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1 (Mardi 16 juillet 2002.)
2 (L'audience est ouverte à 14 heures 26.)
3 (Audience publique.)
4 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, veuillez citer
5 l'affaire, s'il vous plait.
6 Mme Thompson (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames
7 les Juges.
8 Il s'agit de l'affaire IT-98-34-T, le Procureur contre Naletilic et
9 Martinovic.
10 M. le Président (interprétation): Je m'excuse de ce retard, car nous
11 n'avons, en effet, pas beaucoup de temps à perdre.
12 Maître Seric, je vous demanderai de bien vouloir continuer.
13 (Déclaration liminaire de Me Seric.)
14 M. Seric (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames les
15 Juges. Bonjour, confrères et consœurs.
16 Lorsqu'on a demandé à Emile Zola, une fois qu'il avait rédigé son
17 introduction "J'accuse", qui est si célèbre -et ceci au sujet de l'affaire
18 encore plus célèbre de l'affaire Dreyfus-, on lui avait demandé pourquoi
19 il avait traité d'un procès en justice? Pourquoi, lui, homme de lettres,
20 avait-il traité de droit? Pourquoi avait-il écrit comme s'il avait été
21 homme de droit? Et Zola leur a répondu, par écrit bien entendu :
22 "Messieurs, pourquoi séparer la vie du droit ou le droit de la vie?"
23 Il avait en tête un fait et c'est la raison pour laquelle il avait rédigé
24 ce qu'il avait rédigé en raison de cette terrible erreur en justice. Donc
25 il faut toujours s'adresser tant à la justice qu'au Tribunal de l'opinion
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1 publique, en quelque sorte, car il faut gérer notre vie en fonction du
2 droit. C'est la seule façon qui nous permet d'être protégés nous-mêmes.
3 Je m'étais arrêté hier à une intention qui avait été celle de vous
4 démontrer, de vous prouver que Vinko Martinovic, s'agissant des membres de
5 son unité, n'avait exercé aucun contrôle effectif de supérieur
6 hiérarchique, comme cela est affirmé par l'accusation.
7 La défense ici affirme que, s'agissant des actes constituant délit pénal,
8 ils pourraient ou pouvaient être commis par un individu ou par un groupe
9 d'individus. Le mens rea exigé consiste à dire que l'accusé avait oeuvré
10 avec l'intention de commettre un acte, un délit pénal en fonction du droit
11 international. Cette défense-ci affirme, quant à elle, que la
12 planification en tant que forme de responsabilité pénale comporte des
13 éléments qui sont des éléments de complicité ou analogue aux éléments de
14 complicité dans la perpétration d'un acte ou d'un délit pénal; la
15 complicité implique une responsabilité pénale une fois seulement que
16 l'acte ou le délit est perpétré.
17 La défense affirme donc qu'il n'y aurait pas de précédent qui viendrait
18 abonder dans le sens pour dire que la planification d'un délit pénal
19 pourrait en tant que tel être punissable ou sanctionné en sa qualité de
20 phase dans l'exécution d'un délit pénal.
21 Donc on peut punir quelqu'un pour un délit pénal ou pour sa planification,
22 mais pas pour l'un et l'autre, parce que l'auteur ne pourrait être accusé
23 ou sanctionné pour la planification de la perpétration d'un délit pénal en
24 tant que délit à part. La défense affirme ici que ce délit pénal doit être
25 concret, tant pour ce qui est de l'auteur de ce délit que pour ce qui est
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1 du délit lui-même. Et ceci dans l'objectif de ne pas entraver la liberté
2 de parole.
3 L'actus reus consiste d'abord en ce qui suit: l'accusé aurait donc
4 perpétré un acte avec une intention de le faire à l'égard d'un groupe
5 déterminé, donc commettre un délit pénal. Deuxièmement, qu'il y ait une
6 corrélation de cause à effet entre l'acte et le délit pénal et le critère
7 est précisément le fait d'avoir un élément de cause à effet et cela ne
8 saurait être le cas si l'auteur a décidé de commettre un délit pénal.
9 Je crois que cet élément-là est particulièrement important dans le cas
10 dont nous parlons. La défense estime donc qu'il y a une condition très
11 stricte de mens rea. La personne qui encouragerait à commettre un délit
12 doit avoir l'intention de susciter chez l'auteur ou chez un groupe au
13 niveau d'un groupe pour ce qui est de les inciter donc à perpétrer un
14 délit concret qui serait le délit que l'incitateur souhaiterait voir
15 commettre.
16 Donc non seulement cet incitateur devrait-il être conscient de tous les
17 éléments de l'acte pénal dont l'exécution est encouragée par ses soins,
18 mais en plus il doit posséder la même intention, c'est-à-dire faire preuve
19 de la même intention que les auteurs. Et la défense dit que les
20 incitateurs ne sauraient assumer une responsabilité pénale que dans la
21 limite de leur intention personnelle, indépendamment de la culpabilité de
22 l'auteur principal. La défense affirme également qu'il ne saurait y avoir
23 d'ordre donné sans rapport de supérieur à subalterne. En d'autres termes,
24 il ne suffit pas d'avoir des attributions pour ce qui est de donner des
25 ordres parce que le supérieur hiérarchique devrait en plus donner l'ordre
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1 à une personne subordonnée de faire ce qui se traduirait par un acte ou
2 délit pénal.
3 Alors s'agissant de délits pénaux d'ordre général, il ne suffit pas qu'il
4 y ait ordre et délit pénal concret, il doit exister une corrélation qui
5 impliquerait la cause et l'effet.
6 Le critère à mettre en place se réduit, se résume à une norme de cause à
7 effet. Il doit donc y avoir une condition très stricte de mens rea pour
8 déterminer la responsabilité du donneur d'ordre. Le supérieur
9 hiérarchique, en d'autres termes, devait être conscient de tous les
10 éléments constitutifs du délit pénal dont la perpétration a été ordonnée
11 par ses soins. Il devait donc aspirer à voir son subordonné commettre un
12 délit pénal pour que le supérieur puisse être considéré comme étant
13 responsable de l'exécution d'un délit pénal. Donc il faut qu'il ait fait
14 preuve de la même intention que son subordonné qui se trouve être coupable
15 de l'exécution en tant que telle.
16 Donc c'est l'intention criminelle qui importe, pour ce qui est du mens
17 rea, du donneur d'ordres, et non pas au niveau de celui qui a exécuté cet
18 ordre. C'est ce que nous avons trouvé comme peine prononcée dans l'affaire
19 Blaskic.
20 Lorsqu'il s'agit d'aide ou de soutien dans la perpétration d'un délit
21 pénal, la défense dit que l'actus reus est réalisé là où l'accusé a aidé à
22 ce que soit commis un délit pénal par une personne tierce. Et son
23 assistance se trouverait avoir, directement et considérablement, se
24 trouverait avoir nettement et considérablement contribué à la chose parce
25 que, très probablement, la chose ne se serait pas faite si l'accusé
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1 n'avait pas agi comme il avait agi.
2 Donc pour qu'il y ait "conditio sine qua non" pour la perpétration d'un
3 délit pénal, le comportement de l'intéressé était censé avoir influé ou
4 abondé dans ce sens.
5 Ce que nous affirmons, c'est que la présence de l'accusé suffirait pour
6 déterminer qu'il y a eu soutien ou appui de sa part, mais seulement au cas
7 où cette présence aurait directement et considérablement contribué à la
8 perpétration de l'acte ou du délit pénal.
9 Pour appuyer ces arguments, la défense se propose d'inviter la Chambre à
10 se pencher sur les constats de l'arrêt dans l'affaire Aleksovski, ainsi
11 que l'arrêt dans l'affaire Tadic.
12 Partant de l'Article 7, paragraphe 3 du Statut, il est clair qu'il
13 appartient de prouver trois éléments pour que l'on puisse parler de
14 responsabilité de supérieur hiérarchique pour des délits pénaux commis par
15 des subordonnés.
16 D'abord, il y a le rapport de subordonné ou de supérieur hiérarchique
17 entre l'exécutant et celui qui a donné l'ordre. Le deuxième élément, c'est
18 l'élément de conscience, à savoir le fait que le supérieur ait su ou avait
19 su que son subordonné allait ou avait perpétré un délit pénal. La défense
20 affirme que ce rapport entre le subordonné et le supérieur devrait être de
21 nature à prouver que le subordonné est directement placé sous les ordres
22 du supérieur hiérarchique dans une chaîne de commandement concrète ou dans
23 un équivalent fonctionnel à cette chaîne de commandement. Et si le
24 supérieur est un civil, il doit exercer le même contrôle qu'un commandant
25 militaire vis-à-vis de son subordonné.
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1 Dans l'affaire Celebici, la Chambre de deuxième instance a défini le
2 supérieur hiérarchique comme étant une personne qui disposait ou
3 disposerait d'attributions, de facto ou de jure, qui lui permettraient
4 d'empêcher la perpétration d'un délit pénal par le subordonné ou alors,
5 encore, de punir les auteurs du délit pénal une fois que celui-ci a été
6 commis.
7 La Chambre de deuxième instance a également conclu du fait que les
8 attributions, pour ce qui est d'empêcher ou de punir quelqu'un, ne
9 découlent pas seulement des attributions de jure qui sont accordées par
10 nomination officielle. Et la Chambre de deuxième instance a appuyé les
11 conclusions de la Chambre de première instance dans l'affaire Celebici
12 pour dire que, de facto, les supérieurs hiérarchiques pourraient être
13 soumis à une responsabilité pénale au cas où il serait déterminé qu'ils
14 avaient des attributions réelles et effectives pour ce qui est du contrôle
15 des agissements de leurs subordonnés.
16 S'agissant de la responsabilité pénale, partant de cette position de
17 supérieur hiérarchique, nous pouvons englober là, non seulement les
18 personnes qui occupent des postes de commandement, mais aussi des
19 personnes qui se trouveraient à des postes de commandement formel, qui
20 avaient donc effectivement des positions de commandement leur permettant
21 d'empêcher la perpétration ou de favoriser le sanctionnement de la
22 perpétration d'actes, de délits pénaux par des personnes qui se trouvaient
23 sous leur contrôle réel.
24 A défaut de nomination formelle, pour déterminer une responsabilité
25 pénale, il appartient substantiellement, pour ce qui est de l'exercice du
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1 pouvoir, de déterminer qu'il y a eu contrôle effectif. Et le contrôle
2 effectif, entre autres, dans la pratique judiciaire de ce Tribunal
3 international, se trouve être accepté comme étant une norme de
4 détermination de responsabilité du supérieur hiérarchique. Le contrôle
5 effectif pourrait être prouvé dans cette affaire-ci et la défense affirme
6 qu'il n'y en a pas eu, s'agissant de son client, pour ce qui est de ce
7 rapport entre supérieur hiérarchique et subordonné.
8 Maintenant, s'agissant des supérieurs de jure et de facto, nous allons
9 parler du commandant sous le commandement ou le contrôle direct duquel se
10 trouverait un subordonné.
11 Le rôle du commandant, en tant que tel, se trouve défini à l'Article 87.
12 Et s'agissant du concept de subordonné, ce concept est plus vaste et doit
13 être considéré dans un sens hiérarchique qui engloberait le concept de
14 contrôle. A ce titre-là, l'Article 87.1 du protocole additionnel élargit
15 les obligations juridiques du commandant pour faire en sorte que le
16 supérieur hiérarchique effectue de façon correcte une supervision pour ce
17 qui est des agissements de leurs subordonnés et non seulement des soldats
18 placés sous leur commandement.
19 Les parties contractuelles ou les parties belligérantes demanderont au
20 commandant militaire, par rapport aux membres des effectifs armés qui sont
21 placés sous leur commandement et leur contrôle, d'empêcher et, là où cela
22 est nécessaire, d'entraver la violation des Conventions de Genève ainsi
23 que les dispositions de ce protocole pour en informer les instances du
24 pouvoir compétentes.
25 Donc ce n'est que les personnes qui occupent des positions de
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1 commandement, que ce soit de jure ou de facto, qu'il s'agisse aussi
2 d'autorités civiles ou militaires, qui feraient donc partie, qui feraient
3 donc indubitablement partie de la chaîne de commandement, que ce soit de
4 façon directe ou indirecte, qui devraient se trouver exposées à une
5 responsabilité pénale.
6 Dans la même affaire que j'ai cité tout à l'heure, la Chambre de 2e
7 instance a déterminé, a établi que le niveau des attributions de facto ou
8 des attributions pour l'exercice d'un contrôle effectif correspond au
9 niveau des responsabilités afférentes à la doctrine de responsabilités qui
10 correspondraient aux attributions de jure. Donc l'existence d'une position
11 de supérieur hiérarchique, qu'il s'agisse d'une position de jure ou de
12 facto, qu'il s'agisse d'une position civile ou militaire, devra se baser
13 sur les évaluations des attributions des accusés.
14 Donc la position de pouvoir, de l'exercice de quelque pouvoir, pourrait
15 être déterminée par l'existence d'une nomination officielle ou d'une
16 attribution de pouvoir formel et les positions seront, au niveau de
17 l'armée, clairement définies alors qu'il existera une chaîne de
18 commandement, une hiérarchie stricte qui est plus facile à prouver.
19 D'une manière générale, la chaîne de commandement englobera des niveaux
20 hiérarchiques différents, partant de la définition de la politique au
21 niveau le plus élevé, puis en descendant par la chaîne de commandement
22 jusqu'à l'application des instructions sur le terrain.
23 Au sommet de la chaîne, il y a des responsables politiques qui peuvent
24 définir des objectifs politiques. Ces objectifs seront traduits par le
25 commandement stratégique en plan militaire concret, et ceci, en
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1 coopération avec des officiels supérieurs du gouvernement.
2 Au niveau en-dessous, le plan sera transmis vers des commandants
3 militaires supérieurs qui sont chargés des zones opérationnelles. Le
4 dernier des niveaux dans la chaîne de commandement serait le niveau des
5 commandants tactiques qui commandent directement à l'armée.
6 Mesdames et Monsieur le Juge, ce n'est pas une question rhétorique que je
7 vais poser maintenant, mais c'est une question réelle qu'il convient
8 d'éclaircir dans le procès qui se déroule ici: où, dans cette ligne de
9 commandement, se trouverait mon client, M. Vinko Martinovic? Il n'est
10 nulle part et nous allons le prouver.
11 Elément de conscience, l'élément de conscience qui est prévu à l'Article
12 7, paragraphe 3 du Statut, se répartit en deux types de situations
13 différentes.
14 Dans la première de ces situations, le supérieur sait vraiment que son
15 subordonné ou ses subordonnés commettent ou s'apprêtent à commettre des
16 délits pénaux. Dans une autre situation, on dirait qu'il avait des raisons
17 de savoir que ses subordonnés sont en train de commettre ou s'apprêtent à
18 commettre un délit pénal.
19 Pour ce qui est de l'élément indispensable de conscience, dans la première
20 situation où le supérieur sait vraiment, ce ne semble pas être
21 contradictoire parce que la connaissance réelle -qui pourrait être définie
22 comme une conscience du fait que certains délits pénaux allaient être
23 commis ou pourraient être commis- pourrait être prouvée par des
24 circonstances, des éléments de preuve liés aux circonstances. Ces éléments
25 de preuve liés aux circonstances permettent de conclure, partant donc de
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1 là, que le supérieur hiérarchique était censé savoir qu'il y avait des
2 délits pénaux perpétrés par ses subordonnés.
3 C'est en fonction de la position du pouvoir où se trouvait le supérieur
4 hiérarchique, donc c'est en fonction du fait de savoir s'il s'agissait
5 d'une position militaire ou civile, d'une position de jure ou de facto, de
6 son niveau de responsabilité dans la chaîne de commandement, que les
7 éléments de preuve nécessaires pour prouver la connaissance véritable d'un
8 tel comportement vont varier. Par exemple, la connaissance véritable ou
9 réelle qu'avait un commandant militaire peut être prouvée plus aisément si
10 l'on tient compte du fait qu'il faisait partie d'une structure organisée
11 avec des systèmes de rapports prévus et des systèmes de surveillance
12 prévus.
13 Dans le cas de commandant de facto, de structures militaires moins
14 formelles ou s'agissant de responsables civils qui se trouvent de facto
15 sur des positions de pouvoir, les normes d'apport de preuve doivent être
16 situées à un niveau plus élevé. Il appartient à l'accusation de prouver
17 qu'il y a responsabilité et culpabilité.
18 Alors la défense affirme que si l'on parle du fait qu'il avait eu des
19 raisons d'être au courant, qu'il était censé savoir -s'agissant d'une
20 situation où le supérieur disposerait d'une information réelle lui disant
21 que ses subordonnés allaient ou étaient en train de commettre des délits
22 pénaux, eh bien, sans preuve accessible pour ce qui est du comportement
23 criminel, s'agissant d'omissions commises par le commandant pour ce qui
24 est d'enquêtes à réaliser- n'implique pas nécessairement la responsabilité
25 du supérieur de l'avis de l'accusation. Et la Chambre de première instance
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1 dans l'affaire Celebici avait adopté une position tout à fait correcte sur
2 le plan juridique pour ce qui est de rejeter la norme aux termes de
3 laquelle il était censé savoir.
4 La défense, en effet, affirme que les normes permettant de prouver qu'il y
5 avait eu exercice d'un contrôle, conformément à l'Article 86.2 du
6 protocole additionnel 1, de la façon dont cela est interprété dans le
7 jugement de première instance dans l'affaire Celebici.
8 En effet, il a été prouvé que, pour prouver qu'il y a eu responsabilité de
9 commandement, l'accusation était censé investir beaucoup plus d'efforts
10 pour ce qui est de prouver la connaissance qu'avait le supérieur pour ce
11 qui est du comportement de ses subordonnés.
12 Maintenant, pour ce qui est de l'omission, le fait d'avoir omis
13 d'entreprendre des mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher ou
14 pour sanctionner quelqu'un, à ce sujet, la défense affirme que cela
15 dépendait de la situation telle que le commandant en question avait perçu
16 la chose à ce moment-là. Ce n'est pas partant de la perspective actuelle
17 que l'on doit en juger. Donc il faut qu'il dispose de compétences
18 juridiques pour prendre les mesures en question.
19 Il eût fallu qu'il dispose de possibilités matérielles de le faire.
20 De l'avis de la défense, entre l'omission du supérieur de prendre des
21 mesures et la perpétration ultérieure de délits pénaux, il faudrait qu'il
22 y ait cette relation de cause à effet. Ce qui est important, ce qui est le
23 plus important à notre avis pour ce qui est de la détermination des
24 rapports de subordination, c'est la possibilité réelle ou la possibilité
25 effective de disposer de compétences pour la prise de mesures. Partant de
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1 l'absence de compétences juridiques formelles pour ce qui est de la prise
2 de mesures, c'est une chose qui doit être interprétée dans ce contexte, à
3 savoir à l'occasion de l'évaluation du contexte au sujet duquel le
4 supérieur aurait omis de prendre des mesures.
5 De l'avis de la défense, cette Chambre-ci devrait aller au-delà de ces
6 pouvoirs formels pour étudier si notre client avait effectivement des
7 possibilités réelles de prendre des mesures.
8 Nous nous proposons de prouver -et nous espérons que la Chambre acceptera
9 ces éléments de preuve pour se rendre compte- qu'il n'y a pas eu des
10 éléments de ce genre.
11 Cette responsabilité fait son apparition après la perpétration d'un délit
12 pénal. Et les personnes qui procèdent à des enquêtes relatives à la
13 perpétration de délits pénaux sont censées informer les organes compétents
14 pour ce qui est de la prise de sanctions appropriées à l'égard de
15 l'auteur.
16 Mesdames et Monsieur les Juges, je sais que cette présentation, telle que
17 je l'ai conçue pour ce qui est de notre part de l'affaire, se trouve être
18 faite assez rapidement. Ne m'en voulez pas si je dis quelque chose qui
19 serait peut-être plus propre aux plaidoiries. Mais si, pour s'exprimer
20 mathématiquement, on additionne et on soustrait toute chose, je pourrais
21 en conclure que mon client s'est perdu ici: il est venu par hasard sur ce
22 banc des accusés et c'est indûment qu'il se trouve dans cette unité de
23 détention à Scheveningen, car sa place n'est bas là-bas.
24 Mesdames et Messieurs les Juges, ces délits pénaux ou des délits pénaux de
25 ce type ne peuvent être faits ou perpétrés qu'intentionnellement; ce ne
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1 sont pas des délits qui sont faits par un concours de circonstances et
2 l'accusation cherche à le prouver, en effet. Mais s'il n'y a pas
3 d'intention de perpétrer un délit pénal du côté de Vinko Martinovic, je
4 souhaite le prouver. Et je tiens à dire que, dans notre partie de
5 présentation des éléments de preuve, nous allons nous efforcer de le
6 prouver et je crois bien que nous allons réussir à le faire.
7 Mesdames et Monsieur les Juges, nous devons dire que nous ne sommes pas
8 ici face à des chevaliers de la Table ronde. Je ne m'attends donc pas à
9 voir le Roi Arthur brandir son épée et décider ou trancher de la question
10 de façon simple.
11 Alors, comment parler d'erreur véritable ou d'erreur juridique? Est-ce que
12 l'on ne saurait pas dissocier les faits? Mais n'est-ce pas là la tâche des
13 juristes que nous sommes? Il faut que la vie soit placée sous des normes
14 juridiques. Ne dois-je donc parler du droit qu'au niveau de mes
15 plaidoiries?
16 Ce que la défense cherche à prouver, du point de vue juridique, pourrait
17 être fait donc trop tard, si je n'attends que ces plaidoiries, et peut-
18 être au niveau de l'appel. Mais vous n'êtes pas un jury, vous êtes –
19 heureusement, je dirais- des hommes, des femmes et je ne parle pas dans
20 l'abstrait. Toute personne présente ici dans ce prétoire se doit en
21 premier lieu d'être un être humain.
22 C'est à juste titre que Sophocle avait affirmé, dans "Antigone", que rien
23 n'est plus puissant que l'homme; ni les bêtes, ni les troupeaux, ni ce qui
24 se figure dans les profondeurs de la mer. Certains cherchent à faire le
25 mal et certains cherchent à faire le bien. Athènes, du temps de Sophocle,
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1 avait 400.000 habitants: des paysans riches, des pauvres, des nobles, mais
2 il y avait beaucoup de peuples qui n'étaient pas des Athéniens. Il y avait
3 des étrangers, des esclaves, des artisans, des commerçants, des employés
4 de toutes races et de toutes confessions. Donc Sophocle n'avait prêté
5 attention ni aux origines ni à la richesse ni à la confession; il avait
6 écrit au sujet de l'homme en disant que c'est un être qui a le plus
7 d'esprit, qui a le plus de puissance, qui comporte le plus de bien et le
8 plus de mal. Il avait parlé de l'homme tel qu'il était, de l'homme réel.
9 Ernest Bloch disait qu'il n'y a pas de monotonie et de stabilité dans
10 l'homme, puisqu'il n'y en a pas dans la nature non plus. Et lui, il fait
11 partie de la nature. Et comme la nature est majestueuse, bonne, généreuse
12 mais cruelle, par elle-même et vis-à-vis de l'homme, l'homme l'est de même
13 dans sa nature. Il est le reflet de la nature toujours changeante qui
14 l'entoure. Depuis des dizaines de milliers d'années, l'homme lutte et, à
15 travers cette lutte, il survit. Les hivers, les glaces le font souffrir;
16 il traverse les tremblements de terre, les épidémies. Mais lui, il
17 subsiste, il survit. Il a appris à lutter contre la nature et contre les
18 animaux, mais il a appris également à détruire tout ce qui l'entoure, son
19 espèce aussi, les membres de son espèce aussi. Aujourd'hui, il est en
20 train de conquérir la nature. Il découvre ses lois, il est maître de ses
21 lois pour son bien et pour son mal.
22 Sa curiosité a fait de l'homme un conquérant, le conquérant de la terre et
23 du ciel. Il a acquis la vitesse du vent et du son; il est en train de
24 vaincre les sommets et les profondeurs, il marche sur la lune, il observe
25 Vénus. Sur la Terre, il change la nature, il crée la vie. Il a échangé
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1 certaines de ses fonctions avec celles des robots. Il a découvert beaucoup
2 de choses autour de lui, dans la nature et dans l'espace. Il est en train
3 de rechercher les réponses aux questions suivantes: d'où? pourquoi? quoi?
4 Voilà. Ce sont les questions qu'il se posera dans les millénaires à venir
5 aussi.
6 Je cède la parole à mon collègue et confrère, M. Zelimir Par.
7 M. le Président (interprétation): Maître Par, je vous prie de faire une
8 pause avant que vous commenciez. Ou bien votre exposé est suffisamment…,
9 est trop long pour que l'on fasse une pause au milieu?
10 M. Par (interprétation): Mon exposé ne va pas durer plus d'une heure, donc
11 on peut faire la pause quand vous voulez, maintenant ou plus tard.
12 M. le Président (interprétation): Merci.
13 Nous allons écouter votre déclaration et après, nous ferons une pause.
14 (Déclaration liminaire de Me Par.)
15 M. Par (interprétation): Merci.
16 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, dans ma partie je souhaite
17 présenter les positions de la défense de Vinko Martinovic en suivant
18 l'ordre des chefs d'accusation.
19 L'Acte d'accusation du Tribunal pénal international reproche à Vinko
20 Martinovic plusieurs crimes: le crime contre l'humanité, infractions
21 graves aux Conventions de Genève et violations des lois ou coutumes de la
22 guerre prétendument commis à Mostar dans la période allant du mois d'avril
23 1993 au mois de janvier, fin de mois de janvier 1994, donc pendant le
24 conflit qui opposait les Croates et les Bosniens sur le territoire de
25 Mostar.
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1 Selon leur contenu, ces crimes comprennent les persécutions des Musulmans
2 bosniaques, le travail forcé et le traitement inhumain des prisonniers de
3 guerre, torture, un assassinat, un meurtre qui a été qualifié de manière à
4 caractère comme torture et le fait de causer intentionnellement de grandes
5 souffrances, le transfert de force des Musulmans de Bosnie, destruction et
6 pillage de leur bien.
7 Pendant la présentation de ces moyens de preuve, l'accusation a tenté de
8 prouver que Vinko Martinovic était responsable de tous ces actes, soit en
9 tant qu'individu, soit selon le principe de supérieur hiérarchique.
10 Afin de prouver cela, l'accusation a utilisé les documents qui provenaient
11 des archives militaires de l'A.I.D, de la police secrète musulmane, et
12 c'est comme cela que l'a désigné l'accusation elle-même, diverses sources
13 de renseignement internationales.
14 Nous avons entendu des témoins experts internationaux, des témoins
15 bosniens musulmans, des victimes de la guerre qui ont été au préalable
16 interrogés dans les locaux de la police secrète A.I.D, ainsi que les
17 témoins, des mercenaires étrangers, des militaires qui ont été impliqués
18 dans cette guerre pour des motifs qui n'étaient certainement pas des
19 motifs honorables.
20 Tous ces éléments de preuve avaient pour but de confirmer le bien-fondé de
21 l'Acte d'accusation et de transformer Vinko Martinovic, un simple soldat,
22 un petit commandant d'une petite unité qui était positionné sur la ligne
23 de confrontation, donc de le transformer en coupable de tout le mal qui a
24 pu se produire à Mostar.
25 Beaucoup de personnes d'institutions, de services secrets, avaient un
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1 certain intérêt à sacrifier…, à voir Vinko Martinovic sacrifié et à
2 dissimuler derrière sa personne les vrais auteurs des crimes et ceux qui
3 ont commandé des crimes. Mais la présentation des preuves de l'accusation
4 a bien démontré que l'image que l'on a voulu faire de Vinko Martinovic
5 était tout simplement intenable.
6 La défense de Vinko Martinovic, pendant sa présentation des moyens de
7 preuve, se prononcera par rapport à tous les chefs d'accusation et
8 prouvera que Vinko Martinovic n'est pas responsable des actes qui lui sont
9 reprochés.
10 Nous allons prouver que Vinko Martinovic est quelqu'un qui a été sacrifié
11 par des services secrets de Bosnie-Herzégovine et de Croatie qui, de
12 concert avec les représentants de la communauté internationale, après une
13 compagne médiatique bien organisée, ont sélectionné Vinko Martinovic en
14 tant que personne qu'il était le plus facile de faire venir devant ce
15 Tribunal, puisqu'il n'avait absolument pas de soutien. Il ne bénéficiait
16 pas de soutien politique, il n'appartenait à aucun parti politique, il ne
17 soutenait aucune option politique, il n'était protégé par personne, il
18 n'avait aucune influence politique ni d'amis parmi les hommes politiques
19 qui auraient pu éventuellement l'aider. Et le voilà, à présent, devant
20 cette Chambre, à répondre des actes avec lesquels il n'avait eu aucun
21 rapport.
22 Il est donc en train de répondre des plans qui ne concernent que la
23 République de Croatie et Herceg-Bosna. On lui reproche également la
24 création de l'Héliodrome, le transfert de force des populations, des
25 civils et de la participation dans un conflit international et, comme on
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1 dit dans l'Acte d'accusation, l'occupation provisoire. Il est donc en
2 train de répondre des actes dont il a entendu parler pour la première fois
3 lorsqu'il a vu l'Acte d'accusation.
4 Parmi les accusés qui ont comparu devant ce Tribunal, il est bien connu
5 que ce qu'il doit craindre le plus sont les points qui ne comprennent pas
6 dans l'Acte d'accusation dressé contre lui; les points qui concernent le
7 contexte factuel, les généralités. Des préjugés, en somme, qui ont été
8 forgés de toutes pièces par CNN et les médias locaux et internationaux qui
9 ont divisé les hommes qui ont préparé au conflit, bons et mauvais.
10 La tâche de cette défense est de faire revenir Vinko Martinovic sur cette
11 ligne de confrontation à Mostar, sur le Bulevar, devant le centre médical
12 où, avec ses hommes -une quarantaine-, il a été jusqu'à la fin du conflit.
13 Nous avons l'intention de l'extirper de ce large contexte de conflit
14 international, des plans politiques qui ont été forgés à Zagreb et à
15 Mostar, puisque là n'est pas sa place. Et l'accusation n'a nullement
16 prouvé que l'on pouvait établir un lien quelconque entre sa personne et
17 ces plans qui ont été créés, donc, à Zagreb et à Mostar.
18 Il n'avait pas de pouvoir politique ou militaire pour créer des campagnes
19 systématiques d'une grande dimension, pour réaliser des objectifs
20 politiques négatifs dont le but principal était de partager la Bosnie-
21 Herzégovine.
22 L'argument principal de cette défense que nous allons poser à tous les
23 chefs d'accusation dressés contre Vinko Martinovic est la suivante: il a
24 effectivement participé au conflit qui a opposé les Bosniens et les
25 Croates à Mostar en 1993, mais il n'a pas participé à l'application des
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1 plans de partage de la Bosnie.
2 Nous sommes conscients du principe que les faits négatifs ne doivent pas
3 être prouvés. Mais nous allons quand même, par l'intermédiaire des témoins
4 et de certaines pièces, prouver cette thèse.
5 L'autre argument de la défense est le suivant: Vinko Martinovic, au début
6 de la guerre à Mostar, était dans la même position que tous les hommes en
7 âge de combattre. Il n'avait pas de possibilité ni de motifs pour éviter
8 de participer à ce conflit.
9 La guerre à Mostar a commencé par l'agression serbe et Vinko Martinovic
10 prend part à la défense de sa ville, avec ses voisins croates et
11 musulmans. Il est rapidement devenu connu pour son courage et sa
12 détermination en tant que commandant du HOS, les forces armées croates.
13 Le 9 mai 1993, le conflit entre les Croates et les Musulmans à Mostar
14 commence et les raisons en sont inconnues aux yeux de Vinko Martinovic,
15 mais il n'a pas le choix non plus, cette fois-ci. Et, avec ses co-
16 combattants, il défend son quartier, les maisons de son quartier, son
17 voisinage. Il prend position sur la ligne de confrontation et organise la
18 défense. Il forme son unité, il en devient le commandant et il reste donc
19 sur ses positions jusqu'à la fin de la guerre.
20 Des soldats comme Vinko Martinovic, il y en avait des milliers à Mostar,
21 des deux côtés; donc des personnes qui ont été contre leur gré, qui ont
22 été forcées de prendre part à la guerre selon les circonstances.
23 Des commandants tels que Vinko Martinovic à Mostar, des deux cotés, il y
24 en avait des dizaines. Leur responsabilité de supérieur hiérarchique était
25 basée sur leur autorité personnelle, l'autorité qu'ils exerçaient sur un
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1 groupe de soldats à la tête desquels ils se trouvaient dans une sorte
2 d'unité auto-organisée, sans structure militaire bien définie. Il
3 s'agissait d'unités qui étaient formées de volontaires dont le motif
4 principal était de défendre leur maison.
5 Que faisait cette unité sur la ligne de confrontation? Est-ce que les
6 membres de cette unité commettaient des crimes de guerre? Est-ce que Vinko
7 Martinovic en a été responsable? L'accusation affirme que oui. La défense
8 va prouver qu'en tant que commandant du groupe antiterroriste "Mrmak",
9 voire le groupe antiterroriste "Vinko Skrobo", il n'a pas été responsable
10 de ce qui lui est reproché dans l'Acte d'accusation.
11 Le premier chef de l'Acte d'accusation reproche à Vinko Martinovic les
12 persécutions pour des motifs politiques raciaux et religieux, c'est-à-dire
13 un crime contre l'humanité sanctionné par les Articles 5h), 7-1 et 7-3 du
14 Statut du Tribunal.
15 Les actes qui sont reprochés à Vinko Martinovic sont énoncés aux
16 paragraphes allant du paragraphe 26 au paragraphe 30 et du paragraphe 32
17 au paragraphe 34; ils occupent la page centrale de cet Acte d'accusation
18 puisqu'ils englobent tous les autres actes criminels énoncés dans l'Acte
19 d'accusation.
20 En effet, le chef n°1 dispose qu'entre le mois d'avril 1993 environ et le
21 mois de janvier 1993 au moins, Vinko Martinovic, en qualité de chef de la
22 compagnie "Mrmak Vinko Skrobo" avec d'autres dirigeants, agents et membres
23 de l'armée croate et du HVO, a planifié, incité à commettre, ordonné ou
24 commis ou aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter un crime
25 contre l'humanité sur des bases politiques, raciales et religieuses sur
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1 tout le territoire appartenant prétendument à la communauté croate de
2 Herceg-Bosna ou la République croate d'Herceg-Bosna et ceci, en recourant
3 à des méthodes suivantes, donc en internant, détenant, transférant des
4 forces et déportant les civils musulmans de Bosnie, en soumettant les
5 Musulmans de Bosnie à des actes de torture inhumains, un traitement
6 inhumain et cruel, en les tuant délibérément, en leur causant
7 intentionnellement de grandes souffrances, en les forçant à travailler au
8 mépris de la loi, en les utilisant comme boucliers humains, en détruisant
9 et en saccageant gratuitement les habitation et les bâtiments, en pillant
10 les biens publics et privés.
11 Donc les persécutions, ces actes incriminés englobent tous les autres
12 actes qui ont été énoncés dans les autres Chefs d'accusation, donc tous
13 ceux qui ont été posés au Chef n°1. Et il est tout à fait intenable de
14 leur donner une qualification juridique à part et de mettre ainsi l'accusé
15 dans une telle position qu'il devrait répondre pour un même acte à
16 plusieurs reprises, des actes qui auraient reçu des qualifications
17 juridiques différentes.
18 Donc l'accusé se trouve dans une situation plus défavorable que si on le
19 jugeait dans le pays où les crimes ont été prétendument commis et dont il
20 est le citoyen lui-même ainsi que les parties lésées.
21 Il s'agit d'une remarque d'ordre général concernant les qualifications
22 juridiques que la défense expose.
23 Revenons maintenant au Chef n°1. Contrairement à l'accusation, la défense
24 va prouver que les actes qui ont été reprochés à Vinko Martinovic ne sont
25 pas exacts et qu'il n'a pas commis les actes qu'on lui a reprochés. Il
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1 n'avait pas de pouvoirs politiques et militaires qui pourraient le
2 rapprocher et établir un lien quelconque avec la planification,
3 l'incitation à commettre et la perpétration de tout acte stratégique à
4 Mostar et surtout sur le territoire de l'Herzégovine en général.
5 Il n'est certainement pas quelqu'un qui est l'auteur de l'épuration
6 ethnique dirigée contre la population musulmane de Bosnie. Il s'agit d'une
7 image non fondée qui se dégage de cet Acte d'accusation. Elle a été
8 soutenue par des médias croates et bosniaques. Cette thèse a été soutenue
9 par des informations forgées de toute pièce par les services secrets
10 bosniaques et croates afin de satisfaire les intérêts de la communauté
11 internationale à tout prix. Il fallait trouver des personnes que l'on
12 jugerait pour le mal qui a été commis pendant cette guerre afin d'y mettre
13 enfin un point final et de passer à la réalisation d'autres projets
14 internationaux pour la Bosnie-Herzégovine.
15 On n'a pas bien choisi la personne de l'accusé parce que, objectivement,
16 avec la position qu'il occupait, il ne pouvait pas être responsable des
17 actes qu'on lui reproche. Il ne peut donc pas non plus assumer la
18 responsabilité des autres qui étaient au-dessus ou à coté de lui. On ne
19 peut pas reprocher à Vinko Martinovic ces actes si on désire préserver les
20 conditions d'un procès équitable.
21 Les témoins de la défense et certains documents que l'accusation a
22 communiqués à la défense se rapportent à cela. Des gens ordinaires qui ont
23 été persécutés, qui ont été détenus à l'Héliodrome ou au sein de l'unité
24 Vinko Skrobo ainsi que des soldats faisant partie de cette unité parleront
25 de cela.
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1 Ils vont évoquer le rôle de Vinko Martinovic pendant la guerre à Mostar;
2 ils vont évoquer la création et les tâches de l'unité, de son rapport
3 envers les Musulmans pendant cette période critique et du fait que Vinko
4 Martinovic protégeait les Musulmans de la persécution.
5 Ils vont parler des Musulmans qui venaient le voir pour qu'il les protège
6 de la persécution, qui demandaient à être sous sa responsabilité parce
7 qu'ils s'y sentaient en sécurité.
8 Ils vont parler du chaos qui régnait à Mostar au début du conflit qui
9 opposait les Croates et les Musulmans. Ils vont évoquer également les
10 groupes criminels qui portaient des uniformes du HVO, qui chassaient les
11 Musulmans de chez eux, qui pillaient leurs biens et qui se présentaient
12 comme étant des membres de l'unité de "Stela"; ils disaient qu'ils étaient
13 des "stelici" et évoquaient les ordres prétendument émis de "Stela", de la
14 part de "Stela".
15 Les témoins vont également parler des réactions de "Stela" lorsqu'ils
16 l'informaient que c'est en son nom que des persécutions étaient commises.
17 Les éléments de preuve que compte présenter la défense vont montrer que
18 l'unité à la tête de laquelle se trouvait Vinko Martinovic avait la tâche
19 suivante: il était nécessaire qu'ils soient présents tout le temps sur la
20 ligne de front et dans cette ville où des unités différentes qui venaient
21 de toute l'Herzégovine et de Mostar étaient en train de perpétrer des
22 actes criminels.
23 L'Unité de Vinko Martinovic, avec un nombre limité de personnes, de 50 à
24 80, avait pris une position et elle l'a maintenue pendant toute la guerre.
25 C'était l'un des points les plus chauds sur la ligne de confrontation;
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1 elle n'a jamais quitté cette position puisqu'elle aurait, de cette
2 manière, ouvert le passage à l'ennemi. Donc il n'y avait pas de
3 possibilité pour que cette unité quitte les positions qu'elle avait prises
4 et, de cette manière, d'entrer dans cette campagne de persécution à Mostar
5 et en Herzégovine en général, comme l'affirme l'accusation.
6 Les témoins de la défense vont expliquer à cette Chambre que, dans des
7 vagues de persécution, selon le paragraphe 26 de l'Acte d'accusation, qui
8 se seraient produites le 9 mai 1993 et au début du mois de juillet 1993,
9 ces témoins vont donc expliquer que l'unité qui était dirigée par Vinko
10 Martinovic, l'Unité qu'on appelait "Mrmak" et, par la suite, Vinko Skrobo,
11 n'avait même pas existé le 9 mai 1993, même si Vinko Martinovic et les
12 autres membres de l'unité ont effectivement pris part aux combats le 9 mai
13 1993 en organisant une autodéfense, la défense de leurs foyers et de leurs
14 quartiers.
15 La défense va prouver sa thèse selon laquelle Vinko Martinovic ne peut pas
16 répondre des persécutions qui ont été effectuées le 9 mai 1993 puisqu'il
17 n'était le commandant d'aucune unité, de quelque unité que ce soit. Il n'a
18 pas participé non plus à de telles persécutions. Son unité n'a été créée
19 que vers la fin du mois de mai 1993, lorsque les conditions militaires
20 dans la ville-même se sont stabilisées et l'organisation militaire a été
21 mise sur pied au niveau de la municipalité.
22 Par rapport aux persécutions, prétendues persécutions qui ont eu lieu en
23 mai 1993, nous allons démontrer que cette unité n'a pas participé à cela,
24 à cette campagne puisque, à l'époque déjà, elle était en train de
25 sécuriser cette ligne près du centre médical sur le Bulevar à Mostar.
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1 Mais qui a persécuté, alors, les Musulmans dans la partie occidentale de
2 Mostar? Comment se fait-il que Vinko Martinovic se trouve maintenant sur
3 le banc des accusés?
4 La thèse de l'accusation, qui comprend donc la théorie de l'épuration
5 ethnique systématique avec des personnes qui l'ont planifiée à Zagreb, des
6 hommes qui étaient chargés des opérations en Herzégovine et les exécutants
7 dans les rues de Mostar, n'est pas une thèse qui peut être prouvée
8 puisqu'elle est contraire à ce qu'est l'épuration ethnique, la soi-disant
9 épuration ethnique et sa nature réelle.
10 L'épuration ethnique, une fois que le processus a été entamé, est
11 impossible de l'arrêter; il continue, il se poursuit de lui-même, il n'a
12 pas besoin de plan puisqu'il subsiste de par lui-même.
13 Le principe est simple: "Tu me persécutes; moi, je vais persécuter ton
14 frère. Tu pilles ma maison; moi, je vais piller celle de ton frère. Tu
15 mets le feu à mon église; moi, je vais incendier ta mosquée".
16 Ce sont des personnes qui ont été persécutées qui sont à l'origine de ces
17 actes, des actes de persécution. Ce sont les personnes qui ont subi elles-
18 mêmes l'épuration ethnique qui, à leur tour, maintenant, sont des auteurs
19 de ladite épuration ethnique, en portant cette fois-ci l'uniforme de leur
20 armée. Ils sont donc en train de chercher une nouvelle maison pour eux-
21 mêmes. Comment vont-ils en trouver une? Ils vont persécuter, chasser
22 quelqu'un d'autre. Donc c'est ceux qui été expulsés qui vont être expulsés
23 à leur tour. Les pilleurs sont ceux qui ont été eux-mêmes victimes de
24 pillages qui sont restés sans rien. Il s'agit d'un processus qui commence
25 avec la première maison pillée, avec le premier temple brûlé, avec la
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1 première personne expulsée.
2 Comment arrêter ce processus? Le processus s'arrête lorsque tout le monde
3 perd la sécurité de sa maison, lorsque tout est déjà pillé et lorsqu'à la
4 fin, la communauté internationale intervient pour voir ce qui se passe sur
5 place. Je pense qu'il n'y a nul doute qu'en Bosnie-Herzégovine, la méthode
6 d'épuration ethnique a été introduite par les Serbes pendant l'agression
7 dirigée par les Serbes contre la Bosnie-Herzégovine. Et ce processus n'a
8 pas pu contourner les rues de la ville de Mostar.
9 On n'a pas eu besoin de planificateur de ce qui allait se produire à
10 Mostar parce que c'est un processus, c'est un engrenage que rien ne peut
11 arrêter. La défense va prouver que les citoyens de Mostar, toutes
12 appartenances ethniques confondues, pendant ce conflit opposant les
13 Croates aux Bosniens… Donc notre thèse est que Vinko Martinovic s'est
14 retrouvé avec ses hommes, les hommes de son quartier, il s'est trouvé au
15 centre du conflit; il ne désirait pas ce conflit, il ne l'a pas planifié,
16 il ne l'a pas incité à le commettre, il a juste choisi le côté des membres
17 de son peuple, de ses voisins avec une seule idée: celle de défendre sa
18 maison.
19 En même temps, dans cette même ville, se produisaient les événements qui
20 le dépassaient et il ne pouvait pas influencer ces événements. Il n'y a
21 pas participé et il ne peut pas être tenu responsable de cela.
22 Revenons maintenant à la question: qui a donc persécuté les Musulmans dans
23 la partie occidentale de Mostar? Et qui a donc voulu que ce soit Vinko
24 Martinovic qui soit sur le banc des accusés. Comment cela s'est-il
25 produit? Nous pouvons nous poser une autre question aussi: qui a
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1 persécuté, qui a chassé les Serbes de Mostar? Où sont ces Serbes qui ont
2 chassé les Croates de la partie orientale de Mostar? Et qui a été accusé
3 d'avoir perpétré des persécutions contre les Serbes, les Croates de
4 Mostar. Comment se fait-il que personne n'a jamais été appelé à répondre
5 de ces actes?
6 De Mostar ont été chassés les Serbes, les Croates et les Musulmans. Ils se
7 sont chassé les uns les autres puisque la guerre était de telle nature
8 qu'on ne pouvait pas rester en sécurité sur le territoire ennemi, parce
9 que l'Etat n'existait pas, la police n'existait pas, l'armée régulière
10 n'existait pas. Il n'y avait que la guerre et personne ne pouvait la
11 contrôler.
12 Certains sont partis de leur propre initiative, d'autres ont été expulsés,
13 d'autres ont été capturés encore, leurs maisons ont été occupées par ceux
14 qui avaient été expulsés de leur propre maison et c'est ainsi que la ville
15 a été découpée.
16 La guerre a mis sur le dos des citoyens de Mostar de la Bosnie-Herzégovine
17 l'uniforme de leur population et ils ont essayé de survivre en chassant
18 d'autres de leurs maisons. Alors tous les gens de la région connaissent
19 cette histoire, tous les gens ordinaires connaissent cette histoire, car
20 ce fut leur lot. Ils savent très bien qu'il n'y avait pas eu une personne,
21 un individu qui pourrait être singularisé ainsi, comme Vinko Martinovic,
22 dit "Stela", l'a été dans cet Acte d'accusation. Un tel individu n'existe
23 pas.
24 Les témoins à décharge vous expliqueront comment des histoires ont circulé
25 concernant des héros de guerre, des criminels pour encourager certains,
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1 intimider d'autres, et ceci à des fins de propagande politique. Ceci pour
2 dissimuler en fait les objectifs militaires, les craintes que d'autres
3 nourrissaient. C'est ainsi que cette légende est née à propos de "Stela"
4 et qu'il était une espèce de héros de libération de la ville. Ensuite, on
5 a raconté qu'il était criminel de guerre et qu'il devait se rendre au
6 Tribunal de La Haye.
7 Les témoins, d'autres participants actifs, la couverture médiatique de la
8 guerre à Mostar et les témoins qui connaissent les activités des services
9 secrets, à l'époque, vous diront que certaines parties du pouvoir
10 politique ont eu recours aux médias pour préparer, pour organiser
11 certaines actions et ceci pour préparer l'Acte d'accusation d'aujourd'hui,
12 de sorte que M. Martinovic soit traîné devant le Tribunal de La Haye.
13 Il a également lui-même été transféré au Tribunal à la demande de la
14 communauté internationale, car la communauté internationale avait demandé:
15 "Donnez-moi quelqu'un qui va répondre des crimes à Mostar! Donnez-moi
16 quelqu'un comme Vinko Martinovic!" Mais pourquoi lui? Il n'avait aucun
17 poste politique, il n'avait aucun poste militaire, il n'avait pas d'appui
18 politique, pas de patron politique. Il pourra pas révéler de secret, il ne
19 pourra pas dévoiler le moindre secret. Pas du tout, tout d'abord parce
20 qu'il n'a jamais participé à la prise de décision, il n'a jamais participé
21 à ce genre de réunions et, malgré tout, il est suffisamment bien connu
22 pour paraître être quelqu'un d'une stature suffisante et qui pourrait
23 éventuellement pouvoir répondre de ce type de crimes.
24 Toujours eu égard au premier chef d'accusation, on trouve des accusations
25 dans l'Acte concernant le déplacement forcé de populations, le pillage de
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1 biens publics et privés -vous avez cela aux paragraphes 18 et 21- et qui
2 sont qualifiés comme des violations graves des Conventions de Genève de
3 1949 et comme étant des violations du droit et des coutumes de la guerre.
4 La défense estime cependant qu'au cours de sa présentation, l'accusation
5 n'a pas pu présenter la moindre preuve pertinente en ce qui concerne les
6 faits qui font partie de ce Chef d'accusation. La défense prouvera que
7 Vinko Martinovic et son unité n'ont jamais participé en aucune manière à
8 la commission de ces crimes.
9 En ce qui concerne le transfert forcé de populations, la défense dira que
10 l'Unité de Martinovic n'a jamais abandonné la ligne de séparation et que,
11 dès lors, elle n'était pas en mesure de participer à des actes visant des
12 expulsions forcées de population.
13 La défense estime aussi qu'il n'y a pas eu de déplacements forcés des
14 populations, au sens en tout cas avancé par l'accusation. Il y a eu des
15 transferts organisés de populations d'une partie ou l'autre de la ville,
16 au-delà de la ligne de séparation. Mais ces déplacements d'une partie de
17 la ville à l'autre n'étaient pas des déplacements forcés, c'étaient des
18 transferts et des déplacements organisés par des organisations
19 humanitaires ou d'autres organisations, selon un accord signé entre des
20 structures militaires et politiques entre les deux parties de la ville et
21 à la demande de citoyens qui, eux-mêmes, souhaitaient quitter certains
22 quartiers de la ville pour des raisons personnelles, des raisons de
23 sécurité, réunification des familles, etc. Dans les prises de décision
24 concernant ces déplacements de population et l'organisation des
25 transferts, Vinko Martinovic et son unité n'y ont joué aucun rôle si ce
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1 n'est que c'était une unité sur la ligne qui, de ce fait, devait permettre
2 à ces populations de traverser en toute sécurité ces lignes de séparation.
3 Les témoins à décharge et des soldats de son unité, ainsi que des détenus
4 de cette unité, confirmeront nos propos.
5 En ce qui concerne les accusations concernant le paragraphe 21, le pillage
6 de propriétés privées et publiques, la défense estime que l'accusation n'a
7 pas réussi à présenter des preuves pertinentes en la matière en ce qui
8 concerne M. Martinovic.
9 Nous ferons venir des témoins, des soldats de son unité, des détenus qui
10 ont subi des pillages de leurs propriétés; ils prouveront que Vinko
11 Martinovic et son unité n'ont pas commis ces crimes.
12 Nous prouverons qu'il y a eu d'autres cas où il y a eu, effectivement, des
13 groupes criminels qui procédaient à ces pillages et qui se présentaient
14 comme étant des membres de l'unité de "Stela" ou les hommes de "Stela".
15 Nous prouverons que M. Martinovic, quant à lui, a toujours réagi de
16 manière très ferme pour empêcher de tels actes de pillage et que lui-même,
17 personnellement, s'est adressé aux citoyens de Mostar, demandant à ces
18 populations de faire rapport de ces cas de pillage ou de persécution au
19 cours desquels le nom de son unité aurait été mentionné.
20 Monsieur Martinovic, personnellement, a veillé à mettre sous les verrous
21 les soldats qui auraient été pris en train de commettre des actes de
22 pillage et est venu, chaque fois, à la rescousse des citoyens qui avaient
23 déclaré ces tentatives de pillage de propriétés.
24 En ce qui concerne les Chefs d'accusation de 1 à 8 -travail illégal et
25 boucliers humains en tant que traitements inhumains et homicides
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1 intentionnels-, dans le contexte de cet Acte d'accusation, on parle de
2 l'existence du camp de l'Héliodrome où les citoyens de guerre étaient
3 envoyés pour travailler et on dit qu'à cette occasion, ils étaient traités
4 de manière inhumaine.
5 Au cours de sa plaidoirie, la défense aura l'occasion de vous présenter
6 des témoins qui ont été détenus à l'Héliodrome et qui y ont été envoyés
7 dans le cadre de l'unité commandée par M. Martinovic. Nous entendrons
8 également des soldats témoins de cette unité qui connaissaient bien ce
9 centre et la situation des détenus de cette unité. Nous montrerons
10 également des documents qui nous ont été fournis par l'accusation et qui
11 indiquent comment les détenus de l'Héliodrome ont été envoyés dans ces
12 diverses unités.
13 Ces preuves montreront que l'accusé n'avait rien à voir avec la gestion de
14 ce centre de l'Héliodrome ou d'autres centres de détention, et que ni lui
15 ni son unité n'ont jamais fait partie d'une unité organisée dans des
16 centres de détention.
17 Nous montrerons aussi qu'aucun détenu de l'Héliodrome n'a jamais été
18 arrêté par l'unité de M. Martinovic et que cette unité n'a jamais eu ses
19 propres prisonniers de guerre. Nous démontrerons que, sous les ordres du
20 commandement de la défense de Mostar… Nous montrerons comment les unités
21 étaient envoyées au travail forcé et que ce n'était pas par le biais de
22 ces unités individuellement qui pouvaient elles-mêmes aller chercher les
23 détenus à l'Héliodrome, puisque ces détenus étaient sous la compétence
24 d'unités qui étaient chargées de la gestion de l'Héliodrome et du
25 commandement de la défense de Mostar.
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1 Donc la responsabilité des mauvais traitements des prisonniers de guerre
2 est à trouver auprès des personnes chargées de la gestion de ce centre de
3 l'Héliodrome et de l'ATG "Vinko Skrobo" qui n'a qu'exécuté les ordres
4 reçus d'un commandement supérieur, concernant les prisonniers de guerre.
5 Dans une situation où toutes les personnes saines de corps étaient
6 mobilisées, ces unités recevaient des ordres visant à reprendre des
7 prisonniers de guerre afin de les aider à mener à bien leurs tâches. Ces
8 unités ne pouvaient pas refuser d'obéir à ces ordres; ils devaient donc
9 reprendre ces détenus, sans quoi cela voudrait dire qu'ils auraient
10 procédé à un acte de sabotage dans leur tâche de défense.
11 La défense vous montrera que M. Vinko Martinovic n'avait rien à voir avec
12 l'incarcération de civils ou de prisonniers de guerre dans des centres de
13 détention, qu'il n'avait rien à voir avec ces centres de détention et
14 qu'il n'a pas pu prendre la moindre décision concernant l'emploi de ces
15 prisonniers de guerre à des tâches de travaux forcés.
16 Pour ce qui est de cette partie de l'Acte d'accusation, on dit que ces
17 prisonniers devaient effectuer certaines tâches sur la ligne de front,
18 dans des conditions dangereuses, qu'ils étaient exposés aux tirs et que
19 ces mauvais traitements de prisonniers s'y déroulaient.
20 Les détenus de l'Héliodrome, qui ont été envoyés pour travailler dans ces
21 unités, vous diront, dans les témoignages à décharge, précisément quelle
22 fut leur position dans l'unité, quelles étaient leurs conditions de
23 travail, les travaux qu'on leur demandait d'effectuer, s'ils étaient
24 exposés au danger. Nous entendrons que, dans cette unité particulière, les
25 détenus se sentaient en sécurité ou davantage en sécurité que dans
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1 d'autres sécurités, et davantage en sécurité que dans l'Héliodrome. Vous
2 les entendrez vous dire qu'ils avaient même demandé à "Stela" de pouvoir
3 travailler dans son unité afin de ne pas aller dans d'autres unités. Et
4 vous entendrez également qu'ils partageaient les mêmes repas avec les
5 soldats de l'unité dans un restaurant et qu'ils pouvaient se déplacer sans
6 leurs gardes, sans surveillance, qu'ils pouvaient voir leur famille,
7 qu'ils pouvaient prendre un bain, changer de vêtements, etc., et qu'ils
8 étaient payés pour leurs travaux.
9 Vous entendrez qu'aucun de ces détenus n'a été tué sur la ligne de front
10 -en tout cas, qui était sous la responsabilité de "Stela"- et que les
11 travaux qu'ils effectuaient de temps en temps dans la zone de l'unité se
12 faisaient dans des conditions qui ne mettaient pas leur vie en péril.
13 Il est clair que, sur la ligne de concentration, les positions des parties
14 au conflit n'étaient séparées que de quelques mètres; il n'y avait qu'une
15 rue qui les séparait, le Bulevar. Et donc, des deux côtés de cette ligne
16 de front, on pouvait voir ce qui se passait de l'autre côté. Des deux
17 côtés, il y avait des prisonniers de guerre qui effectuaient des travaux
18 physiques pour les unités; ces prisonniers pouvaient être distingués des
19 soldats parce qu'ils ne portaient pas d'uniforme.
20 Les deux parties savaient très bien que les personnes sans uniforme qui
21 travaillaient, qui se déplaçaient pour l'unité étaient des prisonniers de
22 guerre. Et donc ils n'étaient pas exposés aux tirs de l'ennemi parce que
23 personne ne voulait tirer sur des gens de son propre camp; c'est une règle
24 non écrite. Tous les prisonniers le savaient d'ailleurs et ils savaient
25 très bien qu'ils ne risquaient pas leur vie lorsqu'ils étaient au sein de
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1 ces unités.
2 L'unité leur fournissait une protection par rapport aux tirs de l'ennemi.
3 Par exemple, il y avait des barrières constituées de sacs de sable, des
4 tranchées qui ont été creusées et qui permettaient d'offrir ainsi une
5 protection aux soldats et aux prisonniers de guerre. Nous entendrons
6 d'ailleurs que Vinko Martinovic "Stela" n'avait pas permis à ces détenus
7 d'être exposés au danger et ne voulait pas non plus qu'ils soient l'objet
8 d'un harcèlement.
9 Nous entendrons également que ces détenus se sont tournés vers M. Vinko
10 Martinovic pour lui demander de l'aide à plusieurs occasions. Ils lui ont
11 demandé d'intervenir en son nom pour pouvoir rencontrer leur famille et
12 quitter Mostar et Vinko Martinovic les a aidés à obtenir les documents
13 nécessaires, etc.
14 Au cours de ces chefs d'accusation, on a donné une place particulière à la
15 date du 17 septembre 1993 où Vinko Martinovic aurait lancé un ordre de
16 donner des fusils en bois aux détenus qui étaient censés se rendre le long
17 d'un endroit où il y avait des chars, qu'on les aurait utilisés comme
18 boucliers humains et que trois détenus auraient été tués.
19 A la fin des plaidoiries, l'accusation a ensuite abandonné ses accusations
20 d'utilisation des détenus en tant que boucliers humains. Il a été décidé
21 que l'accusation n'avait pas pu prouver cet état de chose et qu'il y
22 aurait eu mort de détenus dans la zone de l'unité de "Stela".
23 Une autre histoire de fusils en bois a également été racontée, mais nous
24 entendrons les témoignages d'anciens membres et de détenus de l'unité qui
25 vous parleront des événements du 17 septembre 1993. S'il s'agissait d'une
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1 opération militaire régulière où toutes les unités de la ligne ont
2 participé, c'est une opération qui fut assez courte, qui a représenté une
3 tentative visant à déplacer la ligne de séparation.
4 Nous entendrons également des témoignages de témoins qui ont participé à
5 cette opération, qui attesteront des déplacements de chars et qu'il n'y
6 avait aucun détenu avec des fusils factices en bois proche de ces chars.
7 Ils vous diront aussi que cette opération, qui est décrite dans l'Acte
8 d'accusation, est illogique et aurait été irréaliste.
9 Dans les circonstances, ils vous expliqueront également que toute cette
10 histoire concernant les fusils factices en bois donnés aux détenus à
11 Mostar et qui a fait l'objet d'articles dans les journaux, c'est une
12 histoire qui a été racontée par des détenus qui se sont enfuis de la ligne
13 de séparation, et que cette histoire n'avait en fait rien à voir avec
14 cette unité particulière. Ce n'est qu'ultérieurement, lorsque l'Acte
15 d'accusation contre "Stela" est devenu public, que l'histoire est revenue
16 à l'avant de la scène et que l'on a dit que ces soldats auraient appartenu
17 à l'Unité de "Stela", alors que les témoins directs et les participants à
18 cet événement du 17 septembre 1993 vous diront tous très clairement que
19 cela ne s'est pas passé dans la zone sous la responsabilité de l'Unité
20 "Vinko Skrobo".
21 Au cours de ce procès, nous avons entendu des informations selon
22 lesquelles il y aurait eu des fusils en bois qui, d'après les dépositions
23 d'un témoin à charge, auraient été placés dans un musée, et qui auraient
24 été enlevés des mains de détenus et mis dans un musée. On a pu prouver au
25 cours des plaidoiries de l'accusation qu'il s'agissait d'une preuve fausse
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1 et ceci sera d'ailleurs prouvé à nouveau par la défense et par des témoins
2 à décharge.
3 Autre chose qui est étroitement lié à ces chefs d'accusation, c'est
4 l'interprétation que l'on trouve dans les chefs de 9 à 12, concernant la
5 torture et les grandes souffrances intentionnellement causées. Des témoins
6 à décharge qui sont proches de cette unité vous montreront que Vinko
7 Martinovic n'a jamais eu recours à la force ni aux tortures contre les
8 détenus, qu'il avait même interdit à ses subordonnés de procéder ainsi et,
9 quand il avait entendu parler de cas de ce genre, il a toujours pris des
10 mesures appropriées.
11 Nous entendrons également que M. Vinko Martinovic a chassé de son unité un
12 certain nombre de soldats qui buvaient, qui se droguaient, qui étaient
13 assez violents, tout cela parce que ces individus étaient davantage
14 enclins à maltraiter les détenus et plus enclins à des actes criminels.
15 Au chef 17: on parle de "causer des souffrances graves à Nenad Harmandic".
16 Ce crime est qualifié subsidiairement de traitement cruel, c'est le seul
17 cas où l'on parle d'assassinat dans cet Acte d'accusation, même si l'on
18 n'a pas pu prouver qu'il y a eu assassinat. C'est pourquoi il y a eu
19 qualification subsidiaire.
20 L'accusation a dit que Nenad Harmandic était arrivé à son unité, qu'il
21 avait été frappé et tué au sein de cette unité, que Vinko Martinovic le
22 savait, qu'il n'a rien fait pour l'empêcher ni pour punir l'auteur. C'est
23 une thèse qui n'est pas soutenable. L'accusation a d'ailleurs pu montrer
24 qu'il n'avait pas pu prouver de telles allégations.
25 Par contre, la défense estime qu'il est correct que M. Nenad Harmandic
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1 soit arrivé avec un groupe de détenus de l'Héliodrome, dans l'Unité "Vinko
2 Skrobo", mais il était déjà dans un état très mauvais: il avait fait
3 l'objet de coups dans le camp de l'Héliodrome, il avait régulièrement été
4 passé à tabac par des soldats à l'Héliodrome, ainsi que par des détenus
5 qui voulaient prendre une revanche parce qu'il avait commis des actes au
6 moment où il était policier.
7 Mais les témoins n'étaient pas présents quand Nenad Harmandic est arrivé.
8 On a pu, au moment de son arrivée, se rendre compte de l'état de santé
9 dans lequel il était et, le jour même, il était renvoyé à l'Héliodrome.
10 Un autre membre de l'Unité vous parlera de l'état de santé de M. Nenad
11 Harmandic.
12 Et les membres qui étaient présents, qui l'ont vu, sont des témoins qui
13 vont pouvoir attester de son état de santé au moment où il est arrivé dans
14 cette unité et au moment où il est parti.
15 Au cours des plaidoiries de la défense, nous entendrons également deux
16 experts, un médecin qui donnera une opinion d'expert et un médecin de
17 médecine légale qui donnera également son opinion.
18 La première preuve sera les conclusions du Dr Dobraca, du Dr Zuja, qui a
19 fait l'autopsie du corps, qui a été excavé au Parc Liska à Mostar.
20 L'autopsie a identifié le corps comme étant le corps de M. Nenad
21 Harmandic.
22 Au cours des plaidoiries de l'accusation, la défense avait contesté cette
23 identification.
24 Et en fait, au cours de nos plaidoiries, l'expert fera le point sur des
25 erreurs qui ont été faites au moment de l'autopsie et dans
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1 l'identification du corps faite par le Dr Dobraca et le Dr Zuja. Nous
2 verrons que cette identification n'est pas fiable sur le plan
3 scientifique.
4 Autre preuve avancée par l'accusation et que la défense battra en brèche
5 par le biais de l'audition d'un témoin expert, il s'agit là de la
6 déposition du témoin HA.
7 La défense va présenter des documents médicaux concernant l'état de santé
8 de ce témoin et un expert psychiatre donnera une évaluation de l'état de
9 santé psychologique de ce témoin en utilisant cette documentation. Cette
10 déposition de l'expert vous démontrera que cette personne est dans un tel
11 état psychologique qu'elle ne peut donner de témoignage fiable, parce que
12 lui-même souffre de troubles graves de la mémoire, de la compréhension et
13 de la connaissance.
14 Nous entendrons également un témoin qui parlera des dépositions de
15 certains des témoins à charge qui avaient présenté des preuves par ouï-
16 dire comme étant leur propre preuve; la défense rappellera ses témoins qui
17 avaient, quant à eux, par contre, des connaissances directes des
18 événements.
19 Donc, voilà comment s'articulera la défense concernant les chefs
20 d'accusation dans l'Acte d'accusation que nous contesterons au cours de
21 nos plaidoiries.
22 Nous avons également envisagé les dépositions d'un nombre d'environ 35
23 témoins, dont deux seront des experts et l'un sera un expert sur
24 l'historique de la situation militaire et politique, qui présentera un
25 nombre limité de documents qui ont été fournis par l'accusation, ainsi que
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1 d'autres documents qui serviront de base à sa déposition en tant
2 qu'expert.
3 Les témoignages à décharge se feront parfois par groupe ou par thème.
4 Il y aura, en fait, trois grands groupes de témoins: il y aura d'abord les
5 anciens membres de l'Unité qui déposeront concernant les circonstances
6 relatives à cette unité et aux événements qui se sont déroulés le long de
7 la ligne de séparation occupée par l'unité de M. Martinovic. Ils parleront
8 également des circonstances et des attitudes envers des détenus et les
9 rôles joués par M. Martinovic et d'autres.
10 Un deuxième groupe qui seront d'anciens détenus de l'Héliodrome qui ont
11 été assignés à travailler dans cette Unité de "Vinko Skrobo" et qui ont
12 passé un certain temps là-bas en tant que prisonniers de guerre. Ces
13 témoins parleront de leur expérience personnelle. Ils parleront également
14 de l'attitude envers les détenus et l'attitude de M. Martinovic envers les
15 détenus.
16 Le troisième groupe de témoins: il y aura là des citoyens de Mostar qui
17 habitaient dans la partie occidentale de Mostar, proches de l'Unité "Vinko
18 Skrobo". Ils parleront de leur connaissance personnelle, de leur
19 expérience, de persécutions, de pillages de propriétés et du rôle de
20 Martinovic au cours de ces événements.
21 Nous commencerons par le troisième groupe en premier. Les soldats
22 viendront en dernier pour des raisons techniques qui exigent que nous
23 programmions nos témoins comme cela.
24 Et outre ces trois groupes de témoins, nous aurons également d'autres
25 témoins qui vous parleront de la situation générale à Mostar, du rôle et
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1 de l'importance de M. Martinovic dans les événements qui se sont déroulés
2 à Mostar. Ils vous parleront également du rôle des médias et des services
3 de renseignement qui ont sacrifié Vinko Martinovic comme étant la personne
4 accusée de ces crimes à Mostar.
5 La défense de Martinovic a décidé de procéder par des moyens de défense
6 assez simples en prenant des témoignages de citoyens ordinaires de Mostar
7 qui ont souffert au cours de ce conflit entre les Croates et les Bosniens.
8 Ces personnes proviennent d'origines ethniques différentes. Ce sont des
9 témoins directs des événements et nous leur demanderons de partager avec
10 nous leur expérience personnelle, de nous dire ce qu'ils ont vu, ce qu'ils
11 ont entendu, car nous pensons que c'est là que se trouve la vérité, car
12 tout le monde savait qui étaient les autres et ce que faisaient les
13 autres.
14 Ces dépositions, ainsi que d'autres preuves qui seront présentées par la
15 défense au cours de nos plaidoiries, vous montreront que l'Acte
16 d'accusation contre Vinko Martinovic n'est pas soutenable.
17 Nous prouverons que M. Martinovic n'était qu'un petit soldat sur cette
18 ligne de défense, dans un conflit superflu qui n'avait jamais choisi et
19 qu'à ce titre, il avait participé à des opérations militaires, mais qu'il
20 n'a jamais commis de crimes, crimes dont on l'accuse cependant, en tant
21 que personne ou au titre du principe de la responsabilité du supérieur
22 hiérarchique.
23 J'en ai terminé, Monsieur le Président, Mesdames les Juges. Je vous
24 remercie de votre attention.
25 M. le Président (interprétation): Merci, beaucoup. Je crois pouvoir dire
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1 que vous avez été tout à fait à l'heure.
2 Nous allons faire une pause et, par la suite, nous allons entendre notre
3 premier témoin dans cette affaire.
4 Nous allons donc reprendre à 16 heures 30.
5 (L'audience, suspendue à 16 heures 02, est reprise à 16 heures 32.)
6 M. le Président (interprétation): Est-ce que nous avons notre témoin
7 maintenant ici?
8 Oui, Monsieur l'huissier, faites-le entrer, je vous prie.
9 (Le témoin, M. Jadranko Martinovic, est introduit dans le prétoire.)
10 Bonjour, Monsieur le Témoin. Est-ce que vous m'entendez?
11 M. J. Martinovic (interprétation): Je vous entends.
12 M. le Président (interprétation): Je vous prie de me donner lecture de la
13 déclaration solennelle, conformément au texte qui figure sur le papier que
14 l'huissier est en train de vous tendre.
15 M. J. Martinovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai
16 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
17 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Vous pouvez vous
18 asseoir.
19 Maître Seric, à vous.
20 (Interrogatoire principal du témoin, M. Jadranko Martinovic, par Me
21 Seric.)
22 M. Seric (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
23 Monsieur le Témoin, je vous demanderai de commencer par vous présenter.
24 M. J. Martinovic (interprétation): Je m'appelle Jadranko Martinovic et je
25 suis, de par notre père et mère communs, le frère de M. Vinko Martinovic.
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1 Question: Monsieur Martinovic, je me propose de vous donner quelques
2 instructions afin que votre déposition, ou plutôt nos questions et
3 réponses se déroulent de la meilleure façon possible et la plus efficace
4 possible.
5 Je tiens à vous préciser que la vitesse n'est pas si importante; j'entends
6 par là le débit des questions et des réponses que vous ferez.
7 L'essentiel, pourtant, consiste à faire une petite pause après avoir
8 entendu la question et le début de votre réponse. Je vous prie de vous
9 référer au moniteur qui se trouve devant vous et vous allez voir les
10 cadences de l'interprétation. A savoir, une fois que le point noir, le
11 curseur, cessera de défiler sous vos yeux, vous saurez que la traduction
12 est finie et croyez-moi, quoi que cela puisse vous paraître étrange, la
13 chose nous permettra d'aller plus vite. Je vous prie également de parler
14 un peu fort.
15 Dites-nous maintenant quelles avaient été les relations que vous avez eues
16 avec votre frère Vinko Martinovic. Dites-nous si vous avez grandi et vécu
17 ensemble et dites-nous si, pendant la période de guerre, vous avez été
18 constamment en contact.
19 Réponse: Nos relations ont été, bien entendu, des relations fraternelles,
20 étant donné que nous sommes deux frères. Nous avons vécu ensemble dans une
21 maison familiale, dans la même maison. Les relations étaient tout à fait
22 normales. Je n'aurai rien de particulier à ajouter.
23 Maintenant, s'agissant de la durée de la guerre, pendant toute cette durée
24 de la guerre, nous avons eu des contacts, en effet.
25 Question: Est-ce que vous êtes au courant des allégations figurant à
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1 l'Acte d'accusation contre M. Vinko Martinovic?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Avez-vous des connaissances personnelles concernant les
4 événements décrits et cités dans cet Acte d'accusation?
5 Réponse: S'agissant de certain d'entre eux, oui. S'agissant d'autres, non.
6 Question: Veuillez dire, à l'intention de la Chambre, d'où vous détenez
7 les connaissances au sujet desquelles vous nous avez dit que vous les
8 aviez.
9 Réponse: Pendant toute cette période de la guerre, je me trouvais à
10 Mostar. Avec mon frère, j'étais souvent à certains endroits. J'ai été,
11 d'une certaine façon, participant à certains de ces événements.
12 Question: Pouvez-vous commencer par nous raconter comment s'écoulait la
13 vie de Vinko avant la guerre? Que faisait-il? Quelle était sa profession?
14 Que faisait-il pour vivre?
15 Réponse: Vinko Martinovic avait une formation de moindre importance. Il
16 avait fait des classes de métier, dans l'apprentissage de métier. Comme
17 Mostar n'avait qu'une production industrielle plutôt développée, il était
18 souhaitable d'avoir un commerce ou un métier pour trouver un emploi.
19 Pendant un certain temps, il avait eu un commerce à lui, puis il avait,
20 pendant un certain temps, travaillé comme chauffeur de taxi.
21 Question: Partant de la fréquentation que vous avez eue de sa personne et
22 partant de votre connaissance de ses principes, savez-vous nous dire
23 quelles avaient été les positions qui étaient les siennes concernant les
24 Musulmans et les Serbes, étant donné que le Tribunal ici, la Chambre
25 notamment, savent que les Musulmans, les Serbes et les Croates vivaient
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1 ensemble à Mostar?
2 Réponse: Je pense que Vinko n'avait pas de position particulière. Il avait
3 fréquenté les uns et les autres. Je ne pense pas que quiconque ait eu une
4 position se distinguant de la sienne.
5 Question: Est-ce que vous voulez dire par là que personne, dans cette
6 population de Mostar, ne prêtait attention à l'appartenance ethnique des
7 autres personnes?
8 Réponse: Je ne saurais vous dire si les gens prêtaient attention à cela ou
9 pas. Mais mon père, qui est le père de Vinko, avait fait ses classes
10 élémentaires dans une école qui s'appelait Mejtef, de façon populaire,
11 c'est une espèce d'école musulmane.
12 Question: Suite aux changements survenus dans l'aménagement socio-
13 politique et le démantèlement de la Yougoslavie, est-ce que Vinko
14 Martinovic a connu quelque engagement politique que ce soit dans une
15 organisation quelconque?
16 Réponse: Non.
17 Question: Est-ce que, à l'époque, il avait manifesté de façon publique des
18 positions politiques ou des opinions politiques, notamment pour ce qui est
19 des relations entre Serbes, Croates et Musulmans, en Bosnie-Herzégovine et
20 plus particulièrement à Mostar?
21 Réponse: Non.
22 Question: Personnellement, vous-même, avez vous eu un engagement politique
23 ou est-ce que vous avez participé à la promotion de certaines options
24 politiques?
25 Réponse: Non.
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1 Question: Quelle avait été votre attitude personnelle concernant la
2 position de l'époque des Croates en Bosnie-Herzégovine?
3 Réponse: Je pense que je n'avais pas de position particulière. Je crois
4 que la place de cette population était analogue à celle des autres
5 populations en présence.
6 Question: Est-ce que vous vous souvenez de l'époque de l'agression serbe
7 sur Mostar? Et savez-vous nous dire où se trouvait votre frère à l'époque
8 et quelle avait été sa réaction vis-à-vis de l'agression serbe?
9 Réponse: A l'époque de l'agression serbe sur Mostar, mon frère avait
10 résidé dans une cité appelée Rodoc, à Mostar. Cette cité se trouve à
11 proximité immédiate de l'aéroport de l'époque, de l'aéroport militaire
12 s'entend, qui avait été pris dès le départ par l'armée serbe ou, si vous
13 préférez, l'armée populaire yougoslave… Désignez-la comme vous voulez. Et
14 par voie de conséquence, cela avait été une région peu sure pour y
15 résider, dans la ville de Mostar. Et je dirais, ou plutôt j'affirmerais
16 avec certitude que c'est là que les premières maisons ont été détruites et
17 incendiées juste à proximité.
18 Plusieurs milliers de personne avaient quitté cette région, ou plutôt
19 cette partie de la ville. Et parmi ces gens-là, il y avait également
20 Vinko. La plupart de ces gens s'étaient dispersés dans la ville et quant à
21 Vinko, il s'était dirigé vers un village à proximité de Mostar pour
22 rejoindre les unités du HOS.
23 Question: Qu'advenait-il de vous-même à l'époque?
24 Réponse: Moi, je me trouvais dans la ville, comme bien d'autres.
25 Question: Qu'est-ce que c'était que cette organisation HOS où Vinko
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1 Martinovic avait trouvé un engagement?
2 Réponse: Dans la ville de Mostar, le HOS avait été une première unité
3 militaire -si nous pouvons la désigner en tant que telle-, une première
4 formation qui avait disposé de certaines armes et qui, dès le début, était
5 disposée à entreprendre des actions militaires face à l'armée serbe pour
6 créer ou placer des obstacles à son déplacement, à son avancement. Donc
7 c'était une unité qui avait résisté dès le début, alors que tout
8 paraissait plutôt désespéré.
9 Question: Savez-vous nous dire qui avaient été les co-combattants de Vinko
10 Martinovic dans ces unités du HOS, à l'époque?
11 Réponse: Eh bien, voyez-vous, lorsque l'armée serbe, ou plutôt l'armée
12 populaire yougoslave, est arrivée à Mostar après la prise de cet aéroport
13 dont j'ai parlé tout à l'heure, ils avaient pris possession d'une bonne
14 partie de la partie est de la ville de Mostar. Il y avait de braves gens
15 qui avaient été chassés de leur maison, de leur domicile, et bon nombre
16 de ces jeunes gens avaient rejoint les forces du HOS. Je dirai qu'au
17 début, il y avait même une bonne partie des Serbes qui avaient rejoint ces
18 effectifs et un grand nombre de Croates également.
19 Question: Savez-vous nous dire quels avaient été les objectifs du HOS à
20 Mostar, en ce temps-là?
21 Réponse: Il n'y avait qu'un seul objectif: la libération de la ville et
22 l'expulsion de ces unités militaires yougoslaves de cette ville.
23 Question: Comment le savez-vous?
24 Réponse: Vous êtes en train de me poser des questions concernant mon
25 frère. Comment voulez-vous que je ne le sache pas?
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1 Question: Mais est-ce que vous vous êtes entretenu avec Vinko, à l'époque?
2 Réponse: Bien entendu. Je ne sais pas comment cela va sonner à vos
3 oreilles, mais je dirai que ma mère, ma sœur, mon père, mon épouse, mes
4 enfants et la famille de Vinko, comme bon nombre de familles autres et
5 musulmanes aussi, avaient quitté Mostar. Mostar était une ville morte, il
6 tombait des obus dessus et nous n'avions plus la possibilité de nous
7 laver, nous ne pouvions plus manger à notre fin et nous nous retrouvions,
8 par exemple, souvent, pour laver nos affaires; nous nous rencontrions à
9 des moments pareils.
10 Question: Mais est-ce que, vous personnellement, vous aviez eu un
11 engagement quelconque au niveau du HOS ou autre?
12 Réponse: Eh bien, nous avions des recommandations qui disaient que tout un
13 chacun devait se présenter au niveau de sa communauté municipale pour
14 avoir une affectation quelconque. Certains étaient envoyés pour déblayer
15 les ruines et ainsi de suite et il en allait de même pour moi. J'ai été
16 affecté au 4ème Bataillon du conseil croate de la défense.
17 Question: Est-ce que Vinko Martinovic avait un rôle de commandement
18 quelconque au niveau du HOS?
19 Réponse: Vinko Martinovic avait été commandant du quartier général du HOS
20 de Mostar.
21 Question: S'agissant de ce rôle de Vinko au sein du HOS et au sein de ce
22 combat contre l'agresseur serbe, quelle avait été la réaction des citoyens
23 de Mostar? Quand je dis "citoyens de Mostar", j'entends par là tous les
24 citoyens de Mostar.
25 Réponse: Eh bien, pour nous tous, cela avait été une première guerre. Bien
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1 entendu, personne ne cherche à connaître l'expérience de la guerre et à
2 avoir un fusil à la main et ne pas savoir quoi en faire; c'était une chose
3 qui prévalait. Il y avait peut-être 8 à 10 personnes, puis plusieurs
4 dizaines de personnes. On entendait des tirs dans une ville où jusque là
5 cela était inconcevable.
6 Bien entendu, donc, dans de telles conditions, lorsqu'un groupe de ce
7 genre fait son apparition et ouvre le tir, le feu contre un ennemi bien
8 plus puissant, les récits commencent à circuler et je crois pouvoir dire
9 que l'attitude avait été extrêmement positive. Des gens sont venus se
10 présenter pour demander des fusils au niveau de la Défense territoriale et
11 ainsi de suite, d'autant plus que ces jeunes gars du HOS n'avaient ni
12 crainte ni peur à l'égard des concurrents, si je puis les désigner ainsi.
13 Je pourrais vous raconter des choses qui témoigneraient de certaines
14 sensibilités qui vous feraient connaître la qualité de ces gens du HOS,
15 parce que les gens avaient peur dans la ville, peur des tirs qu'on
16 entendaient, puis des obus qui pilonnaient certaines parties de la villes.
17 Dans ce bâtiment où se trouvait le HOS -je ne sais plus maintenant si
18 c'est Vinko ou si c'est l'un des siens qui avait pensé à la chose-, on
19 avait entendu, à un moment donné, des chansons à très haute voix, à très
20 gros volume, chantées contre l'agression et on avait placé des baffles
21 puissantes pour que tout le monde entendent. Les gens ont été encouragés,
22 cela a exercé une influence très positive tout à coup.
23 Dans ces conditions-là, on avait constaté que les gars du HOS avaient fait
24 preuve d'esprit d'initiative pour faire quelque chose aux fins
25 d'encourager la population.
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1 Question: Comment interpréteriez-vous le fait que Vinko ait précisément
2 été la personne qui était devenue commandant de cette unité du HOS?
3 Réponse: Quand il était jeune, Vinko aimait couper le bois. Je m'excuse de
4 devoir vous raconter la chose, mais lorsque notre père nous disait, à lui
5 et à moi, qu'il fallait aller couper le bois, j'avais une attitude
6 particulière. J'en faisais un petit peu aujourd'hui, un peu demain, j'en
7 faisais un peu le matin, un peu le soir. Mais Vinko, lui, avait une
8 approche très simple, il y allait et il coupait tout le bois, donc c'était
9 chez lui une chose claire, brève, directe.
10 Je ne voudrais donc pas philosopher outre mesure. Quand il faisait quelque
11 chose, il le faisait. Et lorsqu'il était présent quelque part, il
12 s'imposait de par sa figure physique. Il ne lui était pas difficile de
13 s'imposer et j'imagine que c'est ainsi qu'il est devenu commandant.
14 Question: Et qu'est-il devenu, par la suite, au niveau de cette unité du
15 HOS?
16 Réponse: Cette unité a connu une fin peu glorieuse. Cette unité a connu,
17 je dirais même, une triste fin.
18 Vinko a eu peut-être le malheur ou le bonheur -à vous ou au Tribunal d'en
19 juger-, parce qu'il y avait dans cette unité 60 ou 70% de soldats de
20 confession musulmane ou de Bosniens, si vous préférez, et les autres
21 étaient des Serbes et des Croates. De là à savoir si cela s'était fait de
22 façon fortuite ou pas, je ne saurais vous le dire, mais c'étaient des gens
23 qu'il avait fréquentés et c'étaient les gens au côté desquels il s'était
24 battu contre les Serbes.
25 Petit à petit, cette chose-là est devenue problématique. Dans la ville
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1 même, nous nous sommes entretenus à ce sujet des centaines de fois.
2 Il avait été le premier à ne pas avoir voulu en parler. Mais, une fois,
3 nous avons pu lire quelque part que M. Alija Izetbegovic avait dit que les
4 unités du HOS avaient été des unités d'élite de l'armée de Bosnie-
5 Herzégovine. Et les gens, vous savez, je dirais que… Vinko va peut-être se
6 fâcher si je le dis, mais il ne pouvait plus maîtriser la situation.
7 Les Croates s'étaient sentis minoritaires. Certains avaient commencé à
8 porter des rubans ou des insignes distincts. Les Serbes se sentaient peut-
9 être un peu perdus, ils ne savaient pas où aller. Et en parallèle, le HVO
10 devenait une véritable armée, formation armée véritable. Et il avait
11 commencé à se mettre en place un Bataillon de Mostar, à savoir des unités
12 qui ont précédé et qui ont été les précurseurs de l'armée de Bosnie-
13 Herzégovine.
14 A un moment donné, Vinko ne devait plus savoir s'il fallait aller à
15 gauche, à droite ou ailleurs. Je crois que le point culminant avait été
16 une visite où j'avais été présent moi aussi, où l'un des représentants de
17 l'armée de Bosnie-Herzégovine, à savoir de ce Bataillon de Mostar qui
18 était une unité de l'armée musulmane, qui avait demandé que les armes
19 qu'ils avaient à leur disposition soient vendues ou remises à l'armée de
20 Bosnie-Herzégovine. Je crois que la situation avait été désagréable.
21 Vinko a fait aligner ces gens-là et il leur avait dit: "Prenez chacun
22 votre fusil et rejoignez les rangs de l'armée que vous voulez." Je crois
23 pouvoir dire, en toute connaissance de cause, que cette unité a connu une
24 fin peu glorieuse, en effet.
25 Question: Mais qu'est-il advenu de Vinko, par la suite? Est-ce qu'il s'est
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1 retrouvé dans une unité autre, par la suite?
2 Réponse: Non. Vinko a été plutôt résigné, plutôt déçu. Il déambulait dans
3 les rues. Il avait été bien vu par les gens parce que c'était un
4 combattant qui avait défendu la ville, qui avait défendu les rues de cette
5 ville. Et il s'était fait probablement pas mal d'ennemis, parce qu'il ne
6 voulait pas céder de la place. Il était convaincu, du fait qu'il
7 s'agissait là de ses amis, d'une armée qui était propre à la ville et
8 c'est de cette façon qu'il avait vu le début de la guerre.
9 Question: Est-ce qu'il était engagé sur le plan politique? Est-ce qu'il
10 était devenu membre d'un parti politique? Avait-il assumé des fonctions
11 politiques ou militaires autres?
12 Réponse: Non.
13 Question: Que vous arrivait-il, à vous, à cette époque?
14 Réponse: Vous pensez à la période à laquelle la guerre contre les Serbes
15 s'est terminée, donc la période qui s'est ensuivie?
16 Question: Oui.
17 Réponse: Je travaillais.
18 Question: Que faisiez-vous?
19 Réponse: La ville était détruite, la ville de Mostar. Moi, je suis
20 technicien, j'ai une formation de technicien. Et, pendant cette période,
21 il y avait plus qu'il ne fallait de travail pour moi et des gens de nos
22 métiers. Il fallait faire des plans de reconstruction, il fallait
23 reconstruire les bâtiments, les immeubles.
24 Question: En mars 1992, Monsieur Martinovic, la Bosnie-Herzégovine a
25 proclamé son indépendance. Savez-vous quelle était la position de Vinko
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1 Martinovic à cette époque-là par rapport à ce fait, à la proclamation de
2 l'indépendance?
3 Réponse: Je pense qu'il n'avait pas de position particulière. J'espère que
4 je ne l'offenserai pas en disant cela.
5 Question: Pouvez-vous nous dire quelle est votre position à vous, en ce
6 qui concerne ce fait?
7 Réponse: Quel fait?
8 Question: Donc, le fait de la proclamation de l'indépendance de la Bosnie-
9 Herzégovine, par laquelle la Bosnie-Herzégovine est devenue un état
10 indépendant?
11 Réponse: Je pense que c'était un fait positif et que c'était l'objectif
12 poursuivi par les autres Républiques, de se détacher de la Yougoslavie.
13 Question: Savez-vous si, à cette époque, Vinko Martinovic, d'une manière
14 ou d'une autre, a participé aux activités politiques liées à la création
15 de la communauté croate d'Herceg-Bosna?
16 Réponse: Non, il n'y a pas participé.
17 Question: Avez-vous personnellement participé aux activités politiques
18 liées à la communauté croate d'Herceg-Bosna?
19 Réponse: Non.
20 Question: Savez-vous si Vinko Martinovic exprimait un point de vue
21 quelconque lorsqu'il s'agit de la création de la communauté croate
22 d'Herceg-Bosna?
23 Réponse: Non.
24 Question: Et à vos yeux, pour vous personnellement, quelle était la
25 signification de la création de la communauté croate d'Herceg-Bosna?
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1 Réponse: Je pense à l'égalité de tous les peuples, de l'un, de l'autre et
2 du troisième peuple; que cela a servi à la protection des intérêts des
3 peuples.
4 Question: Savez-vous ce que vos voisins pensaient, donc les voisins qui
5 appartenaient à d'autres communautés ethniques, en particulier des
6 Musulmans? Qu'en pensaient-ils?
7 Réponse: Je pense que les opinions étaient partagées. Certains pensaient
8 peut-être autrement, mais je ne suis pas sûr qu'ils me l'auraient dit.
9 Personnellement, je pense que pour ce qui est des personnes avec
10 lesquelles j'avais des contacts, que je fréquentais, qu'il n'y avait pas
11 eu d'opinions particulièrement négatives.
12 Question: En avril 1992, le HVO, le conseil croate de défense a été créé
13 en tant qu'organe exécutif administratif et organe de défense de Bosnie-
14 Herzégovine. Quelle signification cela avait pour vous, à Mostar? Est-ce
15 qu'il y a eu des changements?
16 Réponse: Je ne peux pas vous le dire. Je ne sais pas si… Mais le fait
17 qu'il y avait déjà une armée qui pouvait s'opposer à la JNA était
18 important, rien de plus.
19 Question: Savez-vous quelle était l'opinion de votre frère sur la création
20 du conseil croate de défense? A-t-il adhéré au conseil croate de défense?
21 En 1992, j'entends?
22 Réponse: Non. Vinko faisait partie du HOS.
23 Question: Qu'en pensiez-vous? Avez-vous adhéré? Etiez-vous membre du HVO?
24 Réponse: Oui. J'ai déjà dit que je faisais partie du 4ème Bataillon du HVO.
25 Question: Saviez-vous qu'elles étaient les positions de vos voisins
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1 musulmans? Avaient-ils décidé de rejoindre les rangs du HVO eux aussi?
2 Réponse: J'ai perçu mon uniforme, mes bottes, d'un Musulman. On n'avait
3 pas d'autre formation que le HOS et le HVO. Quant à savoir si un soldat va
4 de gaieté de cœur à la guerre, je ne peux pas vous le dire, mais il n'y
5 avait pas de choix. Il n'y avait que le HOS et le HVO.
6 Question: En avril 1993, les premiers conflits opposant les Croates aux
7 Bosniens musulmans ont commencé à l'extérieur de Mostar. Quelles en
8 étaient les conséquences sur les rapports entre les Croates et les
9 Musulmans bosniens à Mostar même, dans la ville de Mostar?
10 Réponse: Un citoyen ordinaire est le dernier à apprendre des nouvelles
11 qu'il devrait normalement apprendre auparavant. Donc à Mostar, il n'y
12 avait pas assez d'eau, d'électricité.
13 Les informations n'arrivaient pas non plus de manière adéquate; c'étaient
14 des semi-informations, en quelque sorte. On se demandait si cela était
15 vrai ou pas. Est-ce que, effectivement, il y a eu conflit ou pas?
16 A Mostar, on ne pensait pas tout de suite qu'il s'agissait d'une guerre.
17 On ne suivait pas vraiment les événements d'une manière qu'on pourrait
18 effectivement s'attendre à trouver à Mostar.
19 Question: D'après ce que vous savez, dans cette période après le mois
20 d'avril, qui a suivi le mois d'avril 1993, est-ce que les citoyens ont été
21 exposés à des arrestations, aux licenciements? Est-ce que leurs maisons
22 ont été attaquées? En avez-vous eu connaissance?
23 Réponse: Si votre question se rapporte à cette période, donc à la période
24 des événements en Bosnie centrale, je peux vous dire avec certitude que
25 cela ne se produisait pas à Mostar pendant cette période-là. Peut-être que
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1 verbalement il y a eu des échanges, des mots, mais suite aux évènements
2 d'Ahmici, par exemple, je vous affirme que rien de tel ne s'est produit à
3 Mostar.
4 Question: D'après les contacts que vous avez eus avec votre frère, comment
5 réagissait-il aux nouvelles selon lesquelles les Musulmans et les Croates
6 étaient en conflit? Est-ce que sa position a changé suite à cela? Et ses
7 rapports avec les Musulmans?
8 Réponse: Lorsque vous mentionnez la nouvelle, je dois dire que c'était
9 plutôt un sujet qu'on évoquait en parlant les uns avec les autres. On se
10 disait que c'était un incident qui allait être réglé. On ne pensait jamais
11 que cela allait vraiment prendre des proportions importantes.
12 Mais quant à la réaction de Vinko, lui, il s'occupait de ses affaires. Il
13 était assez déçu. C'était un homme déçu, c'est tout ce que je peux dire.
14 Question: Monsieur Martinovic, vous souvenez-vous de la date du 9 mai
15 1993? Et si oui, que vous rappelle-t-elle?
16 Réponse: Oui, bien sûr, je m'en souviens.
17 Question: Pouvez-vous nous raconter brièvement ce que vous avez fait ce
18 jour-là et ce qu'il vous est arrivé?
19 Réponse: Très tôt le matin, je rentrais à Mostar, je revenais de chez mes
20 parents et de chez ma famille qui se trouvait à Omis, à l'époque. Ils
21 étaient réfugiés.
22 On entrait dans la ville en passant par Zovnica, un col, et depuis ce col
23 on pouvait voir le panorama de la ville de Mostar. J'étais accompagné d'un
24 ami qui allait, lui aussi, visiter ses parents à Makarska. Donc on y est
25 allés ensemble. Je ne peux pas vous préciser l'heure, mais il était
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1 certainement 9 heures 30, au plus tard.
2 On nous a arrêtés justement à ce col; la police militaire nous a arrêtés,
3 on nous a demandé où on allait, d'où on venait. Nous avons répondu qu'on
4 rentrait chez nous. Ils nous ont dit que la situation n'était pas calme
5 dans la ville, qu'il y avait eu échanges de tirs.
6 Nous sommes allés tous les deux dans un restaurant, dans notre quartier.
7 Nous y avons trouvé plusieurs dizaines de personnes, quelques policiers,
8 quelques-uns en uniforme, d'autres en "pékin"; certains étaient armés,
9 d'autres pas. Nous avons obtenu l'information sur place qu'il y avait des
10 tirs dans la ville dans la partie que l'on appelle le "Rondo" et qu'un
11 policier avait déjà été tué là-bas, que l'on ne pouvait pas s'approcher de
12 son corps, de l'endroit où il gisait. Donc même là, la situation n'était
13 pas très sûre.
14 Les gens couraient à droite, à gauche, en uniforme ou pas. Il y avait
15 beaucoup de boucan, beaucoup de véhicules qui circulaient, diverses
16 informations venaient à nous. Et à un moment donné, une quinzaine de
17 minutes plus tard ou une heure plus tard - le temps passe vite, dans des
18 circonstances pareilles- il m'est difficile de le dire, Vinko est arrivé,
19 accompagné de trois camarades. Il a demandé: "Que s'est-il produit? Les
20 Musulmans sont-ils réellement arrivés au "Rondo"? Qui tirait, etc.?".
21 Plusieurs fenêtres qui se trouvaient sur l'immeuble qui était juste à côté
22 se sont cassées, brisées et, nous tous, nous nous sommes dirigés vers
23 l'ennemi, comme si on était une armée.
24 Je souhaiterais souligner que la situation était très chaotique, que l'on
25 ne savait pas qui tirait sur qui, d'où provenaient les tirs, dans quel
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1 bâtiment se trouvaient des hommes armés, où il n'y en avait pas.
2 Je souhaite dire aussi que donc Vinko était avec deux de ses amis, ils
3 étaient musulmans, qui étaient tout aussi confus et étonnés, et beaucoup
4 plus désagréablement surpris que moi-même puisque, bien sûr, il était tout
5 à fait évident qu'ils allaient tirer sur les Musulmans.
6 Je faisais partie d'un groupe de 7 à 8 personnes, on était tous en civil.
7 A un moment donné, je me suis retrouvé près des maisons privées, donc des
8 maisons des civils et c'est là, pour la première fois de ma vie, que j'ai
9 vu un combattant, un soldat avec un ruban vert autour de la tête qui,
10 lorsqu'il m'a aperçu, a tiré avec son fusil automatique en criant "Allah u
11 ekber".
12 Même aujourd'hui, à cet endroit précis, on peut voir les traces sur le
13 mur; on peut les voir à l'œil nu. Nous sommes restés sur place. Jusqu'à 4
14 ou 5 heures de l'après-midi, on n'osait pas aller vers l'avant, on n'osait
15 pas retourner, puisqu'on ne savait pas ce qu'ils avaient l'intention de
16 faire. Pendant tout ce temps, on entendait tirer, les sirènes, les
17 ambulances, des cris, on entend les pneus, des tirs de tireurs embusqués,
18 etc., beaucoup de boucan. Vers 6 heures du soir de la même journée, nous
19 nous sommes retrouvés près du centre médical.
20 Question: Je souhaiterais vous interrompre juste un instant et, après, on
21 va poursuivre.
22 Vous souvenez-vous des noms des deux personnes qui étaient avec Vinko,
23 donc des personnes que vous venez de mentionner? Vous souvenez-vous de
24 leurs noms?
25 Réponse: Absolument, oui. Je connais le nom et le prénom d'une des
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1 personnes et pour l'autre, je ne me souviens que de son surnom.
2 M. Seric (interprétation): Afin de prendre toutes nos précautions, peut-on
3 passer à huis clos partiel pour entendre ces noms?
4 M. le Président (interprétation): Peut-on passer à huis clos partiel?
5 (Audience à huis clos partiel à 17 heures 17.)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (Audience publique à 17 heures 18.)
13 M. le Président (interprétation): Nous sommes en audience publique.
14 M. Seric (interprétation): Vous nous avez dit que vous vous êtes dirigé
15 vers le centre médical. Qu'est-il arrivé par la suite?
16 M. J. Martinovic (interprétation): Je peux donc poursuivre là où je me
17 suis interrompu.
18 C'était vraiment une situation lamentable. On n'allait pas en avant, on ne
19 pouvait pas revenir en arrière, on ne savait pas quoi faire; le chaos
20 était total. Nous avons rencontré des personnes en bas, je ne me souviens
21 plus si c'est eux qui sont arrivés les premiers ou si c'est nous; ils ont
22 émergé des bâtiments voisins et, vers 6 heures environ, Vinko est apparu
23 et, d'un ton assez autoritaire, il m'a dit: "Tu n'es pas à ta place ici!"
24 Il voulait que je m'en aille, mais je ne pouvais pas partir. Je ne savais
25 pas quel chemin emprunter, par où il était sûr de passer puisqu'on tirait
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1 depuis des immeubles. Donc je suis rentré. Donc c'était cette journée-là.
2 Je suis donc revenu au restaurant, là où l'on prenait d'habitude le café,
3 où l'on allait pour bavarder avec des amis. Les tirs se sont poursuivis
4 durant la nuit.
5 Question: D'après ce que vous avez vu, le groupe de gens parmi lesquels
6 vous étiez et qui marchaient, était-ce une unité organisée? S'agissait-il
7 d'une unité organisée?
8 Réponse: Il faut que je vous dise quelque chose avant de vous répondre aux
9 fins d'éclaircissement.
10 J'étais membre du HVO, comme beaucoup d'autres personnes, mais je n'ai
11 jamais été dans une caserne. On n'avait pas de caserne. Nous tous qui
12 avons perçu des armes, nous emmenions nos fusils avec nous; donc je suis
13 rentré chez moi pour prendre mon fusil. C'était une attitude logique de
14 tous ceux qui ne voulaient pas fuir.
15 J'étais accompagné par un voisin; il m'a demandé: "Mais qu'est-ce qui se
16 passe?" Je lui ai dit: "Apparemment, les Musulmans sont en train de
17 tirer". Donc à 240 mètres environ, 300 mètres à vol d'oiseau de l'endroit
18 où j'habitais. Et là, j'ai vu les combattants de l'armée de Bosnie-
19 Herzégovine, ce que je vous ai donc déjà raconté. Il y avait environ cinq
20 à six personnes. L'un d'entre eux est directeur de banque à présent,
21 l'autre a un garage, le troisième est propriétaire d'un pressing; je peux
22 vous donner les noms de toutes ces personnes. Donc c'étaient les personnes
23 que j'ai trouvées sur place.
24 Question: Quel était l'endroit exact où se trouvait ce soldat de l'armée
25 de Bosnie-Herzégovine? C'était du côté ouest de Mostar, sur la rive ouest?
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1 Réponse: A une cinquantaine de mètres de la place "Rondo", du "Rondo",
2 donc du côté ouest de Mostar.
3 Question: Qu'est-il arrivé à Vinko dans les jours qui ont suivi, donc
4 après ce 9 mai 1993? Qu'a-t-il fait? Où était-il?
5 Réponse: Il était sur le front, sur la ligne de front. Il était à
6 l'endroit même d'où il m'avait chassé, il était avec des hommes, des
7 soldats si vous voulez les appeler ainsi. Donc il était avec tous ces
8 gens, tous ces hommes dont il était entouré au sein du HOS.
9 Question: Qu'avez-vous personnellement fait dans les jours qui ont suivi,
10 après le 9 mai?
11 Réponse: Je passais toute la journée, toutes mes journées dehors, j'étais
12 au restaurant. Je ne l'ai pas vu pendant deux jours. Et aux gens qui
13 passaient, aux passants, je leur demandais: "L'avez-vous vu? Avez-vous
14 entendu quelque chose à son sujet?"
15 Question: D'après ce que vous avez vu dans la rue, quelle était la
16 situation du point de vue de la sécurité? Le nombre de soldats a-t-il
17 augmenté?
18 Réponse: Pendant ces jours-là, les trois premiers jours, les sept jours…
19 je ne dirai pas cela: pendant le mois qui a suivi, la ville de Mostar
20 s'est transformée. Je dirais plutôt la chose suivante: pendant la guerre
21 contre les Serbes, la ville de Mostar était calme. Il n'y avait pas trop
22 de mouvement. On savait quels étaient les endroits qui étaient sûrs et on
23 se retrouvait là-bas.
24 Cependant, pendant ce conflit-là, et dans le mois qui a suivi, la ville de
25 Mostar -je ne sais pas comment vous le dire- mais il y avait beaucoup de
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1 soldats, beaucoup de véhicules, beaucoup de gens perplexes. La situation
2 était chaotique. On n'avait pas d'électricité, pas d'eau. C'est difficile
3 de décrire la situation, mais ce n'est en rien une expérience
4 enrichissante: on est plutôt vidés après cette expérience. Donc nous
5 avions déjà vu une guerre et le fait qu'on ait été témoins d'autres
6 conflits ne nous a rien rapporté. On ne savait plus qui tirait sur qui.
7 Question: Est-ce que les positions et l'attitude envers les Musulmans ont
8 donc changé sur ce territoire qui était contrôlé par le HVO?
9 Réponse: Vous pensez à cette première période?
10 Question: Oui.
11 Réponse: Non.
12 Question: Quelle était la réaction des Musulmans lorsque le conflit a
13 éclaté, le conflit donc qui a commencé le 9 mai 1993?
14 Réponse: Je le sais bien sûr comme les Croates: j'imagine que, de l'autre
15 côté, la peur prévalait. On disait probablement le plus souvent: "Mais
16 non, ce n'est rien, ça va passer." C'était incompréhensible que l'on se
17 mette à faire la guerre les uns aux autres. "Ce sont des bêtises, ce sont
18 ces idiots d'hommes politiques qui n'ont pas réussi à se mettre d'accord,
19 mais ce n'est rien". Même dans cette période, il y avait beaucoup de
20 Musulmans qui étaient toujours au sein du HVO, ils n'avaient pas quitté le
21 HVO.
22 M. Seric (interprétation): Monsieur le Président, pour bien mener mon
23 interrogatoire, pouvez-vous me dire à quelle heure nous allons faire une
24 pause?
25 M. le Président (interprétation): Nous pouvons nous arrêter maintenant ou
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1 bien nous pouvons continuer encore une dizaine de minutes. Cela dépend
2 jusqu'où comptez-vous aller dans votre interrogatoire?
3 M. Seric (interprétation): Nous pouvons faire une pause maintenant, même
4 si l'autre solution me convient aussi.
5 M. le Président (interprétation): D'accord. Nous allons faire une pause
6 d'une vingtaine de minutes et nous reprendrons à 6 heures moins 10.
7 (L'audience, suspendue à 17 heures 27, est reprise à 17 heures 52.)
8 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Seric?
9 M. Seric (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
10 Monsieur Martinovic, dans cet Acte d'accusation, il est affirmé qu'il y a
11 eu deux persécutions de Musulmans pour les chasser de Mostar: l'une vers
12 le 9 mai 1993 et l'autre dans les premières journées du mois de juillet
13 1993.
14 Seriez-vous d'accord avec une affirmation de cette nature?
15 M. J. Martinovic (interprétation): Pour ce qui est de la première ou de la
16 deuxième?
17 Question: Parlons d'abord de la première: donc parlons du 9 mai 1993, donc
18 de ce qui a suivi le 9 mai 1993?
19 Réponse: Eh bien, au mois de mai 1993, je crois avoir déjà dit que la
20 situation en ville était plus que chaotique. Et je ne puis rien exclure.
21 Je ne puis pas dire que ceci s'est passé ou ne s'est passé. Mais je
22 précise qu'il y a eu de part et d'autre des gens qui fuyaient. Donc toute
23 personne dotée d'intelligence fuyait les coins où il y avait des combats,
24 que l'on fuie vers la gauche ou vers la droite; c'est une question de
25 choix. Personnellement, je m'enfuirais également.
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1 C'est ce que je pourrais vous dire au sujet de ce mois de mai 1993.
2 Question: Et en juillet 1993 ou plutôt après le 30 juin?
3 Réponse: Voyez-vous, au fil des quelques mois suite au début des combats,
4 lorsqu'on a pu dire que la guerre n'avait plus été un incident inattendu
5 pour chacun, nous ne pouvions plus nous dire que c'était quelque chose, un
6 conflit qui allait durer trois jours ou quelques jours ou quelques
7 semaines, mais cela avait duré depuis pratiquement trois mois. Chacun
8 avait la liberté d'aller vers les siens, mais là non plus je n'exclurai
9 rien.
10 Ce que je pourrais dire avec certitude, c'est que des dizaines de
11 Musulmans avaient compris que leur place était aux côtés de leur peuple.
12 Il en allait de même pour les Croates parce qu'il y avait des familles que
13 j'ai eu beaucoup de mal à faire venir du côté gauche de la ligne de
14 démarcation, à faire passer du côté occidental. Je crois que, d'une
15 manière générale, la population a commencé à rejoindre les siens. On ne
16 pouvait pas s'enfuir. Je ne sais pas si cela avait été créé délibérément
17 ou pas, je ne sais pas s'il s'agissait là de persécutions orchestrées;
18 c'est difficile à dire.
19 Question: Mais personnellement, où vous étiez-vous trouvé après ce 30 juin
20 1993?
21 Réponse: A Mostar!
22 Question: Mais sauriez-vous nous dire s'il y avait, au sein du HVO, des
23 instructions quelconques disant qu'il faudrait procéder à une épuration
24 ethnique de la partie occidentale de Mostar pour en chasser les Musulmans?
25 Réponse: Non, je ne suis pas au courant. Il est vrai que je n'étais pas
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1 dans une situation qui ferait en sorte que l'on ait à me donner des
2 instructions de ce genre et qui me placerait en position de le savoir.
3 Question: Revenons aux événements du 9 mai 1993 ou à ceux qui ont suivi
4 cette date-là.
5 Pouvez-vous nous dire si Vinko Martinovic, ces jours-là, après le 9 mai, a
6 pris part de quelque façon que ce soit aux persécutions à l'égard des
7 Musulmans dans la ville de Mostar?
8 Réponse: Absolument pas.
9 Question: Et ces jours-là, toujours d'après vos connaissances, a-t-il été
10 procédé à la création de cette unité qui avait d'abord été appelée
11 "Mrmak", puis "Vinko Skrobo", par la suite?
12 Réponse: Je ne voudrais pas me tromper dans ma réponse, parce que je ne
13 sais pas ce que vous entendiez en disant: "ces jours-là". Mais ce que je
14 sais, c'est que pendant ces premiers jours, cela ne pouvait pas être le
15 cas parce que, si cela avait été le cas, j'aurais moi-même été membre de
16 cette unité; or, je n'ai pas été membre. Donc, pendant ces tous premiers
17 jours, non.
18 Et je me trompe peut-être, mais je dirai: certainement pas au cours du
19 premier mois, parce qu'on ne savait qui faisait quoi, c'était la pagaille.
20 Et je pourrais me tromper quelque peu, mais pas à ce point-là.
21 Question: Mais savez-vous nous dire comment cette unité avait été créée?
22 Comment la formation de l'unité a-t-elle eu lieu?
23 Réponse: Sur cette ligne de démarcation -que l'on avait appelée ainsi par
24 la suite mais moi, je préférerais dire sur le site des conflits-, Vinko
25 Martinovic a commencé à rassembler des gens autour de lui. Et je crois
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1 qu'il s'agissait de personnes qui avaient été là-bas avec lui au sein du
2 HOS déjà, celles du moins qui étaient restées à Mostar.
3 Je ne voudrais pas faire de l'humour ou des remarques comiques ici, mais
4 j'avais demandé à Vinko pourquoi "Mrmak"; et il avait eu un chien qui
5 s'appelait "Mrmak". Et je crois que Vinko ne croyait pas vraiment à tout
6 ce qui se passait. Je crois qu'il aurait tout aussi bien pu appeler cela
7 G4, F5 et c'était, en fin de compte, ces jours-là, plutôt une façon de
8 blaguer, de plaisanter, de ne pas y croire.
9 Question: Mais pouvez-vous nous dire comment il s'est fait que Vinko
10 Martinovic soit devenu le commandant de cette unité-là?
11 Réponse: Non, c'est une chose que j'ignore, mais je puis toutefois faire
12 quelques suppositions. Il s'était trouvé sur cette ligne de démarcation;
13 il a dû s'y cramponner. Têtu comme il est, il ne voulait pas reculer et,
14 au fur et à mesure que les gens arrivaient, cela s'est fait ainsi. Et,
15 comme je l'ai déjà dit, il avait en soi une vocation de chef et c'est
16 peut-être la raison pour laquelle cela c'est fait ainsi.
17 Question: Mais avez-vous vous-même été, à quelque moment que ce soit,
18 membre de l'unité en question?
19 Réponse: Non.
20 Question: Mais comment se fait-il que vous sachiez nous dire autant de
21 choses concernant les circonstances qui avaient prévalu au sein de
22 l'unité? Et comment se fait-il que vous soyez au courant des événements
23 survenus au niveau de la ligne de front et à l'emplacement de cette base
24 qui était la leur?
25 Réponse: Ce dernier mot base, je préciserai que cela se trouvait à
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1 quelques 70 ou 80 mètres à peine de l'endroit où je résidais, et là se
2 trouve la réponse à votre question. Je venais voir mon frère, les gens qui
3 se trouvaient là-bas. Tout simplement, je me trouvais être présent comme
4 bon nombre d'autres personnes.
5 Question: Avez-vous des connaissances personnelles pour ce qui est de
6 savoir si certains membres de cette unité de Vinko avaient pris part aux
7 persécutions à l'égard des Musulmans en date du 9 mai ou par la suite?
8 Avez-vous, à ce sujet, quelque connaissance personnelle que ce soit?
9 Réponse: Le 9 mai, personne ne pouvait chasser personne parce que, le 9
10 mai, tout le monde tirait surtout le monde. Et je crois que le 9 mai,
11 personne n'avait eu l'idée de faire quoi que ce soit d'analogue. Je puis
12 vous affirmer ici, en toute responsabilité, que cela n'était point
13 nécessaire, en date du 9 mai.
14 Par la suite, des soldats, par exemple, prenaient leurs fusils et s'en
15 allaient chez eux; c'est ce que je sais vous dire.
16 M. Seric (interprétation): Mais savez-vous nous dire si Vinko Martinovic
17 était censé avoir des connaissances à ce sujet et comment il avait réagi?
18 Savez-vous nous le dire?
19 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Scott?
20 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, je
21 crois que j'ai été complètement silencieux jusqu'à présent, mais je crois
22 que nous en arrivons à un point de pure spéculation. Je sais que les
23 témoignages par ouï-dire sont parfois acceptés au Tribunal, mais je crois
24 qu'il y a des limites.
25 M. le Président (interprétation): Oui. Maître Seric, pouvez-vous poser
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1 votre question d'une façon autre? Ou sautez carrément la question que vous
2 posez.
3 M. Seric (interprétation): Je vais sauter carrément cette question sans
4 problème, Monsieur le Président.
5 Est-ce que Vinko Martinovic, à l'époque, et d'après ce que vous savez nous
6 en dire, avait des attributions, des pouvoirs militaires qui lui
7 conféraient le droit de prendre des décisions quelconques, s'agissant de
8 la position adoptée vis-à-vis des Musulmans?
9 M. J. Martinovic (interprétation): Absolument pas.
10 Question: L'Acte d'accusation affirme que la deuxième vague de persécution
11 a eu lieu au mois de juin, après le 30 juin de l'année 1993. Est-ce que
12 vous vous souvenez de la situation à Mostar, à l'époque? Et est-ce que
13 vous savez ce qu'il est advenu des Musulmans, à ce moment là?
14 Réponse: Je pense avoir répondu, il y a quelques questions de cela, à ce
15 fragment de question. Les Musulmans avaient souhaité se rendre sur l'autre
16 rive. En effet, la guerre avait déjà duré depuis un certain temps. Les
17 Croates du côté Est voulaient passer vers le côté Ouest, quant à eux.
18 La guerre durait et l'une et l'autre partie de Mostar, si je puis
19 m'exprimer ainsi, étaient pleines. Il y avait des surplus de personnes.
20 Les Musulmans, eux, avaient certainement 15 à 20.000 réfugiés de Bosnie
21 Centrale, de Bosnie Orientale, enfin ceux qui avaient été chassé par les
22 Serbes au cours des mois précédents. Les Croates, sur la rive droite,
23 avaient certainement 4 ou 5.000, je n'ai pas de chiffres exacts, mais
24 certainement 4 ou 5.000 Croates qui avaient été chassés de Konjic,
25 Jablanica et d'autres régions.
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1 Je ne cherche pas à justifier qui que ce soit, mais je dirai seulement que
2 chacun cherchait à se trouver un toit pour s'abriter. Et les uns
3 chassaient les autres, mais cela était valable dans tous les sens.
4 Question: Quelle avait été la position occupée par Vinko, à ce moment-là?
5 Où se trouvait-il?
6 Réponse: Où il se trouvait tout le temps, où il était habitué à se
7 trouver? Sur la ligne.
8 Question: Mais est-ce que, à cette période -et je précise que nous parlons
9 de la période qui a suivi le 30 juin 1993-, ou voire à une autre période
10 après l'éclatement des conflits, Vinko est venu ou en est arrivé à
11 modifier son attitude vis-à-vis des Musulmans?
12 Réponse: Absolument pas. Voyez-vous, quand on est né à Mostar, quand on a
13 grandi à Mostar, quand on a fait son éducation, ses classes à Mostar, il
14 en va de même de nos jours encore. Il n'avait pas modifié son attitude et
15 il n'était pas capable de modifier son attitude. J'affirme qu'il ne
16 l'avait pas modifiée et, qui plus est, il avait continué à avoir pas mal
17 de Musulmans dans son unité, comme il y avait eu des Serbes pendant qu'on
18 avait fait la guerre contre les Serbes. C'est un contexte, Mostar, qu'on
19 ne saurait modifier.
20 Lorsqu'il se trouvait sur les lignes de front et que, de l'autre, il y
21 avait l'ennemi, il ne voulait pas savoir qui il y avait à côté. Dans une
22 fréquentation normale, dans un côtoiement normal, pour Vinko, un homme
23 était un homme. Il n'y a pas de pathétique à cela; il n'était pas capable
24 de changer d'attitude vis-à-vis de quelqu'un, du jour au lendemain.
25 Question: Mais comment interprétez-vous le fait que l'Acte d'accusation
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1 affirme que "Stela" et les "stelici", à savoir ses soldats à lui, avaient
2 oeuvré en faveur de l'expulsion forcée de Musulmans bosniens?
3 Réponse: Vous venez de prononcer une phrase relativement courte.
4 Ce qu'il importe de dire avant toute autre chose, c'est peut-être le fait
5 que, de toute la durée de la guerre, de la guerre contre les Serbes et de
6 la guerre entre les Musulmans et les Croates, Vinko a de tout temps été un
7 combattant, sans aucun soutien politique, sans pedigree politique
8 quelconque et sans merci.
9 Il a eu le bonheur au début, et je dirais le malheur par la suite, d'être
10 sorti de cette guerre avec les Serbes ou avec l'Armée populaire
11 yougoslave, avec son unité, comme une sorte de héros; il avait pris son
12 fusil à la main, il s'était battu et tout le reste. Et cela s'est terminé
13 comme ça s'est terminé!
14 Dans cette deuxième partie, dans ce deuxième volet, Vinko a de nouveau
15 pris son fusil et il s'est retrouvé dans une situation tragi-comique, si
16 l'on peut parler de situation de ce genre dans le courant d'une guerre. La
17 ligne de démarcation était longue de 30 à 50 mètres: une rue, un
18 boulevard. Et les gars en face se criaient des choses les uns aux autres,
19 parce qu'ils se connaissaient, parce qu'ils étaient jusqu'à la veille,
20 ensemble, dans les mêmes rangs, dans le HVO, dans le HOS. Alors ils se
21 criaient l'un à l'autre: "Mais ne m'envoie pas des balles! Balance-moi une
22 boîte de conserve." Et c'est ainsi que les choses fonctionnaient.
23 Puis, parallèlement à cela, il y avait un très grand nombre de personnes
24 qui voulaient passer de la rive gauche à la rive droite, et vice-versa.
25 Cela vous semble invraisemblable, mais beaucoup de gens voulaient faire
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1 passer un sac avec des vivres; cela est tout à fait humain. Par exemple,
2 quelqu'un qui avait de la famille de l'autre côté, disait: "J'ai des
3 membres de ma famille de l'autre côté; est-ce que tu voudrais bien me
4 laisser passer?" Et c'est là que Vinko pouvait dire son nom et dire:
5 "Arrêtez! Cessez de tirer: un tel veut passer pour porter de la nourriture
6 à sa famille". Et cela peut vous sembler comique, mais cela n'est pas le
7 cas.
8 Donc c'était un conflit entre des personnes ailleurs, mais pas un conflit
9 des soldats qui étaient sur place. Et c'était la conduite de Vinko sur
10 cette ligne, pendant cette deuxième partie, pendant ce deuxième volet des
11 combats. Cela avait rendu fous ceux qui voulaient se battre. C'est ce que
12 je puis vous dire.
13 Donc il avait été possible qu'on ait cessé le feu, qu'on ait interrompu
14 les tirs pendant cinq, six, sept jours. Et, de l'autre côté, les Musulmans
15 faisaient venir des unités qui n'étaient pas originaires de Mostar.
16 C'étaient des réfugiés qui venaient d'Herzégovine de l'Est, de Konjic, de
17 Jablanica ou de je ne sais quelle localité. Régulièrement, dans les rangs
18 de l'Unité de Vinko, il y avait une bombe, un obus qui atterrissait.
19 C'était une chose qui ne convenait pas à l'entourage: l'entourage,
20 quelqu'un d'autre voulait que la guerre continue, que la guerre
21 s'envenime. Donc il y avait eu un jeu, je ne dirais pas une espèce de
22 complot de derrière les coulisses, mais je dirais que ce n'était pas la
23 guerre à Vinko parce que des gens comme Vinko n'avaient pas souhaité cette
24 guerre. Et je ne pense pas que tels mère, père ou enfant pourrait
25 l'affirmer, continuer à l'affirmer.
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1 Question: Est-ce que vous savez nous dire s'il y avait des gens qui
2 s'étaient présentés eux-mêmes comme étant des gens de "Stela", des
3 "stelici"?
4 Réponse: A plusieurs reprises, en effet, j'ai personnellement pu observer
5 et je puis vous relater les choses de façon tout à fait simple. Il y a eu
6 des exemples où des amis sont venus me voir et, par la suite, moi, je suis
7 allé voir Vinko pour tirer les choses au clair.
8 Voilà un exemple personnel: je me trouvais chez moi, dans mon logement, où
9 l'on a entendu une sirène, on a entendu un véhicule arriver, puis deux
10 balles tirées en l'air. Quelqu'un a crié: "Est-ce qu'il y a des
11 Musulmans?" Je précise que j'habitais au premier étage. Il y avait un rez-
12 de-chaussée surélevé et un premier étage qui était en fait une sorte de
13 deuxième étage. Et il y avait en bas deux jeune gars, dont l'un n'avait
14 pas plus de 20 ans, avec des armes à la main.
15 Je leur ai dit: "Qu'y a-t-il, jeunes gens? De quoi avez-vous besoin?" Et
16 ils m'ont dit: "Y a-t-il là des Musulmans?" J'ai dit: "Oui, il y en a." Et
17 ils m'ont dit: "Mais tu nous montreras qui c'est parce qu'il faut qu'on
18 les vide d'ici." Alors, je disais: "Mais pourquoi? - Ne pose de question
19 pourquoi! C'est "Stela" qui nous l'a dit". Moi, je ne les connaissais pas
20 et, plus ou moins, je connaissais tous les soldats de Vinko, parce que,
21 quand je sortais de chez moi, je passais à côté de la base, donc je les
22 voyais. Je m'étais quand même dit qu'il s'était peut-être agi de nouveaux.
23 Je leur ai dit: "Ecoutez, les gars, rien à faire, vous pouvez vous en
24 aller". Ils m'ont fait savoir que j'allais payer, que j'allais en faire
25 les frais et qu'il ne fallait pas s'amuser avec. Je leur ai dit que
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1 j'allais descendre pour leur expliquer; bien entendu, ils s'en sont allés,
2 ils n'ont pas attendu.
3 Mais je voudrais préciser que, dans l'immeuble où je vivais, il y avait 12
4 appartements. Et dans trois appartements, il y avait des familles croates;
5 les autres étaient occupés par des familles musulmanes.
6 Une nuit –je peux mentionner le nom de famille, j'estime que ce n'est rien
7 de particulier-, les membres de la famille Badzak n'étaient pas chez eux;
8 quelqu'un était arrivé et les avait emmenés. Donc c'était, pour moi, un
9 échec personnel.
10 Par la suite, j'ai eu au téléphone Mme Badzak. Elle était cordiale, elle
11 m'a remercié d'avoir toujours été dans cet immeuble, disant que ceci les
12 avait protégés des attaques des hordes. Elle m'a chargé de transmettre son
13 bonjour à Vinko. Lorsque je lui ai demandé de me dire qui l'avait emmené,
14 elle m'a répondu que c'étaient des "stelici". Lorsque je lui ai posé la
15 question de savoir si elle le savait, elle m'a dit qu'effectivement, ce ne
16 pouvait pas être eux-mêmes s'ils s'étaient présentés comme étant des
17 "stelici".
18 A présent, je vais vous citer un troisième exemple. Mon ami personnel et
19 un collègue de travail, après la guerre, après la guerre contre les
20 Serbes, a quitté Mostar et est parti avec son épouse en Allemagne. Il est
21 Croate et son épouse est de confession musulmane. Un jour, il m'a
22 téléphoné pour me demander, puisque nous étions très proches, de demander
23 à mon frère que ses hommes quittent l'appartement de sa belle-mère qu'ils
24 avaient donc chassée de cet appartement, la belle-mère, et forcée à partir
25 de l'autre côté, sur l'autre rive de la Neretva.
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1 Je suis allé voir Vinko, je lui ai dit qu'il y avait beaucoup de rumeurs
2 et que, si une telle chose se produisait, cela n'allait que confirmer les
3 rumeurs, etc., et qu'un ami venait de me téléphoner pour me dire qu'il
4 était à 100% certain que des hommes de Vinko occupaient l'appartement de
5 sa belle-mère. Je suis donc parti voir cet appartement avec trois hommes
6 de l'unité de Vinko et, dans l'appartement, nous avons trouvé deux
7 soldats. L'un était un Croate de Konjic et l'autre était un Croate
8 d'Opuzen. Personne ne les avait jamais vus auparavant.
9 J'ai tout de suite appelé mon ami Zeljko Juric en Allemagne; je l'ai prié
10 de demander à sa belle-mère de se présenter au bureau de la police
11 internationale et de leur dire que "Stela" ne se trouvait pas dans son
12 appartement, que les hommes de "Stela" ne se trouvaient pas dans son
13 appartement et qu'elle pouvait y retourner, qu'elle pouvait récupérer son
14 appartement dès qu'elle le désirait; bien sûr, avec des policiers.
15 L'homme en question était très embarrassé, il s'est excusé, mais c'était
16 l'information dont il disposait.
17 Par la suite, j'ai pris contact avec cette dame et elle m'a raconté de
18 manière détaillée tout ce qui s'était passé cette nuit-là dans son
19 immeuble, dans l'appartement dans l'immeuble où elle habitait. Il y avait
20 donc du bruit, cette nuit-là, dans les corridors, dans la cage d'escalier.
21 Elle entendait des voix disant: "'Stela', allons-nous défoncer cette
22 porte? Allons-nous passer par l'autre porte?"
23 Ces deux hommes, ces deux soldats ont quitté l'appartement. Ils n'ont été
24 punis d'aucune manière. La dame m'a remercié et elle a récupéré son
25 appartement. Mais pour ses voisins, le fait demeure: ils sont persuadés
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1 que c'était "Stela" qui l'avait chassée de son appartement.
2 Je peux vous donner d'autres exemples également.
3 M. Seric (interprétation): Mais pourquoi alors feignaient-ils d'être des
4 hommes de "Stela"?
5 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président?
6 M. le Président (interprétation): Oui?
7 M. Scott (interprétation): J'estime, Monsieur le Président, qu'il s'agit
8 de nouveau d'une invitation à la spéculation.
9 M. le Président (interprétation): Maître Seric, veuillez reformuler votre
10 question.
11 M. Seric (interprétation): Je pourrais effectivement reformuler la
12 question, mais je vais renoncer à cette question afin d'accélérer la
13 procédure.
14 M. le Président (interprétation): Oui.
15 M. Seric (interprétation): Vinko Martinovic a-t-il pris des mesures dans
16 ce sens?
17 M. J. Martinovic (interprétation): Le dernier exemple que j'ai évoqué tout
18 à l'heure vous dit bien de quelle manière étaient sanctionnées les
19 personnes. Je vous ai dit que les deux jeunes gens avaient juste quitté
20 l'appartement et c'est tout.
21 Pour ce qui de Vinko, à plusieurs reprises, il avait chassé des hommes de
22 son unité, il rapportait des incidents. Mais j'estime, personnellement,
23 que personne ne peut prouver que l'un de ses hommes, des hommes de son
24 unité, avait expulsé qui que ce soit de son appartement pour l'occuper. Je
25 pense que, lui, il n'avait personne à punir, il n'y avait personne dans
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1 son unité qu'il devait punir.
2 Question: Mais a-t-il tenté de s'adresser au public par la voix des
3 médias?
4 Réponse: Cette pratique a pris de l'envergure, donc tout ce qui se passait
5 en ville était attribué à ses hommes, aux hommes de son unité. Mais on n'a
6 jamais vu quelqu'un amener, faire venir un homme de son unité; jamais
7 personne n'a été pris en flagrant délit.
8 Donc nous avons discuté, Vinko et moi, à l'époque. Vinko est quelqu'un de
9 très simple. Et je peux vous dire que nous avons eu des discussions assez
10 violentes. Je lui ai demandé d'arrêter cela, de mettre fin à cela. Mais
11 lui, il insistait. Lorsqu'il a réfléchi, lorsqu'il a vu que c'est allé
12 trop loin, une scène désagréable a eu lieu sur la ligne de confrontation.
13 Il est allé à la radio, dans les locaux de la radio de Mostar, le seul
14 média à l'époque, et il a fait une déclaration en disant qu'il ne lui
15 était pas attribuable…, les choses qui se déroulaient en ville ne lui
16 étaient pas attribuables et il a invité les citoyens à faire part de tout
17 incident de ce type.
18 Question: Savez-vous si les soldats de l'unité de "Stela" ont participé à
19 la persécution, ce qui figure dans l'Acte d'accusation?
20 Réponse: Non.
21 Question: Quelle était l'attitude de Vinko envers les Musulmans et quelle
22 était l'attitude de vos voisins musulmans envers Vinko?
23 Réponse: Je ne sais pas comment vous allez le prendre mais Vinko, même
24 aujourd'hui, est quelqu'un que les voisins musulmans, serbes ou croates,
25 aiment beaucoup. Je pense que ceci est la réponse à votre question. Il
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1 s'agit d'un rapport de très bonne qualité.
2 Question: Est-ce que les voisins musulmans s'adressaient à lui pour
3 obtenir une protection?
4 Réponse: Oui. A plusieurs reprises. Je le sais personnellement parce que
5 moi, je me suis rendu à plusieurs reprises chez Vinko pour lui demander de
6 l'aide, parce que quelqu'un avait subi des menaces, on frappait à la porte
7 d'une autre personne, etc., donc cela s'est passé à plusieurs reprises.
8 Question: Pouvez-vous nous citer un exemple concret? Donc, si vous savez
9 le nom des personnes, vous pouvez nous dire juste "je sais" et nous
10 pourrions passer en audience privée pour citer les noms.
11 Réponse: Oui.
12 M. Seric (interprétation): Pouvons-nous passer en audience à huis clos?
13 M. le Président (interprétation): Oui.
14 (Audience à huis clos partiel à 18 heures 28.)
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12 (Audience publique à 18 heures 33.)
13 M. Seric (interprétation): Savez-vous ce qui est arrivé aux Musulmans qui
14 faisaient partie de l'unité de Vinko, de l'Unité "Vinko Skrobo"?
15 M. J. Martinovic (interprétation): Pour être tout à fait honnête, il y
16 avait quelques Croates, des Croates qui étaient membres de l'armée de
17 Bosnie-Herzégovine.
18 En toute honnêteté, il faudrait dire aussi, il faudrait admettre que leurs
19 parents n'étaient pas tout à fait contents de ce fait. Dans l'unité de
20 Vinko, il y avait des Musulmans également, beaucoup de Musulmans. Au bout
21 d'un certain temps, plusieurs d'entre eux sont partis. Ils ont juste
22 traversé la ligne de démarcation, puisque ce n'était pas tout à fait juste
23 qu'ils soient dans la position de tirer sur les leurs. Et il n'y a jamais
24 eu de problème.
25 Question: A-t-il maintenu des contacts? Vinko a-t-il maintenu des contacts
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1 avec ces hommes-là, même après qu'ils eurent traversé la ligne, qu'ils
2 furent partis de l'autre côté? Savez-vous quelque chose là-dessus?
3 Réponse: Je vais essayer de vous répondre.
4 Mes cousins lointains: il s'agit d'un monsieur qui est mort il y a deux
5 ans, mais son épouse et ses enfants sont encore en vie; il s'appelait Tomo
6 Sopta, il est resté de l'autre côté, du côté oriental donc. Il a établi le
7 contact par l'intermédiaire d'un avocat, un de mes amis, un Musulman, pour
8 me dire qu'il ne pouvait plus rester de l'autre côté. J'ai demandé à Vinko
9 ce qu'on pouvait faire pour régler ce problème. Alors Vinko a dit qu'on va
10 attendre pour que l'équipe qu'il connaissait vienne et soit sur la
11 position. Et c'est là que j'ai vu, effectivement, qu'il discutait à
12 travers la ligne de confrontation. C'était impossible de ne pas avoir de
13 contacts, il y avait des contacts!
14 Question: Pendant toute cette période dont il est question, où étiez-vous,
15 que faisiez-vous, quelle était votre attitude envers les Musulmans?
16 Réponse: Je travaillais avec les Musulmans. Là où je travaillais, il y
17 avait des Musulmans. Donc l'attitude est restée la même.
18 Question: Savez-vous si, dans l'Unité "Vinko Skrobo", on amenait des
19 détenus de l'Héliodrome?
20 Réponse: Oui, je le sais.
21 Question: Savez-vous de quelle manière on les amenait dans l'unité?
22 Réponse: J'ai eu l'occasion de voir, une fois, un camion.
23 Question: Saviez-vous quel était le traitement, comment étaient traités
24 ces détenus?
25 Réponse: A plusieurs occasions, j'ai pu me rendre en ville ou à mon
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1 travail, et je pouvais voir parmi les détenus quelqu'un que je connaissais
2 bien ou quelqu'un que je connaissais, une relation.
3 A plusieurs occasions, j'ai ramené ces personnes chez moi pour qu'elles
4 puissent prendre un bain. Ces personnes ne souffraient pas de faim ni de
5 soif. Quelquefois, simplement, elles voulaient une cigarette. Mais toutes
6 ces personnes voulaient prendre un bain. Donc parfois, j'en ai ramené
7 plusieurs chez moi, de sorte qu'elles puissent prendre un bain et personne
8 n'a eu quoi que ce soit à me reprocher.
9 Ces personnes pouvaient se promener dans les rues. Et je suppose que s'ils
10 pouvaient venir prendre un bain chez moi, ils pouvaient faire pas mal
11 d'autres choses aussi.
12 Question: Savez-vous quelles étaient leurs tâches, quel était leur
13 travail?
14 Réponse: Dans les endroits où je les ai vus, leur travail était de
15 nettoyer la cour de quelqu'un, de nettoyer une voiture, réparer un capot
16 de voiture ou bien, parfois, ils étaient accoudés à un muret, ils fumaient
17 une cigarette. Enfin, voilà ce que je sais.
18 Question: Quand vous avez dit "dans cette partie", est-ce que vous parlez
19 du voisinage du centre médical ou de la base?
20 Réponse: Le centre médical est un endroit où je ne me suis pas rendu pour
21 deux raisons. D'abord, mon frère ne m'y autorisait pas et, deuxièmement,
22 je n'avais rien à y faire. Je parle surtout d'un endroit proche de la
23 base, c'est-à-dire proche de mon appartement.
24 Question: Est-ce que vous savez personnellement si, au cours de ces
25 travaux, certains de ces détenus ont subi des blessures ou ont même été
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1 tués?
2 Réponse: Non. Je pense que personne n'est mort ou n'a été blessé. Il y a
3 eu plusieurs détenus qui étaient toujours là. Et ils me parlaient. Je
4 pense qu'ils m'auraient dit si ce genre d'événements s'étaient produits.
5 Ce sont des gens que je ramenais chez moi souvent pour qu'ils puissent
6 prendre un bain.
7 Question: Est-ce que vous avez jamais entendu parler de quelqu'un qui
8 s'appelle Nenad Harmandic ou le connaissiez-vous personnellement?
9 Réponse: J'en ai entendu parler, mais je ne le connais pas
10 personnellement.
11 Question: Quand avez-vous entendu parler de ce nom?
12 Réponse: Lorsque j'ai lu l'Acte d'accusation.
13 Question: Est-ce que, à ce moment-là, vous vous êtes renseigné sur
14 l'identité de cette personne?
15 Réponse: Non. Ce que j'ai lu dans l'Acte d'accusation est ce que j'ai lu
16 dans l'Acte d'accusation. Et puis, alors, je me suis renseigné et c'est à
17 ce moment là seulement que je me suis rendu compte de qui était cette
18 personne.
19 Question: Savez-vous quoi que ce soit concernant le destin de M.
20 Harmandic? Avez-vous des renseignements personnels?
21 Réponse: Non.
22 Question: Avez-vous jamais parlé à votre frère de cette personne?
23 Réponse: Oui.
24 Question: A quel moment et où? Pouvez-vous nous le dire?
25 Réponse: Lorsque j'ai, pour la première fois, lu l'Acte d'accusation
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1 contre Vinko. Et, cela a été publié quelque part, je ne sais plus trop
2 dans quel journal. Mais tous les journaux parlaient de cet Acte
3 d'accusation, puisque c'était la victoire de quelqu'un. Donc, tout le
4 monde l'a lu, il n'y a pas que moi. Et la plupart des gens ne comprenaient
5 pas l'Acte d'accusation. Mais nous avions remarqué ce nom de Harmandic,
6 c'est le seul nom d'ailleurs qui figure dans l'Acte d'accusation et, à
7 l'époque, Vinko était déjà en détention à Zagreb.
8 Je pense que c'est la dernière fois que j'en ai parlé à Vinko puisque,
9 ensuite, je n'en ai plus eu l'occasion.
10 M. Seric (interprétation): Pouvez-vous nous dire ce que Vinko vous en a
11 dit?
12 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, écoutez, je vais
13 intervenir. Encore une fois, je sais que nous avons une position assez
14 libérale concernant l'ouï-dire, mais dans ma tradition, je crois qu'ici un
15 ouï-dire, comme ça, qui ne sert qu'à servir ses intérêts, est tout à fait
16 contestable.
17 De toute façon, les deux frères auraient pu parler de toutes sortes de
18 choses après l'Acte d'accusation et je ne vois pas du tout ce que cela
19 vient faire ici, donc j'ai une objection à cette question.
20 (Les Juges se concertent sur le siège.)
21 M. le Président (interprétation): Maître Seric, après consultation avec
22 mes collègues, nous estimons que cette partie de la déposition n'est pas
23 pertinente du tout. Effectivement, ce sont des propos qui ne servent
24 qu'aux objectifs de la défense. Je vais donc vous demander de bien vouloir
25 passer outre cette question.
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1 M. Seric (interprétation): Monsieur le Président, je ne veux pas discuter
2 avec vous parce que je crois qu'on ne discute pas au sein d'une Chambre
3 d'instance, mais je ne comprends pas l'objection.
4 Je crois que vous m'avez demandé de passer outre cette question, n'est-ce
5 pas? Mais ce qui a précédé, je ne l'ai pas bien saisi. Il s'agit d'un
6 témoin… Ce n'est pas uniquement le frère, c'est un témoin qui a prêté
7 serment.
8 M. le Président (interprétation): Oui, oui, en effet, nous le saisissons
9 bien.
10 Dans certaines juridictions, il y a des limites extrêmement strictes au
11 type de dépositions que peuvent faire des parents proche d'un accusé. Ici,
12 en l'espèce, il me semble que nous nous appliquons une politique assez
13 discrétionnaire en ce qui concerne ce type de déposition. La seule manière
14 par laquelle on peut estimer la déposition de ce témoin nous oblige à
15 prendre ce facteur en compte.
16 M. Seric (interprétation): Bon, très bien. Je répète encore une fois que
17 je ne comprends pas, parce qu'il me semble que ce témoin n'aurait alors
18 pas dû être là du tout. Car s'il est le frère de l'accusé, alors il va
19 sans dire qu'il ment, à ce moment-là!
20 M. le Président (interprétation): Maître Seric, en tout état de cause, ce
21 que votre client aurait pu dire à son frère n'a pas beaucoup de poids pour
22 ce qui est des preuves. Donc si vous insistez, bien sûr, nous pouvons vous
23 autoriser à poser cette question au témoin mais, en tout état de cause,
24 nous y accorderons fort peu de poids et je crois que vous devez le
25 comprendre.
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1 M. Seric (interprétation): Monsieur le Président, je vais passer outre
2 cette question.
3 Est-ce que vous avez parlé à qui que ce soit d'autre concernant ces faits
4 et qu'avez-vous entendu?
5 M. J. Martinovic (interprétation): A propos de quoi? Je suis un peu perdu.
6 Question: A propos du destin de M. Harmandic.
7 Réponse: Au cours de la guerre, à Mostar, il y a eu des choses horribles,
8 des assassinats, des meurtres, des accidents. Je ne sais pas comment vous
9 allez entendre cela mais, après un certain temps, il y a eu des enquêtes
10 qui furent lancées ou des rumeurs qui ont été lancées également.
11 Je ne savais pas qui était Nenad Harmandic. Mais, après avoir lu l'Acte
12 d'accusation, des amis m'ont demandé: "Votre frère, là, qu'est-ce que ça
13 veut dire? Est-ce que les choses vont bien se passer pour lui ou pas?".
14 Et, alors, quelqu'un m'a dit: "Mais, attends, attends, moi, j'ai vu Nenad
15 tel jour", et puis, un autre a dit: "j'ai entendu qu'il était là ou qu'il
16 était ailleurs encore." Donc il y a eu toute sorte de versions de cet
17 événement. Et ce que mon frère m'a dit n'est même pas important.
18 M. Seric (interprétation): Je vous remercie.
19 Monsieur le Président, est-ce que nous pouvons passer en séance privée
20 pour une question?
21 M. le Président (interprétation): Bien sûr. Nous passons à huis clos
22 partiel.
23 (Audience à huis clos partiel à 18 heures 49.)
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17 (Audience publique à 18 heures 57.)
18 M. Seric (interprétation): Est-ce que vous savez si Vinko Martinovic a
19 pris des mesures disciplinaires à l'encontre de soldats qui n'ont pas
20 respecté la discipline de l'unité?
21 M. J. Martinovic (interprétation): Oui.
22 Question: Pouvez-vous nous donner des exemples?
23 Réponse: Cela dépend.
24 Un soldat aurait pu être renvoyé de l'unité, par exemple, se tourner vers
25 moi; il me disait: "Pouvez-vous parler à votre frère parce que je n'ai
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1 rien fait de mal?". A ce moment-là, je savais qu'il s'agissait d'une
2 question d'indiscipline assez classique; c'est assez normal entre soldats.
3 Si Vinko Martinovic était celui qui me disait qu'il avait renvoyé
4 quelqu'un de l'unité, à ce moment-là, je savais que ce soldat avait sans
5 doute fait quelque chose de grave.
6 Donc lorsque quelque chose de cette nature se produisait, il ne servait à
7 rien d'aller faire une déclaration à la police militaire ou civile.
8 M. Seric (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais passer
9 maintenant à un autre sujet. Cependant je vois qu'il est déjà 19 heures.
10 Je vous promets de terminer demain dans le délai que je vous avais promis,
11 c'est-à-dire trois heures pour ce qui est de l'interrogatoire principal.
12 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, je regrette pour
13 vous, mais vous devrez rester à La Haye encore un jour. Nous poursuivrons
14 votre déposition demain.
15 Comme je l'ai fait pour d'autres témoins, je vous demanderai au cours de
16 votre séjour à La Haye de ne pas parler de votre déposition à qui que soit
17 et de ne pas autoriser qui que ce soit à vous en parler. Vous me suivez
18 bien?
19 M. J. Martinovic (interprétation): Oui.
20 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Par?
21 M. Par (interprétation): Si vous me le permettez, je voudrais régler
22 quelques questions techniques concernant ce témoin demain.
23 Je voudrais informer cette Chambre d'instance que je vais citer un certain
24 nombre de numéros. Nous avons présenté la liste des témoins suivants qui
25 appartiennent à ce premier groupe, qui se compose de six témoins. Nous
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1 avons l'intention de respecter cet ordre dans la liste.
2 Dans la liste, nous disions que le témoin n°2, qui viendra en deuxième
3 tour, en séance à huis clos partiel, ce témoin n'arrivera que demain; dès
4 lors, il pourra déposer après-demain.
5 Ce que je voudrais vous annoncer, c'est que si M. J. Martinovic a terminé
6 demain avant la fin de la journée, nous ne pourrons pas prendre le témoin
7 n°2 demain, mais nous prendrons plutôt le n°3.
8 Et si nous n'avons pas terminé d'ici à la fin de la journée, à ce moment-
9 là, nous suivrons l'ordre prévu tel que nous vous l'avons présenté sur la
10 liste des témoins.
11 M. le Président (interprétation): Je vous remercie de cette information.
12 Nous reprendrons demain après-midi.
13 (L'audience est levée à 19 heures 02.)
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