Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   (L'audience est ouverte à 9 heures 24.)

  2   (Audience publique.)

  3   (Questions relatives à la procédure.)

  4   M. Fourmy: Veuillez-vous asseoir. Bonjour.

  5   Avant de procéder à l'audition du deuxième témoin dans cette série de

  6   dépositions, vous me permettrez peut-être quelques mots d'introduction.

  7   D'abord, pour constater que nous avons près de dix minutes de retard qui

  8   ne sont pas de mon fait; j'espère que cela est une indication que si, par

  9   hasard, j'avais un petit peu de retard, vous ne m'en voudriez pas trop.

 10   Mais je crois qu'il est important que nous fassions tous un effort pour

 11   essayer -Monsieur Naletilic, s'il vous plaît- , pour essayer d'être à

 12   l'heure. C'est important pour tout le monde, à commencer par les accusés

 13   qui ont des horaires encore plus étendus que les nôtres, pour tenir compte

 14   des transferts depuis et au retour du quartier pénitentiaire.

 15   La deuxième chose que je voudrais dire, c'est que je crois que la journée

 16   d'hier a été très riche d'enseignement pour nous tous -en tout cas, elle

 17   l'a été pour moi- et que je suis, à titre personnel, particulièrement

 18   satisfait que nous ayons pu mener à bien l'audition complète d'un témoin.

 19   Cela étant, cette déposition a pris plus de temps que prévu. Il est donc

 20   heureux que nous ayons eu une certaine marge de manœuvre; mais cette marge

 21   de manœuvre, nous ne l'avons plus ou, en tout cas, il est certain qu'à

 22   partir de demain, nous ne l'aurons plus.

 23   Dans ces conditions, je me permets d'insister auprès de vous tous,

 24   puisqu'encore une fois je ne suis qu'un officier instrumentaire qui n'est

 25   là en quelque sorte que pour faire écran de passage entre ce qui se passe


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  1   dans cette salle et l'information que les Juges recevront. C'est donc à

  2   vous qu'il incombe, s'il vous plaît, de faire en sorte que les dépositions

  3   se déroulent de la manière la plus efficace possible, ce qui impose

  4   qu'elle se déroule d'une manière aussi harmonieuse que possible. Dans un

  5   procès pénal, il est naturel qu'il existe des désaccords. Je pense que, si

  6   tout le monde était d'accord, nous aurions sans doute entamé une procédure

  7   différente et, sans doute, la défense aurait agi de manière différente

  8   avec le Procureur pour essayer de négocier un accord d'une manière ou

  9   d'une autre. A l'évidence, ce n'est pas le cas. Le débat est donc tout à

 10   fait légitime. Il est plus que légitime: encore une fois, il est normal.

 11   Mais je crois aussi qu'il est normal que l'on prenne en compte le fait

 12   que, bien que je ne sois qu'officier instrumentaire, pour le témoin, il

 13   est dans une salle d'audience; le Procureur lui pose des questions comme

 14   dans une salle d'audience, la défense pose des questions comme dans une

 15   salle d'audience et les discussions que vous avez eues avec le Juge de la

 16   mise en état ont permis que les accusés soient eux-mêmes présents. Ce qui

 17   est important pour eux comme pour la suite de la procédure, mais ce qui à

 18   l'évidence crée aussi un rapport différent entre le témoin et les

 19   différentes personnes qui sont dans la salle.

 20   Je voudrais donc pouvoir compter sur vous pour que, dans la manière de

 21   poser les questions, dans le rythme des questions, dans la manière de

 22   reprendre éventuellement une réponse du témoin, vous fassiez preuve de

 23   vigilance, de manière à ce que les réponses que le témoin va apporter

 24   soient aussi claires que possible pour ceux qui devront bénéficier de

 25   l'information que le témoin doit apporter.


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  1   Je m'aperçois peut-être que d'ailleurs moi-même, je ne respecte pas ce que

  2   j'attends de vous, c'est-à-dire que je parle souvent trop vite. C'est un

  3   défaut que nous avons tous quand nous parlons notre langue. Alors, je

  4   demanderai à chacun -et je remercie les interprètes éventuellement de me

  5   faire savoir si véritablement nous allons trop vite-, je demanderai à

  6   chacun de veiller à avoir un rythme qui permette à tous les participants à

  7   cette procédure de bien comprendre ce qui se passe et de fournir à terme

  8   la meilleure information pour la suite de ce procès.

  9   Je ne sais pas si vous avez des observations sur ce point, mais je crois

 10   qu'il est important qu'ensemble, nous essayions de nous accorder sur cette

 11   manière de faire, qui doit être respectueuse en particulier de ces

 12   personnes qui viennent devant nous pour être -et je crois que c'est

 13   important- non pas les témoins du Procureur et peut-être demain les

 14   témoins de la défense, mais les témoins de la justice.

 15   Enfin, je ne sais pas si le Procureur et la défense ont pu se rencontrer

 16   hier en fin de journée, car c'était une journée assez longue, mais je me

 17   suis permis de mentionner, lors de l'audience d'hier, le fait qu'il était

 18   important qu'il y ait un certain équilibre, même du point de vue du temps

 19   utilisé, entre les parties. Ce n'est pas quelque chose qu'il m'appartient

 20   de gérer totalement.

 21   Mon souci, en tant qu'officier instrumentaire, est que le vendredi 3 août,

 22   à 17 heures, peut-être 17 heures 5, 17 heures 10, si les interprètes sont

 23   assez gentils pour nous l'accorder, nous ayons mené à terme les 18

 24   dépositions qui sont prévues à notre calendrier. Si cela n'est pas

 25   possible, nous en ferons rapport aux Juges et les Juges verront ensuite ce


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  1   qu'il convient de faire.

  2   Mais, dans la mesure où c'est une procédure qui n'a encore jamais été

  3   utilisée sous cette forme-là, je ne vous cacherai pas que je serais

  4   particulièrement satisfait que nous puissions démontrer que c'est

  5   possible, que cela marche et que c'est une procédure efficace pour les

  6   parties, pour les Juges et donc pour la justice que ce Tribunal doit

  7   rendre.

  8   Dans cette perspective, si Mme la Greffière veut bien nous aider en ce

  9   sens, je souhaiterais que, très grossièrement, si vous voulez, si le

 10   Procureur interroge un témoin pendant deux heures à titre principal, la

 11   défense, en s'organisant comme elle le souhaite, envisage que son contre-

 12   interrogatoire, en tout, ne dépasse pas cette même durée de deux heures.

 13   Evidemment, cela peut être beaucoup moins. Evidemment, je pense que cela

 14   peut être plus, parce que seule la défense est à même de savoir quelles

 15   informations elle doit retirer du témoin pour le meilleur bénéfice de la

 16   justice.

 17   Mais l'expérience montre que, souvent, en fait, le contre-interrogatoire

 18   peut durer plutôt un peu moins longtemps que l'interrogatoire principal.

 19   C'est une question que je me permets de suggérer que vous débattiez entre

 20   vous de manière à ce que, dans les jours qui viennent, assez

 21   naturellement, l'équilibre s'instaure.

 22   Pardonnez-moi cette introduction qui a pris, je crois, sept minutes, peut-

 23   être huit, mais je veux terminer en vous remerciant encore une fois de ce

 24   qu'il a été possible d'accomplir hier et en vous remerciant encore plus de

 25   ce que, grâce à vous, il sera possible d'accomplir aujourd'hui et dans les


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  1   jours qui viennent pour la meilleure information des Juges.

  2   Monsieur le Procureur; pouvons-nous faire entrer le témoin, s'il vous

  3   plaît?

  4   M. Scott (interprétation): Oui, Monsieur Fourmy. Pour ce qui concerne ce

  5   témoin, nous allons le faire entrer.

  6   Je voudrais très brièvement, si vous me le permettez, dire quelque chose.

  7   Tout d'abord, en ce qui concerne l'accusation, nous sommes d'avis qu'en ce

  8   qui vous concerne vous-même, en votre qualité d'officier instrumentaire,

  9   nous devons montrer le même respect tout comme devant la Chambre.

 10   En ce qui concerne le retard, nous nous excusons pour ce retard et vous

 11   avez parfaitement raison de nous le rappeler. Tous les représentants du

 12   Bureau du Procureur étaient ici, mais il a été indispensable que nous

 13   parlions quelque peu, que nous échangions quelques points de vue avec le

 14   témoin juste à la dernière minute. C'est notre problème.

 15   (Le témoin, M. Ekrem Lulic, est introduit dans le prétoire.)

 16   M. Fourmy: Merci. J'ai vu votre robe flotter dans le couloir

 17   effectivement, bien avant l'heure prévue.

 18   Maître Krsnik?

 19   M. Krsnik (interprétation): Monsieur Fourmy, certes, la défense a

 20   également beaucoup de respect pour vous, tout comme vient de le dire le

 21   Procureur. Ce n'est pas de notre faute que nous soyons en retard

 22   aujourd'hui. A 8 heures, nous étions dans la pièce de la défense; nous

 23   attendions les officiers de sécurité: nous ne pouvions pas entrer ici sans

 24   être escortés.

 25   En ce qui concerne l'expérience dont vous avez parlé, nous aussi, nous en


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  1   avons tiré des enseignements. En ce qui concerne les dépositions, ce ne

  2   sont pas des informations pour les Juges mais, éventuellement, il en

  3   ressortira une décision. C'est la raison pour laquelle, avec tout le

  4   respect, je ne peux pas vous promettre combien de temps je vais mettre

  5   pour le contre-interrogatoire parce que, justement, j'en ai tiré des

  6   enseignements d'expérience.

  7   Nous avons eu également du temps pour nous préparer, nous nous sommes

  8   préparés pour ce contre-interrogatoire, mais nous faisons attention que ce

  9   ne soit pas trop et que ce soit avec beaucoup d'effet.

 10   Bien évidemment, on ne sait jamais où notre contre-interrogatoire aboutira

 11   parce que cela dépend du témoin également. Merci.

 12   M. Fourmy: Merci, Maître Krsnik.

 13   Quand je dis que c'est une information pour les Juges, c'est évidemment

 14   dans la perspective d'une décision finale. Mais, encore une fois, c'est

 15   parce que je ne me place que comme un intermédiaire, je ne prends aucune

 16   décision par définition.

 17   Bonjour, Monsieur. Pardonnez-moi.

 18   Maître Seric, si vous permettez, nous allons dire bonjour au témoin et je

 19   vous donnerai la parole ensuite. Vous voulez bien?

 20   Bonjour, Monsieur. Vous m'entendez?

 21   M. Lulic (interprétation): Oui.

 22   M. Fourmy: Vous allez donc déposer en qualité de témoin selon une

 23   procédure un petit peu spéciale; c'est-à-dire que c'est la procédure de

 24   l'officier instrumentaire: je ne suis pas un Juge, mais cela va se passer

 25   de la même manière que si vous étiez devant des Juges. Nous allons vous


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  1   demander de prêter serment sur le document que l'huissier va vous tendre,

  2   s'il vous plaît. Je vous écoute.

  3   M. Lulic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

  4   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  5   M. Fourmy: Merci beaucoup. Vous pouvez-vous asseoir.

  6   Merci.

  7   Sans doute le Procureur vous a expliqué la procédure. Dans un premier

  8   temps, vous allez répondre aux questions du Procureur, ensuite aux

  9   questions de la défense et puis, peut-être, de nouveau à des questions du

 10   Procureur.

 11   Vous devez-vous sentir aussi tranquille que possible. N'ayez pas

 12   d'inquiétudes particulières. C'est une procédure qui prend un peu de temps

 13   et qui demande beaucoup de patience, surtout du témoin. Et puis, je vous

 14   demanderai aussi de faire attention: quand nous parlons, tout ce que nous

 15   disons est interprété dans trois langues, en fait dans deux langues

 16   puisqu'il y a forcément une langue qui n'est pas interprétée. Cela prend

 17   donc un peu de temps. Quand c'est le Procureur qui vous interroge, le

 18   temps que vous entendiez la question dans votre langue, cela ne pose pas

 19   de problème. Si je vous pose des questions, cela ne posera pas de

 20   problème. Si la défense vous pose une question, ménagez toujours un petit

 21   moment de réponse avant de lui répondre parce que sinon, vous allez-vous

 22   comprendre, mais nous nous n'allons pas nous comprendre ou cela va nous

 23   être difficile.

 24   Soyez tout à fait à l'aise, aussi à l'aise que possible.

 25   Avant que nous passions à votre interrogatoire proprement dit, je crois,


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  1   Maître Seric, que vous souhaitiez intervenir.

  2   M. Seric (interprétation): Ce n'est pas une intervention. Je voulais tout

  3   simplement m'excuser à cause du retard mais, comme mon confrère l'a dit,

  4   nous ne pouvons pas entrer dans le prétoire, comme c'est le cas pour le

  5   prétoire n°3. C'est la raison pour laquelle je vais vous demander de bien

  6   vous assurer pour que nous puissions véritablement entrer à temps dans le

  7   prétoire. C'est un premier point.

  8   Ensuite, en ce qui concerne la qualité de la déposition, elle est beaucoup

  9   plus grande, si on le contre-interroge. Il faut dire que la durée ne

 10   dépend pas véritablement de la défense, elle dépend exclusivement du

 11   témoin. Merci.

 12   M. Fourmy: Merci, Maître Seric. Excusez-moi pour d'éventuels problèmes

 13   d'escorte pour venir jusque dans ce salle d'audience; nous verrons avec

 14   Mme la Greffière ce qu'il est possible de faire. C'est vrai que c'est

 15   toujours un peu difficile quand toutes les salles fonctionnent.

 16   Mais je crois, si vous me le permettez, Maître Seric -et je parle à titre

 17   personnel- que vous avez démontré hier après-midi, que cela ne dépend pas

 18   que du témoin, que la défense peut beaucoup pour aller vite et sans doute

 19   pour aller bien de son propre point de vue. Croyez-moi, je vous en

 20   remercie.

 21   Monsieur le Procureur, s'il vous plaît.

 22   (Interrogatoire principal du témoin, M. Ekrem Lulic, par M. Stringer.)

 23   M. Stringer (interprétation): Je m'appelle Stringer; c'est pour les

 24   interprètes que je le précise. Monsieur Poriouvaev n'est pas dans le

 25   prétoire aujourd'hui.


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  1   Bonjour, Monsieur le Témoin. Pourriez-vous décliner votre identité?

  2   M. Lulic (interprétation): Je m'appelle Ekrem Lulic.

  3   Question: Monsieur Lulic, est-ce que vous avez vécu dans le village de

  4   Sovici, en Bosnie-Herzégovine, jusqu'en avril 1993?

  5   Réponse: Oui.

  6   Question: Si j'ai bien compris, Monsieur Lulic, je pense que vous parlez

  7   anglais, mais je pense qu'il est mieux -et c'est ce que je vous suggère-

  8   de me répondre à mes questions dans votre langue maternelle, car il y a

  9   des interprètes ici, vous ne les voyez pas, mais eux interprètent tout ce

 10   que vous dites vers l'anglais et le français.

 11   Réponse: Entendu, je vais parler bosnien.

 12   Question: Merci. Eh bien, est-ce que vous avez vécu dans le village

 13   Sovici, en Bosnie-Herzégovine, jusqu'en avril 1993?

 14   Réponse: Oui.

 15   Question: Si j'ai bien compris également, vous êtes né également dans ce

 16   village?

 17   Réponse: Oui.

 18   Question: Est-ce que vous êtes musulman bosnien? Est-ce que c'est votre

 19   appartenance ethnique?

 20   Réponse: Oui.

 21   Question: Est-ce qu'en avril 1993, vous viviez avec votre épouse et vos

 22   enfants?

 23   Réponse: Oui.

 24   Question: Et en avril 1993, est-ce que le village de Sovici a été exposé à

 25   une attaque? Est-ce que ce village a été attaqué?


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  1   Réponse: Oui.

  2   Question: Je sais que beaucoup de temps s'est écoulé depuis ces événements

  3   mais, d'après vos meilleurs souvenirs, pourriez-vous nous dire à peu près

  4   à quel moment Sovici a été attaqué?

  5   Réponse: C'était le 17 19 93.

  6   Question: Entendu. Et tout de suite avant le 17 avril, pourriez-vous nous

  7   dire si l'on vous a demandé de rejoindre la Défense territoriale? C'était

  8   une défense organisée au niveau local du village?

  9   Réponse: Oui.

 10   Question: Est-ce que vous aviez des armes?

 11   Réponse: Oui.

 12   Question: Mais c'étaient de bonnes armes?

 13   Réponse: C'étaient les réserves, c'était pour les réservistes: ce n'était

 14   pas pour les soldats d'active, des armes destinées aux réservistes.

 15   Question: Le 17 avril 1993, quand Sovici a été attaqué, vous vous trouviez

 16   où, s'il vous plaît? Où vous trouviez-vous au moment où vous avez appris

 17   qu'il y avait une attaque?

 18   Réponse: Moi, j'étais chez ma belle-mère en visite. J'étais chez ma belle-

 19   mère: j'espère que cela va être traduit.

 20   Question: Et est-ce que vous vous souvenez à quel moment l'attaque a

 21   commencé?

 22   Réponse: C'était le matin, entre 8 heures, 8 heures et demie du matin.

 23   Question: Et pourriez-vous me dire maintenant où est-ce que vous avez

 24   passé la journée du 17 avril, une fois que l'attaque a été déclenchée?

 25   Réponse: Mais j'étais chez ma belle-mère et c'est dans sa maison que je


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  1   suis resté.

  2   Question: Et êtes-vous resté dans cette maison pratiquement pendant toute

  3   la journée?

  4   Réponse: Jusqu'au soir.

  5   Question: Et pendant que vous étiez dans cette maison, dans la maison de

  6   votre belle-mère, ce jour-là, est-ce que vous avez pu entendre qu'il y

  7   avait une attaque qui a été déclenchée?

  8   Réponse: Mais c'est le matin que l'attaque a été déclenchée et elle a duré

  9   jusqu'au soir.

 10   Question: Qu'avez-vous entendu?

 11   Réponse: Qu'est-ce qu'on a entendu? Mais c'était à côté:, la ligne n'était

 12   pas très loin. Par conséquent, j'ai donc dû tout entendre.

 13   Question: Eh bien, plus tard, au cours de la journée, est-ce qu'à un

 14   moment donné ou à un autre, vous avez quitté la maison de votre belle-

 15   mère?

 16   Réponse: Oui.

 17   Question: Et pourquoi êtes-vous parti?

 18   Réponse: Parce qu'il y avait un commandant, Ovnovic Dzemal, le commandant

 19   de la Défense territoriale. Il a envoyé un messager; il a dit que ceux qui

 20   ne se sont pas rendus devaient restituer les armes. Les échanges de tirs

 21   se sont arrêtés.

 22   Question: Entendu.

 23   Eh bien, Monsieur, vous avez quitté cette maison pour restituer les armes,

 24   n'est-ce pas?

 25   Réponse: Oui.


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  1   Question: Pourriez-vous nous dire, maintenant, si vous avez rejoint vos

  2   autres collègues, deux Musulmans, à ce moment-là?

  3   Réponse: Oui.

  4   Question: Et où est-ce que vous trois, vous êtes partis, vous-même et les

  5   deux autres?

  6   Réponse: Nous sommes allés dans un autre hameau, dans la maison de Petar

  7   Mijic où nous avons restitué les armes. C'est là où nous avons donc

  8   restitué les armes à Mato Mijic. C'était une boutique, c'était un

  9   commerce. Nous avons dû obtenir également un certificat selon lequel on

 10   aurait prouvé que nous n'avions rien fait, qu'il fallait nous rendre à

 11   l'école. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes rendus à l'école.

 12   Il s'agissait d'un commerce, d'une supérette.

 13   Question: Vous avez parlé de Mato Miji. Est-ce que Mato Mijic était membre

 14   d'une formation militaire?

 15   Réponse: Oui.

 16   Question: Et c'était quoi, s'il vous plaît?

 17   Réponse: C'est le HVO, je ne sais pas comment vous expliquer. Il

 18   s'agissait d'une brigade Mijat Tomic. C'était une brigade militaire

 19   désignée "Mijat Tomic".

 20   Question: Et vous avez dit qu'une fois que vous vous êtes rendu et que

 21   vous avez restitué les armes à l'endroit que vous nous avez indiqué, vous

 22   êtes parti directement à l'école, n'est-ce pas, à Sovici?

 23   Réponse: Oui, c'est exact.

 24   Question: Et sur le chemin, en allant vers l'école à Sovici, est-ce que

 25   vous êtes allé à pied?


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  1   Réponse: Oui.

  2   Question: Et vous étiez encore accompagné de deux autres collègues qui

  3   étaient avec vous quand vous avez restitué les armes, n'est-ce pas?

  4   Réponse: Oui.

  5   Question: Et en allant vers l'école dans le village de Sovici, que s'est-

  6   il passé? Pouvez-vous nous relater ce qui s'était passé?

  7   Réponse: Ce n'était pas très loin. Je ne sais pas comment m'exprimer,

  8   peut-être trois kilomètres, peut-être même pas trois kilomètres. C'était

  9   le soir, on ne voyait pas bien, la nuit était déjà pratiquement tombée.

 10   On est allés à l'école pour obtenir le certificat selon lequel nous

 11   aurions pu prouver que nous n'étions pas sur la ligne, que nous n'avions

 12   rien fait. C'est là-bas qu'il y avait les représentants du HVO qui avaient

 13   bloqué la route. Nous sommes arrivés jusqu'à la maison de Stipe Pole.

 14   Question: Et que s'est-il passé à ce moment-là, au moment où vous êtes

 15   venu jusqu'à la maison de Stipe Pole?

 16   Réponse: On nous a fouillés. Ils ont interpellé un certain nombre d'autres

 17   personnes. On les a fouillées et, au bout de deux ou trois heures, nous

 18   sommes allés à l'école.

 19   Question: Entendu.

 20   Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire approximativement combien

 21   d'hommes se trouvaient dans cette maison de Stipe Pole?

 22   Réponse: Cent ou deux cents hommes à peu près.

 23   Question: Est-ce que c'étaient des hommes, c'étaient des femmes, c'étaient

 24   des Bosniens, des Croates? Pourriez-vous nous dire un peu de qui il

 25   s'agissait?


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  1   Réponse: C'étaient des Musulmans, tous.

  2   Question: Mais pourriez-vous nous donner la description, s'il vous plaît,

  3   de ce groupe?

  4   Réponse: Mais je ne sais pas ce que vous voulez de moi! Comment vous les

  5   décrire?

  6   Question: Qu'est-ce qu'ils avaient comme nationalité?

  7   Réponse: C'étaient des Musulmans. Il y avait des personnes âgées, il y

  8   avait des mineurs, il y avait des femmes, des enfants. Il y avait de tout.

  9   Question: Par conséquent, il s'agissait de Musulmans qui habitaient à

 10   Sovici, dans les alentours, n'est-ce pas?

 11   Réponse: Oui.

 12   Question: A un moment donné, je pense, ce groupe de Musulmans dans la

 13   maison de Stipe Pole a été transféré à un autre endroit? Je pense que

 14   c'était bien comme cela, n'est-ce pas?

 15   Réponse: Oui, on nous a transférés à l'école.

 16   Question: Merci.

 17   Mais pourriez-vous nous dire à quelle distance se trouvait l'école par

 18   rapport à la maison de Stipe Pole?

 19   Réponse: Je ne peux pas vous le dire avec exactitude et précision, mais il

 20   y a 200 mètres à peu près, même pas.

 21   Question: Entendu.

 22   Et pendant que vous avez été acheminés vers l'école, que vous avez marché,

 23   comment les représentants du HVO se comportaient-ils à votre égard?

 24   Réponse: Mais ce n'était pas correct. On a été obligés de chanter les

 25   chansons croates, de saluer comme les Croates. Moi, je ne m'attendais pas


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  1   à de tels comportements; je n'ai jamais vécu des choses pareilles.

  2   Question: Entendu.

  3   Monsieur Fourmy, maintenant, je vais montrer une photographie au témoin

  4   que nous avons déjà cotée comme 6.7. Et nous avons également des copies

  5   pour les conseils de la défense.

  6   (Intervention de l'huissier.)

  7   M. Fourmy: Vous souhaitez peut-être mettre cette photo sur le

  8   rétroprojecteur?

  9   M. Stringer (interprétation): Oui, merci, Monsieur Fourmy. C'était bien

 10   mon intention. Je vais demander que la photographie soit mise sur le

 11   rétroprojecteur. Pièce à conviction 6.7.

 12   Excusez-moi, Monsieur Fourmy, je prends un peu de retard.

 13   Je ne vois pas la photographie qui est sur le rétroprojecteur, mais je

 14   vais vous demander, Monsieur Lulic, de bien regarder la photographie et

 15   -vous pouvez prendre le pointeur ou éventuellement le crayon- nous montrer

 16   la maison de Stipe Pole dont vous avez parlé.

 17   M. Lulic (interprétation): Voilà, je montre avec le pointeur la maison de

 18   Stipe Pole.

 19   Question: Une fois de plus, est-ce que vous pourriez montrer avec le

 20   pointeur?

 21   Réponse: Mais voilà, je montre avec le pointeur.

 22   Question: Et maintenant, pourriez-vous nous montrer la route que vous avez

 23   empruntée pour aller à l'école?

 24   Réponse: Voilà. Et nous sommes arrivés jusqu'à l'école. J'ai montré

 25   l'école.


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  1   Question: Par conséquent, c'est au milieu de la photographie. Nous voyons

  2   également un bâtiment avec le toit gris. C'est cela, l'école?

  3   Réponse: Non, non. C'est le toit que je montre actuellement.

  4   Question: Est-ce que c'est marron ou quoi?

  5   M. Lulic (interprétation): Oui, tout à fait. Plutôt rouge.

  6   M. Stringer (interprétation): Monsieur Fourmy, avec votre permission, je

  7   vais demander au témoin de bien vouloir encercler la maison qu'il a

  8   identifiée comme l'école et la maison également de Stipe Polje; comme

  9   cela, ce sera clair au compte rendu.

 10   M. Fourmy: Je crois que la défense n'y verra pas d'inconvénient, Monsieur

 11   le Procureur.

 12   M. Stringer (interprétation): Eh bien, est-ce que vous pourriez, s'il vous

 13   plaît, nous marquer en majuscule "SP"? Et ensuite "SS" pour l'école, pour

 14   désigner l'école: c'est l'école de Sovici. En BCS, l'école se dit "scola".

 15   Eh bien, vous avez dit que la nuit tombait déjà au moment où vous vous

 16   êtes acheminés vers l'école?

 17   M. Lulic (interprétation): Oui.

 18   Question: Et où est-ce que vous avez passé le reste de la journée, le 17

 19   avril?

 20   Réponse: A l'école.

 21   Question: Vous avez passé la nuit là-bas?

 22   Réponse: Non, on n'a pas dormi.

 23   Question: Tout le monde a-t-il passé la nuit à l'école?

 24   Réponse: Oui.

 25   Question: Tous ceux qui ont été emmenés de la maison de Stipe Polje?


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  1   Réponse: Oui.

  2   Question: Et le jour suivant, le 18 avril, je vais vous poser quelques

  3   questions au sujet de cette journée. Vous voulez bien?

  4   Réponse: Oui.

  5   Question: D'abord, j'aimerais vous demander si, à un moment donné ou à un

  6   autre, au cours de cette journée, vous vous êtes porté volontaire pour

  7   aller dans ce village avec un des soldats qui étaient présents sur place?

  8   Réponse: Oui.

  9   Question: Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous relater quelque chose sur

 10   cet événement et pourriez-vous nous dire ce que vous avez fait avec ces

 11   soldats? Et je vais vous demander de nous dire à quelle unité, à quelle

 12   formation appartenaient ces soldats?

 13   Réponse: Le lendemain matin, il y avait des soldats de cette unité

 14   disciplinaire de Tuta, Daka et Robi, qui sont arrivés et qui ont demandé

 15   quelqu'un qui voulait se porter volontaire. Moi, je n'avais pas peur. J'ai

 16   tout de suite dit que je voulais bien partir avec eux. Ce sont eux. Je

 17   pensais qu'ils me protégeaient. Peut-être voulaient-il avoir quelques

 18   informations à propos d'un instituteur qui a travaillé avec un Croate.

 19   Moi, de toute façon, on m'a demandé de partir avec eux et moi, j'étais

 20   d'accord. Nous sommes allés depuis l'école tout en haut de Sovici; il n'y

 21   a plus de maison et nous sommes allés jusqu'à Ramo Lulic. Il n'a pas

 22   restitué le pistolet, le revolver. Robi l'a passé à tabac; je ne sais pas

 23   si c'était vraiment sur un chemin, parce qu'on ne peut pas appeler cela un

 24   chemin: ce n'était pas enregistré comme un chemin.

 25   Ensuite, on m'a ramené à l'école et Daka m'a dit les raisons pour


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  1   lesquelles il m'avait emmené. Parce que moi, je n'étais pas chez-moi; je

  2   pensais qu'on allait m'accompagner jusqu'à chez-moi. Je me disais que,

  3   peut-être même, j'allais pouvoir m'enfuir. Il m'a dit que j'étais emmené

  4   pour que, si jamais quelqu'un des soldats qui faisaient partie de cette

  5   unité disciplinaire était tué, à ce moment-là, ils m'auraient tué moi-

  6   même. Il m'a donc emmené comme une victime dès le départ.

  7   Question: Merci, Monsieur Lulic. Nous allons maintenant revenir en

  8   arrière. Je vais vous poser quelques questions à ce sujet-là.

  9   Vous avez dit que ces deux soldats étaient membres du bataillon

 10   disciplinaire. Comment le savez-vous?

 11   M. Lulic (interprétation): Eh bien, moi, j'ai pu d'abord constater qu'ils

 12   étaient en uniforme de camouflage. Il y avait donc des insignes qu'ils

 13   arboraient et c'était le bataillon disciplinaire. Je pourrais vous

 14   raconter plein de choses: c'est le bataillon disciplinaire de Tuta. Moi,

 15   j'avais mon voisin qui était musulman; il était le troisième homme de

 16   Tuta. C'était une information que j'avais depuis un an auparavant, même

 17   avant que la guerre ne soit déclenchée.

 18   M. Stringer (interprétation): Vous avez mentionné qu'il avait retrouvé

 19   cette personne répondant au nom de Ramo.

 20   M. Fourmy: Pardon de vous interrompre. J'ai l'impression qu'il y a peut-

 21   être un problème électronique du côté de la défense.

 22   M. Krsnik (interprétation): Nous n'avons pas de compte rendu d'audience

 23   sur nos écrans.

 24   M. Fourmy: Est-ce que l'huissier peut essayer de voir avec la cabine

 25   technique? Pardon, Monsieur le Procureur, de cette interruption.


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  1   Mme Thomson (interprétation): Quelqu'un va venir rectifier cette erreur de

  2   fonctionnement.

  3   M. Fourmy: Nous pouvons poursuivre, s'il vous plaît?

  4   Merci beaucoup. Monsieur le Procureur?

  5   M. Stringer (interprétation): Merci, Monsieur Fourmy. Je vois que M.

  6   Krsnik a son micro branché. Je crois qu'il vaudrait mieux qu'il le

  7   déconnecte. Merci, Monsieur.

  8   Monsieur Lulic, je voudrais que vous nous décriviez en détail le passage à

  9   tabac de Ramo Lulic et, notamment, nous dire qui l'a passé à tabac et

 10   comment?

 11   M. Lulic (interprétation): Je vais vous le dire. Lorsque je me suis porté

 12   volontaire, m'étant trouvé à l'école -je ne sais d'ailleurs pas pourquoi-,

 13   j'avais peut-être pensé que les membres de ce bataillon disciplinaire de

 14   Tuta, Daka et Robi, Ramo les connaissait parce qu'il avait été chauffeur

 15   de taxi à Mostar et il les connaissait. Moi, je ne les connaissais pas.

 16   J'avais lu leurs noms. Nous sommes allés vers leur maison. Ce n'est pas

 17   Daka qui l'a passé à tabac, c'est Robi. Il avait lancé une grenade, mais

 18   celle-ci ne fonctionnait pas. Je devais avoir été bloqué, sans quoi il

 19   nous aurait tué. Après, je ne sais plus pour Daka et Robi, parce que nous

 20   étions dans des classes différentes, dans des salles de classe différentes

 21   et nous ne nous sommes plus rencontrés par la suite.

 22   Question: Merci. Vous avez dit qu'ils avaient jeté une grenade à main. Qui

 23   avait jeté et vers qui?

 24   Réponse: Vers nous, vers nous. Je n'ai pas eu peur parce que cela l'aurait

 25   tué, lui aussi, mais la grenade à main n'était pas en bon état et elle n'a


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  1   pas pu être activée. Elle n'avait pas de goupille de sécurité.

  2   Question: Vous nous avez dit que ces gens sont revenus vers l'école,

  3   n'est-ce pas?

  4   Réponse: Oui.

  5   Question: Et par la suite, plus tard dans la journée, est-ce que quelqu'un

  6   d'autre est venu à l'école?

  7   Réponse: Je peux vous dire que oui. Il y avait essentiellement des

  8   Musulmans, mais pas dans la salle de classe où je me trouvais être détenu

  9   un soir.

 10   Question: Bien. Dans quelles conditions étaient détenus les Musulmans à

 11   l'école?

 12   Réponse: Ce n'étaient pas des conditions dignes de ce nom. Je dirai qu'il

 13   n'y avait même pas d'eau potable, sans parler du reste.

 14   Question: Et l'école de Sovici comportait-elle plusieurs salles de classe?

 15   Réponse: Oui. J'ai fréquenté cette école lorsque j'étais en première année

 16   primaire peut-être. Il devait y avoir deux, quatre, cinq, six salles de

 17   classe au rez-de-chaussée.

 18   Question: Pouvez-vous me dire à peu près combien de gens se trouvaient

 19   dans la salle de classe où vous vous trouviez?

 20   Réponse: Je pense, ou plutôt je ne pense pas: nous étions exactement 105

 21   dans une salle de classe où nous étions tous détenus et nous sommes allés

 22   pour une détention ultérieure ailleurs.

 23   Question: Un peu plus tard, dans cette même journée, quelqu'un d'autre,

 24   quelque autre commandant du HVO est-il venu là?

 25   Réponse: Il y avait là un commandant du HVO. Il y avait Stipe Pole, il y


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  1   avait Juka Groznica; il était commandant du HVO de l'un quelconque de

  2   leurs bataillons. Je le connaissais depuis sa naissance, donc je lui avais

  3   demandé de me relâcher. Comme je n'étais pas chez-moi mais chez ma belle-

  4   mère, je lui avais demandé de me relâcher pour rentrer chez-moi. Il avait

  5   dit qu'il avait relâché l'un de ces Kum, un certain Hasan Alifazan.

  6   Et peut-être une minute ou deux minutes plus tard, comme je n'ai pas pu

  7   m'en aller, "Tuta" est arrivé, Mladen Naletilic Tuta que je connaissais

  8   très bien.

  9   Question: Et qu'est-il arrivé lorsque Mladen Naletilic Tuta est arrivé?

 10   Réponse: L'autre m'a dit de ne plus rien lui demander, mais de demander à

 11   Tuta. Je n'ai pas osé lui poser la question: c'est la raison pour laquelle

 12   je suis resté bloqué, détenu dans ce camp pendant un an.

 13   Question: Mais une fois Tuta arrivé, qu'a-t-on fait des détenus qui se

 14   trouvaient à l'école?

 15   Réponse: Tous ceux qui se trouvaient aptes au service militaire ou aptes à

 16   faire le service de l'armée de la Bosnie-Herzégovine qui n'existait pas

 17   encore -il n'y avait que la Défense territoriale-, qu'il soit mineur ou en

 18   âge de combattre, nous avons tous été alignés. Et Tuta nous a dit que nous

 19   avions organisé une insurrection armée à l'encontre d'un pouvoir légitime

 20   croate et d'une armée légitime qui était l'armée croate.

 21   Ils nous avaient privés de liberté et escortés le long de la route. On

 22   nous a dit que nous allions être échangés mais il n'y a pas eu d'échange.

 23   Nous avons fini par être déplacés vers le camp de Ljubuski.

 24   Question: Monsieur, est-ce que tous les prisonniers ont été pris à

 25   l'extérieur de l'école en même temps ou par groupes?


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  1   Réponse: Non, on nous a fait sortir tous en même temps.

  2   Question: Pendant que vous étiez debout devant l'école, pouvez-vous nous

  3   dire qui a pris la parole? Qui a fait le discours dont vous avez parlé?

  4   Réponse: Je ne connais pas les gens qui étaient avec Tuta. C'est lui qui a

  5   fait le discours. Je ne connaissais pas ses adjoints. Mais il avait dit

  6   que nous, Musulmans, nous nous étions soulevés contre le peuple et l'armée

  7   croate, alors que ce sont eux-mêmes qui avaient tout agencé.

  8   Question: D'après ce que vous avez vu vous-même, quelle était la personne

  9   la plus haut gradée du HVO, présente à côté de l'école?

 10   Réponse: Le commandant en chef, je ne sais pas son grade, mais c'était

 11   Tuta, puis Juka Groznica; il était commandant quelconque. Quand Tuta est

 12   arrivé, c'était lui qui avait le grade le plus élevé.

 13   Question: Après le discours de Tuta, qu'est-il arrivé?

 14   Réponse: Ces soldats, ces membres du bataillon disciplinaire nous ont

 15   escortés jusqu'aux autocars et nous ont dit que nous allions être

 16   échangés. Je crois que nous avons été fouillés; si quelqu'un avait quelque

 17   chose, il était automatiquement battu. Moi, je n'ai pas été battu.

 18   Je crois que l'autocar était prévu pour 55 personnes, mais nous étions

 19   105; on nous a tous fait monter dans le même autocar et nous sommes allés

 20   vers Jablanica, puis par Risovac, Blivinje et nous nous sommes dirigés

 21   vers Ljubuski.

 22   Nous sommes arrivés vers Ljubuski le matin vers, je ne sais trop, 4 heures

 23   ou 5 heures du matin.

 24   Question: Pendant ce trajet en autocar pour Ljubuski, est-ce que, dans

 25   votre escorte, il y avait des soldats? Si oui, à quelle unité


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  1   appartenaient-ils?

  2   Réponse: C'étaient tous des soldats de Tuta.

  3   Question: Et comment le savez-vous?

  4   Réponse: Je le sais parce qu'ils se sont présentés. J'ai des collègues qui

  5   sont allés à l'école avec eux, donc mes collègues les connaissaient. Je

  6   n'ai pas eu beaucoup de contacts avec eux, mais bon nombre des nôtres sont

  7   allés à l'école avec eux. Donc ils nous disaient: "Celui-ci s'appelle

  8   Untel, l'autre s'appelle Untel", et ainsi de suite.

  9   Question: Comment vous a-t-on traités, vous-même et les autres détenus,

 10   pendant ce trajet en autocar pour Ljubuski?

 11   Réponse: Je vous ai dit, je ne dis que la vérité: il ne m'est rien arrivé

 12   mais il est arrivé quelque chose à d'autres personnes. Le fils de mon

 13   frère a été tabassé; il a eu un poumon endommagé. Et Dzemal Ovnovic, lui

 14   qui était une sorte de commandant de l'armée de la Bosnie-Herzégovine du

 15   village de Sovici -c'était un homme que je ne connaissais pas ou avec qui

 16   je n'étais pas en bons termes-, mais il a été tabassé à Risovac.

 17   Je ne sais pas pourquoi l'un des hommes de Tuta lui avait demandé qui lui

 18   avait offert une voiture, qui lui avait donné un logement, qui lui avait

 19   ouvert un compte en banque dans la banque de Split; c'étaient des choses

 20   que j'entendais pour la première fois. Alors, ils l'ont tabassé. Il y a eu

 21   des victimes lorsque Sovici a été attaqué.

 22   Je ne tiens pas à me rappeler des noms de l'un et de l'autre côté. J'ai

 23   été neutralisé, j'ai été détenu et nous avons continué.

 24   Question: Bien.

 25   Monsieur Lulic, j'ai encore deux photographies que je voudrais vous


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  1   montrer. La première porte la cote 6.9, et l'autre la cote 6.12.

  2   Réponse: O.K.!

  3   Question: Si nous nous penchons sur la photographie portant la cote 6.9,

  4   une fois de plus, nous y voyons deux bâtiments assez grands qui se

  5   trouvent au milieu de la photographie. Pouvez-vous nous montrer, je vous

  6   prie et si vous savez le faire, lequel de ces bâtiments est l'école de

  7   Sovici? Et à quel endroit, vous-même et les autres détenus avez été

  8   alignés pendant que vous écoutiez ce discours?

  9   Réponse: Eh bien, je parle en langue bosnienne: c'est l'école ici et, ici,

 10   devant l'école, il y a une cour. C'est là qu'on nous a alignés, comme une

 11   sorte d'armée. Nous avons dû aller à pied jusqu'à la maison de Pole où il

 12   y avait une sorte non pas de parking mais de surface où un autocar pouvait

 13   faire demi-tour, à côté de la maison de Polo.

 14   Question: Bien. Pour le compte rendu d'audience, je précise que vous

 15   parlez de la cour de l'école, donc l'espace entre la maison qui a un toit

 16   marron et l'autre, un bâtiment avec un toit gris?

 17   Réponse: Oui, c'était face à l'école, dans la cour de l'école.

 18   Question: Merci. Maintenant, je voudrais que vous vous penchiez sur la

 19   photo 6.12.

 20   Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit?

 21   Réponse: Oui.

 22   Question: C'est bien de cela qu'il s'agit?

 23   Réponse: Je pourrais vous montrer la place où je me trouvais: j'étais dans

 24   celle-ci. Vous voyez, il y avait un, deux, trois, quatre salles de classe

 25   et, au rez-de-chaussée: au total six. Je fréquentais cette école pendant


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  1   que j'étais en première et deuxième années primaires.

  2   Question: Donc c'est bien l'école de Sovici?

  3   Réponse: Oui.

  4   Question: Et cette surface avec une pelouse, c'est bien la cour dont vous

  5   avez parlé?

  6   Réponse: Oui.

  7   Question: Avec l'aide du greffier, je voudrais que nous revenions à la

  8   première des photos, celle de tout à l'heure. La photo qui porte la cote

  9   6.7. Rapidement.

 10   Il s'agit de la photo où vous aviez cerné la maison de Stipe Pole.

 11   Pouvez-vous nous dire maintenant où se trouvaient les autocars qui vous

 12   avaient emmené vers Ljubuski avec les autres détenus?

 13   Réponse: Ici, se trouve le grand parking où pouvaient faire demi-tour les

 14   autocars parce qu'ils ne pouvaient pas monter jusqu'à l'école. Sous la

 15   maison de Stipe Pole, à quelque cinq mètres de cette maison, il y avait un

 16   grand parking, une grande surface.

 17   M. Stringer (Interprétation): Merci. Pour le compte rendu d'audience, je

 18   tiens à préciser que le témoin a montré le secteur devant la maison qui a

 19   été indiquée comme étant celle de Stipe Pole. Je crois que, si nous sommes

 20   tous d'accord avec la description qui a été donnée, les choses seront en

 21   règle.

 22   M. Lulic (interprétation): Oui, c'est exact. Cela ne pose pas de problème.

 23   Je suis né là-bas et j'y ai vécu quarante ans; donc je connais bien les

 24   lieux.

 25   M. Fourmy: La défense?


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  1   M. Krsnik (interprétation): C'est la pièce à conviction 6.9. J'ai le 6.7

  2   et le 6.12, mais je n'ai pas le 6.9. Je m'excuse.

  3   M. Stringer (Interprétation): Monsieur Lulic, vous nous avez dit qu'il y

  4   avait des membres du HVO à Sovici. Vous avez également témoigné de la

  5   présence de ce bataillon disciplinaire à Sovici?

  6   Réponse: Oui.

  7   Question: Est-ce que vous avez vu des membres d'autres unités ou groupes

  8   armés?

  9   Réponse: Oui. Il y avait une armée croate.

 10   Question: Comment pouvez-vous identifier certains d'entre eux comme étant

 11   membres de l'armée croate?

 12   Réponse: J'ai pu le faire parce qu'ils avaient leurs propres insignes,

 13   alors que le HVO avait des insignes HVO. Mais il y avait des membres de

 14   l'armée croate: il y avait une voisine qui avait épousé un musulman et qui

 15   venait de Zagreb; elle était conductrice de tram à Zagreb et elle

 16   connaissait des gens qui étaient venus de Zagreb sans aucun problème.

 17   Question: Parlons de la situation à Ljubuski, une fois arrivé là-bas.

 18   Pouvez-vous nous dire, s'il vous plaît, où vous avez été détenu et quelles

 19   avaient été les conditions générales prévalant en ces lieux, pour ce qui

 20   vous concerne, les autres ayant été détenus à Ljubuski?

 21   Réponse: Sans problème. Il s'agissait d'un bâtiment de police, un petit

 22   bâtiment qui est dans une pièce. Nous pouvions nous tenir à une trentaine

 23   d'hommes dans une pièce. C'étaient des conditions vraiment pas normales,

 24   les conditions étaient absolument désastreuses. Nous n'avions ni à boire

 25   ni à manger pendant deux ou trois jours, suite à notre arrivée à Ljubuski.


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  1   Par la suite, on nous a emmenés ou contraints à travailler; c'était une

  2   sorte d'obligation de travail. Je l'ai fait et j'ai enduré l'ensemble.

  3   Question: Vous avez dit que vous avez été détenu dans une pièce ou dans

  4   des pièces: est-ce que ce sont des pièce où l'on détenait des criminels,

  5   des personnes qui avaient été mises aux arrêts par la police?

  6   Réponse: Oui. Bien sûr.

  7   Question: Pouvez-vous me dire à peu près combien de personnes il y avait

  8   dans la cellule où vous vous trouviez?

  9   Réponse: Je vous ai dit tout à l'heure qu'il s'agissait d'une petite

 10   cellule de 6 mètres sur 1,80 mètre; nous étions une trentaine là-dedans.

 11   On ne pouvait ni nous asseoir ni rester debout, sans parler de la

 12   possibilité de s'allonger pour dormir.

 13   Question: Cela s'est passé il y a longtemps; pouvez-vous nous dire à peu

 14   près combien de temps, vous-même et les autres, êtes restés à Ljubuski

 15   avant que d'être déplacés ailleurs?

 16   Réponse: Je pense que nous sommes restés, à deux ou trois jours près, au

 17   moins deux mois ou trois mois. Puis, on a été transférés vers

 18   l'Héliodrome.

 19   Question: Pendant que vous étiez à Ljubuski, est-ce que vous-même et

 20   d'autres prisonniers avez fait l'objet d'appels pour être battus par

 21   d'autres?

 22   Réponse: Oui.

 23   Question: Pouvez-vous nous dire brièvement, si tant est que vous êtes en

 24   mesure de le faire, les identités de ceux qui avaient tabassé les gens?

 25   Réponse: Je ne peux pas vous le dire. Non, je ne connaissais pas les noms.


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  1   C'était essentiellement la nuit; j'entends après minuit: deux ou trois

  2   personnes venaient faire l'appel et on pouvait entendre le nom de la

  3   personne interpellée, mais on ne sait pas qui avait tabassé les personnes

  4   interpellées.

  5   Question: Pouvez-vous nous dire si ces gens-là étaient membres d'une unité

  6   militaire quelconque?

  7   Réponse: Ils faisaient tous partie d'une unité militaire, mais je ne sais

  8   pas vous dire laquelle.

  9   Question: Et sauriez-vous nous dire quelle unité ou plutôt quel groupe de

 10   soldat avait monté la garde pendant que vous étiez à Ljubuski?

 11   Réponse: Un groupe de soldat de la police militaire.

 12   Question: Mais y a-t-il eu parfois des soldats provenant d'autres groupes

 13   qui venaient occasionnellement?

 14   Réponse: Oui. Il y avait ce bataillon disciplinaire à Tuta et des membres

 15   de ce bataillon venaient là, venaient demander les détenus originaires de

 16   Sovici que Tuta faisait venir à Siroki, chez lui, pour lui faire

 17   construire une maison avec une piscine; mais c'en est fini. Les gens qui

 18   sont allés là-bas ne sont jamais revenus. Je ne sais pas vous dire quels

 19   étaient les prénoms de ces gens; c'étaient des gens de Bosnie qui avaient

 20   travaillé en Croatie et un groupe d'une dizaine d'entre nous avaient été

 21   portés sur une liste. Heureusement, que nous faisions partie d'une liste

 22   de la Croix-Rouge et... Comment dire? Un certain commandant Prlic, qui

 23   était chef de police là-bas, a eu une dispute avec les gens de Tuta.

 24   Il avait pris des gens, d'autres personnes, et les avaient emmenés en

 25   autocar. Ces gens-là, on ne les a plus jamais revus.


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  1   Nous allions nous dire au revoir; alors, ils nous ont dit: "Ce n'est pas

  2   la peine: vous ne vous reverrez plus." Je n'avais pas peur. J'aurais pu

  3   moi-même être plus grand criminel que Tuta lui-même.

  4   Question: Bien. Monsieur, pendant que vous vous trouviez à Ljubuski, est-

  5   ce que vous avez été emmenés, vous-même et d'autres personnes, pour faire

  6   des travaux forcés sur les lignes de confrontation?

  7   Réponse: Oui, tous les jours, jour et nuit, vers les lignes de combat,

  8   face aux Serbes. Nous allions tous les jours creuser des tranchées,

  9   creuser des fortifications. Nous faisions toutes sortes de choses. Ce

 10   n'était vraiment pas normal, impossible, intenable!

 11   Question: Pendant ce temps-là, pendant que vous vous trouviez aux

 12   positions sur le front, avez-vous vu quelque membre que ce soit de l'armée

 13   croate?

 14   Réponse: Bien entendu. Ils m'avaient pris pour un Croate, ils croyaient

 15   que j'étais croate en train d'accomplir mon obligation de travail, ils

 16   m'avaient proposé d'amener du lait à mes enfants. Il y avait des gens de

 17   Zagreb, d'Osijek, de Split.

 18   Tuta le sait bien. Ils sont allés à Boksevica; ils se sont faits baiser

 19   là-bas.

 20   Question: Monsieur Lulic, pendant que vous vous trouviez là-bas, à

 21   Ljubuski, est-ce qu'avec d'autres personnes, vous avez été transférés dans

 22   un camp différent?

 23   Réponse: Oui.

 24   Question: Comment s'appelait ce camp?

 25   Réponse: L'Héliodrome Rodoc de Mostar. On nous avait dit que nous allions


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  1   être échangés, mais nous avons été juste transférés là-bas, et ce, parce

  2   que Héliodrome avait été enregistré comme étant une prison alors que

  3   Ljubuski, ce n'était pas le cas. Une fois que nous avons été recensés par

  4   la Croix-Rouge, ils nous ont transférés vers cette prison.

  5   Question: Pouvez-vous nous dire, je vous prie, si vous le pouvez, quelle

  6   est la distance entre l'Héliodrome et la ville de Mostar?

  7   Réponse: Je n'ai jamais mesuré. J'ai vécu et travaillé à Mostar. Alors de

  8   Mostar à l'Héliodrome peut-être, disons quatre kilomètres.

  9   Question: Mais, par conséquent, ce n'est pas trop loin de Mostar?

 10   Réponse: Non.

 11   Question: Je vais demander à M. l'huissier de montrer la pièce à

 12   conviction 20.9 au témoin et de la placer sur le rétroprojecteur.

 13   (L'huissier s'exécute.)

 14   Monsieur Lulic, sur cette photographie, pouvez-vous nous montrer

 15   l'emplacement où vous avez été détenu?

 16   M. Lulic (interprétation): Le voyez-vous?

 17   M. Stringer (interprétation): Je ne le vois pas, mais… Oui, voilà.

 18   M. Fourmy: Il y a un problème du côté de la défense? Un problème

 19   technique… je ne sais pas?

 20   M. Krsnik (interprétation): Il ne s'agit pas d'un problème technique…

 21   Peut-être s'agit-il d'un problème en effet. Je n'ai pas voulu interrompre

 22   mon collègue.

 23   Je crois que vous avez tous entendu tout à l'heure, en croate ou en

 24   bosnien, une phrase qui n'a pas été traduite, quelques paroles qui ont été

 25   prononcées par le témoin qui n'ont pas été traduites et cela ne figure pas


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  1   au compte rendu d'audience.

  2   M. Fourmy: Excusez-moi?

  3   M. Krsnik (interprétation): Monsieur Fourmy, ce sont des termes

  4   inappropriés: c'étaient des jurons, des mots vilains qui ont été prononcés

  5   par le témoin. Les interprètes n'ont pas traduit et cela ne figure pas au

  6   compte rendu d'audience.

  7   Cela a eu lieu tout à l'heure avant la question, la dernière des

  8   questions. Je voudrais que cela soit porté au compte rendu d'audience et

  9   je poserai tout à l'heure -ou par la suite-, la question au témoin de

 10   savoir à l'intention de qui avait-il proféré les termes qu'il avait

 11   proférés.

 12   M. Fourmy: Excusez-moi, Monsieur.

 13   Monsieur le Témoin, je ne souhaite pas que vous discutiez… Monsieur le

 14   Témoin, si vous pouviez me regarder, s'il vous plaît. Non, je suis en face

 15   de vous. Merci.

 16   Je ne souhaite pas que vous parliez directement, ni avec le Procureur, ni

 17   avec la défense, ni avec qui que ce soit dans cette salle. Vous avez bien

 18   voulu venir ici pour répondre aux questions que l'on vous pose. Donc c'est

 19   le tour du Procureur, ce sera le tour de la défense tout à l'heure, mais

 20   pour l'instant, s'il vous plaît, vous vous efforcez -je sais que c'est

 21   difficile- de répondre aux questions que l'on vous pose et de ne pas faire

 22   de commentaires, je dirais, qui ne sont pas en relation avec les questions

 23   que l'on vous a posées. Sinon, cela va devenir difficile.

 24   Malheureusement, je ne parle pas votre langue. Donc je ne peux pas

 25   exactement savoir ce qui se passe.


Page 659

  1   Les interprètes m'ont, au demeurant, Maître, traduit au moins deux

  2   expressions qui, dans ma langue à moi, ne sont pas particulièrement

  3   correctes; donc ce sera dans le compte rendu. Mais c'est quand même

  4   beaucoup plus simple, beaucoup plus efficace et beaucoup plus convenable,

  5   je crois… Pensez que tout ce que vous dites va être lu par les Juges

  6   après. Donc si l'on veut pouvoir travailler de manière efficace, je crois

  7   que c'est bien que, pour l'instant, vous répondiez aux questions du

  8   Procureur. Après, ce sera le tour de la défense. Et puis, comme cela, on

  9   pourra peut-être terminer plus rapidement votre déposition.

 10   Vous voulez bien?

 11   M. Lulic (interprétation): Probablement non, parce que j'ai reçu une

 12   traduction et il semblerait que quelqu'un s'est trouvé offensé. Mais je ne

 13   veux pas avoir de discussion avec eux. Je suis docteur ès sciences pour

 14   ces gens-là. Je vais répondre aux gens du Tribunal mais, avec eux, je ne

 15   veux pas avoir de contact du tout, quels qu'ils soient.

 16   Pour moi, c'est une chose normale. Pourquoi permettrions-nous à sa défense

 17   de prendre la parole et pourquoi me priverait-on du droit de prendre la

 18   parole et de dire ce que je pense?

 19   M. Fourmy: Monsieur Lulic, excusez-moi, je n'ai peut-être pas bien

 20   compris. Ne m'en veuillez pas si je comprends mal ce que vous avez dit,

 21   mais il ne s'agit pas de vous priver d'un droit de parole quelconque. Il

 22   s'agit simplement de faire en sorte que les choses se déroulent

 23   conformément à une procédure qui est établie pour ce Tribunal.

 24   Dans d'autres tribunaux, cela marche différemment; dans ce Tribunal, le

 25   Procureur vous pose des questions, la défense vous pose des questions;


Page 660

  1   éventuellement le Procureur vous repose des questions et puis, ensuite,

  2   c'est terminé.

  3   Ce qu'on attend de vous -et encore une fois, nous vous remercions d'être

  4   venu-, c'est que vous répondiez aux questions avec ce que vous, vous

  5   savez; en ayant à l'esprit que vous avez prêté serment de nous dire toute

  6   la vérité et rien que la vérité. C'est ce qu'on attend de vous.

  7   C'est assez simple, je sais que c'est un peu déplaisant parce que cette

  8   ambiance est un peu lourde peut-être, mais c'est ce qu'on souhaite

  9   obtenir. On ne peut donc y arriver que si vous nous y aidez.

 10   Peut-on poursuivre maintenant, s'il vous plaît?

 11   M. Lulic (interprétation): Sans problème.

 12   M. Fourmy: Merci. Monsieur le Procureur, si vous voulez poursuivre peut-

 13   être une dizaine de minutes, à moins que vous souhaitiez que nous fassions

 14   une interruption maintenant, après, si cela est convenable pour les

 15   interprètes? Comme vous voulez.

 16   M. Stringer (interprétation): Monsieur Fourmy, je crois pouvoir terminer

 17   dans dix à quinze minutes.

 18   M. Fourmy: Alors, nous allons essayer d'aller jusqu'au bout avant la

 19   pause. Ce serait effectivement une manière plus organisée de procéder.

 20   Monsieur le Procureur, merci.

 21   M. Stringer (interprétation): Merci, Monsieur Fourmy.

 22   Monsieur Lulic, rapidement, je voudrais que vous preniez un stylo et que

 23   vous cerniez sur la photo le bâtiment de l'Héliodrome où vous avez été

 24   détenu.

 25   M. Lulic (interprétation): Certainement. Je ne sais pas...


Page 661

  1   Question: Pouvez-vous nous dire quand est-ce que vous avez été relâché de

  2   l'Héliodrome?

  3   Réponse: Il y a eu un échange tous pour tous. Il s'agissait du 1er avril

  4   de l'année 1994.

  5   Question: Et quand vous êtes arrivé de l'Héliodrome en provenance de

  6   Ljubuski, à cet endroit-là, est-ce que c'est là que vous avez été détenu

  7   pour être échangé en 1994?

  8   Réponse: Oui.

  9   Question: Vous parlez de L'Héliodrome?

 10   Réponse: Oui, c'est cela, c'est exact.

 11   Question: Pendant le temps que vous avez été détenu à l'Héliodrome,

 12   pouvez-vous nous dire si vous avez, à quelque moment que ce soit, vu la

 13   personne que vous avez appelée Tuta?

 14   Réponse: Oui, il est venu dans ce bâtiment-là. Il avait demandé des gens

 15   originaires de Sovici. Je lui avais dit que j'étais de Doljani. Il m'avait

 16   injurié, dit des paroles injurieuses et il disait que cela n'avait aucune

 17   importance mais qu'il le faisait parce que l'un de ses seconds avait été

 18   tué à la cote 902.

 19   Question: Bien.

 20   Réponse: Je ne sais pas, je crois qu'il venait parce qu'il cherchait

 21   quelqu'un.

 22   Question: Est-ce que vous êtes certain qu'il s'agit bien de la même

 23   personne que celle que vous avez vue devant l'école de Sovici, en date du

 24   18 avril?

 25   Réponse: Oui, c'est la même personne, mais il était plus jeune seulement.


Page 662

  1   Question: Bien. Pendant les mois que vous avez passés à l'Héliodrome, est-

  2   ce qu'avec d'autres personnes, vous avez été emmenés pour des travaux

  3   forcés à différents sites?

  4   Réponse: Bien sûr. Sans interruption, jour et nuit. Vous auriez dû voir

  5   cela.

  6   Question: Et pendant que vous aviez cette obligation de travail, avez-vous

  7   rencontré une personne répondant au nom de Vinko Martinovic, à savoir au

  8   surnom de "Stela"?

  9   Réponse: Bien entendu.

 10   Question: Pouvez-vous nous dire, je vous prie, quand vous avez rencontré

 11   Stela?

 12   Réponse: Je ne sais pas vous dire la date exacte. Je connais Stela, j'ai

 13   connu son frère. Stela n'était pas une personne dangereuse, c'était un

 14   simple prolétaire. Il se comportait ainsi. Il s'est –disons- battu pour

 15   son peuple croate.

 16   Mais une fois que nous avions travaillé, Stela nous a alignés le long du

 17   mur et nous étions visage contre le mur; il avait tiré une rafale au-

 18   dessus de nos têtes, dans le mur. Il nous avait dit que nous étions des

 19   "balija", que nous mangeons des vivres croates, que c'était la Croatie qui

 20   nous faisait vivre. Après, je n'ai plus revu Stela. Peut-être est-il venu,

 21   mais je n'en sais rien. Je n'ai plus revu. Je n'ai pas travaillé pour lui.

 22   Question: Fort bien.

 23   Monsieur Lulic, je vais vous demander maintenant, si vous êtes en mesure

 24   de le faire, de regarder dans le prétoire et de nous dire si vous voyez

 25   l'une de ces personnes dont vous avez parlé dans votre témoignage, qu'il


Page 663

  1   s'agisse de Tuta ou de Stela. Je vous prie aussi d'attendre la fin de la

  2   traduction.

  3   Est-ce que vous voyez l'un quelconque de ces deux hommes et je vous prie

  4   de les montrer du doigt et de les décrire afin que, dans le compte rendu

  5   d'audience, il soit bien précisé que vous les avez bien reconnus?

  6   Réponse: Ceci est Tuta, ceci est Stela.

  7   Question: Mais je vous prie de nous dire maintenant à quelle partie du

  8   prétoire vous vous référez. Je vous demanderai d'être plus précis, plus

  9   spécifique pour que le compte rendu d'audience reflète l'emplacement où

 10   ils sont assis, comment ils sont habillés, ainsi de suite.

 11   Réponse: Est-ce qu'il faut que je vous le dise?

 12   Question: Oui, s'il vous plaît.

 13   Réponse: Ceci est Tuta. Il y a un policier à côté de lui, puis Stela.

 14   Faut-il que je vous dise comment ils sont habillés? Mais moi, cela ne

 15   m'intéresse pas de savoir comment ils sont habillés!

 16   M. Stringer (interprétation): Oui, s'il vous plaît, dites-nous. Il faut

 17   que cela figure au compte rendu d'audience. Pouvez-vous nous dire comment

 18   est habillé Tuta aujourd'hui?

 19   M. Lulic (interprétation): Tu vois bien que c'est un minable, il n'a l'air

 20   de rien.

 21   M. Fourmy: Monsieur Lulic, vous me regardez, s'il vous plaît.

 22   Le Procureur vous a posé une question simple qui est destinée à permettre

 23   aux Juges qui liront le compte rendu de votre déposition de savoir si et

 24   comment vous avez pu identifier dans cette salle l'un ou l'autre des

 25   accusés.


Page 664

  1   On ne vous demande rien d'autre et on ne vous demande certainement pas,

  2   Monsieur Lulic, de faire le moindre commentaire qui sorte du cadre de la

  3   stricte description que l'on vous demande. Nous ne vous demandons pas, le

  4   Procureur ne vous demande pas si vous trouvez que l'un où l'autre des

  5   accusés est bien ou mal habillé. Ca n'est pas la question et je dis cela

  6   pour être gentil avec l'observation que vous venez de faire.

  7   S'il vous plaît, vous répondez à la question de M. le Procureur,

  8   simplement, en disant de droite à gauche, de gauche à droite, en utilisant

  9   les moyens de description simples et vous ne faites aucune commentaire,

 10   s'il vous plaît.

 11   M. Lulic (interprétation): Je ne vais pas parler longtemps de ces

 12   criminels. Le Procureur les connaît, je les connais. Je n'aime pas en

 13   parler.

 14   M. Fourmy: Je crois vous avoir demandé quelque chose de simple.

 15   Vous répondez aux questions du Procureur et vous ne faites pas de

 16   commentaires. Je ne suis pas un Juge ici, je suis un officier

 17   instrumentaire dont le seul rôle est d'essayer que les choses se passent

 18   aussi bien que possible. Et cela est possible grâce au Procureur, à la

 19   défense qui remplissent chacun leur rôle; tout le monde attend qu'ils le

 20   remplissent de manière courtoise, de manière à ce que l'on puisse

 21   travailler efficacement.

 22   Mais quand les témoins viennent devant nous, même si tous, nous pouvons

 23   comprendre qu'il est difficile de rappeler les événements qu'ils ont

 24   subis, quand bien même ces événements remonteraient à un peu plus de huit

 25   ans, tout le monde comprend que c'est dur, tout le monde comprend ce que


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  1   vous pouvez éprouver. Mais nous vous demandons -tous, je crois dans cette

  2   salle- de faire l'effort… Essayez, s'il vous plaît, de prendre sur vous

  3   pour ne faire aucun commentaire.

  4   Merci, Monsieur le Procureur. Si vous pouviez peut-être reposer la

  5   question? Et Monsieur Lulic, s'il vous plaît, vous y répondez simplement.

  6   Merci.

  7   M. Stringer (interprétation): Monsieur Lulic, une fois de plus, si vous

  8   voyez dans le prétoire la personne que vous avez désignée par "Tuta", je

  9   vous prierai de nous donner sa description. Quelle est la couleur de ses

 10   cheveux? Pouvez-vous le faire pour moi, je vous prie?

 11   M. Lulic (interprétation): Je n'aime pas en parler. Je n'aime pas donner

 12   sa description. Je le connais personnellement. Je n'aime pas parler de

 13   lui.

 14   M. Stringer (interprétation): Monsieur Fourmy, je n'ai pas d'autres

 15   questions. Je vous remercie.

 16   M. Fourmy: Merci, Monsieur le Procureur.

 17   Je propose donc que nous fassions une pause. Puis-je suggérer que nous

 18   prenions cinq minutes de retard sur l'horaire théorique et que nous nous

 19   retrouvions à 11 heures et 10 minutes.

 20   Je vais demander à l'huissier de bien vouloir faire sortir le témoin avant

 21   que nous-mêmes sortions de la salle, s'il vous plaît.

 22   (Le témoin, M. Ekrem Lulic, est reconduit hors du prétoire.)

 23   M. Fourmy: Maître Krsnik, vous voulez dire quelque chose maintenant ou

 24   après la pause?

 25   M. Krsnik (interprétation): Après la pause pour ce qui me concerne, je ne


Page 666

  1   sais pas pour ce qui est de mon collège. Mais prenons cette pause.

  2   M. Fourmy: Maître Seric?

  3   M. Seric (interprétation): Après la pause, s'il vous plaît.

  4   M. Fourmy: A la pause et nous nous retrouvons à 11 heures 10. Merci.

  5   (L'audience, suspendue à 10 heures 48, est reprise à 11 heures 13.)

  6   (Questions relatives à la procédure.)

  7   M. Fourmy: L'audience est reprise. Veuillez-vous asseoir.

  8   Monsieur le Procureur, souhaitez-vous dire quelque chose peut-être avant

  9   que le témoin ne pénètre dans la salle?

 10   M. Stringer (interprétation): Oui, Monsieur Fourmy. Je vous remercie.

 11   Je n'étais pas sûr de ce que voulaient faire nos confrères de la défense.

 12   C'est-à-dire: est-ce qu'il faudrait changer le transcript, ou bien

 13   apporter une correction au compte rendu d'audience par rapport à ce

 14   qu'aurait dit le témoin?

 15   Mais la seule demande que j'ai, moi -et je pense que nous allons poser

 16   cette question plus tard-, mais peut-être serait-il mieux de résoudre ce

 17   problème tout de suite avant de faire revenir le témoin dans le prétoire:

 18   je crois que le témoin ne doit pas être nécessairement présent au cours

 19   des discussions concernant d'éventuelles modifications du compte rendu

 20   d'audience.

 21   M. Fourmy: Merci, Monsieur le Procureur.

 22   C'est la raison pour laquelle je pensais que, peut-être, nous attendrions

 23   un petit peu avant de faire entrer le témoin.

 24   Et peut-être, Maître Seric, vous voulez dire quelque chose? Maître Krsnik,

 25   vous avez la parole, s'il vous plaît.


Page 667

  1   M. Krsnik (interprétation): Monsieur Fourmy, nous avons vérifié le compte

  2   rendu d'audience, nous l'avons relu; il y a une situation, à un moment,

  3   dans le prétoire: à un moment donné, le témoin est en train de montrer la

  4   configuration de l'Héliodrome sur le rétroprojecteur. Il s'est tourné vers

  5   nous, vers le banc de la défense, et il a dit -avec toutes mes excuses et

  6   je m'excuse aussi auprès des interprètes car je vais vous dire ce qu'il a

  7   dit, je m'excuse auprès des dames-, il a dit: "Dieu nique ta mère!"

  8   Je m'excuse de nouveau, je m'excuse. En réalité, il a dit: "Je nique ta

  9   mère". Nous l'avons tous entendu. Evidemment, les personnes qui ne

 10   comprenaient pas le croate, vous ne l'avez pas entendu. Mais moi, je

 11   voudrais que ces propos soient enregistrés au compte rendu d'audience et,

 12   ensuite, nous pouvons continuer notre procédure.

 13   Je vous remercie, Monsieur Fourmy.

 14   Encore une chose avec votre permission évidemment: je voudrais qu'il soit

 15   enregistré au compte rendu d'audience, de façon explicite, que le témoin a

 16   refusé d'identifier l'accusé.

 17   M. Fourmy: Monsieur le Procureur?

 18   M. Stringer (interprétation): Merci, Monsieur Fourmy.

 19   Peut-être que nous pourrions résoudre ce problème dans l'ordre inverse. En

 20   ce qui concerne l'identification, je pense que le compte rendu d'audience

 21   parle de lui même.

 22   En ce qui concerne ce que le témoin a éventuellement fait ou non, je pense

 23   qu'il est dangereux de qualifier cela après l'événement, après coup. Est-

 24   ce que le témoin a vraiment identifié l'accusé ou non? Je pense que le

 25   compte rendu d'audience est parfaitement clair et il n'est pas nécessaire


Page 668

  1   d'en tirer des conclusions.

  2   Donc, dans le compte rendu d'audience, il est bien enregistré le fait que

  3   le témoin n'était pas prêt à identifier l'accusé. Je pense que ceci est

  4   suffisant, ceci parle de soi-même. Le compte rendu d'audience est

  5   suffisamment clair là-dessus.

  6   Ensuite, en ce qui concerne la question du commentaire du témoin: moi, je

  7   ne l'ai pas entendu ce commentaire. Comme dit mon confrère, mon collègue

  8   de la défense, moi, je ne parle pas cette langue, donc je ne peux pas dire

  9   ce qui a été dit ou ce qui n'a pas été dit. Et je ne peux pas comprendre

 10   ce qui a été dit si je ne comprends pas la langue. Je ne me souviens pas

 11   avoir vu un geste de la part du témoin ou bien je ne l'ai pas vu regarder

 12   vers la défense.

 13   C'est pour cela que je ne suis pas d'accord que le compte rendu d'audience

 14   soit modifié puisque, tout simplement, je ne suis pas en mesure de dire si

 15   le témoin a dit quoi que ce soit ou bien, s'il a dit ce que la défense, le

 16   conseil de la défense affirme qu'il a dit. Je ne peux pas dire non plus

 17   que c'est le conseil de la défense qui s'est trompé. Tout simplement, je

 18   ne peux pas en être sûr et je ne suis pas d'accord que l'on modifie le

 19   compte rendu d'audience.

 20   Les collègues ont dit ce qu'ils pensent qu'il a dit et ce qui s'est passé.

 21   Je pense que cela suffit, cela figure au compte rendu d'audience. Le

 22   Procureur ne peut pas nier cela puisqu'il ne le sait pas a priori.

 23   En tout cas, puisqu'il s'agit des conseils efficaces, je pensais qu'ils

 24   allaient être en mesure de vérifier si le témoin a des sentiments, des

 25   ressentiments contre la défense, des sentiments hostiles. Je pense donc


Page 669

  1   qu'il n'est pas besoin d'ajouter quelque chose au compte rendu d'audience,

  2   quelque chose dont nous ne serions pas tous, a priori, d'accord. C'est ma

  3   proposition.

  4   Je ne sais pas s'il y a d'autres questions soulevées concernant la

  5   crédibilité du témoin, puisque je pense que c'est de cela dont on parle

  6   ici, mais ceci peut faire l'objet du contre-interrogatoire. Je ne voudrais

  7   pas dire qu'il faudrait forcément revenir sur cette question au cours du

  8   contre-interrogatoire puisque je pense que ceci ne sera pas vraiment

  9   utile. Evidemment, les conseils de la défense ont leur propre stratégie;

 10   ils sont maîtres de leur propre stratégie et ils ont le droit de tester la

 11   crédibilité du témoin de toutes les façons possibles et utiles.

 12   M. Fourmy: Maître Krsnik?

 13   M. Krsnik (interprétation): Monsieur Fourmy, mon éminent collègue, Maître

 14   Stringer, je vais vous demander de laisser de côté la stratégie de la

 15   défense et la façon dont la défense va procéder à son contre-

 16   interrogatoire. Je pense que nous avons suffisamment de connaissance en la

 17   matière pour en décider pour nous-mêmes.

 18   Je pense que l'incident qui s'est produit a été enregistré. Cet incident

 19   s'est produit. Et toutes les personnes qui parlent la langue croate ou

 20   bien la langue BCS, eh bien, nous avons compris ce qui a été dit, nous

 21   l'avons entendu. Ne croyez pas que nous nous permettions de dire quelque

 22   chose qui ne soit pas la vérité, ici, dans ce prétoire. Il s'agit d'un

 23   fait, c'est un simple fait. Et la façon dont je vais conduire mon contre-

 24   interrogatoire, eh bien, cela, je vais en décider moi-même. Je vous en

 25   prie.


Page 670

  1   M. Fourmy: Maître Krsnik, oui, certainement en ce qui concerne le contre-

  2   interrogatoire, comme nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises, la

  3   défense est maîtresse de sa stratégie. Mais je crois qu'il y avait deux

  4   questions que vous aviez soulevées et que le Procureur a proposé deux

  5   solutions possibles, une pour chacune des questions.

  6   En ce qui concerne l'identification de M. Naletilic, en premier lieu. Il

  7   m'a semblé qu'effectivement, le compte rendu traduisait très précisément

  8   ce qui s'était passé dans la salle d'audience et je ne sais pas si vous

  9   êtes d'accord avec la proposition du Procureur que le compte rendu vaut

 10   par lui même et qu'ensuite, chacun pourra apprécier. Sur ce point?

 11   M. Krsnik (interprétation): Oui, pour ce point-là précis. Je suis tout à

 12   fait d'accord: je pense que le compte rendu d'audience parle de lui-même.

 13   Je pense qu'il aurait été utile de décrire cet incident, ce dernier

 14   incident. Mais, en vérité, il est exact que le compte rendu parle de lui

 15   même.

 16   En ce qui concerne le deuxième point, le deuxième fait, je ne suis pas du

 17   tout d'accord, peu importe qu'il s'agisse d'un témoin de la défense ou

 18   bien du Bureau du Procureur. Puisque ce qui importe, c'est que ceci a été

 19   dit dans ce prétoire: il faut donc que cela soit reflété au compte rendu

 20   d'audience. Ceci a été enregistré: il est facile d'établir la vérité.

 21   Merci.

 22   M. Fourmy: Maître Krsnik, pour ce qui me concerne, je pense que vous avez

 23   constaté que j'ai essayé de réagir dès que j'ai pu percevoir que le témoin

 24   pouvait peut-être sortir du comportement que l'on attend d'un témoin.

 25   Malheureusement, encore une fois, ne parlant pas votre langue, je ne peux


Page 671

  1   pas faire plus que ce qu'il est possible humainement de faire, c'est-à-

  2   dire en fonction de la connaissance que l'on a des événements.

  3   Sur le fond, je crois que le compte rendu garde la trace très précise de

  4   ce que vous dites et de cet incident qui se serait passé.

  5   Il y a peut-être deux voies: ou bien nous en restons là, parce que je

  6   crois que les choses sont clairement écrites, ou bien éventuellement, si

  7   vous le souhaitez, mais ce serait peut-être une autre démarche. Je pense

  8   qu'elle dépasse ce qui est en mon "pouvoir" de faire, puisque je n'ai

  9   aucun pouvoir: ce serait qu'éventuellement vous demandiez -par écrit, s'il

 10   vous plaît- que les différents moyens d'enregistrement soient analysés

 11   pour essayer très exactement de savoir ce que le témoin a pu prononcer

 12   comme paroles au moment que vous indiquez.

 13   En langue française, au demeurant, à un certain moment, ce que j'ai

 14   entendu, c'était dans l'épisode selon lequel, je crois, certains

 15   prisonniers auraient été conduits avec des hommes de M. Naletilic. Et

 16   ensuite, il y a eu une réflexion comme quoi M. Naletilic se serait fait,

 17   excusez-moi l'expression, "se serait fait baiser".

 18   Je ne sais pas si c'est à ce moment-là que vous faites référence ou si

 19   c'est à un autre moment.

 20   En tout cas, en français, c'est que j'ai entendu. En anglais, je n'ai pas

 21   eu le temps. J'écoute en français, je lis en anglais et c'est pour cela

 22   que le BCS est difficile.

 23   Si vous êtes d'accord, soit on s'arrête là et je dirai que l'incident est

 24   clos, étant entendu que je vais rappeler au témoin qu'il est hors de

 25   question que son attitude soit de nouveau celle qu'il a pu à voir tout à


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  1   l'heure; et puis vous procédez au contre-interrogatoire. Ou bien vous

  2   ferez une requête: à ce moment-là, les enregistrements peuvent être

  3   étudiées et les Juges apprécieront.

  4   Je ne crois pas que je puisse faire autre chose.

  5   Maître Krsnik?

  6   M. Krsnik (interprétation): Merci, Monsieur Fourmy.

  7   Puisque vous avez mentionné ces termes, qu'il se soit fait "baiser", on

  8   parlait de l'attaque sur Boksevica. Vous savez, les mots prononcés dans

  9   une langue peuvent, une fois traduits, avoir une autre signification. Mais

 10   le témoin, quand il s'est tourné, il s'est tourné vers nous et a dit: "A

 11   Boksevica, vous vous êtes fait avoir", ou "vous vous êtes fait baiser".

 12   Evidemment, on peut faire: "vous vous êtes fait avoir"; mais non, il a

 13   dit: "vous vous êtes fait baiser". Evidemment, cela n'a pas la même

 14   signification. Mais ceci fait l'objet d'une autre discussion. Nous sommes

 15   bien sûr conscients de ces problèmes qui peuvent survenir lors de la

 16   traduction, de l'interprétation; nous allons nous efforcer d'interroger

 17   les témoins de sorte que tout ce qu'ils disent soit enregistré proprement

 18   au compte rendu d'audience. Voyez-vous, ces dépositions sont très

 19   importantes.

 20   M. Fourmy: Merci beaucoup, Maître Krsnik.

 21   Maître Seric, vous vouliez dire quelque chose?

 22   M. Seric (interprétation): Je vais dire que, pour moi, l'épisode est clos,

 23   mais je suis tout à fait d'accord avec mon confrère, Me Stringer. Mais je

 24   dois dire que nous sommes très sensibles à cet incident, puisqu'il s'agit

 25   d'un incident provoqué par le témoin. Moi, j'ai été juge, j'ai été


Page 673

  1   président d'une Chambre et j'ai beaucoup d'expérience dans la justice. A

  2   chaque fois, évidemment dans mon pays, je dois vous dire que, chez nous,

  3   les témoins ont toujours été punis pour de tels comportements. Evidemment,

  4   il ne m'appartient pas de le demander, je ne veux pas insister là-dessus,

  5   mais le témoin qui dit que, pour lui, les accusés sont des criminels,

  6   qu'il les déteste, etc., je pense que ce n'est vraiment pas acceptable.

  7   Mais bon, comme l'a dit Me Stringer, peut-être qu'il vaudrait mieux passer

  8   l'éponge. Evidemment, nous allons encore réfléchir si nous allons faire

  9   une requête auprès de la Chambre ou non. Mais en ce qui concerne les

 10   propos de M. Krsnik, moi, je l'ai entendu moi aussi de mes propres

 11   oreilles, il n'y a aucune raison pour que nous inventions cela.

 12   M. Fourmy: Je ne crois pas avoir le moins du monde suggéré que vous ayez

 13   inventé quoi que ce soit, vous, Maître Seric ou vous, Maître Krsnik.

 14   Si c'est ce qui a été traduit, c'est moi qui parle mal le français et je

 15   suis obligé de m'en excuser. Je n'ai jamais suggéré quoi que ce soit de la

 16   sorte. J'aimerais bien que ce soit très clair.

 17   Manifestement, on peut considérer que "l'incident" est clos, jusqu'à

 18   suivre une éventuelle requête que vous déposeriez le moment venu.

 19   Je vous proposerai donc de faire entrer le témoin. Par avance, je vous

 20   remercie de faire en sorte, par vos questions et la manière de

 21   procéder,que nous n'ayons pas à faire face de nouveau à des incidents de

 22   cette nature, dont je conçois qu'il est difficile de les maîtriser.

 23   Monsieur l'Huissier, s'il vous plaît, faites entrer le témoin.

 24   (Le témoin, M. Ekrem Lulic, est introduit dans le prétoire.)

 25   M. Fourmy: Monsieur Lulic, vous m'entendez bien, s'il vous plaît?


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  1   J'espère que vous avez pu vous reposer un peu. C'est maintenant au tour de

  2   la défense de vous poser des questions. Je vais vous demander encore un

  3   petit peu de patience pour participer avec nous à cette œuvre de justice.

  4   Je vais vous demander aussi d'utiliser toutes les forces que vous avez

  5   pour répondre aussi précisément et aussi complètement que possible aux

  6   questions de la défense.

  7   La défense est dans son rôle en vous posant des questions et je vous

  8   remercie par avance de ne faire aucun commentaire.

  9   Est-ce que nous pouvons commencer, s'il vous plaît?

 10   Maître Krsnik?

 11   (Contre-interrogatoire du témoin, M. Ekrem Lulic, par Me Krsnik.)

 12   M. Krsnik (interprétation): Bonjour. Je me présente, je suis avocat. Je

 13   m'appelle Kresimir Krsnik. Je défends les intérêts de l'accusé, Mladen

 14   Naletilic.

 15   Je vais vous poser des questions et je vais vous demander de répondre à

 16   mes questions. Vous vous sentez bien aujourd'hui?

 17   M. Lulic (interprétation): Oui, oui. Pas de problème.

 18   Question: Vous vous sentez bien?

 19   Réponse: Oui.

 20   Question: En général, est-ce que vous vous portez bien? Excusez-moi, peut-

 21   être souffrez-vous d'une maladie?

 22   Réponse: Non, non, non. Je ne suis pas malade.

 23   Question: Est-ce que vous prenez des médicaments?

 24   Réponse: Non.

 25   Question: Et dites-moi, est-ce qu'aujourd'hui, avant d'entrer dans le


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  1   prétoire, vous avez bu?

  2   Réponse: Non, non. De toute façon, je ne bois pas du tout, en général.

  3   Question: Dites-moi, le 15 avril 1993, vous vous souvenez de cette date-

  4   là?

  5   Réponse: Oui.

  6   Question: On vous a demandé de rejoindre les unités de l'armée de Bosnie-

  7   Herzégovine?

  8   Réponse: Oui.

  9   Question: Qui vous a demandé cela?

 10   Réponse: Eh bien, c'était, comment dire, c'était un commandant... Non,

 11   peut-être que votre question n'est pas juste.

 12   En fait, ce n'était pas l'armée de Bosnie-Herzégovine: c'est au cours de

 13   la guerre que l'armée de Bosnie-Herzégovine a été organisée. Il s'agit

 14   uniquement de la Défense territoriale.

 15   Et moi, j'ai été enregistré, je figurais sur la liste. Je ne sais pas

 16   comment vous comprenez cela, mais il s'agit de la Défense territoriale. En

 17   fait, il s'agit de réservistes de la Défense territoriale.

 18   Question: Ce que je comprends, écoutez, cela m'appartient. Moi, je vous

 19   demande tout simplement de vous concentrer pour pouvoir répondre à mes

 20   questions.

 21   Réponse: Très bien.

 22   Question: Alors, dites-moi ce qu'est que la Défense territoriale à

 23   laquelle vous apparteniez?

 24   Réponse: La Défense territoriale, eh bien, il y avait des gens de toutes

 25   les nationalités, pas seulement les Croates mais aussi les Musulmans, tout


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  1   le monde. On était des réservistes. Au fait, vous savez ce que c'est

  2   qu'une armée régulière? Eh bien, moi, je n'étais pas membre d'une armée

  3   régulière.

  4   Question: Donc vous étiez un réserviste?

  5   Réponse: Oui, un réserviste de la Défense territoriale de la municipalité

  6   de Jablanica.

  7   Question: Un instant, s'il vous plaît. Vous étiez membre de la Défense

  8   territoriale?

  9   Réponse: Oui.

 10   Question: De Jablanica?

 11   Réponse: Oui.

 12   Question: Mais vous étiez réservistes de quoi?

 13   Réponse: Comment cela, de quoi?

 14   Question: Vous avez dit que vous étiez un réserviste de la Défense

 15   territoriale, si je vous ai bien compris.

 16   Réponse: Oui.

 17   Question: Le 15 avril 1993, les Croates, les Musulmans et les Serbes, vous

 18   apparteniez tous à la Défense territoriale?

 19   Réponse: Oui.

 20   Question: Et à quel moment êtes-vous devenu membre de l'armée de Bosnie-

 21   Herzégovine?

 22   Réponse: Eh bien, le 17 avril, j'ai été arrêté; on m'a emmené à l'école.

 23   Question: Ce n'est pas la question, ce n'est pas la question que je vous

 24   ai posée. Je vous demande de bien vouloir répondre à ma question. Répondez

 25   à ma question, s'il vous plaît, si vous pouvez le faire évidemment: à quel


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  1   moment a été formée l'armée de Bosnie-Herzégovine?

  2   Réponse: Eh bien, permettez-moi de vous répondre. Ne m'interrompez pas!

  3   Question: Pourriez-vous répondre à ma question?

  4   Réponse: Je vais vous répondre. Je ne sais pas à quel moment elle a été

  5   créée puisque moi, j'ai été arrêté, emprisonné pendant deux jours. Je ne

  6   sais pas, je ne connais pas cette date-là, parce qu'après, j'ai passé

  7   pratiquement un an à la prison.

  8   Question: Et quel était le but de la Défense territoriale? Qui était votre

  9   ennemi?

 10   Réponse: Nos ennemis étaient les Serbes.

 11   Question: Mais n'étiez-vous pas ensemble dans la Défense territoriale?

 12   Réponse: Oui, mais à Jablanica. Sans doute le savez-vous combien il y

 13   avait de Serbes à Jablanica mais, à Jablanica, il n'y avait que des

 14   Croates et des Musulmans. Nous étions ensemble peut-être jusqu'à deux

 15   jours avant.

 16   Question: Deux jours avant quoi?

 17   Réponse: Deux jours avant l'attaque.

 18   Question: Vous pensez au 17 avril?

 19   Réponse: Oui.

 20   Question: Vous voulez dire que les Croates et les Musulmans étaient

 21   ensemble, que vous aviez ensemble cette Défense territoriale?

 22   Réponse: Oui.

 23   Question: Qui était le commandant de la Défense territoriale?

 24   Réponse: Je ne saurais vous répondre parce que je n'étais pas toujours là,

 25   je n'y allais pas régulièrement, j'ai toujours travaillé à l'extérieur. En


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  1   fait, j'ai uniquement figuré sur la liste des membres de la Défense

  2   territoriale mais les conditions étaient telles que je n'étais pas obligé

  3   d'aller où que ce soit.

  4   Question: Mais où travailliez-vous?

  5   Réponse: Où je travaillais? Eh bien, j'ai travaillé en Libye, Irak,

  6   Tunisie. Dans l'ex-Yougoslavie, j'ai travaillé pour le compte d'une

  7   entreprise à Sarajevo.

  8   Question: Le 15 avril 1993, vous étiez dans une unité?

  9   Réponse: Oui, officiellement, je figurais sur les listes mais je n'étais

 10   pas un soldat. J'étais chez ma belle-mère.

 11   Question: Monsieur Fourmy, voyez-vous comment il est difficile de mener ce

 12   contre-interrogatoire.

 13   Je pense que mes questions sont claires?

 14   Réponse: Oui, oui.

 15   M. Krsnik (interprétation): Maître Stringer, un instant s'il vous plaît,

 16   je n'ai pas terminé.

 17   Moi, je pose une question très claire. Je lui demande qui était son

 18   commandant; il peut répondre par "je sais" ou "je ne sais pas". Mais il ne

 19   peut pas me raconter des choses à tort et à travers. Moi, je suis obligé

 20   de continuer à poser des questions.

 21   M. Lulic (interprétation): Oui, mais moi, je ne connais pas les noms,

 22   alors…

 23   M. Fourmy: Maître Krsnik, je crois que le compte rendu parle par lui-même;

 24   on voit votre question, on voit la réponse du témoin. On peut prendre en

 25   compte des choses que le témoin a dites auparavant.


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  1   Poursuivez, sinon on va prendre beaucoup de temps, je le crains.

  2   M. Krsnik (interprétation): C'est pour cela que je vous ai demandé

  3   d'intervenir, pour que vous voyiez que ce n'est pas de ma faute concernant

  4   ce que nous avons dit juste avant l'entrée du témoin dans le prétoire.

  5   Le 15 avril 1993, vous étiez à Sovici?

  6   M. Lulic (interprétation): Oui.

  7   Question: Vous aviez un uniforme? Vous portiez un uniforme?

  8   Réponse: OK.

  9   Question: Cela veut dire quoi OK?

 10   Réponse: Bien, d'accord.

 11   Question: Vous l'aviez ou non?

 12   Réponse: Oui.

 13   Question: Et il ressemble à quoi votre uniforme?

 14   Réponse: Mon uniforme? Eh bien, voyez-vous à quoi ressemble un uniforme de

 15   camouflage?

 16   Question: Pourriez-vous, s'il vous plaît, me décrire cet uniforme que vous

 17   portiez?

 18   Réponse: Que veux-tu que je te décrive?

 19   Question: Monsieur Fourmy, je voudrais qu'il soit consigné au compte rendu

 20   d'audience que le témoin me tutoie et qu'il a dit: "Que veux-tu que je te

 21   décrive?".

 22   Réponse: Que veux-tu que je te décrive?

 23   M. Krsnik (interprétation): Il répète.

 24   M. Lulic (interprétation): OK.

 25   M. Fourmy: Maître Krsnik, c'est un des avantages de nos langues


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  1   respectives que d'avoir une différence entre le "tu" et le "vous".

  2   Malheureusement, je ne suis pas certain qu'en anglais, ce soit

  3   immédiatement traduisible. Je prends note de ce que vous avez dit.

  4   Monsieur Lulic, s'il vous plaît, je ne parle pas votre langue, donc je

  5   suis incapable de savoir si le tutoiement ou le vouvoiement sont des

  6   choses normales entre un témoin et une défense. Ce que je peux vous dire,

  7   c'est que, dans ma langue maternelle à moi, sauf cas très exceptionnel -et

  8   encore je l'imagine mal-, un témoin ne tutoie pas une défense ou une

  9   accusation.

 10   Donc si c'est la même pratique dans votre pays ou dans votre langue, je

 11   vous remercie de faire en sorte d'utiliser les mots que vous utiliseriez

 12   autrement, selon vos propres habitudes, votre propre coutume et c'est

 13   vraisemblablement le "vous". Merci

 14   Maître Krsnik, vous avez la parole, s'il vous plaît.

 15   M. Lulic (interprétation): Oui, d'accord. Moi, je vais m'adresser à eux

 16   comme je le veux. Vous m'avez compris?

 17   M. Fourmy: Maître Krsnik, poursuivez, s'il vous plaît.

 18   M. Krsnik (interprétation): Bien. Je vous ai demandé de nous décrire votre

 19   uniforme?

 20   M. Lulic (interprétation): Monsieur, je ne veux pas vous décrire quoi que

 21   ce soit. Puisque vous savez de quoi avait l'air un uniforme de camouflage.

 22   Vous ne pouvez pas me provoquer pour me prouver quoi que ce soit. Je suis

 23   stupide ou quoi? Mais moi, je ne veux pas parler avec vous.

 24   M. Fourmy: Regardez-moi, s'il vous plaît.

 25   M. Lulic (interprétation): OK.


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  1   M. Fourmy: Il ne s'agit pas d'avoir avec la défense une conversation de

  2   salon.

  3   Nous sommes tous d'accord: si vous aviez véritablement le choix, vous ne

  4   seriez sans doute pas ici avec nous. Nous sommes d'accord, mais le

  5   Procureur a pensé que vous aviez des éléments importants à apporter aux

  6   Juges dans cette affaire et cette affaire est contre deux personnes: M.

  7   Naletilic et M. Martinovic.

  8   A partir du moment où le Procureur fait ce choix et que vous avez accepté

  9   de comparaître, vous venez ici pour dire aux Juges…; ce n'est pas moi;

 10   imaginez que moi, je ne suis rien et là, vous avez trois Juges qui vous

 11   écoutent avec beaucoup d'attention, qui vous regardent, et qui sont très

 12   vigilants et qui vont lire très précisément tout ce que vous direz.

 13   Vous répondez aux questions du Procureur, vous ne faites pas une

 14   conversation avec lui. Puis vous répondez aux questions de la défense,

 15   vous ne faites pas une conversation avec la défense. On est d'accord?

 16   C'est simplement répondre aux questions.

 17   Là, la question pour la deuxième ou troisième fois est: décrivez votre

 18   uniforme. Vous avez répondu déjà deux fois, je suis d'accord, que c'est un

 19   uniforme de camouflage.

 20   Je vous avoue, Maître Krsnik, que je suis un peu perplexe quant à la

 21   possibilité de décrire plus précisément un uniforme de camouflage pour un

 22   uniforme de camouflage. Mais si vous avez une idée, peut-être que vous

 23   pouvez aider le témoin en lui posant une question plus précise pour le

 24   guider, si vous avez quelque chose en tête.

 25   Mais vous, Monsieur Lulic, qui connaissez l'uniforme que vous aviez ou que


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  1   vous portiez, parce que la question n'a pas été posée dans un terme qui me

  2   permet de savoir si vous l'aviez ou que vous le portiez, si vous pensez

  3   qu'effectivement, il était plus vert ou plus jaune ou plus bleu, ou je ne

  4   sais… ou moins clair que d'autres uniformes, peut-être aussi que vous

  5   pouvez, vous, nous aider en faisant un petit effort pour essayer de me

  6   faire comprendre à moi quel genre d'uniforme vous portiez.

  7   Si ce n'est pas possible vous dites: non, c'était un uniforme comme les

  8   autres, de camouflage.

  9   Je pense que l'on peut peut-être essayer de résoudre cette question.

 10   Monsieur Lulic, avez-vous une information peut-être que vous pouvez donner

 11   à la défense tout de suite ou préférez-vous que la défense vous repose une

 12   question pour vous aider dans la réponse?

 13   M. Krsnik (interprétation): Monsieur Fourmy, j'ai posé une question

 14   raisonnable puisqu'il existait différents types d'uniforme sur le

 15   territoire de Bosnie-Herzégovine. On portait des combinaisons de

 16   différents types d'uniforme. Il existait des uniformes de camouflage

 17   d'été, d'hiver. Des uniformes de l'ex-JNA, des combinaisons de différents

 18   uniformes, des assemblages.

 19   Le témoin a donc entendu ma question et moi, je serais vraiment très

 20   content de pouvoir lui poser des questions de façon très précise. Mais

 21   nous allons nous mettre d'accord, moi et M. Lulic, n'est-ce pas?

 22   M. Lulic (interprétation): Pas de problème. Sans doute savez-vous qu'à

 23   Sovici… Vous savez combien il y avait de soldats à Sovici?

 24   M. Krsnik (interprétation): Mais, laissez cela de côté.

 25   Dites-moi tout simplement comment était votre uniforme: est-ce que vous


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  1   aviez l'uniforme de camouflage, aussi bien la veste que les pantalons?

  2   Réponse: Oui, oui, les deux parties étaient les mêmes.

  3   Question: Est-ce que vous portiez des insignes?

  4   Réponse: J'ai déjà dit que nous faisions partie de la Défense

  5   territoriale.

  6   Question: Est-ce que la Défense territoriale portait des insignes? C'est

  7   la question que je vous pose.

  8   Réponse: Non, non, non, il n'y en avait pas. Puisque, dans la Défense

  9   territoriale, il y avait des membres, des soldats de toutes les

 10   nationalités: des Croates, des Serbes, des Musulmans.

 11   Question: Oui, mais cela ne veut pas dire qu'il ne peut pas y avoir

 12   d'inscriptions, d'insignes de la Défense territoriale?

 13   Réponse: Oui, mais ce n'était pas l'armée de Bosnie-Herzégovine.

 14   Question: Mais ce n'est pas la question que je vous pose.

 15   Réponse: Oui, je vous ai dit que c'était plus tard. Mais moi, je n'ai pas

 16   eu l'occasion de vous l'expliquer.

 17   Question: A part l'entraînement que vous avez suivi dans la JNA, est-ce

 18   que vous avez eu un autre entraînement militaire?

 19   Réponse: Non.

 20   Question: Savez-vous ce que ça veut dire Daidza ? Qui est Daidza?

 21   Réponse: Oui, je le sais.

 22   Question: Et comment le savez-vous?

 23   Réponse: Parce que je l'ai vu à Jablanica.

 24   Question: Que faisait Daidza à Jablanica?

 25   Réponse: Je ne peux pas vous répondre. Peut-être qu'il venait pour des


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  1   questions politiques, peut-être qu'il devait avoir une unité, mais il n'a

  2   pas réussi à le faire à Jablanica. Mais moi, je sais tout de lui, pas de

  3   problème. Je l'ai vu comme je vous vois là.

  4   Question: Vous n'avez pas suivi un entraînement chez lui?

  5   Réponse: Non.

  6   Question: Et quelles étaient les armes que vous aviez?

  7   Réponse: J'avais un fusil M48. Vous savez ce que c'est qu'un fusil M48?

  8   Question: Non, je ne sais pas. C'est la question que je vous pose.

  9   Réponse: Un fusil M48, c'est un fusil avec un chargeur de 5 balles.

 10   Ce n'est pas possible que vous ne le sachiez pas. Eh bien, c'était une

 11   arme de la Défense territoriale. Et je l'ai rendue d'ailleurs; je n'en ai

 12   pas besoin.

 13   Question: Vous l'avez rendu quand?

 14   Réponse: Je l'ai rendue, peut-être le 16 avril, quand je suis allé voir ma

 15   belle-mère. Je n'étais pas du tout sur la ligne de front, je n'étais nulle

 16   part et je suis venu, comme vous le savez, vous savez que c'est une

 17   maison, la maison de Petar Mijic et Mato Mijic été là. Je suis venu et je

 18   ne savais pas du tout ce qui était en train de se passer.

 19   Question: Mais vous parlez de quelle date, là?

 20   Réponse: Un jour ... Non. Le 17, la carte de Sovici…

 21   Question: Il y a une seconde, vous avez dit qu'avant, vous aviez rendu

 22   votre arme et vous avez parlé du 16; ensuite, vous avez commencé à parler

 23   d'autre chose. Alors, est-ce que c'est le 16 avril que vous avez rendu

 24   votre fusil?

 25   Réponse: Non, je pense que c'était le 17. Je pense que c'était le matin.


Page 685

  1   L'attaque a eu lieu le matin et moi, j'ai rendu l'arme dans l'après-midi

  2   ou dans la soirée.

  3   Question: Donc dans la soirée du 17 avril?

  4   Réponse: Oui. Et ensuite…

  5   Question: Et donc vous avez rendu votre arme M48, un fusil M48. A qui

  6   l'avez-vous donné?

  7   Réponse: Je l'ai restitué à Mate Mijic.

  8   Question: Dans la soirée?

  9   Réponse: Dans la soirée.

 10   Question: Combien y avait-il de membres de la TO dans le village de

 11   Sovici?

 12   Réponse: Eh bien, je ne saurais vous répondre, je ne connais pas le

 13   chiffre exact.

 14   Question: Peut-être que vous pourriez faire une évaluation?

 15   Réponse: Eh bien, si c'est vraiment important pour vous, ce n'est pas un

 16   problème: je pourrais vous dire 100, 200; peut-être qu'il n'y avait même

 17   pas 100 hommes là-bas. Je ne sais pas, vraiment. Je ne saurais vous

 18   répondre. Je n'étais pas intéressé par cela. Je n'étais vraiment pas

 19   intéressé par cela, pour aucune raison.

 20   Question: Quand vous dites 100 ou 200 membres de la Défense territoriale,

 21   vous pensez aussi bien aux Musulmans et aux Croates?

 22   Réponse: Non, non. Je n'ai pas pensé aux Musulmans et aux Croates

 23   ensemble, parce que sinon ce chiffre tournerait plutôt autour de 300 à

 24   400, si j'avais pensé à eux ensemble.

 25   Question: A qui avez-vous pensé quand vous avez parlé de 100 ou 200? Vous


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  1   avez pensé aux Musulmans?

  2   Réponse: Oui.

  3   Question: Est-ce que c'était une unité séparée, une unité musulmane?

  4   Réponse: Non, non. Nous étions tous ensemble.

  5   Question: Alors pourquoi spontanément, quand je vous ai demandé combien il

  6   y avait de membres de la TO, vous avez pensé uniquement aux Musulmans?

  7   Réponse: Parce que je pensais que vous pensiez uniquement aux Musulmans.

  8   Question: A Sovici, qui était votre ennemi?

  9   Réponse: Eh bien, à Sovici, pendant que nous étions ensemble dans la TO,

 10   eh bien, notre ennemi, c'étaient les Serbes. Puisqu'il n'y a jamais eu

 11   aucun Serbe à Sovici.

 12   Question: Et pourquoi?

 13   Réponse: Moi, je ne m'intéresse pas à l'histoire.

 14   Question: Je vous demande d'attendre ma question: pourquoi alors avez-vous

 15   créé la TO, si vous n'aviez pas d'ennemi?

 16   Réponse: Pourquoi nous l'avons créée? Ecoutez, moi, je ne suis pas un

 17   commandant, je ne suis pas le président de la municipalité pour créer une

 18   telle unité. Moi, je ne l'ai pas fait, ce n'est pas moi qui étais à

 19   l'origine de la création de la TO. Je ne suis pas intéressé par cela.

 20   Question: A quel moment êtes-vous arrivé à Sovici? Avant le 17 avril?

 21   Réponse: Jamais.

 22   Question: Que voulez-vous dire?

 23   Réponse: Non, le 17 avril, je suis allé dans le camp.

 24   Question: Attendez, nous ne parlons pas du camp pour l'instant; nous nous

 25   concentrons sur la date du 17 avril. Je pense à la période avant le 17


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  1   avril: pendant combien de temps avez-vous vécu à Sovici?

  2   Réponse: J'ai vécu à Sovici pendant quarante ans.

  3   Question: Vous aviez des lignes de la Défense territoriale autour de

  4   Sovici?

  5   Réponse: Oui.

  6   Question: Pourriez-vous nous dire où se trouvaient ces lignes?

  7   Réponse: Je peux vous le dire. Je ne sais pas si vous connaissez la porte

  8   de Sovici, ensuite Mackovica; je ne sais pas: Bjela Gruda? Je ne suis

  9   jamais allé sur ces lignes.

 10   Question: Il y avait des lignes jusqu'à Jablanica, jusqu'à Doljani?

 11   Réponse: Non, non. Uniquement vers Risovac.

 12   Question: Mais à un moment donné, vous avez mentionné la cote 902: qu'est-

 13   ce que vous vouliez dire par là?

 14   Réponse: Parce que le remplaçant de Tuta a été tué sur la cote 902.

 15   Question: Quand?

 16   Réponse: Je ne connais pas la date exacte parce que moi, j'étais été dans

 17   le camp. Mais pour cela, il y a eu un remue-ménage dans le camp. Ils nous

 18   ont demandé à nous, aux prisonniers, où se trouvait cet cote 902.

 19   Question: Mais attendez, s'il y a eu des choses qui se sont passées dans

 20   le camp, s'il y a eu un remue-ménage ce jour-là, vous pouvez me dire

 21   quelle date c'était?

 22   Réponse: Je ne sais pas.

 23   Question: Il a et tué par l'armée de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas?

 24   Réponse: Oui.

 25   Question: Et vous, vous étiez dans la localité de la Défense territoriale?


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  1   Réponse: Non, non. Comment vouliez-vous que je sois sur une localité tenue

  2   par la Défense territoriale, alors que j'étais dans le camp.

  3   Question: Et vous, vous ne savez pas où se trouve la cote 902?

  4   Réponse: Non, non.

  5   Question: A cause de qui avez-vous creusé les tranchées à Mackovica?

  6   Réponse: Excusez-moi, Monsieur. Moi, j'essaie d'être poli, correct: je ne

  7   suis jamais allé, je ne suis jamais allé là-bas. Je vous ai déjà dit que

  8   je ne figurais sur leur liste que comme un réserviste; c'était uniquement

  9   sur papier. Je n'y suis jamais allé.

 10   Question: Mais tout à l'heure, vous avez dit que vous saviez où c'était?

 11   Réponse: Bien sûr que je le sais parce que j'y suis né et je vois tous ces

 12   endroits depuis ma maison. Je vois les collines. Je peux les voir ces

 13   endroits.

 14   Question: Vous avez dit que vous saviez qu'il y avait une ligne là-bas?

 15   Réponse: Oui, je l'ai bien dit. J'ai dit que oui.

 16   Question: Et cette ligne était tenue par qui et contre qui?

 17   Réponse: Eh bien, j'ai déjà dit: les Croates et les Musulmans l'avaient

 18   faite ensemble.

 19   Et vous me demandez qui était notre ennemi? Eh bien, tout cela, c'est un

 20   jeu politique. C'est pour cela que je n'étais pas intéressé par tout cela.

 21   Question: Un jeu politique: dans quel sens?

 22   Réponse: Le jeu politique de la part des Croates qui avaient tout préparé

 23   et, ensuite, ils se sont séparés.

 24   Question: Laissez cela de côté, s'il vous plaît. Je vous repose ma

 25   question de façon très précise: cette ligne que vous avez fortifiée à


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  1   Mackovica, vous l'avait faite contre qui?

  2   Réponse: Contre les Serbes, mais ce n'est pas moi qui l'ai faite.

  3   Question: Et donc vous étiez ensemble dans les tranchées, avec les

  4   Croates, à Mackovica?

  5   Réponse: Moi, je ne sais pas.

  6   Question: Je ne pense pas à vous personnellement, je pense à la TO.

  7   Réponse: Oui, en ce qui concerne mes confrères, les collègues qui se sont

  8   rendus sur les lignes, des jeunes hommes de 18-20 ans. Oui, ils y sont

  9   allés.

 10   Question: Et les Croates?

 11   Réponse: Eux aussi, ils y sont allés, ensemble.

 12   Question: Combien y a-t-il d'habitants dans le village de Sovici?

 13   Réponse: Je ne peux pas être tout à fait précis, mais je pense que 250

 14   habitants à peu près, qu'il n'y en avait pas plus, mais je ne sais pas

 15   exactement.

 16   Question: Vous pensez aux Musulmans ou bien à l'ensemble de la population?

 17   Réponse: Non, pas uniquement pour les Musulmans.

 18   Question: D'après vous, le village de Sovici avait 250 habitants?

 19   Réponse: Je ne sais pas si c'est exact.

 20   Question: Mais jusqu'où vous irez au maximum?

 21   Réponse: Je ne sais même plus qui est là-bas.

 22   Question: Mais je demande: avant le 17 avril, combien y en avait-il au

 23   total, d'après vous?

 24   Réponse: Je suis désolé, mais je ne peux pas vous le dire exactement.

 25   Question: Mais il n'y en avait pas plus de 300?


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  1   Réponse: Peut-être un peu plus.

  2   Question: Je vous pose la question: vous avez dit 250. Combien pensez-vous

  3   au total?

  4   Réponse: 400 peut-être, je ne sais pas. Vraiment, je ne sais pas, je ne

  5   peux pas vous le dire.

  6   Question: Mais je ne vous demande pas le nombre exact, mais celui qui,

  7   d'après vous, est le plus approximatif. Est-ce que vous voulez-vous

  8   concentrer, s'il vous plaît, sur la question que je vous ai posée:

  9   jusqu'où iriez-vous au maximum? Qu'est-ce que vous en pensez?

 10   Réponse: Les Musulmans et les Croates?

 11   Question: Oui, je vous le répète pour la troisième fois.

 12   Réponse: Si l'on parle des Croates et des Musulmans ensemble, alors je

 13   peux dire jusqu'où: 500, voilà!

 14   Question: Sur les 500, combien y avait-il de Musulmans en pourcentage et

 15   combien de Croates?

 16   Réponse: 50% de Musulmans et 50% de Croates, je pense.

 17   Question: Est-ce que vous avez entendu parler du Bataillon Mijat Tomic?

 18   Réponse: Oui.

 19   Question: A quel moment ce Bataillon a été mis en place?

 20   Réponse: Je ne le sais pas.

 21   Question: Est-ce que ce Bataillon a été composé exclusivement de Croates

 22   de Sovici?

 23   Réponse: Oui.

 24   Question: Et les Musulmans, ils n'y étaient pas?

 25   Réponse: Non.


Page 691

  1   Question: Quoi non?

  2   Réponse: Au cours de la dernière période, les Croates et les Musulmans

  3   vivaient chacun de leur côté.

  4   Question: Mais je vous pose la question au sujet du Bataillon. Eh bien,

  5   les Musulmans, ils n'étaient pas dans ce Bataillon mais ils étaient où

  6   alors?

  7   Réponse: Ils faisaient partie de la Défense territoriale avant l'attaque.

  8   Et ce n'est que par la suite que l'armée de Bosnie-Herzégovine a été mise

  9   en place, après l'attaque. Après le conflit.

 10   Question: Au moment où le Bataillon Mijat Tomic a été mis en place, il y

 11   avait la Défense territoriale qui avait englobé aussi bien les Musulmans

 12   que les Croates?

 13   M. Lulic (interprétation): Non, mais je dis qu'après l'attaque, les

 14   Croates et les Musulmans étaient ensemble à la Défense territoriale. Dès

 15   que l'attaque a été déclenchée, il n'y avait plus de Défense territoriale:

 16   les Croates sont partis de leur côté, les Musulmans de l'autre.

 17   M. Krsnik (interprétation): Je vous demande de ne pas parler trop, mais

 18   plutôt de me répondre aux questions que je vous pose.

 19   M. Stringer (interprétation): Excusez-moi. Monsieur Fourmy, je voudrais

 20   interrompre mon confrère, mais si vous me le permettez.

 21   C'est une objection que je voudrais soulever en ce qui concerne mes

 22   confrères du conseil au sujet de ce que Me Krsnik avait dit.

 23   Il a dit: "Ne me racontez pas des histoires". Je pense que le témoin a

 24   essayé de répondre aux questions qui ont été posées. Par conséquent, je

 25   suis contre les commentaires des conseils. Je vais, chaque fois quand il


Page 692

  1   le faudra, à ce moment-là, je vais intervenir. Ce ne sont pas des conseils

  2   qui doivent faire de tels commentaires. Ce sont les Juges qui vont décider

  3   de la crédibilité du témoin. Par conséquent il y a des questions, il y a

  4   les réponses.

  5   Si mon collègue n'est pas satisfait de la réponse qu'il avait obtenue

  6   -cela arrive, cela arrive lors d'un procès-, c'est la raison pour

  7   laquelle, une fois de plus, je soulève l'objection à propos d'un

  8   commentaire parce que cela ne correspond pas tout à fait à ce que nous

  9   devons faire.

 10   M. Krsnik (interprétation): Excusez-moi, Monsieur Fourmy. Il faut que je

 11   réponde à mon éminent confrère.

 12   Ce n'est pas de cette manière-là et ce n'est pas comme cela a été démontré

 13   par M. Stringer. Le témoin ne veut pas répondre à mes questions. Il essaie

 14   de les esquiver, il ne veut pas répondre.

 15   Cher collègue Stringer, moi, j'ai beaucoup de difficulté à obtenir les

 16   réponses de ce témoin.

 17   M. Lulic (interprétation): Toi, tu dois peiner et moi, je vais te répondre

 18   comme je veux te répondre parce que moi, je réponds à toutes les questions

 19   que tu me poses.

 20   M. Fourmy: Comme nous ne parlons pas la même langue, il se peut que nous

 21   nous chevauchions, pardon.

 22   Je crois que le Procureur fait une remarque en ce qui concerne le

 23   caractère répétitif des questions que vous posez par rapport aux réponses

 24   que vous recevez. L'avantage d'avoir un compte rendu écrit et des

 25   enregistrements comme nous les avons, c'est que les Juges, le moment venu,


Page 693

  1   peuvent se faire une idée complète de ce qui s'est passé et notamment, des

  2   réponses qui sont données par rapport aux questions qui ont été posées.

  3   Mais si nous devons tous attendre qu'à chaque fois que nous posons une

  4   question, nous allons la reposer jusqu'à ce que nous entendions la réponse

  5   que nous voulons, je ne suis pas certain que nous puissions jamais y

  6   arriver.

  7   Je crois que vous avez posé des questions assez claires; vous n'obtenez

  8   pas une réponse ou vous obtenez une réponse qui n'est pas celle que vous

  9   souhaiteriez: cela figure au compte rendu. Vous poursuivez avec les autres

 10   questions que vous souhaitez poser.

 11   Au demeurant, Monsieur Lulic, je comprends la tension mais je vous

 12   demande, s'il vous plaît, de faire attention de bien répondre à la

 13   question posée -même de manière brève- et de ne pas oublier qu'il me

 14   semble que nous avions convenu que vous deviez vouvoyer le conseil de la

 15   défense. S'il vous plaît. D'accord?

 16   M. Lulic (interprétation): Je ne suis pas tellement d'accord.

 17   M. Fourmy: Alors, s'il vous plaît, pour moi au moins, faites un effort.

 18   Comme cela, vous me ferez plaisir au moins à moi.

 19   Puis peut-être une dernière chose, Maître Krsnik: Monsieur Lulic, je sais

 20   que c'est difficile parce que vous parlez la même langue, mais il faut

 21   absolument ralentir un petit peu parce que sinon…

 22   De toute façon, non seulement vous n'avez peut-être pas les réponses aux

 23   questions, Maître Krsnik, mais le compte rendu ne pourra pas retracer les

 24   questions et les réponses telles qu'elles sont prononcées.

 25   Nous pouvons poursuivre, Maître Krsnik. Peut-être que vous voulez passer à


Page 694

  1   une autre question ou formuler votre question différemment pour aider le

  2   témoin à y répondre?

  3   M. Krsnik (interprétation): Non. Mais c'est le témoin qui a démenti le

  4   Procureur et, une fois de plus, ce n'est pas rentré dans le compte rendu.

  5   A la page 162, ligne 3, il s'est adressé à moi et il a dit: "Il faut que

  6   tu peines."

  7   M. Fourmy: J'ai bien entendu, Maître Krsnik. Excusez-moi, je vous

  8   interromps à nouveau. J'ai bien entendu, je ne sais pas si cela ne figure

  9   pas en anglais. Je peux vous dire que cela figure en français. L'avantage

 10   de travailler en deux langues; à défaut de travailler en trois…

 11   M. Krsnik (interprétation): En anglais, non. Le témoin s'est bien adressé

 12   à moi, au conseil. Il a dit: "Il faut que tu peines et je vais te faire

 13   peiner."

 14   M. Lulic (interprétation): Non.

 15   M. Krsnik (interprétation): Mais vous avez dit: "Il faut que tu peines."

 16   M. Lulic (interprétation): Non.

 17   M. Fourmy: Maître Krsnik, si vous me laissez terminer ma phrase comme

 18   j'essaie de vous laisser terminer les vôtres -même si je chevauche à cause

 19   de ces problèmes d'interprétation-, mais cela me facilite la vie et

 20   j'espère que cela peut la faciliter à tous.

 21   Je crois qu'hier, dans un cadre un peu différent, dans une ambiance un

 22   petit peu différente, nous avons pris en compte le fait que chacun a peut-

 23   être une spécialité différente de l'autre et que souvent, à beaucoup

 24   d'égards, on peut être plus professionnel que l'autre.

 25   Donc si vous me permettez, je fais appel à votre qualité professionnelle


Page 695

  1   pour, comme c'est souvent le cas, je n'en doute pas -dans tous les pays du

  2   monde c'est toujours pareil-, prendre sur soi et poursuivre votre contre-

  3   interrogatoire avec les questions que vous souhaitez poser. Le cas

  4   échéant, en les reformulant pour contourner un obstacle que vous pouvez

  5   surmonter, j'en suis sûr.

  6   Maître Krsnik, s'il vous plaît.

  7   M. Krsnik (interprétation): Le Bataillon de Mijat Tomic se trouvait où le

  8   17 avril, s'il vous plaît?

  9   M. Lulic (interprétation): Je suis désolé, cela ne m'intéressait pas et je

 10   ne le sais pas.

 11   Question: Est-ce que, dans le village Sovici, il y avait des tranchées,

 12   des nids de tireurs embusqués?

 13   Réponse: Je ne le sais pas.

 14   Question: Qui a été commandant de Mijat Tomic?

 15   Réponse: Je ne le sais pas.

 16   Question: Et qui a été commandant de la Défense territoriale?

 17   Réponse: Cela, je le sais: c'était Dzemal Ovnovic.

 18   Question: Est-ce que la Défense territoriale avait des points de contrôle

 19   dans le village de Sovici?

 20   Réponse: Je suis désolé, mais je ne le sais pas.

 21   Question: Quand le HVO a été à Sovici, c'était bien le 17? C'est la

 22   première fois que vous les avez vus?

 23   Réponse: Au moment où j'ai été arrêté, c'était le 17 avril 1993.

 24   Question: Est-ce que vous vous souvenez de l'heure?

 25   Réponse: Excusez-moi, je ne vous ai pas entendu.


Page 696

  1   Question: Est-ce que vous vous souvenez à quelle heure c'était?

  2   Réponse: Je pense que c'était à 9 heures, 10 heures du soir, quelque chose

  3   comme cela.

  4   Question: Mais c'était le HVO Mijat Tomic ou qui?

  5   Réponse: Les soldats, je ne sais pas. C'étaient les soldats, il faisait

  6   nuit. On n'a pas tellement osé regarder ni se poser la question à qui

  7   appartenaient ces soldats.

  8   Question: Vous n'avez pas reconnu vos voisins qui étaient vos voisins

  9   jusqu'à il y a quelques jours?

 10   Réponse: Non, parce que c'étaient les gens de l'extérieur. Bien évidemment

 11   que je les aurais reconnus si c'étaient mes voisins, mais c'étaient les

 12   gens de l'extérieur.

 13   Question: Et quels étaient les symboles qu'ils arboraient?

 14   Réponse: Je suis désolé, je ne peux pas te le dire parce que je ne l'ai

 15   pas vu.

 16   Question: Est-ce que vous avez vu ce qu'ils arboraient comme insigne?

 17   Réponse: Mais j'avais pas le temps, je suis désolé! J'ai passé une nuit à

 18   l'école et ensuite, on m'a emmené dans le camp.

 19   Question: Mais comment savez-vous à qui ils appartenaient?

 20   Réponse: Mais comment ne pas le savoir? Il y avait cette attaque.

 21   Question: Tout à l'heure, vous avez dit que vous n'aviez rien vu et que

 22   vous ne pouviez pas voir. Et maintenant, je vous demande comment vous

 23   savez…

 24   Réponse: Mais comment? Je n'ai pas dit que je n'ai rien vu, alors que j'ai

 25   vu les soldats et je ne peux pas permettre...


Page 697

  1   J'ai dit que je n'étais pas sur une ligne de front, j'ai dit que j'étais

  2   en visite chez ma belle-mère. J'ai dit que je n'étais pas sur la ligne de

  3   front. J'ai dit que l'attaque a commencé à 8 heures, 8 heures 30; cela a

  4   duré jusqu'au soir. Le soir, on m'a arrêté, on m'a demandé d'aller à

  5   l'école. A l'école, j'ai passé une nuit; ensuite, on m'a transféré au

  6   camp. Et c'est tout!

  7   Question: Mais ce n'est pas la réponse à la question que je vous ai posée.

  8   Réponse: Mais à ce moment-là, je ne sais pas comment vous répondre. Vous

  9   me posez des questions auxquelles je ne sais pas vous répondre.

 10   Question: Mais tout à l'heure, il y a une demi-minute, vous m'avez dit

 11   qu'il faisait nuit et que vous n'avez rien vu, que vous n'avez pas vu les

 12   insignes qu'ils arboraient et que vous n'avez pas reconnu qui que ce que

 13   soit.

 14   Réponse: Mais c'est vrai! C'est ce que j'ai dit!

 15   Question: Mais c'est la deuxième fois que je vous pose la question:

 16   comment saviez-vous alors dans quelles unités étaient ces soldats?

 17   Réponse: Mais à partir du moment où il y a eu une attaque, je ne sais pas

 18   si tu me comprends ou, excusez-moi, si vous me comprenez.

 19   Il n'y avait pas de membres de la Défense territoriale, parce que je sais

 20   qu'il y avait une quinzaine de personnes qui se trouvaient sur les lignes

 21   de front; c'est le HVO et ce Bataillon disciplinaire de Tuta qui les a

 22   attaquées.

 23   Question: Mais comment savez-vous que c'était le Bataillon disciplinaire?

 24   Réponse: Je le sais, mais il y avait une quinzaine de personnes qui

 25   étaient sur la ligne. Il avait emmené 300 personnes à Risovac. Mais c'est


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  1   sur mon village! Je connais tout, les endroits, les localités.

  2   Tuta est venu. Je suis désolé, ce n'est pas moi qui en suis coupable!

  3   Peut-être lui n'était pas coupable, peut-être lui a-t-il eu des consignes.

  4   Mais il est venu, on a été emprisonnés. Moi, je suis allé voir ce qui se

  5   passait. Et c'est normal. Et puis Tuta est venu, monsieur est venu, il

  6   nous a alignés devant l'école. Il y a des photos.

  7   M. Krsnik (interprétation): Monsieur Fourmy, ce ne sont pas les réponses

  8   aux questions que j'ai posées. Est-ce que mon confrère Stringer va

  9   soulever l'objection?

 10   M. Lulic (interprétation): Je ne sais pas ce que tu veux que je te dise.

 11   J'ai essayé de vous dire les choses.

 12   M. Stringer (interprétation): Monsieur Fourmy, je pense que le témoin a

 13   répondu à la question qui lui a été posée: comment savez-vous que c'était

 14   le Bataillon disciplinaire? En anglais, comme nous l'avons entendu, il a

 15   répondu à cette question.

 16   M. Krsnik (interprétation): Pour vous, c'est la réponse quand il dit: "Je

 17   sais parce que je connais Risovac, j'étais sur Risovac". Ensuite, il

 18   raconte l'histoire comme il le souhaite, indépendamment de la question que

 19   je lui pose.

 20   M. Lulic (interprétation): Mais je ne veux pas que tu me permettes que je

 21   te raconte ce que toi tu veux. Entendu, par conséquent, je ne veux même

 22   pas te dire "vous" mais "tu". Est-ce que vous me comprenez? Moi, je n'ai

 23   pas la peur de la vérité, nulle part au monde. Est-ce que vous me

 24   comprenez? Vous pouvez me poser la question si vous le voulez, mais sinon

 25   je peux m'arrêter et ne plus répondre.


Page 699

  1   M. Fourmy: Maître Krsnik, s'il vous plaît.

  2   Monsieur Lulic, non. Nous avons trop besoin de vos réponses pour que vous

  3   vous arrêtiez de répondre aux questions. Donc, s'il vous plaît, ne vous

  4   arrêtez pas de répondre. Merci.

  5   Maître Krsnik, je crois qu'il arrive souvent que, dans une salle

  6   d'audience, nous subissions des frustrations. Peut-être qu'en ce moment,

  7   vous subissez plus de frustrations que vous ne le souhaitiez, mais nous

  8   n'y pouvons pas grand-chose. Vous posez une question, vous avez une

  9   certaine réponse.

 10   Posez une autre question, s'il vous plaît. Merci.

 11   M. Krsnik (interprétation): Monsieur Fourmy, si c'était devant la Chambre,

 12   à ce moment-là, éventuellement, on aurait peut-être procéder différemment.

 13   Mais cela, on va en parler quand le témoin partira.

 14   M. Lulic (interprétation): Il vaut mieux que vous le disiez pendant que je

 15   suis là pour que je vous entende.

 16   M. Krsnik (interprétation): Comment savez-vous que le Bataillon

 17   disciplinaire était à Risovac?

 18   M. Lulic (interprétation): Cela ne m'intéresse pas, et rien ne

 19   m'intéresse.

 20   M. Fourmy: Monsieur Lulic, s'il vous plaît. Quand vous répondez, ce n'est

 21   pas à Me Krsnik que vous répondez. Pensez que vous répondez pour que des

 22   Juges sachent ce que vous savez. Si vous ne répondez pas à Me Krsnik, les

 23   Juges ne peuvent pas savoir si vous savez quelque chose ou si vous ne

 24   savez rien.

 25   Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire? Vous savez des choses, ce


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  1   sont ces choses que le Procureur souhaite que vous exprimiez. Ce sont ces

  2   choses que la défense souhaite que vous exprimiez. Pour les Juges.

  3   M. Lulic (interprétation): Il comprend tout comme moi. Je ne sais pas de

  4   quoi il faut parler, quoi lui dire, parce que vous vous ne savez pas. Il

  5   me dit: comment vous le savez? Comment je ne le sais pas? Parce que j'ai

  6   été arrêté le lendemain matin, c'est un très grand sujet.

  7   Le lendemain, quand je suis allé à Risovac, j'ai vu des milliers de

  8   soldats de l'armée croate.

  9   Comment tu le sais, c'est ce que tu me demandes, mais je le sais!

 10   M. Fourmy: Par exemple, Monsieur Lulic, voilà: à la question qui vous a

 11   été posée: "Comment savez-vous que le Bataillon pénitentiaire était à

 12   Risovac?", vous répondez: "Parce que -vous venez de le dire- parce que, le

 13   lendemain ou le jour d'après, je suis allé à Risovac et j'ai vu des

 14   milliers de soldats croates".

 15   Voilà, c'est une réponse simple à une question simple. On ne vous demande

 16   rien d'autre. Ne croyez pas que l'on essaie de vous faire tomber dans un

 17   tas de pièges, etc. Non. Vous répondez: "Je sais que le Bataillon

 18   pénitentiaire était à Risovac parce que je l'ai vu". Peut-être qu'une

 19   autre fois, la réponse sera: "Parce que mon ami X me l'a dit" ou "parce

 20   que je l'ai vu à la télévision" ou "je l'ai entendu à la radio".

 21   Excusez-moi, ce sont des exemples stupides puisque vous étiez prisonnier,

 22   mais vous voyez que l'on ne cherche pas des choses compliquées. Si vous

 23   l'avez vu parce que vous y étiez, eh bien, vous le dites très simplement.

 24   D'accord?

 25   Maître Krsnik, s'il vous plaît, j'espère avoir contribué à clarifier les


Page 701

  1   choses.

  2   M. Krsnik (interprétation): Merci, Monsieur Fourmy, pour votre aide.

  3   Eh bien, je m'adresse au témoin maintenant: vous avez dit que c'était le

  4   lendemain matin, mais dans votre déposition, vous avez dit que vous le

  5   saviez avant l'attaque à Risovac. Le lendemain, c'est autre chose?

  6   M. Lulic (interprétation): Oui.

  7   Question: Mais comment le saviez-vous?

  8   Réponse: C'est le matin que l'attaque a commencé; c'est le soir bien

  9   évidemment que je l'ai compris.

 10   Question: Mais comment vous le saviez?

 11   Réponse: Mais où est-ce que vous vouliez que je parte?

 12   Question: Comment saviez-vous qui vous a attaqué?

 13   Réponse: C'était le Bataillon pénitentiaire et cette armée croate.

 14   Question: Qu'est-ce que cela veut dire, cette armée croate?

 15   Réponse: Parce que ce n'était pas une armée yougoslave.

 16   Question: Et vous parlez de l'armée croate?

 17   Réponse: Oui, ils sont arrivés la nuit devant l'école. Tuta y était. Il

 18   nous a alignés, il nous a dit que nous avons organisé une instruction, que

 19   nous avons organisé…

 20   Question: Mais je ne vais plus vous poser la question.

 21   Réponse: Mais vous ne devez même pas me poser la question.

 22   Question: Qu'est-ce que vous avez dit?

 23   Réponse: Mais moi, je sais, je n'oublierai jamais, je ne l'oublierai

 24   jamais. J'aimerais ne plus jamais le revoir ou qui que ce soit des membres

 25   de sa famille ou de son nom.


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  1   Question: Pourquoi?

  2   Réponse: Parce que… Il sait pourquoi.

  3   Question: Mais vous le haïssez?

  4   Réponse: Mais bien sûr.

  5   Question: Mais pourquoi vous le haïssez?

  6   Réponse: Parce que c'est un criminel. Il n'est pas meilleur par rapport à

  7   moi. J'aurais pu, si je le voulais, également être un criminel et un peu

  8   plus grand.

  9   Question: Mais vous vous vengerez?

 10   Réponse: Oui, c'est normal que je me vengerai. Oui, mais bien sûr.

 11   Question: Mais vous voulez-vous venger?

 12   Réponse: Je ne sais pas. Si demain, par exemple, je le rencontrais dans la

 13   rue, à ce moment-là, j'aurais été à sa place à La Haye dans la prison,

 14   peut-être. Qui vous le dit?

 15   Question: Et ce que vous dites, tout cela, c'est la vérité?

 16   Réponse: Oui, c'est une triste vérité.

 17   Question: Un petit moment, s'il vous plaît, Monsieur Fourmy.

 18   Est-ce que vous avez tiré avec votre fusil M48?

 19   Réponse: Non.

 20   Question: Qui vous a donné l'autorisation de rendre visite à votre belle-

 21   mère?

 22   Réponse: Qui m'a donné l'autorisation? C'est moi-même qui m'y suis

 23   autorisé d'y aller.

 24   Question: Mais vous avez dit que vous saviez que le Bataillon

 25   pénitentiaire était à Risovac. Par conséquent, vous saviez qu'il y avait


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  1   eu une attaque?

  2   Réponse: Non, je n'ai pas compris que je le savais avant, je l'ai appris,

  3   je l'ai su le matin, le matin même, quand j'étais chez ma belle-mère. Je

  4   ne le savais pas deux jours ou cinq jours avant.

  5   Question: Et la Défense territoriale avait suffisamment d'armement?

  6   Réponse: Je ne sais pas.

  7   Question: Mais vous ne vous occupiez pas de vos voisins?

  8   Réponse: Mais cela ne m'intéressait pas. Moi, je n'étais pas sur la ligne.

  9   Je vous l'ai déjà dit, j'avais ce fusil, j'étais réserviste.

 10   Question: Mais pourquoi à ce moment-là un fusil, si vous n'alliez pas sur

 11   la ligne?

 12   Réponse: Pourquoi? Mais tu n'as pas le droit d'avoir un fusil dont tu es

 13   le propriétaire?

 14   Question: Vous voulez dire que vous aviez suffisamment d'armes, que sur la

 15   ligne, même s'il y avait ce danger de guerre, que vous pouviez vous-même

 16   posséder un fusil, comme vous le conceviez, vous le vouliez?

 17   Réponse: Non, mais je ne réponds pas au nom de quelqu'un et je ne sais pas

 18   ce que les autres ont fait. Je vous parle de moi et en mon propre nom.

 19   Question: Mais je vous pose la question gentiment. Vous ne vous êtes pas

 20   occupé des voisins, ceux qui allaient sur la ligne? Vous n'avez pas passé

 21   votre fusil à celui qui partait sur la ligne?

 22   Réponse: Je ne le sais pas, Monsieur. Je ne sais pas, personne ne m'en a

 23   informé, personne ne m'a dit de me rendre sur la ligne. Moi, je suis

 24   quelqu'un qui est pour vous Docteur ès sciences. Cette armée ne

 25   m'intéressait pas et rien ne m'intéressait. Je pouvais acheter qui je


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  1   voulais.

  2   Question: Et qui avez-vous acheté ou vouliez-vous acheter?

  3   Réponse: N'importe quel homme politique, pour me laver de tout, que ce

  4   soit de la part du tribunal ou de qui que ce soit.

  5   Question: Par conséquent, vous voulez dire que, si vous vouliez acheter le

  6   tribunal, ceci n'aurait pas été illégal?

  7   Réponse: Ceci n'est pas légal, bien évidemment. Mais si vous vous

  8   comportez comme cela, à ce moment-là, personne ne le sait.

  9   Question: Est-ce que vous avez acheté un tribunal un jour ou un autre?

 10   Réponse: Non, je n'ai pas de casier judiciaire, je n'ai jamais été en

 11   prison et, la première fois, c'est quand j'étais dans le camp. Dans ma vie

 12   jamais, jamais auparavant.

 13   Question: Mais je ne sais pas de quel échec parlez-vous?

 14   Réponse: C'est le Bataillon pénitentiaire, c'est l'armée croate qui m'a

 15   humilié, qui m'a mis en échec. Ce sont eux qui m'ont emmené en prison.

 16   Question: Et c'est la raison pour laquelle vous êtes fâché?

 17   Réponse: Oui, je suis fâché.

 18   Question: Et c'est la raison pour laquelle vous avez de la haine en vous?

 19   Réponse: Oui.

 20   Question: Mais qu'est-ce que Tuta vous a fait?

 21   Réponse: Eh bien, ce n'est pas à moi de prendre la décision en ce qui

 22   concerne la culpabilité de Tuta et de Stela, mais je vous raconte ce qui

 23   s'était passé.

 24   Question: Mais vous dites que vous le haïssez parce que vous l'auriez tué.

 25   Réponse: Oui, parce que j'ai passé dans le camp pour aucune raison, tout


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  1   simplement parce que je suis musulman. Il aurait mieux fait de me tuer.

  2   Question: Parce que vous allez vous venger contre lui?

  3   Réponse: Oui, normalement.

  4   Question: Est-ce que vous vous vengerez sur les membres de sa famille

  5   également?

  6   Réponse: Oui, sur toute sa famille.

  7   Question: Et vous ferez de la peine à ses enfants?

  8   Réponse: Oui, même s'il avait un enfant d'un an. C'est la raison pour

  9   laquelle je vous ai dit que j'aurais été un criminel pire que lui.

 10   Question: Vous auriez par conséquent pu faire cela?

 11   Réponse: Oui, parce que ce sont les Croates qui m'ont appris d'être un

 12   criminel comme cela et je ne l'aurais jamais été auparavant.

 13   Question: Est-ce que vous connaissiez Marinko Zelenika?

 14   Réponse: Oui.

 15   Question: Est-ce que c'est bien lui qui a sauvé votre mère?

 16   Réponse: Je ne peux pas vous le dire, mais je l'ai appris parce que j'ai

 17   été au camp.

 18   Question: Vous avez appris que Marinko Zelenika a sauvé votre mère?

 19   Réponse: Je ne sais pas pourquoi il l'avait sauvée.

 20   Question: Mais est-ce que vous l'avez entendu dire?

 21   Réponse: Oui, je l'ai entendu dire; il était mon "Kum", mon parrain

 22   témoin.

 23   Question: Est-ce que vous savez ce qui lui est arrivé?

 24   Réponse: Oui.

 25   Question: Vous le savez? Vous savez qu'à proximité de Sovici, à Stipica


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  1   Livade, il a été égorgé par les membres de l'armée de BH?

  2   Réponse: Je suis désolé, ce n'est pas moi qui l'ai fait. Je le déplore.

  3   Question: Mais personne ne le dit.

  4   Réponse: Je suis désolé de l'apprendre. Moi, en 1996, 1997, je l'ai

  5   appris. Je sais que c'est quelqu'un d'autre qui l'a fait et encore, ce

  6   n'étaient pas les membres de la Défense territoriale de Sovici. C'était

  7   quelqu'un d'autre, de l'extérieur parce que mes voisins me l'ont raconté.

  8   Moi, je suis désolé, je le regrette, je le déplore, je l'ai appris.

  9   Question: Mais ce n'est pas une mauvaise conscience avec laquelle vous

 10   vivez que quelqu'un a sauvé votre mère et, quelques mois plus tard, je

 11   m'excuse, il a été égorgé par l'armée de la BH?

 12   Réponse: Je n'ai pas dit que je hais tous les Croates.

 13   M. Krsnik (interprétation): Pas tous les Croates?

 14   M. Lulic (interprétation):  Non, bien sûr que non, bien sûr que non.

 15   M. Fourmy: Monsieur le Procureur, vous voulez intervenir?

 16   M. Stringer (interprétation): Excusez-moi, je vais une fois de plus

 17   interrompre, mais j'ai deux commentaires ou plutôt deux objections.

 18   La première, en ce qui concerne la pertinence: je ne sais pas si cette

 19   déposition est véritablement pertinente pour le procès. Et ceci, à l'égard

 20   de qui que ce soit des deux accusés. Je pense que ceci sort du champ de

 21   l'interrogatoire principal, complètement. Nous sommes d'avis que, par

 22   conséquent, il faut nous conformer aux règles et il y a un certain nombre

 23   de contraintes. Par conséquent, une mesure également en ce qui concerne le

 24   contre-interrogatoire.

 25   Je sais, certes, que mon confrère souhaiterait poser la question de


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  1   crédibilité du témoin, mais il me semble que, maintenant, nous sortons du

  2   champ de l'interrogatoire principal, et y compris la crédibilité du

  3   témoin. C'est la raison pour laquelle mon confrère, éventuellement,

  4   pourrait passer à un autre sujet.

  5   M. Krsnik (interprétation): Excusez-moi, Monsieur Fourmy, je ne comprends

  6   peut-être pas tout à fait bien. Pourquoi ai-je travaillé comme conseil,

  7   comme avocat pendant de longues années si je ne comprends pas ce que

  8   voulait dire mon cher confrère Stringer? Ou bien c'est vous qui voulez

  9   bien m'aider?

 10   M. Fourmy: Vous savez, Maître, je crois que même après trente ans

 11   d'expérience, on apprend toujours.

 12   M. Krsnik (interprétation): Excusez-moi, excusez-moi, Monsieur Fourmy,

 13   mais c'est le témoin qui témoigne: quand il répond aux questions du Bureau

 14   du Procureur, c'est entendu; quand il me répond à moi, à ce moment-là, ce

 15   n'est pas bien. Est-ce que je vous ai bien compris, Monsieur Stringer?

 16   Je ne sais plus maintenant de quoi vous parlez. Tout ce qu'il a dit, c'est

 17   lui qui le voulait.

 18   M. Lulic (interprétation): Mais je ne dis rien si vous ne posez pas les

 19   questions.

 20   M. Krsnik (interprétation): Bien sûr! On va se mettre d'accord tous les

 21   deux.

 22   M. Fourmy: Maître Krsnik, si j'ai bien compris ce que le Procureur vous a

 23   dit, c'est que -comme nous l'avons d'ailleurs évoqué hier- l'idée générale

 24   est d'essayer que le contre-interrogatoire s'inscrive dans le cadre de

 25   l'interrogatoire principal. A cela, il y a en quelque sorte une exception


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  1   prévue par le Règlement qui est évidemment la possibilité de tester la

  2   crédibilité d'un témoin: ce qui vaut pour la défense aujourd'hui, mais

  3   vaudra pour l'accusation demain.

  4   Simplement, il semblerait que les dernières questions que vous avez posées

  5   au témoin vont dans le même sens que des questions que vous aviez

  6   préalablement posées, touchent à la crédibilité de ce témoin mais vont, à

  7   l'évidence, à la fois bien au-delà de ce qui figurait dans

  8   l'interrogatoire principal et aussi, peut-être, bien au-delà de ce qui

  9   vous est nécessaire pour tester la crédibilité de ce témoin en

 10   particulier.

 11   Quant à dire que vous avez été obligé de poser cette question en fonction

 12   des réponses du témoin, permettez-moi de faire un commentaire strictement

 13   personnel: c'est vous qui avez demandé au témoin s'il était au courant

 14   qu'une personne, dont d'ailleurs je n'ai pas pu noter le nom -et j'avais

 15   aussi demandé hier que l'on fasse attention à ce que les personnes

 16   puissent être identifiées lorsqu'elles sont citées-, donc une personne

 17   avait sauvé sa mère.

 18   Vous avez ouvert quelque chose de très nouveau. Il est normal que, devant

 19   cette chose très nouvelle, le témoin, en quelque sorte, s'engouffre dans

 20   la brèche que vous avez ouverte pour essayer de voir où vous voulez en

 21   venir.

 22   Encore une fois, vous avez l'avantage d'une maîtrise que, peut-être, tout

 23   le monde n'a pas par rapport aux événements. Donc je crois que, si vous

 24   pouvez centrer vos questions sur les faits, d'une part, et sur la

 25   crédibilité si vous pensiez que ce soit encore nécessaire, nous pourrions


Page 709

   1   sans doute nous en sortir.

  2   Il est 12 heures 34, Maître Krsnik. Sauf meilleur avis de votre part,

  3   c'est-à-dire si vous pensiez terminer très, très vite, je suggérerais que

  4   nous fassions la pause maintenant.

  5   M. Krsnik (interprétation): Je préférerais que nous fassions la pause,

  6   parce que je pense devoir consulter mes collègues pendant la pause. Cela

  7   ne signifie pas que je reprendrai mon contre-interrogatoire par la suite,

  8   seulement je voudrais que nous échangions quelques propos une fois le

  9   témoin sorti du prétoire. Merci.

 10   M. Fourmy: Donc c'est la pause pour le témoin, mais pas pour nous tout de

 11   suite.

 12   Monsieur le témoin, nous allons faire une pause d'environ une heure et

 13   demie. Et nous nous retrouvons tout à l'heure.

 14   (Le témoin, M. Ekrem Lulic, est reconduit hors du prétoire.)

 15   Maître Krsnik, très rapidement, s'il vous plaît, avant la pause.

 16   (Questions relatives à la procédure.)

 17   M. Krsnik (interprétation): Je vais demander à mes éminents collègues de

 18   m'apporter une aide pour ce qui est du common law à la différence de nous

 19   tous.

 20   Nous avons tous conclu, d'après le comportement du témoin, qu'il s'agit

 21   d'une mentalité qui est spécifiquement la nôtre. J'avais proposé un test à

 22   l'alcool, un alcootest: il s'agit de dépositions. Et, en effet, je ne sais

 23   pas si cela se trouve être justifié ou pas. Mais il s'est passé pas mal de

 24   temps, je crois, depuis ce matin et il a dû reprendre ses esprits, ne

 25   serait-ce que dans une mesure plus ou moins grande.


Page 710

  1   M. Fourmy: Monsieur le Procureur?

  2   M. Stringer (interprétation): Merci, Monsieur Fourmy.

  3   Je crois que je pourrais formuler deux objections.

  4   D'abord, je crois me rappeler une décision d'une Chambre qui a approuvé la

  5   procédure par déposition que nous appliquons de nos jours. Je crois

  6   d'ailleurs me souvenir que la Chambre de première instance avait décidé et

  7   dit que les témoins qui comparaissaient de cette façon-là ne

  8   comparaissaient pas devant une Chambre dans sa pleine composition et qu'il

  9   s'agissait là de témoins -selon le poids à accorder à leur témoignage- de

 10   moindre poids que les témoins qui comparaissaient devant la Chambre de

 11   première instance tout entière.

 12   Si la Chambre de première instance était présente, elle aurait

 13   certainement l'opportunité de se rendre compte du comportement du témoin

 14   et de faire un jugement à ce sujet, au sujet des aspects du témoignage, y

 15   compris le comportement du témoin.

 16   Mais la Chambre de première instance se trouve ne pas être présente.

 17   Aussi, la Chambre qui prendra en charge l'affaire, s'agissant de ce témoin

 18   et des autres témoins déposant de cette façon, accordera un poids moindre

 19   par rapport à ceux qui viendront témoigner devant eux. Je crois que cela

 20   devrait être pris en considération lorsque l'on parlera de la crédibilité

 21   du témoin ou du comportement d'un certain témoin pour constater s'il est

 22   en état d'ébriété ou pas.

 23   Je crois que la Chambre ne serait pas en mesure d'en juger. Peut-être

 24   l'alcootest se trouverait être justifié, mais je crois que la décision

 25   d'une Chambre de première instance avait déjà cela en vue en disant que


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  1   les témoignages de cette façon auront moins de poids que devant la Chambre

  2   de première instance.

  3   Deuxièmement, nous faisons opposition à l'alcootest. Le témoin est ici, il

  4   est en train de témoigner, son témoignage est inscrit au compte rendu

  5   d'audience. Mon éminent collègue a fait un travail effectif, il a réussi à

  6   tirer des sentiments très puissants à l'attention de l'un des accusés. Je

  7   ne vois aucune finalité pour ce qui est de soumettre le témoin, qui est

  8   une victime entre autres, à une sorte d'alcootest humiliant aux fins de

  9   permettre au conseil de la défense de continuer à tester sa crédibilité.

 10   Il s'agit d'une chose dont nous sommes en train de parler.

 11   A mon avis, je crois que les conseils de la défense ont testé la

 12   crédibilité de ce témoin. Le fait de soumettre le témoin à un alcootest

 13   soulèverait une objection de la part du Procureur. Je crois que nous ne

 14   pouvons pas dire qu'il y ait besoin et nécessité de recourir à ce type de

 15   test. Merci.

 16   M. Fourmy: Maître Krsnik, Maître Seric, vous souhaitez ajouter quelque

 17   chose?

 18   M. Krsnik (interprétation): Je sais que les dépositions sont faites en

 19   vertu de l'Article 67i), et je sais quelles sont les attributions que vous

 20   avez et quelles sont les attributions que nous avons. Mais c'est une chose

 21   que nous avons conclue et nous l'avons proposée. Peut-être pourrions nous,

 22   après la pause, nous pencher une fois de plus sur la question.

 23   Mais je crois pouvoir dire, si cela vous crée des difficultés, Monsieur

 24   Fourmy, que la défense retire cette proposition et on n'en parlera plus.

 25   M. Fourmy: Comme on dit en français, si vous me pardonnez cette expression


Page 712

  1   un peu familière, Maître Krsnik, je crois que je vais "sauter" sur votre

  2   proposition et, en même temps, "sauter" sur l'occasion pour proposer une

  3   pause d'une heure et trente minutes. Nous nous retrouverons donc à 14

  4   heures 10. Merci. A tout à l'heure.

  5   L'audience est suspendue.

  6   (L'audience, suspendue à 12 heures 40, est reprise à 14 heures 10.)

  7   M. Fourmy: L'audience est reprise. Veuillez vous asseoir.

  8   Maître Krsnik, Maître Seric, pouvons-nous faire entrer le témoin?

  9   M. Krsnik (interprétation): Certainement, Monsieur. Merci.

 10   (Le témoin, M. Ekrem Lulic, est introduit dans le prétoire.)

 11   M. Fourmy: Vous m'entendez, Monsieur? Vous avez pu vous reposer un petit

 12   peu?

 13   M. Lulic (interprétation): Pas de problème.

 14   M. Fourmy: Bien. Nous allons poursuivre.

 15   Monsieur Krsnik, souhaitez-vous reprendre votre contre-interrogatoire? Ou

 16   bien vous en avez terminé et c'est M. Seric qui va maintenant prendre la

 17   parole?

18   M. Krsnik (interprétation): Monsieur Fourmy, suite à analyse effectué avec

 19   ma collègue, je pense pouvoir dire que le contre-interrogatoire que nous

 20   avons effectuée jusqu'à présent suffit tout à fait. Merci.

 21   M. Fourmy: Je vous remercie.

 22   Monsieur Seric, vous avez la parole pour le contre-interrogatoire, s'il

 23   vous plaît.

 24   M. Seric (interprétation): Mon collègue et co-conseil, Me Zelimar Par, se

 25   chargera de notre partie du contre-interrogatoire.


Page 713

  1   (Contre-interrogatoire du témoin, M. Ekrem Lulic, par Me Par.)

  2   M. Par (interprétation): Puis-je commencer?

  3   M. Fourmy: S'il vous plaît, Maître Par.

  4   M. Par (interprétation): Bonjour, Monsieur. Je suis Me Zelimir Par,

  5   conseil de la défense, et je voudrais vous poser quelques questions

  6   concernant notre client. Je me référerai à l'événement dont vous avez

  7   parlé en relation avec M. Martinovic.

  8   Avant de commencer, je voudrais que vous nous disiez quelques mots sur

  9   vous-même, étant donné que, pendant le témoignage d'aujourd'hui, vous avez

 10   à plusieurs reprises essayer de nous dire quelque chose, mais vous n'avez

 11   pas eu l'occasion de le faire.

 12   Je vous demanderai donc, étant donné que je vois que vous vous servez de

 13   l'anglais et que vous le parlez assez bien, pouvez-vous me dire si vous

 14   vivez à l'étranger? Est-ce que vous pouvez nous dire où vous vivez?

 15   M. Stringer (interprétation): Je m'excuse, pouvons-nous passer à huis clos

 16   partiel, Monsieur Fourmy, si cela est possible?

 17   M. Fourmy: S'il vous plaît, Madame la Greffière, nous pouvons passer à

 18   huis clos partiel? Je crois qu'il n'y a personne dans la galerie du

 19   public.

 20   (Audience à huis clos partiel à 14 heures 15.)

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 13  Pages 714-716 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11   (Audience publique à 14 heures 23.)

 12   (Le témoin, M. Ekrem Lulic, est introduit dans le prétoire.)

 13   Monsieur, nous allons pouvoir reprendre. Pardonnez-moi de cette

 14   interruption, il y a toujours des petits problèmes de procédure. Nous

 15   avons réglé ce qui n'est d'ailleurs même pas un problème.

 16   Donc, maintenant, Me Par va procéder à votre contre-interrogatoire et je

 17   vous remercie des réponses que vous lui apporterez. Maître Par, s'il vous

 18   plaît.

 19   M. Par (interprétation): Monsieur Lulic?

 20   M. Lulic (interprétation): Oui.

 21   Question: Je vous ai posé une question mais, entre-temps, nous avons

 22   abouti à un accord aux termes desquels vous n'êtes pas censé nous dire

 23   dans quel pays vous résidez. Et d'ailleurs cela ne nous intéresse pas.

 24   La question avait été de savoir si vous résidez à l'étranger et vous avez

 25   répondu par l'affirmative.


Page 718

  1   Réponse: C'est cela.

  2   Question: Je vous prie de me dire quel est votre statut dans le pays de

  3   résidence actuelle? Est-ce que vous bénéficiez d'un asile? Est-ce que vous

  4   êtes un réfugié?

  5   Réponse: J'ai une nationalité.

  6   Question: Donc vous avez obtenu la nationalité du pays?

  7   Réponse: Oui.

  8   Question: Pouvez-vous nous dire quand est-ce que vous avez acquis cette

  9   nationalité et à partir de quel statut vous l'avez fait?

 10   Réponse: J'étais réfugié auparavant.

 11   Question: Est-ce que votre famille tout entière réside avec vous et, en

 12   même temps, bénéficie de ce statut?

 13   Réponse: Oui.

 14   Question: Pouvez-vous me dire à quelle date vous avez quitté la Bosnie-

 15   Herzégovine?

 16   Réponse: Je ne vous le dirai pas.

 17   Question: Pouvez-vous me dire pendant quelle année, au courant de quelle

 18   année?

 19   Réponse: Disons que c'était il y a cinq ans.

 20   Question: Donc c'était vers l'année 1996, à peu près?

 21   Réponse: C'est cela.

 22   Question: Je ne vais pas vous fatiguer au niveau de ce statut.

 23   Pouvez-vous nous dire quelle est votre profession et ce que vous faites

 24   dans la vie?

 25   Réponse: Est-ce que cela est vraiment nécessaire? Parce que je n'ai pas du


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  1   tout envie de parler de cela.

  2   Question: Vous avez mentionné, pendant votre témoignage aujourd'hui, un

  3   événement qui est en relation avec M. Vinko Martinovic, surnommé "Stela"?

  4   Réponse: Oui.

  5   Question: Vous avez fait plusieurs déclarations au sujet de vos

  6   expériences du temps de la guerre et de ce que vous avez vécu au cours de

  7   cette guerre. Vous souvenez-vous du nombre de déclarations que vous avez

  8   faites à ce jour pour ce qui est des événements que vous avez vécus

  9   pendant la guerre?

 10   Réponse: Au moins quatre fois.

 11   Question: Vous souvenez-vous à qui, à quelles instances vous avez fait ces

 12   déclarations?

 13   Réponse: Il s'agit des instances du Tribunal de La Haye. Je ne connais pas

 14   les noms.

 15   Question: Non, c'est tout ce que nous voulions savoir: c'était donc le

 16   Tribunal de La Haye?

 17   Réponse: Oui.

 18   Question: J'ai ici une déclaration qui nous a été communiquée par le

 19   Tribunal de La Haye. Il s'agit d'une déclaration que vous auriez faite au

 20   Centre des services de sécurité, à Mostar?

 21   Réponse: Non.

 22   Question: Juste un moment, je vous prie.

 23   Réponse: Pas de problème.

 24   Question: Je ne vais pas vous fatiguer avec cette déclaration. Je veux

 25   juste qu'on vous la montre pour dire s'il s'agit bien de votre signature


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  1   ou pas?

  2   M. Lulic (interprétation): Certainement.

  3   M. Par (interprétation): Je vais demander à M. l'huissier de bien vouloir

  4   nous aider et, si cela est possible, j'aimerais que cela soit placé sur le

  5   rétroprojecteur. Le Procureur sait maintenant de quelle partie de la

  6   déclaration il s'agit.

  7   (L'huissier s'exécute.)

  8   M. Stringer (interprétation): S'agit-il de la déclaration datée du 30

  9   décembre 1995? C'est bien de celle-là que vous parlez?

 10   M. Par (interprétation): J'ai un exemplaire pour M. Fourmy si cela est

 11   nécessaire également.

 12   M. Lulic (interprétation): Je ne crois pas.

 13   Question: Est-ce que vous vous êtes penché sur la signature?

 14   Réponse: Je suis en train de regarder la signature: non.

 15   Question: Est-ce qu'il s'agit de votre signature?

 16   Réponse: Non.

 17   Question: Est-ce que vous seriez disposé à nous signer sur une feuille de

 18   papier afin que nous puissions procéder à une comparaison?

 19   M. Lulic (interprétation): Sans problème.

 20   M. Par (interprétation): Je voudrais demander à l'huissier de fournir

 21   cette feuille de papier et un stylo à M. Lulic.

 22   M. Fourmy: Maître Par, avant que nous allions plus loin, peut-être deux

 23   petits points.

 24   Le premier, c'est que je crois que le Procureur a évoqué la date du 30

 25   décembre 1995. J'ai l'impression que, sur la page qui est sur le


Page 721

  1   rétroprojecteur, c'est une autre date qui apparaît et qui n'est pas du

  2   tout la même. Je ne sais pas si les deux pages qui sont attachées ensemble

  3   dans le document que vous m'avez donné, vont véritablement ensemble? Parce

  4   que moi, je lis: "1er mars 1994", sur la page sur laquelle figure la

  5   signature et, dans le premier document, la date est du "30-12-1995".

  6   Excusez-moi, c'est juste parce que je ne sais pas s'il s'agit d'un seul

  7   document ou de deux documents différents.

  8   M. Par (interprétation): Il y a dans le dossier deux documents. Je ne sais

  9   pas exactement lequel des deux a été placé par l'huissier sur le

 10   rétroprojecteur. Mais pour que les choses soient tout à fait claires, il

 11   s'agit d'une déclaration du 30 décembre 1992, qui est composé de deux

 12   pages. Et en page 2, il n'y a qu'une toute petite partie. C'est une

 13   déclaration où il est inscrit "CSB Mostar - secteur SDB - Date: 30

 14   décembre 1995".

 15   C'est la déclaration que le Procureur nous a communiquée et je voudrais

 16   qu'il nous soit confirmé qu'il s'agit bien de celle-là. Monsieur Fourmy,

 17   je ne sais pas si vous avez devant vous la déclaration en question. Je

 18   voudrais que l'huissier reprenne la présente déclaration que j'ai entre

 19   mes mains.

 20   Monsieur Lulic, je vous demande une fois de plus de vous pencher sur cette

 21   déclaration et de nous dire si c'est bien de cela que nous parlons.

 22   M. Lulic (interprétation): Sans problème.

 23   M. Par (interprétation): Est-ce que le problème se trouve être résolu,

 24   Monsieur Fourmy, ou peut-être quelque point reste-t-il encore obscur?

 25   M. Fourmy: Maître Par, je pense que c'est simplement moi qui dois avouer


Page 722

  1   ma méconnaissance du BCS, qui fait que j'ai pris une date dans le texte

  2   pour une date éventuelle de signature en deuxième page.

  3   Je suppose, Maître Par, que ceci devrait être enregistré comme une pièce à

  4   conviction, dont l'admission sera décidée ultérieurement, je suis

  5   d'accord. Mais vous soumettez ce document comme pièce à conviction pour ce

  6   qui est de la signature du témoin?

  7   M. Par (interprétation): Je souhaite présenter le document au témoin, le

  8   témoin vient de dire que ce n'est pas sa signature. Et je voudrais

  9   maintenant demander au témoin qu'il signe sur une feuille de papier afin

 10   que nous puissions comparer les deux signatures; c'est pour le moment la

 11   seule intention que j'ai.

 12   M. Fourmy: Monsieur le Procureur?

 13   M. Stringer (interprétation): Merci, Monsieur Fourmy.

 14   Nous n'avons pas d'objection à formuler pour ce qui est de

 15   l'enregistrement de ces déclarations parmi les pièces à conviction. Mais

 16   je voudrais que le témoin ait l'opportunité de lire la déclaration en

 17   question, je voudrais que soit fournie au témoin l'opportunité d'examiner

 18   le document et, ensuite, de nous dire s'il peut reconnaître ou pas la

 19   signature.

 20   M. Par (interprétation): Je vois ici deux questions: l'une de ces

 21   questions a trait au contenu, à la teneur et l'autre à la signature.

 22   Nous sommes maintenant au segment signature. Le témoin a dit que ce

 23   n'était pas sa signature et nous lui avons demandé de nous signer une

 24   feuille de papier. Par la suite, nous pourrons donner au témoin

 25   l'opportunité de lire. Mais la teneur n'a rien de nouveau.


Page 723

  1   Je voudrais donc que nous procédions d'abord à la phase 1, à savoir celle

  2   de la signature.

  3   M. Fourmy: Monsieur le Procureur?

  4   M. Stringer (interprétation): Monsieur Fourmy, cela est égal. Il vous

  5   appartient de décider: on fera comme vous voudrez.

  6   M. Fourmy: Merci. Est-ce que je peux demander, Madame la Greffière, s'il

  7   vous plaît, que vous nous donniez peut-être la référence de ce texte en

  8   date du 30-12-1995, qui comporte une signature dont le témoin a dit

  9   qu'elle n'était pas la sienne? Peut-être pourriez-vous aussi nous donner

 10   par la même occasion le numéro du document que le témoin va signer à la

 11   requête de la défense, s'il vous plaît?

 12   Mme Thomson (interprétation): Le premier document sera le D2/1, l'autre

 13   document sera le D2/2.

 14   Je voudrais juste faire savoir que ces pièces à conviction, pour être

 15   versées au dossier, doivent également comporter une version anglaise.

 16   M. Par (interprétation): Si je puis tout de suite me prononcer à ce sujet,

 17   pour ce qui est de la traduction en anglais, nous sommes en effet

 18   conscients du fait qu'il faudrait qu'il y ait des traductions en anglais.

 19   Toutefois, du fait de la pratique du Bureau du Procureur que nous

 20   respectons, dernièrement, nous recevons les choses en langue croate; ce

 21   qui nous convient absolument.

 22   J'espère que le Procureur dispose de ces versions-là en anglais pour ses

 23   propres besoins.

 24   Aussi, demanderais-je à nos collègues du Bureau du Procureur, étant donné

 25   que nous n'avons pas les versions traduites officiellement -et comme il


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  1   faut une traduction officielle-, nous voudrions que les collègues du

  2   Bureau du Procureur nous aident en nous faisant parvenir, s'ils disposent

  3   des versions anglaises, de nous les faire parvenir pour cette fin.

  4   M. Fourmy: Monsieur le Procureur?

  5   M. Stringer (interprétation): Merci, Monsieur Fourmy.

  6   Nous avons la traduction de cette déclaration et nous serons heureux de

  7   vous la communiquer. Je n'ai que deux copies ici et je serais heureux de

  8   les transmettre aux parties en présence.

  9   M. Par (interprétation): Merci.

 10   (Intervention de l'huissier.)

 11   M. Fourmy: Merci, Monsieur le Procureur.

 12   M. Par (interprétation): Nous ferons des photocopies et nous remettrons un

 13   exemplaire au Greffe.

 14   Et si nous pouvons reprendre, nous nous étions arrêtés à la signature.

 15   Monsieur Lulic, je vous prierai maintenant -étant donné que nous y sommes

 16   enfin parvenus- de nous faire une petite signature.

 17   M. Lulic (interprétation): Sans problème.

 18   M. Fourmy: Un instant, s'il vous plaît.

 19   Monsieur Lulic, s'il vous plaît, est-ce que vous pouvez mettre la date

 20   d'aujourd'hui sur le document que vous venez de signer, juste la date:

 21   nous sommes le 24 juillet 2001. Merci.

 22   M. Par (interprétation): Je vous demande maintenant de placer cela sur le

 23   rétroprojecteur, pour que nous puissions tous voir.

 24   Je crois que nous pouvons constater que ces deux signatures ne coïncident

 25   pas.


Page 725

  1   M. Lulic (interprétation): Je ne puis que le confirmer.

  2   Question: Est-ce que vous avez toujours l'exemplaire de cette déclaration

  3   sous la main? Je vous demanderai maintenant de vous pencher sur cette

  4   déclaration en prenant tout le temps qui vous est nécessaire, mais je vous

  5   demande de prêter attention aux renseignements personnels qui y figurent

  6   et de nous dire si cela est exact. Si quelque chose n'est pas exact,

  7   veuillez nous le signaler.

  8   (Le témoin prend connaissance du document.)

  9   Réponse: Les renseignements sont exacts, le reste n'est pas clair pour

 10   moi.

 11   Question: Je vous demanderai maintenant un peu de patience de votre part.

 12   Je vous demande de prendre le document dans vos mains et de le lire

 13   attentivement.

 14   (Le témoin prend connaissance du document.)

 15   Question: Vous avez donc pris connaissance?

 16   Réponse: Oui.

 17   Question: Je voudrais savoir si vous avez fait une déclaration de ce genre

 18   au Centre des services de sécurité à Mostar?

 19   Réponse: Non. Monsieur, tout ce qui est écrit ici, ce sont des événements

 20   qui ont eu lieu mais on dit que cela a eu lieu à Ljubuski. Mais non! Il

 21   s'agit de deux camps différents.

 22   Je n'ai pas fait cette déclaration, ces événements sont vrais.

 23   Question: Je ne vous ai pas demandé si ces événements ont eu lieu, mais je

 24   vous demande si vous êtes allé au bâtiment de ce Centre de sécurité

 25   publique à Mostar.


Page 726

  1   Réponse: Non, jamais.

  2   Question: Vous avez donc dit que vous avez fait quatre déclarations auprès

  3   des enquêteurs du Tribunal de La Haye?

  4   Réponse: Oui.

  5   Question: Vous souvenez-vous d'avoir mentionné, dans l'une quelconque de

  6   ces déclarations, cet événement que vous nous avez relaté aujourd'hui et

  7   qui est relié à Stela?

  8   Réponse: Je pense que oui.

  9   Question: Je crois devoir vous dire que, dans les déclarations que l'on

 10   nous a communiquées, il n'en est nulle part question. Aussi est-ce pour

 11   nous, aujourd'hui, la première fois que nous l'apprenons. D'ailleurs, M.

 12   le Procureur nous a signalé la chose hier encore.

 13   Mais je voulais vous demander: comment se fait-il qu'aujourd'hui, c'est la

 14   première fois que vous en parlez? Et vous venez de nous dire que vous

 15   l'avez déjà relaté.

 16   Réponse: Cette déclaration, enfin, ce qui est dit dans cette déclaration

 17   est exact: ce sont des événements qui ont eu lieu, mais je n'ai jamais

 18   fait de déclaration à Mostar.

 19   Question: Alors passons maintenant, concrètement, à l'événement en

 20   question. Essayons d'en refaire la construction.

 21   Vous nous avez dit que ce n'est qu'à ce moment-là que vous avez vu Stela?

 22   Réponse: Oui, seulement une fois.

 23   Question: Si j'ai bien compris, ce jour-là, vous avez été transféré de

 24   l'Héliodrome vers Santic?

 25   Réponse: Oui.


Page 727

  1   Question: Et tout cela a eu lieu dans la maison de Santic?

  2   Réponse: Au Kantarevac, la maison de la santé, le quatrième lycée…

  3   Question: Est-ce que vous savez quelle est l'unité de Stela qui avait tenu

  4   cette ligne de front?

  5   Réponse: Non, je ne sais pas.

  6   Question: Et s'agissant de l'unité, pouvez-vous nous dire combien de

  7   soldats cette unité comptait, et ainsi de suite?

  8   Réponse: Non, je ne sais pas.

  9   Question: Vous nous avez dit qu'il y avait eu des coups de feu?

 10   Réponse: Il s'agissait d'une action qui a peut-être eu lieu en dernier

 11   lieu.

 12   Question: Qui y avait-il dans ce groupe, si vous vous en souvenez?

 13   Réponse: Nous étions un groupe de trente provenant du camp. Nous étions

 14   là-bas: c'était une prison civile. Lorsque nous devions aller sur la ligne

 15   de démarcation, nous avons quitté la prison et nous avons fait des

 16   tranchées, des bunkers.

 17   Question: Dites-moi, c'est là que vous avez vu Stela?

 18   Réponse: Oui, tout à fait.

 19   Question: Et il a tiré?

 20   Réponse: Moi, je regrette pour tout un chacun. Stela nous avait alignés le

 21   long du mur et il avait tiré une rafale au-dessus de nos têtes; il devait

 22   vouloir nous abattre.

 23   Question: S'il l'avait voulu, il l'aurait fait?

 24   Réponse: Oui, je regrette beaucoup que cela ait eu lieu. Je vous dis ce

 25   qui s'est passé.


Page 728

  1   Question: Vous aviez tourné le dos, n'est-ce pas, vous aviez le dos tourné

  2   et vous avez pu l'entendre?

  3   Réponse: Non, j'ai entendu.

  4   Question: Mais vous avez vu?

  5   Réponse: Je ne pouvais pas voir, il était derrière nous, à cinq mètres

  6   derrière nous, en arrière.

  7   Question: Vous avez donc entendu les coups de feu?

  8   Réponse: Et il y a le ciment, le mortier qui est tombé sur nos têtes avec

  9   l'impact des balles.

 10   Question: Est-ce que l'un quelconque des autres a fait quelque chose?

 11   Réponse: Je ne peux pas vous le dire, j'avais le dos tourné. Et lui, il

 12   était là-bas. Il y avait un parent à moi.

 13   M. Par (interprétation): Mais connaissiez-vous ces soldats?

 14   M. Lulic (interprétation): Non, non.

 15   Interprète: Ils devraient essayer de ne pas se chevaucher, Monsieur

 16   Fourmy, c'est très difficile.

 17   M. Par (interprétation): Nous touchons à la fin.

 18   Pour conclure, tout se passe dans la rue de Santici à proximité de la

 19   prison, n'est-ce pas?

 20   M. Lulic (interprétation): Oui.

 21   M. Par (interprétation): Merci. Je n'ai plus de questions à l'intention du

 22   témoin.

 23   M. Fourmy: Merci, Maître Par.

 24   Monsieur le Procureur, avez-vous des questions complémentaires à poser au

 25   témoin, s'il vous plaît?


Page 729

  1   (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Ekrem Lulic, par M.

  2   Stringer.)

  3   M. Stringer (interprétation): Oui, nous avons quelques questions, Monsieur

  4   Fourmy.

  5   Monsieur Lulic?

  6   M. Lulic (interprétation): Oui, je vous en prie.

  7   Question: Je vais vous poser quelques questions et, après, vous allez

  8   terminer votre témoignage, si vous voulez bien.

  9   (Réponse affirmative du témoin.)

 10   Pour mettre au clair, Me Par vous a posé quelques questions au sujet de ce

 11   document qui est en version BCS.

 12   Monsieur Fourmy, puis-je demander à Mme la Greffière de soumettre ce

 13   document au témoin? Peut-être pas sur le rétroprojecteur. Il s'agit du

 14   document D2/1. Pendant que M. l'huissier vous remet le papier, Monsieur

 15   Lulic, je voudrais vous poser une question.

 16   Vous avez dit que vous étiez échangé et que vous êtes parti de

 17   l'Héliodrome en mars ou en avril 1994. Est-ce exact?

 18   Réponse: Ce n'était pas le mois d'avril, c'était le mois de mars. Je peux

 19   éventuellement vous montrer le document si vous voulez.

 20   Question: Non, non ce n'est pas important. Mais il s'agit de 1994?

 21   Réponse: Oui, tout à fait.

 22   Question: Vous souvenez-vous si, après cela, un an plus tard, vous vous

 23   êtes entretenu avec un enquêteur quelconque ou représentant de l'agence

 24   bosnienne d'information, l'agence qui est connue comme "AID", pour parler

 25   de votre expérience comme vous le faites aujourd'hui?


Page 730

  1   Réponse: Jamais, à Mostar, je n'ai jamais donné une déclaration. Cette

  2   déclaration aurait pu être éventuellement la déclaration que j'ai donnée

  3   aux enquêteurs du Tribunal à Mostar.

  4   Question: Ma question a été la suivante: vous souvenez-vous -ne parlez pas

  5   de la ville-, est-ce que vous avez parlé avec des autorités bosniennes de

  6   ce qui s'est passé avec vous?

  7   Réponse: Non, c'était uniquement à Sarajevo avec les enquêteurs du

  8   Tribunal. Ils nous ont appelés pour que l'on raconte ce que l'on a vécu.

  9   Il s'agissait d'une équipe d'experts. C'est effectivement à Sarajevo que

 10   j'ai donné une déclaration, mais jamais à Mostar. Et c'était devant les

 11   enquêteurs, devant les experts du Tribunal.

 12   Question: Un petit moment, s'il vous plaît, Monsieur Fourmy.

 13   Monsieur Lulic, vous avez témoigné que vous avez eu l'occasion de

 14   rencontrer à plusieurs reprises les enquêteurs du Tribunal. Je pense que

 15   vous avez parlé de quatre fois?

 16   Réponse: Oui, à peu près.

 17   Question: Est-ce qu'à une occasion, cela s'est passé quelque plus tôt par

 18   rapport à cette année quand vous m'avez rencontré, vous, ainsi que

 19   quelqu'un du Tribunal également, là où vous êtes actuellement, là où vous

 20   habitez actuellement?

 21   Réponse: Oui, cette année. Mais il y a six ans également, pendant que

 22   j'étais à Sarajevo; peut-être deux fois, trois fois quand moi, je vous ai

 23   vu vous-même.

 24   Question: Entendu. Eh bien, maintenant, essayez de vous concentrer sur ce

 25   que nous avons fait la dernière fois, quand nous nous sommes rencontrés au


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  1   cours de cette année.

  2   Est-ce que vous vous souvenez que vous m'avez rencontré, moi-même ainsi

  3   qu'une autre personne?

  4   Réponse: Oui.

  5   Question: Est-ce que vous vous souvenez également que vous avez signé, à

  6   cette époque-là, un document qui a été rédigé? Est-ce que vous vous

  7   souvenez de cela?

  8   Réponse: Oui.

  9   Question: Est-ce que vous vous souvenez qu'il y avait une dame également

 10   qui vous a aidé pour signer? Elle a travaillé avec vous, là où vous étiez?

 11   M. Lulic (interprétation): Oui.

 12   M. Stringer (interprétation): Monsieur Fourmy, nous aurions souhaité

 13   montrer au témoin le document qui ne porte pas une cote. Bien évidemment,

 14   je peux lui donner un numéro, si Mme la Greffière accepte éventuellement

 15   que la cote soit 57, la pièce à conviction 57?

 16   C'est un document qu'il ne faudrait pas mettre sur le rétroprojecteur.

 17   Puis-je continuer?

 18   M. Fourmy: Deux choses: Madame la Greffière, est-ce que le n°57 vous

 19   convient jusqu'à plus ample informé?

 20   D'autre part, Monsieur le Procureur, vous voulez le placer sous scellés?

 21   C'est une pièce confidentielle?

 22   M. Stringer (interprétation): Oui, tout à fait, étant donné qu'il y figure

 23   l'adresse du pays où actuellement habite le témoin.

 24   M. Fourmy: Peut-on en avoir une copie pour la défense ou bien est-ce que

 25   cela fait partie des documents que vous avez communiqués à la défense, qui


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  1   sont de votre l'obligation de communiquer?

  2   M. Stringer (interprétation): Je suis désolé de ne pas disposer de ce

  3   document, mais je pense qu'effectivement le document a été déjà diffusé à

  4   la défense auparavant, au cours de l'année.

  5   M. Krsnik (interprétation): Tout d'abord, nous ne savons pas de quel

  6   document il s'agit. Il faut d'abord le voir et ensuite, nous allons voir

  7   si nous sommes en possession du document ou non. C'est une première

  8   question.

  9   Une autre question se pose à moi, dont il a été question hier. On a dit

 10   que l'on allait débattre de cette question: comment va-t-on numéroter les

 11   documents?

 12   Maintenant, je ne comprends plus rien. Il y a trois types de numérotation.

 13   Nous, on appelle D1, D2,…; le Procureur 57, M. Scott avait proposé

 14   également que ce soit marqué par Z1, Z2,…

 15   C'est la raison pour laquelle, Monsieur Fourmy, je vous demande que l'on

 16   puisse, ensemble avec Mme la Greffière, se mettre d'accord: comment

 17   allons-nous verser au dossier les documents? Car plus personne ne pourrait

 18   suivre véritablement, encore moins la défense.

 19   C'est une objection que je soulève. Je vous demande de bien vouloir

 20   résoudre le problème avant de proposer les pièces à conviction pour être

 21   versées au dossier. Ensuite, bien évidemment, si Monsieur le Procureur

 22   veut bien nous soumettre également la copie, je vais pouvoir vous dire si

 23   c'est un document dont nous disposons ou pas.

 24   M. Fourmy: Maître Par, s'il vous plaît.

 25   M. Par (interprétation): Monsieur Fourmy, d'une façon, je voudrais


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  1   soulever l'objection, car c'est d'une façon assez étrange que l'on soumet

  2   le document au témoin: il y a une pratique du Tribunal que nous avons

  3   suivie. Normalement, c'est la défense qui doit être au courant de ce qui

  4   allait se passer, quels sont les documents qui vont être présentés. Bien

  5   évidemment, il nous faut être quelque peu flexibles. Je ne veux pas être

  6   exclusif et dire que je ne l'accepte pas du tout.

  7   Mais je voudrais quand même savoir pourquoi M. Stringer remet le document

  8   maintenant: où est la corrélation avec ce qui a été dit auparavant? Est-ce

  9   qu'il y a des choses sur lesquelles nous devons nous mettre d'accord,

 10   nous? On a parlé de tout ce que nous allons faire et comment nous allons

 11   procéder. Est-ce que M. Stringer veut nous expliquer où il veut en arriver

 12   avec ce document?

 13   M. Fourmy: Merci, Maître Par.

 14   Peut-être, pendant que M. Stringer vous répond, pourrait-on demander à

 15   l'huissier de faire quelques copies du document qui est entre les mains du

 16   document? Monsieur l'huissier, s'il vous plaît. Pendant ce temps, nous

 17   allons poursuivre notre discussion.

 18   Monsieur Stringer, s'il vous plaît.

 19   M. Stringer (interprétation): Merci, Monsieur Fourmy. Je voudrais tout

 20   d'abord m'excuser: c'est un document qui n'a pas été remis à la défense.

 21   Je peux expliquer les raisons pour lesquelles la défense ne dispose pas de

 22   ce document. Je peux vous donner des raisons, mais je m'en excuse.

 23   Certainement que je ne peux qu'être d'accord avec ce que le conseil de la

 24   défense disait: qu'il devrait disposer de tous les documents.

 25   Mais en ce qui concerne la finalité, l'objectif qui est le nôtre, c'est


Page 734

  1   tout simplement de voir si le témoin peut ou non identifier la signature.

  2   Par conséquent, il y a un document qui a été signé au cours de cette année

  3   et je pense que les Juges souhaiteront voir également la signature qui a

  4   été mise en question par la défense.

  5   M. Fourmy: Monsieur le Procureur, je vous remercie de ces explications.

  6   Avant de traiter plus avant cette question, Madame la Greffière, je pense

  7   que vous souhaitez intervenir sur la manière dont nous allons procéder

  8   -c'est un peu empirique- avec ces numérotions des pièces à conviction,

  9   s'il vous plaît?

 10   Mme Thomson (interprétation): Monsieur Fourmy, nous allons certainement

 11   discuter les questions des documents après avoir terminé cette séance.

 12   J'ai compris que le Bureau du Procureur a déjà désigné par un certain

 13   nombre de numéros ses pièces à conviction et que nous allons utiliser

 14   cette numérotation; et qu'ils me diront quelle est leur objectif en dehors

 15   de cela.

 16   En ce qui concerne les documents de M. Naletilic, j'ai dit que tous les

 17   documents porteront D1, alors que pour Vinko Martinovic, ce sera D2 et,

 18   ensuite, barre oblique et les numérotation qui s'en suivent. C'est

 19   pourquoi je pense que le mieux, c'est que l'on se voit après notre travail

 20   de cet après-midi; puis, je vais remettre également mon point de vue aussi

 21   bien à la défense qu'au Bureau du Procureur et les copies indispensables.

 22   M. Fourmy: Immédiatement après l'audience. Pour ce qui est de la

 23   numérotation à proprement parler, il ne devrait pas y avoir de difficulté.

 24   Merci beaucoup.

 25   Maître Par, je pense que vous souhaitez peut-être reprendre la parole en


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  1   ce qui concerne cette question de la pièce que vient d'utiliser M. le

  2   Procureur? Maître Par, s'il vous plaît.

  3   M. Par (interprétation): Oui, Monsieur Fourmy, je serai très bref. Nous

  4   avons dit que nous allons pouvoir parler de cette proposition une fois

  5   entendues les explications de M. Stringer. Mais là, comme nous savons que

  6   nous n'avons pas eu ce document, à ce moment-là, nous soulevons

  7   l'objection. De toute façon, il a été constaté que la signature n'était

  8   pas la même sur le document qui a été soumis au témoin et ce qu'il avait

  9   signé par la suite. Par conséquent, il n'est pas indispensable maintenant

 10   de procéder à une nouvelle identification de la signature à partir d'un

 11   autre document dont nous ne sommes même pas au courant, dont on ne connaît

 12   pas la teneur, on ne connaît pas la signature. On ne voit pas pourquoi on

 13   le ferait, alors qu'il n'y a aucun doute -et le témoin nous a aidés- que

 14   nous avons constaté que sa signature ne figure pas sur le document que je

 15   lui ai présenté.

 16   On n'a même pas besoin d'un graphologue mais, nous tous, dans le prétoire,

 17   nous savons que ce n'était pas sa signature. Je ne vois pas pourquoi on

 18   essaierait une fois de plus de faire identifier une signature sur un autre

 19   document. Et nous sommes contre.

 20   M. Fourmy: Merci. Maître Krsnik?

 21   M. Krsnik (interprétation): Monsieur Fourmy, j'ai pu constater un autre

 22   problème et il me paraît que c'est un problème encore plus grave.

 23   Lors de la conférence de mise en état, nous avons beaucoup débattu de la

 24   question des dépositions, les préparatifs également pour les dépositions

 25   par l'officier instrumentaire. Je pense que nous avons bien constaté que


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  1   la défense devait posséder tous les documents qui allaient être soumis au

  2   témoin, mais je vois que ceci n'a pas été fait.

  3   La question que je me pose: est-ce que ceci nous attend également pour les

  4   autres témoins? Il y en a dix-huit. Il me semble que ceci n'est pas

  5   correct, alors que nous sommes tous pour la justice et nous sommes très

  6   sensibles sur ce plan-là.

  7   Je vais me consulter avec mes confrères. Je pense que nous allons rédiger

  8   une requête, que nous allons demander à la Chambre de prendre les

  9   décisions, de demander au Bureau du Procureur de nous remettre tous les

 10   documents, si jamais il y en a d'autres qu'ils ne nous ont pas donnés.

 11   Sinon, l'égalité des armes n'est pas garantie.

 12   Nous n'avons même pas la liste des témoins pour le début du procès. C'est

 13   également un problème que nous avons soulevé lors de la conférence de mise

 14   en état.

 15   Donc je considère que la défense ne doit pas être mise dans la situation

 16   dans laquelle elle s'est trouvée à l'instant même. Le témoin est dans le

 17   prétoire et c'est la première fois que nous voyons le document qui, selon

 18   le Règlement de procédure et de preuve, normalement, aurait dû être remis

 19   à la défense, si ce n'est qu'un jour auparavant.

 20   En ce qui nous concerne, notre expérience nous enseigne que nos collègues

 21   du Bureau du Procureur -c'est peut-être leur stratégie, leur tactique-, de

 22   temps à autre, diffusent les documents un jour avant. Cela, c'est une

 23   chose. Mais, dans tous les cas, une fois que le témoin sera sorti du

 24   prétoire, je vais vous demander de recommencer le débat au sujet de ces

 25   questions.


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  1   Merci, Monsieur Fourmy.

  2   M. Fourmy: Oui, Maître Krsnik. Je pense que c'est un débat qui

  3   effectivement dépasse la question du document qui vient d'être soumis.

  4   Monsieur le Procureur, est-ce que vous voulez apporter des précisions sur

  5   ce qui vient d'être dit, s'il vous plaît?

  6   M. Stringer (interprétation): Oui, Monsieur Fourmy. Merci.

  7   Pour revenir à la question principale, il va sans dire que Me Par a raison

  8   de soulever la question et, notamment, en ce qui concerne le contre-

  9   interrogatoire qu'il a mené.

 10   Cela dit, il y a un certain nombre de questions que je veux poser dans le

 11   cadre des questions supplémentaires. J'aurais pu éventuellement me limiter

 12   uniquement à des questions qui ont été posées dans le cadre du contre-

 13   interrogatoire, mais il y avait quand même cette question qui a été

 14   soulevée concernant la déclaration donnée à l'AID. Ils ont également

 15   demandé au témoin de signer sur un bout de papier, pour que cette

 16   signature puisse être comparée avec la signature qui figure sur la

 17   déclaration donnée devant l'AID, et qui porte la cote D/1.

 18   Ceci, bien évidemment, est tout à fait admissible mais moi, j'utilise une

 19   autre méthode, une autre méthode dans le cadre des questions

 20   supplémentaires. Je souhaite simplement montrer au témoin sa signature, sa

 21   signature qui figure sur un document que je possède et la déclaration

 22   qu'il a donnée au cours de cette année. Par conséquent, je ne vois pas

 23   pourquoi, lui, il ne pourrait pas procéder une fois de plus à constater si

 24   c'est authentique ou non; je ne sors pas tellement du contre-

 25   interrogatoire. Je voudrais tout simplement confirmer ce qui a déjà été


Page 738

  1   dit.

  2   Merci.

  3   M. Fourmy: Puis-je suggérer que, pour avancer un petit peu, M. le

  4   Procureur puisse poursuivre son contre-interrogatoire, y compris sur la

  5   base de ce document; étant entendu que ce document, qui est -je crois-

  6   numéroté à titre provisoire 57, sera éventuellement admis à une date

  7   ultérieure. Et après que le Procureur et les défenses auront pu présenter

  8   leurs observations sur le fond même de ce document, la manière dont il a

  9   été présenté, le fait -si j'ai bien compris Me Krsnik- qu'il s'agit d'une

 10   pièce à conviction qui aurait dû être présentée d'abord, etc.

 11   Parce que sinon, comme vous le savez, comme je n'ai pas de pouvoir de

 12   décision, je ne suis pas sûr que nous allons pouvoir nous en sortir. Il me

 13   paraît essentiel que nous puissions libérer le témoin et ensuite, donner

 14   l'opportunité d'une décision, le cas échéant, après discussion entre les

 15   parties.

 16   Maître Par, vous avez une opinion différente peut-être?

 17   M. Par (interprétation): En tenant compte de tout ce que vous avez dit,

 18   Monsieur Fourmy, la méthode que mon confrère Stringer a essayé d'expliquer

 19   ce que je comprends parfaitement. Mais, pour des raisons de principe, nous

 20   ne pouvons pas véritablement l'admettre parce que, dans ce cas-là, c'est

 21   un précédent et, à l'avenir, on peut avoir également de tels cas au cours

 22   de notre procès. C'est la raison pour laquelle je m'y oppose, je suis

 23   absolument contre le fait que ce document soit présenté et que l'on

 24   continue, que l'on procède à une continuation des questions à ce sujet-là.

 25   M. Fourmy: Monsieur le Procureur?


Page 739

  1   M. Stringer (interprétation): Monsieur Fourmy, je pense qu'il y a deux

  2   questions.

  3   Premièrement, si l'on peut continuer à poser la question concernant la

  4   signature qui figure sur le document; deuxièmement, en ce qui concerne la

  5   communication des documents et les précédents pour le procès à l'avenir,

  6   comme Me Par l'avait bien précisé.

  7   Il me semble qu'il est question de deux choses différentes. Vous avez dit,

  8   Monsieur Fourmy, que nous pouvons poursuivre. Personnellement, je ne peux

  9   qu'abonder dans votre sens. Après nous laisserons partir le témoin. Et

 10   bien évidemment, après, avec vous-même, avec la défense, je suis

 11   absolument pour débattre de la question de la communication de ce

 12   document, d'autres documents. Et cela rentre dans un débat qui est

 13   beaucoup plus général.

 14   Quand il s'agit de ce document, une question toute réduite à la signature,

 15   je pense que tout simplement, c'est une question que je peux poser dans le

 16   cadre des questions supplémentaires que je pose. L'objectif est justement

 17   pour mettre un peu plus au clair tout ce qui concerne la signature du

 18   témoin -dont comment se présente sa signature?-, de mettre de la lumière

 19   et de vous dire les raisons pour lesquelles nous avons entamé ce débat.

 20   C'est tout.

 21   M. Fourmy: Oui, Maître Par. Maître Krsnik, j'ai l'impression

 22   qu'effectivement, il y a deux questions bien différentes. Je crois qu'il y

 23   a véritablement une question de principe qui est celle que vous avez

 24   soulevée et dont je vois toute l'importance, ce que le Procureur vient

 25   d'ailleurs de confirmer.


Page 740

  1   Je crois qu'il y a une autre question qui se limite uniquement à la

  2   question de savoir si, oui ou non, la signature figurant sur ce document

  3   57 est celle du témoin ou pas.

  4   Si vous avez une proposition alternative à faire…, je ne sais pas si cela

  5   peut convenir aux parties… Excusez-moi, je suis avec vous, j'explore. Mais

  6   s'il s'agit d'essayer de trouver une signature du témoin, évidemment, ce

  7   ne sera pas la même date.

  8   Est-ce que vous souhaitez demander au témoin s'il a avec lui une pièce

  9   d'identité sur laquelle il y aurait sa signature -ce qui fait que, par

 10   définition, ce n'est pas un document qui était à communiquer-, qui

 11   permettrait de vérifier sa signature? Je ne sais pas. Comment voyez-vous

 12   que nous puissions sortir de cette impasse? Etant entendu que, sur le fond

 13   de cette question de signature, dans la mesure où c'est un problème que

 14   vous avez soulevé dans votre contre-interrogatoire, le Procureur a une

 15   légitimité à revenir sur cette question.

 16   Donc c'est pour cela que je crois qu'il est important de faire la

 17   distinction entre les deux questions.

 18   Le Procureur a de toute façon, je crois, nous en sommes tous d'accord, la

 19   possibilité de poser des questions supplémentaires sur cette question de

 20   signature. Tout le monde a bien noté votre objection, elle est très

 21   clairement enregistrée en ce qui concerne la procédure que le Procureur a

 22   souhaité utiliser, c'est-à-dire un document dont vous n'avez pas eu

 23   communication et qui pose d'ailleurs, à mon avis, au moins deux types de

 24   problèmes différents: c'est-à-dire la communication stricto sensu et la

 25   nature même de ce document. Mais cela, c'est autre chose.


Page 741

  1   Maître Par?

  2   M. Par (interprétation): Monsieur Fourmy, je ne sais pas. Je pense qu'il y

  3   a l'un de nous qui doit se résigner. Par conséquent, la question qui se

  4   pose: est-ce que l'on va poursuivre avec les questions supplémentaires

  5   avec ce document ou non?

  6   On nous demande de l'accepter. Nous, on ne peut pas l'accepter, le

  7   Procureur ne souhaite pas non plus renoncer. Par conséquent, je ne vois

  8   pas qu'il soit possible d'aboutir à un compromis. Je pense que le

  9   Procureur peut continuer avec ses questions sans le document. Le témoin va

 10   donc pouvoir lui donner des réponses, mais sans le document en question.

 11   Voilà, c'est notre attitude finale.

 12   M. Seric (interprétation): Monsieur Fourmy, je voudrais tout simplement me

 13   joindre à mon confrère Par, ce qui correspond également à ce que Me Krsnik

 14   avait dit.

 15   Si nous étions en possession de ce document, à ce moment-là, on aurait

 16   peut-être procédé différemment pour notre contre-interrogatoire. Par

 17   conséquent, il s'agit de la signature du témoin: l'authenticité de cette

 18   signature ou la confirmation de cette signature également peuvent mettre

 19   en question sa crédibilité.

 20   C'est la raison pour laquelle il s'agit d'une question qui est extrêmement

 21   importante.

 22   C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons être absolument d'accord

 23   pour que l'on poursuive de cette manière-là l'interrogatoire. Ou bien,

 24   comme mon confrère M. Par l'a dit, probablement que M. Stringer peut y

 25   procéder, mais d'une autre façon: sans le document.


Page 742

  1   M. Fourmy: Bien. Monsieur le Procureur, je pense qu'il y a des situations

  2   qu'il faut trancher. Je n'ai pas de pouvoir pour trancher des situations

  3   et je vais donc m'en remettre à vous.

  4   Puis-je suggérer que le document reste pour l'instant "soumis"; il n'a pas

  5   d'autre statut, il n'est certainement pas admis -je crois que tout le

  6   monde en est bien d'accord-, que vous poursuiviez votre contre-

  7   interrogatoire de la manière dont vous l'entendez, mais pas par rapport à

  8   ce document. Ce qui implique qu'éventuellement, en fonction d'une décision

  9   que les Juges pourraient être conduits à prendre, le témoin doive revenir

 10   pour répondre à des questions précises sur ce problème de signature; peut-

 11   être.

 12   Est-ce que vous pensez que l'on peut poursuivre dans ces conditions? Je

 13   pense que cela répond, je l'espère en tout cas, aux objections de la

 14   défense et que cela nous permettrait de libérer M. Lulic. Je crains que je

 15   ne puisse faire mieux, Monsieur Stringer, en l'espèce, s'il vous plaît.

 16   M. Stringer (interprétation): Monsieur Fourmy, la procédure que vous venez

 17   de suggérer n'est pas quelque chose qui soit étranger pour un système d'où

 18   je viens. Mais on poursuit: il y a des pièces à conviction, il y a des

 19   moyens de preuve et tout cela entre dans le compte rendu. Et plus tard,

 20   dans une étape ultérieure, la Chambre ou les Juges décideront s'ils

 21   admettront ou pas ces moyens de preuve.

 22   Par conséquent, il me semble que c'est moins efficace que de s'arrêter,

 23   d'être dans la situation, d'être obligés de citer de nouveau à la barre le

 24   témoin, alors qu'il est à l'étranger actuellement. C'est la raison pour

 25   laquelle je propose tout simplement de poursuivre.


Page 743

  1   J'ai un ou deux questions à ce sujet-là. Si la Chambre prend la décision

  2   de ne pas admettre le témoin, de ne pas admettre les pièces à conviction,

  3   à ce moment-là, on va expurger du dossier tous ces documents et même sa

  4   déposition. Mais ceci dépendra de la décision de la Chambre et il ne

  5   serait pas indispensable de citer de nouveau à la barre le témoin.

  6   C'est la raison pour laquelle je propose de poursuivre mais que, si l'on

  7   poursuit, c'est uniquement à condition de voir une décision de la Chambre

  8   dans le sens d'expurger la déposition, à ce moment-là de se conformer à la

  9   décision de cette Chambre.

 10   M. Fourmy: Merci, Monsieur le Procureur.

 11   M. Krsnik (interprétation): J'ai quelque expérience. Nous aussi, nous

 12   étions dans le cadre d'un système de common law; c'est un système qui est

 13   connu. Il y a toujours des débats qui précèdent le procès. S'il y a des

 14   objections, s'il y a des propositions différentes, à ce moment-là, on

 15   recommence une fois que la Chambre prend une décision.

 16   Mais dans le cas concret, il y a une nouvelle pratique: les Juges sont

 17   dans ce même Tribunal et, chaque fois qu'il y a une objection, et tout en

 18   respectant les règles de ce Tribunal, la Chambre peut par conséquent

 19   prendre la décision dès qu'il y a une objection.

 20   Nous n'allons donc pas renoncer à notre proposition et je voudrais tout

 21   simplement dire encore quelque chose à ce propos-là: si l'on avait ce

 22   document, M. Stringer a soulevé l'objection sur la manière dont Me Par a

 23   contre-interrogé, alors que maintenant, il nous soumet le document où nous

 24   pouvons voir quelle est l'adresse et quel est le pays habité par le

 25   témoin.


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  1   M. Lulic (interprétation): Mais moi, je ne l'aurais pas remis ce document,

  2   si j'étais à la place du Bureau du Procureur.

  3   M. Krsnik (interprétation): Par conséquent, si le document nous avait été

  4   communiqué, à ce moment-là, on n'aurait pas eu les problèmes qui en

  5   découlent. Vous savez très bien, Monsieur Fourmy, que nous avons toujours

  6   de nombreux problèmes, dont il ne faut pas toujours débattre non plus

  7   devant le témoin.

  8   M. Stringer (interprétation): Monsieur Fourmy, j'ai peut-être un

  9   compromis.

 10   M. Fourmy: (Hors micro.)

 11   M. Stringer (interprétation): Avec votre permission, je vais poser la

 12   question au témoin s'il se souvient avoir signé un document au début de

 13   cette année, quand il a eu l'occasion de nous rencontrer? S'il avait

 14   également signé la déclaration qu'il a donnée au TPIY?

 15   Par conséquent, je ne vais pas soumettre ce document à l'instant même,

 16   sauf évidemment si on a des moyens de preuve autres que nous allons

 17   avancer au cours du procès, ultérieurement.

 18   M. Par (interprétation): Monsieur Fourmy, nous sommes parfaitement

 19   d'accord avec ce que M. Stringer vient de proposer.

 20   M. Krsnik (interprétation): Nous aussi, nous acceptons que M. Stringer

 21   procède de cette façon-là, mais nous sommes pour débattre de ces questions

 22   dans une étape ultérieure.

 23   M. Fourmy: Merci, Monsieur Stringer. Merci beaucoup de votre proposition

 24   de compromis. Merci à la défense de votre réponse positive à cette

 25   proposition.


Page 745

  1   Je crois, Madame la Greffière, même si ce n'est pas la pratique

  2   habituelle, qu'il nous faudrait maintenant demander à M. l'huissier de

  3   reprendre les copies qui ont été distribuées, de supprimer même cette

  4   référence 57, en quelque sorte, en tant que document soumis.

  5   Nous traiterons, Maître Krsnik! Je vois votre étonnement: je ne vous vole

  6   rien, je vous l'empreinte, dirons-nous. Il appartiendra au Procureur de

  7   voir ce qu'il souhaite faire de ce document et puis, sur le fond, nous

  8   traiterons ces questions par la suite.

  9   Monsieur Stringer, merci encore de votre proposition. Si vous vouliez

 10   poursuivre, je vous en remercie.

 11   M. Stringer (interprétation): Merci, Monsieur Fourmy.

 12   Monsieur Lulic, il y a quelques instants, je vous ai demandé -vous vous en

 13   souvenez- si vous vous rappelez de m'avoir rencontré, moi et une autre

 14   personne du Tribunal, plus tôt cette année, à l'endroit où vous habitez?

 15   M. Lulic (interprétation): Oui.

 16   Question: Est-ce que vous vous souvenez qu'à l'époque, on vous a demandé

 17   de signer un document?

 18   Réponse: Oui.

 19   Question: Aussi, au cours de votre déposition, au cours du contre-

 20   interrogatoire fait par M. Par, on vous a demandé, on vous a posé des

 21   questions au sujet d'une déclaration que vous avez faite pour le Bureau du

 22   Procureur, pour les enquêteurs du Tribunal. Est-ce que vous vous souvenez

 23   avoir fait cette déclaration préalable pour le Bureau du Procureur?

 24   Réponse: Oui, Eh bien, j'ai dit oui: à Sarajevo, mais pas à Konjic Mostar.

 25   J'ai vu que c'est écrit sur le papier: "Konjic Mostar". Donc à Sarajevo


Page 746

  1   mais à Konjic, non.

  2   Question: Et donc à Sarajevo, vous avez signé une déclaration préalable à

  3   une déclaration de témoin du Tribunal?

  4   Réponse: Oui.

  5   Question: Et pour que cela soit clair, plus tôt au cours de l'année en

  6   cours, vous avez signé un document après avoir rencontré des enquêteurs

  7   dans la ville où vous résidez pour l'instant. Est-ce exact?

  8   Réponse: Oui.

  9   M. Stringer (interprétation): Merci, Monsieur. Je n'ai plus d'autres

 10   questions.

 11   M. Fourmy: Merci, Monsieur le Procureur.

 12   Monsieur Lulic, merci. Votre témoignage est maintenant parvenu à sa fin.

 13   Je vous remercie d'avoir comparu dans ce cadre un peu bizarre des

 14   dépositions par officier instrumentaire. Vous avez vu que cela demande

 15   beaucoup d'efforts de tout le monde. Donc je vous remercie des efforts que

 16   vous avez faits et puis, je vous souhaite un bon retour dans votre pays de

 17   résidence. Merci, au revoir.

 18   M. Lulic (interprétation): Je vous remercie.

 19   (Le témoin, M. Ekrem Lulic, est reconduit hors du prétoire.)

 20   M. Fourmy: Il est 15 heures 25. Je me demande si ce n'est pas le bon

 21   moment pour faire une pause de vingt minutes. Ensuite, nous pourrions

 22   reprendre un témoin si vous en avez un. Sinon, nous pouvons nous retrouver

 23   pour de toute façon peut-être discuter un petit peu de ces difficultés de

 24   procédure et gagner ainsi un petit peu de temps sur nos travaux de demain.

 25   Nous avons simplement entendu deux témoins. J'ai dit à plusieurs reprises


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  1   qu'il y en avait 18, je crois que c'est le chiffre qui était annoncé. Je

  2   me sens très inquiet par rapport à notre calendrier.

  3   Monsieur le Procureur, s'il vous plaît.

  4   M. Scott (interprétation): Monsieur Fourmy, je voudrais juste mettre

  5   quelque chose au clair: peut-être vous vous en souvenez, peut-être que

  6   non: pour ce soir, nous n'avons planifié que de travailler le matin. Nous

  7   pensions être libres l'après-midi et je pense que c'était la supposition à

  8   partir de laquelle nous avons commencé à travailler. Et aussi, nous

  9   pensions terminer avec le témoin d'aujourd'hui dans l'après-midi. Donc

 10   nous n'avions pas l'intention d'appeler un nouveau témoin à la barre

 11   aujourd'hui.

 12   D'un autre côté, je pense qu'il serait fort utile de discuter d'un certain

 13   nombre de questions de procédure et nous sommes absolument prêts à le

 14   faire.

 15   M. Fourmy: Merci. Est-ce que c'est bien ainsi que la défense l'entend

 16   également, que nous puissions nous retrouver et discuter des questions de

 17   procédure tout à l'heure? Oui, je vois des signes de tête affirmatifs.

 18   Maître Krsnik?

 19   M. Krsnik (interprétation): La défense peut le faire tout de suite pour

 20   terminer la journée d'aujourd'hui, ou bien, après la pause. Mes collègues

 21   me disent que c'est possible de le faire après la pause, donc peut-être

 22   pourrions-nous procéder à une pause et ensuite, nous retrouver pour

 23   continuer la discussion au sujet des questions déjà annoncées.

 24   M. Fourmy: Je crains fort, Maître Krsnik, que l'appel de la cigarette soit

 25   encore plus fort que l'appel de la procédure.


Page 748

  1   Nous faisons une pause de 17 minutes. Nous nous retrouverons à moins le

  2   quart. Merci.

  3   (L'audience, suspendue à 15 heures 27, est reprise à 15 heures 50.)

  4   (Questions relatives à la procédure.)

  5   M. Fourmy: L'audience est reprise. Veuillez-vous asseoir.

  6   Je ne sais pas qui du Procureur ou de la défense souhaite prendre la

  7   parole en premier?

  8   Peut-être que l'on peut distinguer au moins deux questions: la première

  9   serait la question générale des pièces à conviction que le Procureur

 10   entend utiliser, au moins pour cette quinzaine qui concerne les

 11   dépositions; la manière dont elles ont été, sont ou seront communiquées à

 12   la défense.

 13   Puis, il y a une question distincte qui est la numérotation des pièces à

 14   conviction, que ce soit celles du Procureur ou celles de la défense.

 15   Pour ma part, comme Mme La Greffière nous l'avait suggéré tout à l'heure,

 16   peut-être que c'est quelque chose que nous pourrions faire en dehors de

 17   l'audience proprement dite et que les parties puissent discuter avec Mme

 18   la Greffière dans une ambiance plus conviviale ou, en tout cas, moins

 19   formelle que celle de cette audience en robe.

 20   Donc, si vous en êtes d'accord, peut-être pourrions-nous passer au premier

 21   point à moins que vous ayez des questions à ajouter à ces deux questions

 22   que je viens d'évoquer?

 23   Monsieur le Procureur?

 24   M. Scott (interprétation): Monsieur Fourmy, je peux vous répondre à toutes

 25   ces questions, ou bien, je peux procéder question par question. En tout


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  1   cas, il est très bien de discuter de façon plutôt informelle, mais je ne

  2   suis même pas sûr si c'est vraiment nécessaire. Mais j'ai un certain

  3   nombre de commentaires à faire qui pourraient nous servir comme point de

  4   départ.

  5   Tout d'abord, Monsieur Fourmy, je voudrais que ce soit très clair au

  6   compte rendu d'audience: la question qui a été posée lors du dernier

  7   témoin qui a comparu, je voudrais dire que l'accusation a rempli toutes

  8   ses obligations concernant la communication des pièces. Nous l'avons fait

  9   vraiment de façon complète. Donc je voudrais qu'il soit bien clair que

 10   toutes les obligations de communication ont été satisfaites. Et tout ceci

 11   figure dans la correspondance avec la défense.

 12   Nous sommes mêmes allés au-delà de nos obligations: nous avons communiqué

 13   des pièces que nous n'étions pas obligés de communiquer selon le

 14   Règlement. Je voudrais que ceci soit clair.

 15   En ce qui concerne la déclaration préalable qui a été mentionnée, je

 16   voudrais à nouveau revenir là-dessus avant que trop de temps ne s'écoule.

 17   Donc la déclaration préalable en question avait été élaborée plus tôt

 18   cette année, l'année en cours, en vertu de l'ancien Article 94ter. Il

 19   s'agissait des affidavits, les déclarations sous serment. Donc, avant la

 20   modification de cet Article -donc 94 ter à 82 bis-, le dernier témoin

 21   normalement devait venir témoigner en vertu de l'Article 94ter.

 22   Nous avons donc fait une déclaration très brève, moins d'une page, qui a

 23   servi à corroborer, à confirmer cette déclaration préalable faite au

 24   préalable. Il a tout simplement dit qu'il avait déjà fourni un certain

 25   nombre de déclarations préalables à des dates précises, que ces


Page 750

  1   déclarations sont véridiques et, ensuite, il a signé ce document.

  2   Après l'élaboration de cette déclaration préalable, en vertu de l'Article

  3   94ter, eh bien, cet Article 94ter avait été aboli et il y a un nouvel

  4   Article: l'Article 92bis.

  5   D'après l'analyse que nous faisons de cet Article 92bis, ce témoin ne

  6   tombe plus sous le coup de l'Article 92bis et sous le coup d'affidavits.

  7   Donc un certain nombre de témoins ont été changés, qui n'étaient plus les

  8   témoins en vertu de l'Article 94ter, mais sont devenus des témoins qui

  9   tombent sous le coup de l'Article 71, c'est-à-dire des dépositions.

 10   Ceci a donc été changé. Et quand M. Lulic est venu témoigner en tant que

 11   témoin dans le cadre de déposition, il n'y avait plus de raison d'être

 12   pour ces documents puisque ces documents avaient été élaborés pour

 13   l'Article 94ter qui servait uniquement à corroborer, à confirmer ces

 14   déclarations préalables faites auparavant.

 15   De toute façon, nous sommes très content de communiquer ces documents si

 16   besoin est, mais nous pensons surtout qu'il s'agit de beaucoup de

 17   discussions pour rien, beaucoup de bruit pour rien. Nous avons donc rempli

 18   toutes nos obligations.

 19   En ce qui concerne le groupe de témoins dont a parlé M. Krsnik à la

 20   conférence de mise en état, vendredi dernier, à laquelle vous n'avez pas

 21   pu assister à cause d'autres obligations, il a déjà été question et le

 22   Procureur a déjà communiqué son intention de communiquer à la défense,

 23   dans un futur proche, le nom d'un premier groupe de témoins du Procureur.

 24   Nous avons dit que nous allons le faire et, évidemment, nous allons le

 25   faire. La question ne se pose même pas.


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  1   La troisième question, la question de la numérotation des pièces à

  2   conviction. Il n'y a rien de mystérieux dans la position du Bureau du

  3   Procureur. Il s'agissait juste de faire ce travail de façon plus organisée

  4   et plus efficace.

  5   La prénumérotation ne veut pas forcément dire qu'un document va devenir

  6   une pièce à conviction. Il s'agit de numérotation pour pouvoir identifier,

  7   pour des besoins d'identification de documents présentés. Donc ceci

  8   raccourcit un peu le temps nécessaire, le temps de traiter de ce document.

  9   Ensuite, pour travailler plus rapidement avec le témoin, nous pouvons

 10   utiliser de tels documents aussi bien dans le prétoire qu'au cours de

 11   notre travail avec le témoin. Nous ne sommes pas obligés de donner une

 12   cote, d'attribuer une cote à ce document, le document que nous proposons

 13   avec ce numéro provisoire nous semble plus efficace en comportant ce

 14   numéro. Mais je pense que ceci ne pose pas de problème. Evidemment, c'est

 15   toujours utile de donner un numéro provisoire à un document.

 16   Par exemple, il y a beaucoup de documents que nous organisons de façon

 17   chronologique. Par exemple, nous partons à partir des numéros les plus

 18   anciens, nous leur donnons des numéros en ordre jusqu'aux plus récents.

 19   Et, par exemple, quand un témoin parle d'un fait, eh bien, à un moment

 20   donné, il peut parler d'un document qui porte le n°58. Pourquoi 58? Parce

 21   que, du point de vue chronologique, on en est arrivés au n° 58; ce fait

 22   correspond à ce numéro. Ceci n'a rien de particulier: il s'agit juste

 23   d'une question d'organisation. Cela ne veut pas forcément dire que ce

 24   document va être versé au dossier, accepté par la Chambre.

 25   Nous avons tous des expériences différentes mais, en ce qui concerne mon


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  1   expérience à moi, nous procédons de façon à toujours donner un numéro

  2   préalable à un document, quel qu'il soit. Il ne me serait pas permis

  3   d'apparaître, de venir dans le prétoire sans avoir des documents qui ne

  4   portent un numéro, qui ne sont pas numérotés. Si je venais avec un

  5   document qui n'avait pas de numéro, eh bien, on me dirait de revenir un

  6   autre jour avec un numéro.

  7   Je peux donc vous dire que, quand on a beaucoup de documents, je ne peux

  8   même pas envisager de ne pas prénuméroter de telles pièces. Ceci n'a donc

  9   rien de mystérieux: il s'agit tout simplement de numérotation des

 10   documents pour des besoins d'identification.

 11   Si vous n'avez pas d'autres questions, Monsieur Fourmy, je pense que c'est

 12   tout ce que nous avons à dire. Merci.

 13   M. Fourmy: Merci, Monsieur le Procureur.

 14   Je n'ai peut-être pas de questions à ce stade. Je vois que Mme la

 15   Greffière souhaite prendre la parole et, ensuite, la défense

 16   naturellement.

 17   Madame la Greffière, s'il vous plaît, vous vouliez intervenir?

 18   Mme Thomson (interprétation): Merci, Monsieur Fourmy.

 19   Tout simplement, je voudrais faire un commentaire concernant ce que vient

 20   de dire Me Scott. Comme je l'ai déjà dit avant, nous nous étions mis

 21   d'accord que nous allions permettre cette prénumérotation des documents.

 22   Donc je comprends d'où vient le problème et ceci n'est d'ailleurs pas un

 23   problème pour moi.

 24   En ce qui concerne les pièces à conviction, la question qu'il faut se

 25   poser, c'est où placer un document comme, par exemple, la liste des


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  1   témoins ayant un pseudonyme. Mais il nous appartient de trouver un système

  2   et je pense que ceci va fonctionner.

  3   M. Scott (interprétation): Bien sûr, bien sûr. Monsieur Fourmy, je pense

  4   que Mme la Greffière a tout à fait raison: c'est encore une chose qu'il

  5   nous appartient de résoudre.

  6   M. Fourmy: Oui, naturellement, mais je compte bien que vous parviendrez à

  7   le résoudre ensemble.

  8   Maître Krsnik ou Maître Seric, s'il vous plaît?

  9   M. Krsnik (interprétation): Monsieur Fourmy, je suis absolument d'accord

 10   pour dire qu'il y a beaucoup de bruit pour rien. Peut-être que je suis un

 11   peu différent des autres, mais les choses se placent de façon tout à fait

 12   logique.

 13   Dès le début, pour moi, il me semblait tout à fait logique et acceptable

 14   que tous les documents soient numérotés. Par exemple par D, "déposition",

 15   et que, par exemple, les dépositions de la part du Bureau du Procureur

 16   soient des documents "DP" pour "Procureur", et pour M. Martinovic "D1", et

 17   pour M. Naletilic par exemple "D2" -ou l'inverse. Donc ceci ne poserait

 18   pas de problème du tout. Il y aurait des documents DP1, D2, D3, etc.

 19   Ce que je ne vois pas, c'est pourquoi on complique les choses, pourquoi on

 20   trouve des documents qui comportent des cotes 57 aujourd'hui, demain des

 21   documents "Z", etc. Ceci porte à confusion.

 22   D'ailleurs, la défense n'impose pas son point de vue. Mais il faudrait que

 23   tout cela soit logique. Par exemple, il serait logique que toutes les

 24   dépositions comportent par exemple la lettre "D", et ceci serait beaucoup

 25   plus clair pour tout le monde puisque nous allons avoir des milliers de


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  1   pièces sans doute. Et donc il peut y avoir des confusions.

  2   Ensuite, nous n'allons pas insister là-dessus mais la défense considère

  3   qu'il serait souhaitable de se rencontrer avec la Chambre concernant la

  4   communication des documents concernant ces 18 témoins, en vertu de

  5   l'Article concernant les dépositions.

  6   Si le Procureur considère, par exemple, que tous les documents concernant

  7   ces 18 témoins ont été communiqués, eh bien, ceci suffit à la défense.

  8   Mais nous ne souhaitons pas que la situation d'aujourd'hui se répète; là-

  9   dessus, nous sommes d'accord avec Me Scott. Ce document, quand il arrive

 10   dans le prétoire et qu'on le présente à quelqu'un sans qu'il ait été

 11   communiqué auparavant, eh bien, il s'agit d'un document qui n'a jamais été

 12   communiqué. Je pense que ceci est très clair.

 13   Je ne veux pas abuser de votre temps pour se demander, pour polémiquer sur

 14   la question de quelle façon le contre-interrogatoire aurait pu être

 15   différent si l'on avait reçu ces pièces avant. Mais ce n'est pas la peine

 16   d'en parler maintenant. Ce que je veux savoir, c'est que le Procureur nous

 17   dise si tous les documents concernant ses 18 témoins ont été communiqués;

 18   si tel est le cas, eh bien, tout va bien. Nous allons être tranquillisés.

 19   Je ne voudrais pas offusquer qui que ce soit, mais nous considérons que

 20   les documents, la procédure concernant le document en question n'était pas

 21   tout à fait correcte. Et il ne s'agit pas d'un document insignifiant.

 22   Et enfin, Monsieur Fourmy, avec tout le respect que je dois à votre

 23   profession, à notre profession, au travail de ce Tribunal, eh bien, il est

 24   vrai qu'il faut toujours faire des concessions pour faciliter l'avancement

 25   de la procédure de l'affaire.


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  1   Je voudrais que ceci soit consigné au compte rendu d'audience: je souhaite

  2   que notre équipe soit au complet demain, puisque nous n'avons toujours pas

  3   reçu de décision concernant la nomination de notre assistant, notre

  4   collègue, Me Lasan. Puisque vous voyez que nous sommes trois pour

  5   l'instant, alors que j'ai bien le droit d'avoir un co-conseil. Je vous

  6   prie vraiment humblement de recevoir une décision concernant mon co-

  7   conseil pour que l'équipe de la défense soit au complet pendant ses

  8   dépositions.

  9   Je vous remercie, Monsieur Fourmy.

 10   M. Fourmy: Merci, Maître Krsnik.

 11   Maître Seric, s'il vous plaît.

 12   M. Seric (interprétation): Au nom de la défense de M. Vinko Martinovic,

 13   Monsieur Fourmy, je tiens à dire que nous acceptons la façon dont le

 14   Procureur a proposé de numéroter les documents et la façon qui est

 15   envisagée par Mme la Greffière. Je crois -comme cela a d'ailleurs été fait

 16   hier et aujourd'hui-, je crois qu'aucun malentendu ne subsiste à ce sujet-

 17   là.

 18   Merci.

 19   M. Fourmy: Merci, Maître Seric.

 20   Madame la Greffière, s'il vous plaît, en ce qui concerne la désignation du

 21   co-conseil, s'il vous plaît.

 22   Mme Thomson (interprétation): Je me suis entretenu avec Mme Lasan pendant

 23   la pause. Je l'ai informée du fait disant que le document concernant sa

 24   nomination attend une signature au niveau du Tribunal.

 25   Aussi, dois-je dire que la question est résolue: dès que la décision


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  1   appropriée nous sera signée et communiquée, Mme Lasan sera en mesure de se

  2   présenter ici, dans cette nouvelle qualité et ce nouveau statut.

  3   M. Fourmy: Maître Krsnik, à titre personnel, c'est vrai que je serais

  4   personnellement très heureux de pouvoir accueillir Mme Lasan en qualité de

  5   co-conseil, mais vous voyez qu'elle a déjà la robe: c'est donc un grand

  6   pas qui a été franchi au moment de cette déposition.

  7   Pour revenir à la question de la communication: peut-être y a-t-il deux

  8   questions distinctes. J'espère que je ne soulèverai pas un gros lièvre. Il

  9   y a l'aspect communication des déclarations préalables des témoins, c'est

 10   une chose. Et puis, il y a peut-être l'aspect communication de ce qu'on

 11   appelle généralement les pièces à conviction qui peuvent être utilisées

 12   par une partie ou par l'autre partie, au moment du témoignage de la

 13   personne concernée.

 14   J'ai bien entendu M. le Procureur dire qu'il avait satisfait à toutes ses

 15   obligations de communication, j'ai bien entendu la défense dire qu'elle en

 16   prenait acte, mais j'ai l'impression qu'en fait, on n'est peut-être pas

 17   tout à fait sur la même longueur d'onde.

 18   Monsieur le Procureur, ai-je mal compris ou est-ce qu'il y a peut-être une

 19   petite divergence de vue avec la défense qui tient à ce que la défense

 20   aurait souhaité que toutes les pièces à conviction que vous souhaitez

 21   utiliser à l'occasion d'une déposition -puisque, pour l'instant, nous ne

 22   parlons que des dépositions- auraient dû lui être communiquées? Est-ce que

 23   vous pouvez peut-être m'éclairer? Je m'excuse d'avance, si c'était clair

 24   pour tout le monde.

 25   M. Scott (interprétation): Monsieur Fourmy, vous n'avez nullement besoin


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  1   de vous excuser. Je crois qu'il y a en effet une divergence qui découle

  2   d'un malentendu. Il n'y a rien de mal de fait de part ou d'autre.

  3   Pour éviter tout malentendu, je me propose de donner lecture de l'article

  4   concernant la communication des pièces. Nous avons, à notre avis, respecté

  5   tous les points de la réglementation du Tribunal pour ce qui est de la

  6   communication des éléments de preuve. Pour qu'il n'y ait pas malentendu,

  7   aucune équipe de défense n'a demandé la communication de documents en

  8   fonction de l'Article 66b). Je ne vais pas entrer dans le détail, Monsieur

  9   Fourmy: je crois que vous savez ce dont je parle, vous êtes familiarisé

 10   avec l'Article depuis les affaires en cours. Il n'y a pas eu de demande

 11   concernant la communication en fonction de l'Article 66b). Si la défense a

 12   changé de position, j'espère qu'elle me le fera savoir.

 13   Maintenant, pour ce qui est des pièces à conviction et des dépositions des

 14   témoins, il est vrai que notre intention avait été de proposer des

 15   éléments de preuve, des pièces à conviction. Et je crois que nous avons

 16   tout un classeur de pièces à conviction de ce type. Je crois que nous

 17   avons été victimes de certains points obscurs. Je crois que les jours à

 18   venir vont nous permettre de tirer cela au clair. J'ai cru que nous

 19   allions le faire hier, dans la matinée, ou peut-être aujourd'hui; les

 20   choses ont évolué dans un autre sens.

 21   Je crois pouvoir dire que nous finirons par tirer le tout au clair. Je

 22   crois que demain, nous serons en mesure de fournir un classeur de pièces à

 23   conviction pour ce qui est des témoins venus témoigner par voie de

 24   déposition. Peut-être n'avons-nous pas été sur la même longueur d'onde,

 25   comme vous l'avez dit, peut-être n'avons-nous pas parlé de mêmes choses


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  1   mais, quoi qu'il en soit, ce classeur sera communiqué, sera disponible

  2   demain.

  3   Le seul commentaire auquel je voudrais revenir concerne ce que M. Krsnik a

  4   dit concernant la numérotation des documents. L'équipe du Bureau du

  5   Procureur a travaillé de façon très épuisante; nous ne voulons pas

  6   demander bien sûr maintenant des louanges. Mais si nous montrons à un

  7   témoin, qui vient témoigner par déposition, une pièce à conviction n°1,

  8   cette déposition sera la même ici, lors de la phase préalable et pendant

  9   le procès.

 10   Maintenant, si nous attribuons une numérotation autre, cela nous donnera

 11   deux numéros de pièce à conviction dans le procès. C'est la seule raison

 12   pour laquelle nous avons fait la proposition en question, à savoir avoir

 13   la même numérotation lors des dépositions et lors de la tenue du procès

 14   même. C'est la raison pour laquelle j'ai réagi à ce que M. Krsnik a dit.

 15   Notre intention avait donc été d'éviter de doubler une numérotation ou les

 16   numérotations, pour ce qui est de cette phase-ci et de la phase du procès.

 17   C'est tout. Je vous remercie, Monsieur Fourmy.

 18   M. Fourmy: Merci, Monsieur le Procureur. Monsieur Krsnik?

 19   M. Krsnik (interprétation): Monsieur Fourmy, concernant la communication

 20   des documents partant de l'article 67 et de l'article 66, la chose est

 21   tout à fait claire: nous n'avons pas demandé l'application de cet article

 22   étant donné que cela traite du procès même et des principes de

 23   réciprocité.

 24   Je ne parlais pas de cela. J'ai parlé des dépositions. Je ne sais pas

 25   quelles dépositions mes honorables collègues ont à leur disposition; or


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  1   nous devrions pouvoir disposer de ces dépositions-là avant le début. Et je

  2   crois que les choses ont été à mes yeux claires.

  3   Nous n'avons pas dit que nous ne demandions pas une communication en

  4   fonction de cet article mais, pour le moment et pour le document de ce

  5   jour, il s'agit d'une déposition de témoin. J'estime et j'estimais que

  6   cette déposition-là aurait dû nous être communiquée auparavant, bien

  7   avant.

  8   Maintenant, pour ce qui est de la numérotation de mon cher collègue Scott,

  9   nous allons voir si ces pièces à conviction vont être admises ou pas. Une

 10   fois admises et versées au dossier, elles auront la même numérotation.

 11   Pour suivre, il m'est plus facile de suivre lors des dépositions, lors de

 12   l'acceptation de certains documents proposés, d'une numérotation

 13   provisoire. Cela ne serait plus simple, pour nous et pour vous, pour ce

 14   qui est du suivi des pièces à conviction présentées.

 15   Je ne vais pas retenir votre attention davantage, mais je tenais juste à

 16   vouloir maintenir l'objectif qui avait été notre intention, je crois,

 17   commune: à savoir simplifier nos travaux. Merci.

 18   M. Fourmy: Monsieur le Procureur?

 19   M. Scott (interprétation): Je remercie M. Krsnik des commentaires qu'il a

 20   fait concernant les dépositions.

 21   Mais pour éviter toute confusion, une fois de plus, je tiens à le

 22   remercier d'avoir confirmé ces positions en vertu du 66b) concernant M.

 23   Naletilic. Nous croyons, pour ce qui est des dépositions, avoir communiqué

 24   toutes les dépositions qui ont été recueillis dans cette affaire,

 25   notamment celles qui sont pertinentes à nos yeux.


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  1   J'ai expliqué qu'il s'agissait d'une chose qui était reliée à l'ex-Article

  2   94ter. C'est la raison pour laquelle cette déposition, la déposition en

  3   question, avait été préparée. Je crois qu'il y avait eu encore deux

  4   documents de préparés pour une application en fonction et en vertu de

  5   l'article 94ter.

  6   Donc ces documents ont été rédigés et préparés en fonction en vertu de

  7   l'ancien Article, mais ils seront communiqués ultérieurement. Nous allons

  8   donc vérifier, une fois de plus, les dépositions préparées pour les 18

  9   témoins à venir et nous nous efforcerons de vérifier que rien ne nous a

 10   échappé.

 11   Notre intention a toujours été de procéder à une communication pleine et

 12   entière et si, toutefois, il y a quelques documents non communiqués, je

 13   tiens à vous affirmer et à vous assurer que cela est tout à fait fortuit

 14   et que nos intentions ont été tout à fait de bonne foi.

 15   M. Fourmy: Maître Krsnik, vous voulez intervenir?

 16   M. Krsnik (interprétation): La défense est satisfaite de cette position et

 17   de la réponse apportée. Ce que le collègue Scott vient de nous dire est

 18   tout à fait satisfaisant pour ce qui nous attend à l'avenir. Merci une

 19   fois de plus.

 20   M. Fourmy: Merci beaucoup.

 21   Maître Seric, est-ce que vous voulez ajouter quelque chose? Peut-être

 22   voulez-vous nous indiquer, pour le compte rendu, votre position par

 23   rapport à l'Article 66b) et à l'Article 67 du Règlement?

 24   M. Seric (interprétation): Monsieur Fourmy, pour ce qui est de la

 25   communication réciproque conformément à l'Article 66b), nous gardons la


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  1   position que nous avions eue jusqu'à présent.

  2   Pour ce qui est du reste de la documentation relative à nos travaux de

  3   séjour, à savoir les dépositions des témoins, j'estime qu'il faudrait

  4   qu'elle nous soit communiquée au plus tôt, et j'apprécie grandement la

  5   bonne volonté de notre éminent collègue Scott pour ce qui est de la

  6   communication au plus vite de ces documents.

  7   En plus des Statuts et Règlements, je voudrais faire une petite

  8   plaisanterie et dire comme le dit Shakespeare dans l'une de ses tragédies:

  9   cela fait "beaucoup de bruit pour rien".

 10   M. Fourmy: Puis-je reprendre simplement la parole en faisant encore plus

 11   de bruit que nécessaire? Je vous remercie, mais peut-être que j'ai la

 12   compréhension plus lente que les parties.

 13   Je voudrais revenir sur la question des pièces à conviction. Je comprends

 14   que le Procureur envisage de communiquer un classeur comprenant un certain

 15   nombre de pièces qui seront éventuellement utilisées dans le cadre des

 16   dépositions. J'aurais peut-être une question complémentaire: est-ce que ce

 17   classeur représente la totalité des pièces que le Procureur envisagerait

 18   d'utiliser, ou bien, est-ce que, conformément à ce qui se passe

 19   habituellement lorsque nous ne sommes pas dans un cadre de communication

 20   réciproque, le Procureur peut éventuellement se réserver le droit

 21   d'utiliser d'autres pièces, s'il l'estimait nécessaire?

 22   Parce que, comme je crois que c'est un peu la question qu'a posée Me

 23   Krsnik tout à l'heure, je voudrais que ce soit bien clair: qu'en fait, il

 24   me semble que l'interprétation habituelle du Règlement dit que "s'il n'y a

 25   pas communication réciproque, le Procureur pourra éventuellement utiliser


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  1   des pièces à conviction qui n'ont pas été communiquées au préalable à la

  2   défense". Mais je ne sais pas si c'est dans ce sens qu'il faut que

  3   j'interprète ce que disait M. le Procureur. S'il vous plaît?

  4   M. Scott (interprétation): Monsieur Fourmy, vous avez tout à fait raison

  5   une fois de plus dans vos appréciations, exception faite d'un élément qui

  6   est le suivant: la communication de ce classeur, qui se fera demain comme

  7   nous l'espérons, est un exemple parfait de ce que j'ai communiqué à deux

  8   reprises cet après-midi.

  9   Nous sommes tout à fait disposés à sortir des cadres de ce qui est imposé

 10   par les Articles en vigueur. Nous pensons tout à fait franchement que nous

 11   n'avons pas l'obligation, en vertu du 66b) et du 67, que nous n'avons pas

 12   l'obligation de communiquer certains documents avant que d'être obligés de

 13   le faire. Il est certain que, comme les Articles nous le disent, certaines

 14   pièces à conviction pourront être présentées pour la première fois lorsque

 15   nécessaire.

 16   Mais je tiens à dire que le Procureur va aller un pas au-delà de ce qui

 17   est exigé par le Règlement: nous sommes disposés à présenter ce classeur

 18   demain, mais sous réserve qu'il soit fait preuve d'une certaine souplesse

 19   dans le cas où il y aurait identification d'un document nouveau au cours

 20   du procès; nous nous réservons le droit de l'utiliser. Et si nous le

 21   faisons, je pense que nous n'enfreindrons aucune règle, étant donné que la

 22   défense n'a aucun droit de demander des pièces à conviction avant que

 23   celles-ci ne soient proposées à être versées au dossier. Mais nous sommes

 24   disposés, dès demain, à communiquer le classeur en question. Merci.

 25   M. Fourmy: Merci, Monsieur le Procureur.


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  1   Maître Krsnik ou Maître Seric, ces explications répondent-elles à vos

  2   préoccupations? Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?

  3   M. Krsnik (interprétation): Cela me convient et cela se fonde entièrement

  4   sur les Articles de ce Tribunal, du Règlement de ce Tribunal. Comme l'a

  5   dit notre collègue Scott, cela se fonde sur les Articles en vigueur à ce

  6   Tribunal. Donc tout ce que nous demandons, ce sont les documents relatifs

  7   aux déclarations des témoins.

  8   M. Fourmy: Merci. Maître Seric?

  9   M. Seric (interprétation): Ce que notre collègue Scott vient de dire est

 10   tout à fait acceptable pour moi et je remercie particulièrement le

 11   Procureur de sa bonne volonté.

 12   M. Krsnik (interprétation): Je tiens également à remercier pour ma part le

 13   Procureur de cet effort complémentaire; c'est un effort important et je

 14   tiens à l'en remercier.

 15   M. Fourmy: Ecoutez, je vous remercie tous de ces remerciements.

 16   En ce qui concerne la numérotation des pièces à conviction, tout le monde

 17   aura pu d'ailleurs au demeurant constater que nous avons les meilleurs

 18   interprètes du monde, puisque mon petit mot a eu l'honneur de vous faire

 19   plaisir.

 20   En ce qui concerne la numérotation des pièces à conviction, je ne peux

 21   parler que pour moi-même à ce stade, Me Krsnik, et je vais vérifier auprès

 22   des Juges ce qu'il en est exactement après avoir consulté Mme la

 23   Greffière. Mais il me semble que, dans la mesure où ces dépositions

 24   concernent le procès d'une manière générale, même si je conviens avec vous

 25   qu'il s'agit d'un Article 71 -donc quelque chose d'un peu spécial-, il est


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  1   souhaitable de leur donner un numéro qui serait le même que ces pièces

  2   auraient si les témoins venaient devant les Juges, dans le cadre normal de

  3   la procédure. De manière que -comme le Procureur l'a expliqué, comme Mme

  4   la Greffière y a insisté-, nous ayons de bout en bout une seule référence.

  5   La conséquence de la prénumérotation est qu'éventuellement, des numéros

  6   n'auront pas de pièces dans le futur. On peut imaginer que certaines

  7   pièces ne soient pas utilisées, le Procureur peut y renoncer et que, dans

  8   ces conditions, il y aura un blanc dans le tableau qui vous sera remis, au

  9   fur et à mesure éventuellement des débats, par Mme la Greffière, à votre

 10   demande, pour que vous ayez cette liste des pièces à conviction.

 11   Je crois qu'il est donc préférable pour tout le monde que nous partions de

 12   1 à… je ne sais pas. Dans certains dossiers, c'est 1500 ou 2000, sans

 13   parler des sous-numérotations. Et puis, que le moment venu, on vérifie

 14   quelle pièce a été effectivement soumise et, surtout, quelle pièce a été

 15   admise. Et si nous sommes bien d'accord, nous serons dans le domaine des

 16   pièces soumises, l'admission étant a priori réalisée et si les deux

 17   parties en sont d'accord; s'il y a une contestation, les Juges trancheront

 18   le moment venu.

 19   Pour le Procureur, nous aurons des numéros séquentiels. S'il n'y a pas de

 20   prénumérotation, comme nous l'avons vu tout à l'heure, en fait, Mme la

 21   Greffière indiquera le premier chiffre utile dans la série des chiffres

 22   utilisés pour la numérotation des pièces du Procureur.

 23   Pour la défense, je dirai que nous pouvons faire la même chose: si vous

 24   souhaitez utiliser des pièces à conviction, il est certainement très utile

 25   pour Mme la Greffière de pouvoir disposer de ces pièces en avance, qu'elle


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  1   puisse voir avec vous leur numérotation, vous en informer. Et que, dans le

  2   cadre du contre-interrogatoire, vous utilisiez ces pièces avec le numéro

  3   qui vous aura été donné par Mme la Greffière, étant entendu que, pour

  4   vous, cela commencera par D, signifiant "défense" et pas "déposition", et

  5   D2 pour ce qui concerne la défense de M. Martinovic. C'est purement

  6   arbitraire, il n'y a pas de hiérarchie d'aucune sorte: c'est simplement

  7   pour nous organiser.

  8   Est-ce que sur ces questions de numérotation, et sous réserve de la

  9   discussion que vous devez avoir avec Mme la Greffière de toute façon, les

 10   parties sont-elles d'accord?

 11   M. Scott (interprétation): L'accusation est d'accord.

 12   M. Krsnik (interprétation): Nous sommes d'accord.

 13   M. Seric (interprétation): Nous sommes également d'accord.

 14   M. Fourmy: Bien. Alors, je crois que si tout le monde est d'accord, nous

 15   aurions peut-être épuisé de notre ordre du jour des questions de procédure

 16   pour cet après-midi. Nous pourrions en profiter pour peut-être prendre un

 17   break -comme on ne dit pas en français- à une heure avancée et nous donner

 18   rendez-vous demain matin à 9 heures 15 pour la déposition d'un nouveau

 19   témoin.

 20   L'audience est levée. Merci.

 21   (L'audience est levée à 16 heures 29.)

 22  

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