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1 (Mardi 22 janvier 2002.)
2 (L'audience est ouverte à 14 heures 15.)
3 (Audience publique.)
4 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, veuillez appeler
5 l'affaire.
6 Mme Chen (interprétation): Il s'agit de l'affaire n°IT-98-34-T, le
7 Procureur contre Naletilic et Martinovic.
8 M. le Président (interprétation): Oui. Où est M. Scott? Oui, Monsieur
9 Stringer?
10 M. Stringer (interprétation): Monsieur Scott était avec nous il y a
11 quelques instants et il a disparu de façon inexplicable. Je ne peux pas
12 vous dire où il est parti, mais je crois qu'il n'est pas très loin. Le
13 voici!
14 M. Scott (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président. J'étais ici
15 au tout début, mais j'ai dû me retirer pour quelques instants. Je suis
16 désolé, pardonnez-moi.
17 (Le témoin, Sir Martin Garrod, est introduit dans le prétoire.)
18 M. le Président (interprétation): Bonjour, Monsieur le Témoin.
19 Sir Garrod (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président.
20 M. le Président (interprétation): Je veux vous rappeler que vous êtes
21 toujours sous le même serment qu'hier.
22 Sir Garrod (interprétation): Oui, certainement.
23 M. le Président (interprétation): Vous pouvez procéder, Monsieur Scott.
24 (Interrogatoire principal du témoin, Sir Martin Garrod, par M. Scott.)
25 M. Scott (interprétation): Oui. Merci, Monsieur le Président.
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1 Bonjour, Sir Martin.
2 Sir Garrod (interprétation): Bonjour.
3 Question: Simplement quelques questions d'ordre général de contexte avant
4 de passer à autre chose.
5 En parlant de la structure et des opérations de l'ECMM, j'aurai en fait
6 quelques détails additionnels à clarifier avec vous, qui vont peut-être
7 surgir lors de l'examen de cette affaire. Mais, outre les moniteurs et
8 outre les centres tels le centre CC Mostar, est-ce qu'au sein de l'ECMM,
9 il y avait aussi des officiers de liaison?
10 Réponse: Oui, certainement. Nous avions des officiers de liaison dans
11 certains quartiers généraux des Nations Unis. Plus particulièrement
12 lorsque nous étions à Zenica, nous avions un officier de liaison qui
13 établissait la liaison avec un quartier général des Nations Unies à
14 Kiseljak. Ce dernier était connu en tant que "EC", officier de liaison de
15 l'ECCM; "ECLO", c'était l'acronyme en anglais.
16 Question: Tel que nous pouvons le voir dans la pièce 86.1, pièce que nous
17 avons examinée hier, est-il exact de dire qu'en 1993, l'ECMM était composé
18 d'environ 350 hommes qui étaient déployés un peu partout en ex-
19 Yougoslavie?
20 Réponse: Oui, c'est exact. La totalité des hommes était de 350; environ
21 160 personnes étaient en réalité des moniteurs déployés sur le terrain,
22 étaient des observateurs déployés sur terrain. Il s'agissait aussi des
23 membres du quartier général, des interprètes, des chauffeurs, ainsi de
24 suite.
25 Question: Fort bien, Monsieur. Je souhaiterais maintenant que l'on passe
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1 autre chose.
2 Hier, vous nous avez dit que vous êtes arrivé dans la région de Mostar
3 vers la fin du mois de juin ou au début du mois de juillet 1993. Est-ce
4 exact?
5 Réponse: Oui, c'est exact. En réalité, il s'agissait des premiers jours du
6 mois de juillet.
7 M. Scott (interprétation): Et à quel endroit vous êtes-vous rapporté, dans
8 quelle ville?
9 Sir Garrod (interprétation): Quand je suis arrivé à Mostar…
10 M. le Président (interprétation): Nous avons quelques difficultés avec
11 l'interprétation. Je vous prie de ménager des pauses.
12 M. Scott (interprétation): Nous allons tâcher de le faire.
13 Sir Garrod, j'aimerais vous rappeler que nous allons devoir ralentir notre
14 débit. Je vous prie de poursuivre.
15 Sir Garrod (interprétation): Quand je suis arrivé à Mostar, au tout début
16 du mois de juillet 1993, nous n'étions pas en mesure d'entrer dans Mostar
17 parce que le HVO avait bloqué l'entrée à toutes les organisations
18 internationales. Le quartier général du CC, dont je devais prendre la
19 tête, était basé à Siroki Brijeg qui se trouvait environ à 15 km à l'ouest
20 de Mostar.
21 Question: Est-ce que vous avez passé quelque temps au cours des premières
22 journées ou des premières semaines, après être arrivé dans la zone de
23 Siroki Brijeg, pendant cette période, avez-vous donc essayé d'avoir accès
24 à Mostar?
25 Réponse: Oui, c'était ma tâche principale quand je suis arrivé. C'était
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1 particulièrement frustrant étant donné que je devais m'occuper de Mostar.
2 J'étais justement déployé assurer pour assurer mes tâches à Mostar, mais
3 je n'étais pas en mesure d'entrer dans Mostar. Donc tous les jours,
4 j'essayais soit d'avoir des réunions avec l'adjoint, ministre des Croates,
5 qui s'appelait Slobodan Bojic, et M. Bruno Stojic, qui était le ministre.
6 Nous essayions constamment de convaincre ces hommes de nous laisser entrer
7 dans Mostar Ouest et, ensuite, pour procéder de cette façon, vers Mostar
8 Est, qui était le côté bosnien.
9 M. Scott (interprétation): Bien. Parlons maintenant de Mostar Ouest, nous
10 parlerons de Mostar est plus tard. Quelques semaines plus tard, les
11 quelques semaines qui ont suivi, avez-vous pu accéder dans Mostar Est?
12 Sir Garrod (interprétation): Oui, certainement. Après avoir mené maintes
13 discussions, plus particulièrement avec Jadranko Prlic, qui était le
14 président du HVO. Finalement, nous avons pu avoir accès dans Mostar de
15 l'Ouest; c'est arrivé au mois d'août, et quelques mois plus tard, nous
16 avons réussi à obtenir l'accord d'entrer dans…
17 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Meek?
18 M. Meek (interprétation): Excusez-moi. La page 4 et la ligne 2: je crois
19 qu'à la ligne 2 le témoin a dit: "Oui, nous avons réussi, quelqu'un qui
20 était le Président du HVO". Nous n'avons pas le nom de la personne.
21 Sir Garrod (interprétation): Je suis vraiment désolé. Le nom est Jadranko
22 Prlic.
23 M. Meek (interprétation): Je crois que le nom du ministre de la Défense
24 n'est pas entré dans le compte rendu d'audience. Ce n'est pas l'erreur du
25 témoin bien sûr, mais c'est toujours compliqué d'entrer les noms.
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1 Sir Garrod (interprétation): Je suis vraiment désolé.
2 M. le Président (interprétation): C'est bien sûr à cause de la vitesse du
3 débit.
4 Sir Garrod (interprétation) Je vais essayer de ralentir.
5 M. Scott (interprétation): Pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter ces
6 deux noms et nous dire quels sont les deux noms?
7 Sir Garrod (interprétation) En fait, le nom de Bruno Stojic est indiqué
8 correctement au compte rendu d'audience.
9 Question: Oui, Monsieur le Président, je crois que le témoin regarde un
10 autre endroit.
11 Réponse: Oui, Slobodan Bozic.
12 Question: Oui, vous avez raison, pour dire qu'à la ligne 3, page…, en
13 fait, nous apercevons le nom de Bruno Stojic qui est bien indiqué. Mais il
14 n'apparaît pas en deuxième lieu.
15 Réponse: La ligne qui est au-dessus était le nom de Slobodan Bozic.
16 Question: Oui, je vois. Vous avez corrigé l'appellation. Oui, il s'agit
17 donc du nom de Bozic. B-O-Z-I-C.
18 Lorsque vous êtes arrivé à Mostar pour la première fois, pourriez-vous
19 relater à la Chambre ce que vous avez vu? Quel était l'état dans lequel se
20 trouvait cette partie de Mostar et quelles étaient vos observations
21 initiales?
22 Réponse: Eh bien, il y avait beaucoup de dommages causés à Mostar Ouest
23 mais pas autant que je ne m'attendais de voir.
24 Question: Quelque temps après cela, pourriez-vous nous dire combien de
25 temps après cela en réalité est-ce que vous avez finalement pu avoir accès
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1 à Mostar Est?
2 Réponse: C'était environ deux semaines plus tard que nous avons pu accéder
3 dans Mostar Est.
4 Question: Pourriez-vous dire à la Chambre brièvement qui vous a permis…,
5 de qui avez-vous obtenu la permission, quelles étaient les démarches que
6 vous avez entreprises pour pouvoir accès à Mostar Est?
7 Réponse: Puisque le HVO contrôlait les entrées dans la partie Est de la
8 ville, il fallait que ce soit le ministre de la Défense et l'adjoint du
9 ministre de la Défense qui nous assurent la permission d'entrer. Donc
10 c'était mon lien principal, M. Slobodan Bozic, pour nous permettre
11 d'entrer et de passer les points de contrôle du HVO, pour pouvoir regagner
12 la partie arrière de Mostar.
13 Question: Pourriez-vous nous expliquer ce qui a suivi par la suite?
14 Quelles sont les observations initiales que vous avez eues lorsque vous
15 avez vu pour la première fois Mostar de l'Est?
16 Réponse: Mostar de l'Est était complètement détruit. Je n'ai pas vu au
17 cours de mon séjour, à cet endroit, un seul bâtiment qui n'avait pas été
18 endommagé soit par le feu ou par balles. Il y avait des pilonnages
19 constants exercés par le HVO -pilonnage d'artillerie, de mortiers, de
20 mitrailleuses- et il y a également beaucoup de tirs, de tireurs embusqués.
21 Il y avait peu de personne dans les rues et chaque fois que le premier
22 obus tombait, les rues devenaient désertes et les gens essayaient de se
23 cacher dans les caves. Il n'y avait pas d'eau et il n'y avait pas
24 d'électricité dans Mostar Est. Beaucoup d'habitants vivaient dans les
25 caves. Je peux vous parler d'une cave en particulier qui avait une
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1 profondeur de 60 mètres; tout était très noir, très sombre. Il y avait
2 quelques chandelles, des bouts de chandelles qui brûlaient. Les gens
3 étaient couchés sur des matelas humides, ils étaient munis de quelques
4 canettes d'eau provenant de la rivière et une fois par jour, vers le soir,
5 ils allaient prendre une soupe qui était distribuée aux habitants. Par la
6 suite, ils regagnaient la cave.
7 S'agissant de l'hôpital, c'était un hôpital improvisé car l'hôpital
8 principal se trouvait dans Mostar Ouest, donc cet espèce d'hôpital
9 improvisé, qui était abrité dans l'Institut d'hygiène d'autrefois, était
10 un lieu de désolation totale. Il y avait des draps qui étaient imbibés de
11 sang partout et les patients étaient couchés dans les couloirs. Les
12 médecins étaient complètement épuisés, et ils essayaient d'opérer, de
13 faire des opérations sur des personnes blessées qui se faisaient emmener.
14 Je me souviens d'un incident particulier, il s'agissait d'une jeune
15 adolescente; elle était nue, elle était allongée sur un lit imbibé de
16 sang. Elle avait perdu les deux jambes, causé par une explosion d'obus.
17 C'était affreux de voir cela.
18 En fait, la situation complète dans Mostar de l'Est à l'époque, pouvait
19 être bien vue dans un film de la BBC qui a été fait par un homme qui
20 s'appelle Jeremy Bowen. Et c'est un film qui était tourné pendant que je
21 me trouvais à Mostar.
22 Question: Pourriez-vous brièvement relater à la Chambre et nous dire
23 quelle était la comparaison entre Mostar Ouest avec les conditions qui
24 prévalaient dans Mostar Est?
25 Réponse: Eh bien, la situation entre les deux Mostar de chaque côté de la
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1 rivière Neretva, était complètement différente. Bien sûr, quelques
2 dommages avaient été causés au cours de la guerre avec les Serbes; à ce
3 moment-là, les Serbes pilonnaient encore Mostar, particulièrement le côté
4 Est. Mais la situation dans Mostar de l'Est et Mostar Ouest était
5 tellement différente. On peut comparer les deux comme étant presque
6 incomparables.
7 Question: J'essaie bien sûr d'écouter l'interprétation française et
8 j'essaie de prendre le rythme de cette langue.
9 Est-ce que vous pouvez nous dire, expliquer à la Chambre, quel était
10 l'état des dommages que vous avez vus et les civils que vous avez vus
11 blessés ou tués? Est-ce que c'étaient des victimes qui avaient péri parce
12 qu'on avait essayé de détruire autre chose, et ces gens qui ont péri
13 étaient des victimes secondaires? Ou bien est-ce qu'on avait essayé
14 vraiment de tirer en direction de ces civils?
15 Réponse: Eh bien, j'étais tout à fait certain que, pour ce qui est de
16 Mostar Est, on avait particulièrement visé la population pour pouvoir
17 mettre la main sur la partie, sur cette partie de Mostar.
18 Question: Dans les mois qui ont suivi, est-ce que vous avez cru qu'il
19 s'agissait d'une cible du HVO?
20 Réponse: Eh bien, c'était devenu de plus en plus clair au cours des mois,
21 qu'on essayait de faire en sorte que Mostar devienne la capitale d'une
22 république appelée "République croate de l'Herceg-Bosna".
23 Question: Vous avez également parlé d'un homme qui s'appelle Slobodan
24 Bozic. Je crois que vous avez déjà dit qu'il était l'adjoint du ministre
25 de la Défense du HVO?
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1 Réponse: Oui, c'est exact.
2 Question: Est-ce que c'était l'un des contacts principaux avec lequel vous
3 mainteniez des liens à Mostar, à ce moment-là, avec l'ECMM?
4 Réponse: Oui, c'était l'un de mes contacts principaux pour le côté croate
5 pendant cette période à Mostar, mais il est demeuré un contact très étroit
6 pour les cinq ans et demi qui ont suivi. Mais son rôle au cours de ces
7 années-là avait changé, il a eu des rôles différents; mais j'ai eu des
8 liens avec lui, je me suis toujours entretenu avec lui jusqu'à ce que je
9 ne quitte Mostar.
10 Question: Du côté de l'armée de la Bosnie-Herzégovine, est-ce que vous
11 avez rencontré un officier qui s'appelait Arif Pasalic?
12 Réponse: Oui, c'est certainement. C'était le commandant du 4e Corps de
13 l'armée de la Bosnie-Herzégovine, qui était responsable pour cette région
14 de la Bosnie-Herzégovine et, en particulier, la ville de Mostar.
15 Question: Pourriez-vous dire à la Chambre de quel genre d'homme il
16 s'agissait, et quelle était la nature de votre rapport que vous aviez avec
17 le général Pasalic?
18 Réponse: Eh bien, il avait été un officier dans l'ancienne JNA, c'était un
19 soldat de carrière. Je le respectais, je n'avais absolument aucune raison
20 de douter de son intégrité ou de sa sincérité. C'était un homme qui était
21 déterminé à se battre pour les Bosniaques, les Bosniens, partout en Bosnie
22 et à Mostar.
23 Question: Pourriez-vous dire à la Chambre quelle était la situation des
24 Bosniens dans Mostar Est, pour ce qui est de leur capacité, si c'était
25 possible soit de pénétrer dans la ville s'ils se trouvaient à l'extérieur,
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1 ou bien de sortir dans la ville s'ils se trouvaient à l'intérieur?
2 Réponse: Oui, certainement. Je devrais peut-être commencer par dire que
3 même si les Bosniens de Mostar Est étaient dans Mostar Est et que les
4 Croates se situaient plutôt dans Mostar Ouest, il y avait une enclave sur
5 les rives Ouest. Il s'agissait d'une enclave bosnienne sur ces rives; et
6 elle est restée ainsi au cours de la guerre.
7 Donc pour ce qui est du mouvement des Bosniens ou des Musulmans, pour ce
8 qui est de leur déplacement, ils ne pouvaient pas aller au sud, car il y
9 avait les Croates qui étaient là, Buna. Ils ne pouvaient pas aller à l'Est
10 car les Serbes se trouvaient environ à quatre kilomètres de l'autre côté
11 des montagnes. Ils ne pouvaient pas aller se déplacer vers l'ouest car à
12 ce moment-là ils se seraient trouvés dans Mostar Ouest; à l'exception du
13 déplacement qu'ils aient pu maintenir dans leur petite enclave. Ils ne
14 pouvaient pas non plus se diriger vers le nord car les ponts qui se
15 trouvaient au-dessus de la rivière Neretva avaient été soufflés ou
16 explosés. Donc la seule façon pour aller vers Jablanica était de monter à
17 bord d'ânes ou de poneys et de suivre les routes montagneuses.
18 M. Scott (interprétation): Monsieur, j'aimerais que vous donniez une
19 réponse à la Chambre, qui est peut-être une réponse évidente, mais
20 j'aimerais savoir si vous savez pourquoi les Bosniens, qui étaient dans
21 cette horrible situation dans laquelle ils se trouvaient -vous nous en
22 parlé cet après-midi-, quelle est la raison pour laquelle ils sont
23 demeurés dans Mostar Est? Pourquoi ne sont-ils pas rendus?
24 Sir Garrod (interprétation): Eh bien, je crois que c'était principalement
25 parce qu'ils ne voulaient pas se rendre.
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1 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Par?
2 M. Par (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais faire
3 objection à cette question. On ne peut pas répondre à une question "Que
4 pensaient les autres? Que pensaient d'autres personnes?". Je crois que ce
5 témoin n'est pas à même de donner des conclusions quant à ce que pouvait
6 penser un groupe de personnes, donc il ne peut pas émettre d'opinion de la
7 façon dont la question a été posée.
8 M. le Président (interprétation): Bien, Maître Par. Ce témoin a passé
9 beaucoup de temps dans cette zone, dans cette région, et je crois qu'il
10 pourrait nous dire, c'est important pour nous d'entendre ce que ce témoin
11 a à nous dire eu égard à la situation de l'époque. Ce témoin nous raconte
12 ce qu'il a vécu et j'aimerais entendre ce que le témoin a à nous dire.
13 Vous pouvez répondre.
14 Sir Garrod (interprétation): Oui, Monsieur le Président, voici.
15 Même si Mostar était très important pour les Croates -comme je l'ai déjà
16 dit, ils voulaient en faire la capitale de la République croate d'Herceg-
17 Bosna-, Mostar était également très important pour les Musulmans car
18 c'était une ville qui avait été construite au cours de l'Empire ottoman.
19 Conformément au recensement de 1991, les proportions de Mostar, le
20 pourcentage des habitants de Mostar était de 35% de Musulmans, de 34% de
21 Croates, il y avait 19% de population serbe. Pour les autres, c'étaient
22 des Juifs ou d'autres habitants qui s'étaient déclarés au cours du
23 recensement comme étant Yougoslaves.
24 Donc il s'agissait d'une ville multiethnique, avec le niveau le plus élevé
25 de mariages mixtes qui avaient eu lieu en ex-Yougoslavie.
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1 Les Musulmans voulaient s'assurer que Mostar reste une ville multiethnique
2 dans l'avenir.
3 M. Scott (interprétation): Monsieur, pourriez-vous dire à la Chambre quel
4 rôle a joué le territoire dans la guerre entre les Croates et les
5 Musulmans?
6 Sir Garrod (interprétation): J'ai toujours cru que les Serbes, les Croates
7 et les Musulmans faisaient essentiellement une guerre pour le territoire,
8 car ils savaient tous que, lorsque la musique s'était arrêtée et que les
9 négociations avaient commencé, la possession du territoire représentait
10 9/10ème de la loi.
11 Question: Est-ce que vous pourriez nous dire, si vous le pouvez, quel
12 était le lien entre les fonctions militaires et les fonctions politique,
13 les fonctions politiques telles que vous les avez vues de tous les côtés,
14 du côté bosnien, du HVO également au cours de la guerre?
15 Réponse: Certainement! D'après moi, en Bosnie je crois que cela s'applique
16 à toutes les parties.
17 Le côté politique et le côté militaire, ces deux côtés étaient très
18 étroitement liés, imbriqués. Les politiciens, les dirigeants politiques
19 s'occupaient des questions militaires, et les commandants militaires
20 s'occupaient des affaires politiques.
21 Question: Au cours de votre séjour, est-ce que vous avez entendu parler du
22 plan Vance-Owen?
23 Réponse: Oui, le plan de paix Vance-Owen avait plus ou moins disparu quand
24 je suis arrivé vers la fin du mois de juin.
25 Mais je crois que l'une des raisons pour lesquelles les combats ont
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1 commencé entre les Croates et les Musulmans, ou les Croates et les
2 Bosniens, si vous voulez, était peut-être un malentendu de l'accord Vance-
3 Owen, du plan de paix Vance-Owen, de la part des Croates.
4 Le plan avait divisé la Bosnie en dix provinces. Certaines provinces
5 avaient une majorité d'habitants croates, d'autres provinces avaient une
6 majorité d'habitants musulmans, d'autres encore avaient une majorité
7 d'habitants serbes, mais ce n'étaient pas des provinces soit croates, soit
8 musulmanes, soit serbes.
9 En réalité, Vance et Owen voulaient faire attention de ne pas les appeler
10 "provinces serbes" ou "croates", ils leur avaient simplement attribué des
11 numéros.
12 Mais la majorité croate, donc les provinces majoritairement croates, ont
13 donné aux Croates plus de territoires que les numéros le leur accordaient.
14 Donc ils étaient très contents, très satisfaits du plan Vance-Owen, et
15 avaient décidé bien sûr de l'appliquer.
16 Je crois qu'ils ont pris ces provinces majoritaires et les ont incorporées
17 pour être des provinces croates, et ils ont commencé à mettre en place des
18 activités au printemps pour les provinces 8 et 10, qui incluaient bien sur
19 Mostar, Gornji Vakuf, Vitez, Busovaca, et ainsi de suite. Les tensions ont
20 monté, et ensuite le premier coup de feu a été tiré. Je crois que Mostar,
21 Gornji Vakuk et Busovaca à ce moment-là ont explosé le 9 mai.
22 Question: Je vais revenir sur ce que vous avez dit à l'instant à propos du
23 plan Vance-Owen, qui accordait plus de territoires de la Bosnie-
24 Herzégovine aux Croates de Bosnie, alors que ceux-ci dans le cadre du
25 pourcentage de la population n'étaient pas vraiment majoritaires.
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1 Si vous vous en souvenez, pourriez-vous nous donner une idée des
2 pourcentages qui étaient représentés sur le terrain? Quel était le
3 pourcentage de la population qui était croate? Pouvez-vous nous donner un
4 petit peu le détail de ce que vous avez évoqué?
5 Réponse: Je ne vais pas pouvoir être très précis.
6 Mais pour ce qui est des pourcentages que vous me demandez, je dirais
7 qu'il y avait environ 18% de Croates en termes numérique, et pour ce qui
8 est du territoire je crois qu'ils ont obtenu 25% du territoire des
9 provinces.
10 J'ai dit qu'il ne s'agissait pas de provinces croates ou musulmanes;
11 l'idée était que ces provinces soient multiethniques; et l'idée était que
12 le gouvernement de la province soit le reflet de la composition ethnique
13 telle que représenté par le recensement de 1991.
14 M. le Président (interprétation): Monsieur Par, vous avez la parole.
15 M. Par (interprétation): Monsieur le Président, je dois faire objection
16 une fois encore à ce type de questions.
17 Le témoin interprète à sa façon le plan Vance-Owen. Je ne crois pas qu'il
18 s'agisse d'un témoin expert, ce n'est pas un témoin expert en matière de
19 législation nationale. Le témoin n'était pas non plus partie prenante à la
20 mise en place de ce plan.
21 Je ne crois pas qu'il soit convenable de poser ce type de questions. Je ne
22 pense pas que ce que vient de dire le témoin soit pertinent, je ne crois
23 pas que cela nous soit vraiment utile dans le cadre de cette affaire.
24 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, voulez-vous bien nous
25 amener aux sujets qui sont liés de plus près aux questions qui sont
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1 soulevées dans l'Acte d'accusation?
2 M. Scott (interprétation): Nous estimons que tout ce que ce témoin a à
3 nous dire est d'intérêt et a un lien avec l'Acte d'accusation.
4 Pour qu'il n'y ait pas de doute, je voudrais dire que ce témoin n'a eu que
5 des contacts très limités avec l'accusé, des contacts importants
6 néanmoins, mais ce n'est pas pour cela que nous l'avons fait venir. Nous
7 l'avons principalement fait venir pour que cette Chambre puisse disposer
8 d'un panorama très complet de la situation, puisse avoir une idée de tous
9 les événements qui se sont produits pour que vous sachiez dans quelle
10 toile de fond s'inscrivent les crimes qui ont été perpétrés par les
11 accusés eux-mêmes.
12 Vous le savez, l'accusation est dans l'obligation, un, de prouver
13 l'existence d'un conflit international armé et une partie de la déposition
14 de ce témoin traitera de cet aspect de la question, car il va nous parler
15 du rôle joué par la Croatie, il va nous parler de la présence des forces
16 militaires de Croatie sur le terrain. Nous sommes également sous
17 l'obligation de l'Article 5 de prouver que le comportement de l'accusé
18 s'inscrivait dans le cadre d'une attaque systématique et généralisée;
19 c'est l'Article 5, "crime contre l'humanité", qui nous demande de faire
20 cela.
21 Ce témoin, de par l'expérience qu'il a acquise sur le terrain, est tout à
22 fait à même d'être considéré comme un témoin expert. Bien sûr, ce n'est
23 pas un expert que l'accusation a engagé pour faire part d'une certaine
24 opinion, mais, du point de vue pratique, c'est un homme qui jouit d'une
25 grande expertise puisqu'il a une parfaite connaissance de ce qui s'est
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1 passé sur le terrain. C'était un homme haut placé, qui représentait
2 l'Union européenne sur le terrain et qui l'a représentée pendant plus de
3 cinq ans.
4 Nous estimons, Monsieur le Président, Mesdames les Juges, que la
5 déposition de Sir Garrod est absolument fondamentale puisqu'elle nous
6 permet de bien comprendre les tenants et les aboutissants de l'affaire.
7 M. le Président (interprétation): Je comprends bien ce que vous dites,
8 Monsieur Scott, et nous sommes très intéressés par la déposition de ce
9 témoin. Mais vous savez que nous avons sous les yeux un ensemble de
10 documents et j'aimerais que vos questions, dans la mesure du possible,
11 portent sur lesdits documents.
12 M. Scott (interprétation): Ce sera le cas, Monsieur le Président, j'ai
13 bien l'intention de me pencher sur ce dossier.
14 Je vous ai expliqué, au début de la déposition de ce témoin, de quelle
15 façon je pensais procéder. Je me propose de procéder de la façon suivante
16 -mais vous pouvez bien sûr m'aider, si vous pensez que c'est utile-, mais
17 je me propose de passer en revue un certain nombre de sujets, de laisser
18 le témoin exprimer librement son opinion et son évaluation de la
19 situation; ensuite, nous regarderons certains documents et, ensuite, nous
20 repasserons à une deuxième partie de sa déposition. C'est ainsi que nous
21 souhaiterions procéder.
22 J'ajouterai, Monsieur le Président, que je pense que cette déposition va
23 nous prendre un certain temps, même si nous avançons à un rythme
24 satisfaisant. Mais enfin, je ne pense pas pour autant que nous en aurons
25 terminé d'ici une ou deux heures. L'interrogatoire principal va nous
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1 occuper pendant quasiment toute l'après-midi.
2 M. le Président (interprétation): Monsieur Meek?
3 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, j'ai
4 prêté une oreille attentive à ce qu'a dit M. Scott, j'ai notamment écouté
5 ce qu'il avait à dire quant à l'objectif visé en faisant venir ce témoin.
6 Eh bien, moi, je pense que ce témoin ne vient que répéter certaines
7 choses. On nous dit qu'on veut vous donner un panorama complet de ce qui
8 s'est passé, mais je crois que cette Chambre de première instance a
9 entendu d'autres témoins dire exactement les mêmes choses que ce témoin-
10 ci.
11 J'aimerais aussi signaler que ce témoin a déjà indiqué qu'il avait passé
12 près de 90 jours à Mostar, soit environ trois mois, depuis le tout début
13 du mois de juillet; ensuite, il est parti pour Zenica.
14 Je pense -et je ne manquerai pas de soulever d'autres objections si le
15 besoin s'en fait sentir-, je pense que tout cela est redondant. Je ne
16 pense pas que cela soit pertinent. Si le témoin veut nous faire part de ce
17 qu'il a pu observer, alors qu'il était à Mostar, nous n'avons pas
18 d'objection à faire sur ce point, mais je joins ma voix à celle de M. Par,
19 je suis d'accord avec son objection et je répète une fois encore que tout
20 cela est bien superflu puisque nous avons déjà entendu tout cela dans la
21 bouche d'autres témoins.
22 M. le Président (interprétation): Maître Meek, nous savons fort bien que
23 ce témoin n'est pas un témoin expert, mais ce témoin a passé un certain
24 temps à Mostar à l'époque des faits qui nous intéressent et il jouit d'une
25 connaissance de première main quant à la situation qui prévalait à Mostar,
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1 à l'époque des faits. Il s'agit là d'un observateur indépendant et nous
2 souhaitons entendre ce que le témoin est à même de nous dire sur les
3 sujets qui sont évoqués.
4 La question est tout de même celle-ci: nous devons passer en revue tous
5 ces documents. C'est pourquoi nous sommes intervenus pour lancer un
6 avertissement à M. Scott. Monsieur Scott doit faire très attention: nous
7 devons passer en revue ces différents documents. C'est essentiel.
8 Sur ce, Monsieur Scott, vous pouvez continuer.
9 M. Scott (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
10 Malheureusement, je ne peux pas revenir en arrière. Je ne sais plus quelle
11 était ma dernière question.
12 Mme Clark (interprétation): Je vais vous aider, Monsieur Scott.
13 Sir Garrod, expliquez à la Chambre quelles étaient les intentions du plan
14 Vance-Owen. Il nous disait, que les provinces devaient être des provinces
15 multiethniques, même si une ethnie était majoritairement présente dans ces
16 provinces, il nous expliquait ce que devaient faire les gouvernements de
17 ces provinces. Mais le but était que chacune des provinces qui avait une
18 majorité soit de Serbes, de Croates ou de Musulmans, devait de toute façon
19 être une province multiethnique.
20 M. Scott (interprétation): Vous avez entendu le Juge Clark faire état de
21 ce que vous avez dit avant cette interruption?
22 Sir Garrod (interprétation): Oui.
23 Question: Est-ce que c'est bien là ce que vous avez vous-même dit, il y a
24 quelques instants?
25 Réponse: Absolument.
Page 8362
1 Question: Je prends bonne note des objections faites par la défense et je
2 vais poser certaines questions au témoin pour établir le fondement de ce
3 que je souhaite faire.
4 Dans le cadre de votre mission en Bosnie -je ne parle pas seulement de la
5 période de temps pendant laquelle vous étiez à la tête du cessez de
6 Mostar, je parle également de la période pendant laquelle vous étiez à la
7 tête du centre RC de Zenica-, ce qui veut dire que vous aviez toujours
8 Mostar dans le cadre de votre juridiction. Pendant toute cette période,
9 est-ce que vous avez rencontré un certain nombre de hauts représentants
10 croates de Bosnie?
11 Réponse: Oui, j'en ai rencontré un certain nombre.
12 Question: Je vais citer certains noms pour donner à la Chambre une idée de
13 ce que je veux dire. Vous avez rencontré Mate Boban?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Vous avez rencontré Jadranko Prlic?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Vous avez rencontré Dario Kordic en Bosnie centrale?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Vous avez rencontré Anto Valenta?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Vous avez rencontré Bruno Stojic, ministre de la Défense?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Il y a quelques minutes alors que nous parlions du plan Vance-
24 Owen, vous avez déclaré que selon les Croates avaient mal interprété le
25 plan Vance-Owen. Est-ce que vous pourriez nous expliquer pourquoi vous
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1 dites que les Croates avaient mal compris ou mal interprété ce plan?
2 Réponse: Est-ce que je peux répondre en disant que la quasi-totalité des
3 dirigeants politiques croates que j'ai rencontrés, de façon plus ou moins
4 marquée, disaient exactement la même chose? A savoir, nous étions les
5 premiers signataires du plan de paix Vance-Owen. Est-ce que vous ne voyez
6 pas que nous avions, avant la guerre en Bosnie, 800.000 personnes alors
7 qu'aujourd'hui nous sommes moins de 300.000?
8 Regardez ces Musulmans, ils ne les appelaient jamais "Bosniens" mais ils
9 disaient: "Ces Musulmans tiennent toutes les grandes villes: Sarajevo,
10 Tuzla, Zenica, Travnik; etc. Tout ce que nous voulons, c'est Mostar, nous
11 souhaitons en faire la capitale de la République croate d'Herceg-Bosna".
12 Par ailleurs, et cela ils le répétaient sans cesse, ils disaient que: "la
13 création d'une République islamiste en Bosnie était quelque chose qui
14 allait se produire." Et ils déclaraient qu'Izetbegovic était en train de
15 planifier la création d'une telle République islamique. Voilà les thèmes
16 que j'ai entendus à de multiples reprises dans la bouche des différentes
17 personnes que j'ai rencontrées. J'ai même entendu des représentants de
18 l'église catholique s'exprimer notamment au sujet de la création d'une
19 République islamique. Et tous ces arguments étaient tenus par des gens
20 très différents.
21 Jadranko Prlic était un modéré, qui s'exprimait de façon modérée. Je dis
22 qu'il était modéré, mais il se montrait très dur lorsqu'il parlait de
23 l'Occident de l'Ouest, de la façon dont l'Ouest n'était pas objectif dans
24 son évaluation de la situation et était très pro-Musulmans.
25 Je l'ai dit également tout à l'heure que des représentants de l'église
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1 catholique s'exprimaient de la même façon et ils s'exprimaient de façon
2 très claire et très radicale.
3 Question: Nous n'allons pas parler de tous vos entretiens avec ces hauts
4 dirigeants, mais j'aimerais tout de même que nous étudions certains de ces
5 entretiens.
6 Vous avez parlé de Jadranko Prlic, vous avez dit que vous aviez rencontré
7 cet homme le 2 août 1993. Est-ce que vous pourriez nous dire de quoi vous
8 avez parlé avec Jadranko Prlic à cette époque-là? Est-ce que vous avez
9 discuté de la liberté de mouvement des Musulmans à ce moment-là? Est-ce
10 vous avez parlé de la capacité des Musulmans à vivre où ils le
11 souhaitaient?
12 Réponse: J'ai toujours beaucoup apprécié les entretiens que j'ai eus avec
13 Jadranko Prlic, qui était d'après moi un homme très intelligent. J'ai
14 toujours pensé qu'il allait être le successeur de Mate Boban, ce qui ne
15 s'est pas produit. A cette occasion, nous discutions effectivement de la
16 liberté de mouvement, de déplacement, et, entre autres choses, il a
17 déclaré que les individus devraient être libres de vivre où ils
18 souhaitaient vivre. C'était une très belle chose à dire, n'est-ce pas.
19 Mais cela n'a pas beaucoup aidé les Bosniens que l'on était en train
20 d'expulser de Mostar Ouest vers Mostar Est. A cette même époque, eux
21 n'étaient pas absolument libres de choisir leur lieu de résidence.
22 Question: Je vais maintenant attirer votre attention sur la date du 13
23 août 1993. Est-ce qu'à cette date vous avez rencontré un homme appelé
24 Danko Bilnovac? Peut-être que je cite ce nom pour la première fois et je
25 m'en excuse.
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1 Réponse: Oui, c'était le chef de la police de Siroki Brijeg. Danko
2 Bilnovac. Il a déclaré, lors de cet entretien, que la décision de Tito qui
3 consistait à donner aux Musulmans la nationalité musulmane en changeant la
4 Constitution en 1974 avait été une grave erreur, car auparavant on parlait
5 de Croate ou de Serbe ayant ou non adopté la religion islamique.
6 Il y avait donc cette opinion qui allait tout à fait à l'encontre de la
7 décision de Tito qui visait à créer cette nationalité musulmane.
8 Question: J'attire maintenant votre attention sur Anto Valenta, un autre
9 haut dirigeant croate. Avez-vous eu l'occasion de le rencontrer et de vous
10 entretenir avec lui?
11 Réponse: Oui, j'ai rencontré Anto Valenta à plusieurs reprises, à Vitez,
12 c'était le vice-président du HDZ. C'était un intellectuel et il
13 s'intéressait principalement à la démographie. Il avait écrit des ouvrages
14 qu'il était tout à fait prêt à montrer aux gens qu'il rencontrait. Il me
15 les a montrés, ces ouvrages qui portaient sur la façon dont la Bosnie
16 devrait être divisée en trois entités. Il pensait que c'était là la
17 meilleure solution à retenir pour l'avenir.
18 Il avait une immense carte de la Bosnie où apparaissaient les différentes
19 divisions ethniques. Il y avait des petites aiguilles plantées un peu
20 partout; la tête des aiguilles avait des couleurs différentes qui
21 montraient exactement quelle était la représentation ethnique qui
22 prévalait dans un petit village particulier. Il y avait ce degré de détail
23 représenté sur sa carte.
24 Ce n'était pas un homme d'un grand pouvoir, quand je l'ai rencontré en
25 tout cas, mais c'était vraiment un grand intellectuel, un grand cerveau,
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1 et je pense que c'était l'expert croate ou l'expert des Croates en
2 démographie.
3 Question: Est-ce qu'à plusieurs reprise vous avez rencontré aussi Dario
4 Kordic?
5 Réponse: Oui, j'ai régulièrement rencontré Dario Kordic, qui était à
6 l'époque le représentant politique croate le plus important en Bosnie
7 centrale.
8 M. Scott (interprétation): Nous allons essayer d'avancer un petit peu.
9 Est-ce que vous pourriez nous dire quelles étaient ces opinions? Est-ce
10 que vous pourriez nous dire en quoi elles divergeaient ou correspondaient
11 à ce que vous avez décrit jusqu'à présent?
12 M. le Président (interprétation): Maître Meek?
13 M. Meek (interprétation): Objection. Je me demande quelle est la
14 pertinence des opinions de Dario Kordic. En quoi est-ce que cela a trait à
15 Mostar? Quel est le lien de tout cela avec la Bosnie centrale? Je ne crois
16 vraiment pas que cela soit pertinent et je fais objection.
17 M. le Président (interprétation): Cela fait partie des informations de
18 contexte, des informations générales que nous souhaitons que le témoin
19 nous donne. Nous comprenons votre objection, elle apparaît au compte
20 rendu.
21 Nous allons tout de même écouter ce que le témoin a à nous dire sur ce
22 point. Nous ne manquerons pas de tenir compte de votre objection au moment
23 de donner aux paroles du témoin le poids qui leur revient.
24 M. Meek (interprétation): Je vous remercie.
25 M. Scott (interprétation): Je vous invite à répondre à la question.
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1 Sir Garrod (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
2 Nombre d'entretiens que j'ai eus avec Dario Kordic portaient sur des
3 problèmes qui se présentaient à l'époque. Par exemple, la saisie de deux
4 hélicoptères de la BiH par le HDZ à Medjugorje, tel que ce qui c'était
5 passé à Stupni Do, le massacre de Stupni Do, etc.
6 Quand nous parlions en termes plus généraux, Dario Kordic évoquait lui
7 aussi ce que j'ai déjà détaillé précédemment, c'est-à-dire ces grands
8 thèmes qui étaient repris par tous les Croates. Bien sûr, il avait des
9 liens très étroits avec Mate Boban, donc il exprimait également les vues
10 de Mate Boban et ses opinions.
11 M. Scott (interprétation): Ce sera ma dernière question sur ce sujet, et
12 je vais essayer de synthétiser un peu les choses.
13 Est-ce que, d'après vous, les hauts dirigeants politiques croates de
14 Bosnie avaient à peu près le même point de vue en matière politique que
15 ceux qui étaient exprimés en Herzégovine?
16 Sir Garrod (interprétation): Oui, avec des exceptions. Quand vous parliez
17 avec Kresimir Zubak, vous obteniez un écho assez différent. Ce n'était pas
18 la même chose de s'exprimer avec lui, que de s'entretenir avec des gens
19 qui avaient une position beaucoup plus extrême. Donc vous voyez qu'il y
20 avait des nuances selon les interlocuteurs avec lesquels on s'entretenait.
21 M. Meek (interprétation): A la ligne 3, il y a en fait un trou dans le
22 compte rendu, il dit: "Quand on s'exprime avec des gens comme…", et puis
23 cela n'apparaît pas.
24 M. le Président (interprétation): Est-ce que je peux vous demander
25 d'éclaircir les choses?
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1 Sir Garrod (interprétation): Oui, Kresimir Zubak.
2 M. Scott (interprétation): Je voudrais éclaircir un petit peu les choses.
3 A la fin de votre dernière réponse, vous avez dit: "si on s'entretenait
4 avec les plus radicaux". Qui appelez-vous "les plus radicaux"? Qui
5 étaient-ils d'après vous?
6 Sir Garrod (interprétation): Eh bien, le dirigeant, à commencer par lui,
7 Mate Boban! C'était un extrémiste dans les opinions qu'il exprimait. Et
8 puis, il y en avait d'autres que j'ai eu l'occasion de rencontrer quand je
9 suis revenu de Zenica, et que je suis revenu à Mostar. Et j'ai alors
10 commencé à comprendre qui étaient les radicaux et qui étaient, disons, les
11 gens raisonnables.
12 M. Meek (interprétation): Objection, Monsieur le Président. Objection!
13 Quelle est l'époque à laquelle nous faisons référence?
14 Le témoin nous dit qu'il a pris conscience de quelque chose après son
15 retour, mais à quelle date nous situons-nous? Je voudrais le savoir parce
16 que je voudrais savoir si je dois faire objection ou si je dois me
17 rasseoir.
18 Je ne sais pas quel est le rapport qui lie ce que le témoin dit à l'Acte
19 d'accusation, qui est au coeur de l'affaire qui nous intéresse.
20 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, vous allez peut-être
21 pouvoir poser des questions qui éclaireront notre lanterne.
22 M. Scott (interprétation): Sir Garrod, je crois qu'hier vous avez dit
23 quelque chose qui va pouvoir nous aider. Vers la mi-octobre, je crois que
24 vous êtes devenu le responsable du RC de Zenica et que vous avez occupé ce
25 poste jusqu'au 18 avril 1994. C'est cela?
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1 Sir Garrod (interprétation): Oui, c'est cela. Je suis ensuite revenu à
2 Mostar; je crois que je suis revenu le 19 avril 1994.
3 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik?
4 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, je sais quelle est
5 votre décision puisque Me Meek a fait objection avant moi. Je suis le
6 représentant principal de mon client, je voudrais faire une objection de
7 principe à ce qui est en train d'être dit.
8 Ce témoin parle d'une période de temps. Nous avons établi qu'il avait
9 passé trois mois à Mostar en 1993; ensuite, il est parti à Zenica et il
10 est revenu en avril 1994. Eh bien, en avril 1994, la Fédération a été
11 inaugurée par les Accords de Washington; c'est une époque qui a vu le
12 début de certains combats politiques. Ensuite, tout a reposé sur les
13 Accords de Washington. Donc nous parlons de deux situations totalement
14 différentes.
15 Notamment, au vu du fait que la première période que nous évoquons était
16 une période de guerre, une période couverte par l'Acte d'accusation. La
17 deuxième période que nous évoquons est une période de paix, une période
18 qui a vu l'établissement d'un Etat sur la base de la lettre des Accords de
19 Washington.
20 Nous ne pouvons pas comparer ces deux périodes de temps. Par ailleurs, je
21 dirais que la deuxième période évoquée à l'instant sort complètement du
22 champ couvert par l'Acte d'accusation.
23 Pardon d'avoir pris autant de temps pour m'exprimer et merci.
24 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik, nous avons déjà dit que
25 nous souhaitions bénéficier de ces informations de contexte, qui nous
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1 permettent de comprendre un peu mieux ce qui s'est passé à Mostar et qui
2 nous permettent de mieux comprendre ce qui est dit dans l'Acte
3 d'accusation.
4 Nous devons avoir la preuve qu'il y a eu une conduite systématique et
5 généralisée, dès le début des incidents. Il faut qu'il y ait cohérence
6 entre ce qui s'est passé au début des incidents, pendant le conflit et à
7 la fin de ce conflit. Nous pensons que le témoin, parce qu'il a passé une
8 longue période de temps sur place, est à même de nous aider, car il est
9 parfaitement au fait de la situation qui prévalait dans ces régions de la
10 Bosnie-Herzégovine.
11 Donc nous permettons à ce témoin de s'exprimer librement pendant encore un
12 moment. Ce qui signifie que nous allons étudier attentivement ce qu'il
13 nous aura dit au moment de donner aux différents moyens de preuve le poids
14 qu'il leur revient, mais cela veut dire aussi que nous prendrons en compte
15 les objections très fermes élevées par la défense sur ces différents
16 sujets.
17 M. Krsnik (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président, de
18 ces indications.
19 Je voulais simplement dire que les informations détenues par ce témoin
20 sont des informations qui portent sur les années 1994, 1995 et 1996. Je ne
21 crois pas que nous devons entrer dans le détail de tout cela, d'abord
22 parce que ce n'est pas couvert par l'Acte d'accusation et, ensuite, parce
23 que nous parlons de deux périodes très différentes, deux périodes
24 politiques très différentes. Il y a la période qui précède 1994: le témoin
25 n'était pas là -les documents en font état- donc le témoin n'a pas à
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1 s'exprimer là-dessus.
2 Mais je vous remercie, Monsieur le Président, d'avoir dit à l'accusation
3 qu'il fallait qu'elle se penche sur les documents, parce que ces documents
4 nous intéressent et traitent également de ce qui apparaît dans l'Acte
5 d'accusation.
6 Par ailleurs, la période 1995, 1996 et 1997 est une période qui n'a rien à
7 voir; c'est une période qui a vu la naissance de la Fédération sur les
8 Accords de Washington et tout cela, je le répète, n'a rien à voir avec ce
9 procès.
10 M. le Président (interprétation): Bien sûr que nous n'allons pas parler de
11 1995, de 1996, mais nous sommes convaincus que nous avons besoin de
12 bénéficier de ces informations d'ordre général pour comprendre la
13 situation qui prévalait dans la région, pour savoir s'il y avait
14 affectivement existence d'un conflit international armé.
15 Je vais donc demander à M. Scott de bien vouloir continuer, en ayant à
16 l'esprit les objections qui ont été faites par les différents conseils de
17 la défense.
18 M. Scott (interprétation): Certainement, Monsieur le Président, je vais
19 poursuivre.
20 Je voudrais juste faire un commentaire pour qu'il soit mis au compte
21 rendu. Je prends bonne note des objections des conseils de la défense,
22 mais je voudrais dire ici que je pense que la déposition du témoin sera
23 d'une nature assez différente de celle à laquelle s'attend le conseil de
24 la défense.
25 Sir Garrod, j'attire maintenant votre attention sur la division de Mostar,
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1 telle que vous avez pu en être le témoin. Est-ce que vous pourriez, une
2 fois encore, expliquer à la Chambre quelles étaient les opinions des
3 Croates de Bosnie, eu égard à Mostar? Et pourriez-vous également nous dire
4 quel rôle Mostar a joué dans le cadre de l'établissement de la République
5 d'Herceg-Bosna?
6 Réponse: Les Croates se sentaient frustrés, comme je l'ai dit. Ils
7 disaient constamment que les Bosniens détenaient déjà toutes les grandes
8 villes, alors qu'eux n'avaient rien. Eux ne demandaient que Mostar, dont
9 ils souhaitaient faire la capitale de leur identité nationale, culturelle,
10 religieuse.
11 Question: Est-ce que vous avez eu connaissance de ce qu'ils pensaient du
12 rôle que devaient jouer les Musulmans à Mostar?
13 Réponse: Cela n'a jamais vraiment été abordé: c'est un sujet qui n'a surgi
14 qu'un peu plus tard, quelques années plus tard lorsque nous avons commencé
15 à essayer de mettre sur pied une administration unifiée.
16 Question: J'attire maintenant votre attention sur une pièce qui ne se
17 trouve pas au début du classeur. Nous l'avons classée dans l'ordre, mais
18 nous ne les prendrons pas dans l'ordre. J'attire donc votre attention sur
19 la pièce 770.1 qui se trouve vers la fin du classeur. Vous avez ce
20 document?
21 Réponse: Non pas encore, excusez-moi.
22 Question: Il n'y a pas de mal.
23 Réponse: Vous me dites 770.1?
24 M. Scott (interprétation): Le chiffre se trouve dans l'angle inférieur, à
25 gauche de la page.
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1 M. Meek (interprétation): Ce document 770.1 est un document auquel
2 s'oppose le conseil de la défense car il est entièrement fondé sur les
3 entretiens pour une période qui est en dehors des chefs d'accusation. Et,
4 en toute honnêteté, je dois dire à la Chambre que dans ce document il y a
5 une ligne de frontière entre la date à laquelle l'Acte d'accusation se
6 rapporte et la période après coup. Mais je m'oppose fortement à ce
7 document et il ne faudrait pas qu'il soit admis, car il n'a rien à faire
8 avec l'Acte d'accusation.
9 M. le Président (interprétation): Permettez-nous, Maître Meek, d'entendre
10 ce que dit ce témoin. Nous savons qu'il s'agit d'un rapport qui porte la
11 date du 18 avril 1994 et nous pourrions lire le début du paragraphe.
12 Vous pouvez continuer, Monsieur Scott.
13 M. Scott (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
14 Alors pourriez-vous nous dire, Monsieur le Témoin, de quoi il s'agit dans
15 ce document?
16 Sir Garrod (interprétation) Oui. Il s'agit là du centre... Nous étions à
17 la tête du centre de Zenica, il fallait soumettre des rapports exhaustifs.
18 Et ceci, c'est mon rapport à la fin de ma mission en tant que représentant
19 du centre de Zenica; c'est donc un document que j'ai donc remis à la date
20 marquée "18 avril".
21 Comme je l'ai dit, ce rapport revient à la date du 14, se rapporte à la
22 date du 14 octobre 1993 jusqu'au 18 avril 1994.
23 M. Scott (interprétation): Je voudrais montrer que dans les registres de
24 l'Acte d'accusation il faut voir qu'il traite de la première partie au
25 moins de l'année 1994.
Page 8374
1 Je voudrais maintenant diriger votre attention à la page 4, le paragraphe
2 22.
3 Monsieur le Président, certains de ces thèmes pourraient fournir à la
4 Chambre l'occasion de voir le document lui-même qui pourrait être
5 reproduit sur le rétroprojecteur. Et si cela convient à la Chambre, nous
6 pourrions porter sur le rétroprojecteur un de ces passages pour que chacun
7 puisse les lire. Ceci vous convient-il, Monsieur le Président?
8 M. le Président (interprétation): Oui.
9 M. Scott (interprétation): Sir Garrod, avez-vous eu l'occasion de revoir
10 le point 22 de votre rapport?
11 Est-ce que ce sont là, à partir de vos mémorisations, vos observations sur
12 les différentes politiques et opinions des Croates bosniaques et de leurs
13 dirigeants concernant ce que vous avez déjà dit pendant ces dernières
14 minutes de cette déposition?
15 Sir Garrod (interprétation): Oui, ce sont exactement mes opinions à
16 l'époque et elles n'ont pas changé.
17 Question: Je voudrais tenir compte du fait qu'il y a des trous assez
18 significatifs dans la traduction française.
19 Je ne porte pas plainte, mais il faudrait tenir compte de ce rythme, car
20 il est nécessaire qu'il soit ralenti de manière radicale.
21 Je voudrais attirer votre attention à la page 6. Je passe au sous-chapitre
22 "Administration de l'Union européenne à Mostar". Je vous poserai des
23 questions de nature générale.
24 Une nouvelle fois, Monsieur le Président, concernant les objections
25 formulées par le conseil de la défense, je vous demanderai de permettre
Page 8375
1 que le témoin nous donne ses toiles de fond sur ce qui se produisait au
2 cours de l'année, au cours de cette période. C'est-à-dire au cours de 1993
3 et début 1994.
4 Sir Garrod, nous n'allons pas en parler maintenant, vous avez entendu
5 quelques-uns de nos soucis.
6 Mais vous avez dit quelle était la conception de l'administration de
7 l'Union européenne concernant quelle devait être l'idée de
8 l'administration de Mostar de l'Union européenne, et comment cela devrait
9 être effectué pour la ville de Mostar?
10 Sir Garrod (interprétation): Après le suivi de l'échec du plan de paix
11 Vance-Owen et l'échec d'autres négociations, l'Accord de Washington avait
12 été signé en mars 1993. Ceci avait mis une fin à la lutte entre les
13 Croates et les Musulmans en Bosnie, et c'était la mise en place d'une
14 fédération entre les Croates et les Musulmans. Vu que Mostar était la
15 ville la plus divisée dans toute la Bosnie, vu qu'elle était une ville de
16 très grande importance pour la fédération, il avait été décidé -et ceci
17 déjà dans le plan de Vance-Owen- de faire en sorte que Mostar devait…, que
18 l'Union européenne allait essayer, grâce à l'administration de Mostar
19 pendant une période de deux ans, d'unifier, de créer une administration
20 unique et unifiée. Ceci était bien entendu essentiel pour toute l'idée
21 même de la fédération. Et c'était, d'autre part, Mostar qui était
22 l'endroit où les combats entre les Croates et les Bosniens avaient été les
23 plus puissants.
24 M. Scott (interprétation): Compte tenu de cela, voulez-vous, s'il vous
25 plaît, regarder le paragraphe 35? Si vous pouvez pendant un moment le
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1 regarder?
2 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Par, je vous en prie.
3 M. Par (interprétation): Monsieur le Président, je fais une objection
4 concernant ce questionnement? Je comprends très bien qu'il est d'accord
5 que l'on parle ici dans la Chambre de thèmes qui sont en dehors de la
6 période de l'Acte d'accusation. Mais si, dans le cas où on le permet et si
7 on poursuit cette pratique, nous nous trouvons à même que nous ne saurons
8 pas quel type de témoins nous avons.
9 Est-ce que c'est un témoin qui figure ici à titre d'expert ou s'agit-il
10 d'un témoin qui va nous fournir ses observations, ses considérations sur
11 les événements, ou bien est-ce un témoin qui va parler de faits?
12 Le conseil de la défense est donc en position de ne pas savoir comment
13 opposer ses propres positions par rapport à de telles dépositions.
14 Si on nous dit que Owen n'est pas un… Si on nous dit que cet expert n'est
15 pas un expert, alors nous ne pourrons pas trouver un expert qui pourrait
16 s'opposer aux faits qui avaient été fournis. Il s'agit en fait d'un témoin
17 qui émet ses opinions.
18 Est-ce que cette Chambre va permettre au conseil de la défense de fournir
19 un témoin, ou également nous pourrons entendre le témoin émettre ses
20 opinions?
21 Autrement dit, je ne voudrais pas que nous permettions qu'un témoin de
22 grande réputation, dont la qualité est tout à fait connue, il ne faudrait
23 pas permettre à ce que ce témoin émette ses opinions. Je n'entre pas du
24 tout dans la crédibilité de ses affirmations, mais c'est une question de
25 procédure pour dire: est-ce qu'un témoin qui n'est pas un expert, est-ce
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1 qu'il est permis pour lui d'émettre ses réflexions?
2 Je continue. C'est là mon objection primaire, mais je ferai une autre
3 objection. C'est donc une série maintenant de documents que nous avons,
4 qui sont des documents qui reprennent les opinions du même témoin.
5 Autrement dit, nous avons les opinions qui ont été émises sous forme
6 écrite et sous forme orale. A la fin, le Président va proposer que ces
7 documents soient versés au dossier et nous aurons donc comme résultat que
8 le Bureau du Procureur aura, dans ces documents, des documents de cette
9 nature et que, de cette façon, le Bureau du Procureur aura le témoignage
10 et les documents qui parlent dans le même sens.
11 M. le Président (interprétation): Oui, je vous en prie, Monsieur Meek.
12 M. Meek (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
13 Je suis à cent pour-cent en faveur de ce qu'a dit mon collègue, M. Par. Je
14 voudrais seulement attirer l'attention de la Chambre à la toute première
15 ligne du paragraphe 36 du document 700.1, qui dit: "La mission de
16 recherche de l'Union européenne avait complété sa visite à Mostar dans les
17 dernières semaines du mois de mars". Mars: il s'agit du mois de mars 1994.
18 Dans cette affaire, nous avons ici des allégations concernant des crimes
19 de guerre qui avaient été commis par les accusés jusqu'au moins la fin de
20 janvier 1994. Pourquoi nous occupons-nous donc de ces documents qui
21 traitent une période de deux mois après la fin de toutes les allégations
22 qui figurent contre mon client? Nous parlons donc de deux mois après de
23 toutes les allégations de crime de guerre.
24 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Scott, je vous en prie.
25 M. Scott (interprétation): Avec votre indulgence, je vous prie de
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1 m'entendre.
2 M. le Président (interprétation): Oui, mais vous devrez être très concis,
3 parce que c'est le moment de la pause.
4 M. Scott (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
5 Nous allons procéder avec ces questionnements, mais je crois que la
6 Chambre, par ses observations, a prouvé que le Bureau du Procureur est
7 conscient des Règles de la procédure et qu'il va encore poursuivre pendant
8 quelques minutes. C'était un besoin.
9 Pour revenir à la période, c'est une période couverte par l'Acte
10 d'accusation, paragraphe 26, et c'est une période qui allait au moins
11 jusqu'en janvier 1994. Donc cela n'est pas en dehors de la portée de
12 l'Acte d'accusation. C'est pourquoi je voudrais voir ces documents et,
13 lorsque nous verrons les documents et puisque ce témoin est important pour
14 la Chambre, j'estime que la Chambre devrait avoir une pleine occasion
15 d'entendre la suite des positions du témoin.
16 M. le Président (interprétation): Nous estimons que ce témoin nous donne
17 le contexte historique. Il a déjà émis des opinions, qui sont différentes
18 par rapport aux résultats d'un autre observateur indépendant, sur la
19 période qui avait été décrite. Comme je l'ai déjà dit dans mes
20 observations, il est visible, dans la première partie de ce document, que
21 ce qui est important, c'est le début de la période entre le 14 octobre
22 1993 jusqu'au 18 avril 1994, et cela est la période, est l'intervalle de
23 l'Acte d'accusation.
24 Donc nous allons entendre le témoin sur cette même matière. Nous allons
25 également rappeler le Bureau du Procureur sur la relation qui existe entre
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1 la déposition et les documents que le Bureau du Procureur va verser au
2 dossier.
3 Nous estimons à la fin que nous allons revenir à ces documents et que nous
4 allons nous retrouver à 16 heures. Nous allons continuer.
5 Monsieur l'huissier, voulez-vous raccompagner le témoin? Merci.
6 (Le témoin, Sir Martin Garrod, est reconduit hors du prétoire.)
7 (Questions relatives à la procédure.)
8 Nous reprendrons les travaux à 16 heures.
9 Quand la Chambre apporte une décision sur un sujet, le conseil de la
10 défense peut avoir une opinion séparée, mais ne nous voulons plus entendre
11 d'objections ultérieures dans ce sens.
12 Nous allons reprendre à 16 heures.
13 (L'audience, suspendue à 15 heures 35, est reprise à 16 heures 01.)
14 M. le Président (interprétation): Monsieur l'huissier, faites entrer le
15 témoin, s'il vous plaît.
16 Oui, Maître Meek?
17 M. Meek (interprétation): Puis-je parler d'une question de procédure
18 pendant que nous attendons l'arrivée du témoin?
19 M. le Président (interprétation): Oui, je vous en prie.
20 M. Meek (interprétation): Le Bureau du Procureur avait demandé l'accord de
21 déclaration sur deux personnes défuntes, et j'estime que la Chambre avait
22 proposé une Règle compte tenu de la procédure, notamment qu'il y avait
23 quatre jours pour répondre à toute forme d'objection.
24 Je voudrais rappeler au Tribunal que nous allons faire une telle demande
25 en espérant que, si mercredi nous n'aurons pas l'occasion d'en parler, il
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1 y aura certainement l'occasion d'en parler d'ici quatre jours. Voilà,
2 c'est tout.
3 M. le Président (interprétation): Oui, merci. Nous espérons que la Chambre
4 s'est déjà prononcée sur des questions comme celles-ci.
5 M. Meek (interprétation): Merci.
6 (Le témoin, Sir Martin Garrod, est introduit dans le prétoire.)
7 M. le Président (interprétation): Oui, je vous en prie, Monsieur Scott.
8 M. Scott (interprétation): Puis-je attirer votre attention au paragraphe
9 35 de votre rapport, pièce 770.1? Et la meilleure façon de procéder est
10 d'ajouter d'autres documents en annexe.
11 Si vous regardez ce paragraphe, vous avez fait une appréciation précise
12 concernant la décision de la ville de Mostar pendant votre mission,
13 lorsque vous étiez à la tête du RC de Zenica.
14 Sir Garrod (interprétation): Oui, très juste.
15 Question: Est-ce que, lorsque vous avez dit à la Chambre, c'étaient des
16 vues que vous exprimiez dans une série de documents et dans une série de
17 rapports que vous aviez faits à titre de haut fonctionnaire de la
18 Communauté européenne dans les missions d'observation?
19 Réponse: Oui, compte tenu de mon expérience j'ai fait des rapports.
20 Question: Il serait donc approprié de dire que ces vues n'étaient pas
21 seulement des vues personnelles, mais que c'était une appréciation, à
22 différents niveaux, des vues émises par l'ECCM en tant qu'organisation.
23 Réponse: Oui. Bien entendu, il y avait des faibles variations d'opinion,
24 mais je puis dire que mes opinions reflétaient les opinions du ECMM.
25 Question: Pourriez-vous me permettre de dire, Sir Garrod, qu'à la lumière
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1 de ces objections, est-ce que vous voyez des différences d'opinions entre
2 les personnalités de l'ECMM qui étaient vos subordonnés ou ceux qui
3 étaient vos supérieurs hiérarchiques.
4 Réponse: Non, je ne crois pas que je pourrais me rappeler d'une différence
5 significative d'opinions. Non.
6 Question: Avant de laisser ce document, permettez-moi d'attirer votre
7 attention au paragraphe 12 à la page 2. A la fin de ce paragraphe, cela
8 commence avec une phrase: "sur la région de Mostar central".
9 Dans la citation "dans la région de Mostar", est-ce que c'est une
10 observation qui est valable pour la période où vous y avez été présent? Et
11 est-ce que c'était valable pour la période depuis juillet 1993 et jusqu'en
12 avril 1994?
13 Réponse: Oui, la situation et le territoire n'ont pas du tout changé
14 pendant cette période; et je sais très bien que les deux parties avaient
15 été prêtes, pour différentes raisons, à s'engager dans une lutte. Pour
16 lutter pour chaque maison. Et ces conflits avaient été menés par des
17 mortiers, par des mitraillettes, une artillerie. Et pendant mon séjour et
18 ma mission à Mostar, aucune pièce de territoire n'a changé de mains.
19 Question: Bien. Sir Garrod, nous allons revenir à cette pièce à l'avenir,
20 et nous allons maintenant passer à d'autres matières. Passons maintenant,
21 si je puis vous diriger, vers le début du classeur. Passons à la pièce
22 P39359.
23 Si vous voulez jeter un coup d'oeil sur ce document. Pourriez-vous nous
24 donner une image sur ce document? Est-ce qu'il s'agit là d'un rapport
25 spécial qui porte le titre "Rapport spécial en date du 1er mai à la
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1 direction du RC de Zenica"?
2 Réponse: Oui, il avait été adressé à mon prédécesseur en tant que chef de
3 mission du centre régional de Zenica.
4 Question: Je voudrais attirer votre attention au second paragraphe de la
5 première page. Le format de ce document n'est pas toujours clair, mais il
6 faut tout simplement regarder ce paragraphe et, si vous me le permettez,
7 je vous poserai une question, mais lorsque vous aurez repéré ce
8 paragraphe; je vous poserai une ou deux questions.
9 (Le témoin cherche.)
10 Quant à votre évaluation, est-ce que les constatations que vous faites sur
11 les circonstances que vous avez décrites, est-ce que c'étaient des
12 évaluations qui continuaient à être véritables, et concernant votre
13 engagement dans le CC de Mostar et dans le RC de Zenica?
14 Réponse: Oui, je vois qu'il y avait des points de contrôle particuliers et
15 il y avait une restriction de liberté de mouvement et d'intimidation de
16 civils. Oui.
17 Question: Oui. Je vais attirer votre attention à la page suivante, vers le
18 milieu de la page ou à la fin. Il me semble qu'il s'agisse là d'un
19 paragraphe complet, une phrase qui disait -je cite-: "Les Musulmans
20 avaient été systématiquement évincés". C'est bien cela?
21 Réponse: Le premier paragraphe commence avec "Le retrait des bénévoles…".
22 Le second paragraphe commence jusqu'à "… le dernier, mais pas le moins
23 important...".
24 Question: Oui, c'est juste, au-delà des mots: "le dernier, mais pas le
25 moins important…".
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1 Réponse: Oui, oui.
2 Question: Pourriez-vous nous dire vos estimations et vos évaluations tout
3 au long de votre mission, depuis juillet 1993 jusqu'à avril 1994?
4 Réponse: Oui, bien entendu. Les Croates avaient été tout le temps très
5 anxieux et désireux de réaliser la République croate d'Herceg-Bosna.
6 Question: Pourriez-vous dire à la Chambre quels étaient les moyens dont
7 disposaient les Croates pour l'accomplir?
8 Réponse: Oui. Il y avait, dès le début des conflits, des structures
9 parallèles. Donc il y avait les Croates et les Musulmans: d'abord, ils
10 avaient lutté contre les Serbes et, ensuite, ils ont créé des armées
11 séparées, des forces de police séparées, une administration séparée, une
12 monnaie séparée. Bref, ils avaient dit qu'il s'agissait de langues
13 différentes. Donc tout était séparé.
14 Question: Si je puis attirer votre attention vers le paragraphe suivant et
15 si vous voulez le relire un moment, je vous poserai une nouvelle question.
16 Réponse: Oui.
17 Question: Pourriez-vous nous expliquer ou nous donner une orientation sur
18 votre expérience des plans Vance-Owen qu'ils avaient estimé comme
19 justifiés concernant la prise de territoires?
20 Réponse: Oui, les Croates étaient ravis avec leurs provinces 8 et 10, qui
21 s'étendaient depuis Mostar, tout au long, jusqu'à Vitez et Busovaca. Il
22 m'a été clair que les Croates voulaient établir, dresser une ligne entre
23 les cantons et les provinces 8 et 9. Il y avait les provinces qui étaient
24 musulmanes, 9, de sorte à faire des zones, pour que les zones deviennent
25 ethniquement homogènes, en d'autres termes pour les rendre, pour en faire
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1 vraiment une province croate.
2 Question: Passons maintenant à la page 5. Il y a des chiffres écrits à la
3 main dans l'angle droit. Tournez et voyez la page 5, le dernier
4 paragraphe. Il s'agit donc d'une analyse. Je vous prie de lire cela à
5 l'instant et de faire votre commentaire.
6 (Le témoin lit ce passage.)
7 Réponse: Oui.
8 Question: Pourriez-vous dire aux Juges, Sir Garrod, si le comportement et
9 les points de vue exprimés ici sont bien ce que vous avez observé, ce que
10 vous avez vu vous-même et ce que vous avez entendu par le biais de
11 supérieurs, de Croates qui s'élevaient au sein de Bosnie-Herzégovine?
12 Réponse: Oui, justement. Ils avaient déjà vu que les Serbes avaient, par
13 la force, atteint leur but et qu'ils allaient former une entité croate de
14 Herceg-Bosna. Ils voulaient former leur propre entité croate au sein de la
15 République croate d'Herceg-Bosna.
16 Question: Bien. Témoin, je vous demande de passer maintenant à la pièce
17 suivante. Il s'agit de la version en langue anglaise, c'est un document
18 qui est suivi par la traduction en BCS. Je vous demanderai, s'il vous
19 plaît, de feuilleter le classeur jusqu'à ce que vous arriviez à la pièce
20 P373.
21 (Intervention de l'huissier.)
22 Le passage se trouve très près du début du classeur.
23 Réponse: Oui, nous avons déjà vu ce document.
24 Question: Non, il s'agit de la pièce P373; au coin supérieur droit, c'est
25 là où la cote est indiquée.
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1 Réponse: Oui. Très bien. Je l'ai trouvé.
2 (Le témoin l'examine.)
3 Question: Sir Garrod, lorsque vous êtes arrivé à Mostar au tout début du
4 mois de juillet 1993 et vous y êtes resté par la suite, est-ce qu'on vous
5 a informé ou est-ce qu'on vous a tenu au courant des événements qui
6 avaient lieu ou qui ont eu lieu au cours des semaines et des mois qui ont
7 précédé votre arrivée?
8 Réponse: Oui, jusqu'à un certain point. Mais, puisque les choses se
9 déroulaient si rapidement, nous pensions plutôt à l'avenir. Nous voulions
10 plutôt nous concentrer sur ce qui allait arriver plutôt que de rester sur
11 ce qui s'est passé. J'avais bien sûr une très bonne idée de ce qui c'était
12 passé jusqu'à mon arrivée.
13 Question: Monsieur le Président, il y a une mention dans ce document où on
14 parle du HV, en fait à la page 3.
15 Je voudrais revenir là-dessus un petit peu plus tard mais c'est un autre
16 sujet, donc je ne vais pas poser la question à Sir Garrod, je ne vais pas
17 lui demander d'émettre des commentaires là-dessus pour l'instant.
18 Veuillez, s'il vous plaît, passer à la pièce suivante. Il s'agit d'un
19 document qui est suivi de celui-ci, donc c'est le document suivant, il
20 s'agit de la pièce 386.
21 Réponse: Oui.
22 Question: Si vous prenez la page 2 de cette pièce, pourriez-vous expliquer
23 à la Chambre qui est Ole Brix Anderson? Quel était exactement son poste au
24 sein de l'ECMM à l'époque?
25 Réponse: Oui, le chef de mission avait été quelqu'un du EC du pays qui, à
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1 l'époque, tenait la présidence. Donc pendant cette période-là, c'était le
2 Danemark. Donc l'homme qui était à la tête de l'ECMM de Zagreb…, donc il y
3 avait un chef mais il y avait également son député, son adjoint qui était
4 toujours représenté; c'était un membre d'une entité politique du bureau
5 étranger, donc d'un ministère des Affaires étrangères. C'était toujours
6 lui.
7 Question: Très bien.
8 Réponse: C'était cette personne qui s'occupait des questions politiques.
9 Question: Fort bien. J'aimerais maintenant attirer votre attention au mois
10 de mai 1993. Un représentant de l'ECMM a été envoyé à ce moment-là en
11 Bosnie pour s'occuper de quelque problème qui avait éclaté.
12 Réponse: Oui.
13 Question: Est-ce que vous pouvez dire à la Chambre s'il s'agit bien d'un
14 exemplaire de ce rapport qui parle de cette mission?
15 Réponse: Oui, c'est exact. Et les trois personnes qui sont mentionnées
16 ici, étaient les chefs des délégations nationales représentées au sein de
17 l'ECMM.
18 Question: Bien. Si nous passons à la dernière page du document en langue
19 anglaise, nous pouvons voir que cette mission était menée par, pour les
20 britanniques, Guy Hart et pour les français, c'était bien Pierre Cornée et
21 Antonio Sanchez pour le Bataillon espagnol.
22 Maintenant, je vous demanderai de vous pencher au paragraphe 3. Vers le
23 milieu, nous pouvons voir le nom de Anto Valenta.
24 Réponse: Oui.
25 Question: Est-ce que c'est bien l'Anto Valenta avec qui vous aviez des
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1 entretiens et de qui vous avez parlé un peu plus tôt aujourd'hui?
2 Réponse: Oui, certainement, c'est de lui qu'il s'agit.
3 M. Scott (interprétation): Et nous voyons ici des commentaires d'Anto
4 Valenta, est-ce que ce sont des commentaires qui sont les mêmes que ceux
5 qu'Anto Valenta vous a fait à vous-même?
6 Sir Garrod (interprétation): Oui, bien sûr, c'était une réponse assez
7 stupide parce qu'il n'y avait pas de Serbes du tout dans cette région; et
8 bien sûr le HVO se trouvait non loin d'Ahmici, qui était situé entre Vitez
9 qui appartenait aux Croates et Busovaca qui appartenait également aux
10 Croates.
11 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Meek?
12 M. Meek (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Je fais une
13 objection quant à la façon dont on n'a pas répondu à la question.
14 La question était très claire, il fallait répondre par oui ou non. Je
15 crois qu'il s'agit d'une question à laquelle on ne peut pas répondre. On a
16 posé la question: "Est-ce que cela semble être des commentaires qui
17 correspondaient aux commentaires que cette personne a faits à l'endroit de
18 la personne?". Nous avons eu une réponse inaudible.
19 M. le Président (interprétation): Je crois que le témoin a répondu à cette
20 question en disant: "Bien sûr" et, par la suite, il a expliqué sa réponse.
21 Bien sûr, il dit très clairement dans ce paragraphe ce qu'il pense.
22 Donc vous pouvez continuer.
23 M. Scott (interprétation): Merci.
24 Sir Garrod, j'aimerais attirer maintenant votre attention à la troisième
25 page de ce rapport et attirer votre attention au paragraphe 10.
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1 En examinant ce paragraphe, pourriez-vous nous confirmer si cela
2 correspond à votre compréhension des faits de ce qui se passait à
3 l'époque, cette demande d'ultimatum qui avait été faite par le côté
4 bosnien et croate?
5 Réponse: Oui, certainement. Je voudrais dire que cela correspondait tout à
6 fait à la personnalité de Mate Boban d'émettre des ultimatums. Je ne suis
7 pas tout à fait sûr de ce que cet ultimatum et de ce que cette lettre
8 représentait, mais je suis presque sûr qu'il s'agissait de mettre en place
9 le plan Vance-Owen.
10 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, j'aimerais demander que
11 cette lettre soit versée au dossier pour qu'elle soit disponible à la
12 Chambre.
13 Je vous demanderai maintenant de vous pencher à la page suivante. Il
14 s'agit du paragraphe 13; je vous demanderai de bien lire ce paragraphe.
15 Réponse: Oui.
16 Question: La phrase que l'on retrouve à la fin de ce paragraphe et qui
17 dit: "Ce n'est pas tellement un résultat des éléments non contrôlés de
18 l'action, mais plutôt cela résulte de la mise en place d'une politique
19 délibérée du HDZ/HVO."
20 Selon votre expérience et selon vos observations, est-ce que vous seriez
21 d'accord avec cette confirmation que, au cours de votre implication en
22 Bosnie, donc qui a lieu entre la période de juillet 1993 et le mois
23 d'avril 1994?
24 Réponse: Oui, il y avait un contrôle politique des activités militaires.
25 Les deux partis se servaient très souvent d'excuses, si une atrocité
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1 survenait, qu'il y avait des éléments non contrôlés. Donc je n'ai jamais
2 accepté cette affirmation parce que, pour ce qui me concernait, c'étaient
3 les dirigeants politiques qui prenaient les décisions et qui mettaient en
4 place les politiques.
5 Question: Est-ce que vous pourriez nous dire pourquoi vous avez conclu
6 cela? Pourquoi vous avez cru, pourquoi n'étiez-vous pas d'accord avec le
7 fait qu'il s'agissait d'éléments non contrôlés.
8 Réponse: Eh bien, dire que les atrocités ou ainsi de suite avaient été
9 menées par des éléments non contrôlés, c'était un prétexte pour la
10 responsabilité. Mais selon moi, je crois que ce sont les dirigeants
11 politiques qui doivent prendre les responsabilités, et les commandants et
12 dirigeants militaires qui se trouvent sous eux. S'ils font une erreur, à
13 ce moment-là, ils sont licenciés. Mais on ne peut pas faire… se plaindre
14 d'éléments non contrôlés.
15 Question: Je vais maintenant vous demander de vous pencher sur la pièce
16 386. Cela devait être le document qui suit ce document, le document qui
17 suit la traduction en langue serbo-croate.
18 Réponse: Quel est le numéro? Est-ce le 386 ou le 396?
19 Question: Oui, en fait, il s'agit de la pièce 396.
20 Si vous avez ce document sous les yeux, je vous demanderai de vous pencher
21 sur un passage qui se trouve aux paragraphes 1 et 2.
22 Réponse: Oui.
23 Question: Monsieur Thébault, au paragraphe 2, fait une référence à une
24 politique délibérée.
25 Je vous demanderai de donner votre évaluation à la Chambre: s'agit-il bien
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1 d'une politique qui est décrite ici comme la liberté de mouvement? Est-ce
2 que cela a été la politique du HVO pendant que vous vous y trouviez?
3 Réponse: Oui, à travers la Bosnie et localement à Mostar également. Et je
4 crois que, lorsque l'hiver est arrivé, les choses ont commencé à être un
5 peu plus faciles. Mais je me rappelle que moi-même j'avais dû passer
6 quatre nuits à Gornji Vakuf et j'essayais de descendre au sud, vers
7 Zenica, car le HVO avait à ce moment-là érigé des barrages routiers.
8 C'était en novembre. Les choses se sont améliorées légèrement vers
9 l'approche de l'hiver.
10 Question: Monsieur Thébault parle ici, au premier paragraphe, d'un outil
11 économique, d'une arme économique. Pourriez-vous dire à la Chambre quelle
12 était cette arme économique? Que voulait-il dire? De quelle façon est-ce
13 qu'il voulait parler de cela?
14 Réponse: Eh bien, d'abord, il y avait la nourriture, les convois de
15 nourriture. Et pour ce qui est de l'économie, les trains n'étaient plus
16 opérationnels, ils ne pouvaient pas provenir de Sarajevo et pour ce qui
17 est de Zenica et des autres endroits, pour ce qui est de la fabrication
18 qui avait été encore un peu possible, elle ne pouvait pas parvenir au sud
19 car les routes étaient bloquées. Donc le système au complet était en train
20 d'étouffer un peu.
21 Question: De quelle façon cette restriction de mouvement a-t-elle affecté
22 les organismes internationaux?
23 Réponse: Nous avions un grand nombre de difficultés. Je vous ai déjà donné
24 un exemple personnel lorsque j'ai dû passer quatre nuits à cet endroit-là,
25 c'étaient les quatre nuits les plus froides de l'hiver, mais c'était un
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1 problème constant. Souvent il nous a fallu nous servir de routes
2 alternatives, et nous avons commencé à découvrir qu'il y avait des routes
3 alternatives, de petits sentiers très étroits que l'on pouvait utiliser
4 plus particulièrement parfois si nous étions bloqués à un certain endroit.
5 Il nous était possible d'arriver à l'endroit de destination en nous
6 servant d'un autre chemin, mais c'était un problème constant.
7 Question: Au cours de l'interrogatoire principal, nous allons probablement
8 parler d'un autre document, je ne le trouve pas à l'instant mais vous
9 pourriez peut-être nous le dire.
10 Le blocage à Mostar, à quel moment est-ce qu'un convoi humanitaire a été
11 accepté pour la première fois? Est-ce qu'on a accepté l'entrée d'un convoi
12 dans Mostar de l'Est? Je crois que le blocage a duré jusqu'à la fin du
13 mois de juin 1993?
14 Réponse: Le premier convoi humanitaire du représentant des Nations Unies
15 était au mois d'août mais, pendant une certaine période de temps, il était
16 impossible à tous ces convois de pénétrer dans Mostar, mais c'était vers
17 la fin du mois d'août que ce premier convoi a pu rentrer à Mostar Est.
18 Question: Je vais vous demander d'examiner la pièce 397.
19 (Le témoin l'examine.)
20 Monsieur le Président, nous avons déjà couvert un bon nombre de sujets au
21 cours de l'interrogatoire principal du témoin, mais je ne vais pas revenir
22 aux questions qui ont déjà été abordées et lorsqu'on a surtout parlé du
23 fait que Mostar était la capitale de l'Herceg-Bosna.
24 Sir Garrod, pouvez-vous nous dire au paragraphe 2, ce qui a été décrit
25 comme le deuxième paragraphe du paragraphe 2, suivi par une barre oblique
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1 commence avec les paroles "même si"? Pouvez-vous prendre note ou lire ce
2 passage?
3 Réponse: Oui.
4 M. Scott (interprétation): S'agissant des deux communautés, et en parlant
5 plus particulièrement de Mostar Est et de Mostar Ouest, s'agissant du mois
6 de juillet 1993, depuis mai 1993 et jusqu'à la fin de l'année 1993,
7 pourriez-vous nous donner une évaluation, qui était l'agresseur lorsqu'on
8 parle de ces deux communautés?
9 Sir Garrod (interprétation): L'agression était presque complètement du
10 côté croate; c'était le HVO qui pilonnait Mostar Est et qui le réduisait
11 en ruines à ce moment-là.
12 M. Scott (interprétation): Ce paragraphe fait une mention… ou plutôt
13 l'évaluation de M. Thebault est celle où il dit qu'il y a deux preuves qui
14 vont à l'endroit du fait qu'on essaie de pilonner, de réduire en ruines
15 Mostar de l'Est…
16 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Meek?
17 M. Meek (interprétation): La pratique de présenter un document et de lire
18 directement du document, je crois que cette pratique est inappropriée car
19 je crois que le document parle pour lui-même. Voilà mon objection.
20 M. le Président (interprétation): Je crois que le Procureur est en train
21 de poser des questions au témoin et a demandé au témoin de vérifier, de
22 confirmer certains faits qui sont mentionnés dans ce document. Donc
23 j'aimerais pouvoir entendre la fin de la question qui a été posée au
24 témoin.
25 Je vous permets donc de continuer.
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1 M. Scott (interprétation): Oui, j'allais justement ouvrir le terrain pour
2 poser la question suivante.
3 En tant que professionnel dans la Marine royale au cours de votre carrière
4 qui a duré 37 ans, pourriez-vous nous dire, lorsque M. Thebault dit que
5 l'une des preuves démontre qu'il s'agit d'une attaque précise et planifiée
6 -et il donne raison d'un déplacement systématique de plus de 1.800
7 Musulmans-, en tant qu'homme professionnel, quel genre d'organisation il
8 aurait fallu faire pour déplacer un tel nombre de personnes dans une
9 période si courte?
10 Sir Garrod (interprétation): Il aurait fallu se pencher et faire une
11 planification très approfondie. Je crois que ce chiffre a augmenté vers la
12 fin, et il s'agit de 1.800 personnes. Mais, vous savez, on ne peut pas
13 décider tout d'un coup de prendre ces gens et de les transporter vers un
14 centre de détention. Il s'agit d'une planification, il faut avoir organisé
15 ce genre de déplacement, cela comprend une logistique très organisée.
16 M. Scott (interprétation): Monsieur, selon votre expérience militaire,
17 combien de temps a-t-il fallu pour planifier et organiser une opération de
18 telle envergure?
19 Sir Garrod (interprétation): Pour moi, cela prend des semaines de
20 préparation.
21 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Par?
22 M. Par (interprétation): De nouveau, je voudrais faire une objection à la
23 façon dont la question a été posée. On place le témoin en position de
24 témoin expert, et on ne peut pas s'attendre à ce que ce témoin témoigne en
25 tant qu'expert militaire. Nous avons compris qu'il a une très grande
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1 expérience. Nous n'avons pas encore réagi à l'une des questions qui a été
2 posée dans ce sens par le Procureur dans le passé, mais maintenant entrer
3 en détail et faire une analyse pratique, une expertise pratique, nous
4 estimons que de cette façon on essaie de faire témoigner ce témoin en tant
5 que témoin expert et donc je fais l'objection quant à la façon de poser
6 cette question.
7 M. le Président (interprétation): Bien. Monsieur le Procureur, nous
8 croyons qu'il n'y a pas de comparaison entre les deux opérations. Vous
9 pouvez en réalité passer à autre chose.
10 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais dire que le
11 témoin a néanmoins répondu à la question. Je crois que c'est une question
12 juste et il nous a répondu justement. Il nous a donné son opinion
13 personnelle et son évaluation. Cela peut certainement aider cette Chambre
14 à comprendre le genre d'organisation que cela comprenait pour organiser ce
15 genre de chose.
16 M. le Président (interprétation): Veuillez passer à autre chose, s'il vous
17 plaît.
18 M. Scott (interprétation): Monsieur le Témoin, j'aimerais attirer votre
19 attention à la page 4, en haut du document. Au coin supérieur droit, nous
20 pouvons voir que le numéro de page est indiqué. Donc je vous demande de
21 passer à la page 4.
22 J'aimerais attirer votre attention sur le passage qui se trouve au bas de
23 la page, il y a une partie qui a été ajoutée à la main. On y voit une
24 affirmation et on voit que les provinces ne sont pas la propriété d'une
25 communauté ou d'une autre.
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1 De nouveau, est-ce qu'il s'agit de quelque chose que vous avez cru être le
2 point de vue du HVO ou bien, comme vous avez dit cet après-midi et comme
3 M. Thebault semble l'indiquer ici, que Mostar par exemple était une
4 province croate?
5 Sir Garrod (interprétation): Oui, justement, à ce moment-là le plan Vance-
6 Owen était presque mort, mais le principe d'avoir Mostar comme leur
7 capitale était resté.
8 Question: Je vous demanderai maintenant d'examiner la pièce 458. Pourriez-
9 vous regarder ce document quelques instants? Je vous poserai quelques
10 questions qui ont trait au contexte.
11 De nouveau, nous pouvons voir que le mémo a été envoyé par M. Brix
12 Andersen. La page de couverture: il y a un mémo qui a été daté en date du
13 15 juin 1993, je ne parle pas du fax de la première page mais de celle où
14 l'on voit l'en-tête du mémo. Est-ce que c'est exact?
15 Réponse: Oui, c'est exact.
16 Question: Maintenant, j'aimerais demander à la Chambre de bien vouloir
17 examiner le document qui parle des Musulmans, des Croates, et de relations
18 en Bosnie centrale au mois de juin 1993?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Est-ce que c'est un document de l'ECMM qui a été préparé pour
21 donner des renseignements aux Allemands?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Donc c'est une évaluation officielle de l'ECMM confectionnée
24 spécifiquement pour donner le renseignement, le briefing au gouvernement
25 en allemand, est-ce exact?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: J'aimerais attirer votre attention sur le deuxième paragraphe,
3 sous l'intitulé "Situation". Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît,
4 l'examiner?
5 (Le témoin examine le paragraphe.)
6 Pourriez-vous émettre quelques commentaires sur la situation qui se
7 déroulait à Mostar? Est-ce que cela correspond à ce que vous avez vu et
8 observé au cours de votre mission, au cours de l'intervalle de temps
9 pendant que vous vous trouviez à Mostar en tant que chef du RC Zenica? Je
10 parle du paragraphe 2, sous l'intitulé "Situation".
11 Réponse: Oui, certainement. C'est ainsi que moi-même j'ai vu la situation.
12 Question: J'aimerais attirer votre attention sur la section n°3 qui parle
13 de "résumé de buts". J'aimerais vous demander de vous pencher sur les
14 cibles ou les buts du HVO. Il semble qu'on ait énuméré le tout sous les
15 lettres A, B, C, D.
16 Réponse: Oui. Je suis d'accord avec cette évaluation, cette affirmation.
17 Question: Et selon vos observations personnelles, selon votre expérience
18 personnelle, il n'y a rien qui, selon vous, serait contraire à ce que l'on
19 voit énuméré aux points A, B, C et D?
20 Réponse: Non.
21 Question: Maintenant, attirons votre attention sur la section n°5 qui se
22 trouve sur la page suivante. Pourriez-vous brièvement prendre connaissance
23 des paragraphes A, B, C, D et E, s'il vous plaît?
24 Réponse: Je vous demande pardon. Vous avez dit "A, B, C, D"?
25 Question: C'est exact.
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1 Réponse: Je suis d'accord avec toutes ces propositions. La seule chose que
2 je dirais, c'est que lorsque je suis revenu à Mostar, en avril 1994,
3 Demirovic avait été libéré alors qu'il avait été placé précédemment en
4 détention. Je ne sais pas quand il a été remis en liberté.
5 Question: Lorsque vous parlez de Demirovic, est-ce que c'est la personne
6 qui apparaît au paragraphe E?
7 Réponse: C'est exact.
8 Question: Comme vous venez de nous l'indiquer, il s'agit de propositions.
9 Vous dites être en accord avec toutes ces propositions. Il y a cinq
10 propositions d'action.
11 Est-ce que vous pourriez nous dire si le HVO a réussi, de près ou de loin,
12 à se conformer à ces cinq propositions? Et pouvez-vous nous dire ce qu'il
13 en était à la fin de 1993?
14 Réponse: A la fin 1993, il y a une légère amélioration pour ce qui est de
15 ce qui apparaît aux points A et B. L'activité militaire de la HV était
16 toujours une réalité. Et ce qui est bien certain, c'est qu'il n'y avait
17 pas accès totalement libre à toutes les zones.
18 Donc je dirais vraiment qu'il y a eu des améliorations mineures pour ce
19 qui est de A et B. Pour ce qui est de C, les choses restaient identiques
20 et, pour D, les choses étaient également inchangées.
21 M. Scott (interprétation): Nous allons passer à une autre pièce. Je vous
22 demande de regarder la dernière page en anglais. Il y a un mémo qui traite
23 de la participation de la HV, qui est daté du 3 juin 1993.
24 M. le Président (interprétation): Maître Meek?
25 M. Meek (interprétation): Ce n'est pas une objection, plutôt une
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1 observation. D'ailleurs, je demande à M. Scott de m'aider: nous n'avons
2 reçu que deux ou trois pages, et nous n'avons pas la page 2. Enfin, moi,
3 je ne la trouve pas dans mon classeur.
4 M. le Président (interprétation): Nous, nous avons trouvé ce document.
5 M. Scott (interprétation): Je peux peut-être vous aider. Le conseil de la
6 défense a parfaitement raison. Voici une preuve du fait que l'accusation
7 rassemble les éléments de preuve au fur et à mesure qu'il les trouve. Il
8 semble qu'effectivement, il y a trois exemplaires de la page A1; on dit
9 qu'il y a trois pages dans ce document, mais, en fait, on ne trouve pas la
10 page 2 et on a deux exemplaires de la page 3. Moi-même, j'ai essayé de
11 trouver cette page et je n'ai pas pu le faire.
12 M. le Président (interprétation): Oui, je vous remercie de ces
13 informations.
14 M. Scott (interprétation): Donc, Sir Garrod, j'attire votre attention sur
15 la dernière page dont je parlais.
16 M. le Président (interprétation): Maître Par?
17 M. Par (interprétation): Je ne suis pas certain que nous puissions
18 analyser ce document puisque ce document ne nous a pas été remis dans son
19 intégralité. Si l'on fait référence à un document, si l'on veut verser un
20 document au dossier, il me semble que la moindre des choses, c'est que ce
21 document soit complet. Si ce document ne contient pas tout ce qu'il
22 contient dans sa version originale, je crois qu'on ne doit même pas se
23 pencher dessus.
24 M. Scott (interprétation): Bien. Si j'avais cette page, je serais
25 particulièrement heureux de vous la communiquer. Je suis sûr que la
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1 Chambre est convaincue que je le ferais si je le pouvais, mais voici
2 l'état du moyen de preuve dont nous disposons. Je ne peux rien y changer.
3 Vous verrez que, sur la page de garde, la page de fax, il y a un certain
4 nombre d'informations qui apparaissent, comme c'est le cas dans bien des
5 fax. Et vous vous verrez que, sur cette page de garde du fax, on voit
6 apparaître "Relations entre les Croates et les Musulmans en Bosnie
7 centrale"; c'est la première page du rapport. Ensuite, il y a page de fax
8 4, page de fax 5, page de fax 6, page de fax 7, page de fax 8.
9 Rien n'a été retiré. Lorsque ce document a été faxé, quelque chose a
10 disparu; voilà ce qui s'est passé. Je ne peux pas considérer que c'est une
11 raison pour que la Chambre ne reçoive pas ce document comme faisant partie
12 du dossier.
13 M. le Président (interprétation): Maître Meek?
14 M. Meek (interprétation): Bien sûr que ces incidents se produisent, mais
15 la question est de savoir si l'on va admettre un document dont il manque
16 une pleine page. Nous, sur cette pleine page, ce n'est pas la faute de qui
17 que ce soit dans cette salle d'audience, mais l'accusé, dans le cadre de
18 ses droits fondamentaux, doit pouvoir bénéficier de l'intégralité des
19 documents qui sont utilisés contre lui.
20 Je suis tout à fait en accord avec Me Par pour ce qui est de l'objection
21 qu'il a élevée.
22 M. le Président (interprétation): Nous saisissions que vous avez une
23 objection à élever sur ce point précis. Nous l'aurons bien sûr à l'esprit
24 lorsque nous nous pencherons sur ce document en temps utile et nous
25 verrons s'il convient que ces documents soient versés au dossier ou pas.
Page 8400
1 Mais laissons maintenant l'accusation poursuivre son travail.
2 M. Scott (interprétation): Sir Garrod, j'attire maintenant votre attention
3 sur cette dernière page. J'espère que vous pourrez nous aider. Si ce n'est
4 pas le cas, nous passerons à autre chose.
5 Vous nous avez parlé du fait que, très régulièrement, les organisations
6 internationales n'avaient pas une totale liberté de mouvement, que leur
7 accès à certains endroits était limité. Est-ce que c'est exact?
8 Sir Garrod (interprétation) Oui.
9 Question: Est-ce que vous vous rappelez s'il y avait une zone autour de
10 Sovici et de Doljani qui est une zone qui a été très longtemps interdite
11 d'accès aux organisations internationales?
12 Réponse: C'est exact. Ce document est daté du 3 juin mais, dès cette
13 époque, il y avait une de nos équipes qui se trouvait à Jablanica. Par la
14 suite, nous avons dû retirer cette équipe, car le véhicule avait été
15 confisqué, pris par les Moudjahidine. Et à cette époque, je le répète,
16 nous avions déjà une équipe à Jablanica.
17 Question: Monsieur le Président, je vais juste demander à la Chambre de
18 laisser un constat judiciaire de ce qui apparaît. En fait, c'est pour
19 essayer d'avoir une séquence d'événements.
20 Si vous essayez de remonter en arrière, si vous remontez en arrière de
21 sept semaines, comme c'est indiqué ici, donc si l'on part du 3 juin et que
22 l'on remonte de sept semaines en arrière, vous arrivez au 15 avril 1993.
23 Période à laquelle le blocus des organisations internationales autour de
24 Sovici et Doljani a commencé?
25 Réponse: Je dois dire que je ne peux pas dire quelle était la situation
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1 qui prévalait à cette époque-là.
2 Question: Justement, c'est l'objet de ma question suivante: est-ce qu'au
3 cours de votre séjour, il y a eu un certain nombre de cas où l'accès à
4 certaines zones était totalement interdit par le HVO?
5 Réponse: Oui, tout à fait. Et des zones particulièrement importantes: je
6 pense, par exemple, à Stupni Do et à un autre endroit encore.
7 Réponse: Très bien. Nous allons maintenant poursuivre l'examen de ces
8 pièces. Nous passons à la pièce suivante, c'est la pièce 460 qui nous
9 intéresse à présent.
10 Il s'agit d'un document dont le titre est "Marches à suivre en Bosnie-
11 Herzégovine". En haut à gauche, on lit: "Ole Brix Andersen, responsable
12 adjoint de la mission datée du 16 juin 1993". J'attire votre attention sur
13 le paragraphe 10 qui apparaît à la page 2. Lisez ce paragraphe. Cela vous
14 oblige également à lire ce qui apparaît en haut de la page 3.
15 (Le témoin lit ce paragraphe.)
16 Pourriez-vous dire aux Juges si vous partagez ou non l'opinion qui
17 apparaît ici? Est-ce que c'est quelque chose que vous avez pu vérifier
18 lors de votre mission en Bosnie?
19 Réponse: Totalement.
20 Question: De la même façon, je vous demanderai de lire le paragraphe 12.
21 Je vous demande de vous fonder sur votre propre observation et propre
22 expérience. Est-ce que les conditions décrites ici prévalaient sur le
23 terrain et est-ce que la situation se prolongeait pendant toute la période
24 de temps que vous avez passée en Bosnie-Herzégovine?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: J'attire votre attention sur la deuxième phrase du paragraphe
2 12. Est-ce que cela correspond à ce que vous avez pu observer à Mostar
3 Ouest et décrit, il y a quelques heures, aux Juges de cette Chambre?
4 Réponse: Oui, il n'y avait pas de doute dans mon esprit, c'était bien
5 l'intention qui était manifestée.
6 Question: Lorsqu'on lit -je cite-: "Dans les quartiers croates de la
7 ville, la vie a repris son cours normal" (fin de citation). Est-ce que
8 c'est bien ce que vous avez observé à Mostar Ouest?
9 Réponse: Oui, la vie avait repris son cours normal dans les cafés, les
10 magasins; alors qu'à Mostar Est, il n'y avait pas une seule boutique de
11 quelque nature qu'elle soit qui soit ouverte. C'était vraiment le jour et
12 la nuit.
13 Question: J'attire maintenant votre attention au paragraphe 18. A la page
14 suivante, il y a un intitulé qui dit: "Musulman". J'attire votre attention
15 sur une phrase qui, en fait, a un lien avec quelque chose que vous nous
16 avez dit un peu plus tôt aujourd'hui, qui fait référence aux quantités de
17 territoires qui ont été remis aux Croates de Bosnie d'après le plan Vance-
18 Owen.
19 Une phrase dit au paragraphe 18 -je cite-: "La carte d'origine donnait des
20 zones à majorité musulmanes à Jablanica et à Konjic aux Croates". (Fin de
21 citation.)
22 Est-ce que c'est bien exact?
23 Réponse: Pour autant que je m'en souvienne, je crois que c'était le cas
24 mais cela a été changé lorsque la carte a été revue et refaite.
25 Question: Du fait que les Croates ont été un peu gâtés dans le cadre du
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1 plan Vance-Owen, ils ont reçu un traitement de faveur, est-ce que vous
2 n'avez jamais interprété le sigle "VOPP" comme quelque chose de
3 particulier?
4 Réponse: En fait, c'est un petit jeu de mots avec l'initiale "HVO" qui
5 veut dire "force de défense croate". En fait, "VOPP" voulait dire en
6 langue croate "Salut, plan de paix Vance-Owen" puisque les Croates se
7 voyaient réserver un traitement préférentiel.
8 Question: J'attire votre attention sur la page 7. En haut de la page, il y
9 a un sous-paragraphe qui apparaît, le sous-paragraphe F. Nous abordons,
10 dans le cadre de ce sous-paragraphe, un sujet un petit peu différent. Je
11 préfère le traiter maintenant de toute façon.
12 L'une des recommandations qui est faite par l'ECMM à cette époque-là, est
13 d'imposer des mesures de restriction très claires sur les acteurs en place
14 -Croates de Bosnie aussi bien que Croates. Est-ce que vous pouvez
15 expliquer à la Chambre pourquoi on appliquerait des sanctions seulement à
16 l'égard des Croates ou à la population de la République de Croatie?
17 Pourquoi est-ce qu'on ne dit pas "Croates de Bosnie" dans le texte que je
18 viens de lire?
19 Réponse: Eh bien, ce sera sans aucun doute du fait de la présence de
20 l'armée croate en Bosnie, c'est la raison pour laquelle on cite les
21 Croates et les Croates de Bosnie.
22 Par ailleurs, il y a un lien extrêmement étroit entre les Croates de
23 Bosnie et les Croates de Croatie. Et je me permets d'ajouter que les
24 Croates en Bosnie étaient tous détenteurs d'un passeport croate. Ils
25 faisaient référence à "notre Président" et ils parlaient du Président
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1 Tudjman; ils avaient le droit de vote dans les élections croates et ils
2 chantaient le même hymne national.
3 Question: Nous regardons maintenant, si vous le voulez bien, la pièce P
4 465. Nous allons devoir consacrer un petit peu de temps à la lecture de ce
5 qui m'intéresse.
6 Dans un premier temps, il va vous falloir prendre quelque temps pour lire
7 cela de façon approfondie. Ce qui m'intéresse, c'est la première page et
8 demie. Je vous demanderai de lire cela attentivement parce que j'aurais
9 des questions à vous poser sur ce qui apparaît là-dessus.
10 (Le témoin lit avec précaution le passage.)
11 Réponse: Oui. J'ai lu ces deux premières pages.
12 Question: Monsieur Thebault fait référence, au deuxième paragraphe, à
13 l'affaire Travnik; et je dirais qu'il y a un rapport qui fait partie de ce
14 même document qui est intitulé "Rapport spécial sur Travnik" qui apporte
15 un certain nombre d'informations. Mais je ne vais pas y passer trop de
16 temps maintenant.
17 Est-ce que vous savez, Sir Garrod, pourquoi M. Thebault parle de l'affaire
18 Travnik comme étant une opération de propagande absolument extraordinaire?
19 Réponse: Oui, il y avait des combats à Travnik en Bosnie centrale entre
20 les Croates et les Musulmans, et un grand nombre de Croates ont quitté
21 Travnik, ainsi que les environs.
22 En fait, toute la question était de savoir s'il y avait eu nettoyage
23 ethnique perpétré par les Bosniens. La question était également de savoir
24 dans quelle mesure on avait poussé ces Croates à quitter la région, même
25 s'ils l'avaient peut-être fait parce qu'ils avaient peur des Moudjahidine.
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1 Si l'on regarde justement le rapport qui suit et dont vous parliez, et je
2 précise ici que j'ai énormément de respect pour l'un des auteurs de ce
3 rapport que je connais très bien…
4 Question: Qui est cette personne?
5 Réponse: Philip Watkins, dont le nom apparaît tout à la fin du document.
6 Cette personne avait passé beaucoup de temps dans la zone.
7 Et je n'aurais aucun problème si l'on me demandait de croire ce qu'il a
8 indiqué dans ce rapport, notamment au paragraphe 5 quand il parle de
9 "déplacements de populations".
10 Question: Je vais faire une petite pause pour que les Juges aient le temps
11 de voir ce à quoi vous faites référence.
12 Réponse: C'est le paragraphe 5 du "Rapport spécial".
13 M. Scott (interprétation): Sur la base de ce que vous venez de dire, je
14 vous demande de vous reporter à la première page de la pièce. En bas de la
15 page, on parle de "démographie" entre autres.
16 Je voudrais vous demander si, au cours du temps que vous avez passé à vous
17 pencher sur ces questions, donc de début juillet 1993 à avril 1994, vous
18 avez pu observer que l'opinion des Croates quant à la représentation
19 ethnique évoluait? Est-ce qu'ils pensaient que la situation en matière de
20 représentation ethnographique évoluait en leur faveur ou en leur défaveur?
21 Sir Garrod (interprétation): Lorsque j'étais en Bosnie centrale, on m'a
22 dit, à plusieurs reprises, que les Croates, y compris des hommes
23 représentants l'Eglise, qu'ils avaient l'impression d'être trahis par
24 leurs collègues qui se trouvaient dans le sud, et qui ne s'intéressaient
25 qu'à la République croate d'Herceg-Bosna, qui ne s'intéressaient pas à
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1 eux. C'est-à-dire les Croates qui se trouvaient en Bosnie centrale.
2 Et j'irais même plus loin, je dirais qu'il y avait un schisme au sein des
3 rangs les plus élevés du HDZ, donc du côté des Croates, certains pensaient
4 que leur avenir même reposait sur leur capacité à se concentrer dans le
5 sud de la Bosnie, donc République croate d'Herceg-Bosna allant de Dvar à
6 Mostar; et d'autres, y compris Kresimir Zubak, y compris Ivan Bender, y
7 compris Valentin Saric pensaient et m'ont dit que l'avenir des Croates
8 était en Bosnie centrale.
9 Alors, vous voyez: il y avait cette division, il y avait ceux qui
10 souhaitaient se concentrer dans le sud, et d'ailleurs je peux illustrer ce
11 fait en vous disant ce qui s'est passé à une époque, qui n'a rien à voir
12 avec les faits qui nous occupent. En 1997, j'étais à la tête du HCR à
13 Mostar. J'ai eu une rencontre avec le responsable de l'association croate
14 pour les personnes déplacées…
15 M. le Président (interprétation): Maître Meek?
16 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, la
17 défense de Mladen Naletilic s'oppose vigoureusement, fermement, à ce que
18 ce témoin s'exprime sur ce qui a pu se passer en 1997.
19 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, cette période ne nous
20 intéresse pas et il va falloir que vous nous expliquiez la pertinence de
21 ce cas Travnik dans le cadre de notre affaire.
22 M. Scott (interprétation): Je vais poser une question supplémentaire au
23 témoin mais, avant de le faire, je voudrais dire qu'il cite cela à titre
24 d'illustration de son propos. C'est quelque chose qui permet d'illustrer
25 quelque chose qui, dès 1993, était une réalité sur le terrain. Mais je
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1 vais poser ma question supplémentaire.
2 Sir Martin, avant de nous faire le récit que vous vous apprêtiez à faire,
3 et peut-être que la Chambre ne vous permettra pas de faire ce récit, je
4 voudrais vous poser une question.
5 Vous nous avez dit qu'il y avait deux écoles de pensées parmi les
6 dirigeants croates de Bosnie. Est-ce que vous pourriez nous dire en quoi
7 ce serait à l'avantage de l'un de ces groupes ou l'autre de consolider la
8 présence de la population croate de Bosnie en Herzégovine plutôt qu'en
9 Bosnie centrale?
10 Sir Garrod (interprétation): Est-ce que je peux continuer ma réponse de
11 tout à l'heure?
12 M. Scott (interprétation): Non, je vous demande de répondre d'abord à
13 cette question.
14 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik, vous avez la parole.
15 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, avec votre permission,
16 Me Meek fait objection avec une grande fréquence et je sais que vous
17 n'avez autorisé qu'un conseil à se lever pour faire des objections. Mais
18 je suis tout de même le conseil principal et je me dois de faire à mon
19 tour un certain nombre d'objections, objections à la façon dont on pose
20 aujourd'hui des questions au témoin.
21 Nous ne pouvons pas, Monsieur le Président, Mesdames les Juges, permettre
22 ces types de questions. Nous traitons de sujets ou de d'événements qui se
23 sont produits en Bosnie centrale. Cela n'a aucun lien, même ténu, avec mon
24 client.
25 Nous parlons d'opinion politique de certains dirigeants, nous parlons
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1 d'observations sur des événements qui n'ont rien à voir avec ce qui est au
2 coeur de l'Acte d'accusation. Et nous sommes maintenant si éloignés de la
3 période de temps qui nous intéresse, parce que nous sommes maintenant en
4 1997, que nous nous y retrouvons plus.
5 Nous avons tous beaucoup d'estime pour le témoin mais le témoin a parlé de
6 beaucoup de choses aujourd'hui. Il a parlé de beaucoup de choses, mais il
7 n'a pas parlé de 1993, de Mostar et de son séjour dans cette ville.
8 La période de temps que notre respectable témoin a passé à Zenica
9 d'octobre à avril 1994 n'a fait l'objet, pardon, d'aucun rapport et
10 pourtant ce témoin se voit demander de confirmer l'opinion de ce
11 prédécesseur.
12 Alors qu'il n'est même pas amené à parler de ses propres opinions, il est
13 appelé à se prononcer sur l'opinion d'autres personnes, il parle
14 d'événements auxquels par ailleurs qu'il n'a jamais pris part. Donc nous
15 faisons une objection très ferme et nous vous remercions de nous avoir
16 entendus.
17 M. le Président (interprétation): Merci.
18 Monsieur Scott, nous avons déjà dit que nous ne souhaitions pas entendre
19 parler d'éléments de preuve, nous ne voulions entendre parler que
20 d'éléments de preuve qui ont un lien avec notre affaire.
21 M. Scott (interprétation): C'est ce que vous avez entendu, Monsieur le
22 Président. En tout cas, dans la majorité des réponses du témoin, on parle
23 de ce qui est au coeur de notre affaire. Il y a juste eu maintenant cette
24 référence à 1997. Il n'est pas juste de dire que mon témoin n'a pas parlé
25 de l'année 1993. Presque tout ce qu'il a dit porte sur les événements qui
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1 se sont produits cette année-là.
2 M. le Président (interprétation): Nous comprenons que ce rapport est daté
3 du 19 juin 1993.
4 M. Scott (interprétation): C'est exact.
5 M. le Président (interprétation): Et nous allons vous autoriser à
6 poursuivre un petit peu pour voir s'il y a effectivement des éléments
7 pertinents dans ce rapport. Mais si ce n'est pas pertinent, eh bien, nous
8 aurons l'obligation d'expurger tout ce passage du compte rendu d'audience.
9 M. Scott (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
10 Sir Martin, je ne sais pas si vous vous souvenez de ma dernière question.
11 Voyons si je peux la reformuler.
12 Est-ce qu'en vous fondant sur vos propres observations et sur vos propres
13 expériences dans la région, vous pourriez nous expliquer s'il y aurait eu
14 un avantage quelconque pour l'un des deux groupes que vous évoquiez tout à
15 l'heure? Y avait-il donc eu un avantage quelconque à déplacer la
16 population croate de Bosnie vers l'Herzégovine plutôt que de la laisser
17 dans la région autour de Travnik?
18 Sir Garrod (interprétation): Disons que pour ces personnes qui avaient un
19 idéal, qui était que les Croates restent dans leur territoire -dit
20 historique- en Bosnie centrale, il aurait été désespérant d'abandonner
21 complètement la Bosnie centrale. Ces idéalistes auraient souhaité pouvoir
22 se réinstaller dans ces régions où leur population avait été très
23 importante.
24 Pour ce qui est de l'autre école de pensées, eh bien, elle voyait un
25 certain nombre d'avantages, y compris militaires, à la consolidation de la
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1 population croate dans une zone un petit peu plus réduite. En
2 l'occurrence, la République Croate d'Herceg-Bosna. Notamment, au vu du
3 fait que cette zone un petit peu plus réduite était contiguë à la
4 République de Croatie. Donc ils y voyaient des avantages pratiques,
5 politiques, militaires. Cette consolidation de leur population dans le Sud
6 présentait, pour eux, bien des avantages. Mais pour d'autres personnes,
7 comme Zubak, il s'agissait d'un anathème, et il pensait -je le répète- que
8 l'avenir des Croates se trouvait en Bosnie centrale dans les territoires
9 historiques.
10 Question: Je vais brièvement finir mes questions sur ce document, Monsieur
11 le Président. Deux questions brèves, je vais conclure là-dessus.
12 Sir Martin, j'attire votre attention sur la deuxième page: pas tout à fait
13 au milieu, il y a un paragraphe qui commence par les mots "Cela semble
14 machiavélique mais, en fait, c'est seulement quelque chose qui est
15 caractéristique des Balkans". Et il y a un certain nombre de noms qui
16 apparaissent à la suite de cette phrase.
17 Je vois que vous avez l'air un petit peu perdu et je vais vous essayer de
18 vous aider. C'est la deuxième page qui nous intéresse. Pas la deuxième
19 page du rapport de M. Watkins, mais la deuxième page de la pièce que nous
20 regardions tout à l'heure, la pièce 465.
21 Si vous voulez regarder ce paragraphe, vous voyez qu'il est fait référence
22 à un certain nombre de personnes. La plupart de ces personnes, en fait,
23 toutes ces personnes sont des personnes dont vous nous avez donné le nom
24 aujourd'hui.
25 Est-ce que vous seriez d'accord avec M. Thebault pour dire que ces
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1 dirigeants croates de Bosnie étaient des personnes qui avaient des
2 opinions radicales, extrémistes?
3 Réponse: Je dirais qu'il s'agissait de radicaux, tous: Boban, Stojic,
4 Kordic, Valenta, sans exception.
5 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je vois que le moment
6 est venu de faire la pause. Nous allons nous interrompre.
7 M. le Président (interprétation): Je vais demander à l'huissier de
8 reconduire le témoin hors de la salle pour commencer.
9 (Le témoin, Sir Martin Garrod, est reconduit hors du prétoire.)
10 M. le Président (interprétation): Nous nous retrouverons à 17 heures 45.
11 (L'audience, suspendue à 17 heures 17, est reprise à 17 heures 49.)
12 (Le témoin, Sir Martin Garrod, est introduit dans le prétoire.)
13 M. le Président (interprétation): Avant l'arrivée de notre témoin, je
14 voudrais poser une question. Vous savez que l'examen du Bureau du
15 Procureur tire à sa fin, pour le moment, nous aurons -je crois- une
16 conférence de mise en état. Et je crois qu'il faudrait entendre quelles
17 seraient les autres questions liées au problème de la procédure.
18 J'aimerais d'abord entendre la réaction du conseil de la défense
19 maintenant. Maître Krsnik? Excusez-moi, je ne vous ai pas saisi.
20 M. Krsnik (interprétation): C'est à ce moment que vous voudriez que nous
21 formulions nos objections?
22 M. le Président (interprétation): Non, mais certainement après avoir
23 entendu le témoin.
24 M. Seric (interprétation): Monsieur le Président, nous nous sommes mis
25 d'accord pour avoir un entretien avec le Bureau du Procureur. Nous serions
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1 beaucoup mieux préparés pour cette conférence de mise en état ou bien cela
2 pourra avoir lieu après cette déposition.
3 M. le Président (interprétation): Merci.
4 Monsieur Scott, veuillez poursuivre.
5 M. Scott (interprétation): Sir Martin, je voudrais attirer votre attention
6 sur la pièce que nous avons déjà lue et sur laquelle nous nous étions
7 arrêtés. Nous passons maintenant à la pièce 532 dans le classeur. Dans
8 certains de ces exemplaires, le numéro de la pièce ne se voit pas, c'est
9 le document qui porte la date "23 juillet", ici c'est marqué le "22", mais
10 c'est marqué le "23 juillet".
11 A titre d'information sur le moment, je voudrais attirer votre attention
12 sur deux paragraphes de ce document et vous poser une question concernant
13 les deux premiers paragraphes.
14 Sir Garrod (interprétation): Oui, il porte la date du 23.
15 Question: Oui, c'est marqué "23 juillet 1993". Dans cette situation, vous
16 vous trouvez sur le terrain lui-même; on parle des barrages routiers, du
17 blocus des routes. Est-ce que cela dure jusqu'au moins l'année 1993?
18 Réponse: Oui. Comme je l'avais déjà mentionné, il était nettement plus
19 facile à la fin de l'année, mais ces blocus et ces barrages routiers
20 persistaient.
21 Question: Est-ce que vous vous étiez adressé aux dirigeants des Croates de
22 Bosnie pour résoudre cette question concernant la liberté de mouvement,
23 concernant les forces de la Forpronu et de l'ECMM et au nom également du
24 passage des convois humanitaires?
25 Réponse: Ma première préoccupation était la liberté de mouvement dans et
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1 hors de Mostar. Je m'étais en quelque sorte focalisé sur le mouvement vers
2 la Bosnie centrale, mais je m'étais focalisé sur Mostar et sur la zone
3 immédiate de Mostar.
4 M. Scott (interprétation): Je voudrais attirer votre attention maintenant
5 sur une autre partie du document.
6 Aviez-vous eu des discussions avec le général Pasalic concernant
7 l'expulsion des Bosniaques, avec le général Pasalic de l'armée BiH,
8 concernant l'expulsion des Bosniaques à Mostar, en juin, en été et automne
9 1993?
10 Sir Garrod (interprétation): Oui, je me suis entretenu régulièrement avec
11 lui. J'avais également rencontré les chefs du HVO et des chefs croates sur
12 une base régulière; je leur avais parlé également de la date du 22
13 septembre concernant les expulsions.
14 M. le Président (interprétation): Maître Meek?
15 M. Meek (interprétation): Je cite "expulsion". Je cite. Il faudrait placer
16 une objection: le général Pasalic est mort; il n'y a aucune raison que
17 nous soyons là à mettre une sub poena à l'égard de la Cour, concernant
18 toute forme de contre-interrogatoire et concernant également la fiabilité
19 de ce témoin. Le général Pasalic est mort et nous n'avons aucun droit de
20 confronter le témoin: cela porterait préjudice à mon client si ce
21 témoignage entrait dans les registres.
22 M. le Président (interprétation): Bien, Maître Meek.
23 Nous estimons que la déposition de ce témoin est très importante et la
24 question soulevée est pertinente concernant l'Acte d'accusation. Et nous
25 comprenons que, si quelque chose s'était produit à la personne qui s'était
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1 engagée dans cet entretien, vu que ceci est important pour la situation,
2 nous aimerions donc entendre ce que le témoin va nous en dire. Il ne fait
3 pas de doute que nous n'allons pas entièrement faire confiance en ces
4 éléments de témoignage, compte tenu de vos objections.
5 M. Meek (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
6 M. le Président (interprétation): Vous pouvez poursuivre, Témoin.
7 Sir Garrod (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
8 Le général Pasalic m'avait dit, à cette époque, qu'il y avait entre 20 à
9 90 personnes qui avaient été expulsées de Mostar Ouest vers l'Est, toutes
10 les nuits, et qu'il y avait des expulsions qui avaient été filmées dans ce
11 film que j'avais évoqué précédemment, ce film fait par Jeremy Bowen de la
12 BBC. Donc il n'y a aucun doute à cet égard.
13 M. Scott (interprétation): Pouvez-vous nous confirmer que ces expulsions
14 s'étaient poursuivies à l'époque de votre mission à Mostar?
15 Réponse: Les expulsions ont continué jusqu'à fin de 1996, donc trois ans
16 et demi plus tard.
17 Question: En fait, ces expulsions se sont donc poursuivies jusqu'à la fin
18 1993 et début 1994?
19 Réponse: Juste.
20 Question: J'attire votre attention sur la date du 15 août 1993. Aviez-vous
21 pris un repas?
22 Réponse: Oui, j'étais invité par Ivo Culjak, de Siroki Brijeg, dans sa
23 demeure. C'était une belle demeure. Nous avions un barbecue près de sa
24 piscine.
25 Question: Est-ce que vous avez rencontré quelqu'un dont vous pourriez vous
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1 souvenir?
2 Réponse: Oui, la personne qui s'était assise à côté de moi, avait des
3 cheveux gris et était en uniforme de camouflage. Il m'avait dit qu'il
4 s'appelait "Tuta"; il semblait quelque peu déçu lorsque je lui ai demandé
5 de reprendre son nom parce qu'il avait supposé que je devais savoir qui il
6 était. Mais à cette époque, ce nom ne me disait rien.
7 Au cours du déjeuner, on s'était engagé dans un entretien intéressant. Il
8 avait été hors de Bosnie depuis 23 ans. Il avait vécu en Amérique du sud,
9 en Allemagne, en Italie, en Hollande. Qu'il avait été propriétaire de
10 casino et qu'il aimait comme jeu de distraction le backgammon et le poker.
11 Le sujet, lors de notre repas, était ses soucis et ses mises en garde
12 concernant la mise en place d'un Etat fondamentaliste islamiste en Bosnie;
13 ce qui, d'après lui, était l'objectif d'Alija Izetbegovic. Il m'avait dit
14 que tous les généraux bosniaques que j'avais rencontrés en Bosnie centrale
15 insistaient sur un tel Etat. Mais je crois que je n'ai pas réussi à
16 convaincre Mladen Naletilic qu'il n'en était pas ainsi. Je dois remarquer
17 qu'à l'époque, ou plus tard, Mladen Naletilic avait certainement beaucoup
18 de charisme.
19 M. Scott (interprétation): Avez-vous appris quoi que ce soit, que Tuta
20 avait des vues particulières à l'égard de cet homme Mate Boban?
21 Sir Garrod (interprétation): Non, je ne le savais pas, mais j'ai appris
22 plus tard qu'il était un grand admirateur.
23 M. le Président (interprétation): Maître Meek?
24 M. Meek (interprétation): Je fais objection concernant la façon dont est
25 menée cette question.
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1 M. le Président (interprétation): Maître Meek, j'estime que le Bureau du
2 Procureur a posé ses questions concernant la conversation que le témoin
3 avait engagée avec votre client, il n'y a là aucun problème à voir.
4 Oui, Monsieur Scott, vous pouvez continuer.
5 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, ceci me permet de
6 formuler la question suivante.
7 Sir Garrod (interprétation): J'ai appris que "Tuta" était très proche de
8 Mate Boban et était un grand admirateur de Mate Boban. Et il avait formulé
9 ses opinions dans une interview publiée dans un hebdomadaire croate
10 national.
11 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Meek?
12 M. Meek (interprétation): Je voudrais que l'intervalle fixé, de
13 l'interview supposée, soit fourni.
14 M. le Président (interprétation): C'est une demande tout à fait légitime.
15 M. Scott (interprétation): Sir Garrod, pourriez-vous nous aider concernant
16 le moment où cet article est paru dans la revue nationale: à quel moment?
17 Sir Garrod (interprétation): Oui, je m'en souviens bien, c'était novembre
18 1995.
19 Question: Est-ce que vous avez jamais rencontré un homme appelé Ivan
20 Andabak pendant votre séjour en Herzégovine?
21 Réponse: Oui, j'étais conscient que Mladen Naletilic était commandant de
22 la KB de Siroki Brijeg. J'étais conscient qu'Ivan Andabak était son
23 adjoint, et je savais que Vinko Martinovic avait une position subordonnée
24 dans cette brigade.
25 Question: Avez-vous rencontré M. Andabak?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Dans quelles circonstances avez-vous rencontré M. Andabak?
3 Réponse: Je l'ai rencontré lors d'une réception avec les officiers du
4 Bataillon espagnol, à Medjugorje. Il parlait un bon espagnol et avait de
5 bon lien avec les officiers espagnols.
6 Question: Avant de continuer, je voudrais dire que vous avez eu(?) cette
7 information sur Vinko Martinovic, connu comme "Stela": "il est juste que
8 je ne l'ai pas rencontré en personne"?
9 Réponse: Non, il m'a demandé de venir et de le rencontrer. Mais je devrais
10 l'expliquer. Mais à la dernière minute, il n'est pas venu.
11 Question: Nous continuons pour le moment. A partir des témoignages
12 antérieurs que vous avez fournis, pourriez-vous expliquer à la Chambre vos
13 réflexions sur la relation entre la République de Croatie et les
14 événements qui se déroulaient en Bosnie-Herzégovine?
15 Réponse: Oui, il y avait bien entendu des liens très étroits entre les
16 Croates en Bosnie-Herzégovine et la Croatie. Comme je l'ai dit, ils
17 parlaient du Président Tudjman en tant que leur Président. Et j'avais
18 mentionné également des liens très puissants avec d'autres personnes
19 importantes dans le Ministère de la défense en Croatie, notamment Gojko
20 Susak qui était originaire de Herzégovine et qui était membre du
21 gouvernement en Croatie.
22 Question: Pourriez-vous dire à la Chambre, d'après vos observations, si
23 les gens de Siroki Brijeg jouaient un rôle important par rapport à votre
24 expérience à Mostar?
25 Réponse: J'ai toujours ressenti que Siroki Brijeg était une zone très peu
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1 importante du point de vue croate en Bosnie, qui était à quelque vingt
2 kilomètres de Mostar, et jouait un rôle important sur ce qui se déroulait
3 à Mostar, puisque ces personnes si importantes vivaient à Siroki Brijeg,
4 et Susak est le consul général croate, Mladen Naletilic et autres. Donc il
5 y avait toute une série de personnalités importantes qui étaient liées à
6 Siroki Brijeg.
7 Question: Mon collègue m'a signalé que vous vous référiez au consul
8 général croate dont le nom n'a pas été marqué sur le compte rendu
9 d'audience.
10 Réponse: Oui, son nom est Ciro Grubisic. Est-ce que je dois corriger
11 l'orthographe de son nom?
12 Question: Oui.
13 Réponse: Ciro Grubisic. Juste.
14 M. Scott (interprétation): Pourriez-vous dire à la Chambre si quelqu'un,
15 parmi les fonctionnaires officiels de Croatie, était venu au titre de
16 délégation officiel croate?
17 Sir Garrod (interprétation): Oui, certainement. Susak lui-même était venu
18 dans une délégation croate à Mostar. Il était venu pour les entretiens du
19 côté croate. Et Aros Siledzic(?) était venu pour le côté des Bosniaques.
20 M. Meek (interprétation): Je voudrais une fois de plus que nous fixions
21 les dates et l'intervalle horaire dans lequel ces événements doivent être
22 situés.
23 M. le Président (interprétation): Oui, je comprends.
24 M. Scott (interprétation): Oui. Concernant Gojko Susak qui était à la tête
25 de la délégation que vous mentionnée, pourriez-vous me dire à quel moment
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1 cela se situait?
2 Sir Garrod (interprétation): Oui, c'était en janvier 1996.
3 M. Scott (interprétation): Aviez-vous eu des entretiens avec cette
4 délégation et pourquoi la délégation croate de Bosnie avait à la tête un
5 fonctionnaire de la République de Croatie?
6 M. le Président (interprétation): Maître Meek?
7 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, nous parlons maintenant
8 de 1996 et je crois que nous nous étions déjà arrêtés dans notre décision
9 antérieure, qu'on allait s'en tenir aux dates de 1995 et 1996. Ceci est
10 donc mon objection.
11 M. le Président (interprétation): Nous allons tenir compte des objections.
12 Sir Garrod (interprétation): Je le regrette.
13 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, continuez.
14 M. Scott (interprétation): Si vous pouvez vous souvenir de la question, je
15 répète: est-ce que vous avez compris lors de vos entretiens pourquoi la
16 délégation était menée par un fonctionnaire tellement important du
17 Gouvernement de Croatie, notamment que dans les affaires croates en
18 Bosnie-Herzégovine il y aurait une telle interférence de la présence
19 indirecte du Président Tudjman?
20 Sir Garrod (interprétation): Oui.
21 Question: Nous allons faire une pause. Est-ce que vous vous souvenez: il y
22 avait le cas avec M. Susak, est-ce que c'était la seule circonstance?
23 Avait-il un autre nom? Vous souvenez-vous d'un nom, Mate Granic, qui
24 dirigeait la délégation croate des Bosniaques?
25 Réponse: Oui, j'ai eu beaucoup d'entretiens avec Mate Granic qui était
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1 ministre aux Affaires étrangères de Croatie. Je l'ai rencontré, je crois,
2 le 20 septembre 1993, et c'était suite à un accord sur l'aide humanitaire:
3 accord entre le Président Tudjman et le Président Izetbegovic. C'était une
4 réunion.
5 Il s'agissait du camp de détenus de Dretelj. Nous nous étions rencontrés à
6 Grude. Et Mate Granic était accompagné de Jadranko Prlic qui était
7 conseiller pour les affaires étrangères de Mate Boban.
8 Après la réunion de Grude, nous nous sommes dirigés vers le camp de
9 Dretelj.
10 Question: Quel était l'objectif de cette visite de Dretelj?
11 Réponse: Eh bien, nous allions oeuvrer à la fermeture du camp de Dretelj
12 et, à l'arrivée, Mate Granic, un homme pour lequel j'ai toujours eu
13 beaucoup d'estime, s'est adressé aux détenus et a dit qu'il allait être
14 libéré. Acte pour lequel il a eu beaucoup d'applaudissements. Une semaine
15 plus tard, on m'a confirmé que 500 d'entre ces détenus avaient été emmenés
16 à l'île de Korcula. Et j'ai eu confirmation de cette décision comme quoi
17 le chef du CICR de Mostar m'a confirmé que 500 de ces détenus avaient été
18 envoyés à Korcula, alors que les autres allaient être libérés.
19 M. Scott (interprétation): Je m'excuse, mais on nous a demandé de ralentir
20 un peu. Je vais revenir un peu en arrière et reposer ma question.
21 Pourriez-vous nous dire à quel pays appartient l'île?
22 Mme Diarra: Je n'ai pas compris ce qui s'est passé avec ces 500
23 prisonniers. Pourriez-vous revenir sur cette question, Monsieur Scott?
24 M. le Président (interprétation): Nous n'avons pas eu de traduction.
25 M. Scott (interprétation): Je m'excuse.
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1 Sir Garrod, nous revenons à ce que vous disiez un peu plus tôt à propos de
2 la visite de Dretelj. Est-ce que vous pourriez revenir là-dessus très
3 brièvement? Vous êtes allé à Dretelj avec Mate Granic. Pourriez-vous, s'il
4 vous plaît, revenir en arrière et nous faire le récit de ce qui s'est
5 passé?
6 Sir Garrod (interprétation): Certainement. Le ministre des Affaires
7 étrangères était Mate Granic; il était donc ministre des Affaires
8 étrangères de la Croatie. C'était le chef de la délégation et il venait
9 pour suivre des discussions portant sur un accord sur des affaires
10 humanitaires. Cet accord devait intervenir entre les Présidents Tudjman et
11 Izetbegovic.
12 Après la réunion, qui s'est tenue à Grude, nous nous sommes rendus à
13 Dretelj, le camp de détention. C'est là que Mate Granic s'est exprimé
14 devant les détenus pour leur dire qu'ils allaient très libérés. Il a été
15 applaudi suite à cette déclaration. Une semaine plus tard, Vladislav
16 Pogacic m'a dit que 500 de ces détenus avaient été déplacés, de façon
17 temporaire, vers l'île de Korcula; c'est une île qui se trouve au large de
18 la côte croate.
19 Cela m'a été confirmé par Claudio Baranzani, qui est le responsable du
20 CICR de Mostar. Et c'est lui aussi qui m'a dit que le CICR surveillait les
21 événements qui se produisaient à Dretelj, les surveillait de très près, et
22 que le CICR contrôlait également la libération des détenus qui étaient
23 encore dans le camp.
24 Question: Nous allons poursuivre sur ce sujet. Est-ce que des indications
25 vous ont été données selon lesquelles, pendant que ces 500 détenus avaient
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1 été transférés vers la Croatie, un certain nombre de choses s'étaient
2 produites?
3 Réponse: Non, je ne peux pas répondre à cela. Je ne sais pas pourquoi ces
4 500 détenus ont été déplacés. Peut-être qu'il n'y avait pas
5 d'installations de taille suffisante autour de Mostar, peut-être que le
6 gouvernement croate essayait de résoudre ce qui était devenu une situation
7 de crise politique. La situation de ces détenus était devenue vraiment un
8 problème politique assez aigu.
9 Question: Pourquoi était-ce devenu aussi sérieux?
10 Réponse: Après le début des combats à Mostar, des milliers de détenus ont
11 été placés en détention dans des camps, notamment à l'Héliodrome, à
12 Mostar, Dretelj, Gabela, Ljubuski. D'autres encore. Il était
13 particulièrement difficile…, il nous était particulièrement difficile de
14 pénétrer à l'intérieur de ces camps de détention, alors même que nous
15 entendions toutes sortes de récits très préoccupants. Seul, le CICR avait
16 accès à ces camps.
17 Nous nous demandions vraiment…, nous étions très préoccupés par le fait
18 que ces hommes étaient détenus pendant si longtemps. Nous étions
19 absolument déterminés et décidés à obtenir leur libération. Il ne
20 s'agissait pas de criminels, ils avaient été placés en détention parce
21 qu'ils étaient en âge de porter les armes. C'est tout.
22 Question: Alors, pouvons-nous aller une étape plus loin? Pourquoi est-ce
23 que c'est devenu un sujet politique brûlant?
24 Réponse: Parce que la communauté internationale était très préoccupée par
25 l'existence de ces camps. Nous ne savions que très peu de choses à propos
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1 des camps. Nous nous demandions ce qui se passait à l'intérieur de ces
2 camps: si ce qui s'y produisait était acceptable ou pas. Et puis nous nous
3 demandions, pour commencer, pourquoi ces personnes étaient toujours en
4 détention.
5 Question: Est-ce que vous avez entendu parler d'une quelconque décision
6 visant à fermer ces camps avant que Mate Granic, ministre des Affaires
7 étrangères se rende sur place, à Dretelj?
8 Réponse: Non, c'est lors de cette visite que, pour la première fois, nous
9 avons vu une manifestation de volonté de fermer les camps.
10 Question: Certains de ces détenus ont été emmenés à Korcula. Est-ce que
11 vous avez eu des conversations avec Pogacic sur la question de savoir où
12 ces détenus seraient emmenés après Korcula?
13 Réponse: Pour autant que je m'en souvienne, il m'a dit qu'ils allaient
14 être progressivement libérés.
15 Non. Ecoutez, je crois que vraiment je ne peux pas me souvenir. Je ne me
16 souviens pas de ce qu'il a dit à propos de ce qu'il adviendrait d'eux
17 après. Et comme ensuite je suis parti pour Zenica, j'ai un peu perdu la
18 question de vue, si vous voulez.
19 Question: Est-ce que vous avez jamais entendu dire que d'autres détenus
20 allaient être libérés, à la condition qu'ils ne retourneraient pas en
21 Bosnie?
22 Réponse: J'ai entendu cela, mais je ne sais pas si cela a pu effectivement
23 être mis en pratique et je ne sais pas non plus si c'était possible.
24 Question: Je vais aborder quelque chose dont nous avons déjà parlé cet
25 après-midi, mais j'aimerais que vous nous fassiez part de vos observations
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1 quant à la présence de la HV, des forces de l'armée croate en Bosnie-
2 Herzégovine pendant la période qui nous occupe.
3 Réponse: Il était manifeste qu'il y avait sur place une importante
4 présence de l'armée croate, nous avions entendu toutes sortes de rapports
5 faits sur la question. J'ai prêté foi à tous ces rapports et récits; et
6 par ailleurs, moi-même, à deux reprises, alors que je descendais de Zenica
7 vers le sud, et alors que j'empruntais la route montagneuse de Prozor à
8 Tomislavgrad, donc moi-même, à deux occasions bien distinctes l'une de
9 l'autre, j'ai croisé des convois de taille très importante qui se
10 dirigeaient vers Prozor.
11 Question: A quelle date les avez-vous croisés?
12 Réponse: En janvier et février 1994. D'ailleurs, par la suite, Prlic a
13 déclaré que, oui, il y avait des troupes de la HV en Bosnie mais il a
14 ajouté qu'il n'y avait que 2.600 hommes sur place. Il disait que ces
15 hommes de la HV étaient nés en Bosnie et étaient revenus dans leur pays en
16 tant que volontaires pour se battre pour leur propre pays. J'ai pris ça
17 avec une dose de scepticisme, je dois le dire.
18 Question: Pourquoi?
19 Réponse: Parce que le chiffre avancé me semblait peu crédible. J'ai vu la
20 quantité de véhicules en déplacement, j'ai vu les armes que possédaient
21 ces hommes et ce n'était pas des volontaires, il s'agissait d'opérations
22 militaires en bonne et due forme.
23 M. Scott (interprétation): Je vais demander l'aide de l'huissier. Il y a
24 deux documents que je souhaite soumettre au témoin qui ne font pas partie
25 du classeur. Ce sont deux documents qui ont déjà été présentés à la Cour:
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1 les pièces IAC 52 et IAC 46.
2 Je n'ai pas d'exemplaires supplémentaires de ces pièces, je vais donc
3 demander l'aide de la Greffière d'audience. Il s'agit de deux documents
4 émanant de l'ECMM. La Chambre, il y a quelques semaines, nous a indiqué
5 qu'elle souhaitait avoir plus d'information sur ces documents.
6 Mme Thompson (interprétation): Où pouvons-nous trouver ce document?
7 M. Scott (interprétation): Pas dans le classeur de documents classés
8 chronologiquement, mais dans le classeur qui regroupe ces documents IAC.
9 Donc IAC 52 et IAC 46.
10 (Mme Thompson distribue les documents.)
11 M. Scott (interprétation): Sir Martin, merci de regarder d'abord le
12 document marqué "IAC 46". Est-ce que ce document vous est familier?
13 J'entends par là: est-ce que son apparence vous semble familière, est-ce
14 qu'il vous dit quelque chose?
15 Sir Garrod (interprétation): Donnez-moi quelques instants.
16 (Le témoin examine le document.)
17 Oui.
18 M. Scott (interprétation): Est-ce que vous pouvez nous confirmer qu'il
19 s'agit bien d'un rapport de l'ECMM émanant du quartier général de l'ECMM,
20 destiné au RC de Zenica? Et ensuite on voit qu'il est destiné au CC de
21 Bosnie, c'est-à-dire Tuzla, Mostar et Travnik.
22 Sir Garrod (interprétation): C'est exact.
23 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Par?
24 M. Par (interprétation): Je souhaite proposer que ce document soit placé
25 sur le rétroprojecteur. Nous n'en disposons pas, nous ne l'avons pas en
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1 notre possession. Et si nous ne le voyons pas, nous ne pourrons pas nous
2 assurer de ce dont il s'agit.
3 M. le Président (interprétation): Ce document est placé sous scellés?
4 M. Scott (interprétation): Il faudrait que je vérifie, mais je ne le crois
5 pas.
6 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'on le place sur le
7 rétroprojecteur ou pas?
8 M. Scott (interprétation): Je vais m'assurer qu'il n'est pas sous scellés.
9 C'est confirmé: aucun de ces documents n'a été placé sous scellés. Nous
10 pouvons donc le placer sur le rétroprojecteur.
11 (Intervention de l'huissier.)
12 Je vais juste demander à l'équipe technique de faire un gros plan, dans la
13 mesure du possible, sur la partie supérieure du document, afin que nous
14 ayons une idée du destinataire et de l'expéditeur de ce document.
15 Mme Thompson (interprétation): Excusez-moi, mais d'après la liste que vous
16 avez fournie, Monsieur Scott, liste qui accompagnait les documents IAC, il
17 apparaît que le IAC 46 est une pièce sous scellés. C'est d'après la liste
18 que je vous dis cela.
19 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je pense que c'est une
20 information erronée, ça n'est pas la faute du Greffe, bien sûr. Mais nous
21 allons tout de même retirer le document du rétroprojecteur parce qu'il
22 convient de faire une petit peu attention. Je ne montre pas le Greffe du
23 doigt, je pense que là il y a une petite erreur qui s'est glissée quelque
24 part. Mais pour être tout à fait certain de ne pas prendre de risque, nous
25 enlevons le document.
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1 Le témoin a identifié ce document.
2 Je pense qu'étant donné que les Juges disposent d'un de ces documents,
3 nous pouvons remettre cet exemplaire entre les mains de la défense pour
4 qu'ils puissent le consulter quelques instants.
5 (Intervention de l'huissier.)
6 Pendant ce temps-là, je vais vous demander, Sir Martin, de regarder l'IAC
7 52, l'autre document qui vous a été remis. Dites-nous de quoi il s'agit?
8 Je ne vais pas le faire placer sur le rétroprojecteur.
9 Sir Garrod (interprétation): Oui.
10 Question: Je vais vous demander, une fois encore, de nous confirmer qu'il
11 s'agit bien là d'un rapport de l'ECMM Mostar destiné au RC de Zenica.
12 C'est une synthèse pour le 15 juillet 1993, c'est un document signé par
13 Jesus agissant en tant que responsable du CC.
14 Sir Garrod (interprétation): Oui, j'étais sans doute absent ce jour-là.
15 C'est un rapport quotidien envoyé par mon adjoint effectivement.
16 M. Scott (interprétation): Merci.
17 Monsieur l'huissier, est-ce que vous pourriez remettre aux conseils de la
18 défense l'IAC 52?
19 (Intervention de l'huissier.)
20 Mme Clark (interprétation): Je ne sais pas si la Juge Diarra sait qu'il y
21 a une version en français au dos du document.
22 M. Scott (interprétation): Merci, Madame la Juge Clark, de nous aider
23 encore une fois.
24 Monsieur le Président, je crois que ce document parle de lui-même, mais du
25 fait des demandes formulées par la Chambre précédemment, je vais
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1 simplement demander au témoin de bien vouloir identifier le document.
2 Avant de passer à autre chose, Sir Martin, je vais vous demander de vous
3 référer au classeur. Nous allons revenir à votre rapport de fin de
4 mission, qui est la pièce 770.1, qui se trouve -je vous le rappelle- vers
5 la fin du classeur.
6 (Le témoin s'y reporte.)
7 Sir Garrod (interprétation): Oui, je l'ai trouvée.
8 Question: Très bien. J'attire votre attention plus particulièrement sur
9 les paragraphes 14 et 15 qui commencent à la fin de la page 2. Lorsque
10 vous aurez eu le temps de les lire, je vous poserai quelques questions.
11 Réponse: Oui.
12 Question: Est-ce que ces deux paragraphes sont en fait une synthèse des
13 observations que vous avez pu faire quant à la présence de la HV en
14 Bosnie-Herzégovine, pendant cette période de six mois qui s'étend
15 d'octobre 1993 à avril 1994?
16 Réponse: Tout à fait, je n'ai jamais pu notamment établir si cette
17 importante troupe de forces de la HV était une force d'offensive ou de
18 défensive. Elle se dirigeait vers Prozor. Si les Croates avaient perdu
19 Prozor, eh bien, les Bosniens auraient dû se replier à Mostar, donc Prozor
20 était absolument crucial. Mais cela aurait pu être un mouvement offensif,
21 comme je l'ai indiqué dans ce rapport, au paragraphe 15.
22 Question: A la fin du paragraphe 15, page 3 de votre rapport, est-il exact
23 que vous indiquiez que "vous-même et vos équipes avez assisté à la
24 concentration des forces de la HVO/HV dans la zone de Buna, au sud de
25 Mostar"? Je cite ce que vous dites dans votre texte.
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1 Réponse: C'est exact.
2 Question: Nous allons maintenant aborder une dernière série de documents.
3 J'aimerais que nous les parcourrions. Je commence par la pièce 553.1, qui
4 se trouve dans votre classeur. Très approximativement, elle se trouve à
5 peu près à la moitié du classeur; je ne sais pas si cela va beaucoup vous
6 aider.
7 Je vous observe, Monsieur, mais je crois que vous vous dirigez dans le
8 mauvais sens. Je crois qu'en fait, vous devriez être sur le point de le
9 trouver.
10 Réponse: C'est le 553?
11 M. Scott (interprétation): C'est le 553.1. C'est un rapport pour la
12 journée du 1er août 1993.
13 M. le Président (interprétation): Maître Meek?
14 M. Meek (interprétation): Pendant que le témoin cherche à repérer ce
15 document 553.1, je voudrais dire qu'il me semble que M. Scott a posé tout
16 à l'heure une question. La dernière question qui vise à savoir si ce
17 témoin ou son équipe avait -je cite- "observé un rassemblement des troupes
18 autour de Mostar". (Fin de citation.)
19 Je voudrais dire, pour que cela paraisse au compte rendu, que le document
20 que nous regardions précédemment ne parlait pas d'"observation", mais
21 disait simplement "avaient conscience que". Ce n'est pas tout à fait la
22 même chose.
23 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, pouvez-vous éclaircir ce
24 point?
25 M. Scott (interprétation): Je suis d'accord pour dire que c'est un peu
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1 différent. Je suis d'accord avec ce que vient de dire Me Meek. Nous allons
2 y revenir.
3 Mais d'abord, Témoin, avez-vous trouvé ce document?
4 Sir Garrod (interprétation): Oui, le 553.1.
5 Question: Plutôt que de perdre de vue ce document, qui nous a demandé un
6 petit peu de temps pour être retrouvé, je vais tout de suite poser des
7 questions dessus. Et nous reviendrons sur le point évoqué tout à l'heure.
8 Est-ce que vous pouvez nous confirmer que le 553.1 est un rapport sur les
9 événements d'une journée? Est-ce que c'est un document qui porte votre nom
10 et votre signature?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Et au point 3, vers le milieu de la page, n'y a-t-il pas de
13 référence faite au colonel Andabak? Vous avez parlé de lui un peu plus tôt
14 dans la journée et vous avez dit que, d'après vous, il était associé aux
15 forces spéciales du HVO.
16 Réponse: C'est exact. On en fait mention, mais son nom n'est pas épelé de
17 façon correcte.
18 Question: Comment devrait-il être épelé?
19 Réponse: A-N-D-A-B-A-K, Andabak.
20 Question: Dans le cadre de votre déposition, vous nous avez dit un certain
21 nombre de choses.
22 Au bas de la page, il est indiqué que vous faites référence à une réunion
23 qui doit se tenir avec M. Prlic, le Président du HVO, le 2 août 1993?
24 Réponse: Oui, c'est bien indiqué.
25 Question: Très bien. Nous allons maintenant regarder la pièce 555.2.
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1 Monsieur le Président, je vais simplement demander confirmation par le
2 témoin de ce qui apparaît sur ces documents que je regarde en ce moment.
3 Je voudrais simplement que ce soit indiqué.
4 Donc au 555.2, vous nous avez dit aujourd'hui qu'à plusieurs reprises vous
5 aviez rencontré M. Prlic. Je vais attirer votre attention sur le
6 paragraphe 2 au début.
7 Réponse: Oui, je vois.
8 Question: Est-ce que ce rapport fait état, au moins en partie, de la
9 conversation dont vous nous avez parlé plus tôt aujourd'hui, où M. Prlic a
10 dit qu'il fallait autoriser les personnes à choisir leur lieu de
11 résidence? Vous nous avez dit tout à l'heure que, d'après vous, sur le
12 terrain la situation n'était pas tout à fait celle-là?
13 Réponse: Oui, c'est une synthèse extrêmement brève de ce qui a été dit.
14 Ses propos étaient beaucoup plus longs que ce qui apparaît ici, mais voilà
15 essentiellement ce qu'il était en train de me dire.
16 Question: Merci. Nous passons maintenant à la pièce 559.
17 (Le témoin se reporte au document.)
18 Est-ce bien un rapport émanant du HRC de Zenica et destiné au quartier
19 général de l'ECMM? Il est daté du 4 août 1993?
20 Réponse: C'est exact.
21 Question: Je passe brièvement sur le début du document qui parle de lui-
22 même. Je vous demande de vous pencher sur le paragraphe 2 qui se trouve au
23 milieu de la deuxième page.
24 Réponse: Oui.
25 Question: Je vais vous demander de bien vouloir lire en diagonale ces deux
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1 paragraphes qui nous disent quelle est la situation qui prévaut à Mostar.
2 Ensuite, je vous poserai une ou deux questions.
3 (Le témoin s'exécute.)
4 Réponse: Oui.
5 Question: Je vois qu'il est un peu tard, je vais simplement vous demander
6 de confirmer que les observations qui apparaissent ici sont bien conformes
7 à celles que vous-même avez faites sur le terrain et sont bien le reflet
8 des conditions qui prévalaient à Mostar pendant toute l'année 1993?
9 Réponse: Oui, c'est une évaluation tout à fait fidèle et véridique de ce
10 qui prévalait sur place.
11 Question: Je vous remercie. J'attire maintenant votre attention sur le
12 sous-paragraphe B. Est-il fait référence dans ce sous-paragraphe aux
13 arrestations massives, auxquelles vous avez fait référence un peu plus tôt
14 dans la journée?
15 Réponse: Oui, tout à fait.
16 Question: Je vais vous demander de tourner la page. Nous nous penchons sur
17 le paragraphe qui apparaît en deuxième position sur la page.
18 Réponse: Oui.
19 Question: Pourriez-vous aider la Chambre en lui expliquant quelles ont été
20 les propositions faites par le HVO en août 1993? Propositions qui
21 parlaient de l'établissement d'un camp de transit.
22 Réponse: J'étais au courant du fait que cette proposition était faite,
23 mais malheureusement je ne peux pas vous donner le détail de ce camp de
24 transit établi à Ljubuski. Je suis désolé, mais je ne peux pas vous aider.
25 Question: Au paragraphe suivant, il est indiqué qu'un millier d'hommes
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1 musulmans ont été placés sur une île appelée Obanja(phonétique). Est-ce
2 que cela vous dit quelque chose?
3 Réponse: J'en ai un souvenir vague, mais rien de très précis.
4 Question: Personne ne vous demande de vous livrer à un jeu de devinette,
5 mais je voudrais vous demander, dans la mesure où vous le pouvez, de nous
6 apporter votre aide. Est-ce que vous avez quoi que ce soit d'autres à nous
7 dire? Quelques éléments d'information que vous seriez susceptible de nous
8 communiquer à propos de ce sujet.
9 Réponse: Non, je suis navré mais je ne peux vraiment pas vous donner
10 d'éléments d'information concrets sur ce sujet précis.
11 Question: Fort bien. Je pense que nous pouvons maintenant regarder la
12 pièce 559.
13 (Le témoin s'y reporte.)
14 Est-ce bien un rapport du CC de Mostar destiné au RC de Zenica? Est-ce
15 bien un rapport portant sur la journée du 7 août 1993?
16 Réponse: J'ai un 561. Vous avez dit vous 559?
17 Question: J'ai peut-être fait une erreur. Si c'est le cas, je m'en excuse.
18 Quelques instants, s'il vous plaît. Vous avez parfaitement raison. C'est
19 moi qui me suis trompé, c'est le document 561.1 qui m'intéresse.
20 Réponse: Dans ce cas, je l'ai sous les yeux.
21 Question: Est-ce que vous pouvez nous confirmer qu'il s'agit d'un rapport
22 envoyé par CC Mostar au RC Zenica?
23 Réponse: Tout à fait.
24 Question: J'attire maintenant votre attention sur la dernière page de ce
25 rapport. Est-ce que ce rapport porte votre nom, si ce n'est votre
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1 signature?
2 Réponse: Tout à fait.
3 Question: Nous allons revenir au paragraphe 3, donc à la première page.
4 Pourriez-vous nous communiquer des informations supplémentaires concernant
5 ce Juka dont le nom apparaît ici?
6 Réponse: Juka n'est pas quelqu'un que j'ai connu. J'ai entendu ce nom,
7 mais je ne savais rien de cette personne. Lorsque je suis parti pour la
8 Bosnie centrale et lorsque, par la suite, je suis revenu, je n'ai plus
9 jamais entendu parler de lui. J'ai entendu son nom, j'ai entendu dire que
10 c'était un des chefs, mais je n'ai rien entendu de plus à son sujet.
11 Question: Je vous remercie. Nous passons au paragraphe 2, juste au-dessus.
12 On fait référence au président de guerre de la BiH à Jablanica. Lorsque
13 vous parlez du président de guerre de la BiH, est-ce que c'est le camp du
14 HVO ou le camp des Bosniens?
15 Réponse: Non, c'est le camp bosnien à Jablanica.
16 Question: Pourriez-vous nous dire s'il y avait une distinction entre le
17 fait que le camp bosnien demandait la présence de l'ECMM et a demandé à ce
18 que des permis d'accès soient donnés par rapport à la politique du HVO?
19 Réponse: Jablanica, c'est un cas très intéressant: c'est une ville
20 bosnienne que les Croates voulaient obtenir à tout prix, notamment du fait
21 de la présence d'une centrale hydroélectrique. Il y avait des petites
22 poches de Croates autour de la zone de Konjic. Donc les deux camps étaient
23 intéressés par cette zone Konjic/Jablanica. L'une de nos équipes, comme je
24 l'ai dit hier, se trouvait à Jablanica. C'était là qu'elle avait sa base,
25 mais juste à la fin du mois de juin, eh bien, la base a été prise
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1 d'assaut, si vous vous voulez, par les Moudjahidine. Et des Mercedes fort
2 coûteuses et des 4x4 ont été volés. Donc l'équipe a dû partir parce
3 qu'elle n'avait plus de moyens de transport. Il nous a fallu deux ou trois
4 mois avant de pouvoir reconstituer une équipe que nous avons pu envoyer à
5 Jablanica.
6 Ciro, dont le nom apparaît ici, voulait absolument obtenir Jablanica, et
7 les Bosniens de façon générale le souhaitaient. Et ce qui est assez
8 étrange, c'est que les Croates, pour les raisons qui étaient les leurs,
9 ont dit qu'ils souhaitaient que nous revenions à Jablanica. Notamment,
10 Prlic a dit qu'il voulait que nous revenions à Jablanica afin que nos
11 équipes puissent faire état des conditions qui prévalaient pour les
12 Croates dans la région de Konjic.
13 Donc vous voyez c'est un petit peu étrange le mélange d'émotions qui a
14 prévalu à notre retour à Jablanica.
15 Question: Quand vous parlez de cette espèce de mélange de sentiments
16 ressentis, c'est un mélange d'émotions que vous ressentiez vous, à l'ECMM?
17 Réponse: Ah non. Nous, nous voulions absolument retourner à Jablanica
18 parce que nous avions une panne totale en matière de circulation
19 d'informations à partir de cette zone. Or, c'était une zone absolument
20 fondamentale. Mais lorsque je dis que les sentiments étaient partagés,
21 c'est pour exprimer le fait qu'il était assez inhabituel qu'à la fois les
22 Croates et les Bosniens souhaitent notre retour à Jablanica. En fait,
23 leurs raisons étaient très différentes, mais ils étaient d'accord sur le
24 fait qu'ils voulaient nous voir revenir.
25 Question: Nous allons maintenant regarder le point 9 de ce même document.
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1 Vous avez évoqué le fait que vous étiez souvent en contact avec M. Bozic
2 qui était le ministre de la Défense, n'est-ce pas?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Vous dites, au point 9, que vous essayiez d'obtenir l'entrée
5 dans Mostar et que vous essayiez d'obtenir cette entrée de M. Bozic. Est-
6 ce que je dois comprendre de cela qu'à la date de rédaction de ce
7 document, donc à la date du 7 août 1993, Mostar était encore bloquée?
8 Réponse: Oui, ça a sûrement dû être le cas, puisque je dis dans ce
9 document que je dois poursuivre mes efforts en vu d'obtenir l'entrée de
10 Mostar. Donc je devais être en train de faire cela sur une base
11 quotidienne, j'essayais de convaincre ce Bozic et d'autres que c'était
12 dans l'intérêt de tous que nous puissions revenir dans Mostar aussi vite
13 que possible. Et il apparaît clairement qu'à cette date, nous n'avions pas
14 encore réussi à rentrer dans Mostar.
15 Question: Regardons la pièce 565.2.
16 Réponse: Oui.
17 Question: Il s'agit d'un exemplaire de rapport pour la journée du 15 août
18 1993 qui émane du CC Mostar destiné à RC Zenica?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Je vous demande de regarder ce qui apparaît en bas de la
21 première page et ce qui apparaît en haut de la deuxième page.
22 Pouvez-vous confirmer qu'il s'agit là d'un rapport qui aborde en partie le
23 sujet de votre déjeuner avec "Tuta"?
24 Réponse: C'est exact.
25 Question: En haut de la seconde page, il y fait référence au fait qu'il
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1 servait à cette époque-là à Gornji Vakuf. Est-ce que ça s'appuie sur
2 quelque chose que "Tuta" vous a dit pendant le déjeuner?
3 Réponse: Sûrement, parce que moi, je n'avais aucune, je ne connaissais pas
4 du tout Mladen Naletilic avant cette réunion, ce déjeuner. Donc c'est
5 sûrement lui qui m'a dit qu'il était, à cette époque-là, basé à Gornji
6 Vakuf et que les Britanniques lui avaient tiré dessus. Cela ne peut venir
7 que de lui, parce que personne d'autre n'aurait pu me communiquer ce genre
8 d'informations.
9 Question: Le paragraphe qui suit fait-il, en partie, état de la discussion
10 dont vous nous avez parlé précédemment, entre vous-même et M. "Tuta", qui
11 portait sur son opinion quant à la création d'un Etat islamique?
12 Réponse: Absolument.
13 Question: Il est établi ici, n'est-ce pas, que, dans le cadre de votre
14 conversation avec "Tuta", il a fait des références à la conduite de la
15 guerre "comme étant un jeu un peu similaire à un jeu de paris, un jeu de
16 cartes", si vous voulez?
17 Réponse: Oui. Et c'est sûrement très exact, parce que j'ai dû noter cela
18 juste alors que je revenais du déjeuner. C'était sûrement quelque chose
19 que j'avais encore très clairement à l'esprit.
20 Question: Nous revenons au paragraphe 9. Il apparaît qu'au 15 août 1993,
21 vous faites à nouveau une tentative pour entrer dans Mostar? C'est ce qui
22 est indiqué.
23 Réponse: Oui. Je pense que c'est juste à cette date-là que nous avons
24 réussi à entrer dans la ville, mais je ne peux pas vous le certifier.
25 Question: Je vais maintenant vous demander de regarder la pièce 600.
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1 (Le témoin s'exécute.)
2 La seule question que je souhaite vous poser est celle-ci: pouvez-vous
3 nous confirmer qu'il s'agit là d'un rapport d'observation qui provient de
4 l'une des équipes de Mostar et qui est envoyé au centre de coordination de
5 Mostar?
6 Réponse: C'est exact. Un observateur néerlandais et un observateur
7 espagnol sont à l'origine de ce document.
8 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je pense que le moment
9 est bien choisi pour interrompre nos travaux. Je dois vous avertir que je
10 suis sur le point de mettre un terme à mon interrogatoire principal. Je
11 regarde mes notes, mais je crois que je n'ai plus que quatre documents à
12 soumettre au témoin; ils pourront être étudiés de façon très rapide. Nous
13 devrions avoir terminé très rapidement après le début de l'audience de
14 demain après-midi.
15 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous nous interrompons.
16 Je vais demander à ce que l'huissier raccompagne le témoin.
17 (Le témoin, Sir Martin Garrod, est reconduit hors du prétoire.)
18 Demain matin, cette salle d'audience va être utilisée dans le cadre d'une
19 autre affaire. Je vous recommande donc d'emporter tous vos documents avec
20 vous ce soir.
21 Pour ce qui nous concerne, nous nous retrouverons demain à 14 heures 15.
22 (L'audience est levée à 18 heures 59.)
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