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1 (Vendredi 21 septembre 2001.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 35.)
3 (Audience publique.)
4 (Le témoin, M. Ralf Rudiger Mrachacz, est déjà dans la salle.)
5 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière d'audience, veuillez
6 introduire l'affaire, s'il vous plaît.
7 Mme Thompson (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames
8 les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-98-34-T, le Procureur contre
9 Martinovic et Naletilic.
10 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik, avant que nous ne
11 reprenions nos travaux de ce matin, je voudrais dire une chose. Hier, vous
12 avez essayé, je crois, de nous dire quelque chose.
13 M. Krsnik (interprétation): Oui. Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,
14 Mesdames les Juges. Merci de me donner ainsi la parole.
15 Je m'excuse de vous avoir interrompu hier alors que vous étiez sur le
16 point de partir mais nous pensions qu'il s'agissait de quelque chose
17 d'important. Peut-être que nous avons d'ailleurs résolu le problème; j'en
18 suis même convaincu. Je ne veux pas que nous passions plus de temps sur
19 cette question. Nous avons pu trouver une solution après votre départ
20 d'hier.
21 M. le Président (interprétation): Merci. Mais je dois toutefois vous
22 avertir d'une chose: lorsque les Juges sont sur le point de quitter la
23 salle d'audience, il ne convient pas de les interrompre de la sorte. Il ne
24 faut pas poser ce genre de question, pas interrompre.
25 M. Krsnik (interprétation): J'en suis bien conscient, Monsieur le
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1 Président, et je vous fais toutes mes excuses. Mais étant donné que nous
2 n'avons pas le degré de communication aussi grand que nous le pourrions
3 avec mon client, il arrive que parfois des petites notes me parviennent de
4 façon un peu tardive.
5 Je suis bien conscient du fait que je ne dois pas demander la parole après
6 les Juges ont suspendu l'audience. C'est la raison pour laquelle, une fois
7 encore, je vous présente mes excuses.
8 M. le Président (interprétation): Merci.
9 Je me tourne vers vous, Monsieur Scott, est-ce que vous êtes prêt?
10 M. Scott (interprétation): Certainement, Monsieur le Président.
11 M. le Président (interprétation): Vous pouvez poursuivre.
12 (Interrogatoire principal du témoin, M. Ralf Rudiger Mrachacz, par M.
13 Scott.)
14 M. Scott (interprétation): Bonjour, Monsieur Mrachacz.
15 M. Mrachacz (interprétation): Bonjour.
16 Question: Avant de poursuivre, nous allons peut-être nous remémorer tous
17 ce qui a été dit hier, à la fin de notre séance. Nous parlions du
18 bombardement de la mosquée de Mostar.
19 Avant de poursuivre sur cette même série de questions, je voudrais revenir
20 un petit peu en arrière et aborder brièvement deux questions. J'attire
21 tout d'abord votre attention sur l'incident qui s'est produit avec le
22 camion-citerne, ce camion-citerne a été placé à Mostar, vous nous avez dit
23 qu'il avait explosé. Vous vous étiez entretenu avec le chauffeur par la
24 suite. Vous nous avez dit que cet incident s'était produit sur l'ordre de
25 "Tuta".
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1 Pourriez-vous, s'il vous plaît, expliquer aux Juges de la Chambre si vous
2 avez connaissance d'autres occasions où "Tuta" a eu recours à une même
3 pratique, ou a utilisé cette même tactique, donc utilisation d'essence
4 pour faire exploser un engin?
5 Réponse: Non. Je n'ai connaissance d'aucun autre incident dans le cadre
6 desquels ce type de substance aurait été utilisé.
7 Question: Voyons si je peux vous rafraîchir la mémoire. Est-ce qu'il n'y a
8 pas eu une attaque menée sur la colline de Velic en 1992, attaque menée
9 contre les Serbes? Est-ce que vous ne vous rappelez pas que de l'essence a
10 été utilisée en cette occasion-là?
11 Réponse: Il y a eu beaucoup de pertes et les unités serbes s'étaient
12 retirées vers leurs positions mais "Tuta" a fait mention de la possibilité
13 de faire sauter ces bunkers en versant de l'essence dessus mais, en fait,
14 nous ne sommes pas passés à l'acte.
15 Question: Une dernière question sur ce point: est-il exact de dire, ou du
16 moins pourriez-vous nous dire, si c'est quelque chose dont "Tuta" a parlé
17 à de nombreuses reprises? Est-ce qu'il a, à de nombreuses reprises, parlé
18 de l'utilisation d'essence, de substances de ce type? Est-ce que c'est
19 quelque chose qu'il évoquait souvent en tant que moyen de mener à bien
20 certaines pratiques?
21 Réponse: Non, nous ne pouvons pas dire cela.
22 Question: Fort bien. Monsieur Mrachacz, vous avez une très bonne
23 connaissance de la structure et du fonctionnement du Bataillon
24 disciplinaire, de sa structure de commandement, de ses constituants, de
25 ses composantes, n'est-ce pas? Avez-vous entendu ma question, Monsieur
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1 Mrachacz?
2 Réponse: Oui, j'ai entendu votre question, mais je ne sais pas très bien
3 ce que vous voulez dire.
4 Question: Vous avez une bonne connaissance de tous ces éléments car vous
5 avez été vous-même officier au sein du KB, vous avez une très bonne
6 connaissance de la structure et du fonctionnement du KB, vous savez fort
7 bien de quels éléments le KB était constitué, n'est-ce pas?
8 Réponse: Non, on ne peut affirmer une telle chose. Je ne suis pas au
9 courant de toutes les choses ayant trait au KB étant donné que je n'avais
10 pas de fonction au sein du quartier général. Il y avait un certain nombre
11 de choses dont je n'avais pas connaissance.
12 Question: Eh bien, moi je dis qu'hier, dans le cadre de votre déposition,
13 vous avez fait état, montre d'une connaissance profonde du fonctionnement
14 et de la structure du KB. Alors, je vais vous demander si, sur la base de
15 cette connaissance, vous pouvez nous dire quoi que ce soit d'autre ce
16 matin eu égard à l'une des composantes du KB qui a été basée à Mostar, et
17 ne parle pas de l'Héliodrome mais bien de Mostar?
18 Réponse: Non, pour ce qui est de Mostar, je n'ai aucune information à vous
19 communiquer. Moi, généralement je restais à Siroki Brijeg et donc je n'ai
20 pas connaissance de ce qui se passait à Mostar.
21 Question: Le 17 février 1998, vous avez signé une déclaration écrite;
22 n'est-ce pas exact?
23 Réponse: C'est exact.
24 Question: Permettez-moi alors de vous rafraîchir la mémoire.
25 Réponse: La seule chose dont j'ai connaissance à propos de Mostar, c'est
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1 l'expulsion des Musulmans qui ont été repoussés vers l'autre côté de la
2 ville. Mais de quelle façon, cela s'est passé, je ne le sais pas; je ne
3 peux pas faire de déclaration sur ce point. Des membres de mon unité m'ont
4 dit, dès le lendemain, qu'ils avaient pris part à cette opération. Mais
5 qui était responsable de l'opération? Qui avait connaissance de cette
6 opération? Je ne le sais pas.
7 Question: J'apprécie cet effort d'éclaircissement que vous faites;
8 réellement. Mais ma question pour le moment est celle-ci: est-ce que vous
9 n'avez pas souvenir de la position de l'une des autres composantes du KB
10 dans la ville de Mostar? C'est cela qui m'intéresse et je vais essayer de
11 vous poser d'autres questions allant dans ce sens.
12 Vous avez fait une déclaration le 17 février 1998, n'est-ce pas?
13 Réponse: C'est exact.
14 Question: Je m'excuse auprès des interprètes: je crois les avoir
15 interrompus.
16 Pour ce qui est de cette unité à Mostar, si vous regardez votre
17 déclaration en date du 17 février 1998, est-ce que vous seriez à même de
18 retrouver certains éléments d'information?
19 Réponse: Eh bien, a priori, je ne me souviens pas, je ne sais pas quelle a
20 été la teneur de ma déclaration ce jour-là. Ce que j'ai dit reposait sur
21 de l'ouï-dire et je ne peux donc pas dire avec certitude s'il s'agit bien
22 du reflet de la vérité ou pas.
23 M. Scott (interprétation): Monsieur l'Huissier, je vais vous demander de
24 bien faire vouloir parvenir cette déclaration au témoin. J'indique aux
25 conseils de la défense que je fais référence à la déclaration préliminaire
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1 de M. Mrachacz, prise le 17 février 1998.
2 M. le Président (interprétation): Deux choses: d'abord, il nous faudrait
3 avoir un exemplaire de ce document; ensuite, je vois que M. Meek est
4 debout et je lui cède la parole.
5 M. Meek (interprétation): Merci, Monsieur le Juge. Il me semble que
6 l'accusation essaie de récuser son propre témoin en lui soumettant des
7 déclarations qui, supposément, ont été recueillies il y a trois ans. Je ne
8 crois pas qu'il soit convenable que l'accusation procède de la sorte vis-
9 à-vis de son propre témoin. Il n'y a aucun mécanisme dont j'ai
10 connaissance, aucune procédure au sein de ce Tribunal qui permette de
11 faire d'un témoin un témoin hostile, de le libeller comme tel ou de
12 l'étiqueter comme tel.
13 Je ne crois pas que ce témoin soit un témoin hostile. Ce témoin essayait
14 de répondre aux questions posées dans la mesure de ses possibilités. Nous
15 voyons maintenant que le Procureur soumet à ce témoin une déclaration
16 supposément recueillie le 17 février 1998. L'accusation distribue cette
17 déclaration à l'ensemble des parties ici présentes. Or le témoin a déjà
18 déclaré qu'il n'avait pas souvenir de ce qu'il avait dit. Il nous a dit
19 que ses souvenirs aujourd'hui ne seraient peut-être pas cohérents avec la
20 teneur de cette déclaration.
21 Le principe de l'équité des âmes suppose que la défense n'est pas
22 autorisée à faire un contre-interrogatoire sur un document tel que la
23 déclaration en date du 17 février. Si vous permettez à cette procédure
24 d'être utilisée, la défense verra ses intérêts lésés, elle ne pourra pas
25 vraiment confronter les accusateurs. Nous pensons vraiment que vous allez
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1 nous mettre dans cette position défavorisée si vous acceptez cette
2 procédure.
3 Nous faisons fortement objection s'il ne s'agit pas d'un témoin hostile;
4 au contraire, ce témoin essaie de répondre de façon sincère aux questions
5 qui lui sont posées. Il est malheureux que l'accusation soit d'avis que le
6 témoin n'essaie pas de lui répondre convenablement. Le fait que le témoin
7 ne peut pas nous en dire plus qu'il ne le fait à l'heure actuelle ne veut
8 pas dire qu'il est un témoin hostile. Il faut absolument préserver les
9 droits de mon client, M. Naletilic, et notamment son droit à un procès
10 équitable.
11 (Les Juges se consultent sur le siège.)
12 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président?
13 (Les Juges se consultent toujours sur le siège.)
14 M. le Président (interprétation): Maître Scott, j'estime que vous devriez
15 aider votre témoin à franchir les étapes une par une, plutôt que de sauter
16 d'une chose à l'autre. Et plutôt que de passer directement à cette
17 déclaration, vous pourriez d'abord demander à ce témoin s'il se souvient
18 avoir fait cette déclaration et, ensuite, vous pourriez en venir aux
19 détails qui sont d'intérêt pour vous.
20 Je crois que Mme la Juge Clark souhaite intervenir.
21 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, nous n'avons pas eu la
22 possibilité d'exprimer quelle est notre position, quel est notre avis.
23 Alors, j'aimerais, à un certain stade, pouvoir le faire, si vous le
24 permettez.
25 Mme Clark (interprétation): Je suis tout à fait d'accord avec le
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1 Président: dans l'intérêt de la justice et dans le respect notamment de
2 l'Article 89 du Règlement, la Chambre de Première Instance peut accepter
3 ou rejeter tout élément de preuve qui lui semble peu fiable. Pour
4 l'instant, nous n'en savons rien. Peut-être que ce témoin n'apporte aucune
5 aide que ce soit, que ce soit à la défense ou à l'accusation mais, dans
6 l'intérêt de l'administration de la justice, nous pensons que vous devez
7 tout d'abord demander à ce témoin s'il a effectivement fait cette
8 déclaration et que vous devez ensuite lui demander si la teneur de cette
9 déclaration est véridique. En fonction de ses réponses à ces deux
10 questions, je suis certaine que vous-même vous saurez si vous souhaitez ou
11 non poursuivre l'interrogatoire de ce témoin. Mais c'est quelque chose qui
12 vous revient, Maître Scott.
13 Pour ce qui est de vous, Maître Meek, votre préoccupation quant au fait
14 que la déposition de ce témoin est en train d'être mise en cause, eh bien
15 c'est une décision qui nous revient à nous, Juges, de prendre. Je sais que
16 c'est quelque chose qui ne se produit pas souvent dans le cadre d'autres
17 procès. Il nous revient à nous de nous prononcer sur l'importance et la
18 foi que nous donnons aux propos du témoin. Il faut preuve d'un petit peu
19 de patience Maître.
20 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je suis en total
21 désaccord avec les conseils de la défense et je suis également quelque peu
22 en désaccord avec les déclarations faites par la Chambre. Personne n'a
23 exactement fait état de la position de l'accusation. Etant donné que nous
24 n'avons pas eu l'occasion de faire état de notre position, je souhaiterais
25 que nous ayons l'autorisation de nous exprimer sur ce point. Est-ce que
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1 nous pouvons essayer de rendre notre conduite plus claire avant que
2 d'autres déclarations soient faites?
3 (Les Juges se consultent sur le siège.)
4 M. le Président (interprétation): Eh bien, à ce stade, je crois qu'il ne
5 devrait pas y avoir d'interprétation de ce qui est dit pour le témoin. Il
6 s'agit d'un débat juridique, nous ne parlons pas de choses factuelles et
7 il s'agit notamment de répondre à la requête formulée par Me Meek. Mais
8 nous nous trouvons dans des situations assez extraordinaires. Lorsque nous
9 regardons le Règlement, lorsque nous regardons les précédents établis par
10 d'autres Chambres de première instance et si nous regardons la pratique
11 qui prévaut de par le monde, de façon générale, il n'existe pas de telles
12 Règles. Règles qui interdisent aux témoins d'entendre les objections qui
13 sont posées ou soulevées quant aux questions qui sont posées aux témoins.
14 Ici, nous traitons de questions juridiques. Par conséquent, le témoin ne
15 va pas être autorisé à suivre la teneur de nos débats.
16 M. Meek (interprétation): (Hors micro.)
17 (L'interprète pense comprendre qu'il manifeste son accord à l'égard du
18 Juge.)
19 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, vous avez la parole.
20 M. Scott (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président.
21 L'accusation n'essaie pas de récuser ce témoin. Il y a un certain nombre
22 de choses qui peuvent être faites vis-à-vis du témoin, un certain nombre
23 de procédures qui peuvent être entamées. J'estime que le Règlement de
24 procédure et de preuve qui régit le fonctionnement de cette Institution
25 est assez largement, ou intègre assez largement différentes pratiques
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1 juridiques, et il va surtout dans le sens où il faut admettre et entendre
2 le plus d'éléments de preuves probants que possible. Ainsi, les Juges de
3 la Chambre peuvent, à terme, étudier les éléments de preuve et décider du
4 point à leur attribuer. Il n'y a rien dans le Règlement qui interdise que
5 des questions soient formulées à l'égard de témoin de telle sorte à ce que
6 certains types de réponses soient apportés. Il n'y a aucun article du
7 Règlement qui se prononce contre l'ouï-dire. Il y a aucun article du
8 Règlement qui indique quoi que soit quant à la récusation de son propre
9 témoin. Le Règlement s'inspire d'une philosophie très large, si vous
10 voulez. Bien sûr, il y a un certain nombre d'éléments dont il faut tenir
11 compte mais ayant dit cela, je voudrais simplement faire état des
12 pratiques qui sont celles de notre Institution et qui sont parfois très
13 différentes de celles qui sont en vigueur dans les différents pays dont
14 nous venons.
15 En essayant de rafraîchir la mémoire du témoin, je n'essayais pas de le
16 récuser et je ne voudrais pas qu'il y ait quiproquo. Je ne voudrais pas
17 qu'il y ait mauvaise interprétation de ce que nous essayons de faire.
18 J'essaie simplement d'aider le témoin à se remémorer certaines choses, et
19 souvent les Juges permettent au conseil de l'une ou l'autre partie d'aider
20 le témoin à retrouver des éléments d'information. C'est la raison des
21 questions que je posais. Mais apparemment, il y a maintenant une certaine
22 confusion qui règne sur le but que je poursuivais.
23 Deuxièmement, et le compte rendu en fera état très clairement, j'ai
24 d'abord demandé au témoin s'il avait fait une déclaration. Il m'a répondu
25 par l'affirmative. Il m'a dit qu'il en avait fait une, le 17 février 1998.
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1 C'est là où nous nous trouvions lorsque le conseil de la défense s'est
2 dressé et a demandé l'intervention de la Chambre.
3 Moi, je voudrais essayer d'aller de l'avant. Je voudrais essayer de
4 respecter la procédure dont j'ai connaissance. Si à terme la Chambre de
5 première instance n'est pas en accord avec ce qui est fait, eh bien, elle
6 peut intervenir; elle peut aussi choisir d'exclure les éléments de preuves
7 versés par le biais de ce témoin.
8 Mais je ne n'essaie pas de récuser ce témoin. J'essaie simplement de lui
9 rafraîchir la mémoire, notamment quant à la teneur de sa déclaration
10 antérieure.
11 (Les Juges se consultent sur le siège.)
12 M. le Président (interprétation): Maître Par, je vous vois debout. Vous
13 aussi, vous voulez prendre la parole?
14 M. Par (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Un petit
15 commentaire sur ce que vient de dire mon éminent collègue de la partie
16 adverse. Je reviens sur ce qu'il a dit quant au fait qu'il souhaitait
17 rafraîchir la mémoire du témoin.
18 Je sais que, dans certaines situations, l'accusation doit rafraîchir la
19 mémoire des témoins qui viennent devant elle, mais ici une pression est
20 exercée sur le témoin. On n'a pas essayé ici de rafraîchir la mémoire du
21 témoin. En fait, l'accusation, par le biais de certaines questions, a
22 essayé d'atteindre un certain but mais n'a pas réussi à le faire. Alors,
23 ensuite l'accusation a demandé au témoin si le témoin avait fait une
24 déclaration et il se proposait à l'instant de soumettre cette déclaration
25 au témoin et il se proposait de montrer au témoin ce que celui-ci avait
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1 dit antérieurement. Donc il exerce une certaine pression sur les épaules
2 du témoin. Si l'intention de l'accusation était véritablement de
3 rafraîchir les souvenirs du témoin, il y avait d'autres moyens d'y
4 arriver, d'autres questions qu'il aurait pu poser.
5 L'accusation aurait dû commencer par demander au témoin ce qu'il avait dit
6 dans le cadre de cette déclaration préliminaire. Et, ensuite, s'il y avait
7 une incohérence ou s'il y avait divergence, eh bien, il aurait pu
8 soumettre au témoin sa déclaration préliminaire et il aurait pu essayer de
9 faire toute la lumière sur la question.
10 Mais dans le cas d'espèce, nous avons vu qu'immédiatement la déclaration a
11 été donnée au témoin afin que celui-ci puisse la lire et afin que celui-ci
12 trouve en fait l'élément de réponse que l'accusation souhaitait obtenir.
13 Je ne veux pas trop retarder l'avancée de nos débats, mais je crois qu'une
14 pression injustifiée est exercée sur le témoin.
15 Je demande à cette Chambre d'interdire ce type de questionnement. Je crois
16 que l'accusation a d'autres mécanismes auxquels elle peut recourir pour
17 rafraîchir la mémoire du témoin.
18 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, est-ce que vous
19 souhaitez ajouter quoi que soit?
20 M. Scott (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
21 Maître Par vient de décrire ce que nous avons fait hier. Nous avons suivi
22 les étapes qu'il a énoncées.
23 Hier, à la suite de ces questions, le témoin ne s'est souvenu de rien
24 d'autre. J'ai recommencé, mais jusqu'à présent je n'ai eu l'occasion de
25 lui demander s'il avait fait une déclaration, je ne l'ai obligé à rien
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1 faire. Je ne l'ai pas obligé à faire quoi que ce soit. Je ne lui ai pas
2 encore demandé de lire quoi que ce soit.
3 J'essaie simplement de suivre une procédure sur la base de ce qui a été
4 dit hier. J'essaie de savoir s'il nous dit absolument tout ce dont il se
5 souvient sur le sujet qui nous intéresse.
6 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Meek.
7 M. Meek (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Mon objection à ce
8 qui vient d'être dit a déjà été notée.
9 Cette procédure me semble mauvaise, car si Maître Scott en est arrivé au
10 point où il doit demander le versement au dossier de la déclaration qui a
11 été faite il y a trois ans, s'il en arrive au point où il doit soumettre
12 cette déclaration au témoin pour que celui-ci l'examine et se rafraîchisse
13 la mémoire, eh bien, si cette déclaration est soumise en même temps aux
14 Juges de la Chambre et au témoin, et si le témoin à la lecture de cette
15 déclaration est incapable de se souvenir de quoi que soit, la Chambre
16 dispose tout de même de ladite déclaration!
17 Comme Mme Clark l'a dit, il y a d'autres façons de procéder si l'on
18 souhaite rafraîchir la mémoire de ce témoin. Il n'y a pas qu'une seule
19 solution qui conviendrait à remettre la déclaration entre les mains du
20 témoin.
21 Il faut que ce document soit remis, en tout cas principalement, à ceux qui
22 ont à se prononcer sur les faits.
23 M. le Président (interprétation): Maître Scott, il faut que nous mettions
24 fin à ce débat, alors c'est votre dernière chance de vous exprimer sur la
25 question.
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1 M. Scott (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.
2 Je voudrais dire que je suis, ici, en plein accord avec Me Meek au moins
3 sur un point. Je suis d'accord avec le fait, avec tout le respect que nous
4 devons aux Juges, que les Juges ne doivent pas bénéficier de la lecture de
5 ce document et c'est bien la pratique qui prévaut dans les systèmes dont
6 sont issus Me Meek et moi-même.
7 Le document n'est pas admis au dossier, il est simplement utilisé comme
8 quelque chose qui permet de raviver les souvenirs du témoin. Il ne s'agit
9 pas d'un élément de preuve. Le document n'est pas placé entre les mains
10 des Juges.
11 Dans mon système juridique, ce serait les membres du jury qui
12 regarderaient ce document. Rien ne serait remis entre les mains des Juges.
13 Donc sur ce point, je suis d'accord avec Me Meek.
14 Il faut voir si ce document aide le témoin à se remémorer quelque chose ou
15 pas. S'il dit que ce n'est pas le cas, qu'il n'a rien à ajouter, eh bien,
16 voilà, c'est fini! Il nous dira s'il y a d'autres choses dont il se
17 souvient.
18 Voici la procédure qui, il me semble, pourrait être suivie. Mais du
19 système dont je suis issu, la procédure que j'ai énoncée à l'instant
20 prévaut. Maintenant, il vous revient de prendre la décision en dernière
21 instance, bien sûr.
22 (Les Juges se consultent sur le siège.)
23 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, après avoir entendu les
24 deux parties, et après avoir consulté les Juges, nous avons décidé que
25 vous pouvez montrer au témoin la déclaration qu'il a faite il y a trois
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1 ans, simplement pour rafraîchir sa mémoire.
2 Mais j'espère que ce document sera versé au dossier à une étape
3 ultérieure, si -et je dis bien si- nous trouvons qu'une valeur probante
4 découle de cette déclaration, en accord avec le témoignage de ce témoin.
5 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Scott.
6 M. Scott (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
7 Monsieur le Témoin, vous avez un document devant vous et, encore une fois,
8 Monsieur le Président, nous croyons que nous ne devrions pas verser ce
9 document au dossier, mais c'est bien à vous bien sûr de vous prononcer là-
10 dessus. Et vous l'avez déjà fait.
11 Monsieur l'huissier, je voudrais vous demander de retirer ce document de
12 la main du témoin, car je veux suivre les étapes et je crois que nous
13 devrions peut-être accorder une cote provisoire à ce document.
14 (L'huissier s'exécute.)
15 C'est une cote provisoire qui sert seulement pour identifier le document;
16 ce n'est pas du tout une indication visant à verser ce document au
17 dossier.
18 Mme Thompson (interprétation): Il s'agit de la cote provisoire ID1.
19 M. Scott (interprétation): Merci, Madame.
20 Monsieur l'huissier, pourriez-vous montrer au témoin le document qui porte
21 la cote provisoire ID1?
22 (L'huissier s'exécute.)
23 Monsieur Mrachacz, je vous demanderai de prendre ce document et d'aller à
24 la quatrième page de ce document. Les pages ne suivent pas l'ordre: je ne
25 sais pas si le chiffre 4 apparaît vraiment sur cette page, mais je parle
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1 de la quatrième page à partir du début. Est-ce que vous voyez votre
2 signature apparaissant sur cette page?
3 M. Mrachacz (interprétation): Oui.
4 Question: Quelle est la date sous la signature en question?
5 Réponse: Oui, la même.
6 Question: Et quelle est la date? Est-ce que c'est bien le 17 février 1998?
7 Réponse: Le 17 février 1998.
8 Question: Au-dessus de votre signature, sur cette même page, on peut
9 également apercevoir vos initiales. Est-ce que c'est exact?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Vous souvenez-vous d'avoir fait cette déclaration le 17 février
12 1998 et de l'avoir signée à cette date-là?
13 Réponse: Oui. C'est exact.
14 Question: Lorsque vous avez signé votre déclaration, Monsieur, vous
15 croyiez que ce que vous aviez déclaré était la vérité et que c'était
16 quelque chose que vous disiez du meilleur de votre souvenir?
17 Réponse: J'espère que cela est exact. Tout est écrit en langue anglaise et
18 je ne connais pas la teneur exacte de ce document. Donc il serait mieux
19 que vous me posiez une question concrète pour que je puisse vous répondre
20 de façon concrète car, autrement, je ne sais pas de quoi vous parlez
21 exactement.
22 M. Scott (interprétation): C'est exactement ce que j'ai l'intention de
23 faire. Et, pour qu'il n'y ait absolument aucun malentendu, je voulais
24 simplement savoir si, au-dessus de votre nom, vous dites que vous
25 confirmez que cette déclaration vous a été relue dans la langue allemande
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1 et que c'est un document authentique, rédigé par vous-même, du meilleur de
2 votre connaissance.
3 M. le Président (interprétation): Maître Meek, vous vous êtes levé?
4 M. Meek (interprétation): Avant que mon éminent collègue ne débute cette
5 série de questions, il doit établir les bases nécessaires pour poser ses
6 questions.
7 Je crois qu'il faudrait qu'il lui pose la question d'abord si le témoin se
8 rappelle avoir fait cette déclaration, où le témoin a fait cette
9 déclaration et dans quelles circonstances il l'a faite. Est-ce qu'il était
10 sous l'effet de quelque substance quoi que soit, telle que l'alcool ou la
11 drogue? Qui était présent lorsqu'il a donné sa déclaration? Est-ce que sa
12 déclaration a été faite de façon volontaire?
13 Ce sont les bases qui doivent être bien établies avant que le Procureur ne
14 commence à poser des questions bien précises à ce témoin.
15 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, vous pouvez aider votre
16 témoin à franchir les étapes nécessaires.
17 M. Scott (interprétation): Je crois que je dois malheureusement éprouver
18 mon désaccord envers mon éminent collègue, mais ce n'est certainement pas
19 la façon de procéder dans le système duquel je proviens. Je peux par
20 exemple montrer au témoin un linge de couleur de rouge et savoir s'il se
21 souvient de cette chose, par exemple. Mais revenons.
22 Monsieur Mrachacz, je vous demanderai maintenant d'examiner ce document.
23 Je vous demanderai de vous concentrer sur la traduction que vous fera
24 l'interprète et je demanderai à ce que vous alliez à la page 3, au
25 paragraphe 4, qui commence avec les paroles "J'ai entendu ..."
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1 Je ne sais pas si vous voulez entendre l'interprétation.
2 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, c'est à vous.
3 Mme Clark (interprétation): Puis-je vous poser une question, Monsieur
4 Scott?
5 Si jamais ce genre de problème revient de nouveau, est-il possible que la
6 déclaration du témoin, faite dans la langue originale du témoin, soit
7 retenue quelque part dans votre bureau et que l'on puisse montrer au
8 témoin ce document-là avec le document traduit?
9 M. Scott (interprétation): Tout dépend de la nature de la déclaration. Il
10 n'y a pas de déclaration rédigée en langue allemande de cette déclaration.
11 Cette déclaration a été prise en langue anglaise et, par la suite, on a
12 donné lecture au témoin; on a traduit en allemand. C'est ainsi également
13 pour les témoins qui donnent leur déclaration en langue BCS ou espagnole.
14 Il n'y a jamais de déclaration prise en langue originale.
15 Mme Clark (interprétation): La déclaration n'a pas été faite en allemand
16 et, par la suite, a été traduite en anglais, n'est-ce pas?
17 M. Scott (interprétation): Non. Les déclarations, dans la plupart des cas,
18 dans ce cas-ci en tout cas, cette déclaration a été collectée, a été prise
19 en langue anglaise et, par la suite, on a traduit et donné lecture au
20 témoin.
21 Mme Clark (interprétation): Bien. Merci, je vois.
22 Donc nous devrions donner un peu de temps à l'interprète pour qu'elle
23 puisse faire la traduction au témoin.
24 M. Scott (interprétation): Oui. Merci.
25 (L'interprète traduit la déclaration au témoin.)
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1 M. Mrachacz (interprétation): Oui, c'est exact.
2 Question: Monsieur le Président, à cette étape-ci en fait, en temps
3 normal, j'enlèverais le document des yeux du témoin mais, dans ce cas-ci,
4 je crois que cela ne fait pas de différence.
5 Mais toujours est-il que je vais demander, simplement pour éviter tout
6 malentendu, s'il vous serait possible de tourner, Madame, le document de
7 sorte que l'on ne puisse pas le lire, pour que le témoin ne puisse pas le
8 voir.
9 (Intervention de la Greffière.)
10 Monsieur Mrachacz, après avoir revu ce document, est-ce que cela
11 rafraîchit votre mémoire quant aux informations supplémentaires dont vous
12 avez connaissance, particulièrement concernant certaines composantes du KB
13 à Mostar?
14 Réponse: Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il est vrai que nous
15 travaillions avec d'autres unités qui nous approvisionnaient en
16 nourriture. Plusieurs unités différentes combattaient ensemble. "Tuta"
17 était à la tête de toutes ces unités. Il avait le commandement suprême.
18 Mais il est vrai que je ne sais pas quelles étaient leurs intentions
19 exactes.
20 J'ai simplement mentionné dans cette déclaration qu'il nous arrivait
21 parfois d'être ensemble, que plusieurs unités pouvaient être placées
22 ensemble et qu'à ce moment-là, nous nous faisions approvisionner ensemble.
23 Question: Je ne vous demande pas d'extrapoler, mais je vous pose une
24 question simple; elle n'est pas de savoir si vous savez quels étaient les
25 ordres donnés à cette unité.
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1 Ecoutez ma question, s'il vous plaît. Votre mémoire est rafraîchie
2 maintenant: vous vous souvenez maintenant du nom de cette unité qui a été
3 basée à Mostar?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Quel était le nom de cette unité, s'il vous plaît?
6 Réponse: Je ne pourrais pas vous dire de quoi il s'agit lorsque vous
7 parlez de Mostar.
8 Question: Ecoutez ma question, s'il vous plaît: le nom de l'unité. Vous
9 avez dit que vous avez opéré ensemble avec ces unités, vous vous faisiez
10 approvisionner ensemble ces unités.
11 Quel était le nom de cette unité, en question?
12 Réponse: Je m'excuse, mais je ne le sais pas. C'est tout à fait simple, je
13 ne le sais pas. La seule unité dont j'ai connaissance à Mostar, c'est la
14 Brigade "Bruno Busic", car c'était une unité importante, de grande taille.
15 Pour les autres unités, je n'ai entendu parler de ces unités que par ouï-
16 dire et je sais qu'elles avaient participé à certaines opérations.
17 Question: Est-ce que vous avez pris 800 rations de nourriture? Est-ce que
18 vous avez envoyé un tel approvisionnement à l'unité de Mostar?
19 Réponse: Nous n'avons jamais pris de telles provisions à Mostar. Si nous
20 le faisions, c'était pour le terrain. Il y avait d'autres détachements de
21 Posusje et d'autres unités; ces gens-là se faisaient approvisionner sur
22 place.
23 Question: Et cette unité de Mostar était venue à Siroki Brijeg pour
24 obtenir les approvisionnements? Vous dites que vous n'êtes pas allé à
25 Mostar: est-ce que cette unité s'est présentée à Siroki Brijeg pour
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1 obtenir des provisions?
2 Réponse: Non. Cette unité ne s'est jamais présentée à cet endroit.
3 L'endroit où les gens pouvaient s'approvisionner, c'était à l'Hôtel Park
4 et ce n'est que notre unité à nous qui pouvait obtenir des
5 approvisionnements de cet endroit-là.
6 Question: Monsieur, est-ce que vous avez connaissance de quelques ATG de
7 la région de Mostar qui n'étaient pas sous le commandement de "Tuta"?
8 Réponse: S'agissant d'unités qui faisaient partie du KB, elles étaient
9 toutes sous le commandement de "Tuta". Quant aux autres unités, cela
10 dépendait si elles étaient rattachées à nous ou non.
11 Question: Monsieur le Président, je vais poursuivre; en fait, je vais
12 passer à autre chose. Je ne vais pas m'excuser pour le temps que cela a
13 pris, car je crois que cette procédure a été appropriée. Donc je vais
14 passer à autre chose.
15 Monsieur Mrachacz, hier après-midi, nous parlions du pilonnage de la
16 mosquée à Mostar. Vous nous avez dit que vos Bofors, tels que vous les
17 avez appelés, ont servi lors de cette opération. Et je vous ai demandé
18 hier si vous vous souveniez si d'autres mortiers ou d'autres pièces
19 d'artillerie, outre les fusils d'infanterie, étaient utilisés pour faire
20 cette opération, pour suivre les ordres de pilonner la mosquée?
21 Réponse: D'après ce que nous pouvions voir, il y avait plusieurs armes. Il
22 y avait deux Bofors et il y avait également un véhicule blindé, ainsi que
23 des mortiers.
24 Question: Pourriez-vous nous dire quelles étaient les démarches
25 entreprises par les Bofors pour viser la mosquée de Mostar à cette époque,
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1 durant cette opération?
2 Réponse: Je ne peux pas le dire, car nous avons simplement vu que la
3 mosquée s'était effondrée. Quant aux armes employées, nous n'étions pas en
4 mesure de voir.
5 Question: Monsieur Mrachacz, de nouveau, je m'excuse du fait que nous ne
6 semblons pas pouvoir communiquer; c'est probablement mon erreur à moi.
7 Je ne vous demande pas si vous avez vu si la mosquée s'était effondrée,
8 mais je vous pose la question suivante: est-ce que vous pourriez décrire à
9 la Chambre quelles sont les étapes entreprises lorsque vous utilisiez
10 votre arme afin de détruire cette mosquée, alors que vous suiviez les
11 ordres de "Tuta"? Quelles sont les étapes que vous avez entreprises?
12 Qu'est-ce que vous avez fait?
13 Réponse: Je veux réitérer que notre arme n'avait pas tiré en direction de
14 la mosquée. L'ordre que nous avions reçu, c'est que l'infanterie qui avait
15 été déployée vers Mostar et qui s'était dirigée en direction de l'hôtel
16 dans Mostar, et là où il y avait des unités musulmanes cachées, l'ordre
17 était reçu de tirer sur eux.
18 Quant au feu que nous avions ouvert avec les Bofors, nous avons d'abord
19 ciblé la mauvaise cible et, par la suite, on nous a dit qu'il nous fallait
20 nous concentrer sur une autre cible; et la raison pour cela c'est qu'en
21 réalité, nous avions installé la mauvaise distance dans notre arme.
22 Question: Pourriez-vous expliquer à la Chambre la quantité de feu que vous
23 avez observée et qui était dirigée dans Mostar suivant cet ordre de
24 détruire la mosquée?
25 Réponse: Je ne pourrais pas vous dire quelle était l'intensité du feu mais
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1 je pourrais vous dire qu'il y avait plusieurs les Bofors. Il y avait des
2 mortiers, et je ne sais pas où ils étaient placés exactement.
3 Question: Vous ne vous souvenez pas d'avoir tiré 70 à 80 rondes depuis les
4 Bofors à ce moment-là?
5 Réponse: Oui, bien sûr que nous avions tiré depuis les Bofors mais pas en
6 direction de la mosquée.
7 Question: Est-ce que quelque chose s'est passé? Vous avez déjà parlé de
8 cela mais je voudrais que l'on en reparle de nouveau. Mais, est-ce que
9 vous avez vu que quelque chose est survenu à la mosquée suite à ce feu? Je
10 ne vous parle pas du pilonnage en général mais suite à ce pilonnage
11 précis?
12 Réponse: J'ai simplement pu voir que la mosquée avait été complètement
13 détruite mais je ne sais pas si c'étaient des tirs provenant de chars
14 d'assaut ou si c'étaient par mortiers, je ne pourrais pas vous dire.
15 M. Scott (interprétation): Bien. Monsieur Mrachacz, hier vous nous avez
16 parlé de la deuxième opération menée sur Doljani. Vous avez dit que "Tuta"
17 avait donné l'ordre qu'aucun prisonnier ne devait être pris. Vous
18 souvenez-vous s'il y a eu d'autres incidents où on aurait donné des ordres
19 semblables en été 1993?
20 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Meek?
21 M. Meek (interprétation): Je crois que M. Scott hier a dit que l'ordre qui
22 avait été émis est qu'il n'était pas nécessaire de constituer des
23 prisonniers et non pas que l'on ne doive pas prendre de prisonnier. Je
24 crois qu'il cite d'une façon erronée ce que le témoin lui a déjà dit hier.
25 M. le Président (interprétation): Bien.
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1 Monsieur Scott, vous pourriez peut-être reposer la question à votre témoin
2 pour vous assurer de bien savoir de quoi on parle exactement.
3 M. Scott (interprétation): Oui, très bien.
4 Témoin, pourriez-vous, s'il vous plaît, préciser quand vous avez parlé de
5 cela hier, lors de votre témoignage, et que vous avez dit qu'on ne devrait
6 pas constituer de prisonnier lors de cette opération. Qu'est-ce que vous
7 aviez compris exactement? Qu'est-ce que cela voulait dire pour vous ?
8 M. Mrachacz (interprétation): J'ai cru comprendre que c'était suite à la
9 perte de Cikota et c'était la seule fois que cet ordre avait été émis.
10 Quant à ce que j'ai dit hier, cela ne s'est pas passé car cette attaque
11 avait été avortée avant qu'elle ne débute.
12 M. Scott (interprétation): Je crois que vous avez répondu à ma question en
13 disant cela. Mais simplement pour clarifier, vous ne vous souvenez pas
14 qu'un ordre semblable avait été émis au cours de l'été, de cet été-là?
15 Réponse: Non, ce genre d'ordre n'avait pas été donné.
16 Question: Bien. Passons maintenant à autre chose. Est-ce que vous êtes
17 jamais…, vous êtes-vous rendu à quelque moment que ce soit dans la villa
18 où vivait "Tuta", lorsque vous étiez associé à ce groupe?
19 Réponse: Oui, j'y allais souvent.
20 Question: Est-ce que l'huissier pourrait montrer des photographies au
21 témoin, s'il vous plaît? Il s'agit de deux photographies: la pièce 25.5 et
22 25.6, pour le compte rendu d'audience.
23 (L'huissier s'exécute.)
24 Monsieur l'huissier, si vous n'allez pas vous servir de ces photographies,
25 je vais les prendre, s'il vous plaît.
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1 Une question: commençons avec la pièce 25.5. Pourriez-vous, s'il vous
2 plaît, Monsieur l'huissier, placer cette photographie sur le
3 rétroprojecteur? Tous ces documents se trouvent en fait dans le classeur
4 n°1, mais il est très souvent plus facile de simplement suivre sur le
5 rétroprojecteur. Pourriez-vous nous dire ce que nous apercevons sur cette
6 photographie cotée 25.5?
7 Réponse: C'est la maison de Tuta.
8 Question: Pourriez-vous maintenant visionner la photographie 25.6, s'il
9 vous plaît, et nous dire de quoi il s'agit et ce qu'elle représente?
10 Réponse: C'est la même photographie de nouveau.
11 Question: Non, ce n'est pas vraiment la même photographie, Monsieur. Mais
12 c'est une photographie qui nous montre quoi?
13 Réponse: Non. C'est la même maison, en fait.
14 Question: Pourriez-vous nous dire le nombre approximatif de fois que vous
15 vous êtes rendu à cet endroit?
16 Réponse: Eh bien, peut-être quatre ou cinq fois.
17 Question: Est-ce que vous avez vu, à quelque moment donné que ce soit, des
18 personnes travaillant sur la maison ou autour de la maison, sur la
19 propriété?
20 Réponse: Oui. Je l'ai vu.
21 Question: Qui faisait ce genre de travaux?
22 Réponse: Dans la maison même, c'était un gars qui s'occupait d'explosifs.
23 Il avait ouvert, il avait creusé le souterrain avec un explosif, et dans
24 la tranchée autour, sur les lieux, c'étaient les prisonniers qui
25 travaillaient là-dessus.
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1 Question: Qui étaient ces prisonniers? Pourriez-vous nous aider: à quelle
2 armée appartenaient-ils?
3 Réponse: Je ne sais pas à quelle armée ou à quel groupe ils appartenaient
4 exactement; je ne sais pas s'ils étaient musulmans ou serbes. Je sais
5 seulement que c'était un groupe d'ouvriers qui avaient creusé une tranchée
6 pour mettre des câbles à l'intérieur.
7 Question: Combien de prisonniers avez-vous pu observer faire ce genre de
8 travail?
9 Réponse: Environ de huit à dix personnes.
10 Question: Est-ce qu'ils étaient habillés, ils étaient vêtus?
11 Réponse: Ils portaient des vêtements gris. C'étaient ce que portait
12 l'armée yougoslave, car les unités musulmanes n'avaient pas d'uniformes
13 qui étaient unifiés au sein de l'armée.
14 Question: Et qui était cette personne que vous avez identifiée un peu plus
15 tôt et qui était chargée d'explosifs? Vous souvenez-vous de son nom?
16 Réponse: La personne qui s'occupait d'explosifs était "Stolac"; c'était
17 son surnom.
18 Question: Est-ce que le KB était déployé pour des opérations à Rastani, en
19 été 1993?
20 Réponse: Oui, nous avons été également déployés dans les environs de
21 Rastani.
22 Question: Simplement, je voudrais préciser que les photographies devraient
23 être retirées du rétroprojecteur; ainsi, le témoin ne verra pas son
24 attention distraite.
25 (L'huissier s'exécute.)
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1 A combien de reprises, ce Bataillon a-t-il été engagé dans ce genre de
2 travaux? Le KB?
3 Réponse: Je ne sais pas en fait quel est le nombre de ces occasions parce
4 que, tout simplement, cette unité a été une brigade à laquelle on faisait
5 appel dans différentes régions. Enfin, on y était à trois ou quatre
6 occasions.
7 Question: Vous avez parlé d'une brigade de pompiers. Qu'est-ce que vous
8 sous-entendez par là? Je parle de ce Bataillon disciplinaire, le KB. Vous
9 parlez de brigade d'incendie, de brigade anti-incendie ou est-ce qu'ils
10 devaient éteindre ces incendies.
11 Réponse: Non, il s'agissait de contre-attaques des Musulmans et, lorsque
12 toutes les lignes ont été pénétrées, eh bien, lorsqu'on pénétrait dans les
13 villages, on nous employait comme une brigade anti-incendie.
14 Question: Est-ce que le KB a été engagé à Rastani? Est-ce correct?
15 Réponse: Oui, c'est correct.
16 Question: A quelle époque ce KB a été engagé à Rastani?
17 Réponse: Lorsqu'il était en combat, lorsqu'il était sous les ordres et le
18 pouvoir de "Tuta".
19 Question: Est-ce que vous vous souvenez quel a été le déploiement de vos
20 Bofors?
21 Réponse: Nous étions d'habitude sur les monts, sur les hauteurs, et on
22 nous indiquait les positions sur lesquelles on devait tirer.
23 Question: Quelles étaient ces positions sur lesquelles vous deviez tirer?
24 Réponse: On nous a indiqué que, lorsqu'il y a eu riposte du côté musulman,
25 on devait cibler ces positions spécifiques.
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1 Question: Qui était ceux qui vous donnaient ces ordres?
2 Réponse: Celui qui était en charge, responsable de l'unité et qui avait
3 son appareil Motorola. Et évidemment, par l'intermédiaire d'un interprète,
4 on recevait ces ordres.
5 Question: Vous avez dit hier que l'on utilisait les communications radio
6 et les Motorola, en l'occurrence?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Est-ce que votre quartier général sur le terrain était déployé
9 tout près de vos Bofors?
10 Réponse: Oui, il y avait un quartier général et des unités d'infanterie.
11 Mais nous ne nous sommes pas rendus là.
12 Question: Est-ce que vous savez où "Tuta" lui-même était positionné? Vous
13 avez dit qu'il était commandant, qu'il commandait. Où était-il positionné
14 pendant cette action?
15 Réponse: Je ne sais pas s'il était présent ou s'il se déployait et faisait
16 des allers et retours et je ne sais pas où il trouvait à l'époque de ces
17 actions. Je devais rester auprès de mon artillerie.
18 Question: Est-ce que vous voulez bien expliquer à la Chambre ce que vous
19 venez de dire? Comment "Tuta" faisait ces allées et venues?
20 Réponse: Il faisait des allers-retours vers Mostar et il n'était pas
21 toujours sur place.
22 Question: Est-ce que vous avez pu vous rendre compte vous-même de ces
23 allers et retours de "Tuta" pendant cette action sur le terrain?
24 Réponse: Non, je n'ai rien entendu de cela.
25 Question: Est-ce que vous vous souvenez d'une de ces actions de
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1 l'infanterie elle-même?
2 Réponse: Non.
3 M. Scott (interprétation): Permettez-moi de porter votre attention sur les
4 opérations de Prozor et Gornji Vakuf, en 1994. Quelques questions et nous
5 nous dirigerons vers la partie finale de l'interrogatoire.
6 M. le Président (interprétation): Maître Meek?
7 M. Meek (interprétation): Je pense que cette action, cet incident auquel
8 M. Scott se réfère n'est pas inclus dans l'Acte d'accusation. Je pense que
9 cette question concernait une date qui se situe vers la fin de 1994. Donc
10 ce qui est dit dans l'Acte d'accusation contre M. Naletilic ne concerne
11 pas la fin de 1994. Eh bien, ceci n'est pas une valeur probante et je
12 pense que cela pourrait porter préjudice à la valeur de notre contre-
13 interrogatoire parce que ce sont des faits qui ne sont pas indiqués dans
14 l'Acte d'accusation.
15 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Scott. Est-ce que vous
16 pourriez nous dire dans quelle mesure ces incidents sont importants et
17 dans quelle mesure ils sont pertinents pour cette affaire?
18 M. Scott (interprétation): Oui, Monsieur le Juge, ils sont pertinents,
19 notamment en ce qui concerne deux questions qui sont soulevées dans l'Acte
20 d'accusation. Il s'agit d'autorités supérieures, il s'agit de l'existence
21 d'un conflit international, conflit armé.
22 Evidemment, je pourrais peut-être essayer d'élucider ce problème, ces
23 questions par les questions que je poserai au témoin en ce qui concerne
24 les détails de cette action, ce qui s'est passé au-delà du fait qu'il
25 était au poste de commandement ou en présence de certaine "Unité Gornji
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1 Vakuf".
2 (Les Juges se consultent sur le siège.)
3 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Meek?
4 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, nous
5 n'avons pas de document, nous n'avons pas reçu de documentation en ce qui
6 concerne cette action qui fait l'objet de cet interrogatoire du témoin.
7 Enfin, certains faits, oui. Mais nous n'avons pas de documentation qui
8 nous permettrait de conduire le contre-interrogatoire de ce témoin sur les
9 déclarations qui n'ont pas été étayées par une documentation qui concerne
10 cet incident.
11 Donc cela prive M. Naletilic de son droit à un procès équitable et nous
12 devons donc objecter fermement parce que nous pensons que cette procédure
13 n'est pas appropriée.
14 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott?
15 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je passerai certaines
16 choses au cours de cette matinée. Je regrette toutes ces questions de
17 procédure qui ont été soulevées. Franchement parlant, je dois m'en tenir à
18 la procédure, que j'ai d'ailleurs suivie.
19 Nous avons des déclarations. Tout ce que j'ai demandé, toutes les
20 questions que j'ai posées à ce témoin au cours des deux derniers jours se
21 basaient sur des déclarations qui ont été étayées au fil des années.
22 Et je ne connais pas de règle qui dirait que l'on ne peut poser que des
23 questions sur l'existence ou sur la base de documents qui sont existants.
24 Enfin, il n'y a pas de document; il y a peut-être un document du HVO,
25 quelque part, sur les actions à Prozor et autres localités.
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1 Je me demande si ce que Me Meek a dit à propos de l'existence de documents
2 qui pourraient être versés, présentés… D'autre part, il y a des documents,
3 des déclarations du témoin que la défense possède depuis assez longtemps.
4 M. le Président (interprétation): Maître Meek, il faut mettre fin à ce
5 débat.
6 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, je suis d'accord qu'il
7 faut qu'on mette fin à ce débat, mais je voudrais dire à mon honorable
8 collègue, qui a dit que c'était vrai que le Procureur nous a donné
9 beaucoup de documents, mais évidemment des documents sur la base desquels
10 on pourrait préparer notre contre-interrogatoire à propos des événements
11 qui n'ont pas été même présentés dans l'Acte d'accusation. Ce n'est pas
12 une procédure appropriée.
13 Ces documents que l'accusation nous a fournis ne sont pas les seuls 17
14 classeurs qui ont été, pour l'instant, étudiés par cette Chambre. Il y a
15 d'autres documents dont nous disposons. Il y a notamment des déclarations
16 de témoins qui portent sur des questions qui touchent aux événements de
17 1991, 1994 ou 1995.
18 Mais ce n'est pas parce que nous avons une déclaration de témoin qui
19 aborde certains événements qui ne sont pas contenus dans l'Acte
20 d'accusation, que nous allons essayer de pister tous les documents qui
21 traitent de cette question, parce que ces événements, je le répète, ne
22 sont pas évoqués dans l'Acte d'accusation. Il n'est pas équitable
23 d'évoquer certains événements qui ne sont pas dans l'Acte d'accusation
24 dressé contre notre client et qui ne doivent pas être abordés dans le
25 cadre de ce prétoire et de ce procès.
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1 Voilà la nature de mon objection, merci.
2 (Les Juges se consultent sur le siège.)
3 M. le Président (interprétation): Y a-t-il une quelconque pertinence de ce
4 que vous venez dire, Monsieur Scott, quant à ce qui apparaît dans la
5 déclaration du témoin sur le point précis que vous avez évoqué?
6 M. Scott (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
7 Je voudrais simplement répéter que l'une des questions qui est au cœur de
8 cette affaire et sur laquelle il n'y a pas eu accord de l'accusation...
9 Mme Clark (intervention): Monsieur Scott, je vous interromps brièvement.
10 Il y a deux choses très simples que je voudrais dire et peut-être que le
11 débat s'avérera inutile. Je crois que vous avez mal compris ce qu'a dit le
12 Président de la Chambre.
13 Maître Meek et la Chambre de première instance essaient de dire la chose
14 suivante: est-ce qu'il y a référence faite à cet incident, que vous
15 décrivez et qui s'est produit à Prozor à la fin de 1994, dans la
16 déclaration de ce témoin? Est-ce qu'une référence précise y est faite?
17 M. Scott (interprétation): Précisément. Et c'est cela qui nous intéresse!
18 Mme Clark (interprétation): Alors, si nous sommes d'accord avec ça, si Me
19 Meek est d'accord avec le fait qu'effectivement, il y a référence à ce
20 point dans la déclaration du témoin, eh bien, nous allons pouvoir vous
21 demander de nous en dire un petit peu plus sur ce sujet.
22 M. Scott (interprétation): Merci de votre aide, Madame la Juge Clark.
23 Pour être tout à fait clair, ce témoin a fourni trois déclarations
24 préliminaires; elles ont toutes les trois étaient communiquées à la
25 défense il y a déjà un certain temps. Et tout ce que j'ai demandé à ce
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1 témoin au cours des deux jours qui se sont écoulés -la Chambre de première
2 instance en est bien consciente- découle de la teneur de ces déclarations,
3 y compris les questions qui portent sur l'incident de Prozor et sur celui
4 de Gornji Vakuf.
5 Pour répondre aussi à l'autre question qui m'a été posée, la pertinence de
6 la question est celle-ci: l'accusation estime que les questions de
7 responsabilité du supérieur hiérarchique et de responsabilité sont au cœur
8 de cette affaire. Et nous parlons bien ici de la responsabilité de
9 supérieurs hiérarchiques de "Tuta".
10 Nous allons tâcher de verser au dossier un grand nombre d'éléments de
11 preuve qui démontreront sa responsabilité et son poste de supérieur
12 hiérarchique. Il exerçait son autorité à l'égard de subordonnés; c'est
13 bien l'avis et la position de l'accusation. Il faut qu'il soit tenu
14 responsable au titre de l'Article 7.3 du Statut qui traite de la
15 supériorité du supérieur hiérarchique.
16 Nous avons d'ores et déjà soumis un certain nombre d'éléments de preuve
17 par le biais de la déposition de ce témoin, qui nous montrent très
18 clairement l'envergure des compétences de "Tuta" en tant que supérieur
19 hiérarchique, notamment ses compétences vis-à-vis du KB et sa
20 responsabilité dans le cadre de nombre d'incidents. Certains sont évoqués
21 spécifiquement dans l'Acte d'accusation, d'autres ne sont pas aussi
22 précisément évoqués.
23 Donc, il faut pas qu'il y ait de mauvaise interprétation de ce qui est en
24 train de se passer. L'accusation n'est pas en train d'essayer de procéder
25 de façon sournoise. Tout apparaît dans l'Acte d'accusation et cela
Page 2769
1 n'apparaît pas explicitement mais cela est couvert dans la période de
2 temps qui est retenue dans l'Acte d'accusation. Donc voilà la pertinence
3 que je souhaite ici évoquer. Par ailleurs, il y a des éléments qui nous
4 indiquent que l'armée de la République de Croatie était engagée.
5 M. le Président (interprétation): Nous avons entendu les arguments des
6 deux parties. Nous estimons que ces questions, c'est effectivement
7 pertinent dans le cadre de l'Acte d'accusation. Tout d'abord, cela touche
8 à la responsabilité du commandement hiérarchique et, deuxièmement, cela
9 touche à la question du conflit international armé.
10 Nous sommes particulièrement intéressés par la démonstration de ces deux
11 choses. Donc l'objection soulevée par Me Meek est rejetée.
12 Monsieur Scott, vous pouvez poursuivre votre interrogatoire principal.
13 M. Scott (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
14 Monsieur Mrachacz, merci de bien vouloir répondre aux questions que je
15 vais vous poser. Je vais vous poser des questions très précises relatives
16 à ces opérations.
17 Premièrement, vous vous rappelez, n'est-ce pas, que le KB a été déployé
18 dans la zone de Prozor et de Gornji Vakuf, à la fin de 1993?
19 M. Mrachacz (interprétation): Oui.
20 Question: Qui était responsable? Qui a veillé à la préparation et qui a
21 donné l'ordre de déploiement?
22 Réponse: L'ordre a été émis par "Tuta".
23 Question: Qui était le commandant de cette action?
24 Réponse: Je ne sais pas qui est en était le commandant en chef, mais cela
25 se passait dans la région de Vakuf. Et puis, il y a eu aussi d'autres
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1 unités qui étaient sur le terrain.
2 Question: Ces unités qui étaient quelque part ailleurs. Mais qui
3 commandait sur le terrain, sur le groupe d'unités qui étaient donc celles
4 du HVO, toujours dans le cadre cette action?
5 Réponse: Toutes les unités qui étaient venues de Siroki Brijeg et de
6 Mostar étaient sous le commandement de "Tuta".
7 Question: Vous souvenez-vous qu'il y a eu des éléments d'autres unités
8 provenant d'autres corps d'armée qui avaient participé dans cette action?
9 Réponse: Il y a eu également des unités de la HV de Croatie.
10 Question: Est-ce que vous vous souvenez de l'appellation des noms de ces
11 unités?
12 Réponse: Je me souviens de la Brigade des "Tigrovi", ainsi que des unités
13 de la région de Prozor, mais placées sous le commandement, sous un
14 commandement différent. Il s'agissait de la légion qui avait ce pouvoir de
15 commandement.
16 Question: Est-ce que vous vous souvenez, est-ce que vous pourriez nous
17 indiquer quelle était cette unité particulière?
18 Réponse: Je ne me souviens pas de la personne qui les commandait, mais je
19 sais qu'ils étaient, que certaines unités agissaient de façon tout à fait
20 autonome.
21 Question: A part les unités dont vous nous avez parlé ces deux jours, est-
22 ce que vous avez jamais entendu parler de l'ATG "Vinko Skrobo"?
23 Réponse: Oui, j'ai entendu parler du nom de cette unité.
24 Question: Qui était le commandant de cette unité?
25 Réponse: Non, je ne le sais pas.
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1 Question: Est-ce que cette unité faisait partie du Bataillon disciplinaire
2 du KB?
3 Réponse: Cela dépasse mes propres connaissances. Ces unités changeaient en
4 permanence, changeaient de nom.
5 Question: Est-ce que vous connaissez un groupe tactique ATG qui s'appelait
6 "Mrmak"?
7 Réponse: Non. Je ne le saurais pas. C'est absolument quelque chose que je
8 ne connais pas.
9 Question: "Mrmak"?
10 Réponse: Non.
11 Question: J'ai seulement voulu situer la question à laquelle vous nous
12 avez donné cette réponse.
13 Monsieur Mrachacz, vous avez dit hier qu'il y avait des règles concernant
14 les ordres que "Tuta" avaient émis en ce qui concerne la discipline
15 militaire. Eh bien, nous allons revenir à cette deuxième règle. D'après
16 cet ordre, ceux qui voulaient quitter les rangs de l'armée, quitter le KB
17 et rejoindre le côté musulman, que ces gens-là devaient être tués. Est-ce
18 que vous vous souvenez de cela?
19 Réponse: Oui, c'est correct.
20 Question: Qui a émis cet ordre, cette règle?
21 Réponse: C'est un ordre qui venait de "Tuta" et qui concernait les
22 étrangers, parce que personne des Croates n'aurait voulu déserter pour
23 rejoindre les unités musulmanes. Ceci, finalement, parce qu'à la fin de
24 1992, cinq Britanniques avaient changé de côté pour rejoindre les
25 Musulmans qui combattaient contre les Croates.
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1 Question: Est-ce que vous avez entendu parler du fait que "Tuta" lui-même
2 était engagé dans l'exécution des prisonniers?
3 Réponse: Non, je ne le sais pas.
4 Question: Je sais très bien ce que je suis en train de faire et ce sera la
5 dernière question à ce propos. Vous souvenez-vous de quelque incident que
6 ce soit, devant ou près du ministère de la Défense, à Mostar, où deux
7 prisonniers ont été tués?
8 Réponse: Je sais très bien à quoi vous pensez, mais ce sont des ouï-dire.
9 Je ne sais rien à propos de cet incident personnellement et je ne
10 m'attache pas à ces ouï-dire. Moi, je n'étais pas un témoin oculaire et je
11 l'ai appris d'une source qui m'a dit ce qui s'était passé.
12 Question: Très bien.
13 Ma question prochaine sera la suivante: vous avez entendu cela de
14 quelqu'un qui s'appelait Simang?
15 Réponse: Oui, c'est correct.
16 Question: Est-ce que vous connaissez un autre quelconque ressortissant du
17 KB?
18 (L'interprète du témoin: Nous n'avons pas compris la question.)
19 Question: Je vais donner son nom: il s'agit du nom de Braunreuter.
20 (L'interprète du témoin: C'est correct.)
21 Question: Qui était cette personne-là?
22 M. Mrachacz (interprétation: Braunreuter était un Autrichien, membre de
23 notre unité et il habitait dans un hôtel.
24 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais demander que
25 la Chambre soit assez gentille pour que l'on termine à présent, pour que
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1 je n'aborde pas un sujet et pour ne pas être coupé au milieu du sujet de
2 mes questions.
3 M. le Président (interprétation): Donc la Chambre est levée et nous nous
4 réunirons à 11 heures 30.
5 (L'audience, suspendue à 10 heures 57, est reprise à 11 heures 37.)
6 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, avant que vous ne
7 repreniez, la Greffière d'audience doit nous faire part d'un certain
8 nombre d'informations quant au calendrier de nos travaux pour la première
9 semaine du mois d'octobre.
10 Mme Thompson (interprétation): Il y a eu beaucoup de questions posées sur
11 le calendrier de nos travaux pour la première semaine du mois d'octobre.
12 Donc, j'aimerais faire toute la lumière sur ce point. Il n'y aura pas
13 d'audience de notre affaire pendant la première semaine du mois d'octobre
14 et nous reprendrons le 8 octobre, si je ne m'abuse. Je vérifie. Nous ne
15 siégions pas du 1er au 5 octobre, tout simplement parce que d'autres
16 procès seront entendus cette semaine-là. Est-ce que tout est clair? Merci.
17 M. Scott (interprétation): Puisque nous parlons de cela, Monsieur le
18 Président, il y a deux choses que je souhaiterais savoir pour que tout
19 soit clair. Comprenez bien que l'accusation va prendre toutes les mesures
20 nécessaires pour qu'aucun témoin ne soit convoqué pour la semaine qui
21 vient d'être évoquée. Je voudrais également préciser pour ce qui est de la
22 semaine du 8: puisque nous parlons du calendrier des travaux, nous ne
23 faisons pas vraiment objection mais nous voudrions là aussi, que tout cela
24 soit clair.
25 Normalement, les 8 et 9, nous sommes en Chambre d'audience 3. Et puis, il
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1 y a la séance de l'après-midi, comme on l'appelle de 14 heures 15 à 19
2 heures. Est-ce que c'est bien exact ou bien est-ce que vous pouvez-nous
3 dire quoi que ce soit d'autre à ce sujet? Il serait bon que nous sachions
4 tout sur ce point relativement rapidement.
5 M. le Président (interprétation): C'est peut-être la Greffière d'audience
6 qui peut vous répondre le plus précisément.
7 Mme Thompson (interprétation): Je suis en train de regarder le calendrier
8 le plus récent qui date du 14 septembre et je vois qu'il y a des audiences
9 prévues le 8 octobre, un lundi, dans la Chambre d'audience 3, de 9 heures
10 30 à 16 heures. Même chose mardi. Ensuite, les audiences sont prévues le
11 mercredi, le jeudi et le vendredi 10, 11 et 12 dans la Chambre d'audience,
12 la salle de prétoire –pardon- n°3, de 9 heures 30 à 16 heures. Mais vous
13 savez également que le vendredi, nous suspendons nos travaux à 13 heures.
14 M. le Président (interprétation): Tout est clair, Monsieur?
15 M. Scott (interprétation): Tout est clair. Merci.
16 M. le Président (interprétation): Vous pouvez poursuivre l'interrogatoire
17 de votre témoin.
18 M. Scott (interprétation): Monsieur Mrachacz, avant que nous ne prenions
19 la pause, je vous ai posé des questions sur cet autre mercenaire, ce
20 membre du KB, dénommé "Braunreuter". Avez-vous eu une conversation avec
21 cet homme qui aurait porté sur le fait qu'il aurait tué un homme?
22 M. Mrachacz (interpétation): Oui, effectivement.
23 Question: Pouvez-vous dire à la Chambre qui cet homme a tué et pourquoi il
24 l'a tué?
25 Réponse: Voilà ce que je sais: dans l'Hôtel Park, des rumeurs circulaient
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1 selon lesquelles M. Braunreuter et un camarade français avaient abattu un
2 homme français d'une cinquantaine d'années. Mais puisque aucune rumeur de
3 ce type ne circulait en ville, je me suis entretenu avec un local et me
4 suis rendu dans ce lieu où nous avons trouvé ce Français, gisant mort.
5 Ayant vu cela, je suis allé voir "Tuta", je lui ai raconté ce que j'avais
6 vu et il m'a dit que je ne devais pas mettre mon nez là-dedans, que cela
7 ne me regardait en aucune façon. Voilà, tout ce que je peux dire.
8 Seulement, je précise que je me suis assuré du fait que le corps soit
9 retiré, parce que le corps gisait à proximité d'une école et d'une église.
10 Question: Cet homme français qui a été abattu et cette autre personne qui
11 a peut-être également été abattue par Braunreuter, est-ce que vous savez
12 ce qu'elles faisaient à Siroki Brijeg à ce moment-là? Savez-vous quel rôle
13 jouait ces deux personnes qui ont été abattues?
14 Réponse: Non. A cette époque-là, les Français avaient leur propre unité et
15 leur propre commandant. C'est un commandant qui parlait français qui était
16 à leur tête.
17 Question: Leur unité, de quel type d'unité s'agissait-il et où était-elle
18 basée?
19 Réponse: Eh bien, ils étaient subordonnés à notre unité mais ils avaient
20 leur propre commandant. C'était un commandant de sous-unité si vous
21 voulez.
22 Question: Si je vous comprends bien, Monsieur, vous nous dites qu'il
23 s'agissait-là d'une autre sous-unité de la KB?
24 Réponse: Non, ils faisaient partie intégrante de l'unité mais ils avaient
25 -je le répète- leur propre commandant qui venait des anciens territoires
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1 croates, qui était arrivé de là avec eux.
2 Question: Voyons si nous pouvons être aussi précis que possible sur ce
3 point. Vous êtes en train de nous dire que de même qu'il y avait des
4 groupes de mercenaires allemands, il y avait également des membres
5 français du KB?
6 Réponse: On ne peut pas exactement présenter les choses ainsi. Ce groupe
7 est un groupe qui venait de Croatie, de la Slavonie plus précisément, où
8 ils avaient opéré, ensuite ils sont venus en Herzégovine. Et dans ce que
9 groupe, il y avait un certain nombre de Français, quatre ou cinq, l'un des
10 membres de cette unité était allemand. Ce groupe a ensuite été, les
11 membres de ce groupe ont ensuite été répartis entre différentes unités
12 mais ce n'était pas un groupe de mercenaires indépendants.
13 Question: Mais ils se battaient bien dans le camp du HVO, n'est-ce pas?
14 Réponse: C'est exact.
15 Question: Et vous venez de nous dire, j'essaie de faire en sorte que tout
16 soit clair dans le compte rendu, que ces hommes ont été répartis au sein
17 du KB donc qu'ils ne formaient pas une unité en tant que telle?
18 Réponse: Ils ne formaient plus une unité; ils ont été répartis dans les
19 différentes zones. Tout dépendait de leurs connaissances en matière
20 d'armes et de différentes sortes d'armes.
21 Question: Ce Français qui a été abattu, est-ce qu'il faisait partie de cet
22 ensemble de français dont vous avez parlé tout à l'heure?
23 Réponse: Oui, il était arrivé avec ce groupe, mais je ne pourrais pas vous
24 dire ce qui a pu se passer d'autre.
25 Question: Monsieur Braunreuter vous a-t-il dit sur les ordres de qui il
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1 avait abattu ce Français?
2 Réponse: Non, il ne m'a rien dit à ce sujet.
3 Question: Ces cadavres, depuis quand gisaient-ils à côté de l'église à
4 Siroki Brijeg?
5 Réponse: Eh bien, peut-être s'y trouvaient-ils depuis une semaine environ
6 parce que l'odeur était déjà assez insoutenable.
7 Question: Combien de temps s'est écoulé entre la première fois où vous
8 avez entendu Braunreuter parler de cela et le moment où vous êtes allé
9 dire à "Tuta" ce que vous aviez vu?
10 Réponse: Après qu'il s'est avéré que c'était tout à fait exact que deux
11 cadavres gisaient-là, eh bien, je suis allé le voir tout de suite.
12 Question: Est-ce qu'il vous a dit quoi que ce soit outre les paroles: "Ne
13 met pas ton nez là-dedans."?
14 Réponse: Non, il a juste dit ça, il a dit: "Ne mets pas ton nez là-dedans,
15 ce ne sont pas tes affaires.".
16 Question: Monsieur Mrachacz, la raison pour laquelle vous servez une peine
17 de prison dans le pays, vous servez cette peine de prison à l'heure
18 actuelle, c'est que vous avez abattu deux hommes en Bosnie-Herzégovine en
19 1993, n'est-ce pas?
20 Réponse: Absolument pas. Je n'ai abattu qu'un homme et c'était un
21 déserteur.
22 Question: Excusez-moi. Est-ce que vous avez abattu et tué cet homme que
23 vous avez qualifié à l'instant de déserteur?
24 Réponse: Oui, je l'ai fait.
25 Question: Pourriez-vous nous dire sur les ordres de qui vous avez agi?
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1 Réponse: Eh bien, je dois m'appuyer sur l'ordre qui m'a été donné par
2 "Tuta" qui consistait en ceci: lorsque vous avez un déserteur en face de
3 vous, eh bien, il faut l'abattre.
4 Question: Est-ce que vous pouvez nous dire quoi que ce soit d'autre, eu
5 égard à ce que "Tuta" vous a dit alors qu'il parlait de cet homme?
6 Réponse: Lui-même ne m'a rien dit parce que je ne l'ai pas rencontré ce
7 jour-là. L'élément décisif pour moi, c'était l'existence de cet ordre
8 permanent selon lequel, lorsqu'il y a des déserteurs qui croisent le
9 chemin de l'unité, on les abat.
10 Question: Et est-ce que quelqu'un d'autre a pris part à ce meurtre avec
11 vous?
12 Réponse: Oui, M. Simang, qui était avec moi à ce moment-là?
13 Question: Quel est le nom de l'homme qui a été abattu?
14 Réponse: Je ne peux plus vous le dire aujourd'hui, je ne sais plus.
15 Question: Donnez-moi quelques instants, Monsieur le Président, Mesdames
16 les Juges.
17 Je parle maintenant de ce Français qui a été abattu et dont vous nous avez
18 parlé il y a quelque temps, et je parle également de cet homme que vous et
19 Simang avez abattu. A votre connaissance, est-ce que l'un quelconque des
20 membres du KB a été sanctionné du fait que ces hommes aient été abattus,
21 l'un quelconque de ces deux hommes?
22 Réponse: Non, je ne sais rien à ce sujet-là.
23 Question: Est-ce que vous avez vous-même été jamais sanctionné par "Tuta"
24 pour avoir tué cet homme dont vous nous avez dit que vous l'aviez abattu?
25 Réponse: Non.
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1 M. Scott (interprétation): Je n'ai plus de questions, Monsieur le
2 Président. Je vous remercie.
3 M. le Président (interprétation): Y a-t-il un contre-interrogatoire,
4 Maître Seric? Pardon, Maître Krsnik! Excusez-moi de cette petite erreur.
5 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Ralf Rudiger Mrachacz, par Me
6 Krsnik.)
7 M. Krsnik (interprétation), Monsieur le Président, Mesdames les Juges,
8 nous essayons de respecter le Règlement. Lorsqu'un avocat se lève
9 généralement, du côté de la défense, c'est pour faire une objection, mais
10 là, pour le contre-interrogatoire, nous allons un petit peu modifier la
11 séquence d'intervention des différents conseils de la défense.
12 Bonjour, Monsieur. Je m'appelle Kresimir Krsnik. Je représente ici M.
13 Naletilic. Je vais vous poser un certain nombre de questions et je vais
14 tâcher de les formuler de telle sorte que vous puissiez y apporter des
15 réponses très brèves. Je vais m'appuyer sur ce que vous avez vous-même vu,
16 observé, sur les expériences que vous-même avez traversées. Je souhaite
17 surtout m'appuyer sur votre expérience personnelle et non pas sur le ouï-
18 dire.
19 Nous commençons donc avec la première question. Cette fameuse déclaration
20 en date du 17 février 1998, je la regarde et je vois qu'il est indiqué que
21 votre avocat était présent. Sa présence était nécessaire car des
22 accusations avaient été formulées à votre égard.
23 M. Mrachacz (interprétation): Effectivement.
24 M. Krsnik (interprétation): Ces accusations…
25 Monsieur le Président, je demande à ce que nous passions à huis clos
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1 partiel car nous allons passer en revue le nom de certains témoins et je
2 n'aimerais pas que les conseils de l'accusation fassent objection. Je ne
3 sais pas exactement quelles seront les mesures de protection accordées à
4 certains des témoins, mais pour les deux questions que je vais poser, je
5 souhaiterais que nous passions à huis clos partiel.
6 M. le Président (interprétation): C'est parfait, nous allons le faire.
7 (Audience à huis clos partiel à 11 heures 50.)
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25 (Audience publique à 12 heures.)
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1 M. le Président (interprétation): Nous sommes maintenant en audience
2 publique.
3 M. Krsnik (interprétation): Auriez-vous la gentillesse de nous dire si
4 quelqu'un parmi vos collègues allemands aurait fait des déclarations à la
5 télévision allemande et si cette personne a été payée pour ces
6 déclarations?
7 M. Mrachacz (interprétation): Oui, c'est exact.
8 Question: Est-ce que ces déclarations étaient fausses où étaient-elles des
9 déclarations qui faisaient en sorte que la personne en question essaie de
10 se placer dans une meilleure lumière, et que pour cela vous n'étiez pas
11 d'accord avec cette personne, et que vous l'avez appelée?
12 Réponse: Oui. En fait, il s'agit d'une télévision, d'une station de
13 télévision qui s'appelle "Sat-1", et c'était à Berlin. Il a donné une
14 entrevue à cet endroit, mais il insistait que l'on apporte une cassette
15 complète ou le tout serait enregistré. Et nous pouvons bien voir que lors
16 de cette entrevue, il s'est placé en premier plan, ce qui a créé une
17 controverse parmi nous.
18 Question: Après cette émission de télévision, les autorités allemandes ont
19 entamé des enquêtes, n'est-ce pas? Ou une enquête?
20 Réponse: Oui, c'est exact. On m'a dit que les événements se sont
21 exactement déroulés de la sorte.
22 Question: Cette personne dont on parle, est-ce bien la même personne de
23 laquelle nous avons parlé lors de la séance à huis clos partiel?
24 Réponse: Oui c'est exact, c'était bien M. Simang Falk.
25 Question: Et c'est bien la personne qui aime bien vanter des propos qui
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1 prêtent à mentir?
2 Réponse: Lorsque nous parlons de ce rapport là, oui.
3 Question: Cette personne a déjà donné un bon nombre de fausses
4 déclarations aux autorités allemandes, n'est-ce pas?
5 Réponse: Je ne sais pas quelles déclarations il leur a données, je ne
6 pourrais pas vous informer là-dessus.
7 Question: Je parlais des déclarations qui étaient lues ici devant ce
8 Tribunal.
9 Réponse: Je peux simplement dire la chose suivante: je suis arrivé en
10 Allemagne, je n'avais vraiment pas, je ne pouvais pas savoir quelles
11 étaient les déclarations faites par M. Simang.
12 Question: Et ces déclarations n'ont pas été lues au cours de votre procès
13 qui était un procès conjoint? Est-ce que les avocats vous ont informé de
14 ces déclarations?
15 Réponse: Eh bien, M. Simang avait refusé de faire quelque déclaration que
16 ce soit là-dessus.
17 Question: Et vos avocats ne vous ont pas…, ne vous ont rien dit là-dessus,
18 ne vous ont pas averti?
19 Réponse: C'était simplement un procès très court. Et pour ce qui est des
20 choses que j'ai mentionnées, que par exemple il s'agissait d'une unité
21 tout à fait régulière, lorsque j'ai dit cela, on m'a accusé de faire des
22 allégations protectrices, que j'essayais de protéger moi-même et mon
23 parti, et les autres déclarations ont été rejetées.
24 Question: Pour l'instant, je ne souhaitais pas en fait parler de la
25 sentence, de la peine. Mais pour l'instant, je voulais simplement vous
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1 demander si, d'après les documents que j'ai reçus qui provenaient de ce
2 procès-là, ses déclarations à lui…, en fait, il a fait certaines
3 déclarations aux autorités allemandes, c'est la raison pour laquelle je
4 vous ai posé cette question. Et c'est parce que lors de sa déclaration, il
5 a également porté des accusations contre vous. Et à cause de ces
6 accusations, vous avez…, vous vous trouvez maintenant dans une prison dans
7 laquelle vous servez une sentence à vie. Est-ce que c'est exact? Vous
8 purgez une peine à vie?
9 Réponse: Je n'ai pas reçu la déclaration en entier, je n'ai reçu que des
10 parties qui me concernent moi-même.
11 Question: Est-ce que c'est exact de dire que vous avez reçu une sentence à
12 vie?
13 Réponse: Oui, c'est exact.
14 Question: Vous avez dit que ce procès était un faux procès. Est-ce que
15 quelqu'un a fabriqué, est-ce que quelqu'un a fait en sorte qu'on vous
16 place dans ce procès de façon erronée?
17 Réponse: On pourrait avoir l'impression, je n'ai pas vu d'avocat. Par
18 exemple, je n'ai seulement vu un avocat que trois semaines avant que le
19 procès ne débute.
20 Question: Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, si en Croatie, des
21 policiers allemands se sont présentés, et dites-nous s'ils ont eu des
22 entretiens avec vous?
23 Réponse: Oui, c'est exact.
24 Question: Est-ce que M. "Tuta" était présent avec vous?
25 Réponse: Oui, il était présent.
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1 Question: Vous a-t-il dit que vous deviez vous rendre en Allemagne et vous
2 a-t-il dit que sinon vous alliez devoir vous présenter devant un juge en
3 Croatie ou aux autorités en Bosnie-Herzégovine?
4 Réponse: "Tuta" a fait une demande aux autorités allemandes leur disant
5 que s'ils faisaient une enquête, ils devraient faire une demande auprès du
6 ministère de la Défense de Mostar et que c'est eux qui, à ce moment-là
7 prendrait cette affaire et la jugerait sur leur territoire. Mais je n'ai
8 pas fait de telle demande. Et la pression des autorités allemandes
9 devenait de plus en plus grande.
10 J'avais eu des entretiens avec "Tuta" et il m'a dit que dans une telle
11 circonstance il était mieux que je me rende aux autorités, et qu'à cause
12 de la situation l'homme en question était un déserteur et que la sentence
13 ne serait pas supérieure à deux ou trois ans. C'est suite à cette
14 conversation-là que je me suis rendu aux autorités allemandes.
15 Question: Donc vous confirmez que c'est le fait que "Tuta" était une des
16 personnes clefs, à cause de laquelle vous vous êtes rendu aux autorités
17 allemandes, car vous ne l'auriez pas fait de votre propre volonté, car en
18 fait vous êtes allé là tout simplement?
19 Réponse: Oui, c'est exact.
20 Question: Ma question suivante est celle-ci. Puisque de telles allégations
21 pesaient contre vous, qui d'autre peut prendre de telles décisions outre
22 un Tribunal?
23 Réponse: Je ne peux pas faire de commentaire là-dessus.
24 Question: Peut-être que ma question n'était pas tout à fait claire, je
25 m'en excuse. En fait, ce que je voulais dire est la chose suivante. Eu
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1 égard à la réponse que vous avez donnée à mon éminent collègue de
2 l'accusation, est-ce que "Tuta" avait l'autorité de sanctionner qui que ce
3 soit pour de tels actes, s'il y a des doutes qui entourent une
4 circonstance? Est-ce que "Tuta" avait l'autorité de sanctionner quelqu'un
5 avec le doute? Et je ne parle pas ici des circonstances dans lesquelles
6 quelqu'un aurait avoué un crime bien sûr?
7 Réponse: Normalement ce sont les Juges, c'est le système judiciaire qui
8 est autorisé à faire ce genre de chose.
9 Question: Donc dites-moi, est-ce que vous savez si l'homme en question, le
10 Français qui a été trouvé mort, est-ce que vous détenez quelque
11 information que ce soit? Est-ce que vous savez si une enquête avait été
12 entreprise, si quelqu'un avait été accusé pour cet acte, et si la personne
13 a comparu devant un Juge?
14 Réponse: Non. Je n'ai aucune connaissance quant à ce fait.
15 Question: Monsieur Mrachacz, auriez-vous la gentillesse de nous dire qui
16 était présent lorsque vous avez fait votre déclaration le 17 février? Donc
17 déclaration de laquelle on parle depuis un certain temps. Et dites-nous de
18 quelle façon est-ce que cet interrogatoire s'est déroulé? En fait, j'ai le
19 droit de vous poser même la question suivante pour obtenir une réponse
20 assez succincte de votre part. Vous avez signé la déclaration qui a été
21 rédigée en langue anglaise et qui, par la suite, a été traduite?
22 Réponse: J'ai seulement signé au bas de la déclaration rédigée en langue
23 anglaise.
24 Question: Donc ce texte en anglais vous a été traduit en allemand et, par
25 la suite, vous avez apposé votre signature sur ce document, n'est-ce pas?
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1 Réponse: Oui, c'est exact.
2 Question: Donc est-ce que vous êtes certain, à cent pour cent, que tous
3 vos propos sont bel et bien rédigés de façon tout à fait authentique en
4 langue anglaise?
5 Réponse: Au cours de la traduction, on n'a traduit que le contenu.
6 Question: Dites-moi si, lorsqu'on vous a posé des questions, étaient-elles
7 également consignées, traduites, et est-ce que c'était l'interprète qui
8 formulait les réponses?
9 Réponse: Non, pas vraiment.
10 Question: Peut-on conclure alors que tout ce que vous avez dit en allemand
11 était traduit en anglais, et par la suite on consignait ces propos au
12 compte rendu par écrit?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Vous est-il jamais arrivé de prendre ce texte en anglais? Est-ce
15 que vous aviez la possibilité de contrôler ce qui est consigné en langue
16 anglaise?
17 Réponse: Non.
18 Question: Peut-on conclure alors que, jusqu'à ce jour, vous n'avez pas
19 vérifié la teneur de vos propos consignés en langue anglaise?
20 Réponse: Je me suis basé sur ce qui m'a été traduit en allemand, donc j'ai
21 fait confiance à la traduction de toutes les pages qui m'ont été
22 interprétées en allemand.
23 Question: Est-ce que les syntaxes de la langue anglaise et de la langue
24 allemande sont les mêmes?
25 Réponse: Je n'ai absolument aucune idée. Je ne sais pas parce que je ne
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1 parle pas l'anglais.
2 Question: Dites-moi, s'il vous plaît: lorsqu'on parle des noms croates,
3 alors que vous les mentionnez en allemand et que par la suite il faut les
4 consigner en anglais, pourriez-vous nous dire de quelle façon il vous
5 était possible de le faire?
6 Réponse: S'agissant des noms croates, je les ai prononcés comme je
7 l'entendais, mais je ne sais pas s'ils étaient consignés correctement. Je
8 ne le sais pas.
9 Question: La défense a remarqué plusieurs différences. Je vais vous donner
10 un exemple, le général Vrgovac que vous avez mentionné devant ce Tribunal,
11 vous avez dit qu'il s'appelait "Dajdza", est-ce exact?
12 Réponse: Oui, c'est exact.
13 Question: Toutes vos déclarations faites auprès des enquêteurs du Bureau
14 du Procureur, lorsqu'il s'agit du compte rendu fait pour ce Tribunal, et
15 si la défense n'a pas essayé de clarifier ce point, je crois que dans
16 l'histoire ou pour la postérité, il serait consigné qu'il s'agissait bien
17 d'un général qui portait le nom de "Deitscher" et que si la défense
18 n'avait pas tenu à établir la vérité, on aurait dit que vous étiez, vous
19 releviez d'un général inexistant du nom de "Deitscher" et je vous le dis
20 parce que c'est important. Car c'est un général de l'armée croate qui est
21 tout à fait inexistant.
22 Monsieur Mrachacz, est-ce que vous comprenez pourquoi je vous ai posé
23 cette question? Car au compte rendu d'audience de la déclaration que vous
24 avez faite devant ce Tribunal, il est consigné que vous releviez des
25 ordres du général "Deitscher"?
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1 Réponse: Oui, je sais simplement que son nom était "Deitscher" et qu'il
2 était appelé ainsi, c'était un homme assez âgé, il avait plus de 70 ans et
3 il était le commandant de cette unité.
4 Question: Oui, bien sûr. Et il est vrai que son nom est "Daidza".
5 Je vous demande donc si la déclaration que vous avez donnée et qui a été
6 traduite en anglais, est-ce que vous pouvez affirmer à cent pour cent que
7 tout ce que vous avez dit, est consigné exactement de la façon dont vous
8 l'avez dit? Est-ce que vous savez si vous pouvez à cent pour cent affirmer
9 ces propos qui figurent dans la déclaration?
10 Réponse: Bien. Comme je l'ai déjà dit, je n'ai pas pu vérifier la
11 traduction qui a été écrite en anglais, je ne lis pas l'anglais. Donc, je
12 pouvais seulement faire confiance à ce qui a été consigné, et j'ai espéré
13 que c'était consigné comme je l'ai dit.
14 Question: Je crois que nous avons passé assez de temps là-dessus et que
15 nous avons compris. Merci. Dites-nous, s'il vous plaît, puisque nous en
16 sommes déjà à parler de ce M. "Daidza", il est musulman, en fait était-ce
17 un Croate de confession musulmane ou était-ce un Bosnien?
18 Réponse: Il était de confession musulmane, mais je ne pourrais pas en être
19 tout à fait sûr.
20 Question: Dites-moi, s'il vous plaît, cette unité à la tête de laquelle se
21 trouvait ce général et dans laquelle vous étiez selon votre déclaration,
22 est-ce qu'elle formait les Musulmans, est-ce qu'elle armait les Musulmans?
23 Et, de concert avec eux en 1992, les avez-vous aidés en 1992 dans la
24 guerre contre les Serbes?
25 Réponse: Je peux dire la chose suivante là-dessus, cette unité était
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1 composée de Croates à 50% et de Bosniens à 50%. Il y avait un deuxième
2 commandant, mais je ne pourrais pas vous donner son nom, je ne sais pas
3 quel est-il. Et quand nous avions des combats dans les baraques de
4 Capljina, c'étaient les Croates qui participaient au combat pour la
5 plupart et non pas les Musulmans. Donc, il y avait une grande dispute
6 entre les deux commandants, le commandant des Croates et le commandant des
7 Musulmans, entre "Daidza" et l'autre commandant et ils se sont séparés.
8 L'une des unités est allée dans la région de Bosnie alors que les Croates
9 se sont dirigés en direction de Ljubuski, si je ne m'abuse. Et dans la
10 zone se trouvant autour de Ljubuski, c'était un centre de villégiature,
11 mais ils s'en servaient comme base.
12 Question: Le général "Daidza" était un général de l'armée croate; et par
13 là je vous demande était-ce de l'Etat de Croatie? Cette unité de laquelle
14 vous parlez, était-ce bien l'armée croate?
15 Réponse: Oui. C'est exact.
16 Question: Et dans la guerre contre les Serbes, c'était tout à fait normal
17 que l'armée croate aide les Musulmans, qu'elle les arme, qu'elle les
18 forme; et était-ce normal que ces derniers perdent leur vie dans ce combat
19 visant à libérer les territoires ethniques pour permettre aux Musulmans
20 d'y vivre?
21 Réponse: Ils avaient des armes et ils étaient des membres de l'armée.
22 Question: Mes collègues viennent de m'informer que ma question n'a pas été
23 consignée au compte rendu d'audience, je vais vous la répéter. Il
24 s'agissait de l'unité de laquelle vous avez parlé. Etait-ce tout à fait
25 normal pour ces soldats de combattre contre les Serbes et était-ce tout à
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1 fait normal que les Croates perdent leur vie, afin de libérer les
2 territoires ethniques occupés par les Musulmans, donc de libérer ces
3 territoires contre les agresseurs serbes?
4 Réponse: Oui, c'est tout à fait exact. On pourrait dire ainsi.
5 Question: Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire si vous le pouvez, si
6 vous savez, si un accord avait été fait entre les Musulmans et les Croates
7 sur ce point au niveau étatique le plus élevé, car à l'époque l'Etat de
8 Bosnie n'existait pas encore?
9 Réponse: S'il y avait eu un accord je ne pourrais pas vous le dire, je ne
10 le saurais pas. En fait, je ne l'aurais pas su à l'époque non plus.
11 M. Krsnik (interprétation): Merci de votre réponse. En fait, j'essaie
12 simplement de vérifier si vous le savez, même si au début de mon contre-
13 interrogatoire je vous ai dit que je vous poserai des questions concernant
14 votre connaissance personnelle et non pas des questions qui proviennent de
15 ouï-dire.
16 Dites-nous, s'il vous plaît, d'après vous, d'après vos connaissances, et
17 de nouveau je vais parler de cette unité, car vous pouvez nous en parler,
18 vous y étiez impliqué, mais est-ce que l'Etat croate armait de la même
19 façon les Croates et les Musulmans? Est-ce qu'il les nourrissait de la
20 même façon? Est-ce qu'ils les ont armés de la même façon et que tous les
21 jours les Musulmans provenant de diverses parties de la Bosnie, qui
22 demandaient de l'aide sur une base quotidienne, et là je parle de
23 l'agression qui a eu lieu en 1992.
24 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott?
25 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, permettez-moi de poser
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1 une question. Est-ce qu'il pose des questions simplement à propos du KB ou
2 des questions d'ordre général, des questions en fait historiques? Il
3 faudrait jeter quelques fondations avant de poser toutes ces questions.
4 J'ai l'impression que l'on sort un peu de ce qui a pu se passer de
5 l'appartenance de ce témoin au KB.
6 M. le Président (interprétation): Je crois que c'est une question
7 raisonnable, peut-être pouvez-vous nous apporter quelque lumière?
8 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,
9 cette question serait effectivement raisonnable si je ne savais pas l'Acte
10 d'accusation sur le bout des doigts et si je n'avais pas entendu mon
11 éminent collègue de l'accusation poser des questions qui ont duré pendant
12 plus de 5 heures. La question était de savoir si le fait qu'ils ont mis
13 des insignes du HVO, s'il y avait une agression de la Croatie, je suis sûr
14 que mon éminent collègue connaît et a entendu parler des accords de Split.
15 Donc je suis bien dans le cadre des questions que je suis en train de
16 poser. Malheureusement pour lui, j'ai très bonne mémoire, je me souviens
17 de tout ce que mon collègue de l'accusation a dit: je connais, je le
18 répète, l'Acte d'accusation sur le bout des doigts, et si l'armée croate a
19 mené à bien une agression, eh bien, il s'agit de savoir exactement de quoi
20 il s'agit. Laissons le témoin se prononcer là-dessus.
21 M. le Président (interprétation): La question est simple: est-ce que ce
22 témoin se voit poser des questions qui ont trait seulement au KB ou sur
23 des points historiques généraux? Il va falloir, Maître, que vous nous
24 apportiez quelque aide sur ce sujet.
25 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je n'ai pas de
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1 commentaires à faire sur l'état de la mémoire de mon collègue de la
2 défense. La question n'est pas de savoir ce que moi j'ai dit, la question
3 est de savoir ce qui figure dans l'Acte d'accusation. Ce témoin ne peut
4 pas savoir tout à propos de ce qui est évoqué dans l'Acte d'accusation. Il
5 ne peut pas savoir si des accords ont été conclus entre Tudjman et
6 quelqu'un d'autre. Il était membre du KB, je suis tout à fait d'accord
7 avec le conseil de la défense quand il pose des questions sur les
8 pratiques en vigueur au sein du KB, quand au fait de savoir s'il y avait
9 des membres musulmans au sein de cette unité, si leur traitement était
10 juste et équitable.
11 Effectivement, le témoin peut répondre à cela parce qu'il en va de ses
12 connaissances propres, mais sinon je ne suis pas d'accord.
13 M. le Président (interprétation): Je vais me retourner vers la défense.
14 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, le Procureur, si j'ai
15 bien suivi la procédure, il a posé des questions pendant 2 heures 30 sur
16 l'année 92. Il s'agissait d'un fond, d'une toile de fond historique et le
17 témoin a répondu dans la mesure de ses connaissances, et moi aussi je le
18 fais. Et j'ai bien pris mes réserves en disant: "Dans la mesure où vous
19 connaissez", et si j'ai bien compris, le témoin a passé pas mal de temps
20 en Croatie, et je me fonde sur les questions sur l'interrogatoire
21 principal exécuté par le Procureur.
22 Le général Daidza Vrgovac, l'armée croate, eh bien j'aimerais aussi vous
23 mettre davantage dans le tableau, ce ne serait pas tout à fait complet si
24 on se basait uniquement sur l'interrogatoire du Procureur, sinon les
25 contre-interrogatoires ne seraient pas nécessaires.
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1 M. le Président (interprétation): Oui. Je vous ai donné l'autorisation de
2 continuer à poser vos questions.
3 M. Krsnik (interprétation): Je m'excuse, Monsieur le Président, mais je ne
4 vous ai peut-être pas entendu. Par conséquent, je m'excuse encore une fois
5 et je continue avec mes questions.
6 Dernière question. La correction du procès-verbal du compte rendu et votre
7 réponse a été affirmative. Ensuite, je vous ai posé la question de savoir
8 s'il s'agissait d'un traitement à titre égal, d'un armement qui serait
9 égal pour tous et qu'il s'agissait donc de la situation de combat contre
10 les Serbes en 1992.
11 M. Mrachacz (interprétation): Oui, les unités avaient les mêmes
12 rémunérations, les mêmes conditions de logement, les mêmes armes.
13 Question: Je vous prie de me dire, étant donné que vous vous trouviez sur
14 place, si vous vous êtes rendu compte du fait que des réfugiés musulmans
15 commençaient à affluer et ceci dans le contexte de ce combat, de cette
16 guerre contre les Serbes?
17 Réponse: Oui. Il s'agissait de Baska Voda, camp militaire près de Split,
18 qui était vraiment comblé de réfugiés musulmans.
19 Question: L'Etat croate, ce serait exact?
20 Réponse: Oui, c'est exact.
21 Question: Je vous prie de répondre à la question suivante. Lorsque vous
22 parliez de votre départ dans la direction de Ljubuski, s'agissait-il de
23 l'an 1992?
24 Réponse: Oui, au début de 1992.
25 Question: Savez-vous quand la Forpronu est venue en Croatie, en quelle
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1 année?
2 Réponse: Non, je ne pourrais pas vous le dire.
3 Question: L'unité du général Daidza s'appelait "Kralj Tomislav" et n'a
4 rien à faire avec la ville de Tomislavgrad?
5 Réponse: C'est correct. Il s'agit du premier roi croate Tomislav et la
6 ville Tomislavgrad est une notion différente.
7 Question: Donc, pendant que vous étiez dans l'unité du général Daidza,
8 vous ne vous êtes jamais rendu à Tomislavgrad et cette ville se trouve
9 pourtant en Bosnie-Herzégovine, est-ce correct?
10 Réponse: Oui, c'est correct.
11 Question: Je voudrais vous prier de répondre à la question suivante, est-
12 ce que vous pourriez dire à la Chambre ce que signifie l'acronyme HOS, H-
13 O-S?
14 Réponse: Il s'agit de l'aile militaire du parti croate, HSP.
15 Question: Monsieur le Témoin, je m'excuse, la Chambre ne sait pas ce
16 qu'est le "HSP". Est-ce qu'il s'agit du parti croate de droite.
17 Réponse: Je ne pourrais pas vous donner la traduction exacte mais il
18 s'agissait d'un parti de droite.
19 Question: Et le HOS était son aile militaire?
20 Réponse: Oui, c'est exact.
21 Question: A l'époque, donc en 1991, est-ce qu'il y avait en Croatie une
22 armée qui se serait appelée, armée croate, et même en 1992?
23 Réponse: Mais oui, il y avait une armée croate.
24 Question: Peut-être que j'ai mal posé cette question. Est-ce que cette
25 armée était en voie de constitution? Est-ce qu'en 1991, en 1992, on peut
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1 parler d'une armée croate? Je m'excuse mais je pensais que vous alliez
2 comprendre la question que je voulais vous poser.
3 Réponse: Est-ce que c'était avant 1991, je ne pourrais pas le savoir! Mais
4 à l'époque, d'après ce que j'ai compris, on ne pourrait pas parler d'une
5 armée bien structurée, comparable à celle d'autres pays en Europe, mais on
6 essayait de constituer une armée, et donc on ne pouvait pas parler tout à
7 fait d'une structure bien organisée de cette armée.
8 Question: Y a-t-il eu une armée de formation qui serait comparable au HOS?
9 Réponse: Non, mes connaissances s'arrêtent là.
10 Question: Je m'explique. Si quelqu'un avait beaucoup d'argent, devenait un
11 donateur, peut-être de l'étranger, de l'émigration croate ou même depuis
12 la Croatie elle-même, est-ce qu'il aurait pu former sa propre unité à
13 condition de pouvoir l'équiper et l'armer?
14 Réponse: Si vous aviez à votre disposition suffisamment de ressources et
15 d'assurer l'équipement nécessaire, ma réponse serait oui.
16 Question: Et à ce moment-là, la personne en question devenait commandant
17 de cette unité, enfin est-ce que vous avez connaissance en ce qui concerne
18 ce point?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Est-ce que quelque chose dans ce sens s'était produit en Bosnie-
21 Herzégovine en 1992, au moment de la guerre contre les Serbes?
22 Réponse: Est-ce que l'on formait des unités à titre privé? Je ne le sais
23 pas, je ne pourrais pas le savoir.
24 Question: Etant donné vos expériences militaires et étant donné le nombre
25 de ces armées privées, pour ainsi dire, et leur vœu de se défendre contre
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1 l'agression serbe, qui est-ce qui aurait pu contrôler cette situation?
2 Réponse: Si les unités opéraient de façon autonome, alors elles étaient
3 placées sous le commandement des quartiers généraux de crise ou d'un
4 quelconque autre quartier général. Et dans les étapes postérieures, ces
5 unités ont été structurées de manière à ne plus pouvoir opérer de cette
6 façon-là.
7 Question: Ces cellules de crise étaient formées pour protéger la
8 population, pour assurer l'auto-organisation de la population, et étaient
9 constituées essentiellement de civils, donc sans aucune expérience
10 militaire, est-ce exact?
11 Réponse: S'agissait-il uniquement de civils, c'est un point que je ne
12 pourrais pas commenter, mais il y avait des gens qui portaient des
13 uniformes et donc on ne pouvait pas distinguer s'ils étaient civils ou
14 militaires.
15 Question: Tout un chacun, qui aurait pu se procurer un uniforme, une
16 Kalachnikov, un revolver, donc en payant tout cela lui-même pourrait donc
17 adhérer à quelque unité que ce soit étant donné qu'il s'agissait à
18 l'époque uniquement essentiellement de volontaires, est-ce correct?
19 Réponse: Oui, je dirai que ce pourrait être correct.
20 Question: Est-ce que vous connaissez à titre personnel des gens en Croatie
21 et en Herzégovine, est-ce que vous avez connaissance de cas de gens qui
22 s'auto-armaient, qui s'armaient de leur propre soin?
23 Réponse: Non, je ne sais rien à ce sujet.
24 Question: En ce qui concerne la Croatie, le HOS est devenu, avec beaucoup
25 de difficultés au cours de 1992, partie intégrante du HV, est-ce correct?
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1 Réponse: Oui, j'en ai entendu parler, notamment d'une attaque de minage en
2 ce qui concerne le quartier général du HOS à Zagreb tout près de la
3 station de la gare.
4 Question: C'étaient des tentatives de création d'une armée. Est-ce que
5 c'était l'objectif?
6 Réponse: Eh bien, je ne pourrais pas le savoir parce que je n'y ai passé
7 que trois à quatre semaines à l'époque. Donc une période trop courte.
8 Question: Monsieur le Témoin, avez-vous entendu parler pendant que vous
9 étiez à Zagreb, de ce qu'on disait à Zagreb dans le cadre de ce parti,
10 enfin que le chef de ce parti qui ne voulait pas se subordonner à l'armée
11 croate a été effectivement mis en prison, incarcéré et soumis à des
12 interrogatoires? Et étant donné que vous étiez son garde du corps, son
13 chauffeur personnel, je pense à M. Paraga, le chef de ce parti...
14 Réponse: Personne et rien n'était connu à l'époque.
15 Question: C'est la raison pour laquelle je vous demandais de me répondre
16 d'après vos propres connaissances. Nous avons à notre disposition encore
17 une dizaine de minutes. Permettez-moi de vous présenter une photographie.
18 Je prie la Greffière d'audience de bien vouloir faire placer sur le
19 rétroprojecteur le document.
20 Je m'excuse auprès de vous, Monsieur le Président, Mesdames les Juges, il
21 s'agit de la pièce P11 page 17. Je précise qu'il s'agit d'une photographie
22 de l'Héliodrome.
23 (Intervention de l'huissier.)
24 Monsieur le Témoin, vous avez à l'écran une photographie. Est-ce que vous
25 pouvez nous indiquer ce que cette photographie présente?
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1 Réponse: C'est l'Héliodrome.
2 Question: Est-ce une image, un tableau complet? Est-ce qu'on peut y voir
3 toutes les installations, toutes les structures ou non?
4 Réponse: Il s'agit seulement d'une partie, il s'agit du bâtiment de l'ATG
5 et les bâtiments plutôt blancs, c'étaient des pièces d'entraînement qu'on
6 n'utilisait pas en mon temps, donc installations pour l'entraînement.
7 Question: Est-ce qu'on peut voir sur cette photographie où vous avez été
8 installé, où vous avez été hébergé pendant le temps que vous vous trouviez
9 dans le cadre de l'Héliodrome? Est-ce que vous pourriez nous l'indiquer
10 sur la photographie?
11 Je prie Monsieur l'huissier de passer le pointeur au témoin?
12 (Le témoin l'indique sur le document.)
13 Aux fins du compte rendu de séance, pourriez-vous nous décrire cet
14 emplacement?
15 Réponse: Oui.
16 M. Krsnik (interprétation): Aux fins du compte rendu de séance, je prie le
17 témoin de le décrire. Nous voyons tous cette photographie, mais nous avons
18 besoin d'avoir une description de celle-ci
19 M. Mrachacz (interprétation): Il s'agit d'un bâtiment de trois étages pour
20 l'hébergement des officiers, des pilotes, et il y avait également des
21 bureaux. Ce bâtiment, ces pièces ont été très bien conservées.
22 M. le Président (interprétation): Où se trouvait ce bâtiment dont vous
23 parlez?
24 M. Mrachacz (interprétation): Le bâtiment se trouvait du côté de la fin de
25 ce complexe de bâtiment, dans une direction un peu plus éloignée.
Page 2802
1 M. Krsnik (interprétation): De quelle couleur? Quel a été son aspect? Est-
2 ce qu'il avait un toit? Quelle était la couleur de ce toit? Quelle est la
3 couleur de la façade? Est-ce que c'est le premier, le deuxième ou le
4 troisième bâtiment allant de droite à gauche? Enfin, je voudrais bien vous
5 donner un coup de main pour que vous puissiez l'identifier.
6 M. Mrachacz (interprétation): D'après cette prise de vue, il s'agissait du
7 bâtiment à droite, et puis il y avait un espace libre, et puis un certain
8 terrain de sport, et évidemment un bâtiment que je décris et où j'étais
9 hébergé. Il s'agit d'un bâtiment avec un toit blanc.
10 Question: Je pense que cela suffit pour identifier, pour voir de quel
11 bâtiment il s'agit.
12 Je vous donnerai une copie un peu plus nette. On pourra encadrer ce
13 bâtiment, je le ferai plus tard. Pour le moment, il suffit de savoir de
14 quel bâtiment il s'agit.
15 Question: Dans le cadre de cet espace, et je ne sais pas si on peut le
16 voir sur cette photo-ci ou on pourra peut-être vous montrer d'autres
17 photos lundi matin, cet espace abritait plusieurs unités du HVO, est-ce
18 correct?
19 Réponse: Je pense.
20 Question: Je pense à l'ensemble du complexe de l'Héliodrome.
21 Réponse: En ce qui concerne la totalité de ce complexe il y avait
22 plusieurs unités, mais dans ce bâtiment-là il n'y avait qu'une seule
23 unité.
24 Question: Oui. J'ai bien compris cela. Mais, je vous ai donc posé la
25 question en ce qui concerne l'ensemble du complexe de l'Héliodrome. Enfin,
Page 2803
1 les choses sont précises quant à ce bâtiment lui-même. Mais il faudrait
2 tout de même élucider certaines choses.
3 Réponse: Oui, il y a eu plusieurs unités.
4 Question: Y avait-il des recrues, est-ce qu'on les entraînait sur place,
5 et les Domobrani étaient-ils sur place également?
6 Réponse: Oui, il y a eu des entraînements que l'on effectuait sur place.
7 M. Krsnik (interprétation): Merci au témoin.
8 Monsieur le Président, je ne vois pas exactement s'il est 13 heures et
9 j'en termine avec ce premier groupe de questions. J'entends donc
10 poursuivre le contre-interrogatoire lundi matin.
11 M. le Président (interprétation): Merci. Deux choses que je souhaite
12 mentionner.
13 Monsieur le Témoin, je dois rappeler que, comme on le fait à tous les
14 témoins, nous vous prions donc de ne vous entretenir avec qui que ce soit
15 avant l'accomplissement de votre déposition et de ne permettre à qui que
16 ce soit de vous adresser la parole. Et il y a quelques questions de
17 procédures qui seront donc annoncées par la Greffière d'audience.
18 Mme Thompson (interprétation): Je vous prie de prendre toutes vos affaires
19 parce que cet après-midi ce prétoire est réservé pour l'affaire
20 Vasiljevic.
21 M. le Président (interprétation): La séance est levée, on reprend lundi
22 matin 9 heures 30.
23 (L'audience est levée à 13 heures 00.)
24
25