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1 (Jeudi 8 novembre 2001.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 32.)
3 (Audience publique.)
4 (Questions relatives à la procédure.)
5 M. le Président (interprétation): Veuillez citer l'affaire, s'il vous
6 plaît, Madame la Greffière.
7 Mme Philpott (interprétation): Il s'agit de l'affaire IT-98-34-T, le
8 Procureur contre Mladen Naletilic appelé "Tuta" et Vinko Martinovic appelé
9 "Stela".
10 M. le Président (interprétation): Merci. Madame la Greffière, est-ce que
11 vous avez demandé à l'interprète de faire une déclaration solennelle ce
12 matin?
13 Mme Philpott (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
14 M. le Président (interprétation): Merci.
15 Qui sera la personne qui procédera à l'interrogatoire du prochain témoin?
16 Monsieur Scott, je vous écoute.
17 M. Scott (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Notre prochain
18 témoin est un membre de l'armée espagnole. Comme c'était le cas avec le
19 témoin de l'armée espagnole précédent, le témoin a également demandé des
20 mesures de protection: donc l'octroi d'un pseudonyme ainsi que la
21 déformation des traits du visage, en vertu de l'Article 70. Les raisons
22 sont les mêmes -je ne vais pas les répéter- que celles qui s'appliquent au
23 témoin précédent.
24 M. le Président (interprétation): Je me demande si le conseiller juridique
25 du Gouvernement espagnol sera présent ce matin?
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1 M. Scott (interprétation): Si j'ai bien compris, je crois que oui: c'est
2 le même représentant juridique qui était là mardi.
3 M. le Président (interprétation): Merci. Est-ce qu'il y a des objections
4 de la part des conseils de la défense?
5 M. Krsnik (interprétation): Non, Monsieur le Président.
6 M. le Président (interprétation): Merci. Donc j'imagine que les mêmes
7 conditions s'appliquent pour la présence du conseiller juridique, pour ces
8 procédures qui se trouvent devant nous aujourd'hui.
9 Veuillez, s'il vous plaît, appeler le témoin, Monsieur l'huissier.
10 Oui, Maître Krsnik?
11 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, j'aurais une question
12 brève, j'aurais une requête. Je voulais vous demander si nous travaillons
13 demain après-midi, car il m'est absolument nécessaire d'entreprendre un
14 voyage urgent demain après-midi. Je voulais savoir si nous allions
15 procéder demain après-midi et, malheureusement, je dois faire un voyage
16 qui est lié d'ailleurs à cette affaire-ci. C'est donc la raison pour
17 laquelle je vous demande si, demain après-midi, nous allons siéger?
18 M. le Président (interprétation): Eh bien, nous avions planifié à
19 l'origine de siéger demain après-midi, car il nous est important de
20 récupérer le temps que nous avons perdu la semaine dernière. Mais étant
21 donné que vous nous avez fait cette demande, nous allons prendre en
22 considération votre demande au cours de la pause et nous vous donnerons
23 une réponse après la pause. Merci.
24 (Signe affirmatif de la tête de Me Krsnik.)
25 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, j'aimerais dire que
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1 l'accusation s'oppose au fait de ne pas siéger demain après-midi. Nous
2 savons que les coconseils peuvent très bien représenter l'avocat en
3 question; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il existe des
4 coconseils.
5 M. le Président (interprétation): Je ne faisais pas référence à la journée
6 entière, mais seulement à demain après-midi.
7 M. Scott (interprétation): Oui. Très bien.
8 Mme Philpott (interprétation): Le pseudonyme octroyé à ce témoin sera
9 Témoin LL.
10 (Audience publique avec mesures de protection à 9 heures 37.)
11 (Le témoin LL est introduit dans le prétoire.)
12 (Ainsi que le conseiller juridique du ministre de la Défense espagnole,
13 Mme Eva Maria Bru Peral.)
14 M. le Président (interprétation): Bonjour, Témoin. Est-ce que vous
15 m'entendez?
16 Témoin LL (interprétation): Oui, je vous entends très bien.
17 M. le Président (interprétation): Veuillez vous lever, s'il vous plaît, et
18 faire la déclaration solennelle, je vous prie.
19 Témoin LL: Je déclare que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que
20 la vérité.
21 M. le Président (interprétation): Merci. Vous pouvez-vous asseoir.
22 (Interrogatoire principal du témoin LL par M. Scott.)
23 M. Scott (interprétation): Bonjour, Monsieur le Témoin.
24 Je souhaiterais vous informer que la Chambre de première instance vous a
25 octroyé les mesures de protection que vous avez demandées: les traits de
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1 votre visage seront déformés -si les procédures se trouvaient diffusées au
2 grand public, votre visage ne sera pas montré-, ainsi que la Chambre vous
3 a également octroyé un pseudonyme. Donc votre nom ne figurera pas au
4 compte rendu d'audience et ne sera pas divulgué au grand public; il
5 s'agira d'un pseudonyme et le pseudonyme accordé est le pseudonyme LL. Ce
6 sont des mesures de protection simplement.
7 C'est également la raison pour laquelle j'aimerais vous aviser de ne pas
8 oublier de ne pas prononcer votre nom ou de prononcer d'autres noms, de
9 dire certaines choses qui pourraient vous identifier.
10 Je voudrais également vous dire qu'au cours de quelques parties de votre
11 témoignage il sera peut-être nécessaire de passer à huis clos partiel, la
12 raison pour ceci étant que lorsqu'on est à huis clos partiel, la partie
13 audio –c'est-à-dire tout ce qui est dit dans le prétoire– n'est pas
14 entendue à l'extérieur du prétoire, pour que les mesures de protection
15 soient appliquées de façon correcte. Pour certaines parties de votre
16 témoignage.
17 Témoin LL, est-il vrai que vous êtes… Est-il exact de dire, plutôt, que
18 vous êtes un soldat professionnel au sein de l'armée espagnole?
19 Témoin LL (interprétation): Oui, c'est exact.
20 Question: Et vous avez présentement le grade de commandant?
21 Réponse: Oui. Je suis commandant.
22 Question: Monsieur le Président, je suis vraiment désolé, j'ai oublié de
23 demander à l'huissier de montrer cette feuille de papier au témoin.
24 Témoin LL, vous avez devant vous une feuille de papier; j'ai oublié de
25 vous montrer cette feuille de papier. Votre identité, votre nom figurent
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1 sur cette feuille de papier. Pourriez-vous nous dire si, oui ou non, c'est
2 bien votre nom qui apparaît sur cette feuille?
3 Réponse: Oui, c'est exact.
4 Question: Merci.
5 Monsieur le Président, je suis vraiment navré d'avoir oublié de faire ceci
6 un peu plus tôt.
7 Bien. Témoin LL, donc vous êtes soldat professionnel, vous détenez le
8 grade de commandant au sein de l'armée espagnole?
9 Réponse: Oui, c'est exact.
10 Question: Vous avez commencé vos études à l'académie espagnole de l'armée
11 espagnole en 1976 et vous avez reçu un diplôme… Enfin, vous avez terminé
12 vos études en 1982 et vous avez reçu le grade de lieutenant?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Et par la suite, vous avez été promu au grade de capitaine en
15 1986?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Et par la suite, vous avez été promu au rang de commandant en
18 1994?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Est-ce que c'est exact également de dire qu'au sein de l'armée
21 espagnole, vous avez participé à des missions de maintien de la paix en
22 Bosnie-Herzégovine, d'abord en 1993 et ensuite de nouveau en 1997?
23 Réponse: C'est exact. En 1993 avec le Groupe de Malaga ainsi qu'avec
24 l'Unité de Canaries, alors qu'en 1997 j'ai été déployé avec la Brigade de
25 Galicia.
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1 Question: Maintenant, j'aimerais attirer votre attention à la période
2 pendant laquelle vous étiez à cet endroit en 1993. Si je ne m'abuse, vous
3 venez de mentionner, vous vous trouviez en Bosnie-Herzégovine en tant que
4 membre d'une équipe de maintien de la paix, des forces de maintien de la
5 paix, et ce en janvier 1993 jusqu'au 15 juillet 1993?
6 Réponse: Oui, c'est exact.
7 Question: Vous avez mentionné, il y a quelques instants, que pour la
8 première période vous serviez avec le Groupe Malaga, les forces tactiques
9 Malaga, alors que pour la deuxième partie vous serviez avec le Groupe des
10 Canaries?
11 Réponse: Oui, c'est exact.
12 Question: Témoin LL, si je comprends bien, pendant la première période de
13 votre séjour à cet endroit, vous étiez capitaine en charge des unités de
14 reconnaissance?
15 Réponse: Oui, c'est exact. Je servais au sein de patrouilles de
16 reconnaissance qui appartenaient à un groupe d'opérations spéciales au
17 sein de la légion, qui s'appelait "BOEL".
18 Question: Est-ce que vous pourriez décrire les fonctions ou la mission de
19 cette patrouille de reconnaissance profonde?
20 Réponse: … (Inaudible)
21 qui incombait à la patrouille de reconnaissance profonde dans la région de
22 Bosnie-Herzégovine était d'assurer la sûreté aux groupes espagnols ainsi
23 que d'assurer la sûreté dans leur zone de responsabilité.
24 Question: Bien. Nous avons entendu dire par d'autres témoins militaires
25 que très souvent on utilise une terminologie, des mots tels que G2 ou S2.
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1 Est-ce que vous pourriez nous dire si ce genre de terme est également
2 utilisé au sein de votre unité?
3 Réponse: Oui, c'est exact. S2 et G2 représentent des personnes qui sont en
4 charge et qui ont trait aux hauts responsables, et mon unité a travaillé
5 pour ces forces-là.
6 Question: Vous parlez de la S2: est-ce que c'est exact?
7 Réponse: Oui, c'est exact: la deuxième partie, la deuxième section qui se
8 trouvait au niveau G2, le niveau G2 étant le niveau le plus élevé.
9 Question: Est-il exact de dire que vous êtes arrivé à Split, en Croatie,
10 vers le 12 janvier 1993?
11 Réponse: Oui, c'est exact. J'étais tout près de Split avec une unité qui
12 était déployée à Divlici et c'est cette localité qui avait été assignée
13 aux troupes espagnoles.
14 Question: Et avant de partir, avant de quitter l'Espagne, est-ce que vous
15 étiez en mesure de rassembler un groupe d'environ trente soldats pour
16 faire cette unité, pour faire partie de cette unité?
17 Réponse: Oui, c'est exact. Personnellement, j'ai choisi tous les membres
18 de ma patrouille pour cette mission qui était très particulière.
19 Question: Vous êtes restés dans cette zone près de Split environ une
20 semaine?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Et vous et votre unité étiez déployés, vous avez été transférés
23 à Jablanica? C'était une nouvelle base qui en fait représentait le
24 quartier général?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Est-ce que vous pourriez expliquer à la Chambre de quelle façon
2 votre unité était organisée: est-ce que vous aviez des sous-unités au sein
3 de cette unité?
4 Réponse: Mon unité, je l'avais organisée sur les bases de reconnaissance
5 de patrouille. Chaque patrouille comprenait cinq ou six hommes et chaque
6 patrouille était sous le commandement d'un sous-officier ou d'un officier;
7 non, un sous-officier. C'est eux qui couvraient toute la zone de
8 responsabilité qui était sous la responsabilité du Bataillon espagnol.
9 Outre ceci, nous voulions maintenir des contacts permanents avec ces
10 patrouilles; c'est la raison pour laquelle j'ai organisé deux stations
11 radios, avec des systèmes de haute fréquence, pour pouvoir maintenir des
12 communications sur une base continue entre moi-même et mes patrouilles.
13 Question: Quant à vous-même, Témoin LL, est-ce que vous étiez sur le
14 terrain, vous-même également? Est-il exact également de dire que vous
15 travailliez dans le quartier général?
16 Réponse: Oui, c'est exact. Au tout début, je voulais voir à quoi
17 ressemblait la vraie situation, je voulais comprendre la problématique de
18 ce pays, je voulais comprendre les circonstances particulières qui
19 prévalaient. C'est donc la raison pour laquelle j'ai passé beaucoup plus
20 de temps sur le terrain, parce que je voulais avoir un contact personnel
21 avec les gens qui y habitaient, plutôt que de simplement rester derrière,
22 dans mon bureau.
23 Question: Pourriez-vous nous dire, au sein de votre organisation, de votre
24 unité ou d'une unité au sens plus large, qui était votre supérieur?
25 Réponse: Mon officier supérieur, celui à qui je me rapportais au sein du
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1 groupe "Malaga", était le commandant Fontella. Ensuite, quant à la zone
2 d'opérations, il est devenu lieutenant-colonel. Ensuite, lorsqu'on a parlé
3 du groupe tactique des "Canaries", je servais sous le commandant Acuna,
4 qui était le chef de la 2e Section des "Canarias", du Groupe "Canarias".
5 (L'interprète français demande que le témoin éteigne le micro pendant que
6 l'interprète espagnol interprète pour lui.)
7 Question: Eh bien, je voudrais attirer votre attention sur le mois de mars
8 1993. A ce moment-là, est-ce que vous avez établi un détachement de votre
9 unité à Mostar?
10 Réponse: Oui, c'est exact. Le chef du quartier général, le commandant
11 Fontella, m'a demandé de quitter Jablanica et de me rendre à Mostar dans
12 le but d'établir des contacts avec les factions, avec les deux factions,
13 l'une étant le HVO et l'autre l'Armija. C'est donc la raison pour laquelle
14 j'ai pris avec moi plusieurs patrouilles, j'ai organisé plusieurs
15 patrouilles à Mostar, mais j'avais reçu l'ordre du commandant Fontella
16 d'aller à Medjugorje. Il m'était beaucoup plus facile, de cette façon-là,
17 d'établir des contacts à Mostar et dans les environs de Mostar: Slatina,
18 Siroko Polje, Ljubuski, Kresevo, etc.
19 Question: Autour de cette période ou bien avant cette période-là, est-ce
20 que le contingent de l'armée espagnole se trouvait donc à Medjugorje? Est-
21 ce qu'ils avaient établi leur base à Medjugorje?
22 Réponse: Oui, c'est exact.
23 Question: Votre unité à vous a produit certains rapports appelés des
24 Intreps -I-N-T-R-E-P- et votre unité a également produit des Insums -I-N-
25 S-U-M. Est-ce que c'est exact?
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1 Réponse: Oui, c'est exact. Les informations que nous recevions nous
2 servaient à rédiger des rapports, des Intreps, des Insums qui étaient des
3 rapports de situations et ils étaient destinés à la 3e Section du quartier
4 général qui parlait des opérations.
5 Question: Pourriez-vous brièvement nous expliquer quelle est la différence
6 entre les Intreps et les Insums?
7 Réponse: Un Intrep est un résumé de renseignements qui se rapportent à une
8 journée spécifique, alors qu'un l'Insum est un résumé de rapport qui parle
9 d'une période plus prolongée, donc qui couvre une période beaucoup plus
10 prolongée; on parle d'une période de 10 à 15 jours. C'est donc la raison
11 que les Insums contiennent toutes les données, tous les renseignements qui
12 sont contenus dans les Intreps quotidiens, et les Insums se réfèrent donc
13 à ces Intreps. Nous pourrions donc dire qu'il s'agit d'une sorte de résumé
14 de plusieurs Intreps; c'est ce que représente un Insum.
15 Question: Donc ces Intreps et ces Insums pourraient-ils, des fois, ne pas
16 simplement faire état des renseignements, mais également faire une analyse
17 de certaines questions?
18 Réponse: Oui, c'est exact. Les Intreps ou les Insums, normalement,
19 contiennent un bref commentaire fait par la personne qui rédige le
20 rapport; il s'agit d'une certaine analyse de tous les renseignements qui
21 sont inclus dans les rapports.
22 Question: Et votre unité à vous, l'unité, les patrouilles de
23 reconnaissance profonde, pour ces unités-là qui était la personne qui
24 faisait les analyses au sein de cette unité?
25 Réponse: Eh bien, j'étais la personne responsable de rédiger les Intreps;
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1 c'est moi également qui faisais les analyses. Mais par la suite, plus
2 tard, ces derniers pouvaient être complétés ou terminés, ou faits par le
3 commandant en chef ou par la deuxième section du quartier général.
4 Question: Et ces rapports que votre unité rédigeait devaient être envoyés,
5 à qui exactement?
6 Réponse: Tous ces rapports quittaient les groupes de tâche Canaries et
7 Malaga et étaient envoyés à la division multinationale du sud-est et à la
8 section de réaction rapide de l'armée espagnole.
9 Question: Au cours de votre premier service en Bosnie en 1993, quelle
10 était votre évaluation générale quant à la fiabilité de l'information que
11 vous étiez en mesure d'obtenir, sur la base desquels ces rapports ont été
12 rédigés?
13 Réponse: S'agissant de ces rapports, c'est moi qui les ai rédigés grâce
14 aux contacts que j'avais avec des officiers militaires des deux groupes,
15 donc du HVO et de l'Armija. Mais il y avait également des contacts obtenus
16 avec des civils qui habitaient les villes et les villages. Donc le degré
17 de fiabilité devait être évalué de sorte que plus tard, il fallait évaluer
18 ou comparer les renseignements reçus car nous recevions l'information que
19 les gens voulaient bien nous donner. Alors, par la suite, nous faisions
20 contraster les documents et les renseignements reçus obtenus par toutes
21 sortes de personnes pour pouvoir savoir si une attaque s'est vraiment
22 déroulée, et ainsi de suite.
23 Question: Témoin, est-ce que c'est exact de dire qu'au cours de votre
24 premier service à cet endroit, donc pendant que vous y étiez pour la
25 première fois, sur ce territoire –et je parle du mois d'avril–, est-ce que
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1 vous avez vu si la situation était devenue plus difficile pour l'armée
2 espagnole, puisque les tensions montaient entre les Croates et les
3 Bosniens?
4 Réponse: Oui, tout à fait. Il y avait une escalade de tension, et la
5 situation était plus mauvaise sur le plan de la sécurité également. Je me
6 suis aperçu que cela s'est produit au moment où les "Canaries" ont pris le
7 rôle de "Malaga"; donc les problèmes sont devenus de plus en plus
8 importants.
9 Question: Et le Groupe des "Canaries" est arrivé au début ou à la mi-
10 avril?
11 Réponse: Je ne peux pas vous donner la date exacte; il me semble qu'on
12 peut trouver la date exacte dans les documents. Mais c'était en avril, en
13 effet, qu'il y a eu la relève entre les colonels Zorzo et Morales qui
14 étaient en charge de l'opération.
15 Question: Durant cette période et par la suite, pendant votre première
16 mission, l'armée espagnole avait-elle une liberté totale de circulation
17 dans votre zone de responsabilité?
18 Réponse: Non. Il y avait une rapidité… Il y avait une liberté d'action et
19 de circulation qui était fonction du comportement des différentes factions
20 présentes sur le terrain, que ce soit aux points de contrôle ou en
21 fonction des ordres que ces patrouilles ou ces factions recevaient, donc
22 notre liberté dépendait de cela. Cependant, toutefois, une fois qu'on nous
23 a accordé le droit de rentrer dans une ville, par exemple, on ne pouvait
24 pas non plus circuler tout à fait librement puisque nous n'étions pas chez
25 nous, dans notre pays. Donc il est évident qu'il y avait un certain nombre
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1 de restrictions pour ce qui est de la population, pour ce qui est du
2 personnel militaire, et nous n'avions pas le droit de nous impliquer ou de
3 perturber l'une ou l'autre des factions en présence.
4 Question: Monsieur le Témoin, est-ce que vous savez ce que c'est qu'un
5 "Orbat"?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Pouvez-vous le préciser?
8 Réponse: "Orbat", c'est un organigramme qui montre la composition des
9 unités au sein d'une armée. Un "Orbat" peut contenir des noms, des noms
10 des commandants, la composition des unités, l'armement des unités,
11 l'équipement, la zone de responsabilité des unités, etc.
12 Question: Est-ce que cela est en fait une abréviation de "Ordre bataille"?
13 Réponse: Oui, tout à fait.
14 Question: Pendant cette période où il y a eu la relève entre les
15 "Canaries" et le Groupe Malaga, avez-vous pu observer que l'une ou l'autre
16 des parties en conflit a eu le dessus? Disons pendant cette période de
17 transition.
18 Réponse: Je pense que oui, qu'il y a eu cette période de transition au
19 moment de la relève et que c'était un moment critique, un tournant pour
20 nous, parce qu'il est très important que l'unité qui arrive soit bien
21 briffée au sujet de la situation.
22 Et, à ce moment-là, il y a eu un moment de tension important avec des
23 mouvements importants de personnes, de véhicules sur les routes. Je peux
24 dire effectivement que nous avons eu des moments difficiles. Il nous a
25 fallu un petit peu de temps pour pouvoir installer les unités et pour
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1 pouvoir comprendre dans quel état étaient les unités et quelles étaient
2 leurs intentions.
3 Question: Pouvez-vous nous dire si ces difficultés étaient davantage
4 présentes auprès de l'une ou l'autre des parties en conflit?
5 Réponse: Je souhaitais établir le même type de contact avec toutes ces
6 unités, mais il s'est avéré qu'il y avait beaucoup plus de mouvements du
7 côté du HVO, beaucoup plus de changement du côté du HVO qu'au sein de
8 l'armée de Bosnie-Herzégovine.
9 Question: A un moment donné, vous a-t-on présenté un homme qui s'appelait
10 Ivan Andabak?
11 Réponse: Oui, c'est exact, j'ai eu l'occasion de rencontrer en personne
12 cet individu.
13 Question: Les circonstances de votre rencontre avec M. Andabak, quelles
14 étaient-elles? Où vous trouviez-vous au moment où cela a eu lieu?
15 Réponse: Cet homme m'a été présenté par le colonel Zorzo qui était le
16 commandant du Groupe tactique "Malaga". Cette personne était un colonel au
17 sein des forces spéciales du HVO à l'époque et, puisque moi aussi je
18 venais des forces spéciales, nous avons établi un contact très facile.
19 Cela veut dire aussi qu'entre nous régnait un climat de confiance
20 mutuelle.
21 Question: Et comment le colonel Zorzo en est-il venu à rencontrer Ivan
22 Andabak?
23 Réponse: Je ne le sais pas.
24 Question: Pouvez-vous, s'il vous plaît, dire à la Chambre de première
25 instance: est-il exact que M. Andabak avait épousé une femme espagnole et
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1 qu'en fait, lui-même, il a vécu en Espagne pendant un moment?
2 Réponse: Oui, c'est exact. J'étais en contact très étroit avec cette
3 personne que je respectais. Il m'a dit qu'il avait été en Espagne à
4 l'époque de Tito, et qu'il a épousé une femme espagnole dont le nom est
5 Juani. J'ai eu l'occasion de la rencontrer ainsi que de rencontrer leur
6 fille lors d'un dîner où j'ai été invité, et qui a eu lieu dans la maison
7 où vivait, à l'époque, M. Andabak et sa famille.
8 Question: Avant de poursuivre au sujet de ce dîner, Andabak parlait-il
9 aussi couramment espagnol?
10 Réponse: Oui. Et d'ailleurs, c'est cela qui m'a permis d'établir une
11 grande confiance bien plus importante pour discuter des affaires
12 personnelles dans un environnement militaire. Ceci nous a permis de parler
13 de la famille, des enfants et également de parler du conflit. C'est de
14 cette façon-là que j'ai pu me renseigner de manière très proche des
15 problèmes qui existaient dans ce pays, des tentions entre les deux
16 parties, et d'essayer de me faire une image plus complète et claire de la
17 situation générale.
18 Je voulais savoir quelles étaient les intentions des uns et des autres, et
19 je devais savoir s'il y avait quelque chose qui pouvait constituer une
20 menace pour les forces espagnoles, pour notre sécurité.
21 Question: Durant votre mission en 1993, avez-vous eu l'occasion de
22 rencontrer qui que ce soit d'autre au sein du HVO qui parlait couramment
23 espagnol?
24 Réponse: Je n'arrive pas à me rappeler en ce moment un autre membre du HVO
25 qui aurait eu un espagnol courant.
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1 Question: N'est-il pas vrai, Monsieur, que ceci vous a permis de tisser
2 des liens particuliers avec M. Andabak?
3 Réponse: Oui. Nous avons beaucoup parlé ensemble et nous nous rencontrions
4 souvent, que ce soit par hasard ou parce que nous devions assister à des
5 réunions. Pour nous deux, c'était très agréable si lui ou moi on se
6 rendait à Mostar et on s'arrêtait à discuter. C'était très agréable.
7 Question: Témoin LL, j'espère que la question que je souhaite vous poser
8 ne sera pas gênante pour vous, mais je pense que ceci n'est pas un secret:
9 vous essayiez d'obtenir des informations de diverses personnes que vous
10 rencontriez pendant votre mission en Bosnie, n'est-ce pas?
11 Réponse: Oui, c'est exact. L'une de mes tâches était d'obtenir toutes les
12 informations que je pouvais au sujet des intentions des deux parties qui
13 étaient présentes à l'époque. Nous n'étions pas là pour qu'on nous rende
14 service: nous devions servir, nous étions là pour aider le peuple de
15 Bosnie-Herzégovine, nous étions là pour établir la paix et pour assurer
16 l'arrivée d'aide humanitaire.
17 Question: Quelle qu'était votre relation avec M. Andabak, vous êtes en
18 train de dire, n'est-ce pas, Monsieur, qu'il ne s'agissait pas uniquement
19 d'une relation de pure courtoisie, n'est-ce pas?
20 Réponse: Absolument. Toutes les relations que j'établissais sur le plan
21 social étaient sujettes à cet objectif, qui était mon premier objectif, à
22 savoir d'obtenir, de recueillir des informations. Donc on peut dire que
23 ces contacts sociaux étaient en fait une manière de gagner la confiance et
24 ainsi d'obtenir des informations.
25 Question: Revenons maintenant à ce dîner. Vous nous avez dit que ce dîner
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1 avec M. Andabak a eu lieu dans sa maison. Pouvez-vous nous dire, pendant
2 votre mission en 1993, combien de fois vous êtes-vous rendu dans la maison
3 de M. Andabak?
4 Réponse: Je ne peux pas dire que je me souviens exactement, mais j'ai été
5 invité à sa maison à cinq ou six reprises, à partir du premier jour où je
6 l'ai rencontré jusqu'à la fin de ma mission, en juillet, lorsque je suis
7 venu lui faire mes adieux, voir aussi sa femme et ses enfants. C'étaient
8 des Espagnols et, avant de partir, je souhaitais leur dire à quel point
9 j'avais été heureux de les rencontrer.
10 Question: Lors de ce dîner à la maison, chez Andabak, avez-vous rencontré
11 un autre Croate du HVO?
12 Réponse: Oui. J'ai rencontré tous les membres de la famille d'Ivan Andabak
13 et j'ai rencontré son suppléant. J'ai également rencontré un ami qui était
14 très important pour lui: c'était "Tuta".
15 (Le témoin fait un signe en direction de "Tuta".)
16 Question: Comment se fait-il que "Tuta" était présent à ce dîner et
17 comment vous a-t-il été présenté?
18 Réponse: Nous avons été formellement présentés l'un à l'autre par M.
19 Andabak.
20 Question: Pouvez-vous raconter à la Chambre de première instance, si vous
21 vous rappelez cela, en quels termes M. Andabak vous a-t-il présenté M.
22 "Tuta"? Comment vous l'a-t-il présenté?
23 Réponse: Eh bien, après toutes ces années, je n'arrive pas vraiment à
24 retrouver les mots exacts. Mais ce qu'il a dit, c'est que c'était une
25 personne qui était très influente, qui était bien placée dans le monde des
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1 affaires et de la politique, ainsi que dans la vie militaire; et que
2 c'était son commandant, qu'il travaillait avec lui, mais que c'était avant
3 tout un ami.
4 Question: Il vous a dit qu'il était son commandant: pourriez-vous nous
5 préciser qui était le commandant de qui entre "Tuta" et Andabak?
6 Réponse: Pendant cette conversation, à ce moment-là, j'ai compris que
7 "Tuta" donnait des ordres à Ivan Andabak, que c'était lui le commandant,
8 qu'Ivan Andabak était à la tête de ces forces spéciales, mais qu'au-dessus
9 de lui, il y avait "Tuta" qui planifiait les opérations ou bien peut-être
10 qui donnait des consignes ou des recommandations, des instructions au
11 sujet des opérations.
12 Question: Avez-vous appris, au cours de l'année 1993, quelle était la base
13 des opérations pour "Tuta" et Andabak?
14 Réponse: Oui. J'ai pu connaître la maison où était le bureau d'Ivan
15 Andabak, donc son QG, et un autre bâtiment où il passait beaucoup de
16 temps; c'était un autre bâtiment.
17 Question: Au cours de ce dîner, qu'avez-vous pu remarquer au sujet de la
18 relation qui régnait entre Andabak et "Tuta", que ce soit au cours de ce
19 dîner ou à un autre moment? Lorsque vous avez vu ces deux hommes se
20 parler, pourriez-vous dire à la Chambre de première instance si l'un ou
21 l'autre était dans une position de plus grand respect par rapport à son
22 interlocuteur?
23 Réponse: Eh bien, vous savez, on ne remarque pas à ce point la hiérarchie
24 pendant un dîner où le climat qui règne est très agréable. Donc je pouvais
25 voir qu'il y avait de l'amitié entre Andabak et "Tuta". Et pour ce qui est
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1 d'une relation de respect, je pourrais dire qu'il était heureux, très
2 heureux d'être en compagnie de "Tuta" et de l'avoir pour ami. Quant à
3 "Tuta", il était très intelligent, il avait une position très importante
4 sur le plan social et de toute évidence, il était au-dessus du niveau qui
5 était celui d'Ivan Andabak.
6 Question: Pendant ce dîner ou plus tard, vous avez eu une conversation
7 avec Andabak et "Tuta" pendant plusieurs heures?
8 Réponse: Oui. Ce dîner s'est prolongé et il y a eu des conversations très
9 longues, et nous avons eu l'occasion d'apprendre comment s'est déroulée la
10 vie d'Ivan Andabak puis la vie de "Tuta", parce que tout le monde était
11 détendu et c'était un climat de confiance mutuelle qui régnait. Ils se
12 parlaient au sujet de leurs intentions, de leur situation et des raisons
13 pour lesquelles, précisément, ils étaient en Bosnie-Herzégovine.
14 Question: Je souhaite vous poser quelques questions à ce sujet. "Tuta"
15 lui-même vous a-t-il raconté un petit peu sa vie?
16 Réponse: Oui. D'une certaine façon, je peux dire qu'il m'a résumé
17 l'histoire de sa vie en disant pourquoi il était dans cette situation
18 particulière, et il m'a donné l'impression d'avoir abandonné toutes ses
19 obligations à l'étranger pour venir aider, secourir sa patrie, son pays.
20 Il voulait déployer tous les efforts pour défendre cette cause, la cause
21 de son pays et des Croates.
22 Question: Vous avez également dit, il y a un instant, qu'ils vous ont
23 décrit leur situation et qu'ils ont parlé de leurs intentions. Alors
24 qu'ont-ils dit, Andabak et "Tuta"? Qu'ont-ils dit au sujet de leurs
25 intentions?
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1 Réponse: Eh bien, l'avenir leur semblait clair à ce moment-là. Ils
2 combattaient pour leur pays, dans le pays où les Croates de Bosnie
3 l'emporteraient. Ils allaient créer une République croate d'Herceg-Bosna
4 et ils allaient expulser les Musulmans de cette zone.
5 Question: L'intention de "Tuta" et d'Andabak, d'après ce qu'ils ont dit,
6 était d'expulser tous les Musulmans?
7 Réponse: Oui.
8 Question: A t-il été question de Mostar et de la position de Mostar au
9 sein d'Herceg-Bosna?
10 Réponse: Oui. Ils estimaient que Mostar pouvait jouer le rôle de la
11 capitale de cette République. Mostar avait un rôle très important à jouer,
12 pour eux c'était la ville-clef, la ville qui avait le plus d'habitants et
13 ils désapprouvaient, ils désapprouvaient la présence de Musulmans dans
14 cette zone, et c'est pourquoi ils souhaitaient agir, ils souhaitaient se
15 débarrasser de la population musulmane de cette zone. Ils voulaient
16 exercer des pressions pour se débarrasser des Musulmans et les chasser de
17 cette zone.
18 Question: Essayons d'avancer dans le temps, après donc ce dîner. Monsieur
19 Andabak est resté l'un de vos contacts les plus réguliers au sein du HVO,
20 n'est-ce pas, durant votre mission?
21 Réponse: Oui. Excusez-moi, mais il n'était pas le seul. J'ai eu bien
22 d'autres contacts au sein du personnel militaire du HVO car je ne voulais
23 pas me polariser sur lui tout seul. Toutefois, il est devenu pour moi l'un
24 des hommes clefs parce qu'il était très facile pour moi de communiquer
25 avec lui en espagnol et parce que j'ai gagné sa confiance. Peut-être bien
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1 plus que les autres militaires que j'ai rencontrés, que ce soit au sein du
2 HVO ou au sein de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
3 Question: Je vous poserai des questions au sujet de vos autres contacts
4 dans un instant mais j'ai, me semble-t-il, omis une question que j'aurais
5 dû vous poser au sujet du dîner à la maison d'Andabak. Y avait-il un
6 interprète présent pendant ce dîner, l'interprète qui venait soit du côté
7 croate, soit que vous avez trouvé par l'intermédiaire de l'armée
8 espagnole?
9 Réponse: Oui. Le colonel Zorzo avait son interprète présent sur place;
10 c'est un interprète qui l'accompagnait toujours, qui se déplaçait toujours
11 avec lui. Mais pendant ce dîner, "Tuta" a parlé italien et jusqu'à un
12 certain point, il nous était possible d'avoir une conversation en direct,
13 sans avoir besoin de recourir au service de l'interprète.
14 Question: Mis à part M. Andabak, pour ce qui est des contacts que vous
15 avez établis, vous avez dit que vous en aviez eu un certain nombre
16 d'autres. Pourriez-vous en nommer un ou deux parmi les principaux contacts
17 que vous aviez au sein du HVO?
18 Réponse: Oui, mais je dois dire qu'il s'agit là d'un secret professionnel
19 et je ne pourrais pas vous dire quelles étaient les sources d'information
20 que j'avais. Ce que j'essayais, c'était de faire en sorte que ce que me
21 disait Ivan Andabak pouvait être corroboré par ce que me disaient d'autres
22 personnes, parce que je ne pouvais pas me fier uniquement à lui. Et, dans
23 un certain nombre de situations, je dois dire que, bien sûr, je n'avais
24 pas des sources supplémentaires puisque la chose la plus simple pour moi
25 était de voir Ivan Andabak que d'aller au quartier général et d'essayer de
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1 parler à d'autres personnes. Mais je dois dire qu'il y avait d'autres
2 sources, qu'il y avait d'autres amis, que ce soit au sein de leur état-
3 major ou à l'extérieur de celui-ci.
4 Question: Très bien.
5 Réponse: Je peux vous mentionner une personne: c'était quelqu'un qui était
6 à la tête d'une brigade stationnée à Ljubuski. Lui aussi est devenu un
7 ami, son nom était Tomic. Je l'ai rencontré plusieurs fois, je me suis
8 rendu chez lui à plusieurs reprises. Nous nous sommes également rencontrés
9 dans un café, dans la zone de Ljubuski.
10 Question: Durant votre séjour dans la région, Monsieur, avez-vous fait
11 connaissance de certains officiers du HVO? Je parle bien de faire
12 connaissance, ce qui ne signifie pas nécessairement une connaissance
13 intime. Mais, au cours des missions que vous avez remplies, avez-vous
14 rencontré, fait la connaissance de gens tels que Petkovic, Bozic et Lasic
15 par exemple?
16 Réponse: Oui, j'ai rencontré ces hommes et ces militaires parce que les
17 contacts avec le colonel Zorzo se faisaient régulièrement. Et, la plupart
18 du temps, le colonel Zorzo, lorsqu'il avait de tels contacts, me demandait
19 de l'accompagner.
20 Question: Considériez-vous ces hommes -je parle de Petkovic, Bozic et
21 Lasic-, comme des contacts pour information de la même nature que Ivan
22 Andabak par exemple, ou bien les considériez-vous à un niveau autre?
23 Réponse: Logiquement, le niveau de contact avec eux, le niveau de
24 traitement que nous avions avec eux était totalement différent car ces
25 hommes faisaient partie du monde militaire. Ils pouvaient nous donner des
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1 informations ouvertement, parce que toutes les informations que nous leur
2 demandions étaient fournies ouvertement et clairement.
3 Ils pouvaient donc nous informer sur la situation générale, mais également
4 sur les intentions de certains. Ils pouvaient parler au colonel Zorzo,
5 mais avec Tomic et Ivan Andabak les conversations étaient peut-être plus
6 détaillées, plus précises au sujet des destructions, des effectifs, des
7 unités de la forme d'entraînement subie par ces unités, de l'armement que
8 ces unités avaient. Car toutes ces questions étaient peut-être plus
9 insignifiantes avec des hommes de rangs élevés.
10 Question: Je vous demande un éclaircissement, parce que vous venez de
11 dire: "Ils poursuivaient plus en détail", etc., etc. Qui est le "ils" que
12 je vois au compte rendu d'audience en anglais? A moins que ce soit un
13 problème d'interprétation. Est-ce qu'il s'agit de vous ou de quelqu'un
14 d'autre?
15 Réponse: Moi je posais des questions plus détaillées, mais eux aussi,
16 évidemment -et c'est tout à fait logique-, me donnaient tout ce flux
17 d'informations personnelles et je n'avais rien à dire à ce sujet, au sujet
18 de notre situation à nous. L'échange était tout à fait ouvert, honnête,
19 très sincère. C'était de cette façon que se faisait connaître l'aide que
20 nous pouvions apporter. Nos intentions étaient claires, et ces échanges se
21 faisaient sur base mutuelle entre eux et nous.
22 Question: Avançons, si vous le voulez bien.
23 Vous avez dit, il y a quelques minutes, que vous saviez que Ivan Andabak
24 avait un ou deux bureaux, un ou deux lieux de travail dans la ville de
25 Mostar. Est-ce que l'un de ces lieux de travail se trouvait au grand
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1 quartier général du HVO?
2 Réponse: Affirmatif. Je crois me souvenir, d'ailleurs, que ce bureau se
3 trouvait au rez-de-chaussée parce que j'y suis allé une fois et j'ai eu
4 l'occasion de le saluer personnellement.
5 Question: Avez-vous le moindre souvenir à présent de l'emplacement
6 approximatif du deuxième bureau, du deuxième quartier général, du deuxième
7 lieu de travail de M. Andabak?
8 Réponse: Pour être précis, je peux vous dire que c'était un autre
9 bâtiment, tout à fait distinct du premier; il y avait une rue qui avait
10 été barrée par la police ou par le HVO. La situation était un peu
11 particulière, mais je n'avais pas pour mission et je ne crois pas pouvoir
12 vous l'expliquer exactement.
13 M. Scott (interprétation): Très bien. J'aimerais appeler votre attention
14 sur la date du 7 mai 1993. Avez-vous vu Ivan Andabak, ce jour-là?
15 Témoin LL (interprétation): Le 7 mai exactement? Pour vérifier, il
16 faudrait que je lise quelques documents, que je confirme grâce à mes
17 notes. Mais j'ai vu Ivan Andabak la veille de l'escalade de la violence à
18 Mostar.
19 M. le Président (interprétation): Oui, oui, oui, Maître Meek?
20 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, je
21 sais que ce témoin donne lecture d'une sorte de déclaration et
22 j'apprécierais grandement qu'il nous dise quelle est la déclaration qu'il
23 a sous les yeux et qu'il utilise pour répondre aux questions que lui pose
24 M. Scott.
25 M. le Président (interprétation): Je crois que c'est une demande tout à
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1 fait légitime.
2 Témoin LL (interprétation): C'est une déclaration que j'ai faite et je
3 crois que chacun dans la salle dispose de cette déclaration. Donc c'est
4 une déclaration que j'ai faite avant mon témoignage ici, aujourd'hui.
5 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, il est exact qu'une fois
6 arrivé à La Haye, ce témoin a eu la possibilité de revoir ses déclarations
7 préalables, toutes ses déclarations préalables, comme c'est le cas de tous
8 les témoins. Je dois dire que je ne savais pas qu'il avait ses notes sur
9 lui aujourd'hui.
10 Je satisferai donc au désir de la Chambre si celle-ci souhaite lui retirer
11 ses notes.
12 M. le Président (interprétation): Maître Meek?
13 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, le
14 problème que me posent ces notes vient évidemment du fait que, si le
15 témoin est incapable de se rappeler quoi que ce soit sur la base de ses
16 souvenirs personnels, mais qu'il doit s'appuyer sur une déclaration
17 rédigée par lui, il faut que cette déclaration soit versée au dossier. Je
18 ne peux pas le contre-interroger sur la base de cette déclaration que je
19 n'ai pas sous les yeux.
20 C'est donc un déni du droit de mon client à confronter le témoin. S'il
21 utilisait simplement la déclaration de temps en temps, ce serait
22 différent, mais j'ai vraiment l'impression qu'il utilise la déclaration
23 pour répondre à toutes les déclarations qui lui sont posées afin de
24 rafraîchir sa mémoire.
25 Vous me comprenez, n'est-ce pas, Monsieur le Président?
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1 M. le Président (interprétation): Oui.
2 D'abord, je dirai que chacun dans ce prétoire ne dispose pas des
3 déclarations préalables de ce témoin.
4 Deuxièmement, le témoignage d'un témoin est destiné à ce que celui-ci,
5 présent physiquement, puisse nous communiquer ce qu'il a à dire de façon
6 spontanée et sur place, sans s'appuyer sur des déclarations préalables. De
7 toute façon, avant qu'un témoin puisse utiliser un quelconque document sur
8 lequel il s'appuie dans son témoignage, la Chambre aurait dû être informée
9 de l'origine, de la source de ce document.
10 Donc, Monsieur Scott, je vous prierai de demander à votre témoin de ne
11 plus utiliser cette déclaration qui ne doit plus entrer dans le prétoire.
12 M. Scott (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
13 Monsieur le Témoin LL, je crois que le plus simple, c'est que M.
14 l'huissier vienne reprendre ce document.
15 (L'huissier s'exécute.).
16 Témoin LL, je reviendrai à vous dans quelques instants.
17 Monsieur le Président, j'aimerais que quelques mots soient inscrits à ce
18 sujet au compte rendu d'audience, car le témoin ne s'est pas référé
19 fréquemment à ce document qu'il avait sous les yeux. C'est une des raisons
20 pour lesquelles je ne me suis même pas rendu compte qu'il l'avait sous les
21 yeux.
22 Je m'insurge donc contre les commentaires du conseil de la défense qui
23 vient de dire que le témoin avait utilisé cette déclaration fréquemment.
24 Je ne l'ai pas remarqué en tout cas.
25 Mme Clark (interprétation): Je crois que nous l'avons remarqué.
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1 M. Scott (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Mesdames les
2 Juges.
3 Témoin LL, j'aimerais vous parler de ceci pour éviter toute confusion. Si,
4 à un moment particulier, vous pensez que votre mémoire est épuisée et que
5 vous souhaitez vous rafraîchir la mémoire et jeter un coup d'œil à un
6 document, il conviendrait que vous nous l'indiquiez. Mais bien sûr, comme
7 le Président de cette Chambre de première instance vient de le dire, ce
8 qui intéresse principalement les Juges, bien entendu, c'est votre
9 témoignage spontané, que vous pouvez faire au mieux des capacités de votre
10 mémoire.
11 Témoin LL (interprétation): Correct.
12 Question: Je vous interrogeais au sujet de votre rencontre avec M. Ivan
13 Andabak. Peut-être ne vous rappelez-vous pas la date exacte, mais je vais
14 vous donner une référence dans le temps qui, peut-être, pourra être
15 utilisable par vous.
16 Savez-vous, Monsieur, que le 9 mai… En fait, Monsieur le Président, je
17 crois que ce point peut difficilement être contesté à ce stade du procès.
18 Monsieur le Témoin, savez-vous que le 9 mai une action militaire de grande
19 envergure a commencé à Mostar?
20 Réponse: Affirmatif. Le 9 mai, un événement militaire, comparable à une
21 attaque entre les forces du HVO et celles de l'armée de Bosnie-
22 Herzégovine, a commencé à Mostar.
23 Question: Nous n'allons pas parler de cette attaque dans l'immédiat, mais
24 ayant en mémoire cette date du 9 mai, pouvez-vous dire aux Juges de cette
25 Chambre si vous avez vu M. Andabak à Mostar peu de temps avant?
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1 Réponse: Affirmatif. Je me rappelle l'avoir vu une nuit dans son deuxième
2 quartier général, je parle bien du deuxième quartier général de M. Ivan
3 Andabak qui, ce jour-là, portait un uniforme de couleur complètement
4 noire. Il avait des grenades, des armes, des munitions.
5 Je lui ai demandé de la façon la plus directe qui soit: qu'êtes-vous en
6 train de préparer? A cette question, il m'a répondu qu'ils étaient en
7 train de se préparer pour lancer une attaque, donc pour une action. Et
8 que, cette nuit-là, les têtes allaient rouler dans la poussière.
9 Question: Quand vous avez entendu M. Andabak dire ceci, avez-vous ensuite
10 eu un quelconque contact avec des représentants d'une partie belligérante
11 ou de l'autre ou peut-être des deux?
12 Réponse: Affirmatif. J'ai déjà dit que ce qui était recherché avant tout
13 était la neutralité la plus importante qui soit et la plus grande
14 transparence possible.
15 Je me suis donc rendu au quartier général de la brigade de l'armée de
16 Bosnie-Herzégovine, qui était stationnée à Mostar. J'ai rendu visite à son
17 chef, le général Mihat Houdouk, et je lui ai demandé à lui aussi ce qui
18 était en train de se passer parce que j'étais un petit peu inquiet au vu
19 du changement d'attitude…
20 M. le Président (interprétation): Maître Meek?
21 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, je vous prie de m'excuser
22 de me lever soudainement de cette façon, mais page 25, ligne 2, le témoin
23 a indiqué qu'il a parlé au chef général, et le nom ne figure pas au compte
24 rendu d'audience en anglais.
25 M. le Président (interprétation): Nous l'avons remarqué aussi, Maître
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1 Meek. Mais nous aimerions d'abord entendre le témoin car vous ne faites
2 pas objection, n'est-ce pas, à une question posée par le Procureur? Vous
3 demandez simplement un éclaircissement?
4 Monsieur Scott, pourriez-vous d'ailleurs demander cet éclaircissement à
5 votre témoin?
6 M. Scott (interprétation): Oui, Monsieur le Président, d'ailleurs j'étais
7 sur le point de le faire dans quelques instants.
8 Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous dire comment s'épelle le nom de la
9 personne dont vous venez de citer le nom précisément?
10 Témoin LL (interprétation): Eh bien, je ne suis pas expert en nom propre,
11 je ne suis pas un linguiste, mais je crois que le nom pourrait s'épeler de
12 la façon suivante: Mihat Houdouk, M-I-H-A-T et plus loin le nom de
13 famille: H-O-U-D-O-U-K. A peu près car je ne suis pas linguiste, et je
14 regrette beaucoup d'avoir offensé le conseil de la défense sur ce détail,
15 mais vraiment, il est difficile de… je ne pourrais pas donner plus de
16 précision sur la façon d'épeler ce prénom et ce nom de famille.
17 Question: Témoin LL, franchement, je crois que vous l'avez bien épelé,
18 mais je ne suis pas encore sûr que l'orthographe du compte rendu
19 d'audience en anglais soit parfaite. Il me semble que vous avez dit H-U-D-
20 R-U-K.
21 Réponse: Affirmatif.
22 Question: Très bien.
23 Vous avez dit que, lorsque vous êtes allé au quartier général de l'armée
24 de Bosnie-Herzégovine, vous avez vu que celle-ci se préparait également,
25 que vous avez interrogé ces représentants à ce sujet. Alors, si vous vous
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1 rappelez ce qui vous a été répondu, pouvez-vous nous dire ce que vous avez
2 appris?
3 Réponse: Affirmatif. Mihat Hudruk et Humo m'ont dit qu'ils savaient ce qui
4 allait se passer et qu'ils s'attendaient à une attaque de la part du HVO.
5 J'étais un peu inquiet, j'étais en fait très préoccupé de ce changement si
6 soudain. Et donc, je suis allé à mon quartier général de Medjugorje, j'ai
7 rédigé une note sur la situation et j'ai donc informé directement et
8 personnellement mon chef, le colonel Morales. Et c'est ce que j'ai fait.
9 Question: Je vous arrête un instant parce que, lorsque vous venez de
10 prononcer le mot Hudruk à l'instant, vous avez prononcé un deuxième mot
11 qui ressemble un peu à Humo. Est-ce qu'il s'épelle H-U-M-O?
12 Réponse: Affirmatif. Je crois que ce nom s'épelle H-U-M-O, comme je le
13 vois à l'écran en anglais actuellement; c'est comme cela que moi je
14 l'aurais écrit. Je ne l'ai jamais vu écrit à l'époque, je n'ai fait que
15 l'entendre oralement donc je ne sais pas si c'est l'orthographe exacte,
16 mais je crois qu'approximativement elle doit être exacte.
17 Question: Était-ce un autre officier de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui
18 se trouvait au quartier général de cette armée?
19 Réponse: Affirmatif. C'était le n°2 de la brigade qui était commandée par
20 Hudruk, un homme jeune qui apparemment, d'après ce qu'on m'a dit, était
21 architecte ou en tout cas avait étudié l'architecture et qui se préparait
22 également, comme l'ensemble de son état-major, à subir une attaque. C'est
23 ce que m'ont dit ces hommes eux-mêmes.
24 Question: Deux points encore avant de passer à un autre sujet. Vous dites
25 "le quartier général de l'armée de Bosnie-Herzégovine"; il peut être
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1 important pour vous de nous dire de quelle unité vous parlez en
2 particulier. Est-ce que c'est le quartier général en tant que tel ou une
3 brigade, ou un autre élément dont vous parlez?
4 Réponse: Eh bien, selon ce qui m'a été dit à l'époque par les membres de
5 cette brigade au quartier général, il s'agissait de la 41e Brigade de
6 l'armée de Bosnie-Herzégovine.
7 Question: Très bien. Et puis, excusez-moi de ralentir un peu les débats,
8 Monsieur le Président, mais un peu plus bas dans le compte rendu
9 d'audience et, Monsieur le Président, je lis la page 10 de la page 26 à
10 peu près, vous dites: "Il s'attendait à une attaque de la BHO". Peut-être
11 qu'il y a eu confusion dans les lettres à ce niveau, sur le compte rendu
12 anglais. De qui s'attendait-il à subir une attaque?
13 Réponse: Effectivement, l'armée de Bosnie-Herzégovine s'attendait à une
14 attaque du HVO. C'est exact.
15 Question: Et ensuite, vous avez déclaré que lorsque vous avez reçu cette
16 information des deux parties, et notamment de M. Andabak, vous êtes allé
17 voir le colonel Morales à Medjugorje pour l'informer de l'évolution de la
18 situation. Est-ce exact?
19 Réponse: C'est exact. A partir de ce moment-là, d'ailleurs, le colonel
20 Morales a ordonné la mise en alerte de tous les détachements espagnols et
21 la formation d'un convoi militaire composé de véhicules blindés et destiné
22 à patrouiller dans la ville de Mostar afin de renforcer notre présence.
23 Question: Vous-même et le colonel Morales, avez-vous accompagné ce convoi
24 qui comprenait des blindés jusque dans la ville de Mostar, ce jour-là ou
25 les jours qui ont suivi?
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1 Réponse: Affirmatif. Le jour-même, avant minuit, le 7, nous avons commencé
2 à patrouiller en ville et nous avons terminé le 8 à 2 heures du matin à
3 peu près.
4 Question: Qu'avez-vous fait? Pouvez-vous le dire en quelques mots aux
5 Juges de cette Chambre? En quoi consistait cet exercice dans la ville de
6 Mostar?
7 Réponse: Cet exercice a consisté à manifester la présence nombreuse de
8 forces de la Forpronu de l'armée espagnole dans la ville de Mostar, de
9 façon à intimider et à assurer la protection de la ville. Cet exercice
10 avait également pour but de tenter de découvrir éventuellement des indices
11 montrant qu'une attaque était en cours de préparation.
12 Question: Laissez-moi vous poser la question suivante: lorsque les
13 éléments les plus importants de ce convoi ou de ces véhicules de
14 patrouille quittaient Mostar tôt le matin, comme vous l'avez dit –Monsieur
15 le Président, je ne vais pas de citer de noms à ce niveau–, avez-vous vu,
16 à un certain moment, une petite unité formée d'hommes qui observaient la
17 ville de Mostar à partir des hauteurs?
18 Réponse: Affirmatif. Ce jour-là dans l'après-midi, nous avons, nous sommes
19 partis en ville. Nous étions un petit groupe et nous sommes arrivés
20 jusqu'à une colline pour voir quelles étaient les actions qui se
21 déroulaient à l'intérieur de la ville de Mostar.
22 Question: Très bien. Je souhaiterais passer à un autre sujet: la journée
23 du 9 mai. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé ce matin-là, ce qui a
24 attiré votre attention?
25 Réponse: Eh bien, ce qui s'est passé c'est que des communications radio
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1 ont eu lieu qui stipulaient que des attaques avaient eu lieu dans la ville
2 de Mostar. Attaques qui provenaient de la partie de la ville tenue par le
3 HVO et qui étaient dirigées contre la partie de la ville tenue par l'armée
4 de Bosnie-Herzégovine. Ces attaques se faisaient sous forme de pilonnages,
5 c'est-à-dire d'obus qui tombaient sur la partie musulmane de la ville, et
6 également de tirs de mitrailleuses antiaériennes contre des bâtiments, et
7 plus précisément contre le quartier général de la 41e Brigade de l'armée
8 de Bosnie-Herzégovine. Il y avait aussi une forte concentration de
9 personnels militaires dans le stade de football à l'ouest de la ville de
10 Mostar et ces hommes étaient dirigés jusqu'à l'intérieur du stade de foot
11 encadré par des policiers.
12 Question: Vous avez parlé en deuxième lieu de "concentration de personnel
13 militaire": que voulez-vous dire par là, par l'emploi du mot "personnel"?
14 Réponse: Oui, nous avons pu constater plus tard -parce qu'au début, il y
15 avait beaucoup de monde dans le stade de football, y compris sur l'herbe-
16 mais, par la suite, nous avons pu constater qu'il y avait beaucoup de
17 personnes âgées également, de femmes et d'enfants qui étaient conduits
18 jusqu'au stade de football.
19 Question: Avez-vous remarqué des autobus près du stade?
20 Réponse: Affirmatif. A l'extérieur du stade, il y avait de nombreux
21 autobus civils, peut-être une vingtaine ou une trentaine, dans lesquels
22 étaient transportées ces personnes qui se sont vu concentrées dans le
23 stade de football, escortées ou accompagnées par des policiers ou par des
24 forces militaires, et qui se dirigeaient précisément vers la zone où nous
25 nous trouvions. Donc, au fur et à mesure de leur approche, il était plus
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1 facile de se rendre compte du genre de personnes dont il était question.
2 Question: Très bien. Mais, avant d'en venir à ce point, j'ai besoin d'un
3 autre détail: lorsque vous avez reçu ce rapport radio au sujet de la
4 situation à Mostar, qu'avez-vous fait?
5 (expurgée)
6 (expurgée)
7 (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 (expurgée)
11 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je demanderais
12 expurgation du nom de cet homme. J'aimerais, Monsieur le Témoin, vous
13 rappeler la nécessité de pas prononcer certains noms. Je ne vous ai rien
14 dit lorsque vous avez prononcé le nom d'officiers de très haut rang, car
15 je suppose que ces hommes étaient très connus dans le pays, mais
16 s'agissant du dernier nom que vous avez prononcé, il n'est pas
17 particulièrement nécessaire de le conserver au compte rendu d'audience.
18 (Le Président fait signe oui de la tête.)
19 Témoin LL (interprétation): Bien reçu.
20 Question: Donc, après avoir rendu compte au colonel Morales, vous vous
21 êtes vous-même rendu à ce point, sur les hauteurs, n'est-ce pas?
22 Réponse: Oui, c'est exact. J'ai pris contact personnellement avec ce
23 groupe qui avait été détaché sur la colline.
24 Question: Vous nous avez déjà dit un certain nombre de choses que vous
25 avez pu observer, mais je vais y revenir de la façon suivante: ce dont
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1 vous nous avez parlé, il y a quelques instants, ne correspond pas
2 uniquement à ce que l'on vous a dit à la radio; il y a un certain nombre
3 de ces choses, dont vous avez parlé il y a quelques minutes, que vous avez
4 vues vous-même, n'est-ce pas?
5 Réponse: Affirmatif. J'ai été très impressionné par le fait que j'ai vu
6 quelle était l'attitude des gardes qui gardaient toutes ces personnes dans
7 le camp de football et je me suis rendu compte que ces personnes étaient
8 pratiquement prisonnières. J'ai été impressionné par les tirs de
9 mitrailleuse contre le bâtiment que je savais être le quartier général de
10 la 41e Brigade de l'armée de Bosnie-Herzégovine. D'ailleurs, cette
11 concentration de feu a provoqué un début d'incendie, qui est parti de
12 l'extérieur du bâtiment et s'est étendu à l'intérieur du bâtiment de ce
13 quartier général de la Brigade, parce que les tirs se faisaient notamment
14 avec ce qu'on appelle des balles traçantes, qui sont utilisées pour aider
15 à viser et à préciser le tir.
16 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je vois l'heure.
17 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous reprendrons à 11 heures
18 30.
19 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 30.)
20 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, avant que vous ne
21 poursuiviez, je demanderai à Mme la Greffière de recueillir la déclaration
22 solennelle de la nouvelle interprète qui est à côté du témoin.
23 (Déclaration faite hors micro.)
24 Monsieur Scott?
25 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, c'est peut-être par abus
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1 de précaution que je vais signaler ce qui suit, car j'ai lu le compte
2 rendu d'audience en anglais au sujet de ce problème du témoin qui avait
3 une déclaration sous les yeux.
4 Au compte rendu d'audience, page 23, à partir de la ligne 13, j'ai dit:
5 "Je ne voudrais pas que le compte rendu d'audience laisse entendre ou
6 qu'un commentaire d'un conseil de la défense permette de penser que le
7 témoin était assis ici et feuilletait fréquemment un document".
8 Je ne pense pas que c'est ce qui figurait jusqu'à présent au compte rendu
9 d'audience. Donc, suite au commentaire de Mme la Juge Clark, j'ai pensé
10 qu'il était nécessaire, pour être tout à fait honnête, de préciser les
11 choses.
12 Mme Clark (interprétation): Je pense que je voulais dire que nous avions
13 remarqué que ce témoin ne consultait pas ses notes.
14 M. Scott (interprétation): Merci, Madame la Juge Clark. J'apprécie.
15 M. le Président (interprétation): Je crois que tous les comptes rendus
16 d'audience seront vérifiés durant la nuit de façon à ce qu'il n'y ait pas
17 de problème pour vous, Monsieur Scott.
18 M. Scott (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
19 Témoin LL, nous pouvons poursuivre.
20 A un certain moment, vous avez parlé de ces autobus que vous avez vu
21 quitter le stade de football de Mostar et se diriger vers l'endroit d'où
22 vous observiez les événements. Pouvez-vous nous dire si certains de ces
23 autobus sont en fait passés très près de vous et de votre groupe?
24 Témoin LL (interprétation): Affirmatif.
25 Question: Pouvez-vous en dire davantage aux Juges de cette Chambre au
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1 sujet de ce que vous avez vu? Autrement dit, avez-vous vu les gens qui
2 étaient à bord des autobus? Quelles étaient les personnes qui étaient à
3 bord de ces autobus?
4 Réponse: Ils sont passés tout près de moi, parce que j'ai eu l'occasion
5 d'arrêter le convoi qui était encadré par des forces militaires du HVO. A
6 cette occasion, j'ai eu la possibilité de voir que ces autobus étaient
7 combles et qu'à l'intérieur, se trouvaient des civils, des femmes, des
8 enfants en bas âge et des personnes âgées. Les visages de toutes ces
9 personnes étaient très expressifs.
10 J'ai demandé aux militaires qui encadraient ces personnes où ils
11 emmenaient ces personnes. Ils m'ont répondu que je n'avais pas le droit de
12 me trouver ici, qu'il fallait que je m'en aille immédiatement. Pendant la
13 durée de cette conversation, un civil m'a jeté un petit morceau de papier
14 par une fenêtre ouverte du bâtiment; sur ce petit morceau de papier,
15 figurait une demande d'aide.
16 Question: Vous venez de dire que vous avez eu une conversation avec
17 quelqu'un qui était associé au convoi et que cette personne vous a signalé
18 que votre présence était indésirable sur les lieux.
19 Avec qui avez-vous parlé à cette occasion? Pouvez-vous identifier cette
20 personne sans donner son nom, mais en disant à quelle formation militaire
21 cette personne appartenait?
22 Réponse: Oui. Le convoi était dirigé et escorté, d'abord par une voiture
23 de l'armée qui appartenait au HVO et, pour ce qui me concerne, c'est à un
24 militaire du HVO que j'ai parlé. L'escorte, les responsables de la
25 protection du convoi étaient également des membres du HVO.
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1 Question: Vous venez de dire qu'un morceau de papier vous avait été jeté
2 par quelqu'un, par une fenêtre. Alors je vous demande si, à ce moment-là,
3 vous étiez en situation d'intervenir?
4 Réponse: Il m'était impossible d'intervenir en recourant à la force car,
5 pour ce faire, j'aurais dû avoir une autorisation expresse. Mon
6 intervention a donc consisté à tenter de dissuader, verbalement, les
7 militaires qui menaient le convoi afin d'obtenir qu'ils libèrent toutes
8 ces personnes. Mais eux devenaient de plus en plus violents et, afin
9 d'éviter une confrontation armée, afin d'éviter que des coups de feu
10 soient tirés, j'ai été contraint de me retirer de cette zone et de les
11 laisser poursuivre leur chemin. Cependant, nous avons continué à suivre
12 des yeux le trajet des autobus qui se sont dirigés vers l'héliport. C'est
13 là que les personnes à bord des autobus sont descendues.
14 Question: C'était d'ailleurs ce que j'allais vous demander à l'instant: à
15 partir de l'endroit où vous vous étiez, et vous pouvez dire si vous vous
16 êtes déplacé, mais en tout cas à partir de l'endroit où vous réalisiez vos
17 observations, avez-vous vu les autobus arriver jusqu'à un endroit appelé
18 l'Héliodrome?
19 Réponse: Affirmatif. Nous étions sur une position dominante puisque
20 l'Héliodrome est situé au fond d'une vallée. Donc à partir de la position
21 où nous nous trouvions, nous avons pu voir très clairement le point
22 d'arrivée, le point de destination de toutes ces personnes qui étaient à
23 bord des autobus.
24 Question: Vous venez de dire, et vous l'avez peut-être d'ailleurs déjà dit
25 avant dans votre déposition, je n'en suis pas sûr, mais vous filmiez,
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1 n'est-ce pas, ce que vous voyiez? Vous aviez une caméra vidéo, à ce
2 moment-là?
3 Réponse: Affirmatif. Le colonel, chef du groupe tactique "Malaga", m'a
4 autorisé à emporter une caméra vidéo afin de filmer tout ce qui se
5 passait. J'ai continué à filmer toute la suite des événements afin
6 d'obtenir une preuve supplémentaire à présenter au chef du Groupe tactique
7 "Canaries".
8 Question: Très bien.
9 Témoin LL, je vais maintenant vous poser une question qui vous permettra
10 de répondre à une interrogation que chacun ici, dans ce prétoire, a sans
11 doute en tête. Dans les archives de l'armée espagnole, avez-vous trouvé
12 cette cassette vidéo ou est-il exact qu'au jour d'aujourd'hui il a été
13 impossible de localiser cette cassette vidéo?
14 Réponse: Affirmatif. Malgré les contraintes, enfin dans le cadre de mes
15 prérogatives limitées, je me suis efforcé de trouver cette cassette vidéo
16 et je n'y suis pas parvenu. Mais j'espère tout de même réussir à trouver
17 cette cassette un jour pour pouvoir la transmettre au Tribunal.
18 Question: Je me rends bien compte, Monsieur, que vous n'avez pas la
19 possibilité individuellement de prendre cet engagement; c'est un
20 engagement qui doit venir de votre gouvernement. Mais vous engagez-vous à
21 continuer les efforts que vous avez déjà commencés pour essayer de
22 localiser cette cassette vidéo et, si vous la trouvez, vous engagez-vous à
23 la transmettre à cette Chambre avant la fin de ce procès?
24 Réponse: Effectivement, je pense que c'est un fait historique qui se
25 retrouve gravé sur des images; c'est un événement historique que j'ai vécu
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1 en Bosnie-Herzégovine et je pense qu'il pourrait être d'un grand intérêt
2 pour tous ceux qui travaillent dans ce Tribunal.
3 Question: Nous allons continuer de parler des observations que vous avez
4 faites ce jour-là, le 9 mai. Etes-vous, dans le cadre de vos déplacements
5 ce jour-là, arrivé à Citluk et avez-vous fait des observations
6 particulières aux environs de cet endroit?
7 Réponse: Affirmatif. Quand nous avons cessé de filmer les images des
8 déplacements des autobus, nous avons quitté cet endroit et nous nous
9 sommes rendus rapidement dans la direction de Medjugorje. Avant d'arriver
10 à Medjugorje, nous sommes passés par Citluk et à un certain moment nous
11 avons entendu des coups de feu, un peu comme des canons qui seraient en
12 train de tirer. Depuis l'endroit où nous nous trouvions, nous ne pouvions
13 pas bien voir mais nous entendions.
14 C'est la raison pour laquelle je me suis engagé dans un petit chemin pour
15 essayer de déterminer avec précision l'origine des tirs. J'ai pu me rendre
16 compte qu'il s'agissait de deux canons de campagne. Je ne saurais vous
17 dire exactement quel était leur calibre, mais il est possible qu'il
18 s'agisse d'un calibre supérieur à 100 millimètres, des canons à tube long
19 et à grande portée. Et au moment où je suis arrivé, un officier du HVO
20 ordonnait au serveur de l'un des canons de se mettre à tirer en visant la
21 ville de Mostar. Depuis l'endroit où je me trouvais, bien entendu, je ne
22 suis pas parvenu à voir à quel endroit les obus sont tombés.
23 Question: Je vais maintenant vous poser la question suivante: je sais que
24 vous n'avez sans doute pas eu la possibilité d'examiner ces canons en
25 détail mais, d'après ce que vous avez pu voir, ces canons correspondaient-
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1 ils à des armes qui, selon votre expérience de militaire, vous
2 permettaient de penser qu'ils avaient une portée suffisante pour atteindre
3 la ville de Mostar?
4 Réponse: Parfaitement. Les tirs en question avaient la capacité
5 d'atteindre une distance de 15 à 20 kilomètres.
6 Question: Cet officier du HVO que vous avez rencontré en est-il arrivé, à
7 un certain moment, à vous demander de partir?
8 Réponse: Affirmatif. Notre arrivée et notre présence le dérangeaient. Il
9 avait le grade de lieutenant et, à mon avis, afin de gagner notre
10 confiance, il nous a même invités à servir le canon nous-mêmes, à utiliser
11 donc ces canons pour tirer. J'ai refusé de la façon la plus ferme qui soit
12 et je lui ai dit qu'il fallait qu'il quitte cet endroit immédiatement et
13 qu'il ne pouvait plus continuer à tirer, comme il était en train de la
14 faire, sur la ville de Mostar.
15 Question: Que s'est-il passé, à ce moment-là?
16 Réponse: J'ai refusé de la façon la plus ferme qui soit de partir tant
17 qu'il n'aurait pas cessé les tirs. J'ai dit que des actions de ce genre
18 n'étaient pas autorisées.
19 Donc, pour nous intimider, il a tourné la manivelle des canons et il a
20 pointé les canons dans la direction des véhicules que nous avions utilisés
21 pour arriver à cet endroit. Comme il m'était impossible de prévoir les
22 intentions de cet homme, j'ai décidé de partir tranquillement sans gêner
23 cet homme, sans l'intimider, et je me suis rendu immédiatement auprès du
24 chef de mon groupe tactique, à savoir le Groupe tactique "Canaries". Mais
25 quelques instants auparavant, alors que j'étais encore en train de parler
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1 à ce lieutenant, nous avons fait des photographies. Mais je n'ai pas
2 réussi à retrouver ces documents photographiques.
3 Question: Deux questions à ce sujet. En fait, Monsieur, vous rappelez-vous
4 qu'à peu près à ce moment-là, un film vous a été confisqué?
5 Réponse: Affirmatif. Le lieutenant s'est rendu compte qu'à partir de la
6 voiture, nous étions en train de prendre des photographies. Il s'est donc
7 mis en colère et m'a dit de lui remettre la pellicule et l'appareil
8 photographique. J'ai essayé de lui dire que c'était mon appareil à moi et,
9 pour le calmer, j'ai demandé à l'un de ceux qui m'accompagnaient de sortir
10 un appareil photo de la voiture, avec un film que nous n'avions pas encore
11 utilisé, et j'ai donné au lieutenant cette pellicule pour le calmer. Mais
12 nous ne lui avons pas donné l'appareil photo avec lequel les photographies
13 avaient été prises et la pellicule qui était à l'intérieur a été remise
14 par nous au chef du Groupe tactique "Canaries".
15 Question: Avant de passer à une autre étape de votre témoignage,
16 j'aimerais vous demander, j'aimerais vous poser une question sur quelque
17 chose qui est peut-être un détail.
18 Vous dites que ces pièces d'artillerie ont été tournées de façon à viser
19 vos véhicules. Puisque vous avez dit qu'il s'agissait de canons à tube
20 relativement long, il est possible que certains dans ce prétoire se
21 demandent comment une telle manœuvre a été possible. Pourriez-vous aider
22 les Juges de cette Chambre peut-être à mieux comprendre, en définissant
23 plus précisément l'endroit où se trouvaient ces canons par rapport à votre
24 véhicule? Et à mieux expliquer comment ce mouvement de rotation a été
25 possible?
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1 Réponse: Puisqu'ils n'avaient pas besoin de déplacer beaucoup les canons
2 pour nous viser, il ne leur était pas nécessaire de retirer les canons de
3 leur socle. La seule chose qu'il leur fallait faire, c'était relever les
4 tubes des canons et les tourner légèrement pour qu'ils visent notre
5 position. Et c'est ce qu'ils ont fait. Mais ils n'ont pas eu besoin de
6 déplacer les canons entiers en les soulevant du sol.
7 Question: Très bien. A part ces deux pièces d'artillerie dont vous venez
8 nous parler, dans le cours de vos déplacements de ce jour-là, avez-vous vu
9 d'autres pièces d'artillerie lourde? Je ne parle peut-être pas d'un
10 calibre aussi important que celui que vous venez de citer, mais avez-vous
11 vu d'autres pièces d'artillerie plus lourdes que des armes d'infanterie?
12 Et qui tiraient sur Mostar?
13 Réponse: S'agissant de pièce d'artillerie, ce sont les seules que nous
14 avons vues, mais il y en avait effectivement d'autres. Sur la colline où
15 nous nous trouvions, nous avons entendu des tirs d'autres pièces
16 d'artillerie, mais je ne saurais dire quelle était l'origine exacte des
17 tirs. Je sais seulement qu'il s'agissait de mitrailleuses de calibre 60 et
18 que leur cible était le quartier général de la 41e Brigade de l'armée de
19 Bosnie-Herzégovine.
20 Question: Avez-vous vu des tirs antiaériens? Avez-vous vu des armes de tir
21 antiaérien?
22 Réponse: Affirmatif. Les armes de tir antiaérien sont des armes qui sont
23 utilisées, qui ont été utilisées contre le quartier général de la 41e
24 Brigade de l'armée de Bosnie-Herzégovine; Plutôt que d'utiliser ces armes
25 contre des aéronefs, ils ont utilisé ces armes contre des objectifs
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1 terrestres.
2 Question: Très bien. Je ne voudrais pas me lancer dans des hypothèses
3 exagérées mais lorsqu'on parle de tirs directs, quelle est la
4 signification exacte de cette expression, pour l'artillerie, par rapport à
5 d'autres types de tirs?
6 Réponse: En artillerie, on parle d'appui direct ou d'appui indirect.
7 L'appui direct, ce sont des tirs qui sont effectués pour appuyer l'attaque
8 réalisée par une unité; l'appui indirect, de la part de l'artillerie, ce
9 sont des tirs destinés à appuyer une unité qui n'est pas l'unité à
10 laquelle on appartient, afin de renforcer le tir d'artillerie provenant
11 d'une autre unité donc. Mais lorsque je parle d'armes antiaériennes, ici,
12 je parle de tirs directs, de tirs en ligne droite également, sans courbes,
13 donc de tirs visant un objectif qu'il est possible de voir à partir du
14 point d'origine des tirs.
15 Question: Je ne suis pas sûr que ceci soit particulièrement important,
16 mais il est possible que cela ait de l'importance. Pouvez-vous expliquer
17 aux Juges de cette Chambre la différence qu'il y a entre des tirs
18 d'artillerie tirés par ce que l'on appelle des "Howitzers" et des tirs
19 d'artillerie provenant d'un canon, donc la différence entre des tirs
20 d'obusiers et des tirs de canon? N'y a-t-il pas l'une de ces armes qui
21 tire en ligne droite, et l'autre qui tire davantage selon une trajectoire
22 courbe?
23 Réponse: Normalement, le tir avec trajectoire courbe provient toujours
24 d'un mortier. Ce sont des tirs au cours desquels on tire toujours à partir
25 d'une montagne pour dégager un obstacle, pour se défaire d'un obstacle.
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1 Les tirs d'artillerie permettent des tirs de ce genre, des tirs avec
2 trajectoire courbe qui peuvent être relativement précis.
3 Question: Les deux canons antiaériens que vous avez vus ce jour-là,
4 tiraient-ils en ligne directe sur le quartier général de l'armée de
5 Bosnie-Herzégovine à Mostar, avec visibilité de la cible?
6 Réponse: Le tir d'une pièce d'artillerie de campagne, donc je parle des
7 canons, ces canons tiraient sur la ville de Mostar et je ne peux pas dire
8 où les obus sont tombés puisque je ne voyais pas le lieu de destination.
9 Mais je ne voyais que les obus tirés par ces canons de 12,70 millimètres,
10 à savoir ces armes antiaériennes qui tiraient précisément sur le quartier
11 général de la 41e Brigade de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
12 Question: Pourriez-vous aider la Chambre, je vous prie, en nous donnant le
13 lieu approximatif où se trouvaient ces armes antiaériennes, par exemple en
14 les situant par rapport aux routes qui mènent à Mostar?
15 Réponse: Ces armes se trouvaient des deux côtés de la route qui relie
16 Mostar à Siroki Brijeg.
17 Question: Ce même jour, vers 2 ou 3 heures de l'après-midi, êtes-vous
18 retourné à Medjugorje à votre quartier général, et avez-vous rendu compte
19 au colonel Morales ou au commandant Acuna, éventuellement?
20 Réponse: Affirmatif. J'ai informé les deux commandants, le colonel Morales
21 et le commandant Acuna, et il a été décidé de faire publiquement connaître
22 les incidents en question en envoyant la cassette vidéo elle-même, ou
23 peut-être une copie de cette cassette, à Angelo Rodicio, qui était une
24 journaliste présente à Split. Ce que nous voulions, c'était démontrer
25 qu'il y avait eu début d'une attaque provenant de la partie ouest de
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1 Mostar et visant la partie est de Mostar, une attaque lancée par le HVO
2 contre l'armée de Bosnie-Herzégovine.
3 Nous voulions également fournir très clairement, dire très clairement
4 quelles étaient les informations diffusées par Radio Mostar qui, selon nos
5 interprètes, stipulaient qu'une attaque avait commencé, et la radio de
6 Mostar affirmait que cette attaque avait été lancée par l'armée de Bosnie-
7 Herzégovine contre le HVO.
8 Question: Je vous arrêterai ici un instant, si vous le voulez bien.
9 Sur la base de ce que vous avez vu le 9 mai, pouvez-vous dire aux Juges de
10 cette Chambre si cette émission de radio de la radio de Mostar selon
11 laquelle c'est l'armée de Bosnie-Herzégovine qui avait lancé une attaque,
12 donc ces déclarations étaient-elles fausses?
13 Réponse: Oui. De ce que nous pouvions voir et par ce que nous avions
14 entendu depuis le début, car il n'y avait qu'une patrouille que nous
15 avions déployée sur la colline, l'attaque avait été lancée par le HVO, et
16 ce, sur le côté oriental de Mostar, donc le côté musulman.
17 Question: Je suis navré de vous avoir interrompu: vous parliez d'une
18 cassette qui avait été donnée au journaliste espagnol. Que s'est-il passé
19 ensuite?
20 Réponse: Bien. Ce journaliste a reçu cette cassette et aux informations,
21 ce même soir, aux informations qui étaient diffusées à la télévision
22 espagnole, nous avons pu apercevoir des images montrant qu'une attaque
23 avait eu lieu à Mostar, une attaque menée par le HVO contre les Musulmans
24 de Mostar.
25 Question: Et après cette émission et la diffusion de cette cassette, est-
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1 ce que les mouvements du Bataillon espagnol étaient plutôt restreints?
2 Réponse: Logiquement parlant, il y avait un certain malaise dans les
3 sphères élevées du HVO, car ils savaient qu'il n'y avait que nous qui
4 étions en mesure, enfin, qui avions pu enregistrer cette cassette. C'est
5 la raison pour laquelle on ne nous permettait plus d'entrer dans Mostar.
6 L'unité, qui se trouvait à l'intérieur de la ville et qui avait été
7 déplacée de cette zone à cause de l'attaque en question, est restée
8 isolée: elle ne pouvait plus recevoir le soutien de notre part. Et un jour
9 plus tard -si je me souviens bien- mais à partir de ce moment-là on était
10 tout le temps surveillés, tous nos mouvements étaient surveillés, ils
11 essayaient tout le temps de voir si nous étions munis de caméras ou
12 d'appareils photos pour prendre des films, enregistrer quelque chose ou
13 prendre des photos.
14 Question: Témoin, maintenant, je vais vous emmener à un autre sujet.
15 Je vous ai demandé, il y a quelques instants, de nous parler des fusils
16 antiaériens. Je voulais savoir si vous aviez entendu parler de Bofors
17 auparavant? Dans le cadre de votre expérience militaire, est-ce que vous
18 savez ce que cela veut dire? Est-ce qu'il s'agit bien de canons
19 antiaériens?
20 Réponse: Oui. Les Bofors sont des canons à deux ou trois tubes, qui sont
21 utilisés dans la défense antiaérienne.
22 Question: Est-ce que vous pourriez nous dire si, sur la route menant à
23 Siroki Brijeg, le 9 mai, vous avez aperçu l'un de ces Bofors?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Après les événements du 9 ou du 10 mai, est-ce que vous avez
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1 continué à garder le contact avec Ivan Andabak?
2 Réponse: Oui. J'ai gardé le contact non seulement avec le colonel Andabak,
3 mais également avec toutes les autres personnes du HVO que je connaissais.
4 J'ai gardé le contact avec toutes les sources du HVO et de l'armée de la
5 Bosnie-Herzégovine, et ce, avec pour but de continuer à essayer de savoir
6 quels étaient les projets des deux factions.
7 Question: Pendant la conversation que vous avez eue avec M. Andabak, est-
8 ce que vous avez appris quels étaient ses objectifs personnels et
9 qu'entendait-il faire du HVO à ce moment-là?
10 Réponse: Oui, il m'avait dit que son objectif était d'essayer de faire en
11 sorte que tous les Musulmans sortent. Il me disait que cela était très
12 difficile à faire, car il ne s'attendait pas à avoir une telle résistance;
13 il croyait que cela lui serait beaucoup plus facile.
14 Question: Bien. Après le dîner que vous avez eu dans la maison d'Andabak
15 -vous vous nous avez parlé de cela ce matin-, mais est-ce que vous avez
16 revu cette homme qui s'appelait "Tuta"?
17 Réponse: Oui. Ce n'était pas du tout prévu, c'était simplement une
18 rencontre non officielle à Siroki Brijeg. Nous nous sommes rencontrés dans
19 la rue, en réalité. C'était une brève rencontre, nous avons eu un
20 entretien très bref. J'ai vu qu'il portait un uniforme militaire; je ne
21 sais pas si son grade était indiqué sur sa manche, je n'ai pas vraiment
22 remarqué.
23 Nous avons eu une conversation assez brève. J'ai compris qu'il semblait
24 être très satisfait car la guerre avait débuté. J'ai compris qu'il
25 s'attendait à ce que la guerre soit un succès pour sa part, c'est-à-dire
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1 qu'il s'attendait à ce que tous les Musulmans soient déplacés de la ville
2 de Mostar.
3 De toutes les phrases qu'il a prononcées au cours de la conversation… Mais
4 bien sûr c'était une conversation qui était tenue avec beaucoup de
5 mouvements des mains, c'est comme quand les Italiens se parlent, et c'est
6 de cette façon-là que j'ai pu comprendre ce que M. "Tuta" me disait.
7 M. Scott (interprétation): Témoin LL, vous nous avez dit il y a quelques
8 instants qu'il vous est un peu difficile de voir où vous placiez "Tuta" au
9 sein de cette organisation. Est-ce que c'est exact?
10 M. le Président (interprétation): Oui?
11 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, je crois que cette
12 question n'a pas fait partie de l'interrogatoire de ce témoin, donc nous
13 n'avons pas déjà entendu cette question.
14 M. le Président (interprétation): Oui. Monsieur Scott?
15 M. Scott (interprétation): Je vais reformuler cette question.
16 Pourriez-vous relater à la Chambre et nous dire, dans le cadre de ce
17 recueil d'informations que vous essayez d'établir, est-ce qu'il vous était
18 difficile de comprendre le rôle de "Tuta"?
19 Témoin LL (interprétation): Je suis un homme militaire, vous savez. Et
20 c'est très facile pour moi d'entrer en contact avec les personnes ou de
21 contacter ou de parler aux personnes qui appartiennent à une armée, les
22 gens qui appartiennent à des troupes et qui se battent, avec des groupes.
23 Donc, c'était le cas de M. Ivan Andabak et c'était également… et c'était
24 M. Andabak qui m'a dit cela, et d'autres hommes militaires. Mais il m'a
25 dit que lorsque nous avons eu ce dîner dans la maison, que sous son
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1 commandement plusieurs colonels et plusieurs brigadiers étaient là. Mais
2 je savais que ce n'était pas un homme militaire mais que par contre, dans
3 des situations lorsqu'il y a une guerre, une personne qui amène de
4 l'argent à une cause, qui lutte pour une cause et qui oublie sa vie
5 précédente pour se dédier complètement à une cause, une cause qu'il
6 considère être une chose juste, ce n'est que normal qu'on accorde une
7 place au sein d'une institution militaire à cette personne. Et c'est ce
8 que j'ai cru comprendre, c'est ce que j'ai vu également; c'est ce qui
9 était exprimé par M. "Tuta".
10 Par contre, même si j'ai compris que les chefs, les commandants de
11 brigades, dès que nous avons reçu l'information, étaient d'autres
12 personnes, je crois qu'ils s'occupaient à planifier, exercer le contrôle
13 sur les opérations, à mener des opérations également d'une façon
14 sporadique, à mener les activités de combat. Et cela m'a été confirmé par
15 plusieurs sources militaires, et ce des sources du HVO.
16 Question: Permettez-moi de clarifier simplement quelques points, Témoin.
17 De nouveau, pour le compte rendu d'audience, vous avez dit: "Par contre,
18 pour Monsieur" - et on n'a pas appris le nom de la personne-, vous avez
19 dit: "C'est lui qui m'a dit, lorsque nous avons mangé ensemble…".
20 De qui parlez-vous? Qui était cette personne? Le nom ne figure pas au
21 compte rendu d'audience. Vous souvenez-vous du nom de la personne?
22 Réponse: Oui, c'était M. "Tuta". C'est lui-même qui m'a dit, lorsque nous
23 nous étions entretenus lors de ce dîner, que c'était lui, que c'était sous
24 son commandement à lui, qu'il avait plusieurs colonels et plusieurs
25 officiers, plusieurs généraux de brigade appartenant à l'armée du HVO.
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1 Question: J'aimerais vous poser quelques questions concernant ce M.
2 "Tuta". Est-ce que vous pourriez nous dire à combien de reprises, dans le
3 cadre de vos fonctions en 1993, est-ce que vous avez pu voir M. "Tuta"?
4 Réponse: Je ne peux pas vous dire combien de fois je l'ai vu exactement,
5 mais il y avait au moins deux rencontres ou deux réunions organisées: une
6 fois lorsque nous avons dîné avec le colonel Ivan Andabak, et lors d'une
7 autre rencontre à Mostar. Ou plutôt, je m'excuse, c'était à Medjugorje en
8 réalité, et c'est là, c'est lors de cette réunion que le colonel Zorzo
9 était présent.
10 Et plus tard, à une autre reprise, il y avait en fait une réunion que j'ai
11 déjà mentionnée auparavant qui était, qui a eu lieu de façon sporadique.
12 Il y a eu une autre réunion ou une autre rencontre, mais je ne peux pas en
13 parler à ce moment-ci car je ne me souviens pas exactement de cela.
14 Question: Vous avez parlé d'une rencontre à Medjugorje, d'une réunion qui
15 a eu lieu avec le colonel Sporza… Zorzo, je suis désolé. Qu'est-ce que
16 vous avez appris lors de cette réunion? Quel était le rôle de "Tuta"?
17 Réponse: Pour vous dire exactement, je n'avais pas compris qu'il était le
18 commandant d'une unité spécifique, qu'il était un organisateur au sein de
19 l'armée.
20 Question: Et toutes les autres personnes présentes lors de cette réunion
21 étaient toutes des officiers militaires? C'étaient des militaires?
22 Réponse: Affirmatif.
23 Question: Pour en revenir à M. Andabak, vous souvenez-vous de quelle façon
24 est-ce que M. Andabak décrivait "Tuta"? Lorsqu'il parlait de lui, est-ce
25 qu'il se servait de termes militaires, en tant que supérieur? De quelle
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1 façon est-ce qu'il se référait à lui?
2 Réponse: Affirmatif.
3 Question: Pourriez-vous nous dire ce qu'il a dit, de quelle façon il le
4 désignait?
5 Réponse: D'après le document qui a été préparé après le dîner, c'est un
6 rapport que j'ai présenté à M. "Tuta": c'est qu'il était le chef ou
7 l'instructeur d'Ivan Andabak, il était au-dessus de lui. C'est ce que j'ai
8 cru comprendre, il était son supérieur; c'est ce que j'ai cru comprendre
9 de M. "Tuta".
10 Question: Avant de d'examiner certains documents, il y a une dernière
11 question que je voudrais vous poser concernant ce sujet.
12 Lorsqu'on parle de la HV, de l'armée croate, contrairement au HVO, je
13 voudrais vous demander: pendant que vous serviez dans le cadre de vos
14 fonctions en Bosnie, en 1993, est-ce qu'il vous est arrivé de voir des
15 forces du HV ou des soldats du HV qui étaient dans la zone contrôlée par
16 le Bataillon espagnol?
17 Réponse: Affirmatif. A une reprise, il m'est arrivé de voir que les routes
18 menant à Mostar, la route allant de Ploce à Capljina, Ljubuski, je pouvais
19 apercevoir des camions avec les lettres HV sur ces camions et je pouvais
20 également apercevoir des soldats qui portaient les insignes du HV.
21 Question: Vouliez-vous dire la HV? Parlez-vous de la HV?
22 (L'interprète anglaise précise qu'elle fait une erreur. Oui, il s'agit
23 bien de la HV.)
24 Réponse: Il s'agit bien de la HV.
25 Question: Est-il exact de dire, Monsieur, que lorsque vous avez quitté,
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1 que vous avez terminé votre mission de maintien de la paix, c'était en
2 juillet, le 15 juillet 1993?
3 Réponse: Oui, c'était le 16 juillet que je suis revenu en Espagne.
4 Question: Témoin, je voudrais que l'on relise certains documents
5 maintenant, à cette étape-ci. Nous avons des classeurs.
6 Pour la Chambre et mes collègues, je voudrais dire, Monsieur le Président,
7 que nous allons parler du volume. Alors, voilà, ce sont donc des documents
8 du Bataillon espagnol, des documents dont j'ai déjà fait état auparavant.
9 Donc, Monsieur le Témoin, pourriez-vous, s'il vous plaît, vous rendre à la
10 pièce P301?
11 (Le témoin s'exécute.)
12 Prenez la version en langue espagnole et dites-nous en examinant ce
13 document: est-ce que vous pouvez nous confirmer qu'il s'agit bien du
14 document qui a été rédigé par le Bataillon espagnol, pendant que vous
15 étiez de service en Bosnie, en 1993?
16 Réponse: Affirmatif. C'était un document qui a été préparé par l'armée
17 espagnole le 16 avril 1993. Il s'agit d'un document, d'un Intrep: il
18 s'agit d'un "résumé de renseignement".
19 Question: J'aimerais diriger votre attention sur un document qui n'est pas
20 très long, mais il y a un paragraphe qui fait état de certaines activités,
21 certaines actions qui ont été menées à Doljani et Sovici. Je crois qu'il
22 s'agit peut-être du troisième paragraphe dans ce document, qui est en
23 langue espagnole et en langue anglaise. C'est le paragraphe qui commence
24 avec les mots: "La raison principale pour la participation, c'était de
25 faire des représentations sérieuses afin d'obtenir de l'aide pour évacuer
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1 quelque 600 Musulmans civils".
2 Est-ce que vous avez participé à la confection de ce document?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Pourriez-vous, s'il vous plaît, prendre la pièce 325? Nous
5 allons donc sauter une pièce, nous allons y revenir. Mais pourriez-vous,
6 s'il vous plaît, prendre le document 325?
7 En examinant ce document, Monsieur, pourriez-vous nous expliquer, pouvez-
8 vous nous confirmer également qu'il s'agit bien d'un rapport qui a été
9 fait par l'armée espagnole au mois d'avril 1993?
10 Réponse: Affirmatif. C'est un document qui a été confectionné par l'armée
11 espagnole. C'étaient nos patrouilles qui ont participé à la confection de
12 ce document.
13 Question: Maintenant, je voudrais attirer votre attention sur le document
14 lui-même: vous pouvez sans doute nous aider sur certains détails.
15 Dans ces rapports, nous pouvons apercevoir la date et l'heure à laquelle
16 ce document a été rédigé. Je suis en train de regarder la page 3 de la
17 version en langue anglaise. C'est un détail, mais nous allons peut-être…,
18 il pourrait peut-être surgir lors de quelque contexte.
19 Donc nous pouvons avoir la date et l'heure de la confection du document.
20 Nous pouvons apercevoir des chiffres: 220105B APR 93. Pourriez-vous dire à
21 la Chambre si cela indique la date? Est-ce qu'il s'agit du 22 avril 1993?
22 Réponse: Affirmatif. Ce document est un résumé d'informations concernant
23 la date du 22 avril.
24 Question: Donc, entre le 22 et l'abréviation "APR", en anglais qui veut
25 dire "avril" en français, nous pouvons apercevoir également des chiffres
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1 "01", "05B". Qu'est-ce que cela veut dire?
2 Réponse: Le "01" représente qu'il s'agissait de 10 heures; le "22",
3 c'était le 22 avril, donc à 10 heures; et "5" représente le nombre de
4 minutes. Donc c'est l'heure: il s'agit de 10 heures 5 minutes. Et "B" veut
5 dire qu'il s'agit de l'été. Alors qu'Alpha, si on avait vu la lettre "A",
6 il s'agirait de l'hiver. Cela a à voir avec le calendrier solaire et avec
7 l'heure comme Zulu.
8 Question: Est-ce que cela voudrait dire que l'heure à laquelle le document
9 a été fait est 1 heure et 5? Et c'était l'été?
10 Réponse: Oui. Lorsque nous parlons de l'heure, c'est l'heure à laquelle le
11 document a été terminé, donc la confection du document était terminé.
12 Question: Vous travailliez donc tard, Monsieur?
13 Réponse: Affirmatif. Je crois que dans ces circonstances-là, nous ne
14 comptions pas vraiment le nombre d'heures de travail. Notre principale
15 préoccupation était de rédiger les rapports et d'établir des contacts.
16 Question: J'aimerais vous amener à la page 5 de la version anglaise, sous
17 l'intitulé "Jablanica". Je souhaiterais attirer votre attention à
18 certaines entrées, certaines d'entre elles sont très courtes mais, si nous
19 pouvons peut-être prendre le sixième paragraphe -ou la sixième entrée-,
20 nous pouvons voir les paroles "selon les renseignements reçus". Est-ce que
21 vous voyez ce paragraphe qui commence avec ces paroles-là?
22 Réponse: Oui, c'était moi personnellement qui ai écrit ces mots. En fait,
23 c'est moi qui ai rédigé cette information.
24 Question: Vous voulez dire que ce sont vos propres mots?
25 Témoin LL (interprétation): Affirmatif. Ces donnés n'auraient pu être
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1 connues que par moi-même et personne d'autre.
2 M. Scott (interprétation): Donc je vous pose une question, et j'aimerais
3 simplement me référer à ce rapport et vous posez des questions. Donc vous
4 avez rédigé ce rapport le 22 avril 1993, vous avez dit que l'attaque avait
5 été menée par une personne qui a le...
6 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Meek?
7 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, nous sommes vraiment
8 désolés, mais nous devons faire objection encore une fois. Le document
9 parle pour soi-même, et nous nous trouvons en situation dans laquelle M.
10 Scott veut donner lecture de ces documents pour le compte rendu. Il va
11 peut-être demander au témoin de donner lecture de ces documents ligne par
12 ligne, mot par mot. Et je crois qu'il s'agit d'une procédure incorrecte,
13 je fais objection. S'il veut poser une question directe, obtenir une
14 réponse directe, c'est une autre situation. Mais voilà la nature de mon
15 objection.
16 M. le Président (interprétation): Nous n'avons pas encore entendu la
17 question et vous spéculez sur la question. Deuxièmement, ce témoin est
18 l'auteur de ces documents. Nous sommes très intéressés par ce qu'il a à
19 nous dire concernant ce document, de sorte que nous puissions savoir au
20 moins…, ou confirmer l'authenticité de ce document.
21 Monsieur Scott, est-ce que vous aller donner lecture de passages assez
22 importants de ce document?
23 M. Scott (interprétation): Non, je n'allais pas lire de très longs
24 passages mais seulement quelques phrases. Je peux néanmoins poser une
25 question au témoin.
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1 Témoin LL, voulez-vous, s'il vous plaît, prendre connaissance de ce
2 paragraphe. Je vous demanderai également de lire ce document pour vous-
3 même, et je vais vous poser une question par la suite.
4 Témoin LL (interprétation): Affirmatif. Je suis en train de lire ce
5 paragraphe.
6 Question: Sur la base de quelles informations reçues que cette personne
7 qui est connue sous le nom de "Tuta" était fatiguée d'apposer des
8 signatures et de participer à des traités politiques?
9 Réponse: Oui, c'était M. "Tuta".
10 Question: Pourriez-vous nous aider en nous expliquant peut-être quelles
11 sont les raisons qui vous ont mené à cette conclusion? Et pourquoi est-ce
12 que vous avez inclus ces propos dans votre rapport?
13 Réponse: Normalement, avant que je ne consigne quelque chose, spécialement
14 quelque chose comme ça, il faut être absolument certain de ce que l'on
15 écrit. Il s'agissait d'une information directe, reçue d'une source
16 militaire de l'armée de la BiH qui était très proche de "Tuta", et qui m'a
17 donné tous les renseignements quant à la façon dont cette opération allait
18 être menée.
19 Question: Je ne sais pas s'il s'agit d'une erreur de transcription ou de
20 traduction, je ne vais pas vous demander, vous pousser à identifier la
21 source, mais nous pouvons lire les mots "cette source". Est-ce que cette
22 source était affiliée à une faction ou à une autre ou à une formation
23 militaire ou l'autre?
24 Réponse: Affirmatif. La source est en relation avec l'armée, avec le HVO.
25 Question: Ce renseignement, cette information, vous souvenez-vous si cette
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1 date, la date du 22 avril, était après la conversation que vous avez eue
2 au dîner avec "Tuta" et Andabak, dans la maison d'Andabak?
3 Réponse: Oui, c'était après cette réunion, après ce dîner. C'est après
4 cela que j'ai eu ce renseignement.
5 Question: Pourriez-vous dire à la Chambre de première instance, s'il vous
6 plaît: l'information qui est relatée sur cette pièce à conviction n°325,
7 que nous sommes en train d'examiner, est-ce que vous la trouvez cohérente
8 par rapport à ce que MM. Andabak et "Tuta" vous ont dit pendant le dîner?
9 Réponse: Oui, cela correspond. Les actions correspondent aux intentions
10 qui ont été exprimées pendant ce dîner.
11 Question: A présent, pourriez-vous, s'il vous plaît, vous reporter à la
12 pièce 327?
13 (Le témoin s'exécute.)
14 Pourriez-vous nous dire de quel genre de document il s'agit?
15 Réponse: Il s'agit d'un dossier qui a été constitué au sujet de M. "Tuta",
16 où il est question de son CV, de sa vie donc et de sa personnalité, de sa
17 personne.
18 Question: Qui a composé ce document?
19 Réponse: Ce document a été préparé par la 2e Section de l'état-major, sur
20 la base des rapports que je m'étais procurés moi-même.
21 Question: Qui était la source principale, qui était celui qui a fourni ce
22 renseignement à l'armée espagnole? Qui était le fournisseur principal du
23 renseignement?
24 Réponse: Eh bien, ce document est le résultat des informations que nous
25 avons recueillies de manière ouverte, directe, au cours du dîner à la
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1 maison d'Ivan Andabak, où étaient présents "Tuta" et le colonel Zorzo.
2 Question: A présent, pourriez-vous vous reporter, s'il vous plaît, à
3 l'encadré que nous voyons plus bas? Une date figure ici, à savoir la date
4 du 7 avril 1993.
5 Pourriez-vous dire à la Chambre si c'est bien la date approximative du
6 dîner qui a eu lieu à la maison d'Ivan Andabak?
7 Réponse: Affirmatif. Cela a dû se produire un ou deux jours avant, à
8 savoir qu'il m'a fallu juste le temps de rédiger le rapport et de
9 l'envoyer à la 2e Section de l'état-major.
10 Question: Un exemple, s'il vous plaît: au-dessus, où il est dit "Poste
11 actuel: chef instructeur. Il reçoit ses ordres directement de Petkovic".
12 Et plus loin, on voit des informations au sujet de sa famille.
13 Pourriez-vous, s'il vous plaît, confirmer à la Chambre que ces éléments
14 d'information vous ont été communiqués directement par "Tuta"?
15 Réponse: Affirmatif. Je l'ai déjà dit, il s'agissait d'un dîner qui s'est
16 déroulé dans une ambiance très détendue; on pouvait se parler librement de
17 tout. C'était pratiquement un dîner de famille. J'ai vu sa carte
18 d'identité, au moins la carte d'identité qu'il avait à l'époque et je me
19 rappelle qu'il s'agit d'informations qui m'ont été données directement et
20 qui provenaient, pour l'essentiel, de la conversation entre ces deux
21 hommes, à savoir entre "Tuta" et Ivan Andabak, ainsi qu'avec les
22 représentants espagnols, le colonel Zorzo et moi-même.
23 Question: Passons à présent à la pièce 357.
24 Monsieur le Président, ce document devrait se trouver dans le dossier qui
25 a été communiqué au témoin, mais il fait partie d'un classeur à part qui
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1 a, lui aussi, été distribué. Il s'agit donc de la pièce 357. Nous ne la
2 placerons pas sur le rétroprojecteur, mais je souhaite l'identifier. Il
3 s'agit donc de la pièce à conviction P357.
4 Réponse: Il s'agit d'un Intrep en date du 29 avril. Il a été terminé à 21
5 heures 50.
6 Question: Puis-je vous demander de prêter votre attention à l'information
7 sous le titre "Jablanica" et où il est dit -je cite-: "50% de la ville de
8 Doljani…"
9 Monsieur le Président, dans la version espagnole, la lettre "D" est tout à
10 fait évidente mais, pour une raison que j'ignore, elle a été transcrite
11 par "B". Donc il est dit…
12 Pour qu'il n'y ait pas de problème, je lirai "Boljani". Il est dit: "50%
13 de la ville est détruite. La ville de Sovici est plongée dans la fumée."
14 Savez-vous comment a été obtenue cette information? Est-ce qu'elle
15 provient de votre unité?
16 Réponse: Oui. Il s'agit des observations que nous avons faites
17 directement, à savoir que mes patrouilles les ont faites grâce au fait
18 qu'elles se trouvaient à un endroit d'où elles pouvaient voir cela, à
19 savoir voir à la fois Doljani et Sovici.
20 Question: Essayons de passer au point suivant.
21 Il est dit ici "HVI". Je pense qu'on peut confirmer que, dans la version
22 espagnole, c'est tout à fait évident: il s'agit du HVO. Pourriez-vous
23 confirmer à la Chambre que ces composantes de l'armée espagnole ont été
24 arrêtées par le HVO afin de les empêcher de voir ce qui se passait à
25 Doljani et à Sovici?
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1 Réponse: Affirmatif. Comme je l'ai déjà dit, nous ne pouvions pas circuler
2 librement, il était donc plutôt naturel que l'accès nous était refusé à
3 certains endroits et les convois, à certains moments, ne pouvaient pas
4 passer non plus.
5 Question: Peut-on passer à présent à la pièce 561 qui, elle, devrait se
6 trouver dans le grand classeur, le classeur principal? Il s'agit d'un
7 document qui est plutôt plus long.
8 Pourriez-vous tout d'abord, s'il vous plaît, trouver le paragraphe 1.3 au
9 sujet de la vallée de la Neretva et par la suite, pourriez-vous passer au
10 paragraphe où il est question de Sovici et de Doljani? Pourriez-vous, s'il
11 vous plaît, nous dire s'il s'agit bien, encore une fois, d'une information
12 qui a été obtenue de la part de votre patrouille de reconnaissance en
13 profondeur?
14 Réponse: Vous avez ici un résumé de renseignement. Donc, il s'agit d'un
15 Insum qui récapitule les rapports reçus entre le 16 et le 30 avril; il
16 s'agit d'un "résumé de renseignement" qui se fonde sur les rapports
17 quotidiens de renseignement, de renseignements recueillis dans cette zone
18 d'opération. Ainsi donc, ce document se fonde sur les résumés des
19 renseignements recueillis au jour le jour dans notre zone d'opération.
20 Question: Puis-je attirer votre attention, s'il vous plaît, au-delà de la
21 page 7 de la version espagnole, au deuxième paragraphe qui commence… En
22 fait, de la page 8.
23 "Il y a des rapports, il y a des rapports que les forces du HVO dans cette
24 zone sont dirigés par "Tuta".".
25 Pourriez-vous dire de nouveau à la Chambre sur quoi est basée cette
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1 information?
2 Réponse: Cette information se fonde sur une autre information,
3 renseignement que j'ai obtenu personnellement des sources du HVO, de
4 sources militaires très proches de M. "Tuta".
5 Question: Pour essayer d'avancer plus vite, passons à présent à la pièce
6 375, s'il vous plaît.
7 Si vous l'avez trouvée, Monsieur, pouvez-vous de nouveau confirmer qu'il
8 s'agit bien d'un rapport de l'armée espagnole? Et si nous examinons le
9 contenu de ce rapport, sous l'intitulé "Mostar", ce document ne reflète-t-
10 il pas un certain nombre de renseignements que vous nous avez relatés ce
11 matin au sujet de ce qui se passait à Mostar à l'époque?
12 Réponse: Oui. Ce document, à la différence des documents émanant de la
13 troisième section de l'état-major, à savoir la section opérationnelle, est
14 un rapport sur la situation, donc c'est un "Sitrep" et c'est un résumé des
15 renseignements recueillis. Il s'agit… Il se fonde sur des renseignements
16 qui ont été fournis par mes patrouilles déployées dans cette zone.
17 Question: Je ne souhaite pas passer beaucoup de temps à examiner ce
18 document, mais sous l'intitulé "Mostar" il y a un troisième point où il
19 est dit: "Une concentration de civils a été observée sur le terrain de
20 foot, et il y a eu un transfert de ces mêmes civils par bus vers
21 l'extérieur de la ville". Est-ce bien quelque chose que vous avez observé
22 vous-même, Monsieur, le 9 mai 1993?
23 Réponse: Affirmatif. Je l'ai observé moi-même.
24 Question: Monsieur le Président, j'essaie de voir si on ne peut pas éviter
25 d'examiner un certain nombre de ces documents pour en terminer avant la
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1 pause déjeuner.
2 Passons à la pièce 401, s'il vous plaît.
3 En examinant ce document, pourriez-vous nous dire s'il s'agit d'un autre
4 dans la série de rapports qui ont été rédigés, ou plutôt auxquels a
5 contribué votre unité?
6 Réponse: Affirmatif.
7 Question: Sous l'intitulé "1.2, zone Mostar", par exemple pour ce qui est
8 du 17 mai 1993, n'est-il pas dit qu'entre 800 et 1.000 obus ont explosé
9 dans la ville, la plupart dans le quartier musulman, le jour en question?
10 Réponse: Affirmatif. Nous avions des postes d'observation. A partir de ces
11 postes nous pouvions voir, suivre ces projectiles.
12 Question: Il y a un certain nombre de points que nous pourrions examiner,
13 Monsieur le Président, mais j'essaierai de faire une sélection très
14 rigoureuse.
15 Je vous demanderai, Monsieur le Témoin, de passer, d'aller un peu plus
16 loin dans le texte. Après, il est toujours question de Mostar et vous
17 trouverez un paragraphe qui est précédé de deux astérisques et il est
18 question de Jablanica. Alors ici, il y a un premier point avec
19 l'astérisque où il est dit que "la population musulmane civile continue",
20 etc.. Je ne donnerai pas lecture de la suite mais pourriez-vous, s'il vous
21 plaît, décrire à la Chambre le genre de renseignements que le Bataillon
22 espagnol recevait à l'époque?
23 Réponse: Ce rapport aurait pu provenir soit de ma patrouille qui se
24 trouvait à Mostar, soit par la section (inaudible) … au sujet des blindés
25 qui se trouvaient également en patrouille à Mostar et qui avaient un
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1 contact direct avec les deux parties. Donc nous avions ces possibilités-là
2 en dépit des restrictions de circulation et en dépit du pilonnage.
3 Cependant, nous pouvions à certains moments nous rendre soit dans la
4 partie Est, soit dans la partie ouest de la ville.
5 M. Scott (interprétation): Je n'examinerai pas un certain nombre de
6 documents. Mais il y en a un qui n'est pas dans ce classeur. Le document
7 429.1, s'il vous plaît, peut-il être fourni en partie?
8 (L'huissier s'exécute.).
9 Monsieur l'huissier, puis-je avoir un exemplaire supplémentaire pour M.
10 Stringer?
11 (L'huissier s'exécute.).
12 Témoin LL…
13 M. le Président (interprétation): Maître Meek, vous avez la parole.
14 M. Meek (interprétation): Plusieurs points, Monsieur le Président. Ce
15 document a-t-il été traduit dans la langue maternelle de mon client? Et un
16 deuxième point: il semblerait que cette pièce, la pièce 429.1, concerne
17 une zone qui sort de toute évidence du cadre de cet Acte d'accusation.
18 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, ce document n'a pas
19 encore été traduit; il sera fourni à l'unité de traduction. Pour ce qui
20 est de l'endroit, il y a eu beaucoup de témoignages au sujet de Stolac et
21 cela est en relation directe avec la ligne de conduite dans cette affaire.
22 M. le Président (interprétation): Vous pouvez poursuivre, Monsieur Scott.
23 M. Scott (interprétation): Ce document sera un document sous scellés. Ce
24 document porte le nom du témoin et je ne voudrais pas que cet élément soit
25 communiqué.
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1 Monsieur le Témoin LL, il semblerait que vous avez transmis ce
2 renseignement à l'ECMM. Pourriez-vous brièvement nous dire ce qui s'est
3 passé le 9 mai dans ce dispensaire de Stolac?
4 Témoin LL (interprétation): Eh bien, ce qui est dit ici n'a pas été dit
5 par moi directement. C'est une source, en fait, qui m'a informé moi-même
6 au sujet des événements, et qui s'est rendue avec moi à l'hôpital de
7 Stolac. Je m'y suis rendu avec lui, il m'a montré des photographies de
8 patients qui avaient été hospitalisés dans cet hôpital et il m'a dit
9 qu'ils ont été expulsés par les forces du HVO. Il m'a dit que ces
10 personnes ont été transférées dans une direction inconnue. Cette personne
11 qui m'a donné, donc, toutes ces précisions, redoutait pour… avait des
12 craintes pour la vie de ces personnes, à savoir des malades, des
13 handicapés et des personnes âgées.
14 Je me suis contenté de rédiger un rapport et de le fournir à mon supérieur
15 pour qu'il puisse y avoir une enquête sur tous ces détails, une enquête en
16 profondeur.
17 Question: En fait, plus tard, est-ce qu'il y a eu une enquête au sujet de
18 cet incident?
19 Réponse: Moi, j'en ai fait un rapport que j'ai adressé à mes supérieurs,
20 mais, personnellement, je n'ai pas été chargé de mener cette enquête. J'ai
21 essayé de fournir tous les renseignements que j'avais, à savoir les noms
22 des personnes, des médecins, des personnes qui se trouvaient dans cet
23 hôpital. J'espérais que cela pouvait être d'une assistance à mes
24 supérieurs.
25 Question: Avant de passer à un autre document, au dernier document, une
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1 question: est-il vrai que l'armée espagnole et vous-même avez coopéré avec
2 nombre d'autres organisations internationales qui se trouvaient sur place
3 à l'époque, telle que la Mission d'observation de la communauté
4 européenne?
5 Réponse: Oui, tout à fait. Nous avons coopéré avec les autres
6 organisations humanitaires.
7 M. Scott (interprétation): Très bien.
8 Monsieur le Président, je souhaiterais en terminer avec mes questions
9 avant la pause déjeuner. La Chambre a en sa possession l'ensemble de ces
10 documents; elle pourra les examiner. Je ne souhaite donc pas poursuivre
11 avec mes questions.
12 Je vous remercie, Monsieur le Témoin.
13 Témoin LL (interprétation): Je tiens à vous remercier.
14 M. le Président (interprétation): Y a-t-il un contre-interrogatoire? Ou
15 préférez-vous le faire à un moment ultérieur?
16 M. Krsnik (interprétation): C'est Me Meek qui posera les questions. Je
17 pense qu'il vaudrait mieux suspendre à présent, mais nous nous
18 conformerons à votre décision.
19 M. le Président (interprétation): Nous reprendrons à 14 heures 30.
20 (L'audience, suspendue à 12 heures 56, est reprise à 14 heures 32.)
21 (Le témoin LL est déjà dans le prétoire.)
22 M. le Président (interprétation): Maître Meek? C'est à vous.
23 (Contre-interrogatoire du Témoin LL par Me Meek.)
24 M. Meek (interprétation): Bonjour, Témoin LL. Comment allez-vous?
25 Témoin LL (interprétation): Bonjour. Très bien. Merci Beaucoup.
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1 Question: Je m'appelle Chris Meek. Je suis l'un des conseils de la
2 défense, représentant M. Naletilic.
3 Réponse: Merci beaucoup. Moi, je m'appelle LL.
4 (Rires dans la salle.)
5 M. Meek (interprétation): LL, c'est un grand plaisir de vous rencontrer.
6 J'ai rencontré un de vos camarades, JJ, l'autre jour qui était également
7 un homme charmant.
8 Pouvons-nous passer, Monsieur le Président, très brièvement, à huis clos
9 partiel?
10 M. le Président (interprétation): Oui. Huis clos partiel, s'il vous plaît.
11 Nous sommes à huis clos partiel.
12 (Huis clos partiel à 14 heures 33.)
13 (expurgée)
14 (expurgée)
15 (expurgée)
16 (expurgée)
17 (expurgée)
18 (expurgée)
19 (expurgée)
20 (expurgée)
21 (expurgée)
22 (expurgée)
23 (expurgée)
24 (expurgée)
25 (expurgée)
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1 (expurgée)
2 (expurgée)
3 (expurgée)
4 (expurgée)
5 (Audience publique avec mesures de protection à 14 heures 34.)
6 M. Meek (interprétation): J'aurai besoin de l'aide de l'huissier pour
7 placer une pièce à conviction sur le rétroprojecteur. Pour le compte rendu
8 d'audience, j'indique qu'il s'agira de la pièce P2.
9 (L'huissier s'exécute.)
10 Témoin LL, juste avant la pause déjeuner, le Procureur vous a fait
11 remettre une pièce à conviction, P429.1, qui était un document d'une page.
12 Il était question dans ce document d'un incident survenu à Stolac.
13 Vous rappelez-vous ce document et ce que vous avez dit à son sujet,
14 Monsieur ?
15 Témoin LL (interprétation): Affirmatif.
16 Question: Je vous demanderai, Monsieur le Témoin, de bien vouloir regarder
17 la pièce à conviction P2, qui est actuellement sur le rétroprojecteur, et
18 de signaler à la Chambre de première instance où se trouve la ville de
19 Stolac sur cette carte, à l'aide du pointeur.
20 Réponse: Ici. Nous voyons le mot inscrit sur la carte: S-T-O-L-A-C.
21 Question: Je vous demanderai de regarder la carte d'un peu plus près, de
22 l'enlever du rétroprojecteur et de nous dire une nouvelle fois s'il s'agit
23 bien de Stolac et où se trouve la ville.
24 Réponse: La ville se trouve exactement à l'ouest de Mostar, plus
25 précisément au sud-ouest de Mostar.
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1 (Le témoin l'indique sur la carte avec le pointeur.)
2 Question: Voyez-vous le nom de la ville sur cette carte, Monsieur le
3 Témoin?
4 Réponse: Pourriez-vous me répéter votre question?
5 Question: Oui. Je viens de vous demander si vous voyiez la ville Stolac
6 sur la carte qui est la pièce à conviction P2?
7 Réponse: Négatif. Négatif.
8 Question: Conviendrez-vous avec moi et…? Prenez votre temps, Monsieur le
9 Témoin, regardez l'ensemble de la carte…
10 Réponse: Vous voulez que je vous indique où est située la ville de Stolac,
11 si j'ai bien compris?
12 Question: Vous avez bien compris ma question, Monsieur.
13 (Le témoin regarde la carte attentivement.)
14 Réponse: Je pense, à présent, que la ville de Stolac se trouve près de
15 Buna et de Blagaj.
16 (Le témoin montre avec le pointeur.)
17 Dans cette zone, ici.
18 Question: Je crois comprendre que vous n'êtes pas certain de l'emplacement
19 de la ville de Stolac. Est-il permis de s'exprimer ainsi?
20 Réponse: C'est exact: il faudrait que je voie une carte d'état-major
21 indiquant toutes les routes pour pouvoir situer exactement l'emplacement
22 de la ville de Stolac.
23 (Les conseils de la défense regardent un document sur leur bureau.)
24 Question: Témoin LL, j'ai demandé que l'on trouve une carte plus grande à
25 votre intention. Mais, pendant que nous la cherchons, je vous prierai
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1 d'inscrire une annotation sur la carte pour indiquer où se trouvait votre
2 zone de commandement, votre zone de responsabilité pendant votre séjour en
3 Bosnie-Herzégovine en 1993?
4 Réponse: Je peux dessiner cela sur la carte que vous m'avez fait parvenir?
5 Question: Oui, Monsieur, vous le pouvez.
6 (Le témoin dessine sur la carte.)
7 Réponse: J'ai indiqué, par une zone hachurée sur la carte, la zone
8 approximative où j'ai pu circuler pendant mon séjour en Bosnie-
9 Herzégovine, entre juillet et juin 1993.
10 M. Meek (interprétation): Je vous remercie. Je demanderai aux techniciens
11 de bien vouloir agrandir l'image à l'écran. Merci.
12 Au bas de la carte, on voit une ligne que vous avez rayée. Cela signifie-
13 t-il que vous avez fait une erreur?
14 Témoin LL (interprétation): Affirmatif. Parce que nous n'entrions pas dans
15 la zone serbe. Mais, avec un colonel du HVO qui se trouvait à Capljina,
16 j'ai néanmoins réussi à me rendre dans la zone de Stolac, et j'aimerais
17 donner quelques explications à ce sujet.
18 Il m'a dit que c'était une zone de combat intense entre les deux forces en
19 présence. Et je vous prie de tenir compte du fait que, si j'avais une
20 carte aux 50 millièmes, la précision de mon dessin serait beaucoup plus
21 grande.
22 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Scott?
23 M. Scott (interprétation): J'aimerais avoir quelques éclaircissements:
24 quel est exactement le numéro de la pièce à conviction sur laquelle nous
25 discutons en ce moment, et qui se trouve sur le rétroprojecteur?
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1 M. le Président (interprétation): Apparemment, nous avons également des
2 doutes au sujet de la cote affectée à cette carte, parce qu'il y a deux
3 cartes qui semblent très différentes.
4 M. Scott (interprétation): J'ai la pièce P2 ici, Monsieur le Président,
5 qui est tout à fait différente sur le plan matériel de celle qui est
6 utilisée par le témoin dans ce contre-interrogatoire.
7 M. Meek (interprétation): Une minute, je vous prie. Et je vous prie de
8 m'excuser pour la confusion: j'ai ici une carte qui, à l'origine, était
9 une pièce à conviction portant le n°2, mais elle ne semble pas être la
10 même que la pièce P2.
11 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, pourriez-vous, s'il
12 vous plaît, montrer la carte au Procureur de façon à ce que nous
13 vérifiions qu'il s'agit bien de la même? Non, pas celle-ci, l'autre.
14 (L'huissier s'exécute.)
15 M. Scott (interprétation): Est-ce la carte qui vient d'être soumise au
16 témoin pour lui demander l'emplacement de Stolac? Parce que nous avons
17 utilisé deux cartes.
18 Excusez-moi, je n'ai pas l'intention, Monsieur le Président, de parler aux
19 conseils de la défense directement, mais j'aimerais tout de même
20 comprendre si cette carte que j'ai actuellement entre les mains est la
21 seule qui a été soumise au témoin? J'aimerais le savoir.
22 M. le Président (interprétation): Nous aussi, nous avons besoin d'une
23 explication de la part du conseil de la défense.
24 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, j'aimerais pouvoir
25 m'expliquer.
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1 Monsieur Scott a raison: ceci est la seule carte qui a été placée sous les
2 yeux du témoin depuis le déjeuner, et peut-être d'ailleurs depuis le début
3 de la matinée.
4 Je vous prie de m'excuser très humblement pour avoir dit qu'il s'agissait
5 de la pièce P2. C'est une pièce à conviction qui porte le n°2; c'est sous
6 cette forme que nous l'avons reçue du Bureau du Procureur. Mais peut-être
7 cette carte n'a-t-elle pas encore été versée au dossier?
8 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Scott?
9 M. Scott (interprétation): Je pense que ce qui est arrivé, c'est que, sans
10 doute au cours de la prise de déposition ou en tout cas à un stade
11 antérieur de la procédure, il y avait peut-être une autre version de ceci.
12 Je ne m'en souviens pas, mais je n'exclue pas cette possibilité.
13 Cependant -et nous sommes tout à fait objectifs à ce sujet-, je ne vais
14 jeter le blâme sur personne, mais la pièce P2 est une carte différente,
15 sur laquelle figure le nom de la municipalité de Stolac. Alors, placer
16 sous les yeux du témoin une carte sur laquelle ne figure pas le nom de
17 Stolac et lui demander de localiser Stolac, alors que le nom n'est pas sur
18 la carte, c'est un peu inéquitable à l'égard du témoin.
19 M. le Président (interprétation): Nous sommes assez d'accord avec le
20 Procureur, Maître Meek. Vous ne pouvez pas tendre des pièges au témoin en
21 lui soumettant une carte qui ne convient pas.
22 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, encore une fois, je vous
23 présente mes plus humbles excuses.
24 Si Mme la Greffière pouvait montrer au témoin la pièce qui est
25 effectivement la pièce P2, je vais poser mes questions ensuite. Encore une
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1 fois, je dis que c'est sans doute une erreur de ma part: je pensais qu'il
2 s'agissait de la pièce P2.
3 M. le Président (interprétation): Vous devez me promettre que ce genre
4 d'erreur ne se renouvellera jamais dans ce prétoire.
5 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, je prends l'engagement de
6 ne plus jamais commettre une erreur de ce genre. D'ailleurs, ce n'était
7 pas mon intention au départ.
8 Monsieur le Président, j'ajouterai que cette erreur de ma part est due en
9 partie au fait que je ne suis pas originaire de la Bosnie-Herzégovine et
10 que j'ai aussi quelque difficulté avec la logistique et la géographie de
11 l'endroit.
12 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas une bonne excuse, Maître
13 Meek.
14 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, je suis d'accord: ce
15 n'est pas une bonne excuse; cela ne se reproduira pas.
16 Monsieur le Témoin LL, vous avez actuellement sous les yeux la pièce qui
17 est enregistrée comme pièce de l'accusation "P2". Vous y voyez le nom de
18 la municipalité de Stolac, n'est-ce pas?
19 Témoin LL (interprétation): Moi aussi, je vous prie de m'excuser car, en
20 tant que militaire, j'aurais dû savoir exactement et sans l'ombre d'un
21 doute où se trouvait Stolac pour le simple fait que je m'y suis rendu.
22 Mais une carte militaire est très différente d'un croquis. Or, c'est la
23 première chose que l'on a placée sous mes yeux; je n'avais donc aucune
24 référence. Par ailleurs, après dix ans, il est vrai qu'il est assez
25 difficile de se rappeler exactement l'emplacement des différentes villes.
Page 5273
1 Je vous remercie.
2 Elle est ici, la ville.
3 (Le témoin indique l'emplacement de la ville sur la carte.)
4 M. Meek (interprétation): Témoin LL, sur la carte qui vous a été montrée
5 précédemment et sur laquelle vous avez dessiné votre zone de
6 responsabilité…
7 M. le Président (interprétation): Maître Meek, nous n'acceptons pas la
8 carte précédente: il vous faut demander au témoin de redessiner la zone en
9 question sur la pièce à conviction P2.
10 M. Meek (interprétation): J'aimerais demander à la Chambre de première
11 instance si cette copie de la carte est vierge. Je ne voudrais pas faire
12 une erreur en demandant au témoin d'y dessiner quelque chose.
13 Mme Chen (interprétation): C'est une version vierge. Oui, Maître Meek.
14 M. Meek (interprétation): Monsieur le Témoin, avec toutes mes excuses, je
15 vous demanderai de refaire ce que vous avez fait tout à l'heure: de
16 prendre le stylo vert et d'indiquer sur la carte quelle était la
17 superficie de votre zone de responsabilité, pendant votre séjour en
18 Bosnie-Herzégovine, en 1993.
19 Témoin LL (interprétation): Très bien. Ma zone de responsabilité était la
20 zone de responsabilité du Groupe tactique "Malaga", appartenant aux forces
21 espagnoles. Et c'est cette zone que je vais dessiner de façon
22 approximative sur la carte, à l'instant même.
23 (Le témoin dessine sur la carte sa zone de responsabilité.)
24 Réponse: La partie Est de la zone que j'ai dessinée correspond
25 approximativement à la zone que nous ne pouvions pas occuper car, à ce
Page 5274
1 moment-là, elle était tenue par les forces serbes. Ici, nous voyons une
2 ville qui avait été occupée dans laquelle il y avait eu pas mal de combats
3 avant notre arrivée. Le front serbe s'étendait un peu plus à l'Est et,
4 dans la partie Nord de mon dessin, nous ne pouvions pas passer par la
5 grande route car la partie serbe, dirigée par le Général Mladic, était
6 occupée par cette zone.
7 Depuis Tarcin, nous allions à Kresevo pour arriver à Sarajevo par le Nord,
8 par une route de montagne. Et, jusqu'à Kiseljak à peu près, j'ai pu
9 circuler. Après quoi, je redescendais en passant par Jablanica et par
10 l'Ouest, Siroki Brijeg.
11 Maintenant, ici, je ne me rappelle plus très bien si peut-être la zone de
12 responsabilité n'allait pas un peu plus à l'Ouest. Je parle de la zone de
13 responsabilité occupée par les forces serbes, Ljubuski, Capljina, ici
14 ensuite. Et puis, au début, puisque notre détachement était à Ljubuski.
15 Nous utilisions la route allant de Ljubuski Polje, enfin, excusez-moi, qui
16 passait par Capljina pour escorter les convois qui allaient vers Sarajevo.
17 Et on peut résumer ceci en disant que l'on suivait la vallée de la
18 Neretva. Merci beaucoup.
19 Question: Merci beaucoup, Monsieur le Témoin.
20 Ma question suivante concerne la ville de Stolac. Cette ville était-elle
21 dans la zone de responsabilité du groupe "Malaga"?
22 Réponse: Je ne me rappelle pas exactement si elle se trouvait à la limite
23 ou si l'on pouvait s'y rendre. Mais, ce qui est vrai, c'est que je m'y
24 suis rendu avec le colonel Obradovic. Et c'est à partir de Stolac, je
25 crois, que s'établissaient les contacts avec la partie serbe dans le cadre
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1 des négociations de paix. J'ai bien dit "avec la partie serbe" s'agissant
2 du déminage ou du placement des mines. Et on discutait aussi avec la
3 partie serbe l'échange de cadavres ou de prisonniers à la demande du HVO
4 et de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
5 Le corridor de Stolac était l'endroit où l'on passait pour rencontrer la
6 partie serbe, afin de mener ce type de négociation.
7 Question: Merci beaucoup, Monsieur le Témoin.
8 Puisque vous avez passé plusieurs mois en 1993 en Bosnie-Herzégovine, je
9 vous demande, à présent, de prendre un marqueur rouge et, sur cette même
10 carte, la pièce à conviction P2, d'indiquer quelle était la zone occupée
11 par les forces musulmanes?
12 (Le témoin dessine sur la carte avec le marqueur rouge.)
13 Réponse: Le plus important, dont je crois me souvenir, était concentré à
14 l'Est de Mostar, le long de la vallée de la Neretva, même si le quartier
15 général de l'armée de Bosnie-Herzégovine se trouvait à l'Ouest. Mais je
16 sais qu'au Sud de Mostar il y avait un secteur qui relevait de la
17 responsabilité des Musulmans, des forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine,
18 afin de mener la défense contre les forces serbes. Il y avait un accord
19 entre les deux groupes afin de se partager la surveillance de ce secteur
20 qui constituait le front serbe.
21 Le secteur musulman, devant Jablanica, se trouvait à peu près ici où il y
22 avait donc une majorité de Musulmans. Il y avait également des barrages
23 routiers tenus par les Musulmans à cet endroit. Et, ici, on voit Tarcin
24 qui relevait également de la zone musulmane et, de l'autre côté, la ville
25 de Kresevo où il y avait pas mal de Musulmans et de Croates. Et ici,
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1 Kiseljak où il y avait de nombreux Musulmans et Croates également.
2 Dans la première période avant l'éclatement du conflit, je crois me
3 rappeler que les zones de responsabilité étaient assez bien partagées afin
4 d'assurer la défense contre le front serbe, qui était la principale
5 préoccupation à l'époque. Et je me suis rendu compte de ceci dans les
6 premiers mois de mon séjour en Bosnie-Herzégovine.
7 Question: Vous avez mentionné Jablanica, Monsieur le Témoin. Il me semble
8 que vous avez mentionné que cette ville ou cette zone était placée sous le
9 contrôle musulman. Est-ce exact?
10 Réponse: Pour ce qui est de Jablanica, la majorité de la population était
11 musulmane. Il y avait aussi des forces armées, que ce soit des forces
12 musulmanes paramilitaires ou régulières; et la même chose vaut pour
13 Konjic.
14 Question: Monsieur le Témoin LL, pourriez-vous prendre le marqueur rouge
15 et inscrire des lignes, donc sur toute la zone qui était sous le contrôle
16 musulman?
17 Réponse: Vous me demandez d'être précis, mais, réellement, je ne me sens
18 pas en position de le faire. J'ai mentionné les endroits-clés et, autour
19 de ces endroits, il y avait le déploiement des forces. Mais pour être
20 exact, il me faudrait parcourir les documents, pour être tout à fait sûr
21 des endroits où étaient déployés les éléments de l'armée de Bosnie-
22 Herzégovine. Il m'est très difficile de le faire de manière précise et
23 exacte; il me faudrait d'abord consulter une carte militaire pour
24 l'examiner, pour revoir les localités et pour pouvoir être tout à fait
25 précis.
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1 M. Meek (interprétation): Je vous remercie de m'avoir répondu. Je
2 comprends parfaitement que neuf ans se sont écoulés, que votre mémoire
3 n'est pas absolument parfaite, mais pourriez-vous tout simplement me
4 répondre d'après vos souvenirs? Si vous me dites que vous ne pouvez pas le
5 faire, ce n'est pas grave, nous poursuivrons.
6 Mme Diarra: Monsieur le Président, quelque chose me dérange dans cette
7 analyse. Il a bien dit qu'il est à l'aise avec une carte militaire où les
8 routes sont tracées, que même avec ce schéma il lui est difficile de
9 reconnaître. Mais l'avocat de la défense lui fait dire que sa mémoire a
10 des défaillances et qu'il n'arrive pas à se retrouver. Il faut donc que
11 tous éléments se mettent ensemble pour que la vérité ne soit pas altérée.
12 Je vous remercie.
13 Témoin LL (interprétation): Ce que j'essaie de dire, c'est la chose
14 suivante: il est très difficile et était très difficile d'être tout à fait
15 sûr des endroits où étaient déployées les différentes unités et les
16 forces. J'avais des contacts avec différents chefs ou commandants, mais il
17 était difficile d'en déduire…, de déduire de ce qu'ils nous disaient où
18 étaient les forces et ce que faisait telle ou telle force. Il y avait en
19 présence le HVO, l'armée de Bosnie-Herzégovine et eux, ils évoquaient
20 devant nous leurs divers problèmes concernant la logistique, l'aide
21 humanitaire et ainsi de suite.
22 Quant à dire quel était le déploiement exact, alors là, il me faudrait
23 examiner point par point. Là, je ne peux pas être tout à fait sûr. Donc,
24 le plus souvent, nous avions beaucoup de points d'interrogation au sujet
25 de diverses localités. Vous savez, c'étaient des renseignements et, à
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1 l'époque, à l'époque où j'étais là, nous ne pouvions pas être à cent pour-
2 cent sûrs de nos éléments d'information recueillis, donc des
3 renseignements. Je n'ai pas à me renseigner sur tout un tas de détails.
4 Par ailleurs, j'avais aussi peur de dévoiler les renseignements que
5 j'avais en ma possession parce que je ne voulais pas exposer mon service.
6 Donc il s'agissait de toute la zone de Mostar. Quant à Jablanica, c'était
7 une autre zone. Et je dois dire qu'il s'agit là de renseignements qui sont
8 quand même de nature assez spéciale. Et à l'époque où toutes ces
9 opérations se déroulaient, nous essayions de suivre l'évolution des
10 choses, de nous rendre sur place et de nous concentrer sur les endroits où
11 nous remarquions que la population pouvait se trouver en danger, être
12 expulsée ou avoir des problèmes.
13 M. le Président (interprétation): Nous comprenons vos difficultés,
14 Monsieur le Témoin, notamment pour ce qui est en temps de guerre. De toute
15 évidence, les lignes ne sont pas tout à fait claires et qui, plus est,
16 nous sommes aujourd'hui neuf ans plus tard. Je demanderai donc au conseil
17 de la défense de retirer sa question portant sur ce point.
18 M. Meek (interprétation): J'étais sur le point de le faire.
19 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, il vous faudrait
20 vous écarter un petit peu, vous rapprocher du micro pour que l'on puisse
21 vous entendre très clairement puisque toutes les personnes dans le
22 prétoire dépendent de l'interprétation qui est faite de votre déposition.
23 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, merci. Je n'aurai plus
24 besoin de cette pièce ni du rétroprojecteur.
25 Mme Chen (interprétation): Cette pièce portera la cote D1/33.
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1 M. Meek (interprétation): Monsieur le Témoin LL, vous faisiez partie d'une
2 unité de reconnaissance, n'est-ce pas?
3 Témoin LL (interprétation): Oui.
4 Question: Plus tôt aujourd'hui, à huis clos, nous avons évoqué le témoin
5 JJ qui faisait partie d'une unité de renseignements, n'est-ce pas?
6 Réponse: Non, non. Ce n'était pas de renseignements dont il s'occupait
7 dans cette zone; c'était un travail qui consistait à recueillir
8 l'information et ces informations étaient transmises en Espagne. Nous
9 n'avions pas une unité spéciale chargée des renseignements pour étudier
10 ces informations et les analyser en tant que documents de renseignement,
11 en tant que travail proprement dit de renseignement.
12 Question: Excusez-moi alors. Vous êtes en train de nous dire que le témoin
13 JJ était chargé de recueillir des informations, que ces informations
14 étaient envoyées en Espagne, mais qu'il ne s'agissait pas d'un travail de
15 renseignement?
16 Réponse: Oui, vous avez tout à fait raison. Comment dire? Il connaissait
17 la langue ou des langues; c'est pour cela qu'il a été assigné à la 2e
18 Section de l'état-major; donc c'est lui qui rédigeait ces rapports et qui
19 les envoyait à nos supérieurs.
20 Question: Et le témoin JJ, il recevait des informations de votre part
21 également, de votre part et de la part de votre unité pour en faire part
22 dans ces rapports?
23 Réponse: Non, je ne transmettais pas cela à JJ mais au commandement. Et
24 c'est le commandant qui lui donnait cela à copier, à faire une
25 transcription et à l'envoyer à un niveau supérieur.
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1 M. Meek (interprétation): Pendant votre mission en Bosnie-Herzégovine,
2 avez-vous assisté, à un moment quelconque, à des réunions en présence du
3 personnel militaire du HVO ou de l'armée de Bosnie-Herzégovine avec cette
4 personne-là?
5 Témoin LL (interprétation): Je ne m'en souviens pas. C'est possible
6 puisqu'il était au quartier général de Medjugorje. Peut-être à un certain
7 nombre de réunions, en présence du HVO et des représentants de l'armée de
8 Bosnie-Herzégovine. Il n'est pas à exclure que, lui aussi, ait été présent
9 à ce genre de réunions où mes supérieurs m'ont envoyé. Mais je ne me
10 rappelle pas précisément, je ne peux pas vous affirmer avec certitude
11 qu'il a été personnellement présent en même temps que moi à ce genre de
12 réunion. Il est possible qu'il soit venu avec moi, mais nous n'avons pas
13 travaillé ensemble là-bas. Il aurait pu faire des enregistrements vidéo ou
14 filmer des bus avec des prisonniers.
15 Mme Clark (interprétation): Il me semble qu'au moment où il a déposé, le
16 témoin JJ a dit qu'il n'a pas participé à ce genre de réunion de haut
17 niveau. Son travail se situait à un niveau bien inférieur: c'était
18 d'orienter les gens vers les divers endroits où ils devaient aller. Il me
19 semble que votre question ne représente pas d'une manière précise ou juste
20 ce qu'il a dit hier. Je voudrais que vous le précisiez au témoin.
21 M. Meek (interprétation): Je vous remercie, Madame la Juge Clark. J'ai
22 quelques problèmes avec le témoin JJ.
23 Monsieur le Témoin, je ne voulais pas dire que le témoin JJ a participé à
24 ces réunions. Simplement, je voulais savoir si vous l'aviez vu dans les
25 parages au moment où il y avait des réunions.
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1 Témoin LL (interprétation): Je ne peux pas vous répondre à ça puisque je
2 ne sais pas.
3 Question: Monsieur le Témoin, lorsque vous ne vous rappelez pas une chose,
4 tout simplement dites-moi que vous ne vous en souvenez pas. Et également,
5 lorsque vous n'avez pas bien compris ma question, je vous prie de me
6 demander de la reformuler. Peut-on procéder ainsi?
7 Réponse: Je vous remercie. Ce que j'essaye, c'est de faire tout ce qui est
8 en mon pouvoir pour aider la défense. Lorsque vous me posez des questions
9 au sujet de M. "Tuta", j'essaie d'être le plus exact, le plus précis
10 possible. Mais je suis vraiment désolé si, parfois, je ne peux pas vous
11 aider autant que vous l'aimeriez.
12 Question: Monsieur le Témoin LL, vous avez commencé votre formation
13 militaire en 1976?
14 Réponse: Affirmatif, en 1976.
15 Question: Et depuis, vous êtes un soldat militaire de carrière et vous
16 avez le grade de commandant, n'est-ce pas?
17 Réponse: Affirmatif.
18 Question: En tant que militaire de carrière, avez-vous été formé à
19 rédiger, à constituer des rapports?
20 Réponse: Cela n'est que l'une des nombreuses choses au sujet desquelles
21 nous avons été informés. Mais cela nous a été transmis non seulement à
22 travers des rapports mais aussi à travers de nombreux autres domaines
23 militaires.
24 Question: Vous avez une riche expérience et une formation, vous êtes un
25 officier de haut rang, vous savez pertinemment quelle est l'importance
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1 d'un rapport. Il faut que le rapport soit le plus complet, n'est-ce pas,
2 portant sur un accident quel qu'il soit, n'est-ce pas exact?
3 Réponse: Oui, tout à fait, c'est cela.
4 Question: Merci.
5 Monsieur le Témoin LL, le 3 novembre de l'an 2000, vous avez rencontré les
6 représentants du Bureau du Procureur de ce Tribunal. Comment est-ce que
7 cela a eu lieu?
8 Réponse: A cause du ministère de la Défense de l'Espagne, c'était leur
9 décision.
10 Question: Ainsi donc, le ministère de la Défense d'Espagne vous a demandé
11 de faire une déclaration?
12 Réponse: Affirmatif.
13 Question: Vous ne vous êtes pas porté volontaire?
14 Réponse: Eh bien, si, d'une certaine façon j'étais volontaire. Si l'armée
15 me dit que je dois conduire, effectuer une tâche, que je dois donner mon
16 opinion au sujet de certaines choses; eh bien! je le fais. Je ne peux pas
17 le refuser puisque, bien entendu, j'étais là et on m'a demandé de le
18 faire. Je me suis conformé.
19 Question: Il y a peut-être une légère confusion au niveau de la
20 traduction: la question que je vous posais était de savoir si c'étaient
21 eux qui étaient venus vous voir dans un premier temps. L'initiative n'est
22 pas venue de vous?
23 Réponse: Affirmatif. Je n'étais pas au courant, je ne savais pas que ces
24 hommes étaient venus en Espagne pour recueillir ma déclaration. Il ne
25 s'agissait pas seulement de moi, mais d'autres personnes en Espagne. Je
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1 n'avais pas eu de lien, je n'étais pas au courant de la situation: dix
2 années s'étaient passées et je ne savais pas qu'ils étaient en train de
3 faire cela. Je pense que d'autres commandants, d'autres personnes qui
4 étaient mes supérieurs pensaient que c'était parce que j'avais eu des
5 contacts avec des personnes et mes supérieurs ont eu des contacts dans
6 cette zone. C'est pour cela qu'ils ont donné les noms des personnes qui
7 pouvaient apporter le plus, donner le plus d'informations dans le cadre de
8 cette affaire.
9 Question: Monsieur le Témoin LL, lorsque vous avez fait votre déclaration
10 au Bureau du Procureur, vous étiez au courant du fait, n'est-ce pas, que
11 votre déclaration allait être utilisée par le Procureur dans l'affaire
12 contre M. Mladen Naletilic, connu sous le surnom de "Tuta"?
13 Témoin LL (interprétation): Puis-je demander conseil à mon conseiller
14 juridique. Serait-ce possible?
15 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, vous devez savoir
16 que votre conseil juridique est présent ici afin de protéger les intérêts
17 de votre Etat. Si vous estimez que cette question porte atteinte aux
18 intérêts de votre Etat, vous pouvez de plein droit consulter votre
19 conseiller juridique. Néanmoins, il me semble que là, c'était une question
20 tout à fait ordinaire.
21 Bien entendu, c'est à vous de prendre la décision. Si vous insistez, nous
22 vous donnerons la possibilité de recueillir ce conseil.
23 Témoin LL (interprétation): C'était notamment pour pouvoir donner la
24 réponse la plus complète. Par rapport à ce que je sais, je voudrais donner
25 une réponse complète.
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1 Quoi qu'il en soit, je dirai oui: donc le Bureau du Procureur a pris
2 contact avec moi, ils sont venus en Espagne en relation avec cette
3 affaire. Je ne savais pas comment cela allait être utilisé, soit à charge,
4 soit à décharge.
5 M. le Président (interprétation): Est-ce la réponse à la question, Maître
6 Meek?
7 M. Meek (interprétation): Oui, tout à fait. Cela répond à ma question.
8 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre.
9 M. Meek (interprétation): Monsieur le Témoin LL, pendant combien de temps
10 avez-vous eu cet entretien?
11 Témoin LL (interprétation): C'était un peu comme cette audience
12 aujourd'hui: partiellement dans la matinée et en partie dans l'après-midi;
13 nous avons fait une pause déjeuner qui était assez longue, assez longue
14 pour avoir un déjeuner correct.
15 Question: A un moment quelconque, à partir du moment où vous avez commencé
16 à donner votre déclaration, vous a-t-il semblé que les personnes qui
17 étaient là pour recueillir votre déclaration cherchaient avant tout à
18 savoir ce que vous saviez au sujet précisément de M. Naletilic?
19 Réponse: En réalité, cela a commencé par l'évocation de la situation
20 générale; puis, graduellement, pendant que je relatais mon expérience et
21 ce que j'ai vécu là-bas, mes souvenirs, l'enquêteur a commencé à me
22 demander de me focaliser sur certains aspects. Mais je leur disais
23 l'ensemble de ce que j'avais vécu là-bas, au sujet de ce que j'y ai vécu,
24 avec tous ces hommes, les personnes que j'ai rencontrées pendant cette
25 période.
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1 Et lorsque j'évoquais le HVO, mes contacts, mes amis, parfois il est vrai,
2 il me demandait de donner plus de détails, mais je leur ai tout simplement
3 dit tout ça, puisque je connaissais beaucoup, beaucoup de gens et aussi
4 des personnes qui faisaient partie du commandement de l'armée de Bosnie-
5 Herzégovine. Nous avons également évoqué la mort de M. Hudruk, qui était
6 dans l'armée de Bosnie-Herzégovine.
7 Donc c'était pratiquement un monologue au sujet de tout ce que j'y ai
8 vécu, de tout ce que j'ai traversé.
9 M. Meek (interprétation): Lorsque les enquêteurs vous demandaient de vous
10 arrêter sur un point afin de l'approfondir, de parler au sujet de M.
11 Naletilic "Tuta", à ce moment-là, vous leur disiez tout ce que vous
12 saviez, n'est-ce pas?
13 M. le Président (interprétation): Maître Meek, vous avez dit: "Comme vous
14 dites". Mais je ne me souviens pas du tout que ce témoin ait dit quoi que
15 ce soit dans ce sens-là.
16 M. Meek (interprétation): En page 75, ligne 10.
17 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous nous donner lecture de
18 cette phrase, je ne la vois pas?
19 M. Meek (interprétation): J'ai l'impression que c'est vous qui le dites.
20 Veuillez m'excuser, mais j'ai utilisé le même mot que le traducteur
21 lorsque ce témoin a laissé entendre qu'il a donné une déclaration au sujet
22 de l'ensemble de son expérience. Et là, il dit: "L'enquêteur m'arrêtait et
23 me demandait de me polariser sur ces aspects spécifiques". Et là, j'ai
24 cité le témoin.
25 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous reformuler votre question,
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1 s'il vous plaît?
2 M. Meek (interprétation): Monsieur le Témoin LL, êtes-vous en train de
3 dire que lorsque vous arriviez à certains moments de votre déclaration qui
4 impliquait "Tuta", à ce moment-là, il vous arrêtait, il vous demandait de
5 donner plus de détails et d'être plus spécifique à son sujet?
6 Témoin LL (interprétation): Oui, à son sujet, mais aussi au sujet de
7 toutes les autres sources avec qui j'étais en contact; que ce soit au sein
8 de l'armée de Bosnie-Herzégovine ou au sein du HVO. Et je me souviens
9 également que je leur ai expliqué au sujet de Humo et au sujet de Hudruk
10 et au sujet de tous les autres commandants militaires, dont j'ai donné les
11 noms, lorsqu'ils m'ont demandé à quel point je les connaissais. Et quelles
12 étaient les informations que j'avais recueillies de leur part.
13 Question: Pour que ce soit tout à fait clair au compte rendu d'audience,
14 vous êtes arrivé à Mostar à peu près au mois de mars et vous êtes reparti
15 en juillet?
16 Réponse: Oui. Je suis arrivé en mars pour ce qui est d'y être de manière
17 permanente et puis je suis resté à partir du mois de mars. Mais, de temps
18 à autre, je me rendais à Mostar. Je suis arrivé à Mostar de Jablanica en
19 essayant de régler personnellement un certain nombre de problèmes avec le
20 chef de l'état-major.
21 Question: Et vous avez rencontré l'homme que vous avez appelé "Ivan
22 Andabak" avant de venir vous installer à Mostar, en 1993?
23 Réponse: Eh bien, maintenant, je ne pourrais pas vraiment vous l'affirmer
24 avec certitude, je ne suis pas sûr si c'était avant cela. Je sais que le
25 colonel Zorzo était là. Je suis peut-être arrivé à la mi-avril, mais il
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1 m'est difficile de le dire avec certitude si c'était avant ce dîner-là,
2 parce que je pense que j'aurais dû le rencontrer et que j'aurais
3 normalement dû échanger quelques mots avec lui avant cela, puisque M.
4 Andabak était un homme qui était très favorable, extrêmement favorable aux
5 forces espagnoles.
6 Mais quant à savoir si c'était avant le mois de mars ou après le mois de
7 mars, plus tard…? Puisque, vous savez, il y a eu, par exemple, le véhicule
8 espagnol; lui, il avait un véhicule espagnol, une voiture espagnole et
9 c'était quelqu'un qui était extrêmement généreux, qui aimait l'Espagne. Il
10 est venu me parler en Espagne. Donc vraiment, je ne peux pas répondre à
11 votre question en étant tout à fait précis.
12 Après ce dîner, mes relations avec lui, avec d'autres personnes qui ont
13 assisté à ce dîner, sont devenues plus intenses, plus étroites parce que
14 ce premier contact a déjà été établi.
15 Question: S'il vous plaît, pourriez-vous vous éloigner un petit peu du
16 micro lorsque vous parlez, lorsque vous répondez à mes questions.
17 Etes-vous en train de me dire que votre relation avec mon client, "Tuta",
18 est devenue plus étroite après ce dîner?
19 Réponse: Elle n'a pas pu, cette relation n'a pas pu être devenir beaucoup
20 plus étroite parce que, la vérité, c'est que je n'ai pas pu avoir avec lui
21 autant de contacts avec d'autres militaires du HVO ou de l'armée de
22 Bosnie-Herzégovine. Mais cela m'a servi pour pouvoir le saluer de façon
23 sporadique et spontanée, quand nous nous rencontriions dans la rue, et
24 pour savoir qui il était physiquement.
25 Personnellement, j'ai la particularité de démontrer rapidement de la
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1 confiance à l'égard des personnes avec qui je traite, notamment lorsque
2 ces personnes m'ont été présentées. Et, au cours de ce dîner, au cours de
3 cette réunion, il y avait un climat d'amitié et de confiance.
4 Question: Monsieur Témoin LL, merci de votre réponse. Mais, si j'ai bien
5 compris votre témoignage, et si j'ai bien compris la déclaration que vous
6 avez faite au Bureau du Procureur, vous n'avez rencontré M. "Tuta" qu'une
7 seule fois après ce dîner, très rapidement dans la rue à Siroki Brijeg.
8 Est-ce exact?
9 Réponse: Aujourd'hui, je ne pourrais pas dire qu'il y a eu plusieurs
10 rencontres ou qu'une rencontre a eu lieu précisément à Siroki Brijeg. Il
11 est possible qu'il y ait eu plusieurs rencontres, mais moi, je n'ai pas
12 conscience très clairement de l'existence d'une autre réunion de ce genre.
13 Il y a eu de nombreux dîners avec des représentants militaires, par la
14 suite. Mais il est vrai que je ne me rappelle aucune autre occasion aussi
15 intense que celle-ci.
16 Question: Je vais demander à M. l'huissier de remettre au témoin la
17 déclaration qu'il a faite en novembre 2000, devant les représentants du
18 Bureau du Procureur.
19 (L'huissier s'exécute.)
20 Témoin LL, en première page de ce document, votre nom est indiqué. Je ne
21 vous demande pas de le dire à haute voix, bien entendu. Votre profession
22 est indiquée également, ainsi que les langues que vous parlez, n'est-ce
23 pas?
24 Réponse: C'est exact.
25 Question: Ces deux langues sont l'espagnol et le français, n'est-ce pas?
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1 Réponse: C'est exact.
2 Question: Avez-vous conversé avec mon client, "Tuta", en espagnol et/ou en
3 français?
4 Réponse: Non.
5 Question: Savez-vous si mon client M. Naletilic parle espagnol ou
6 français?
7 Réponse: Il est possible qu'il ait pu connaître une phrase en espagnol,
8 une expression due à ses rapports d'amitié avec nous, une expression comme
9 "Salut! Bonjour!", une phrase que l'on dit typiquement pour se saluer
10 lorsqu'on est amis, mais rien de plus.
11 Question: Je vous demanderai de vous rendre en page 6 de votre
12 déclaration.
13 (Le témoin s'exécute.)
14 Troisième paragraphe à partir du haut de la page, première phrase de ce
15 troisième paragraphe.
16 (Les interprètes signalent qu'ils ne disposent pas du texte.)
17 Parlez-vous un peu l'anglais, Monsieur le Témoin?
18 Réponse: Non, je regrette beaucoup de ne pas pouvoir vous comprendre
19 directement.
20 Question: Ne regrettez rien, je vous en prie. Je ne parle pas espagnol et
21 d'ailleurs, ce matin, vous ne m'avez pas du tout offensé par votre
22 incapacité à prononcer les noms propres; j'ai le même problème.
23 Mais je demanderai à votre interprète de bien vouloir vous dire quel est
24 le sens de la première phrase du paragraphe 3.
25 (L'interprète espagnol, M. Carlos Bravo, s'exécute.)
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1 Réponse: La première phrase est exacte.
2 M. Meek (interprétation): Autrement dit, cette phrase reflète fidèlement
3 la réalité?
4 Témoin LL (interprétation): C'est exact.
5 M. le Président (interprétation): Que voulez-vous?
6 M. Meek (interprétation): J'y arrive, Monsieur le Président.
7 Monsieur le Témoin, dans cette déclaration écrite, vous dites: "J'ai revu
8 M. "Tuta" une fois, dans la rue, à Siroki Brijeg". C'est bien exact?
9 Témoin LL (interprétation): C'est exact.
10 Question: Et avant de prononcer cette phrase, au cours de cet entretien
11 avec le Bureau du Procureur, vous avez parlé de votre rencontre avec
12 "Tuta", à l'occasion d'un dîner dans la maison d'Andabak. C'est exact?
13 Réponse: Oui, c'est exact.
14 M. Meek (interprétation): Donc conviendrez-vous avec moi que vous n'avez
15 rencontré mon client que deux fois?
16 M. Scott (interprétation): Excusez-moi.
17 M. le Président (interprétation): Je vous en prie, Monsieur Scott?
18 M. Scott (interprétation): Le témoin a dit qu'il l'avait rencontré deux
19 fois à Siroki Brijeg, mais cela ne justifie pas de dire qu'il ne l'a
20 rencontré que deux fois: il a pu le rencontrer davantage.
21 M. le Président (interprétation): Oui. Maître Meek, vous avez entendu
22 l'objection du Procureur?
23 M. Meek (interprétation): Oui, je l'ai entendue. Je vais reformuler ma
24 question.
25 Monsieur le Témoin, lorsque vous avez dit aux représentants du Bureau du
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1 Procureur, en novembre 2000, que vous aviez rencontré "Tuta" une fois de
2 plus dans la rue, à Siroki Brijeg, que vouliez-vous dire par là?
3 Témoin LL (interprétation): Oui, je voulais dire "qu'à Siroki Brijeg, une
4 nouvelle fois" virgule "dans la rue". Autrement dit: la deuxième fois que
5 je l'ai rencontré à Siroki Brijeg, c'était dans la rue.
6 Question: Merci. Et la première fois que vous l'avez rencontré, c'était à
7 Siroki Brijeg, au moment du dîner organisé dans la maison de M. Andabak,
8 n'est-ce pas?
9 Réponse: C'est exact.
10 Question: Et c'est en avril 1993, n'est-ce pas, que ce dîner a été
11 organisé?
12 Réponse: Oui. Mais pardon, ce que je voulais dire, c'est que la maison
13 d'Ivan Andabak est à Siroki Brijeg. C'est pourquoi j'ai dit: "une deuxième
14 fois", "une nouvelle fois à Siroki Brijeg".
15 Question: Après la rencontre dans la rue à Siroki Brijeg, dont vous parlez
16 en page 6 de votre déclaration, vous est-il jamais arrivé de rencontrer à
17 nouveau M. Naletilic?
18 Réponse: Affirmatif. Je l'ai vu en certaines occasions, très rapidement,
19 lorsqu'il était uniquement de passage au quartier général du HVO. Mais
20 puisque je suis incapable de dire exactement à quelle date c'était, quel
21 jour c'était, quel mois c'était, je pense que ce n'est pas réellement
22 important. En tout cas pour moi, parce que c'est tout à fait
23 volontairement que nous nous arrêtions pour au moins nous saluer. C'est
24 tout.
25 Question: Après l'avoir rencontré dans la rue à Siroki Brijeg, ce jour où
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1 vous lui avez dit bonjour, et en cette occasion dont vous avez dit -en
2 réponse aux questions de l'interrogatoire principal- que c'était une
3 rencontre très brève, vous n'avez plus jamais parlé avec M. "Tuta", n'est-
4 ce pas?
5 Réponse: Après la rencontre de Siroki Brijeg, ce jour où nous nous sommes
6 rencontrés dans la rue, je ne me rappelle pas avoir reparlé avec lui
7 directement. La vérité, c'est que je ne me rappelle pas cela.
8 Question: Or, vous venez de dire dans votre témoignage -sous serment- que
9 vous pensez vous rappeler ou que vous vous rappelez avoir vu "Tuta" au
10 quartier général du HVO, n'est-ce pas?
11 Réponse: C'est exact.
12 Question: Ce bâtiment est-il bien le même quartier général dans lequel
13 Ivan Andabak avait son bureau, ce bureau dont vous avez parlé ce matin?
14 Réponse: Le bâtiment dans lequel j'ai vu Andabak un jour, assis à une
15 table, j'ai pensé que c'était son bureau. Il y avait là d'autres officiers
16 du HVO également. Et je me rappelle qu'un autre jour je l'ai vu entrer ou
17 sortir du bâtiment parce que les voitures étaient garées là; et un jour,
18 je me rappelle l'avoir vu entrer ou sortir, mais je ne me rappelle plus si
19 c'était l'un ou l'autre aujourd'hui, très précisément. En tout cas,
20 c'était tout à fait sporadique.
21 Question: Pour que votre réponse soit peut-être un peu plus claire -peut-
22 être y a-t-il un petit problème d'interprétation-, je vous demande si vous
23 faites référence au bureau de Ivan Andabak, au quartier général du HVO, à
24 Mostar? Ce quartier général qui se trouvait dans la même rue que la
25 cathédrale de Mostar?
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1 Réponse: Affirmatif.
2 Question: Je vous demanderai, à présent, de vous rendre en page 3 de votre
3 déclaration au Bureau du Procureur. Deuxième paragraphe entier: je vous
4 demande de prier votre interprète de vous traduire la dernière phrase de
5 ce deuxième paragraphe entier de la page.
6 (L'interprète espagnol, M. Carlos Bravo, s'exécute.)
7 Réponse: Correct.
8 Question: Monsieur le Témoin LL, vous avez dit aux représentants du Bureau
9 du Procureur, en novembre 2000, qu'entre autres choses vous vous efforciez
10 de rencontrer Ivan Andabak tous les deux ou trois jours pour récolter des
11 informations. C'est exact?
12 Réponse: J'essayais d'établir des contacts pas seulement avec Ivan
13 Andabak, mais avec d'autres militaires du HVO également. Il n'était que
14 l'un de ces militaires du HVO. J'essayais aussi d'avoir des contacts avec
15 des représentants des forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine, afin de
16 savoir ce qui était en train de se passer.
17 Question: Merci, mais je regarde ce qui est écrit dans votre déclaration.
18 Vous essayiez de rencontrer Ivan Andabak tous les deux ou trois jours pour
19 obtenir des informations. C'est bien ça?
20 Réponse: Oui, c'est exact, parce que, comme il connaissait l'espagnol, les
21 contacts étaient très faciles avec lui.
22 Question: Vous avez également déclaré que vous essayiez d'établir un lien
23 avec lui et que vous le faisiez très ouvertement?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Vous avez dit qu'il vous saluait toujours là où il se trouvait,
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1 notamment au quartier général qui se trouvait dans la même rue que la
2 cathédrale de Mostar, n'est-ce pas?
3 Réponse: Oui, c'est exact.
4 Question: Et, plus tard, vous avez dit aux représentants du Bureau du
5 Procureur, que vous ne vous rappeliez pas avoir vu "Tuta" dans son bureau,
6 n'est-ce pas?
7 Réponse: C'est exact.
8 M. Meek (interprétation): Merci.
9 Combien de personnes y avait-il à ce dîner, dans la maison de Ivan
10 Andabak, à Siroki Brijeg dont vous avez parlé dans votre témoignage
11 aujourd'hui?
12 Témoin LL (interprétation): Eh bien, je crois me rappeler qu'il y avait le
13 colonel Zorzo et son interprète, le Témoin LL pour la partie espagnole, M.
14 "Tuta", M. Ivan et sa femme Juani, sa fille, une personne âgée; je ne sais
15 pas si c'était la mère de "Tuta" -excusez-moi!-, de Ivan Andabak ou une
16 parente, en tout cas elle a servi le dîner. Et des gardes du corps qui, je
17 crois, étaient ceux de Ivan Andabak.
18 M. le Président (interprétation): Ecoutez, Maître Meek, je pense qu'il
19 serait préférable que vous n'éteigniez pas votre micro car nous avons
20 beaucoup de bruit dans les écouteurs.
21 M. Meek (interprétation): Dois-je garder le micro allumé?
22 M. le Président (interprétation): Oui, je crois, parce que, pour ce
23 témoin, il n'y a pas déformation de la voix.
24 M. Meek (interprétation): Très bien, Monsieur le Président.
25 Monsieur le Témoin, alors que vous avez énuméré les personnes présentes à
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1 ce dîner, vous avez parlé du témoin LL. Mais ne pensiez-vous pas plutôt au
2 témoin JJ?
3 Témoin LL (interprétation): Je parlais de moi.
4 Question: Je savais que vous étiez là bien sûr, mais je vous interrogeais
5 au sujet des autres personnes qui étaient présentes et vous avez dit "LL".
6 Donc je me demandais si vous ne parliez pas plutôt du témoin JJ?
7 Réponse: Non, non. Je parlais de moi.
8 Question: Vous rappelez-vous à peu près à quelle heure le dîner a commencé
9 et à quelle heure il s'est achevé?
10 Réponse: Je sais que la nuit était déjà tombée, mais ceci ne veut pas dire
11 grand-chose parce qu'à cette époque, je crois que la nuit tombait déjà à 5
12 ou 6 heures de l'après-midi? Et nous avons fini tard dans la nuit, je
13 crois; en tout cas, après minuit ou peut-être même après une heure du
14 matin. J'essaie de préciser l'heure, mais je ne me rappelle pas avec une
15 certitude absolue.
16 M. Meek (interprétation): Bien sûr, vous ne pouvez pas le faire huit ou
17 neuf ans plus tard.
18 Vous rappelez-vous, Témoin LL, si toutes les personnes présentes à ce
19 dîner ont bien mangé et bien bu?
20 Témoin LL (interprétation): Oui, il n'y a pas eu le moindre problème en
21 dépit des limites qui étaient les nôtres. Nous devions tout de même boire
22 et manger avec certaines précautions.
23 M. le Président (interprétation): Maître Meek, c'est tout de même une
24 question un peu bizarre que vous posez au témoin. Est-ce pertinent par
25 rapport à la présentation de savoir s'ils ont bien mangé et bien bu?
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1 M. Meek (interprétation): C'est pertinent par rapport à ma question
2 suivante, Monsieur le Président.
3 Monsieur le Témoin LL, combien avez-vous bu ce soir-là?
4 Témoin LL (interprétation): Véritablement, je n'ai pas l'habitude de boire
5 beaucoup quand je sors en uniforme. Je ne suis pas un homme qui aime
6 beaucoup l'alcool ou qui aime beaucoup boire. Je bois le moins possible.
7 J'ai dû sans doute boire une eau-de-vie, une "rakija" pour accompagner le
8 dîner et je sais que je ne suis pas sorti de ce dîner en ayant la nausée
9 ou quoi que ce soit de ce genre. Parce que, pour nous les militaires, il
10 est obligatoire d'éviter de donner une mauvaise image de nous-mêmes.
11 Question: Donc vous avez bu de l'alcool, mais vous n'avez pas eu la
12 nausée. Cela dit, vous avez tout de même bu de l'alcool, ce soir-là?
13 Réponse: Sincèrement, je ne le sais pas, je ne me rappelle pas.
14 Question: Eh bien, je pose cette question parce que, selon ce que vous
15 avez dit dans votre témoignage aujourd'hui, il semble que, deux jours plus
16 tard, vous avez tapé ou plutôt établi un rapport qui concerne mon client
17 "Tuta". C'est bien vrai?
18 Réponse: C'est exact. Pardon?
19 Question: Avez-vous fait quelque chose entre le jour de ce dîner et deux
20 jours plus tard? Date à laquelle vous avez rédigé ce rapport. Avez-vous
21 fait quelque chose de particulier pour tenter de corroborer les éléments
22 contenus dans ce rapport?
23 Réponse: Oui, je crois que je l'ai expliqué parfaitement bien dans les
24 déclarations que vous avez sous les yeux, ici même.
25 Question: Oui, j'ai ces déclarations sous les yeux, effectivement, et
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1 j'aimerais vous prier, si cela vous est possible, de retourner en page 6
2 de ce rapport dans lequel vous expliquez tous cela; Au sixième paragraphe
3 de la page. Je vous demanderai de le lire.
4 (Le témoin s'exécute.)
5 Témoin LL, vous avez dit aux représentants, aux enquêteurs du Bureau du
6 Procureur, en novembre de l'année dernière -je cite-: "J'obtenais toutes
7 les informations au sujet de "Tuta" de la bouche d'Ivan Andabak". Fin de
8 citation. N'est-ce pas ce que vous avez dit aux enquêteurs du Bureau du
9 Procureur?
10 Réponse: C'est exact. Même si la première personne…
11 Question: Très bien, très bien. Ce que je me demandais…
12 Réponse: Non, je vous en prie. La première personne qui m'a donné des
13 éléments exacts au sujet de sa vie, c'est M. "Tuta", en pleine confiance.
14 Après quoi, j'ai complété ces éléments grâce aux éléments qu'Ivan Andabak
15 et d'autres sources militaires du HVO proches de M. "Tuta" m'ont fournis.
16 Mais je n'ai pas pu obtenir des informations avant au sujet de "Tuta",
17 parce que je ne le connaissais pas et je ne connaissais pas son existence;
18 c'est lui qui, en toute confiance et en toute amitié, s'est proposé de me
19 fournir tous ces éléments. A partir de ce moment-là, ce qui m'intéressait,
20 c'était apprendre, entendre parler de M. "Tuta", qui était son ami et
21 qu'il m'avait présenté. Par conséquent, comme je l'ai déjà dit, j'ai
22 complété les éléments dont je disposais à l'aide d'éléments fournis par
23 Ivan Andabak et d'autres sources d'information provenant du HVO.
24 Merci.
25 Question: Donc ce que vous nous dites, c'est qu'après le dîner, au cours
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1 des 48 heures ou deux journées suivantes, vous avez parlé à Ivan Andabak
2 et à d'autres sources militaires du HVO, qui étaient proches de "Tuta",
3 avant de rédiger ce rapport que vous avez établi. C'est bien ce que vous
4 nous dites?
5 Réponse: Pas exactement, puisque le rapport, je crois me rappeler que
6 c'est au moment où je suis arrivé à Medjugorje, que je me suis mis à le
7 rédiger, même si ce rapport a peut-être été transmis deux jours plus tard.
8 Mais, la première chose que j'ai faite, c'est rédiger ce rapport parce que
9 c'est ce que je fais pratiquement à chaque fois, afin de me rappeler très
10 bien la séquence des événements et tous les éléments que j'ai obtenus.
11 Question: Etes-vous retourné à votre quartier général de Medjugorje ce
12 soir-là?
13 Réponse: Affirmatif.
14 Question: Et vous avez commencé à travailler sur le rapport cette nuit-là?
15 Réponse: Normalement, c'est ce que j'ai l'habitude de faire, je ne laisse
16 jamais cette tâche pour le lendemain. Ou, en tout cas, il est possible que
17 les notes les plus importantes, les idées-clés, je les mette sur le papier
18 et que, le lendemain, je reprenne ce travail pour spécifier un certain
19 nombre de choses. Mais, les idées principales, je les exprime en général
20 immédiatement. Il est même possible que je l'ai fait pendant le voyage,
21 dans mon agenda personnel.
22 Question: Que voulez-vous dire en parlant de votre agenda personnel?
23 Réponse: Mon agenda personnel, mon calepin personnel que j'emporte avec
24 moi pour prendre note des idées qui me viennent à l'esprit et que je mets
25 par écrit.
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1 Question: C'est simplement un problème de langue, Témoin LL: en anglais,
2 le mot "agenda" a été utilisé; je suppose que c'est le mot "diary" qui
3 conviendrait mieux.
4 Réponse: Ce n'est pas un journal intime, c'est simplement un petit carnet
5 sur lequel je prends des notes: j'inscris trois ou quatre idées-clés pour
6 l'avenir.
7 Question: Possédez-vous toujours ce calepin aujourd'hui?
8 Réponse: Négatif.
9 Question: Au cours des deux journées qu'il vous a fallu pour terminer la
10 rédaction de ce rapport, avez-vous, au cours de ces deux journées, reparlé
11 à Ivan Andabak?
12 Réponse: Eh bien, nous sommes en train de dire que le dîner, selon les
13 documents que nous pouvons examiner, s'est déroulé à peu près au début du
14 mois d'avril, le 5 ou le 6 avril. Et, aujourd'hui même, je ne me rappelle
15 pas si, pendant les deux jours qui ont suivi exactement, j'ai parlé à Ivan
16 Andabak. Il m'est difficile de me rappeler si j'ai eu la possibilité de le
17 faire au cours des deux journées suivantes exactement. Cela m'est
18 difficile.
19 Question: J'essaie de comprendre votre témoignage, Témoin LL. Si je me
20 trompe, dites-le-moi. Mais je crois me rappeler qu'au cours de
21 l'interrogatoire principal, vous avez dit, dans votre déposition, que le
22 rapport a été établi et transmis à peu près deux jours après le dîner?
23 Réponse: Correct.
24 M. Meek (interprétation): Et cet après-midi, vous m'avez dit sous serment
25 qu'avant d'achever la rédaction du rapport, vous aviez parlé avec Andabak
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1 et d'autres personnes proches de M. "Tuta". C'est bien cela?
2 M. Scott (interprétation): Je dois objecter.
3 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Scott, je crois que c'est
4 une mauvaise façon de présenter le témoignage; c'est une façon fallacieuse
5 de présenter le témoignage.
6 M. Meek (interprétation): Très bien, Monsieur le Président, je vais
7 reformuler.
8 Témoin LL, avez-vous parlé avec une personne quelconque, ou avec plusieurs
9 personnes, entre le dîner dans la maison de Ivan Andabak au cours duquel
10 vous avez rencontré "Tuta" et le moment où vous avez établi ce rapport qui
11 concernait "Tuta"?
12 Témoin LL (interprétation): Sincèrement, je ne me rappelle pas.
13 Question: Vous avez indiqué, au cours de l'interrogatoire principal que,
14 dans les rapports que vous établissiez à l'intention du personnel
15 militaire afin d'assurer une bonne fiabilité de ces rapports, vous
16 obteniez ou cherchiez à obtenir des informations des deux parties; c'est-
17 à-dire du HVO et de l'armée de Bosnie-Herzégovine ainsi que de civils,
18 n'est-ce pas?
19 Réponse: C'est exact.
20 Question: Et vous avez indiqué que, peut-être, ces représentants vous
21 donnaient des détails fiables s'ils étaient prêts à vous dire la vérité?
22 Réponse: C'est exact.
23 Question: Croyez-vous…? Je retire ma question, je vais poser une autre
24 question.
25 Vous avez indiqué également que la première fois que vous avez rencontré
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1 Ivan Andabak, vous avez parlé avec lui du fait que vous travailliez un
2 petit peu dans le même domaine, ou même, que vous étiez des homologues,
3 n'est-ce pas?
4 Réponse: Affirmatif.
5 Question: Témoin LL, vous est-il jamais passé par l'esprit que même Ivan
6 Andabak pouvait vous mentir?
7 Réponse: Pas seulement lui, mais n'importe quelle source peut nous mentir.
8 Question: Que voulez-vous dire par "ne peut pas mentir", en anglais, dans
9 le texte? Le compte rendu d'audience indique "ne peut pas mentir".
10 Réponse: Je crois qu'il y a eu une erreur d'interprétation. Les sources
11 peuvent toujours mentir. Tout dépend du degré de confiance ou de ce qu'ils
12 peuvent nous raconter. C'est la raison pour laquelle, normalement,
13 lorsqu'on obtient des informations, on les compare à celles qui
14 proviennent d'autres sources.
15 Question: Merci, Témoin LL. J'aimerais pouvoir poser encore une question
16 avant la suspension d'audience aujourd'hui.
17 Monsieur le Témoin, votre expérience de la vie et votre bon sens vous
18 disent qu'il est effectivement très rare qu'une personne rencontre une
19 autre personne pour la première fois de sa vie et obtienne une confiance
20 totale de la part de cette personne. C'est bien vrai, n'est-ce pas?
21 Réponse: Moi, je ne suis pas comme ça. Normalement, j'ai l'habitude de
22 faire confiance aux personnes à qui je parle, parce que j'ai l'habitude de
23 me donner complètement à ces personnes. Et je pense que les gens sont
24 comme moi. C'est en tout cas mon expérience. Il est possible que cela
25 m'ait amené un certain nombre d'erreurs dans ma vie.
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1 Mais, si je regarde une personne dans les yeux, si je suis invité chez
2 cette personne, dans sa maison, si nous parlons amicalement, je ne pense
3 pas que cette personne est en train de me mentir. J'essaie de l'aider, de
4 la comprendre. Je dis souvent que je suis ici ou que nous sommes ici pour
5 aider tout le monde. Peut-être que dans la vie, cela me coûtera un certain
6 prix, mais je pense qu'il est très important d'être sincère lorsqu'on se
7 parle en tête-à-tête.
8 M. Meek (interprétation): C'est une excellente façon de mener votre vie,
9 Témoin LL, mais conviendrez-vous avec moi que tout le monde ne conduit pas
10 sa vie comme vous le faites, en donnant immédiatement sa confiance?
11 M. le Président (interprétation): Ecoutez, Maître Meek, je dois vous
12 arrêter ici.
13 M. Meek (interprétation): Merci.
14 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik?
15 Allez-y, allez-y, je vous en prie.
16 M. Krsnik (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président, de
17 m'avoir accordé la parole.
18 Deux points. Premièrement, il y a eu une confusion de carte. J'en suis le
19 responsable, car le classeur que j'ai reçu de la part du Procureur, à
20 savoir les pièces à conviction allant de 1 à 52, c'est là qu'il y a cette
21 carte, la première carte qui a été montrée par Me Meek, la première carte
22 où ne figure pas la municipalité de Stolac. Or, il s'agit d'une carte que
23 nous avons reçue dans les classeurs du Procureur, avec les dépositions.
24 Quant au classeur comportant les pièces à conviction allant de 1 à 60,
25 nous y trouvons la même carte mais, cette fois-ci, cette carte comporte la
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1 municipalité de Stolac.
2 Donc c'est de là que provient cette confusion: nous avons reçu deux cartes
3 identiques de la part du Procureur: sur l'une des deux cartes, la
4 municipalité de Stolac n'est pas inscrite. Donc, tout simplement, nous ne
5 nous en sommes pas aperçus. Ce serait un premier point.
6 Un deuxième point, car je ne souhaite pas m'étendre: je vous avais adressé
7 une requête au sujet de l'audience de demain. Si vous n'avez pas eu le
8 temps de prendre une décision, j'attendrai que vous vous prononciez
9 quoiqu'il en soit.
10 M. le Président (interprétation): Ce matin, Me Krsnik nous a adressé une
11 requête, ici, dans le prétoire, en nous demandant de pas siéger demain
12 dans l'après-midi, autrement dit, vendredi après-midi, la raison en étant
13 qu'il devait s'absenter.
14 La Chambre de première instance ne peut pas accepter cette raison compte
15 tenu du fait que chacune des équipes de défense est constituée non
16 seulement d'un conseil principal mais également d'un coconseil qui peut
17 veiller à protéger les intérêts de leur client. Pour autant que j'ai pu
18 voir, Me Meek est parfaitement compétent et il peut tout à fait assurer la
19 défense des intérêts de son client devant cette Chambre.
20 Pour ce qui est de savoir si nous allons avoir une audience demain dans
21 l'après-midi, cela dépend de l'avancée de cette affaire. En principe, afin
22 d'éviter que qui que ce soit exerce une influence sur le témoin, nous
23 n'aimerions pas que les témoins passent beaucoup de temps, après avoir
24 prononcé leur déclaration solennelle, sans être cités à la barre. Donc il
25 en va de l'intérêt de la justice et du respect du droit de toutes les
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1 parties devant cette Chambre.
2 Donc, si nous ne pouvons pas terminer avec la déposition de ce témoin,
3 tout comme dans le cas du Témoin KK, nous serions obligés d'avoir une
4 audience demain après-midi. Je vous remercie.
5 Nous reprendrons demain à 9 heures 30.
6 (La séance est levée à 16 heures 5.)
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