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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-96-21-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Jeudi 28 mai 1998
4 (L'audience est ouverte à 10 h 05.)
5
6 M. le Président (interprétation). - Bonjour Mesdames et Messieurs. Les
7 parties peuvent-elles se présenter ?
8 Mme McHenry (interprétation). - Bonjour Messieurs les Juges. Je m'appelle
9 Theresa McHenry, je comparais au nom de l'accusation avec M Hubert et
10 M. Turone.
11 M. le Président (interprétation). - Et pour la Défense ?
12 M. O'Sullivan (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les Juges,
13 je m'appelle Eugène O'Sullivan, et je comparais au nom de M.°Delalic. Le
14 conseil principal Me. Residovic ne sera pas présente ce matin mais elle
15 sera là à 14 heures 30 au moment de l'audition du témoin suivant.
16 M. Kusmanovic (interprétation). - Bonjour, je m'appelle
17 Tomislav Kusmanovic, et je comparais avec l'assistant juridique Me Kudic.
18 Demain, M Kudic sera présent mais pas moi, et il défendra bien sûr notre
19 clients M Mucic
20 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
21 M.Karabdic.(interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les Juges, je
22 m'appelle Salih Karabdic, je suis avocat de Sarajevo, je défends
23 M. Hazim Delic. Mon confrère Me Tom Moran ne comparaîtra pas aujourd'hui
24 ni pour les deux semaines prochaines, parce qu'il a des problèmes de
25 famille.
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1 Mme McMurrey (interprétation). - Je m'appelle Cynthia McMurrey, je
2 comparais pour défendre M. Esad Landzo, et M. Borloko* paraîtra cet après
3 midi à 14 heures 30.
4 M.Greaves.(interprétation). - Je suis Michael Greaves, et je suis ici pour
5 aider M. Karabdic pour un point particulier, aujourd'hui.
6 M. le Président (interprétation). - Vous êtes un conseil de la défense un
7 peu voyageur. Nous allons débuter l'audience de ce matin par la requête
8 déposée par M. Delic aux fins d'obtenir un ordre contraignant. Est-ce que
9 l'accusation à quelque chose à dire à ce propos ? D'abord nous n'avons pas
10 pris connaissance de votre réponse.
11 Mme McHenry (interprétation). - C'est exact Monsieur le Président, parce
12 que cette requête a été déposée tout récemment, ma réponse sera brève, et
13 je peux la fournir oralement. Je note aux fins du procès verbal, qu'il n'y
14 a aucune indication selon laquelle la défense aurait tenté d'obtenir ces
15 documents sans l'obtention d'un ordre contraignant, ni que la République
16 fédérale de Yougoslavie a été informée de la requête afin qu'on puisse
17 établir quelle est la position de la République fédérale de Yougoslavie.
18 Pour ce qui est du Bureau du Procureur à l'égard de cette requête, nous
19 nous en remettons à la Cour.
20 M. le Président (interprétation). - Est-il possible d'entendre maintenant
21 les arguments relatifs à cette requête ?
22 M.Greaves.(interprétation). - C'est à ce propos que l'on m'a prié de
23 prêter assistance à M Karabdic aujourd'hui. Puisqu'il y a eu cette
24 participation à l'appel interjeté s'agissant de l'injonction de produire,
25 et à l'obligation qui revient a des particuliers, je suppose que vous
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1 connaissez bien la situation qui s'est présentée en octobre 1997.
2 Il sera inutile que je m'étende trop longtemps sur cette requête. Il
3 suffira de rappeler que les conclusions tirées par la Chambre d'appel à
4 cette occasion furent les suivantes :
5 "Le Tribunal est habilité à émettre des ordres contraignants et des
6 requêtes à l'intention d'Etats, lesquels Etats sont donc l'obligation
7 d'exécuter de tels ordres et requêtes".
8 "Le Tribunal ne peut pas adresser des ordres contraignants à des
9 représentants de l'Etat en leur capacité officielle et s'agissant de
10 particuliers, il y a plusieurs pouvoirs étendus, notamment l'injonction de
11 produire qui peut leur être signifiée".
12 Nous reprenons dans la requête plusieurs catégories de documents. Je
13 soumettrais respectueusement à la Chambre que chacune de ces catégories
14 est tout à fait pertinente pour les procédures et débats se déroulant
15 devant le Tribunal.
16 Je reprends la page n° 1 du document de M Moran, le point A 1. Vous vous
17 souviendrez qu'il y a eu des éléments de preuve relatifs au moment où des
18 pressions ont été exercées sur le gouvernement Yougoslave et de ce fait,
19 il apparaît que des ordres ont été délivrés visant à retirer du territoire
20 de Bosnie-Herzégovine ce qu'on appelait la JNA.
21 Je crois qu'au paragraphe A 1, il y a d'abord une première catégorie assez
22 restreinte de documents qui présentent par leur nature une pertinence
23 extrême, puisqu'on parle du conflit armé international. Une des questions
24 qui est posée à ce Tribunal.
25 Au paragraphe A2, une fois de plus, cette question concerne directement
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1 deux questions posées au Tribunal. Il y a d'abord la question du conflit
2 armé international et puis celle de la nationalité, ou citoyenneté. A
3 notre humble avis, il suffira de circonscrire le type de documents
4 recherchés. Ces documents peuvent être aisément déterminés par le
5 gouvernement qui recevrait cette requête.
6 Nous avons le paragraphe 3, en haut de la page 2. On parle de tous les
7 rapports en possession du gouvernement de la République fédérale de
8 Yougoslavie reçus de la JNA ou de toute autre entité, rapports qui
9 montraient dans quelle mesure les ordres émis ou rappelés aux
10 paragraphes 1 et 2 auraient été exécutés. Je crois qu'il n'est pas
11 nécessaire de qualifier ces documents : c'est une petite catégorie de
12 documents qu'il ne doit pas être difficile de retrouver des lieux où ils
13 sont consignés.
14 Point 4A, dans ce paragraphe, une question a vraiment tranché dans le vif
15 du conflit armé international et a fait l'objet de longues discussions
16 lors du jugement dans l'affaire Tadic. Si le Tribunal était en possession
17 de ce document, il pourrait en tirer de grands enseignements.
18 C'est là, une fois de plus, une catégorie de documents que nous avons
19 suffisamment identifiés pour permettre une saisie rapide de ces documents
20 par la République fédérale de Yougoslavie.
21 Je passe au paragraphe B qui se trouve plus bas dans la page. Il y a un
22 rapport que j'ai en ma possession. Si vous voulez plus d'éléments
23 d'identification à l'encontre de ces documents, je peux vous les procurer.
24 Il s'agit de points qui portent sur une question d'empêchement, ou de
25 récusation. Je crois qu'elle a été précisée par Me Moran.
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1 Aux paragraphes B1 à 4 sont énoncés plusieurs documents demandés.
2 Manifestement, ce sont des document préparés par la République fédérale de
3 Yougoslavie et l'on peut s'attendre à ce qu'il soit possible et facile de
4 les retrouver pour autant, bien sûr, que les dossiers dans lesquels ces
5 documents se trouvent ont été conservés. Il ne doit pas être difficile de
6 les retrouver.
7 Au paragraphe 4, on demande l'assistance pratique de la République
8 fédérale de Yougoslavie afin de déterminer l'identité et l'endroit où se
9 trouvent ces témoins.
10 Au paragraphe B5, il y a de cela pas mal temps, mais je suis sûr que vous
11 vous souviendrez de cette dame précisée ici. Elle s'est présentée dans une
12 émission de télévision un mois avant de comparaître et de déposer ici
13 l'année dernière. La défense dispose d'une copie de cette émission.
14 Mais, pour administrer la preuve, il faut reprendre les termes précisés
15 au B5 : il faut qu'il y ait une approbation. Il se peut que l'accusation
16 soit d'accord pour dire qu'il y a effectivement eu un tel événement, un
17 tel programme et, de ce fait, il ne serait plus nécessaire d'obtenir un
18 ordre contraignant pour l'obtention de ces documents.
19 A notre avis, ces documents présentent assez d'éléments d'identification.
20 Il est certain que vos collègues siégeant à la Chambre d'appel étaient
21 soucieux de préciser cette question des éléments d'identification. Selon
22 nous, ces documents demandés sont pertinents, auraient ou ont valeur
23 probante et seraient d'un précieux secours à ce Tribunal s'il les
24 obtenait.
25 Je pense que vous disposez des compétences nécessaires pour requérir
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1 l'obtention de ces documents aisément identifiables. Ce sont les documents
2 demandés par mes confrères, Me Moran et Me Karabdic.
3 M. le Président (interprétation). - Le problème que je rencontre est
4 celui-ci : voulez-vous obtenir ces documents ?
5 A l'examen de cette requête, je crois que tous ces documents sont publics
6 et qu'ils ne relèvent pas de catégories secrètes ou confidentielles. Vous
7 n'avez pas précisé quelles sont les démarches que vous avez entreprises
8 pour obtenir ces documents, si vous avez essuyé des refus. Alors, pourquoi
9 commencer par la demande d'obtention d'un ordre contraignant si d'autres
10 efforts n'ont pas été consentis ?
11 M. Greaves (interprétation). - Je crois que des efforts ont été déployés
12 pour obtenir ces documents du gouvernement.
13 M. le Président (interprétation). - Ce sont des documents publics surtout,
14 par exemple, un rapport de commission qui est un rapport public.
15 M. Greaves (interprétation). - Le rapport l'est sans doute. Mais les
16 documents sur lesquels ce rapport s'est fondé ne sont pas des documents
17 publics. C'est là-dessus que se fonde ce rapport et ce sont ces documents
18 de base qui nous intéressent.
19 M. le Président (interprétation). - Vous avez parlé des documents relatifs
20 au retrait de la JNA. Cela voudrait-il dire qu'ils relèvent d'une
21 catégorie de documents confidentiels que vous ne pouvez pas obtenir ?
22 M. Greaves (interprétation). - La logique nous dirait qu'il existe des
23 documents que le gouvernement répugne à délivrer.
24 M. le Président (interprétation). - Avez-vous essuyé un refus ?
25 M. Greaves (interprétation). - Me permettez-vous un instant de
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1 consultation ?
2 Voilà le problème qui se pose à Me Karabdic : il y a entre son pays et la
3 République fédérale de Yougoslavie une absence complète de relations. Cela
4 pose problème à Me Karabdic lorsqu'il demande cette obtention de documents
5 par des filières officielles, lorsqu'il cherche à les obtenir de la
6 République fédérale de Yougoslavie.
7 Excusez-moi de vous avoir interrompu, Monsieur le Président, je n'ai pas
8 tout à fait suivi ce que vous aviez dit.
9 M. le Président (interprétation). - Ce n'est pas une question qui se pose
10 entre deux gouvernements, mais entre un conseil de la défense et une
11 autorité, une instance publique qui possède ces documents. C'est le
12 conseil qui doit faire des démarches et peut garantir à la Chambre de
13 première instance que ces démarches sont restées sans résultat.
14 S'agissant des documents relatifs à la récusation ou à l'empêchement,
15 lorsque vous indiquez le nom de certains témoins, il est difficile de
16 savoir quel rapport il y a entre ceux-ci et quoi que ce soit d'autre.
17 M. Greaves (interprétation). - Je n'ai pas pu m'entretenir avec Me Moran
18 de la nature précise de cette requête, de ce point-là tout du moins.
19 M. le Président (interprétation). - N'êtes-vous pas à même de plaider
20 cette requête ?
21 M. Greaves (interprétation). - C'est peut-être le cas
22 Monsieur le Président. Voilà la suggestion que je vous fais. N'est-il pas
23 préférable de suspendre l'examen de cette requête sans aboutir à quelques
24 conclusions que ce soit, et qu'il faudrait peut-être faire une démarche
25 supplémentaire afin de vous soumettre cette requête.
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1 M. le Président (interprétation). - Il faut d'abord avoir un refus
2 catégorique de la République avant de soumettre l'examen de cette
3 question.
4 M. Greaves (interprétation). - Je pense qu'effectivement ce sera d'une
5 grande assistance.
6 M. le Président (interprétation). - De toute façon, c'est une question que
7 nous aurions écartée, mais nous allons surseoir à l'examen de cette
8 requête.
9 Il y a une requête aux fins d'obtention de mesures de protection à l'égard
10 des témoins.
11 Maître McHenry, avez-vous des remarques à faire ?
12 Mme Mc Henry (interprétation). - Nous nous en remettons également à la
13 Chambre dans cette question.
14 M. le Président (interprétation). - Dans le même sens que la requête
15 précédente ?
16 Mme Mc Henry (interprétation). - Tout à fait. Désolée de ne pas avoir eu
17 l'occasion de prendre connaissance de cette requête hier. Comme notre
18 réponse est assez lapidaire, cela aurait été plus simple de vous la
19 fournir hier.
20 M. Jan (interprétation). - Quelles sont les mesures de protection
21 recherchées ? Les mêmes qui avaient consenti aux témoins à charge ?
22 M. O’Sullivan (interprétation). - Tout à fait.
23 M. Jan (interprétation). - Vous voulez aussi une déformation des traits du
24 visage ?
25 M. O’Sullivan (interprétation). - Tout à fait, vous remarquerez que ce
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1 sont des points tout à fait classiques. Nous demandons des mesures minimum
2 de protection à l'égard du public et des médias.
3 M. Jan (interprétation). - Est-ce tout ?
4 M. O’Sullivan (interprétation). - Oui, tout à fait.
5 M. le Président (interprétation). - Je suppose qu'il n'y aura pas
6 d'objection à vous accorder ces mesures.
7 M. Jan (interprétation). - Pas d'objection Maître McHenry ?
8 Mme Mc Henry (interprétation). - Non.
9 M. le Président (interprétation). - Il est fait droit à cette requête.
10 M. Jan (interprétation). - Avec déformation des traits du visage, et je
11 suppose que l'identité du témoin ne sera pas divulguée.
12 M. le Président (interprétation). - Je crois que nous sommes saisis d'une
13 autre requête qui émane de Hazim Delic quant à la nomination et
14 désignation de témoins experts.
15 Maître Greaves, êtes-vous chargé de la présentation de ces arguments pour
16 la désignation des témoins experts ?
17 M. Greaves (interprétation). - Manifestement, ce micro ne marche pas aussi
18 bien que celui que j'utilise d'habitude.
19 (Les juges se consultent sur le siège).
20 M. le Président (interprétation). - Maître Karabdic êtes-vous prêt à
21 plaider pour cette requête ?
22 M. Karabdic (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges, je crois
23 qu'il y a maldonne.
24 Je vais quand même présenter les éléments relatifs à cette requête.
25 Hazim Delic demande qu'un expert soit désigné. Il s'agit de
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1 Karl Hugues Kent. M. Kent est un enquêteur chevronné qui a participé à
2 plus de 2000 enquêtes. Je crois qu'il a comparu dans le cadre de plus de
3 600 procès en tant que témoin expert.
4 A l'aide du procès-verbal de ces débats, il va nous dire si les blessures
5 invoquées par les témoins à charge ont pu être causées. Il nous dira aussi
6 si les séquelles de ces blessures mentionnées par les témoins ont un effet
7 durable et auraient pu se présenter.
8 Ce témoin expert nous dira si le type et la quantité de coups qu'auraient
9 reçus ces témoins, notamment à l'aide de cette batte de base-ball et
10 d'autres instruments du même genre, étaient des blessures possibles.
11 Cet enquêteur s’intéressera aussi à d'autres types de blessures dont les
12 témoins ont parlé. Il pourra nous éclairer quant à la véracité des
13 dépositions de ces témoins.
14 Nous n'avons pas une corroboration de ces témoignages par un témoin
15 indépendant. Nous n'avons pas de rapports médicaux qui auraient été
16 dressés aussitôt après que ces blessures auraient été infligées. Nous ne
17 pouvons nous baser que sur des dépositions et des déclarations préalables
18 de témoins, mais nous avons besoin d'un témoin expert. C’est là la nature
19 de notre requête et nous demandons qu’il y soit fait droit.
20 Mme Mc Murrey (interprétation) - Puis-je prêter assistance à
21 Maître Karabdic ? Je connais le type d'expert qu'il demande, c'était mon
22 enquêteur sur un cas de meurtre en 1992 et il a été l'enquêteur de
23 l’accusation en 1996 pour un autre cas de meurtre du premier degré.
24 Il a une expérience considérable, c'est un homme très compétent et sans
25 doute a-t-il autant d’expérience en médecine légale en matière de blessure
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1 que quiconque d’autre que je puisse connaître. Ce sera peut-être utile à
2 la Chambre.
3 M. le Président (interprétation) - Je vous remercie.
4 Mme McHenry (interprétation) - Si la défense voulait recruter cette
5 personne à titre d’expert, nous n’aurions pas d’objection. Pourtant si on
6 veut le citer en qualité d’expert en matière de blessures, nous aurons
7 sans aucun doute des objections, notamment parce que c'est un enquêteur,
8 ce n’est pas un expert en matière de médecine.
9 Il suffit d’examiner les documents fournis. Rien n’indique qu’il pourrait
10 vous aider, Madame et Messieurs les Juges, si ce sont des questions
11 vraiment pointues qui concernent des blessures. Même à supposer qu’un
12 expert en médecine puisse le faire à partir d’un rapport, il faut vraiment
13 que ce soit un expert en médecine et pas simplement un enquêteur de
14 police. D’où notre objection à la comparution de cette personne.
15 M. Jan (interprétation) - (hors micro). Ce n'est pas un médecin.
16 Mme Mc Murrey (interprétation) - Je ne dispose pas de son curriculum
17 vitae, mais si je me souviens bien…
18 M. Jan (interprétation) - (hors micro)
19 Mme Mc Murrey (interprétation) - J’ai comparu dans plusieurs affaires,
20 mais je sais que lorsqu’il a quitté le Bureau du Procureur, il était
21 détecteur chargé des homicides avant de passer au travail d’enquête ou de
22 détective, donc je crois qu’il pourrait être qualifié de détective en
23 matière d'homicide.
24 M. Jan (interprétation) - S’est-il spécialisé dans les aspects de médecine
25 légale dans la profession médicale ?
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1 Mme Mc Murrey (interprétation) - Je n'ai pas entendu le début de votre
2 question.
3 M. Jan (interprétation) - S’est-il spécialisé en matière de médecine
4 légale dans le cadre plus général de la médecine ?
5 Mme Mc Murrey (interprétation) - Je ne peux pas vous en assurer. Je sais
6 qu'il a une expérience considérable dans l'analyse de blessures. En
7 l'absence de rapport médical, M. Delic demande la possibilité de
8 comparaître.
9 Mme Odio-Benito (interprétation) - A-t-il fait des enquêtes en ce qui
10 concerne ce procès en Bosnie-Herzégovine ?
11 Mme Mc Murrey (interprétation) - Je ne suis pas qualifié pour répondre à
12 cette question, je ne pense pas qu'il se soit rendu en Bosnie, il n’est
13 même pas encore venu à La Haye.
14 Mme Odio-Benito (interprétation) - Donc il parlerait de façon théorique de
15 blessures sans être un médecin ?
16 Mme Mc Murrey (interprétation) - Il présenterait des hypothèses. Je ne
17 pense pas qu'il ait fait autre chose que d'étudier les procès-verbaux
18 quotidiens dans cette affaire. Je ne suis pas qualifiée, j’essaie de
19 prêter assistance à partir de mon expérience avec cet expert.
20 Mme Odio-Benito (interprétation) - Donc il n'a pas examiné la moindre
21 victime qui aurait subi des blessures dans ce champ.
22 M. le Président (interprétation) - A-t-il examiné ces personnes ?
23 Mme Mc Murrey (interprétation) - Je voulais simplement vous aider dans la
24 mesure du possible et de mes moyens.
25 M. le Président (interprétation) - Comment peut-on le suggérer et le
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1 soumettre en tant qu’expert ? Il faudrait vraiment nous fournir de bonnes
2 raisons à cela. Nous pourrions éventuellement les prendre en compte.
3 Pourquoi veut-on le faire comparaître à titre d'expert ?
4 M. Karabdic (interprétation) - Son curriculum vitae et sa carrière
5 professionnelle sont joints en annexe à notre proposition. Il y est dit
6 qu'il a participé à des enquêtes et à la reconstitution de plusieurs cas
7 d’assassinats et d'atteintes sérieuses à l'intégrité physique. Je crois
8 qu'il pourrait nous être d’un grand secours. Il n'a pas encore étudié le
9 procès-verbal.
10 Nous exigerions qu'il le fasse afin de nous fournir son avis d'expert.
11 Cela a été précisé dans notre requête. Nous pensons que cet homme pourrait
12 nous aider grandement dans cette affaire.
13 M. le Président (interprétation). - La Chambre a déjà donné sa définition
14 de ce qu'est un expert. Il me semble que cet individu ne correspond pas à
15 ce que nous avions donné comme définition des experts. Je ne vois pas
16 comment nous pourrions l'accepter en tant que tel.
17 Il est expert en quoi ? C'est cela ma préoccupation.
18 M. Greaves (interprétation). - Monsieur le Juge avez-vous pu consulter son
19 curriculum vitae ?
20 M. le Président (interprétation). - Oui.
21 M. Greaves (interprétation). - Veuillez regarder le paragraphe 1. Il a
22 travaillé comme détective, il est expert en homicide.
23 M. le Président (interprétation). - C'est un détective.
24 M. Greaves (interprétation). - Je voulais passer au paragraphe suivant. Il
25 a donné un grand nombre de témoignages dans quelque 600 procès. C'est
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1 énorme. En ce qui concerne les autorités de son pays, on le considère
2 comme un grand expert, comme un sachant. Il n'y a pas que des médecins qui
3 puissent être experts dans ce genre de chose, notamment lorsqu'il s'agit
4 de 500 coups de batte de base-ball.
5 M. Jan (interprétation). - Est-il médecin ? N'avez-vous pas un expert en
6 anatomie qui pourrait peut-être nous donner un avis professionnel
7 concernant les effets de 500 coups de batte de base-ball ?
8 M. Jan (interprétation). - Je crois qu'il devrait avoir une connaissance
9 de l'anatomie.
10 M. Greaves (interprétation). - Il a une certaine expérience.
11 M. Jan (interprétation). - Vous avez certainement des médecins légistes
12 qui pourraient nous dire, avec plus de précision, quelles seraient les
13 conséquences de ce genre de coups. Je suis persuadé qu'il était un
14 excellent détective, enquêteur, ce qui nous intéresse ici c'est l'impact
15 d'un grand nombre de coups portés à une personne sur une période
16 relativement brève.
17 M. Greaves (interprétation). - J'aimerais attirer votre attention sur la
18 page 2 de son curriculum vitae. Pouvez-vous regarder le passage sur son
19 éducation, sur sa formation ? Il a reçu une formation très vaste notamment
20 en ce qui concerne les blessures de type divers. Il a donc une formation
21 très vaste, il a fait énormément d'expertises et c'est pourquoi l'Etat du
22 Texas fait appel à lui en tant qu'expert.
23 Je voudrais également vous dire la chose suivante : l'une des questions
24 qui se pose lorsqu'on a des avocats du monde entier, c'est que nous avons
25 tous des experts en qui nous avons confiance, Me Moran connaît et fait
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1 confiance à cet expert.
2 J'estime en effet que, en élaborant la défense dans ce type de cas, nous
3 devrions avoir le droit de faire appel à des individus en qui nous avons
4 confiance en tant qu'expert. Il se pourrait que Me Moran soit obligé de
5 faire appel à quelqu'un qu'il ne connaisse pas du tout, s'il devait
6 trouver un expert qui soit également médecin légiste par exemple.
7 M. le Président (interprétation). - Je vous prie de m'excuser, mais je
8 pense que vous demandez à cet individu de venir nous donner son avis sur
9 ce que d'autres ont témoigné. C'est cela qu'il va nous dire. S'il s'agit
10 de déductions relevant du bon sens, quiconque pourrait le faire.
11 M. Greaves (interprétation). - Il vient de Huston, il y est né.
12 M. Jan (interprétation). - (hors micro) Vous pourriez certainement trouver
13 à Huston un médecin légiste.
14 M. Greaves (interprétation). - J'ai le sentiment qu'il correspond
15 exactement à ce que vous avez donné comme définition des experts.
16 M. Jan (interprétation). - Nous avons quelques doutes, je dois dire.
17 Pourquoi recevoir un expert qui nous inspire certains doutes ?
18 Nous avons donné une définition de l'expert. On a tous exprimé des doutes,
19 voyez-vous. Est-il véritablement compétent ? Va-t-il pouvoir exprimer un
20 avis sur des questions alors qu'il n'est pas spécialiste ?
21 M.Greaves.(interprétation). - Cela porte sur l'intérêt du témoignage.
22 M. Jan (interprétation). - Pourquoi ne pas faire appel à un témoin qui ne
23 soulève aucun doute ?
24 M.Greaves.(interprétation). - La requête a été formulée. A mon sens, cet
25 individu correspond à la définition des experts. J'estime en effet que cet
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1 individu peut témoigner avec validité devant ce Tribunal. D'après mon
2 expérience, il a une expérience beaucoup plus vaste que n'importe quel
3 policier que j'aurais pu trouver en Angleterre.
4 M. le Président (interprétation). - Si l'on parle de policier, que va-t-on
5 accepter comme expert ? Qui va nous dire que telle ou telle blessure
6 aurait pu être le résultat de tel ou tel coup ? La blessure aurait-elle
7 suffi pour tuer la victime ? Une fois cela dit, quel sera le résultat ? Ne
8 serait-il pas mieux à ce moment-là de faire appel à quelqu'un qui puisse
9 nous dire les choses avec plus de certitude ?
10 M.Greaves.(interprétation). - Je pense que les deux types d'experts
11 peuvent témoigner de manières différentes certes, mais avec autant de
12 validité. Le fait qu'un autre expert pourrait peut-être faire mieux ne
13 signifie pas pour autant que l'on ne puisse pas avoir confiance en celui-
14 ci.
15 M. le Président (interprétation). - Ecoutez, je crois qu'il faudrait mieux
16 avoir un nouvel expert.
17 M. Jan (interprétation). - (Hors micro) Je vous demande d'y réfléchir.
18 M.Greaves.(interprétation). - Nous allons y réfléchir.
19 Mme McMurrey (interprétation). - J'aimerais ajouter un mot. En ma qualité
20 d'avocat pour la défense, j'ai fait appel à cet expert dans l'affaire
21 Steven-John* en 1992. Il a été particulièrement intéressant, lorsqu'il a
22 donné son témoignage dans l'affaire de Hilton-Crawford*, pour le
23 Procureur. J'étais à la défense en 1996, et son témoignage, qui consistait
24 à recréer la scène du meurtre, a été absolument impressionnante. Il était
25 appelé par le Procureur dans cette affaire.
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1 M. Jan (interprétation). - Va-t-il nous parler de l'impact sur le corps
2 humain d'un certain nombre de coups de batte de base-ball ? Il me semble
3 que cela relève d'une question médicale.
4 Mme McMurrey (interprétation). - Je comprends que vous puissiez remettre
5 en doute son témoignage.
6 M. Jan (interprétation). - Je n'ai pas dit cela? j'ai dit que la
7 possibilité existait.
8 Mme McMurrey (interprétation). - Je répète simplement qu'il a donné des
9 témoignages de haute qualité à plusieurs reprises, et tous avaient été
10 impressionnés par ses compétences.
11 M. le Président (interprétation). - Je comprends très bien que l'on puisse
12 avoir différentes définitions d'expert. Mais je crois ce qui nous concerne
13 ici, c'est de savoir si tel ou tel type de comportement, tel ou tel type
14 de coup, pourrait avoir pour résultat, la mort.
15 Pour donner cet avis, il nous faut des experts en médecine légale et non
16 pas d'autres experts. Evidemment, il va nous dire ce que n'importe quel
17 être intelligent pourrait nous dire. Bien sûr, nous avons tous des
18 suppositions, mais ce n'est pas cela qui nous intéresse. Voilà, je crois
19 qu'il y a une différence là.
20 Mme McMurrey (interprétation). - Je comprends l'avis du Tribunal.
21 M. Jan (interprétation). - Nous n'avons pas encore rendu notre décision.
22 Nous signalons simplement notre avis, nos inquiétudes.
23 M. le Président (interprétation). - Voilà ce que nous avons pour ce matin,
24 nous allons donc suspendre et reprendre à 14 heures 30.
25 Suspendue à 10 h 40, la séance est reprise à 14 h 35
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1 M. le Président (interprétation) - Bonjour, Mesdames et Messieurs. Je vois
2 que Maître Residovic est ici.
3 M. Greaves (interprétation) - Veuillez m'accorder quelques instants, si
4 vous voulez bien.
5 Hier, juste avant le déjeuner, je n'étais pas présent. Vous nous aviez dit
6 que vous alliez nous signaler à quel moment l'une des requêtes allait être
7 traitée, celle concernant l’indépendance judiciaire. Pouvez-vous nous dire
8 à quel moment cela sera réglé ?
9 M. le Président (interprétation) - Je vous ai dit hier que cette requête
10 était formulée de façon erronée. Si vous regardez de très près
11 l'article 15, cette requête doit être présentée au Président du Tribunal,
12 car ce n'est pas le type de requête que l'on peut examiner devant la
13 Chambre. Donc, la requête n'a pas été formulée au Président du Tribunal.
14 M. Greaves (interprétation) - La requête a été formulée à la Chambre.
15 M. le Président (interprétation) - Ce n'est pas ce que dit l'article 15.
16 M. Greaves (interprétation) - Il y a deux définitions possibles de
17 Président. Vous êtes vous-même Président de cette Chambre, ce n’est pas
18 forcément le Président du Tribunal.
19 M. le Président (interprétation) - Non, il ne s'agit pas du Président de
20 la Chambre. Lorsque le texte dit : « Une requête formulée au Président du
21 Tribunal », il me semble que c’est bien précis.
22 M. Greaves (interprétation) - Voulez-vous que je reformule la requête ?
23 M. le Président (interprétation) - En effet, je vais m'en charger dans le
24 respect du règlement.
25 M. Greaves (interprétation) - Voulez-vous que je représente la requête au
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1 Président du Tribunal ?
2 M. le Président (interprétation) - Oui. Nous devons respecter le
3 règlement. C'est pour cela que nous l'avons adopté.
4 M. Greaves (interprétation) - Veuillez m’excuser d'avoir pris votre temps.
5 Permettez-moi de quitter la Chambre car j’ai d’autres affaires qui
6 m’attendent cet après-midi.
7 M. le Président (interprétation) - Votre demande est accordée.
8 M. Jan (interprétation) - Vous faites preuve de mansuétude cet après-midi.
9 M. le Président (interprétation) - Premier témoin. Faites entrer le
10 témoin.
11
12 (Le témoin est introduit dans le prétoire)
13 M. le Président (interprétation) - Veuillez prêter serment.
14 M. Emir Delalic (interprétation) - Je déclare solennellement que je dirai
15 la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je le jure.
16 M. le Président (interprétation) - Veuillez vous asseoir.
17 Mme Residovic (interprétation) - Puis-je commencer ?
18 M. le Président (interprétation) - Oui.
19 Mme Residovic (interprétation) - Bonjour, Monsieur.
20 M. Emir Delalic (interprétation) - Bonjour.
21 Mme Residovic (interprétation) - Veuillez vous identifier, s'il vous
22 plaît.
23 M. Emir Delalic (interprétation) - Je m’appelle Emir Delalic.
24 Mme Residovic (interprétation) - Monsieur Delalic, merci beaucoup d'avoir
25 accepté la demande de la défense et d'être venu ici aujourd'hui témoigner.
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1 Avant de poser ma première question, je voudrais attirer votre attention
2 sur un aspect technique. Nous parlons tous deux la même langue, donc il
3 nous est très facile de communiquer, de poser des questions et de
4 répondre. Mais je vous demande de vous rappeler que le compte rendu de cet
5 interrogatoire doit être fait, donc veuillez attendre la fin de
6 l'interprétation de mes questions avant de commencer votre réponse. Avez
7 vous bien compris ?
8 M. Emir Delalic (interprétation) - Oui.
9 Mme Residovic (interprétation) - Monsieur Delalic, pouvez-vous nous dire
10 votre date et lieu de naissance ?
11 M. Emir Delalic (interprétation) - Je suis né à Prozor le 18 mars 1962.
12 Prozor se trouve en Bosnie-Herzégovine.
13 Mme Residovic (interprétation) - Quelle a été votre formation, quand avez-
14 vous fait vos études et quelle est votre profession ?
15 M. Emir Delalic (interprétation) - J’ai complété mon éducation élémentaire
16 à Prozor, je suis allé à l’école secondaire en section mécanique à Konjic.
17 Je suis mécanicien de profession.
18 Mme Residovic (interprétation) - Où habitiez-vous avant la guerre ?
19 M. Emir Delalic (interprétation) - Jusqu’en 1990, j'ai habité et travaillé
20 à Prozor. Depuis 1990, j’habite en Autriche, à Vienne.
21 Mme Residovic (interprétation). - Habitez-vous toujours en Autriche ?
22 M. Emir Delalic(interprétation). - Oui.
23 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Delalic, est-ce que Zejnil
24 Delalic est de votre famille ?
25 M. Emir Delalic(interprétation). - Oui. C'est mon oncle.
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1 Mme Residovic (interprétation). - C'est le frère de votre père ?
2 M. Emir Delalic(interprétation). - Oui, c'est bien cela.
3 Mme Residovic (interprétation). - Où vous trouviez-vous au début de la
4 guerre le 6 avril 1992 ?
5 M. Emir Delalic(interprétation). - En Autriche.
6 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous étiez impliqué dans le
7 travail humanitaire en Autriche ?
8 M. Emir Delalic(interprétation). - Oui, comme la plupart des citoyens de
9 Bosnie-Herzégovine.
10 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire si votre oncle
11 s'est rendu à Kojnic avant la guerre, et si oui pourquoi ?
12 M. Emir Delalic(interprétation). - Oui, je sais qu'au début du
13 mois d'avril, peut-être à la fin du mois de mars, il est allé pour
14 l'enterrement de mon oncle avec une autre oncle qui était en Autriche. Et
15 il y est resté.
16 Mme Residovic (interprétation). - Vous nous parlez de deux autres oncles.
17 Sont-ils revenus en Autriche après l'enterrement ?
18 M. Emir Delalic(interprétation). - Oui.
19 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous si votre oncle Zejnil Delalic
20 est resté à Kojnic, pour aider dans la défense ?
21 M. Emir Delalic(interprétation). - 'C'est sans doute pour cela qu'il est
22 resté.
23 Mme Residovic (interprétation). - Etant donné que vous vous trouviez à
24 Vienne, et d'ailleurs vous nous avez dit que vos deux autres oncles sont
25 rentrés à Vienne, pouvez-vous nous dire si eux aussi ont participé à la
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1 défense du pays ?
2 M. Emir Delalic(interprétation). - Oui, nous avons tous essayé de trouver
3 des moyens pour aider la Bosnie-Herzégovine : nous avons organisé des
4 collectes de fonds, nous avons essayé de faire ce que nous pouvions pour
5 aider le pays.
6 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous nous donner le nom des deux
7 autres oncles, c'est à dire les frères de Zejnil qui se trouvaient à
8 l'époque à Vienne ?
9 M. Emir Delalic(interprétation). - Sefik et Dzemal.
10 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous si Dzemal a également
11 participé aux forces de défense ? Si oui, de quelle manière ?
12 M. Emir Delalic(interprétation). - Je sais qu'il se rendait de temps en
13 temps en Bosnie-Herzégovine. Il séjournait pendant une vingtaine de jours
14 pus il rentrait passer une vingtaine de jours à Vienne, et ceci pendant
15 plusieurs mois.
16 Mme Residovic (interprétation). - Qu'en est-il de Sefik, l'autre frère ?
17 A-t-il participé également à la défense du pays ?
18 M. Emir Delalic(interprétation). - Oui, au début du mois de juin, il s'est
19 rendu à Bosnie. Il y est resté jusqu'à fin juillet environ. D'après ce
20 qu'il m'a dit, il s'était occupé de l'organisation de la Défense
21 territoriale en Bosnie-Herzégovine.
22 Mme Residovic (interprétation). - Zejnil a-t-il un frère à Zagreb ? Quel
23 est son nom ?
24 M. Emir Delalic(interprétation). - Oui, il a un frère qui s'appelle
25 Veso Delalic*
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1 Mme Residovic (interprétation). - A-t-il également participé à
2 l'organisation de l'aide humanitaire et à la logistique des forces de
3 défense ?
4 M. Emir Delalic(interprétation). - Oui? il l'a fait. A cette époque les
5 routes étaient bloquées vers la Bosnie-Herzégovine, bloquées par les
6 Serbes. Il a donc utilisé ses contacts pour transférer des sommes d'argent
7 ou d'autres formes d'aide telles que des produits alimentaires ou des
8 vêtements. C'est pourquoi nous avons fait appel à son aide pour l'envoi de
9 l'aide humanitaire.
10 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Delalic, à un moment donné
11 en 1992, vous êtes-vous rendu en Bosnie-Herzégovine ? Avez-vous également
12 participé à la défense du pays ?
13 M. Emir Delalic (interprétation). - Oui.
14 Mme Residovic (interprétation). - Avant de me dire exactement quand et
15 comment, j'aimerais vous demander si votre famille proche habitait à
16 Konjic, c'est-à-dire vos parents, vos frères et s'ils participaient
17 également aux forces de défense à l'époque ?
18 M. Emir Delalic (interprétation). - Mon frère et mon père se trouvaient à
19 Konjic à l'époque et ils étaient membres de la Défense territoriale de
20 Bosnie-Herzégovine.
21 Mme Residovic (interprétation). - A quel moment êtes-vous allé en Bosnie-
22 Herzégovine et où êtes-vous resté pendant que vous participiez à la
23 défense du pays ?
24 M. Emir Delalic (interprétation). - Après le retour de mon oncle Sefik, je
25 suis allé fin juillet, début août en Bosnie-Herzégovine et je suis allé à
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1 Konjic et à Prozor.
2 Mme Residovic (interprétation). - Cette visite à Konjic était-elle liée
3 d'une quelconque manière au transport de l'aide humanitaire qui avait été
4 récolté en Autriche ?
5 M. Emir Delalic (interprétation). - Oui, nous avions un peu d'argent et
6 d'autres produits tels que des cigarettes, des postes de radio, des petits
7 postes portables, des émetteurs radio.... Nous avions aussi des boissons
8 pour mon oncle.
9 Mme Residovic (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé à Konjic,
10 étiez-vous civil ou soldat ?
11 M. Emir Delalic (interprétation). - Pendant quelques jours, je n'ai pas pu
12 trouver un uniforme et j'étais en effet en civil.
13 Mme Residovic (interprétation). - Lorsque vous êtes allé à Konjic, où
14 êtes-vous allé exactement ?
15 M. Emir Delalic (interprétation). - Je suis d'abord allé chez Zejnil,
16 espérant le trouver chez lui pour lui donner les cigarettes et le vin,
17 mais je ne l'ai pas trouvé.
18 Mme Residovic (interprétation). - Où êtes-vous resté alors ?
19 M. Emir Delalic (interprétation). - Je me suis rendu dans une ferme qui
20 appartient à ma tante, à quelques kilomètres dans la direction de Sarajevo
21 où se trouvait mon père.
22 Mme Residovic (interprétation). - Vous dites que c'était au début du mois
23 d'août, pouvez-vous me dire si vous saviez où se trouvait Zejnil et quelle
24 était la fonction qu'il occupait ?
25 M. Emir Delalic (interprétation). - Mon père m'a dit où se trouvait
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1 Zejnil. Il m'avait dit qu'il avait été nommé commandant du groupe
2 Tactique 1 et l'on m'a dit qu'il se trouvait à Igman, non loin de
3 Sarajevo.
4 Mme Residovic (interprétation). - De quoi s'occupait votre père à
5 l'époque, lorsque vous êtes arrivé à Konjic ?
6 M. Emir Delalic (interprétation). - A cette époque, mon père avait un
7 entrepôt. En fait, il travaillait à l'intérieur de la caserne de Celebici.
8 Je l'ai appris quelques jour après, lorsque nous y sommes allés ensemble.
9 Mme Residovic (interprétation). - Vous venez de répondre à ma question
10 suivante. Je voulais savoir si, à l'époque où vous étiez à Konjic, vous
11 aviez eu l'occasion d'aller à la caserne de Celebici.
12 M. Emir Delalic (interprétation). - Oui.
13 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire avec qui vous êtes
14 allé à la caserne de Celebici et comment vous vous y êtes rendu, à pied,
15 en voiture ?
16 M. Emir Delalic (interprétation). - Nous y sommes allés en voiture, dans
17 une Jeep blanche.
18 Mme Residovic (interprétation). - Aviez-vous quelque chose de précis à
19 faire à Celebici lorsque vous êtes allé à la caserne ?
20 M. Emir Delalic (interprétation). - Oui, un ou deux jours après mon
21 arrivée, Irfan a apporté des batteries et nous devions aller à Celebici
22 pour les recharger. A Celebici, il y avait un poste permettant de
23 recharger ces batteries.
24 Mme Residovic (interprétation). - Y avait-il quelqu'un avec vous dans le
25 véhicule ?
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1 M. Emir Delalic (interprétation). - Nous étions trois.
2 Mme Residovic (interprétation). - C'est-à-dire votre père, vous-même et
3 qui d'autre ?
4 M. Emir Delalic (interprétation). - Mon frère.
5 Mme Residovic (interprétation). - Lorsque vous êtes allé à la caserne de
6 Celebici, était-ce votre première visite à cet endroit ? Etait-ce la
7 première fois que vous étiez à l'intérieur de la caserne ?
8 M. Emir Delalic (interprétation). - Oui, c'était la première fois.
9 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire où se trouvait
10 exactement ce poste pour recharger les batteries ?
11 M. Emir Delalic (interprétation). - C'était à côté du bâtiment du
12 commandement ou un bâtiment administratif sur la gauche.
13 Mme Residovic (interprétation). - Avez-vous pu compléter ce que vous aviez
14 à faire dès que vous êtes arrivé, c'est-à-dire avez-vous pu recharger vos
15 batteries ?
16 M. Emir Delalic (interprétation). - Oui, mais pas tout de suite en
17 arrivant.
18 Mme Residovic (interprétation). - Que s'est-il passé entre temps ?
19 M. Emir Delalic (interprétation). - Lorsque nous sommes arrivés au
20 portail, mon père a demandé à l'un des gardes où se trouvait la clef et
21 s'il pouvait recharger ces batteries. Le gardien nous a dit d'aller voir
22 Hazim Delic, c'est lui qui avait la clef car c'est lui qui avait souvent
23 besoin de recharger les batteries de ses véhicules et des autres
24 véhicules.
25 Nous nous sommes arrêtés proche de l'endroit, mais Hazim n'était pas
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1 présent à ce moment-là. Un autre gardien s'y trouvait et mon père lui a
2 demandé où se trouvait Hazim. On nous a dit qu'il venait de partir
3 déjeuner et qu'il se trouvait devant l'un des hangars. Nous avons donc
4 continué. Et à l'entrée d'un de ces hangars, j'ai vu Hazim Delic.
5 Mon père m'a dit que c'était Hazim. Il se trouvait devant l'entrée du
6 hangar, il s'approchait de l'entrée. Nous nous sommes garés à 5 ou
7 6 mètres de l'endroit où il se trouvait. Nous nous sommes approchés de
8 lui. Il était déjà entré à l'intérieur du hangar. Je me trouvais près du
9 seuil, et à ce moment-là, mon père l'a appelé pour lui dire que l'on avait
10 besoin de la clef, puis, d'un coup, nous avons entendu un ou deux coups de
11 feu. Nous avons été surpris et effrayés.
12 Mme Residovic (interprétation). - A ce moment-là, lorsque vous avez
13 entendu les coups de feu, aviez-vous déjà la clef ?
14 M. Emir Delalic (interprétation). - Non, c'était un peu simultané. Il
15 était en train de me donner la clef, il me le lançait, et on a entendu le
16 coup de fusil. C'était un fusil automatique. Il était sur le point de
17 lancer la clef et j'ai entendu un ou peut-être deux coups de feu en l'air.
18 Mme Residovic (interprétation). - Que s'est-il passé après ?
19 M. Emir Delalic (interprétation). - J'ai couru. Je me suis enfui. Je me
20 trouvais à l'entrée, je ne savais pas ce qui se passait, j'ai donc couru.
21 Je me suis éloigné. Hazim voulait savoir ce qui s'était passé. Nous, nous
22 sommes retournés au véhicule. Nous sommes retournés à l'endroit pour
23 recharger les batteries.
24 Mme Residovic (interprétation). - Après cela, lorsque vous étiez encore à
25 la caserne, avez-vous appris ce qui s'était passé, pourquoi il y avait eu
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1 ces coups de feu ?
2 M. Emir Delalic (interprétation). - Il nous a fallu un certain temps pour
3 recharger les batteries. L'un des gardiens nous a dit que quelqu'un avait
4 été blessé, que la balle avait eu un ricochet sur le plafond et que la
5 personne qui se trouvait être là était blessée. On lui a porté les
6 premiers secours immédiatement.
7 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Delalic, portiez-vous
8 l'uniforme à cette époque-là ?
9 M. Emir Delalic (interprétation). - Non, je n'avais pas d'uniforme.
10 J'étais en jean et tee-shirt.
11 Mme Residovic (interprétation). - Vous nous avez dit que vous arriviez à
12 l'entrée du hangar. Avez-vous pu voir qui était à l'intérieur ?
13 M. Emir Delalic (interprétation). - Non, je voyais des personnes au loin,
14 mais il y avait beaucoup de soleil à l'extérieur, et l'intérieur était
15 sombre. Je n'ai pas pu reconnaître des personnes.
16 Mme Residovic (interprétation). - Mais étiez-vous en mesure d'être vu par
17 quelqu'un qui se trouvait à l'intérieur du hangar ?
18 M. Emir Delalic (interprétation). - Je crois que quelqu'un aurait pu me
19 voir, plusieurs personnes auraient pu me voir. En effet, je me trouvais
20 pratiquement au seuil à l'entrée où j'étais à l'intérieur.
21 J'avais fait quelques pas à l'intérieur et c'est à ce moment-là que j'ai
22 été surpris, un peu effrayé par ce coup de feu.
23 Mme Residovic (interprétation). - Après avoir rechargé les batteries et
24 après avoir appris que quelqu'un avait été blessé et avait reçu des soins,
25 êtes-vous parti aussitôt après cela ? Avez-vous quitté la caserne de
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1 Celebici ?
2 M. Emir Delalic (interprétation). - Nous sommes d'abord allés à l'entrepôt
3 où travaillait mon père. J'y ai trouvé un uniforme, un fusil que j'ai
4 emporté.
5 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Delalic, connaissez-vous
6 M. Pavo Mucic ?
7 M. Emir Delalic (interprétation). - Oui.
8 Mme Residovic (interprétation). - Ce jour-là, avez-vous eu l'occasion de
9 voir M. Mucic à la caserne ?
10 M. Emir Delalic (interprétation). - Non.
11 Mme Residovic (interprétation). - Etant donné que vous étiez présent au
12 moment où le coup de feu a été tiré et puisque vous avez appris d'un garde
13 ce qui s'était passé, à votre avis, s'agissait-il d'un accident, d'un coup
14 feu tiré par mégarde ?
15 M. Emir Delalic (interprétation). - A mon avis, je suis convaincu que
16 c'était accidentel. En effet, il portait le fusil pratiquement à l'épaule,
17 ou sur l'épaule.
18 Mme Residovic (interprétation). - Etes-vous retourné à un autre moment à
19 la caserne de Celebici ?
20 M. Emir Delalic (interprétation). - Oui, plus tard, j'y suis retourné au
21 moins cinq ou six fois.
22 Mme Residovic (interprétation). - Lors de ces visites, où vous êtes-vous
23 rendu exactement dans le camp ?
24 M. Emir Delalic (interprétation). - Je suis allé à l'entrepôt où
25 travaillait mon père.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Lors d'une quelconque de ces visites à
2 la caserne de Celebici, avez-vous vu une ou plusieurs personnes qui
3 étaient détenues ?
4 M. Emir Delalic (interprétation). - Oui. Cinq ou six jours après être
5 arrivé de Vienne, je suis allé à la caserne. J'ai utilisé le même
6 véhicule, la Jeep, car j'avais des difficultés à franchir les barrages
7 routiers. J'avais sur ma voiture une plaque d'immatriculation
8 autrichienne. J'ai donc utilisé la Jeep qui me permettait de passer sans
9 encombre.
10 A cette occasion-là, je suis allé chercher mon père qui avait passé plus
11 de temps que d'habitude à la caserne de Celebici. J'y suis allé, je l'ai
12 aidé à charger certains cageots. Comme nous nous remettions en route pour
13 partir de l'entrepôt vers le portail, à quelque vingt mètres de distance,
14 j'ai vu deux hommes en train de tuer un mouton. Alors, mon père m'a
15 demandé de ralentir, même d'arrêter pour qu'il puisse saluer la personne
16 qui s'appelait Smajo, surnommée "Kurecan". C'était un boucher.
17 Kurecan s'est lentement approché et nous a salués à la façon locale. Mon
18 père lui a demandé ce qu'il faisait, quelle fête il préparait. L'homme lui
19 a répondu qu'il s'agissait d'un mouton. Smajo avait l'habitude de garder
20 des moutons à l'intérieur du camp.
21 Toutefois, il a expliqué qu'il avait dû tuer ce mouton. Mon père lui a
22 demandé comment il était possible de donner une arme, un couteau à un
23 Tchenik à l'intérieur du camp.
24 L'homme a répondu -je crois qu'il s'appelait Zeleni, ce qui veut dire
25 "vert" en français. C'était un homme assez âgé. Il a dit que lui aussi
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1 était boucher et qu'il avait une boucherie à Bradina. Ils étaient
2 collègues. Ils avaient pris des dispositions avec Guska pour qu'ils
3 puissent être libérés. Il était pratiquement certain qu'il allait être
4 libéré.
5 Mme Residovic (interprétation). - Vous venez de parler de certaines
6 personnes. Les connaissiez-vous auparavant ? Je ne parle pas de Smajo*,
7 mais plutôt de ce boucher de Bradina. Auparavant, avant la guerre, le
8 connaissiez-vous ?
9 M. Emir Delalic (interprétation). - Non, mais c'est Smajo qui a précisé
10 que cet homme était de Bradina, que c'était un collègue et qu'il
11 s'appelait Zeleni.
12 Mme Residovic (interprétation). - Vous venez de mentionner un autre nom,
13 celui de Guska. Au moment où cette conversation a eu lieu en 1992,
14 connaissiez-vous l’identité de M. Guska ou qui il était ?
15 M. Emir Delalic (interprétation) - Tout à fait, je savais qui il était. Je
16 le connaissais avant la guerre, c'était un vétérinaire dans la ville de
17 Konjic. Je le connaissait personnellement parce qu’il avait coutume de
18 venir à Prozor pour affaires ou à titre personnel, et je sais qu’au moment
19 des élections dans la ville de Konjic, il a été nommé au poste de chef du
20 MUP.
21 Mme Residovic (interprétation) - Cette fois-là ou plus tard, avez-vous eu
22 l’occasion de rencontrer l'un des membres du personnel qui travaillait
23 dans ce bâtiment administratif à l'intérieur de la caserne ?
24 M. Emir Delalic (interprétation) - Oui, c'est là que j'ai vu Pavo pour la
25 première fois dans la camp. Nous nous approchions du bâtiment
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1 administratif.
2 En effet, mon père devait remettre la clef de l'entrepôt. Cela a duré
3 quelques secondes, voire une minute. Il est ressorti du bâtiment avec
4 Pavo. J'ai salué Pavo. Je le connaissais déjà. Mon père a dit : " Voici
5 Pavo, il travaille ici désormais. Il ne creuse plus des trous d’hommes* ni
6 des tranchées en Autriche comme il le faisait auparavant ». Nous sous
7 sommes salués et je suis parti.
8 Mme Residovic (interprétation) - Je vous remercie. Vous avez dit à
9 plusieurs reprises que vous aviez utilisé une Jeep blanche. A qui
10 appartenait-elle et qui l'utilisait à Konjic ?
11 M. Emir Delalic (interprétation) - Elle appartenait à mon oncle Zejnil. Il
12 y en avait deux, une blanche et une verte. J'ai utilisé cette Jeep pendant
13 le mois ou les dix ou vingt jours que j’ai passés à Konjic. Quiconque
14 avait besoin de la voiture pouvait l’utiliser, donc mon père, mon frère
15 l’ont utilisée également.
16 Mme Residovic (interprétation) - Un autre membre de votre famille aurait-
17 il eu une Jeep blanche ?
18 M. Emir Delalic (interprétation) - Oui, mon oncle Sefik avait aussi une
19 Jeep blanche.
20 Mme Residovic (interprétation) - Avait-il cette Jeep en Autriche ou à
21 Konjic au moment où il participait aux efforts de défense à Konjic ?
22 M. Emir Delalic (interprétation) - Il avait acheté la Jeep en Autriche,
23 mais il l'a emmenée en Bosnie et il l’a gardée en Bosnie pendant tout le
24 temps qu'il y a passé.
25 Mme Residovic (interprétation) - Vous serez sans doute en mesure de
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1 répondre à la question suivante. La famille Delalic est une famille très
2 étendue, comptant de nombreuses personnes.
3 M. Emir Delalic (interprétation) - Oui.
4 Mme Residovic (interprétation) - Nous savons qu'un de vos oncles est mort
5 juste au début de la guerre ou avant la guerre. Combien y a-t-il encore
6 d'oncles vivants ? Combien y en avait-il en 1992, y compris votre
7 oncle Zejnil ?
8 M. Emir Delalic (interprétation) - En 1992, j’avais cinq oncles vivants.
9 Mme Residovic (interprétation) - Se trouvaient-ils tous à Konjic en 1992 ?
10 M. Emir Delalic (interprétation) - Oui, tous, à l’exception de Veso* qui
11 travaillait et vivait à Zagreb.
12 Mme Residovic (interprétation) - Connaissez-vous le nom de
13 Dzafer Delalic ?
14 M. Emir Delalic (interprétation) - Oui.
15 Mme Residovic (interprétation) - Qui est cet homme ?
16 M. Emir Delalic (interprétation) - C’est mon oncle aîné, je crois qu'il
17 est mort en 1984 ou 1985.
18 Mme Residovic (interprétation) - Si quelqu'un déclarait dans cette salle
19 d'audience avoir vu votre oncle Dzafer Delalic à l'intérieur du camp de
20 Celebici, que répondriez-vous ?
21 M. Emir Delalic (interprétation) - Je répondrai que ce n'est pas vrai et
22 que même en théorie il n’aurait pas pu être présent puisqu'il était mort
23 depuis 6 ou 7 ans avant le début de la guerre.
24 Mme Residovic (interprétation) - Est-ce que vos oncles se ressemblaient ?
25 M. Emir Delalic (interprétation) - Oui.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Qui se ressemblait le plus ?
2 M. Delalic Emir (interprétation). - Sefik et Zenil sont ceux qui se
3 ressemblaient le plus.
4 Mme Residovic (interprétation). - Sont-ils tous d'assez forte corpulence ?
5 M. Delalic Emir (interprétation). - Oui. Tout le monde est un peu bâti
6 comme moi et comme mon oncle Zejnil.
7 Mme Residovic (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion de vous rendre à
8 la caserne de Celebici avec votre oncle Zejnil ?
9 M. Delalic Emir (interprétation). - Non, jamais.
10 Mme Residovic (interprétation). - Pendant votre séjour à Konjic, avez-vous
11 vu votre oncle ?
12 M. Delalic Emir (interprétation). - Je crois que je l'ai vu une première
13 fois dans la seconde quinzaine d'août avant la cérémonie de prestations de
14 serments organisée pour les membres de la Défense territoriale de Konjic.
15 Mme Residovic (interprétation). - Au début de votre déposition, vous avez
16 dit avoir passé un certain temps dans la ville de Konjic pour aller plus
17 tard à Prozor. Au cours de cette période, d'une façon ou d'une autre,
18 avez-vous rejoint les rangs de la Défense territoriale à Prozor ?
19 M. Delalic Emir (interprétation). - Dès mon arrivée à Prozor, je me suis
20 présenté à l'état-major de la Défense territoriale qui savait que je
21 n'allais pas séjourner très longtemps à Prozor, mais j'ai quand même
22 offert mes services.
23 Mme Residovic (interprétation). - En 1992, saviez-vous qui était le
24 commandant de l'état-major de la Défense territoriale, à Prozor ?
25 Connaissiez-vous cet homme personnellement ?
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1 M. Delalic Emir (interprétation). - Oui.
2 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous comment il s'appelle, son nom
3 et son prénom ?
4 M. Delalic Emir (interprétation). - Oui, le commandant de l'état-major de
5 la Défense territoriale à Prozor s'appelait M. Sabik Muharem. D'autre
6 personne à Prozor m'ont dit que cet homme, avant la guerre, était
7 militaire de métier. Il était donc bienvenu au sein de l'état-major de la
8 Défense territoriale. Il y avait aussi un certain Smalio Rulic*, lui aussi
9 de Prozor.
10 Mme Residovic (interprétation). - Pendant votre séjour à Prozor, des
11 membres de l'état-major vous ont-ils dit quels étaient les rapports entre
12 la Défense territoriale et le HVO de Prozor ?
13 M. Jan (interprétation). - Ce témoin a-t-il compétence pour répondre à
14 cette question ?
15 Mme Residovic (interprétation). - Il ne peut pas nous parler des liens
16 généraux, mais puisqu'il a passé un certain temps à Prozor, il le savait
17 peut-être car il était de Prozor, il avait des contacts avec l'état-major
18 municipal.
19 Je réduis la portée de ma question à cet aspect-là.
20 Dites-le nous au cas où vous avez des informations.
21 M. Delalic Emir (interprétation). - A mon avis, c'étaient d'excellents
22 rapports. En effet, la Défense territoriale de Prozor et le HVO plaçaient
23 et occupaient les lignes de front là où se trouvait Kupnic*. Il y avait
24 une bonne entente, mais peut-être que des tensions tenaient au système
25 scolaire. J'en ai entendu parler, mais je n'ai pas approfondi la question
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1 puisqu'ils occupaient conjointement la ligne de front à Kupres*.
2 Mme Residovic (interprétation). - Je voulais vous demander si, au cours de
3 votre séjour à Prozor, il y avait eu des conflits armés entre ces deux
4 composantes de l'armée. Mais vous avez dit que les rapports étaient bons.
5 M. Delalic Emir (interprétation). - Non, il n'y a pas eu de conflits.
6 Mme Residovic (interprétation). - Pendant votre séjour à Prozor, avez-vous
7 appris que votre oncle, Zejnil Delalic, disposait d'un poste de
8 commandement et d'autorité par rapport à l'état-major dont vous avez fait
9 provisoirement partie ?
10 M. Delalic Emir (interprétation). - Non, personne ne l'a présenté comme
11 étant leur commandant en puissance.
12 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous si à un moment quelconque
13 de 1992, le HVO a attaqué les forces de la Défense territoriale à Prozor ?
14 M. Delalic Emir (interprétation). - Après que je sois rentré en Autriche,
15 je crois que je suis rentré vers le 10 septembre, la situation était calme
16 à Prozor, mais quelque 10 jours plus tard j'ai été surpris d'apprendre par
17 la télévision autrichienne que des unités du HVO avaient attaqué la ville
18 de Prozor. J'étais aussi choqué, inquiet parce que ma mère était toujours
19 à Prozor.
20 Mme Residovic (interprétation). - A l'exception de ces nouvelles diffusées
21 par la télé autrichienne, disposiez-vous d'autres renseignements en ce qui
22 concerne votre famille, et du fait qu'elle ait produit des problèmes et
23 certains dégâts au cours de cette attaque ?
24 M. Delalic(interprétation). - Par la suite, j'ai appris que ma maison
25 avait été la première à avoir été touchée par un obus tiré d'un char et
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1 qu'elle avait été en partie incendiée. La plupart des maisons musulmanes
2 ont été incendiées à Prozor. Quelque, 95 % de la population musulmane a
3 été chassée de la ville. Une partie de la population musulmane à réussi à
4 organiser un peu de résistance.
5 Mme Residovic (interprétation). - Vous nous avez relaté expériences. Je
6 vous demanderai simplement d'examiner certains documents ou pièces de
7 l'accusation, notamment un document qui doit porter la cote P 1. Il s'agit
8 de certaines photographies prises au camp de Celebici
9 (Le témoin regarde les documents.)
10 Mme Residovic (interprétation). - On m'avertit qu'il y a peut-être un
11 problème de transcript.
12 M. le Président (interprétation). - Monsieur le Témoin, je vais vous
13 demander d'examiner ces photos. Si vous en reconnaissez une, je vous
14 demanderai de la placer sur le rétroprojecteur. et de nous fournir des
15 explications, pour autant que vous en ayez à l'encontre de ces
16 photographies pour voir les événements qui se sont produits dans ce
17 secteur.
18 M. Delalic(interprétation). - Je ne sais pas si le portail est
19 intéressant. Il y a ici l'endroit où l'on rechargeait les batteries.
20 Mme Residovic (interprétation). - Y-a-t-il un numéro apposé sur cette
21 photo ?
22 M. Delalic(interprétation). - Oui le n° 7.
23 Mme Residovic (interprétation). - Je vous demanderais de poser cette photo
24 sur le rétroprojecteur, vous avez aussi le pointeur à proximité. Veuillez
25 l'utiliser pour montrer le hangar où l'on rechargeait ces batteries
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1 (Le témoin l'indique )
2 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Aux fin du compte rendu, je
3 précise que le témoin à montré un bâtiment dans lequel on rechargeait des
4 batteries.
5 (Le témoin consulte les documents.)
6 M. Delalic(interprétation). - Photographie n° 33, c'est là le hangar ou il
7 y a eu ce coup feu tiré par mégarde.
8 Mme Residovic (interprétation). - Veuillez placer cette photo sur le
9 rétroprojecteur et montrer précisément cet endroit.
10 Pourriez-vous me dire si la porte de ce hangar était ouverte où pas ?
11 M. Delalic(interprétation). - Elle était ouverte
12 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Aux fin du procès-verbal, je
13 précise que le témoin a reconnu cet endroit.
14 Y-a-t-il une autre photo de l'album, la pièce P1, que vous reconnaissez
15 pour vous y êtes rendu au cours de vos visites à la caserne.
16 M. Delalic(interprétation). - Ici la photo de l'entrepôt ou travaillait
17 mon père.
18 Mme Residovic (interprétation). - Quel est le numéro de la photo ?
19 M. Delalic(interprétation). - 43. C'est là que travaillait mon père, et
20 c'est là que j'allais le plus souvent.
21 Mme Residovic (interprétation). - Veuillez parcourir le reste de l'album
22 pour voir si vous reconnaissez d'autres endroits où vous vous seriez
23 rendu.
24 M. Emir Delalic (interprétation). - Peut-être que la photo du bas est
25 intéressante , c'est ici que j'ai vu ces deux hommes qui venaient de tuer
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1 le mouton et qui étaient en train de le dépecer.
2 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Excusez-moi, quel était le numéro
3 de la dernière photo, je n'ai pas entendu ?
4 M. Emir Delalic (interprétation). - 44, on ne voit pas grand chose.
5 Je vois quelques wagons de chemin de fer et je ne m'en souviens pas du
6 tout lors de mes visites.
7 C'est le chemin qui vous permet de sortir du camp et c'est là qu'on voyait
8 un petit obstacle en béton, une buttée, qui permettait aux wagons de
9 s'arrêter. C'est à cet endroit que le mouton a été tué.
10 M. Emir Delalic (interprétation). - Une dernière question, vous êtes sous
11 serment, rappelez-vous. Ce jour-là, où il y a eu cet accident avec le coup
12 de feu tiré du fusil de M. Delic...
13 M. Jan (interprétation). - (hors micro)
14 Mme Residovic (interprétation). - Je retire la question puisque le témoin
15 a déjà précisé en compagnie de qui il était. La Chambre est déjà informée.
16 Vous êtes rentré en Autriche, avec d'autres membres de votre famille en
17 Autriche, avez-vous continué à aider à la défense de la Bosnie, cela de
18 votre mieux ?
19 M. Emir Delalic (interprétation). - Oui. Nous avons d'ailleurs redoubler
20 d'efforts. En effet, lorsque je suis rentré en Bosnie, le HVO s'est joint
21 aux Tcheniks pour attaquer la population musulmane.
22 Mme Residovic (interprétation). - Merci d'avoir répondu à notre invitation
23 et d'avoir déposé devant ce Tribunal. J'en ai ainsi terminé de
24 l'interrogatoire principal de ce témoin, Monsieur le Président.
25 M. le Président (interprétation). - La défense veut-elle procéder au
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1 contre-interrogatoire.
2 M. Kusmanovic (interprétation). - Non, je demande simplement au nom de
3 M. Mucic, qu'il puisse se rendre aux toilettes, il sera de retour dans un
4 moment.
5 M. le Président (interprétation). - Maître Karabdic avez-vous des
6 questions à poser dans le cadre du contre-interrogatoire ?
7 M. Karabdic (interprétation). - Non.
8 Mme Mc Murrey (interprétation). - J'aurais quelques questions à poser,
9 Monsieur le Président, si vous le voulez bien.
10 Bonjour, Monsieur Delalic.
11 M. Delalic Emir (interprétation). - Bonjour.
12 Mme Mc Murrey (interprétation). - Je m'appelle Cynthia McMurrey, je
13 représente Esad Landzo.
14 Pourriez-vous vous lever et examiner la maquette préparée par
15 l'accusation, maquette du camp de Celebici ? Elle se trouve devant vous.
16 Voyez-vous cette butée en béton où s'arrêtent les trains, butée qui se
17 trouve près du bâtiment administratif et que vous avez reconnue sur la
18 photo ?
19 M. Emir Delalic (interprétation). - Oui.
20 Mme Residovic (interprétation). - Je ne sais pas s'il vous est possible
21 d'utiliser le pointeur pour nous montrer où se trouve cette butée en
22 béton.
23 (Le témoin indique l'endroit.)
24 Mme Residovic (interprétation). - Et c'est là que vous avez vu le boucher
25 tuer le mouton ?
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1 M. Delalic Emir (interprétation). - Oui.
2 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous vous relever une fois de
3 plus. Cette butée que vous voyez à cet endroit, elle représente un quart
4 de la taille de la butée que l'on trouve à Celebici ?
5 M. le Président (interprétation). - Je suppose que vous semez la
6 confusion. Vous voulez dire la réplique que l'on voit sur la maquette.
7 Mme McMurrey (interprétation). - Je vais être plus claire. La réplique que
8 l'on voit, ce morceau qui représente la butée, en fait à Celebici la butée
9 est quatre fois plus grande que ce que vous voyez sur la maquette ?
10 M. Emir Delalic (interprétation). - Oui, c'est beaucoup plus grand, c'est
11 à peu près de cette taille.
12 Mme McMurrey (interprétation). - Merci, vous pouvez vous rasseoir,
13 Monsieur le Témoin. Vous avez dit avoir vu un des détenus qui avait un
14 couteau et qui était en compagnie de Smajo, le boucher. Je pense que cet
15 homme s'appelait Zelini, n'est-ce pas ? Vous l'avez vu quand vous étiez
16 dans le camp ?
17 M. Emir Delalic (interprétation). - Tout à fait. Cette fois-là, j'ai vu
18 Smajo et une autre personne que je ne connaissais pas à l'époque. Smajo
19 m'a présenté cet autre homme comme étant Zelini et a dit que c'était un
20 collègue qui avait une boucherie à Bradina.
21 Mme McMurrey (interprétation). - Avez-vous vu d'autres détenus lors de ces
22 cinq ou six visites effectuées à Celebici ?
23 M. Emir Delalic (interprétation). - Non, je me souviens uniquement de cet
24 homme-là parce que je suis allé sur ce chemin. J'allais voir mon père et
25 la plupart du temps il n'y avait personne, tout au plus un ou deux gardes.
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1 Mme McMurrey (interprétation). - Lorsque vous avez vu ce détenu, Zelini,
2 avez-vous eu l'impression qu'il venait d'être battu ?
3 M. Emir Delalic (interprétation). - Non, il ne donnait pas l'impression
4 d'avoir été battu.
5 Mme McMurrey (interprétation). - Je n'ai pas d'autres questions, je vous
6 remercie.
7 M. le Président (interprétation). - L'accusation souhaite-t-elle poser des
8 questions ?
9 M. Turone (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Bonjour,
10 Monsieur Delalic. Je suis Me Turone et je vais vous poser des questions au
11 nom de l'accusation. Monsieur Delalic, pourriez-vous nous indiquer les
12 noms de votre frère et de votre père ?
13 M. Emir Delalic (interprétation). - Semir Delalic et Zahir est le prénom
14 de mon père.
15 M. Turone (interprétation). - Que faisaient-ils ? Quel était leur travail
16 à Konjic, en Bosnie, d'une manière générale ? Quelle fonction occupaient-
17 ils ?
18 M. Emir Delalic (interprétation). - Vous voulez dire pendant la guerre ?
19 M. Turone (interprétation). - Oui, pendant la période dont nous parlons.
20 Votre frère vivait-il en Bosnie ou vivait-il également à l'étranger ?
21 M. Emir Delalic (interprétation). - A l'époque, mon frère se trouvait en
22 Bosnie. Il était chauffeur dans la police militaire, au moment où je me
23 suis rendu en Bosnie-Herzégovine. Mon père travaillait dans un de ces
24 entrepôts, comme je l'ai indiqué sur la maquette.
25 M. Turone (interprétation). - Zahir, votre père, de quel type d'entrepôts
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1 s'occupait-il dans l'enceinte de Celebici ?
2 M. Emir Delalic (interprétation). - C'était un entrepôt militaire où
3 étaient entreposées des armes, des grenades, des uniformes, des bottes
4 militaires, d'une manière générale, un entrepôt d'équipement militaire.
5 M. Turone (interprétation). - Votre père, Zahir, faisait-il partie des
6 forces de la Défense territoriale de Prozor ou de Konjic ?
7 M. Emir Delalic (interprétation). - Oui.
8 M. Turone (interprétation). - Quelle était sa fonction dans les forces de
9 la Défense territoriale ? Quel était son rang ?
10 M. Emir Delalic (interprétation). - Je ne sais pas quel était son titre.
11 Il était dans la Défense territoriale. Il était chargé d'entrer le
12 matériel dans l'entrepôt et il était responsable de la sortie de ces
13 équipements. Chaque fois que je m'y suis rendu, je l'ai vu inscrire dans
14 un registre ce qui entrait et ce qui sortait.
15 M. Turone (interprétation). - Faisait-il partie de la Défense territoriale
16 à Konjic ou à Prozor ?
17 M. Emir Delalic (interprétation). - A l'époque, il faisait partie de la
18 Défense territoriale à Kojnic, parce qu'il trouvait à Kojnic à l'époque.
19 Mme McMurrey (interprétation). - Connaissez-vous le nom de son supérieur
20 hiérarchique direct ?
21 M. Emir Delalic(interprétation). - Non je l'ignore.
22 Mme McMurrey (interprétation). - Qu'en est-il de votre frère ? Vous avez
23 dit qu'il était chauffeur dans la police militaire. Quel était le
24 supérieur hiérarchique direct de votre frère, Dzemal ?
25 M. Emir Delalic(interprétation). - Je ne sais pas. En général quand je
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1 séjournais en Bosnie, nous étions ensemble. Je n'ai pas eu l'impression
2 qu'il avait un rôle important à jouer.
3 M. Jan (interprétation). - (Hors micro).
4 M. Emir Delalic(interprétation). - Il faisait partie de la police
5 militaire, pas du MUP
6 Mme McMurrey (interprétation). - Police militaire, vous voulez dire HVO
7 où Défense Territoriale ?
8 M. Emir Delalic(interprétation). - La police militaire de la Défense
9 Territoriale, parce qu'à l'époque, il y avait déjà deux polices militaires
10 différentes puisqu'il y avait deux armées. A l'époque ils étaient du même
11 côté.
12 Mme McMurrey (interprétation). - Donc votre frère était chauffeur dans la
13 police militaire de la Défense territoriale à Kojnic ou à Prozor ?
14 M. Emir Delalic(interprétation). - A Kojnic. Je voudrais ajouter quelque
15 chose. Lorsque je suis arrivé à Prozor, la situation était tout à fait
16 calme et la ville n'aurait pas eu de problèmes s'il n'y avait pas eux pas
17 la suite un conflit entre le HVO et les Musulmans. Il y avait des
18 personnes détenues, il y avait des obus et s'il n'y avait pas eu le
19 conflit avec les Croates, la ville n'aurait pas souffert. C'est d'ailleurs
20 la raison qui explique qu'il soit revenu à Kojnic, puisque rien ne se
21 passait à Kojnic.
22 M. le Président (interprétation). - Vous n'avez pas des questions à poser
23 au témoin concernant sa déposition ?
24 M.Turone.(interprétation). - Oui j'ai certainement des questions à poser
25 au témoin.
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1 M. le Président (interprétation). - Alors posez vos questions
2 M.Turone.(interprétation). - Pourrait-on montrer au témoin cette pièce de
3 la défense D -13.A/ 1. C'est une copie mais peut-être que le greffe
4 dispose de l'original. C'est M Residovic qui a déposé cette pièce pour la
5 défense.
6 Pourriez-vous avoir l'amabilité de regarder cette photographie et nous
7 dire si vous vous y reconnaissez.
8 M. Emir Delalic(interprétation). - Oui c'est moi.
9 M.Turone.(interprétation). - Cela suffit. Pourriez-vous nous dire qui est
10 Irfan ? Parce que vous avez parlé de quelqu'un qui s'appelle Irfan. Qui
11 est-ce ?
12 M. Emir Delalic(interprétation). - Irfan a épousé une de mes cousines.
13 C'était également un chauffeur. D'après, certaines informations que j'ai
14 entendues, il était également garde du corps. Il était certainement
15 conducteur de véhicules.
16 M.Turone.(interprétation). - Vous nous avez dit être venu après votre
17 oncle Sefik en Bosnie, à la fin du mois de juillet. Combien de temps avez-
18 vous séjourné en Bosnie ?
19 M. Emir Delalic(interprétation). - Environ un mois et demi
20 M.Turone.(interprétation). - Combien de temps avez-vous séjourné à Kojnic,
21 et combien de temps avez-vous séjourné à Prozor dans ce séjour total d'un
22 mois est demi ?
23 M. Emir Delalic(interprétation). - Je suis resté plus longtemps à Kojnic.
24 Les distances sont très petites, 40 50 kilomètres entre les deux endroits.
25 Donc je pouvais en un jour être à Kojnic et être à Prozor
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1 M.Turone.(interprétation). - Vous nous avez dit que lorsque vous êtes
2 arrivé en Bosnie, vous n'avez pas eu d'uniforme pendant les premiers jours
3 de votre séjour et donc vous étiez en civil. La première fois que vous
4 vous êtes rendu à Celebici, on vous a remis un uniforme et un fusil qui
5 ont été pris dans l'entrepôt de votre père. Est-ce exact ?
6 M. Emir Delalic (interprétation) - Oui.
7 M. Turone (interprétation) - Lorsqu’on vous a remis un uniforme et un
8 fusil, étiez-vous déjà membre de la Défense territoriale ?
9 M. Emir Delalic (interprétation) - Je ne comprends pas très bien votre
10 question. A l'époque, je n'appartenais ni à Konjic, ni à Prozor. Je me
11 suis tout simplement mis en uniforme et je me suis mis à la disposition de
12 Prozor et de Konjic.
13 M. Turone (interprétation) - Voulez-vous dire que vous étiez considéré
14 comme membre de la Défense territoriale par l’état-major de la Défense
15 territoriale à Prozor et à Konjic. Est-ce cela que vous voulez dire ?
16 M. Emir Delalic (interprétation) - Pourriez-vous répéter la question ?
17 M. Turone (interprétation) - Vous êtes devenu soldat...
18 Mme Residovic (interprétation) - Objection, Monsieur le Président. Comment
19 peut-il savoir ce que d'autres pensent de lui ?
20 M. le Président (interprétation) - Vous avez dit que vous faisiez la
21 navette entre Prozor et Konjic pendant ce séjour. Lorsque vous avez reçu
22 votre uniforme, vous êtes donc devenu soldat. A ce moment-là, faisiez-vous
23 partie de la Défense territoriale de Prozor ou de Konjic ? A quel corps
24 apparteniez-vous ?
25 M. Emir Delalic (interprétation) - J'appartenais à ma ville natale, à
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1 Prozor.
2 M. Turone (interprétation) - Aviez-vous également des relations avec
3 l'état-major de la Défense territoriale à Konjic ?
4 M. Emir Delalic (interprétation) - Non.
5 M. Turone (interprétation) - Donc vous avez simplement reçu un uniforme
6 qui provenait de l'entrepôt de votre père qui appartenait à l'état-major
7 de la Défense territoriale de Konjic. Est-ce exact ?
8 M. Emir Delalic (interprétation) - Oui.
9 M. Turone (interprétation) - Connaissiez-vous votre supérieur ?
10 M. Emir Delalic (interprétation) - Lorsque je me trouvais là, je n'ai pas
11 prêté serment à qui que ce soit. Ce qui veut dire que lorsque je me suis
12 rendu à Prozor, j'ai pris en charge des caisses que mon père voulait
13 envoyer à Prozor. Je leur faisais signer un papier afin que cette
14 livraison soit reçue officiellement à l'état-major.
15 M. Turone (interprétation) - Mais qui vous donnait des instructions
16 lorsque vous vous trouviez à Konjic ?
17 M. Emir Delalic (interprétation) - A quel type d'instructions pensez-
18 vous ?
19 M. Turone (interprétation) - Par exemple des instructions sous forme
20 d'ordres. Vous étiez soldat, n'est-ce pas ? Qui avait l'autorité pour vous
21 donner des instructions ou des ordres ?
22 M. Emir Delalic (interprétation) - Je viens de dire que je n'avais pas
23 prêté serment ni auprès de l'état-major de Prozor, ni auprès de celui de
24 Konjic, donc je n'avais pas de commandant. J'étais venu en Bosnie-
25 Herzégovine simplement parce que je voulais aider mon peuple. Je faisais
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1 ce qu’il fallait faire, et à ce moment-là on m'a demandé d'apporter
2 certaines choses à l'état-major de Prozor.
3 M. Turone (interprétation) - Je n'insisterai pas plus avant, mais vous
4 avez parlé de M. Mucic et de sa présence à Celebici. Quelle était sa
5 position au camp de Celebici ?
6 M. Emir Delalic (interprétation). - Non, je ne sais pas. Pour moi, je
7 dirais qu'il était comme les autres gardes. Il portait un uniforme, mais
8 il n'avait pas un rang hiérarchique particulier.
9 M. Turone (interprétation). - Savez-vous quel était le rang et la position
10 de M. Delic au camp de Celebici ?
11 M. Emir Delalic (interprétation). - Je ne sais pas. Pour moi, il avait
12 l'air d'un garde comme un autre. Chaque fois que je me suis rendu à
13 Celebici, il avait un fusil à la main.
14 M. Turone (interprétation). - Connaissez-vous le nom d'autres gardes qui
15 travaillaient à Celebici ?
16 M. Emir Delalic (interprétation). - Non. Je ne restais jamais longtemps
17 avec les gardes. Dès qu'ils voyaient ma Jeep blanche, ils ouvraient la
18 grille car ils savaient que j'allais à l'entrepôt. Il n'y avait aucune
19 relation avec les détenus.
20 M. Turone (interprétation). - Combien de fois avez-vous vu Zejnil Delalic
21 pendant votre séjour à Prozor et à Konjic ?
22 M. Emir Delalic (interprétation). - Pourriez-vous répéter la question ?
23 M. Turone (interprétation). - Combien de fois avez-vous rencontré votre
24 oncle, Zejnil Delalic, pendant votre séjour à Prozor et à Konjic ?
25 M. Emir Delalic (interprétation). - Je l'ai vu le soir précédant la
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1 prestation de serments qui devait se faire dans l'enceinte de Celebici. Il
2 venait de Igman. C'est là que je l'ai rencontré .Cela se situait dans la
3 seconde moitié du mois d'août.
4 M. Turone (interprétation). - Vous avez dit que, dans votre famille, vous
5 vous ressemblez fortement. Pourrait-on montrer au témoin la pièce de la
6 défense 13 1 BD/1 ?
7 (L'huissier montre la photo au témoin.)
8 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous la mettre sur les
9 rétroprojecteurs, s'il vous plaît ?
10 M. le Président (interprétation). - La taille est importante, si je me
11 souviens bien. C'est important que ce soit des photographies de grande
12 taille.
13 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous placer ces photographies l'une
14 après l'autre sur le rétroprojecteur ?
15 Reconnaissez-vous quelqu'un sur les photographies qui sont sur les
16 rétroprojecteurs ?
17 M. Emir Delalic (interprétation). - Oui, c'est mon oncle Sefik.
18 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous placer la photographie
19 suivante ?
20 M. Jan (interprétation). - (hors micro)
21 M. Turone (interprétation). - Si vous souhaitez que je n'insiste pas sur
22 cette question de ressemblance, je m'inclinerai. L'accusation a une
23 démarche qui est la sienne en ce qui concerne les questions posées au
24 témoin et considère ces questions importantes.
25 M. le Président (interprétation). - Cette question de ressemblance entre
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1 les membres de la famille, voulez-vous utiliser l'élément de preuve selon
2 lequel on ne peut pas les distinguer facilement les uns des autres ? Est-
3 ce cela que vous recherchez ?
4 Si vous voulez contredire cela, allez-y…
5 M. Turone (interprétation). - Il peut y avoir d'autres raisons pour
6 l'accusation de poser ces questions. Il s'agit de la pièce 1 1
7 Reconnaissez-vous cette personne ?
8 M. Emir Delalic (interprétation). - Oui.
9 M. Turone (interprétation). - Quel est le nom cette personne ?
10 M. Emir Delalic (interprétation). - Dzemal Delalic, un autre de mes
11 oncles.
12 M. Turone (interprétation). - Voudriez-vous placer sur le rétroprojecteur
13 la dernière photographie ? Il s'agit de la 13 B1. Pourriez-vous nous dire
14 quelles sont les personnes que nous voyons sur cette photographie,
15 Monsieur Delalic ?
16 M. Emir Delalic (interprétation). - Au milieu, c'est mon frère et les deux
17 jeunes gens à gauche et à droite sont de Prozor.
18 M. Turone (interprétation). - Merci, Monsieur Delalic.
19 Mme Residovic (interprétation). - Comme le témoin a identifié les
20 personnes sur ces photographies, je demanderais qu'elle soit déposée dans
21 le dossier comme moyen de preuve.
22 M. Turone (interprétation). - Lorsque vous vous êtes rendu la première
23 fois à Celebici et que vous avez vu M. Delic dans le camp, votre frère ou
24 votre père, ou tous les deux, sont-ils entrés également dans le hangar ?
25 M. Emir Delalic (interprétation). - Non. Je suis le seul qui soit entré
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1 dans le hangar et, en fait, je n'ai pas dépassé le seuil de la porte.
2 M. Turone (interprétation). - Vous avez entendu, avez-vous dit, un ou deux
3 coups de feu. Est-ce exact ?
4 M. Emir Delalic (interprétation). - Oui.
5 M. Turone (interprétation). - Vous avez entendu ces coups de feu venant de
6 l'intérieur du hangar ?
7 M. Emir Delalic (interprétation). - C'est exact.
8 M. Turone (interprétation). - Vous avez dit que ces coups de feu avaient
9 été tirés en l'air. Comment savez-vous que ces coups de feu ont été tirés
10 en l'air ?
11 M. Emir Delalic (interprétation). - Je le sais parce que cela
12 correspondait à la manière dont Razim portait son fusil qui était dirigé
13 vers le haut, et il était le seul à avoir un fusil à ce moment-là.
14 M. Turone (interprétation). - Etait-ce une arme automatique ?
15 M. Emir Delalic (interprétation). - Oui, c'était une arme automatique
16 qu'il tenait d'une main.
17 M. Turone (interprétation). - Où se trouvait M. Delic dans le hangar au
18 moment où les coups de feu ont été tirés ? A quelle profondeur dans le
19 hangar se trouvait-il ?
20 M. Emir Delalic (interprétation). - Vous voulez dire à quelle distance de
21 moi ?
22 M. Turone (interprétation). - A l'intérieur du hangar, à quelle distance
23 de l'entrée du hangar se trouvait-il ?
24 M. Emir Delalic (interprétation). - Environ deux mètres, peut-être deux
25 mètres et demi.
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1 M. Turone (interprétation). - A part M. Delic et vous pendant quelques
2 instants, quelqu'un d'autre avait-il pénétré dans le hangar avec M Delic,
3 qui se trouvait avec lui au moment où l'incident a eu lieu ?
4 M. Emir Delalic (interprétation). - Non.
5 M. Turone (interprétation). - Vous avez dit que la personne qui se
6 trouvait dans le hangar avait été blessée. Avez-vous vu cette personne ?
7 M. Emir Delalic (interprétation). - Non.
8 M. Turone (interprétation). - Comment savez-vous que cette personne a été
9 blessée ?
10 M. Emir Delalic (interprétation). - C'est ce que j'ai entendu dire par la
11 suite de la part des gardes pendant que nous rechargions les batteries, et
12 l'un des gardes a dit que, très probablement, la balle avait ricoché sur
13 le plafond et avait touché un des détenus qui avait reçu les premiers
14 secours et avait été emmené à l'infirmerie.
15 M. Turone (interprétation). - Merci. Revenons au moment où vous êtes
16 revenu en Bosnie. Vous reveniez d'Autriche fin juillet, début août. Vous
17 êtes-vous rendu en Bosnie en voiture ?
18 M. Emir Delalic (interprétation). - Oui.
19 M. Turone (interprétation). - De quel genre de voiture s'agissait-il ?
20 M. Emir Delalic (interprétation). - J'avais alors une Chrysler avec une
21 plaque d'immatriculation viennoise.
22 M. Turone (interprétation). - Comment passiez-vous les points de contrôle
23 avec ce véhicule ?
24 M. Emir Delalic (interprétation). - J'ai dû traverser la Croatie car
25 c'était le seul moyen de se rendre en Bosnie-Herzégovine. J'ai pris la
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1 route sur la côte jusqu'à Ploce. Ensuite, je me suis dirigé vers Prozor et
2 vers Konjic. Il n'y avait aucun problème parce que les contrôles étaient
3 faits par les Croates et le HVO de Ploce à Jablanica. A partir de
4 Jablanica, les forces de la Défense territoriale et le HVO contrôlaient
5 cette région. Pour les Musulmans et les Croates, il n'y avait alors aucun
6 problème pour se déplacer.
7 M. Turone (interprétation). - Vous n'aviez pas besoin d'une autorisation
8 ou en aviez-vous une pour vous déplacer sur les routes dont vous venez de
9 parler ? N'aviez-vous pas besoin d'une autorisation ?
10 M. Emir Delalic (interprétation). - Non, il n'était pas nécessaire de
11 détenir une telle autorisation parce qu'en fait le conflit était ailleurs.
12 M. le Président (interprétation). - Nous allons suspendre et reprendre à
13 16 h 30.
14 Suspendue à 16 heures, la séance est reprise à 16 h 35.
15 Mme Mc Murrey (interprétation). - Je demande la permission que Mme Boler
16 ne se trouve pas dans la salle d'audience pour l'après-midi.
17 M. le Président (interprétation). - Oui, merci beaucoup.
18
19 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
20 M. le Président (interprétation). - Veuillez informer le témoin qu'il est
21 encore sous serment.
22 Mme le Greffier (interprétation). - Je vous indique que vous êtes toujours
23 sous serment.
24 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez continuer.
25 M. Turone (interprétation). - Merci. M. Delalic, êtes-vous d'accord pour
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1 dire que Irfan était le chauffeur de votre oncle Zejnil ?
2 M. Emir Delalic(interprétation). - Oui.
3 M. Turone (interprétation). - Avez-vous travaillé avec votre oncle Zejnil
4 dans l'entreprise Indabau ou dans une autre entreprise avec lui ?
5 M. Emir Delalic(interprétation). - Non. J'ai travaillé avec mon oncle
6 Sefik.
7 M. Turone (interprétation). - Quel type de travail faisiez-vous ?
8 M. Emir Delalic(interprétation). - Mon oncle Sefik avait une entreprise de
9 construction. Il avait également un restaurant. J'ai travaillé dans ces
10 deux entreprises.
11 M. Turone (interprétation). - Vous n'avez pas aidé ou rendu visite à votre
12 oncle Zejnil dans son entreprise ? Est-ce bien juste?
13 M. Emir Delalic(interprétation). - Non.
14 M. Turone (interprétation). - J'en ai terminé, merci beaucoup. Je vous
15 remercie Monsieur Delalic.
16 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il d'autres questions ?
17 Mme Residovic (interprétation). - Non.
18 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup, vous pouvez appeler le
19 prochain témoin.
20 Mme Residovic (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges, le
21 prochain témoin se trouve ici, mais vous savez que ces témoins ont dû
22 voyager toute la nuit. Il n'est pas tout à fait prêt. Il a quelques petits
23 problèmes, mais si vous le souhaitez, nous pourrions commencer dès
24 maintenant plutôt que demain matin.
25 M. le Président (interprétation). - C'est à vous de décider ce que vous
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1 devez faire et quand. Vous devez faire témoigner les témoins s'ils sont
2 présents. C'est la seule chose qui nous intéresse. Si vous ne voulez pas
3 faire témoigner votre témoin, puisque vous ne préférez pas le faire, c'est
4 à vous d'en décider.
5 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, je voulais
6 simplement attirer l'attention sur l'état où se trouve le témoin. Il est
7 présent ici, juste à l'extérieur de la salle d'audience.
8 Je voulais vous dire qu'il n'était pas dans un parfait état de santé.
9 M. le Président (interprétation). - Mais nous avions prévu une semaine
10 entière. Nous avons déjà perdu du temps mardi, nous n'avons pas pu
11 travailler comme il le fallait hier, et maintenant vous nous dites qu'il y
12 a d'autres difficultés. Je ne pense pas que ce soit très correct. La
13 défense devrait faire tout son possible pour aider au bon déroulement de
14 la procédure. Cela fait partie du rôle de la défense.
15 M. Jan (interprétation). - Ecoutez, appelez-le à la barre, et s'il ne se
16 sent pas bien, nous verrons ce qu'il faut faire.
17 Mme Residovic (interprétation). - J'aimerais appeler Ismet Ciso, mais je
18 n'accepte pas vos dernières remarques car nous faisons tout notre possible
19 pour respecter le règlement.
20 M. le Président (interprétation) - Pas tout à fait suffisamment. Je crois
21 que les derniers témoins et celui-ci n'étaient pas sur la liste. Nous
22 avons néanmoins accepté de les entendre.
23 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
24 Mme Residovic (interprétation) - Il s'agit de témoins qui figurent sur la
25 liste élargie. Nous les avons fait témoigner cette semaine afin de
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1 raccourcir certains témoignages et éviter des répétitions.
2 M. le Président (interprétation) - Veuillez faire prêter serment au
3 témoin.
4 M. Ciso (interprétation) - Je déclare solennellement que je dirai la
5 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
6 M. le Président (interprétation) - Veuillez vous asseoir.
7 M. Jan (interprétation) - Il semble en parfait état. Peut-être changera-t-
8 il d'allure au moment où vous lui poserez vos questions.
9 Mme Residovic (interprétation) - Je pense que le témoin est seul juge de
10 son état de santé et j'espère qu'il répondra en effet aux questions, comme
11 il vient de prêter serment, et que nous entendrons en effet toute la
12 vérité.
13 Monsieur, pouvez-vous nous décliner votre identité, votre nom et prénom,
14 s’il vous plaît ?
15 M. Ciso (interprétation) - Je m'appelle Ismet Ciso.
16 Mme Residovic (interprétation) - Merci beaucoup d’avoir accepté notre
17 invitation à venir témoigner, merci d'avoir voyagé au cours de la nuit.
18 Avant de commencer, je voudrais vous donner un avertissement d'ordre
19 technique. Nous parlons tous deux la même langue et vous pourriez répondre
20 rapidement à mes questions, mais n’oubliez pas que cet interrogatoire doit
21 être interprété et noté également pour le procès-verbal. Tout un chacun
22 dans la salle d’audience doit pouvoir suivre notre dialogue.
23 Je vous demande donc de bien vouloir attendre la fin de l’interprétation
24 que vous entendrez dans le casque qui se trouve sur votre table et de ne
25 répondre qu’après que l’interprétation soit terminée. Avez-vous bien
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1 compris ?
2 M. Ciso (interprétation) - Oui.
3 Mme Residovic (interprétation) - Monsieur Ciso, dites-nous, s’il vous
4 plaît, votre date et lieu de naissance.
5 M. Ciso (interprétation) - Je suis né le 27 août 1956 à Jablanica en
6 République de Bosnie-Herzégovine.
7 Mme Residovic (interprétation) - Quelle a été votre formation et où avez-
8 vous fait vos études ?
9 M. Ciso (interprétation) - J'ai terminé l’école primaire à Konjic, puis
10 j’ai fait l’académie de la police à Sarajevo en 1974 et une formation dans
11 l'administration à Sarajevo. Je suis devenu assistant juridique.
12 Mme Residovic (interprétation) - Quelle était votre profession avant la
13 guerre ?
14 M. Ciso (interprétation) - Je travaillais dans la police, dans la
15 circulation.
16 Mme Residovic (interprétation) - Où habitiez-vous avant la guerre ?
17 M. Ciso (interprétation) - J’habitais à Konjic, au 95, rue Maximo.
18 Mme Residovic (interprétation) - Avez-vous quitté Konjic avant la guerre
19 et où habitiez-vous ?
20 M. Ciso (interprétation) - J’ai quitté Konjic à la veille de la guerre et
21 je me suis rendu provisoirement à Vienne, en Autriche.
22 Mme Residovic (interprétation) - Où habitez-vous maintenant ?
23 M. Ciso (interprétation) - A Vienne, en Autriche, avec ma famille.
24 Mme Residovic (interprétation) - Connaissez-vous M. Delalic et depuis
25 quand ?
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1 M. Ciso (interprétation) - Je connais Zejnil Delalic depuis dix ans
2 environ.
3 Mme Residovic (interprétation) - Le connaissez-vous bien ?
4 M. Ciso (interprétation) - Je le connaissais en passant. J'étais dans la
5 police et il se rendait une ou deux fois par an dans son village natal. Je
6 le voyais dans la rue, dans des restaurants, dans différents endroits.
7 Mme Residovic (interprétation). - Lorsque vous êtes allé en Autriche,
8 saviez-vous quelle était l'activité de Zejnil Delalic ?
9 M. Ciso (interprétation). - Il y a une certaine différence d'âge entre lui
10 et moi. J'étais très proche de ses deux frères, Sefik et Dzemal. C'est
11 ainsi que j'ai appris que Zejnil était en Allemagne et qu'il était venu à
12 Vienne. Je savais qu'il était à l'étranger depuis un certain temps.
13 Mme Residovic (interprétation). - Saviez-vous où se trouvait
14 M. Zejnil Delalic en 1992 ?
15 M. Ciso (interprétation). - Comme je viens de le dire, j'étais un proche
16 ami d'autres membres de la famille et j'avais entendu dire qu'il y avait
17 eu un décès dans la famille. Je crois que son frère est décédé en avril.
18 Et ils sont tous allés à Rostrozic* où devait avoir lieu l'enterrement.
19 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous si Zejnil Delalic est revenu
20 à Vienne ou à Munich après l'enterrement ?
21 M. Ciso (interprétation). - Zejnil n'est pas rentré tout de suite, mais
22 Sefik et Dzemal sont rentrés tout de suite. Ils m'avaient dit que Zejnil
23 était resté au pays. La guerre avait déjà commencé et Zejnil voulait
24 rester en Bosnie afin de s'impliquer dans la défense du pays.
25 Mme Residovic (interprétation). - Etant donné que vous êtes allé en
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1 Autriche avant le début de la guerre, avant le début des conflits en
2 avril 1992, les réfugiés ont-ils commencé à affluer en Autriche ?
3 M. Ciso (interprétation). - Oui, c'est bien connu. Un grand nombre de
4 réfugiés venaient de nombreuses régions de Bosnie, y compris des
5 ressortissants de mon village natal et de la région.
6 Mme Residovic (interprétation). - Etiez-vous vous-même impliqué dans
7 l'organisation et la collecte de l'aide apportée à votre village natal et
8 aux forces de la Défense territoriale ?
9 M. Ciso (interprétation). - Nous avons suivi de près ces événements
10 dramatiques et si durs pour notre peuple. Nous avons donc commencé à
11 organiser une collecte et l'aide. Nous avions beaucoup d'informations sur
12 les souffrances et la pénurie de fournitures médicales, de vêtements et de
13 produits alimentaires. Le frère de Zejnil a lancé un certain nombre
14 d'appels pour collecter tous ces produits alimentaires, ces vêtements et
15 les autres matériels nécessaires, des chaussures également.
16 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Ciso, pouvez-vous nous dire
17 comment cette aide était acheminée à Konjic ?
18 M. Ciso (interprétation). - Nous n'avions pas vraiment de traditions de
19 diaspora. Nous n'avions pas de véritables clubs ou d'associations de
20 Bosniaques. Nous avons créé une association que nous appelions SDA. Par le
21 biais de cette association, nous avons pu collecter du matériel à des fins
22 d'aide humanitaire, tels des vêtements, des produits alimentaires, des
23 chaussures et des médicaments.
24 Pour cela, nous avons fait appel à différents moyens. Nous faisions les
25 collectes à Vienne, puis nous transportions ce matériel à Zagreb où il y
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1 avait une espèce de centre. C'est là que Vejsil, le frère de Zejnil, s'en
2 occupait. Il avait des moyens qui lui permettaient de diffuser ces
3 produits à différents endroits.
4 Mme Residovic (interprétation). - Vous venez de parler d'une association
5 de Bosniaques à Vienne. Etiez-vous vous-même membre de cette association ?
6 M. Ciso (interprétation). - Oui, je suis membre depuis, pour ainsi dire,
7 la création. J'étais très préoccupé. Je souhaitais que nous ayons une
8 association, en accord avec la loi autrichienne, réunissant des citoyens
9 bosniaques. Le but de cette association était culturelle et sportive.
10 Mme Residovic (interprétation). - Merci beaucoup. Je voudrais maintenant
11 montrer la pièce 99 7/2. J'en ai fait des photocopies suffisantes pour les
12 différents membres du Tribunal.
13 (L'huissier montre les documents au témoin).
14 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Ciso, avant de vous poser une
15 question précise sur cette pièce, je voudrais vous poser une autre
16 question. Vous avez dit que M. Delalic est resté au pays, vous voulez dire
17 qu'il est resté à Konjic après l'enterrement de son frère ? Pouvez-vous me
18 dire s'il est revenu en avril, au mois de mai ?
19 M. Ciso (interprétation). - Non, il n'est pas revenu à Vienne dans la
20 période qui a suivi l'enterrement de son frère.
21 Mme Residovic (interprétation). - Je vous demande maintenant de bien
22 vouloir examiner ce document. S'agit-il de la brochure ou des textes de
23 bases publiés par l'association dont vous nous avez parlé ?
24 M. Ciso (interprétation). - Oui, c'est le texte des statuts de
25 l'association.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Vous venez de dire que vous étiez parmi
2 l'un des premiers membres, voire l’un des membres fondateurs de cette
3 association. Avez-vous une carte de membre similaire à celle que vous
4 voyez dans la photocopie ?
5 M. Ciso (interprétation). - Oui, elle est identique.
6 Mme Residovic (interprétation). - Nous avons ici la carte de membre de
7 M. Delalic qui est datée du 4 mai 1992. Pouvez-vous me dire comment
8 M. Delalic est devenu membre de l'association ?
9 M. Ciso (interprétation). - Oui, je peux vous en parler.
10 Mme Residovic (interprétation). - N'oubliez pas d'attendre que
11 l'interprétation soit terminée avant de répondre.
12 M. Ciso (interprétation). - Oui, lorsque Dzemal et moi-même sommes devenus
13 membres, nous avons également pris une carte de membre pour Zenjil. J'ai
14 également pris une carte pour ma femme car nous voulions avoir autant de
15 membres que possible pour pouvoir réunir de l'argent grâce aux
16 cotisations, mais également pour impliquer le plus nombre de personnes
17 possible.
18 Cette carte a été donnée à Zejnil par moi-même et à la demande de son
19 frère.
20 Mme Residovic (interprétation). - Merci beaucoup de cette réponse. Pouvez-
21 vous me dire si cette association "SDA Vienne" avait ses propres statuts ?
22 M. Ciso (interprétation). - Oui, l'association autrichienne du SDA a
23 également un texte de statut qui a été présenté aux autorités
24 autrichiennes. Ce sont donc les autorités autrichiennes qui ont donné leur
25 accord pour la création de cette association SDA en Autriche.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Puis-je maintenant demander l'aide de
2 l'huissier afin de lui montrer la pièce D 1/36 et 35.
3 (L'huissier montre le document au témoin )
4 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous s'il vous plaît répéter la
5 cote de cette pièce ?
6 Mme le Greffier (interprétation). - C'est bien D136 et D135.
7 Mme Residovic (interprétation). - Je voudrais que l'on montre les deux
8 pièces au témoin, la 135 et la 136.
9 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur, vous avez un premier document
10 devant les yeux, s'agit-il d'un certificat publié à Vienne
11 le 10 septembre 1996 ?
12 M. Ciso (interprétation). - Oui, il s'agit en effet du certificat de notre
13 association avec le tampon, la signature de notre Président, M. Lalic.*
14 Mme Residovic (interprétation). - Est-il vrai que ce certificat porte le
15 nom "association culturelle bosniaque", et qu'il s'agit d'une organisation
16 non politique ?
17 M. Ciso (interprétation). - C'est absolument évident. Il s'agissait d'une
18 association qui a été enregistrée comme une association musulmane
19 culturelle et il n'est pas possible qu'une telle association en Autriche,
20 au yeux de la loi autrichienne, ait une quelconque activité politique. Il
21 s'agit d'une association de citoyens de Bosnie-Herzégovine qui se trouve
22 en Autriche.
23 Mme Residovic (interprétation). - Vous pouvez donc confirmer le contenu de
24 ce document ?
25 M. Ciso (interprétation). - Oui, c'est tout à fait clair.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Merci beaucoup, j'en ai terminé avec ce
2 document-là. Pouvez-vous regarder le deuxième document s'il vous plaît ?
3 S'agit-il des statuts de l'association ?
4 M. Ciso (interprétation). - Oui, ce sont les statuts tels qu'ils ont été
5 adoptés et reconnus par les autorités autrichiennes qui s'occupaient
6 d'inscrire une telle association au registre.
7 Mme Residovic (interprétation). - Aviez-vous déjà vu le texte de ces
8 statuts avant d'être membre ?
9 M. Ciso (interprétation). - C'est après la lecture des statuts que je suis
10 devenu membre de cette association. Je ne serais pas devenu membre sans
11 être au courant des statuts, sans connaître les objectifs.
12 Mme Residovic (interprétation). - Merci beaucoup. On peut remettre ce
13 texte.
14 Monsieur Ciso, dites-nous, en 1992, après que la guerre a éclaté en
15 Bosnie-Herzégovine, si vous vous êtes rendu à Konjic ?
16 M. Ciso (interprétation). - Oui, j'ai eu la chance de pouvoir me rendre à
17 Konjic à plusieurs reprises en 1992.
18 Mme Residovic (interprétation). - Pourriez-vous être plus précis ?
19 Quels sont les dates exactes de vos visites à Konjic en 1992 ?
20 M. Ciso (interprétation). - La première fois que je me suis rendu à
21 Konjic, ce fut pour une très courte visite, vers la mi-août.
22 A l'époque, j'ai pu quitter mon travail et je me suis rendu en visite dans
23 ma famille. J'ai pu apporter à ma famille les produits dont elle avait
24 besoin.
25 Mme Residovic (interprétation). - Quand êtes-vous allé à Konjic par la
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1 suite ?
2 M. Ciso (interprétation). - Je crois que c'est en octobre ou en novembre,
3 je ne suis plus très sûr de la date. C'est au cours de l'un de ces deux
4 mois, c'est certain.
5 Mme Residovic (interprétation). - Dans le cadre de vos visites à Konjic en
6 1992, avez-vous eu l'occasion de rencontrer M. Zenjil Delalic ?
7 M. Ciso (interprétation). - Il est exact de dire que lorsque je suis allé
8 à Konjic, j'avais emporté des produits pour M. Delalic et pour d'autres
9 membres de la famille que je connaissais. Mais cette fois-là, je n'ai pas
10 rencontré M. Delalic à Konjic.
11 Mme Residovic (interprétation). - M. Ciso, en 1992, avez-vous vu
12 M. Delalic ?
13 M. Ciso (interprétation). - Au cours de l'année 1992, je l'ai vu à son
14 retour de la République de Bosnie-Herzégovine, je l’ai vu à Vienne dans
15 les locaux de la société Indabau.
16 Mme Residovic (interprétation). - Quelle fut la raison de cette
17 rencontre ?
18 M. Ciso (interprétation). - Simplement parce que j'avais appris qu'il
19 était rentré, et la situation était telle que nous n'avions aucun contact
20 avec les membres de nos familles, avec notre ville natale. Lorsque nous
21 avons appris qu'il était de retour, nous avons voulu le rencontrer,
22 apprendre de sa bouche quelles étaient les histoires qui circulaient en
23 ville, chez nous. Nous voulions savoir ce qu'il était advenu des membres
24 de la famille, de la ville en général.
25 Mme Residovic (interprétation). - Au cours de ces discussions, que vous a
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1 dit M. Delalic ? Vous a-t-il dit qu'il était rentré pour de bon ou a-t-il
2 manifesté l'intention de retourner en Bosnie ?
3 M. Ciso (interprétation). - Je sais qu'il a précisé qu'il était rentré
4 pour peu de temps parce qu'il avait des obligations, des engagements qu'il
5 devait respecter, mais qu'il avait l'intention de rentrer aussitôt en
6 Bosnie-Herzégovine parce que, à son avis, c'était la place qu'il devait
7 occuper et il voulait apporter le plus d'aide possible pour assurer la
8 libération de son pays.
9 Mme Residovic (interprétation). - Vous étiez donc à Vienne à l'époque ?
10 Vous étiez un proche de ces frères, savez-vous s'il est retourné en
11 Bosnie-Herzégovine ?
12 M. Ciso (interprétation). - Dzemal m'a appris que, après le retour de
13 Zejnil, son frère avait été arrêté à Konjic ainsi que d'autres collègues
14 de son frère. Apparemment, il y avait une campagne de dénigrement assez
15 intensive menée contre Zejnil à l'époque qui s'opposait à son retour en
16 Autriche. C'est pour cette raison qu'il a renoncé à rentrer en Bosnie-
17 Herzégovine.
18 Mme Residovic (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion de lire des
19 articles qui auraient été publiés à propos du départ de Zejnil ?
20 M. Ciso (interprétation). - Les seuls médias qui aient parlé de cet
21 événement étaient croates. C'étaient les quotidiens ou les hebdomadaires
22 que l'on pouvait acheter en Croatie.
23 Zejnil et son frère Vejsil avaient coutume d'envoyer de Zagreb des
24 magazines que l'on ne pouvait pas obtenir en Autriche et nous étions
25 absolument ébahis de ce qui avait été écrit à son propos. Nous étions
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1 indignés des mensonges propagés à son encontre.
2 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Ciso, vous souvenez-vous d'une
3 quelconque de ces insinuations proférées contre Zejnil Delalic, de ces
4 articles ?
5 M. Ciso (interprétation). - Il a été dit, parmi les choses les plus
6 étonnantes, que c'était un espion serbe, qu'il oeuvrait pour les anciens
7 services de renseignements yougoslaves, le KOS*, qu'il avait reçu des
8 missions qu'il devait effectuer à Sarajevo, qu'il devait contribuer à la
9 levée du siège de Sarajevo, mais qu'il ne voulait pas le faire parce qu'il
10 travaillait pour les Serbes... Des choses de ce genre.
11 Mme Residovic (interprétation). - Dans ces articles que vous avez pu lire
12 à l'époque, je parle de 1992 ou du début de 1993, avez-vous lu un article,
13 ou pris connaissance d'événements relatifs à la responsabilité présumée de
14 M. Delalic s'agissant de crimes commis contre les Serbes ou d'événements
15 qui se soient produits dans le cadre de Celebici ?
16 M. Ciso (interprétation). - Non. J'ai entendu des rumeurs. J'ai lu des
17 articles selon lesquels il collaborait avec les Serbes ou encore qu'il
18 avait contribué à la mise en liberté de beaucoup de Serbes de la prison et
19 qu'il travaillait avec et pour les Serbes.
20 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Ciso, avez-vous accordé la
21 moindre foi à ces articles ? Savez-vous si ces articles de presse ont eu
22 des retombées négatives ?
23 M. Ciso (interprétation). - Oui, je vous l'ai dit. Nous étions choqués de
24 ce que l'on écrivait à son propos, de tous ces mensonges, pour plusieurs
25 raisons. Non seulement je connaissais Zejnil, je savais ce qu'il faisait
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1 pour la Bosnie-Herzégovine, mais de surcroît, toute ma famille était au
2 courant, mes amis et mes concitoyens le savaient. Je crois que personne
3 n'a cru ces histoires.
4 Mais je pense que c'est M. Delalic lui-même qui a été la plus grande
5 victime de cette campagne de calomnies. En effet, comment voulez-vous
6 lutter contre les médias ?
7 Mme Residovic (interprétation). - En tant qu'ami de la famille, savez-vous
8 quelle fut la réaction de la famille de M. Delalic, de ses frères et de sa
9 sœur ?
10 M. Ciso (interprétation). - J'ai déjà dit que j'étais très proche de Sefik
11 et de Dzemal. Ce dernier était tout à fait atterré du fait de cette
12 campagne lancée contre Zejnil dans les médias.
13 Or, à l'époque, Zejnil n'était pas là, il était à Munich. Sefik m'a dit
14 que Zejnil avait été indigné et déprimé, qu'il était tout à fait ébranlé.
15 Zejnil est un citoyen de la République de la Croatie. Il a d'ailleurs une
16 maison sur la côte. Il a dit que les membres de sa famille avaient reçu
17 des menaces, leur maison a été menacée de plasticage, par exemple.
18 Mme Residovic (interprétation) - Cette Chambre est informée depuis de
19 nombreux mois des événements qui se sont produits en 1992. Si l'on accuse
20 quelqu'un d'être un Tchenik, un collaborateur ou un homme des anciens
21 services secrets de la Yougoslavie, ce sont là des accusations. Pensez-
22 vous qu’elles puissent constituer une menace pour lui et sa famille ?
23 M. Ciso (interprétation) - Le fait même que nous étions des citoyens de
24 Bosnie-Herzégovine, des citoyens musulmans de Konjic, nous plaçait dans
25 une situation d'insécurité. On avait accusé M. Delalic d'avoir fui la
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1 ville en hélicoptère tchenik, alors je peux imaginer comment se sentait sa
2 famille.
3 Mme Residovic (interprétation) - Etes-vous au courant d'initiatives prises
4 en vue de riposter à ces allégations ?
5 M. Ciso (interprétation) - Dzemal et moi parlions souvent de la façon nous
6 pourrions réagir contre ces allégations par rapport à la famille, aux amis
7 et connaissances. Dzemal s'est dit qu'il devait peut-être envoyer une
8 lettre aux journaux qui avaient publié ces mensonges, pour essayer de
9 corriger la situation. Mais on s'est dit qu’il s’agissait d’un complot
10 programmé par la presse et qu'il fallait peut-être connaître quelqu'un qui
11 soit au courant des mécanismes des médias ; un journaliste qui pourrait
12 nous aider à bien réagir à ces insinuations, à les récuser.
13 M. Jan (interprétation) - (hors micro).
14 Mme Residovic (interprétation) - Est-il pertinent de savoir quelles sont
15 ces mesures prises afin de récuser ces allégations ?
16 M. Jan (interprétation) - Inutile d'entrer dans les détails...
17 Mme Residovic (interprétation) - ... Je m'excuse.
18 M. Jan (interprétation) - … Ce que la famille a fait pour contrer ces
19 allégations.
20 M. le Président (interprétation) - Qu’est-ce que ceci apporte à l’appui
21 des éléments invoqués par la défense ?
22 Mme Residovic (interprétation) - Certains documents que nous ont soumis
23 les membres de la famille ont été présentés par moi-même devant cette
24 Chambre et l'accusation les a acceptés comme étant les documents
25 véridiques. Ce témoin a contribué à leur production .
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1 M. Jan (interprétation) - Apparemment, le témoin a dit que ces articles
2 étaient parus dans la presse croate où l’on présentait M. Delalic comme
3 étant un agent serbe. Ici personne ne prétend qu’il soit un Serbe.
4 Mme Residovic (interprétation) - Certes, Monsieur le Juge, mais le témoin
5 pourrait peut-être nous éclairer sur certains des éléments de preuve
6 avancés par l'accusation. Il pourrait nous aider à mieux comprendre
7 comment tout ceci a été créé. C'est la raison pour laquelle nous avons
8 cité ce témoin ainsi qu'un autre qui nous a aidé à établir cette cassette
9 vidéo de la guerre en Bosnie-Herzégovine. Cela présente une pertinence à
10 nos yeux.
11 En effet, on a beaucoup parlé de ce document, et c'est une pièce à
12 conviction importante dans la présentation des moyens de preuve à charge
13 M. Jan (interprétation). - La cassette vidéo a-t-elle été présentée par
14 l'expert ?
15 Mme Residovic (interprétation). - Oui.
16 Monsieur Ciso, est-ce que vous et Dzemal aviez des contacts avec le frère
17 de Zejnil qui était à Zagreb ? Avez-vous essayé de récuser ces
18 accusations ?
19 M. Ciso (interprétation). - Oui, Dzemal était constamment avec son frère,
20 lequel a aussi essayé de contacter divers médias à Zagreb dans le but de
21 faire valoir son point de vue. Il n'y est pas tout à fait parvenu, mais il
22 a réussi à trouver un journaliste de Bosnie-Herzégovine à qui il a
23 expliqué la situation, et ce journaliste a donné son accord pour nous
24 aider, pour essayer de faire se manifester la vérité. Il s'appelait
25 Ekrem Milic.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Pourriez-vous dire à l'intention des
2 Juges quel fut votre rôle personnel dans cet effort consenti pour essayer
3 de réunir des éléments contre cette campagne de propagande. L'avez vous
4 rencontré ce journaliste ? Si c'est le cas où l'avez-vous rencontré ?
5 M. Ciso (interprétation). - Après que Vejsil ait trouvé ce journaliste qui
6 a accepté de travailler avec nous, je me suis rendu à Zagreb pour voir
7 Vejsil. J'ai rencontré le journaliste qui s'appelle M. Milic, je vous le
8 rappelle, je lui ai présenté la situation. Même si M Milic avait lui-même
9 pris connaissance de nombre de ces articles et de ces calomnies, je lui ai
10 fait comprendre qu'il y avait des cassettes vidéo faites à Konjic même, en
11 Bosnie, et que ces cassettes pouvaient être utilisées pour réussir à
12 mettre un terme à cette couverture médiatique qui portait tellement
13 atteinte à M. Delalic.
14 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez rencontré M. Milic à Zagreb.
15 Vejsil était-il présent ?
16 M. Ciso (interprétation). - Tout à fait, je l'ai déjà dit. Il y avait
17 Ekrem Milic, Vejsil et moi-même.
18 Mme Residovic (interprétation). - Quelle fut la réaction du journaliste à
19 vos suggestions ?
20 M. Ciso (interprétation). - Monsieur Milic voulait sans doute prendre part
21 à nos efforts, il était vivement intéressé. Il nous a demandé ce que nous
22 avions en guise de documents. Nous lui avons dit que nous avions vingt à
23 trente cassettes vidéo qu'il devrait examiner pour comprendre le fin mot
24 de l'histoire. Je lui ai proposé d'utiliser ces cassettes vidéo pour
25 mettre fin à ces allégations.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Après cette première conversation avec
2 le journaliste M Milic, avez-vous commencé à réunir des éléments
3 d'informations portant sur les événements qui se sont produits à Konjic
4 en 1992 ?
5 JEU31
6 M. Ciso (interprétation). - Oui, sur place j'ai dit à M. Milic que
7 j'allais lui remettre 20 ou 30 cassettes vidéos qui étaient en possession
8 de Zenjil Delalic car M. Milic lui-même avait été à Konjic où il avait
9 fait un certain travail. Je lui ai donc proposé de relever les éléments
10 les plus saillants et significatifs.
11 Mme Residovic (interprétation). - Avez-vous, à un moment précis, montré
12 ces cassettes à M. Milic ?
13 M. Ciso (interprétation). - Oui, c'est Dzemal et moi-même qui les avons
14 emmenés à Zagreb, dix jours plus tard. D'abord, Dzemal a été empêché, il
15 ne pouvait pas venir à Zagreb avec moi, mais nous avons remis 20 ou
16 30 cassettes à M. Milic pour qu'il les examine et se familiarise avec ce
17 qu'elles contenaient.
18 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Milic a-t-il effectivement
19 regardé ces cassettes en votre compagnie, ou a-t-il proposé une autre
20 façon de faire le travail ?
21 M. Ciso (interprétation). - Après que M. Milic et Vejsil, le frère de
22 Dzemal aient regardé ces cassettes vidéos, M. Milic nous a dit qu'il y
23 avait là énormément de matières, que lui-même était réfugié, qu'il n'avait
24 pas les moyens physiques pour faire un travail de préparation, et il a
25 suggéré que nous rapportions les cassettes à Vienne pour faire une
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1 synthèse des événements les plus significatifs qui s'étaient produits en
2 Bosnie-Herzégovine.
3 Mme Residovic (interprétation). - Avez-vous préparé ces documents ou ce
4 matériel pour que M. Milic puisse récuser cette campagne de calomnies.
5 M. Ciso (interprétation). - Oui, dès notre retour à vienne, Dzemal, Elvir
6 et moi-même avons monté une cassette qui faisait la synthèse.
7 Mme Residovic (interprétation). - Qui est Elvir ?
8 M. Ciso (interprétation). - C'est un jeune homme qui travaillait à la
9 société Indabau. Dans les bureaux de la société, il y avait deux
10 magnétoscopes, un moniteur donc suffisamment d'installations pour faire le
11 travail nécessaire pour monter une cassette vidéo de synthèse.
12 Mme Residovic (interprétation). - Qui a procédé à la sélection des
13 séquences ?
14 M. Ciso (interprétation). - C'est Dzemal et moi-même qui l'avons fait en
15 prenant compte des suggestions qu'avait faites M. Milic.
16 Mme Residovic (interprétation). - Quel était le travail que devait faire
17 M. Milic ?
18 M. Ciso (interprétation). - Il était censé préparer un démenti à cette
19 campagne, quitte à exagérer certains aspects des activités de M. Delalic
20 pour essayer d'apporter un démenti et de montrer qu'il s'agissait là d'une
21 campagne de mensonges et de calomnies. Monsieur Milic lui-même a dit cela,
22 je cite : "Ciso, il n'est pas facile de répondre ou de contrer les
23 mensonges par la vérité en état de guerre".
24 Mme Residovic (interprétation). - A un moment quelconque, avez-vous remis
25 ce premier jet, comment dire, ce premier montage, cette synthèse des 20 ou
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1 30 cassettes que vous aviez ?
2 M. Ciso (interprétation). - Oui. Pour que le travail soit bien fait, nous
3 avons demandé l'aide d'un membre féminin de l'association. Puis nous avons
4 présenté ce premier montage à M. Milic qui nous a promis de l'étudier avec
5 le plus grand soin, qu'il y apporterait son propre commentaire audio,
6 uniquement le son, de la façon qu'il lui semblait la plus appropriée, afin
7 que le son colle le mieux possible aux images que nous avions préparées.
8 Mme Residovic (interprétation). - C'est peut-être le moment propice pour
9 lever la séance, mais une dernière question avant cela. Où se trouvait
10 M. Delalic pendant le montage ?
11 M. Ciso (interprétation). - A ce moment-là, M. Delalic était à Munich et
12 lui-même ne savait pas que nous faisions ce montage qui devait servir à
13 démentir les rumeurs propagées contre lui.
14 Mme Residovic (interprétation). - Fort bien. Nous passerons ainsi au sujet
15 suivant. Monsieur le Président, le moment est-il venu de lever la séance
16 pour aujourd'hui ?
17 M. le Président (interprétation). - Effectivement, il est 17 h 30. Nous
18 reprendrons nos travaux demain matin à 10 heures.
19 La séance est levée 17 h 30.
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