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1 (Mardi 24 septembre 2002.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 03.)
3 (Audience Publique.)
4 (Le témoin, M. Mladen Ancic, est présent dans le prétoire.)
5 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, voulez-vous nous
6 citer l'affaire?
7 Mme Thompson (interprétation): Il s'agit de l'affaire IT-98-34-T, le
8 Procureur contre Mladen Naletilic et Vinko Martinovic.
9 M. le Président (interprétation): Bonjour, Témoin.
10 M. Ancic (interprétation): Bonjour.
11 M. le Président (interprétation): Vous avez pu vous reposer depuis hier?
12 M. Ancic (interprétation): Oui.
13 M. le Président (interprétation): Il fait un peu plus froid.
14 M. Ancic (interprétation): Non, mais ce n'est pas grave.
15 M. le Président (interprétation): Etes-vous prêt à commencer?
16 M. Ancic (interprétation): Oui.
17 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, veuillez poursuivre le
18 contre-interrogatoire.
19 M. Scott (interprétation): Bonjour.
20 M. Ancic (interprétation): Bonjour.
21 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Mladen Ancic, par M. Scott.)
22 M. Scott (interprétation): Je voudrais encore revenir sur une ou deux
23 questions à caractère général avant de passer aux détails de votre texte.
24 Hier soir, nous parlions de cette affirmation que vous faites, comme quoi
25 le nationalisme ethnique était devenu la seule valeur à la mi-1992, ce qui
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1 m'a amené, ce qui a conclu notre séance d'hier.
2 Vous dites aussi à la page 28: "Ce qui veut dire -je cite- qu'il fallait
3 appuyer les siens même lorsqu'ils faisaient quelque chose de mal." (Fin de
4 citation.)
5 Alors j'aimerais que vous expliquiez aux Juges ce que vous entendez par
6 là.
7 M. Ancic (interprétation): Comme d'habitude, vous sortez du contexte une
8 phrase ou la partie d'une phrase et dans ce cas-là, vous changez le sens
9 parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y a un contexte de la phrase là-
10 dedans. C'est la raison pour laquelle le sens est changé. Quand vous voyez
11 l'ensemble de la phrase -moi je l'ai en croate devant moi-, si vous me
12 permettez, je vais vous en donner lecture et vous allez voir de quoi il
13 s'agit.
14 Par conséquent -je cite-: "Les mécanismes de telles actions sociales, il
15 n'est pas difficile de comprendre actuellement. Chaque autorité
16 potentielle dépend de la loyauté des appartenants à leur propre
17 communauté, ce qui voulait dire, dans la pratique, que derrière, ceux 'qui
18 appartiennent à mon propre groupe' doivent se rendre compte que même s'ils
19 font des erreurs, il faut qu'ils protègent leurs propres membres de leur
20 propre groupe. Car c'est la protection de son propre groupe qui est
21 indispensable. C'est dans cette situation-là, par le fait même que
22 quelqu'un appartient à une communauté, à un groupe, à une entité, il doit
23 en faire partie, il doit protéger ses intérêts comme s'il s'agissait d'une
24 entité sinon il perd de l'autorité au sein de cette entité." (Fin de
25 citation.)
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1 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, est-ce que je peux encore
2 poursuive en rajoutant les deux autres phrases?
3 Par chance, hier, je me suis occupé de mon texte, enfin je l'ai lu en
4 détails. Je vous ai été très reconnaissant de voir que vous avez sorti un
5 certain nombre de phrases en dehors du contexte parce que ceci m'a poussé
6 à lire le texte en entier et à l'interpréter de nouveau.
7 Question: Je ne vais pas polémiquer avec vous, mais chacun dans ce
8 prétoire a votre texte sous les yeux et je crois avoir relevé, à juste
9 titre, certains passages; et vous avez eu amplement l'occasion de les
10 expliquer assez longuement parfois. Et vous avez pu resituer le contexte
11 de toutes ces affirmations que l'on trouve dans votre ce texte. Je crois
12 que vous avez eu encore une fois amplement l'occasion d'expliquer la
13 teneur de votre rapport.
14 Alors ce qui précède l'extrait qu'on vient de lire, c'est que "le monde
15 était divisé en eux et nous, et que la seule ligne de partage était celle
16 de la logique de la filiation nationale." (Fin de citation.)
17 Cela se trouve aussi dans votre texte et, étant donné le contexte de votre
18 rapport, pourriez-vous donner des exemples aux Juges des cas où des
19 membres d'un groupe ont fait quelque chose pour appuyer leur propre
20 groupe, même si la situation prouvait amplement que ce qu'ils faisaient
21 était mauvais. Est-ce que vous pouvez nous en donner des exemples
22 concrets?
23 Réponse: Eh bien, en ce qui concerne des exemples très concrets, il faut
24 se référer à l'ensemble de l'historique de la guerre en Bosnie-
25 Herzégovine. Dans un nombre de cas, il y avait un individu qui avait
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1 commis des crimes et qui, dans des conditions normales aurait été
2 sanctionné. Mais dans de telles circonstances, dans lesquelles il n'existe
3 pas d'Etat, il n'existe pas non plus d'organes de pouvoir étatique, où, en
4 effet, il ne s'agit que de démarches provisoires, tout est provisoire.
5 Question: Pouvez-vous nous donner un exemple concret, Monsieur? Parce que,
6 jusqu'ici, vous n'avez rien dit de précis pour appuyer vos dires. Est-ce
7 vous pourriez nous donner l'exemple, par exemple, de ce qu'aurait pu faire
8 un haut fonctionnaire croate pour appuyer son propre groupe, "one own"
9 comme vous dites dans votre texte, sachant que ce groupe avait fait
10 quelque chose de mauvais? Est-ce que vous pourriez donner un exemple de
11 cela aux Juges.
12 Réponse: Un exemple de ce comportement, eh bien, en exemple de tels
13 caractères, il y a le conflit au sujet de la distribution des combustibles
14 à la station d'essence à Novi Travnik. Les gens qui se sont disputés au
15 sujet de la répartition de la distribution de l'essence d'un côté ou de
16 l'autre n'ont pas été sanctionnés par leurs commandements respectifs.
17 Je pense que vous avez de tels exemples tout au long de la guerre.
18 Personnellement, j'en ai parlé, j'ai en cité quelques-uns et j'ai même
19 donné des explications en insistant sur le fait que ce sont de telles
20 situations qui génèrent une ambiance de manque de confiance réciproque.
21 Question: J'avance dans votre texte et je pose la question suivante: est-
22 ce que les habitants de l'Etat médiéval, tel que Mostar, Raska et Hum à
23 l'époque médiévale, avaient une idée quelconque d'une appartenance, ou
24 d'être plutôt serbes, croates ou autre chose?
25 Réponse: Oui, ces gens-là -et je vais être tout à fait précis-, une partie
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1 de la population, donc cette partie de la population qui appartenait à
2 l'élite dirigeante, avait la conscience de l'appartenance à la communauté
3 ethnique. Les documents, malheureusement, ne sont pas très nombreux, sont
4 très rares, auxquels nous avons eu accès et qui proviennent de Hum, vous
5 en avez parlé. Ils démontrent qu'il y avait cette conscience sur
6 l'appartenance à la communauté ethnique, qu'il y avait également cette
7 conscience de l'appartenance à une plus grande communauté politique, à
8 savoir à la royauté et à des niveaux plus bas. On ne sait pas ce que la
9 majorité de la population aurait pu penser à cette époque-là à un niveau
10 beaucoup plus bas parce que leur vie n'a pas été racontée, relatée,
11 surtout pas décrite dans un document écrit.
12 Question: Est-ce que vous nous dites alors que, parmi l'élite politique et
13 économique, il y aurait pu avoir un sentiment d'appartenance ethnique,
14 mais que parmi les gens, la grande masse des gens, il n'y avait pas ce
15 sentiment d'appartenance ethnique?
16 Réponse: Je pense que j'ai été tout à fait précis, car j'ai quand même
17 avancé cette idée-là que nous avons des contraintes au niveau des
18 connaissances. Notamment quand il s'agit de la profession qui est la
19 mienne, on ne peut pas spéculer, on ne peut aller trop loin sur le plan
20 des hypothèses, on ne peut pas aller au-delà du doute raisonnable. Tout ce
21 qui est au-delà du doute raisonnable n'est pas considéré comme un fait,
22 comme des connaissances.
23 Question: Est-ce que vous pouvez prouver qui sont les véritables
24 descendants des Bosniaques médiévaux?
25 Réponse: Je me dois de vous corriger quelque peu, et surtout vous avertir
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1 sur le fait que la notion médiévale, pour ces gens-là, c'était "Bosnjani"
2 et qu'actuellement il est pratiquement impossible de démontrer qui a
3 hérité de qui, car il y a des perturbations politiques et des troubles
4 politiques qui ont provoqué des changements démographiques de très grande
5 envergure, ethniques également, géographiques.
6 Actuellement, de nos jours, essayer de déterminer qui est descendant de
7 qui, en ligne directe, est assez illusoire.
8 Question: Faut-il en conclure, Monsieur, que toute tentative visant à dire
9 que tel ou tel groupe ethnique moderne représente le groupe le plus ancien
10 de Bosnie-Herzégovine, qu'il s'agisse des Serbes, des Bosniaques, des
11 Croates ou d'un autre groupe, toute tentative de ce genre donc serait
12 erronée?
13 Réponse: En principe, oui.
14 Excusez-moi, je voudrais juste ajouter quelque chose.
15 Question: Je vous en prie.
16 Réponse: Ce que nous pouvons dire avec certitude à ce jour, c'est qu'il
17 s'agit de l'époque où pour la première fois on voit apparaître dans les
18 documents les membres des communautés que nous connaissons aujourd'hui
19 sous leurs noms nationaux.
20 Question: Dans votre texte, vous employez à plusieurs reprises le mot
21 "culte". Je voudrais être sûr du sens de ce mot. Vous parlez ici des
22 groupes religieux. Il s'agit de juifs, de musulmans, de catholiques, par
23 exemple, et lorsque vous parlez de culte, il s'agit bien de groupes
24 confessionnels, n'est-ce pas?
25 Réponse: C'est exact.
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1 Question: Vous nous racontez l'histoire d'un conflit survenu en 1737 à
2 Fojnica, page 11 de votre rapport, et vous parlez du comportement des uns
3 et des autres. Alors comment pouvez-vous tirer ce genre de conclusion
4 d'une anecdote comme cette histoire qui s'est passée à Fojnica?
5 Réponse: J'ai décrit cet événement pour donner un exemple à une idée
6 fondamentale. Si cela vous intéresse éventuellement que je vous fournisse
7 une liste de tous les incidents connus à ce moment-là, j'aurais eu à
8 remettre à la Chambre d'instance des volumes assez grands comportant de
9 telles sortes d'incidents car il est du devoir des historiens que de
10 rechercher les événements, les événements qui ont eu lieu dans le passé,
11 et d'en faire une synthèse et surtout d'en sortir le schéma de
12 comportements de caractère général.
13 Question: Les rapports inter-religieux…
14 Je recommence. Vous nous avez des temps médiévaux jusqu'à l'époque
15 contemporaine. Est-ce que votre argument est que les rapports inter-
16 religieux en Bosnie-Herzégovine ou dans l'ex-Yougoslavie dans les années
17 60, 70 et 80 du 20e siècle étaient meilleurs ou pires que dans le reste de
18 l'Europe à la même époque?
19 Réponse: En ce qui concerne ce sujet-là, je me dois de dire que le reste
20 de l'Europe présente un tableau tout à fait différent. Si vous le
21 souhaitez, certes, nous pouvons également faire une comparaison avec
22 l'Etat en Belgique dans les années 60, avec la situation en Irlande du
23 nord vers les années 60, 70 et 80. Mais nous pouvons également faire un
24 parallèle avec la situation qui prévalait au Danemark. C'est comme cela
25 que vous allez pouvoir comprendre tout de suite que des tableaux, que vous
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1 allez vous faire, seront totalement différents.
2 Question: Ainsi donc ces relations étaient si mauvaises et ce, depuis les
3 temps médiévaux. Alors pourquoi durant les années 60, 70 et 80, n'y a-t-il
4 pas eu aussi des conflits ou des incidents permanents?
5 Réponse: D'abord la question que vous venez de me poser contient une
6 inexactitude assez grosse. Entre 1969 et 1971, il y avait un conflit
7 ouvert qui a eu lieu en ex-Yougoslavie et ceci, justement sur la base des
8 sentiments nationaux. C'est un conflit qui justement s'est terminé avec la
9 répression qui a été entreprise de la part de l'Etat et une répression
10 assez grande, brutale. C'est la raison pour laquelle il n'est pas du tout
11 exact qu'au cours de cette période-là, il n'y avait pas de conflit.
12 Deuxièmement, de telles mesures de répression extrêmes angoissaient les
13 gens, terrorisaient les gens et empêchaient un discours public à ce sujet-
14 là.
15 Question: Pendant toute cette époque, Monsieur, vous pourriez peut-être
16 nous rappeler ce qu'était "le printemps croate"? Quand cela s'est-il
17 passé?
18 Réponse: C'est justement à cela que je me référais tout à l'heure.
19 Question: Oui, je voulais m'assurer que nous parlions de la même chose.
20 Alors vous dites que vous avez quitté Sarajevo en 1993. Pouvez-vous nous
21 dire comment vous avez quitté Sarajevo qui, à l'époque, était assiégée?
22 Comment avez-vous pu sortir de la ville et pourquoi?
23 Réponse: Pendant la guerre, j'ai été rédacteur, entre autres choses,
24 c'était une profession que j'exerçais. J'étais rédacteur d'un journal qui
25 a été publié à partir de 1990, et c'est un journal qui était intitulé
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1 "Herceg-Bosna".
2 Question: Cette publication couvrait quel genre de choses, de quoi
3 parlait-on dans les articles que publiait ce journal?
4 Réponse: Il s'agissait d'un hebdomadaire qui publiait des textes comme
5 ceci se fait dans "News Magazine". Moi, j'en étais rédacteur et, c'est un
6 fait, je suis devenu rédacteur au moment où celui qui m'avait précédé
7 quittait Sarajevo. C'est grâce à cela que j'ai pu obtenir l'accréditation
8 des Nations Unies. C'est grâce aux papiers que j'ai obtenus que j'ai été
9 autorisé d'utiliser le transport par avion et c'est de cette manière-là
10 que j'ai pu quitter Sarajevo où il n'était plus possible de continuer une
11 vie de manière civilisée. Voilà, c'est tout.
12 Question: Le nom de ce journal était "Herceg-Bosna". D'où vient ce nom?
13 Réponse: Le nom est issu de la tradition croate et, dans le cadre de cette
14 tradition, depuis le 19e siècle, on utilise pour la Bosnie-Herzégovine
15 également ce terme, cette notion d'Herceg-Bosna. Il faut également
16 préciser, pour une meilleure compréhension, que ce que je viens de
17 constater dans mon rapport d'analyse, que la notion de Bosnie-Herzégovine
18 est une notion politique et géographique depuis 1878. En Allemagne, pour
19 la première fois, on en parle en parlant de cette notion comme de Bosnie
20 et Herzégovine. Avant on n'avait pas du tout, dans l'usage, ce terme.
21 M. Scott (interprétation): Vous avez fait allusion aux accréditations des
22 Nations Unies. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que vous entendez
23 par là?
24 M. le Président (interprétation): Je vous en prie, Maître Krsnik.
25 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, je
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1 ne comprends pas du tout quelles sont les raisons pour lesquelles on pose
2 de telles questions à l'expert. Monsieur Scott utilise son style habituel
3 et il va vers les questions factuelles. Je ne vois pas pourquoi, par
4 exemple, cette Chambre devrait être intéressée à savoir quelles sont les
5 raisons pour lesquelles il a obtenu l'accréditation des Nations Unies. On
6 va peut-être à ce moment-là encore en venir à poser la question de la
7 crédibilité de l'expert, etc. Moi, je pense que l'expert ici, pour une
8 autre raison, je ne sais pas pourquoi, on est intéressé ici, quelles
9 étaient les raisons et dans quelles circonstances il a obtenu
10 l'accréditation des Nations Unies.
11 Je pense que M. Scott, dans le contre-interrogatoire d'ailleurs, doit se
12 tenir à des questions qui doivent être posées à de tels types d'expert.
13 M. le Président (interprétation): A chaque fois qu'un témoin expert
14 dépose, je pense que, lors de votre interrogatoire, Maître Krsnik, vous
15 avez l'autorisation d'interroger ce témoin, de lui poser des questions qui
16 ont trait au contexte historique. Au cours du contre-interrogatoire, bien
17 évidemment, l'accusation a le droit de poser toutes questions qu'elle
18 estime nécessaire et qui découlent directement du rapport.
19 L'accusation est, en outre, habilitée à poser toutes questions au sujet du
20 contexte dans lequel ce témoin expert a travaillé afin de remettre en
21 question ce contexte.
22 Je ne vois pas pourquoi, par conséquent, M. Scott ne peut pas poser ce
23 genre de questions et je vous rappelle également que ce témoin a déjà
24 répondu à ces questions. Ceci est tout à fait conforme à notre façon de
25 procéder.
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1 M. Krsnik (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je suis tout à
2 fait d'accord avec tout ce que vous venez de dire si véritablement on s'y
3 tenait. Mais je voudrais tout simplement éviter la situation que nous
4 avons déjà vécue ici même dans ce prétoire. Je pense que c'est tout à fait
5 au détriment de la défense et c'est une situation que nous avons connue
6 avec le premier expert qui a été ici présent et qui, lors du contre-
7 interrogatoire principal, malheureusement, n'a pas pu aller jusqu'au bout.
8 Je pense à l'expert démographe -Vous devez vous en souvenir, Monsieur le
9 Président- qui a dû déposer sur les questions qui concernent la
10 démographie alors que, lors du contre-interrogatoire -et vous vous
11 souvenez de la situation-, on a posé toute une série de questions qui
12 n'avaient strictement rien à voir avec l'expert en question et n'avaient
13 strictement rien à voir avec le sujet qui était le sien et le livre dont
14 il n'avait absolument aucune connaissance. Et vous savez très bien ce qui
15 s'était passé lors de cette déposition.
16 M. le Président (interprétation): Je prends note de votre intervention. Je
17 jette un coup d'oeil sur le compte rendu d'audience, mais je pense que
18 vous devez nous permettre de poursuivre, d'aller de l'avant.
19 Monsieur Scott, je vous en prie.
20 M. Scott (interprétation): Monsieur le Témoin, dans votre réponse, vous
21 avez expliqué que vous avez pu quitter Sarajevo parce que vous avez réussi
22 à obtenir ce que vous avez vous-même qualifié d'accréditation des Nations
23 Unies. De quel type de documents s'agissait-il?
24 M. Ancic (interprétation): Il ne s'agissait même pas de papiers, il
25 s'agissait tout simplement d'une carte d'identité sous forme plastifiée et
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1 avec laquelle on certifiait que la personne dont le nom figurait sur la
2 carte était journaliste, dont le nom figurait également sur la liste des
3 journalistes des Nations Unies, et qu'elle a le droit de profiter des
4 services, des agences des Nations Unies, entre autres, qu'elle bénéficiait
5 du droit de profiter des avions sous le contrôle des Nations Unies.
6 Question: Au début de l'année 1990, occupiez-vous une fonction, étiez-vous
7 membre du HDZ?
8 Réponse: Non, jamais dans ma vie je n'ai été membre d'aucun parti
9 politique.
10 Question: Au cours de cette même période, avez-vous eu une relation
11 quelconque avec le HVO ou la HV?
12 Réponse: Pendant mon séjour à Sarajevo, à partir de mi-1992, je possédais
13 un livret militaire du HVO qui a été délivré à Sarajevo. Et je me dois
14 d'ajouter un point précis, que, dès le milieu de 1992, il n'y avait plus à
15 Sarajevo un seul homme de ma génération -à cette époque-là, j'avais 35, 36
16 ans- qui n'avait pas un livret militaire. Je n'ai pas fait mon service
17 militaire, car j'avais quelques problèmes de santé, j'avais des maladies
18 chroniques, donc je n'ai pas servi dans l'armée de l'ex-Yougoslavie et
19 j'ai été réformé. C'est la raison pour laquelle ce livret militaire me
20 servait comme une protection, si je peux dire ainsi, pendant les moments
21 de trouble à Sarajevo, mais vous ne l'ignorez pas, qu'à ce moment-là, ça
22 prévalait à Sarajevo comme situation.
23 M. Scott (interprétation): Dans votre curriculum vitae dont nous avons
24 reçu une copie, vous parlez du fait que vous avez été recruté par la
25 faculté d'histoire. Est-ce que depuis 1993 ou 1997 vous avez changé de
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1 fonctions? Quelles sont vos fonctions actuelles?
2 M. Ancic (interprétation): Je pense que j'ai été précis et, en ce qui
3 concerne mon curriculum vitae, il est tout à fait précis. Depuis 1997
4 jusqu'à 1993, j'ai travaillé à l'institut d'histoire de Sarajevo. Depuis,
5 j'ai travaillé à l'institut…
6 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, je pense qu'il y a une
7 erreur dans la transcription car il ne s'agissait pas de 1997, mais de
8 1987 jusqu'à 1993, c'est ce qui doit être consigné dans le transcript.
9 M. le Président (interprétation): Merci.
10 M. Scott (interprétation): La question que j'ai posée était très précise.
11 Quels sont vos fonctions actuelles?
12 M. Ancic (interprétation): Je suis à l'institut de l'Académie des sciences
13 et des arts à Sarajevo.
14 Question: Est-ce qu'il s'agit d'un institut qui relève de la Croatie, de
15 l'Etat de la Croatie?
16 Réponse: Il s'agit d'une institution qui est rattachée à l'Académie des
17 sciences et des arts de Croatie, et l'ensemble du secteur au sein de
18 l'académie, par conséquent l'institut également est financé par la
19 comptabilité publique. Nous sommes un petit Etat -je parle de la Croatie-,
20 en plus un Etat assez pauvre. Il est inimaginable que quelqu'un pourrait
21 faire des recherches et exercer une profession, comme la mienne, sans que
22 ses recherches soient financées par l'Etat, par la comptabilité publique,
23 comme je l'ai dit, car il n'y a aucune autre source par laquelle on
24 pourrait financer une telle activité.
25 M. Scott (interprétation): En quelle qualité êtes-vous en train de faire
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1 une déposition? Est-ce que vous le faites à titre privé, est-ce que vous
2 le faites au nom de votre institut ou au nom de votre gouvernement?
3 Pouvez-vous nous préciser la chose?
4 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik, je vous en prie.
5 M. Krsnik (interprétation): Je ne permets pas que de telles questions
6 soient posées à mon client. Monsieur Scott est allé un peu trop loin, et
7 je vais vous demander, Monsieur le Président, véritablement de lui
8 interdire de poser de telles questions. C'est la défense qui le cite, et
9 ça tout le monde le sait. Monsieur Scott procède toujours de la même
10 manière dans ses contre-interrogatoires, mais je vous en prie Monsieur le
11 Président, ne lui permettez pas de continuer comme ça.
12 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, nous savons quelle est
13 la voie que vous souhaitez emprunter. Toutefois, ce témoin est venu ici en
14 qualité de témoin expert nommé par la défense, par le conseil de la
15 défense. Je vous invite, par conséquent, à reformuler votre question.
16 M. Scott (interprétation): Vous dites que l'institut est financé par
17 l'Etat. Dans votre rapport qui a été publié sous la cote D1/316, est-ce
18 que ce rapport a été financé par le budget de l'Etat?
19 Réponse: Non.
20 Question: Avez-vous reçu une rémunération ou une compensation quelconque
21 pour cette tâche, pour avoir élaboré ce rapport?
22 Réponse: Moi, j'ai déposé une facture au conseil Krsnik pour le travail
23 que j'ai fait, mais c'est quelque chose tout à fait habituel quand il
24 s'agit des rapports d'experts et de la manière dont ils sont remboursés
25 pour le travail et pour ce Tribunal.
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1 Question: Et quand avez-vous élaboré ce rapport?
2 Réponse: J'ai rédigé mon rapport à la fin de 2001, début 2002.
3 Question: Dans le cadre de cette rédaction, avez-vous examiné des volumes
4 importants de documents qui ne sont pas cités dans votre rapport?
5 Réponse: Je me suis référé, pour rédiger mon rapport, à un bon nombre de
6 sources et de types totalement différents.
7 Question: Dans vos notes de bas de page, est-ce que vous avez cité tous
8 les documents sur lesquels vous vous êtes appuyé. J'essaie de comprendre
9 dans quel contexte vous avez travaillé mais, d'une manière générale, est-
10 ce que les Juges de cette Chambre doivent comprendre que vos conclusions
11 reposent sur l'ensemble des sources qui sont citées dans votre rapport de
12 29 pages?
13 Réponse: Je suis historien depuis 20 ans de manière professionnelle. Je
14 dispose d'un très grand nombre de documents, de sources différentes, de
15 provenances différentes et c'est une base pour mes documents personnels et
16 pour les textes que j'écris. C'est donc la base que j'utilise et, dans mes
17 textes, en général, je me réfère à des documents qui sont significatifs
18 dans le cas concret et auxquels je me réfère.
19 Question: Lors de la rédaction de votre rapport, avez-vous reçu des
20 instructions, des ordres de la part d'autres personnes que Me Krsnik et
21 ses collègues?
22 Réponse: Non.
23 Question: Est-il vrai que vous avez également travaillé dans l'affaire
24 Blaskic?
25 Réponse: On m'avait proposé, à cette époque-là, c'était une autre équipe
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1 de conseils qui m'avait proposé d'élaborer un rapport. Je l'ai fait, mais
2 c'est un rapport auquel on ne s'est pas référé.
3 Question: Est-ce que vous avez également été amené à travailler avec
4 l'équipe de défense de Kordic?
5 Réponse: C'est exact. Mon rapport a été versé au dossier de l'affaire
6 Kordic et, si vous analysez attentivement ce rapport, vous allez constater
7 que je me réfère, dans ce rapport, uniquement à des sujets qui concernent
8 l'affaire Kordic.
9 Question: Et le rapport que vous avez remis aux Juges, à savoir le
10 document D1/316, est-il similaire à celui que vous avez élaboré pour
11 l'affaire Kordic?
12 Réponse: Non, ces trois rapports peuvent être examinés comme un ensemble.
13 Il y a des années, bien évidemment, qui les séparent car, moi-même, comme
14 historien, j'ai pris de la maturité au cours de ces années. Et puis, j'ai
15 pu approfondir mes connaissances, mon analyse et ma réflexion et j'ai été
16 en mesure d'examiner, d'analyser la situation sous un autre angle. Je
17 pense vivement qu'un jour, je pourrai rassembler tous ces rapports sous
18 forme d'un livre, mais ce n'est pas, de toute façon, dans l'intérêt de
19 cette Chambre.
20 Question: Une question très concrète: si je vous remets les deux rapports
21 préalablement cités et si j'ajoute ce troisième rapport, pouvez-vous dire
22 que ces trois rapports s'inscrivent dans la même lignée ou est-ce qu'il
23 s'agit de trois rapports fondamentalement distincts?
24 Réponse: Ils ne pourraient pas s'inscrire dans la lignée directe, tout au
25 moins sur le plan substantiel, car ils traitent de manière différente les
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1 sujets qui font l'objet des débats de cette honorable Chambre.
2 Question: Mais vous n'avez pas déposé dans le cadre des affaires Blaskic
3 et Kordic, n'est-il pas?
4 Réponse: En ce qui concerne l'affaire Blaskic, je répète une fois de plus
5 ce que je viens de dire. L'équipe de la défense n'a plus utilisé mes
6 services et ils ne se sont pas référés à mes recherches et aux résultats
7 de mes recherches.
8 Dans l'affaire Kordic, l'équipe de défense a versé au dossier mon rapport
9 et moi, je n'ai pas déposé. Pourquoi? Je n'en sais rien. Il faut
10 s'adresser à l'équipe Kordic.
11 Question: Votre domaine de spécialisation, en ce qui concerne les cours
12 que vous donnez, il s'agit bien, évidemment, de l'époque médiévale?
13 Réponse: Votre question contient une fois de plus quelque chose qui n'est
14 pas exact. L'expertise que j'ai faite et le rapport que j'ai élaboré n'ont
15 rien à voir avec ce que je fais à l'institut et moi, je ne vous paraîtrais
16 pas modeste si je vous dis que je me considère expert en matière
17 d'identité nationale moderne dans le territoire de l'ex-Yougoslavie. Puis,
18 j'ai une autre spécialité dans ma profession, c'est l'histoire médiévale.
19 Question: Dans votre rapport, il semble que vous vous appuyiez largement
20 sur deux hommes dont les noms sont Benedict Anderson et M. Milorad
21 Ekmecic. Est-ce que vous pensez que M. Ekmecic...
22 Réponse: Vous avez mal prononcé, Monsieur. Il ne s'agissait pas de
23 Akmecic. Il s'agissait de Ekmecic.
24 Question: M. Ekmecic est-il fiable? Est-ce qu'on peut parler de source
25 fiable?
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1 Réponse: Je considère que M. Ekmecic est l'un des bons connaisseurs des
2 documents qui peuvent être la source pour analyser les événements de
3 l'ancienne Yougoslavie. Si vous analysez en profondeur mon rapport, vous
4 allez constater que je me suis référé à l'ouvrage de Milorad Ekmecic pour
5 en tirer les faits. Donc c'était une référence factuelle sur les faits.
6 Mon rapport face à l'autorité de Milorad Ekmecic et de Benedict Anderson
7 est totalement différent.
8 Question: Lorsque vous dites que vous vous êtes reposé sur les faits de M.
9 Ekmecic, il s'agit, en fait, de faits que vous avez obtenus de seconde
10 main, de sources secondaires?
11 Réponse: Dans mon rapport, j'ai cité exclusivement des sources secondaires
12 et pour procéder à des recherches -ce qui correspond à autre chose par
13 rapport à l'écriture-, je me suis référé à un bon nombre de premières
14 sources, celles qui étaient à ma disposition. J'ai profité de l'expérience
15 et des documents qui ont été qui ont été rassemblés au cours des vingt
16 dernières années.
17 Question: Vous avez fait allusion au Dr Donia. Est-ce que vous avez eu
18 connaissance ou est-ce que vous avez lu le curriculum vitae de cette
19 personne?
20 Réponse: Oui.
21 M. Scott (interprétation): Peut-être qu'il serait bon de vous montrer ce
22 document. Il s'agit de la pièce à conviction 943. Je vous ai remis toute
23 une liasse de documents; j'espère qu'ainsi vous pourrez retrouver ce
24 document pour pouvoir le consulter. Cela nous permettra de gagner du
25 temps.
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1 M. Krsnik (interprétation) Excusez-moi.
2 M. le Président (interprétation): Je vous en prie.
3 M. Krsnik (interprétation): Si on voulait vraiment économiser du temps,
4 vous auriez pu nous remettre ces documents hier, alors que vous procédez
5 d'une manière pas correcte lors de votre contre-interrogatoire.
6 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik, je ne pense pas que M.
7 Scott ait décidé de l'utiliser jusqu'à ce moment précis; tout dépend des
8 choses qui se disent lors du contre-interrogatoire, mais vous avez fait là
9 une proposition fort utile.
10 M. Scott (interprétation): Depuis hier, nous avons remis toute cette
11 liasse de documents et nous n'avons décidé qu'au moment actuel de
12 présenter ce document au témoin.
13 Il s'agit de la pièce P943.
14 (Intervention de l'huissier.)
15 Vous avez dit n'avoir jamais rencontré M. Donia, n'est-ce pas?
16 M. Ancic (interprétation): Oui, c'est exact.
17 Question: Vous ne lui avez jamais parlé?
18 Réponse: Jamais.
19 Question: Et pour ce qui est des écrits de M. Donia, ses ouvrages, ses
20 articles, ses recensions dont il est question à la pièce P943, vous n'avez
21 jamais vous-même discuté avec lui de la méthodologie qu'il avait
22 appliquée, n'est-ce pas?
23 Réponse: Moi, j'ai lu avec beaucoup d'attention des textes écrits de ce
24 monsieur.
25 Question: Ce n'est pas ce que je voulais dire. Il y a des notes, des
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1 documents de travail lorsque l'on prépare un ouvrage, un livre. Or ce que
2 je voudrais savoir, c'est si vous avez jamais examiné les documents de
3 travail, les notes de travail de M. Donia, et que donc vous ne connaissez
4 pas la méthode qu'il emploie pour préparer ses livres et articles.
5 Réponse: C'est exact.
6 Question: Vous avez dit hier que M. Donia travaillait -parce qu'il
7 travaillait à Merril Lynch à l'époque-… n'était pas en contact avec ce qui
8 s'écrivait à l'époque dans l'ex-Yougoslavie. Alors comment pouvez-vous le
9 savoir?
10 Réponse: C'est tout simplement parce que je vis en lisant tous ces
11 ouvrages, c'est ma vie et pour pouvoir suivre les ouvrages publiés, j'ai
12 besoin de travailler pendant huit heures chaque jour et souvent même je
13 dépasse les huit heures par jour. Il n'y a pas de week-end pour moi, c'est
14 une profession qui l'exige, il n'y a pas de samedi et de dimanche.
15 Question: Alors comment pouvez-vous savoir que M. Donia ne lisait pas,
16 lui, ce qui se faisait en Yougoslavie, comme vous le faisiez? Le fait est
17 que vous ne pouvez le savoir.
18 Réponse: Je ne peux pas l'affirmer, certes, je ne peux pas dire que je le
19 sais, mais je vous en prie, Monsieur le Président, est-ce que je peux
20 terminer ma phrase, s'il vous plaît?
21 Mais il y a quand même un doute raisonnable qui se pose, car c'est un
22 homme qui travaille pour un fonds d'investissement tous les jours, dix
23 heures, donc à plein temps, qui doit se rendre à son poste de travail,
24 retourner de son poste de travail, qui a une famille. Comment pourrait-il
25 être en condition physique pour travailler entre trois et quatre heures
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1 par jour pour rester en contact, uniquement en contact pour suivre la
2 littérature, mais rester en contact avec la littérature.
3 Question: Vous avez prêté ici serment de dire toute la vérité et vous
4 faites cette affirmation téméraire comme quoi M. Donia ne lisait pas ce
5 qu'il se fait sur l'ex-Yougoslavie, sans avoir de base pour ce faire.
6 Réponse: Je n'ai pas dit qu'il ne lit pas, ce n'est pas ce que j'ai dit.
7 Question: Et à la lecture du CV de M. Donia, il apparaît que M. Donia
8 publie beaucoup de choses.
9 Réponse: Est-ce qu'on va se référer aux dates, s'il vous plaît, de ses
10 publications?
11 Question: Pourquoi pensez-vous, vous, en tant que médiéviste et expert,
12 que vous soyez mieux qualifié, plus qualifié que M. Donia pour exprimer un
13 avis sur ce qui s'est passé en Bosnie-Herzégovine dans les années 90?
14 Réponse: Je répète une fois de plus ce que j'ai dit tout à l'heure: je ne
15 suis pas uniquement expert pour l'histoire médiévale. Je ne pense pas que
16 j'aie une meilleure qualification par rapport au Dr Donia. J'ai tout
17 simplement attiré l'attention sur un certain nombre de faits qui
18 concernent M. Donia, qui peut mettre en question la crédibilité du Dr
19 Donia, tout comme d'ailleurs vous le faites en ce qui concerne ma
20 crédibilité.
21 Question: Si on ne peut faire confiance à M. Donia, en tant que sources,
22 pourquoi est-ce que vous le citez en plusieurs endroits de votre rapport?
23 Réponse: Hier, lors de ma déposition, j'ai été tout à fait précis. J'ai
24 dit qu'en lisant les textes du Dr Donia, j'ai vu ou j'ai compris, j'ai
25 reconnu les deux visages d'un historien, et j'ai attiré l'attention sur
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1 son livre qui est intitulé "L'islam sous le signe de l'Aigle bicéphale".
2 Je pense que c'est un très bon livre.
3 Question: Est-ce que vous avez jamais été membre ou actif dans une
4 association qui serait un groupe de défense des droits de l'homme?
5 Réponse: Non.
6 M. Scott (interprétation): Est-ce que vous avez participé à une
7 publication qui s'appelait "Nettoyage ethnique des Croates en Bosnie-
8 Herzégovine, 1991-1993" et avez-vous été remercié pour votre participation
9 avec d'autres gens, tels que Marko Rados, Ivan Bagaric, Jozo Maric et un
10 certain nombre d'autres? Quelle est votre contribution à cette
11 publication?
12 M. Krsnik (interprétation): Si l'on parle d'une publication, alors je
13 pense qu'il serait correct de montrer au témoin ce document au lieu de
14 parler comme cela.
15 M. Ancic (interprétation): Oui, j'aimerais bien voir le document que vous
16 venez de citer.
17 M. Scott (interprétation): Avant cela, est-ce que vous vous souvenez avoir
18 participé à cette publication?
19 M. Ancic (interprétation): Non, je ne m'en souviens pas.
20 M. Scott (interprétation): Je voudrais, avec l'assistance du Greffier,
21 montrer ceci au témoin. Je ne pensais pas que le témoin aurait oublié
22 l'existence de ce document, je n'ai pas donc pas préparé d'autres
23 exemplaires.
24 Je demanderai au Greffier de donner une cote à cet exemplaire.
25 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, je pense que nous
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1 sommes, une fois de plus, dans une situation peu confortable.
2 Premièrement, il y a un exemple: la défense ne peut même pas consulter les
3 textes. Je ne sais pas de quoi il s'agit, je ne sais même pas si cela a
4 été traduit. Je n'ai aucune idée de ce dont il s'agit. Je ne sais pas ce
5 que nous pouvons faire avec le document en question, si jamais la Chambre
6 accepte que l'on se réfère à ce document.
7 M. Ancic (interprétation): Monsieur le Président, est-ce que je peux voir
8 ce document, s'il vous plaît?
9 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, pourrait-on en savoir un
10 peu plus sur cette publication? Cet article a-t-il été traduit? A-t-il été
11 publié? Où l'avez-vous trouvé? Un peu plus de renseignements, s'il vous
12 plaît.
13 M. Scott (interprétation): Il s'agit, Monsieur le Président, d'une
14 publication qui s'intitule "Nettoyage ethnique des Croates en Bosnie-
15 Herzégovine, 1991-1993", publiée à Mostar en août 1993. Il y a une
16 introduction écrite par Mate Boban qui est datée du mois d'août, du 25
17 août 1993. Il s'agit d'une publication de la présidence de la Communauté
18 croate d'Herceg-Bosna et l'exemplaire que j'ai n'est évidemment pas
19 l'original. J'imagine que l'original a été publié en croate. Je n'en
20 dispose pas et, très franchement, je suis surpris que cela soit un
21 problème. J'aurais cru que le témoin allait se souvenir immédiatement
22 d'avoir participé à cette publication.
23 M. le Président (interprétation): Vous êtes autorisé à montrer ce document
24 au témoin et je vous invite instamment à nous en fournir aussi un
25 exemplaire.
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1 Mme Thompson (interprétation): La cote du document est P960.
2 M. Scott (interprétation): Je voudrais terminer sur ce point, Monsieur le
3 Président, si vous me le permettez. Après quoi, il sera temps de faire la
4 pause.
5 M. Ancic (interprétation): Monsieur le Président, je peux vous répondre
6 tout de suite car, au moment où M. le Procureur avait décrit de quoi il
7 s'agissait, moi, je m'en suis souvenu. Effectivement, je me souviens très
8 bien qu'il y a une telle publication, mais moi je ne suis pas l'auteur, en
9 aucune manière, de ce texte, de cette publication. Pour votre information,
10 c'est une publication qui est traduite en langue anglaise.
11 M. Scott (interprétation): Oui, c'est ce que nous avons entre les mains et
12 qui porte la cote P960. Ne pensez-vous pas que, dans votre CV, il aurait
13 fallu indiquer que vous avez participé à cette publication?
14 M. le Président (interprétation): Je crois que le témoin n'a pas répondu à
15 votre première question, à savoir quelle a été la contribution du témoin à
16 cette publication.
17 Maître Krsnik, vous voulez dire quelque chose?
18 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, le témoin, depuis cinq
19 minutes, dit qu'il n'a pas été auteur, qu'il n'a pas contribué à la
20 réalisation de ces publications. Je ne sais plus comment m'y prendre, mais
21 il a tout de suite donné la réponse.
22 M. Ancic (interprétation): Monsieur le Président…
23 M. le Président (interprétation): Dans l'article, il est dit, il est
24 mentionné, on remercie plutôt le témoin pour sa contribution à cet
25 article. Et donc l'accusation a posé au témoin la question de savoir
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1 quelle avait été la contribution du témoin à cette publication. C'est une
2 question qui est très logique et nous attendons une réponse du témoin à
3 cette question.
4 Monsieur le Témoin, je vous en prie, répondez.
5 M. Ancic (interprétation): Quelle est ma contribution dans cette
6 publication? Il faudrait plutôt s'adresser aux auteurs de cette
7 publication. Il est vrai que mon nom y figure, mais il y a une trentaine
8 d'autres noms auxquels on se réfère et que l'on cite. Moi, je connais un
9 des auteurs de la publication, je ne dis pas le contraire. Mais ce que Mme
10 Vesna Ivanovic avait considéré comme ma propre contribution, il faudrait
11 s'adresser à elle, il faudrait lui poser la question.
12 M. Scott (interprétation): Vous êtes en train de dire aux Juges et ce,
13 sous serment que vous ne savez pas pourquoi on vous a remercié?
14 M. Ancic (interprétation): Non.
15 Question: Pouvez-vous nous dire -et ce sera la dernière question, je
16 pense, avant la pause- si vous avez écrit, contribué à une publication
17 concernant les crimes de guerre qui auraient été accomplis, commis par des
18 Croates de Bosnie contre des Musulmans?
19 Réponse: Non.
20 Question: Je vous remercie.
21 J'en terminerai là si vous le voulez bien, Monsieur le Président.
22 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Nous reprendrons à 10
23 heures 45.
24 (L'audience, suspendue à 10 heures 15, est reprise à 10 heures 50.)
25 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, voulez-vous poursuivre.
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1 M. Scott (interprétation): Monsieur, dans votre rapport -cela a peut-être
2 été déjà dit hier, mais je n'en suis pas entièrement sûr-, on trouve
3 l'expression "sécession interne". Et vous dites que c'est quelqu'un
4 d'autre qui a utilisé cette expression pour la première fois, que c'est M.
5 Donia qui a utilisé cette expression pour la première fois. Mais vous,
6 qu'entendez-vous par cette expression?
7 M. Ancic (interprétation): Ce n'est pas moi qui ai inventé ce terme. Je
8 l'ai trouvé dans le texte -et je vais le répéter une fois de plus- du
9 professeur de sciences politiques de l'Europe centrale. Il enseigne à
10 l'université de Budapest. Il s'appelle Daniele Conversini. On parle de la
11 sécession interne, et selon l'interprétation de ce professeur, il faut
12 comprendre, sous cette notion, la séparation d'un certain nombre de partis
13 de territoire de l'ex-Yougoslavie pour les annexer à la Serbie et au
14 Monténégro.
15 Et en effet, on crée l'impression que la Slovénie, ensuite la Croatie,
16 avaient essayé de faire sécession par rapport à la Yougoslavie. Et en
17 affirmant, en corroborant la conclusion de Conversini, moi, j'ai cité dans
18 mon texte ce terme, et j'ai même cité une information quotidienne du
19 membre de la présidence de Yougoslavie de l'époque qui vient de Serbie et
20 dont le nom est Borislav Jovic et qui corrobore de manière tout à fait
21 directe, si l'on peut faire confiance à cette déclaration, corrobore la
22 conclusion de Conversini.
23 Je ne sais pas si Conversini était au courant de cette déclaration et de
24 ce texte qui provient, comme je l'ai dit, du membre de la présidence de
25 Yougoslavie. Mais s'il ne le savait pas, s'il ne l'a pas cité, de toute
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1 façon il l'avait utilisé. C'est la raison pour laquelle, moi, également,
2 je me suis référé à ce terme et je l'ai cité dans ce texte. Je pensais que
3 c'était utile d'attirer l'attention sur ce point qui me paraissait fort
4 important et qui provient de mon confrère, de mon confrère que je
5 respecte.
6 Question: En dehors de l'histoire médiévale que vous abordez dans votre
7 rapport, Monsieur, il y a deux points essentiels qui apparaissent, à
8 savoir que les Serbes ont commencé la guerre et qu'à cet égard, le
9 comportement des Serbes a été pire que celui des Croates et des Musulmans?
10 Réponse: Généralement parlant, oui.
11 Question: Et à supposer que vos observations soient vraies, à supposer que
12 les Serbes aient commencé la guerre et se soient comportés de manière pire
13 que les autres parties, diriez-vous que cela aide à la défense de
14 l'accusé, de M. Naletilic, et que cela contredit la thèse de l'accusation?
15 Réponse: Je me dois de reconnaître que je suis très, très difficilement la
16 question que vous venez de poser. Moi, je ne connais pas, dans la
17 totalité, l'Acte d'accusation, et je ne connais certainement pas la
18 stratégie qui est la vôtre, mais je ne connais pas la stratégie non plus
19 de la défense. Moi, j'ai ma profession et dans le cadre de ma profession,
20 je suis guidé par ma conscience professionnelle, c'est comme cela que je
21 peux en parler. J'ai un certain nombre de connaissances, donc, je me suis
22 appuyé sur mes connaissances.
23 Question: Je vais poser ma question différemment. A supposer toujours que
24 vos deux observations soient vraies -et je ne polémique pas avec vous sur
25 ce point pour l'instant-, est-ce que le fait que les Serbes aient commencé
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1 ou l'aient fait à une échelle plus large que les Croates ou les Musulmans
2 réduit la gravité des crimes commis par les Croates ou les Bosniens?
3 Réponse: La gravité d'un crime ne peut certainement pas être diminuée, de
4 quelque crime qu'il s'agisse. La question se pose du contexte et du
5 contexte dans le cadre duquel un crime a été commis.
6 Question: Quand vous parlez de l'armée bosnienne, dans votre texte on
7 trouve l'expression "BH armée", l'armée de la Bosnie-Herzégovine, pourquoi
8 employer ces guillemets?
9 Réponse: J'ai employé ces guillemets pour une simple raison, par
10 différence à deux autres armées qui avaient utilisé des désignations
11 nationales pour s'identifier en tant que telles. L'armée musulmane,
12 l'armée bosnienne a utilisé une désignation qui n'impliquait pas son
13 caractère exclusif du point de vue ethnique comme elle l'était.
14 Question: A la page 16 de votre rapport, vous utilisez l'expression
15 "nationalisme antidémocratique". Alors, qu'entendiez-vous par cette
16 expression?
17 Réponse: Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît, une fois de plus, me
18 référer au contexte parce que les pages en version anglaise et en croate
19 ne sont pas les mêmes?
20 Question: Oui, je vais vous aider. Il s'agit du terme "nationalisme
21 antidémocratique" qui fait ensuite l'objet de notes en bas de pages 41 et
22 42. Cela vous aidera à situer la citation dans le texte. Vous parlez du
23 nationalisme serbe et vous reprenez une citation de quelqu'un d'autre qui
24 qualifie ce nationalisme de "nationalisme antidémocratique". Ce que je me
25 demande, c'est ce que veut dire "nationalisme antidémocratique" par
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1 opposition au bon vieux nationalisme que l'on connaît.
2 Réponse: Il s'agit d'une notion que j'ai reprise d'un historien hongrois,
3 Istvan Bibo. Il y a toute une série de notions qu'il utilise et moi, je
4 m'y suis référé. Il y a, par exemple, également "l'insécurité", des
5 "contacts nationaux", ensuite "une peur existentielle pour la communauté",
6 ensuite le "nationalisme antidémocratique". Ce sont des termes que l'on
7 utilise pour décrire un type de culture politique qui existe d'après
8 Istvan Bibo en Europe de l'Est et en Europe centrale et date du milieu du
9 20e siècle.
10 Question: Je dois reconnaître que je comprends ce que vous dites, je
11 comprends vos mots, vos paroles, mais je ne comprends toujours pas ce que
12 veut dire "nationalisme antidémocratique" de manière plus précise. Vous
13 avez donné la source, vous nous dites qui est M. Bibo, mais que veut dire
14 de façon précise cette notion de nationalisme antidémocratique?
15 Réponse: D'après l'interprétation de M. Bibo, il est possible que le
16 nationalisme prenne une forme démocratique et c'est comme cela qu'il
17 conçoit le nationalisme dans la plupart des pays de l'Europe occidentale.
18 Et puis, il lui semble que, dans le monde qu'il connaît et où il vit, il
19 concerne que le nationalisme est antidémocratique, il n'a pas donc ce
20 signe qu'il a en Europe occidentale.
21 Question: Peut-être que ces différents éléments vont resurgir un peu plus
22 loin. A la page 17 du rapport, vous dites à peu près à la hauteur de la
23 note en bas de la page 47, au milieu de la page de la version anglaise,
24 vous dites donc que "pour les Croates, cette même 'Yougoslavie' est
25 rapidement devenue une sorte de 'prison'. Ceci doit être mis en rapport
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1 avec l'organisation politique centralisatrice du pays et la position
2 privilégiée que les Serbes y occupaient". (Fin de citation.)
3 Vous dites que, pour les Croates, la Yougoslavie est devenue une sorte de
4 prison; comment cela?
5 Réponse: Je viens de citer à cet endroit-là, quelqu'un qui a la plus
6 grande autorité sur cette question; je cite Ivo Banac, c'est son ouvrage
7 clef. J'essaie de décrire également le tableau de la Yougoslavie et
8 surtout du point de vue de ceux qui se considèrent Croates, parce que les
9 Croates pensent simplement qu'ils n'ont pas les mêmes chances, les chances
10 d'égal à égal pour vivre dans une telle société. Si vous n'avez pas de
11 telles chances dans une société, dans votre conception, il s'agit d'une
12 espèce de prison.
13 Question: Est-ce que les Bosniens ou Musulmans, sur le territoire
14 revendiqué par l'Herceg-Bosna, pourraient considérer l'Herceg-Bosna comme
15 une prison pour eux-mêmes?
16 Réponse: C'est fort probable, tout comme les Croates se sentaient en
17 quelque sorte en prison dans les territoires qui ont été contrôlés par les
18 autorités de Sarajevo et par l'armée de Bosnie-Herzégovine et, comme
19 d'ailleurs les Croates et les Musulmans se sentaient dans les territoires
20 qui ont été contrôlés par les Serbes. Ils se considéraient comme dans une
21 prison.
22 Question: Excusez-moi, je pensais que vous aviez terminé.
23 Suite à cette explication, la réponse à ma question est affirmative. Vous
24 pouvez admettre que la plupart des Musulmans résidant dans le territoire
25 réclamé par Herceg-Bosna avaient l'impression que Herceg-Bosna, pour eux,
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1 était une prison, n'est-ce pas?
2 Réponse: Je ne peux pas vous répondre et vous donner une réponse directe à
3 cette question-là. Je ne peux pas affirmer qu'ils avaient véritablement ce
4 sentiment-là. Mais en principe, si on parle des options ethniques, de
5 manière tout à fait sélective, ils auraient pu se sentir comme cela.
6 Question: A la même page, vous parlez de mobilisation de masse. Ce terme
7 apparaît entre votre note de bas de page, 46 et 47. Vous faites allusion,
8 là, à la situation qui prévalait à l'époque. Quel est le sens à donner au
9 terme "mobilisation politique de masse"?
10 Réponse: En ce qui concerne la "mobilisation politique de masse", il
11 s'agit d'une forme de l'action politique qui est typique pour les sociétés
12 modernes dans le cadre d'une telle action politique. Il y a un rapport qui
13 s'établit entre l'élite politique et la population, la masse. Et c'est
14 dans le cadre de ce rapport que vous avez un segment, une zone de
15 l'activité politique, et l'élite politique écoute les demandes et les
16 opinions des masses, et de manière indirecte l'influence, et utilise cette
17 population pour aboutir aux objectifs politiques.
18 Question: Est-ce que vous pourriez peut-être donner deux exemples concrets
19 de cette mobilisation politique de masse? Comment est-ce que ces masses
20 ont été mobilisées sur le plan politique en Bosnie-Herzégovine?
21 Réponse: Par exemple, à titre d'illustration, je peux vous citer un
22 exemple de mobilisation politique de masse. Je vais vous citer le meurtre
23 qui a été commis à l'encontre de quelqu'un qui avait participé à un
24 mariage dans la vieille ville de Sarajevo. Il s'agissait du mois de mars
25 1992. Il s'agissait d'un mariage, d'un mariage de deux Serbes. Et leur
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1 mariage a été célébré à l'église orthodoxe à Sarajevo. Il y a un incident
2 qui s'est produit. Il y avait un Serbe qui a participé au mariage qui a
3 été tué. Et en utilisant les mass media, les journaux, la radio et la
4 télévision, on a créé l'impression dans le cadre duquel on avait dit que
5 la personne AA ne tue pas la personne AB ou BB, mais toute entité des
6 Musulmans tire sur l'autre entité qui s'appelle des Serbes. C'est
7 l'exemple classique pour comprendre la manière dont on génère la
8 mobilisation de masse.
9 Question: Quel est le lien qu'il y a entre la mobilisation politique de
10 masse avec l'utilisation de la culture, de la religion, etc.?
11 Réponse: Les éléments de nature culturelle dans de telles circonstances
12 politiques sont, en effet, un signe de l'appartenance à la communauté.
13 C'est un signe que l'on donne autour de soi-même, et c'est de cette
14 manière-là que vous marquez le fait que vous appartenez à une communauté
15 bien donnée.
16 Question: A cet égard, serait-il juste de dire -et je vous prie de bien
17 vouloir faire preuve de patience-, de dire que la ferveur nationale peut
18 être stimulée en promouvant un groupe qui a les mêmes héros, les mêmes
19 principes, les mêmes valeurs, et que ceci est une façon de dénigrer ou de
20 rendre moins légitime l'autre groupe? Est-ce que vous pouvez partager mon
21 point de vue?
22 Réponse: Oui, il s'agit d'une autre façon dont il est possible d'agir, et
23 vous avez raison, là.
24 Question: Et est-il exact de dire que certaines choses peuvent être faites
25 pour développer la ferveur nationale d'un groupe, peut-être en renforçant
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1 l'identité de ce groupe, sans pour autant attaquer explicitement l'autre
2 groupe, n'est-ce pas exact?
3 Réponse: Le choix de tels comportements, s'il y a lieu de choix, dépend du
4 contexte social dans le cadre duquel de tels événements ont lieu. Dans un
5 certain nombre de milieux sociaux, c'est possible, mais dans d'autres,
6 non.
7 Question: Dans le cadre de votre tâche -vous nous avez dit hier que votre
8 cadre de travail est très large-, avez-vous rencontré les deux noms
9 suivants: Jure Francetic et, l'autre, Rafi Boban?
10 Réponse: Oui, je me souviens.
11 Question: Et pouvez-vous nous dire qui est Jure Francetic?
12 J'appelle l'attention des Juges de la première instance sur la pièce à
13 conviction 830.2.
14 (Intervention de la Greffière.)
15 Vous devriez avoir l'original de ce document croate. Il s'agit d'un livre
16 qui est intitulé "Qui est qui". Est-ce que vous pourriez nous préciser de
17 qui il s'agit lorsqu'il est fait référence au NDH?
18 Réponse: Le NDH, l'Etat indépendant croate est un Etat qui a été mis en
19 place une fois que l'armée allemande et après l'armée italienne avaient
20 occupé l'ex-Yougoslavie, l'ancienne Yougoslavie. Sous le haut patronage de
21 l'Allemagne et de l'Italie, on a créé, sur le territoire de l'ex-royaume
22 de Yougoslavie, toute une série d'Etats et d'entités différentes, entre
23 autres, c'était le NDH.
24 Question: Je vous remercie, mais est-ce que vous pourriez me donner
25 l'acronyme total?
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1 Réponse: Il s'agit de l'Etat indépendant croate.
2 M. Scott (interprétation): A quelle période cet acronyme a-t-il été
3 utilisé?
4 M. Ancic (interprétation): Entre 1941 et 1945.
5 M. le Président (interprétation): Monsieur Krsnik, je vous en prie?
6 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,
7 pourrai-je demander ce que cela a à voir avec notre affaire, avec
8 l'expertise, avec le témoignage de notre expert? Pourquoi avons-nous
9 maintenant à nous occuper de la Croatie et de son rôle pendant la Deuxième
10 Guerre mondiale? Vous allez vous souvenir que M. le Procureur a essayé de
11 faire exactement la même chose en passant par le biais d'un autre témoin,
12 vous ne l'avez pas accepté pour le versement au dossier.
13 C'est la deuxième fois que nous voyons le même texte que l'on a voulu
14 verser au dossier en passant par le biais d'un autre témoin.
15 M. le Président (interprétation): Je vous invite à expliciter la
16 pertinence de votre question.
17 M. Scott (interprétation): En fait, il y a un lien direct avec les propos
18 qui ont été prononcés par le témoin depuis ces deux derniers jours. La
19 Chambre lui a permis de faire une déposition sur toute une gamme de
20 questions. Il a parlé de nationalisme, d'utilisation de symbolismes,
21 d'utilisation ou de référence à des héros communs pour créer
22 l'identification de groupe. Il a, notamment, fait allusion à une chanson
23 qui est la chanson type des Musulmans qui étaient censés chanter cette
24 chanson; il s'agissait de la chanson du HVO. Ce témoin peut nous expliquer
25 exactement de quoi il s'agissait.
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1 M. Krsnik (interprétation): Mais c'est comme cela que M. le Procureur
2 aurait pu poser la question. De toute façon, cette chanson que nous avons
3 même traduite, vous ne vouliez pas, Monsieur le Président, l'accepter,
4 cette chanson que l'on a appelée "Jure et Boban". Et cela, c'est bien
5 marqué dans les documents du Bureau du Procureur que nous avons reçus. Il
6 est bien marqué que cette chanson n'a pas été acceptée comme pièce à
7 conviction. Vous avez pensé que ce n'était pas une pièce à conviction
8 pertinente. Moi, d'ailleurs, je ne vois même pas où est la pertinence des
9 questions qui viennent d'être posées par le M. le Procureur et le rôle de
10 la Croatie au cours de la Deuxième Guerre mondiale.
11 Et d'un autre côté, le Procureur ne peut pas prétendre que cette chanson
12 populaire ou je ne sais pas, de toute façon, l'historien vous le dira, on
13 ne peut pas confirmer qu'il s'agissait de l'hymne du HVO parce que l'hymne
14 du HVO a été publié. Je suis sûr que le Procureur sait très bien quel est
15 l'hymne du HVO. Ce n'était certainement pas cette chanson à laquelle on se
16 réfère.
17 M. le Président (interprétation): Il me semble que vous parlez ici de deux
18 choses distinctes. La première question est le fait que certains documents
19 soient versés. L'autre question est une question générale que le Procureur
20 va poser.
21 Monsieur Scott, je vous invite à poser votre question. Nous pensons que
22 les Juges aimeraient savoir comment cette personnalité historique a un
23 lien quelconque avec cette personne.
24 M. Scott (interprétation): Je vous remercie. J'aimerais faire marche
25 arrière et vous donner certains éléments supplémentaires. Je vous ai
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1 demandé qui étaient les deux personnes, Jure Francetic et Rafael Boban,
2 est-ce que vous connaissez ces deux personnes? Et vous avez répondu par
3 l'affirmative.
4 Nous allons commencer par M. Francetic. J'aimerais avoir quelques
5 renseignements à son égard. De qui s'agissait-il?
6 M. Ancic (interprétation): Il a été officier de l'armée qui s'appelait
7 l'Etat indépendant croate, NDH.
8 M. Scott (interprétation): Dans cette publication, il est décrit comme un
9 général oustachi; est-ce exact?
10 Il s'agit de la pièce à conviction 830.2.
11 M. Ancic (interprétation): "Ustaski krilnik" veut dire ce que je viens de
12 dire: officier de l'armée.
13 Question: Je regarde l'original de la version en croate, et à la page 118,
14 vous dites que la lettre U apparaît systématiquement de façon bien claire?
15 Réponse: C'est exact et, excusez-moi, j'aimerais terminer. On voit très
16 clairement qu'il porte l'uniforme militaire. Par conséquent, c'est un
17 officier, un officier de l'armée.
18 Question: Evidemment. Et est-ce que vous pouvez nous donner davantage
19 d'informations au sujet de Rafael Boban?
20 Réponse: Lui, également, il a été officier de l'armée qui était désignée
21 comme l'Etat croate indépendant ou NDH.
22 Question: Et il était une fois de plus considéré comme étant commandant
23 oustachi; est-ce exact?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Est-ce que M. Boban et M. Francetic étaient connus pour
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1 participer à des activités très extrémistes?
2 Il s'agit de la pièce à conviction n°830.2?
3 Est-ce exact?
4 Réponse: C'est exact.
5 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, l'accusation… et compte
6 tenu du compte rendu d'audience qui a été élaboré par la défense et qui
7 porte la cote D1/277, je propose de montrer la pièce à conviction P945. Il
8 s'agit d'un enregistrement du chant.
9 M. le Président (interprétation): Disposons-nous de la traduction?
10 M. Scott (interprétation): Oui, il y a une version en langue croate, et
11 vous devriez également disposer d'une copie en langue anglaise. Il s'agit
12 du document qui suit immédiatement la pièce à conviction 830.2.
13 (Intervention de l'huissier.)
14 Je demande par conséquent à la régie de bien vouloir lancer
15 l'enregistrement du chant. Il s'agit de la pièce à conviction D945.
16 (Diffusion du chant.)
17 La chanson est intitulée "Jure et Boban". Le premier vers, c'est: "Voilà
18 l'aurore, voilà le jour, voilà Jure et Boban qui viennent nous aider."
19 (Fin de la diffusion.)
20 Je propose à présent d'aller de l'avant. Vous dites dans votre rapport que
21 le groupe serbe dans l'ancienne Yougoslavie avait lancé la guerre, qui est
22 devenue une guerre de territoires, la conquête de territoires, et qu'elle
23 avait procédé à plusieurs activités dans ce sens; est-ce exact?
24 Réponse: C'est exact.
25 Question: N'est-il pas vrai, Monsieur le Témoin, que, comme je l'ai dit il
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1 y a un instant, on ne peut peut-être pas parler de cas identiques, mais
2 n'est-il pas vrai que le HVO et le HDZ ont mené une même campagne en ce
3 qui concerne le projet intitulé "Herceg-Bosna"?
4 Réponse: Ce matin, je vous ai remercié de m'avoir justement poussé à
5 relire mon texte, ce que j'ai fait hier soir. Et je l'ai lu d'une façon
6 différente. J'ai pu même conclure quelque chose que je n'ai pas
7 véritablement ressenti au moment où je l'ai rédigé.
8 Ma conclusion serait la suivante: les dirigeants politiques au sommet du
9 HDZ , en Bosnie-Herzégovine, probablement sous la pression de la haute
10 direction de Zagreb, ont, en effet, préservé le territoire de Bosnie-
11 Herzégovine en agissant comme ils avaient agi, malgré une pression que
12 l'on a pu ressentir et qui venait d'en bas pour annexer cette partie du
13 territoire habité majoritairement par les Croates avec l'Etat de Croatie.
14 D'ailleurs, on peut conclure, de manière tout à fait claire, de mon
15 rapport qu'il y avait une volonté politique de masse qui s'orientait vers
16 une redéfinition des frontières alors que l'élite politique, par son
17 action, par la manipulation, avait réussi à canaliser cette demande de
18 manière à imposer aux Croates de rester en Bosnie-Herzégovine.
19 Il y a des symboles, mais il y a quelque chose également que l'on appelle
20 l'image que l'on se fait au niveau du monde. C'est à ce niveau-là que les
21 dirigeants politiques ont véritablement réussi à maintenir, dans l'esprit
22 de l'opinion publique mondiale, l'image de la Bosnie-Herzégovine. Ceci,
23 dans tous les documents officiels, vous pouvez le constater, que ce soit
24 la carte d'identité, que ce soient les livrets militaires. Certes que pour
25 quelqu'un, un homme simple, l'homme de la rue, c'est très important parce
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1 que, partout, il y avait des symboles et des signes de Bosnie-Herzégovine,
2 sur tous les documents, comme je l'ai dit. Tout le monde a donc pu
3 maintenir cette image en lui-même de la Bosnie-Herzégovine, dans son
4 ensemble.
5 Et si vous en avez besoin -hier, par exemple, je me suis penché un petit
6 peu là-dessus-, je peux vous citer plein d'autres exemples. Si je vous
7 cite un certain nombre de phrases que vous avez citées hier, mais dans le
8 contexte, alors vous verrez et vous-mêmes vous allez pouvoir conclure ce
9 que moi, j'ai conclu.
10 Certes, vous utilisez une stratégie qui n'est pas inhabituelle. Vous
11 prenez des parties d'une entité, vous faites votre puzzle et vous essayez
12 de prouver votre propre thèse. Mais je pense qu'ici, dans le cas concret,
13 malheureusement, cela ne vous réussit pas.
14 M. Scott (interprétation): Merci. Merci pour ce commentaire. Le rapport
15 est entre les mains des Juges et chacun peut tirer sa propre conclusion.
16 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik?
17 M. Krsnik (interprétation): Après la cassette que nous avons vue, j'ai
18 essayé de voir quelle est la pertinence. Puis, je m'attendais également à
19 un certain nombre de questions que le Procureur allait poser. Je pense
20 qu'il serait correct, vis-à-vis de la défense et vis-à-vis de la Chambre
21 également, que l'on puisse donner la date, l'année, de nous dire quelque
22 chose: qui avait enregistré cette cassette, à quel moment. On aurait pu
23 enregistrer la cassette hier, dans la cour de ma maison, dans mon jardin.
24 M. le Président (interprétation): Je croyais que vous aviez déjà passé ce
25 stade.
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1 M. Krsnik (interprétation): Entendu, mais je pense que cela aurait été
2 correct. C'est la moindre des choses que d'avoir un certain nombre de
3 données qui concernent cette cassette, mais cela ne fait rien, Monsieur le
4 Président, laissons cela de côté.
5 M. le Président (interprétation): L'accusation donnera ces détails à
6 l'avenir pour d'autres pièces.
7 Vous pouvez continuer, Monsieur Scott.
8 Mme Clark (interprétation): Je voudrais dire une chose. J'ai parfois été
9 un peu cruelle vis-à-vis de l'accusation en lui disant que nous n'étions
10 pas des enfants et qu'il n'était pas nécessaire de tout nous dire.
11 M. Krsnik (interprétation): Certes, Madame la Juge.
12 M. Scott (interprétation): Avant de poursuivre, Monsieur le Président,
13 étant donné les échanges de ces quelques dernières minutes, je voudrais
14 expliquer que le chant vous a été joué pour lui-même, pour que la Chambre
15 puisse entendre pour la première fois ce chant. Et je n'ai pas entendu
16 d'objection à ce que l'on joue ce chant, et à ce que la transcription
17 fournie par la défense soit versée au dossier, comme quoi la transcription
18 donnée par la défense n'était pas exacte, pièce D1277, il semble. Ce chant
19 existe. Que la transcription qui a été fournie soit exacte, c'est cela qui
20 nous intéresse.
21 M. le Président (interprétation): Il y a là une question de recevabilité
22 des pièces qui sera réglée à un stade ultérieur.
23 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Scott.
24 M. Scott (interprétation): Depuis hier, nous parlons de votre rapport, et
25 vous avez dit que beaucoup de Croates de Bosnie qui se reconnaissaient
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1 dans le HDZ et dans le HVO s'identifiaient à la notion d'"Etat national
2 mère". Une expression dont on a déjà parlé hier, et qui liait leur avenir
3 non à la Bosnie-Herzégovine mais à cet "Etat national mère", dans l'espoir
4 donc que l'Herceg-Bosna devienne un jour partie intégrante de la Croatie.
5 N'est-ce pas comme cela que cela s'est passé?
6 M. Ancic (interprétation): Je n'en suis pas sûr. Je ne suis absolument pas
7 sûr que votre affirmation soit exacte. Comment tout un chacun vivait la
8 création d'Herceg-Bosna, c'est très difficile d'en parler aujourd'hui et
9 surtout d'en être sûr. Ce que nous savons, c'est qu'il y a juste un
10 programme qui a été rédigé et qui concernait la création de l'entité
11 Herceg-Bosna.
12 Dans ce programme, on avait justement bien stipulé de manière tout à fait
13 explicite que c'était un Etat provisionnel, une entité provisionnelle en
14 attendant la solution définitive de Bosnie-Herzégovine.
15 Sinon, dire maintenant ce que l'on s'attendait en 1991, 1992, 1993 ou
16 1994, c'est très difficile de le dire maintenant. Nous n'avons pas
17 d'arguments. On aurait pu s'attendre à n'importe quoi, c'est vrai, c'est
18 l'histoire qui nous l'enseigne. Est-ce qu'il faut que je vous enseigne que
19 la région que nous appelons actuellement Bosnie-Herzégovine, au cours du
20 20e siècle, a fait partie de cinq Etats totalement différents? Est-ce que
21 je dois vous rappeler également qu'en 1918, l'empire austro-hongrois a
22 disparu de la scène internationale, et qu'à cette époque-là, c'est le
23 terme de "l'autodétermination" qui a commencé à être utilisé largement, et
24 grandement en Europe, que les frontières ont été dessinées à cette époque-
25 là, et en fonction de l'idée selon laquelle la majorité qui habite un
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1 territoire avait le droit de s'autodéterminer et de décider dans quel pays
2 elle allait vivre, et quel est le nom qu'on allait donner à ce pays? C'est
3 un principe qui a été strictement respecté en 1918, et il y avait le
4 partage de territoires, il y avait un certain nombre de territoires qui
5 ont été contestés. Ces contestations ont fait l'objet de référendums qui
6 ont été organisés.
7 Question: Vous parlez de date de 1918, mais je voudrais revenir aux années
8 90. Vous semblez être prêt à tirer de grandes conclusions quant au plan
9 serbe pages 23 et 24 de votre texte où vous dites que le mouvement
10 nationaliste serbe avait manifestement établi un plan, une stratégie, pour
11 une sécession centrale, avait même conçu un plan pour ce qui est de la
12 façon de présenter cela dans les médias. Vous semblez être prêt à
13 conclure, dans les grandes lignes, qu'il existe un programme serbe, mais
14 vous semblez réticent à dire qu'il en va de même du côté des Croates de
15 Bosnie. Or ils faisaient la même chose, n'est-ce pas?
16 Réponse: Non, ce n'est absolument pas vrai qu'ils étaient identiques, car
17 le plan dont j'ai parlé est le résultat des activités des institutions
18 étatiques et des organisations non gouvernementales.
19 Question: Mais les Croates ont fait la même chose, n'est-ce pas? Ils ont
20 créé un parti en Bosnie-Herzégovine, qui était une branche du parti
21 implanté en Croatie, ils ont établi le HVO, ils ont établi leur propre
22 gouvernement, une organisation militaire, une police, un système de
23 collecte des taxes. Et en 1992, les Croates ont pris le contrôle de
24 presque la totalité de l'Herzégovine.
25 Réponse: Ce n'est pas exact. Ils n'ont pas fait exactement la même chose
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1 parce que, pour y aboutir, ils auraient dû avoir des structures organisées
2 qui auraient fait de tels projets bien avant. Et déjà, vers les années 80.
3 Vous auriez dû le savoir, et je suis sûr que vous le savez, que le HDZ, en
4 sa qualité de parti politique, a été mis en place en 1989. Et dans une
5 baraque, à Zagreb, le HDZ en Bosnie-Herzégovine changeait de manière
6 permanente les présidents, que ce parti n'était pas tellement bien
7 organisé. Il était très loin de l'organisation qui aurait pu être définie
8 comme un système bien organisé, bien mis en place, et que l'on ne peut
9 absolument pas faire la comparaison entre les deux.
10 Tout ce que j'ai dit dans mon rapport, tout ce que j'ai dit également
11 oralement, moi, je ne peux qu'en tirer une seule conclusion, c'est ma
12 conclusion. Votre conclusion n'est pas la mienne, et je ne peux pas
13 abonder dans votre sens. Je ne peux pas être d'accord avec vous.
14 Question: Dans votre déposition, vous avez dit que pour un historien,
15 l'élément clef, c'est d'être en contact constant avec les documents qui
16 sont contemporains de l'époque que l'on étudie. C'est ce que vous avez
17 dit, n'est-ce pas?
18 Réponse: Oui.
19 Question: En préparant votre rapport, en tirant les conclusions que vous
20 avez tirées, est-ce que vous avez utilisé ou exploité des documents tirés
21 des archives du HVO à Zagreb?
22 Réponse: Non, parce que je n'ai pas accès à ces archives.
23 Question: Mais il y a des archives publiques auxquels quiconque a accès,
24 n'est-ce pas?
25 Réponse: Je me suis rendu assez souvent dans ces archives, mais il y a un
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1 certain nombre de documents que vous ne pouvez pas avoir, même auprès de
2 ces archives, car il y a la loi qui stipule que les fonds qui regroupent
3 ces documents ne peuvent être accessibles qu'au bout de 20 ans.
4 Question: Alors quelles que soient les restrictions imposées à ces
5 documents, il en ressort que vous n'avez pas utilisé de textes qui
6 relèvent des archives du HVO pour établir votre rapport?
7 Réponse: Je ne sais pas comment j'ai pu étudier ces documents si je
8 n'avais pas accès à ces documents.
9 Question: Avez-vous interviewé, interrogé des dirigeants croates ou
10 croates de Bosnie ou des gens qui étaient partie prenante à la guerre
11 entre 1993 et 1994?
12 Réponse: Non, pas moi, personnellement, je n'ai pas interviewé qui que ce
13 soit.
14 Question: Vous n'avez jamais parlé à, par exemple, Slobodan Praljak que la
15 Chambre a rencontré?
16 Réponse: Non.
17 Question: Vous n'avez jamais parlé à Ivic Pasalic?
18 Réponse: Non.
19 Question: Qui était impliqué dans le Gouvernement croate ou la politique
20 croate pendant la guerre?
21 Réponse: Il a été conseillé du Président de la République de Croatie de
22 l'époque.
23 Question: N'était-il pas, M. Pasalic, n'était-il pas un des conseillers
24 les plus proches de Franjo Tudjman?
25 Réponse: D'après ce que j'ai pu apprendre par les journaux, oui.
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1 Question: Avez-vous jamais rencontré ou obtenu les informations
2 directement de quelqu'un qui s'appelle Ivan Bender?
3 Réponse: Non.
4 Question: Avez-vous jamais interrogé les dirigeants musulmans ou les
5 responsables du SDA qui étaient dans la région de Mostar à l'époque des
6 événements de 1992 et 1993?
7 Réponse: Non plus.
8 Question: Avez-vous lu ou avez-vous pris en compte dans vos conclusions
9 les documents de la Forpronu ou des documents venant des unités de
10 maintien de la paix britanniques ou espagnoles qui étaient sur le terrain
11 à l'époque?
12 Réponse: Ce qui a été publié, oui. Mais c'est un nombre de documents
13 restreints. Il y avait un certain nombre de journaux de Bosnie, de Croatie
14 ou à l'étranger.
15 Question: Est-ce que vous avez utilisé des rapports ou documents venant
16 d'autres organisations des Nations Unies ou du Conseil de sécurité des
17 Nations Unies?
18 Réponse: Un certain nombre de décisions du Conseil de sécurité, un certain
19 nombre également de documents des agences des Nations Unies, j'ai eu
20 l'occasion de les voir.
21 Question: Avez-vous utilisé des rapports ou des documents émanant de
22 l'ECMM, la commission de suivi de la communauté européenne?
23 Réponse: Je n'ai jamais pu consulter de tels documents, mais en revanche,
24 j'ai lu tout ce qui était publié sous la forme de rapports des
25 organisations gouvernementales et non gouvernementales, tout ce que j'ai
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1 pu véritablement lire et ce qui était à ma disposition. Tout comme j'ai lu
2 des livres, des mémoires de ceux qui ont participé aux événements, des
3 journalistes qui suivaient les événements en ex-Yougoslavie, j'ai lu les
4 mémoires également de Richard Holbrooke et aussi les mémoires du général
5 de l'armée de Bosnie-Herzégovine. J'ai lu des mémoires qui ont été
6 publiées dans les journaux, dans les quotidiens, que ce soient des
7 généraux, que ce soient des soldats tout simples.
8 Question: Avez-vous eu connaissance de transcriptions venant des bureaux
9 du Président Franjo Tudjman?
10 Réponse: Lors de ma déposition hier, j'ai eu l'occasion de dire que j'ai
11 lu la transcription qui a été publiée dans le cadre de l'ouvrage écrit par
12 Ciril Ribicic et hier, j'ai dit ...
13 Excusez-moi, est-ce que je peux finir la phrase, s'il vous plaît?
14 Question: Je vous en prie, Monsieur, vous pouvez poursuivre.
15 Réponse: J'ai lu les textes qui ont été publiés dans les journaux croates
16 et pour lesquels on dit qu'il s'agit des transcriptions audio qui ont été
17 enregistrées lors des réunions tenues par le docteur Franjo Tudjman
18 pendant qu'il était encore Président de la République de Croatie.
19 Question: Combien de transcriptions avez-vous pu ainsi lire? Je ne parle
20 pas ici des versions retransmises par les journaux, mais des versions
21 originales, en croate?
22 Réponse: Mais je me dois de vous dire que jamais je n'ai eu véritablement
23 accès aux transcriptions, en dehors des quotidiens. Ce sont des documents
24 qui ne peuvent pas être actuellement analysés par qui que ce soit. Vous ne
25 pouvez pas venir comme cela, tout simplement, consulter les
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1 transcriptions, mais il y a certainement un certain nombre d'autorisations
2 qui sont accordées. Mais ce sont les autorités croates qui le font.
3 M. Scott (interprétation): Le Gouvernement croate a fourni un certain
4 nombre de ces transcriptions aux Juges du Tribunal. Est-ce que vous le
5 saviez?
6 M. Ancic (interprétation): Je ne sais pas. Comment pourrais-je le savoir?
7 M. le Président (interprétation): Quel est le problème, Maître Krsnik?
8 M. Krsnik (interprétation):Je vous en prie, Monsieur le Président,
9 Mesdames les Juges, moi aussi j'aimerais bien savoir comment. J'ignorais
10 complètement que le Gouvernement de la République de Croatie avait remis
11 ces transcriptions. Mais nous avons appris par la bouche du Procureur
12 qu'il y a un certain nombre de confusions là-dessus. Le Procureur ne peut
13 pas véritablement poser n'importe quelle question et puis il y a des
14 choses qui sont des contrevérités.
15 On a eu un certain nombre de témoins par le biais desquels nous avons
16 versé au dossier des transcriptions. Nous avons eu également les témoins
17 du Procureur. Et ceci arrive souvent avec le Procureur. Lui, il pose les
18 questions comme cela lui convient et à quel moment cela lui convient.
19 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik, vous devez comprendre la
20 règle qui s'applique pour cette procédure. L'accusation pose une question
21 au témoin et tout ce que nous voulons savoir, c'est la réponse que donne
22 le témoin, nous ne devons pas connaître votre opinion en l'occurrence.
23 Alors veuillez poursuivre, Monsieur Scott.
24 M. Scott (interprétation): Le témoin a déjà dit qu'il n'avait pas
25 connaissance du fait que des transcriptions avaient été transmises au
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1 Tribunal. Je voudrais, le plus rapidement possible, dire ceci: Me Krsnik
2 se référait au compte rendu du procès Prlic.
3 Monsieur, je voudrais appeler votre attention sur ceci: vous avez dit que
4 le HDZ -je vous paraphrase et vous me corrigerez si je me trompe-, que le
5 HDZ donc et le HVO, d'après vous, n'étaient pas suffisamment organisés
6 pour agir comme les Serbes ont pu agir. Vous savez, Monsieur, quel est le
7 jugement qui a été prononcé dans l'affaire Blaskic? Vous avez certainement
8 lu sur cette affaire, n'est-ce pas?
9 M. Ancic (interprétation): Oui.
10 Question: Je voudrais vous inviter à prendre la pièce à conviction 946.
11 (Intervention de l'huissier.)
12 Est-ce que vous vous souvenez des conclusions qui ont été celles de six
13 Juges unanimes, ici, au Tribunal, quant au fait que le comportement du
14 HVO, en tout cas en Bosnie centrale, correspondait à un plan et une
15 campagne bien organisée. Si vous avez des informations précises, j'insiste
16 précises, contredisant ces conclusions des Juges, je vous invite à les
17 donner maintenant.
18 (Le témoin consulte le document.)
19 Pouvez-vous nous donner des détails précis?
20 Réponse: Oui, je le peux. Je peux vous donner une réponse, et une réponse
21 tout à fait simple. On parle de "la persécution de la population bosnienne
22 de la part des autorités politiques et militaires croates dans les
23 municipalités de Vitez, Busovaca et Kiseljak, qui a été renforcée au cours
24 de la période qui s'est écoulée entre janvier et avril 1993 et qui, en
25 avril 1993, a donné lieu à un plan conjoint, à une idée conjointe qui a
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1 été mise en application par les Croates de Bosnie et qui avait pour but de
2 nettoyer, du point de vue ethnique, la vallée de la Lasva des Musulmans".
3 Chaque année, je traverse au moins deux fois par an la vallée de la Lasva,
4 de Zadar à Sarajevo, parce que mes parents vivent encore maintenant dans
5 cette vallée, et je peux vous dire que la vallée de la Lasva n'est pas
6 véritablement nettoyée du point de vue ethnique des Musulmans.
7 Si, vous, vous voulez me convaincre que, moi, je n'ai pas raison alors que
8 je l'ai vu de mes propres yeux, en traversant cette région, comme je vous
9 l'ai dit en traversant pour aller voir mes parents, si vous voulez
10 contredire ce que j'ai vu de mes propres yeux, je veux bien accepter. Il
11 reste quand même que, moi, j'ai vu de mes propres yeux des Musulmans dans
12 la vallée de la Lasva.
13 Je n'ai pas terminé, excusez-moi. Vous me laissez terminer, s'il vous
14 plaît?
15 M. Scott (interprétation): Je vous en prie.
16 M. Ancic (interprétation): La campagne et la persécution de la population
17 musulmane par les autorités politiques et militaires croates ont eu pour
18 point culminant les attaques militaires très intenses sur les villes, sur
19 les villages dans les municipalités de Vitez, Busovaca et Kiseljak. On ne
20 peut pas véritablement appeler ces municipalités comme des villes.
21 Toujours est-il que je ne vois pas comment on peut dire que les forces
22 croates avaient attaqué Vitez, Busovaca et Kiseljak. Je ne suis pas au
23 courant de cela.
24 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik, vous voulez dire quelque
25 chose?
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1 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, en
2 respectant votre décision, je ne voulais pas véritablement interrompre le
3 témoin. Je respecte tout ce que vous avez dit, surtout la Juge Clark. Nous
4 avons ici des extraits, et ce ne sont pas des jugements qui ont été
5 prononcés. Je ne sais pas comment on peut se référer à de tels jugements,
6 parce que pour le moment ces jugements n'ont pas été confirmés. Nous avons
7 des extraits tirés de ces jugements qui ont été prononcés. Pour le moment,
8 le jugement n'est pas définitif. Je ne sais pas, Monsieur le Président,
9 c'est à vous et à la Chambre d'en décider.
10 M. le Président (interprétation): Maître Par, vous avez la parole.
11 M. Par (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, je
12 soulève des objections pour ce qui concerne de tels types de questions. Je
13 ne comprends pas comment on peut accepter de poser de telles questions au
14 témoin. Ensuite, on dit: la Chambre se composant de six Juges a pris telle
15 et telle décisions, est-ce que vous pensez, etc.? C'est inadmissible!
16 Ensuite, on cite un certain nombre de parties de jugements. Entre-temps,
17 il y a également un certain nombre d'autres éléments qui ont été prouvés
18 de façon différente. Et puis, de toute façon, ce n'est pas pertinent et
19 cela ne concerne pas l'expert en question. Je ne peux pas accepter que
20 l'on pose les questions à l'expert visant à se prononcer sur le point de
21 vue prononcé par les Juges. Je ne peux absolument pas permettre de tels
22 types de questions, je ne comprends pas d'ailleurs!
23 M. le Président (interprétation): Je dois avouer que je partage l'opinion
24 de M. Krsnik: ces jugements ne sont pas définitifs. Il y a encore
25 possibilité d'interjeter appel de la décision prise par le Président de la
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1 Chambre de première instance. Toutefois, l'accusation a invité le témoin,
2 ici présent, à formuler une opinion et, dans le système juridique, la
3 Chambre de première instance est liée par la décision, par l'arrêt rendu
4 par la Chambre d'appel. Mais dans le cas présent, nous disposons d'un
5 témoin qui est un historien, qui peut donc formuler des observations au
6 sujet de la question. C'est la raison pour laquelle je ne m'oppose pas à
7 ce que cette question soit posée. Je pense que l'heure est venue de
8 marquer une pause. Pouvez-vous poser cette question après la pause?
9 M. Scott (interprétation): Bien évidemment.
10 M. le Président (interprétation): Nous reprendrons nos travaux à 12 heures
11 30.
12 (Le témoin, M. Mladen Antic, est reconduit hors du prétoire.)
13 (L'audience, suspendue à 12 heures 05, est reprise à 12 heures 35.)
14 (Questions relatives à la procédure.)
15 M. le Président (interprétation): Avant que le témoin n'entre dans la
16 salle, je tiens à vous informer que nous aimerions en terminer avec ce
17 témoin aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle je voudrais demander à
18 M. Scott de me préciser de combien de temps il a besoin pour terminer son
19 contre-interrogatoire.
20 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais simplement
21 vous signaler que, pendant la pause, j'ai revu toutes mes questions. J'en
22 ai supprimé beaucoup. J'aimerais pouvoir terminer aujourd'hui, mais je
23 pense que j'aurai besoin du reste de la matinée pour pouvoir poser toutes
24 mes questions. Il faut également tenir compte du rythme de nos débats ce
25 matin. Donc, j'ai encore besoin de cette session.
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1 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, c'est la raison pour
2 laquelle j'aimerais demander dans quelle mesure il serait possible de se
3 réunir cette après-midi, pour autant qu'une Chambre soit disponible.
4 M. Krsnik (interprétation): Je m'en remets à vous. Je partage pleinement
5 votre position, notamment compte tenu du fait que j'ai des délais. Je dois
6 me rentre d'urgence à Mostar afin de pouvoir faire droit à toutes vos
7 requêtes. C'est la raison pour laquelle je suis disposé à continuer à
8 travailler jusqu'à ce que vous souhaitiez lever la séance.
9 M. le Président (interprétation): Maître Par, vous avez la parole.
10 M. Par (interprétation): Je suis d'accord pour travailler cette après-
11 midi, mais je ne suis absolument pas d'accord pour que le Procureur
12 profite de cette deuxième partie de la matinée pour contre-interroger le
13 témoin, car le contre-interrogatoire est beaucoup plus long que
14 l'interrogatoire principal. Cela aurait été entendu si c'était pertinent,
15 mais il y a quand même beaucoup de questions qui sont purement politiques
16 et, nous, on n'est pas venus ici pour faire de la politique.
17 Moi, je ne suis pas venu ici défendre mon client de la Deuxième Guerre
18 mondiale et de je ne sais pas quelle autre hypothèse politique. Moi, je
19 pense que nous devons véritablement nous pencher sur l'Acte d'accusation
20 et que nous avons également le droit de tenir compte de ce qui est
21 pertinent dans cet Acte d'accusation. Il ne faut pas non plus transformer
22 ce prétoire en une tribune politique.
23 Pour ce qui concerne la défense de Martinovic, nous avons essayé
24 véritablement, depuis le début, de ne pas toucher à tout ce qui est
25 politique. Tous les débats qui sont en cours dans ce Tribunal, que ce soit
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1 une tribune politique ou pas, cela ne nous se concerne pas. Nous voulons
2 véritablement parler de la responsabilité individuelle de notre client et
3 pas d'autre chose.
4 C'est dans ce sens-là que je défends mon client mais je pense que, depuis
5 quelques jours, malheureusement, il n'y a que des discours politiques et
6 c'est la raison pour laquelle il est indispensable de travailler l'après-
7 midi ou de rester, je ne sais pas encore combien de temps, à laisser le
8 Procureur poser les questions. Moi, je pense qu'il ne faut pas lui
9 permettre de procéder de cette manière. C'est de cette manière-là que l'on
10 abuse de notre patience et de notre temps.
11 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Maître Par, de nous
12 donner l'autorisation de nous réunir cette après-midi. Je pense que nous
13 parlons de choses différentes. Comme vous le savez, nous disposons, dans
14 ce cadre précis, d'un expert témoin. Nous disposons de son rapport, et je
15 ne pense pas que nous allons continuer à passer beaucoup de temps à
16 l'interroger.
17 Toutefois, au cours du contre-interrogatoire, de nombreuses questions
18 peuvent être posées. D'une manière générale, le contre-interrogatoire tend
19 à être plus long que l'interrogatoire simple.
20 Par conséquent, je propose que nous siégions cette après-midi.
21 Puis-je me tourner vers M. Naletilic? Nous allons nous réunir cette après-
22 midi.
23 Est-ce que vous pourriez utiliser le micro?
24 M. Naletilic (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,
25 je ne pense pas que je vais avoir des problèmes.
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1 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
2 Donc nous reprendrons nos travaux à 14 heures 30 dans la même salle
3 d'audience et nous essaierons d'interroger ce témoin et de terminer cet
4 interrogatoire cet après-midi.
5 Madame l'Huissière, pouvons-nous faire entrer le témoin, je vous prie?
6 (Le témoin, M. Mladen Ancic, est introduit dans le prétoire.)
7 (Questions au témoin, M. Mladen Ancic, par Mme La Juge Diarra.)
8 Mme Diarra: Monsieur le Président, avec votre permission avant que M.
9 Scott ne reprenne ses questions, moi, je voudrais me faire préciser une
10 réponse pour me permettre…, pour faciliter la poursuite des débats, et je
11 voudrais notamment demander au témoin…
12 M. le Président (interprétation): Je suis désolé, nous n'avons pas obtenu
13 la traduction de vos propos. Pouvez-vous les répéter, je vous prie?
14 Mme Diarra: Je disais qu'avant la reprise des questions par le Procureur,
15 moi, je voudrais me faire préciser une réponse que je n'ai pas comprise.
16 Notamment, le témoin a dit que le point culminant de la campagne militaire
17 a été des attaques contre Busovaca, Vitez et Kiseljak. Ensuite, il a
18 essayé de nier. Je crois, qu'il a essayé de nier la réalité de ces
19 attaques-là, s'il ne revient pas sur cette réponse. Moi, j'ai cette
20 confusion qui m'empêche de continuer à comprendre. Je n'ai pas compris. Si
21 j'ai dit des absurdités, c'est la preuve que je n'ai pas compris. Je
22 voudrais me faire préciser ce détail avant la poursuite.
23 M. Ancic (interprétation): Est-ce que je peux voir, s'il vous plaît, le
24 document que vous m'avez présenté? Il s'agit de quelques parties du
25 Jugement. C'étaient les points 2 et 3 du Jugement.
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1 M. Scott (interprétation): Il s'agit du document P946. Je pense que l'on a
2 récupéré ce document juste avant la pause. Il s'agit de la pièce P946, les
3 conclusions, etc.
4 M. Ancic (interprétation): Oui, j'ai dit donc au point 3, j'ai dit qu'"en
5 1993, cette campagne de persécution de la population musulmane a culminé
6 dans les villes et les municipalités de Vitez, Busovaca, etc.".
7 J'ai dit qu'en tant qu'historien, je fais une grande différence entre
8 "attaques" et "conflits". Ce sont deux termes totalement différents. Si je
9 peux me permettre de rajouter un autre point, je pense qu'ici, il y a un
10 malentendu.
11 En d'autres termes, je respecte certainement la Chambre d'instance et les
12 Juges, mais j'ai ma conscience professionnelle et je ne pense pas que les
13 décisions et les jugements prononcés par les Juges peuvent être considérés
14 comme les jugements pour un historien et de l'histoire. Je ne pense pas
15 que c'est le Tribunal qui écrit l'histoire. Les jugements et les décisions
16 prononcés par le Tribunal ne sont pas quelque chose qui puissent être
17 contraignants pour un historien. C'est ce que je veux dire. Ce n'est pas
18 le Tribunal qui écrit l'histoire. Il voit l'histoire différemment.
19 Mme Diarra: Je n'aime pas du tout perturber l'interrogatoire ou le contre-
20 interrogatoire, mais si l'on me dit que "attaques" est différent de
21 "conflits", je suis encore plus confuse. Peut-être que je suis mal
22 réveillée: si les attaques ne sont pas les conséquences du conflit, je ne
23 peux pas comprendre que le point culminant était les attaques sur
24 Busovaca, Vitez et Kiseljak, et dire que cela est différent du conflit. Je
25 n'ai toujours pas compris. Si l'historien peut m'aider pour que ma journée
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1 ne soit pas inutile, il serait bien de l'écouter quand on ne comprend
2 rien. Je m'excuse vraiment.
3 M. Ancic (interprétation): Il y a une différence effectivement entre les
4 deux termes et cette différence, il faut la comprendre de la façon
5 suivante. D'abord, moi, j'arrive à un certain nombre de conclusions sur
6 d'autres éléments et pas sur les mêmes, comme les Juges.
7 Par conséquent, vous avez devant vous, honorables Juges, d'un côté, la
8 défense et, de l'autre côté, le Procureur. C'est de la manière dont ils
9 s'y prennent que dépendra votre décision et leur propre stratégie, dans le
10 cas concret, des six Juges qui ont pris une telle décision.
11 En ce qui me concerne, moi, en ma qualité d'historien, je m'appuie sur
12 d'autres éléments. Moi, j'étudie, je fais des recherches dans tous les
13 documents et, sur la base des documents que j'ai pu étudier et rechercher,
14 j'ai ma propre image que je me fais.
15 En ce qui me concerne, en tant qu'historien, le conflit est généré par des
16 petits détails. Il est une grande question que nous pourrions nous poser:
17 qui est la partie qui attaque et qui est la partie qui se défend? C'est
18 très, très délicat. On peut pas toujours le définir de manière tout à fait
19 claire, et tout dépend également du point de vue d'une partie ou de
20 l'autre. Cela dépend également des documents que l'on utilise. Il y a une
21 très, très grande différence entre ce que, moi, je dis, ce qui est à ma
22 disposition, ce qui j'ai pu utiliser moi-même comme documents, comme
23 informations et ce sur quoi se sont fondés les Juges quand ils ont
24 prononcé un jugement ou arrêté une décision.
25 Pour pouvoir entrer dans un débat plus prolongé, il nous faudrait un peu
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1 plus de temps, Madame la Juge, je m'en excuse.
2 Mme Diarra: Je vous remercie.
3 (Questions au témoin, M. Mladen Ancic, par Mme la Juge Clark.)
4 Mme Clark (interprétation): J'aimerais prendre la parole. Je ne pense pas
5 que vous compreniez complètement la base sur laquelle se fonde un arrêt ou
6 un jugement d'une Chambre d'appel ou d'une Chambre de première instance.
7 En fait, tout dépend des éléments de preuve et des documents soumis à la
8 Chambre. Si la Chambre se base uniquement sur les décisions rendues par
9 les Juges, ceci est impossible parce que les Juges peuvent être manipulés.
10 En fait, nous, en notre qualité de Juges, nous devons nous fonder sur des
11 éléments probants. C'est la raison pour laquelle nous faisons appel à des
12 témoins experts. Il s'agit là simplement d'une première parenthèse.
13 Ensuite, je me proposais de vous soumettre une question et je vois que ma
14 collègue avait également un problème. Comme votre réponse est très
15 globale, j'aimerais vous poser une question plus précise. En fait, il
16 semble que le rythme, la dynamique des éléments que vous avez apportés en
17 guise de preuve commence à s'infléchir un petit peu.
18 Vous avez déclaré que les documents que vous avez consultés lors des
19 affaires de Blaskic et de Kordic se fondaient sur une évaluation d'un
20 verdict effectué par les Juges de la Chambre de première instance, selon
21 laquelle le nettoyage ethnique des Musulmans avait eu lieu dans la vallée
22 de la Lasva, d'après vos éléments de preuve, que vous vous rendez
23 régulièrement, à savoir deux fois par an, dans cette région et que vous
24 n'avez pas pu vous trouver.
25 Est-ce que vous voulez dire par là que cette situation ne s'est jamais
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1 produite et que les activités de vie sont normales, du moins dans la
2 vallée de la Lasva?
3 J'aimerais simplement que vous me précisiez sur quelle base vous êtes
4 parvenu à cette conclusion. Est-ce que vous vous êtes arrêté pour parler
5 avec des personnes? Est-ce que vous avez eu peut-être l'occasion de
6 déjeuner avec la population locale ou est-ce qu'il s'agissait simplement
7 que vous êtes passé en voiture à une vitesse relativement élevée? Je
8 serais intéressée d'entendre votre réponse. Quelle est la base de votre
9 évaluation?
10 M. Ancic (interprétation): Moi, je suis resté à quelques reprises dans
11 cette région et c'est sur cette base-là que je fais cette évaluation. Il
12 faut également dire qu'on peut en un quart d'heure traverser la vallée de
13 la Lasva si on conduit à 70 kilomètres/heure.
14 Moi, je suis resté à quelques reprises dans cette vallée, j'ai eu
15 l'occasion également d'observer, de parler avec les gens qui habitent la
16 vallée de Lasva, étant donné que j'ai habité la Bosnie-Herzégovine pendant
17 37 ans. Il ne faut oublier non plus qu'avant la guerre, j'ai traversé
18 cette même région à maintes reprises.
19 Ce que j'ai pu constater, c'est la chose suivante: premièrement, ici, il
20 est bien marqué qu'il y avait un nettoyage ethnique auquel on a procédé et
21 auquel on a abouti de manière fructueuse. Ce n'est pas exact parce qu'on
22 ne l'a pas fait, ce nettoyage ethnique n'a pas été mené à bout. Même si on
23 avait essayé de le mener. Ça, c'est un premier problème.
24 Deuxièmement, il y a un autre fait sur lequel j'aimerais attirer votre
25 attention. La vallée de la Lasva doit être examinée dans l'ensemble de
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1 Bosnie centrale. Donc elle ne peut pas être extraite de la Bosnie
2 centrale. Par conséquent, le nettoyage ethnique de la vallée de la Lasva
3 est une absurdité. On peut pas avoir pour objectif de procéder à un
4 nettoyage ethnique dans la vallée de la Lasva et que ce plan puisse avoir
5 une grande envergure. Parce que, comme je vous ai dit, elle fait partie de
6 la Bosnie centrale, un territoire beaucoup plus large.
7 Il y a toute une série de villes, d'agglomérations, de territoires qui
8 n'ont pas connu de conflit et qui n'ont pas subi et on n'a jamais
9 d'ailleurs parlé de ces territoires comme des territoires qui ont subi un
10 nettoyage ethnique. Alors que la vallée de la Lasva, comme je l'ai dit,
11 appartient à ce territoire plus large. Et c'est dans ce sens-là que j'ai
12 fait un commentaire au sujet des jugements qui ont été prononcés.
13 Excusez-moi, je vais juste attirer votre attention sur la transcription
14 parce qu'en anglais, c'est marqué: "Il est absurde, etc., que le nettoyage
15 ethnique ait eu lieu à tel et tel endroits". Je précise que ce n'est pas
16 tout à fait le sens de ma réponse qui est traduite en anglais.
17 Question: Suite à ce que vous venez de dire, est-ce que cela signifie
18 qu'il n'y a pas eu de nettoyage ethnique dans la vallée de la Lasva ou
19 est-ce que ce nettoyage ethnique n'a pas été fructueux? A la lumière de
20 votre réponse, la situation n'est pas claire, à mes yeux du moins.
21 Réponse: Je vais répéter ce que j'ai essayé de vous expliquer. Ce que je
22 maintiens, c'est qu'il n'y avait pas de nettoyage ethnique comme
23 conséquence des actions planifiées. Donc j'exclus l'existence des plans
24 pour un nettoyage ethnique. En d'autres termes, même s'il y avait des
25 nettoyages ethniques ou quelque chose qu'on pourrait éventuellement
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1 appeler comme nettoyage ethnique, à ce moment-là, c'était tout simplement
2 la conséquence des conflits armés. Et je pense que c'est extrêmement
3 important de souligner ce fait-là parce qu'il y a eu une grande différence
4 entre un conflit armé et ce que l'on essaie de dire. Parce que s'il y
5 avait une intention de procéder à un nettoyage ethnique, cela aurait été
6 totalement différent. Mais je vous dis que le déplacement de la population
7 est dû au conflit armé qui a été déclenché. C'est tout ce que je maintiens
8 et ce n'est pas un plan dont on peut parler. Pour moi, il y a une très
9 grande différence entre les deux. Il y a le déplacement de la population,
10 on ne peut pas parler du nettoyage ethnique.
11 Mme Clark (interprétation): Je vais essayer de digérer vos propos, mais il
12 me semble qu'en ce qui concerne la population musulmane ou la population
13 croate, est-ce qu'il y a eu un plan sur ce plan ou est-ce qu'il y a eu une
14 éruption soudaine de violence qui s'est traduit par un déplacement de
15 population?
16 Je vais voir quelle va être la réponse et je pense que M. Scott et les
17 messieurs de la défense vont certainement revenir sur ces propos
18 également. Je vous remercie.
19 (Suite du contre-interrogatoire du témoin, M. Mladen Ancic, par M.
20 Scott.)
21 M. Scott (interprétation): Suite à ce que vous venez de dire, si vous
22 regardez les conclusions que vous trouvez dans la pièce à conviction P946,
23 ce que vous avancez suite à votre retour dans la vallée de la Lasva, vous
24 pensez que les opérations de nettoyage ethnique n'avaient pas été
25 fructueuses. Par conséquent, dans les conclusions, on peut en déduire que
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1 les activités de nettoyage n'ont pas été concluantes. Alors qu'ici, il est
2 avancé qu'il y a un plan, qu'il y a eu une série d'attaques à l'encontre
3 de la population musulmane comme en fait état le jugement rendu dans
4 l'affaire Blaskic et dans l'affaire Kordic.
5 A présent, que l'on puisse ou non parler de succès est une question
6 totalement différente, n'est-ce pas?
7 M. Ancic (interprétation): Je ne pourrais pas me mettre d'accord avec
8 vous. Est-ce que je peux terminer, s'il vous plaît? Parce que j'attends la
9 traduction et que le curseur s'arrête.
10 Question: Je vous en prie, allez-y, Monsieur le Témoin, et excusez-moi.
11 Réponse: En ce qui concerne le critère, le critère de quelque chose qui a
12 été terminé avec succès ou non, le premier critère, c'est l'organisation,
13 la manière dont ceci a été organisé et il faut prendre compte justement de
14 ces choses-là et de ces éléments. Et c'est ce que j'aimerais ajouter à ce
15 que vous avez dit. Le succès dépend également de l'organisation.
16 Question: Monsieur, vous dites que vous êtes allé dans cette région, en
17 réponse à la question de Mme Clark, mais que vous êtes resté un certain
18 temps dans cette région. Pouvez-vous préciser?
19 Réponse: Oui, je suis resté le plus longuement en 1998 au moment où, avec
20 mon collègue, qui est né dans cette région et qui travaille aujourd'hui à
21 Zadar, on devait se rendre à une réunion des scientifiques à Sarajevo.
22 Nous avons visité sa ville natale, nous avons vu sa maison natale qui est
23 détruite. Il s'agit d'un village où il n'y a plus de Croates dans la
24 vallée de la Lasva. C'est un village qui s'appelle Putkovici.
25 Question: Combien de temps avez-vous passé à Putkovici?
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1 Réponse: Je suis resté la journée entière.
2 Question: Vous avez été dans la vallée de la Lasva à d'autres occasions
3 aussi?
4 Réponse: Oui, je suis resté à Vitez également quelque peu, en 1996, quand
5 pour la première fois je me rendais de Zadar à Sarajevo, car il a été
6 possible, à cette époque-là, de traverser cette région-là en toute
7 sécurité.
8 Question: A Vitez, vous êtes aussi allé plusieurs fois?
9 Réponse: Je suis resté entre trois et quatre heures.
10 Question: Donc vous savez que beaucoup de personnes déplacées de toutes
11 les parties concernées, sans doute Croates, Musulmans et Serbes, sont
12 retournées dans ces régions, y compris en Bosnie centrale depuis la fin de
13 la guerre?
14 Réponse: Oui, tout à fait. Il y a beaucoup de personnes qui sont
15 retournées, mais il y a également un certain nombre de personnes qui ne
16 sont pas retournées. Je vous l'ai dit. Par exemple, pour le village de
17 Putkovici où les Croates, à titre d'exemple, ne sont jamais retournés.
18 Question: Alors peut-on vraiment tirer beaucoup de conclusions de ce que
19 vous avez vu en trois ou quatre heures passées dans la région en 1996 et
20 puis encore lors d'une visite en 1998 concernant des événements qui se
21 sont déroulés en 1992, 1993 et les conditions qui prévalaient dans cette
22 région à l'époque?
23 Réponse: Nous ne pouvons pas tirer la conclusion pour savoir comment cela
24 se présentait à l'époque, mais on a pu tirer une conclusion en ce qui
25 concerne le succès de cette procédure.
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1 Question: J'espère avancer, puisque nous ne sommes pas encore si loin que
2 nous voulions dans ce contre-interrogatoire. Je voudrais clore un chapitre
3 avant de passer à un autre sujet.
4 Je vous ai posé une question avant la pause concernant les textes et
5 documents que vous aviez utilisés et, cette fois, je voudrais vous poser
6 une question similaire, mais relative aux affaires Blaskic et Kordic.
7 Est-ce que vous êtes en train de dire aux Juges que vous aviez examiné le
8 compte rendu d'audience de tous les témoins, y compris des Musulmans, qui
9 ont déposé dans les affaires Blaskic et Kordic? Est-ce que vous aviez
10 utilisé tous les documents déposés, tous les rapports du Bataillon
11 britannique, tous les documents du HVO versés au dossier, tous les
12 rapports de la mission MCCE et qu'à la suite de tout cela, vous êtes quand
13 même en désaccord avec les conclusions auxquelles les Juges sont parvenus?
14 Réponse: Non, je vous ai déjà dit que nos attitudes et l'impression que
15 nous nous faisons partent de bases différentes. Donc il y a des documents
16 sur lesquels je repose mes conclusions. Je vous ai dit qu'il n'y a pas
17 véritablement de comparaison à faire. Je pense que c'était tout à fait
18 clair et que j'étais tout à fait clair.
19 Question: Dans le même ordre d'esprit, lorsque les Juges… vous n'avez pas
20 examiné toutes les pièces à conviction versées dans le cadre de cette
21 affaire-ci.
22 Réponse: Oui. Oui, oui.
23 M. Scott (interprétation): Pour économiser du temps, je voudrais faire
24 référence à deux ou trois documents seulement, et je vous invite donc à
25 chercher les documents dont vous disposez la pièce 131.1.
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1 L'huissier vous aidera, si c'est nécessaire.
2 (Intervention de l'huissier.)
3 Pièce 131.1, il s'agit d'une proposition par Jadran Topic qui était de
4 facto maire de Mostar et membre du HVO. C'est un document qui porte sur
5 l'établissement de départements administratifs dans la municipalité de
6 Mostar.
7 Je vais vous poser les questions que j'ai à poser ensemble pour économiser
8 du temps. Je voudrais aussi que vous preniez la pièce 164.
9 (Intervention de l'huissier.)
10 Et je saute les pièces dans l'intervalle pour économiser du temps.
11 Cabine anglaise: La pièce P131 est une décision et non pas une proposition
12 de décision.
13 M. Scott (interprétation): Merci de cette précision à la cabine anglaise.
14 J'ai entre les mains la version anglaise, bien entendu.
15 Une des choses que vous dites aujourd'hui, Monsieur le Témoin -et c'est la
16 raison pour laquelle j'appelle votre attention sur ce document-, c'est que
17 le HDZ, d'après vous, n'était pas suffisamment organisé pour accomplir
18 quelque sorte de plan que ce soit. Est-ce que ces documents que je vous
19 montre maintenant ne font pas apparaître en fait un degré très élevé
20 d'organisation, un degré déjà élevé de planification d'un système mis en
21 place par le HDZ et le HVO?
22 M. Ancic (interprétation): Excusez-moi, mais comment pouvez-vous conclure
23 qu'il y a un degré très élevé de l'organisation sur la base des documents
24 que vous venez de me montrer?
25 Question: Dans un de ces documents, il est question de mettre en place un
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1 département chargé de l'administration générale, un département des
2 finances, un département aux affaires économiques, un département des
3 affaires du secteur public, un département des services publics, etc., un
4 département des marchés publics, un département de la protection sociale
5 et médicale. Ensuite, nous avons d'autres documents indiquant les
6 décisions prises par le HVO. Est-ce que cela n'est pas le signe d'une
7 organisation déjà très bien en place?
8 Réponse: Si je vois bien, il s'agit des décisions qui ont pour but de
9 mettre en place un certain nombre d'organes. Mais si vous vous souvenez de
10 ma déposition, j'ai dit que la partie serbe s'appuyait sur un système qui
11 était déjà en place et qui était bien intégré. Il ne fallait pas organiser
12 quoi que ce soit, il ne fallait pas établir ces organes, il ne fallait pas
13 les faire fonctionner, car tout ce système se tenait et fonctionnait
14 depuis plus de 40 ans.
15 Alors qu'ici, en revanche, il s'agit d'une décision qui est relative à une
16 tentative de mettre en place un certain nombre d'organes. Je pense que,
17 justement, c'est le contraire, ces documents prouvent le contraire, et ce
18 que j'ai dit.
19 Question: Est-ce que vous pourriez prendre la pièce 175, s'il vous plaît,
20 qui suit la pièce 164 dans le dossier?
21 (Intervention de l'huissier.)
22 De façon générale, il s'agit d'un compte rendu d'une réunion du conseil de
23 la défense croate tenue le 22 septembre 1992. C'est un document que la
24 Chambre a déjà pu voir antérieurement.
25 N'est-ce pas là, Monsieur, un rapport de la municipalité sur les progrès
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1 accomplis par le HVO dans la conquête du pouvoir dans ces différentes
2 municipalités de Bosnie centrale?
3 Réponse: Je dois vous répondre de la façon suivante: en ce qui concerne la
4 méthodologie de travail qui est la mienne, demandez-moi non pas de
5 parcourir les documents, mais de les lire attentivement, de savoir quelle
6 est la source de documents, de voir s'il s'agit de documents authentiques,
7 ce qui précède à la rédaction de ces documents, quel est le résultat de
8 telle et telle décision. C'est la raison pour laquelle je ne peux pas
9 véritablement vous donner une réponse précise si je n'ai pas le temps de
10 lire de manière attentive tous ces textes. Il faut que j'examine. Moi, je
11 fais des recherches. Excusez-moi, mais je ne peux pas vous donner la
12 réponse comme ça, à la va-vite.
13 Question: Ceci nous ramène à une observation faite antérieurement, c'est
14 que vous n'avez jamais vu ces documents précédemment, n'est-ce pas? Et
15 dans les conclusions auxquelles vous êtes parvenu à l'intention de la
16 Chambre, vous n'avez jamais pu exploiter ces textes-ci, n'est-ce pas?
17 Réponse: Non, effectivement je n'avais pas ces documents. Je n'avais pas
18 accès à ces documents. J'ai utilisé, en revanche, les documents qui
19 m'étaient accessibles. C'est sur cette base que je suis parvenu aux
20 conclusions et aux idées que je vous ai exposées.
21 M. Scott (interprétation): Mais dans les affaires Blaskic et Kordic et
22 dans la présente affaire, les Juges du Tribunal et la Chambre de première
23 instance étaient donc mieux informés de ces documents et des éléments de
24 preuve que vous ne l'étiez. Je ne remets pas en cause ici votre
25 compétence, mais les documents que vous avez pu utiliser.
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1 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, il s'agit d'un expert non
2 pas juridique mais d'un expert historien, et je crois que ces questions
3 qui sont posées sont tendancieuses et ne doivent pas être retenues.
4 M. le Président (interprétation): Maître Meek, je crois que la situation
5 est la suivante: M. Scott a posé une question.
6 Ceci dit, Monsieur Scott, je crois qu'elle n'a pas été posée de la
7 meilleure manière.
8 M. Scott (interprétation): Permettez-moi de reformuler la question. Je ne
9 veux pas faire de commentaire personnel concernant le témoin ou les Juges,
10 je parle simplement des éléments de preuve disponibles et des informations
11 qui ont été posées pour, d'une part, étayer les conclusions auxquelles les
12 Juge sont parvenus et, d'autre part, les conclusions défendues par le
13 témoin. Et ce que je disais -et je peux peut-être le reformuler-, c'est
14 qu'il apparaît, n'est-ce pas, que les Juges du Tribunal ont eu accès et
15 ont utilisé des éléments de preuve que le témoin n'a jamais vu auparavant.
16 Est-ce exact?
17 M. Ancic (interprétation): Je ne suis pas sûr que ce que vous dites est
18 correct, car les Juges ne pouvaient pas avoir à leur disposition le genre
19 d'informations que je connais, ayant vécu en Bosnie-Herzégovine et ayant
20 étudié l'histoire de la Bosnie-Herzégovine, notamment dans la région d'où
21 je viens. Ce dont je parle, ce n'est pas de l'ensemble de l'Acte
22 d'accusation. Je ne parle ici que du contexte historique de la guerre et
23 de la manière dont l'histoire a joué un rôle dans le déroulement de cette
24 guerre.
25 Question: Encore une fois, ma question ne porte pas sur vos connaissances
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1 ou vos compétences, mais sur les sources et les éléments de preuve que
2 vous avez à votre disposition pour parvenir aux conclusions qui sont les
3 vôtres, par opposition aux éléments de preuve qui sont disponibles aux
4 Juges. Et vous avez convenu avec moi aujourd'hui, n'est-ce pas, que tout
5 ce que vous avez vu, que tous les documents que je vous ai montrés ne vous
6 étaient pas connus, que vous n'avez jamais parlé à certaines personnes,
7 que vous n'avez jamais eu connaissance des transcriptions présidentielles
8 et que vous n'aviez jamais vu de documents du HVO, des archives du HVO?
9 Réponse: Je n'ai pas eu accès aux mêmes documents que les documents qui
10 sont ici versés au dossier du procès. C'est vrai, et en cela vous avez
11 raison, mais je dois ajouter que les Juges, eux, n'ont pas eu accès à ce
12 que, moi, je considère aussi comme des sources utiles pour parvenir à mes
13 conclusions.
14 M. Scott (interprétation): Oui, bien entendu, et c'est sans doute pour
15 cela que vous êtes ici, nous le comprenons. Je reviens aux pressions
16 politiques dont on a parlé hier...
17 M. le Président (interprétation): Monsieur Martinovic, vous voulez dire
18 quelque chose?
19 M. Martinovic (interprétation): Je voudrais qu'il nous montre un seul
20 document contre Martinovic. Je mets au défi l'accusation de pouvoir
21 produire ce genre de documents.
22 M. le Président (interprétation): Monsieur Martinovic, vous avez des
23 observations à faire. Je vous invite à le faire par le truchement de votre
24 conseil. Car je crois que vous êtes bien représenté par MM. Par et Krsnik.
25 M. Par (interprétation): Mon client, Monsieur le Président, a soulevé une
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1 objection qui est en rapport avec l'objection que je soulevais auparavant
2 concernant la tactique suivie par l'accusation, à savoir qu'il s'agit de
3 documents qui ne sont pas pertinents pour notre affaire et nous le disons
4 depuis longtemps déjà. Je comprends donc entièrement mon client.
5 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik?
6 M. Krsnik (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je voulais vous
7 demander où nous mène ce débat qui dure déjà depuis plus d'une heure
8 concernant d'autres affaires jugées par d'autres Juges, d'autres éléments
9 de preuve dans une autre partie de la Bosnie-Herzégovine, autant
10 d'éléments qui n'ont rien à voir avec nos clients, sinon que M. Scott
11 était aussi représentant de l'accusation dans ces autres affaires. Alors
12 peut-être que M. Scott se veut champion de la justice un peu partout, mais
13 dans cette procédure-ci, nous avons d'autres documents qui n'étaient pas
14 disponibles au moment des procès Blaskic et Kordic, qui concernent la
15 Bosnie-Herzégovine et qui jettent une lumière totalement différente sur
16 les événements auxquels il est fait référence dans ces jugements
17 antérieurs. Alors il s'agit de documents qui n'étaient pas disponibles à
18 l'époque du jugement en première instance, des documents nouveaux qui
19 étaient une lumière nouvelle. Et la question qui se pose est de savoir si
20 le jugement en appel sera le même.
21 Je crois, Monsieur le Président, que nous perdons du temps ici.
22 M. le Président (interprétation): Je voudrais souligner en réponse à M.
23 Par que le témoin est un témoin expert et qu'il doit répondre aux
24 questions portant sur la teneur de son rapport. Cela n'est pas directement
25 lié aux chefs d'accusation concrets.
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1 Quant à ce que vous disiez, Maître Krsnik, nous croyons que l'accusation a
2 posé toutes ses questions au témoin concernant le rapport, les sources
3 utilisées par le témoin, concernant l'authenticité de ces documents, avec
4 raison, et que ces questions sont pertinentes dans l'instance présente.
5 Monsieur Scott, vous pouvez poursuivre.
6 M. Scott (interprétation): Je reviens à la question que je posais avant
7 cette dernière intervention. On a parlé, hier, de l'ultimatum posé en
8 avril 1993, que vous avez présenté comme une pression politique de la part
9 du HVO sur la partie musulmane. Vous êtes aussi au fait, n'est-ce pas,
10 dans le cadre de vos recherches historiques du fait qu'il a eu une
11 déclaration rédigée conjointe, établie par Mate Boban, que M. Izetbegovic
12 n'a jamais signée?
13 M. Ancic (interprétation): Oui.
14 Question: Vous pouvez confirmer à la Chambre que M. Izetbegovic n'a jamais
15 signé cette déclaration?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Merci, je prenais simplement des notes. J'essaie de faire aussi
18 vite que possible et d'organiser mes notes.
19 Monsieur, je vais aborder maintenant la question du conflit armé
20 international et vous vous souvenez avoir donné une interview à "Slobodna
21 Dalamacija" concernant certaines des questions que nous avons abordées
22 aujourd'hui. Est-ce que vous vous en souvenez?
23 Réponse: Oui.
24 Question: J'appelle votre attention sur la pièce 944 qui se trouve aussi
25 dans les documents que vous avez devant vous.
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1 Pendant que vous regardez ce document, je vais faire quelques références à
2 ce document dont je vais demander le versement au dossier. Cela porte sur
3 la déclaration conjointe. Il s'agit de la pièce P273.1. Elle se trouve
4 aussi dans le dossier que vous avez sous les yeux, qui sont un compte
5 rendu de la 34ème session du HVO tenue en avril 1993.
6 Donc, Monsieur, je voudrais maintenant revenir sur la position que vous
7 avez adoptée pour ce qui est de la différence entre le jugement Blaskic et
8 le jugement Kordic, à savoir que, dans le cas Blaskic, on a constaté un
9 conflit international armé, au contraire du cas Kordic. Est-ce que vous
10 vous souvenez avoir fait cette analyse à l'article marqué pièce 944?
11 Réponse: Ce n'est pas un article. C'est une interview que j'ai donnée. Ce
12 qui se trouve dans ce texte, ce sont les réponses que j'ai données à la
13 personne qui m'interviewait. Quant à la présentation elle-même de
14 l'interview, c'est le travail du journaliste. Alors, je peux vous répondre
15 concernant les réponses que j'ai données. Si vous pouvez me dire, me
16 rappeler lesquelles ce sont, je vous en serai reconnaissant.
17 Question: Oui, vous avez tout à fait raison, il s'agit bien d'une
18 interview, notamment au premier paragraphe, sous le titre "Conflit armé",
19 et s'il ne s'agit pas de vos propres mots, vous me le direz. Il est donc
20 dit que l'une des principales raisons pour laquelle Blaskic a été condamné
21 à une peine plus longue par rapport à Kordic, c'est que le jugement
22 Blaskic repose sur le point de vue de l'accusation que le conflit entre
23 Bosniens et Croates en Bosnie-Herzégovine était un conflit international
24 armé. Alors procédons pas à pas. Est-ce bien ce que vous avez dit?
25 Réponse: Non, ce que moi j'ai dit, c'est que le général Blaskic avait
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1 écopé d'une peine qui n'avait été décidée qu'après qu'un accord soit
2 conclu, au moment où il y avait eu un conflit international armé.
3 Par ailleurs, je n'ai jamais vu l'ensemble du jugement prononcé à
4 l'encontre de M. Dario Kordic et je ne sais pas en quoi la peine qu'il a
5 reçue est moins sévère que celle infligée à M. Blaskic.
6 Quant à la thèse du conflit international armé, je ne sais pas si elle
7 était défendue dans l'affaire Kordic. Je ne sais pas, non plus, si la
8 durée de la peine a quelque chose à voir avec cet élément. Le journaliste
9 a interprété mes paroles d'une manière qui n'engage que lui.
10 Question: Vous avez ainsi répondu à mes questions concernant l'interview
11 que vous avez donnée, car je croyais, et je le dis pour que cela soit
12 clair, que vous aviez pour position qu'un conflit international armé avait
13 été constaté dans l'affaire Blaskic et non dans l'affaire Kordic. Et ce
14 n'est pas, en définitive, ce que vous avez dit, si je vous comprends bien.
15 Réponse: Effectivement.
16 Question: En fait, on a constaté un conflit international armé dans les
17 deux affaires?
18 Réponse: Non, ça, je ne peux pas vous le dire puisque je viens de vous
19 dire que je n'en savais rien.
20 Question: Nous pouvons passer alors à la question de la participation des
21 forces armées croates dans le conflit entre Croates et Musulmans en
22 Bosnie-Herzégovine, et c'est une question que vous avez étudiée de près,
23 Monsieur?
24 Réponse: Je ne dirai pas que j'ai étudié cette question particulière de
25 façon très détaillée.
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1 Question: Permettez-moi de vous reformuler la question. Pensez-vous que la
2 République de Croatie n'a pas participé et encouragé la lutte du côté des
3 Croates? Est-ce que c'est là votre position ou est-ce que vous n'avez pas
4 de position à cet égard?
5 Réponse: Quelle est la mesure dans laquelle la République de Croatie avait
6 aidé la Bosnie-Herzégovine pour se défendre? Je ne peux pas le dire, mais
7 de toute façon, il y a beaucoup de preuves qui en témoignent. Et la
8 République de Croatie a aidé effectivement tous ceux qui résistaient aux
9 attaques serbes perpétrées à l'encontre de Bosnie-Herzégovine. Par
10 conséquent, si vous suivez cette logique, on ne peut pas dire que la
11 Croatie n'était pas impliquée dans la guerre de Bosnie-Herzégovine. Cela
12 peut se défendre, ces thèses.
13 Question: J'aimerais à présent appeler votre attention sur la pièce à
14 conviction intitulée PT8.1.
15 (Intervention de l'huissier.)
16 Il s'agit d'un compte rendu, du moins c'est là l'appellation que nous lui
17 avons donnée, d'une réunion présidentielle qui a eu lieu à Zagreb en date
18 du 24 avril 1993. Lorsque nous avons fait allusion à l'ultimatum, vous
19 avez avancé que les trois parties -mais si on s'attache plus
20 particulièrement à la partie croate-, donc que ces trois parties avaient
21 des vues différentes au sujet du plan Vance-Owen. Est-ce que vous pensez
22 que ces visions étaient, en fait, très différentes?
23 Réponse: Oui, probablement, c'étaient des visions très différentes.
24 M. Scott (interprétation): J'aimerais à présent appeler votre attention
25 sur les éléments suivants. Je sais que vous parlez et que vous comprenez
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1 très bien l'anglais, mais j'essaie, à présent, de vous trouver la
2 référence de la version croate.
3 A la page 9 du compte rendu en anglais, ou si vous le souhaitez vous
4 pouvez tourner la page, et si vous regardez dans le coin droit, vous
5 trouverez là une référence à un n°0183/24444 et, là, vous trouverez
6 l'équivalent en langue croate. Peut-être qu'il n'y avait pas de tiret ou
7 de barre oblique. Il s'agit de 01322444.
8 Il s'agit là d'une réunion qui s'est déroulée dans le bureau du Président
9 Tudjman et Lord Owen. Messieurs Izetbegovic et Petkovic ont parlé de la
10 situation qui prévalait en date du 23 avril 1993 au sujet du plan Vance-
11 Owen et, d'après les actions du HVO, ce plan avait été interprété de façon
12 totalement différente. Grâce à la médiation de MM. Vance et Owen, ce plan
13 a été signé et il est précisé que les provinces ne sont pas des
14 territoires nationaux et qu'ils ne peuvent donc pas décider que ces
15 territoires leur appartiennent.
16 Ensuite, il est dit que les symboles de la Bosnie-Herzégovine seront
17 respectés et seront montrés dans les provinces de Travnik et de Mostar. En
18 d'autres termes, Herceg-Bosna en tant qu'entité étatique ne pouvait pas
19 exister après la signature du plan Vance-Owen.
20 Je vais à présent vous diriger vers la page 11 du texte en anglais ou à la
21 page 01322447 en langue croate. Monsieur Izetbegovic parle et dit, au
22 milieu de la page: "Nous avons accepté la province de Mostar, mais nous
23 n'avons pas accepté la communauté croate d'Herceg-Bosna. Nous avons
24 accepté le plan Vance-Owen parce qu'il prévoit des provinces et n'envisage
25 pas une Herceg-Bosna croate parce que Mostar ne sera jamais uniquement
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1 croate. Vous pouvez terroriser Mostar pendant des années, mais vous ne
2 pourrez jamais régner".
3 Pouvez-vous dire, compte tenu de ces différents extraits, qu'il n'y a pas
4 eu d'accord au sujet de l'application, de l'exécution du plan Vance-Owen?
5 M. Ancic (interprétation): Si vous me le permettez, j'aimerais lire le
6 compte rendu dans l'ensemble et c'est comme cela que je pourrai, je vous
7 l'ai dit, me faire une idée de ce dont il s'agit. Vous avez cette habitude
8 d'extraire, de sortir les phrases et puis de vous baser, dans vos
9 questions, sur ces éléments alors que, moi, je n'ai pas cette habitude-là.
10 Je ne peux pas vous dire quoi que ce soit sur la base des extraits, sur la
11 base des éléments qui sont isolés. Moi, il me faut rechercher, il me faut
12 analyser.
13 Je vous ai déjà dit qu'en ce qui concerne les comptes rendus -vous pouvez
14 le constater d'ailleurs-, il n'y a pas absolument de signes qui me
15 prouveront que c'est authentique. En République de Croatie, il y a
16 l'institut ou le mécanisme du sceau et chaque document doit porter un
17 sceau. Le système anglo-saxon ne connaît pas le mécanisme des sceaux, mais
18 c'est la signature qui donne la validité au document.
19 Par conséquent, en Croatie, pour que le document soit authentique, il
20 devrait porter le sceau. Cela, c'est un premier point.
21 Deuxièmement, nous ne savons même pas -et le moins que l'on puisse dire
22 est que cela est étrange-, qui a transmis de telles paroles. Nous ne
23 savons pas si c'est le texte intégral, s'il y a des extraits uniquement,
24 des conversations. Moi, j'aimerais lire la transcription dans son ensemble
25 et ce n'est qu'à ce moment-là que je pourrais vous dire quel est mon
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1 sentiment au sujet de l'ambiance qui a régné lors de cette réunion; vous
2 dire également ce que, moi, je pense de ce qu'était l'attitude de ceux qui
3 ont participé à la réunion.
4 Mais si vous me demandez de vous donner mon point de vue sur la base de
5 cinq phrases que vous avez extraites et dont vous donnez lecture, je ne
6 peux pas l'accepter.
7 M. Krsnik (interprétation): Mais voulez-vous laisser le temps à notre
8 expert pour lire l'ensemble de la transcription?
9 C'est tout ce que je vous demande, Monsieur le Président, et pas autre
10 chose.
11 M. le Président (interprétation): Je suis au regret de vous dire que cela
12 n'est pas possible. Il aura besoin d'une journée de plus pour pouvoir lire
13 l'entièreté de ce document. Je propose de repasser la parole à M. Scott et
14 voir où nous allons nous diriger à présent.
15 M. Krsnik (interprétation): Mais ce n'est pas un document qui est très
16 long. En langue croate, il y a une dizaine de pages, pas plus, peut-être
17 quelques-unes de plus. C'est approximatif, ne me prenez pas au mot. Je
18 pense que le témoin le lire en vitesse. De toute façon, c'est maintenant
19 la pause à laquelle on arrive.
20 Si l'on demande les commentaires de l'expert, pourquoi ne pas entendre le
21 commentaire de l'expert au sujet de ces transcriptions? Il faut lui
22 laisser la possibilité de lire, et puis au retour il va pouvoir répondre
23 éventuellement ou faire des commentaires.
24 M. le Président (interprétation): Tout dépend de la décision du Procureur.
25 Y a-t-il d'autres questions à cet égard?
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1 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, la dernière question que
2 j'ai posée était à propos de laquelle j'aurais aimé obtenir des
3 informations supplémentaires. J'aimerais savoir s'il n'était pas d'accord
4 avec les propos tenus par le Président Izetbegovic. Je suis prêt à marquer
5 une pause dès à présent, si le témoin souhaite lire le document pendant
6 cette pause.
7 Je voudrais, par conséquent, inviter peut-être Mme l'huissière à soumettre
8 ce document.
9 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, vous pouvez
10 consulter ce document pendant votre pause. Vous pouvez en faire lecture et
11 nous allons poursuivre le contre-interrogatoire après la pause.
12 M. Ancic (interprétation): Est-ce que je peux m'adresser à la Chambre,
13 s'il vous plaît?
14 M. le Président (interprétation): Je tiens à vous rappeler que nous avons
15 reçu les documents et les éléments de preuve, par conséquent, je ne pense
16 pas que vous allez pouvoir faire des observations sur l'authenticité de
17 ces documents. Vous pouvez vous livrer à des interprétations qui seront
18 les vôtres quant à l'authenticité du document. Nous reprendrons nos
19 travaux à 14 heures 30.
20 (L'audience, suspendue à 13 heures 45, est reprise à 14 heures 45.)
21 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, je vous en prie.
22 M. Scott (interprétation): Juste avant la pause, nous étions en train
23 d'examiner la pièce à conviction versée au dossier sous la cote PT8.1 et
24 vous aviez manifesté le souhait de pouvoir lire le compte rendu au cours
25 de cette pause. Cela étant fait -ou j'espère que vous l'avez fait-, je
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1 serais heureux à présent d'entendre de votre part des observations
2 supplémentaires, en revenant plus particulièrement sur la question que je
3 vous avais posée au sujet du plan Vance-Owen.
4 M. Ancic (interprétation): Oui, vous avez donné lecture d'une partie du
5 texte pour lequel j'émets des réserves, je le dis une fois de plus. Vous
6 avez fait exactement ce que vous avez fait avec mon propre texte. Vous
7 vous êtes autorisé de le faire, comme je dis, vous lisez des extraits.
8 Moi, j'ai lu dans l'ensemble le texte. C'est la raison pour laquelle j'ai
9 demandé de lire l'ensemble du texte. Vous avez lu une partie de ce qui a
10 été dit par Alija Izetbegovic en accusant les Croates de ce que, eux, ils
11 ont fait. Si la Chambre d'instance veut bien me permettre, moi, j'aimerais
12 bien donner lecture des trois autres parties qui sont quelque peu plus
13 brèves.
14 M. Scott (interprétation): En toute honnêteté, je dois vous dire que les
15 Juges disposent de tout le document dans sa totalité et je vous ai donné
16 la possibilité de lire l'ensemble de tout le document. J'aimerais
17 maintenant entendre vos observations.
18 M. Ancic (interprétation): Par conséquent, je voudrais donner lecture de
19 trois phrases prononcées par Mate Boban lors de cette réunion. Je pourrais
20 lire trois autres phrases qui ont été prononcées par Lord Owen.
21 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, comme vous l'a fait
22 remarquer M. Scott, nous disposons de ce document. Si vous n'avez pas
23 d'observation à formuler, je vous propose d'aller de l'avant.
24 M. Ancic (interprétation): Si vous avez le texte, je vais tout simplement
25 me limiter à commentaire. Il ressort clairement du texte que j'ai lu que
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1 les deux parties ont des objections au sujet du comportement des uns et
2 des autres. Il va sans dire que Lord Owen, qui est un médiateur, accepte
3 que les deux parties commettent des erreurs. Il en ressort clairement une
4 fois de plus qu'il s'agit, premièrement, des différences politiques, des
5 écarts politiques en ce qui concerne l'avenir de Bosnie-Herzégovine. Et
6 ceci, en ce qui concerne le système de l'Etat qui doit être mis en place
7 et le système constitutionnel.
8 Par conséquent, c'est comme cela qu'il faut interpréter la transcription,
9 à condition que cette transcription soit fiable, qu'elle soit authentique.
10 Ce que je pense n'est pas acceptable, c'est que, quand on a la vue
11 d'ensemble de ce texte, ce n'est vraiment pas correct, comme je vous l'ai
12 dit, d'extraire un certain nombre de parties de ce texte, des le présenter
13 comme s'il n'y avait pas le reste du texte. Voilà, c'est mon commentaire.
14 C'est tout.
15 M. Scott (interprétation): Je vous remercie. S'agissant des travaux
16 historique que vous avez accomplis, est-ce que vous préférez fonder vos
17 conclusions sur plus d'une source, sur plus d'une catégorie
18 d'informations?
19 M. Ancic (interprétation): Il serait véritablement le plus utile que de
20 posséder des sources différentes devant soi-même. Les documents officiels
21 -une fois de plus, il s'agit de mon expérience et ceci est vrai aussi bien
22 pour les documents de l'époque médiévale que les documents qui concernent
23 l'époque moderne-, ils dissimulent la réalité. C'est la raison pour
24 laquelle il est très utile également de rentrer en possession d'autres
25 documents, les documents sur la base desquels on peut voir comment on
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1 applique tout ce qui est normes, normes officielles.
2 Question: Par conséquent, vous seriez plus confiant si vous aviez plus
3 d'une source d'informations et plus d'une catégorie de documents? Est-ce
4 bien exact?
5 Réponse: C'est exact. Dans la liasse de documents, vers la fin de cette
6 liasse, est-ce que vous pouvez trouver les pièces à conviction 664.2?
7 (Intervention de l'huissier.)
8 Question: On peut voir qu'il y a eu une nomination ou une proposition de
9 nomination datée du 6 novembre 1993 et, si vous vous tournez vers la
10 dernière page du document en langue croate, vous pourrez convenir avec
11 moi, je l'espère, que sur cette partie du document, il n'y a pas de
12 signature. Est-ce exact?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Compte tenu de ce document et des nominations qui sont
15 proposées, est-ce que la nomination des officiers principaux du HVO, en
16 commençant par Roso, M. Crnjac, etc. Est-ce bien exact?
17 Réponse: C'est ce qui semble.
18 Question: J'appelle à présent votre attention sur un autre document et je
19 vous invite à…
20 Réponse: Excusez-moi, il semble que… Enfin, tout au moins, cela me
21 paraîtrait énigmatique car, sur la première page, on peut lire qu'il
22 s'agit de la nomination des membres du HVO et, ensuite, je ne sais plus
23 maintenant à quoi cela se rapporte. Est-ce qu'il s'agit d'un document qui
24 est signé? Est-ce un document officiel? Est-ce qu'il y a un sceau qui est
25 apposé? D'où vient ce document? Quelle en est sa source? On ne voit rien.
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1 Excusez-moi, il y a un certain nombre de noms que je connais, qui me sont
2 familiers, que ce soient des personnes dont j'ai appris les noms par les
3 journaux. Je sais que le commandant de brigade, Ivan Tolj, a été chargé
4 des questions politiques au sein de l'armée croate. C'est la raison pour
5 laquelle je suis quelque peu confus.
6 M. Scott (interprétation): Il y a quelque moment… et si vous gardez la
7 pièce à conviction 664.2, j'appelle votre attention à présent sur la pièce
8 à conviction PT15. Il s'agit d'un autre transcript qui a été versé au
9 dossier. Il s'agit d'un document daté du 23 novembre 1993. Je vais vous
10 donner lecture d'un paragraphe assez long.
11 Mme Clark (interprétation): Avant de faire cela, je tiens à vous signaler
12 que le Président et moi-même n'arrivons pas à trouver la pièce à
13 conviction 664.2.
14 M. Scott (interprétation): Je m'en excuse.
15 Madame Clark, normalement, vous devriez disposer de ce document, mais si
16 vous ne le trouvez pas, je me ferai un plaisir de vous en remettre un
17 exemplaire.
18 (Intervention de l'huissier.)
19 M. le Président (interprétation): J'ai trouvé les documents.
20 M. Scott (interprétation): Je vous prie de bien vouloir m'en excuser:
21 l'ordre n'est pas toujours numérique, tout dépend de l'ordre dans lequel
22 ces documents ont été consultés au cours des audiences, et je vous prie de
23 bien vouloir m'en excuser.
24 J'appelle à présent votre attention sur les documents PT15, et je vous
25 invite soit à consulter la version croate ou à consulter la version en
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1 langue anglaise. Si vous souhaitez la version croate, je vous invite à
2 consulter la page R0157079 et, moi, je vais consulter la version en langue
3 anglaise à la page 7.
4 Il s'agit du Président Tudjman qui parle et il dit:
5 "-Président: Monsieur le Ministre et Monsieur le Général, ici, Gornji
6 Vakuf, nous avons subi un échec politique et militaire.
7 Monsieur le Ministre, vous savez vous-même qu'un des présidents conjoints
8 a demandé, dans son contexte, si nous pouvions et si nous pourrions
9 prendre contrôle de Gornji Vakuf. Je vous ai donné l'ordre et ceci n'a pas
10 été accompli. De la sorte, nous nous trouvons dans une situation militaire
11 et politique difficile et nous avons ainsi confirmé que, militairement,
12 nous ne sommes pas en mesure de nous mesurer aux Musulmans dans cette
13 zone. Il s'agit d'un fiasco. Qui a ordonné la destruction du pont de
14 Mostar et pourquoi?"
15 Gojko Susak répond… En fait, il ne répond rien puisqu'il y a un
16 bruissement de papier.
17 "-Président: Ils l'ont montré à la télévision européenne. Pendant quatre
18 jours et deux jours, les unités croates l'ont bombardé et ont essayé de
19 déterminer qui l'avait ordonné et pourquoi. Et il y aura des dégâts
20 politiques considérables que nous allons devoir essuyer et il est
21 nécessaire qu'ils soient punis.
22 En troisième lieu, Monsieur le ministre de la Défense et le commandant du
23 quartier général principal, est-ce que vous avez pu délivrer un ordre
24 confirmant que la Croatie avait entamé la guerre, c'est-à-dire qu'elle est
25 directement impliquée alors que j'ai continuellement souligné que vous
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1 deviez construire cela de façon volontaire, qu'il s'agissait de
2 volontaires qui ont quitté l'armée croate et qui luttent à présent sous le
3 commandement du HVO? Et ici vous nommez les membres du quartier général
4 principal, le ministre de la Défense en Croatie et l'autorité suprême du
5 quartier général…
6 -Gojko Susak: Est-ce que je peux voir ce document?
7 -Président: Vous ne le saviez pas?
8 -Janko Bobetko: Il s'agit d'une proposition que j'ai obtenue pour ces
9 populations.
10 -Gojko Susak: Qui a préparé cela?
11 -Président: Vous ne saviez pas?
12 -Janko Bobetko: Nous sommes convenus qu'à l'issue de la réunion nous
13 devions nous réunir afin de voir comment on pouvait s'en sortir.
14 -Président: Mais nous ne devons pas procéder à des nominations. Et j'avais
15 déclaré que le général Roso avait été nommé par le Président de la
16 République d'Herceg Bosna.
17 -Janko Bobetko: Ici, il y a des hommes qui sont prêts à vous aider, aider
18 Roso et que dans ce groupe, personne n'a été…
19 -Président: Général Bobetko.
20 -Janko Bobetko: Je propose des hommes, je propose des hommes qui sont en
21 mesure d'aider." (Fin de citation.)
22 Je voudrais à présent attirer votre attention sur le document P664.2. Il
23 s'agit d'un document qui émane de la République de Croatie et plus
24 particulièrement du ministère de la Défense:
25 "Conformément à l'ordre du commandant suprême des forces armées de la
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1 République de Croatie et le Président de la République de Croatie, le Dr
2 Franjo Tudjman, et conformément au paragraphe 1er de l'article 52.1 et 2
3 de la loi concernant la défense, et l'article 18 de la décision portant
4 fondation de l'organisation du ministère de la Défense, a nommé aux postes
5 les plus élevés du conseil de la défense croate:
6 Tout d'abord, le général de brigade Ante Roso en tant que commandant du
7 quartier général principal du conseil de la défense croate."
8 C'est-à-dire que ce document fait apparaître les noms du ministre de la
9 défense, à savoir M. Susak.
10 "-Président: Vous ignoriez ce fait?
11 -Janko Bobetko: Il s'agissait là de notre proposition quant à la façon
12 dont nous pouvions constituer ce quartier général. Il n'y avait pas
13 d'unité de commandement.
14 -Président: Est-ce que vous avez signé ce document?
15 -Janko Bobetko: J'ai regardé ce document hier soir et je pense que ces
16 documents doivent être examinés. Ce commandement doit être institué. Je ne
17 sais pas comment il est arrivé ici, mais ce document n'est allé nulle
18 part. Qui devons-nous envoyer?
19 -Président: Nous aurions dû parvenir à un accord et nous aurions dû
20 envoyer des personnes.
21 -Janko Bobetko: Lucic a reçu l'ordre.
22 - Président: Pour envoyer Roso comme commandant du quartier général du HVO
23 qui a été nommé ici par le quartier général, et non pas que nous devrions
24 le nommer, apporter la preuve que nous sommes ceux qui donnent les
25 ordres."
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1 L'interprète: Pourriez-vous ralentir un peu le rythme?
2 M. Scott (interprétation): Je vous prie de m'excuser.
3 "-Président: …prouver qu'il y a eu des ordres.
4 -Gojko Susak: Toutes ces personnes sont ici, est-ce que quelqu'un a Janko?
5 -Président: Quoi?
6 -Gojko Susak: Comment se fait-il que je ne dispose pas de cela dans mon
7 bureau?
8 -Janko Bobetko: Qui, qui?
9 -Gojko Susak: Crnac est ici, Vrbanac est ici, Biskic est ici et Butorac
10 est ici.
11 -Janko Bobetko: Lucic m'a informé qui allait se rendre là-bas. L'ordre
12 était de réunir et de rassembler des volontaires."
13 Je me rends compte qu'on a perdu quelque temps, mais permettez-moi peut-
14 être de revenir sur certains passages afin d'essayer de le raccourcir
15 quelque peu. Du point de vue de l'histoire et en votre qualité
16 d'historien, pouvez-vous dire que le Président Tudjman ainsi que M.
17 Bobetko et le ministre de la Défense étaient en train de discuter en date
18 du 23 novembre 1993 le document dont il était question dans la pièce à
19 conviction P664.2?
20 M. Ancic (interprétation): Pour être d'accord avec vous, il faudrait que
21 j'étudie pendant des jours et des jours le document que vous venez de me
22 lire. Je vais vous dire quelque chose, il y a un piège pour un historien.
23 Au cours des années 70 du dernier siècle, on a beaucoup parlé de la
24 Deuxième Guerre mondiale. Est-ce que Vlatko Macek a ou non contacté le
25 ministre des Affaires étrangères d'Italie?
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1 Il y avait une lettre, une lettre énigmatique qui a fait le fondement de
2 cette recherche qui a été faite. Il y avait des débats extrêmement animés
3 qui ont été menés à ce sujet-là. Il y avait une conversation mystérieuse
4 avec un certain M. Bombeles. Les historiens ont fini par conclure que
5 cette lettre-là, véritablement, n'avait aucune preuve pour un historien.
6 C'est la raison pour laquelle vous êtes en train d'avancer des preuves
7 très graves, des accusations et des allégations très graves. Moi, je ne
8 peux pas me permettre, en ma qualité d'historien, de ne pas véritablement
9 étudier à fond et de procéder à une expertise tout à fait particulière
10 pour pouvoir en tirer des conclusions et pouvoir répondre à cette
11 question. Moi, je suis sérieux comme historien et je ne peux pas faire
12 autre chose.
13 Question: Merci. Une dernière chose, je vous invite à examiner la page 10
14 de la version anglaise ou la page équivalente de la version croate, si
15 vous le souhaitez, pour répondre à la question suivante.
16 A lire la description du document donnée par le Président Tudjman, en haut
17 de la page 10, n'est-ce pas pratiquement le même texte que ce qui se
18 trouve au début de la pièce 664.2 versée au dossier?
19 Réponse: Est-ce que je peux vous répondre? C'est que la description que
20 l'on trouve dans un texte correspond à ce qui apparaît dans un autre
21 document. C'est indubitable. J'ai déjà répondu pour ce qui est du reste.
22 Question: Monsieur, une dernière question, peut-être deux. Dans
23 l'interview dont nous parlions ce matin -et je pense qu'il s'agit de la
24 pièce 944-, je vais m'assurer qu'il s'agit de vos mots et non pas des mot
25 de quelqu'un d'autre, c'est pourquoi je serai très précis dans les
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1 citations que je vais faire.
2 Pièce 944, donc, dont j'ai fait lecture en anglais, en haut de la page 3
3 de ce document. Il apparaît que les questions commencent systématiquement
4 par un tiret et, en haut de la page, par exemple, on trouve un tiret et,
5 ensuite, il est dit: "Dans quelle mesure un procès en appel peut changer
6 la position du Bureau du Procureur et du Tribunal?" Alors si je comprends
7 bien, c'est la question qui vous a été posée par le journaliste, n'est-ce
8 pas?
9 Réponse: Hum, hum.
10 Question: Et dans votre réponse, vous dite que "la réponse à de telles
11 questions doit être cherchée dans le contexte créé au Tribunal de La Haye.
12 Seuls des Croates ont été jugés dans le cadre du conflit entre Bosniens et
13 Croates jusqu'ici".
14 Alors ceci a été dit le 11 février de cette année. Savez-vous que, dans
15 l'affaire Celebici, ce sont trois Musulmans qui ont été condamnés par le
16 Tribunal?
17 Réponse: Mais ils ont été condamnés pour quelle raison?
18 Question: Je n'ai pas ici le jugement complet sous les yeux, mais j'ai les
19 noms. Il s'agit de Mucic, Delic, Landzo qui ont été tous les trois
20 condamnés par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Est-
21 ce que vous le saviez?
22 Réponse: Oui, je connais les noms, mais je ne sais pas pourquoi ils ont
23 été condamnés.
24 Question: Savez-vous qu'il y a aussi un jugement en attente concernant un
25 certain Sefer Halilovic?
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1 Réponse: Oui, c'est ce que j'ai dit au journaliste. De toute évidence, il
2 a fait une erreur lorsqu'il a retranscrit la cassette. En effet, cette
3 interview a eu lieu au début de l'année, au moment précisément où les
4 audiences concernant Halilovic étaient en train de se dérouler. C'est à
5 cela que je faisais référence dans ma réponse au journaliste.
6 Question: Il y a aussi un jugement en attente, ici au Tribunal, qui
7 concerne Enver Hadzihasanovic, Amir Kubura et Mehmed Alagic.
8 Réponse: C'est bien ce que je disais. J'ai lu dans les journaux qu'il y
9 avait des jugements en attente concernant ces personnes, que des chefs
10 d'accusation avaient été portés contre eux, que les procès avaient
11 commencé, et voilà ce que j'ai dit au journaliste.
12 M. Scott (interprétation): Je vous remercie.
13 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik, voulez-vous poser des
14 questions supplémentaires au témoin?
15 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Mladen Ancic, par
16 Me Krsnik.)
17 M. Krsnik (interprétation): Oui, mais j'essaierai d'être très concis.
18 Monsieur le Professeur, je suis soucieux d'aider la Chambre à comprendre
19 le contexte historique qui nous intéresse ici. Alors pourriez-vous
20 expliquer à la Chambre les choses qui suivent?
21 Première question: qui était parmi les Oustachis? Il y avait, je crois,
22 parmi eux…
23 M. Ancic (interprétation): Il y avait parmi eux un certain nombre aussi de
24 Musulmans et des membres de la communauté musulmane.
25 Question: Quand est-ce que les Oustachis ont été créés?
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1 Réponse: Les Oustachis ont été créés dans les années 20 du 20e siècle.
2 Question: Et quel était le contexte historique lorsque le chant "Jure et
3 Boban" a été écrit? Car je crois que c'est un chant qui est insultant pour
4 les Musulmans.
5 Réponse: Cette chanson est née durant le processus d'indépendance de la
6 Croatie. Et j'ai entendu cette chanson à Sarajevo pour la première fois en
7 1992 au tout début de la guerre. C'était une chanson très populaire à
8 Sarajevo dans les premiers mois de la guerre. Sa popularité s'explique
9 sans doute par les mots: "Nous allons mettre le feu à la Serbie et
10 franchir la Drina.". Alors que cette chanson ait été jugée offensante pour
11 certains, c'est un problème tout à fait différent.
12 Question: Oui, mais vous êtes historien. Alors savez-vous pourquoi en
13 Bosnie-Herzégovine Jure et Boban sont fêtés et qu'est-ce qu'ils ont fait
14 pour les Musulmans?
15 Réponse: Je ne peux pas vraiment dire que Jure et Boban sont fêtés en
16 Bosnie-Herzégovine. Ils sont à la fois fêtés et vus avec des yeux
17 différents.
18 Question: Bien entendu.
19 Réponse: Mais le fait reste qu'ils ont mené leurs opérations dans les
20 parties orientales de la Bosnie pendant la Deuxième Guerre mondiale alors
21 qu'il y avait un conflit qui opposait essentiellement les Musulmans et les
22 Serbes. C'est dans ce contexte que cette image collective s'est formée
23 avec une aura tout à fait différente de l'image qu'il a eu après la
24 Deuxième Guerre mondiale.
25 Question: Ce que je cherche à savoir de vous en tant qu'historien, c'est
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1 si les Musulmans ont été sauvés des massacres par les Chetniks pendant la
2 Deuxième Guerre mondiale dans la partie orientale de la Bosnie.
3 Réponse: Je viens de dire qu'ils ont mené leurs opérations dans la partie
4 orientale de la Bosnie. Et c'est là essentiellement que la guerre et les
5 opérations de combat ont eu lieu contre les forces serbes que nous
6 appelons aussi les forces chetniks. Et à l'époque, dans cette partie
7 orientale de la Bosnie, il n'y avait pas de population croate tout comme
8 actuellement.
9 Si donc des opérations y étaient menées, c'étaient des opérations qui
10 visaient à protéger la population locale, donc la population musulmane,
11 contre la terreur chetnik.
12 Question: Et pour conclure cette histoire, est-ce que des Oustachis ont
13 jamais mené des opérations contre des Musulmans?
14 Réponse: Non. Contre des Musulmans, non, jamais parce qu'après cela il y a
15 eu une unité exclusivement musulmane dans l'Etat indépendant de Croatie,
16 une division qui faisait partie des troupes allemandes en tant que
17 régiment SS.
18 Ce régiment SS a participé à la Deuxième Guerre mondiale du côté des
19 Allemands, bien sûr.
20 Question: Je voudrais aussi vous poser une question à la fois brève et
21 décisive.
22 Vous avez dit, en réponse au Bureau du Procureur, certaines choses
23 concernant votre attitude dans le conflit. Ce que le Procureur n'a pas
24 dit, c'est qu'il prétend que le 16 avril 1993, le HVO a attaqué des civils
25 musulmans et que c'est cela qui a marqué le début de la guerre. Alors en
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1 Bosnie… Pas seulement en Herzégovine mais dans l'ensemble de la Bosnie-
2 Herzégovine.
3 Réponse: Je crois que le texte que j'ai lu, tel qu'il apparaît dans sa
4 transcription, dément cette affirmation. Il s'agit d'une transcription
5 d'un enregistrement audio d'une réunion qui s'est tenue à Zagreb et à
6 laquelle ont participé Mate Boban, Izetbegovic, réunion au cours de
7 laquelle ils ont discuté de conflits nombreux qui avaient déjà été traités
8 à ce moment-là.
9 Question: Alors je voudrais en arriver à cette transcription et la
10 question que je vous pose est celle-ci: de qui était le plan? Qui a signé
11 ce plan?
12 Réponse: Le plan Vance-Owen a été accepté par la délégation dirigée par M.
13 Alija Izetbegovic et M. Mate Boban. Est-ce que cela apparaît dans la
14 transcription?
15 Réponse: C'est implicite dans la transcription.
16 M. Krsnik (interprétation): Je vous le demande parce que le Procureur dit
17 depuis un an que M. Alija Izetbegovic n'a jamais accepté cette déclaration
18 et l'a encore moins signée.
19 M. Scott (interprétation): Nous n'avons jamais prétendu que Alija
20 Izetbegovic n'avait pas signé le plan Vance-Owen vers le 26 mars 1993.
21 C'est une position que nous n'avons jamais défendue et la déclaration
22 conjointe en date du 2 avril est une question totalement différente.
23 M. Krsnik (interprétation): Ceci n'est pas vrai, Monsieur le Président. Je
24 préparerai pour ma plaidoirie finale un résumé des parties pertinentes de
25 la transcription et vous verrez ce qu'a effectivement dit ou ce que n'a
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1 pas dit le Procureur dans ce prétoire.
2 Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez lu le livre de Lord Owen?
3 M. Ancic (interprétation): Oui.
4 Question: Et celui de Richard Holbrooke?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Lord Owen parle de "conflits et d'attaques commises par l'armée
7 de Bosnie-Herzégovine contre des unités du HVO et contre la population
8 croate en Herzégovine, à Sarajevo et ailleurs en Bosnie"?
9 Réponse: Oui, c'est mentionné dans l'ouvrage de Lord Owen.
10 Question: Connaissez-vous les détails décrivant la façon dont l'armée de
11 Bosnie-Herzégovine est allée dans les hôpitaux et a lancé des grenades
12 afin de provoquer des réactions de la part des Serbes? Est-ce que l'on a
13 ouvert le feu dans les couloirs des hôpitaux?
14 Réponse: J'ai assisté à tout cela à la télévision. Ce n'est pas seulement
15 mentionné dans les mémoires de Lord Owen mais je préfère ne pas entrer
16 dans ce genre de détail.
17 Question: Connaissez-vous, en tant qu'historien, qui a été le premier à
18 utiliser l'expression "nettoyage ethnique" et est-ce que c'était une
19 expression utilisée avant?
20 Réponse: L'expression "nettoyage ethnique", je pense, a été entendue pour
21 la première fois dans la bouche d'un fonctionnaire américain.
22 Question: Et ce terme n'a-t-il jamais été utilisé dans l'histoire
23 précédemment?
24 Réponse: Ce terme n'a jamais été utilisé de cette manière et, si nous
25 l'appliquons dans son acception actuelle, il pourrait être appliqué à
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1 l'application de trois millions d'Allemands en Tchécoslovaquie, mais on
2 pourrait aussi l'appliquer à toute une série d'actions qui ont eu lieu
3 dans le monde au cours du siècle écoulé. Cette expression est devenue
4 "populaire" grâce uniquement à la guerre qui a éclaté dans l'ex-
5 Yougoslavie.
6 Question: Je crois que j'en arrive à ma dernière question. En réaction aux
7 questions du Procureur, vous avez été très clair, Monsieur, mais je
8 voudrais néanmoins préciser une chose concernant cette expression que l'on
9 vient de définir. L'intention de procéder au nettoyage ethnique a-t-elle
10 existé ou est-ce que ce sont les conflits et la guerre qui ont provoqué ce
11 phénomène?
12 Réponse: Je crois, et c'est ma conviction profonde, après avoir consulté
13 tous ces ouvrages et ces textes pour mon rapport, qu'il y avait une
14 intention de déplacer des groupes importants de population dans le cadre
15 d'un plan visant à une sécession interne.
16 D'autre part, je pense que ce qui, de prime abord, ressemble à du
17 nettoyage ethnique dans le cadre du conflit entre Croates et Musulmans a
18 été le résultat d'un conflit militaire qui s'explique par des vues
19 divergentes quant à l'avenir du pays.
20 Question: Je crois que cette réponse est complète. Je recherche un
21 document qui montrerait la façon dont les choses étaient organisées à
22 Mostar. Vous avez déjà répondu au Bureau du Procureur mais une chose me
23 frappe, c'est qu'à chaque page du document montré par le Bureau du
24 Procureur, on trouve des divergences entre la version croate et la version
25 anglaise. Alors je me demande parfois s'il s'agit bien même du même
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1 document.
2 Sur chaque page, il y a un numéro de référence. Vous êtes historien et
3 nous sommes tous fatigués, donc je voudrais en terminer et avoir votre
4 avis concernant ce document. Quelles sont les normes minimales requises
5 d'un document pour qu'il soit acceptable aux yeux d'un historien?
6 Nous sommes, ici, des hommes de loi. Les systèmes juridiques sont
7 différents selon le pays, les critères peuvent être différents mais je me
8 demande ce que l'on dira demain d'un point de vue d'historien concernant
9 l'authenticité de ce document.
10 Réponse: Oui, ce document est authentique. Il y a plusieurs critères qui
11 permettent aux Juges de juger de l'authenticité du texte. Si un document a
12 des indications indiquant qu'il a été certifié dans le cadre d'un système
13 juridique et s'il a été préservé sous sa forme originale, alors ce
14 document est considéré comme étant authentique.
15 Toute irrégularité, s'il s'agit d'un document officiel, rend nécessaire
16 une expertise pour s'assurer de l'authenticité du texte. Cette
17 vérification se fonde toujours sur la comparaison avec un autre document
18 ou une série d'autres documents originaux émanant de la même instance.
19 Ceci dit, en tant qu'historien, je dois encore rajouter autre chose, qui
20 est sans doute propre à ma spécialité par opposition au travail des
21 juristes. Il est donc important qu'un document soit authentique du point
22 de vue de sa forme légale, mais il faut aussi en vérifier l'authenticité
23 pour ce qui est de la façon dont cela reflète les faits et, pour mon
24 travail, c'est sans doute ce qui compte davantage encore.
25 Question: (Hors micro.) En ce qui concerne les documents, dans l'ex-
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1 Yougoslavie, par exemple en ce qui concerne les ordres militaires, quand
2 il s'agit de la vie des hommes, est-ce que, en vertu de la loi, il est
3 indispensable d'avoir un sceau qui est apposé sur les documents et puis la
4 signature manuscrite?
5 Réponse: Oui, ce sont les deux éléments par lesquels on certifie
6 l'authenticité des documents.
7 Question: Si je vous ai posé la question, c'est tout simplement parce
8 qu'il y a toute une série de documents où il n'y a pas de signature
9 manuscrite en original alors qu'en anglais, il y en a qui sont signés.
10 Réponse: Je vous ai déjà dit, dans le système anglo-saxon, la signature
11 suffit pour authentifier un document, avaliser un document. Dans le
12 système juridique et la tradition juridique qui prévalent dans cette
13 partie de l'Europe, le sceau a plus de poids que la signature.
14 Question: Vous parlez de la signature dactylographiée ou manuscrite?
15 Réponse: Mais non, à la main, bien évidemment.
16 M. Krsnik (interprétation): Je n'ai plus de questions à poser. Merci.
17 M. le Président (interprétation): Juge Clark, je vous en prie.
18 (Questions supplémentaires au témoin, M. Mladen Ancic, par Mme la Juge
19 Clark.)
20 Mme Clark (interprétation): Oui, j'ai une question que je voudrais poser.
21 De fait, j'ai beaucoup de questions à poser, mais je m'abstiendrai d'en
22 poser de trop nombreuses étant donné que nous sommes ici depuis ce matin.
23 Donc le contexte de loyauté des Croates de Bosnie-Herzégovine vis-à-vis du
24 HDZ et de M. Tudjman, c'est le contexte dans lequel vous avez raconté un
25 incident qui a eu lieu impliquant une unité de chars qui traversait la
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1 Bosnie-Herzégovine, en route vers la Croatie.
2 J'ai donc resitué le contexte et je vous poserai la question suivante. Cet
3 incident nous a été raconté par de nombreux témoins qui étaient des gens
4 importants au HVO. Et aucun d'entre eux n'a jamais parlé du rôle joué par
5 le Président Tudjman. Cela m'intrigue parce que, si je lis le texte
6 traduit en anglais du croate, j'y vois une référence à quelqu'un qui
7 s'appelle Malcolm, un auteur qui s'appelle Malcolm et vous dites que
8 l'auteur de ce texte a assisté à tout cet événement alors qu'il était
9 retransmis directement à la télévision.
10 Alors ma première question: est-ce que vous faites référence à vous-même
11 en disant cela?
12 M. Ancic (interprétation): M. Noël Malcolm est l'auteur de "L'histoire de
13 Bosnie-Herzégovine" et c'est un ouvrage assez rare. Il n'a pas observé cet
14 incident dont il est question, mais il est au courant de l'incident. Il en
15 a donné la description.
16 En ce qui me concerne, à Sarajevo, à la télévision, j'ai eu l'occasion de
17 voir l'enregistrement de l'incident. Et ce que je voulais souligner,
18 c'était l'autorité morale dont bénéficiait le Dr Franjo Tudjman à ce
19 moment-là.
20 Question: J'accepte pleinement le contexte et les raisons que vous avez
21 avancées au sujet de l'incident. C'est la raison pour laquelle j'ai fait
22 précéder ma question en précisant ces faits. Mais d'après ce que vous
23 venez de dire, vous ne souhaitiez pas insister sur cet incident.
24 Toutefois, vos observations, suite à la divulgation de cet incident sur la
25 télévision, comment est-ce que la population savait que le Président
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1 Tudjman s'adressait à eux? Nous avons vu de nombreux enregistrements de
2 notre côté, mais comment est-ce que le peuple sur le terrain s'est aperçu
3 que le Président Tudjman s'adressait à eux?
4 Il y avait un grand nombre de personnes qui entouraient le char. Je pense
5 qu'il s'agissait de la ville de Siroki Brijeg. Et nous avons entendu que
6 le Président Izetbegovic était à côté de Stjepan Kljuic. Est-ce que vous
7 pourriez peut-être élaborer quelque peu?
8 Réponse: Tout ce dont vous parlez, Madame la Juge, a été diffusé à la
9 télévision. Donc il y a cette séquence que vous avez vu vous-même. Le
10 Président Tudjman s'est adressé à la population en passant par la radio et
11 la télévision. C'est la radio et la télévision d'Etat, donc il y a un
12 réseau d'Etat de la télévision et de la radio qu'il avait utilisé pour
13 parler. Il a été donc enregistré et il a parlé en utilisant ce canal.
14 Question: Peut-être que je me suis un peu écartée lorsque j'ai fait
15 allusion à un enregistrement parce que nous disposions déjà d'éléments de
16 preuve au sujet de cet incident. Mais lorsque vous avez regardé cela sur
17 la télévision, il s'agissait d'un fait qui s'était produit bien avant. Le
18 référendum concernant la sécession de la Yougoslavie et de la Bosnie-
19 Herzégovine et je pense que le niveau de tension était peut-être plus
20 faible à cette époque-là, du moins au niveau de la communauté croate et
21 musulmane.
22 Je tiens ces propos simplement parce que nous sommes conscients que
23 lorsque la guerre a commencé. Les différents médias ont essayé de
24 promouvoir ce qu'ils pensaient être la vérité.
25 Est-ce que vous avez pu assister à cette projection télévisée? Est-ce que
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1 cela avait été diffusé aussi bien par les Musulmans que par les Croates?
2 Est-ce qu'il s'agissait d'un programme digne de foi?
3 Réponse: Je ne peux pas véritablement m'en souvenir à cet instant même
4 quelle était la chaîne d'Etat qui avait transmis cette émission. A
5 Sarajevo, il y avait les trois programmes, les trois chaînes à la
6 télévision. Et en plus, il y avait une chaîne qui était à part, qui
7 diffusait les programmes et qui avait assemblé les journalistes de toutes
8 les parties de Yougoslavie et qui s'appelait "Yutel". Je ne peux pas vous
9 dire exactement quelle était la chaîne qui avait transmis cette émission,
10 mais c'étaient les seules chaînes à Sarajevo et en Bosnie-Herzégovine, à
11 l'époque.
12 Question: Aviez-vous des raisons de ne pas croire ce que vous avez à la
13 télévision ou avez-vous obtenu des confirmations de ce que vous aviez vu à
14 la télévision après avoir discuté avec des collègues, avoir lu des
15 documents, avoir consulté la presse?
16 Réponse: C'est un événement qui a provoqué beaucoup de commentaires dans
17 la presse et dans les médias, en général. La télévision ne peut pas être
18 considérée comme une source d'informations et l'unique source
19 d'informations et véridique. On peut mettre en doute bien évidemment tout
20 ce qui se dit à la télévision et partout, mais moi, je n'ai pas douté de
21 ce que j'ai vu.
22 Mme Clark (interprétation): Je vous remercie.
23 M. le Président (interprétation): Y a-t-il d'autres questions?
24 Maître Krsnik, je me tourne vers vous.
25 (Second interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Mladen
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1 Ancic, par Me Krsnik.)
2 M. Krsnik (interprétation): Oui, juste une question que j'aimerais poser
3 au témoin. Je ne sais pas si la traduction a été bonne, je ne sais pas non
4 plus si la transcription a été tout à fait correcte quand la Juge Clark a
5 parlé de Franjo Tudjman. Elle a parlé de son influence éventuelle sur les
6 citoyens d'autres Etats et ceci, en relation avec ce qu'on voit. Je ne
7 sais pas si c'est de cela que la Juge Clark a parlé.
8 Mme Clark (interprétation): Oui, en effet, c'est bien cela. Les citoyens
9 croates de la Bosnie-Herzégovine étaient des membres du HDZ dans ce
10 contexte-là.
11 M. Krsnik (interprétation): Est-ce que c'étaient, à cette époque-là, les
12 citoyens d'un autre Etat?
13 M. Ancic (interprétation): Non, pas du tout c'étaient les ressortissants
14 d'un même et seul Etat car c'est un événement qui a eu lieu avant
15 l'éclatement même officiel et officieux de la Yougoslavie.
16 Mme Clark (interprétation): Vous avez bien raison, Maître Krsnik.
17 M. le Président (interprétation): Je vous remercie de votre témoignage.
18 Je vais demander à Mme l'Huissière de bien vouloir vous accompagner.
19 Nous vous souhaitons un bon voyage de retour.
20 M. Ancic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président,
21 Mesdames les Juges.
22 (Le témoin, M. Mladen Ancic, est reconduit hors du prétoire.)
23 (Matières relatives aux éléments de preuve - Questions relatives à la
24 procédure.)
25 M. le Président (interprétation): A ce stade de nos débats, y a-t-il des
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1 documents que vous souhaitez verser au dossier?
2 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, on aimerait verser au
3 dossier la pièce à conviction D1/316.
4 M. le Président (interprétation): Merci. Y a-t-il des objections, Monsieur
5 Scott? Qu'est-ce qui se passe avec le rapport de ce témoin?
6 M. Scott (interprétation): Non, pas d'objection pour l'admission. Le
7 rapport ne fait l'objet du contre-interrogatoire.
8 M. le Président (interprétation): Dans ce cas-là, nous allons verser ce
9 document au dossier.
10 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je reviens à présent sur
11 la liste. Je vais essayer de vérifier toutes les sources dont je dispose
12 et je reviendrai sur cette liste si besoin est.
13 Compte tenu des documents qui ont été utilisés par le témoin aujourd'hui,
14 les documents 131.1, 273.1, 830.2, 941, 943, 944, 945, 946, PT8.1. Et il
15 nous faudra également recevoir une cote pour l'enregistrement du chant de
16 Jure et Boban. Il s'agira à ce moment-là de la pièce D1/277 ou d'un autre
17 numéro que pourra nous donner la Greffière d'audience.
18 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Y a-t-il des
19 objections?
20 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, j'aimerais tout
21 simplement me référer à un certain nombre de documents qui sont nouveaux.
22 Il faudra également voir quels sont les documents qui ont été utilisés par
23 le Procureur au cours du contre-interrogatoire aujourd'hui et on aimerait
24 pouvoir en parler quelque peu. Cela, c'est un premier point.
25 Il y a un autre point que j'aimerais soulever: nous demandons au Bureau du
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1 Procureur que tous les documents qui ont été identifiés comme provenant du
2 Gouvernement de Bosnie-Herzégovine ou de l'ambassade de la Bosnie-
3 Herzégovine… de bien vouloir nous dire qui leur a remis ces documents
4 parce qu'il s'agit d'un organe qui n'existe pas et nous avons pu entendre
5 par notre expert témoin que les documents doivent être signés pour qu'ils
6 soient considérés valables, signés par le ministre, ou le ministre
7 adjoint, voire également s'il y a un sceau qui est apposé. Ceci est vrai
8 pour tous les documents qui ont été signalés comme provenant du
9 Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine.
10 Excusez-moi, j'ai oublié également un autre point: nous souhaiterions
11 proposer, s'il n'y a pas d'objection du côté du Bureau du Procureur -étant
12 donné que c'est une pièce à conviction qui a été proposée par le
13 Procureur, il s'agit de P960- de la verser au dossier.
14 M. le Président (interprétation): Y a-t-il des objections, Monsieur Scott?
15 M. Scott (interprétation): Oui, nous nous opposons à l'insertion de ce
16 document. Nous l'avions montré au témoin simplement pour qu'il puisse
17 répondre à cette question. Toutefois, ce document n'est pas pertinent pour
18 l'affaire dont nous sommes saisis. C'est la raison pour laquelle nous
19 soulevons une objection.
20 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik, nous pensons également
21 que ce document n'est pas pertinent, vu la teneur de ce document. C'est la
22 raison pour laquelle nous ne versons pas ce document à notre dossier. Il
23 s'agit du document P960. Si vous le souhaitez, je peux vous donner un peu
24 plus de temps afin de formuler des observations. Toutefois, ne perdez pas
25 de vue qu'il s'agit là du dernier témoin présenté par la défense et nous
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1 aimerions, d'une certaine façon, commencer à zéro lorsque nous allons
2 engager la procédure des dupliques et répliques. J'espère que vous serez
3 en mesure de déposer vos objections au sujet de ce document au cours de
4 cette semaine de telle sorte que la Chambre de première instance puisse se
5 prononcer au cours de la semaine prochaine.
6 En ce qui concerne la troisième question, la présente Chambre ne met pas
7 en doute le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine et l'ambassade de Bosnie-
8 Herzégovine. Je ne pense pas qu'il soit possible pour l'accusation de vous
9 dire qui, au sein de ce Gouvernement, a remis les documents.
10 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, j'ai le sentiment, je
11 ne sais pas si je vous comprends mal, vous voulez dire que je ne dis pas
12 la vérité? Car nous avons prouvé que le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine
13 n'existe pas, donc le Bureau du Procureur ne peut pas désigner un organe
14 qui n'existe pas comme source d'information et une source d'un document
15 parce que c'est un organe qui n'existe pas, c'est une institution qui
16 n'existe pas. C'est la raison pour laquelle je vous le dis.
17 Par conséquent, vous avez vu qu'il y avait juste un segment de Bosnie-
18 Herzégovine qui avait remis les documents: il s'appelle A.I.D., donc cette
19 agence.
20 Deuxièmement, Monsieur le Président, pour ce qui concerne les documents
21 qui proviennent des Nations Unies, certes on ne les conteste pas. Il y a
22 des documents des Nations Unies, que ce soient des accords de Washington
23 ou autres.
24 Pour le versement au dossier, je ne vois pas pourquoi l'autre partie
25 objecterait car vous avez pris la décision, en tant que Chambre, déjà
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1 l'année dernière, que lorsqu'il s'agit de documents provenant des Nations
2 Unies, ils peuvent être versés au dossier.
3 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik, je crois que vous n'avez
4 pas bien compris mes propos au sujet des documents des Nations Unies. Je
5 crois que la règle s'énonce comme suit: tous les documents sont versés au
6 dossier, à moins que les articles ne stipulent différemment ou que le
7 Règlement de procédure et de preuve… Il s'agit là de la pratique que nous
8 devons suivre du début jusqu'à la fin. Nous avons présenté ce document par
9 le truchement d'un témoin. Nous ne pouvons remettre en question
10 l'authenticité ou la source de ces documents. Le seul critère qui soit
11 pertinent, dans le cadre de ces documents, le seul critère à retenir est
12 la pertinence de ces documents.
13 M. Krsnik (interprétation): Il n'y a pas de doute, je comprends
14 parfaitement, mais il faut verser au dossier le plan Vance-Owen, les
15 Accords de Washington et l'Accord de Dayton parce que l'Accord de Dayton
16 est la base même de Bosnie-Herzégovine actuelle. On ne peut pas ne pas en
17 tenir compte et ne pas verser au dossier ces documents. Moi, je peux
18 utiliser formellement un témoin dans le cadre de la duplique pour verser
19 au dossier, par son biais, les documents en question.
20 C'est la raison pour laquelle nous allons également rédiger des écritures.
21 On ne va pas abuser de votre temps et on verra.
22 M. Meek (interprétation): Je pense que mon collègue souhaite poser la
23 question suivante, à savoir qu'avant de clore notre dossier, étant donné
24 qu'il y aurait la phase de duplique et de réplique, que la Chambre de
25 première instance dresse un acte de ces trois documents.
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1 M. le Président (interprétation): Non, il s'agit là d'une autre question.
2 M. Meek (interprétation): Oui, en effet.
3 M. le Président (interprétation): Vous pouvez déposer une requête
4 concernant l'Article 94, c'est-à-dire le constat judiciaire, et expliquer
5 les raisons pour laquelle vous remettez ces documents. Je pense que la
6 Chambre de première instance examinera votre requête conformément à
7 l'Article 94.
8 M. Meek (interprétation): Oui, bien. Evidemment, il s'agit, en effet, du
9 constat judiciaire. Ces documents peuvent être accessibles. Ils sont
10 connus et je ne pense pas que le Procureur s'opposera à cette procédure.
11 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, y a-t-il des objections?
12 M. Scott (interprétation): Je vous prie de m'excuser, Monsieur le
13 Président.
14 Monsieur Stringer et moi-même étions en train de discuter d'une question.
15 Permettez-moi simplement d'aller un peu plus loin, mais notre position est
16 la suivante, à savoir que le plan Vance-Owen a été déposé comme pièce à
17 conviction. Comme je l'ai dit préalablement, je crois qu'il s'agissait du
18 27. En fait, il a été signé par les deux parties, croate et musulmane. Il
19 n'a jamais été signé par la partie serbe, mais il a été signé le 26 mars
20 1993 et, quel que soit le nombre de fois que M. Krsnik dit que tel n'est
21 pas le cas, nous ne pensons pas que M. Izetbegovic n'a pas signé ce
22 document en date du 26 mai. Je crois que l'Accord de Washington a
23 également été déposé comme élément de preuve. Je crois que ces deux
24 documents font une seule source.
25 M. le Président (interprétation): Je pense que la Chambre de première
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1 instance doit procéder à une recherche à cet égard. Nous devrons voir
2 comment ces trois documents ont été versés au dossier et, dans la
3 négative, il faudra prendre des décisions afin de déterminer si, oui ou
4 non, nous allons les verser à notre dossier.
5 Hier, nous étions le 23 septembre, c'est-à-dire le dernier jour pour la
6 défense de présenter leurs requêtes au sujet de la duplique. A ce jour,
7 nous n'avons pas été saisis de ces requêtes. Je voulais simplement m'en
8 assurer auprès de Me Krsnik.
9 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,
10 nous avons remis à la Greffière, hier, cette requête et, tout
11 particulièrement, à notre cher ami Laurent. Je ne sais pas si vous l'avez
12 eue. J'ai reçu votre décision vendredi dernier.
13 Dans notre requête, nous avons énuméré un certain nombre de témoins mais,
14 entre vendredi et lundi, je ne pouvais pas me rendre sur le terrain et
15 faire tout ce qu'il fallait faire. C'est la raison pour laquelle nous
16 avons remis la liste des témoins et je vais informer mon équipe, dès que
17 je serai à Mostar -j'y serai dès demain-, des témoins qui vont témoigner
18 ici dans le cadre de la duplique. Il y a les quatre noms dont l'un est sûr
19 mais, pour les autres, je ne peux pas vous dire, Monsieur le Président. Il
20 se peut également qu'un témoin ne puisse pas venir. Il faut vérifier sur
21 le terrain. Je n'ai pas d'ailes, je ne suis pas un oiseau et, dès lundi,
22 vous aurez un deuxième ou un troisième nom, mais il y en a quatre qui
23 figurent sur la liste pour le moment.
24 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, mais j'espère que
25 cette requête ne contiendra pas uniquement les noms mais que, dans votre
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1 requête, il sera également fait allusion à des éléments de fond afin que
2 le Procureur puisse se ménager le temps nécessaire pour y répondre.
3 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, certes, c'est ainsi que
4 nous allons procéder. Nos questions, dans le cadre de la duplique, auront
5 affaire avec la réplique. C'est normal. C'est la procédure.
6 M. Par (interprétation): Monsieur le Président, notre défense a soumis la
7 requête le 23; la Greffière nous a confirmé avoir reçu la requête et je
8 pensais qu'au cours de la journée, vous auriez la requête.
9 Très brièvement, qu'avons-nous demandé dans cette requête? Nous avons
10 demandé, étant donné qu'il y a un témoin qui doit venir ici pour
11 identifier ce fameux fusil en bois, nous avons demandé qu'une ordonnance
12 soit délivrée à l'encontre du Bureau du Procureur pour que ce fusil en
13 bois soit apporté, ici, dans le prétoire. Ensuite, que le Bureau du
14 Procureur nous dise également quelle est la source et d'où ils ont obtenu
15 ce fusil en bois. Et nous avons demandé également que l'on puisse procéder
16 à l'expertise de ce fusil en bois auprès de l'institut chargé de
17 criminologie à Zagreb.
18 Voilà, ce sont des éléments contenus dans la requête que vous aurez au
19 cours de la journée.
20 M. le Président (interprétation): Je viens d'être informé par Mme la
21 Greffière que le document D1/277 s'est vu attribuer une cote, à savoir
22 P961.
23 Je crois que nous pouvons lever nos travaux jusqu'au 7 octobre afin
24 d'entamer les procédures de réplique et de duplique.
25 L'audience est levée à 15 heures 55.