Affaire n° : IT-02-60/1-A

LA CHAMBRE D’APPEL

Composée comme suit :
M. le Juge Theodor Meron, Président
M. le Juge Fausto Pocar
M. le Juge Mohamed Shahabuddeen
M. le Juge Mehmet Güney
Mme le Juge Inés Mónica Weinberg de Roca

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
20 janvier 2005

Momir NIKOLIC

c/

LE PROCUREUR

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DÉCISION RELATIVE À LA DEUXIÈME DEMANDE DE SUPPRESSION PRÉSENTÉE PAR L’ACCUSATION

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Le Conseil de l’Appelant :

Mme Virginia C. Lindsay

Le Substitut du Procureur :

M. Norman Farrell

 

LA CHAMBRE D’APPEL du Tribunal pénal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international  »),

VU la requête urgente (Emergency Motion for Access to Confidential Document ) déposée le 26 novembre 2004 à titre confidentiel1, par laquelle Momir Nikolic (l’« Appelant ») demande l’autorisation de consulter des documents confidentiels déposés dans l’affaire Krstic (la « Requête »),

VU le mémoire (Memorandum of Law in Support of Emergency Motion for Access to Confidential Document), traitant de points de droit, présenté à l’appui de la Requête et déposé le 29 novembre 2004 à titre confidentiel2 par l’Appelant ( le « Mémoire sur les points de droit »),

VU la deuxième demande de suppression (Second Motion to Strike) déposée par l’Accusation le 3 décembre 2004 (la « Demande »), par laquelle l’Accusation demande à la Chambre d’appel de supprimer le Mémoire sur les points de droit pour les motifs suivants :

i) Dans le Mémoire sur les points de droit, l’Appelant avance d’autres arguments juridiques à l’appui de sa Requête alors que, dans celle-ci, il a simplement mentionné les articles du Statut et du Règlement sur lesquels il se fondait3  ;

ii) Dans le Mémoire sur les points de droit, l’Appelant cherche à élargir le but de la demande formulée dans la Requête en avançant un nouvel argument distinct, à savoir que les écritures versées au dossier dans l’affaire Krstic présentent un certain lien avec ses moyens d’appel4  ;

iii) Le mémoire déposé par l’Appelant n’est pas à proprement parler un mémoire traitant de points de droit5 ;

iv) L’Appelant n’a pas demandé l’autorisation de modifier ou de compléter sa Requête et il n’a pas expliqué pourquoi il n’était pas en mesure de présenter la totalité de ses arguments lorsqu’il a déposé la Requête ou pourquoi il n’a pas pu attendre , pour la déposer, d’y exposer entièrement comme il aurait convenu les arguments figurant à présent dans le mémoire complémentaire sur les points de droit6  ;

VU la réponse globale de l’Appelant aux première et deuxième demandes de suppression présentées par l’Accusation et demande d’autorisation de déposer une réponse plus longue (Appellant’s Consolidated Response to Prosecution’s Motion to Strike and Prosecution’s Second Motion to Strike and Motion for Leave to File Over-Sized Same) déposée à titre confidentiel le 6 décembre 2004 (la « Réponse  »), dans laquelle l’Appelant présente notamment les arguments suivants :

i) Il a déposé la Requête « après que [son conseil] eut passé plusieurs semaines à tenter de comprendre l’origine et le sens du paragraphe 120 de l’Arrêt Krstic qui, selon lui, rapporte de manière inexacte le témoignage de l’Appelant, ce qui pourra lui nuire si cette erreur n’est pas réparée7  » ;

ii) Il a déposé la Requête en urgence car une décision en la matière pouvait influer « sur les allégations formulées dans sa deuxième demande d’admission de moyens de preuve supplémentaires8 » ;

iii) Il a déposé sa requête immédiatement après avoir repéré le passage de son témoignage auquel faisait référence l’Arrêt Krstic « et ce, alors que l’Accusation était , semble-t-il, incapable de lui fournir le moindre élément utile9  » ;

iv) Il a déposé sa requête croyant qu’il avait manifestement le droit de consulter les documents en question et qu’il n’était point besoin pour ce faire d’invoquer d’autres sources juridiques que les articles du Statut du Tribunal international10  ;

v) Après avoir déposé la Requête le vendredi, le conseil de l’Appelant « a reconsidéré la question et a commencé à préparer le Mémoire sur les points de droit », document qui a été envoyé par courrier électronique à l’Accusation très tôt le lundi suivant et déposé plus tard, le même jour11  ;

VU la réplique de l’Accusation (Prosecution Reply to Appellant’s Consolidated Response to Prosecution’s Motion to Strike and Prosecution’s Second Motion to Strike and Motion for Leave to File Over-Sized Same) déposée à titre confidentiel le 10 décembre 2004 (la « Réplique »), dans laquelle l’Accusation soutient notamment que

i) dans sa Réponse, l’Appelant reconnaît que le Mémoire sur les points de droit vient compléter la Requête12,

ii) l’Appelant n’explique pas pourquoi il était urgent de présenter la Requête ni pourquoi il a dû, pour demander ce qu’il voulait, déposer deux documents, tout particulièrement si l’on considère qu’ils ont été déposés à deux jours d’intervalle seulement13,

iii) l’explication selon laquelle le conseil « a reconsidéré » des points non précisés et a ensuite déposé le Mémoire sur les points de droit ne saurait justifier qu’il procède de la sorte14,

ATTENDU que le Mémoire sur les points de droit contient de nouveaux moyens et de nouveaux arguments juridiques qui ne figuraient pas dans la Requête, et qu’il s’agit bien d’un supplément important à la Requête, et non d’un « mémoire traitant de points de droit »,

ATTENDU que le paragraphe 10 c) de la Directive pratique relative à la procédure de dépôt des écritures en appel devant le Tribunal international15 prévoit qu’une partie qui souhaite saisir la Chambre d’appel aux fins d’obtenir une décision ou une réparation particulières dépose une requête mentionnant les motifs pour lesquels elle demande cette décision ou cette réparation,

ATTENDU que l’Appelant était prié d’exposer ses arguments dans la Requête et que, s’il ne l’a pas fait, il ne peut présenter un supplément à sa requête initiale sans demander au préalable à la Chambre d’appel l’autorisation de le faire en présentant des motifs convaincants expliquant pourquoi il n’a pu exposer entièrement tous ses arguments dans sa requête initiale,

ATTENDU que les raisons avancées par l’Appelant dans la Réponse ne sont pas convaincantes,

ATTENDU qu’il convient de rappeler à l’Appelant que la tendance qu’il a à présenter de nouveaux arguments sortant du cadre de sa requête initiale nuit considérablement à l’économie judiciaire,

ATTENDU que le Mémoire sur les points de droit n’a pas été déposé dans les règles,

PAR CES MOTIFS,

ACCUEILLE la Demande et

SUPPRIME le Mémoire sur les points de droit.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 20 janvier 2005
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre d’appel
___________
Theodor Meron

[Sceau du Tribunal]


1 - Une version publique de la Requête a été déposée le 10 décembre 2004.
2 - Une version publique du Mémoire sur les points de droit a été déposée le 10 décembre 2004, sans les annexes.
3 - Demande, par. 5 à 8.
4 - Ibidem, par. 9 à 14.
5 - Ibid., par. 13.
6 - Demande, par. 14.
7 - Réponse, par. 53.
8 - Ibidem, par. 54.
9 - Ibid.
10 - Ibid., par. 55.
11 - Ibid., par. 56.
12 - Réplique, par. 34.
13 - Ibidem.
14 - Ibid., par. 36.
15 - Directive pratique relative à la procédure de dépôt des écritures en appel devant le Tribunal international, IT/155/Rev. 1, 7 mars 2002.