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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-96-21-T
2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
3 Lundi 12 octobre 1998
4 LE PROCUREUR
5 c/
6 ZEJNIL DELALIC
7 ZDRAVKO MUCIC
8 HAZIM DELIC
9 ESAD LANDZO
10 L'audience est ouverte à 10 heures 10.
11 M. le Président (interprétation). - Bonjour Mesdames et Messieurs. Les
12 parties peuvent-elles se présenter s’il vous plaît ?
13 Me Niemann (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président, Madame et
14 Messieurs les Juges. Je m'appelle Grant Niemman et je suis présent ce
15 matin en compagnie de Me Mc Henry et de M. Huber au nom du Bureau du
16 Procureur.
17 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Et du côté de la
18 défense, s’il vous plaît ?
19 Me Residovic (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président, Madame et
20 Messieurs les Juges, je m'appelle Edina Residovic. Je défends ici
21 M. Zejnil Delalic en compagnie de mon collègue M. Eugène O’Sullivan,
22 professeur du Canada.
23 Me Morison (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président, je m’appelle
24 Howard Morison et je comparai ce matin en compagnie de
25 Mme Njada Buturovic* pour défendre M. Zdravko Mucic. Maître Greaves est
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1 également présent ce matin.
2 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. D’autres
3 comparutions ce matin ?
4 Me Karabdic (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président, Madame et
5 Messieurs les Juges. Je m’appelle Salih Karabdic, je suis avocat de
6 Sarajevo, je défends ici M. Hazim Delic. A mes côtés, Maître Thomas Moran,
7 avocat de Houston au Texas.
8 Mme Mc Murrey (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président, Madame
9 et Messieurs les Juges. Je m'appelle Cynthia Mc Murrey et je représente
10 avec Me Nancy Boler les intérêts de M. Esad Landzo. Merci.
11 M. le Président (interprétation). - Si je ne m'abuse, nous allons
12 commencer par la présentation d'une requête qui a été déposée par
13 Me Residovic.
14 Ensuite, nous écouterons les arguments en réponse de l'accusation, si
15 l’accusation souhaite répondre. Maître Residovic, je vous cède la parole.
16 Maître O’Sullivan, peut-être ?...
17 Me O’Sullivan (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président, Madame et
18 Messieurs les Juges. Vous avez devant vous, Monsieur le Président, une
19 requête écrite qui fait état de notre demande. Nous demandons à ce que
20 l’annexe n°3 et les annexes A à G des documents déposés par l'accusation
21 dans le cadre prononcé de la sentence, soient expurgées et retirées du
22 dossier. Notre requête repose sur deux arguments fondamentaux.
23 Nous pensons tout d'abord que l’accusation tente délibérément de placer
24 sous les yeux des juges de cette Chambre, des documents dont cette Chambre
25 et la Chambre d’appel ont déclaré qu’ils étaient irrecevables. D’emblée je
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1 précise, Monsieur le Président, que notre requête précise qu'il y a eu
2 écart de conduite de l’accusation.
3 Et sans doute l'acte de l'accusation serait-il considéré comme tel dans de
4 nombreux systèmes juridiques. D’après nous, les mesures prises par
5 l'accusation sont une violation flagrante du règlement du Tribunal.
6 Nous considérons également que cette conduite a pour objectif de
7 contourner des décisions déjà prises par deux formations de ce Tribunal.
8 Notre deuxième argument à l'appui de la requête est que la conduite de
9 l'accusation constitue une violation de l’article régissant le principe de
10 l'équité du procès ; je me réfère aux articles 20 et 21 du statut. Il y a
11 également violation des articles du règlement qui régissent la
12 présentation des éléments de preuve. Je pense notamment aux articles 85 et
13 89 du règlement. Les éléments de preuve ont été, je l’ai dit, déclarés
14 irrecevables. Et s'ils sont admis, ils porteront grief aux accusés et ils
15 violeront le principe d'équité qui doit toujours être respecté par cette
16 Chambre de première instance et par ce Tribunal.
17 C’est pour ces deux raisons, Monsieur le Président, Madame et
18 Messieurs les Juges, que nous demandons, avec tout le respect dû, que les
19 annexes 3 et A à G ne soient pas prises en compte dans le cadre des
20 conclusions soumises par l'accusation à la Chambre de première instance.
21 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Maître Morison, vous
22 voulez ajouter quelque chose ?
23 Me Morison (interprétation). - Oui, au nom de M. Mucic,
24 Monsieur le Président, je me prononce en faveur de la requête déposée par
25 Me O’Sullivan. La Chambre, à de nombreuses reprises, devra se prononcer
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1 sur certains éléments de preuve, et devra parfois faire la distinction
2 entre les parties des éléments de preuve qui ont trait à la détermination
3 de la sentence, et notamment la détermination de la culpabilité de
4 l'accusé, éléments de preuve qui vont plutôt dans le sens des
5 circonstances atténuantes qui peuvent être attribuées à l’accusé. Ce n'est
6 pas un exercice aisé, même si nous nous trouvons en face de juges qui
7 jouissent d’une grande expérience. Mais il me semble que dès lors qu’il y
8 a doute quant à la valeur à attribuer à telle ou telle déclaration, il
9 faut que celle-ci soit exclue des éléments de preuve qui seront tenus en
10 compte par la Chambre de première instance, dès lors qu'un doute existe
11 quant à la nature exacte à attribuer à ce type d'éléments de preuve.
12 M. le Président (interprétation). - Oui, Maître Moran, vous souhaitez
13 ajouter quelque chose.
14 M. Moran (interprétation). - Nous nous joignons également à cette requête
15 déposée par Me Residovic. Nous nous y joignons pour deux raisons.
16 Tout d'abord, je crois qu'il est clair dans tous systèmes juridiques, du
17 moins tous ceux que je connais, que la détermination de la preuve,
18 lorsqu'il s'agit d'admettre certains éléments de preuve ou de les rejeter,
19 est un principe ou une procédure qui est beaucoup plus ouverte que
20 lorsqu'il s'agit de décider de la culpabilité ou de l'innocence d'un
21 accusé.
22 Il s'agit simplement de fournir à la Chambre des informations qui peuvent
23 l'aider à déterminer une sentence particulière. Mais dans ce cas précis
24 cette Chambre a ordonné très précisément que ces documents ne devraient
25 pas être admis.
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1 Deuxièmement, la Chambre dans son ordonnance partant du calendrier du
2 10 septembre a déclaré que cette procédure devait se limiter au seul sujet
3 qui était lié à la question de la sentence. Et ici il ne s'agit
4 d'innocence ou de culpabilité
5 M. le Président (interprétation). - Oui, Maître Mc Murrey ?
6 Mme Mc Henry (interprétation). - Nous souhaitons simplement préciser que,
7 nous aussi, les conseils de la défense de Me Landzo, nous soutenons les
8 arguments qui étaient mis en avant dans le cadre de la défense de
9 M. Delalic.
10 M. le Président (interprétation). - Maître Niemann.
11 M. Niemann (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. La défense
12 adopte une position qui semble supposer qu'il n'y a qu'une position à
13 adopter vis-à-vis de la requête et des documents que vous avez sous les
14 yeux. Les éléments de preuve peuvent être recevables pour différentes
15 raisons qui ne dépendent pas seulement de la question de l'innocence ou de
16 la culpabilité. Me Moran a raison lorsqu'il s'agit de la déclaration ou de
17 la détermination de la sentence, les procédures adoptées sont assez
18 différentes, différentes de celles qui régissent le dépôt d'éléments de
19 preuve au cours du procès relatif à la détermination de la culpabilité ou
20 de l'innocence de l'accusé.
21 Je vous renvoie à l'article 100A du règlement qui fait référence au fait
22 que l'accusation et la défense peuvent déposer tout élément d'information
23 pertinent qui pourrait permettre à la Chambre de première instance de
24 décider de la sentence appropriée.
25 Les documents que nous vous avons soumis, Monsieur le Président, ont
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1 directement trait à la question du comportement des accusés après leur
2 arrestation et au cours du procès.
3 Dans le cadre des arguments qui vous ont été présentés par la défense, et
4 notamment dans le cadre des éléments présentés par les conseils de la
5 défense de M. Delalic, il a été fait référence directe aux principes de la
6 détermination de la sentence qui prévalent en Yougoslavie. Je vous y
7 renverrai, moi-même, Monsieur le Président, dans le cadre de mes
8 conclusions orales. Mais vous verrez, à la lecture de ces différents
9 documents, que le comportement de l'accusé avant l'arrestation et au cours
10 du procès est un des éléments qui est pris en compte par les tribunaux de
11 Yougoslavie et nombre de systèmes juridiques adoptent ce principe. Ce
12 principe, plutôt cette procédure, est considérée comme parfaitement
13 pertinente. C'est dans ce sens, Monsieur le Président, que l'accusation
14 souhaite aller également.
15 Il y a deux affaires auxquelles je pourrais vous référer
16 Monsieur le Président. Il y a d'abord l'affaire la reine* contre
17 Old Bright* qu'il y a eu en 1987, qui apparaît dans l'ouvrage rassemblant
18 les affaires pénales du Canada dans le volume 37, troisième édition, à la
19 page 106.
20 Dans cette décision, la Chambre a fait référence à une décision précédente
21 qui avait été prise dans l'affaire la reine* contre Garderner*, affaire
22 datant de 1982. Cela se trouve dans le volume 68 du code rassemblant les
23 affaires pénales canadiennes et celles qui ont été présentées devant la
24 Cour suprême du Canada.
25 Dans le cadre de ces deux affaires il est fait état du fait que des
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1 éléments de preuve peuvent être soumis dans le cadre de la procédure de
2 détermination de la sentence, par opposition aux éléments de preuve qui
3 sont déposés devant la Chambre au cours du procès a proprement parlé.
4 Il est dit à la page 106 de l'ouvrage auquel je vous ai renvoyé tout à
5 l'heure : Il est parfois exact de dire que les règles qui régissent un
6 procès ne s'appliquent pas forcément dans le cadre d'une procédure de
7 détermination de la sentence. Il serait erroné parfois d'adopter le même
8 type de procédure. La règle de l'ouï-dire ne régit pas les procédures de
9 détermination de la sentence. Dans ce cadre très précis, les éléments par
10 ouï-dire peuvent être acceptés. Le juge traditionnellement jouit d'une
11 grande marge de manoeuvre quant aux sources et types d'éléments de preuve
12 sur lequel la détermination de sa sentence peut se fonder. Il doit
13 disposer des éléments de preuve les plus complets possibles notamment
14 concernant le parcours de l'accusé. S'il procède de la sorte, il peut
15 adapter la sentence qu'il prononce au cas particulier de l'accusé. Il y a
16 également un commentaire tout à fait utile qu'on peut trouver dans
17 l'ouvrage Williams*, à la page 337. Cela fait partie des rapports
18 juridiques des Etats-Unis, volume 247. Il y fait état du fait que la Cour
19 suprême des Nations Unies, dans le cadre d'une affaire similaire, a
20 déclaré, je cite : "les tribunaux qui décident de la culpabilité d'un
21 accusé doivent toujours s'en tenir à des règles de présentation de la
22 preuve extrêmement précisément définies. Mais depuis que les colonies
23 américaines sont devenues une nation, les tribunaux de ce pays et les
24 tribunaux du Royaume-Uni ont appliqué la politique suivante, dans le cadre
25 de la détermination de la sentence : un juge peut exercer un pouvoir
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1 discrétionnaire lorsqu'il s'agit de déterminer les sources et les types
2 d'éléments de preuve qui peuvent être utilisés par lui pour déterminer le
3 type de punition qu'il souhaite imposer dans le cadre des limites fixées
4 par la loi". (Fin de citation).
5 Ensuite, le commentaire poursuit... Il est fait état du fait que, je
6 cite : "le réglement de preuves a été établi dans le cadre des procès
7 pénaux et, dans ce cadre, les tribunaux ont des limites extrêmement
8 précises qui leur indiquent dans quelles circonstances il s'agit de
9 contester des éléments de preuve qui sont strictement pertinents, dans le
10 cadre du crime retenu contre l'accusé.
11 Ces règlements reposent notamment sur la nécessité de prévenir une
12 confusion entre les éléments qui font directement partie du procès et ceux
13 qui y sont périphériques".
14 (Les interprètes précisent que Me Niemann lit un commentaire juridique
15 dont les interprètes ne disposent pas. Il est donc impossible de le
16 suivre. Les interprètes tenteront de poursuivre.)
17 "Un juge chargé de la détermination de la sentence ne peut uniquement se
18 limiter aux questions extrêmement étroites qui régissent la question de la
19 culpabilité. Il est limité par certaines limites constitutionnelles et il
20 doit essayer de savoir dans quelle mesure la punition qu'il doit prendre
21 dépend des éléments de preuve qui ont été présentés..."
22 (L'interprète considère qu'il est impossible de donner la fin de la
23 citation de Me Niemann).
24 Monsieur le Président, déclarer, comme le font les conseils de la défense,
25 que nous sommes d'une certaine façon coupables d'avoir adopté une règle de
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1 conduite qui n'est pas appropriée parce que nous vous avons soumis des
2 informations qui pourront être utiles dans le cadre de l'imposition de la
3 sentence -notamment, nous avons fourni un certain nombre de citations qui
4 nous semblent particulièrement utiles- dire une telle chose, donc, est
5 parfaitement absurde. Les informations dont vous disposez, vous pouvez les
6 accepter ou les rejeter. C'est à vous de décider. Mais, parce qu'il a été
7 décidé, au cours de ce procès, que certains éléments de preuve étaient
8 irrecevables, je ne vois pas pourquoi, votre Honneur et vous Madame et
9 Messieurs les Juges, vous ne pourriez pas accepter certains éléments
10 d'information qui pourraient vous aider lorsqu'il s'agira de déterminer la
11 sentence appropriée qui doit être imposée aux accusés. Voici notre
12 position.
13 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je ne connais pas
14 très bien les cas que vous avez cités, Maître Niemann. Je ne connais pas,
15 notamment, les cas dont vous avez tiré les citations qui apparaissent dans
16 votre document. Mais je crois, effectivement, qu'il y a une différence
17 substantielle entre une situation où l'on peut envisager des circonstances
18 atténuantes et où cette procédure fait partie d'une procédure qui
19 intervient avant la déclaration de la sentence et une situation où ceci
20 n'intervient que lorsqu'il y a déjà eu déclaration et prononcé de la
21 sentence, de la peine.
22 Dans ce cas précis, la prise en compte de circonstances atténuantes
23 intervient avant la détermination de la sentence. Et c'est bien ce qui
24 apparaît également dans notre nouveau règlement.
25 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, vous avez certains
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1 éléments d'information sous les yeux...
2 M. le Président (interprétation). - Je vous rappelle que la détermination
3 de la sentence est quelque chose qui relève uniquement des juges.
4 Mais ce sont les règles procédurales qui m'inquiètent quelque peu, parce
5 qu'il y a quelques éléments qui sont en faveur de l'accusé, au cours du
6 procès. Il faut bien en tenir compte également. Ce sont de tels éléments
7 qui pourraient être affectés par la procédure de détermination de la
8 sentence.
9 M. Niemann (interprétation). - Je pense que, lorsque vous
10 Monsieur le Président, Madame et Messsieurs les Juges, vous prendrez votre
11 décision, lorsqu'il s'agira pour vous de déterminer la sentence de façon
12 efficace, il faudra vous rappeler qu'au cours du procès, nous nous sommes
13 notamment appuyés sur certains faits.
14 Vous avez reçu une formation juridique, vous êtes des représentants de la
15 loi, et vous pourrez choisir délibérément d'exclure certains éléments de
16 preuve qui pourraient entrer dans la procédure de détermination de la
17 sentence, notamment lorsqu'il vous faudra vous prononcer sur la question
18 de la culpabilité ou de l'innocence de l'accusé.
19 Je suppose que vous vous êtes déjà posés cette question lorsqu'il y a eu
20 modification du réglement de preuve du Tribunal , lorsqu'il s'est agi
21 notamment d'introduire des dispositions pour les éléments d'information
22 qui peuvent être soumis à l'intention des juges à ce stade de la
23 procédure. Il est intéressant de noter, Monsieur le Président, Madame et
24 Messieurs les Juges, qu'il n'y a pas eu de modification de l'article 101
25 par exemple qui, si vous le lisez, porte précisément sur la question que
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1 vous avez soulevée, Monsieur le Président.
2 Spécifiquement, l'article 101 du règlement stipule que les parties peuvent
3 soumettre à la Chambre, dans le cadre de la détermination de la sentence,
4 tout élément de preuve allant dans le sens des circonstances aggravantes.
5 Je serais surpris, Monsieur le Président, si vous entendiez ou si l'on
6 vous soumettait des éléments de preuve allant dans le sens de
7 circonstances aggravantes, ce n'est certainement pas en tout cas notre
8 intention. Nous, ce que nous souhaitons vous faire parvenir, ce sont
9 toutes les informations que nous avons aujourd'hui à notre disposition.
10 S'il en était autrement, alors l'article 101-B resterait lettre morte ou
11 il y aurait une situation au cours de laquelle il serait possible à vous,
12 Madame et Messieurs les Juges, de renverser votre verdict de culpabilité
13 ou de non culpabilité, ce qui permettrait alors à l'accusation de vous
14 présenter des éléments de preuve allant dans le sens des circonstances
15 aggravantes.
16 Nous sommes très clairs sur ce point, ce n'est vraiment pas l'intention de
17 cet article du règlement. L'article dont je parle a pour objectif de faire
18 en sorte que tous ces éléments de preuve soient pris en compte au moment
19 de la présentation des éléments de preuve au cours du procès et c'est à
20 vous, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, de prendre en
21 compte chacun de ces éléments de preuve et de lui donner la valeur que
22 vous souhaitez lui accorder.
23 M. Jan (interprétation). - Parmi les documents que vous avez soumis à la
24 Chambre, est-ce que vous pensez qu'il y en a quelques-uns qui auraient une
25 importance sur la durée de la sentence et sur la durée de la peine qui
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1 sera à prononcer ?
2 M. Niemann (interprétation). - En fait, ils traitent de la moralité de
3 l'accusé. C'est une question sur laquelle vous aurez également à vous
4 prononcer.
5 M. Jan (interprétation). - Il faut démontrer le caractère de moralité de
6 l'accusé ou bien est-ce que ces documents ont plus un lien avec la
7 question de la culpabilité ou de l'innocence de l'accusé ?
8 M. Niemann (interprétation). - S'il s'agit de la moralité de l'accusé, il
9 s'agit notamment de prendre la question en compte dans le cadre de la
10 détermination de la sentence, voilà ce qu'il convient de faire.
11 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Maître Residovic ?
12 Mme Residovic (interprétation). - Je vous remercie. Je crois que l'article
13 qui a été modifié est tout à fait clair. Il s'agit d'une procédure unique
14 et il s'agit de prendre en compte tous les éléments de preuve. Après quoi,
15 le Tribunal se prononcera sur l'innocence ou la culpabilité.
16 Ainsi, la Chambre procède de la même manière que les tribunaux en ex-
17 Yougoslavie ou en Bosnie-Herzégovine. Il est exact que les tribunaux qui
18 procèdent en une seule procédure pour tous les éléments de preuve liés à
19 l'innocence et la culpabilité peuvent déterminer les circonstances
20 aggravantes ou atténuantes. Ils peuvent se reposer sur différents éléments
21 de preuve pour confirmer ces éléments, mais ils ne peuvent utiliser des
22 éléments de preuve irrecevables. Et il s'agit, en l'occurrence, d'éléments
23 de preuve qui ont été rejetés par la Chambre.
24 Or, l'accusation, maintenant, nous présente des éléments que cette Chambre
25 de première instance et la Chambre d'appel ont rejeté dans un cas,
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1 six fois et dans l'autre cas, quatre fois ; ce qui est tout à fait
2 inadmissible pour déterminer quoi que ce soit en matière d'innocence ou de
3 culpabilité.
4 Dans notre système juridique, puisque votre règlement exige que vous
5 preniez en compte les règles des tribunaux de l'ex-Yougoslavie, je dirai
6 tout d'abord qu'il est inadmissible d'utiliser ce genre d'éléments de la
7 part des parties au procès, cela porte atteinte au règlement et cela
8 entraîne la nullité du jugement. Nous nous en tenons donc à tous les
9 éléments que nous avons fournis par écrit et qui ont été étayés brièvement
10 à l'oral par le professeur O'Sullivan. Merci.
11 M. Morisson (interprétation). - L'accusation énonce une base, un fondement
12 limité, c'est-à-dire la moralité pour ces éléments. Je crois qu'ils se
13 trompent.
14 En effet, la recevabilité, l'admissibilité de tout élément de preuve doit
15 découler de la fiabilité estimée par la Chambre de cet élément de preuve
16 qui est une condition préalable fondamentale.
17 Admettre un document, une partie de document, s'il existe un doute quant à
18 la fiabilité et la crédibilité de ce document... J'utilise à dessein ces
19 termes de crédibilité et de fiabilité car notre collègue, M. Niemann, a
20 récemment mentionné une source où on parlait de fiabilité et de
21 crédibilité.
22 J'aimerais vous reporter à la page 3 de la requête en question qui est
23 liée à Mme Residovic. Au milieu de la page 3, il est dit que l'annexe D
24 contient un document qui aurait été signé par M. Mucic, M. Delic et
25 M. Delalic et il n'y a aucune preuve de recevabilité sur ce document,
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1 qu'il s'agisse de l'auteur ou autre. Dans la décision du 19 août 1998, on
2 a dit que ce document avait une validité douteuse. Cela signifie qu'il
3 n'est pas crédible.
4 Or, s'il ne répond pas au test de la crédibilité, cela fait que ce
5 document est irrecevable pour n'importe quel but, qu'il s'agisse de
6 moralité, d'innocence ou de culpabilité.
7 S'il est pour trouver des circonstances aggravantes, il faut se reposer
8 sur des documents et des éléments crédibles.
9 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, pour expliquer
10 brièvement l'affaire du Tribunal suprême citée par M. Niemann, je dirais
11 que dans les tribunaux fédéraux américains ont à l'habitude d'avoir un
12 officier instrumentaire qui travaille pour le tribunal et c'est lui qui
13 s'occupe d'une enquête de fond au sujet de l'accusé.
14 Cette pratique existe depuis des années ; elle s'est légèrement modifiée,
15 mais il n'en demeure pas moins que la décision du Tribunal a été
16 d'autoriser le Tribunal de prendre en compte des renseignements fournis
17 aux juges pour que les juges connaissent la situation de l'accusé, son
18 histoire et un certain fait.
19 Mais bien sûr, si un accusé est surpris en train de se battre avec une
20 arme ou autre, cela est pertinent dans le cadre de la détermination de la
21 sentence.
22 Si l'accusation ne montre pas que l'accusé s'est mal conduit en prison,
23 alors il s'est bien conduit, mais dans le cadre d'une décision sur la
24 détermination de la sentence, les éléments de preuve exclus par une
25 ordonnance de la Chambre, là c'est une question différente.
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1 Par exemple, dans le système américain, si un juge fédéral a exclu un aveu
2 car il n'a pas été recueilli conformément à la procédure adaptée comme
3 dans notre règlement où on doit avertir cette personne, alors le Tribunal
4 ne prend pas en compte cet aveu lors de la détermination de la peine et de
5 la sentence, il ne peut l'utiliser à quelque fin que ce soit.
6 Ici, enfin moi-même, je n'ai aucune objection vis-à-vis d'éléments sur la
7 conduite de mon client en détention, sur ses actions ici ou là mais, par
8 contre, nous avons des objections vis-à-vis de la chose suivante : du fait
9 que l'on présente à la Chambre des documents qui ont explicitement été
10 exclus par la Chambre, des éléments de preuve en disant que ces éléments
11 ne devaient être présentés à la Chambre de première instance. C'est
12 entièrement différent d'une question liée à la moralité.
13 Notre objection est liée non pas aux renseignements de fond dont parlait
14 M. Niemann, c'est-à-dire l'attitude de mon client, son comportement entre
15 son arrestation, ou plutôt sa remise -c'est lui qui s'est rendu, il n'a
16 pas été arrêté- et le jour d'aujourd'hui, mais plutôt nous parlons des
17 documents que l'accusation a essayé de faire admettre et qui ont été
18 refusés, exclus par la Chambre de première instance.
19 Mme Mc Murrey (interprétation). - Monsieur le Président,
20 Messieurs les Juges, mes collègues ont parlé longuement de la crédibilité
21 des éléments à prendre en compte dans la détermination de la sentence,
22 mais j'aimerais rappeler à la Chambre que l'accusation a également
23 introduit dans son mémoire des éléments de preuve qui ne sont pas
24 pertinents vis-à-vis du verdict. Ils ont parlé pour notre client et ils
25 ont parlé de peine, de souffrance, de leur maison, de leurs revenus, des
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1 vies des membres de leur famille et conformément à la décision Tadic, les
2 seuls éléments de preuve pertinents sont ceux liés aux souffrances
3 directement liées à l'accusé.
4 Par conséquent, les déclarations de témoins qu'ils ont présentées comme
5 éléments de preuve liés à la sentence et aux circonstances aggravantes
6 doivent directement être liées à Esad Landzo et je sais que conformément à
7 la décision Tadic, cette Chambre pourra apprécier que 90 % des
8 déclarations de "témoins d'impact" ne sont pas pertinentes dans cette
9 situation.
10 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, nous tiendrons
11 compte de ces arguments lors de la détermination de la sentence.
12 En effet, cela fait partie de la procédure et je ne pense pas que nous
13 puissions nous prononcer de façon séparée sur chaque partie de la
14 procédure. C'est une procédure qui forme un tout. Merci.
15 La question suivante que nous avons à traiter est celle des témoins de
16 Mme Mc Murrey.
17 Mme Mc Murrey (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le Président.
18 J'imagine que l'accusation n'a pas de témoin à citer lors de cette
19 audience. L'ordre de comparution des témoins de la défense, dans cette
20 audience liée à la sentence, a été inversé et je suis prête à poursuivre
21 ce matin.
22 J'aimerais dire à la Chambre que le Docteur Van Luen ne se présentera pas.
23 Nous aurons uniquement le Docteur Goreta et Goran Jelisic qui sera là cet
24 après-midi. Nous avons donc deux témoins aujourd'hui.
25 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Est-ce que vous
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1 souhaitez poursuivre ?
2 Mme Mc Murrey (interprétation). - Nous appelons le docteur
3 Miroslav Goreta.
4 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Pendant que nous attendons le
5 Dr Goreta, j'aimerais présenter le versement au dossier des déclarations
6 que nous souhaitons verser au dossier à ce stade. Nous les avons déjà
7 fournies à l'accusation. J'aimerais demander leur versement au dossier
8 comme élément de preuve pour circonstances atténuantes. Si l'huissier
9 pouvait m'aider.
10 Nous souhaiterions demander le versement au dossier de cette déclaration
11 écrite en lieu et place de la déposition par oral. Il s'agit d'éléments de
12 preuve liés aux circonstances atténuantes.
13
14 (Introduction du témoin dans la salle d'audience).
15 M. le Président (interprétation) - Je vous remercie. Je demanderai au
16 témoin de prononcer la déclaration solennelle.
17 Dr. Goreta (interprétation). - Monsieur le Président, je déclare
18 solennellement que je dirai la vérité toute la vérité et rien que la
19 vérité.
20 M. le Président (interprétation) - Je vous remercie, veuillez vous
21 asseoir.
22 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Est-ce que ces déclarations écrites ont
23 été versées au dossier ?
24 M. Jan (interprétation). - Pour la sentence ,je m'exprime en mon nom
25 propre, je n'examinerai ces documents qu'une fois que j'aurai décidé que
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1 votre client est coupable ou non coupable. Il en va de même pour les
2 documents ajoutés par l'accusation. Je ne les examinerai qu'après avoir
3 décidé si le client est coupable ou non coupable.
4 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Je vous remercie. C'est entièrement
5 justifié. Je les présente conformément à l'ordonnance portant un
6 calendrier, j'essaie de me conformer aux ordonnances de cette Chambre et
7 vous pourrez les examiner à votre entière convenance.
8 M. le Président (interprétation) - Je vous remercie, vous pouvez
9 poursuivre.
10 Mme. Mc Murrey (interprétation). - J'aimerais demander à l'huissier de
11 bien vouloir déplacer le rétroprojecteur car je n'arrive pas à voir le
12 Dr Goreta.
13 Je vous remercie. Bonjour Monsieur Goreta.
14 Dr. Goreta (interprétation). - Bonjour.
15 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Cela n'a rien à voir avec l'affaire
16 mais j'aimerais que la Chambre sache que le Dr. Goreta aujourd'hui a été
17 éloigné de sa famille, de sa maison et c'est son anniversaire ainsi que
18 celui de son fils aujourd'hui. Donc, joyeux anniversaire
19 Dr. Goreta (interprétation). - Je vous remercie.
20 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Pourriez-vous, je vous prie, annoncer
21 votre nom complet ?
22 Dr. Goreta (interprétation). - Miroslav Goreta.
23 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Pouvez-vous me dire quelle est votre
24 profession ?
25 Dr. Goreta (interprétation). - Je suis spécialiste en neurologie et en
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1 psychiatrie. C'est notamment de la psychiatrie que je m'en m'occupe depuis
2 10 ans à peu près. La psychiatrie légale.
3 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Merci. Est-ce que vous pourriez dire à
4 la Chambre quelles études vous avez faites et quelle a été votre
5 formation ?
6 Dr. Goreta (interprétation). - J'ai fait la faculté de médecine à
7 l'université de Zagreb en 1969. Ensuite, j'ai fait un stage d'une année
8 toujours à Zagreb.
9 Par la suite, j'ai été médecin à la JNA dans le cadre de mon service
10 militaire. Je me suis spécialisé en psychiatrie neurologique plus
11 particulièrement la psychiatrie également à Vrapce. A l'hôpital
12 psychiatrique je travaille depuis 1971 jusqu'à nos jours et pendant mes
13 activités dans cet hôpital en 1980, une fois que j'ai terminé des études
14 post-universitaires en psychothérapie, j'ai présenté une thèse de
15 doctorat, les aspects psychodynamiques chez les délinquants.
16 En 1983, j'ai déposé une thèse de doctorat, les approches psychanalytiques
17 dans le cadre de la procédure de responsabilité criminelle. Par la suite,
18 je me suis préoccupé de cette psychiatrie légale. J'ai eu l'occasion
19 également de travailler dans un certain nombre de services dans cet
20 hôpital clinique.
21 Actuellement, je suis chef de service de psychiatrie légale depuis
22 quatre ans, cinq ans. Je suis chef également d'un service chargé de la
23 psychiatrie légale, j'organise les programmes de spécialisation de chargés
24 de la psychiatrie légale, et c'est dans le cadre de notre clinique que
25 nous faisons des recherches dans ce sens ; depuis 1980, je suis l'adjoint
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1 des professeurs qui se chargent des étudiants en spécialité de médecine
2 légale et de psychiatrie légale, et actuellement également je suis patron
3 au niveau d'un corps collégial qui se charge de la psychiatrie légale.
4 Par ailleurs, je suis également conférencier au niveau des études post-
5 universitaires à la faculté de médecine dans le cadre de l’université
6 médicale, toujours au sujet de la psychiatrie légale, et je suis
7 conférencier à la faculté de droit de l'université de Zagreb, où je suis
8 mentor de collègues qui font la spécialité de la médecine légale. Je suis
9 président de la société croate de la médecine légale, je suis membre du
10 comité de gestion de la société chargée du suicide, et je suis membre
11 également d'un certain nombre de sociétés psychothérapeutiques et autres,
12 et je pense que je me dois de vous dire que je suis membre de l'académie
13 internationale chargée du droit mental et dont le siège est à Montréal.
14 Je suis également membre de l'association internationale de la médecine
15 légale, c’est une association internationale de la médecine légale ;
16 actuellement le siège de cette association est à Londres.
17 Je pense que ce sont à peu près mes activités des derniers temps, et je
18 pense que je vous ai donné les données qui sont les plus intéressantes
19 pour cette Chambre.
20 Mme Mc Murrey (interprétation). - Je vois que vous avez également été
21 président du comité de déontologie au sein de votre hôpital en matière de
22 psychiatrie, n'est-ce pas ?
23 M. Goreta (interprétation). - Effectivement, j’ai été président du comité
24 de déontologie dans notre hôpital et actuellement je suis membre du comité
25 de déontologie de l’association psychiatrique croate, c'est une
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1 association qui englobe toutes les sociétés dont j'ai parlé tout à
2 l'heure.
3 Mme Mc Murrey (interprétation). - Vous avez publié, écrit énormément
4 d'articles ainsi que plusieurs ouvrages, n'est-ce pas ?
5 M. Goreta (interprétation). - Oui, juste peut-être une correction, je ne
6 sais pas si j'ai bien compris, vous avez parlé de déontologie ou
7 d’éthique ? Etant donné que je suis également membre du comité éthique...
8 Il y a bien évidemment une distinction à faire entre déontologie et
9 éthique.
10 Mme Mc Murrey (interprétation). - Vous avez raison, j'ai bien parlé de
11 déontologie, d'éthique.
12 M. Goreta (interprétation). - D'accord, on s’est compris.
13 Mme Mc Murrey (interprétation). - Pouvez-vous dire à la Chambre quelles
14 ont été vos publications ?
15 M. le Président (interprétation). - Ne pensez-vous pas que nous irions
16 plus vite si vous le laissiez présenter ces éléments de preuve, faire sa
17 déposition ? Est-ce que vous ne pouvez pas nous fournir son curriculum
18 vitae d'une autre manière ?
19 Mme Mc Murrey (interprétation). - Oui, j'ai son curriculum vitae, mais la
20 liste de ses publications est en serbo-croate ; j'espère pouvoir en
21 fournir une autre version ultérieurement. Il a énormément publié et
22 j’aimerais présenter ce document, et demander le versement au dossier
23 maintenant, avec l'aide de l'huissier.
24 Pour vous aider, car ce document est en serbo-croate...
25 M. le Président (interprétation). - Il s'agit d’éléments à l’appui de
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1 circonstances atténuantes ; je crois qu'il s'agit d'entendre exactement
2 pourquoi vous pensez qu'il y a circonstances atténuantes.
3 Mme Mc Murrey (interprétation). - Je partirai du principe que vous êtes
4 d’accord sur le fait que le Dr. Goreta est expert en la matière.
5 Docteur Goreta, vous avez rédigé un article plus précisément qui a été
6 versé au dossier, dans les éléments de preuve de la défense, D 83/4, qui a
7 été versé au dossier pour un but bien limité.
8 Pouvez-vous dire à la Chambre quelles ont été les circonstances qui ont
9 entouré cet article « Trouble de stress post-traumatique découlant des
10 traumatismes ainsi que sa signification sur le plan psychiatrique » ?
11 M. Goreta (interprétation). - La raison principale de l'analyse du
12 syndrome de stress post-traumatique pour la psychiatrie légale était bien
13 évidemment due à la situation dans laquelle nous nous sommes trouvés.
14 Nous étions dans la guerre et, par conséquent, il a été indispensable
15 d'étudier ce nombre assez important de personnes qui se sont retrouvées
16 dans notre centre, qui étaient auteurs d'un certain nombre de crimes et
17 qui étaient engagées dans la guerre.
18 Par conséquent, le tribunal avait demandé à notre centre de procéder à une
19 expertise. Il nous a demandé le point de vue sur ces aspects de
20 psychiatrie légale. Le plus souvent, il s'agissait d'évaluer le sens de
21 responsabilité, la menace de l'environnement et également d'appliquer,
22 d'administrer un traitement.
23 Le tribunal, vu les conditions de la guerre, a notamment mis l'accent sur
24 le fait d'expliquer jusqu'à quel point les traumatismes de guerre, les
25 circonstances de guerre qui ont régné sur le sol de Croatie et pendant la
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1 guerre en Bosnie-Herzégovine (étant donné qu'un certain nombre
2 d'expertises a également été effectué pour les tribunaux de Bosnie-
3 Herzégovine) par conséquent, d'éclaircir l'influence de cette circonstance
4 pour les accusés et ainsi donner une estimation psychiatrique légale.
5 Compte tenu du fait que je suis chercheur, comme je l'ai dit, et que je
6 suis également conférencier, j'ai de l'expérience, j'ai fait un certain
7 nombre d'expertises. Nous avons essayé tout de suite d'approcher, du point
8 de vue scientifique, ces recherches. C'était une des premières recherches
9 que nous avons organisées. C'est moi-même qui m'en suis occupé.
10 J'ai considéré qu'il était très important que de telles études soient
11 publiées à l'étranger pour pouvoir faire la comparaison avec d'autres
12 auteurs qui viennent d'autres pays et qui avaient eu affaire à d'autres
13 guerres. C'était le cas, par exemple, du Vietnam, du Liban ou bien
14 d'autres situations (Malouines, etc... je ne vais pas vous citer tous les
15 noms).
16 Mme McMurrey (interprétation). - Docteur Goreta, un témoin-expert de
17 l'accusation a dit qu'il n'y avait aucune différence, en termes de
18 psychodynamique, pour le syndrome du Vietnam et le syndrome de la guerre
19 des Balkans. Est-ce qu'un tel témoin-expert a raison ?
20 M. Goreta (interprétation). - Je pense que la science mondiale aura à s'en
21 occuper dans les années à venir et elle acceptera ou non... Mais, de toute
22 façon, en ce qui me concerne, je suis d'avis et j'en ai parlé dans cet
23 article... Mais je n'ai aucune prétention de formuler les critères pour le
24 syndrome de stress post-traumatique qui serait tout particulier à la
25 Croatie, à l'ex-Yougoslavie.
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1 Nous avons tout simplement parlé de deux critères, les critères qui sont
2 dans le cadre de la classification mondiale (DSM-4 et ICD-10).
3 Par conséquent, il y a quand même quelques particularités dans la guerre
4 des Balkans. Je pourrais éventuellement en parler, mais un certain nombre
5 d'articles a déjà été publié, ainsi que des livres, de la part des auteurs
6 de l'ex-Yougoslavie ou d'autres auteurs qui viennent d'autres pays...
7 En ce qui me concerne, j'ai une attitude qui réside dans le fait qu'il y a
8 un certain nombre de particularités qui pourraient être rajoutées à ces
9 deux critères dont j'ai parlé dans l'évaluation de cette psychiatrie
10 légale.
11 Nous avons également mis à la disposition de notre tribunal notre opinion
12 publique. Cela a également été accepté par la communauté internationale.
13 Concernant la description des symptômes... Ce n'est probablement pas le
14 but de votre question, mais je pourrais en dire quelques mots, étant donné
15 qu'à ma connaissance, dans le cadre de ce procès, il y avait un problème
16 sur ce que voulait dire l'attitude de description. Il y a des symptôme
17 psychodynamiques qui peuvent être interprétés à des niveaux différents,
18 quand il s'agit de pratique ou de recherche scientifique.
19 Par conséquent, la conclusion peut être différente.
20 Les recherches que j'ai faites et le doctorat que j'ai préparé ont été
21 orientés vers le fait d'englober l'attitude phénoménologique et l'attitude
22 psychodynamique, en considérant que cette intégralité pourrait donner un
23 résultat plus complet et donc ne procéderait pas à une analyse simplifiée
24 ou n'irait pas vers une analyse trop théorique, mais plutôt aurait en vue
25 la personne que nous avons en vue.
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1 Par conséquent, il est indispensable que ce soit le résultat d'une
2 communication directe avec la personne que nous avons en face et il faut
3 bien évidemment se référer à un certain nombre de classifications et de
4 normes internationales, mais, en même temps, il faut essayer d'interpréter
5 cela par cette dimension psychodynamique sans quoi il n'est pas impossible
6 d'établir le lien entre l'auteur d'un crime et un certain nombre de
7 réactions qui s'en sont suivies. Excusez-moi d'être trop précis là-dessus.
8 Mme Mc Murrey (interprétation). - Je pense que la question essentielle est
9 la suivante : est-ce que vous pouvez dire de façon précise quelle est la
10 différence principale, en termes de critère, entre le PTSD lié à la guerre
11 du Vietnam par opposition au PTSD lié à la guerre des Balkans ?
12 Dr Goreta (interprétation). - Tout d'abord, concernant les critères
13 fondamentaux il n'y a aucune différence, parce que nous sommes dans
14 l'obligation d'accepter ces critères. En ce qui concerne la Croatie -ou,
15 avant, la Yougoslavie-, il y avait également cette obligation légale
16 d'accepter les critères, les classifications de l'O.M.S. A l'époque
17 c'était CD-9, ICD-10, ICD-9 à l'époque... DSM-3 était également une
18 obligation pour nous.
19 Par conséquent, il n'y a aucune différence au niveau de la classification,
20 mais ce que j'avais proposé en rajout, aussi bien pour l'évaluation
21 scientifique que pour la pratique, et qui va se poursuivre, c'est qu'il y
22 a des différences essentielles à constater.
23 A partir du moment où un soldat part à l'étranger ou bien est intégré dans
24 les combats dans son propre pays -et souvent à côté de chez lui-, au
25 moment où il doit défendre sa famille ou défendre ses enfants, où il est
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1 impliqué dans des combats qui sont extrêmement complexes avec les voisins,
2 d'autres membres de sa famille, avec des personnes qui lui sont très
3 proches, mais qui ont d'autres convictions religieuses ou politiques,
4 etc...
5 Par conséquent, c'est un terrain qui est tout à fait exceptionnel, un
6 terrain très confus sur le plan de définition des lignes de front, sur le
7 plan également de distinguer le territoire qui appartient à une unité ou à
8 une autre, ce qui est tout à fait particulier à cet espace.
9 Le problème que nous avons pu également rencontrer lors de l'expertise,
10 c'est que le rôle de l'ennemi n'a pas été défini car l'ennemi pouvait être
11 également membre de la JNA, ex-JNA qui a éclaté par la suite où il y avait
12 également des unités paramilitaires, et des deux côtés ou des côtés
13 différents où le voisin pouvait être également la personne qui allait
14 attaquer ou la personne en question dont il s'agissait dans notre
15 expertise ou éventuellement qui pouvait aussi donner des renseignements à
16 l'ennemi, pouvait participer à des combats de diversion soit au sein de
17 l'unité régulière ou dans d'autres unités, etc... Dans de telles actions
18 on pouvait voir qu'il y avait des femmes, des enfants, les gens portaient
19 des uniformes improvisés. Il y avait des cas également où le soldat croate
20 ne pouvait pas reconnaître l'ennemi, l'autre soldat.
21 Donc une confusion totale qui est propre à cette guerre. Je vous donne
22 juste quelques généralités mais, bien évidemment, il faudrait évaluer dans
23 chaque cas tout à fait précis aussi bien la personne en question que le
24 terrain, les lieux où les actions ont été engagées.
25 Mes conclusions, bien évidemment, se rapportent notamment sur ce qui
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1 c'était passé en Croatie. En Bosnie, c'était encore plus complexe sur tous
2 ces points que j'ai évoqués. Il y avait une brutalité, je parle en tant
3 que citoyen dans ce vocabulaire psychiatrique, je peux parler des viols,
4 d'autres crimes qui ont été commis en Bosnie-Herzégovine, tout cela pour
5 vous dire que la situation était beaucoup plus complexe qu'en Croatie, à
6 mon avis. Je parle des cas individuels. Chaque expertise a été
7 véritablement tout à fait personnelle et il a été indispensable d'englober
8 dans ce processus légal et les tribunaux ont accepté en général nos
9 expertises.
10 Mme Mc Murrey (interprétation). - Docteur Goreta, je vous ai parlé de
11 votre article, syndrome de stress post-traumatique lié à la guerre et
12 signification en termes de psychiatrie légale. Cela a été publié dans un
13 journal américain, le journal de psychiatrie et du droit. Est-ce que c'est
14 un journal bien réputé dans le milieu international de la psychiatrie
15 légale ?
16 Dr Goreta (interprétation). - Je pense que vous avez déjà eu la réponse de
17 la part d'un psychiatre américain, elle était beaucoup plus fiable. En
18 effet, il s'agit d'une revue d'une très grande qualité parmi les premières
19 revues dans le monde. L'académie internationale pour la santé mondiale
20 dont j'ai parlé et dont le siège est à Montréal a publié cet article. Je
21 pense que l'auteur en question est quelqu'un qui a une toute première
22 importance.
23 Ensuite, il y a bien évidemment d'autres articles qui ont été publiés dans
24 la revue intitulée "la psychiatrie et la loi".
25 Je pense que c'est effectivement un certain nombre de revues qui sont
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1 importantes dans d'autres langues. J'ai parlé simplement de ces
2 deux revues qui sont les plus importantes.
3 Mme Mc Murrey (interprétation). - Avec l'aide de l'huissier, j'aimerais
4 faire distribuer un D-83/4. J'aimerais demander son versement au dossier.
5 Précédemment, on l'a mentionné uniquement, il a été mentionné au
6 témoignage du Docteur Grippon. Maintenant, le Dr Goreta en a parlé, il a
7 dit qu'il s'agissait d'un élément fiable. Alors, une autre question,
8 Docteur Goreta : il y a quelques mois de cela, le juge Jan a posé une
9 question. Etant donné que cet article a été rédigé en 1994, est-ce que
10 cela constitue encore votre point de vue en 1998 ? Je crois que cette
11 étude s'est fondée sur 25 personnes et vous avez eu la possibilité
12 d'étudier bien d'autres sujets. Est-ce que cet article de 1994 constitue
13 encore votre point de vue actuel ?
14 Dr Goreta (interprétation). - Oui, je pense, et là maintenant je suis
15 encore plus convaincu, que les affirmations qui ont été avancées étaient
16 de bonnes affirmations. Je me fonde sur d'autres expertises que nous avons
17 faites par la suite. Il y en a une qui a été proposée au Conseil de la
18 défense qui probablement ne satisfait pas ici la Chambre, mais il s'agit
19 de l'article qui a été publié, qui va être publié d'ici un mois et où nous
20 poursuivons nos recherches et où nous avons effectivement procédé à une
21 expertise sur les 120 clients qui ont été suivis au centre de la
22 psychiatrie légale Vrapce, où la plupart des analyses a été confirmée.
23 Moi-même, je me dois de vous dire qu'en ma qualité du chef de ce centre,
24 j'avais fait entre 50 et 60 expertises sur les 120 et j'ai également
25 examiné d'autres clients, j'en ai parlé également, j'ai lu toutes les
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1 expertises et j'ai pu également signer chacune de ces expertises. Il y
2 avait au total 120 sujets que nous avons examinés. J'ai donné quand même
3 quelque peu de priorité à cette première expertise parce que je considère
4 que tous ces sujets qui ont été examinés nous ont permis, justement, de
5 procéder à cette expertise descriptive et à l'autre expertise
6 psychiatrique. Normalement, cela n'était pas une obligation, mais les
7 experts qui ont fait les mêmes expertises avec les mêmes échantillons ont
8 eu en vue ces cas et ces sujets qui ont été décrits dans mes premiers
9 travaux. Mais cette deuxième expertise et l'article qui avait suivi
10 n'avaient pas cette dimension psychologique très approfondie que nous
11 avons, par la suite, accordé dans nos expertises.
12 Par conséquent, nous avons appliqué cette nouvelle méthodologie qui nous a
13 donné de très bons résultats.
14 Mme Mc Murrey (interprétation). - Monsieur le Président,
15 Messieurs les Juges, étant donné que le Dr Goreta estime que son rapport
16 de 1994 est encore plus valable et qu'on est passé de 25 à 120 sujets, je
17 demande le versement au dossier de ce document dans sa totalité aux fins
18 de détermination de la sentence.
19 Maintenant, vous pouvez envisager ce document non simplement comme un
20 document à l'appui de la déposition du Dr Grippon.
21 M. Jan (interprétation). - (Hors micro).
22 Mme Mc Murrey (interprétation). - Monsieur le Président, si j'aborde ce
23 sujet, c'est pour la raison suivante : si la Chambre, quelle que soit la
24 décision en termes de culpabilité ou d'innocence, estime qu'il ne faut
25 accepter la défense de responsabilité mentale atténuée, alors la question
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1 de la responsabilité mentale atténuée est à prendre en compte en termes
2 d'atténuation de la peine.
3 Je crois donc que l'argument de responsabilité mentale atténuée est
4 pertinent pour déterminer l'innocence ou la culpabilité. Je demande donc
5 que la Chambre puisse lire l'ensemble de cet article pour se faire une
6 idée de l'opinion de cet expert. C'est la raison pour laquelle je demande
7 le versement au dossier.
8 M. Jan (interprétation). - (Hors micro).
9 Mme Mc Henry (interprétation). - Nous n'avons pas d'objection. La Chambre
10 doit agir comme bon lui semble et faire en sorte que justice soit rendue.
11 Mme Mc Murrey (interprétation). - Monsieur le Président, Madame et
12 Messieurs les Juges, nous sommes pleinement conscients du pouvoir
13 discrétionnaire de la Chambre et nous comprenons que la Chambre établira
14 une distinction entre ces éléments de preuve et le poids à y attacher.
15 Lorsque je demande le versement au dossier d'éléments de preuve, je
16 m'attends à entendre en retour : "élément accepté ou rejeté". En tout cas,
17 c'est comme cela que cela fonctionne dans mon système juridique.
18 M. le Président (interprétation). - Mais le problème, c'est que vous
19 ignorez comment limiter vos arguments. Vous demandez le versement au
20 dossier d'éléments de preuve, en l'occurrence l'article du Dr. Goreta aux
21 fins de la détermination de la sentence. Bien. La Chambre accepte le
22 versement au dossier de ce document, mais je pense que vous ne devez pas
23 revenir à des questions qui ont déjà été abordées tout simplement parce
24 que vous souhaitez que soient versés au dossier des éléments aux fins de
25 la détermination de la sentence.
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1 Mme Mc Murrey (interprétation). - Non, Monsieur le Président, je n'essaie
2 pas de revenir à des éléments antérieurs, mais j'essaie tout simplement de
3 bien cibler, de bien concentrer les problèmes.
4 Docteur Goreta, vous avez parlé de pathologie des personnes impliquées
5 dans la guerre des Balkans, pouvez-vous nous dire comment un individu
6 normal, intelligent pouvait avoir un comportement qui était totalement
7 incohérent vis-à-vis de pathologie normale ?
8 Dr Goreta (interprétation). - Nous parlons d'êtres normaux, intelligents,
9 mais il est fort possible, cela a été démontré non seulement au cours de
10 cette guerre, mais au cours d'autres guerres également, que sous
11 l'influence d'une psychose de masse qui apparaît dans de tels cas, et
12 notamment avec des caractéristiques dont j'ai parlé, qui ont été présentes
13 dans l'espace de l'ex-Yougoslavie, il était tout à fait possible qu'un
14 individu normal... que son attitude, son évaluation, son appréciation
15 critique soient problématiques, et que, par conséquent, la perception de
16 la réalité est totalement erronée, indépendamment du fait qu'il a une
17 psychologie normale et une intelligence normale -ou même au-dessus de la
18 normale.
19 Par conséquent, il faut avoir en vue la situation en Yougoslavie, mais il
20 faut aussi se référer, par exemple, à la situation du temps d'Hitler où il
21 y avait les philosophes, les écrivains de très haut grade qui, à un moment
22 donné de leur vie, avaient perdu tout simplement cet esprit critique vis-
23 à-vis des idées nazies et ont participé de façon tout à fait active dans
24 l'organisation de cette guerre. Les psychiatres allemands également
25 croyaient en cette idée d'une race pure de Ibernache* et d'une
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1 purification ethnique indispensable. Des dizaines et des centaines, des
2 milliers de psychiatres ont participé à ce genre de réflexions et à de
3 telles attitudes.
4 Par conséquent, la propagande, l'influence des mass media également est
5 extrêmement importante, il y a eu un certain nombre de publications qui
6 ont représenté la pression pour les gens qui ont vécu dans cet espace
7 d'ex-Yougoslavie, les gens avaient peur ; la crainte, le sentiment de
8 vengeance, le sentiment d’être menacé, de la haine, etc. Et indépendamment
9 du niveau d'intelligence, même les intellectuels se sont retrouvés dans la
10 situation où ils ne pouvaient plus agir de manière rationnelle, raisonner
11 de façon rationnelle.
12 Actuellement, quand la guerre s'est terminée, quand ils réussissent
13 également à prendre des distances, à être critiques, penser sur eux-mêmes
14 et sur les autres, il y a des gens qui ont beaucoup changé et qui
15 actuellement ne peuvent même pas concevoir comment ils pouvaient, à cette
16 époque-là, réfléchir de cette façon et se comporter en conséquence, ce qui
17 était fort dangereux à l'époque et qui avait pris des dimensions qui
18 étaient punitives.
19 Par conséquent, quand je parle de psychiatres, il y a un certain nombre
20 d'idéologues de la guerre, et ces psychoses de masses ont été souvent
21 également... les auteurs de ces psychoses de masse étaient souvent les
22 psychiatres eux-mêmes.
23 Mme Mc Murrey (interprétation). - Vous avez consacré énormément de temps
24 et d'énergie à étudier l'importance du diagnostic du syndrome de stress
25 post-traumatique dans l'évaluation de la responsabilité pénale, n'est-ce
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1 pas ?
2 M. Goreta (interprétation). - Oui, absolument.
3 Mme Mc Murrey (interprétation). - Et vous avez notamment établi un lien en
4 termes de psychodynamique du soldat ou de l’officier de police ; vous avez
5 établi un lien entre cela et les actes d'agression criminelle de la part
6 des Serbes au sein de la JNA de 1992 à 1994 ? Vous vous êtes concentré là-
7 dessus dans votre étude, n'est-ce pas ?
8 M. Goreta (interprétation). - Oui.
9 Mme Mc Murrey (interprétation). - Comment avez-vous décrit les
10 caractéristiques essentielles du groupe d’individus que vous avez étudiés,
11 examinés ?
12 M. Goreta (interprétation). - Je ne sais pas s’il est véritablement utile
13 d’entrer dans les détails et de vous donner toutes ces caractéristiques,
14 mais ce qui a été publié dans des articles dont j'ai parlé, la plupart
15 étaient des sujets qui étaient jeunes, entre 20 et 25 ans, mais il y avait
16 des policiers, des soldats, jusqu'à l'âge de 40 ans. C'était tout à fait
17 logique, compte tenu du fait que l'armée de Croatie a été mise sur pied à
18 peu près comme c'était le cas en Bosnie-Herzégovine, on ne s’attendait pas
19 à ce que ces Etats soient attaqués et, par conséquent, l'armée devait être
20 créée en très peu de temps. C’est la raison pour laquelle les critères de
21 sélection n'étaient pas très élevés. Le critère principal était que
22 quelqu'un était motivé et on n'a pas beaucoup pensé à l’âge, on n'a pas
23 pensé au statut social, on n’a pas pensé non plus à la santé mentale, et
24 c'est la raison pour laquelle nous pouvons dire que notre conclusion est
25 claire ; il y a un certain nombre de soldats qui ont déjà été sujets à des
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1 traitements psychiatriques, ont été également punis pour des raisons
2 différentes, et c'est une sélection qui n'était pas adéquate, et qui était
3 parfaitement compréhensible compte-tenu qu’en peu de temps, comme je l’ai
4 dit, il a été indispensable de mettre sur place les formations militaires
5 qui pourraient faire face en partie à la JNA et aux unités paramilitaires
6 qui coopéraient avec la JNA, et ce n'est pas bien évidemment dans mon
7 champ de recherche parce qu'il y a certainement des personnes qui ne
8 seraient pas d'accord avec cette conclusion, mais je maintiens que de tels
9 genres de formations devaient faire face à la JNA qui avait des formations
10 beaucoup plus organisées : c'était pratiquement comme une armée mondiale
11 par rapport à ce que nous avons créé sur notre sol.
12 C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas pu procéder vraiment à la
13 sélection correcte et appropriée ; c’est la raison pour laquelle ces
14 formations, au début, ne pouvaient pas véritablement fonctionner comme des
15 unités qui correspondent à une armée moderne, même au niveau du
16 commandement, des structures militaires... Tout ceci ne correspondait
17 pas ; ce n'est pas un problème psychiatrique mais cela avait quand même
18 une certaine influence dans nos recherches et des impacts également sur le
19 comportement des soldats.
20 Je ne voudrais peut-être pas m'étendre là-dessus, je préférerais que vous
21 me posiez des questions directes et je vais bien évidemment répondre à
22 toutes les questions qui portent sur le domaine qui m’intéresse, la
23 psychiatrie légale.
24 Mme Mc Murrey (interprétation). - Pour l’essentiel, le groupe de personnes
25 que vous avez étudié allait de 20 à 25 ans, quelques-uns étaient plus
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1 jeunes, d'autres plus âgés ; il s'agissait de soldats ou d'officiers de
2 police, de personnes qui pendant la guerre ont été accusées de délits,
3 n'est-ce pas ?
4 M. Goreta (interprétation). - C’est cela.
5 Mme Mc Murrey (interprétation). - Je crois que vous avez dit que la
6 plupart d'entre eux avaient également un enseignement secondaire, mais que
7 cela n'allait pas plus loin ?
8 M. Goreta (interprétation). - Oui, ce sont les données fondamentales qui
9 ressortent de notre première expertise, mais nous avons conclu que même
10 les individus qui étaient d'un très haut niveau de formation, qui sont
11 sortis de l'enseignement supérieur ou même ceux qui étaient sortis de
12 l'école élémentaire ou secondaire, les gens qui étaient des agriculteurs
13 réagissaient à peu près de la même façon.
14 M. Jan (interprétation). - Est-ce que ceux qui avaient une formation
15 d'enseignement supérieur se comportaient de façon différente ?
16 Dr. Goreta (interprétation). - Je pense que cela correspond à une
17 évaluation individuelle dans le cas concret. S'il faut donner une
18 interprétation à des données statistiques, je pourrais plutôt donner une
19 interprétation en partant d'une motivation. Les gens qui avaient
20 l'enseignement supérieur n'étaient pas motivés tout de suite de risquer
21 car c'était une situation véritablement très risquée.
22 En revanche, ceux qui avaient un niveau d'enseignement plus bas étaient
23 plus motivés. Par conséquent, quand nous avons communiqué avec toutes ces
24 personnes-là, nous avons pu conclure que la majorité des personnes avait
25 participé dans les combats pour des raisons patriotiques etc... mais, bien
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1 évidemment, nous, en notre qualité de psychiatre, nous n'acceptons pas les
2 réponses aussi simplifiées. Nous avons pu très vite également reconnaître
3 d'autres motivations, pas forcément celles qui disaient qu'il y avait des
4 gens qui avaient cet esprit patriotique. Il y avait d'autres également qui
5 ont subi des troubles auparavant. Mais en général, il s'agissait des
6 individus qui avaient été atteints d'un certain nombre de troubles. Mais
7 il y avait des motivations qui étaient aussi différentes, car le
8 comportement de ces personnes était différent dans les combats. Il y en
9 avait qui souhaitaient tout simplement mériter un certain nombre de
10 reconnaissance. Mais en général, comme je l'ai dit, il y avait également
11 des auteurs des crimes, des actes criminels, des délinquants qui avaient
12 des raisons et des motivations utilitaires, matérielles même si les
13 mécanismes de rationalisation ont été utilisés.
14 Comme je l'ai précisé, il s'agissait des délits qui sont fort analogues.
15 Ces auteurs de crime auraient agit de la même manière s'il n'y avait pas
16 de guerre. Dans la guerre bien évidemment, cela a été beaucoup plus
17 prononcé et en plus il y avait cet effet matériel qui...
18 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Je crois que nous avons déjà parlé d'un
19 élément précédemment suite à la question du juge Jan, le facteur
20 intelligence et pathologie normale. Parfois ces personnes-là souffraient
21 tout autant dans leur capacité intellectuelle à raisonner normalement en
22 situation de guerre tout autant que quelqu'un qui n'était pas aussi
23 intelligent. Est-ce qu'on pourrait dire cela ?
24 Dr. Goreta (interprétation). - Je comprends parfaitement ce que vous
25 voulez dire, mais je pense qu'en général le niveau d'intelligence est pris
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1 automatiquement comme un critère selon lequel cette personne est capable
2 de distinguer le bien et le mal, qu'il est capable d'évaluer le fondement
3 ou la justification d'un comportement.
4 C'est là où je me dois de vous dire que c'est une très grande illusion, il
5 est un fait que des personnes qui ont un très haut niveau d'intelligence
6 dans une situation d'expertise et au niveau des tests obtiendront 120 ou
7 je ne sais pas combien de points mais dans d'autres situations, des
8 situations de vie ordinaires et notamment celles où il y a beaucoup
9 d'affectif et beaucoup de crainte, de colère, de menace, beaucoup de haine
10 etc., leur fonctionnement au niveau de l'intelligence est réduit.
11 Souvent, ils peuvent même exclure toute intelligence, tout facteur
12 d'intelligence. Là, je parle des éléments affectifs et je dois dire que
13 dans ce cas, dans le cas concret au moment où on a été menacés ou on s'est
14 sentis véritablement en danger, en Bosnie ou en Croatie, c'était fort
15 important.
16 Il y a d'autres facteurs également qui peuvent compliquer la situation. Il
17 s'agit des situations d'intoxication, d'alcoolisme... Je sais que dans un
18 certain nombre de juridictions, ce sont les facteurs qui ne permettent pas
19 aux psychiatres d'en parler mais le tribunal peut évaluer cette situation
20 de tension.
21 Il y a également une tension pathologique, tout ce qui est un comportement
22 anormal et qui, certainement, rentre dans la catégorie de l'évaluation de
23 psychiatre alors que chaque évaluation de psychiatres serait évaluée par
24 le tribunal.
25 Il y a un troisième facteur : ce sont les drogues qui souvent, dans les
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1 situations de guerre, sont répandues de manière incontrôlée. Elles peuvent
2 être consommées et influencer le comportement de la personne, avec la
3 réduction d'un fonctionnement normal. Celle-ci n'est pas proportionnelle
4 avec les potentialités, avec les capacités de la personne en question qui,
5 dans une situation concrète donnée, réagit d'une manière qui n'est pas
6 intelligente, qui n'est pas raisonnable, qui est nocive pour elle-même et
7 pour les autres. Ceci est fort dangereux dans une situation de guerre
8 -notamment quand cette personne occupe le poste de commandant ou de chef
9 d'une unité, quand elle peut donner des ordres en menaçant non seulement
10 sa propre vie mais aussi celle des autres.
11 M. le Président (interprétation). - Nous allons suspendre l'audience
12 jusqu'à midi.
13 (L'audience, suspendue à 11 heures 30 et reprise à 12 heures 05)
14 M. le Président (interprétation). - Veuillez rappeler au témoin qu'il
15 témoigne toujours sous serment, s'il vous plaît.
16 Mme la Greffière (interprétation).- Monsieur, je vous rappelle que vous
17 êtes toujours sous serment.
18 M. le Président (interprétation). - Maître Mc Murrey, il me semble que,
19 pour ce qui est des informations générales, nous avons obtenu suffisamment
20 de détails. Ici, nous nous concentrons sur des questions très précises. Je
21 pense qu'il s'agit maintenant de se concentrer sur les questions relatives
22 aux circonstances atténuantes.
23 Mme Mc Murrey (interprétation). - Monsieur le Président, j'essaie de m'en
24 tenir à quelques questions très précises, des questions que j'avais dès le
25 départ à l'esprit. Il est effectivement arrivé que je m'éloigne un peu de
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1 ces questions. Je vais tâcher d'y revenir le plus rapidement possible. Je
2 prends bonne note de vos remarques, merci.
3 Puis-je poursuivre ?
4 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.
5 Mme Mc Murrey (interprétation). - Merci.
6 Docteur Goreta, vous avez écrit nombre d'articles sur l'application du
7 PTSD sur la responsabilité pénale. Vous êtes d'avis que le PTSD ne peut, à
8 lui seul, expliquer ou excuser la responsabilité pénale d'un individu.
9 En revanche, la combinaison du PTSD et de la pathologie psychodynamique de
10 l'individu peut, dans certains cas, permettre d'arriver à une conclusion
11 de responsabilité pénale atténuée.
12 Il me semble que votre théorie est qu'il faut prendre l'intégralité des
13 facteurs qui définissent la personnalité de l'individu. Est-ce bien cela ?
14 Dr. Goreta (interprétation). Oui, je n'exclus pas la possibilité de voir
15 le PTSD expliquer la responsabilité pénale ou la responsabilité, comme
16 nous l'appelons chez nous, conformément à certaines traditions juridiques
17 qui ont été utilisées en ex-Yougoslavie, c'est-à-dire la tradition
18 allemande. Il s'agit de situations où des symptômes psychotiques
19 apparaissent, des situations de flash-back, d'hallucinations, ce qui, chez
20 une personne, peut être identique à des événements vécus en situation de
21 guerre.
22 Cette personne ne réagit pas de manière adéquate en situation de paix,
23 lorsque cette situation de guerre est revécue et que les participants...
24 Si, dans une telle situation, un acte criminel est commis et s'il y a
25 circonstances psychotiques, alors cette personne-là peut agir de manière
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1 irresponsable et bien sûr, si on accepte cela, elle ne serait pas
2 responsable au plan pénal. Jusqu'ici, je n'ai pas connu de tels cas mais,
3 dans la littérature, on parle de tels cas.
4 Dans ma recherche et dans celle de mes collaborateurs, nous nous sommes
5 aperçus que, la plupart du temps, le PTSD a une incidence sur
6 l'atténuation, la diminution de ces fonctions volutionnelles* et
7 intellectuelles. Cette diminution, cette atténuation était envisagée de
8 manières différentes, comme je l'ai dit.
9 Nous avions donc une atténuation importante et une atténuation simple,
10 mais je ne vais pas entrer dans les détails. Je dirai tout simplement
11 qu'une telle responsabilité atténuée peut intervenir suite aux symptômes
12 du PTSD uniquement mais, la plupart du temps, il est probable qu'il
13 s'agisse d'une combinaison de facteurs. Il s'agira là de catégories
14 mentionnées dans les classifications que j'ai citées précédemment.
15 Dans une réaction au stress, il faut mentionner un élément très important.
16 Lorsque cet article dont nous parlons a été rédigé, dans la classification
17 américaine, il n'y avait pas de catégorie de troubles de stress aigu.
18 Cette catégorie n'existait pas, elle a été introduite depuis lors. C'est
19 crucial. J'insiste, donc. Lorsque cet article a été rédigé... Le plus
20 souvent, nous nous conformions à la classification de l'époque et si cet
21 article avait été rédigé aujourd'hui, il aurait été différent.
22 Un psychiatre l'a déjà dit au cours de cette procédure, mais j'insiste. Le
23 trouble de stress aigu est un trouble qui peut aller jusqu'à un mois et si
24 ce trouble dépasse une période d'un mois, alors les symptômes sont appelés
25 "syndrome de stress post-traumatique".
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1 Vous voyez ici à quel point une classification et une application de cette
2 classification, sans prendre en compte les autres critères
3 psychodynamiques, ne constituent pas une science objective.
4 Il s'agit en effet de règles fondées sur la convention. On ne sait pas si
5 un mois plus tard, le diagnostic sera différent et si les données
6 statistiques de la recherche seront faussées si nous, nous prenons ce
7 point de vue. Voilà pour une chose.
8 Par ailleurs, comme je l'ai déjà dit, l'alcool et d'autres substances
9 peuvent avoir une influence. C'était là la situation la plus courante qui
10 pouvait mener à l'atténuation de cette responsabilité pénale.
11 Mme Mc Murrey (interprétation). - D'après ce que vous dites, je crois
12 comprendre que dans les cas extrêmes, le PTSD peut conduire à une
13 situation de responsabilité pénale atténuée mais, dans la plupart des cas,
14 lorsque vous avez établi qu’il y avait responsabilité pénale atténuée,
15 cela était dû à une combinaison soit de trouble de personnalité accompagné
16 de PTSD, soit à une addiction à l'alcool ou à une drogue particulière
17 combinée à un syndrome de stress post-traumatique. Est-ce que je
18 schématise bien les choses ?
19 M. Goreta (interprétation). - Oui, ce serait exact, mais le diagnostic
20 n’est que le premier élément dans notre évaluation, et ensuite la personne
21 qui a un certain diagnostic dans une situation donnée pour un acte
22 criminel donné, est à prendre en compte.
23 Donc une personne qui fait un vol à main armée prémédité ou qui falsifie
24 des documents ou qui accomplit un acte similaire, quelle que soit
25 l'importance du PTSD, peut être pleinement responsable pénalement. Alors
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1 que si une personne agit dans une situation qui est essentiellement... qui
2 fait qu'il est difficile pour cette personne d'accomplir ses fonctions,
3 alors nous, en tant que psychiatres, nous estimons que cette personne
4 n'est pas pleinement mentalement responsable, ce qui peut atténuer la
5 sentence. Mais une fois de plus, nous ne devons pas oublier quelle était
6 la situation au moment où l'acte a été commis.
7 Mme Mc Murrey (interprétation). - Lorsque vous parlez de ces fonctions
8 essentielles, je crois que la question clé est de savoir si l'individu est
9 à même de contrôler ses actions et de comprendre ses actions au moment
10 même où il commet les crimes dont il se rend l'auteur. C’est de ce type
11 d'éléments dont vous parlez ?
12 M. Goreta (interprétation). - Nous prenons toujours en compte les
13 fonctions intellectuelles et les fonctions liées à la volonté. Dans
14 certains cas, on peut même les réduire ou les exclure, mais parfois il y a
15 des différences. Quelqu'un peut comprendre, concevoir qu’il est en train
16 de commettre un acte illégal qui n'est pas autorisé par la loi mais
17 l'affect, la tension, la colère, la menace sont tels que cette conscience
18 intellectuelle ne permet pas à cette personne de rendre son comportement
19 conforme et cela amène cette personne à commettre un acte avec, donc,
20 cette manière d'agir que nous pouvons donc appeler circonstance
21 atténuante. C'est la manière dont c'est envisagé dans la plupart des
22 systèmes juridiques.
23 Mme Mc Murrey (interprétation). - Dans le cadre des études que vous avez
24 menées sur ces jeunes soldats et sur ces jeunes membres de la police, ces
25 jeunes officiers, pourriez-vous nous dire qui étaient généralement les
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1 victimes ciblées par ces individus ?
2 M. Goreta (interprétation). - Je crois qu'il existe peut-être deux groupes
3 importants parmi les victimes.
4 Premièrement, les victimes qui étaient victimes d'actes criminels
5 perpétrés dans les zones de combat ou à proximité de ces zones, et il
6 s'agit là, dans notre échantillon, essentiellement de ce que nous avons
7 appelé des Serbes... des Serbes douteux comme nous les avons appelés ; il
8 s'agit de personnes dont il était estimé qu'elles étaient soit des
9 collaborateurs de formations serbes militaires, paramilitaires où autres,
10 et qui essayaient peut-être de dissimuler des armes, qui donnaient les
11 positions de l'armée croate qui auraient pu être bombardées ou qui
12 auraient participé d'une quelconque autre façon aux actions de l'ennemi.
13 Ils obtenaient des renseignements sur d'autres personnes, et ces
14 personnes-là étaient traitées comme des membres de forces régulières ou
15 irrégulières.
16 En fait, il s'agissait de ceux qui participaient à des actions de combat
17 et dans ces situations, ce sont eux qui étaient essentiellement les
18 victimes. Souvent, c'étaient également des détenus qui, bien sûr,
19 n'étaient pas dans des prisons régulières : parfois c'était dans des
20 établissements scolaires ou dans d’autres endroits improvisés et là,
21 lorsqu'une telle situation affective intense, liée également aux réactions
22 du PTSD, avait lieu, alors ces personnes étaient les victimes de telles
23 personnes sur les zones de combat et à proximité.
24 Dans les zones où il n'y avait pas d'opérations militaires, par exemple
25 Zagreb, où ces soldats revenaient en week-end ou en permission, là, plus
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1 souvent, c'étaient des victimes civiles, croates, ou d'autres personnes
2 qui n’étaient pas d’appartenance nationale ennemie, mais de manière
3 directe ou indirecte c’était lié à la situation de guerre.
4 Donc on leur disait qu'il n'étaient pas de bons soldats, que leurs motifs
5 pour participer à la guerre n'étaient pas nobles et qu'ils ne
6 participaient pas de manière adéquate à la guerre, qu'ils étaient liés à
7 l'ennemi, etc.
8 Par conséquent, il s'agit de personnes qui étaient narcissiques, qui
9 connaissaient également des problèmes de colère et d'alcool, et souvent il
10 s'agissait de ressortissants croates. Dans un cas extrême, et dans une
11 situation de paranoïa vis-à-vis de l'ennemi sur des lignes nationales, je
12 peux répéter ce que j'ai déjà dit dans l'article, c’est-à-dire que des
13 Hongrois, des Italiens ou des personnes de nationalité neutre ont
14 souffert, car dans une telle situation de paranoïa on pensait que
15 c'étaient peut-être précisément eux ceux qui disaient quelque chose à ces
16 Serbes, ou que c'étaient eux qui peut-être demain allaient attaquer
17 certains d'entre nous.
18 Mme Mc Murrey (interprétation). - Dans votre étude relative aux soldats
19 qui ont commis des crimes au cours de cette période, vous avez pu établir
20 des schémas récurrents qui s'appliquaient à la situation de chacun de ces
21 individus ; je crois qu'il y avait notamment le fait que chacun de ces
22 individus ressentait très violemment la sensation de danger.
23 M. Goreta (interprétation). - Oui, je crois que dans l'introduction que
24 j'ai présentée aujourd'hui, j’en ai donné plusieurs exemples, c'est exact,
25 mais je souhaite dire une fois de plus qu’il existait un danger réel que
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1 vous connaissez tous : par exemple, un exemple très typique d'un danger,
2 d'une menace permanente qui faisait qu'on ne savait jamais quand les pires
3 catastrophes allaient arriver.
4 Eh bien là, vous avez les villes encerclées, c'est-à-dire Sarajevo, des
5 collines avoisinantes ont bombardé des quartiers de Sarajevo à n'importe
6 quel moment et tous les habitants de la ville vivaient avec un sentiment
7 horrible qu'ils pouvaient mourir à n'importe quel moment dans deux heures,
8 dans deux jours. C'était la même chose pour Vukovar, Dubrovnik ou d'autres
9 villes.
10 Voilà un danger réel mais en plus de ce danger réel, il faut ajouter tout
11 ce qu'on peut appeler propagande des médias, mais également les rumeurs,
12 ce qui fait qu'on généralise une attitude de paranoïa vis-à-vis de tous
13 les membres de ceux qu'on appelle les peuples ennemis. Et cela peut être
14 lié à une nation, à une religion, à un parti politique ou à tout autre
15 caractéristique.
16 Par conséquent, quelqu'un qui est lié à ces caractéristiques, il est perçu
17 comme ennemi automatiquement dans une telle circonstance, une telle
18 situation de paranoïa, quelqu'un qui pourrait être menaçant demain. Il y a
19 donc un danger général pour ce qui est de la dimension sociale et
20 psychologique. Il y a un sentiment de danger et le rôle de la propagande
21 des médias est important à cet égard.
22 Par ailleurs, il est vrai que les voisins s'entretuaient. Les frères et
23 soeurs s'entretuaient. Un autre exemple : si, compte tenu d'une expérience
24 qui nous est propre dans l'armée croate, s'il y avait un Albanais ou un
25 Serbe dans l'armée croate, il aurait dû prouver sa loyauté de manière
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1 six fois plus importantes. Et une fois de plus, à ce moment-là, il aurait
2 été plus courageux. Il aurait été un soldat qui se serait battu dans des
3 situations plus risquées, qui aurait déployé des actions utiles.
4 Voilà j'essaye de vous prouver à quel point tous ces mécanismes étaient en
5 jeu et comment une situation individuelle était liée en permanence à une
6 situation plus générale en termes de psychopathologie.
7 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Le deuxième facteur récurrent que vous
8 avez pu identifier dans le cadre de votre étude est le facteur de l'ennemi
9 non-identifié. Nous en avons déjà parlé. Il y a un troisième élément
10 récurrent qui est celui de la disparition de l'effondrement d'un Etat
11 reposant sur la notion de droit et d'Etat de droit. Du fait de cette
12 disparition d'Etat, ils ressentent le besoin de punir les personnes qui en
13 sont responsables. Pourriez-vous élaborer un peu sur ce point ?
14 Dr. Goreta (interprétation). - Il s'agit d'une situation que nous
15 connaissons et les institutions en dehors du territoire de
16 l'ex-Yougoslavie ont montré que bien des pourparlers pendant la guerre...
17 Enfin, il y a eu un éclatement de l'Etat de droit et de toute forme
18 d'organisation politique et sociale, y compris de la structure de l'armée
19 que vous avez certainement pu voir au cours de la procédure. Cette
20 structure hiérarchique, cette organisation ne fonctionnait pas et donc,
21 énormément d'unités sont devenues des unités limitées qui répondaient
22 uniquement à leur commandant ou leur chef. Mais ce qui qu'on compte, c'est
23 que les gens avaient le sentiment que personne ne pouvait les protéger,
24 qu'ils ne pouvaient se plaindre à personne, qu'ils ne pouvaient dénoncer
25 personne.
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1 Par conséquent, ils se sont concentrés sur eux-mêmes, sur leur étroit
2 cercle d'amis, et peut-être sur une unité, une petite formation militaire
3 où ils étaient actifs. Lorsqu'ils arrivaient à une situation où l'ennemi
4 pouvait être détenu, arrêté et qu'ils pouvaient être envoyés en prison et
5 être jugés, alors, pour eux il s'agissait certainement d'une illusion de
6 quelque chose qui n'allait jamais se produire, surtout parce que tous les
7 jours ils pouvaient lire qu'il y avait échange de prisonnier entre l'une
8 et l'autre partie.
9 Parmi ces échanges de prisonniers il y avait des personnes dont ils
10 croyaient savoir qu'il s'agissait de criminels de guerre. Dans une
11 situation aussi chaotique, ils ont dans leur surmoi et dans leur notion de
12 la justice, dans la partie de notre inconscient qui s'occupe de ces
13 questions-là, ils ont estimé qu'ils pouvaient, sans procédure légale
14 juridique, juger ces personnes. Ils avaient même l'impression de faire le
15 bien de leur entourage, et de l'Etat également qui était paralysé car il
16 ne pouvait juger ces personnes.
17 Nous devons, bien sûr, prendre en compte les mécanismes rationnels et
18 irrationnels qui sont au sein de chacun d'entre nous, qui répondent sur le
19 principe que tout crime doit être puni. Je m'en tiendrai peut-être là car
20 il s'agit là d'un problème complexe.
21 Mme Mc Murrey (interprétation). - Le quatrième élément récurrent que vous
22 avez pu identifier parmi les sujets au centre de l'étude, a été défini
23 comme un transfert de l’agression ; pourriez-vous expliquer ce terme
24 " transfert de l’agression " aux Juges, s’il vous plaît ?
25 M. Goreta (interprétation). - Il s'agit d'un mécanisme qui est tout à fait
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1 général et à partir du moment où vous ne pouvez pas répondre à
2 l’agression, vous ne pouvez donc pas punir l'auteur de l'agression, vues
3 les circonstances dans lesquelles ça s’est passé, cette agression va donc
4 être transmise sur quelqu’un d’autre, sur celui qui n’est pas menaçant
5 pour nous-mêmes.
6 Par conséquent, nous pouvons transmettre cette agression sur quelqu'un,
7 concrètement il y avait également des cas de PTSD ; à partir du moment où
8 un soldat avait subi un traumatisme, par exemple le meurtre ou
9 l’assassinat de ses camarades de guerre ou bien de sa famille, ou bien la
10 destruction de sa maison, de sa propriété, etc.
11 Par conséquent, au moment où il avait tout simplement compris qu'il ne
12 pouvait pas répondre, riposter directement vis-à-vis de telle destruction,
13 de tel meurtre ou de tel assassinat, vous avez des mécanismes qui se
14 déclenchent, c’est une agression affective, elle est transmise sur ce que
15 j'ai dit, sur quelqu'un d'autre qui, d'une façon ou d'une autre, a un lien
16 avec ce qui s'est passé.
17 Dans ce cas-là, par conséquent, il arrive qu'on procède à un meurtre vis-
18 à-vis de son voisin, ou bien qu’on porte gravement atteinte à une personne
19 emprisonnée : c’est le mécanisme de transfert de l'agression.
20 Mme Mc Murrey (interprétation). - Professeur Goreta, vous avez lu, je
21 crois, les rapports établis par les experts en santé mentale qui ont
22 comparu précédemment devant cette Chambre. Vous avez consulté la plupart
23 des documents relatifs à ces rapports, qui ont été présentés dans cette
24 affaire.
25 Vous rappelez-vous un certain nombre d'incidents, et notamment la
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1 déposition de M. Landzo devant cette Chambre ? Il y a eu notamment un
2 incident qui impliquait un homme d'un certain âge, un certain
3 Bosco Jukunovic* ; pourriez-vous prendre cet exemple pour illustrer cette
4 idée de transfert d'agression ? Je crois que vous nous avez dit que
5 c’était un exemple qui pouvait être utile dans ce cadre, n’est-ce pas ?
6 M. Goreta (interprétation). - Sur la base des informations que vous
7 avancez et qui me sont connues, je pense effectivement que ce cas-là
8 pourrait être interprété de la manière dont j’ai interprété tout à
9 l’heure, en général, les cas qui arrivaient.
10 Mme Mc Murrey (interprétation). - Y a-t-il eu commission d'un acte brutal,
11 acte dont M. Landzo a été le témoin oculaire ? Cet acte a été commis à
12 Repovci* et lorsqu’il est revenu à Celebici, n'y a-t-il pas eu justement
13 transfert d'agression par rapport à ce qu'il avait vu ?
14 M. Goreta (interprétation). - Je connais, parce que j’ai lu les comptes
15 rendus du procès, mais j'ai également lu les résultats des recherches d'un
16 certain nombre de psychiatres et des communications que j'ai eues avec
17 Landzo. Il y avait le meurtre et l’assassinat de neuf personnes à peu
18 près, qui ont précédé ce qu'il avait fait, il y avait un certain nombre de
19 ceux qu'il connaissait bien, même un de ses voisins qui a été massacré
20 devant lui, peut-être plusieurs personnes ; ce sont les informations que
21 j'ai entendues de la part de Landzo et de telles informations étaient
22 analysées pour le diagnostic du PTSD ; il s’agissait par conséquent d'une
23 expérience menaçante jusqu'à l'extrême, il s'agissait de personnes qui
24 étaient très proches de l'individu, de l'accusé, par conséquent c'est la
25 raison d'une réaction qui était la sienne.
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1 Une fois de plus, nous revenons donc à une situation qui était la première
2 situation, c'était le stress, la situation de trouble, de stress post-
3 traumatique, mais il y a également d’autres situations dans lesquelles
4 nous avons des personnes qui ont passé beaucoup de temps sur les champs de
5 bataille.
6 Par conséquent, vous avez une accumulation d’un traumatisme sur l’autre,
7 et à ce moment-là des réactions beaucoup plus intenses qui déclenchent un
8 certain nombre de fonctions psychologiques et psychopathologiques.
9 En ce qui concerne M. Landzo, on parle aussi d'un certain nombre de
10 traumatismes qui ont eu lieu précédemment, notamment la confrontation avec
11 un certain nombre de brutalités dans un camp qui, à cette époque là, était
12 géré par HOS, une formation croate.
13 Mme Mc Murrey (interprétation). - Bien. Il me semble que vous avez
14 également identifié un cinquième facteur récurrent parmi les sujets de
15 votre étude. Il s'agissait de quelque chose qui avait à voir avec la
16 relation qui existe entre l'auteur de l’acte et la victime de l'acte.
17 C’est autour de cette relation très particulière qu'un élément récurrent
18 apparaît chez tous les individus. Pouvez-vous parler sur ce point ?
19 M. Goreta (interprétation). - Je peux, bien évidemment, c’est même
20 extrêmement important de souligner ce lien, et c'était notamment très
21 important au moment où toute autre relation avec un état de droit était
22 inexistante. Là, ici, le commandant peut être, je le dis de manière
23 symbolique, en quelque sorte Dieu pour ce soldat, c'était la loi, même
24 pour lui, et ce surmoi est transféré sur le commandant.
25 Par conséquent, le commandant sait ce qui est bien, ce qui est mal,
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1 comment faut-il se comporter dans des situations concrètes, j'en ai parlé
2 tout à l'heure. Par conséquent, l'ennemi va nous détruire nos foyers,
3 notre tradition, la culture, la confession, etc, et le commandant, dans de
4 telles situations avait un impact émotionnel et moral beaucoup plus
5 important que cela n'aurait été le cas dans des situations régulières,
6 dans des armées régulières.
7 Cela, en d'autres termes, voulait dire que n'importe quel ordre était
8 exécuté sans aucune attitude critique, sans valorisation, et là, je parle
9 de ma propre expérience au cours de contacts, d'analyses et d'expertises
10 d'un certain nombre de sujets. Ils écoutaient les ordres, ils avaient même
11 besoin de deviner ce que le commandant éventuellement avait l'intention de
12 dire, de leur demander, ils n'avaient pas osé leur dire pour des raisons
13 politiques, des pressions politiques, les circonstances générales dans
14 lesquelles la guerre a été menée.
15 Le commandant était quelqu'un sur lequel on transférait les valeurs
16 morales et éthiques, on transfère également la responsabilité, c'est le
17 commandant qui transfère la responsabilité également sur le sujet.
18 Par conséquent, s'il l'avait ordonné, il faut absolument que je l'exécute,
19 je parle bien évidemment d'un ordre général, mais ce transfert ne se
20 faisait pas automatiquement. Il y avait de tels cas, il y avait de telles
21 relations entre le commandant et l'exécutant.
22 Par exemple, lors de l'expertise, il y avait un certain nombre de soldats
23 qui nous disaient que les commandants les avaient trahis, qu'ils avaient
24 obéi leur ordre, mais au moment où le processus pénal a été enclenché, les
25 commandants disaient qu'ils n'étaient pas au courant, qu'ils ne savaient
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1 absolument pas ce qu'il fallait exécuter. C'était, en quelque sorte, le
2 sentiment de trahison que la personne avait senti en elle-même, et c'est
3 un mécanisme de communication qui a été mis en cause entre le soldat et le
4 commandant.
5 Maintenant, c'est un individu qui est dégradé, qui est mis à l'écart, et
6 c'est la raison pour laquelle l'individu qui avait commis le crime est
7 devenu dépressif. Ces soldats même tiraient sur le commandant, parce
8 qu'ils les ont déçus dans cette projection idéalisée, car il y avait cette
9 relation dont on a parlé tout à l'heure.
10 Mme McMurrey (interprétation). - Ce rôle très important que jouait le
11 commandant dans une telle situation était d'autant plus important qu'il
12 était joué dans ce vase clos qu'était le camp de Celebici, n'est-ce pas ?
13 M. Goreta (interprétation). - Je ne peux pas parler de manière tout à fait
14 concrète de Celebici, mais je peux interpréter un certain nombre de
15 données qui sont des données générales. Je peux parler des camps de
16 détention, des camps qui sont des institutions en quelque sorte
17 totalitaires, où il y a un contrôle organisé jusqu'au maximum, et, où, les
18 commandants dirigent tout et gèrent ces camps.
19 Dans de tels genres d'institutions, il y avait des cas, des cas très
20 brutaux qui ont été constatés vis-à-vis des prisonniers, mais de telles
21 situations pouvaient également se produire vis-à-vis de celui qui n'avait
22 pas obéi aux ordres. Je peux dire que dans le camp de ce genre-là, nous
23 avons constaté des mécanismes dont on a parlé, qui étaient très intenses,
24 car il n'y avait pas cet esprit critique individuel, et les commandants
25 donnaient les ordres, et cette dimension était une dimension extrêmement
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1 importante parce qu'il n'y a pas lieu de débattre un ordre.
2 Mme McMurrey (interprétation). - Il y a un sixième facteur récurrent que
3 vous avez identifié parmi les personnes qui ont commis des crimes pendant
4 cette période de temps, c'était le facteur de l'accès aux armes, quelque
5 chose qui ne prévalait pas avant le conflit, n'est-ce pas ?
6 M. Goreta (interprétation). - Oui, ce fut un problème très grand qui se
7 maintient encore, parce qu'il y a des régions où maintenant il n'y a plus
8 de guerre, mais à titre d'illustration, je vous dirais que ces derniers
9 temps, mêmes lors des disputes au niveau d'un ménage, il y avait au lieu
10 de résoudre le problème d'une autre façon, maintenant on a recours à
11 l'arme, car maintenant, effectivement, l'accès à l'arme est beaucoup plus
12 facile, et les armes sont également disponibles.
13 A l'époque où les casernes de la JNA ont été prises, les armes ont été
14 prises par les gens, il n'y avait aucun contrôle, aucune surveillance. Des
15 civils avaient accès à l'arme beaucoup plus facilement.
16 Du point de vue psychologique, ce qui est très important, c'est que les
17 personnes qui à certains moments ont des problèmes, des problèmes
18 d'identité, des problèmes de se maîtriser, de maîtriser son agression ou
19 le narcissisme, qui ont d'autres troubles, qui présentent d'autres
20 troubles psychiques, pour eux, les armes sont justement un outil pour
21 maîtriser ce qu'ils n'ont pas pu maîtriser auparavant ; c'est pour
22 retrouver le sentiment d'assurance, de maîtriser leur propre sentiment,
23 c'est la raison pour laquelle ces personnes sont motivées à s'emparer des
24 armes ou à participer dans des formations où ils pourraient utiliser les
25 armes et montrer également cette force. C'est un phénomène universel,
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1 c'est un phénomène auquel nous avons fait face également chez les hommes
2 qui n'étaient pas sûrs d'eux-mêmes, qui avaient d'autres troubles
3 également.
4 Mme Mc Murrey (interprétation). - Pourriez-vous expliquer aux Juges sur
5 quel document vous vous êtes appuyé, quels documents vous avez consultés
6 avant de rencontrer M. Landzo ?
7 M. Goreta (interprétation). - Avant de rencontrer M. Landzo, j'avais
8 examiné les documents, les documents du procès -vous allez pouvoir
9 probablement donner plus de précisions à ce sujet-, je pense que cela se
10 réfère au mois de juin de cette année, mais également d'autres documents.
11 J'ai passé en revue un certain nombre de documents également ou des
12 expertises des psychiatres, des psychologues qui ont été cités devant la
13 Chambre dans le cadre de cette affaire, mais je n'ai pas eu beaucoup de
14 temps parce qu'il s'agit de documents qui sont très divers, il y en a
15 beaucoup, j'ai quand même passé en revue ces documents en une seule fois,
16 et s'il le faut je peux bien évidemment interpréter un certain nombre de
17 points.
18 Mme Mc Murrey (interprétation). - Et vous avez notamment consulté les avis
19 émis par les autres experts. Est-ce que vous êtes d'avis que leurs avis se
20 fondaient sur une étude très complète -je parle de façon générale-,
21 était-ce une évaluation complète et équilibrée de l'état de M. Landzo ?
22 Dr. Goreta (interprétation). - Je ne pense pas que je sois dans une
23 situation confortable pour parler de la qualité de ces expertises. Je ne
24 voudrais pas qu'on me fasse objection d'autant plus que j'ai pu les voir
25 seulement depuis dix jours.
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1 Par la suite, j'ai contacté M. Landzo pendant trois heures et demie, alors
2 que d'autres experts avaient l'occasion de passer beaucoup plus de temps
3 avec M. Landzo et de faire une expertise, une évaluation selon un type
4 classique.
5 Par conséquent, je n'ai pas fait véritablement une expertise complète,
6 comme ceci est normalement le cas, quand il s'agit d'autres sujets que
7 j'ai expertisés à Zagreb. Ici, ce n'était pas l'objectif non plus. On
8 m'avait tout simplement appelé pour m'intégrer dans ce processus, pour
9 donner un peu plus d'explications et notamment sous l'aspect de ce
10 traumatisme psychique et dans le cadre de la psychothérapie légale.
11 Par conséquent, avec tout le respect vis-à-vis d'autres experts, je me
12 dois de vous dire que ces expertises ont été faites de manière correcte.
13 Il y a des documents qui diffèrent l'un de l'autre et le volume de ces
14 documents également diffère. Ce que l'on peut dire c'est que tous les
15 experts étaient explicites au sujet d'un trouble soi-disant mental,
16 pathologique chez M. Landzo. C'est un premier point.
17 Deuxièmement, personne n'a dit que M. Landzo présentait un trouble
18 psychologique qui, éventuellement, aurait été la conséquence d'une
19 présence de tumeur ou des lésions différentes.
20 Troisièmement, tout le monde était d'accord que M. Landzo n'était pas
21 dépendant de drogue ou d'alcool, même s'il y avait une mention que pendant
22 une certaine période, il avait consommé éventuellement un peu plus
23 d'alcool ou de manière beaucoup plus fréquente et qu'éventuellement il
24 avait pris à Kinetone* ce qui était assez fréquent sans que de tel
25 comportement ne soit pas traité comme dépendant. Ensuite, tout le monde
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1 était d'accord, également, que chez ...
2 M. Jan (interprétation). - Nous sortons un peu du cadre des questions qui
3 nous préoccupent essentiellement.
4 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Monsieur le Juge, je crois qu'il va
5 falloir que je pose des questions complémentaires à celles que je viens de
6 poser. Je crois qu'il parlait d'un problème d'origine physique.
7 M. Jan (interprétation). - Il parle de la normalité de...
8 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Oui, il parle d'une maladie mentale. Je
9 crois qu'il y a une maladie mentale, une pathologie mentale et il y a
10 également des problèmes d'ordre physique qui se posent comme, par exemple,
11 un défaut physique qui se serait produit à la naissance. Je crois qu'il y
12 a eu confusion des termes.
13 Mme Mc Henry (interprétation). - Je m'oppose au fait que Me Mc Murrey dise
14 que le témoin est en train de confondre tel ou tel problème. Je crois que
15 le témoin sait parfaitement ce qu'il est en train de dire.
16 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Très bien, très bien, mais nous sommes
17 ici dans le cadre de la détermination de la sentence. Nous ne parlons pas
18 de la question de l'innocence ou de la culpabilité. Je crois qu'il faut
19 permettre au témoin de s'exprimer.
20 M. Jan (interprétation). - Voyons d'abord dans quelle mesure ceci a trait
21 au chef d'accusation d'homicide. Voyons également dans quelle mesure ces
22 éléments de preuve peuvent nous permettre de prolonger ou de diminuer la
23 peine qui sera prononcée contre l'accusé
24 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, oui,
25 Monsieur le Juge. Je vais essayer d'éclaircir ce point par quelques
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1 questions complémentaires. Je souhaitais également demander le versement
2 au dossier de son rapport mais je voudrais d'abord poser quelques
3 questions.
4 Vous avez dit qu'au vu des avis des autres experts vous avez conclu qu'il
5 n'avait pas établi l'existence d'une maladie physique ou mentale, mais
6 vous-même en tant que psychiatre légal, vous considérez qu'un trouble de
7 la personnalité associé à un PDST pourrait être considéré comme une
8 maladie mentale et pas seulement comme un trouble physique
9 Mme Mc Henry (interprétation). - Objection, Monsieur le Juge.
10 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Monsieur le Président, j'essaye
11 simplement d'éclaircir les questions précédentes. Effectivement, je pose
12 une question qui peut être considérée comme tendancieuse mais c'est parce
13 qu'elle me semble utile d'éclaircir dans le but de ce qui a déjà été dit.
14 M. le Président (interprétation) - Le témoin est en train de vous dire ce
15 que, lui, pense. Ce n'est pas à vous de lui mettre des mots dans la
16 bouche.
17 Mme. Mc Murrey (interprétation). - J'essaye simplement de faire en sorte
18 que la position du témoin soit claire pour tous. Suis-je si profane que
19 cela en matière psychiatrique. J'ai dit tellement dans le cadre de ce
20 procès
21 M. le Président (interprétation) - (Ce que dit le président est
22 inaudible).
23 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Je plaisantais, Monsieur le Président.
24 Je demande simplement au témoin de nous confirmer qu'il s'agit bien là de
25 son avis à lui.
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1 M. le Président (interprétation) - Maître Mc Henry, vous souhaitez-vous
2 intervenir ?
3 Mme Mc Henry (interprétation). - Je ne crois pas que se soit nécessaire.
4 M. Jan (interprétation). - Oui, nous parlons une fois encore de cette
5 question tendancieuse... (Le reste de l'intervention est inaudible).
6 Mme Mc Henry (interprétation). - Je serais d'habitude d'accord avec vous,
7 Monsieur le Juge. D'habitude nous ne réagissons pas toujours à des
8 questions que nous considérons comme tendancieuses mais, en l'occurrence,
9 il nous faut faire objection. La question n'est pas correctement formulée.
10 M. le Président (interprétation) - Laissez le soin au témoin de répondre à
11 la question. Il a le droit de répondre à toutes les questions qui lui sont
12 posées
13 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Vous souhaitez que je vous la repose ou
14 vous vous en souvenez suffisamment bien ?
15 Dr. Goreta (interprétation). - Ce n'est pas indispensable. Je voulais
16 tout simplement dire qu'il faut faire la distinction entre la maladie et
17 un trouble. On en a parlé de façon très détaillée devant cette Chambre.
18 Par conséquent, je ne peux pas abuser de votre temps pour répéter ce qui a
19 déjà été dit. Ce que je veux dire c'est que la mentalité, la maladie, par
20 conséquent, c'est la schizophrénie, la dépression maniaque, dépression ou
21 bien le délire alcoolique. Ce sont les lésions graves, psychiques avec une
22 altération du comportement et, si vous voulez, une rupture avec la
23 réalité. C'est cela la maladie. Tout le reste ce sont les troubles. Il
24 s'agit des troubles, effectivement, mentaux et nous parlons dans le cas
25 concret de trouble de la personnalité.
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1 En d'autres termes, et je l'ai dit, tout à l'heure, tous les diagnostics
2 qui n'ont pas été acceptés par les experts ne sont pas acceptés par moi-
3 même non plus, mais je veux dire que la majorité a quand même accepté le
4 fait qu'il s'agit des troubles de la personnalité combinée, et, ceci a
5 trait avec une classification qui est connue dans l'expertise médicale. Il
6 s'agit des troubles de la personnalité, d'un certain nombre de troubles
7 très dominants.
8 On a parlé de dépendance, de trouble de dépendance limite schizoïdale,
9 également d’un comportement asocial, il y a d’autres troubles également
10 qu’il présente.
11 L’analyse de l’ensemble de ce document et mon impression clinique
12 également lors de cet entretien qui a été unique mais assez long, vont
13 dans la direction de l’évaluation du trouble de personnalité, de
14 dépendance ; toujours est-il que je suis d'accord pour dire qu’il s’agit
15 d’une combinaison d'un certain nombre de troubles et c'est la raison pour
16 laquelle, dans mon compte rendu très bref, j'ai également parlé d'un autre
17 problème, de crise d'identité, de manque d’assurance qui dans le cadre de
18 la classification peut être trouvé.
19 En un certain nombre d'endroits, j'ai oublié de le dire tout à l'heure,
20 c’est important également quand il s'agit d'un comportement narcissique,
21 quand il s'agit également de " border line ", de ce trouble limite et
22 schizoïdal également.
23 Donc le problème d'identité qui a été analysé de manière très détaillée
24 dans une série d'expertises, et pour des laïques c'est moins connu, des
25 situations d’un soi-même faux où il n'a pas véritablement construit sa
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1 propre personnalité, où il prend en partie ou en totalité l’identité
2 d’autres personnes et exige toujours des personnes sur lesquelles il va
3 prendre modèle.
4 Et en troisième lieu, dans mon compte rendu, il y a également toute cette
5 attitude narcissique qui peut ne pas être associée directement à un
6 comportement, mais il y a plusieurs catégories qui sont en cause, et dans
7 la catégorie de ce comportement narcissique, bien évidemment on le
8 retrouve, mais aussi dans le comportement schizoïdal et dans le
9 comportement asocial.
10 Par conséquent, je suis plutôt du côté de ceux qui considèrent qu’il y a
11 des troubles de dépendance qui sont au premier plan, mais qu'il y a
12 d'autres composantes, d'autres éléments qui ont complété le diagnostic
13 fondamental et qui ont également déterminé l'ensemble du comportement de
14 M. Landzo et de son curriculum vitae, et qui se rapportent à la période
15 qui a précédé la guerre et à la période de la guerre.
16 Un deuxième diagnostic également, dont on a beaucoup parlé, c’est le PTSD.
17 Une fois plus, à partir de cette perspective, que ce soit moi-même qui
18 analyse tous les critères serait fort difficile parce qu’il y a six ou
19 sept ans qui se sont écoulés ; en analysant tous les documents, en me
20 référant également à d'autres analyses faites par d'autres experts, il y a
21 un certain nombre de divergences et notamment au moment où il fallait
22 conclure, quand il avait présenté le PTSD. Quelle était l'intensité des
23 symptômes, y avait-il une corrélation au niveau de la psychiatrie légale,
24 était-ce le résultat du PTSD ou bien était-ce le résultat d'autres
25 éléments ?
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1 Personnellement, je suis prêt à conclure qu'il y avait de tels troubles
2 chez M. Landzo et à de nombreuses reprises il y avait donc des éléments
3 qui nous conduisent à porter un tel diagnostic, il y avait également les
4 psychologues qui organisaient un certain nombre de tests... Excusez-moi,
5 je ne sais pas si je vous ai donné les réponses, si je parle dans le
6 micro...
7 Mme Mc Murrey (interprétation). - Professeur Goreta, il y a encore une
8 question que je souhaiterais vous poser. De façon synthétique, vous venez
9 de nous répondre par l'affirmative : il y avait trouble de la
10 personnalité, il avait une personnalité dépendante prééminente et il y a
11 d’autres troubles dont il souffre et que vous avez identifiés. Et tout
12 ceci a été associé également au syndrome de troubles de post-traumatiques
13 dont il souffre ; mais d'après vous et dans le cadre des définitions que
14 nous étudions en ce moment, pouvons-nous parler de maladie mentale ? Ou
15 d'anormalité du comportement mental ?
16 M. le Président (interprétation). - Je ne vois absolument pas la
17 pertinence de cette question ; dans quel cadre ceci entre-t-il dans la
18 question des circonstances atténuantes ? Poursuivez, s'il vous plaît.
19 Mme Mc Murrey (interprétation). - Bien. Vous avez écrit un rapport, suite
20 à votre entretien avec M. Landzo ; avec l’aide de l’huissier j'aimerais
21 que ce rapport soit passé aux différents intervenants. Monsieur, vous
22 avez, je crois, rédigé ce rapport suite à l’entretien que vous avez eu, le
23 rapport a été rédigé le 9 octobre dernier, n’est-ce pas ?
24 M. Goreta (interprétation). - Oui.
25 Mme Mc Murrey (interprétation). - Et vous pensez que ce rapport fait
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1 fidèlement état de l’avis que vous vous êtes formé après avoir eu cet
2 entretien avec M. Landzo, n’est-ce pas ? Et après avoir consulté les
3 différents documents que vous avez étudiés ?
4 M. Goreta (interprétation). - Oui. Excusez-moi, je me suis arrêté parce
5 que je pensais qu'on ne m'entendait plus, parce que je parlais hors micro.
6 Par conséquent, je n'ai pas dit que, en ce qui me concerne, je considère
7 que, pour ce qui est du PTSD, actuellement il n'y a aucun signe clinique
8 de ce trouble. Ceci ne veut pas dire que de tels troubles ne pourraient
9 pas se répéter, si jamais il y avait une situation dans laquelle on
10 pouvait parler d'un nouveau traumatisme qui aurait mis en actualité son
11 comportement. Voilà ce que je voulais dire.
12 Ensuite, en ce qui concerne les explications qui vous manquent au sujet
13 des maladies, non-maladies, etc, je vous ai donné un certain nombre
14 d'exemples. Je répète, une fois de plus, que M. Landzo ne présente pas un
15 trouble de maladie mentale, mais il a un trouble mental. C'est un trouble
16 psychique dont j'ai parlé, donc c'est le trouble de la personnalité, mais
17 ce n'est pas une maladie.
18 M. le Président (interprétation). - Excusez-moi d'interrompre mais, tout
19 de même, Monsieur, je ne suis pas sûr que Me Mc Murrey vous ait expliqué
20 pourquoi elle vous citait à comparaître.
21 Tous les éléments d'information que vous venez de nous donner à propos de
22 l'état mental de l'accusé ont déjà été fournis dans le cadre des autres
23 témoignages faits dans ce procès.
24 Dans le cadre de cette audience, nous vous demandons simplement de nous
25 fournir des éléments de preuve qui permettraient peut-être d'établir
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1 l'existence de circonstances atténuantes. L'état mental de M. Landzo ne
2 nous intéresse pas, ou plus directement, et tous les éléments qui y sont
3 liés de près ou de loin ne nous intéressent pas directement non plus.
4 C'est dans ce cadre très précis que vous avez été cité à comparaître.
5 Je ne crois pas que nous allons permettre que vous poursuiviez dans la
6 même veine. Nous en avons suffisamment entendu ce matin. Je crois que si
7 nous poursuivions, cela n'aurait aucune utilité.
8 Mme Mc Murrey (interprétation). - Monsieur le Président, la responsabilité
9 mentale atténuée est au centre de la question de la détermination de la
10 sentence pour cet accusé. Pour ce qui est des éléments de preuve
11 permettant la détermination de l'innocence ou de la culpabilité, la
12 Chambre a suffisamment d'éléments de preuve. Mais pour ce qui est de la
13 détermination de la sentence, tout cela est encore pertinent. Et tout ce
14 qui a trait aux capacités mentales de M. Landzo est également parfaitement
15 pertinent.
16 Ici, nous parlons de circonstances atténuantes et de détermination de la
17 sentence. Précédemment, nous parlions d'une stratégie de défense
18 particulière. Je crois que cela est pertinent dans les deux cas de figure.
19 M. le Président (interprétation). - Je crois que vous n'avez pas compris
20 ce que j'ai dit. Nous n'allons pas revenir sur ce qui a déjà pu être fait
21 ou dit. C'est ce que j'ai dit. C'est assez clair, il me semble. C'est
22 suffisamment clair pour qu'une personne d'intelligence moyenne le
23 comprenne.
24 Mme Mc Murrey (interprétation). - Professeur Goreta, c'est bien vous qui
25 êtes l'auteur de ce rapport, rapport qui fait état de votre avis sur
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1 l'état mental de M. Landzo à l'heure actuelle, n'est-ce pas ?
2 M. Goreta (interprétation). Oui.
3 Mme Mc Murrey (interprétation). - Vous avez rencontré M. Landzo le
4 jeudi 8 octobre, je crois. C'est en fait le jour de votre arrivée à
5 La Haye. C'est bien cela ?
6 M. Goreta (interprétation). Oui.
7 Mme Mc Murrey (interprétation). - Pourriez-vous nous décrire la nature de
8 votre entretien avec M. Landzo et l'atmosphère de cet entretien ?
9 M. Goreta (interprétation). - En ce qui concerne ma rencontre, comme je
10 l'ai dit, elle a duré trois heures et demi. Nous avons parlé de la
11 situation dans laquelle il s'est trouvé et dont je savais qu'il fallait
12 parler devant cette Chambre. J'ai eu des instructions, comme quoi il
13 fallait me concentrer sur ces points-là. Ma rencontre a compris tout ce
14 que j'ai lu auparavant. Je supposais qu'il y aurait une seule rencontre et
15 je me suis concentré sur tout ce qui devait être l'affirmation ou la
16 négation de ce qui était déjà une conclusion dans les documents.
17 Comme je l'ai précisé dans mon compte rendu très bref, il a été très
18 ouvert, disposé à la coopération dans un état où il pouvait me donner des
19 informations de très grande qualité, notamment dans la situation actuelle.
20 Je n'ai pas pu, bien évidemment, demander qu'il reconstruise la situation
21 précédente, il y avait l'amnésie. Il présentait des détails dont il se
22 souvenait, mais il a parlé de tout ce qui se passait actuellement, c'est
23 ce qui m'intéressait, après tout.
24 Mme Mc Murrey (interprétation). - Revenons maintenant sur le rapport du
25 professeur Van Luen et sur son témoignage. Il s'est penché sur cette
Page 14962
1 vulnérabilité de M. Landzo, c'est ainsi qu'il l'a décrit. Pouvez-vous nous
2 dire comment cela s'inscrit dans le diagnostic que vous avez établi sur
3 son trouble de la personnalité ?
4 M. Goreta (interprétation). - J'ai posé plusieurs questions à ce sujet et
5 je me dois de vous dire que rentrent dans le cadre de la personnalité ce
6 qu'on appelle des éléments narcissiques. Ce qui est caractéristique pour
7 ce trouble narcissique, dans le cadre de ce diagnostic ou dans le cadre
8 d'autres diagnostics, c'est que la problématique narcissique est très
9 présente. Il s'agit de personnes qui sont très vulnérables, notamment si
10 on remet en question quelque chose qui touche à leur valeur personnelle, à
11 leur propre respect, ou si on remet en question un certain nombre de
12 qualités et leur propre personnalité.
13 Dans ce cas, il s'agit de personnes qui réagissent de façon assez intense
14 et brutale, ce qui, pour quelqu'un qui est un observateur neutre, peut ne
15 pas correspondre. La cause à effet, c'est cette relation-là.
16 Par conséquent, la personne narcissique est très vulnérable et, pour elle,
17 si vous touchez à ce qui est son défaut, à une blessure narcissique, cela
18 peut reproduire une réaction destructrice. Dans la littérature, on définit
19 cela comme une colère narcissique.
20 Mme Mc Murrey (interprétation). - Puisque nous en sommes là,
21 Professeur Goreta, M. Landzo ne semble pas présenter les caractéristiques
22 d'une personnalité sadique, n'est-ce pas ?
23 M. Goreta (interprétation). En ce qui concerne le diagnostic d'un
24 comportement sadique, je ne pourrais pas en parler, d'autant plus que dans
25 la classification américaine et européenne, de telles classifications
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1 n'existent pas. Ce que je peux dire, en revanche, c'est que, en ce qui
2 concerne M. Landzo, indépendamment de ce diagnostic, s'il existe ou non
3 quelque chose qu'on pourrait appeler une structure sadique ou quelques
4 caractéristiques prédominantes, moi-même, je n'ai pas pu trouver chez
5 M. Landzo de tels traits sadiques. Je n'ai pas pu reconnaître de tels
6 traits au cours de mon entretien, je n'ai pas pu voir non plus que
7 d'autres psychiatres ou psychologues qui ont présenté le diagnostic ont
8 trouvé de tel genre de comportement.
9 Mme Mc Murrey (interprétation). - Professeur Goreta, vous n'avez pas non
10 plus remarqué que M. Landzo manifestait un comportement asocial ou
11 antisocial, n'est-ce pas ?
12 M. Goreta (interprétation). - Monsieur Landzo -et cela paraît tout à fait
13 clair, cela ressort de l'acte d'accusation- a démontré un certain nombre
14 de comportements agressifs, mais de telles réactions vues dans l'ensemble
15 de son comportement, de son curriculum vitae, de la situation dans
16 laquelle il s'est trouvé, ne suffisent pas pour porter un diagnostic pour
17 parler d'un comportement asocial, étant donné que ce trouble présente des
18 éléments qui sont des éléments continus et d'un comportement continu
19 asocial.
20 De tels genres de réactions ne sont pas remarqués chez M. Landzo, étant
21 donné que lui avait réagi de la manière, quand il s'agissait d'une
22 situation conflictuelle, concrète. Donc, en dehors du camp, nous n'avons
23 pas pu remarquer qu'il avait présenté de tels comportements. Donc, pour
24 lui, cela avait trait à un comportement qu'il présentait dans le cadre du
25 camp, c'est la raison pour laquelle, par conséquent, nous ne pouvons pas
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1 dire que la structure de sa personnalité ne correspondait pas à de tels
2 diagnostics. Et je répète une fois de plus qu'il a une structure de la
3 personnalité tout à fait spécifique, qui a un impact qui est tout à fait
4 précis également.
5 Je pense que la Chambre souhaite entendre jusqu'à quel point cette
6 structure de la personnalité était en corrélation avec son sentiment de
7 responsabilité, car, au moment où vous êtes en présence d'un comportement
8 asocial, il y a un autre argument qui, justement, irait à l'encontre de ce
9 diagnostic, dans le cadre de M. Landzo : c'est que souvent de telles
10 personnes épousent un tel comportement vis-à-vis des gardiens, ils sont
11 également capables d'avaler un certain nombre de cachets ou d'éléments
12 métalliques, etc.
13 Donc, ils sont toujours en présence de tels comportements, ce qui n'est
14 pas le cas du tout chez M. Landzo, tout au moins ce que j'ai pu constater.
15 J'ai entendu également, et j'ai pu lire les documents qui ont été préparés
16 par les experts médicaux, au contraire, je pense que M. Landzo se présente
17 comme quelqu'un qui a épousé un comportement tout à fait spécifique dans
18 une situation spécifique et dans des circonstances d'un camp de détention.
19 Mme Mc Murrey (interprétation). - Par asocial, dans le cadre du critère
20 ICD X, donc dans ce cadre très précis, est-ce que le terme dyssocial
21 correspond-il au terme antisocial et à trouble de la personnalité
22 antisociale qu'on trouve dans le critère DSM IV ?
23 M. Goreta (interprétation). - Vous savez, sur le plan du diagnostic, on
24 parle de dyssocial et d'antisocial, mais il y a d'autres caractéristiques
25 également. Souvent on parlait des comportements psychopathologiques,
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1 asociaux, dyssociaux. Le terme psychopathologique n'est pas utilisé,
2 souvent c'est une étiquette qu'on n'aime pas attacher à la personne, l'une
3 ou l'autre, par conséquent, c'est la raison pour laquelle on a enlevé de
4 la classification ce terme psychopathologique, mais ce sont les mêmes
5 termes, dyssocial ou asocial.
6 Mme Mc Murrey (interprétation). - Monsieur le Président, je constate qu'il
7 est déjà 13 heures 10, j'ai encore une trentaine de minutes de questions.
8 Je ne sais pas si vous souhaitez suspendre l'audience maintenant, ou
9 souhaitez-vous que je poursuive ? J'ai encore quelques pages.
10 M. le Président (interprétation). - Nous avons toute la journée pour vos
11 questions, nous nous retrouvons après la pause déjeuner.
12 (L'audience suspendue à 13 heures 10 et reprise à 14 heures 35)
13 Mme Mc Murrey (interprétation). - En attendant l'entrée du témoin,
14 Monsieur le Président, je voudrais préciser que je viens de recevoir une
15 autre déclaration de M. Mc Fadden* du quartier pénitencier des Nations-
16 Unies.
17 Ce document, je souhaiterais le verser au dossier, c'est un document qui
18 vient à l'appui de la prise en compte de circonstances atténuantes dans la
19 phase de détermination de la sentence. Me permettez-vous de demander le
20 versement au dossier de ce document maintenant ? Voici l'original et en
21 voici un certain nombre de copies.
22 M. le Président (interprétation). - Très bien, et d'autre part, vous
23 pouvez poursuivre l'interrogation de votre témoin.
24 Mme la Greffière (interprétation). - Monsieur, je vous rappelle que vous
25 témoignez toujours sous serment.
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1 Mme Mc Murrey (interprétation). - Professeur Goreta, dans le cadre de
2 l'examen de ces différents documents dont nous avons parlé tout à l'heure,
3 vous avez lu un témoignage décrivant le comportement d'Esad Landzo au
4 cours de la période de temps qu'il a passé à Celebici, et vous avez
5 également vu quel a été son comportement lorsqu'il a été affecté au poste
6 de gardien de la prison de Musala, comment expliquez-vous toutes ces
7 différences ?
8 M. Goreta (interprétation). - Veuillez m'excuser, mais je ne reçois pas
9 d'interprétation, je comprends l'anglais, mais pour moi il vaut mieux que
10 j'ai une interprétation plus détaillée en Serbo-croate.
11 Mme Mc Murrey (interprétation). - Merci de nous faire part de ce problème,
12 je vais reposer la question et vous recevrez l'interprétation.
13 Vous avez consulté un certain nombre de documents parmi lesquels un
14 certain nombre de témoignages décrivant le comportement d'Esad Landzo au
15 cours de la période qu'il a passée au camp de Celebici, des documents qui
16 faisaient également état du comportement qui était le sien lorsqu'il était
17 garde au camp de Musala, dans la prison de Musala. Comment expliquez-vous
18 les différences qui apparaissent entre ces deux comportements ?
19 M. Goreta (interprétation). - Cette différence,... Eh bien imaginons que
20 tous les diagnostics dont nous avons parlé sont exacts, ainsi que la
21 situation décrite dans l'un et l'autre camp, à ce moment-là, cela
22 permettrait de confirmer plus avant le diagnostic, compte tenu de son
23 besoin de s'adapter aux circonstances et aux personnes dont il dépend,
24 personnes qui sont ses supérieurs ou que lui-même estiment, à qui il
25 s'identifie ; il est donc une personne qui essaiera dans la mesure du
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1 possible de s'adapter aux circonstances pour accomplir les attentes des
2 personnes que j'ai mentionnées, donc si l'organisation et la hiérarchie de
3 ces camps étaient différentes, alors cela pourrait expliquer sa différence
4 de comportement.
5 Mme Mc Murrey (interprétation). - Très bien. En étudiant tous ces
6 documents et en vous entretenant avec M. Landzo, vous avez pris
7 conscience, n'est-ce pas, des différents traitements, des différentes
8 thérapies qu'il a pu suivre au cours de ces dernières années.
9 Pourriez-vous expliquer aux Juges quelles sont les thérapies qu'il a
10 suivies et quelles sont les dispositions qui ont été prises pour essayer
11 de remédier à certain des troubles dont il souffre ?
12 M. Goreta (interprétation). - Je ne connais pas entièrement toutes les
13 thérapies qui ont été appliquées à M. Landzo, certainement en raison de la
14 raison suivante : les thérapeutes n'ont pas fourni énormément de
15 renseignements au tribunal, ce qui est justifié du point de vue
16 déontologique.
17 J'ignore donc quelles ont été les thérapies appliquées, mais ce que je
18 peux supposer sur la base des renseignements dont je dispose, c'est la
19 chose suivante : une psychothérapie a eu lieu, une psychothérapie qui,
20 probablement, n'est pas entrée dans les profondeurs d'une analyse
21 psychanalytique qui viserait à élucider tous les conflits profonds,
22 internes, mais c'est certainement une psychothérapie de surface qui a eu
23 lieu, conformément à ses capacités mentales.
24 En plus, il a certainement pris certains médicaments qui visaient à le
25 calmer ou à l'aider à surmonter des crises de dépression ou autres.
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1 Pour ce qui est des thérapies chez lui, en examinant les attentes réelles
2 de la thérapie, on peut s'attendre à ce qu'elle n'entraîne par une
3 réorganisation en profondeur de sa personnalité, comme cela a été dit, en
4 effet, il s'agit d'une situation de longue durée, bien implantée, qui
5 apparaît déjà dès l'enfance, et le fait de ne poser le diagnostic qu'à
6 l'âge de 18 ans, tout cela n'est qu'une question de conventions,
7 d'accords.
8 Il ne faut donc pas s'attendre à un changement total de sa personnalité,
9 mais on peut s’attendre, et je crois que dans une large mesure on y est
10 déjà parvenu, à ce que précisément ses traits de caractère, par cette
11 thérapie, lui permettent de comprendre les problèmes, son comportement
12 inadapté, et que lui-même se sente bien, qu'il ait confiance en lui, qu'il
13 se sente plus sûr de lui et qu'il dépende moins de toutes ces autres
14 personnes en position d'autorité qu’il essaie trop de servir, et qu'il
15 mène une existence civile sans infraction à la loi.
16 Je pense que c'est possible, je pense qu'une telle adaptation sera
17 possible mais ici je parle, quelle que soit l'issue de cette procédure,
18 une fois qu'il sera en liberté et une fois qu'il se trouvera dans un
19 milieu où il faudra éviter tout risque qui pourrait l'amener à revivre une
20 situation qui est à l'origine de tout cela.
21 C’est la raison pour laquelle j'ai dit dans mon bref exposé que cette
22 situation, ce milieu, cet environnement ne devraient pas être son lieu de
23 naissance et de manière plus vaste je pense qu'il ne devrait pas s'agir
24 d'un retour en Bosnie-Herzégovine. Je pense qu’il faudrait absolument
25 s'attendre à ce qu'il assure son avenir ailleurs. Et si vous me permettez
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1 de conclure, je dirai que ses traits de caractère qui, dans un milieu,
2 dans un environnement, dans une situation, pouvaient être... vous voyez,
3 risquées en fin de compte pour lui-même et pour son entourage, eh bien
4 dans une autre situation positive, ces traits de caractère peuvent même
5 être des facteurs d'une bonne adaptation, car s’il arrive dans une
6 situation où une autorité mûre lui fournira des orientations sociales
7 positives, dans une telle situation il pourrait fonctionner sans problème
8 majeur.
9 On peut imaginer que s'il n'y avait pas eu de guerre, lui-même et bien
10 d’autres n'auraient jamais fait l'objet ni d’un jugement ni d’une
11 expertise psychiatrique, probablement. Et nous pourrions dire qu'il s'agit
12 certes de personnes qui souffraient de troubles de la personnalité, mais
13 les circonstances extérieures faisaient que ces troubles ne ressortaient
14 pas, ou pas à tel point que ces troubles entraînent la perpétration
15 d'actes criminels ou qu’ils fassent l’objet d'une expertise psychiatrique.
16 Mme Mc Murrey (interprétation). - Pour résumer un peu ce que vous venez de
17 dire, je pense que vous partagez le diagnostic général qui a été établi
18 par les autres experts en troubles mentaux qui ont comparu devant cette
19 Chambre. Vous êtes d’accord pour dire qu’il y a un trouble de la
20 personnalité qui est bien présent chez M. Landzo, ce trouble de la
21 personnalité, peut-être l’aurait-il assumé tout au long de sa vie de façon
22 normale s'il n'avait pas été confronté à ce traumatisme qu'il a rencontré
23 dans ces circonstances très particulières ?
24 M. Jan (interprétation). - Plus tôt ce matin, vous lui avez également
25 demandé s’il confirmait l’avis émis par les autres experts. Il a déjà
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1 apporté une réponse : pourquoi répéter cette question ?
2 Mme Mc Murrey (interprétation). - Eh bien si cette première réponse vous a
3 suffi, Monsieur le Juge, je vais bien sûr passer à la question suivante.
4 Professeur, votre diagnostic de base est bien l’existence d’un syndrome de
5 stress post-traumatique associé à un trouble de la personnalité
6 caractérisé, PTSD apparu en 1992, n’est-ce pas ?
7 M. Goreta (interprétation). - Oui, c’est exact, mais les symptômes actuels
8 du PTSD n’ont pas de sens au plan clinique, les renseignements de toutes
9 les expertises et évaluations précédentes ne me permettent pas de remettre
10 en cause l'objectivité du diagnostic posé par les experts dans ce domaine.
11 Mme Mc Murrey (interprétation). - Pour ce qui est de son avenir, vous avez
12 fait part d'un certain nombre d'opinions, opinions qui apparaissent dans
13 le rapport que vous avez rédigé. Mais en dehors de ces diverses opinions
14 que vous avez formulées, pouvez-vous nous donner vos pronostics quant à
15 ces perspectives de réintégration et de réinsertion ?
16 M. Goreta (interprétation). - J'en ai déjà parlé ; j'ai parlé également de
17 certaines conditions à remplir pour qu'on ne retrouve pas un risque de la
18 même nature, et une des conditions serait certainement qu’il vive dans un
19 autre milieu, dans un autre environnement qui viserait précisément à lui
20 permettre de reprendre une vie sociale. Il faudrait éviter les facteurs de
21 risques ; j’ignore ce qu’il adviendra par la suite mais dans un système...
22 s'il devait continuer en détention, je suggère qu’il devrait poursuivre la
23 thérapie qui, selon moi, selon mon estimation, a déjà donné de bons
24 résultats. Et j’aimerais qu'on respecte tous les principes modernes de
25 criminologie et de traitement pénal au sein d'une telle institution.
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1 Au moment où il sera en liberté, il faudrait surveiller ou soutenir encore
2 cette personne pour qu'elle puisse s'intégrer de manière réussie à son
3 milieu. Si toutes ces conditions sont remplies, alors je pense qu’il
4 devrait réussir sa réinsertion.
5 Mme Mc Murrey (interprétation). - Vous savez, n'est-ce pas, que M. Landzo
6 a essayé de se suicider à un certain nombre de reprises. Comment peut-on
7 établir un lien entre ses tendances suicidaires et un trouble de la
8 personnalité dyssocial ou asocial, alors que vous avez dit vous-même que
9 M. Landzo ne présentait pas ces caractéristiques de comportement asocial
10 ou dyssocial ?
11 M. Goreta (interprétation). - Par tentative de suicide, il faut entendre
12 une réaction non spécifique qu’on trouve dans bien des catégories de
13 personnes, y compris des personnes en bonne santé mentale qui, dans un
14 situation de crise, peuvent faire une tentative de suicide : donc ce
15 symptôme en tant que tel, pris isolément, ne peut représenter un critère
16 quelconque pour un quelconque diagnostic.
17 J'ai parlé de troubles dyssociaux de la personnalité et à ce moment-là
18 j'ai parlé d'actes agressifs à l'encontre de l'entourage qui, souvent,
19 peuvent inclure des éléments criminels. Des tentatives de suicide chez des
20 individus asociaux montrent une telle agression incontrôlée et
21 généralement de telles tentatives éclatent quand cette agression ne peut
22 être dirigée vers l’extérieur : à ce moment-là, ils la retournent contre
23 eux-mêmes et dans ces tentatives de suicide il n'y a rien de spécifique.
24 J'ai parlé également du fait d'avaler des objets métalliques, de se couper
25 les veines, de se brûler la peau au moyen de cigarettes et de se punir, de
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1 s'auto-mutiler. Mais cela ne suffit pas à poser un diagnostic de trouble
2 de la personnalité dyssocial.
3 Mme Mc Murrey (interprétation). - En fait, le suicide n'est il pas un
4 symptôme qui permet de déceler d'autres troubles de la personnalité ?
5 M. Goreta (interprétation). - Je l'ai déjà dit : il s’agit d’un élément
6 non spécifique pouvant intervenir dans bien des troubles psychiques. Il
7 s'agit, très souvent, bien sûr, de troubles liés à la dépression. Mais
8 cela peut apparaître dans d'autres cas également. Et si je peux vous
9 donner un exemple, aujourd'hui, nous parlons de troubles de stress
10 post-traumatique. En réalité, en Croatie, ces dernières années, nous avons
11 une augmentation de ces tentatives de suicide, précisément chez les
12 personnes pour lesquelles on a posé un tel diagnostic. Je n'affirme pas
13 que la seule raison qui explique une telle attitude suicidaire est le
14 PTSD, mais chez ces personnes-là cela a été observé.
15 Une autre raison pourrait être la manière dont on les accepte après la
16 guerre, la manière dont ils se débrouillent, comment leur entourage leur
17 permet de survivre. Ce qui est décrit également dans la littérature
18 américaine, c'est-à-dire, lorsqu'on affronte des situations de crise,
19 lorsqu'on ne réussit à s'adapter ni au sein de la famille, ni au sein de
20 la société, ni sur le lieu de travail, à ce moment-là, on peut s'attendre
21 à des réactions de suicide, qui, je répète, ne sont pas propres à un
22 diagnostic précis.
23 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Votre diagnostic de l'état de
24 M. Landzo, qui, je le rappelle, est celui d'un trouble de la personnalité
25 associé à un PTSD, ce diagnostic est-il d'une maladie mentale ou d'une
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1 anormalité du fonctionnement normal ?
2 M. Jan (interprétation). - Quelle est votre définition d'une anormalité du
3 fonctionnement mental ?
4 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Je n'ai pas de définition à proposer au
5 témoin. Je ne peux que lui proposer le mémorandum que je lui ai envoyé à
6 Zagreb et puis sur la base des définitions que j'ai communiquées au témoin
7 précédemment, je lui demande si cet ensemble des facteurs peut nous
8 permettre de parler d'un fonctionnement anormal de la mentalité de
9 l'accusé. Je vous renvoie, notamment, à la loi portant sur l'homicide
10 passée en 1957 en Grande Bretagne Monsieur, au vu de votre expérience en
11 matière médico-légale, au vu des documents qui vous ont été communiqués,
12 pouvez-vous établir un diagnostic d'anormalité du fonctionnement mental ?
13 Dr. Goreta (interprétation). - J'ai ici des données supplémentaires qui
14 sont liées à la question de la définition de la maladie et de la
15 différence entre maladie et trouble de la personnalité et également sur
16 d'autres aspects de l'état de santé. Lorsque j'ai parlé de la définition
17 de maladie, je me suis fondé sur un manuel de psychiatrie européen et sur
18 notre tradition psychiatrique. Je parle donc de cela et j'ai dit que,
19 conformément à cela, cela ne tombait pas dans la catégorie maladie, mais
20 cela ne signifie pas pour autant qu'un système américain, par exemple, ne
21 va pas appeler le PTSD une maladie.
22 Quand je vous parle de trouble de la personnalité, de névrose, d'état
23 d'anxiété et c'est une catégorie dont relève également le PTSD, ces
24 états-là sont des états qui sont à la limite entre la santé d'un côté, une
25 maladie mentale à proprement parlé.
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1 J'ai reçu par écrit certains documents conformément à cela et à ce qui
2 relève certainement de la pathologie ou certainement d'une situation
3 normale. On pourrait établir une équivalence entre cela et une anormalité
4 du fonctionnement de l'esprit.
5 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Merci. Professeur Goreta, vous avez vu
6 Esad Landzo aujourd'hui, vous l'avez vu dans le courant du mois
7 d'octobre 1998 et vous avez consulté un certain nombre de documents,
8 pouvez-vous déclarer qu'il constitue une menace pour la société ?
9 Constituerait-il une telle menace s'il était remis en liberté
10 aujourd'hui ?
11 Dr. Goreta (interprétation). - Je ne peux vous le dire avec exactitude.
12 Il incombe à ceux qui s'occupent de son traitement et qui évaluent tous
13 les aspects de son comportement de le dire. Bien sûr, c'est son
14 comportement véritable qui fournira des éléments encore bien plus clairs
15 au moment où il sortira de prison.
16 Ce que je peux dire c'est que compte tenu de la situation actuelle et en
17 comparaison avec ce qui figure dans la documentation, des changements
18 importants et positifs ont eu lieu. Il n'en ressort pas qu'il pourrait
19 avoir des élans d'agressivité vis-à-vis de quiconque. Mais il existe des
20 manoeuvres contre-phobiques, comme nous les appelons. Il s'agit donc d'une
21 défense contre cela et je pense, comme je l'ai déjà dit, qu'il y a une
22 identification peut-être trop importante vis-à-vis du système juridique,
23 vis-à-vis du fait d'oublier le passé, de commencer une vie meilleure. Il
24 dit lui-même qu'il est en train de se façonner une nouvelle personnalité.
25 C'est certainement des termes qu'il a appris au cours de sa
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1 psychothérapie, mais compte tenu de ses communications, j'en déduis
2 qu'après avoir entendu ce qu'il m'a dit, il éprouve un besoin d'être le
3 mieux adapté possible.
4 A plusieurs reprises, dans la documentation, on dit qu'auparavant il
5 voulait être un soldat modèle, maintenant il souhaite être un détenu
6 modèle et de la même manière j'ai eu le sentiment qu'il souhaitait être un
7 patient modèle. Qu'à l'avenir il souhaite pouvoir accomplir une
8 réinsertion modèle. Voilà.
9 Bien sûr, ces évaluations, ces estimations de sa part sont peut-être
10 dépourvues de sens critiques. Elles sont peut-être optimistes, ne
11 correspondent pas à la réalité, mais d'après tout ce que j'ai pu
12 apprendre, je crois qu'il a réalisé des progrès au cours de cette
13 thérapie. Et, que maintenant, déjà, le danger potentiel qu'il pourrait
14 présenter est diminué, je pense que ce danger n'existe pas ou qu'il n'est
15 plus significatif.
16 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur.
17 Monsieur le Président, je n'ai plus de questions à poser au témoin.
18 M. le Président (interprétation) - Vous souhaitez citer à comparaître un
19 autre témoin au cours de l'après-midi ?
20 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Bien sûr, Monsieur le Président, j'ai
21 un autre témoin à appeler mais je crois que l'accusation serait heureuse
22 de poser quelque questions à l'accusé.
23 M. Jan (interprétation). - Souhaitez-vous poser des questions ?
24 Mme Mc Henry (interprétation). - Oui, nous souhaitons procéder au
25 contre-interrogatoire du témoin.
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1 M. le Président (interprétation). - Et du côté des autres conseils de la
2 défense, des questions pour le témoin ?
3 Mme Residovic (interprétation). - Aux fins du compte rendu,
4 Monsieur le Président, la défense de Zjenil Delalic n'a pas de question.
5 M. Morison (interprétation). - Les conseils de la défense de M. Music
6 souhaitent poser quelques questions au témoin, je serai aussi bref que
7 possible.
8 Professeur Goreta, vous avez déclaré dans le cadre de votre témoignage ici
9 et en référence à M. Landzo, que certains des problèmes dont il souffre
10 étaient dus à des incidents qui s'étaient produits dans sa petite enfance.
11 C'est bien exact ?
12 M. le Président (interprétation). - Monsieur, vous avez compris la
13 question qui vous était posée ?
14 M. Goreta (interprétation). - Oui, j'ai compris qu'il s'agissait de
15 problèmes survenus pendant l'enfance, mais je n'ai pas compris de quel
16 problème précis on parlait, peut-être que je peux donner un début de
17 réponse et, qu'ensuite, on pourra compléter la question.
18 Je pense que pendant son enfance, que personnellement je n'ai pas eu
19 l'occasion de reconstituer avec suffisamment des précisions et de détails
20 que je connais d'autres sources, dans le développement de sa personnalité,
21 on n'a pas suffisamment pris en compte un problème, le fait qu'il
22 souffrait d'asthme et de bronchite et que cela aurait entraîné des séjours
23 prolongés à l'hôpital pendant son enfance. De telles séparations de sa
24 famille, essentiellement de sa mère peuvent représenter précisément l'une
25 des causes essentielles d'une des raisons qui explique les troubles
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1 ultérieurs.
2 Pour ce qui est de l'asthme et de la bronchite, il s'agit d'un trouble
3 psychosomatique qui entraîne bien souvent des problèmes psychologiques,
4 et, précisément, des problèmes liés à la dépendance, à la protection, à la
5 sécurité et le fait d'être lié à d'autres personnes. Lorsque ces besoins
6 sont frustrés de manière très précoce, lorsque ces besoins ne sont pas
7 remplis, cela peut avoir une signification.
8 Dans la documentation, on parle souvent de son isolement au cours de cette
9 période, qu'il compensait par une amitié, enfin par une amitié avec des
10 chiens, avec des chiens errants qui était comme une compensation pour ses
11 rapports insatisfaisants avec les gens de son âge. Cela peut représenter
12 un symptôme de ce retrait, de cette insécurité, du fait qu'il fuyait ses
13 amitiés pour une raison qui a déjà été mentionnée, c'est-à-dire qu'il ne
14 pouvait participer à des activités physiques, au sport, aux jeux, car il
15 avait ces problèmes de respiration. Alors, soi-disant les autres se
16 moquaient de lui et il était la cible de leurs railleries.
17 Cela, ce sont des situations qui pourraient parfois être banales, mais
18 dans son cas, cela a pu être déterminant surtout si cela est intervenu si
19 tôt. C'est à cela que je pensais, merci.
20 M. Morison (interprétation). - Je vous remercie, je ne m'étais pas rendu
21 compte que j'avais posé une question aussi longue. Ce que je souhaitais
22 dire précisément, c'est que s'il a connu des traumatismes psychologiques
23 dans son enfance, il est évident que cela est intervenu avant ce qui a pu
24 causer les événements en cause dans ce procès, n'est-ce pas ?
25 M. Goreta (interprétation). - En ce qui me concerne, je pourrais vous
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1 répondre à cette question de manière précise si j'avais passé tout mon
2 temps, lors de l'expertise de ce patient, mais je vous ai dit que ce n'est
3 que partiellement que j'ai étudié son dossier. C'est la raison pour
4 laquelle j'ai dit que c'est en partie que je pouvais vous donner la
5 réponse, mais je ne pouvais certainement pas vous faire une analyse
6 complète de son enfance ; tout au moins pas de mon point de vue, et cela
7 ne serait pas satisfait, ni pour moi, ni pour vous.
8 M. Jan (interprétation). - Je pense qu'un témoin a été cité par la
9 défense, il parlait de football, il disait qu'il jouait au football, même
10 s'il n'était que gardien de but, avec ses autres camarades de classe.
11 M. Morison (interprétation). - Je ne pense pas que j'ai cité...
12 M. Jan (interprétation). - Je pense que c'est Me Mc Murrey, que c'était un
13 témoin de Me Mc Murrey qui a parlé du fait qu'il jouait au football avec
14 d'autres enfants, même s'il était gardien de buts.
15 M. Morison (interprétation). - Il s'agit là d'un domaine que je ne vais
16 pas aborder avec ce témoin et l'analyse psychologique ou psychanalytique
17 du football pourrait nous prendre une semaine.
18 M. Jan (interprétation). - Je parle là des jeux collectifs, des activités
19 de groupe. Si vous êtes replié sur vous-même, vous ne participez pas à ce
20 type d'activités, n'est-ce pas ?
21 M. Morison (interprétation). - Oui, certainement pas, Monsieur le Juge.
22 Mais les années où je jouais au football sont déjà bien loin !
23 J'aimerais vous poser quelques questions, suite à la lecture... Vous vous
24 fondez, pour analyser M. Landzo, essentiellement sur les rapports que vous
25 avez lus (rédigés par d'autres personnes) et sur votre entretien de
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1 trois heures et demi, n'est-ce pas ?
2 M. Goreta (interprétation). - Je l'ai dit, c'est exact. C'est pourquoi, je
3 ne peux pas aller au-delà de ce que j'ai lu et de ce que j'ai pu conclure
4 à travers cette première rencontre -la seule que j'ai eue avec lui,
5 d'ailleurs-.
6 M. Morison (interprétation). - Suite de ces questions où je vous demande
7 de répondre par oui ou non : l'un des fondements essentiels, lorsque vous
8 parlez à M. Landzo et lorsqu'il a parlé à d'autres personnes, c'est qu'il
9 dit la vérité, n'est-ce pas ?
10 M. Goreta (interprétation). - En ce qui concerne la vérité (c'est une
11 question qui a été soulevée à plusieurs reprises, avec des experts
12 psychiatres également), nous n'évaluons pas la vérité, notamment lorsqu'il
13 s'agit des expertises, lorsqu'il s'agit de la crédibilité de la déposition
14 du témoin ou de celui qui fait le témoignage. Nous ne pouvons pas dire,
15 par oui ou par non... Il y a un certain nombre d'éléments psychiatriques.
16 On peut parler d'une plus grande crédibilité, d'une moins grande
17 crédibilité, parce que, pour des raisons de troubles psychiatriques... On
18 peut remettre en question la fiabilité du témoignage.
19 On ne peut pas parler de la vérité totale quand il s'agit de M. Landzo
20 également. Je ne peux pas véritablement m'expliquer à ce sujet-là.
21 M. Morison (interprétation). - Avec tout le respect que je vous dois, je
22 ne vous demande pas d'estimer s'il a dit, oui ou non, la vérité. Cela
23 revient aux juges que de décider si l'on a dit la vérité ou non dans le
24 cadre du procès.
25 J'aimerais vous demander la chose suivante : si vous demandez à M. Landzo
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1 (ou à n'importe qui d'autre d'ailleurs), si vous leur posez des questions,
2 alors votre analyse, suite aux réponses, dépendra du fait de savoir s'il a
3 dit la vérité en réponse à ces questions, n'est-ce pas ?
4 M. Goreta (interprétation). - Oui, là vous avez raison.
5 M. Morison (interprétation). - Bien. Si vous deviez faire des déductions
6 (et maintenant je m'exprime au nom de M. Mucic), si on devait tirer des
7 conclusions néfastes pour M. Mucic, compte tenu de l'aspect "circonstances
8 atténuantes", suite à ce que M. Landzo a dit à vous-même ou à quelqu'un
9 d'autre, sa crédibilité, sa fiabilité est au coeur du problème, n'est-ce
10 pas ?
11 M. Goreta (interprétation). - Oui, c'est vrai.
12 M. Morison (interprétation). - Donc, si au cours de l'exposé des moyens de
13 preuve, il y a quoi que ce soit qui remet en cause cette fiabilité, cette
14 crédibilité, cela serait un élément loin d'être négligeable, n'est-ce
15 pas ?
16 M. Goreta (interprétation). - Oui ce serait d'importance mais, si vous me
17 permettez, je voudrais vous répondre de façon plus complète, pas seulement
18 par oui ou non.
19 Quand le psychiatre analyse le comportement de quelqu'un, quand il
20 communique avec le sujet en question, il ne peut pas rester dans un vide.
21 Par conséquent, il y a un certain comportement vis-à-vis d'un certain
22 nombre d'événements. On parle également des actes qui ont été commis.
23 Par conséquent, le psychiatre prendra un certain nombre de documents qui,
24 du point de vue du jugé ou à ce niveau d'écoulement du procès, sont
25 crédibles. Il partira également du fait que son sujet dit la vérité.
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1 Si, par la suite, il constate que ces versions ont été obtenues d'autres
2 sources ou du jugé en question, s'il y a d'autres informations
3 complémentaires qui peuvent remettre en question l'analyse du psychiatre
4 (surtout s'il n'est pas totalement sûr à ce moment-là... Nous parlons au
5 conditionnel), le psychiatre a la possibilité de changer son point de vue,
6 de tenir compte de ces nouveaux éléments de preuve et des nouvelles
7 circonstances sur lesquelles il va se fonder en donnant son point de vue
8 et en établissant le diagnostic.
9 M. Morison (interprétation). - Est-ce que je peux imaginer que vous avez
10 compris l'objectif de mes questions ? A ce stade, je n'ai pas d'autre
11 question.
12 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il d'autres questions ?
13 M. Moran (interprétation). - Je crois que je peux procéder au
14 contre-interrogatoire.
15 M. le Président (interprétation). - Oui.
16 M. Moran (interprétation). - Je me présente, je suis M. Tom Moran, nous
17 nous sommes déjà croisés. Je vous poserai certaines questions, je vous
18 demanderai de répondre par oui ou non. Vous êtes expert en matière de
19 syndrome post-traumatique, n'est-ce pas ?
20 M. Goreta (interprétation). - Non, je ne pense pas que je sois expert pour
21 le PTSD, il y en a d'autres qui m'ont demandé de faire une expertise parce
22 qu'ils considéraient que je pouvais faire un peu plus, mais je ne pense
23 pas que je sois expert en la matière. J'ai un domaine qui est plus large
24 et qui comprend toute la psychiatrie légale.
25 M. Moran (interprétation). - Est-ce que vous avez déposé dans des affaires
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1 pénales, à la fois avant et après la guerre dans le cadre de circonstances
2 atténuantes pour la peine ? Peut-être que j'ai mal formulé ma question, et
3 si vous n'avez pas compris ma question je serai ravi de la reformuler.
4 M. Goreta (interprétation). - Oui, j'ai bien compris la question que vous
5 avez posée. La plus plupart de nos expertises concernent l'évaluation de
6 ce comportement rationnel, le critère par conséquent principal pour les
7 circonstances atténuantes.
8 M. Moran (interprétation). - Peut-être que cela ne relève pas de votre
9 expérience et de votre spécialité, mais savez-vous comment les tribunaux
10 dans l'ex-Yougoslavie traitaient le syndrome de stress post-traumatique
11 dans les cas où ils étaient liés à des circonstances atténuantes pour la
12 déterminations de la peine ?
13 M. Goreta (interprétation). - Les tribunaux en ex-Yougoslavie ne
14 s'occupaient pas du PTSD étant donné qu'il est devenu très d'actualité au
15 début de la guerre. Par conséquent, je ne me souviens aucunement que dans
16 cette période, personnellement j'avais une tâche d'effectuer une expertise
17 dans des cas pareils. Mais au début de la guerre, c'est une situation qui
18 malheureusement était une situation de masse, c'est la raison pour
19 laquelle on a fait appel à moi.
20 M. Moran (interprétation). - Est-ce que les tribunaux de Yougoslavie
21 estimaient que les troubles mentaux -peut-être que "troubles" n'est pas le
22 terme approprié- comme le PTSD constituaient une circonstance atténuante
23 dans la détermination de la peine ?
24 M. Goreta (interprétation). - Les tribunaux en Yougoslavie ne préjugent
25 pas le lien entre un diagnostic et l'évaluation du comportement rationnel
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1 ou irrationnel. Les psychiatres s'attendent à une explication sur l'état
2 des fonctions psychiques, tempori criminis, et cet état est lié à un
3 diagnostic, ou éventuellement a affaire à quelque chose avec la
4 combinaison d'un certain nombre de diagnostics, prouve qu'au moment où il
5 a commis l'acte, il ne pouvait pas comprendre cet acte -c'est la
6 formulation dans la législation en ex-Yougoslavie-.
7 Dans ce cas, cette personne est considérée comme ayant un comportement
8 irrationnel, et si le Tribunal accepte ce point de vue du psychiatre, dans
9 ce cas, il doit proclamer cette personne irresponsable du point de vue
10 pénal.
11 Par conséquent, il est fort possible qu'un certain nombre de diagnostics
12 comme les psychoses, schizophrénie, etc, 70, 80 % des cas résulteront par
13 le fait de constater qu'il n'est pas responsable du point de vue pénal,
14 mais ce ne sera pas à 100 %, car la personne schizophrène, au moment où sa
15 santé s'est améliorée...
16 M. Moran (interprétation). - Oui, bien sûr, je ne disais pas d'écarter
17 toute responsabilité criminelle, pénale pour quelqu'un, mais atténuer cela
18 suite à une maladie mentale. Est-ce que les tribunaux prenaient cela en
19 compte lorsqu'il s'agissait d'évaluer la peine ?
20 M. Goreta (interprétation). - (Signe positif)
21 Les Juges acceptaient toujours cette possibilité qu'avec un diagnostic, ce
22 soit lié avec la responsabilité atténuée, avec la diminution également de
23 la peine, mais lors de la détermination de la peine, il y a un certain
24 nombre de diagnostics qui ont été établis et qui n'avaient rien à voir
25 avec les conséquences juridiques, car tout simplement on avait constaté
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1 qu'il s'agissait d'une personne qui présentait un certain nombre de
2 troubles, que, par conséquent, il avait commis un acte criminel, mais
3 qu'il pouvait complètement maîtriser son comportement, et dans ce cas, la
4 détermination de la peine, du point de vue juridique, était différente.
5 M. Moran (interprétation). - Très bien, merci Professeur, passons à autre
6 chose. Vous avez parlé de ce camp du HOS où M. Landzo aurait prétendument
7 été formé pour assassiner des gens, n'est-ce pas ? Vous en souvenez-vous ?
8 M. Goreta (interprétation). - Oui.
9 M. Moran (interprétation). - Qu'est-ce que le HOS ? Quelle est cette
10 abréviation ?
11 M. Goreta (interprétation). - Le HOS, c’est une abréviation qui désigne
12 les Forces de Libération Croates.
13 M. Moran (interprétation). - Très bien, cela me suffit.
14 M. Goreta (interprétation). - Je pense qu'il ne s'agit pas d'une question
15 qui relève de la compétence d'un psychiatre.
16 M. Moran (interprétation). - Bien, bien. Je passerai à une question qui
17 est adaptée à un psychiatre. Vous avez traité énormément de personnes
18 ayant participé à des activités pendant la guerre, pendant toute une
19 période de la guerre, du début jusqu'à la fin de la guerre. Est-ce exact ?
20 M. Goreta (interprétation). - C'est exact.
21 M. Moran (interprétation). - Vous et vos collègues avez certainement pu
22 observer toute une gamme de personnes qui ont participé aux combats, qui
23 ont vu des atrocités pendant la guerre et qui sont venus vous voir pour
24 recevoir une aide sur le plan psychiatrique, par la suite ?
25 M. Goreta (interprétation). - Oui.
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1 M. Moran (interprétation). - Est-ce que d'autres patients vous ont jamais
2 dit qu'ils se sont retrouvés dans un camp du HOS, surtout au début de la
3 guerre, lorsque des gens étaient amenés, qu'on assassinait des prisonniers
4 devant ces personnes-là pour qu'elles apprennent à tuer ? Est-ce qu’aucun
5 autre de vos patients vous a parlé de quoi que ce soit de la sorte ?
6 M. Goreta (interprétation). - Non, je n’ai pas de telles informations, je
7 n’ai jamais reçu de telles informations.
8 M. Moran (interprétation). - Avez-vous jamais entendu d'autres patients
9 vous dire qu'ils ont été impliqués dans un camp où des meurtres étaient
10 perpétrés, et ensuite, après qu’ils ont assisté à un certain nombre de
11 meurtres, on les relâchait, on leur disait qu'ils pouvaient partir ?
12 M. Goreta (interprétation). - Non, je n'ai pas de telles informations.
13 Mais je vais quand même compléter ce que j'ai dit ; je suis bien
14 évidemment psychiatre, légiste, mais ces quatre ou cinq dernières années,
15 j'étais également médecin clinique, thérapeute, et donc j'ai pu rencontrer
16 beaucoup de patients qui présentaient ce trouble PTSD.
17 Il y en avait effectivement qui ont vécu dans les camps, qui étaient dans
18 les camps et qui ont parlé d’un certain nombre de choses qui pourraient
19 prendre ces dimensions dont vous parlez. Mais l'organisation de ces camps,
20 la manière dont les camps ont été gérés, je ne dispose pas de ce
21 document ; vous devez vous référer à d'autres personnes ou à d’autres
22 documents.
23 M. Moran (interprétation). - Oui, bien sûr ; je suis sûr que Me Niemann,
24 dans ses dossiers, dispose d'énormément de renseignements là-dessus. Mais
25 passons à une autre question : il existe un diagnostic utilisé en Amérique
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1 dans le DSM 4, trouble de la personnalité antisociale. Vous connaissez ce
2 diagnostic, n’est-ce pas, Professeur ?
3 M. Goreta (interprétation). - Oui, je connais.
4 M. Moran (interprétation). - On l'appelait sociopathie dans le DSM 2.
5 M. Goreta (interprétation). - Il s'agit d'un synonyme ; j'en ai parlé,
6 j’ai dit qu’il y a tout un éventail de synonymes. Certains ont été
7 abandonnés complètement, justement parce qu’il y avait cette étiquette
8 " antisociale ". " Sociopathie ", par exemple, est un terme que l’on
9 n’utilise plus du tout.
10 M. Moran (interprétation). - Bien, bien. En parlant de trouble de la
11 personnalité antisociale ou de sociopathie, on...
12 Mme Mc Murrey (interprétation). - J’ai une objection à la question de
13 Me Moran: le Professeur vient de dire qu'on abandonnait ce terme, qu’il
14 n’est plus utilisé aujourd’hui, or Me Moran continue à dire
15 " sociopathie " et on a précisément abandonné ce terme pour les raisons
16 qui font que Me Moran l’utilise.
17 M. Jan (interprétation). - En tout état de cause, Maître Moran, comment
18 cela est-il à mettre en rapport avec la demande de circonstances
19 atténuantes de M. Landzo ? Quel est votre intérêt là-dedans ?
20 M. Moran (interprétation). - Ce qui me préoccupe, c’est que les avocats de
21 Me Landzo ont présenté un certain nombre de documents.
22 M. Jan (interprétation). - Mais comment cela est-il lié à vos
23 affirmations ?
24 M. Moran (interprétation). - Cela est lié.
25 M. Jan (interprétation). - Veuillez préciser ce que vous voulez dire.
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1 M. Moran (interprétation). - Permettez-moi de relire mes notes.
2 Professeur, est-il habituel que des personnes souffrant de troubles de la
3 personnalité antisociale... Est-il habituel que ces personnes rejettent la
4 responsabilité de leur action répréhensible, etc. ?
5 M. Jan (interprétation). - Nous avons déjà entendu des éléments là-dessus.
6 M. Moran (interprétation). - Très bien.
7 M. Jan (interprétation). - Nous avons entendu que ces personnes non
8 seulement rejettent la responsabilité sur d'autres personnes, mais
9 généralement ce sont des menteurs très habiles.
10 M. Moran (interprétation). - Très bien.
11 M. le Président (interprétation). - Lorsque vous posez vos questions, je
12 suis surpris car bien des éléments ont déjà été mentionnés.
13 Mme Mc Henry (interprétation). - Bonjour, Monsieur.
14 M. Goreta (interprétation). - Bonjour.
15 Mme Mc Henry (interprétation). - Je vous poserai des questions au nom de
16 l'accusation. J'aimerais vous poser un certain nombre de questions. Et si
17 je vous pose une question qui exige une réponse par oui ou par non, et si
18 vous estimez que vous ne pouvez répondre, veuillez me le dire avant de
19 commencer à expliciter, car pour certaines questions, je passerai tout
20 simplement à une autre question, plutôt que de consacrer le temps que vous
21 estimez nécessaire à un examen approfondi de la question, est-ce que cela
22 vous convient ?
23 M. Goreta (interprétation). - Oui.
24 Mme Mc Henry (interprétation). - Bien. J'ai un certain nombre de questions
25 concernant votre rapport, est-ce que vous-même avez rédigé ce rapport en
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1 anglais ?
2 M. Goreta (interprétation). - Non, c'est un rapport qui a été traduit. Mon
3 anglais n'est pas à ce niveau pour pouvoir rédiger en anglais un rapport
4 qui relève de la médecine légale et qui est purement juridique en plus.
5 Mme Mc Henry (interprétation). - Très bien.
6 M. Goreta (interprétation). - Si vous permettez, je vais compléter ce que
7 j'ai dit. Mon anglais est suffisamment bon pour pouvoir contrôler, pour
8 savoir si c'est une traduction authentique de ce que j'ai dit en
9 Serbo-croate.
10 Mme Mc Henry (interprétation). - Bien. Vous avez dit, Monsieur, que vous
11 avez lu des rapports d'experts et des transcriptions de juillet de cette
12 année, selon vous, est-ce que j'ai raison de dire que vous n'avez pas lu
13 la déposition des victimes de M. Landzo sur ses crimes et sur son
14 comportement en 1992 ?
15 M. Goreta (interprétation). - J'ai tout simplement examiné le rapport
16 d'expert et tout ce que le conseil de la défense m'avait donné, je pense
17 que c'était en octobre 92. Mais de toute façon, c'est le conseil de la
18 défense qui va pouvoir vous affirmer quels sont les documents que j'ai pu
19 examiner, c'étaient les rapports des psychiatres.
20 Mme Mc Murrey (interprétation). - Je demanderai à Me Mc Henry de ne pas
21 faire allusion aux crimes commis. Il n'a pas été reconnu coupable d'aucun
22 de ses crimes pour l'instant. Elle part du principe qu'il a été reconnu
23 coupable, et cela induit le témoin en erreur.
24 M. Jan (interprétation). - Je pensais qu'elle allait probablement lui
25 demander s'il a rencontré l'une des victimes.
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1 M. le Président (interprétation). - Je pense que c'est une chose
2 compréhensible, c'est-à-dire de demander s'il a lu les dépositions des
3 témoins. Je crois que c'est habituel.
4 Mme Mc Murrey (interprétation). - Je pense qu'il s'agit de victimes
5 présumées à ce stade ?
6 M. le Président (interprétation). - Il s'agit de victimes, en anglais de
7 tous les jours ce sont des victimes.
8 M. Jan (interprétation). - Vous avez reconnu certains des chefs
9 d'accusation en partie.
10 Mme Mc Henry (interprétation). - Avez-vous examiné le rapport d'expert
11 d'un psychiatre de Bosnie-Herzégovine, rapport qui date de 1994 et qui
12 porte sur des événements qui ont eu lieu en 1992, et qui a déterminé que
13 M. Landzo n'avait pas de responsabilités mentales diminuées. Est-ce que
14 vous avez eu accès à ce rapport ? Est-ce que vous l'avez lu ?
15 M. Goreta (interprétation). - Oui, j'ai lu toutes ces expertises qui sont
16 dans ce dossier, il y avait une expertise également du docteur -si vous
17 voulez bien me rappeler son nom, je ne m'en souviens plus- qui avait
18 considéré que M. Landzo, le cas pour lequel il avait donné l'expertise,
19 avait véritablement à cette époque-là ses fonctions intellectuelles
20 maintenues, mais par la suite il a dit que cette responsabilité a été
21 diminuée. Je ne pense pas s'il s'agit véritablement de cette expertise,
22 j'ai lu en très peu de temps beaucoup de documents.
23 Par conséquent, je ne peux pas vous donner une information complète,
24 détaillée, mais je peux faire le commentaire si je relis le document en
25 question.
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1 Mme Mc Henry (interprétation). - Très bien. Monsieur, votre rapport dit
2 qu'il s'agit d'une opinion donnée à titre préliminaire. Pouvez-vous nous
3 expliquer ce que vous entendez par là ?
4 M. Goreta (interprétation). - En ce qui concerne l'opinion préliminaire,
5 c'est tout d'abord un compte rendu très bref que l'on établit sur la base
6 de toutes les informations dont j'ai disposé, les comptes rendus, etc, par
7 conséquent, une parenthèse : je n'ai pas fait l'expertise dans la
8 totalité, c'est une première chose.
9 Deuxièmement, quand je dis préliminaire, cela veut dire que si aujourd'hui
10 ou demain il y a d'autres faits qui vont être recueillis et qui mettent en
11 question la conclusion, dans ce cas, tout ce que j'ai déposé aujourd'hui
12 pourrait être corrigé. Préliminaire veut dire un rapport, un compte rendu
13 préliminaire et normalement je ne procède pas à de tels genres de rapports
14 quand je fais une expertise complète. Mais j'ai reçu l'information selon
15 laquelle c'est une approche correcte, c'est la première fois d'ailleurs
16 que je suis dans la position d'être témoin d'un côté compte tenu qu'en
17 Croatie, ou en ex-Yougoslavie il n'y avait pas de tels cas, c'est en
18 général le tribunal qui nous convoque en témoin.
19 Mme Mc Murrey (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais
20 demander à Me Mc Henry de nous dire à quel paragraphe elle voit le terme
21 préliminaire.
22 Mme Mc Henry (interprétation). - Il s'agit du deuxième paragraphe de la
23 page 2, lorsqu'il est dit : "Je peux donner le point de vue préliminaire
24 suivant".
25 Vous avez dit que M. Landzo souffrait de troubles de la personnalité, de
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1 problèmes de la personnalité importants à l'époque, maintenant, et qu'il
2 souffrait de ces problèmes en 1992. Je pense qu'à votre avis M. Landzo a
3 une personnalité dépendante, n'est-ce pas ?
4 M. Goreta (interprétation). - Oui, c'est exact.
5 Mme Mc Henry (interprétation). - Vous êtes d'accord, Monsieur, que si
6 M. Landzo devait retourner en Bosnie-Herzégovine pour une quelconque
7 raison, si par exemple aucun autre pays ne souhaite l'accepter, cela
8 pourrait entraîner des problèmes, n'est-ce pas ?
9 M. Goreta (interprétation). - Oui, j'ai donné quelques explications à ce
10 sujet-là.
11 Mme Mc Henry (interprétation). - Merci. Et même s'il se rendait dans un
12 autre pays, s'il n'était pas contrôlé de manière adéquate et si son modèle
13 n'était pas une personne très positive, cela pourrait entraîner également
14 des problèmes, n'est-ce pas ?
15 M. Goreta (interprétation). - Est-ce que vous êtes d'accord que je réponde
16 plus longuement que par un oui ou un non ?
17 Mme Mc Henry (interprétation). - Vous pensez que vous ne pouvez répondre à
18 cette question par oui ou par non ?
19 M. Goreta (interprétation). - Ce n'est pas facile de répondre par un oui
20 ou un non, parce que j'ai déjà donné un certain nombre d'explications qui
21 le confirment. Est-ce que je peux poursuivre ?
22 M. le Président (interprétation). - J'imagine que le conseil fondait cette
23 question sur l'autre question, c'est-à-dire celle de la personnalité
24 dépendante ? Je pense que c'est cela le fondement qui explique cette
25 question.
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1 M. Goreta (interprétation). - J'avais déjà donné la réponse à cette
2 question, mais si vous voulez il faudra quand même que je répète un
3 certain nombre de précisions, parce qu'il s'agit de circonstances qui sont
4 positives, dans le cadre desquelles il pourrait agir normalement, ou si
5 jamais il se retrouve dans des circonstances qui sont négatives, alors, à
6 ce moment-là, il pourrait réagir de la même manière qu'il a réagi les
7 premières fois.
8 Mme Mc Henry (interprétation). - Nous allons poursuivre, Monsieur, merci.
9 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Il me semble qu'il faudrait autoriser
10 le témoin à répondre à la question. Il a déclaré qu'il aimerait pouvoir
11 élaborer un petit peu sur ce point. Il faut lui donner ce droit.
12 Me Mc Henry lui a posé une question. Il a dit qu'il fallait lui poser la
13 question, qu'il pouvait élaborer quelque peu. Permettons-lui cette
14 élaboration
15 M. le Président (interprétation) - Maître Mc Henry, vous allez suivre
16 cette question avec d'autres commentaires, avec d'autres types de
17 questions, Maître Mc Henry ?.
18 Mme Mc Henry (interprétation). - Non, Monsieur le Président. Je voulais
19 simplement obtenir ce qu'il vient nous dire. Il a suffisamment exprimé son
20 opinion mais Me Mc Murrey, apparemment, s'octroie le droit d'émettre un
21 jugement sur ce qu'elle pense être correct dans le cas d'un
22 contre-interrogatoire.
23 M. le Président (interprétation) - Poursuivez.
24 Mme Mc Henry (interprétation). - Me Mc Murrey vous a posé certaines
25 questions sous forme d'hypothèses en rapport avec le comportement d'une
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1 personne intelligente pendant la guerre. Est-ce que vous êtes d'avis que
2 M. Landzo était une personne normale avant et pendant la guerre ?
3 Dr. Goreta (interprétation). - M. Landzo a un certain nombre de troubles
4 de la personnalité. Il aurait dû déjà être traité depuis l'enfance avec
5 les troubles qu'il présente. Je l'ai déjà expliqué, j'ai dit qu'il y a
6 cause à effet, bien évidemment, et que ce sont les troubles qui sont liés
7 à la toute première enfance, à la petite enfance. Il avait commencé à
8 traiter seulement à partir de 18 ans parce que, dans ce cas-là, il est
9 traité comme quelqu'un qui est considéré adulte. On aurait pu établir les
10 diagnostics quand il était enfant. Par exemple, les troubles d'enfance ou
11 d'adolescence... Il était traité depuis qu'il est adulte.
12 Mme Mc Henry (interprétation). - Est-il exact de dire, Monsieur, que
13 d'après vous, avant la guerre, M. Landzo n'était pas une personne
14 normale ?
15 Dr. Goreta (interprétation). - Je peux abonder dans votre sens mais à
16 savoir qu'à cette époque-là déjà, il présentait des troubles de la
17 personnalité qui se sont manifestés comme les troubles de dépendance. Donc
18 il avait une structure de la personnalité qui était comme cela. Mais dans
19 certaines circonstances ces troubles peuvent ne pas se manifester comme un
20 comportement pathologique, dans d'autres circonstances avec la même
21 structure de la personnalité on peut avoir les réactions déjà bien avant.
22 Très brièvement, il n'est pas indispensable que les personnes qui ont les
23 troubles de la personnalité soient obligatoirement non-adaptées. Quand ils
24 sont dans un contexte spécifique et notamment quand il s'agit de la
25 guerre, ce sont les circonstances, c'est un contexte qui fait déceler les
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1 troubles de la personnalité chez un bon nombre de personnes, alors qu'on
2 avait peut-être jamais remarqué que de tel trouble existe s'il n'y avait
3 pas de guerre.
4 Mme Mc Henry (interprétation). - Professeur, d'après ce que vous avez dit
5 aujourd'hui, je comprends que, même si vous diriez qu'à l'heure actuelle,
6 M. Landzo ne souffre pas de PTSD, vous ne partageriez pas une opinion
7 selon laquelle il a retrouvé toutes ses capacités après les avoir perdues
8 suite à certains troubles mentaux, suite à certains troubles de la
9 personnalité qu'il aurait rencontrés en 1992.
10 Dr. Goreta (interprétation). - Non, je ne l'affirme pas. Je l'ai marqué,
11 d'ailleurs, dans mon compte rendu.
12 Mme Mc Henry (interprétation). - Je vous remercie. Le Dr. Grippon, un
13 témoin expert a eu un entretien de 48 heures avec M. Landzo. Il a,
14 notamment, parlé avec lui des membres de sa famille. Il a déclaré que
15 M. Landzo avait un comportement antisocial et violent avant de devenir
16 garde à Celebici et après avoir été garde à Celebici. Partagez-vous cette
17 opinion ou pas ?
18 Dr. Goreta (interprétation). - J'ai déjà donné la réponse à cette
19 question. Et si vous souvenez de mon commentaire quand il y avait la
20 différence à faire entre les différents psychiatres, il y a des
21 comportements violents qui ne sont pas suffisants pour dire qu'il s'agit
22 d'un comportement dit social de la personnalité. Cela peut être dû à
23 d'autres facteurs également.
24 A partir du moment où il s'agit des troubles, à ce moment-là, il y a
25 présence continue de comportement dit social et c'est dans ce sens-là que
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1 je ne peux pas approuver totalement ce que Dr. Grippon avait écrit dans
2 son compte rendu.
3 Mme Mc Henry (interprétation). - Professeur, seriez-vous d'accord pour
4 dire que le fait d'éviter certaines situations est une des
5 caractéristiques fondamentales de toute personne souffrant d'un syndrome
6 de PTSD ou l'évitement ?
7 Dr. Goreta (interprétation). - L'évitement est une des catégories sur
8 laquelle se fondent les diagnostics de PTSD. J'ai étudié tous les
9 documents, je répète une fois de plus. Et on a donné un certain nombre
10 d'explications. L'évitement, d'une façon tout à fait simplifiée, comme
11 c'est marqué dans ces documents, qu'il ne pourrait pas être modifié, ne
12 pourront pas servir de critère pour dire que cet évitement n'existe pas
13 parce qu'il y a des mécanismes de défense, les mécanismes de défense dont
14 j'ai parlé, aujourd'hui, pour des raisons d'autodéfense. Vous vous
15 confrontez de ce dont vous avez peur. Pour maîtriser la peur, l'évitement,
16 oui, comme un critère, cela existe mais pas une attitude simplifiée et
17 tout simplement additionner le nombre de points et en tirer un diagnostic
18 psychiatrique.
19 Dans mon article, dans d'autres articles, également, j'avais donné un
20 tableau clinique, mais en même temps, j'ai observé le développement de
21 PTSD car il y a des étapes où il n'y a pratiquement pas de symptômes.
22 Alors qu'en revanche, il s'agit d'un trouble post-traumatique qui est
23 assez grave. Il y a des patients qui donnent une dimension hypertrophiée
24 des événements.
25 Par conséquent, il y a ces mécanismes d'autodéfense. De ce point de
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1 vue-là, j'ai donné des explications très précises.
2 Mme Mc Henry (interprétation). - Dans le cadre de l'interrogation
3 principal, vous avez précisé que M. Landzo avait fait preuve d'une grande
4 coopération. Cela avait été le cas sauf dans quelques questions, il a
5 invoqué dans ces cas-là, le fait qu'il ne se souvenait pas de ce qui
6 s'était passé.
7 D'après vous, est-ce que cette absence de souvenirs dont M. Landzo à
8 invoquer l'existence avait quelque chose à voir avec les crimes dont il
9 aurait été l'auteur à Celebici ?
10 Dr. Goreta (interprétation). - En partie.
11 Mme Mc Henry (interprétation). - Seriez-vous d'accord avec moi pour dire
12 qu'entre autres troubles de la personnalité M. Landzo souffre non
13 seulement de PTSD mais également de certaines crises d'amnésie ?
14 Dr. Goreta (interprétation). - L'absence de mémoire est un des critères
15 mais ce n'est pas spécifique. Le diagnostic de PTSD pourrait être établi
16 avec le symptôme d'amnésie ou sans ce symptôme. C'est un symptôme qui peut
17 apparaître dans de nombreux diagnostics psychiatriques. Les causes sont
18 différentes d'amnésie par rapport à ce qui a été dit dans le cadre de ce
19 procès. Cela peut être intentionnel, fait sciemment et corrigé, plein de
20 choses justement pour se protéger
21 Il y en a qui sont tout à fait conscients, d'autres inconscients. Et,
22 comme je l'ai dit, il y a des mécanismes de défense qui sont également
23 présents chez les personnes en bon état, des personnes qui ne peuvent pas
24 faire face à un certain nombre de leurs comportements qui ne sont pas
25 acceptables. Ils écartent ce genre de comportements, ils souffrent par
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1 suite d'une amnésie totale, d'autres souffrent d'une amnésie partielle. Ce
2 sont les traumatismes dûs à un traumatisme concret ou d'alcool, etc... Je
3 ne vais pas poursuivre mon exposé.
4 Mme Mc Henry (interprétation). - Vous êtes d'accord avec moi pour dire
5 que, dans le cadre de votre entretien avec M. Landzo, vous avez observé
6 qu'il éprouvait certaines difficultés à contrôler ses réactions, notamment
7 émotionnelles. Est-ce bien exact ?
8 M. Goreta (interprétation). - Oui, cela je l'ai écrit également.
9 Mme Mc Henry (interprétation). - Bien. Les experts qui sont déjà venus
10 ici, cités soit par l'accusation soit par la défense, ont déclaré que
11 M. Landzo faisait preuve d'un manque total d'empathie et de remords. Est-
12 ce totalement incompatible avec l'avis que vous avez émis ici, ou est-ce
13 compatible au contraire ?
14 M. Goreta (interprétation). - L'absence de remords, tout au moins au
15 niveau verbal, on ne peut pas dire qu'il existe véritablement. Pourquoi ?
16 Parce qu'il m'en a parlé ; je pense que j'en ai parlé quelque peu tout à
17 l'heure. Il a dit qu'il avait des remords, qu'il se repentait, qu'il
18 ressentait le besoin d'être puni et que, par conséquent, si ce besoin
19 n'était pas satisfait, alors il ne pourrait plus jamais retrouver son
20 équilibre, vivre bien sa vie ou vivre une vie de façon normale.
21 D’un autre côté, il y a le sentiment de culpabilité, c'est dans le
22 subconscient. C'est une question totalement complexe. C'était l'objet de
23 ma dissertation. J'ai communiqué avec M. Landzo et il a dit, lors de son
24 témoignage, de sa rencontre avec moi, de son entretien, que c'était comme
25 cela qu'il se sentait. C'était son message.
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1 Mme Mc Henry (interprétation). - Vous avez déclaré que M. Landzo souffrait
2 d'une pathologie narcissique. Qu'entendez-vous par là ?
3 M. Goreta (interprétation). - Je pense que j'ai répondu à plusieurs
4 reprises à cette question. Le problème narcissique... La pathologie
5 narcissique représente la personne qui a des problèmes pour s'accepter.
6 Elle a un auto-respect pour soi-même, à condition que les autres la
7 respectent. Elle doit en permanence tester l'environnement pour savoir si
8 elle a véritablement une valeur, si elle est acceptée, pour être
9 récompensée... C'est la personne qui a besoin d'être supérieure, d'être
10 capable, meilleure, plus fiable, etc. Voilà, en parlant simplement, la
11 pathologie narcissique.
12 Je vais également, pour éviter les malentendus, si vous permettez...
13 Mme Mc Henry (interprétation). - Un instant, Monsieur, s'il vous plaît.
14 Seriez-vous d'accord pour dire que le terme "narcissique" suppose
15 également que l'individu...
16 Mme Mc Murrey (interprétation). - Objection, Monsieur le Président.
17 Me McHenry n'a pas permis au professeur Goreta de finir sa réponse. Je
18 demande donc à ce que Me McHenry autorise le témoin à terminer la réponse
19 qu'il apporte à ses questions.
20 Mme Mc Henry (interprétation). - Je suis désolée, je ne me suis pas rendue
21 compte que j'avais interrompu le témoin. Je vous en prie, Monsieur... Si
22 cela a été le cas, je m'en excuse.
23 M. Goreta (interprétation). - Je vous remercie. Je voulais simplement
24 ajouter une phrase, car je pense qu'il y a un malentendu. Le profane
25 considère qu'on parle de personnes narcissiques uniquement si elles sont
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1 prétentieuses, si elles passent la rampe plus facilement, alors que
2 d'autres personnes, timides, n'ont pas ce comportement narcissique.
3 Moi, je pense qu'il faut éviter ce malentendu, car vous avez des personnes
4 qui restent dans leur coin, qui lisent un livre, mais au fond elles
5 souhaitent également être les meilleurs scientifiques, les meilleurs
6 psychiatres, les meilleurs juges, etc. Par conséquent, dans les deux cas,
7 dans les deux comportements, il s'agit d'une pathologie narcissique. C'est
8 un tableau qui peut changer en très peu de temps.
9 C'est la raison pour laquelle, quand il s'agit des personnes narcissiques,
10 au moment où elles n'ont plus de renommée dans leur milieu, où quelque
11 chose arrive d'un coup, une chose dont elles ont honte, elles sont
12 capables de se suicider. Une fois de plus, le suicide est un syndrome que
13 vous retrouvez dans un éventail assez important de troubles
14 psychiatriques. D'ailleurs, des personnes de renommée, des personnes très
15 fructueuses dans leur vie professionnelle, des hommes politiques et
16 autres, étaient suicidaires au moment où leur équilibre narcissique était
17 remis en cause. Par conséquent, ils ont eu recours au suicide.
18 Mme Mc Henry (interprétation). - Monsieur, on vous a posé une question
19 relative au comportement sadique. J'aimerais y revenir.
20 Hypothétiquement, si on est en présence d'une personne qui commet des
21 actes violents et qui veut provoquer la souffrance (qui veut par exemple
22 mettre le feu à des personnes, qui veut par exemple introduire des mèches
23 allumées dans l'anus de ces personnes) et si, ensuite, cette personne
24 explique qu'elle s'est livrée à ce type de comportement parce qu'elle
25 était frustrée ou ennuyée, ou tout simplement parce qu'elle s'ennuyait,
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1 diriez-vous que cette personne a adopté un comportement sadique ?
2 M. Goreta (interprétation). - C'est ce que vous avez déduit. Ce sont
3 effectivement les éléments d'un comportement sadique, mais il faut les
4 remettre dans le contexte général et voir quelles sont les raisons pour
5 lesquelles cette personne s'est comportée de cette manière et jusqu'à quel
6 point cette personne cherche, choisit, organise, planifie et met à
7 exécution de tels actes pour se satisfaire.
8 Mme Mc Henry (interprétation). - Excusez-moi de vous interrompre,
9 Monsieur. Je voudrais que nous avancions un petit peu plus vite. Excusez-
10 moi de vous le dire, mais je vous demanderai, dans la plupart des cas,
11 d'essayer de répondre par oui ou par non.
12 Mme Mc Murrey (interprétation). - Objection à nouveau, Monsieur le
13 Président.
14 M. le Président (interprétation). - Cela suffit. Nous n'avons pas besoin
15 d'un psychiatre pour essayer de savoir qui est sadique ou pas.
16 Mme Mc Murrey (interprétation). - Mais il faut tout de même laisser le
17 temps au témoin de s'expliquer !
18 M. le Président (interprétation). - Veuillez poursuivre, Maître Mc Henry.
19 Mme Mc Henry (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
20 M. Goreta (interprétation). - Je n'ai pas donné la définition du sadisme.
21 Ce n'est pas uniquement de torturer quelqu'un. La définition, c'est le
22 besoin de maîtriser quelqu'un, de contrôler quelqu'un, de le maintenir en
23 insécurité pour qu'il ne sache pas ce qu'il va lui arriver.
24 M. le Président (interprétation). - Et il prend plaisir au fait de
25 provoquer la souffrance ?
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1 M. Goreta (interprétation). - Oui, il jouit dans cette situation.
2 M. le Président (interprétation). - Nous n'avons pas besoin d'autre type
3 d'explications, c’est très clair.
4 Mme Mc Henry (interprétation). - Monsieur, vous avez déclaré que vous
5 aviez étudié un certain nombre de crimes de guerre commis en Croatie. Dans
6 un certain nombre de ces cas, vous avez établi que les personnes étaient
7 sous l'influence de l'alcool. C'est bien exact ? Vous pouvez répondre, je
8 crois, par oui ou par non.
9 M. Goreta (interprétation). - Un grand nombre, un nombre important.
10 Mme Mc Henry (interprétation). - Dans un nombre important, c'est tout ?
11 M. Goreta (interprétation). Je ne peux pas m'expliquer. Il y a
12 trois catégories, par conséquent c'est 30 % de plus de personnes qui
13 avaient un certain nombre de problèmes avec l'alcool. Cela ne veut pas
14 dire qu'ils étaient sous l'influence de l'alcool et qu'ils étaient
15 dépendants dans le vrai sens de ce mot.
16 Mme Mc Henry (interprétation). - Très bien. Etes-vous conscient du fait
17 qu'il y a des éléments de preuve qui montrent que M. Landzo a eu recours à
18 l'alcool ou a eu recours à la drogue en 1992, même s'il n'y avait pas
19 dépendance ? Avez-vous conscience ou connaissance de ces éléments
20 d'information ?
21 M. Goreta (interprétation). - Oui.
22 Mme Mc Henry (interprétation). - Très bien. Et d'après vous, Monsieur, la
23 consommation de drogues et d'alcool peut-elle intervenir lorsqu'il s'agit
24 de déterminer s'il y a responsabilité mentale atténuée ?
25 M. Goreta (interprétation). - C’est possible.
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1 Mme Mc Henry (interprétation). - Vous avez également évoqué un phénomène
2 que vous avez décrit comme étant celui des Serbes douteux et autres sujets
3 y afférents. Est-ce que vous tendez par là à suggérer que, lorsqu'une
4 personne commet un crime contre une personne appartenant à un autre groupe
5 ethnique parce qu'elle considère que toutes les personnes appartenant à
6 l'autre groupe ethnique sont des ennemies, est-ce que, d'après-vous, ceci
7 peut constituer une base dans le cadre de la question de la responsabilité
8 atténuée ?
9 M. Goreta (interprétation). - Je ne peux pas vous répondre par oui ou non,
10 ici. Si vous le permettez, je peux expliquer.
11 Mme Mc Henry (interprétation). - Non, je voulais simplement obtenir un
12 éclaircissement. En utilisant l'expression "Serbes douteux" ou "personnes
13 ayant un ego surdimensionné" ou d'autres expressions encore, en disant
14 tout cela, vous n'essayez pas de dire que ce type de phénomènes peut être
15 à la base de la définition de la responsabilité atténuée ?
16 M. Goreta (interprétation). - Je ne peux pas vous répondre par oui ou non,
17 mais je peux vous donner des explications
18 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez expliquer votre réponse ?
19 M. Goreta (interprétation). - Compte tenu du fait qu'il y avait la guerre
20 entre les Serbes, les Croates et les Musulmans, qu'une explication où on
21 parle d’une nationalité ou d’une autre, cela devrait donc être le rapport
22 vis-à-vis de cette nationalité pour faire par la suite diminuer la peine
23 ou le comportement rationnel ou irrationnel, etc. Je veux tout simplement
24 dire qu'il y a eu un comportement paranoïaque et à partir du moment où
25 vous pensez que ce sont les personnes qui vont vous attaquer, violer votre
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1 femme et attaquer votre enfant, etc...
2 A cette époque-là, c'étaient les Serbes, c'est partiellement vrai, et de
3 toute façon cela ne rentre pas dans une étude psychiatrique, mais si par
4 exemple moi je sais que c’est un Serbe et que j’ai une projection
5 paranoïaque, et je lis avec tout ce qui s’est passé dans cet espace, alors
6 ce n’est pas véritablement le plus important.
7 J’ai parlé des Hongrois, j’ai parlé des Albanais, mais cela peut être le
8 fondement pour la responsabilité diminuée, non pas parce qu'il est de
9 telle ou telle nationalité, mais parce qu’il a réagi de cette manière-là.
10 Mme Mc Henry (interprétation). - Venons-en maintenant, si vous le voulez
11 bien, à l’étude que vous avez réalisée en 1994. Cette étude a été versée
12 au dossier ; vous vous êtes penché sur les cas de 25 soldats et vous avez
13 fait part de votre avis d’expert sur leur situation. Essayez-vous
14 simplement de comprendre et d’expliquer leur comportement, ou bien
15 essayez-vous de savoir s’il pouvait y avoir application de circonstances
16 atténuantes dans le cadre des comportements qui avaient été les leurs ?
17 M. Goreta (interprétation). - Une fois de plus, je ne peux pas vous
18 répondre par un oui ou un non.
19 Mme Mc Henry (interprétation). - Eh bien je vous en prie, vous pouvez
20 apporter quelques explications.
21 M. Goreta (interprétation). - Je pense que le rôle principal du
22 psychiatre, c’est de ne pas essayer de justifier un comportement, ni
23 d'apporter un jugement moral. Le rôle du psychiatre est donc de présenter
24 les preuves psychopathologiques pour constater à quel point un diagnostic
25 ne correspond pas à la normalité, et les raisons pour lesquelles la
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1 personne en question ne comprend pas parfaitement ce qui s'est passé.
2 Par conséquent, il y a une responsabilité diminuée et le psychiatre peut
3 également dire que telle personne avait eu un comportement totalement
4 irrationnel et c'est ensuite aux Juges d'apporter le jugement ; c’est une
5 question juridique et cela n’a rien à voir avec les psychiatres. Nous
6 essayons de donner des explications, nous ne justifions pas et nous ne
7 récompensons pas un acte criminel.
8 Mme Mc Henry (interprétation). - Sur ces 25 soldats que vous avez
9 examinés, sur lesquels vous avez fait part de votre opinion, et là je me
10 renvoie aux pages 5-12 et 5-13 de votre article, il y en avait la moitié
11 ou près de la moitié dont vous avez déclaré qu'ils pouvaient faire l'objet
12 de mesures de responsabilité pénale atténuée.
13 Dans le cadre des 13 autres, vous avez déclaré qu'il pouvait également y
14 avoir application de circonstances atténuantes. Est-ce bien exact ? Dans
15 la plupart des cas, voire dans la totalité, vous avez déclaré qu’il
16 pouvait y avoir soit responsabilité pénale atténuée, soit application de
17 circonstances atténuantes ?
18 M. Goreta (interprétation). - Ce sont les données exactes mais une fois de
19 plus je dois me compléter. Il s’agit d'un matériel qui a été sélectionné,
20 c'est notre centre... Il faudrait voir des cas plus complexes, et du point
21 de vue statistique, c’est une sélection qui doit ne pas être tout à fait
22 juste car il y en a d’autres qui ont été examinées, qui ont subi les
23 expertises, mais l'évaluation n'était pas la même, elle était atténuée.
24 En ce qui concerne notre expérience, même au moment où on parle de ces
25 responsabilités pénales atténuées et de l’application de circonstances
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1 atténuantes, cela pouvait avoir un impact sur la détermination de la
2 peine, mais ce n’était pas obligatoire.
3 Dans la pratique, cela voulait dire atténuer la peine, et notamment au
4 moment où il y avait la peine de mort ; on était pratiquement sûrs que
5 cette peine de mort allait être évitée. C’était la pratique en
6 Yougoslavie, les tribunaux n'étaient pas dans l’obligation de tenir compte
7 de notre diagnostic dans le cadre de leur verdict.
8 Mme Mc Henry (interprétation). - Merci, Professeur. Monsieur le Président,
9 je n'ai plus de questions à poser au témoin.
10 M. le Président (interprétation). - Maître Mc Murrey, souhaitez-vous
11 exercer votre droit de réplique ?
12 Mme Mc Murrey (interprétation). - J’ai quatre questions à poser au
13 témoin, si vous me le permettez. Professeur Goreta, les conseils de la
14 défense de M. Mucic vous ont posé un certain nombre de questions portant à
15 peu près sur les mêmes sujets. Lorsque l’on écoute tel ou tel individu, on
16 essaie parfois de savoir s’il dit la vérité. C’est votre cas parfois en
17 tant que psychiatre. Mais la question qui se pose à vous, psychiatre
18 légiste, est de savoir quel est le comportement de l’individu de façon
19 générale. Vous avez étudié un certain nombre de documents...
20 M. le Président (interprétation). - C'est une question que vous êtes en
21 train de poser, ou bien voulez-vous donner des conclusions au témoin et
22 souhaitez-vous que le témoin ratifie ces questions ?
23 Mme Mc Murrey (interprétation). - Non, je lui pose la question de savoir
24 s'il se fonde sur un contexte général ou un certain nombre de critères.
25 Docteur, quels sont les paramètres sur lesquels vous vous fondez lorsque
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1 vous examinez un individu ? Essayez-vous seulement de savoir s'il dit la
2 vérité, ou bien d’autres critères rentrent-ils en jeu ?
3 M. Goreta (interprétation). - Je me dois de répéter qu'en ma qualité
4 d'expert ou de personne qui est chevronnée dans le sens de reconnaître
5 toutes ces réactions, y compris les réactions fausses, je peux
6 enregistrer, mais je ne vais certainement pas en parler dans mon
7 expertise ; je ne vais jamais dire devant la Chambre que la personne en
8 question ne dit pas la vérité, qu'elle n'a pas dit ce qui fait l'objet
9 d'un procès. Ce n'est pas ma tâche.
10 Je vous ai dit que c'est la crédibilité qui est indispensable, je donne un
11 certain nombre d'indices, de symptômes qui, éventuellement, pourraient
12 vous conduire à mettre en question la crédibilité. Si son témoignage est
13 fiable, crédible, ce n'est pas à moi d'en juger, ce sont les Juges qui
14 vont le faire.
15 Je vais encore me compléter. Il est connu qu'un certain nombre de troubles
16 de la personnalité, et par exemple des personnes souvent essaient de se
17 présenter à la lumière qui correspond à leur besoin, etc. Par conséquent,
18 ils donnent une fausse image de ce qu'ils sont. On a parlé de pathologie
19 narcissique, d'autres également. Souvent des personnes de ce genre-là
20 présentent des mensonges et nous sommes pratiquement sûrs de cela.
21 Mme Mc Murrey (interprétation). - Mais vous-même, en tant qu'expert, êtes
22 formé, n'est-ce pas ? Vous savez aller au-delà de cela, vous savez vous
23 appuyer sur d'autres paramètres ?
24 M. Goreta (interprétation). - Bien évidemment, au-delà de ces paramètres,
25 parce que nous cherchons toutes les caractéristiques, ce ne sont pas les
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1 premières impressions. C'est le tableau clinique global auquel nous
2 voulons parvenir, et, au moment de l'acte criminel commis, si nous avons
3 de telles informations ; souvent nous n'avons pas ces informations.
4 En ce moment par exemple, en Croatie, c'est le silence que les gens
5 gardent, plutôt que de coopérer avec nous, ce qui nous rend la tâche
6 beaucoup plus difficile. C'est la raison pour laquelle on demande tout
7 autre information possible, y compris le curriculum vitae, l'environnement
8 familial, social, toutes les informations latérales, collatérales, toutes
9 les informations auxquelles nous pouvons parvenir ; et ceci pour pouvoir
10 évaluer la personne en question, et toujours avec la possibilité que, dans
11 un certain nombre de cas, notre point de vue peut être changé si tout d'un
12 coup il y a de nouvelles informations qu'on nous fournit. Il y a une
13 personne, par exemple, qui se défendait en gardant le silence, et, en
14 définitive, elle accepte de parler. Dans ce cas-là, nous exigeons une
15 expertise supplémentaire pour pouvoir intégrer cela dans notre diagnostic.
16 M. le Président (interprétation). - Nous allons suspendre nos travaux,
17 nous nous retrouverons à 16 heures 30.
18 (L'audience est suspendue à 16 heures et reprise à 16 heures 35)
19 M. Niemann (interprétation). - Me permettrez-vous, Monsieur le Président,
20 de soulever très brièvement un point ? Me permettrez-vous de quitter le
21 prétoire juste après 17 heures cette après-midi ?
22 M. le Président (interprétation). - Mais certainement.
23 M. Niemann (interprétation). - Merci, c'est Maître Mc Henry qui me
24 remplacera, bien évidemment.
25 M. le Président (interprétation). - Maître Mc Murrey, vous pouvez
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1 reprendre.
2 Mme la Greffière (interprétation). - Je vous rappelle, Monsieur, que vous
3 êtes toujours sous serment.
4 Mme Mc Murrey (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
5 Professeur Goreta, les conseils de la défense de M. Music ont beaucoup
6 parlé de ce trouble de la personnalité antisociale, mais ceci ne
7 s'applique absolument pas à M. Landzo, n'est-ce pas ?
8 M. Goreta (interprétation). - Je crois que j'ai donné une réponse complète
9 et détaillée à cette question. Si vous souhaitez davantage d'éléments,
10 alors veuillez poser des questions concrètes, plus précises.
11 Mme Mc Murrey (interprétation). - De son côté, Mme Mc Henry vous a posé un
12 certain nombre de questions, elle ne vous a pas toujours donné le temps
13 d'y répondre, mais tout de même elle vous a posé la question de ce
14 qu'était un comportement sadique. Il y a des personnes qui ont un
15 comportement qui pourrait être considéré comme un comportement sadique,
16 mais cela ne veut pas dire qu'elles ont précisément un comportement
17 sadique ; pourriez-vous expliquer ce que vous vouliez vraiment dire aux
18 Juges un peu plus tôt cette après-midi ?
19 M. Goreta (interprétation). - Les caractéristiques extérieures du
20 comportement sadique peuvent être conditionnées par une combinaison de
21 facteurs, comme je l'ai dit ce matin, dans le cadre de troubles de la
22 personnalité dépendante avec un commandant, avec un supérieur en qui cette
23 personne croit, à qui cette personne fait confiance. Et si on prend ce
24 modèle, pour des actions sadiques au plan de la phénoménologie, on ne peut
25 les utiliser pour diagnostiquer le sadisme chez cette personne pour parler
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1 de structures sadiques, mais le mécanisme est celui que je viens de
2 décrire, c'est-à-dire une identification sans sens critique vis-à-vis de
3 cette personne. Il s'agit de quelque chose à laquelle la personne ne peut
4 résister de l'intérieur, ou ne souhaite même pas résister, car elle ne
5 voit pas la nécessité de le faire ; elle estime que la personne à
6 l'origine de ces ordres connaît mieux la chose et que c'est lui qui
7 assumera toute la responsabilité.
8 Et ici, bien entendu, je parle d'un modèle de comportement sans me référer
9 à une situation concrète.
10 Mme Mc Murrey (interprétation). - Voici ma dernière question.
11 Maître Mc Henry vous a demandé tout à l'heure si, dans le cas où M. Landzo
12 se rendrait dans un autre pays et s'il s'inspirait d'un modèle qui n'était
13 pas le modèle le plus approprié, il pouvait retomber dans les mêmes types
14 de comportement que celui qu'il avait adopté précisément. Pourriez-vous
15 expliquer ce qui se passerait exactement ?
16 Mme Mc Henry (interprétation). - Objection à ce que vient de dire
17 Me Mc Murrey, je ne crois pas que ceci puisse être posé dans le cadre du
18 droit de réplique, et, de toute façon, ce n'est pas exactement la question
19 que j'ai posée tout à l'heure.
20 M. le Président (interprétation). - Effectivement, la question n'a pas été
21 posée de la même façon, je crois que Me Mc Henry faisait une suggestion :
22 si M. Landzo se trouvait ailleurs, se comporterait-il de la même façon ?
23 Ce n'est pas exactement ainsi que vous l'avez formulée vous-même,
24 Me Mc Murrey.
25 Mme Mc Murrey (interprétation). - Eh bien, je vais me conformer à votre
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1 désir, Monsieur le Président, je vais poser la question de cette façon.
2 M. le Président (interprétation). - Ce n'est pas cela qui importe, ce
3 n'est pas une question que les Juges souhaitent poser. Posez-la de la
4 façon que vous voulez.
5 Mme Mc Murrey (interprétation). - Je vais demander au témoin quelle serait
6 la différence de comportement de M. Landzo aujourd'hui par rapport à celui
7 qu'il avait en 1992. Quel serait son comportement aujourd'hui s'il se
8 retrouvait, par exemple, le caïd de la mafia à Chicago ? Quelle serait la
9 différence, à ce moment-là, dans son comportement, s'il se retrouvait sous
10 l'influence d'un caïd de la mafia ?
11 M. Goreta (interprétation). - Voyez-vous, en raison de la structure de sa
12 personnalité qui a changé, il ne serait certainement pas bon qu'il se
13 trouve dans un milieu qui serait celui de la mafia. Et je pense que vous
14 n'avez pas besoin d'explications psychiatriques pour le comprendre.
15 On espère, on s'attend à ce que, quel que soit le destin futur de
16 M. Landzo, on pourra éviter les risques comme cette structure purement
17 hypothétique et j'ai répété qu'il faut assurer la psychothérapie
18 maintenant en détention, il faut qu'elle se poursuive, il faut qu'il ait
19 un traitement phénoménologique et pédagogique ; après la détention, j'ai
20 dit que pendant une période qu'on déterminera compte tenu de sa situation
21 quand il sortira, il faudra déterminer la durée de cette période et quels
22 spécialistes s'occuperont de lui et pourront superviser la situation
23 jusqu’à ce qu’on en arrive à la conclusion que M. Landzo puisse assumer
24 une responsabilité pleine et entière pour lui-même comme tout autre
25 citoyen.
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1 Aujourd’hui, on ne peut le dire avec précision mais compte tenu des
2 renseignements dont je dispose et des sources que je connais, j’ai le
3 sentiment que ce processus est en bonne voie et pour ce qui est de
4 M. Landzo lui-même, je crois qu'il est très motivé pour poursuivre sur
5 cette voie.
6 Quant au fait de savoir si d’autres risques, d’autres fautes, d’autres
7 omissions de qui que ce soit vont entraver ou arrêter ce processus, cela
8 je ne peux le prévoir, mais nous savons très bien quels seraient les
9 facteurs qui pourraient nuire à M. Landzo.
10 Mme Mc Murrey (interprétation). - Si nous comparions ce qui s'est passé en
11 1992 avec la situation qui prévaut aujourd’hui en 1998, peut-on dire que
12 M. Landzo a mûri ?
13 Mme Mc Henry (interprétation). - Cela n'a rien à voir avec ce qui peut
14 être demandé dans le cadre du droit de réplique.
15 Mme Mc Murrey (interprétation). - Est-il plus à même de faire face à
16 certaines situations ?
17 Mme Mc Henry (interprétation). - Aucune différence avec ce qui a été dit
18 précédemment.
19 M. le Président (interprétation). - Mais je crois que ceci n’a pas lieu
20 d’être dans le cadre du droit de réplique.
21 Mme Mc Murrey (interprétation). - Fort bien. Eh bien, Professeur Goreta,
22 il me reste à vous remercier d’être venu aujourd’hui pour témoigner devant
23 ce tribunal. Merci.
24 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup, Professeur, vous nous
25 avez été très utile.
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1 M. Goreta (interprétation). - Je vous remercie. Je remercie les Juges et
2 le Président de m'avoir donné cette possibilité de participer à vos
3 travaux. Merci encore une fois.
4 M. le Président (interprétation). - Le témoin est autorisé à se retirer.
5 Maître Mc Murrey, veuillez maintenant appeler votre prochain témoin.
6 Mme Mc Murrey (interprétation). - Nous appelons à la barre
7 M. Goran Jelisic.
8 Pour que tout soit clair, Monsieur le Président, et pour que la
9 déclaration soit complète, je voudrais préciser que je n'ai pas déposé la
10 déclaration préalable originale qui a été faite par l'un de mes témoins
11 avec la signature originale, et maintenant je voudrais verser le document
12 correspondant ; des exemplaires ont déjà été déposés précédemment.
13 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)
14 M. Jelisic (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la
15 vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
16 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez vous asseoir.
17 Mme Mc Murrey (interprétation). - Puis-je commencer,
18 Monsieur le Président ?
19 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.
20 Mme Mc Murrey (interprétation). - Bonjour, Monsieur Jelisic. M. Jelisic,
21 nous nous sommes rencontrés pour la première fois jeudi après-midi, n'est-
22 ce pas ?
23 M. Jelisic (interprétation). - Oui.
24 Mme Mc Murrey (interprétation). - Pourriez-vous, s’il vous plaît, décliner
25 votre identité aux fins du compte-rendu ?
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1 M. Jelisic (interprétation). - Jelisic Goran.
2 Mme Mc Murrey (interprétation). - A l’heure actuelle, vous faites partie
3 d’un acte d’accusation qui a été dressé à votre encontre par ce tribunal ?
4 M. Jelisic (interprétation). - Oui.
5 Mme Mc Murrey (interprétation). - Quelle est votre appartenance ethnique ?
6 M. Jelisic (interprétation). - Je suis de confession orthodoxe.
7 Me Mc Murrey (interprétation). - Et actuellement, vous vivez dans le
8 quartier pénitentiaire des Nations-Unies, n’est-ce pas ?
9 M. Jelisic (interprétation). - Oui.
10 Mme Mc Murrey (interprétation). - Quelle a été la date de votre arrivée au
11 quartier pénitentiaire des Nations-Unies ?
12 M. Jelisic (interprétation). - Le 22 janvier 1998.
13 Mme Mc Murrey (interprétation). - Connaissez-vous un jeune homme qui porte
14 le nom d'Esad Landzo ?
15 M. Jelisic (interprétation). - Oui.
16 Mme Mc Murrey (interprétation). - Pourriez-vous décrire aux Juges dans
17 quelle circonstance vous avez rencontré M. Landzo pour la première fois ?
18 M. Jelisic (interprétation). - Oui.
19 Mme Mc Murrey (interprétation). - Allez-y.
20 M. Jelisic (interprétation). - Je suis arrivé au centre pénitentiaire des
21 Nations Unies, comme je l'ai dit, le 22 janvier 1998. Le 23 janvier déjà,
22 à une heure, on m'a permis d'entrer en contact avec les autres détenus.
23 Les gardes sont venus à une heure, ils ont ouvert ma cellule et ils sont
24 partis. J'ai entendu des voix qui venaient d'autres pièces, mais je ne
25 savais pas d'où venaient ces voix. Je suis resté sur le pas de la porte,
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1 je ne savais pas où aller.
2 A ce moment-là, Esad Landzo et un autre détenu du centre de détention des
3 Nations Unies sont arrivés, ils étaient dans le couloir. Esad Landzo m'a
4 dit : "Mais enfin, mon frère serbe, viens, que crains-tu ?" Ensuite, ils
5 m'ont emmené dans la salle de séjour et j'ai pu faire la connaissance des
6 autres détenus. Ils m'ont présenté. Après cela, Esad Landzo m'a emmené
7 dans sa cellule, il m'a montré ce qu'il avait, qu'il avait un ordinateur,
8 il m'a expliqué ce qu'il faisait et c'est ainsi qu'a eu lieu notre premier
9 contact.
10 Mme Mc Murrey (interprétation). - Et depuis cette première rencontre,
11 est-ce que vous êtes souvent en compagnie d'Esad Landzo ?
12 M. Jelisic (interprétation). - Oui.
13 Mme Mc Murrey (interprétation). - Est-ce qu’il a essayé de vous expliquer
14 les procédures en vigueur au sein de ce Tribunal ?
15 M. Jelisic (interprétation). - Oui, Esad Landzo m'a expliqué que plusieurs
16 jours après mon arrivée il allait fournir des explications. Il m'a
17 expliqué comment cela fonctionnait, que je n'avais rien à craindre, que
18 nous étions tous là pour être amis, etc.
19 Mme Mc Murrey (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé au quartier
20 pénitentiaire pour la première fois, est-ce qu'il ne vous pas également
21 prêté quelques vêtements ?
22 M. Jelisic (interprétation). - Oui. Lors de ma première comparution
23 initiale devant le Tribunal, Esad Landzo m'a donné une cravate, une
24 chemise, une veste, d'autres détenus m'ont donné des chaussures et
25 d'autres vêtements.
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1 Mme McMurrey (interprétation). - Est-ce qu’il apporte son aide aux
2 personnes qui se trouvent au quartier pénitentiaire ? Est-ce que notamment
3 ils les aide lorsqu'ils ont besoin de traduction ou d'interprétation ?
4 M. Jelisic (interprétation). - Oui, Esad Landzo, avec un groupe de détenus
5 dans la partie hollandaise du centre de détention, nous aide dans des
6 travaux de traduction, lorsque notre traducteur est absent, il nous aide à
7 nous servir de l'ordinateur, et il fait extrêmement bien la cuisine. Il
8 prépare à manger pour tout le monde régulièrement.
9 Mme Mc Murrey (interprétation). - Vous-même et M. Landzo, n'avez-vous pas
10 préparé des fêtes ou des réunions correspondant à des fêtes religieuses au
11 centre de détention ?
12 M. Jelisic (interprétation). - Oui. Lorsque je suis arrivé au quartier
13 pénitentiaire, tout d'abord on a fêté le barjam*, la fête religieuse
14 musulmane. A ce moment-là, j'ai aidé Esad Landzo à organiser la fête, nous
15 avons tout organisé, et nous l'avons fêté ensemble. Après quoi, je l'ai
16 aidé à ranger, à débarrasser la pièce. Lorsque la fête orthodoxe est
17 arrivée, Esad Landzo m'a aidé ainsi que d'autres détenus. Il m'a aidé à
18 préparer cette fête.
19 Mme Mc Murrey (interprétation). - Avez-vous fait l'objet de certaines
20 critiques émanant des autres détenus serbes ? Est-ce que vous avez été
21 critiqué parce que vous étiez si proche de M. Landzo ?
22 M. Jelisic (interprétation). - Oui.
23 Mme Mc Murrey (interprétation). - Il s'agit notamment d'un autre détenu,
24 n'est-ce pas ?
25 M. Jelisic (interprétation). - Oui.
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1 Mme Mc Murrey (interprétation). - Esad Landzo aime-t-il les enfants ?
2 M. Jelisic (interprétation). - Oui. A chaque fois que ma femme venait me
3 voir avec mon fils -j'ai un fils qui a 3 ans- Esad Landzo nous préparait à
4 manger et il jouait avec mon fils. Il allait avec lui à l'endroit où on
5 peut jouer au basket et, avec lui, il jouait au ballon.
6 Mme Mc Murrey (interprétation). - Lorsque vous avez un entretien
7 téléphonique avec un membre de votre famille, est-ce qu'il fait parvenir
8 ses souhaits aux membres de votre famille ?
9 M. Jelisic (interprétation). - Oui. On peut voir cela dans les
10 conversations qui sont enregistrées au quartier pénitentiaire. A chaque
11 fois que j'appelle ma famille, ils demandent de saluer Esad Landzo et
12 d'autres détenus, et Esad Landzo envoie toujours ses salutations à ma
13 femme et à d'autres membres de ma famille.
14 Mme Mc Murrey (interprétation). - Lorsque vous êtes venu ici pour la
15 première fois, et lorsque vous avez dû faire face aux accusations très
16 graves qui sont portées contre vous, est-ce que Esad Landzo vous a aidé à
17 faire face à cette situation ?
18 M. Jelisic (interprétation). - Oui.
19 Mme Mc Murrey (interprétation). - De quelle façon vous a-t-il aidé ?
20 M. Jelisic (interprétation). - Il m'expliquait, m'aidait, me consolait, me
21 donnait des conseils.
22 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Mme le juge, Mc Donald vous a-t-elle
23 rendu visite au sein du quartier pénitentiaire ?
24 M. Jelisic (interprétation). - Oui.
25 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Mme le juge, Mc Donald a-t-elle été
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1 impressionnée par l'esprit de bonne camaraderie qui régnait entre vous
2 tous ?
3 M. Jelisic (interprétation). - Oui
4 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Et que vous a-t-elle dit ?
5 M. Jelisic (interprétation). - La dernière fois que Mme le juge Mc Donald
6 nous a rendu visite, les entretiens ont duré peut-être trois heures. Nous
7 avons parlé. Nous avons abordé tous nos problèmes. L'une des discussions
8 portait sur le fait que cette institution, le tribunal, devait permettre
9 d'arriver à une paix durable en Bosnie-Herzégovine.
10 Ensuite, nous nous sommes retrouvés. Nous avons discuté. Nous nous sommes
11 dit que si nous ne faisions pas la paix ici, comment cela serait-il
12 possible chez nous là-bas ?
13 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Monsieur Jelisic, connaissez-vous les
14 autres accusés dans cette affaire, l'affaire Celebici, qui sont assis
15 derrière nous ?
16 M. Jelisic (interprétation). - Oui.
17 Mme. Mc Murrey (interprétation). - N'avez-vous jamais rencontré quelque
18 problème que ce soit avec ces personnes ?
19 M. Jelisic (interprétation). - Non.
20 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Savez-vous qu'Esad Landzo souffre de
21 certains problèmes de santé, de bronchite et d'asthme notamment ?
22 M. Jelisic (interprétation). - Il m'a parlé de ses problèmes de santé mais
23 étant donné que je vais souvent dans sa cellule, j'ai vu qu'il a
24 deux petites pompes, c'est certainement pour l'asthme.
25 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Est-ce que son asthme est en voie
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1 d'amélioration depuis qu'il suit ce traitement médical ?
2 M. Jelisic (interprétation). - Oui, probablement.
3 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Lorsque vous avez rencontré Esad Landzo
4 pour la première fois entrait-il de temps en temps dans des périodes de
5 dépression ?
6 M. Jelisic (interprétation). - J'ai vu qu'il prenait énormément de
7 cachets. Il y a quelques mois de cela, je ne me souviens plus exactement
8 quand, pendant cinq ou six jours, il n'est pas sorti du tout de sa
9 cellule. Je me suis inquiété parce que nous sommes de bons amis. Je suis
10 entré chez lui. Il restait coucher. Il me demandait de sortir. J'ai vu
11 qu'il avait un problème important.
12 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Est-ce que vous avez pu remarquer un
13 changement d'attitude assez important entre le moment qui a précédé sa
14 comparution au tribunal et le moment où il est venu témoigner devant les
15 juges ?
16 M. Jelisic (interprétation). - Oui, Esad Landzo ne suit plus aucune
17 thérapie. Je lui ai posé la question. Je lui ai demandé :"Est-ce que tu
18 prends des cachets". Il m'a répondu : "Non. je ne prends plus aucun
19 médicament".
20 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Avez-vous pu remarquer des changements
21 qui seraient intervenus dans sa personnalité ?
22 M. Jelisic (interprétation). - Il a l'air plus libre, plus gai. Je ne sais
23 pas comment vous l'expliquer.
24 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Vous nous avez expliqué comment entre
25 détenus vous aviez trouvé des sources de plaisanterie entre vous, des
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1 plaisanteries liées à votre appartenance ethnique à chacun et autres ?
2 Est-ce qu'il y a une personne de votre groupe qui vous considère comme
3 étant le poète de votre groupe ?
4 M. Jelisic (interprétation). - Oui.
5 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Pourriez-vous expliquer aux juges
6 quelle est cette voie par laquelle vous avez choisi d'exprimer vos idées ?
7 M. Jelisic (interprétation). - C'est un poème que nous avons composé.
8 C'est Simo Saric* qui l'a composé.
9 Ensuite, nous chantons cette chanson. Si nous nous ennuyons, nous nous
10 retrouvons dans cette salle de séjour. Cette chanson est comme un message
11 de nous, détenus du quartier pénitentiaire des Nations-Unies, un message
12 que nous envoyons là-bas à nos représentants. Nous demandons qu'ils
13 arrivent à une paix éternelle à jamais, qu'ils voient ce que nous vivons
14 et que cela soit un message pour eux, pour qu'il n'y ait plus jamais de
15 guerres, pour qu'on arrive à une paix éternelle. Dans un des couplets de
16 cette chanson, nous demandons également à nos autorités de coopérer avec
17 cette institution. Nous leur demandons de remettre les vrais dirigeants.
18 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Ce poème exprime-t-il fidèlement les
19 sentiments que vous-même et les autres détenus du quartier pénitentiaire
20 ressentaient ?
21 M. Jelisic (interprétation). - Oui, nos sentiments les plus sincères. Nous
22 ne l'aurions pas écrit s'il n'en était pas ainsi.
23 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Monsieur le Président, je voudrais
24 demander le versement de ce poème au dossier. J'aimerais qu'il soit tenu
25 compte de ce poème dans le cadre de la question des circonstances
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1 atténuantes, dans le cadre également de la question de la réhabilitation
2 de toutes les personnes qui constituent ce groupe qui se trouve aux
3 quartiers pénitentiaires. Je n'ai qu'un exemplaire de la traduction en
4 anglais de ce poème. Je ne sais pas si vous souhaitez que je vous lise les
5 quatre derniers couplets de ce poème, je ne sais pas si vous voulez les
6 lire vous-même, mais c'est un poème vraiment émouvant.
7 M. le Président (interprétation). - Vous disposez d'une traduction ? Si
8 c'est leur poème, qui l'a traduit ?
9 Mme Mc Murrey (interprétation). - J'ai effectivement une traduction entre
10 les mains. Ce poème, n'est-ce pas Monsieur Jelisic, a été rédigé
11 traditionnellement, c'est à dire de la même façon que les poèmes épiques
12 serbes traditionnels.
13 M. Jelisic (interprétation). - Oui.
14 Mme Mc Murrey (interprétation). - Donc normalement tout rime. Evidemment,
15 la traduction ne fait pas honneur à la version originale car les rimes ne
16 sont pas respectées, mais je vais essayer de le lire. Je cite :
17 "Ce qui est arrivé là-bas n'est pas important.
18 Ce qui est important, c'est ce que nous ressentons ici.
19 L'harmonie règne parmi nous.
20 Chacun dirait que c'est ainsi que les choses étaient auparavant.
21 Ils disent que nous sommes des criminels de guerre
22 Mais nous sommes ici comme des petits enfants.
23 On s'amuse, il y a des jeux.
24 Nous ne sommes en rien les mauvais, comme on veut nous présenter.
25 Si nos compatriotes qui se trouvent encore là-bas savaient à quel point
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1 notre vie est harmonieuse,
2 Ils s'allongeraient à terre et ils détruiraient leurs armes à feu.
3 Que tout ceci soit une leçon pour tous les hommes de bien.
4 Si l'harmonie règne aujourd'hui à La Haye,
5 Eh bien suivez nos traces et chacun ne s'en portera que mieux".
6 (Fin de citation).
7 Merci, monsieur Jelisic, d'être venu déposer devant cette Chambre. Si vous
8 souhaitez ajouter quoi que ce soit quant à l'attitude de M. Landzo à votre
9 égard ou quant à son comportement au quartier pénitentiaire, vous pouvez
10 faire ces commentaires dès à présent.
11 M. le Président (interprétation). - Et le poème ?
12 Mme Mc Murrey (interprétation). - Oui, pardon, je souhaitais verser ce
13 poème au dossier. J'ai oublié de le faire. Je dépose la version BCS et la
14 version anglaise du poème.
15 M. Jelisic (interprétation). - Ce que je pourrais dire encore pour
16 Esad Landzo...
17 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez faire les commentaires que
18 vous souhaitez.
19 M. Jelisic (interprétation). - Merci. Ce que je pourrais ajouter au sujet
20 de Esad Landzo ressort du document que nous avons signé, nous, une dizaine
21 des détenus. Je peux dire qu'il est véritablement une personne chaleureuse
22 qui aime plaisanter et qu'il a le sens de la communication.
23 J'ai remarqué également qu'il souhaitait garder sa cellule propre, c'est
24 l'une des cellules les mieux entretenues de l'étage. Il aime le dessin, la
25 peinture, je l'ai constaté. Il veut d'ailleurs faire le portrait de mon
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1 fils. Il aime le sport ; souvent nous jouons au football ou au handball.
2 Nous avons des relations amicales. Lorsque j'étais sur le point de partir
3 pour déposer ici, tous les autres détenus m'ont encouragé.
4 Mme Mc Murrey (interprétation). - Merci beaucoup, Monsieur, et merci
5 d'être venu aujourd'hui. Je n'ai plus de questions à poser au témoin.
6 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. D'autres conseils de
7 la défense souhaitent-ils poser des questions au témoin ?
8 Mme Residovic (interprétation). - Nous n'avons pas de question, merci. La
9 défense de M. Delalic n'a pas de questions.
10 M. Morrison (interprétation). - Les conseils de la défense de M. Mucic
11 n'ont pas de questions à poser.
12 M. Moran (interprétation). - J'ai trois questions à poser, je peux peut-
13 être le faire de là où je me trouve, Monsieur le Président.
14 Monsieur, je m'appelle Tom Moran et je représente ici Hazim Delic. Vous le
15 connaissez, n'est-ce pas ?
16 M. Jelisic (interprétation). - ...
17 M. Moran (interprétation). - Je répète que je m'appelle Tom Moran et que
18 je représente ici M. Hazim Delic. Vous connaissez M. Delic, n'est-ce pas ?
19 M. Jelisic (interprétation). - Oui.
20 M. Moran (interprétation). - Vous souvenez-vous... Pardon, je vais
21 reformuler ma question. Est-ce que vous parlez régulièrement avec
22 M. Delic ?
23 M. Jelisic (interprétation). - Oui.
24 M. Moran (interprétation). - Vous souvenez-vous lui avoir dit que
25 M. Landzo vous avait dit qu'il allait venir devant le Tribunal et mentir
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1 quant au fait qu'il avait reçu certains ordres lui ordonnant de commettre
2 des crimes de guerre ?
3 M. Jelisic (interprétation). - Conformément à un accord avec mon avocat,
4 je ne souhaite pas répondre à cette question.
5 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, je demande à ce que
6 l'intégralité de la déposition de M. Jelisic soit expurgée. S'il invoque
7 son droit à ne pas prendre la parole et à ne pas s'auto-incriminer, alors
8 je demande que son témoignage soit expurgé.
9 M. le Président (interprétation). - Je vous demande pardon ?
10 Veuillez, s'il vous plaît, poursuivre vos questions avant qu'on ne
11 revienne là-dessus.
12 M. Moran (interprétation). - Monsieur, je crois que vous êtes pour le
13 moment dans des locaux temporaires au quartier pénitentiaire des
14 Nations Unies, n'est-ce pas ? Vous n'êtes pas au sein même du quartier
15 pénitenciaire, vous êtes dans une autre branche de ce centre, vous-même et
16 les autres détenus, n'est-ce pas ?
17 M. Jelisic (interprétation). - Oui.
18 M. Moran (interprétation). - Peut-on dire que vous êtes détenu dans un
19 secteur du bâtiment où il n'y pas d'installation sanitaire, où il n'y a
20 pas d'endroit où vous puissiez vous laver les mains...
21 Mme Mc Murrey (interprétation). - Objection, Monsieur le Président !
22 Quelle est la pertinence de ces questions ?
23 M. Moran (interprétation). - La pertinence est la suivante : ceci montre
24 que les conditions de détention de ces individus sont fort semblables à
25 celles qui prévalaient dans le camp de Celebici.
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1 Mme Mc Murrey (interprétation). - Cela n'explique pas la pertinence de la
2 question, Monsieur le Président.
3 M. Moran (interprétation). - Dans ce cas, je n'ai plus de questions pour
4 le témoin.
5 M. le Président (interprétation). - D'autres questions pour le témoin ?
6 Mme Mc Henry (interprétation). - L'accusation ne souhaite pas contre-
7 interroger le témoin.
8 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup d'être venu témoigner
9 ici, vous pouvez maintenant vous retirer, Monsieur Jelisic.
10 M. Jelisic (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le Président,
11 Madame et Messieurs les Juges.
12 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez partir.
13 (Le témoin quitte la salle d'audience)
14 Mme Mc Murrey (interprétation). - Monsieur le Président, nous n'avons pas
15 d'autre témoin à citer devant la Chambre, mais nous aimerions vous
16 demander à nouveau de prendre très attentivement en compte tous les
17 éléments relatifs à l'état mental de M. Landzo. Prenez-les en compte dès
18 lors qu'il s'agit de l'établissement de la peine, parce que je crois que
19 tous ces éléments pourront permettre d'appliquer certaines circonstances
20 atténuantes. Nous n'avons rien de plus à ajouter pour ce qui est
21 maintenant de la détermination de la sentence à appliquer.
22 M. le Président (interprétation). - La procédure est très claire sur ce
23 point, vous pouvez à la fois présenter vos arguments relatifs à la
24 détermination de la sentence et vos arguments relatifs à la question de la
25 culpabilité ; tout cela constitue un ensemble et, bien évidemment, les
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1 Juges se pencheront sur cet ensemble d'arguments. Mais tout cela n'a rien
2 de nouveau, vous n'avez pas à le préciser.
3 Maître Moran, vous voulez prendre la parole ?
4 M. Moran (interprétation). - Il y a un témoin qui se trouve dans la salle
5 d'attente des témoins, c'est un spécialiste en droit yougoslave. Je ne
6 sais si vous souhaitez l'entendre maintenant ?
7 M. le Président (interprétation). - Son témoignage porte sur le droit en
8 Yougoslavie ? Quelle est la relation de cela avec la détermination de la
9 sentence ?
10 M. Moran (interprétation). - Eh bien, cela nous explique quelles sont les
11 procédures qui s'appliquent et qui s'appliquaient dans l'ex-Yougoslavie en
12 matière de détermination de la sentence. Je vous ai fait parvenir un
13 exemplaire de son rapport. En fait, il va surtout...
14 M. le Président (interprétation). - Nous allons commencer à l'entendre et
15 puis nous poursuivrons.
16 M. Moran (interprétation). - Si vous le souhaitez, Monsieur le Président,
17 mais tout d'abord je vais vous faire passer des documents dont disposent
18 déjà les membres du bureau du Procureur. Il s'agit de documents en
19 anglais, de traductions en anglais de documents dont les originaux étaient
20 en Serbo-croate. Ils contiennent un certain nombre de faits relatifs au
21 père de M. Delic et relatifs à un autre parent de M. Delic. Le père de
22 M. Delic n'a pas pu se déplacer parce que la mère de M. Delic est très
23 souffrante.
24 Mme Mc Henry (interprétation). - Si je peux aider, l'accusation a précisé
25 qu'elle ne faisait pas objection à l'introduction dans le dossier du
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1 rapport de cet expert.
2 M. Moran (interprétation). - J'ai apporté ce rapport ici, simplement s'il
3 y avait un problème qui surgissait et simplement s'il était nécessaire
4 d'apporter quelques éclaircissements.
5 M. Jan (interprétation). - (Hors micro)
6 M. Moran (interprétation). - Ce rapport a été déposé la semaine dernière.
7 M. Jan (interprétation). - Je ne l'ai pas vu. Peut-être que c'est moi qui
8 suis fautif.
9 M. Moran (interprétation). - Oui, il doit y avoir un petit quiproquo.
10 Peut-être que ce rapport a été déposé deux fois ? Je crois que nous avons
11 ici des problèmes de distribution des documents qui est à peu près aussi
12 efficace que celle qui prévaut dans mon bureau aux Etats-Unis. Je vais
13 vous faire une suggestion. J'ai ici un exemplaire de ce rapport, je serai
14 plus qu'heureux de vous le transmettre, mais si vous le souhaitez...
15 M. Jan (interprétation). - Sans doute se trouve-t-il à cette heure sur ma
16 table ! Je n'en ai pas besoin...
17 M. Moran (interprétation). - Mais laissez-moi vous faire passer cet
18 exemplaire, c'est le seul dont je dispose à l'heure actuelle.
19 M. Jan (interprétation). - Vous n'avez qu'à procéder à l'interrogatoire
20 principal, et, ensuite, si nous en ressentons le besoin, nous poserons des
21 questions.
22 M. Moran (interprétation). - Cette suggestion me convient tout à fait.
23 M. Jan (interprétation). - Si l'accusation ne fait pas objection à la
24 teneur du rapport, je ne vois pas le besoin de pousser les choses plus en
25 avant.
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1 M. Moran (interprétation). - Oui. Peut-être pouvez-vous prendre ce
2 rapport, le lire d'ici demain et nous pourrons commencer l'audition du
3 témoin demain matin si vous préférez ?
4 M. le Président (interprétation). - Quelle différence l'explication que le
5 témoin va faire de son rapport fera-t-elle ? Parce qu'ici c'est une
6 question de droit qui se pose, n'est-ce pas ?
7 M. Moran (interprétation). - Oui, mais c'est également la question de la
8 pratique qui est respectée dans tel ou tel système juridique. Par exemple,
9 dans mon système juridique, il y a des sentences extrêmement élevées qui
10 sont rendues par les tribunaux, et dans d'autres juridictions, pour les
11 mêmes crimes, il y a des sentences beaucoup moins importantes.
12 L'article 24-1 du statut fait état des pratiques qui prévalaient dans
13 l'ex-Yougoslavie.
14 M. le Président (interprétation). - Mais c'est à nous, les Juges de ce
15 Tribunal, de déterminer la pratique à appliquer ici.
16 M. Moran (interprétation). - Bien sûr, mais tout cela dépend des faits, et
17 nous voulons tout de même faire valoir quelle était la pratique qui
18 s'appliquait en ex-Yougoslavie.
19 M. le Président (interprétation). - Tout dépend, en fait, des faits que
20 l'on a sous les yeux, c'est cela qui détermine la sentence.
21 M. Moran (interprétation). - Bien que cela dépende des faits dont la Cour
22 a pu prendre connaissance... Mais il y a certains points qui pourraient
23 exiger des éclaircissements. Par exemple, il y a eu des problèmes,
24 n'est-ce pas, dans le cadre de la détermination de la sentence dans
25 l'affaire Tadic... On a essayé de savoir ce qu'étaient les lois
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1 yougoslaves en la matière, et il y a eu des désaccords, par exemple, entre
2 le Juge Mc Donald et d'autres intervenants quant à la nature de ces lois,
3 et je crois que c'est un problème que nous pouvons soulever également
4 devant cette Chambre de Première Instance.
5 Je ne sais pas, que préférez-vous faire ? Est-ce que nous entendons le
6 témoin ce soir ou demain matin à 10 heures pour 15 minutes maximum ?
7 M. Jan (interprétation). - Pas plus de 15 minutes ?
8 M. Moran (interprétation). - Je ne crois pas que cela ira beaucoup plus
9 loin que cela. C'est surtout un témoin que je cite, parce que je veux vous
10 aider à comprendre certaines choses, ensuite nous citerons peut-être à la
11 barre la femme de M. Delic, mais peut-être ne viendra-t-elle pas, peut-
12 être pourrons-nous obtenir de sa part une déclaration écrite dans les
13 jours à venir. Nous la lui demanderons si nous ne la citons pas à
14 comparaître devant la Chambre.
15 M. le Président (interprétation). - Je ne vois pas la nécessité de
16 commencer dès à présent ; nous n'avons qu'à reprendre nos travaux demain
17 matin à 10 heures. De mon côté, je me référerai au statut et ainsi je
18 saurai à quoi m’en tenir par rapport à ce que vous venez de nous dire.
19 M. Moran (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Nous commencerons
20 demain matin et nous en aurons terminé bien avant la pause-déjeuner, j’ose
21 l’espérer. Je dis cela à l'intention de mes collègues qui devraient peut-
22 être se préparer à citer leurs propres témoins.
23 M. le Président (interprétation). - C’est entendu. La Chambre suspend ses
24 travaux. Nous reprendrons demain matin à 10 heures.
25 L'audience est levée à 17 heures 15.