Affaire n° : IT-02-60/1-A

LA CHAMBRE D’APPEL

Composée comme suit :
M. le Juge Theodor Meron, Président
M. le Juge Fausto Pocar
M. le Juge Mohamed Shahabuddeen
M. le Juge Mehmet Güney
Mme le Juge Inés Mónica Weinberg de Roca

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
1er septembre 2004

MOMIR NIKOLIC

c/

LE PROCUREUR

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DÉCISION (REQUÊTE AUX FINS D’OBTENIR LA SUPPRESSION DE CERTAINES PARTIES DU MÉMOIRE D’APPEL DE LA DÉFENSE ET D’ÉLÉMENTS DE PREUVE NON VERSÉS AU DOSSIER, REQUÊTE AUX FINS DE PROROGATION DE DÉLAI, REQUÊTE AUX FINS D’OBTENIR L’AUTORISATION DE DÉPOSER UNE DUPLIQUE EN RÉPONSE À LA RÉPLIQUE DE L’ACCUSATION)

_____________________________________________

Les Conseils de l’Appelant :

M. Veselin Londrovic
Mme Virginia C. Lindsay

Le Bureau du Procureur :

M. Norman Farrell

A. CONTEXTE

1. Le 8 juin 2004, l’Accusation a déposé une requête aux fins d’obtenir la suppression de certaines parties du mémoire d’appel de la Défense et d’éléments de preuve non versés au dossier (Motion to Strike Parts of Defense Appeal Brief and Evidence not on Record) (la « Requête de l’Accusation »). L’Accusation demande à la Chambre d’appel la suppression, dans le mémoire liminaire en appel de Momir Nikolic ( Momir Nikolic’s Opening Brief on Appeal) (le « Mémoire de l’Appelant »), des subdivisions V.A.21 (paragraphes 130 à 135) et V.D.4. (paragraphes 219 à 224), ainsi que des paragraphes 122 à 124 et 227, au motif qu’ils soulèveraient des moyens d’appel qui ne figurent pas dans l’acte d’appel présenté par Momir Nikolic (Momir Nikolic’s Notice of Appeal) (l’ « Acte d’appel ») et que ces moyens s’appuient sur des éléments de preuve qui n’ont pas été versés au dossier d’appel. L’Accusation demande également à la Chambre d’appel la suppression de l’annexe E du Mémoire de l’Appelant, motif pris de ce que ces éléments de preuve ne figurent pas dans le dossier d’appel et que l’Appelant n’a pas demandé leur admission au titre de moyens de preuve supplémentaires.

2. Le 21 juin 2004, Momir Nikolic (l’« Appelant ») a déposé sa réponse à la Requête de l’Accusation (Momir Nikolic’s Response to the Prosecution’s Motion to Strike Parts of Defence Appeal Brief and Evidence not on Record) (la « Réponse »). En application du paragraphe 11 de la Directive pratique relative à la procédure de dépôt des écritures en appel devant le Tribunal international du 7 mars 2002 (la « Directive pratique »), l’Appelant aurait dû déposer sa réponse dans un délai de dix jours, soit au plus tard le 18 juin 2004. La Chambre d’appel observe que la Réponse a été déposée après l’expiration du délai prévu.

3. Le 28 juin 2004, l’Appelant a déposé une requête aux fins d’obtenir une prorogation de délai (Motion to Enlarge Time), par laquelle il demande à la Chambre d’appel d’exercer le pouvoir discrétionnaire qu’elle tient de l’article 127 du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement ») et d’accepter sa Réponse comme ayant été déposée dans les délais. À l’appui de sa demande, la Défense de l’Appelant reconnaît que la Réponse a été déposée hors délai et fait valoir que :

i) du fait qu’il s’agit de la première fois que le conseil principal et le coconseil sont désignés en l’espèce devant le Tribunal international, ceux-ci ont cru à tort qu’ils disposaient de quatorze jours pour répondre à la Requête de l’Accusation, comme l’indique l’article 126 bis du Règlement2,

ii) le coconseil chargé de rédiger la Réponse à la Requête de l’Accusation n’a pas été en mesure de commencer à élaborer cette Réponse entre le 8 juin 2004, date du dépôt de la Requête de l’Accusation, et le 13 juin 2004, du fait qu’il n’était pas à La Haye3,

iii) cette carence du conseil de la Défense ne devrait pas porter préjudice à l’Appelant, « d’autant plus que l’Accusation était informée à l’avance de la date à laquelle la Réponse serait déposée » et que, « puisqu’elle ne s’oppose pas au dépôt tardif, il semble qu’elle n’ait subi aucun préjudice »4.

4. Dans sa réponse à la Requête aux fins de prorogation de délai (Prosecution Response to Motion to Enlarge Time), qu’elle a déposée le 7 juillet 2004, l’Accusation a fait savoir à la Chambre d’appel qu’elle ne s’opposait pas à la requête de l’Appelant aux fins d’obtenir une prorogation de délai.

5. L’article 127 A) ii) et B) du Règlement dispose que la Chambre d’appel peut, lorsqu’une requête présente des motifs convaincants, « reconnaître la validité de tout acte accompli après l’expiration des délais fixés ». La Chambre d’appel considère qu’il serait utile que l’Appelant réponde aux questions soulevées dans la Requête de l’Accusation. De plus, la Chambre d’appel fait remarquer que l’Appelant a déposé sa réponse avec un jour de retard seulement. Dans les circonstances de l’espèce, la Chambre d’appel estime que des motifs convaincants au sens de l’article 127 du Règlement ont été présentés à l’appui de la Requête de l’Appelant aux fins d’obtenir une prorogation de délai. En conséquence, la Chambre d’appel reconnaît la validité du dépôt de la Réponse.

6. Dans sa Réponse, l’Appelant fait valoir qu’il ne s’oppose pas à la Requête de l’Accusation en ce qui concerne les paragraphes 130 à 135 et 219 à 224. Il reconnaît que l’annexe E ne fait pas partie du dossier d’appel et ne s’oppose donc pas à ce que cette partie soit supprimée. En outre, il accepte que certains passages du paragraphe  227 soient supprimés. En revanche, l’Appelant s’oppose à ce qu’il soit fait droit à la Requête de l’Accusation en ce qui concerne les paragraphes 122 à 124 et certains autres passages du paragraphe 227.

7. Le 24 juin 2004, l’Accusation a déposé sa réplique concernant sa requête aux fins d’obtenir la suppression de certaines parties du mémoire d’appel de la Défense et d’éléments de preuve non versés au dossier (Prosecution Reply in Relation to Prosecution’s Motion to Strike Parts of Defense Appeal Brief and Evidence not on Record) (la « Réplique ») ; dans cette dernière, elle rejette l’affirmation de l’Appelant selon laquelle les paragraphes 122, 123, 124, 127 et une partie du paragraphe 227 sont couverts par l’Acte d’appel.

8. Le 28 juin 2004, l’Appelant a déposé une requête aux fins d’être autorisé à déposer une duplique relative à certaines parties de la Réplique (Momir Nikolic’s Motion for Leave to File Rejoinder to Parts of the Prosecutor’s Reply in Relation to her Motion to Strike Parts of Defense Appeal Brief and Evidence not on Record) ( la « Requête aux fins d’obtenir l’autorisation de déposer une duplique ») ; par cette requête, l’Appelant demande à la Chambre d’appel de lui donner l’autorisation de déposer une duplique concernant certaines parties de la Réplique (Rejoinder to Parts of the Prosecutor’s Reply in Relation to her Motion to Strike Parts of Defence Appeal Brief and Evidence not on Record) (la « Duplique »), au motif que, dans sa Réplique, l’Accusation a présenté deux arguments « qui n’auraient pu être anticipés » par l’Appelant dans sa Réponse et « qui justifient une réponse  »5.

9. Le 8 juillet 2004, l’Accusation a déposé sa réponse à la Requête aux fins d’obtenir l’autorisation de déposer une duplique (Prosecution’s Response to Momir Nikolic’s Motion for Leave to File Rejoinder Regarding Prosecution’s Motion to Strike), par laquelle elle demande à la Chambre d’appel de rejeter la Requête aux fins d’autoriser le dépôt d’une duplique. L’Accusation soutient que sa Réplique se limite comme il se doit aux arguments soulevés par l’Appelant dans sa Réponse et que ce dernier ne devrait pas être autorisé à prolonger les débats en faisant valoir d’autres moyens.

10. La Chambre d’appel rappelle qu’une réplique porte normalement sur les seules questions soulevées dans la réponse de la partie adverse. Si une partie invoque un nouvel argument ou présente une nouvelle demande dans une réplique, la partie adverse est alors privée de la possibilité d’y répondre, ce qui risque de porter atteinte à l’équité de la procédure en appel6. Après un examen minutieux de la Requête de l’Accusation, de la Réponse et de la Réplique, la Chambre d’appel estime que les arguments développés par l’Accusation dans sa Réplique ne font que reprendre les arguments présentés dans sa Requête et dans la Réponse, et entrent dans le cadre d’une réplique faite à une réponse au cours de la procédure en appel. La Chambre d’appel considère donc que les arguments en réplique présentés par l’Accusation « auraient pu être anticipés » par l’Appelant et qu’il n’existe aucune raison valable de donner à ce dernier l’occasion de déposer une duplique et de développer des arguments qu’il aurait pu soulever dans sa Réponse. Conformément à ce que prévoit le paragraphe 12 de la Directive pratique, la Chambre d’appel statuera sur la Requête de l’Accusation sans entendre davantage d’arguments des parties. La Requête aux fins d’obtenir l’autorisation de déposer une duplique est rejetée.

B. ARGUMENTS DES PARTIES

11. L’Accusation soutient que les paragraphes du Mémoire de l’Appelant examinés ciaprès devraient être supprimés. L’Accusation souhaite également obtenir la suppression de l’Annexe E du Mémoire de l’Appelant7.

1. Paragraphes 130 à 135, 219 à 224, et Annexe E

12. L’Accusation fait valoir que, dans l’Acte d’appel, aucun moyen ne porte sur les arguments liés au dossier médical de l’Appelant ni sur le fait que le conseil de l’accusé en première instance aurait omis de s’enquérir de l’état de santé de l’Appelant en 19928. L’Accusation affirme aussi que les éléments de preuve sur lesquels l’Appelant se fonde ne figurent pas au dossier d’appel9. S’agissant des paragraphes 130, 131 et 223, l’Accusation ajoute qu’en se mettant lui-même dans la position d’un témoin dans le cadre de cet appel, le conseil principal ne peut avancer des arguments relatifs à des aspects sur lesquels porte son témoignage et que, par conséquent, les arguments développés dans ces paragraphes ne sont pas pertinents 10. Dans sa Réponse, l’Appelant reconnaît que les paragraphes 130 à 135, 219 et 224, ainsi que l’Annexe E, se fondent sur des preuves qui ne figurent pas dans le dossier d’appel et que, par conséquent, ils devraient être retranchés de son Mémoire11. Dans sa Réplique, l’Accusation estime qu’il devrait être fait droit à sa demande car il n’y a, à cet égard, aucune contestation entre les parties.

2. Paragraphe 227

13. L’Accusation affirme que le paragraphe 227 devrait être supprimé du Mémoire de l’Appelant, motif pris de ce qu’il soulève un moyen qui ne figure pas dans l’Acte d’appel. En outre, l’Accusation soutient que ce paragraphe se fonde sur des éléments de preuve relatifs à l’état de santé de l’Appelant qui ne figurent pas au dossier en appel12.

14. L’Appelant admet que certaines parties de la deuxième et de la troisième phrases du paragraphe 227 devraient être retranchées13. Il accepte aussi la suppression de la référence à l’Annexe E de la note de bas de page numéro 262 du Mémoire de l’Appelant14. En revanche, l’Appelant s’oppose à ce que le reste du paragraphe soit supprimé. Il fait valoir que le reste du texte se fonde sur le témoignage qu’il a fourni dans le procès Blagojevic et Jokic, témoignage qui fait partie du dossier en appel 15. Il ajoute que le paragraphe 227 modifié de la manière proposée constitue une argumentation juridique qui s’inscrit comme il sied dans le cadre du onzième moyen de l’Acte d’appel. Il est formulé en ces termes : ‘La Chambre de première instance s’est fourvoyée et a outrepassé son pouvoir discrétionnaire en n’accordant pas un poids suffisant à la situation personnelle de M. Nikolic »16. De l’avis de l’Appelant, « supprimer le paragraphe 227 dans son intégralité retrancherait, indûment et à tort, une part importante de l’un des arguments de M. Nikolic, présenté en temps utile et à juste titre dans son Acte d’appel »17.

15. Dans sa Réplique, l’Accusation s’oppose à l’affirmation de l’Appelant selon laquelle le paragraphe 227 tel que modifié par lui entre dans le cadre du onzième  moyen d’appel. Elle maintient que le onzième moyen d’appel allègue uniquement que la Chambre de première instance n’a pas accordé suffisamment de poids à la situation personnelle de l’Appelant telle qu’établie en l’espèce. Selon l’Accusation, le moyen d’appel dont il s’agit n’affirme pas que la Chambre de première instance a omis de prendre en considération l’état de santé présumé de l’Appelant depuis 1992 comme circonstance atténuante. L’Accusation étaye son argument en faisant observer que la Chambre de première instance n’aurait, en aucun cas, pu manquer de prendre en considération l’état de santé présumé de l’Appelant depuis 1992, étant donné que ledit état de santé n’a jamais été plaidé par la Défense comme circonstance atténuante 18.

3. Paragraphes 122 à 124

16. L’Accusation estime que les paragraphes 122 à 124 devraient être supprimés du Mémoire de l’Appelant, au motif qu’ils soulèvent un moyen d’appel qui ne figure pas dans l’Acte d’appel et qu’ils se fondent sur des preuves qui n’ont pas été versées au dossier en appel19.

17. Dans sa Réponse, l’Appelant soutient que rien ne justifie que la demande de l’Accusation de supprimer les paragraphes 122 à 124 du Mémoire de l’Appelant, dans la mesure où les paragraphes en question sont entièrement fondés sur le témoignage de l’Appelant au cours de l’audience consacrée à la sentence dans l’affaire le concernant, ou sur son témoignage dans l’affaire Blagojevic et Jokic, que l’Accusation a versé au dossier20. Bien que l’Appelant ne soulève aucune objection à ce que la référence au dossier médical introduite par la mention « Voir également » à l’Annexe E, note de bas de page 167 ( paragraphe 122) soit supprimée, il s’oppose à la suppression des paragraphes qui sont basés sur des preuves versées au dossier en appel21.

18. Dans sa Réplique, l’Accusation soutient que les arguments de l’Appelant relatifs aux paragraphes 122 à 124 ne répondent pas à l’argument principal de l’Accusation selon lequel ces paragraphes soulèvent des questions qui n’ont pas été évoquées dans l’Acte d’appel22. L’Accusation ajoute toutefois que, contrairement à ce que prétend l’Appelant, les paragraphes susmentionnés ne s’inscrivent pas dans le cadre du onzième moyen d’appel23.

C. EXAMEN

19. La Chambre d’appel observe qu’il n’y a aucune contestation entre les parties s’agissant des paragraphes 130 à 135, 219 à 224 et de l’Annexe E. L’Appelant accepte aussi que la note de bas de page 167 du paragraphe 122 et certains passages du paragraphe  227 soient supprimés. La Chambre d’appel considère que le dossier médical figurant à l’Annexe E ne fait pas partie du dossier d’appel et que les paragraphes susmentionnés, la note de bas de page 167 et certaines parties du paragraphe 227 portent sur des pièces non versées au dossier d’appel. Par conséquent, la Chambre d’appel estime que ces paragraphes, certains passages du paragraphe 227, la note de bas de page  167 et l’Annexe E devraient être supprimés.

20. La question sur laquelle les parties sont en désaccord concerne les paragraphes  122, 123, 124 et une partie du paragraphe 227. Ainsi, la Chambre d’appel est saisie des deux questions suivantes : premièrement, la question de savoir si les moyens d’appel qui ne figurent pas dans l’Acte d’appel sont soulevés par l’Appelant aux paragraphes 122, 123, 124 et 227 ; et deuxièmement, si ces paragraphes se fondent sur des preuves qui n’ont pas été versées au dossier en appel.

21. S’agissant de la première question, au paragraphe 122 du Mémoire de l’Appelant, ce dernier prétend qu’après avoir été mobilisé, il est devenu commandant de fait de la défense territoriale de Bratunac. L’Appelant affirme que cette promotion de fait a été de courte durée ; en effet, suite à son incapacité en tant que commandant de participer à une attaque contre un village musulman, il a été attaqué par un gang et a dû être hospitalisé pour dépression nerveuse. À l’appui de cet argument, l’Appelant produit au paragraphe 123 une portion de la déposition qu’il a faite durant son contre-interrogatoire devant la Chambre de première instance Blagojevic et Jokic. Au paragraphe 124, l’Appelant indique qu’à la suite de l’agression dont il a été victime, il s’est réfugié avec sa famille à Belgrade, où ils ont habité jusqu’en novembre 1992. Au paragraphe 227, l’Appelant se réfère aux preuves mentionnées aux paragraphes 122, 123 et 124, et soutient que la Chambre de première instance aurait dû procéder à un examen plus approfondi ou accorder de l’importance à cette circonstance atténuante que le dossier révèle si clairement.

22. Le onzième moyen d’appel se lit comme suit : « la Chambre de première instance s’est fourvoyée et a outrepassé son pouvoir discrétionnaire en n’accordant pas un poids suffisant à la situation personnelle de M. Nikolic »24. La Chambre d’appel rappelle qu’en application de l’article 108 du Règlement, une partie qui entend interjeter appel doit déposer un acte d’appel exposant ses moyens d’appel, en précisant la décision attaquée et « la nature des erreurs relevées et la mesure sollicitée ». Le paragraphe 1 c) i) et ii) de la Directive pratique du 7 mars 2002 relative aux conditions de forme applicables au recours en appel contre un jugement dispose qu’un acte d’appel doit contenir notamment « les moyens d’appel, en précisant clairement pour chacun d’entre eux toute erreur alléguée sur un point de droit qui invalide la décision, et/ou toute erreur de fait alléguée qui a entraîné une erreur judiciaire ». Comme elle l’a précédemment indiqué, la Chambre d’appel considère que la seule condition de forme qu’exige le Règlement est que l’acte d’appel doit contenir une liste des moyens d’appel et qu’il n’est en aucun cas nécessaire qu’un acte d’appel présente de manière détaillée les arguments que les parties ont l’intention de faire valoir à l’appui de leurs moyens d’appel ; c’est dans le Mémoire de l’Appelant que les arguments doivent être détaillés25.

23. En l’espèce, la Chambre d’appel estime que l’élément central de l’argument présenté par l’Appelant aux paragraphes 122, 123, 124 et 227, en dépit du fait qu’il évoque la question de l’état de santé de l’Appelant, porte néanmoins sur les conséquences de l’attaque subie par l’Appelant et sa famille, à la suite de quoi ceux-ci ont dû quitter la Bosnie et s’installer à Belgrade en tant que réfugiés. À la lumière de cet élément, la Chambre d’appel considère que les arguments présentés dans les paragraphes susmentionnés pourraient porter sur la « situation personnelle » de l’Appelant et qu’en tant que tels, ils entrent dans le cadre du onzième moyen d’appel, tel qu’il figure dans l’Acte d’appel. La question de savoir si l’état de santé présumé de l’Appelant a été exposé devant la Chambre de première instance pour que celle-ci l’examine comme un élément de sa situation personnelle constituant une circonstance atténuante ne sera pas prise en compte à ce stade de la procédure, étant donné qu’elle concerne le fondement du onzième moyen d’appel.

24. La deuxième question consiste à savoir si les paragraphes sur lesquels le désaccord persiste se fondent sur des preuves qui n’ont pas été versées au dossier en appel. La Chambre d’appel fait observer que les paragraphes contestés se fondent sur le témoignage apporté par l’Appelant devant la Chambre de première instance Blagojevic et Jokic entre le 19 septembre et le 1er octobre 200326. Après un examen approfondi du dossier en appel, il appert que ce témoignage fait partie du dossier d’appel, comme l’affirme l’Appelant27. D’ailleurs, ce témoignage a été admis par la Chambre de première instance en tant que pièce à conviction dans l’affaire Momir Nikolic, et ce, à la demande de l’Accusation, le 29 octobre 200328. En conséquence, la Chambre d’appel conclut que les paragraphes 12229, 123, 124 et une partie du paragraphe 227 sont fondés sur des preuves versées au dossier en appel.

IV. DISPOSITIF

PAR CES MOTIFS,

LA CHAMBRE D’APPEL

FAIT DROIT à la Requête aux fins d’obtenir une prorogation de délai et RECONNAIT la validité du dépôt de la Réponse,

REJETTE la Requête aux fins d’obtenir l’autorisation de déposer une duplique,

SUPPRIME les paragraphes 130 à 135, 219 à 224 et l’Annexe E du Mémoire de l’Appelant,

SUPPRIME la référence à l’Annexe E dans la note de bas de page 167,

SUPPRIME une partie du paragraphe 227 et ORDONNE en conséquence qu’il se lise comme suit :

« La Chambre de première instance n’a pas même mentionné non plus l’élément de preuve selon lequel Momir Nikolic avait tenté d’exercer convenablement les pouvoirs de commandement en 1992, mais avait été à cause de cela agressé par une bande, puis avait souffert d’une dépression nerveuse et avait dû se réfugier en Bosnie avec sa famille. Momir Nikolic fait valoir que cette circonstance atténuante a été mise en évidence durant le contre-interrogatoire par Me Karnavas, conseil en première instance. Lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, le dossier met clairement en évidence une circonstance atténuante, la Chambre de première instance devrait avoir l’obligation de procéder à un examen plus approfondi ou d’accorder à ladite circonstance une valeur atténuante, quand elle n’a donné lieu à aucune contradiction, pour déterminer la sentence », et

REJETTE le surplus de la Requête de l’Accusation.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 1er septembre 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre d’appel
____________
Theodor Meron

[Sceau du Tribunal]


1 - Dans sa Requête, l’Accusation indique que les paragraphes 130 à 135 figurent à la section V.B. du Mémoire de l’Appelant. Il semble que cela soit une erreur car ces paragraphes figurent à la section V.A.2 et non pas à la section V.B. Cette erreur a été répétée par la suite à la fois par l’Accusation et la Défense dans toutes leurs requêtes ultérieures.
2 - Motion to Enlarge Time, par. 5.
3 - Idem, par. 7.
4 - Idem, par. 8.
5 - Motion for Leave to File Rejoinder, par. 5.
6 - Le Procureur c/ Kupreskic et consorts, Arrêt relatif aux requêtes des appelants Vlatko Kupreskic, Drago Josipovic, Zoran Kupreskic et Mirjan Kupreskic aux fins de verser au dossier des moyens de preuve supplémentaires, déposé à titre confidentiel le 26 février 2001, par. 70 ; Le Procureur c/ Kordic et Cerkez, Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins de supprimer des passages de la réplique de Kordic déposée le 13 avril 2004, 11 mai 2004, par. 14.
7 - Requête de l’Accusation, par. 1 et 2.
8 - Idem, par. 5.
9 - Idem, par. 6 à 8.
10 - Idem, par. 10 à 13.
11 - Réponse, pages 4 et 7, par. 12 et 13, et 20 à 22. La Chambre d’appel souligne le fait qu’en raison d’une erreur manifeste, la Réponse comprend plusieurs paragraphes 12, 13 et 14, et à la page 5, deux paragraphes 14 à suivre. Il était donc nécessaire de se référer à la fois aux numéros de pages et aux paragraphes.
12 - Requête de l’Accusation, par. 1.
13 - Réponse, page 5, par. 12.
14 - Idem, page 5, 2e par. 14.
15 - Idem, page 5, par. 14.
16 - Idem, page 5, par. 12, note 7, et page 6, par. 14, note 9.
17 - Idem, page 6, par. 14.
18 - Réplique, par. 8 à 14.
19 - Requête de l’Accusation, par. 1, 5 et 6.
20 - Réponse, par. 15.
21 - Idem, par. 15 à 19.
22 - Réplique, par. 9.
23 - Idem, par. 10 à 14.
24 - Acte d’appel, 30 décembre 2003, p. 4.
25 - Voir Le Procureur c/ Ignace Bagilishema, affaire n° ICTR-95-1A-A, Décision (Requête tendant à voir déclarer irrecevable l’Acte d’appel du Procureur), 26 octobre 2001, p. 4.
26 - Le Procureur c/ Blagojevic et Jokic, affaire n° IT-02-60-T, comptes rendus d’audience, p. 1841 à 2031.
27 - Le Procureur c/ Momir Nikolic, affaire n° IT-02-60/1-T, pièce à conviction PS 5.
28 - Le Procureur c/ Momir Nikolic, affaire n° IT-02-60/1-T, comptes rendus d’audience, p. 1640 et 1641.
29 - À l’exception de la note de bas de page 167, que l’Appelant a accepté de supprimer en partie.