Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mardi 22 janvier 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 14 heures 15.)

3 (Audience publique.)

4 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, veuillez appeler

5 l'affaire.

6 Mme Chen (interprétation): Il s'agit de l'affaire n°IT-98-34-T, le

7 Procureur contre Naletilic et Martinovic.

8 M. le Président (interprétation): Oui. Où est M. Scott? Oui, Monsieur

9 Stringer?

10 M. Stringer (interprétation): Monsieur Scott était avec nous il y a

11 quelques instants et il a disparu de façon inexplicable. Je ne peux pas

12 vous dire où il est parti, mais je crois qu'il n'est pas très loin. Le

13 voici!

14 M. Scott (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président. J'étais ici

15 au tout début, mais j'ai dû me retirer pour quelques instants. Je suis

16 désolé, pardonnez-moi.

17 (Le témoin, Sir Martin Garrod, est introduit dans le prétoire.)

18 M. le Président (interprétation): Bonjour, Monsieur le Témoin.

19 Sir Garrod (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président.

20 M. le Président (interprétation): Je veux vous rappeler que vous êtes

21 toujours sous le même serment qu'hier.

22 Sir Garrod (interprétation): Oui, certainement.

23 M. le Président (interprétation): Vous pouvez procéder, Monsieur Scott.

24 (Interrogatoire principal du témoin, Sir Martin Garrod, par M. Scott.)

25 M. Scott (interprétation): Oui. Merci, Monsieur le Président.

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1 Bonjour, Sir Martin.

2 Sir Garrod (interprétation): Bonjour.

3 Question: Simplement quelques questions d'ordre général de contexte avant

4 de passer à autre chose.

5 En parlant de la structure et des opérations de l'ECMM, j'aurai en fait

6 quelques détails additionnels à clarifier avec vous, qui vont peut-être

7 surgir lors de l'examen de cette affaire. Mais, outre les moniteurs et

8 outre les centres tels le centre CC Mostar, est-ce qu'au sein de l'ECMM,

9 il y avait aussi des officiers de liaison?

10 Réponse: Oui, certainement. Nous avions des officiers de liaison dans

11 certains quartiers généraux des Nations Unis. Plus particulièrement

12 lorsque nous étions à Zenica, nous avions un officier de liaison qui

13 établissait la liaison avec un quartier général des Nations Unies à

14 Kiseljak. Ce dernier était connu en tant que "EC", officier de liaison de

15 l'ECCM; "ECLO", c'était l'acronyme en anglais.

16 Question: Tel que nous pouvons le voir dans la pièce 86.1, pièce que nous

17 avons examinée hier, est-il exact de dire qu'en 1993, l'ECMM était composé

18 d'environ 350 hommes qui étaient déployés un peu partout en ex-

19 Yougoslavie?

20 Réponse: Oui, c'est exact. La totalité des hommes était de 350; environ

21 160 personnes étaient en réalité des moniteurs déployés sur le terrain,

22 étaient des observateurs déployés sur terrain. Il s'agissait aussi des

23 membres du quartier général, des interprètes, des chauffeurs, ainsi de

24 suite.

25 Question: Fort bien, Monsieur. Je souhaiterais maintenant que l'on passe

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1 autre chose.

2 Hier, vous nous avez dit que vous êtes arrivé dans la région de Mostar

3 vers la fin du mois de juin ou au début du mois de juillet 1993. Est-ce

4 exact?

5 Réponse: Oui, c'est exact. En réalité, il s'agissait des premiers jours du

6 mois de juillet.

7 M. Scott (interprétation): Et à quel endroit vous êtes-vous rapporté, dans

8 quelle ville?

9 Sir Garrod (interprétation): Quand je suis arrivé à Mostar…

10 M. le Président (interprétation): Nous avons quelques difficultés avec

11 l'interprétation. Je vous prie de ménager des pauses.

12 M. Scott (interprétation): Nous allons tâcher de le faire.

13 Sir Garrod, j'aimerais vous rappeler que nous allons devoir ralentir notre

14 débit. Je vous prie de poursuivre.

15 Sir Garrod (interprétation): Quand je suis arrivé à Mostar, au tout début

16 du mois de juillet 1993, nous n'étions pas en mesure d'entrer dans Mostar

17 parce que le HVO avait bloqué l'entrée à toutes les organisations

18 internationales. Le quartier général du CC, dont je devais prendre la

19 tête, était basé à Siroki Brijeg qui se trouvait environ à 15 km à l'ouest

20 de Mostar.

21 Question: Est-ce que vous avez passé quelque temps au cours des premières

22 journées ou des premières semaines, après être arrivé dans la zone de

23 Siroki Brijeg, pendant cette période, avez-vous donc essayé d'avoir accès

24 à Mostar?

25 Réponse: Oui, c'était ma tâche principale quand je suis arrivé. C'était

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1 particulièrement frustrant étant donné que je devais m'occuper de Mostar.

2 J'étais justement déployé assurer pour assurer mes tâches à Mostar, mais

3 je n'étais pas en mesure d'entrer dans Mostar. Donc tous les jours,

4 j'essayais soit d'avoir des réunions avec l'adjoint, ministre des Croates,

5 qui s'appelait Slobodan Bojic, et M. Bruno Stojic, qui était le ministre.

6 Nous essayions constamment de convaincre ces hommes de nous laisser entrer

7 dans Mostar Ouest et, ensuite, pour procéder de cette façon, vers Mostar

8 Est, qui était le côté bosnien.

9 M. Scott (interprétation): Bien. Parlons maintenant de Mostar Ouest, nous

10 parlerons de Mostar est plus tard. Quelques semaines plus tard, les

11 quelques semaines qui ont suivi, avez-vous pu accéder dans Mostar Est?

12 Sir Garrod (interprétation): Oui, certainement. Après avoir mené maintes

13 discussions, plus particulièrement avec Jadranko Prlic, qui était le

14 président du HVO. Finalement, nous avons pu avoir accès dans Mostar de

15 l'Ouest; c'est arrivé au mois d'août, et quelques mois plus tard, nous

16 avons réussi à obtenir l'accord d'entrer dans…

17 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Meek?

18 M. Meek (interprétation): Excusez-moi. La page 4 et la ligne 2: je crois

19 qu'à la ligne 2 le témoin a dit: "Oui, nous avons réussi, quelqu'un qui

20 était le Président du HVO". Nous n'avons pas le nom de la personne.

21 Sir Garrod (interprétation): Je suis vraiment désolé. Le nom est Jadranko

22 Prlic.

23 M. Meek (interprétation): Je crois que le nom du ministre de la Défense

24 n'est pas entré dans le compte rendu d'audience. Ce n'est pas l'erreur du

25 témoin bien sûr, mais c'est toujours compliqué d'entrer les noms.

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1 Sir Garrod (interprétation): Je suis vraiment désolé.

2 M. le Président (interprétation): C'est bien sûr à cause de la vitesse du

3 débit.

4 Sir Garrod (interprétation) Je vais essayer de ralentir.

5 M. Scott (interprétation): Pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter ces

6 deux noms et nous dire quels sont les deux noms?

7 Sir Garrod (interprétation) En fait, le nom de Bruno Stojic est indiqué

8 correctement au compte rendu d'audience.

9 Question: Oui, Monsieur le Président, je crois que le témoin regarde un

10 autre endroit.

11 Réponse: Oui, Slobodan Bozic.

12 Question: Oui, vous avez raison, pour dire qu'à la ligne 3, page…, en

13 fait, nous apercevons le nom de Bruno Stojic qui est bien indiqué. Mais il

14 n'apparaît pas en deuxième lieu.

15 Réponse: La ligne qui est au-dessus était le nom de Slobodan Bozic.

16 Question: Oui, je vois. Vous avez corrigé l'appellation. Oui, il s'agit

17 donc du nom de Bozic. B-O-Z-I-C.

18 Lorsque vous êtes arrivé à Mostar pour la première fois, pourriez-vous

19 relater à la Chambre ce que vous avez vu? Quel était l'état dans lequel se

20 trouvait cette partie de Mostar et quelles étaient vos observations

21 initiales?

22 Réponse: Eh bien, il y avait beaucoup de dommages causés à Mostar Ouest

23 mais pas autant que je ne m'attendais de voir.

24 Question: Quelque temps après cela, pourriez-vous nous dire combien de

25 temps après cela en réalité est-ce que vous avez finalement pu avoir accès

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1 à Mostar Est?

2 Réponse: C'était environ deux semaines plus tard que nous avons pu accéder

3 dans Mostar Est.

4 Question: Pourriez-vous dire à la Chambre brièvement qui vous a permis…,

5 de qui avez-vous obtenu la permission, quelles étaient les démarches que

6 vous avez entreprises pour pouvoir accès à Mostar Est?

7 Réponse: Puisque le HVO contrôlait les entrées dans la partie Est de la

8 ville, il fallait que ce soit le ministre de la Défense et l'adjoint du

9 ministre de la Défense qui nous assurent la permission d'entrer. Donc

10 c'était mon lien principal, M. Slobodan Bozic, pour nous permettre

11 d'entrer et de passer les points de contrôle du HVO, pour pouvoir regagner

12 la partie arrière de Mostar.

13 Question: Pourriez-vous nous expliquer ce qui a suivi par la suite?

14 Quelles sont les observations initiales que vous avez eues lorsque vous

15 avez vu pour la première fois Mostar de l'Est?

16 Réponse: Mostar de l'Est était complètement détruit. Je n'ai pas vu au

17 cours de mon séjour, à cet endroit, un seul bâtiment qui n'avait pas été

18 endommagé soit par le feu ou par balles. Il y avait des pilonnages

19 constants exercés par le HVO -pilonnage d'artillerie, de mortiers, de

20 mitrailleuses- et il y a également beaucoup de tirs, de tireurs embusqués.

21 Il y avait peu de personne dans les rues et chaque fois que le premier

22 obus tombait, les rues devenaient désertes et les gens essayaient de se

23 cacher dans les caves. Il n'y avait pas d'eau et il n'y avait pas

24 d'électricité dans Mostar Est. Beaucoup d'habitants vivaient dans les

25 caves. Je peux vous parler d'une cave en particulier qui avait une

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1 profondeur de 60 mètres; tout était très noir, très sombre. Il y avait

2 quelques chandelles, des bouts de chandelles qui brûlaient. Les gens

3 étaient couchés sur des matelas humides, ils étaient munis de quelques

4 canettes d'eau provenant de la rivière et une fois par jour, vers le soir,

5 ils allaient prendre une soupe qui était distribuée aux habitants. Par la

6 suite, ils regagnaient la cave.

7 S'agissant de l'hôpital, c'était un hôpital improvisé car l'hôpital

8 principal se trouvait dans Mostar Ouest, donc cet espèce d'hôpital

9 improvisé, qui était abrité dans l'Institut d'hygiène d'autrefois, était

10 un lieu de désolation totale. Il y avait des draps qui étaient imbibés de

11 sang partout et les patients étaient couchés dans les couloirs. Les

12 médecins étaient complètement épuisés, et ils essayaient d'opérer, de

13 faire des opérations sur des personnes blessées qui se faisaient emmener.

14 Je me souviens d'un incident particulier, il s'agissait d'une jeune

15 adolescente; elle était nue, elle était allongée sur un lit imbibé de

16 sang. Elle avait perdu les deux jambes, causé par une explosion d'obus.

17 C'était affreux de voir cela.

18 En fait, la situation complète dans Mostar de l'Est à l'époque, pouvait

19 être bien vue dans un film de la BBC qui a été fait par un homme qui

20 s'appelle Jeremy Bowen. Et c'est un film qui était tourné pendant que je

21 me trouvais à Mostar.

22 Question: Pourriez-vous brièvement relater à la Chambre et nous dire

23 quelle était la comparaison entre Mostar Ouest avec les conditions qui

24 prévalaient dans Mostar Est?

25 Réponse: Eh bien, la situation entre les deux Mostar de chaque côté de la

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1 rivière Neretva, était complètement différente. Bien sûr, quelques

2 dommages avaient été causés au cours de la guerre avec les Serbes; à ce

3 moment-là, les Serbes pilonnaient encore Mostar, particulièrement le côté

4 Est. Mais la situation dans Mostar de l'Est et Mostar Ouest était

5 tellement différente. On peut comparer les deux comme étant presque

6 incomparables.

7 Question: J'essaie bien sûr d'écouter l'interprétation française et

8 j'essaie de prendre le rythme de cette langue.

9 Est-ce que vous pouvez nous dire, expliquer à la Chambre, quel était

10 l'état des dommages que vous avez vus et les civils que vous avez vus

11 blessés ou tués? Est-ce que c'étaient des victimes qui avaient péri parce

12 qu'on avait essayé de détruire autre chose, et ces gens qui ont péri

13 étaient des victimes secondaires? Ou bien est-ce qu'on avait essayé

14 vraiment de tirer en direction de ces civils?

15 Réponse: Eh bien, j'étais tout à fait certain que, pour ce qui est de

16 Mostar Est, on avait particulièrement visé la population pour pouvoir

17 mettre la main sur la partie, sur cette partie de Mostar.

18 Question: Dans les mois qui ont suivi, est-ce que vous avez cru qu'il

19 s'agissait d'une cible du HVO?

20 Réponse: Eh bien, c'était devenu de plus en plus clair au cours des mois,

21 qu'on essayait de faire en sorte que Mostar devienne la capitale d'une

22 république appelée "République croate de l'Herceg-Bosna".

23 Question: Vous avez également parlé d'un homme qui s'appelle Slobodan

24 Bozic. Je crois que vous avez déjà dit qu'il était l'adjoint du ministre

25 de la Défense du HVO?

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1 Réponse: Oui, c'est exact.

2 Question: Est-ce que c'était l'un des contacts principaux avec lequel vous

3 mainteniez des liens à Mostar, à ce moment-là, avec l'ECMM?

4 Réponse: Oui, c'était l'un de mes contacts principaux pour le côté croate

5 pendant cette période à Mostar, mais il est demeuré un contact très étroit

6 pour les cinq ans et demi qui ont suivi. Mais son rôle au cours de ces

7 années-là avait changé, il a eu des rôles différents; mais j'ai eu des

8 liens avec lui, je me suis toujours entretenu avec lui jusqu'à ce que je

9 ne quitte Mostar.

10 Question: Du côté de l'armée de la Bosnie-Herzégovine, est-ce que vous

11 avez rencontré un officier qui s'appelait Arif Pasalic?

12 Réponse: Oui, c'est certainement. C'était le commandant du 4e Corps de

13 l'armée de la Bosnie-Herzégovine, qui était responsable pour cette région

14 de la Bosnie-Herzégovine et, en particulier, la ville de Mostar.

15 Question: Pourriez-vous dire à la Chambre de quel genre d'homme il

16 s'agissait, et quelle était la nature de votre rapport que vous aviez avec

17 le général Pasalic?

18 Réponse: Eh bien, il avait été un officier dans l'ancienne JNA, c'était un

19 soldat de carrière. Je le respectais, je n'avais absolument aucune raison

20 de douter de son intégrité ou de sa sincérité. C'était un homme qui était

21 déterminé à se battre pour les Bosniaques, les Bosniens, partout en Bosnie

22 et à Mostar.

23 Question: Pourriez-vous dire à la Chambre quelle était la situation des

24 Bosniens dans Mostar Est, pour ce qui est de leur capacité, si c'était

25 possible soit de pénétrer dans la ville s'ils se trouvaient à l'extérieur,

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1 ou bien de sortir dans la ville s'ils se trouvaient à l'intérieur?

2 Réponse: Oui, certainement. Je devrais peut-être commencer par dire que

3 même si les Bosniens de Mostar Est étaient dans Mostar Est et que les

4 Croates se situaient plutôt dans Mostar Ouest, il y avait une enclave sur

5 les rives Ouest. Il s'agissait d'une enclave bosnienne sur ces rives; et

6 elle est restée ainsi au cours de la guerre.

7 Donc pour ce qui est du mouvement des Bosniens ou des Musulmans, pour ce

8 qui est de leur déplacement, ils ne pouvaient pas aller au sud, car il y

9 avait les Croates qui étaient là, Buna. Ils ne pouvaient pas aller à l'Est

10 car les Serbes se trouvaient environ à quatre kilomètres de l'autre côté

11 des montagnes. Ils ne pouvaient pas aller se déplacer vers l'ouest car à

12 ce moment-là ils se seraient trouvés dans Mostar Ouest; à l'exception du

13 déplacement qu'ils aient pu maintenir dans leur petite enclave. Ils ne

14 pouvaient pas non plus se diriger vers le nord car les ponts qui se

15 trouvaient au-dessus de la rivière Neretva avaient été soufflés ou

16 explosés. Donc la seule façon pour aller vers Jablanica était de monter à

17 bord d'ânes ou de poneys et de suivre les routes montagneuses.

18 M. Scott (interprétation): Monsieur, j'aimerais que vous donniez une

19 réponse à la Chambre, qui est peut-être une réponse évidente, mais

20 j'aimerais savoir si vous savez pourquoi les Bosniens, qui étaient dans

21 cette horrible situation dans laquelle ils se trouvaient -vous nous en

22 parlé cet après-midi-, quelle est la raison pour laquelle ils sont

23 demeurés dans Mostar Est? Pourquoi ne sont-ils pas rendus?

24 Sir Garrod (interprétation): Eh bien, je crois que c'était principalement

25 parce qu'ils ne voulaient pas se rendre.

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1 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Par?

2 M. Par (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais faire

3 objection à cette question. On ne peut pas répondre à une question "Que

4 pensaient les autres? Que pensaient d'autres personnes?". Je crois que ce

5 témoin n'est pas à même de donner des conclusions quant à ce que pouvait

6 penser un groupe de personnes, donc il ne peut pas émettre d'opinion de la

7 façon dont la question a été posée.

8 M. le Président (interprétation): Bien, Maître Par. Ce témoin a passé

9 beaucoup de temps dans cette zone, dans cette région, et je crois qu'il

10 pourrait nous dire, c'est important pour nous d'entendre ce que ce témoin

11 a à nous dire eu égard à la situation de l'époque. Ce témoin nous raconte

12 ce qu'il a vécu et j'aimerais entendre ce que le témoin a à nous dire.

13 Vous pouvez répondre.

14 Sir Garrod (interprétation): Oui, Monsieur le Président, voici.

15 Même si Mostar était très important pour les Croates -comme je l'ai déjà

16 dit, ils voulaient en faire la capitale de la République croate d'Herceg-

17 Bosna-, Mostar était également très important pour les Musulmans car

18 c'était une ville qui avait été construite au cours de l'Empire ottoman.

19 Conformément au recensement de 1991, les proportions de Mostar, le

20 pourcentage des habitants de Mostar était de 35% de Musulmans, de 34% de

21 Croates, il y avait 19% de population serbe. Pour les autres, c'étaient

22 des Juifs ou d'autres habitants qui s'étaient déclarés au cours du

23 recensement comme étant Yougoslaves.

24 Donc il s'agissait d'une ville multiethnique, avec le niveau le plus élevé

25 de mariages mixtes qui avaient eu lieu en ex-Yougoslavie.

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1 Les Musulmans voulaient s'assurer que Mostar reste une ville multiethnique

2 dans l'avenir.

3 M. Scott (interprétation): Monsieur, pourriez-vous dire à la Chambre quel

4 rôle a joué le territoire dans la guerre entre les Croates et les

5 Musulmans?

6 Sir Garrod (interprétation): J'ai toujours cru que les Serbes, les Croates

7 et les Musulmans faisaient essentiellement une guerre pour le territoire,

8 car ils savaient tous que, lorsque la musique s'était arrêtée et que les

9 négociations avaient commencé, la possession du territoire représentait

10 9/10ème de la loi.

11 Question: Est-ce que vous pourriez nous dire, si vous le pouvez, quel

12 était le lien entre les fonctions militaires et les fonctions politique,

13 les fonctions politiques telles que vous les avez vues de tous les côtés,

14 du côté bosnien, du HVO également au cours de la guerre?

15 Réponse: Certainement! D'après moi, en Bosnie je crois que cela s'applique

16 à toutes les parties.

17 Le côté politique et le côté militaire, ces deux côtés étaient très

18 étroitement liés, imbriqués. Les politiciens, les dirigeants politiques

19 s'occupaient des questions militaires, et les commandants militaires

20 s'occupaient des affaires politiques.

21 Question: Au cours de votre séjour, est-ce que vous avez entendu parler du

22 plan Vance-Owen?

23 Réponse: Oui, le plan de paix Vance-Owen avait plus ou moins disparu quand

24 je suis arrivé vers la fin du mois de juin.

25 Mais je crois que l'une des raisons pour lesquelles les combats ont

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1 commencé entre les Croates et les Musulmans, ou les Croates et les

2 Bosniens, si vous voulez, était peut-être un malentendu de l'accord Vance-

3 Owen, du plan de paix Vance-Owen, de la part des Croates.

4 Le plan avait divisé la Bosnie en dix provinces. Certaines provinces

5 avaient une majorité d'habitants croates, d'autres provinces avaient une

6 majorité d'habitants musulmans, d'autres encore avaient une majorité

7 d'habitants serbes, mais ce n'étaient pas des provinces soit croates, soit

8 musulmanes, soit serbes.

9 En réalité, Vance et Owen voulaient faire attention de ne pas les appeler

10 "provinces serbes" ou "croates", ils leur avaient simplement attribué des

11 numéros.

12 Mais la majorité croate, donc les provinces majoritairement croates, ont

13 donné aux Croates plus de territoires que les numéros le leur accordaient.

14 Donc ils étaient très contents, très satisfaits du plan Vance-Owen, et

15 avaient décidé bien sûr de l'appliquer.

16 Je crois qu'ils ont pris ces provinces majoritaires et les ont incorporées

17 pour être des provinces croates, et ils ont commencé à mettre en place des

18 activités au printemps pour les provinces 8 et 10, qui incluaient bien sur

19 Mostar, Gornji Vakuf, Vitez, Busovaca, et ainsi de suite. Les tensions ont

20 monté, et ensuite le premier coup de feu a été tiré. Je crois que Mostar,

21 Gornji Vakuk et Busovaca à ce moment-là ont explosé le 9 mai.

22 Question: Je vais revenir sur ce que vous avez dit à l'instant à propos du

23 plan Vance-Owen, qui accordait plus de territoires de la Bosnie-

24 Herzégovine aux Croates de Bosnie, alors que ceux-ci dans le cadre du

25 pourcentage de la population n'étaient pas vraiment majoritaires.

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1 Si vous vous en souvenez, pourriez-vous nous donner une idée des

2 pourcentages qui étaient représentés sur le terrain? Quel était le

3 pourcentage de la population qui était croate? Pouvez-vous nous donner un

4 petit peu le détail de ce que vous avez évoqué?

5 Réponse: Je ne vais pas pouvoir être très précis.

6 Mais pour ce qui est des pourcentages que vous me demandez, je dirais

7 qu'il y avait environ 18% de Croates en termes numérique, et pour ce qui

8 est du territoire je crois qu'ils ont obtenu 25% du territoire des

9 provinces.

10 J'ai dit qu'il ne s'agissait pas de provinces croates ou musulmanes;

11 l'idée était que ces provinces soient multiethniques; et l'idée était que

12 le gouvernement de la province soit le reflet de la composition ethnique

13 telle que représenté par le recensement de 1991.

14 M. le Président (interprétation): Monsieur Par, vous avez la parole.

15 M. Par (interprétation): Monsieur le Président, je dois faire objection

16 une fois encore à ce type de questions.

17 Le témoin interprète à sa façon le plan Vance-Owen. Je ne crois pas qu'il

18 s'agisse d'un témoin expert, ce n'est pas un témoin expert en matière de

19 législation nationale. Le témoin n'était pas non plus partie prenante à la

20 mise en place de ce plan.

21 Je ne crois pas qu'il soit convenable de poser ce type de questions. Je ne

22 pense pas que ce que vient de dire le témoin soit pertinent, je ne crois

23 pas que cela nous soit vraiment utile dans le cadre de cette affaire.

24 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, voulez-vous bien nous

25 amener aux sujets qui sont liés de plus près aux questions qui sont

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1 soulevées dans l'Acte d'accusation?

2 M. Scott (interprétation): Nous estimons que tout ce que ce témoin a à

3 nous dire est d'intérêt et a un lien avec l'Acte d'accusation.

4 Pour qu'il n'y ait pas de doute, je voudrais dire que ce témoin n'a eu que

5 des contacts très limités avec l'accusé, des contacts importants

6 néanmoins, mais ce n'est pas pour cela que nous l'avons fait venir. Nous

7 l'avons principalement fait venir pour que cette Chambre puisse disposer

8 d'un panorama très complet de la situation, puisse avoir une idée de tous

9 les événements qui se sont produits pour que vous sachiez dans quelle

10 toile de fond s'inscrivent les crimes qui ont été perpétrés par les

11 accusés eux-mêmes.

12 Vous le savez, l'accusation est dans l'obligation, un, de prouver

13 l'existence d'un conflit international armé et une partie de la déposition

14 de ce témoin traitera de cet aspect de la question, car il va nous parler

15 du rôle joué par la Croatie, il va nous parler de la présence des forces

16 militaires de Croatie sur le terrain. Nous sommes également sous

17 l'obligation de l'Article 5 de prouver que le comportement de l'accusé

18 s'inscrivait dans le cadre d'une attaque systématique et généralisée;

19 c'est l'Article 5, "crime contre l'humanité", qui nous demande de faire

20 cela.

21 Ce témoin, de par l'expérience qu'il a acquise sur le terrain, est tout à

22 fait à même d'être considéré comme un témoin expert. Bien sûr, ce n'est

23 pas un expert que l'accusation a engagé pour faire part d'une certaine

24 opinion, mais, du point de vue pratique, c'est un homme qui jouit d'une

25 grande expertise puisqu'il a une parfaite connaissance de ce qui s'est

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1 passé sur le terrain. C'était un homme haut placé, qui représentait

2 l'Union européenne sur le terrain et qui l'a représentée pendant plus de

3 cinq ans.

4 Nous estimons, Monsieur le Président, Mesdames les Juges, que la

5 déposition de Sir Garrod est absolument fondamentale puisqu'elle nous

6 permet de bien comprendre les tenants et les aboutissants de l'affaire.

7 M. le Président (interprétation): Je comprends bien ce que vous dites,

8 Monsieur Scott, et nous sommes très intéressés par la déposition de ce

9 témoin. Mais vous savez que nous avons sous les yeux un ensemble de

10 documents et j'aimerais que vos questions, dans la mesure du possible,

11 portent sur lesdits documents.

12 M. Scott (interprétation): Ce sera le cas, Monsieur le Président, j'ai

13 bien l'intention de me pencher sur ce dossier.

14 Je vous ai expliqué, au début de la déposition de ce témoin, de quelle

15 façon je pensais procéder. Je me propose de procéder de la façon suivante

16 -mais vous pouvez bien sûr m'aider, si vous pensez que c'est utile-, mais

17 je me propose de passer en revue un certain nombre de sujets, de laisser

18 le témoin exprimer librement son opinion et son évaluation de la

19 situation; ensuite, nous regarderons certains documents et, ensuite, nous

20 repasserons à une deuxième partie de sa déposition. C'est ainsi que nous

21 souhaiterions procéder.

22 J'ajouterai, Monsieur le Président, que je pense que cette déposition va

23 nous prendre un certain temps, même si nous avançons à un rythme

24 satisfaisant. Mais enfin, je ne pense pas pour autant que nous en aurons

25 terminé d'ici une ou deux heures. L'interrogatoire principal va nous

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1 occuper pendant quasiment toute l'après-midi.

2 M. le Président (interprétation): Monsieur Meek?

3 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, j'ai

4 prêté une oreille attentive à ce qu'a dit M. Scott, j'ai notamment écouté

5 ce qu'il avait à dire quant à l'objectif visé en faisant venir ce témoin.

6 Eh bien, moi, je pense que ce témoin ne vient que répéter certaines

7 choses. On nous dit qu'on veut vous donner un panorama complet de ce qui

8 s'est passé, mais je crois que cette Chambre de première instance a

9 entendu d'autres témoins dire exactement les mêmes choses que ce témoin-

10 ci.

11 J'aimerais aussi signaler que ce témoin a déjà indiqué qu'il avait passé

12 près de 90 jours à Mostar, soit environ trois mois, depuis le tout début

13 du mois de juillet; ensuite, il est parti pour Zenica.

14 Je pense -et je ne manquerai pas de soulever d'autres objections si le

15 besoin s'en fait sentir-, je pense que tout cela est redondant. Je ne

16 pense pas que cela soit pertinent. Si le témoin veut nous faire part de ce

17 qu'il a pu observer, alors qu'il était à Mostar, nous n'avons pas

18 d'objection à faire sur ce point, mais je joins ma voix à celle de M. Par,

19 je suis d'accord avec son objection et je répète une fois encore que tout

20 cela est bien superflu puisque nous avons déjà entendu tout cela dans la

21 bouche d'autres témoins.

22 M. le Président (interprétation): Maître Meek, nous savons fort bien que

23 ce témoin n'est pas un témoin expert, mais ce témoin a passé un certain

24 temps à Mostar à l'époque des faits qui nous intéressent et il jouit d'une

25 connaissance de première main quant à la situation qui prévalait à Mostar,

Page 8361

1 à l'époque des faits. Il s'agit là d'un observateur indépendant et nous

2 souhaitons entendre ce que le témoin est à même de nous dire sur les

3 sujets qui sont évoqués.

4 La question est tout de même celle-ci: nous devons passer en revue tous

5 ces documents. C'est pourquoi nous sommes intervenus pour lancer un

6 avertissement à M. Scott. Monsieur Scott doit faire très attention: nous

7 devons passer en revue ces différents documents. C'est essentiel.

8 Sur ce, Monsieur Scott, vous pouvez continuer.

9 M. Scott (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

10 Malheureusement, je ne peux pas revenir en arrière. Je ne sais plus quelle

11 était ma dernière question.

12 Mme Clark (interprétation): Je vais vous aider, Monsieur Scott.

13 Sir Garrod, expliquez à la Chambre quelles étaient les intentions du plan

14 Vance-Owen. Il nous disait, que les provinces devaient être des provinces

15 multiethniques, même si une ethnie était majoritairement présente dans ces

16 provinces, il nous expliquait ce que devaient faire les gouvernements de

17 ces provinces. Mais le but était que chacune des provinces qui avait une

18 majorité soit de Serbes, de Croates ou de Musulmans, devait de toute façon

19 être une province multiethnique.

20 M. Scott (interprétation): Vous avez entendu le Juge Clark faire état de

21 ce que vous avez dit avant cette interruption?

22 Sir Garrod (interprétation): Oui.

23 Question: Est-ce que c'est bien là ce que vous avez vous-même dit, il y a

24 quelques instants?

25 Réponse: Absolument.

Page 8362

1 Question: Je prends bonne note des objections faites par la défense et je

2 vais poser certaines questions au témoin pour établir le fondement de ce

3 que je souhaite faire.

4 Dans le cadre de votre mission en Bosnie -je ne parle pas seulement de la

5 période de temps pendant laquelle vous étiez à la tête du cessez de

6 Mostar, je parle également de la période pendant laquelle vous étiez à la

7 tête du centre RC de Zenica-, ce qui veut dire que vous aviez toujours

8 Mostar dans le cadre de votre juridiction. Pendant toute cette période,

9 est-ce que vous avez rencontré un certain nombre de hauts représentants

10 croates de Bosnie?

11 Réponse: Oui, j'en ai rencontré un certain nombre.

12 Question: Je vais citer certains noms pour donner à la Chambre une idée de

13 ce que je veux dire. Vous avez rencontré Mate Boban?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Vous avez rencontré Jadranko Prlic?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Vous avez rencontré Dario Kordic en Bosnie centrale?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Vous avez rencontré Anto Valenta?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Vous avez rencontré Bruno Stojic, ministre de la Défense?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Il y a quelques minutes alors que nous parlions du plan Vance-

24 Owen, vous avez déclaré que selon les Croates avaient mal interprété le

25 plan Vance-Owen. Est-ce que vous pourriez nous expliquer pourquoi vous

Page 8363

1 dites que les Croates avaient mal compris ou mal interprété ce plan?

2 Réponse: Est-ce que je peux répondre en disant que la quasi-totalité des

3 dirigeants politiques croates que j'ai rencontrés, de façon plus ou moins

4 marquée, disaient exactement la même chose? A savoir, nous étions les

5 premiers signataires du plan de paix Vance-Owen. Est-ce que vous ne voyez

6 pas que nous avions, avant la guerre en Bosnie, 800.000 personnes alors

7 qu'aujourd'hui nous sommes moins de 300.000?

8 Regardez ces Musulmans, ils ne les appelaient jamais "Bosniens" mais ils

9 disaient: "Ces Musulmans tiennent toutes les grandes villes: Sarajevo,

10 Tuzla, Zenica, Travnik; etc. Tout ce que nous voulons, c'est Mostar, nous

11 souhaitons en faire la capitale de la République croate d'Herceg-Bosna".

12 Par ailleurs, et cela ils le répétaient sans cesse, ils disaient que: "la

13 création d'une République islamiste en Bosnie était quelque chose qui

14 allait se produire." Et ils déclaraient qu'Izetbegovic était en train de

15 planifier la création d'une telle République islamique. Voilà les thèmes

16 que j'ai entendus à de multiples reprises dans la bouche des différentes

17 personnes que j'ai rencontrées. J'ai même entendu des représentants de

18 l'église catholique s'exprimer notamment au sujet de la création d'une

19 République islamique. Et tous ces arguments étaient tenus par des gens

20 très différents.

21 Jadranko Prlic était un modéré, qui s'exprimait de façon modérée. Je dis

22 qu'il était modéré, mais il se montrait très dur lorsqu'il parlait de

23 l'Occident de l'Ouest, de la façon dont l'Ouest n'était pas objectif dans

24 son évaluation de la situation et était très pro-Musulmans.

25 Je l'ai dit également tout à l'heure que des représentants de l'église

Page 8364

1 catholique s'exprimaient de la même façon et ils s'exprimaient de façon

2 très claire et très radicale.

3 Question: Nous n'allons pas parler de tous vos entretiens avec ces hauts

4 dirigeants, mais j'aimerais tout de même que nous étudions certains de ces

5 entretiens.

6 Vous avez parlé de Jadranko Prlic, vous avez dit que vous aviez rencontré

7 cet homme le 2 août 1993. Est-ce que vous pourriez nous dire de quoi vous

8 avez parlé avec Jadranko Prlic à cette époque-là? Est-ce que vous avez

9 discuté de la liberté de mouvement des Musulmans à ce moment-là? Est-ce

10 vous avez parlé de la capacité des Musulmans à vivre où ils le

11 souhaitaient?

12 Réponse: J'ai toujours beaucoup apprécié les entretiens que j'ai eus avec

13 Jadranko Prlic, qui était d'après moi un homme très intelligent. J'ai

14 toujours pensé qu'il allait être le successeur de Mate Boban, ce qui ne

15 s'est pas produit. A cette occasion, nous discutions effectivement de la

16 liberté de mouvement, de déplacement, et, entre autres choses, il a

17 déclaré que les individus devraient être libres de vivre où ils

18 souhaitaient vivre. C'était une très belle chose à dire, n'est-ce pas.

19 Mais cela n'a pas beaucoup aidé les Bosniens que l'on était en train

20 d'expulser de Mostar Ouest vers Mostar Est. A cette même époque, eux

21 n'étaient pas absolument libres de choisir leur lieu de résidence.

22 Question: Je vais maintenant attirer votre attention sur la date du 13

23 août 1993. Est-ce qu'à cette date vous avez rencontré un homme appelé

24 Danko Bilnovac? Peut-être que je cite ce nom pour la première fois et je

25 m'en excuse.

Page 8365

1 Réponse: Oui, c'était le chef de la police de Siroki Brijeg. Danko

2 Bilnovac. Il a déclaré, lors de cet entretien, que la décision de Tito qui

3 consistait à donner aux Musulmans la nationalité musulmane en changeant la

4 Constitution en 1974 avait été une grave erreur, car auparavant on parlait

5 de Croate ou de Serbe ayant ou non adopté la religion islamique.

6 Il y avait donc cette opinion qui allait tout à fait à l'encontre de la

7 décision de Tito qui visait à créer cette nationalité musulmane.

8 Question: J'attire maintenant votre attention sur Anto Valenta, un autre

9 haut dirigeant croate. Avez-vous eu l'occasion de le rencontrer et de vous

10 entretenir avec lui?

11 Réponse: Oui, j'ai rencontré Anto Valenta à plusieurs reprises, à Vitez,

12 c'était le vice-président du HDZ. C'était un intellectuel et il

13 s'intéressait principalement à la démographie. Il avait écrit des ouvrages

14 qu'il était tout à fait prêt à montrer aux gens qu'il rencontrait. Il me

15 les a montrés, ces ouvrages qui portaient sur la façon dont la Bosnie

16 devrait être divisée en trois entités. Il pensait que c'était là la

17 meilleure solution à retenir pour l'avenir.

18 Il avait une immense carte de la Bosnie où apparaissaient les différentes

19 divisions ethniques. Il y avait des petites aiguilles plantées un peu

20 partout; la tête des aiguilles avait des couleurs différentes qui

21 montraient exactement quelle était la représentation ethnique qui

22 prévalait dans un petit village particulier. Il y avait ce degré de détail

23 représenté sur sa carte.

24 Ce n'était pas un homme d'un grand pouvoir, quand je l'ai rencontré en

25 tout cas, mais c'était vraiment un grand intellectuel, un grand cerveau,

Page 8366

1 et je pense que c'était l'expert croate ou l'expert des Croates en

2 démographie.

3 Question: Est-ce qu'à plusieurs reprise vous avez rencontré aussi Dario

4 Kordic?

5 Réponse: Oui, j'ai régulièrement rencontré Dario Kordic, qui était à

6 l'époque le représentant politique croate le plus important en Bosnie

7 centrale.

8 M. Scott (interprétation): Nous allons essayer d'avancer un petit peu.

9 Est-ce que vous pourriez nous dire quelles étaient ces opinions? Est-ce

10 que vous pourriez nous dire en quoi elles divergeaient ou correspondaient

11 à ce que vous avez décrit jusqu'à présent?

12 M. le Président (interprétation): Maître Meek?

13 M. Meek (interprétation): Objection. Je me demande quelle est la

14 pertinence des opinions de Dario Kordic. En quoi est-ce que cela a trait à

15 Mostar? Quel est le lien de tout cela avec la Bosnie centrale? Je ne crois

16 vraiment pas que cela soit pertinent et je fais objection.

17 M. le Président (interprétation): Cela fait partie des informations de

18 contexte, des informations générales que nous souhaitons que le témoin

19 nous donne. Nous comprenons votre objection, elle apparaît au compte

20 rendu.

21 Nous allons tout de même écouter ce que le témoin a à nous dire sur ce

22 point. Nous ne manquerons pas de tenir compte de votre objection au moment

23 de donner aux paroles du témoin le poids qui leur revient.

24 M. Meek (interprétation): Je vous remercie.

25 M. Scott (interprétation): Je vous invite à répondre à la question.

Page 8367

1 Sir Garrod (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

2 Nombre d'entretiens que j'ai eus avec Dario Kordic portaient sur des

3 problèmes qui se présentaient à l'époque. Par exemple, la saisie de deux

4 hélicoptères de la BiH par le HDZ à Medjugorje, tel que ce qui c'était

5 passé à Stupni Do, le massacre de Stupni Do, etc.

6 Quand nous parlions en termes plus généraux, Dario Kordic évoquait lui

7 aussi ce que j'ai déjà détaillé précédemment, c'est-à-dire ces grands

8 thèmes qui étaient repris par tous les Croates. Bien sûr, il avait des

9 liens très étroits avec Mate Boban, donc il exprimait également les vues

10 de Mate Boban et ses opinions.

11 M. Scott (interprétation): Ce sera ma dernière question sur ce sujet, et

12 je vais essayer de synthétiser un peu les choses.

13 Est-ce que, d'après vous, les hauts dirigeants politiques croates de

14 Bosnie avaient à peu près le même point de vue en matière politique que

15 ceux qui étaient exprimés en Herzégovine?

16 Sir Garrod (interprétation): Oui, avec des exceptions. Quand vous parliez

17 avec Kresimir Zubak, vous obteniez un écho assez différent. Ce n'était pas

18 la même chose de s'exprimer avec lui, que de s'entretenir avec des gens

19 qui avaient une position beaucoup plus extrême. Donc vous voyez qu'il y

20 avait des nuances selon les interlocuteurs avec lesquels on s'entretenait.

21 M. Meek (interprétation): A la ligne 3, il y a en fait un trou dans le

22 compte rendu, il dit: "Quand on s'exprime avec des gens comme…", et puis

23 cela n'apparaît pas.

24 M. le Président (interprétation): Est-ce que je peux vous demander

25 d'éclaircir les choses?

Page 8368

1 Sir Garrod (interprétation): Oui, Kresimir Zubak.

2 M. Scott (interprétation): Je voudrais éclaircir un petit peu les choses.

3 A la fin de votre dernière réponse, vous avez dit: "si on s'entretenait

4 avec les plus radicaux". Qui appelez-vous "les plus radicaux"? Qui

5 étaient-ils d'après vous?

6 Sir Garrod (interprétation): Eh bien, le dirigeant, à commencer par lui,

7 Mate Boban! C'était un extrémiste dans les opinions qu'il exprimait. Et

8 puis, il y en avait d'autres que j'ai eu l'occasion de rencontrer quand je

9 suis revenu de Zenica, et que je suis revenu à Mostar. Et j'ai alors

10 commencé à comprendre qui étaient les radicaux et qui étaient, disons, les

11 gens raisonnables.

12 M. Meek (interprétation): Objection, Monsieur le Président. Objection!

13 Quelle est l'époque à laquelle nous faisons référence?

14 Le témoin nous dit qu'il a pris conscience de quelque chose après son

15 retour, mais à quelle date nous situons-nous? Je voudrais le savoir parce

16 que je voudrais savoir si je dois faire objection ou si je dois me

17 rasseoir.

18 Je ne sais pas quel est le rapport qui lie ce que le témoin dit à l'Acte

19 d'accusation, qui est au coeur de l'affaire qui nous intéresse.

20 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, vous allez peut-être

21 pouvoir poser des questions qui éclaireront notre lanterne.

22 M. Scott (interprétation): Sir Garrod, je crois qu'hier vous avez dit

23 quelque chose qui va pouvoir nous aider. Vers la mi-octobre, je crois que

24 vous êtes devenu le responsable du RC de Zenica et que vous avez occupé ce

25 poste jusqu'au 18 avril 1994. C'est cela?

Page 8369

1 Sir Garrod (interprétation): Oui, c'est cela. Je suis ensuite revenu à

2 Mostar; je crois que je suis revenu le 19 avril 1994.

3 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik?

4 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, je sais quelle est

5 votre décision puisque Me Meek a fait objection avant moi. Je suis le

6 représentant principal de mon client, je voudrais faire une objection de

7 principe à ce qui est en train d'être dit.

8 Ce témoin parle d'une période de temps. Nous avons établi qu'il avait

9 passé trois mois à Mostar en 1993; ensuite, il est parti à Zenica et il

10 est revenu en avril 1994. Eh bien, en avril 1994, la Fédération a été

11 inaugurée par les Accords de Washington; c'est une époque qui a vu le

12 début de certains combats politiques. Ensuite, tout a reposé sur les

13 Accords de Washington. Donc nous parlons de deux situations totalement

14 différentes.

15 Notamment, au vu du fait que la première période que nous évoquons était

16 une période de guerre, une période couverte par l'Acte d'accusation. La

17 deuxième période que nous évoquons est une période de paix, une période

18 qui a vu l'établissement d'un Etat sur la base de la lettre des Accords de

19 Washington.

20 Nous ne pouvons pas comparer ces deux périodes de temps. Par ailleurs, je

21 dirais que la deuxième période évoquée à l'instant sort complètement du

22 champ couvert par l'Acte d'accusation.

23 Pardon d'avoir pris autant de temps pour m'exprimer et merci.

24 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik, nous avons déjà dit que

25 nous souhaitions bénéficier de ces informations de contexte, qui nous

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1 permettent de comprendre un peu mieux ce qui s'est passé à Mostar et qui

2 nous permettent de mieux comprendre ce qui est dit dans l'Acte

3 d'accusation.

4 Nous devons avoir la preuve qu'il y a eu une conduite systématique et

5 généralisée, dès le début des incidents. Il faut qu'il y ait cohérence

6 entre ce qui s'est passé au début des incidents, pendant le conflit et à

7 la fin de ce conflit. Nous pensons que le témoin, parce qu'il a passé une

8 longue période de temps sur place, est à même de nous aider, car il est

9 parfaitement au fait de la situation qui prévalait dans ces régions de la

10 Bosnie-Herzégovine.

11 Donc nous permettons à ce témoin de s'exprimer librement pendant encore un

12 moment. Ce qui signifie que nous allons étudier attentivement ce qu'il

13 nous aura dit au moment de donner aux différents moyens de preuve le poids

14 qu'il leur revient, mais cela veut dire aussi que nous prendrons en compte

15 les objections très fermes élevées par la défense sur ces différents

16 sujets.

17 M. Krsnik (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président, de

18 ces indications.

19 Je voulais simplement dire que les informations détenues par ce témoin

20 sont des informations qui portent sur les années 1994, 1995 et 1996. Je ne

21 crois pas que nous devons entrer dans le détail de tout cela, d'abord

22 parce que ce n'est pas couvert par l'Acte d'accusation et, ensuite, parce

23 que nous parlons de deux périodes très différentes, deux périodes

24 politiques très différentes. Il y a la période qui précède 1994: le témoin

25 n'était pas là -les documents en font état- donc le témoin n'a pas à

Page 8371

1 s'exprimer là-dessus.

2 Mais je vous remercie, Monsieur le Président, d'avoir dit à l'accusation

3 qu'il fallait qu'elle se penche sur les documents, parce que ces documents

4 nous intéressent et traitent également de ce qui apparaît dans l'Acte

5 d'accusation.

6 Par ailleurs, la période 1995, 1996 et 1997 est une période qui n'a rien à

7 voir; c'est une période qui a vu la naissance de la Fédération sur les

8 Accords de Washington et tout cela, je le répète, n'a rien à voir avec ce

9 procès.

10 M. le Président (interprétation): Bien sûr que nous n'allons pas parler de

11 1995, de 1996, mais nous sommes convaincus que nous avons besoin de

12 bénéficier de ces informations d'ordre général pour comprendre la

13 situation qui prévalait dans la région, pour savoir s'il y avait

14 affectivement existence d'un conflit international armé.

15 Je vais donc demander à M. Scott de bien vouloir continuer, en ayant à

16 l'esprit les objections qui ont été faites par les différents conseils de

17 la défense.

18 M. Scott (interprétation): Certainement, Monsieur le Président, je vais

19 poursuivre.

20 Je voudrais juste faire un commentaire pour qu'il soit mis au compte

21 rendu. Je prends bonne note des objections des conseils de la défense,

22 mais je voudrais dire ici que je pense que la déposition du témoin sera

23 d'une nature assez différente de celle à laquelle s'attend le conseil de

24 la défense.

25 Sir Garrod, j'attire maintenant votre attention sur la division de Mostar,

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1 telle que vous avez pu en être le témoin. Est-ce que vous pourriez, une

2 fois encore, expliquer à la Chambre quelles étaient les opinions des

3 Croates de Bosnie, eu égard à Mostar? Et pourriez-vous également nous dire

4 quel rôle Mostar a joué dans le cadre de l'établissement de la République

5 d'Herceg-Bosna?

6 Réponse: Les Croates se sentaient frustrés, comme je l'ai dit. Ils

7 disaient constamment que les Bosniens détenaient déjà toutes les grandes

8 villes, alors qu'eux n'avaient rien. Eux ne demandaient que Mostar, dont

9 ils souhaitaient faire la capitale de leur identité nationale, culturelle,

10 religieuse.

11 Question: Est-ce que vous avez eu connaissance de ce qu'ils pensaient du

12 rôle que devaient jouer les Musulmans à Mostar?

13 Réponse: Cela n'a jamais vraiment été abordé: c'est un sujet qui n'a surgi

14 qu'un peu plus tard, quelques années plus tard lorsque nous avons commencé

15 à essayer de mettre sur pied une administration unifiée.

16 Question: J'attire maintenant votre attention sur une pièce qui ne se

17 trouve pas au début du classeur. Nous l'avons classée dans l'ordre, mais

18 nous ne les prendrons pas dans l'ordre. J'attire donc votre attention sur

19 la pièce 770.1 qui se trouve vers la fin du classeur. Vous avez ce

20 document?

21 Réponse: Non pas encore, excusez-moi.

22 Question: Il n'y a pas de mal.

23 Réponse: Vous me dites 770.1?

24 M. Scott (interprétation): Le chiffre se trouve dans l'angle inférieur, à

25 gauche de la page.

Page 8373

1 M. Meek (interprétation): Ce document 770.1 est un document auquel

2 s'oppose le conseil de la défense car il est entièrement fondé sur les

3 entretiens pour une période qui est en dehors des chefs d'accusation. Et,

4 en toute honnêteté, je dois dire à la Chambre que dans ce document il y a

5 une ligne de frontière entre la date à laquelle l'Acte d'accusation se

6 rapporte et la période après coup. Mais je m'oppose fortement à ce

7 document et il ne faudrait pas qu'il soit admis, car il n'a rien à faire

8 avec l'Acte d'accusation.

9 M. le Président (interprétation): Permettez-nous, Maître Meek, d'entendre

10 ce que dit ce témoin. Nous savons qu'il s'agit d'un rapport qui porte la

11 date du 18 avril 1994 et nous pourrions lire le début du paragraphe.

12 Vous pouvez continuer, Monsieur Scott.

13 M. Scott (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

14 Alors pourriez-vous nous dire, Monsieur le Témoin, de quoi il s'agit dans

15 ce document?

16 Sir Garrod (interprétation) Oui. Il s'agit là du centre... Nous étions à

17 la tête du centre de Zenica, il fallait soumettre des rapports exhaustifs.

18 Et ceci, c'est mon rapport à la fin de ma mission en tant que représentant

19 du centre de Zenica; c'est donc un document que j'ai donc remis à la date

20 marquée "18 avril".

21 Comme je l'ai dit, ce rapport revient à la date du 14, se rapporte à la

22 date du 14 octobre 1993 jusqu'au 18 avril 1994.

23 M. Scott (interprétation): Je voudrais montrer que dans les registres de

24 l'Acte d'accusation il faut voir qu'il traite de la première partie au

25 moins de l'année 1994.

Page 8374

1 Je voudrais maintenant diriger votre attention à la page 4, le paragraphe

2 22.

3 Monsieur le Président, certains de ces thèmes pourraient fournir à la

4 Chambre l'occasion de voir le document lui-même qui pourrait être

5 reproduit sur le rétroprojecteur. Et si cela convient à la Chambre, nous

6 pourrions porter sur le rétroprojecteur un de ces passages pour que chacun

7 puisse les lire. Ceci vous convient-il, Monsieur le Président?

8 M. le Président (interprétation): Oui.

9 M. Scott (interprétation): Sir Garrod, avez-vous eu l'occasion de revoir

10 le point 22 de votre rapport?

11 Est-ce que ce sont là, à partir de vos mémorisations, vos observations sur

12 les différentes politiques et opinions des Croates bosniaques et de leurs

13 dirigeants concernant ce que vous avez déjà dit pendant ces dernières

14 minutes de cette déposition?

15 Sir Garrod (interprétation): Oui, ce sont exactement mes opinions à

16 l'époque et elles n'ont pas changé.

17 Question: Je voudrais tenir compte du fait qu'il y a des trous assez

18 significatifs dans la traduction française.

19 Je ne porte pas plainte, mais il faudrait tenir compte de ce rythme, car

20 il est nécessaire qu'il soit ralenti de manière radicale.

21 Je voudrais attirer votre attention à la page 6. Je passe au sous-chapitre

22 "Administration de l'Union européenne à Mostar". Je vous poserai des

23 questions de nature générale.

24 Une nouvelle fois, Monsieur le Président, concernant les objections

25 formulées par le conseil de la défense, je vous demanderai de permettre

Page 8375

1 que le témoin nous donne ses toiles de fond sur ce qui se produisait au

2 cours de l'année, au cours de cette période. C'est-à-dire au cours de 1993

3 et début 1994.

4 Sir Garrod, nous n'allons pas en parler maintenant, vous avez entendu

5 quelques-uns de nos soucis.

6 Mais vous avez dit quelle était la conception de l'administration de

7 l'Union européenne concernant quelle devait être l'idée de

8 l'administration de Mostar de l'Union européenne, et comment cela devrait

9 être effectué pour la ville de Mostar?

10 Sir Garrod (interprétation): Après le suivi de l'échec du plan de paix

11 Vance-Owen et l'échec d'autres négociations, l'Accord de Washington avait

12 été signé en mars 1993. Ceci avait mis une fin à la lutte entre les

13 Croates et les Musulmans en Bosnie, et c'était la mise en place d'une

14 fédération entre les Croates et les Musulmans. Vu que Mostar était la

15 ville la plus divisée dans toute la Bosnie, vu qu'elle était une ville de

16 très grande importance pour la fédération, il avait été décidé -et ceci

17 déjà dans le plan de Vance-Owen- de faire en sorte que Mostar devait…, que

18 l'Union européenne allait essayer, grâce à l'administration de Mostar

19 pendant une période de deux ans, d'unifier, de créer une administration

20 unique et unifiée. Ceci était bien entendu essentiel pour toute l'idée

21 même de la fédération. Et c'était, d'autre part, Mostar qui était

22 l'endroit où les combats entre les Croates et les Bosniens avaient été les

23 plus puissants.

24 M. Scott (interprétation): Compte tenu de cela, voulez-vous, s'il vous

25 plaît, regarder le paragraphe 35? Si vous pouvez pendant un moment le

Page 8376

1 regarder?

2 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Par, je vous en prie.

3 M. Par (interprétation): Monsieur le Président, je fais une objection

4 concernant ce questionnement? Je comprends très bien qu'il est d'accord

5 que l'on parle ici dans la Chambre de thèmes qui sont en dehors de la

6 période de l'Acte d'accusation. Mais si, dans le cas où on le permet et si

7 on poursuit cette pratique, nous nous trouvons à même que nous ne saurons

8 pas quel type de témoins nous avons.

9 Est-ce que c'est un témoin qui figure ici à titre d'expert ou s'agit-il

10 d'un témoin qui va nous fournir ses observations, ses considérations sur

11 les événements, ou bien est-ce un témoin qui va parler de faits?

12 Le conseil de la défense est donc en position de ne pas savoir comment

13 opposer ses propres positions par rapport à de telles dépositions.

14 Si on nous dit que Owen n'est pas un… Si on nous dit que cet expert n'est

15 pas un expert, alors nous ne pourrons pas trouver un expert qui pourrait

16 s'opposer aux faits qui avaient été fournis. Il s'agit en fait d'un témoin

17 qui émet ses opinions.

18 Est-ce que cette Chambre va permettre au conseil de la défense de fournir

19 un témoin, ou également nous pourrons entendre le témoin émettre ses

20 opinions?

21 Autrement dit, je ne voudrais pas que nous permettions qu'un témoin de

22 grande réputation, dont la qualité est tout à fait connue, il ne faudrait

23 pas permettre à ce que ce témoin émette ses opinions. Je n'entre pas du

24 tout dans la crédibilité de ses affirmations, mais c'est une question de

25 procédure pour dire: est-ce qu'un témoin qui n'est pas un expert, est-ce

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1 qu'il est permis pour lui d'émettre ses réflexions?

2 Je continue. C'est là mon objection primaire, mais je ferai une autre

3 objection. C'est donc une série maintenant de documents que nous avons,

4 qui sont des documents qui reprennent les opinions du même témoin.

5 Autrement dit, nous avons les opinions qui ont été émises sous forme

6 écrite et sous forme orale. A la fin, le Président va proposer que ces

7 documents soient versés au dossier et nous aurons donc comme résultat que

8 le Bureau du Procureur aura, dans ces documents, des documents de cette

9 nature et que, de cette façon, le Bureau du Procureur aura le témoignage

10 et les documents qui parlent dans le même sens.

11 M. le Président (interprétation): Oui, je vous en prie, Monsieur Meek.

12 M. Meek (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

13 Je suis à cent pour-cent en faveur de ce qu'a dit mon collègue, M. Par. Je

14 voudrais seulement attirer l'attention de la Chambre à la toute première

15 ligne du paragraphe 36 du document 700.1, qui dit: "La mission de

16 recherche de l'Union européenne avait complété sa visite à Mostar dans les

17 dernières semaines du mois de mars". Mars: il s'agit du mois de mars 1994.

18 Dans cette affaire, nous avons ici des allégations concernant des crimes

19 de guerre qui avaient été commis par les accusés jusqu'au moins la fin de

20 janvier 1994. Pourquoi nous occupons-nous donc de ces documents qui

21 traitent une période de deux mois après la fin de toutes les allégations

22 qui figurent contre mon client? Nous parlons donc de deux mois après de

23 toutes les allégations de crime de guerre.

24 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Scott, je vous en prie.

25 M. Scott (interprétation): Avec votre indulgence, je vous prie de

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1 m'entendre.

2 M. le Président (interprétation): Oui, mais vous devrez être très concis,

3 parce que c'est le moment de la pause.

4 M. Scott (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

5 Nous allons procéder avec ces questionnements, mais je crois que la

6 Chambre, par ses observations, a prouvé que le Bureau du Procureur est

7 conscient des Règles de la procédure et qu'il va encore poursuivre pendant

8 quelques minutes. C'était un besoin.

9 Pour revenir à la période, c'est une période couverte par l'Acte

10 d'accusation, paragraphe 26, et c'est une période qui allait au moins

11 jusqu'en janvier 1994. Donc cela n'est pas en dehors de la portée de

12 l'Acte d'accusation. C'est pourquoi je voudrais voir ces documents et,

13 lorsque nous verrons les documents et puisque ce témoin est important pour

14 la Chambre, j'estime que la Chambre devrait avoir une pleine occasion

15 d'entendre la suite des positions du témoin.

16 M. le Président (interprétation): Nous estimons que ce témoin nous donne

17 le contexte historique. Il a déjà émis des opinions, qui sont différentes

18 par rapport aux résultats d'un autre observateur indépendant, sur la

19 période qui avait été décrite. Comme je l'ai déjà dit dans mes

20 observations, il est visible, dans la première partie de ce document, que

21 ce qui est important, c'est le début de la période entre le 14 octobre

22 1993 jusqu'au 18 avril 1994, et cela est la période, est l'intervalle de

23 l'Acte d'accusation.

24 Donc nous allons entendre le témoin sur cette même matière. Nous allons

25 également rappeler le Bureau du Procureur sur la relation qui existe entre

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1 la déposition et les documents que le Bureau du Procureur va verser au

2 dossier.

3 Nous estimons à la fin que nous allons revenir à ces documents et que nous

4 allons nous retrouver à 16 heures. Nous allons continuer.

5 Monsieur l'huissier, voulez-vous raccompagner le témoin? Merci.

6 (Le témoin, Sir Martin Garrod, est reconduit hors du prétoire.)

7 (Questions relatives à la procédure.)

8 Nous reprendrons les travaux à 16 heures.

9 Quand la Chambre apporte une décision sur un sujet, le conseil de la

10 défense peut avoir une opinion séparée, mais ne nous voulons plus entendre

11 d'objections ultérieures dans ce sens.

12 Nous allons reprendre à 16 heures.

13 (L'audience, suspendue à 15 heures 35, est reprise à 16 heures 01.)

14 M. le Président (interprétation): Monsieur l'huissier, faites entrer le

15 témoin, s'il vous plaît.

16 Oui, Maître Meek?

17 M. Meek (interprétation): Puis-je parler d'une question de procédure

18 pendant que nous attendons l'arrivée du témoin?

19 M. le Président (interprétation): Oui, je vous en prie.

20 M. Meek (interprétation): Le Bureau du Procureur avait demandé l'accord de

21 déclaration sur deux personnes défuntes, et j'estime que la Chambre avait

22 proposé une Règle compte tenu de la procédure, notamment qu'il y avait

23 quatre jours pour répondre à toute forme d'objection.

24 Je voudrais rappeler au Tribunal que nous allons faire une telle demande

25 en espérant que, si mercredi nous n'aurons pas l'occasion d'en parler, il

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1 y aura certainement l'occasion d'en parler d'ici quatre jours. Voilà,

2 c'est tout.

3 M. le Président (interprétation): Oui, merci. Nous espérons que la Chambre

4 s'est déjà prononcée sur des questions comme celles-ci.

5 M. Meek (interprétation): Merci.

6 (Le témoin, Sir Martin Garrod, est introduit dans le prétoire.)

7 M. le Président (interprétation): Oui, je vous en prie, Monsieur Scott.

8 M. Scott (interprétation): Puis-je attirer votre attention au paragraphe

9 35 de votre rapport, pièce 770.1? Et la meilleure façon de procéder est

10 d'ajouter d'autres documents en annexe.

11 Si vous regardez ce paragraphe, vous avez fait une appréciation précise

12 concernant la décision de la ville de Mostar pendant votre mission,

13 lorsque vous étiez à la tête du RC de Zenica.

14 Sir Garrod (interprétation): Oui, très juste.

15 Question: Est-ce que, lorsque vous avez dit à la Chambre, c'étaient des

16 vues que vous exprimiez dans une série de documents et dans une série de

17 rapports que vous aviez faits à titre de haut fonctionnaire de la

18 Communauté européenne dans les missions d'observation?

19 Réponse: Oui, compte tenu de mon expérience j'ai fait des rapports.

20 Question: Il serait donc approprié de dire que ces vues n'étaient pas

21 seulement des vues personnelles, mais que c'était une appréciation, à

22 différents niveaux, des vues émises par l'ECCM en tant qu'organisation.

23 Réponse: Oui. Bien entendu, il y avait des faibles variations d'opinion,

24 mais je puis dire que mes opinions reflétaient les opinions du ECMM.

25 Question: Pourriez-vous me permettre de dire, Sir Garrod, qu'à la lumière

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1 de ces objections, est-ce que vous voyez des différences d'opinions entre

2 les personnalités de l'ECMM qui étaient vos subordonnés ou ceux qui

3 étaient vos supérieurs hiérarchiques.

4 Réponse: Non, je ne crois pas que je pourrais me rappeler d'une différence

5 significative d'opinions. Non.

6 Question: Avant de laisser ce document, permettez-moi d'attirer votre

7 attention au paragraphe 12 à la page 2. A la fin de ce paragraphe, cela

8 commence avec une phrase: "sur la région de Mostar central".

9 Dans la citation "dans la région de Mostar", est-ce que c'est une

10 observation qui est valable pour la période où vous y avez été présent? Et

11 est-ce que c'était valable pour la période depuis juillet 1993 et jusqu'en

12 avril 1994?

13 Réponse: Oui, la situation et le territoire n'ont pas du tout changé

14 pendant cette période; et je sais très bien que les deux parties avaient

15 été prêtes, pour différentes raisons, à s'engager dans une lutte. Pour

16 lutter pour chaque maison. Et ces conflits avaient été menés par des

17 mortiers, par des mitraillettes, une artillerie. Et pendant mon séjour et

18 ma mission à Mostar, aucune pièce de territoire n'a changé de mains.

19 Question: Bien. Sir Garrod, nous allons revenir à cette pièce à l'avenir,

20 et nous allons maintenant passer à d'autres matières. Passons maintenant,

21 si je puis vous diriger, vers le début du classeur. Passons à la pièce

22 P39359.

23 Si vous voulez jeter un coup d'oeil sur ce document. Pourriez-vous nous

24 donner une image sur ce document? Est-ce qu'il s'agit là d'un rapport

25 spécial qui porte le titre "Rapport spécial en date du 1er mai à la

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1 direction du RC de Zenica"?

2 Réponse: Oui, il avait été adressé à mon prédécesseur en tant que chef de

3 mission du centre régional de Zenica.

4 Question: Je voudrais attirer votre attention au second paragraphe de la

5 première page. Le format de ce document n'est pas toujours clair, mais il

6 faut tout simplement regarder ce paragraphe et, si vous me le permettez,

7 je vous poserai une question, mais lorsque vous aurez repéré ce

8 paragraphe; je vous poserai une ou deux questions.

9 (Le témoin cherche.)

10 Quant à votre évaluation, est-ce que les constatations que vous faites sur

11 les circonstances que vous avez décrites, est-ce que c'étaient des

12 évaluations qui continuaient à être véritables, et concernant votre

13 engagement dans le CC de Mostar et dans le RC de Zenica?

14 Réponse: Oui, je vois qu'il y avait des points de contrôle particuliers et

15 il y avait une restriction de liberté de mouvement et d'intimidation de

16 civils. Oui.

17 Question: Oui. Je vais attirer votre attention à la page suivante, vers le

18 milieu de la page ou à la fin. Il me semble qu'il s'agisse là d'un

19 paragraphe complet, une phrase qui disait -je cite-: "Les Musulmans

20 avaient été systématiquement évincés". C'est bien cela?

21 Réponse: Le premier paragraphe commence avec "Le retrait des bénévoles…".

22 Le second paragraphe commence jusqu'à "… le dernier, mais pas le moins

23 important...".

24 Question: Oui, c'est juste, au-delà des mots: "le dernier, mais pas le

25 moins important…".

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1 Réponse: Oui, oui.

2 Question: Pourriez-vous nous dire vos estimations et vos évaluations tout

3 au long de votre mission, depuis juillet 1993 jusqu'à avril 1994?

4 Réponse: Oui, bien entendu. Les Croates avaient été tout le temps très

5 anxieux et désireux de réaliser la République croate d'Herceg-Bosna.

6 Question: Pourriez-vous dire à la Chambre quels étaient les moyens dont

7 disposaient les Croates pour l'accomplir?

8 Réponse: Oui. Il y avait, dès le début des conflits, des structures

9 parallèles. Donc il y avait les Croates et les Musulmans: d'abord, ils

10 avaient lutté contre les Serbes et, ensuite, ils ont créé des armées

11 séparées, des forces de police séparées, une administration séparée, une

12 monnaie séparée. Bref, ils avaient dit qu'il s'agissait de langues

13 différentes. Donc tout était séparé.

14 Question: Si je puis attirer votre attention vers le paragraphe suivant et

15 si vous voulez le relire un moment, je vous poserai une nouvelle question.

16 Réponse: Oui.

17 Question: Pourriez-vous nous expliquer ou nous donner une orientation sur

18 votre expérience des plans Vance-Owen qu'ils avaient estimé comme

19 justifiés concernant la prise de territoires?

20 Réponse: Oui, les Croates étaient ravis avec leurs provinces 8 et 10, qui

21 s'étendaient depuis Mostar, tout au long, jusqu'à Vitez et Busovaca. Il

22 m'a été clair que les Croates voulaient établir, dresser une ligne entre

23 les cantons et les provinces 8 et 9. Il y avait les provinces qui étaient

24 musulmanes, 9, de sorte à faire des zones, pour que les zones deviennent

25 ethniquement homogènes, en d'autres termes pour les rendre, pour en faire

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1 vraiment une province croate.

2 Question: Passons maintenant à la page 5. Il y a des chiffres écrits à la

3 main dans l'angle droit. Tournez et voyez la page 5, le dernier

4 paragraphe. Il s'agit donc d'une analyse. Je vous prie de lire cela à

5 l'instant et de faire votre commentaire.

6 (Le témoin lit ce passage.)

7 Réponse: Oui.

8 Question: Pourriez-vous dire aux Juges, Sir Garrod, si le comportement et

9 les points de vue exprimés ici sont bien ce que vous avez observé, ce que

10 vous avez vu vous-même et ce que vous avez entendu par le biais de

11 supérieurs, de Croates qui s'élevaient au sein de Bosnie-Herzégovine?

12 Réponse: Oui, justement. Ils avaient déjà vu que les Serbes avaient, par

13 la force, atteint leur but et qu'ils allaient former une entité croate de

14 Herceg-Bosna. Ils voulaient former leur propre entité croate au sein de la

15 République croate d'Herceg-Bosna.

16 Question: Bien. Témoin, je vous demande de passer maintenant à la pièce

17 suivante. Il s'agit de la version en langue anglaise, c'est un document

18 qui est suivi par la traduction en BCS. Je vous demanderai, s'il vous

19 plaît, de feuilleter le classeur jusqu'à ce que vous arriviez à la pièce

20 P373.

21 (Intervention de l'huissier.)

22 Le passage se trouve très près du début du classeur.

23 Réponse: Oui, nous avons déjà vu ce document.

24 Question: Non, il s'agit de la pièce P373; au coin supérieur droit, c'est

25 là où la cote est indiquée.

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1 Réponse: Oui. Très bien. Je l'ai trouvé.

2 (Le témoin l'examine.)

3 Question: Sir Garrod, lorsque vous êtes arrivé à Mostar au tout début du

4 mois de juillet 1993 et vous y êtes resté par la suite, est-ce qu'on vous

5 a informé ou est-ce qu'on vous a tenu au courant des événements qui

6 avaient lieu ou qui ont eu lieu au cours des semaines et des mois qui ont

7 précédé votre arrivée?

8 Réponse: Oui, jusqu'à un certain point. Mais, puisque les choses se

9 déroulaient si rapidement, nous pensions plutôt à l'avenir. Nous voulions

10 plutôt nous concentrer sur ce qui allait arriver plutôt que de rester sur

11 ce qui s'est passé. J'avais bien sûr une très bonne idée de ce qui c'était

12 passé jusqu'à mon arrivée.

13 Question: Monsieur le Président, il y a une mention dans ce document où on

14 parle du HV, en fait à la page 3.

15 Je voudrais revenir là-dessus un petit peu plus tard mais c'est un autre

16 sujet, donc je ne vais pas poser la question à Sir Garrod, je ne vais pas

17 lui demander d'émettre des commentaires là-dessus pour l'instant.

18 Veuillez, s'il vous plaît, passer à la pièce suivante. Il s'agit d'un

19 document qui est suivi de celui-ci, donc c'est le document suivant, il

20 s'agit de la pièce 386.

21 Réponse: Oui.

22 Question: Si vous prenez la page 2 de cette pièce, pourriez-vous expliquer

23 à la Chambre qui est Ole Brix Anderson? Quel était exactement son poste au

24 sein de l'ECMM à l'époque?

25 Réponse: Oui, le chef de mission avait été quelqu'un du EC du pays qui, à

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1 l'époque, tenait la présidence. Donc pendant cette période-là, c'était le

2 Danemark. Donc l'homme qui était à la tête de l'ECMM de Zagreb…, donc il y

3 avait un chef mais il y avait également son député, son adjoint qui était

4 toujours représenté; c'était un membre d'une entité politique du bureau

5 étranger, donc d'un ministère des Affaires étrangères. C'était toujours

6 lui.

7 Question: Très bien.

8 Réponse: C'était cette personne qui s'occupait des questions politiques.

9 Question: Fort bien. J'aimerais maintenant attirer votre attention au mois

10 de mai 1993. Un représentant de l'ECMM a été envoyé à ce moment-là en

11 Bosnie pour s'occuper de quelque problème qui avait éclaté.

12 Réponse: Oui.

13 Question: Est-ce que vous pouvez dire à la Chambre s'il s'agit bien d'un

14 exemplaire de ce rapport qui parle de cette mission?

15 Réponse: Oui, c'est exact. Et les trois personnes qui sont mentionnées

16 ici, étaient les chefs des délégations nationales représentées au sein de

17 l'ECMM.

18 Question: Bien. Si nous passons à la dernière page du document en langue

19 anglaise, nous pouvons voir que cette mission était menée par, pour les

20 britanniques, Guy Hart et pour les français, c'était bien Pierre Cornée et

21 Antonio Sanchez pour le Bataillon espagnol.

22 Maintenant, je vous demanderai de vous pencher au paragraphe 3. Vers le

23 milieu, nous pouvons voir le nom de Anto Valenta.

24 Réponse: Oui.

25 Question: Est-ce que c'est bien l'Anto Valenta avec qui vous aviez des

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1 entretiens et de qui vous avez parlé un peu plus tôt aujourd'hui?

2 Réponse: Oui, certainement, c'est de lui qu'il s'agit.

3 M. Scott (interprétation): Et nous voyons ici des commentaires d'Anto

4 Valenta, est-ce que ce sont des commentaires qui sont les mêmes que ceux

5 qu'Anto Valenta vous a fait à vous-même?

6 Sir Garrod (interprétation): Oui, bien sûr, c'était une réponse assez

7 stupide parce qu'il n'y avait pas de Serbes du tout dans cette région; et

8 bien sûr le HVO se trouvait non loin d'Ahmici, qui était situé entre Vitez

9 qui appartenait aux Croates et Busovaca qui appartenait également aux

10 Croates.

11 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Meek?

12 M. Meek (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Je fais une

13 objection quant à la façon dont on n'a pas répondu à la question.

14 La question était très claire, il fallait répondre par oui ou non. Je

15 crois qu'il s'agit d'une question à laquelle on ne peut pas répondre. On a

16 posé la question: "Est-ce que cela semble être des commentaires qui

17 correspondaient aux commentaires que cette personne a faits à l'endroit de

18 la personne?". Nous avons eu une réponse inaudible.

19 M. le Président (interprétation): Je crois que le témoin a répondu à cette

20 question en disant: "Bien sûr" et, par la suite, il a expliqué sa réponse.

21 Bien sûr, il dit très clairement dans ce paragraphe ce qu'il pense.

22 Donc vous pouvez continuer.

23 M. Scott (interprétation): Merci.

24 Sir Garrod, j'aimerais attirer maintenant votre attention à la troisième

25 page de ce rapport et attirer votre attention au paragraphe 10.

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1 En examinant ce paragraphe, pourriez-vous nous confirmer si cela

2 correspond à votre compréhension des faits de ce qui se passait à

3 l'époque, cette demande d'ultimatum qui avait été faite par le côté

4 bosnien et croate?

5 Réponse: Oui, certainement. Je voudrais dire que cela correspondait tout à

6 fait à la personnalité de Mate Boban d'émettre des ultimatums. Je ne suis

7 pas tout à fait sûr de ce que cet ultimatum et de ce que cette lettre

8 représentait, mais je suis presque sûr qu'il s'agissait de mettre en place

9 le plan Vance-Owen.

10 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, j'aimerais demander que

11 cette lettre soit versée au dossier pour qu'elle soit disponible à la

12 Chambre.

13 Je vous demanderai maintenant de vous pencher à la page suivante. Il

14 s'agit du paragraphe 13; je vous demanderai de bien lire ce paragraphe.

15 Réponse: Oui.

16 Question: La phrase que l'on retrouve à la fin de ce paragraphe et qui

17 dit: "Ce n'est pas tellement un résultat des éléments non contrôlés de

18 l'action, mais plutôt cela résulte de la mise en place d'une politique

19 délibérée du HDZ/HVO."

20 Selon votre expérience et selon vos observations, est-ce que vous seriez

21 d'accord avec cette confirmation que, au cours de votre implication en

22 Bosnie, donc qui a lieu entre la période de juillet 1993 et le mois

23 d'avril 1994?

24 Réponse: Oui, il y avait un contrôle politique des activités militaires.

25 Les deux partis se servaient très souvent d'excuses, si une atrocité

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1 survenait, qu'il y avait des éléments non contrôlés. Donc je n'ai jamais

2 accepté cette affirmation parce que, pour ce qui me concernait, c'étaient

3 les dirigeants politiques qui prenaient les décisions et qui mettaient en

4 place les politiques.

5 Question: Est-ce que vous pourriez nous dire pourquoi vous avez conclu

6 cela? Pourquoi vous avez cru, pourquoi n'étiez-vous pas d'accord avec le

7 fait qu'il s'agissait d'éléments non contrôlés.

8 Réponse: Eh bien, dire que les atrocités ou ainsi de suite avaient été

9 menées par des éléments non contrôlés, c'était un prétexte pour la

10 responsabilité. Mais selon moi, je crois que ce sont les dirigeants

11 politiques qui doivent prendre les responsabilités, et les commandants et

12 dirigeants militaires qui se trouvent sous eux. S'ils font une erreur, à

13 ce moment-là, ils sont licenciés. Mais on ne peut pas faire… se plaindre

14 d'éléments non contrôlés.

15 Question: Je vais maintenant vous demander de vous pencher sur la pièce

16 386. Cela devait être le document qui suit ce document, le document qui

17 suit la traduction en langue serbo-croate.

18 Réponse: Quel est le numéro? Est-ce le 386 ou le 396?

19 Question: Oui, en fait, il s'agit de la pièce 396.

20 Si vous avez ce document sous les yeux, je vous demanderai de vous pencher

21 sur un passage qui se trouve aux paragraphes 1 et 2.

22 Réponse: Oui.

23 Question: Monsieur Thébault, au paragraphe 2, fait une référence à une

24 politique délibérée.

25 Je vous demanderai de donner votre évaluation à la Chambre: s'agit-il bien

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1 d'une politique qui est décrite ici comme la liberté de mouvement? Est-ce

2 que cela a été la politique du HVO pendant que vous vous y trouviez?

3 Réponse: Oui, à travers la Bosnie et localement à Mostar également. Et je

4 crois que, lorsque l'hiver est arrivé, les choses ont commencé à être un

5 peu plus faciles. Mais je me rappelle que moi-même j'avais dû passer

6 quatre nuits à Gornji Vakuf et j'essayais de descendre au sud, vers

7 Zenica, car le HVO avait à ce moment-là érigé des barrages routiers.

8 C'était en novembre. Les choses se sont améliorées légèrement vers

9 l'approche de l'hiver.

10 Question: Monsieur Thébault parle ici, au premier paragraphe, d'un outil

11 économique, d'une arme économique. Pourriez-vous dire à la Chambre quelle

12 était cette arme économique? Que voulait-il dire? De quelle façon est-ce

13 qu'il voulait parler de cela?

14 Réponse: Eh bien, d'abord, il y avait la nourriture, les convois de

15 nourriture. Et pour ce qui est de l'économie, les trains n'étaient plus

16 opérationnels, ils ne pouvaient pas provenir de Sarajevo et pour ce qui

17 est de Zenica et des autres endroits, pour ce qui est de la fabrication

18 qui avait été encore un peu possible, elle ne pouvait pas parvenir au sud

19 car les routes étaient bloquées. Donc le système au complet était en train

20 d'étouffer un peu.

21 Question: De quelle façon cette restriction de mouvement a-t-elle affecté

22 les organismes internationaux?

23 Réponse: Nous avions un grand nombre de difficultés. Je vous ai déjà donné

24 un exemple personnel lorsque j'ai dû passer quatre nuits à cet endroit-là,

25 c'étaient les quatre nuits les plus froides de l'hiver, mais c'était un

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1 problème constant. Souvent il nous a fallu nous servir de routes

2 alternatives, et nous avons commencé à découvrir qu'il y avait des routes

3 alternatives, de petits sentiers très étroits que l'on pouvait utiliser

4 plus particulièrement parfois si nous étions bloqués à un certain endroit.

5 Il nous était possible d'arriver à l'endroit de destination en nous

6 servant d'un autre chemin, mais c'était un problème constant.

7 Question: Au cours de l'interrogatoire principal, nous allons probablement

8 parler d'un autre document, je ne le trouve pas à l'instant mais vous

9 pourriez peut-être nous le dire.

10 Le blocage à Mostar, à quel moment est-ce qu'un convoi humanitaire a été

11 accepté pour la première fois? Est-ce qu'on a accepté l'entrée d'un convoi

12 dans Mostar de l'Est? Je crois que le blocage a duré jusqu'à la fin du

13 mois de juin 1993?

14 Réponse: Le premier convoi humanitaire du représentant des Nations Unies

15 était au mois d'août mais, pendant une certaine période de temps, il était

16 impossible à tous ces convois de pénétrer dans Mostar, mais c'était vers

17 la fin du mois d'août que ce premier convoi a pu rentrer à Mostar Est.

18 Question: Je vais vous demander d'examiner la pièce 397.

19 (Le témoin l'examine.)

20 Monsieur le Président, nous avons déjà couvert un bon nombre de sujets au

21 cours de l'interrogatoire principal du témoin, mais je ne vais pas revenir

22 aux questions qui ont déjà été abordées et lorsqu'on a surtout parlé du

23 fait que Mostar était la capitale de l'Herceg-Bosna.

24 Sir Garrod, pouvez-vous nous dire au paragraphe 2, ce qui a été décrit

25 comme le deuxième paragraphe du paragraphe 2, suivi par une barre oblique

Page 8392

1 commence avec les paroles "même si"? Pouvez-vous prendre note ou lire ce

2 passage?

3 Réponse: Oui.

4 M. Scott (interprétation): S'agissant des deux communautés, et en parlant

5 plus particulièrement de Mostar Est et de Mostar Ouest, s'agissant du mois

6 de juillet 1993, depuis mai 1993 et jusqu'à la fin de l'année 1993,

7 pourriez-vous nous donner une évaluation, qui était l'agresseur lorsqu'on

8 parle de ces deux communautés?

9 Sir Garrod (interprétation): L'agression était presque complètement du

10 côté croate; c'était le HVO qui pilonnait Mostar Est et qui le réduisait

11 en ruines à ce moment-là.

12 M. Scott (interprétation): Ce paragraphe fait une mention… ou plutôt

13 l'évaluation de M. Thebault est celle où il dit qu'il y a deux preuves qui

14 vont à l'endroit du fait qu'on essaie de pilonner, de réduire en ruines

15 Mostar de l'Est…

16 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Meek?

17 M. Meek (interprétation): La pratique de présenter un document et de lire

18 directement du document, je crois que cette pratique est inappropriée car

19 je crois que le document parle pour lui-même. Voilà mon objection.

20 M. le Président (interprétation): Je crois que le Procureur est en train

21 de poser des questions au témoin et a demandé au témoin de vérifier, de

22 confirmer certains faits qui sont mentionnés dans ce document. Donc

23 j'aimerais pouvoir entendre la fin de la question qui a été posée au

24 témoin.

25 Je vous permets donc de continuer.

Page 8393

1 M. Scott (interprétation): Oui, j'allais justement ouvrir le terrain pour

2 poser la question suivante.

3 En tant que professionnel dans la Marine royale au cours de votre carrière

4 qui a duré 37 ans, pourriez-vous nous dire, lorsque M. Thebault dit que

5 l'une des preuves démontre qu'il s'agit d'une attaque précise et planifiée

6 -et il donne raison d'un déplacement systématique de plus de 1.800

7 Musulmans-, en tant qu'homme professionnel, quel genre d'organisation il

8 aurait fallu faire pour déplacer un tel nombre de personnes dans une

9 période si courte?

10 Sir Garrod (interprétation): Il aurait fallu se pencher et faire une

11 planification très approfondie. Je crois que ce chiffre a augmenté vers la

12 fin, et il s'agit de 1.800 personnes. Mais, vous savez, on ne peut pas

13 décider tout d'un coup de prendre ces gens et de les transporter vers un

14 centre de détention. Il s'agit d'une planification, il faut avoir organisé

15 ce genre de déplacement, cela comprend une logistique très organisée.

16 M. Scott (interprétation): Monsieur, selon votre expérience militaire,

17 combien de temps a-t-il fallu pour planifier et organiser une opération de

18 telle envergure?

19 Sir Garrod (interprétation): Pour moi, cela prend des semaines de

20 préparation.

21 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Par?

22 M. Par (interprétation): De nouveau, je voudrais faire une objection à la

23 façon dont la question a été posée. On place le témoin en position de

24 témoin expert, et on ne peut pas s'attendre à ce que ce témoin témoigne en

25 tant qu'expert militaire. Nous avons compris qu'il a une très grande

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1 expérience. Nous n'avons pas encore réagi à l'une des questions qui a été

2 posée dans ce sens par le Procureur dans le passé, mais maintenant entrer

3 en détail et faire une analyse pratique, une expertise pratique, nous

4 estimons que de cette façon on essaie de faire témoigner ce témoin en tant

5 que témoin expert et donc je fais l'objection quant à la façon de poser

6 cette question.

7 M. le Président (interprétation): Bien. Monsieur le Procureur, nous

8 croyons qu'il n'y a pas de comparaison entre les deux opérations. Vous

9 pouvez en réalité passer à autre chose.

10 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais dire que le

11 témoin a néanmoins répondu à la question. Je crois que c'est une question

12 juste et il nous a répondu justement. Il nous a donné son opinion

13 personnelle et son évaluation. Cela peut certainement aider cette Chambre

14 à comprendre le genre d'organisation que cela comprenait pour organiser ce

15 genre de chose.

16 M. le Président (interprétation): Veuillez passer à autre chose, s'il vous

17 plaît.

18 M. Scott (interprétation): Monsieur le Témoin, j'aimerais attirer votre

19 attention à la page 4, en haut du document. Au coin supérieur droit, nous

20 pouvons voir que le numéro de page est indiqué. Donc je vous demande de

21 passer à la page 4.

22 J'aimerais attirer votre attention sur le passage qui se trouve au bas de

23 la page, il y a une partie qui a été ajoutée à la main. On y voit une

24 affirmation et on voit que les provinces ne sont pas la propriété d'une

25 communauté ou d'une autre.

Page 8395

1 De nouveau, est-ce qu'il s'agit de quelque chose que vous avez cru être le

2 point de vue du HVO ou bien, comme vous avez dit cet après-midi et comme

3 M. Thebault semble l'indiquer ici, que Mostar par exemple était une

4 province croate?

5 Sir Garrod (interprétation): Oui, justement, à ce moment-là le plan Vance-

6 Owen était presque mort, mais le principe d'avoir Mostar comme leur

7 capitale était resté.

8 Question: Je vous demanderai maintenant d'examiner la pièce 458. Pourriez-

9 vous regarder ce document quelques instants? Je vous poserai quelques

10 questions qui ont trait au contexte.

11 De nouveau, nous pouvons voir que le mémo a été envoyé par M. Brix

12 Andersen. La page de couverture: il y a un mémo qui a été daté en date du

13 15 juin 1993, je ne parle pas du fax de la première page mais de celle où

14 l'on voit l'en-tête du mémo. Est-ce que c'est exact?

15 Réponse: Oui, c'est exact.

16 Question: Maintenant, j'aimerais demander à la Chambre de bien vouloir

17 examiner le document qui parle des Musulmans, des Croates, et de relations

18 en Bosnie centrale au mois de juin 1993?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Est-ce que c'est un document de l'ECMM qui a été préparé pour

21 donner des renseignements aux Allemands?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Donc c'est une évaluation officielle de l'ECMM confectionnée

24 spécifiquement pour donner le renseignement, le briefing au gouvernement

25 en allemand, est-ce exact?

Page 8396

1 Réponse: Oui.

2 Question: J'aimerais attirer votre attention sur le deuxième paragraphe,

3 sous l'intitulé "Situation". Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît,

4 l'examiner?

5 (Le témoin examine le paragraphe.)

6 Pourriez-vous émettre quelques commentaires sur la situation qui se

7 déroulait à Mostar? Est-ce que cela correspond à ce que vous avez vu et

8 observé au cours de votre mission, au cours de l'intervalle de temps

9 pendant que vous vous trouviez à Mostar en tant que chef du RC Zenica? Je

10 parle du paragraphe 2, sous l'intitulé "Situation".

11 Réponse: Oui, certainement. C'est ainsi que moi-même j'ai vu la situation.

12 Question: J'aimerais attirer votre attention sur la section n°3 qui parle

13 de "résumé de buts". J'aimerais vous demander de vous pencher sur les

14 cibles ou les buts du HVO. Il semble qu'on ait énuméré le tout sous les

15 lettres A, B, C, D.

16 Réponse: Oui. Je suis d'accord avec cette évaluation, cette affirmation.

17 Question: Et selon vos observations personnelles, selon votre expérience

18 personnelle, il n'y a rien qui, selon vous, serait contraire à ce que l'on

19 voit énuméré aux points A, B, C et D?

20 Réponse: Non.

21 Question: Maintenant, attirons votre attention sur la section n°5 qui se

22 trouve sur la page suivante. Pourriez-vous brièvement prendre connaissance

23 des paragraphes A, B, C, D et E, s'il vous plaît?

24 Réponse: Je vous demande pardon. Vous avez dit "A, B, C, D"?

25 Question: C'est exact.

Page 8397

1 Réponse: Je suis d'accord avec toutes ces propositions. La seule chose que

2 je dirais, c'est que lorsque je suis revenu à Mostar, en avril 1994,

3 Demirovic avait été libéré alors qu'il avait été placé précédemment en

4 détention. Je ne sais pas quand il a été remis en liberté.

5 Question: Lorsque vous parlez de Demirovic, est-ce que c'est la personne

6 qui apparaît au paragraphe E?

7 Réponse: C'est exact.

8 Question: Comme vous venez de nous l'indiquer, il s'agit de propositions.

9 Vous dites être en accord avec toutes ces propositions. Il y a cinq

10 propositions d'action.

11 Est-ce que vous pourriez nous dire si le HVO a réussi, de près ou de loin,

12 à se conformer à ces cinq propositions? Et pouvez-vous nous dire ce qu'il

13 en était à la fin de 1993?

14 Réponse: A la fin 1993, il y a une légère amélioration pour ce qui est de

15 ce qui apparaît aux points A et B. L'activité militaire de la HV était

16 toujours une réalité. Et ce qui est bien certain, c'est qu'il n'y avait

17 pas accès totalement libre à toutes les zones.

18 Donc je dirais vraiment qu'il y a eu des améliorations mineures pour ce

19 qui est de A et B. Pour ce qui est de C, les choses restaient identiques

20 et, pour D, les choses étaient également inchangées.

21 M. Scott (interprétation): Nous allons passer à une autre pièce. Je vous

22 demande de regarder la dernière page en anglais. Il y a un mémo qui traite

23 de la participation de la HV, qui est daté du 3 juin 1993.

24 M. le Président (interprétation): Maître Meek?

25 M. Meek (interprétation): Ce n'est pas une objection, plutôt une

Page 8398

1 observation. D'ailleurs, je demande à M. Scott de m'aider: nous n'avons

2 reçu que deux ou trois pages, et nous n'avons pas la page 2. Enfin, moi,

3 je ne la trouve pas dans mon classeur.

4 M. le Président (interprétation): Nous, nous avons trouvé ce document.

5 M. Scott (interprétation): Je peux peut-être vous aider. Le conseil de la

6 défense a parfaitement raison. Voici une preuve du fait que l'accusation

7 rassemble les éléments de preuve au fur et à mesure qu'il les trouve. Il

8 semble qu'effectivement, il y a trois exemplaires de la page A1; on dit

9 qu'il y a trois pages dans ce document, mais, en fait, on ne trouve pas la

10 page 2 et on a deux exemplaires de la page 3. Moi-même, j'ai essayé de

11 trouver cette page et je n'ai pas pu le faire.

12 M. le Président (interprétation): Oui, je vous remercie de ces

13 informations.

14 M. Scott (interprétation): Donc, Sir Garrod, j'attire votre attention sur

15 la dernière page dont je parlais.

16 M. le Président (interprétation): Maître Par?

17 M. Par (interprétation): Je ne suis pas certain que nous puissions

18 analyser ce document puisque ce document ne nous a pas été remis dans son

19 intégralité. Si l'on fait référence à un document, si l'on veut verser un

20 document au dossier, il me semble que la moindre des choses, c'est que ce

21 document soit complet. Si ce document ne contient pas tout ce qu'il

22 contient dans sa version originale, je crois qu'on ne doit même pas se

23 pencher dessus.

24 M. Scott (interprétation): Bien. Si j'avais cette page, je serais

25 particulièrement heureux de vous la communiquer. Je suis sûr que la

Page 8399

1 Chambre est convaincue que je le ferais si je le pouvais, mais voici

2 l'état du moyen de preuve dont nous disposons. Je ne peux rien y changer.

3 Vous verrez que, sur la page de garde, la page de fax, il y a un certain

4 nombre d'informations qui apparaissent, comme c'est le cas dans bien des

5 fax. Et vous vous verrez que, sur cette page de garde du fax, on voit

6 apparaître "Relations entre les Croates et les Musulmans en Bosnie

7 centrale"; c'est la première page du rapport. Ensuite, il y a page de fax

8 4, page de fax 5, page de fax 6, page de fax 7, page de fax 8.

9 Rien n'a été retiré. Lorsque ce document a été faxé, quelque chose a

10 disparu; voilà ce qui s'est passé. Je ne peux pas considérer que c'est une

11 raison pour que la Chambre ne reçoive pas ce document comme faisant partie

12 du dossier.

13 M. le Président (interprétation): Maître Meek?

14 M. Meek (interprétation): Bien sûr que ces incidents se produisent, mais

15 la question est de savoir si l'on va admettre un document dont il manque

16 une pleine page. Nous, sur cette pleine page, ce n'est pas la faute de qui

17 que ce soit dans cette salle d'audience, mais l'accusé, dans le cadre de

18 ses droits fondamentaux, doit pouvoir bénéficier de l'intégralité des

19 documents qui sont utilisés contre lui.

20 Je suis tout à fait en accord avec Me Par pour ce qui est de l'objection

21 qu'il a élevée.

22 M. le Président (interprétation): Nous saisissions que vous avez une

23 objection à élever sur ce point précis. Nous l'aurons bien sûr à l'esprit

24 lorsque nous nous pencherons sur ce document en temps utile et nous

25 verrons s'il convient que ces documents soient versés au dossier ou pas.

Page 8400

1 Mais laissons maintenant l'accusation poursuivre son travail.

2 M. Scott (interprétation): Sir Garrod, j'attire maintenant votre attention

3 sur cette dernière page. J'espère que vous pourrez nous aider. Si ce n'est

4 pas le cas, nous passerons à autre chose.

5 Vous nous avez parlé du fait que, très régulièrement, les organisations

6 internationales n'avaient pas une totale liberté de mouvement, que leur

7 accès à certains endroits était limité. Est-ce que c'est exact?

8 Sir Garrod (interprétation) Oui.

9 Question: Est-ce que vous vous rappelez s'il y avait une zone autour de

10 Sovici et de Doljani qui est une zone qui a été très longtemps interdite

11 d'accès aux organisations internationales?

12 Réponse: C'est exact. Ce document est daté du 3 juin mais, dès cette

13 époque, il y avait une de nos équipes qui se trouvait à Jablanica. Par la

14 suite, nous avons dû retirer cette équipe, car le véhicule avait été

15 confisqué, pris par les Moudjahidine. Et à cette époque, je le répète,

16 nous avions déjà une équipe à Jablanica.

17 Question: Monsieur le Président, je vais juste demander à la Chambre de

18 laisser un constat judiciaire de ce qui apparaît. En fait, c'est pour

19 essayer d'avoir une séquence d'événements.

20 Si vous essayez de remonter en arrière, si vous remontez en arrière de

21 sept semaines, comme c'est indiqué ici, donc si l'on part du 3 juin et que

22 l'on remonte de sept semaines en arrière, vous arrivez au 15 avril 1993.

23 Période à laquelle le blocus des organisations internationales autour de

24 Sovici et Doljani a commencé?

25 Réponse: Je dois dire que je ne peux pas dire quelle était la situation

Page 8401

1 qui prévalait à cette époque-là.

2 Question: Justement, c'est l'objet de ma question suivante: est-ce qu'au

3 cours de votre séjour, il y a eu un certain nombre de cas où l'accès à

4 certaines zones était totalement interdit par le HVO?

5 Réponse: Oui, tout à fait. Et des zones particulièrement importantes: je

6 pense, par exemple, à Stupni Do et à un autre endroit encore.

7 Réponse: Très bien. Nous allons maintenant poursuivre l'examen de ces

8 pièces. Nous passons à la pièce suivante, c'est la pièce 460 qui nous

9 intéresse à présent.

10 Il s'agit d'un document dont le titre est "Marches à suivre en Bosnie-

11 Herzégovine". En haut à gauche, on lit: "Ole Brix Andersen, responsable

12 adjoint de la mission datée du 16 juin 1993". J'attire votre attention sur

13 le paragraphe 10 qui apparaît à la page 2. Lisez ce paragraphe. Cela vous

14 oblige également à lire ce qui apparaît en haut de la page 3.

15 (Le témoin lit ce paragraphe.)

16 Pourriez-vous dire aux Juges si vous partagez ou non l'opinion qui

17 apparaît ici? Est-ce que c'est quelque chose que vous avez pu vérifier

18 lors de votre mission en Bosnie?

19 Réponse: Totalement.

20 Question: De la même façon, je vous demanderai de lire le paragraphe 12.

21 Je vous demande de vous fonder sur votre propre observation et propre

22 expérience. Est-ce que les conditions décrites ici prévalaient sur le

23 terrain et est-ce que la situation se prolongeait pendant toute la période

24 de temps que vous avez passée en Bosnie-Herzégovine?

25 Réponse: Oui.

Page 8402

1 Question: J'attire votre attention sur la deuxième phrase du paragraphe

2 12. Est-ce que cela correspond à ce que vous avez pu observer à Mostar

3 Ouest et décrit, il y a quelques heures, aux Juges de cette Chambre?

4 Réponse: Oui, il n'y avait pas de doute dans mon esprit, c'était bien

5 l'intention qui était manifestée.

6 Question: Lorsqu'on lit -je cite-: "Dans les quartiers croates de la

7 ville, la vie a repris son cours normal" (fin de citation). Est-ce que

8 c'est bien ce que vous avez observé à Mostar Ouest?

9 Réponse: Oui, la vie avait repris son cours normal dans les cafés, les

10 magasins; alors qu'à Mostar Est, il n'y avait pas une seule boutique de

11 quelque nature qu'elle soit qui soit ouverte. C'était vraiment le jour et

12 la nuit.

13 Question: J'attire maintenant votre attention au paragraphe 18. A la page

14 suivante, il y a un intitulé qui dit: "Musulman". J'attire votre attention

15 sur une phrase qui, en fait, a un lien avec quelque chose que vous nous

16 avez dit un peu plus tôt aujourd'hui, qui fait référence aux quantités de

17 territoires qui ont été remis aux Croates de Bosnie d'après le plan Vance-

18 Owen.

19 Une phrase dit au paragraphe 18 -je cite-: "La carte d'origine donnait des

20 zones à majorité musulmanes à Jablanica et à Konjic aux Croates". (Fin de

21 citation.)

22 Est-ce que c'est bien exact?

23 Réponse: Pour autant que je m'en souvienne, je crois que c'était le cas

24 mais cela a été changé lorsque la carte a été revue et refaite.

25 Question: Du fait que les Croates ont été un peu gâtés dans le cadre du

Page 8403

1 plan Vance-Owen, ils ont reçu un traitement de faveur, est-ce que vous

2 n'avez jamais interprété le sigle "VOPP" comme quelque chose de

3 particulier?

4 Réponse: En fait, c'est un petit jeu de mots avec l'initiale "HVO" qui

5 veut dire "force de défense croate". En fait, "VOPP" voulait dire en

6 langue croate "Salut, plan de paix Vance-Owen" puisque les Croates se

7 voyaient réserver un traitement préférentiel.

8 Question: J'attire votre attention sur la page 7. En haut de la page, il y

9 a un sous-paragraphe qui apparaît, le sous-paragraphe F. Nous abordons,

10 dans le cadre de ce sous-paragraphe, un sujet un petit peu différent. Je

11 préfère le traiter maintenant de toute façon.

12 L'une des recommandations qui est faite par l'ECMM à cette époque-là, est

13 d'imposer des mesures de restriction très claires sur les acteurs en place

14 -Croates de Bosnie aussi bien que Croates. Est-ce que vous pouvez

15 expliquer à la Chambre pourquoi on appliquerait des sanctions seulement à

16 l'égard des Croates ou à la population de la République de Croatie?

17 Pourquoi est-ce qu'on ne dit pas "Croates de Bosnie" dans le texte que je

18 viens de lire?

19 Réponse: Eh bien, ce sera sans aucun doute du fait de la présence de

20 l'armée croate en Bosnie, c'est la raison pour laquelle on cite les

21 Croates et les Croates de Bosnie.

22 Par ailleurs, il y a un lien extrêmement étroit entre les Croates de

23 Bosnie et les Croates de Croatie. Et je me permets d'ajouter que les

24 Croates en Bosnie étaient tous détenteurs d'un passeport croate. Ils

25 faisaient référence à "notre Président" et ils parlaient du Président

Page 8404

1 Tudjman; ils avaient le droit de vote dans les élections croates et ils

2 chantaient le même hymne national.

3 Question: Nous regardons maintenant, si vous le voulez bien, la pièce P

4 465. Nous allons devoir consacrer un petit peu de temps à la lecture de ce

5 qui m'intéresse.

6 Dans un premier temps, il va vous falloir prendre quelque temps pour lire

7 cela de façon approfondie. Ce qui m'intéresse, c'est la première page et

8 demie. Je vous demanderai de lire cela attentivement parce que j'aurais

9 des questions à vous poser sur ce qui apparaît là-dessus.

10 (Le témoin lit avec précaution le passage.)

11 Réponse: Oui. J'ai lu ces deux premières pages.

12 Question: Monsieur Thebault fait référence, au deuxième paragraphe, à

13 l'affaire Travnik; et je dirais qu'il y a un rapport qui fait partie de ce

14 même document qui est intitulé "Rapport spécial sur Travnik" qui apporte

15 un certain nombre d'informations. Mais je ne vais pas y passer trop de

16 temps maintenant.

17 Est-ce que vous savez, Sir Garrod, pourquoi M. Thebault parle de l'affaire

18 Travnik comme étant une opération de propagande absolument extraordinaire?

19 Réponse: Oui, il y avait des combats à Travnik en Bosnie centrale entre

20 les Croates et les Musulmans, et un grand nombre de Croates ont quitté

21 Travnik, ainsi que les environs.

22 En fait, toute la question était de savoir s'il y avait eu nettoyage

23 ethnique perpétré par les Bosniens. La question était également de savoir

24 dans quelle mesure on avait poussé ces Croates à quitter la région, même

25 s'ils l'avaient peut-être fait parce qu'ils avaient peur des Moudjahidine.

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1 Si l'on regarde justement le rapport qui suit et dont vous parliez, et je

2 précise ici que j'ai énormément de respect pour l'un des auteurs de ce

3 rapport que je connais très bien…

4 Question: Qui est cette personne?

5 Réponse: Philip Watkins, dont le nom apparaît tout à la fin du document.

6 Cette personne avait passé beaucoup de temps dans la zone.

7 Et je n'aurais aucun problème si l'on me demandait de croire ce qu'il a

8 indiqué dans ce rapport, notamment au paragraphe 5 quand il parle de

9 "déplacements de populations".

10 Question: Je vais faire une petite pause pour que les Juges aient le temps

11 de voir ce à quoi vous faites référence.

12 Réponse: C'est le paragraphe 5 du "Rapport spécial".

13 M. Scott (interprétation): Sur la base de ce que vous venez de dire, je

14 vous demande de vous reporter à la première page de la pièce. En bas de la

15 page, on parle de "démographie" entre autres.

16 Je voudrais vous demander si, au cours du temps que vous avez passé à vous

17 pencher sur ces questions, donc de début juillet 1993 à avril 1994, vous

18 avez pu observer que l'opinion des Croates quant à la représentation

19 ethnique évoluait? Est-ce qu'ils pensaient que la situation en matière de

20 représentation ethnographique évoluait en leur faveur ou en leur défaveur?

21 Sir Garrod (interprétation): Lorsque j'étais en Bosnie centrale, on m'a

22 dit, à plusieurs reprises, que les Croates, y compris des hommes

23 représentants l'Eglise, qu'ils avaient l'impression d'être trahis par

24 leurs collègues qui se trouvaient dans le sud, et qui ne s'intéressaient

25 qu'à la République croate d'Herceg-Bosna, qui ne s'intéressaient pas à

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1 eux. C'est-à-dire les Croates qui se trouvaient en Bosnie centrale.

2 Et j'irais même plus loin, je dirais qu'il y avait un schisme au sein des

3 rangs les plus élevés du HDZ, donc du côté des Croates, certains pensaient

4 que leur avenir même reposait sur leur capacité à se concentrer dans le

5 sud de la Bosnie, donc République croate d'Herceg-Bosna allant de Dvar à

6 Mostar; et d'autres, y compris Kresimir Zubak, y compris Ivan Bender, y

7 compris Valentin Saric pensaient et m'ont dit que l'avenir des Croates

8 était en Bosnie centrale.

9 Alors, vous voyez: il y avait cette division, il y avait ceux qui

10 souhaitaient se concentrer dans le sud, et d'ailleurs je peux illustrer ce

11 fait en vous disant ce qui s'est passé à une époque, qui n'a rien à voir

12 avec les faits qui nous occupent. En 1997, j'étais à la tête du HCR à

13 Mostar. J'ai eu une rencontre avec le responsable de l'association croate

14 pour les personnes déplacées…

15 M. le Président (interprétation): Maître Meek?

16 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, la

17 défense de Mladen Naletilic s'oppose vigoureusement, fermement, à ce que

18 ce témoin s'exprime sur ce qui a pu se passer en 1997.

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, cette période ne nous

20 intéresse pas et il va falloir que vous nous expliquiez la pertinence de

21 ce cas Travnik dans le cadre de notre affaire.

22 M. Scott (interprétation): Je vais poser une question supplémentaire au

23 témoin mais, avant de le faire, je voudrais dire qu'il cite cela à titre

24 d'illustration de son propos. C'est quelque chose qui permet d'illustrer

25 quelque chose qui, dès 1993, était une réalité sur le terrain. Mais je

Page 8407

1 vais poser ma question supplémentaire.

2 Sir Martin, avant de nous faire le récit que vous vous apprêtiez à faire,

3 et peut-être que la Chambre ne vous permettra pas de faire ce récit, je

4 voudrais vous poser une question.

5 Vous nous avez dit qu'il y avait deux écoles de pensées parmi les

6 dirigeants croates de Bosnie. Est-ce que vous pourriez nous dire en quoi

7 ce serait à l'avantage de l'un de ces groupes ou l'autre de consolider la

8 présence de la population croate de Bosnie en Herzégovine plutôt qu'en

9 Bosnie centrale?

10 Sir Garrod (interprétation): Est-ce que je peux continuer ma réponse de

11 tout à l'heure?

12 M. Scott (interprétation): Non, je vous demande de répondre d'abord à

13 cette question.

14 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik, vous avez la parole.

15 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, avec votre permission,

16 Me Meek fait objection avec une grande fréquence et je sais que vous

17 n'avez autorisé qu'un conseil à se lever pour faire des objections. Mais

18 je suis tout de même le conseil principal et je me dois de faire à mon

19 tour un certain nombre d'objections, objections à la façon dont on pose

20 aujourd'hui des questions au témoin.

21 Nous ne pouvons pas, Monsieur le Président, Mesdames les Juges, permettre

22 ces types de questions. Nous traitons de sujets ou de d'événements qui se

23 sont produits en Bosnie centrale. Cela n'a aucun lien, même ténu, avec mon

24 client.

25 Nous parlons d'opinion politique de certains dirigeants, nous parlons

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1 d'observations sur des événements qui n'ont rien à voir avec ce qui est au

2 coeur de l'Acte d'accusation. Et nous sommes maintenant si éloignés de la

3 période de temps qui nous intéresse, parce que nous sommes maintenant en

4 1997, que nous nous y retrouvons plus.

5 Nous avons tous beaucoup d'estime pour le témoin mais le témoin a parlé de

6 beaucoup de choses aujourd'hui. Il a parlé de beaucoup de choses, mais il

7 n'a pas parlé de 1993, de Mostar et de son séjour dans cette ville.

8 La période de temps que notre respectable témoin a passé à Zenica

9 d'octobre à avril 1994 n'a fait l'objet, pardon, d'aucun rapport et

10 pourtant ce témoin se voit demander de confirmer l'opinion de ce

11 prédécesseur.

12 Alors qu'il n'est même pas amené à parler de ses propres opinions, il est

13 appelé à se prononcer sur l'opinion d'autres personnes, il parle

14 d'événements auxquels par ailleurs qu'il n'a jamais pris part. Donc nous

15 faisons une objection très ferme et nous vous remercions de nous avoir

16 entendus.

17 M. le Président (interprétation): Merci.

18 Monsieur Scott, nous avons déjà dit que nous ne souhaitions pas entendre

19 parler d'éléments de preuve, nous ne voulions entendre parler que

20 d'éléments de preuve qui ont un lien avec notre affaire.

21 M. Scott (interprétation): C'est ce que vous avez entendu, Monsieur le

22 Président. En tout cas, dans la majorité des réponses du témoin, on parle

23 de ce qui est au coeur de notre affaire. Il y a juste eu maintenant cette

24 référence à 1997. Il n'est pas juste de dire que mon témoin n'a pas parlé

25 de l'année 1993. Presque tout ce qu'il a dit porte sur les événements qui

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1 se sont produits cette année-là.

2 M. le Président (interprétation): Nous comprenons que ce rapport est daté

3 du 19 juin 1993.

4 M. Scott (interprétation): C'est exact.

5 M. le Président (interprétation): Et nous allons vous autoriser à

6 poursuivre un petit peu pour voir s'il y a effectivement des éléments

7 pertinents dans ce rapport. Mais si ce n'est pas pertinent, eh bien, nous

8 aurons l'obligation d'expurger tout ce passage du compte rendu d'audience.

9 M. Scott (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

10 Sir Martin, je ne sais pas si vous vous souvenez de ma dernière question.

11 Voyons si je peux la reformuler.

12 Est-ce qu'en vous fondant sur vos propres observations et sur vos propres

13 expériences dans la région, vous pourriez nous expliquer s'il y aurait eu

14 un avantage quelconque pour l'un des deux groupes que vous évoquiez tout à

15 l'heure? Y avait-il donc eu un avantage quelconque à déplacer la

16 population croate de Bosnie vers l'Herzégovine plutôt que de la laisser

17 dans la région autour de Travnik?

18 Sir Garrod (interprétation): Disons que pour ces personnes qui avaient un

19 idéal, qui était que les Croates restent dans leur territoire -dit

20 historique- en Bosnie centrale, il aurait été désespérant d'abandonner

21 complètement la Bosnie centrale. Ces idéalistes auraient souhaité pouvoir

22 se réinstaller dans ces régions où leur population avait été très

23 importante.

24 Pour ce qui est de l'autre école de pensées, eh bien, elle voyait un

25 certain nombre d'avantages, y compris militaires, à la consolidation de la

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1 population croate dans une zone un petit peu plus réduite. En

2 l'occurrence, la République Croate d'Herceg-Bosna. Notamment, au vu du

3 fait que cette zone un petit peu plus réduite était contiguë à la

4 République de Croatie. Donc ils y voyaient des avantages pratiques,

5 politiques, militaires. Cette consolidation de leur population dans le Sud

6 présentait, pour eux, bien des avantages. Mais pour d'autres personnes,

7 comme Zubak, il s'agissait d'un anathème, et il pensait -je le répète- que

8 l'avenir des Croates se trouvait en Bosnie centrale dans les territoires

9 historiques.

10 Question: Je vais brièvement finir mes questions sur ce document, Monsieur

11 le Président. Deux questions brèves, je vais conclure là-dessus.

12 Sir Martin, j'attire votre attention sur la deuxième page: pas tout à fait

13 au milieu, il y a un paragraphe qui commence par les mots "Cela semble

14 machiavélique mais, en fait, c'est seulement quelque chose qui est

15 caractéristique des Balkans". Et il y a un certain nombre de noms qui

16 apparaissent à la suite de cette phrase.

17 Je vois que vous avez l'air un petit peu perdu et je vais vous essayer de

18 vous aider. C'est la deuxième page qui nous intéresse. Pas la deuxième

19 page du rapport de M. Watkins, mais la deuxième page de la pièce que nous

20 regardions tout à l'heure, la pièce 465.

21 Si vous voulez regarder ce paragraphe, vous voyez qu'il est fait référence

22 à un certain nombre de personnes. La plupart de ces personnes, en fait,

23 toutes ces personnes sont des personnes dont vous nous avez donné le nom

24 aujourd'hui.

25 Est-ce que vous seriez d'accord avec M. Thebault pour dire que ces

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1 dirigeants croates de Bosnie étaient des personnes qui avaient des

2 opinions radicales, extrémistes?

3 Réponse: Je dirais qu'il s'agissait de radicaux, tous: Boban, Stojic,

4 Kordic, Valenta, sans exception.

5 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je vois que le moment

6 est venu de faire la pause. Nous allons nous interrompre.

7 M. le Président (interprétation): Je vais demander à l'huissier de

8 reconduire le témoin hors de la salle pour commencer.

9 (Le témoin, Sir Martin Garrod, est reconduit hors du prétoire.)

10 M. le Président (interprétation): Nous nous retrouverons à 17 heures 45.

11 (L'audience, suspendue à 17 heures 17, est reprise à 17 heures 49.)

12 (Le témoin, Sir Martin Garrod, est introduit dans le prétoire.)

13 M. le Président (interprétation): Avant l'arrivée de notre témoin, je

14 voudrais poser une question. Vous savez que l'examen du Bureau du

15 Procureur tire à sa fin, pour le moment, nous aurons -je crois- une

16 conférence de mise en état. Et je crois qu'il faudrait entendre quelles

17 seraient les autres questions liées au problème de la procédure.

18 J'aimerais d'abord entendre la réaction du conseil de la défense

19 maintenant. Maître Krsnik? Excusez-moi, je ne vous ai pas saisi.

20 M. Krsnik (interprétation): C'est à ce moment que vous voudriez que nous

21 formulions nos objections?

22 M. le Président (interprétation): Non, mais certainement après avoir

23 entendu le témoin.

24 M. Seric (interprétation): Monsieur le Président, nous nous sommes mis

25 d'accord pour avoir un entretien avec le Bureau du Procureur. Nous serions

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1 beaucoup mieux préparés pour cette conférence de mise en état ou bien cela

2 pourra avoir lieu après cette déposition.

3 M. le Président (interprétation): Merci.

4 Monsieur Scott, veuillez poursuivre.

5 M. Scott (interprétation): Sir Martin, je voudrais attirer votre attention

6 sur la pièce que nous avons déjà lue et sur laquelle nous nous étions

7 arrêtés. Nous passons maintenant à la pièce 532 dans le classeur. Dans

8 certains de ces exemplaires, le numéro de la pièce ne se voit pas, c'est

9 le document qui porte la date "23 juillet", ici c'est marqué le "22", mais

10 c'est marqué le "23 juillet".

11 A titre d'information sur le moment, je voudrais attirer votre attention

12 sur deux paragraphes de ce document et vous poser une question concernant

13 les deux premiers paragraphes.

14 Sir Garrod (interprétation): Oui, il porte la date du 23.

15 Question: Oui, c'est marqué "23 juillet 1993". Dans cette situation, vous

16 vous trouvez sur le terrain lui-même; on parle des barrages routiers, du

17 blocus des routes. Est-ce que cela dure jusqu'au moins l'année 1993?

18 Réponse: Oui. Comme je l'avais déjà mentionné, il était nettement plus

19 facile à la fin de l'année, mais ces blocus et ces barrages routiers

20 persistaient.

21 Question: Est-ce que vous vous étiez adressé aux dirigeants des Croates de

22 Bosnie pour résoudre cette question concernant la liberté de mouvement,

23 concernant les forces de la Forpronu et de l'ECMM et au nom également du

24 passage des convois humanitaires?

25 Réponse: Ma première préoccupation était la liberté de mouvement dans et

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1 hors de Mostar. Je m'étais en quelque sorte focalisé sur le mouvement vers

2 la Bosnie centrale, mais je m'étais focalisé sur Mostar et sur la zone

3 immédiate de Mostar.

4 M. Scott (interprétation): Je voudrais attirer votre attention maintenant

5 sur une autre partie du document.

6 Aviez-vous eu des discussions avec le général Pasalic concernant

7 l'expulsion des Bosniaques, avec le général Pasalic de l'armée BiH,

8 concernant l'expulsion des Bosniaques à Mostar, en juin, en été et automne

9 1993?

10 Sir Garrod (interprétation): Oui, je me suis entretenu régulièrement avec

11 lui. J'avais également rencontré les chefs du HVO et des chefs croates sur

12 une base régulière; je leur avais parlé également de la date du 22

13 septembre concernant les expulsions.

14 M. le Président (interprétation): Maître Meek?

15 M. Meek (interprétation): Je cite "expulsion". Je cite. Il faudrait placer

16 une objection: le général Pasalic est mort; il n'y a aucune raison que

17 nous soyons là à mettre une sub poena à l'égard de la Cour, concernant

18 toute forme de contre-interrogatoire et concernant également la fiabilité

19 de ce témoin. Le général Pasalic est mort et nous n'avons aucun droit de

20 confronter le témoin: cela porterait préjudice à mon client si ce

21 témoignage entrait dans les registres.

22 M. le Président (interprétation): Bien, Maître Meek.

23 Nous estimons que la déposition de ce témoin est très importante et la

24 question soulevée est pertinente concernant l'Acte d'accusation. Et nous

25 comprenons que, si quelque chose s'était produit à la personne qui s'était

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1 engagée dans cet entretien, vu que ceci est important pour la situation,

2 nous aimerions donc entendre ce que le témoin va nous en dire. Il ne fait

3 pas de doute que nous n'allons pas entièrement faire confiance en ces

4 éléments de témoignage, compte tenu de vos objections.

5 M. Meek (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

6 M. le Président (interprétation): Vous pouvez poursuivre, Témoin.

7 Sir Garrod (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

8 Le général Pasalic m'avait dit, à cette époque, qu'il y avait entre 20 à

9 90 personnes qui avaient été expulsées de Mostar Ouest vers l'Est, toutes

10 les nuits, et qu'il y avait des expulsions qui avaient été filmées dans ce

11 film que j'avais évoqué précédemment, ce film fait par Jeremy Bowen de la

12 BBC. Donc il n'y a aucun doute à cet égard.

13 M. Scott (interprétation): Pouvez-vous nous confirmer que ces expulsions

14 s'étaient poursuivies à l'époque de votre mission à Mostar?

15 Réponse: Les expulsions ont continué jusqu'à fin de 1996, donc trois ans

16 et demi plus tard.

17 Question: En fait, ces expulsions se sont donc poursuivies jusqu'à la fin

18 1993 et début 1994?

19 Réponse: Juste.

20 Question: J'attire votre attention sur la date du 15 août 1993. Aviez-vous

21 pris un repas?

22 Réponse: Oui, j'étais invité par Ivo Culjak, de Siroki Brijeg, dans sa

23 demeure. C'était une belle demeure. Nous avions un barbecue près de sa

24 piscine.

25 Question: Est-ce que vous avez rencontré quelqu'un dont vous pourriez vous

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1 souvenir?

2 Réponse: Oui, la personne qui s'était assise à côté de moi, avait des

3 cheveux gris et était en uniforme de camouflage. Il m'avait dit qu'il

4 s'appelait "Tuta"; il semblait quelque peu déçu lorsque je lui ai demandé

5 de reprendre son nom parce qu'il avait supposé que je devais savoir qui il

6 était. Mais à cette époque, ce nom ne me disait rien.

7 Au cours du déjeuner, on s'était engagé dans un entretien intéressant. Il

8 avait été hors de Bosnie depuis 23 ans. Il avait vécu en Amérique du sud,

9 en Allemagne, en Italie, en Hollande. Qu'il avait été propriétaire de

10 casino et qu'il aimait comme jeu de distraction le backgammon et le poker.

11 Le sujet, lors de notre repas, était ses soucis et ses mises en garde

12 concernant la mise en place d'un Etat fondamentaliste islamiste en Bosnie;

13 ce qui, d'après lui, était l'objectif d'Alija Izetbegovic. Il m'avait dit

14 que tous les généraux bosniaques que j'avais rencontrés en Bosnie centrale

15 insistaient sur un tel Etat. Mais je crois que je n'ai pas réussi à

16 convaincre Mladen Naletilic qu'il n'en était pas ainsi. Je dois remarquer

17 qu'à l'époque, ou plus tard, Mladen Naletilic avait certainement beaucoup

18 de charisme.

19 M. Scott (interprétation): Avez-vous appris quoi que ce soit, que Tuta

20 avait des vues particulières à l'égard de cet homme Mate Boban?

21 Sir Garrod (interprétation): Non, je ne le savais pas, mais j'ai appris

22 plus tard qu'il était un grand admirateur.

23 M. le Président (interprétation): Maître Meek?

24 M. Meek (interprétation): Je fais objection concernant la façon dont est

25 menée cette question.

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1 M. le Président (interprétation): Maître Meek, j'estime que le Bureau du

2 Procureur a posé ses questions concernant la conversation que le témoin

3 avait engagée avec votre client, il n'y a là aucun problème à voir.

4 Oui, Monsieur Scott, vous pouvez continuer.

5 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, ceci me permet de

6 formuler la question suivante.

7 Sir Garrod (interprétation): J'ai appris que "Tuta" était très proche de

8 Mate Boban et était un grand admirateur de Mate Boban. Et il avait formulé

9 ses opinions dans une interview publiée dans un hebdomadaire croate

10 national.

11 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Meek?

12 M. Meek (interprétation): Je voudrais que l'intervalle fixé, de

13 l'interview supposée, soit fourni.

14 M. le Président (interprétation): C'est une demande tout à fait légitime.

15 M. Scott (interprétation): Sir Garrod, pourriez-vous nous aider concernant

16 le moment où cet article est paru dans la revue nationale: à quel moment?

17 Sir Garrod (interprétation): Oui, je m'en souviens bien, c'était novembre

18 1995.

19 Question: Est-ce que vous avez jamais rencontré un homme appelé Ivan

20 Andabak pendant votre séjour en Herzégovine?

21 Réponse: Oui, j'étais conscient que Mladen Naletilic était commandant de

22 la KB de Siroki Brijeg. J'étais conscient qu'Ivan Andabak était son

23 adjoint, et je savais que Vinko Martinovic avait une position subordonnée

24 dans cette brigade.

25 Question: Avez-vous rencontré M. Andabak?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Dans quelles circonstances avez-vous rencontré M. Andabak?

3 Réponse: Je l'ai rencontré lors d'une réception avec les officiers du

4 Bataillon espagnol, à Medjugorje. Il parlait un bon espagnol et avait de

5 bon lien avec les officiers espagnols.

6 Question: Avant de continuer, je voudrais dire que vous avez eu(?) cette

7 information sur Vinko Martinovic, connu comme "Stela": "il est juste que

8 je ne l'ai pas rencontré en personne"?

9 Réponse: Non, il m'a demandé de venir et de le rencontrer. Mais je devrais

10 l'expliquer. Mais à la dernière minute, il n'est pas venu.

11 Question: Nous continuons pour le moment. A partir des témoignages

12 antérieurs que vous avez fournis, pourriez-vous expliquer à la Chambre vos

13 réflexions sur la relation entre la République de Croatie et les

14 événements qui se déroulaient en Bosnie-Herzégovine?

15 Réponse: Oui, il y avait bien entendu des liens très étroits entre les

16 Croates en Bosnie-Herzégovine et la Croatie. Comme je l'ai dit, ils

17 parlaient du Président Tudjman en tant que leur Président. Et j'avais

18 mentionné également des liens très puissants avec d'autres personnes

19 importantes dans le Ministère de la défense en Croatie, notamment Gojko

20 Susak qui était originaire de Herzégovine et qui était membre du

21 gouvernement en Croatie.

22 Question: Pourriez-vous dire à la Chambre, d'après vos observations, si

23 les gens de Siroki Brijeg jouaient un rôle important par rapport à votre

24 expérience à Mostar?

25 Réponse: J'ai toujours ressenti que Siroki Brijeg était une zone très peu

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1 importante du point de vue croate en Bosnie, qui était à quelque vingt

2 kilomètres de Mostar, et jouait un rôle important sur ce qui se déroulait

3 à Mostar, puisque ces personnes si importantes vivaient à Siroki Brijeg,

4 et Susak est le consul général croate, Mladen Naletilic et autres. Donc il

5 y avait toute une série de personnalités importantes qui étaient liées à

6 Siroki Brijeg.

7 Question: Mon collègue m'a signalé que vous vous référiez au consul

8 général croate dont le nom n'a pas été marqué sur le compte rendu

9 d'audience.

10 Réponse: Oui, son nom est Ciro Grubisic. Est-ce que je dois corriger

11 l'orthographe de son nom?

12 Question: Oui.

13 Réponse: Ciro Grubisic. Juste.

14 M. Scott (interprétation): Pourriez-vous dire à la Chambre si quelqu'un,

15 parmi les fonctionnaires officiels de Croatie, était venu au titre de

16 délégation officiel croate?

17 Sir Garrod (interprétation): Oui, certainement. Susak lui-même était venu

18 dans une délégation croate à Mostar. Il était venu pour les entretiens du

19 côté croate. Et Aros Siledzic(?) était venu pour le côté des Bosniaques.

20 M. Meek (interprétation): Je voudrais une fois de plus que nous fixions

21 les dates et l'intervalle horaire dans lequel ces événements doivent être

22 situés.

23 M. le Président (interprétation): Oui, je comprends.

24 M. Scott (interprétation): Oui. Concernant Gojko Susak qui était à la tête

25 de la délégation que vous mentionnée, pourriez-vous me dire à quel moment

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1 cela se situait?

2 Sir Garrod (interprétation): Oui, c'était en janvier 1996.

3 M. Scott (interprétation): Aviez-vous eu des entretiens avec cette

4 délégation et pourquoi la délégation croate de Bosnie avait à la tête un

5 fonctionnaire de la République de Croatie?

6 M. le Président (interprétation): Maître Meek?

7 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, nous parlons maintenant

8 de 1996 et je crois que nous nous étions déjà arrêtés dans notre décision

9 antérieure, qu'on allait s'en tenir aux dates de 1995 et 1996. Ceci est

10 donc mon objection.

11 M. le Président (interprétation): Nous allons tenir compte des objections.

12 Sir Garrod (interprétation): Je le regrette.

13 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, continuez.

14 M. Scott (interprétation): Si vous pouvez vous souvenir de la question, je

15 répète: est-ce que vous avez compris lors de vos entretiens pourquoi la

16 délégation était menée par un fonctionnaire tellement important du

17 Gouvernement de Croatie, notamment que dans les affaires croates en

18 Bosnie-Herzégovine il y aurait une telle interférence de la présence

19 indirecte du Président Tudjman?

20 Sir Garrod (interprétation): Oui.

21 Question: Nous allons faire une pause. Est-ce que vous vous souvenez: il y

22 avait le cas avec M. Susak, est-ce que c'était la seule circonstance?

23 Avait-il un autre nom? Vous souvenez-vous d'un nom, Mate Granic, qui

24 dirigeait la délégation croate des Bosniaques?

25 Réponse: Oui, j'ai eu beaucoup d'entretiens avec Mate Granic qui était

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1 ministre aux Affaires étrangères de Croatie. Je l'ai rencontré, je crois,

2 le 20 septembre 1993, et c'était suite à un accord sur l'aide humanitaire:

3 accord entre le Président Tudjman et le Président Izetbegovic. C'était une

4 réunion.

5 Il s'agissait du camp de détenus de Dretelj. Nous nous étions rencontrés à

6 Grude. Et Mate Granic était accompagné de Jadranko Prlic qui était

7 conseiller pour les affaires étrangères de Mate Boban.

8 Après la réunion de Grude, nous nous sommes dirigés vers le camp de

9 Dretelj.

10 Question: Quel était l'objectif de cette visite de Dretelj?

11 Réponse: Eh bien, nous allions oeuvrer à la fermeture du camp de Dretelj

12 et, à l'arrivée, Mate Granic, un homme pour lequel j'ai toujours eu

13 beaucoup d'estime, s'est adressé aux détenus et a dit qu'il allait être

14 libéré. Acte pour lequel il a eu beaucoup d'applaudissements. Une semaine

15 plus tard, on m'a confirmé que 500 d'entre ces détenus avaient été emmenés

16 à l'île de Korcula. Et j'ai eu confirmation de cette décision comme quoi

17 le chef du CICR de Mostar m'a confirmé que 500 de ces détenus avaient été

18 envoyés à Korcula, alors que les autres allaient être libérés.

19 M. Scott (interprétation): Je m'excuse, mais on nous a demandé de ralentir

20 un peu. Je vais revenir un peu en arrière et reposer ma question.

21 Pourriez-vous nous dire à quel pays appartient l'île?

22 Mme Diarra: Je n'ai pas compris ce qui s'est passé avec ces 500

23 prisonniers. Pourriez-vous revenir sur cette question, Monsieur Scott?

24 M. le Président (interprétation): Nous n'avons pas eu de traduction.

25 M. Scott (interprétation): Je m'excuse.

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1 Sir Garrod, nous revenons à ce que vous disiez un peu plus tôt à propos de

2 la visite de Dretelj. Est-ce que vous pourriez revenir là-dessus très

3 brièvement? Vous êtes allé à Dretelj avec Mate Granic. Pourriez-vous, s'il

4 vous plaît, revenir en arrière et nous faire le récit de ce qui s'est

5 passé?

6 Sir Garrod (interprétation): Certainement. Le ministre des Affaires

7 étrangères était Mate Granic; il était donc ministre des Affaires

8 étrangères de la Croatie. C'était le chef de la délégation et il venait

9 pour suivre des discussions portant sur un accord sur des affaires

10 humanitaires. Cet accord devait intervenir entre les Présidents Tudjman et

11 Izetbegovic.

12 Après la réunion, qui s'est tenue à Grude, nous nous sommes rendus à

13 Dretelj, le camp de détention. C'est là que Mate Granic s'est exprimé

14 devant les détenus pour leur dire qu'ils allaient très libérés. Il a été

15 applaudi suite à cette déclaration. Une semaine plus tard, Vladislav

16 Pogacic m'a dit que 500 de ces détenus avaient été déplacés, de façon

17 temporaire, vers l'île de Korcula; c'est une île qui se trouve au large de

18 la côte croate.

19 Cela m'a été confirmé par Claudio Baranzani, qui est le responsable du

20 CICR de Mostar. Et c'est lui aussi qui m'a dit que le CICR surveillait les

21 événements qui se produisaient à Dretelj, les surveillait de très près, et

22 que le CICR contrôlait également la libération des détenus qui étaient

23 encore dans le camp.

24 Question: Nous allons poursuivre sur ce sujet. Est-ce que des indications

25 vous ont été données selon lesquelles, pendant que ces 500 détenus avaient

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1 été transférés vers la Croatie, un certain nombre de choses s'étaient

2 produites?

3 Réponse: Non, je ne peux pas répondre à cela. Je ne sais pas pourquoi ces

4 500 détenus ont été déplacés. Peut-être qu'il n'y avait pas

5 d'installations de taille suffisante autour de Mostar, peut-être que le

6 gouvernement croate essayait de résoudre ce qui était devenu une situation

7 de crise politique. La situation de ces détenus était devenue vraiment un

8 problème politique assez aigu.

9 Question: Pourquoi était-ce devenu aussi sérieux?

10 Réponse: Après le début des combats à Mostar, des milliers de détenus ont

11 été placés en détention dans des camps, notamment à l'Héliodrome, à

12 Mostar, Dretelj, Gabela, Ljubuski. D'autres encore. Il était

13 particulièrement difficile…, il nous était particulièrement difficile de

14 pénétrer à l'intérieur de ces camps de détention, alors même que nous

15 entendions toutes sortes de récits très préoccupants. Seul, le CICR avait

16 accès à ces camps.

17 Nous nous demandions vraiment…, nous étions très préoccupés par le fait

18 que ces hommes étaient détenus pendant si longtemps. Nous étions

19 absolument déterminés et décidés à obtenir leur libération. Il ne

20 s'agissait pas de criminels, ils avaient été placés en détention parce

21 qu'ils étaient en âge de porter les armes. C'est tout.

22 Question: Alors, pouvons-nous aller une étape plus loin? Pourquoi est-ce

23 que c'est devenu un sujet politique brûlant?

24 Réponse: Parce que la communauté internationale était très préoccupée par

25 l'existence de ces camps. Nous ne savions que très peu de choses à propos

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1 des camps. Nous nous demandions ce qui se passait à l'intérieur de ces

2 camps: si ce qui s'y produisait était acceptable ou pas. Et puis nous nous

3 demandions, pour commencer, pourquoi ces personnes étaient toujours en

4 détention.

5 Question: Est-ce que vous avez entendu parler d'une quelconque décision

6 visant à fermer ces camps avant que Mate Granic, ministre des Affaires

7 étrangères se rende sur place, à Dretelj?

8 Réponse: Non, c'est lors de cette visite que, pour la première fois, nous

9 avons vu une manifestation de volonté de fermer les camps.

10 Question: Certains de ces détenus ont été emmenés à Korcula. Est-ce que

11 vous avez eu des conversations avec Pogacic sur la question de savoir où

12 ces détenus seraient emmenés après Korcula?

13 Réponse: Pour autant que je m'en souvienne, il m'a dit qu'ils allaient

14 être progressivement libérés.

15 Non. Ecoutez, je crois que vraiment je ne peux pas me souvenir. Je ne me

16 souviens pas de ce qu'il a dit à propos de ce qu'il adviendrait d'eux

17 après. Et comme ensuite je suis parti pour Zenica, j'ai un peu perdu la

18 question de vue, si vous voulez.

19 Question: Est-ce que vous avez jamais entendu dire que d'autres détenus

20 allaient être libérés, à la condition qu'ils ne retourneraient pas en

21 Bosnie?

22 Réponse: J'ai entendu cela, mais je ne sais pas si cela a pu effectivement

23 être mis en pratique et je ne sais pas non plus si c'était possible.

24 Question: Je vais aborder quelque chose dont nous avons déjà parlé cet

25 après-midi, mais j'aimerais que vous nous fassiez part de vos observations

Page 8424

1 quant à la présence de la HV, des forces de l'armée croate en Bosnie-

2 Herzégovine pendant la période qui nous occupe.

3 Réponse: Il était manifeste qu'il y avait sur place une importante

4 présence de l'armée croate, nous avions entendu toutes sortes de rapports

5 faits sur la question. J'ai prêté foi à tous ces rapports et récits; et

6 par ailleurs, moi-même, à deux reprises, alors que je descendais de Zenica

7 vers le sud, et alors que j'empruntais la route montagneuse de Prozor à

8 Tomislavgrad, donc moi-même, à deux occasions bien distinctes l'une de

9 l'autre, j'ai croisé des convois de taille très importante qui se

10 dirigeaient vers Prozor.

11 Question: A quelle date les avez-vous croisés?

12 Réponse: En janvier et février 1994. D'ailleurs, par la suite, Prlic a

13 déclaré que, oui, il y avait des troupes de la HV en Bosnie mais il a

14 ajouté qu'il n'y avait que 2.600 hommes sur place. Il disait que ces

15 hommes de la HV étaient nés en Bosnie et étaient revenus dans leur pays en

16 tant que volontaires pour se battre pour leur propre pays. J'ai pris ça

17 avec une dose de scepticisme, je dois le dire.

18 Question: Pourquoi?

19 Réponse: Parce que le chiffre avancé me semblait peu crédible. J'ai vu la

20 quantité de véhicules en déplacement, j'ai vu les armes que possédaient

21 ces hommes et ce n'était pas des volontaires, il s'agissait d'opérations

22 militaires en bonne et due forme.

23 M. Scott (interprétation): Je vais demander l'aide de l'huissier. Il y a

24 deux documents que je souhaite soumettre au témoin qui ne font pas partie

25 du classeur. Ce sont deux documents qui ont déjà été présentés à la Cour:

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1 les pièces IAC 52 et IAC 46.

2 Je n'ai pas d'exemplaires supplémentaires de ces pièces, je vais donc

3 demander l'aide de la Greffière d'audience. Il s'agit de deux documents

4 émanant de l'ECMM. La Chambre, il y a quelques semaines, nous a indiqué

5 qu'elle souhaitait avoir plus d'information sur ces documents.

6 Mme Thompson (interprétation): Où pouvons-nous trouver ce document?

7 M. Scott (interprétation): Pas dans le classeur de documents classés

8 chronologiquement, mais dans le classeur qui regroupe ces documents IAC.

9 Donc IAC 52 et IAC 46.

10 (Mme Thompson distribue les documents.)

11 M. Scott (interprétation): Sir Martin, merci de regarder d'abord le

12 document marqué "IAC 46". Est-ce que ce document vous est familier?

13 J'entends par là: est-ce que son apparence vous semble familière, est-ce

14 qu'il vous dit quelque chose?

15 Sir Garrod (interprétation): Donnez-moi quelques instants.

16 (Le témoin examine le document.)

17 Oui.

18 M. Scott (interprétation): Est-ce que vous pouvez nous confirmer qu'il

19 s'agit bien d'un rapport de l'ECMM émanant du quartier général de l'ECMM,

20 destiné au RC de Zenica? Et ensuite on voit qu'il est destiné au CC de

21 Bosnie, c'est-à-dire Tuzla, Mostar et Travnik.

22 Sir Garrod (interprétation): C'est exact.

23 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Par?

24 M. Par (interprétation): Je souhaite proposer que ce document soit placé

25 sur le rétroprojecteur. Nous n'en disposons pas, nous ne l'avons pas en

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1 notre possession. Et si nous ne le voyons pas, nous ne pourrons pas nous

2 assurer de ce dont il s'agit.

3 M. le Président (interprétation): Ce document est placé sous scellés?

4 M. Scott (interprétation): Il faudrait que je vérifie, mais je ne le crois

5 pas.

6 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'on le place sur le

7 rétroprojecteur ou pas?

8 M. Scott (interprétation): Je vais m'assurer qu'il n'est pas sous scellés.

9 C'est confirmé: aucun de ces documents n'a été placé sous scellés. Nous

10 pouvons donc le placer sur le rétroprojecteur.

11 (Intervention de l'huissier.)

12 Je vais juste demander à l'équipe technique de faire un gros plan, dans la

13 mesure du possible, sur la partie supérieure du document, afin que nous

14 ayons une idée du destinataire et de l'expéditeur de ce document.

15 Mme Thompson (interprétation): Excusez-moi, mais d'après la liste que vous

16 avez fournie, Monsieur Scott, liste qui accompagnait les documents IAC, il

17 apparaît que le IAC 46 est une pièce sous scellés. C'est d'après la liste

18 que je vous dis cela.

19 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je pense que c'est une

20 information erronée, ça n'est pas la faute du Greffe, bien sûr. Mais nous

21 allons tout de même retirer le document du rétroprojecteur parce qu'il

22 convient de faire une petit peu attention. Je ne montre pas le Greffe du

23 doigt, je pense que là il y a une petite erreur qui s'est glissée quelque

24 part. Mais pour être tout à fait certain de ne pas prendre de risque, nous

25 enlevons le document.

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1 Le témoin a identifié ce document.

2 Je pense qu'étant donné que les Juges disposent d'un de ces documents,

3 nous pouvons remettre cet exemplaire entre les mains de la défense pour

4 qu'ils puissent le consulter quelques instants.

5 (Intervention de l'huissier.)

6 Pendant ce temps-là, je vais vous demander, Sir Martin, de regarder l'IAC

7 52, l'autre document qui vous a été remis. Dites-nous de quoi il s'agit?

8 Je ne vais pas le faire placer sur le rétroprojecteur.

9 Sir Garrod (interprétation): Oui.

10 Question: Je vais vous demander, une fois encore, de nous confirmer qu'il

11 s'agit bien là d'un rapport de l'ECMM Mostar destiné au RC de Zenica.

12 C'est une synthèse pour le 15 juillet 1993, c'est un document signé par

13 Jesus agissant en tant que responsable du CC.

14 Sir Garrod (interprétation): Oui, j'étais sans doute absent ce jour-là.

15 C'est un rapport quotidien envoyé par mon adjoint effectivement.

16 M. Scott (interprétation): Merci.

17 Monsieur l'huissier, est-ce que vous pourriez remettre aux conseils de la

18 défense l'IAC 52?

19 (Intervention de l'huissier.)

20 Mme Clark (interprétation): Je ne sais pas si la Juge Diarra sait qu'il y

21 a une version en français au dos du document.

22 M. Scott (interprétation): Merci, Madame la Juge Clark, de nous aider

23 encore une fois.

24 Monsieur le Président, je crois que ce document parle de lui-même, mais du

25 fait des demandes formulées par la Chambre précédemment, je vais

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1 simplement demander au témoin de bien vouloir identifier le document.

2 Avant de passer à autre chose, Sir Martin, je vais vous demander de vous

3 référer au classeur. Nous allons revenir à votre rapport de fin de

4 mission, qui est la pièce 770.1, qui se trouve -je vous le rappelle- vers

5 la fin du classeur.

6 (Le témoin s'y reporte.)

7 Sir Garrod (interprétation): Oui, je l'ai trouvée.

8 Question: Très bien. J'attire votre attention plus particulièrement sur

9 les paragraphes 14 et 15 qui commencent à la fin de la page 2. Lorsque

10 vous aurez eu le temps de les lire, je vous poserai quelques questions.

11 Réponse: Oui.

12 Question: Est-ce que ces deux paragraphes sont en fait une synthèse des

13 observations que vous avez pu faire quant à la présence de la HV en

14 Bosnie-Herzégovine, pendant cette période de six mois qui s'étend

15 d'octobre 1993 à avril 1994?

16 Réponse: Tout à fait, je n'ai jamais pu notamment établir si cette

17 importante troupe de forces de la HV était une force d'offensive ou de

18 défensive. Elle se dirigeait vers Prozor. Si les Croates avaient perdu

19 Prozor, eh bien, les Bosniens auraient dû se replier à Mostar, donc Prozor

20 était absolument crucial. Mais cela aurait pu être un mouvement offensif,

21 comme je l'ai indiqué dans ce rapport, au paragraphe 15.

22 Question: A la fin du paragraphe 15, page 3 de votre rapport, est-il exact

23 que vous indiquiez que "vous-même et vos équipes avez assisté à la

24 concentration des forces de la HVO/HV dans la zone de Buna, au sud de

25 Mostar"? Je cite ce que vous dites dans votre texte.

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1 Réponse: C'est exact.

2 Question: Nous allons maintenant aborder une dernière série de documents.

3 J'aimerais que nous les parcourrions. Je commence par la pièce 553.1, qui

4 se trouve dans votre classeur. Très approximativement, elle se trouve à

5 peu près à la moitié du classeur; je ne sais pas si cela va beaucoup vous

6 aider.

7 Je vous observe, Monsieur, mais je crois que vous vous dirigez dans le

8 mauvais sens. Je crois qu'en fait, vous devriez être sur le point de le

9 trouver.

10 Réponse: C'est le 553?

11 M. Scott (interprétation): C'est le 553.1. C'est un rapport pour la

12 journée du 1er août 1993.

13 M. le Président (interprétation): Maître Meek?

14 M. Meek (interprétation): Pendant que le témoin cherche à repérer ce

15 document 553.1, je voudrais dire qu'il me semble que M. Scott a posé tout

16 à l'heure une question. La dernière question qui vise à savoir si ce

17 témoin ou son équipe avait -je cite- "observé un rassemblement des troupes

18 autour de Mostar". (Fin de citation.)

19 Je voudrais dire, pour que cela paraisse au compte rendu, que le document

20 que nous regardions précédemment ne parlait pas d'"observation", mais

21 disait simplement "avaient conscience que". Ce n'est pas tout à fait la

22 même chose.

23 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, pouvez-vous éclaircir ce

24 point?

25 M. Scott (interprétation): Je suis d'accord pour dire que c'est un peu

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1 différent. Je suis d'accord avec ce que vient de dire Me Meek. Nous allons

2 y revenir.

3 Mais d'abord, Témoin, avez-vous trouvé ce document?

4 Sir Garrod (interprétation): Oui, le 553.1.

5 Question: Plutôt que de perdre de vue ce document, qui nous a demandé un

6 petit peu de temps pour être retrouvé, je vais tout de suite poser des

7 questions dessus. Et nous reviendrons sur le point évoqué tout à l'heure.

8 Est-ce que vous pouvez nous confirmer que le 553.1 est un rapport sur les

9 événements d'une journée? Est-ce que c'est un document qui porte votre nom

10 et votre signature?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Et au point 3, vers le milieu de la page, n'y a-t-il pas de

13 référence faite au colonel Andabak? Vous avez parlé de lui un peu plus tôt

14 dans la journée et vous avez dit que, d'après vous, il était associé aux

15 forces spéciales du HVO.

16 Réponse: C'est exact. On en fait mention, mais son nom n'est pas épelé de

17 façon correcte.

18 Question: Comment devrait-il être épelé?

19 Réponse: A-N-D-A-B-A-K, Andabak.

20 Question: Dans le cadre de votre déposition, vous nous avez dit un certain

21 nombre de choses.

22 Au bas de la page, il est indiqué que vous faites référence à une réunion

23 qui doit se tenir avec M. Prlic, le Président du HVO, le 2 août 1993?

24 Réponse: Oui, c'est bien indiqué.

25 Question: Très bien. Nous allons maintenant regarder la pièce 555.2.

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1 Monsieur le Président, je vais simplement demander confirmation par le

2 témoin de ce qui apparaît sur ces documents que je regarde en ce moment.

3 Je voudrais simplement que ce soit indiqué.

4 Donc au 555.2, vous nous avez dit aujourd'hui qu'à plusieurs reprises vous

5 aviez rencontré M. Prlic. Je vais attirer votre attention sur le

6 paragraphe 2 au début.

7 Réponse: Oui, je vois.

8 Question: Est-ce que ce rapport fait état, au moins en partie, de la

9 conversation dont vous nous avez parlé plus tôt aujourd'hui, où M. Prlic a

10 dit qu'il fallait autoriser les personnes à choisir leur lieu de

11 résidence? Vous nous avez dit tout à l'heure que, d'après vous, sur le

12 terrain la situation n'était pas tout à fait celle-là?

13 Réponse: Oui, c'est une synthèse extrêmement brève de ce qui a été dit.

14 Ses propos étaient beaucoup plus longs que ce qui apparaît ici, mais voilà

15 essentiellement ce qu'il était en train de me dire.

16 Question: Merci. Nous passons maintenant à la pièce 559.

17 (Le témoin se reporte au document.)

18 Est-ce bien un rapport émanant du HRC de Zenica et destiné au quartier

19 général de l'ECMM? Il est daté du 4 août 1993?

20 Réponse: C'est exact.

21 Question: Je passe brièvement sur le début du document qui parle de lui-

22 même. Je vous demande de vous pencher sur le paragraphe 2 qui se trouve au

23 milieu de la deuxième page.

24 Réponse: Oui.

25 Question: Je vais vous demander de bien vouloir lire en diagonale ces deux

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1 paragraphes qui nous disent quelle est la situation qui prévaut à Mostar.

2 Ensuite, je vous poserai une ou deux questions.

3 (Le témoin s'exécute.)

4 Réponse: Oui.

5 Question: Je vois qu'il est un peu tard, je vais simplement vous demander

6 de confirmer que les observations qui apparaissent ici sont bien conformes

7 à celles que vous-même avez faites sur le terrain et sont bien le reflet

8 des conditions qui prévalaient à Mostar pendant toute l'année 1993?

9 Réponse: Oui, c'est une évaluation tout à fait fidèle et véridique de ce

10 qui prévalait sur place.

11 Question: Je vous remercie. J'attire maintenant votre attention sur le

12 sous-paragraphe B. Est-il fait référence dans ce sous-paragraphe aux

13 arrestations massives, auxquelles vous avez fait référence un peu plus tôt

14 dans la journée?

15 Réponse: Oui, tout à fait.

16 Question: Je vais vous demander de tourner la page. Nous nous penchons sur

17 le paragraphe qui apparaît en deuxième position sur la page.

18 Réponse: Oui.

19 Question: Pourriez-vous aider la Chambre en lui expliquant quelles ont été

20 les propositions faites par le HVO en août 1993? Propositions qui

21 parlaient de l'établissement d'un camp de transit.

22 Réponse: J'étais au courant du fait que cette proposition était faite,

23 mais malheureusement je ne peux pas vous donner le détail de ce camp de

24 transit établi à Ljubuski. Je suis désolé, mais je ne peux pas vous aider.

25 Question: Au paragraphe suivant, il est indiqué qu'un millier d'hommes

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1 musulmans ont été placés sur une île appelée Obanja(phonétique). Est-ce

2 que cela vous dit quelque chose?

3 Réponse: J'en ai un souvenir vague, mais rien de très précis.

4 Question: Personne ne vous demande de vous livrer à un jeu de devinette,

5 mais je voudrais vous demander, dans la mesure où vous le pouvez, de nous

6 apporter votre aide. Est-ce que vous avez quoi que ce soit d'autres à nous

7 dire? Quelques éléments d'information que vous seriez susceptible de nous

8 communiquer à propos de ce sujet.

9 Réponse: Non, je suis navré mais je ne peux vraiment pas vous donner

10 d'éléments d'information concrets sur ce sujet précis.

11 Question: Fort bien. Je pense que nous pouvons maintenant regarder la

12 pièce 559.

13 (Le témoin s'y reporte.)

14 Est-ce bien un rapport du CC de Mostar destiné au RC de Zenica? Est-ce

15 bien un rapport portant sur la journée du 7 août 1993?

16 Réponse: J'ai un 561. Vous avez dit vous 559?

17 Question: J'ai peut-être fait une erreur. Si c'est le cas, je m'en excuse.

18 Quelques instants, s'il vous plaît. Vous avez parfaitement raison. C'est

19 moi qui me suis trompé, c'est le document 561.1 qui m'intéresse.

20 Réponse: Dans ce cas, je l'ai sous les yeux.

21 Question: Est-ce que vous pouvez nous confirmer qu'il s'agit d'un rapport

22 envoyé par CC Mostar au RC Zenica?

23 Réponse: Tout à fait.

24 Question: J'attire maintenant votre attention sur la dernière page de ce

25 rapport. Est-ce que ce rapport porte votre nom, si ce n'est votre

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1 signature?

2 Réponse: Tout à fait.

3 Question: Nous allons revenir au paragraphe 3, donc à la première page.

4 Pourriez-vous nous communiquer des informations supplémentaires concernant

5 ce Juka dont le nom apparaît ici?

6 Réponse: Juka n'est pas quelqu'un que j'ai connu. J'ai entendu ce nom,

7 mais je ne savais rien de cette personne. Lorsque je suis parti pour la

8 Bosnie centrale et lorsque, par la suite, je suis revenu, je n'ai plus

9 jamais entendu parler de lui. J'ai entendu son nom, j'ai entendu dire que

10 c'était un des chefs, mais je n'ai rien entendu de plus à son sujet.

11 Question: Je vous remercie. Nous passons au paragraphe 2, juste au-dessus.

12 On fait référence au président de guerre de la BiH à Jablanica. Lorsque

13 vous parlez du président de guerre de la BiH, est-ce que c'est le camp du

14 HVO ou le camp des Bosniens?

15 Réponse: Non, c'est le camp bosnien à Jablanica.

16 Question: Pourriez-vous nous dire s'il y avait une distinction entre le

17 fait que le camp bosnien demandait la présence de l'ECMM et a demandé à ce

18 que des permis d'accès soient donnés par rapport à la politique du HVO?

19 Réponse: Jablanica, c'est un cas très intéressant: c'est une ville

20 bosnienne que les Croates voulaient obtenir à tout prix, notamment du fait

21 de la présence d'une centrale hydroélectrique. Il y avait des petites

22 poches de Croates autour de la zone de Konjic. Donc les deux camps étaient

23 intéressés par cette zone Konjic/Jablanica. L'une de nos équipes, comme je

24 l'ai dit hier, se trouvait à Jablanica. C'était là qu'elle avait sa base,

25 mais juste à la fin du mois de juin, eh bien, la base a été prise

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1 d'assaut, si vous vous voulez, par les Moudjahidine. Et des Mercedes fort

2 coûteuses et des 4x4 ont été volés. Donc l'équipe a dû partir parce

3 qu'elle n'avait plus de moyens de transport. Il nous a fallu deux ou trois

4 mois avant de pouvoir reconstituer une équipe que nous avons pu envoyer à

5 Jablanica.

6 Ciro, dont le nom apparaît ici, voulait absolument obtenir Jablanica, et

7 les Bosniens de façon générale le souhaitaient. Et ce qui est assez

8 étrange, c'est que les Croates, pour les raisons qui étaient les leurs,

9 ont dit qu'ils souhaitaient que nous revenions à Jablanica. Notamment,

10 Prlic a dit qu'il voulait que nous revenions à Jablanica afin que nos

11 équipes puissent faire état des conditions qui prévalaient pour les

12 Croates dans la région de Konjic.

13 Donc vous voyez c'est un petit peu étrange le mélange d'émotions qui a

14 prévalu à notre retour à Jablanica.

15 Question: Quand vous parlez de cette espèce de mélange de sentiments

16 ressentis, c'est un mélange d'émotions que vous ressentiez vous, à l'ECMM?

17 Réponse: Ah non. Nous, nous voulions absolument retourner à Jablanica

18 parce que nous avions une panne totale en matière de circulation

19 d'informations à partir de cette zone. Or, c'était une zone absolument

20 fondamentale. Mais lorsque je dis que les sentiments étaient partagés,

21 c'est pour exprimer le fait qu'il était assez inhabituel qu'à la fois les

22 Croates et les Bosniens souhaitent notre retour à Jablanica. En fait,

23 leurs raisons étaient très différentes, mais ils étaient d'accord sur le

24 fait qu'ils voulaient nous voir revenir.

25 Question: Nous allons maintenant regarder le point 9 de ce même document.

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1 Vous avez évoqué le fait que vous étiez souvent en contact avec M. Bozic

2 qui était le ministre de la Défense, n'est-ce pas?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Vous dites, au point 9, que vous essayiez d'obtenir l'entrée

5 dans Mostar et que vous essayiez d'obtenir cette entrée de M. Bozic. Est-

6 ce que je dois comprendre de cela qu'à la date de rédaction de ce

7 document, donc à la date du 7 août 1993, Mostar était encore bloquée?

8 Réponse: Oui, ça a sûrement dû être le cas, puisque je dis dans ce

9 document que je dois poursuivre mes efforts en vu d'obtenir l'entrée de

10 Mostar. Donc je devais être en train de faire cela sur une base

11 quotidienne, j'essayais de convaincre ce Bozic et d'autres que c'était

12 dans l'intérêt de tous que nous puissions revenir dans Mostar aussi vite

13 que possible. Et il apparaît clairement qu'à cette date, nous n'avions pas

14 encore réussi à rentrer dans Mostar.

15 Question: Regardons la pièce 565.2.

16 Réponse: Oui.

17 Question: Il s'agit d'un exemplaire de rapport pour la journée du 15 août

18 1993 qui émane du CC Mostar destiné à RC Zenica?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Je vous demande de regarder ce qui apparaît en bas de la

21 première page et ce qui apparaît en haut de la deuxième page.

22 Pouvez-vous confirmer qu'il s'agit là d'un rapport qui aborde en partie le

23 sujet de votre déjeuner avec "Tuta"?

24 Réponse: C'est exact.

25 Question: En haut de la seconde page, il y fait référence au fait qu'il

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1 servait à cette époque-là à Gornji Vakuf. Est-ce que ça s'appuie sur

2 quelque chose que "Tuta" vous a dit pendant le déjeuner?

3 Réponse: Sûrement, parce que moi, je n'avais aucune, je ne connaissais pas

4 du tout Mladen Naletilic avant cette réunion, ce déjeuner. Donc c'est

5 sûrement lui qui m'a dit qu'il était, à cette époque-là, basé à Gornji

6 Vakuf et que les Britanniques lui avaient tiré dessus. Cela ne peut venir

7 que de lui, parce que personne d'autre n'aurait pu me communiquer ce genre

8 d'informations.

9 Question: Le paragraphe qui suit fait-il, en partie, état de la discussion

10 dont vous nous avez parlé précédemment, entre vous-même et M. "Tuta", qui

11 portait sur son opinion quant à la création d'un Etat islamique?

12 Réponse: Absolument.

13 Question: Il est établi ici, n'est-ce pas, que, dans le cadre de votre

14 conversation avec "Tuta", il a fait des références à la conduite de la

15 guerre "comme étant un jeu un peu similaire à un jeu de paris, un jeu de

16 cartes", si vous voulez?

17 Réponse: Oui. Et c'est sûrement très exact, parce que j'ai dû noter cela

18 juste alors que je revenais du déjeuner. C'était sûrement quelque chose

19 que j'avais encore très clairement à l'esprit.

20 Question: Nous revenons au paragraphe 9. Il apparaît qu'au 15 août 1993,

21 vous faites à nouveau une tentative pour entrer dans Mostar? C'est ce qui

22 est indiqué.

23 Réponse: Oui. Je pense que c'est juste à cette date-là que nous avons

24 réussi à entrer dans la ville, mais je ne peux pas vous le certifier.

25 Question: Je vais maintenant vous demander de regarder la pièce 600.

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1 (Le témoin s'exécute.)

2 La seule question que je souhaite vous poser est celle-ci: pouvez-vous

3 nous confirmer qu'il s'agit là d'un rapport d'observation qui provient de

4 l'une des équipes de Mostar et qui est envoyé au centre de coordination de

5 Mostar?

6 Réponse: C'est exact. Un observateur néerlandais et un observateur

7 espagnol sont à l'origine de ce document.

8 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je pense que le moment

9 est bien choisi pour interrompre nos travaux. Je dois vous avertir que je

10 suis sur le point de mettre un terme à mon interrogatoire principal. Je

11 regarde mes notes, mais je crois que je n'ai plus que quatre documents à

12 soumettre au témoin; ils pourront être étudiés de façon très rapide. Nous

13 devrions avoir terminé très rapidement après le début de l'audience de

14 demain après-midi.

15 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous nous interrompons.

16 Je vais demander à ce que l'huissier raccompagne le témoin.

17 (Le témoin, Sir Martin Garrod, est reconduit hors du prétoire.)

18 Demain matin, cette salle d'audience va être utilisée dans le cadre d'une

19 autre affaire. Je vous recommande donc d'emporter tous vos documents avec

20 vous ce soir.

21 Pour ce qui nous concerne, nous nous retrouverons demain à 14 heures 15.

22 (L'audience est levée à 18 heures 59.)

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