous
24 faisons référence et quels seront les résultats du témoin expert pour ce
25 qui est de ces mêmes documents.
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1 M. le Président (interprétation). - C'est une lettre adressée à
2 la défense. Je le sais. Je fais seulement référence à votre requête. A
3 priori, je ne vois rien qui me permette de me
4 prononcer pour l'instant.
5 M. Niemann (interprétation). - Je ne pensais pas...
6 M. le Président (interprétation). - Il faudrait indiquer dans la
7 requête précisément le sujet sur lequel il faut statuer. Ce n'est pas
8 précis.
9 M. Niemann (interprétation). - Je ne pensais pas, M. le
10 Président...
11 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
12 M. Niemann (interprétation). - Je ne crois pas qu'il serait bon
13 que nous le fassions. Il n'y a aucun doute dans l'esprit de la défense
14 quant à la nature des documents dont nous parlons. Tout a été expliqué
15 très précisément dans cette lettre.
16 M. Jan (interprétation). - Maître Niemann, le bureau du
17 Procureur a confronté M. Delalic de façon extrêmement détaillée pendant
18 qu'il se trouvait ici à la Haye. On a montré beaucoup de documents à
19 M. Delalic. Est-ce que ces documents lui ont été montrés ? Est-ce que ce
20 sont les mêmes que vous essayez de présenter à l'expertise du témoin,
21 expert en graphologie ?
22 M. Niemann (interprétation). - Certains de ces documents, oui.
23 M. Jan (interprétation). - Quelle était sa position à l'époque
24 sur ces documents ?
25 M. Niemann (interprétation). - Un instant, Monsieur le Juge, si
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1 vous me le permettez. Pour autant que je le comprenne, Monsieur le Juge,
2 parmi les documents qui ont été saisis à Vienne, les documents qui ont été
3 rédigés à la main n'ont pas été montrés à Delalic, mais un des documents,
4 échantillon sur lequel nous nous appuyons, a bien été montré.
5 M. Jan (interprétation). - Quelle a été sa position ? Je voulais
6 simplement savoir quelle était sa position. Vous ne lui avez pas montré
7 tous les documents au cours de ces entretiens extrêmement longs que vous
8 avez eus avec lui ?
9 M. Niemann (interprétation). - Nous lui avons montré la lettre
10 échantillon qu'il a rédigée et c'est une lettre que nous avons reçue de
11 lui dans le cadre de toutes ces procédures
12 liées à l'examen de cette affaire.
13 M. Jan (interprétation). - Vous ne lui avait pas montré les
14 documents manuscrits ?
15 M. Niemann (interprétation). - Non, et je n'étais pas présent,
16 Monsieur le Président. Donc je ne sais pas exactement quelle est la
17 réponse à cette question. Nous ne pouvons pas savoir si nous avons raté ou
18 pas l'occasion de lui montrer quoi que ce soit à ce moment là.
19 M. Jan (interprétation). - Ce n'est pas le fait d'avoir eu
20 l'occasion ou pas ; c'est vous qui gérez votre affaire, n'est-ce pas ?
21 M. Niemann (interprétation). - Mais si, Monsieur le Président,
22 il y a une part de hasard dans la mesure où il y a des éléments de preuve
23 qui sont admissibles et qui ont une valeur probante, et s'il se trouve que
24 nous ne pouvons pas présenter ces éléments de preuve à la Chambre pour
25 quelque raison que ce soit. Alors oui, il y a une part de hasard qui
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1 rentre en jeu.
2 M. Jan (interprétation). - C'est un cas d'omission, pas un cas
3 de hasard.
4 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, je ne sais
5 pas si je peux aller plus loin ce que je suis en train de faire. Tout ce
6 que je puis dire, c'est que j'ai essayé d'établir les bases qui me
7 permettent de dire que ces éléments de preuve devaient être acceptés et
8 admis en tant qu'éléments de preuve se prononçant à la charge de l'accusé.
9 Je ne sais que croire au vu de la décision que vous avez prise
10 dans le cadre du document Mucic. Je ne sais pas si vous allez prendre une
11 approche similaire quant au document que je souhaite présenter à votre
12 examen maintenant.
13 M. le Président (interprétation). - Je crois que vous êtes en
14 train d'anticiper dans le bon sens, mais cela ne veut pas dire que tout
15 cela va nécessairement se produire.
16 M. Niemann (interprétation). - La question qui se pose, Monsieur
17 le Président, est de savoir quel est le poids à accorder à ces différents
18 éléments de preuve, ce n'est pas vraiment une question d'admissibilité.
19 M. le Président (interprétation). - Mais c'est toujours comme
20 cela, vous ne pouvez jamais prévoir exactement ce qui va se produire avant
21 que la décision soit rendue.
22 M. Jan (interprétation). - Oui, c'est un jeu de hasard d'une
23 certaine façon.
24 M. Niemann (interprétation). - Dans ma requête, je pense
25 respectueusement que cela ne devrait pas être un jeu de hasard. En tout
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1 cas, ce n'est certainement pas un jeu de hasard pour la défense.
2 S'ils ont fait quelque chose de façon inopportune et qu'ils
3 viennent vous voir en vous disant qu'il faut appeler cela un élément de
4 preuve parce que c'est important, donc qu'il faut le faire, il serait
5 extraordinaire que vous, Madame et Messieurs les Juges, vous vous
6 conformiez à cette demande.
7 M. le Président (interprétation). - Dans le cas Mucic, il a été
8 dit très précisément qu'il avait écrit quelque chose, il a été
9 prétendument dit qu'il avait écrit quelque chose.
10 C'est à vous maintenant qu'incombe la charge de prouver qu'il a,
11 de fait, écrit quelque chose. En l'espèce, il y a un certain nombre de
12 circonstances que vous avez prises en compte lorsqu'il s'est agi de
13 déterminer si, oui ou non, Delalic avait écrit ce document. Vous ne l'avez
14 pas directement accusé d'avoir écrit quelque lettre que ce soit.
15 M. Niemann (interprétation). - Mais nous avons dit qu'il s'agit
16 bien d'un document dont il est conscient, dont il est informé.
17 M. le Président (interprétation). - En fait, vous avez peur
18 qu'il ait pu être écrit par lui parce qu'il a été découvert dans les
19 locaux, parmi des objets qui lui appartenaient et des choses qui lui
20 étaient reliées. Il y a tant d'arguments que vous pouvez avancer, mais il
21 n'y a pas une seule allégation directe que vous puissiez formuler, donc ce
22 n'est pas exactement la même chose. Les considérations ne sont pas les
23 mêmes que dans celles de Mucic.
24 Mais je ne rentrerai pas dans le fond, j'essaie simplement de
25 dire un certain nombre de choses. J'essaie de trouver les bases qui
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1 permettent de justifier le fait que vous présentiez
2 cette requête.
3 M. le Président (interprétation). - A première vue, il n'y a
4 rien dans cette requête qui nous permette de rendre une décision. Il n'y a
5 là que des allégations générales. Il est un peu difficile, dans ce cas, de
6 se prononcer. En fait, je ne sais pas s'il y a même des questions de fond
7 qui nous permettent de continuer à discuter de cette question. A priori,
8 je ne le crois pas.
9 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, tout
10 l'intérêt de la mention qui a été faite de l'affaire Tadic est que des
11 éléments de preuve peuvent être admis au dossier, et des décisions peuvent
12 être prises non seulement sur l'admissibilité de ces éléments de preuve,
13 mais également sur le poids qu'il faut leur accorder. La décision Tadic a
14 déclaré que ces deux étapes pouvaient être remises à plus tard, pouvaient
15 intervenir bien plus tard lors des débats.
16 C'est bien ce que dit la décision Tadic, il n'y a aucune
17 ambiguïté quant à ce fait d'après nous. C'est une approche que nous vous
18 demandons d'adopter, Madame et Messieurs les Juges. D'après nous, si ces
19 éléments de preuve matérielle sont admis, si la lettre de Mucic est l'un
20 de ces documents et si vous décidez d'adopter une approche particulière
21 concernant les éléments de preuve documentaires, cela ne veut pas dire non
22 plus que nous allons oublier l'affaire et oublier de demander à l'accusé
23 ce qu'il en est.
24 Pour ce qui est de Delalic, nous n'avons pas à prouver qu'il a
25 écrit lui même, nous voulons prouver qu'il était bien conscient de
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1 l'existence de ces documents et qu'il s'agit bien de ces documents. Une
2 façon de nous permettre de prouver cela est de savoir s'il les a bien
3 écrits.
4 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
5 M. Niemann (interprétation). - Je suis prêt à faire une copie de
6 la lettre que j'ai envoyée à la défense et à vous la communiquer, Madame
7 et Messieurs les Juges. Mais comme je l'ai dit, elle contient les
8 conclusions de l'expert et je répugne à vous la communiquer, Madame et
9 Messieurs les Juges, avant que vous ne tranchiez cette question.
10 M. le Président (interprétation). - Quelles sont les répliques
11 que la défense souhaite
12 formuler ?
13 M. O’Sullivan (interprétation). - Monsieur le Président, je
14 m'oppose à la requête de l'accusation visant à citer à comparaître un
15 autre témoin expert. Nous avons déposé une réponse et dans cette réponse,
16 il y a deux arguments sur lesquels nous nous fondons pour opposer cette
17 accusation.
18 Au début, nous avions pensé qu'un seul argument suffisait mais
19 nous avons pensé qu'il fallait avancer un deuxième argument, car si vous
20 décidez d'autoriser la venue de ce témoin expert, nous disons, nous, que
21 le délai prévu pour la venue de ce témoin expert n'est pas juste pour ce
22 qui est de la défense.
23 Tout d'abord, pour ce qui est de la requête visant à demander
24 l'autorisation de citer à comparaître ce témoin, je me permets de vous
25 rappeler l'ordonnance que vous avez délivrée le 5 janvier 1997 portant sur
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1 la capacité d'appeler ou non des témoins experts à comparaître. Dans cette
2 ordonnance, vous établissez des critères qui doivent être respectés par
3 l'accusation et par la défense, les deux parties devant absolument
4 notifier en temps utile, en bonne et due forme, à la partie opposée la
5 venue de ce témoin expert.
6 Mais ce qui est très important pour nous, ce n'est pas tant le
7 paragraphe 1 de votre ordonnance que je viens de citer, mais le sous-
8 paragraphe 4 du paragraphe 2 qui est assez court et succinct. Si vous me
9 le permettez, je vais le lire. C'est le paragraphe dans lequel vous parlez
10 justement du fait qu'il faut que la notice soit déposée en temps utile.
11 Vous dites : "Si les motifs fondés sont présentés, la Chambre de première
12 instance autorisera le témoignage d'un témoin expert dès lors qu'une
13 notice est déposée en temps opportun. La partie requérant la venue de ce
14 témoin expert devra communiquer la notice dans la forme qui est stipulée
15 au paragraphe 1 ci-dessus et doit également donner une justification pour
16 une notice qui serait intervenue un peu plus tard que la date prévue au
17 paragraphe ".
18 Il est clair que c'est la partie qui cherche à faire venir le
19 témoin expert après les dates
20 avant procès qui sont stipulées, c'est donc bien à cette partie de
21 démontrer qu'il y a bien des motifs fondés de procéder de cette façon.
22 Nous avons déjà entendu votre réaction, Monsieur le Président sur ces deux
23 points. D'abord, la présentation de motifs fondés, ensuite la
24 justification et je crois que l'accusation n'a respecté ni l'un ni l'autre
25 de ces critères.
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1 Puis-je vous demander, Monsieur le Président, de considérer la
2 requête de l'accusation à la page 2. L'accusation déclare qu'elle souhaite
3 citer à comparaître un témoin expert afin d'aider la Chambre de première
4 instance à en venir à certaines conclusions en matière d'éléments de
5 preuve.
6 A la page 3, l'accusation déclare que sa requête est justifiée
7 parce que vous, Madame et Messieurs les Juges, ne souhaitez apparemment
8 pas tirer certaines conclusions en matière de valeur probante parce que
9 vous avez refusé de tirer ces conclusions en matière de valeur probante,
10 parce que vous avez peut-être des difficultés à en arriver à tirer
11 certaines conclusions.
12 Je ne vais pas commenter ce que dit l'accusation, je dirai
13 simplement que, d'après moi, cela ne constitue pas la présentation de
14 motifs fondés ou de justification en matière de citation à comparaître de
15 ce témoin.
16 En outre, à la page 3 de cette requête, l'accusation soutient
17 que cette affirmation quant au fait de tirer des conclusions à propos de
18 la valeur probante de certains éléments de preuve, se fonde sur des
19 remarques récentes faites par des membres de cette Chambre.
20 Comme il est indiqué dans notre réponse, cette argumentation est
21 parfaitement incorrecte pour ce qui est de prouver la nature de certains
22 documents en ayant recours à une analyse de l'écriture. Le 2 avril déjà,
23 dans cette Chambre de première instance, dans le cadre du témoignage de
24 M. Gligorevic, la défense de M. Delalic avait demandé que M. Gligorevic
25 fournisse un échantillon d'écriture aux fins d'analyse parce qu'il a dit
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1 qu'une signature qui figurait sur un document n'était pas la sienne.
2 Bien évidemment, Madame et Messieurs les Juges, à une date
3 ultérieure, le 10 juin 1997, vous vous êtes prononcés sur une question de
4 ce même type et des parties de cette question apparaissent dans notre
5 réponse.
6 Vous avez lu notre requête. Vous l'avez étudiée. Je ne vais pas
7 m'étendre sur la question. Il me semble qu'à la fois au vu du contre-
8 interrogatoire de l'officier Mörbauer par Mme Residovic et au vu des
9 commentaires du Juge Jan qu'il a fait à l'égard de M. Turone, l'accusation
10 devait être consciente du fait qu'elle devait prouver la nature de ces
11 documents par une analyse de l'écriture.
12 Messieurs les Juges, nous sommes d'avis que le moment auquel
13 cette motion a été déposée révèle bien que l'accusation n'a réagi que
14 beaucoup trop tard à cette situation. L'accusation a eu six mois depuis le
15 mois de juin pour essayer d'obtenir de tels éléments de preuve concernant
16 la validité de l'écriture. Leur incapacité à prouver cet élément de preuve
17 en temps opportun va clairement à l'encontre à la fois de la lettre et de
18 l'esprit de votre ordonnance.
19 Nous disons, avec tout le respect dû, que l'accusation ne peut
20 dire, comme elle le fait dans sa requête, que cette question n'a surgi que
21 très récemment.
22 Hormis ce que je viens déjà de dire, l'accusation est bien
23 consciente de l'existence du Règlement de preuves et de procédures et de
24 l'existence des décisions de ce Tribunal. Je pense plus particulièrement à
25 l'article 89 du Règlement de preuves et à la décision Tadic. Nous sommes
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1 revenus très souvent sur ces deux textes. Je ne vais pas répéter ce qui a
2 déjà été dit. Il me semble que là encore, tout cela tend à prouver qu'il
3 n'y a pas de justice fondée qui soit démontrée, que rien ne justifie cette
4 citation à comparaître inopportune d'un témoin expert.
5 Comme il a été dit, lors de votre échange, Monsieur le Président
6 avec M. Niemann, nous avons déjà étudié des arguments présentés amplement
7 par les deux parties, présentés par l'accusation et par la défense, lors
8 de notre dernière audience à la fin du mois d'octobre et au début du mois
9 de novembre.
10 Des argumentations complètes ont été préparées par les deux
11 parties quant à l'admissibilité de ces documents contestés. Ces arguments
12 ont été proférés en ayant une parfaite connaissance des commentaires
13 qu'avaient formulés les Juges en juin de la teneur du Règlement de
14 procédures et de preuves et de la jurisprudence de ce Tribunal.
15 Pour ces raisons, Messieurs les Juges, nous soumettons que la
16 comparution de Mme Stegnar ne doit pas être accordée, mais refusée par les
17 Juges. Le Bureau du Procureur n'a pas de motifs suffisants ou ne peut
18 fournir de justifications suffisantes pour justifier la comparution de
19 cette personne. Le compte-rendu de ce procès montre qu'il n'y a aucun
20 motif sérieux ni aucune justification qui existe. M. Niemann, en
21 présentant ses arguments oraux, n'en a pas fourni non plus.
22 Nous pensons donc que la comparution de ce témoin devrait être
23 refusée, car M. Delalic doit avoir droit à un procès juste et équitable.
24 Nous pouvons passer rapidement à la deuxième question, qui
25 figure également dans notre réponse : si vous, Madame et
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1 Messieurs les Juges, faites droit à la requête du Procureur de faire
2 comparaître ce témoin, nous disons que le calendrier établi et le délai
3 proposé par le Procureur est injuste. Le Bureau du Procureur a indiqué
4 qu'il souhaitait appeler cet expert cette semaine. Nous avons déclaré que
5 c'était inopportun.
6 Tout d'abord, je voudrais attirer votre attention sur trois
7 documents liés à cette question, notamment la lettre dont mon collègue a
8 parlé, cette lettre du 18 novembre, leur requête du 20 novembre et le
9 rapport d'un expert que nous avons reçu vendredi dernier, le 28 novembre.
10 Laissez moi commencer en disant que le rapport de leur expert
11 graphologue porte la date du 26 novembre. Malgré cela, ce rapport n'a été
12 reçu par la défense qu'à 3 heures 45, vendredi dernier, le 28 après-midi.
13 Contrairement à ce que vient de dire le Bureau du Procureur, à ce qu'il a
14 dans sa requête, c'est la première fois que nous avons vu le contenu du
15 témoignage
16 de ce témoin. C’était vendredi dernier après-midi.
17 Le Bureau du Procureur a également déclaré que nous avons reçu
18 cette lettre du 18 novembre, mais je dis que c'est tout à fait incorrect.
19 Tout ce que dit cette lettre du 18, c'est que leur témoin a fait une
20 déclaration préliminaire sur certains seulement -et non pas sur tous les
21 documents- et que son rapport nous a été communiqué vendredi dernier au
22 plus tard.
23 Ensuite -et cela va à l'encontre de ce qu'a dit le Bureau du
24 Procureur- nous n'avons pas eu deux semaines, afin de préparer notre
25 contre-interrogatoire de ce témoin. Là encore, je le répète, ce n'est que
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1 vendredi dernier que nous avons reçu le rapport de cet expert, que nous
2 avons réussi à contacter un expert, car pour toute personne ayant les
3 qualités requises -et une personne compétente est toujours occupée- il
4 n'est pas facile, en ayant si peu de temps pour se libérer, d'écrire une
5 réponse pertinente et une analyse des documents complète, afin d'étudier
6 quels seront les dires d'un expert du Bureau du Procureur.
7 C'est un point important si nous voulons préparer un contre-
8 interrogatoire sur des points techniques et sur une déclaration faite par
9 un expert sur un point si technique, ce qui est au-delà des possibilités
10 d'un conseil normal.
11 Nous demandons donc l'aide d'une personne extérieure, si cette
12 femme doit effectivement venir témoigner devant ce Tribunal.
13 En outre, en conformité avec l'article 90 de notre Règlement, la
14 défense aimerait que cet expert soit présent au cours du témoignage du
15 témoin expert du Bureau du Procureur, si elle doit venir témoigner.
16 Comme vous le savez, l'article 90 porte sur le témoignage des
17 témoins. La partie qui nous intéresse est la première phrase qui dit la
18 chose suivante : "Un témoin autre qu'un témoin expert qui n'a pas encore
19 témoigné ne doit pas être présent, lorsque le témoignage d'un autre témoin
20 est entendu".
21 Cela montre clairement, Madame et Messieurs les Juges, que cet
22 article explique ou
23 plutôt porte sur la présence d'un expert d'une des parties pendant le
24 témoignage d'un expert de l'autre partie. C'est une interprétation qu'on
25 peut tirer de la formulation même de l'article 90 et également de la
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1 décision que vous avez prise le 20 mars 1997 sur la question de la
2 possibilité qui serait laissée aux enquêteurs de suivre les débats.
3 Nous disons, ici, que, si vous accordez au Bureau du Procureur
4 la possibilité de faire comparaître ce témoin, nous aimerions qu'un de nos
5 experts soit présent durant son témoignage.
6 Là encore, à cause du délai qui a été proposé par le Bureau du
7 Procureur, parce que nous n'avons reçu ce rapport que très tardivement, il
8 nous est impossible de convoquer un expert qui puisse se libérer pour
9 cette semaine parce qu'il a ou qu’elle a divers engagements
10 professionnels.
11 Enfin, en ce qui concerne le contre-interrogatoire en général,
12 je dis qu'il est tout à fait inapproprié que le Bureau du Procureur puisse
13 penser qu'il peut prendre une décision au nom de la défense sur le point
14 suivant, à savoir qu'un témoin puisse être qualifié de témoin parlant d'un
15 sujet large, ou de témoin parlant un sujet plus étroit qui va entrer dans
16 un sujet plus en détail ou plus en général, comme ils l'ont fait dans leur
17 requête.
18 Le Bureau du Procureur a essayé de faire comparaître son témoin
19 tout à la fin de la présentation de ces arguments et essaie de presser la
20 défense.
21 Je m'empresse d'ajouter que pendant les neuf mois qu'a duré la
22 présentation des arguments du Bureau du Procureur, ils n'ont pas semblé se
23 presser et aucune pression n'a été exercée sur eux afin qu'ils accélèrent
24 la procédure.
25 Nous déclarons que la manière dont le Bureau du Procureur a
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1 décidé de traiter cette question en particulier en dit long sur la manière
2 dont le Procureur estime que la défense devrait contre examiner les
3 témoins. Là encore, il semble qu'il y ait une large indifférence des
4 droits de l'accusé dans ce procès par le Bureau du Procureur.
5 Nous disons que si vous acceptez d'accorder ou de donner droit à
6 la requête du bureau du Procureur, les délais qui nous seront proposés
7 seront injustes et irréalistes.
8 En guise de conclusion, je voudrais ajouter les observations
9 suivantes sur cette question et formuler des commentaires généraux qui
10 viendront soutenir les arguments que j'ai déjà mentionnés.
11 Il me semble que c'est à la fois le langage et le contenu de
12 cette requête qui me gêne. Dans sa requête, le bureau du Procureur essaie
13 de venir fonder sa requête sur certains commentaires sur la nature même de
14 l'exercice. Il semble décrire ce procès comme étant un processus de
15 recherche de la vérité.
16 En ce qui me concerne, puis-je faire remarquer que le Procureur
17 semble avoir oublié que nous participons ici à des procédures pénales. Par
18 conséquent, c'est au Procureur de justifier leur poursuite, que la
19 présomption d'innocence existe et que les critères de preuve reviennent
20 particulièrement au Bureau du Procureur et que c'est à eux plus
21 particulièrement de travailler sur ce point et d'établir des preuves au-
22 delà de tous doutes raisonnables.
23 La charge de cette preuve au-delà de tous doutes raisonnables a
24 été confirmée par cette Chambre de première instance dans sa décision en
25 excluant la déclaration de Mucic qui a été faite à la police de Vienne.
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1 Vous avez répondu à une demande de clarification par M. Delalic en disant
2 que le Bureau du Procureur devait prouver tous les éléments de ces
3 arguments.
4 En ce qui concerne les documents de Vienne, le Bureau du
5 Procureur a reconnu et admis qu’ils avaient été soumis à un examen très
6 strict de preuve. Le Bureau du Procureur semble également gêné par le
7 règlement qu'il qualifie « d’extrêmement limitatif » et dans lequel il dit
8 que : « Le critère de la preuve est extrêmement limitatif. ».
9 C'est effectivement ce qu'ils disent explicitement dans leur
10 requête.
11 Là, Madame et Messieurs les Juges, le Bureau du Procureur est en
12 train de dire que les principes d'admissibilité des documents que nous
13 avons consacrés par la décision de Tadic
14 sur l'ouï-dire sont extrêmement limitatifs alors qu'ils ne se résument que
15 par une règle de bon sens des principes de bon sens qui viennent étayer
16 l'article 89.
17 Je suis sûr que vous avez remarqué que le Bureau du Procureur
18 semble soit avoir ignoré ou avoir essayé de contourner le règlement et les
19 décisions de ce tribunal. Ceci est un nouvel exemple de cette tendance.
20 D'autre part, dans sa requête, le Bureau du Procureur dit et je
21 cite : « L'esprit du Statut du Tribunal ainsi que les attentes légitimes
22 du conflit de l'ex-Yougoslavie et de la communauté internationale ». Ce
23 sont les arguments qu’il invoque.
24 Nous disons qu’il serait peut-être approprié de rappeler
25 certains aspects du statut afin d'évaluer, de façon la plus juste
Page 9354
1 possible, l'esprit de ce Statut. Là encore, nous rappelons que c'est un
2 Tribunal de nature pénale dont l'objectif principal est de rendre justice
3 dans l'intérêt des accusés.
4 Nous déclarons que les articles 20 et 21 du Statut prévoient
5 deux dispositions qui définissent au mieux l'esprit de notre Statut,
6 notamment les articles 20, paragraphe 1, 21, paragraphe 2, 21, 3, 4 B.
7 Nous pensons que ces articles devraient être lus en rapport avec
8 trois articles du Règlement, les articles 87, 89 et 95.
9 L'esprit du Statut dans ce contexte souligne la nécessité
10 d'accorder un procès juste et équitable à l'accusé en conformité avec le
11 Règlement et le droit qui est accordé à l'accusé d'avoir suffisamment de
12 temps pour préparer ses arguments de défense.
13 Comme je l’ai dit, il y a un instant, ce que le Bureau du
14 Procureur décrit comme étant des règles de preuves extrêmement limitatives
15 ne sont que des principes de bon sens émis dans la décision de l'affaire
16 Tadic. Ces principes montrent, selon nous, comment cet éminent Tribunal
17 essaie d’appliquer dans les faits l'esprit du Statut afin de garantir des
18 dispositions qui permettent de maintenir un procès juste et équitable.
19 N'oublions pas que bien que nous acceptions entièrement cette
20 partie du procès qui implique que nous considérions de façon permanente
21 les intérêts des différentes victimes de toutes les violences qui ont été
22 subies en ex-Yougoslavie, nous soulignons, avec tout le respect que nous
23 devons, qu'il n'y a rien dans le Statut, ni dans le Règlement, qui vienne
24 suggérer que soit l'esprit, soit la lettre de ces dispositions permet que
25 ces intérêts viennent faire ombre à ceux qui sont établis dans les
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1 articles 20 et 21 du Statut.
2 En ce qui concerne les attentes légitimes de la communauté
3 internationale, nous déclarons que le Statut lui-même est une incarnation
4 écrite de toutes ces attentes puisque les Nations Unies elles-mêmes ont
5 donné leur accord et l’une de ces attentes est que la personne accusée
6 recevra un procès juste et équitable.
7 Si le Bureau du Procureur affirme que ces attentes sont
8 différentes, nous les invitons à les expliciter sans ambiguïté.
9 Pour résumer, nous disons donc que le Bureau du Procureur n'a
10 pas déposé sa demande à temps, n'a pas exposé des motifs suffisants ou des
11 justifications qui permettent d'appeler ce témoin ou de rouvrir cette
12 question.
13 Si cette requête est acceptée par ce Tribunal, et bien ce
14 Tribunal devrait rejeter le calendrier proposé par le Bureau du Procureur
15 parce que les délais proposés sont injustes et violent les droits de
16 l'accusé.
17 M. le Président (interprétation). - Merci. Une réponse ?
18 M. Niemann (interprétation). - D'abord, je trouve qu'il est tout
19 à fait troublant que le conseil suggère des choses selon lesquelles le
20 Bureau du Procureur essaie de contourner les règles ou les décisions de ce
21 Tribunal. C'est une démarche tout à fait inacceptable.
22 Pourquoi le conseil a-t-il décidé d'adopter cette démarche ? Je
23 ne le comprends pas, mais je lui demande simplement de me citer un
24 exemple.
25 En ce qui concerne les autres questions, en ce qui concerne les
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1 allégations selon
2 lesquelles nous essayons de limiter le temps du contre-interrogatoire,
3 c’est faux. Il revient aux Juges de déterminer la longueur du contre-
4 interrogatoire. La défense essaie de vous faire croire que pour qu'un
5 procès soit juste et équitable, le contre-interrogatoire devrait pouvoir
6 durer tout le temps que le conseil de la défense juge nécessaire.
7 Selon moi, cela prouve clairement le malentendu du côté de la
8 défense en ce qui concerne le concept de procès juste et équitable. Un
9 procès juste et équitable, c'est une division juste entre une partie et
10 l'autre des droits et possibilités de présenter un argument.
11 La défense ne devrait pas subir de désavantage de quelque
12 manière que ce soit alors que le Bureau du Procureur ne subit pas de
13 désavantage. Je voudrais rappeler que cela marche dans les deux sens.
14 C'est un acte qui requiert un certain équilibre. Cela ne tombe pas
15 simplement dans le domaine de la défense. Je crois que là, la défense a
16 dissimulé cet aspect.
17 En ce qui concerne la présence de l'expert, ils ont reçu un
18 compte rendu, un rapport qui peut être examiné. Ceci peut être examiné par
19 un expert compétent et peut répondre aux arguments qui ont été présentés.
20 Si pour une raison ou une autre, leur expert ne peut pas être présent
21 aujourd'hui et si nous ne connaissons pas les raisons de son absence,
22 autre qu'il est occupé parce qu'il a d'autres obligations, il me semble
23 que la présence de l’expert n'est pas nécessaire.
24 Le conseil de la défense vient de mettre en doute le fait qu'il
25 s'agissait là d’un processus de recherche de la vérité. Si ce n'est pas
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1 cela, je ne sais pas ce que c'est parce que ce n'est que par cette
2 recherche de la vérité qu'une décision pourra être prise sur l’innocence
3 ou la culpabilité de l'accusé.
4 Nous avons ici un exemplaire de la lettre que nous avons donnée
5 à la défense, parce que la défense a insisté tellement sur le fait qu'ils
6 n'ont reçu ce rapport que vendredi. Nous leur avons dit dans la lettre que
7 nous aurions ce rapport vendredi. C'est le 18 novembre que nous leur avons
8 donné des détails sur ce point. Je vous la communique.
9 Je crois qu'il n'y a qu'un exemplaire, j'en suis désolé. Madame
10 et Messieurs les Juges, cette demande est fondée étant donné la décision
11 que vous avez prise dans le cadre de...
12 M. O'Sullivan (interprétation). - Je fais objection au fait que
13 cette lettre soit montrée aujourd'hui à la Chambre. Je ne vois pas
14 pourquoi c'est le cas. Je ne pense pas que ce soit une orientation à
15 suivre.
16 M. le Président (interprétation). - Est-ce la lettre qui vous a
17 été envoyée ?
18 M. O'Sullivan (interprétation). - Oui.
19 M. le Président (interprétation). - Alors, quelle est votre
20 objection si elle vous a été envoyée ?
21 M. O'Sullivan (interprétation). - Vous ne devriez pas pouvoir
22 voir le contenu de cette lettre. Mon collègue dit qu'elle contient des
23 informations sur l'expert et sur ses opinions.
24 M. le Président (interprétation). - Si cette lettre vous a été
25 envoyée, elle vous a été envoyée. Je ne vois pas pourquoi la Chambre de
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1 première instance ne pourrait pas la consulter.
2 M. O'Sullivan (interprétation). - Je ne vois pas pourquoi il
3 faudrait la montrer.
4 M. Niemann (interprétation). - Si je peux répondre, c'est lui
5 qui a mentionné cette question et c'est lui qui dit qu'ils n'ont pas
6 obtenu suffisamment d'informations. Il essaie d'insinuer que ce rapport
7 n'a été transmis que vendredi. Eh bien, s'il a posé cette question, c'est
8 comme cela. Mais nous avons le droit de répondre et de vous prouver, à
9 vous Madame et Messieurs les Juges, que nous avons notifié suffisamment
10 les noms et les éléments qu'ils pouvaient entendre, qui pouvaient être
11 mentionnés par ce témoin expert et qu'ils ont eu suffisamment de temps
12 pour préparer leurs arguments. Ils le savaient et j'ai dit, lorsque j'ai
13 expliqué mes arguments, que c'est délibérément que nous ne vous avons pas
14 transmis cette lettre parce qu'elle contenait des conclusions
15 préliminaires. Nous pensions que c’était injuste. Si maintenant il se lève
16 et dit qu'il n'a pas été suffisamment au courant de ces choses, à ce
17 moment-là c'est la réponse qu'il doit s'attendre à recevoir.
18 Cela s'est produit après qu'ils ont dit que nous avons essayé de
19 contourner les décisions de ce Tribunal.
20 M. O'Sullivan (interprétation). - Monsieur le Président, en ce
21 qui concerne cette lettre et la raison pour laquelle j'en ai parlé,
22 c'était simplement pour montrer les délais qui nous étaient proposés et le
23 peu de temps que nous avons eu pour consulter ces différents éléments, pas
24 à cause du contenu même de la lettre.
25 M. le Président (interprétation). - Mais vous êtes encore en
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1 train de vous plaindre des dates, que les délais étaient trop courts. Cela
2 ne veut pas dire que la Chambre de première instance n'a pas le droit de
3 voir une lettre qui vous a été écrite et qui parle de ce qui va se passer
4 dans le cadre de ce procès devant cette Chambre. Je ne vois pas où est le
5 problème.
6 M. O'Sullivan (interprétation). - Pour répondre à
7 Maître Niemann, la raison pour laquelle j'ai fait référence à cette
8 lettre, au rapport et à la requête, c'était pour parler des dates et non
9 pas du contenu même des documents. Je me pose des questions sur la
10 pertinence de tout cela. Je dis simplement que le point qui nous intéresse
11 seulement, ce sont les dates et les délais.
12 M. le Président (interprétation). - C'est la lettre que vous
13 avez mentionnée et c'est la date de la lettre plus précisément. Il n'y a
14 pas de contradiction en cela.
15 M. O'Sullivan (interprétation). - Oui, mais le contenu de la
16 lettre n'est pas pertinent. Dans l'argument que je viens de mentionner, je
17 parlais des dates, pas du contenu.
18 M. le Président (interprétation). - Rien ne devrait être
19 dissimulé à la Chambre de première instance si c’est pertinent pour régler
20 la question qui est devant nous. C'est une considération tout à fait
21 différente.
22 Maître Niemann, vous avez terminé ?
23 M. Niemann (interprétation). - Oui.
24 M. le Président (interprétation). - Nous suspendons l'audience
25 jusqu'à 16 h 30.
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1 L’audience, suspendue à 15 h 55, est reprise à 16 h 35.
2 M. le Président (interprétation). - Bonjour, Mesdames et
3 Messieurs. Nous avons essayé de rendre une décision très courte.
4 La demande qui nous a été soumise provient de l'accusation et
5 porte sur une autorisation de citer à la barre des témoins un expert.
6 L'accusation et la défense ont présenté leurs arguments relatifs à une
7 demande de l'accusation portant sur le versement au dossier de certaines
8 pièces à conviction examinées le 31 octobre 1997. L'accusation a désormais
9 déposé une requête demandant l'autorisation de citer à comparaître un
10 témoin expert en rapport avec ces documents. Bien que le Procureur ait
11 indiqué que les éléments de preuves abordés par l'expert ne concerneront
12 que M. Delalic, les éléments de preuve exigeant la comparution de cet
13 expert ne figurent pas dans la requête. Le représentant de l'accusation a
14 informé la Chambre de Première Instance, dans son argumentation, qu'une
15 lettre avait été adressée à la défense dans laquelle figure la liste des
16 documents intéressés.
17 Le conseil de M. Delalic s'oppose à cette requête. Parmi les
18 fondements sur lesquels il s'appuie, dont certains sont positifs, figure
19 l'argument selon lequel l'accusation n'a pas fait la preuve de l'existence
20 d'un motif valable ou d'une cause justifiant la présentation d'une telle
21 requête. Il a également été déclaré que l'accusation n'avait pas donné
22 suffisamment de temps à la défense pour se préparer à interroger cet
23 expert.
24 Il est reconnu que l'accusation a envoyé quelques informations
25 au sujet de cet expert à la défense, mais la défense considère ces
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1 éléments insuffisants pour préparer l'interrogatoire de cet expert. La
2 Chambre de première instance est convaincue que l'accusation n'a pas fait
3 la preuve d'un motif valable justifiant une telle autorisation de rouvrir
4 l'interrogatoire après présentation des derniers arguments des parties au
5 sujet du versement au dossier de ces documents. La raison avancée s'appuie
6 sur une décision récente de la Chambre de première instance et ne
7 constitue pas un motif valable. Il n'a pas été prouvé que l'expert n'était
8 pas disponible avant la date d'aujourd'hui ou qu'il n'y avait aucune
9 raison de le citer à comparaître
10 précédemment. Quant à la possibilité d'authentifier ces documents,
11 l'accusation en est informée depuis déjà plusieurs mois. La Chambre de
12 première instance n'est donc pas convaincue que la défense ait eu
13 suffisamment de temps pour préparer son interrogatoire de cet expert et
14 nous n'estimons pas qu'il est dans l'intérêt de la justice d'accéder à
15 cette demande. Nous ne jugeons donc pas nécessaire de prendre en
16 considération les autres raisons de s'opposer à cette demande et la
17 requête est par conséquent rejetée.
18 Voilà quelle est la teneur de notre décision au sujet de la
19 requête qui nous était soumise aujourd'hui. Je crois que vous avez une
20 autre requête à présenter, n'est-ce pas ? Pouvons nous l'entendre ?
21 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, je
22 voudrais évoquer ici ce qui n'est pas en fait une requête, mais deux
23 questions logistiques, avant que nous n'en terminions avec l'audition de
24 nos témoins. Le Greffe a indiqué que je devrais soumettre à l'avance des
25 extraits des vidéos qui ont été montrées au témoin T. Il m'a été dit
Page 9362
1 qu'outre l'original, il convenait également de déposer les autres
2 exemplaires qui ont été montrés aux témoins et qui sont différents de
3 l'original. C'est ce qui a été fait en séance publique. Nous avons
4 plusieurs exemplaires de ces vidéos et je peux les soumettre. Elles ont
5 déjà été identifiées dans le cadre du témoignage. A l'évidence, si la
6 défense souhaite vérifier qu'il s'agit bien des extraits identifiés par le
7 témoin T, je peux lui donner la possibilité de le faire. C'est le premier
8 point que nous voulions évoquer.
9 M. le Président (interprétation). - Je souhaite comprendre au
10 moins un des éléments que vous venez d'évoquer, Maître McHenry.
11 Mme McHenry (interprétation). - Excusez-moi,
12 Monsieur le Président, je reprends. Le témoin T a déjà témoigné dans ce
13 prétoire. Il s'agit de quelqu'un qui travaillait au camp de Celebici. Sur
14 la base d'une bande vidéo originale, il lui a été montré des extraits de
15 cassettes qu'il a identifiés. Il m'a été dit, il y a peu, que ces extraits
16 de cassettes vidéo, c'est-à
17 dire les séquences que le témoin a identifiées, devraient être préparées
18 pour que chacun ici, y compris les Juges, la défense et l'accusation,
19 puisse savoir exactement ce que le témoin a vu et identifié. Je crois que
20 cela a été déjà fait, mais je ne sais pas exactement, la défense l'a fait
21 aussi, je ne sais pas si des cotes différentes ont été données à ces
22 séquences dans d'autres affaires. En tout cas, on m'a demandé d'en parler
23 en public dans ce prétoire de façon à ce que les cotes puissent être
24 associées à ces séquences.
25 M. Jan (interprétation). - Ces cassettes vidéo sont-elles
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1 préparées par le témoin lui-même ?
2 Mme McHenry (interprétation) - Il s'agit simplement des extraits
3 des cassettes vidéo que le témoin a vus et pour lesquels il a dit : "Oui,
4 j'étais présent sur les lieux", ou bien "J'ai filmé moi-même". Je vous
5 remercie.
6 M. le Président (interprétation). - La défense était-elle au
7 courant de ce point ?
8 Mme McHenry (interprétation) - Oui, Monsieur le Président, je
9 crois qu'il a été convenu avec la défense que se serait fait. Bien sûr, je
10 n'ai pas d'objection si plus tard elle souhaite vérifier.
11 M. le Président (interprétation). - Ces cassettes vidéo font
12 partie des pièces à conviction.
13 M. Jan (interprétation). - Si je me souviens bien, la défense a
14 déclaré que seuls les extraits devraient être versés au dossier et pas les
15 cassettes entières.
16 Mme McHenry (interprétation) - Exactement.
17 M. Jan (interprétation). - Donc, vous avez préparé les extraits
18 et vous souhaitez en demander le versement.
19 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, je peux
20 procéder à une certaine vérification mais je dirai en outre qu'avant le
21 début de la séance de cet après-midi, Me McHenry m'a informé qu'elle
22 allait aborder ce sujet. Il me semble qu'il aurait pu être
23 beaucoup plus utile, de façon à s'assurer que nous sommes tous bien sur la
24 même longueur d'onde et compte tenu du fait qu'elle possède ces extraits
25 depuis longtemps semble-t-il, de nous donner une cassette en disant :
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1 "Voilà les extraits dont nous pensons qu'ils sont appropriés dans le cadre
2 du témoignage du témoin T, jetez-y un coup d'oeil. Si vous avez la moindre
3 objection, faites-le nous savoir et nous en parlerons". A l'évidence, nous
4 n'avons pas eu la possibilité d'examiner ces cassettes vidéo et j'ai bonne
5 confiance dans le fait que nous aurons une possibilité de le faire et de
6 présenter nos objections le cas échéant. La Chambre de première instance
7 les entendra. Mais il eut été plus logique, me semble-t-il, de prendre les
8 choses dans un ordre différent et de nous donner ces copies d'extraits en
9 nous disant : "Voilà les extraits que nous considérons comme appropriés".
10 M. Jan (interprétation). - Ces extraits ont été préparés
11 séparément de la cassette vidéo.
12 M. Ackerman (interprétation). - Je ne fais pas objection, c'est
13 simplement une proposition.
14 M. le Président (interprétation). - Alors, je suppose que c'est
15 une question de coopération entre la défense et l'accusation.
16 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, pour la
17 même raison nous pourrions peut-être aborder d'autres questions.
18 L'accusation à probablement d'autres extraits qui ont été montrés au cours
19 de cette déposition. Peut-être tous ces autres extraits devraient-il être
20 traités de la même manière. J'attire l'attention sur le fait que certains
21 documents dont nous discutons sont également des cassettes vidéo, des
22 cassettes entières. Ce serait une bonne idée que de n'inclure dans les
23 éléments de preuve que les extraits de ces cassettes vidéo correspondant à
24 ce qui a été montré à tel ou tel témoin.
25 M. Greaves (interprétation). - Je n'ai pas grand-chose à dire
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1 mais ma collègue, Me McHenry, me dit qu'il s'agit des extraits qu'elle a
2 montrés au témoin. J'accepte ce fait bien
3 entendu. S'il s'avère que ce n'est pas le cas, je lui téléphonerai.
4 Mme McHenry (interprétation) - Merci. Pouvons-nous avoir la cote
5 de ces extraits ?
6 Mme le Greffier (interprétation). - Ces extraits sont issus des
7 cassettes vidéo qui ont déjà été enregistrées comme pièces à conviction de
8 l'accusation 110, 111 et 112. Ils seront enregistrés sous les cotes 110 C,
9 111 C et 112 C.
10 Mme McHenry (interprétation) - Merci, Monsieur le Président. Un
11 autre point, qui concerne toujours notre volonté d'arriver au bout de la
12 présentation de nos témoins, est le point suivant. S'agissant du
13 témoignage de Miloika Antic qui a témoigné avoir été violée dans le camp
14 de Celebici, la défense a tenté de récuser son témoignage à plusieurs
15 reprises en mettant en cause la déclaration préalable qu'elle avait faite
16 au Bureau du Procureur. Il a été porté à notre attention que cette
17 déclaration préalable n'a pas été versée au dossier au moment du
18 témoignage mais, compte tenu du fait qu'elle a été évoquée à plusieurs
19 reprises, l'accusation présente les mêmes arguments qu'au cours de la
20 discussion précédente. Nous pensons qu'il serait bon que vous-mêmes,
21 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, ayez en votre
22 possession cette déclaration préalable de façon à pouvoir déterminer dans
23 quelle mesure la récusation s'impose.
24 Nous ne proposons pas cet élément de preuve comme un élément de
25 preuve sur le fond, mais simplement parce que c'est un élément qui porte
Page 9366
1 sur la crédibilité du témoin dont la récusation est recherchée. J'ai des
2 copies supplémentaires pour la Chambre et pour le conseil de la défense.
3 Le conseil de la défense en a déjà reçu mais j'en ai d'autres.
4 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, compte tenu
5 de la nature limitée de cette proposition, étant donné que la demande ne
6 porte que sur un versement partiel de ces éléments de preuve au dossier,
7 nous n'avons pas d'objection s'il ne s'agit que de rechercher la vérité.
8 Mme le Greffier (interprétation). - Pièce à conviction de
9 l'accusation numéro 209.
10 M. Jan (interprétation).(hors micro) -
11 Mme McHenry (interprétation) - Oui, monsieur le juge, je pense
12 que cela eut été une manière de procéder plus normale dans mon pays
13 également.
14 Monsieur le Président, ce sont les seules questions que nous
15 avions à vous soumettre aujourd'hui et si vous ne voyez pas d'inconvénient
16 à cela, nous devons dire de notre côté que nous n'avons pas d'autre témoin
17 à vous présenter cette semaine.
18 M. le Président (interprétation). - Il y a également cette
19 requête aux fins de supprimer les chefs d'accusation 40 et 41.
20 M. Jan (interprétation).(hors micro) -
21 Mme McHenry (interprétation) - Oui effectivement, Monsieur le
22 Président, si vous voulez nous pouvons vous présenter nos arguments mais
23 je pense que la requête parle d'elle même.
24 M. le Président (interprétation). - Eh bien, dans ce cas, la
25 défense a-t-elle un point de vue à exprimer sur cette requête ?
Page 9367
1 M. Jan (interprétation). - Maître Moran ?
2 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai pas
3 vu cette requête. Chaque fois que l'accusation souhaite supprimer une
4 charge d'accusation contre mon client, j'aimerais qu'elle le fasse plus
5 souvent mais je ne crois pas que ce sera le cas. En tout état de cause, je
6 n'ai pas d'objection par rapport à cette requête.
7 M. le Président (interprétation). - La requête aux fins de
8 suppression de ces chefs d'accusation est retenue.
9 Eh bien, nous essaierons de voir où nous en sommes avant notre
10 retour dans ce prétoire en janvier. Je sais que vous avez indiqué que vous
11 poursuivriez le contre-interrogatoire du Dr Gow. A part cela, je ne vois
12 aucun autre élément de preuve qui puisse être présenté à la
13 Chambre d'instance. Il appartient désormais à la défense de nous indiquer
14 de quelle façon elle va procéder.
15 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, vous vous
16 rappellerez que nous avons déjà discuté -il y a eu accord entre le Bureau
17 du Procureur et la défense sur ce point- de la préparation et du dépôt
18 d'une requête portant sur le retrait des derniers arguments de
19 l'accusation. Je n'en jurerai pas mais je pense que si nous reprenons nos
20 travaux le 12 janvier et si nous entendons le Dr Gow à partir du
21 12 janvier -puisque j'ai cru comprendre que le Dr Gow reviendrait à la
22 barre des témoins ce jour-là-, je pense que son contre-interrogatoire
23 pourrait durer jusqu'au 13 janvier.
24 Compte tenu du fait que nous aurons deux semaines pour préparer
25 nos requêtes et les déposer, l'accusation aura donc deux semaines pour
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1 répondre à ces requêtes de suppression de certains éléments de charge,
2 après quoi nous aurons encore une semaine pour répondre à l'accusation.
3 Et puis, dès que les juges auront rendu leur décision, nous
4 sommes prêts à poursuivre l'audition des témoins de la défense. Voilà de
5 quelle façon nous envisageons la suite de ce procès. Je pense que tous mes
6 confrères autour de cette table sont d'accord avec moi, en tout cas, je ne
7 vois personne dire le contraire.
8 Vous vous rappellerez que, lorsque nous avons déjà évoqué cette
9 affaire, nous pensions que c'était là une façon de procéder tout à fait
10 acceptable. Je pense que l'opinion de mes confrères n'a pas changé sur le
11 sujet. Je suis sûr qu'ils sont d'accord avec moi. Voilà ce que nous
12 demandons. Nous espérons que nous pourrons avancer dans ce sens. La
13 préparation d'une requête est en cours, comme vous le savez. Nous aurons
14 sans doute près de 9 000 pages de procès-verbal à examiner à la date
15 d'aujourd'hui et la tâche n'est pas facile. Il y a des questions
16 juridiques qui se posent.
17 Nous avons besoin d'un certain temps pour poursuivre notre
18 travail. Nous avons des
19 requêtes à présenter, nous espérons pouvoir le faire dans les délais. Si
20 ce n'est pas possible nous examinerons peut-être une requête conjointe en
21 rapport avec certaines questions, et puis certaines requêtes seront
22 distinctes. Mais nous essaierons de faire aussi rapidement que possible.
23 Deux semaines est un délai raisonnable, me semble-t-il.
24 Mme Odio-Benito (interprétation). - Maître Ackerman, vous avez
25 dit que le contre-interrogatoire du Dr Gow se terminerait le 13. Votre
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1 contre-interrogatoire seulement ou le contre-interrogatoire de tous les
2 conseils de la défense ?
3 M. Ackerman (interprétation). - Madame le Juge, ce que je peux
4 vous dire de plus précis à cet égard. Bien sûr, il est impossible de faire
5 des prévisions absolument exactes. Comme vous l'avez vu, le Dr Gow a
6 tendance parfois à répondre de façon assez longue. Je pense toutefois que
7 nous pourrions terminer le contre-interrogatoire en un jour ou un peu
8 moins. Je ne suis pas sûr du temps qui sera nécessaire pour les autres
9 conseils, mais je pense que nous pouvons raisonnablement parler d'une fin
10 de contre-interrogatoire le mardi 13 pour l'ensemble des
11 contre-interrogatoires. Je n'imagine pas que quiconque souhaite prolonger
12 ces contre-interrogatoires.
13 D'autres conseils auront sans doute des questions un peu
14 différentes de celles qui ont été abordées. Raisonnablement, nous
15 pourrions terminer le 13.
16 Mme Odio-Benito (interprétation). - C'est ce que je pensais,
17 merci beaucoup.
18 M. Jan (interprétation). - Nous avons entendu l'interrogatoire
19 principal du Dr Gow. Nous avons déjà entendu une partie du
20 contre-interrogatoire. Peut-être qu’en décembre vous pourrez préparer
21 votre requête.
22 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Juge, l'ensemble des
23 conseils de la défense utilisera ce temps pour préparer la requête, bien
24 entendu.
25 M. Jan (interprétation). - Elle devrait être prête en janvier,
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1 lorsque nous en terminerons avec les réponses du Dr Gow.
2 M. Ackerman (interprétation). - J'aimerais informer les Juges de
3 la Chambre d'instance d'un élément qui me paraît important. Il est tout à
4 fait important pour moi et pour d'autres également, me semble-t-il.
5 Entre la date d'aujourd'hui et le début du mois de janvier, une
6 grande partie du temps sera consacré, de ce côté de la salle en tout cas,
7 à des projets liés à Noël. C'est une période importante pour pas mal
8 d'entre nous. J'ai prévu de passer une grande partie de ce temps avec ma
9 mère qui est en Arizona depuis de nombreuses années. Je ne l'ai pas vu
10 depuis longtemps. je sais que d'autres conseils de la défense ont
11 également prévu de se trouver aux côtés des membres de leur famille
12 pendant cette période. C'est une période qui, normalement, est réservée à
13 la famille. C'est une période qui, pour certain d'entre nous, est plus
14 importante que d'autres années, car nous passons depuis pas mal de temps
15 notre vie à La Haye et nous sommes loin de nos familles.
16 Je comprends bien qu'il est nécessaire d'avancer rapidement dans
17 ce procès. Je comprends que tous ceux qui travaillent dans ce bâtiment
18 souhaiteraient que nous en terminions le plus rapidement possible, mais il
19 me semble qu'une période de congé est importante et peut-être plus
20 importante que les considérations relevant de la rapidité de l'achèvement
21 de ce procès.
22 Nous n'aurons certainement pas la possibilité, simplement parce
23 que certains ne renonceront tout simplement pas à leur projet, de faire le
24 travail nécessaire pour accomplir ce que vous venez de proposer. Je ne
25 peux pas emporter avec moi l'ensemble des pièces à conviction et la
Page 9371
1 totalité du compte rendu lié à ce procès lorsque je voyage dans le monde.
2 Il me faudrait un camion.
3 M. Jan (interprétation). - Mais, sur un CD-Rom, vous avez
4 l'ensemble des pièces à conviction sur quelque chose qui n'a que la taille
5 d'un disque.
6 M. Ackerman (interprétation). - Je ne sais pas comment cela se
7 fait. Si quelqu'un peut me l'indiquer, je serais heureux de procéder
8 ainsi.
9 Beaucoup de travail doit être effectué par l'ensemble des
10 conseils de la défense pour accomplir la totalité de la tâche. Deux
11 semaines, je ne crois vraiment pas que ce soit une période trop longue,
12 étant donné la charge de travail que nous avons. Nous allons tous
13 travailler pendant ces congés, mais nous ne pourrons pas travailler
14 ensemble et de façon aussi organisée que lorsque nous sommes ici.
15 Cela me surprendrait que les membres du Bureau du Procureur
16 n'aient pas le même genre de projets eu égard à leur famille dans le cadre
17 de cette période de congé. C'est un congé assez traditionnel pour
18 l'ensemble d'entre nous en général.
19 M. Moran (interprétation). - Maître Ackerman vient de dire aux
20 Juges que le processus a déjà commencé. J'ai déjà écrit pas mal de choses.
21 J'ai coupé et j'ai réécrit. Je peux vous assurer qu'écrire quelque chose
22 de court est beaucoup plus difficile qu'écrire quelque chose de long.
23 Réduire un écrit, couper un grand nombre de mots est quelque chose de très
24 difficile. L'ensemble des documents que nous avons à examiner
25 nécessiterait des charrettes entières. Je vous assure que c'est un travail
Page 9372
1 difficile.
2 Le conseil de la défense qui vient de s'exprimer et l'ensemble
3 des conseils de la défense savent bien quelle est la somme des documents
4 sur lesquels nous devons travailler. Cette somme constitue 8000 à
5 9000 pages de témoignages. Il y a des aspects juridiques, des aspects
6 factuels. Franchement, tout doit être examiné avec le plus grand soin.
7 En même temps, je pense que l'accusation -soyons justes à son
8 égard- a sans doute le même genre d'idées que les nôtres et anticipe
9 peut-être ce que nous allons dire. Il faut que l'accusation aussi ait
10 quelque temps pour répondre à ce que nous lui dirons.
11 Encore une fois, je pense que le délai évoqué est un délai tout
12 à fait raisonnable et que nous aurons besoin de quelque temps à la fin de
13 l'audition des témoins de l'accusation pour réaliser ce travail.
14 M. le Président (interprétation). - Pensez-vous déjà à la façon
15 dont sera organisée
16 l'audition de vos témoins, de manière que nous nous fassions une idée
17 globale ?
18 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, nous en
19 avons discuté entre nous. Nous avons discuté avec l'ensemble des conseils
20 de la défense et individuellement également. En fait, je souhaitais
21 obtenir quelques précisions des Juges sur la façon dont vous souhaitez que
22 la défense présente ses témoins, d'abord sur le plan technique, comment
23 nous devrons procéder au contre-interrogatoire.
24 Je peux vous dire quelle est la pratique en vigueur dans de
25 nombreux procès avec jury auxquels j'ai participé précédemment. Durant
Page 9373
1 l'audition des témoins de la défense, il y a d'abord un interrogatoire
2 principal ; ensuite, un accusé cite un témoin, donc interrogatoire
3 principal suivi du contre-interrogatoire par le Procureur, suivi du
4 contre-interrogatoire par les autres accusés. C'est la procédure que j'ai
5 observée pour ma part et que j'ai demandé à la Chambre de première
6 instance d'adopter. Je pense que nous devons y réfléchir.
7 M. le Président (interprétation). - En général, c'est la
8 pratique lorsque les conseils de la défense s'entendent entre eux quant
9 aux aspects évoqués dans les contre-interrogatoires avant le début. Cela
10 facilite la vie de tout le monde.
11 M. Moran (interprétation). - Je suis d'accord avec vous,
12 Monsieur le Président.
13 Si je prends comme exemple M. Delalic, je suis sûr qu'il citera
14 un certain nombre de témoins qui n'auront rien à voir avec M. Delic, par
15 exemple. Je n'aurai donc rien à dire à ces témoins. Je pense que ce sont
16 des aspects techniques du problème auxquels il conviendra que nous
17 réfléchissions avant le début de l'audition des témoins de la défense.
18 Je sais que M. Karabdic travaille très dur depuis quelque temps.
19 Il parle avec des témoins dans l'ex-Yougoslavie. Il se prépare à fournir à
20 l'Unité chargée des victimes et des témoins les lieux et d'autres
21 informations relatives à ces témoins, de façon que nous puissions
22 travailler de façon logique.
23 M. le Président (interprétation). - Compte tenu des
24 installations dont nous
25 disposons ici, et dans le but de faciliter le travail de la Chambre
Page 9374
1 d'instance, il est nécessaire que nous sachions exactement quelle sera la
2 durée approximative de l'audition des témoins de la défense de façon à
3 pouvoir déterminer s'il s’agit d'une semaine, de deux semaines ou
4 davantage. Et au moment où nous aurons une idée de la durée de ces
5 auditions, nous pourrons nous faire une idée du contre-interrogatoire.
6 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, surtout ne
7 m'en veuillez pas, je vous en prie, mais je pense que pendant les
8 vacances, je discuterai probablement de ce point et il y aura sans doute
9 dix à quinze témoins factuels. Est-ce une bonne évaluation ? Puis, en
10 raison d'un certain nombre de choses qui ont été évoquées par l'accusation
11 dans ce procès, nous aurons sans doute à désigner un certain nombre
12 d'experts.
13 Si je procède de la sorte, j'y travaillerai pendant les
14 vacances, de façon à trouver les experts compétents dans les domaines qui
15 m'intéressent. Pour le moment, nous entendrons des témoignages.
16 M. le Président (interprétation). - Je sais que vous pourriez
17 attendre jusqu'à la fin de l'audition de vos témoins. A ce moment-là, vous
18 saurez ce qu’il vous reste à défendre. Je pense que c'est la façon normale
19 de procéder.
20 M. Moran (interprétation). - C'est un autre problème cela,
21 Monsieur le Président. Nous ne savons pas, jusqu'à décision des Juges, ce
22 qu'il nous reste à aborder dans nos présentations. Il semblerait que ce
23 soit gaspiller les ressources, que ce soit du gaspillage d'aligner ici un
24 grand nombre de témoins, de les faire attendre dans la salle des témoins,
25 de les faire venir de lieux très éloignés pour que les Juges décident
Page 9375
1 qu'en raison d'un point de droit, ils suppriment tel ou tel chef
2 d'accusation de l'acte d'accusation.
3 Avant de décider de façon plus définitive, nous avons besoin de
4 savoir comment la Chambre d'instance va statuer au sujet de nos requêtes.
5 M. le Président (interprétation). - Nous commencerons par une
6 évaluation de 15
7 jours après la fin de l'audition des témoins de l'accusation qui vous
8 permettra de préparer vos requêtes.
9 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, je pense que
10 c'est le plus raisonnable. Nous en avons déjà discuté en octobre. Je pense
11 que tout le monde était d'accord, y compris les juges, que deux semaines
12 pour nous préparer après la fin de l'audition des témoins de l'accusation,
13 et deux semaines pour l'accusation, pour permettre à l'accusation de
14 répondre, puis une semaine qui nous serait accordée pour répondre à la
15 réponse de l'accusation, seraient des délais les raisonnables.
16 Je pense comme je parle en ce moment. Ya-t-il assez de temps
17 entre maintenant et le 12 janvier ? Je pense que l'accusation va terminer
18 l'audition de ces témoins cette semaine. Les autres Chambres font sans
19 doute des projets par rapport à l’utilisation de ce prétoire au cours des
20 cinq semaines qui restent. Je pense que la Chambre pourrait souhaiter
21 réfléchir également sur la façon dont elle va se donner un ou deux jours
22 pour écouter nos requêtes.
23 M. le Président (interprétation). - Tout dépend des requêtes que
24 vous allez soumettre et des réponses qui leur seront apportées. Nous
25 verrons plus tard.
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1 M. Moran (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
2 M. le Président (interprétation). - Maître Niemann, avez-vous
3 quelque chose à ajouter ?
4 M. Niemann (interprétation). - Nous n'avons aucune opposition
5 particulière au calendrier proposé, Monsieur le Président.
6 M. le Président (interprétation). - C’est donc ce calendrier qui
7 sera adopté. Un délai de 15 jours permettra à chacun de se préparer et de
8 répondre.
9 M. Niemann (interprétation). - Pour nous, ce délai est
10 acceptable, le délai que vient d'indiquer M. Ackerman, quinze jours pour
11 chacune des parties.
12 M. le Président (interprétation). - Et bien, nous aussi, nous
13 ferons tout ce qui est
14 notre possible parce qu'il y a un certain nombre de décisions sur
15 lesquelles nous devons encore statuer. Il nous faut absolument nous
16 assurer que chacun d'entre nous obtient ces décisions afin que nous
17 reprenions nos travaux.
18 Nous allons nous assurer que toutes ces décisions sont abordées
19 afin d'éviter toute confusion au fur et à mesure que nous avançons dans
20 nos travaux. Nous allons vraiment faire tout ce qui est en notre pouvoir
21 de notre côté. Nous aussi, nous allons partir en vacances pour Noël.
22 Certains d'entre nous viennent de très loin. J'espère que chacun d'entre
23 vous profitera de ces périodes de congés. Merci beaucoup.
24 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, je me
25 demande si les conseils de la défense peuvent nous donner une idée de
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1 l'ordre dans lequel ils vont citer leurs témoins à comparaître, quelle va
2 être leur stratégie en matière de procédure ? Quel est le nombre
3 approximatif de témoins qu'ils pensent citer à comparaître ? Car là aussi,
4 cela touche le travail de l'accusation. Comment l'accusation peut-elle se
5 préparer à interroger elle-même ces témoins ?
6 M. le Président (interprétation). - C'est une très bonne idée.
7 Quelqu'un peut-il nous donner ces éléments d'information extrêmement
8 importants pour que nous puissions savoir ce à quoi l'accusation doit
9 s'attendre ?
10 Mme Residovic (interprétation) - Monsieur le Président, je ne
11 crois pas que M. Ackerman ait donné quelque chiffre que ce soit.
12 Maître Moran a avancé certaines évaluations. Il y a déjà un certain temps,
13 nous avons abordé ce même sujet. A l'époque, je plaisantais, mais en fait
14 bien évidemment, nous allons demander que certains des chefs d'accusation
15 pesant contre notre client soient rejetés. La défense ne peut pas, à ce
16 stade de la procédure, donner une quelconque estimation, aussi vague
17 qu'elle soit, concernant le nombre des témoins.
18 M. Olujic (interprétation). - Si l’on nous demande à nous aussi
19 de répondre à cette
20 question, je dirai, tout comme mon éminent collègue, Me Residovic, que
21 nous ne pouvons pas nous non plus savoir à ce stade de la procédure quel
22 sera le nombre des témoins que nous allons citer à comparaître.
23 Il est bien certain que nous n'allons pas en citer beaucoup. N’y
24 voyez pas là matière à me faire reproche, mais il s'agira peut-être de dix
25 à quinze témoins à peu près. Ce nombre comprend le nombre de témoins
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1 experts que nous pensons citer à comparaître.
2 M. Ackerman (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges,
3 en dépit du fait que Me McHenry n'était pas particulièrement intéressée
4 par ce que j'aurais pu avoir à dire...
5 Mme McHenry (interprétation). - Excusez-moi, j'ai peut-être fait
6 une confusion de nom.
7 M. Ackerman (interprétation). - Vous êtes toute excusée. Il y a
8 une confusion d’Etat, le Texas, on ne sait jamais très bien lequel de nous
9 deux qui portons une barbe vient du Texas.
10 Sur la base de l'hypothèse, et ce n'est qu'une hypothèse, peut-
11 être que cette hypothèse s'avérera infondée, sur la base de l'hypothèse
12 que nous allons devoir répondre à tous les chefs d'accusation tels qu'ils
13 se présentent à l'heure actuelle, nous pensons comme Me Olujic avoir à
14 citer à comparaître 15 ou 20 témoins. Cela comprendra deux ou trois
15 témoins experts.
16 M. le Président (interprétation). - Oui, je crois qu'il ne faut
17 peut-être pas être trop exigeant ou trop optimiste. Vous avez donné une
18 évaluation du nombre de témoins que vous souhaitiez citer à comparaître.
19 Vous ne pouvez pas donner de chiffres trop précis.
20 M. Niemann (interprétation). - Je reviens sur ce qu’a dit
21 Maître Residovic tout à l'heure. Je voulais simplement ajouter que dans
22 un débat récent qui a été débattu devant une autre Chambre de première
23 instance, le Juge Cassese en est le Président, il a été ordonné à la
24 défense non seulement de produire la liste des témoins avant le début du
25 procès. Et cela précède encore ce qu'a pu dire Mme Residovic. Alors, cela
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1 intervient avant même l'étape à laquelle se
2 référait Me Residovic. Je ne sais pas si le fait qu'elle puisse avoir à
3 faire une requête ou pas, influe vraiment sur sa capacité d'arriver à
4 quelque chose de plus précis. Je suis bien certaine qu'elle est à même de
5 nous donner une estimation.
6 M. Greaves (interprétation). - Puis-je demander à Maître Niemann
7 quelle est l'affaire dans laquelle cette décision est intervenue ?
8 M. Niemann (interprétation). - C'est dans l'affaire Dokmanovic.
9 Non seulement la décision a été donnée de demander à la défense de
10 produire des déclarations de témoins, mais il a également été demandé que
11 l'accusation produise sa liste de témoins et que toutes les pièces à
12 conviction soient communiquées avant le début du procès. En outre, la Cour
13 a demandé à ce que la défense indique les grandes lignes des éléments de
14 défense qui seraient invoqués dans l'affaire.
15 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, je
16 voulais également préciser que nous nous sommes mis d'accord entre
17 conseils de la défense pour que nous présentions nos dossiers dans l'ordre
18 des noms des accusés, tel qu'il apparaît dans l'acte d'accusation et,
19 avant de reprendre ma place, je voudrais souhaiter à tout le monde ici
20 dans la Chambre de Première Instance, aux personnes provenant de Celebici
21 et à tous les autres participants, un congé agréable, des vacances
22 agréables et aussi reposantes que possible. Je vous remercie.
23 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie infiniment.
24 C'est une très bonne idée, il me semble que les conseils de la défense se
25 mettent dès maintenant à établir leur liste de témoins, afin qu'ils ne
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1 soient pas soumis à certaines objections qui pourraient provoquer un
2 recours ou un rappel de certains articles du Règlement. Nous ne voulons
3 pas rentrer à nouveau dans ces escarmouches que nous avons connues dans le
4 passé. Bien évidemment, dès que nous pouvons empêcher de telles choses de
5 se produire, les choses en sont facilitées pour tout le monde. Il faut
6 absolument préparer la liste des témoins, parce que l'accusation en aura
7 besoin.
8 Nous pensions que c'était évident, que nous n'avions même pas besoin de le
9 préciser. Au vu des procédures qui ont été utilisées, il me semble que
10 cela est évident. Nous avons maintenant travaillé ensemble depuis bien
11 longtemps.
12 Je vais maintenant souhaiter à chacun d'entre vous de bonnes
13 vacances de Noël, de bonnes fêtes de fin d'année, des vacances reposantes
14 et paisibles et j'espère vous retrouver régénérés à la fin de ce congé.
15 Cela nous permettra à tous de repartir du bon pied.
16 Pour ce qui nous concerne, je le répète, nous nous assurons du
17 fait qu'au moment où vous commencerez à travailler, nous pourrons vous
18 soumettre toutes les décisions nécessaires. Nous ne manquerons pas de
19 mettre un point final à tout ce qui est encore en attente devant nous.
20 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, avant que
21 vous ne partiez, j'ai l'impression que vous êtes en train de nous dire
22 qu'il faut que nous communiquions à l'accusation une liste des témoins.
23 J'ai l'impression que c'était le 21 février dernier, que vous avez émis
24 une ordonnance portant sur le fait qu'il n'y avait pas besoin de
25 communiquer une telle liste.
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1 M. le Président (interprétation). - Oui, mais en vertu des
2 articles 66 et 67.
3 M. Moran (interprétation). - Je vois.
4 M. le Président (interprétation). - Il y a des circonstances qui
5 vous obligent à le faire. Tout dépend de la ligne de défense que vous
6 allez adopter.
7 M. Moran (interprétation). - Je vois. En tout cas, je vous
8 souhaite de très bonnes vacances.
9 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
10 L'audience est levée à 17 heures 15.
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