LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
AFFAIRE Nº IT-04-76
LE PROCUREUR
c/
Mirko NORAC
ACTE D’ACCUSATION
Le Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, en vertu des pouvoirs que lui confère l’article 18 du Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (le « Statut du Tribunal »), accuse :
MIRKO NORAC
de CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ et de VIOLATIONS DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, tels qu’exposés ci-dessous :
L’ACCUSÉ
MIRKO NORAC
1. Mirko NORAC est né le 19 septembre 1967 à Otok dans la municipalité de Sinj, en République de Croatie.
2. En août 1990, Mirko NORAC est entré au Ministère de l’intérieur (le « MUP »). La même année, en septembre, il est devenu membre de l’unité antiterroriste Lucko.
3. Le 12 ou le 13 septembre 1991, Mirko NORAC a été nommé commandant de la 118e brigade de l’armée croate (Hrvatska Vojska, ci-après la « HV »).
4. En novembre 1992, Mirko NORAC a été nommé commandant de la 6e brigade de la Garde nationale croate. En 1993, la 6e brigade de la garde a été rebaptisée 9e brigade motorisée de la garde. Mirko NORAC est resté à la tête de la 9e brigade motorisée de la garde pendant l’opération militaire croate dans la poche de Medak (« l’opération de la poche de Medak »).
5. Au cours de cette opération, il a été nommé à la tête du Secteur 1, une unité de combat spécialement formée pour les besoins de l’opération.
6. En 1994, Mirko NORAC a été promu général de brigade et nommé commandant de la Zone opérationnelle (ou District militaire) de Gospic. Il a conservé ce grade et ce poste jusqu’au 25 septembre 1995, date à laquelle le Président Franjo Tudjman l’a promu major général. Le 15 mars 1996, Mirko NORAC a été nommé commandant du district militaire de Knin. Mirko NORAC a quitté la HV le 29 septembre 2000.
RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET RESPONSABILITÉ DU SUPÉRIEUR HIÉRARCHIQUE
7. Mirko NORAC est individuellement responsable, au regard de l’article 7 1) du Statut du Tribunal, des crimes retenus contre lui dans le présent acte d’accusation. Est individuellement et pénalement responsable quiconque a planifié, incité à commettre, ordonné ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter tout acte ou omission exposés dans le présent acte d’accusation.
8. Du fait de la place élevée qu’il occupait dans la hiérarchie en tant que colonel dans la HV, chef de la 9e brigade motorisée de la garde et commandant du Secteur 1, Mirko NORAC a joué, du 9 au 17 septembre 1993, un rôle crucial dans la mise au point, la planification, le commandement et/ou l’exécution de l’opération de la poche de Medak, opération qui a donné lieu à de graves violations du droit international humanitaire et à des crimes contre l’humanité, ainsi qu’il est indiqué dans le présent acte d’accusation.
9. Durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, Mirko NORAC exerçait les fonctions de commandant de la 9e brigade motorisée de la Garde nationale croate avec le grade de colonel. La 9e brigade motorisée de la garde était l’une des unités qui constituaient le Secteur 1 de la Zone opérationnelle de Gospic. Elle a été la principale unité de la HV engagée dans l’opération de la poche de Medak. En sa qualité de commandant du Secteur 1, Mirko NORAC était habilité à donner des ordres, ce qu’il a effectivement fait. Il était notamment chargé de la planification, du déploiement, de la direction, de l’exécution et du contrôle des activités de toutes les unités et formations subalternes regroupées au sein du Secteur 1. Parmi celles-ci, il faut citer la 9e brigade motorisée de la garde, le bataillon de la garde locale de Gospic, le bataillon de la garde locale de Lovinac, les unités de la 111e brigade et celles des forces spéciales du MUP.
10. Mirko NORAC est également, ou subsidiairement, pénalement responsable en tant que supérieur hiérarchique, au regard de l’article 7 3) du Statut du Tribunal, des actes commis par ses subordonnés. Un supérieur hiérarchique est pénalement responsable des actes de ses subordonnés s’il savait ou avait des raisons de savoir que ses subordonnés s’apprêtaient à commettre ces actes ou les avaient commis, et s’il n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher ces actes ou en punir les auteurs.
11. Du fait de la place élevée qu’il occupait dans la hiérarchie en tant que colonel dans la HV, chef de la 9e brigade motorisée de la garde et commandant du Secteur 1, Mirko NORAC avait le pouvoir, l’autorité et la charge de prévenir ou de sanctionner les violations graves du droit international humanitaire commises pendant l’opération de la poche de Medak.
12. Non seulement Mirko NORAC avait des raisons de savoir que plusieurs de ses subordonnés placés sous son contrôle opérationnel étaient responsables de la persécution et du meurtre de civils serbes et de soldats qui s’étaient rendus, ainsi que du pillage et de la destruction de bâtiments et de biens pendant l’opération de la poche de Medak, mais il avait effectivement connaissance de ces actes. Mirko NORAC n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher ces actes ou en punir les auteurs.
ALLÉGATIONS GÉNÉRALES
13. Durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, la région de la Krajina en République de Croatie, sur le territoire de l’ex-Yougoslavie, était le théâtre d’un conflit armé.
14. Durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, Mirko NORAC était tenu de se conformer aux lois et coutumes régissant la conduite de la guerre, y compris l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949.
15. Les actes ou omissions prêtés à Mirko NORAC dans le présent acte d’accusation qui sont constitutifs de crimes contre l’humanité sanctionnés par l’article 5 du Statut du Tribunal, s’inscrivaient dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile, à savoir la population serbe de la poche de Medak.
16. Dans le présent acte d’accusation, on entend par « forces croates » les forces armées de la République de Croatie, à savoir la HV et les unités du MUP qui ont participé à l’opération de la poche de Medak.
17. Par « opération de la poche de Medak », on entend toutes les opérations menées par des forces croates dans la zone de la poche de Medak et dans ses environs immédiats, opérations décrites au paragraphe 27.
18. Les allégations générales formulées aux paragraphes 13 à 17 sont reprises et incorporées dans chacun des chefs d’accusation ci-après.
ACCUSATIONS
CHEF 1
(PERSÉCUTIONS)
19. Avant et pendant l’opération de la poche de Medak, du 9 au 17 septembre 1993 ou vers cette date, Mirko NORAC, agissant seul et/ou de concert avec d’autres dont Janko BOBETKO et Rahim ADEMI, a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter la persécution de civils serbes dans la poche de Medak, pour des raisons raciales, politiques ou religieuses. Dans la mesure où l’accusé est responsable, au regard de l’article 7 1) du Statut, d’actes criminels constitutifs de persécutions, sa responsabilité est établie, entre autres, par la preuve de sa présence, à l’époque des faits, dans les secteurs où ces actes ont été commis, de la connaissance qu’il a eue par la suite de ces actes criminels, des mesures qu’il a prises pour limiter l’accès de ses subordonnés aux secteurs en question, ainsi que par la conclusion qui, à partir de là, s’impose, à savoir que ces agissements n’auraient pu être aussi généralisés ou systématiques s’il n’en avait pas donné l’ordre.
20. Les persécutions ont pris les formes suivantes :
a) l’exécution illégale de civils serbes et de soldats faits prisonniers et/ou blessés dans la poche de Medak. Des précisions concernant certaines victimes de ces meurtres sont données à titre d’exemple à l’annexe I du présent acte d’accusation ;
b) les traitements cruels et inhumains infligés aux civils serbes et aux soldats faits prisonniers et/ou blessés dans la poche de Medak, y compris le fait d’infliger des blessures graves par balle ou à l’arme blanche, de sectionner des doigts, de frapper violemment les victimes à coups de crosse de fusil, de les brûler avec des cigarettes, de piétiner les corps, de les attacher à un véhicule pour les traîner sur la route, de les mutiler et de se livrer à d’autres exactions. Des précisions concernant certains des traitements cruels et inhumains infligés sont données à titre d’exemple à l’annexe II du présent acte d’accusation ;
c) la terrorisation de la population civile majoritairement serbe de la poche de Medak, y compris par la mutilation et la profanation du corps de BOJA PJEVAC, l’immolation publique par le feu de BOJA VUJNOVIC sous les quolibets, l’intention déclarée de tuer tous les civils, les graffitis racistes écrits sur les bâtiments, les messages sinistres et menaçants laissés sur un bâtiment détruit, toutes choses qui ont poussé les civils à abandonner leurs foyers et leurs biens, et à quitter définitivement la région ;
d) la destruction de biens appartenant à des civils serbes de la poche de Medak. Le 9 septembre 1993 ou après cette date, les forces croates ont dans la région systématiquement détruit à l’explosif ou incendié environ 164 maisons et 148 autres bâtiments (et ce qu’ils contenaient), ainsi qu’il est précisé aux paragraphes 38 et 40 du présent acte d’accusation. Les destructions se sont poursuivies sans relâche après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu le 15 septembre, jusqu’au retrait final des forces croates le 17 septembre 1993. Des précisions concernant certains villages, hameaux ou secteurs qui ont été le théâtre de pillages sont données à titre d’exemple à l’annexe III du présent acte d’accusation ;
e) le pillage systématique de biens appartenant à des civils serbes pendant et après l’opération de la poche de Medak par des membres des forces croates qui, de concert avec des civils croates, et en toute illégalité, se sont emparés de biens personnels, notamment d’appareils électroménagers et de meubles qui se trouvaient dans des bâtiments détruits ou sur le point de l’être, ont emmené des animaux et du matériel agricole, ont démonté des bâtiments dont ils ont emporté certains éléments dans des camions, ainsi qu’il est expliqué dans la suite plus en détail. Des précisions concernant certains villages, hameaux ou secteurs qui ont été le théâtre de pillages sont données à titre d’exemple à l’annexe III du présent acte d’accusation ;
21. Subsidiairement, Mirko NORAC savait ou avait des raisons de savoir que les forces croates placées sous son commandement, sa direction et/ou son contrôle, ou qui lui étaient subordonnées, commettaient ou avaient commis les actes décrits au paragraphe 20 supra. Mirko NORAC n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher ces actes ou en punir les auteurs.
Par ces actes et omissions, Mirko NORAC s’est rendu coupable de :
Chef 1 : un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, à savoir persécutions pour des raisons politiques, raciales ou religieuses, sanctionné par l’article 5 h) du Statut du Tribunal, lu à la lumière de ses articles 7 1) et 7 3).
CHEFS 2 ET 3
(MEURTRE/ASSASSINAT)
22. Entre le 9 et le 17 septembre 1993 ou vers cette date, Mirko NORAC savait ou avait des raisons de savoir que les forces croates placées sous son commandement, sa direction et/ou son contrôle, ou qui lui étaient subordonnées, étaient impliquées dans l’exécution illégale de civils serbes habitant dans la poche de Medak et de soldats serbes faits prisonniers et/ou blessés, ou qu’elles avaient commis de tels actes. Mirko NORAC n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que de tels actes ne soient commis ou en punir les auteurs. Des précisions concernant le meurtre de certains de ces civils et soldats hors de combat sont données à l’annexe I du présent acte d’accusation.
Par ces actes et omissions, Mirko NORAC s’est rendu coupable de :
CHEF 2 : un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, à savoir assassinat, sanctionné par l’article 5 a) du Statut du Tribunal, lu à la lumière de son article 7 3).
CHEF 3 : une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, à savoir meurtre, reconnue par l’article 3 1) a) commun aux Conventions de Genève de 1949, et sanctionnée par l’article 3 du Statut du Tribunal, lu à la lumière de son article 7 3).
CHEF 4
(PILLAGE DE BIENS)
23. Du 9 au 17 septembre 1993 ou vers cette date, les biens appartenant à des civils serbes habitant dans la poche de Medak ont été pillés. Mirko NORAC, agissant seul et/ou de concert avec d’autres dont Janko BOBETKO et Rahim ADEMI, a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter le pillage de biens appartenant à des civils serbes de la poche de Medak. Des précisions concernant certains villages, hameaux ou secteurs qui ont été le théâtre de pillages sont données à titre d’exemple à l’annexe III du présent acte d’accusation.
24. Subsidiairement, Mirko NORAC savait ou avait des raisons de savoir que les forces croates placées sous son commandement, sa direction et/ou son contrôle, ou qui lui étaient subordonnées, commettaient les actes décrits au paragraphe 23 supra ou les avaient commis. Mirko NORAC n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher ces actes ou en punir les auteurs.
Par ces actes et omissions, Mirko NORAC s’est rendu coupable de :
CHEF 4 : une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, à savoir pillage de biens publics ou privés, sanctionnée par l’article 3 e) du Statut du Tribunal, lu à la lumière de ses articles 7 1) et 7 3).
CHEF 5
(DESTRUCTION SANS MOTIF DE VILLES ET DE VILLAGES)
25. Du 9 au 17 septembre 1993 ou vers cette date, les villages serbes de la poche de Medak ont, pour la plupart, été détruits. Mirko NORAC, agissant seul et/ou de concert avec d’autres dont Janko BOBETKO et Rahim ADEMI, a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter la destruction de biens appartenant à des civils serbes de la poche de Medak. Des précisions concernant certains villages, hameaux ou secteurs où ont eu lieu des destructions sans motif sont données à titre d’exemple à l’annexe III du présent acte d’accusation.
26. Subsidiairement, Mirko NORAC savait ou avait des raisons de savoir que les forces croates placées sous son commandement, sa direction et/ou son contrôle, ou qui lui étaient subordonnées, commettaient les actes décrits au paragraphe 25 supra ou les avaient commis. Mirko NORAC n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher ces actes ou en punir les auteurs.
Par ces actes et omissions, Mirko NORAC s’est rendu coupable de :
CHEF 5 : une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, à savoir destruction sans motif de villes et de villages, sanctionnée par l’article 3 b) du Statut du Tribunal, lu à la lumière de ses articles 7 1) et 7 3).
LES FAITS :
27. La poche de Medak, d’environ quatre à cinq kilomètres de large et de cinq à six kilomètres de long, englobait les localités de Divoselo, Citluk et une partie de Pocitelj, ainsi que de nombreux hameaux. Elle faisait partie de la Republika Srpska Krajina autoproclamée (la République de la Krajina serbe, ci-après la « RSK ») et était située au sud de la ville de Gospic, en République de Croatie. C’était une zone principalement rurale couverte de bois et de champs. Environ 400 civils serbes habitaient cette zone avant l’attaque.
28. Le 25 juin 1991, à la suite des élections pluripartites de 1990, la Croatie a proclamé son indépendance. Quelques mois auparavant, un conflit armé avait éclaté entre les Serbes de Croatie et les forces croates. En septembre 1991, le Gouvernement croate déclarait que les Serbes de Croatie et la JNA contrôlaient à peu près un tiers du territoire de la Croatie.
29. Le 19 décembre 1991, l’Assemblée de la Région autonome de la Krajina serbe, de concert avec les Serbes habitant d’autres régions de la Croatie, proclamait son indépendance vis-à-vis de la Croatie, et créait la RSK, dotée de ses propres forces armées, la Srpska Vojska Krajina (l’Armée serbe de la Krajina ou « SVK »).
30. En février 1992, à la suite de l’adoption du Plan Vance, le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies déclarait la création, sous son autorité, d’une Force de protection des Nations Unies (« FORPRONU ») qui devait être déployée en Croatie, dans les zones placées sous la protection des Nations Unies (« zones protégées »). Dans ces zones, les Serbes étaient majoritaires ou constituaient une minorité importante, et les tensions entre les deux communautés avaient dans un passé récent dégénéré en un conflit armé. Il y avait quatre zones protégées : les secteurs Nord, Sud, Est et Ouest. Les territoires contestés ou contrôlés par les Serbes hors de ces zones protégées étaient communément appelés « zones roses ». La poche de Medak était située dans l’une de ces « zones roses », dans le voisinage du secteur Sud.
31. En 1992 et 1993, les forces croates ont lancé plusieurs opérations militaires contre la RSK. Elles ont ainsi attaqué les zones protégées ou les « zones roses » avoisinantes : le plateau de Miljevacki en juin 1992, la zone du pont de Maslenica dans le nord de la Dalmatie en janvier 1993, et la poche de Medak en septembre 1993.
32. L’attaque croate contre la poche de Medak a commencé par le bombardement de la zone à l’aube du 9 septembre 1993. Vers 6 heures du matin, les forces croates formées d’unités de la HV de la Zone opérationnelle de Gospic, notamment la 9e brigade de la garde, la 111e brigade, le bataillon de la garde locale de Gospic, le bataillon de la garde locale de Lovinac et des unités des forces spéciales du MUP, ont pénétré dans la poche. Après environ deux jours de combats, elles ont pris le contrôle de Divoselo, de Citluk et d’une partie de Pocitelj, puis l’avance croate s’est arrętée.
33. À l’époque des faits, Janko BOBETKO, général de corps d’armée, était chef de l’état-major général de la HV, tandis que le général de brigade Rahim ADEMI exerçait les fonctions de commandant par intérim de la Zone opérationnelle de Gospic. Le colonel Mirko NORAC commandait la 9e brigade de la garde.
34. Peu de temps après l’attaque, suite à l’intervention de représentants internationaux, les autorités croates et les autorités de la RSK ont engagé des négociations politiques et militaires en vue de la cessation des hostilités et du retrait des troupes croates des zones prises pendant l’opération.
35. À l’issue de ces négociations, un accord a été signé le 15 septembre 1993 par le général Mile Novakovic, pour la partie serbe, et par le général de brigade Petar Stipetic, pour la partie croate. C’est Janko BOBETKO qui a ordonné au général Stipetic de signer l’accord.
36. Aux termes de cet accord, un cessez-le-feu devait prendre effet à 12 heures le 15 septembre 1993, et les forces croates devaient quitter le territoire sur lequel elles étaient entrées le 9 septembre 1993, laissant la poche de Medak sous le contrôle de la FORPRONU. Le retrait des troupes croates de la poche de Medak s’est terminé le 17 septembre 1993 à 18 heures.
37. Pendant l’opération de la poche de Medak, au moins 29 civils serbes de la région ont été exécutés illégalement et d’autres grièvement blessés. Parmi les morts et les blessés civils se trouvaient de nombreuses femmes et personnes âgées. Les forces croates ont également tué au moins cinq soldats serbes qui avaient été faits prisonniers et/ou blessés. Des précisions concernant certains de ces civils et soldats hors de combat sont données à l’annexe I du présent acte d’accusation.
38. Environ 164 maisons et 148 granges et dépendances, soit l’essentiel des constructions dans les villages situés dans la poche de Medak, ont été détruites, la plupart par le feu ou à l’explosif, après la prise de contrôle effective de la zone par les forces croates. Ces destructions ont eu lieu, pour la plupart, entre le 15 septembre 1993, date du cessez-le-feu, et le retrait complet des forces croates, le 17 septembre 1993 à 18 heures.
39. Entre le 9 et le 17 septembre 1993, les forces croates, ou des personnes en civil agissant sous leur contrôle, ont pillé les biens appartenant aux civils serbes, à la recherche de tout ce qui avait une quelconque valeur, notamment les effets personnels, les appareils et équipements ménagers, les meubles, les animaux d’élevage, les machines agricoles et autres matériels.
40. Lorsqu’ils n’ont pas été pillés comme il est dit plus haut, les biens des civils serbes ont été incendiés ou détruits de toute autre manière. Les équipements ménagers et les meubles étaient détruits, les machines agricoles endommagées ou criblées de balles, les animaux d’élevage abattus et les puits pollués.
41. À la suite de ces actes illicites généralisés et systématiques commis pendant l’opération militaire croate, la poche de Medak est devenue inhabitable. Les villages de la poche ont été complètement détruits, privant ainsi la population civile serbe de ses habitations et de ses moyens d’existence.
Le Procureur
Carla Del Ponte
[Sceau du Bureau du Procureur]
Le 29 avril 2004
La Haye (Pays-Bas)
LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
AFFAIRE Nº : IT-04-76
ANNEXE I À L’ACTE D’ACCUSATION
Chef 1 – Persécutions (exécution illégale) et Chefs 2 et 3 – (Meurtre/assassinat)
CIVILS :
N° |
Nom, sexe (M ou F), date de naissance et âge approximatif, handicap éventuel |
Origine |
Cause du décès |
Date approximative du décès |
Lieu approximatif du décès |
1 |
Bosiljka BJEGOVIC |
Divoselo |
Tuée par balle |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Citluk |
2 |
Milka BJEGOVIC |
Divoselo |
Tuée par balle |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Entre Citluk et Pocitelj |
3 |
Andja JOVIC |
Inconnue |
Battue et tuée par balle |
11 sept. 1993 ou vers cette date |
Région de Citluk |
4 |
Dmitar JOVIC |
Divoselo |
Tué par balle |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Citluk |
5 |
Mara JOVIC |
Divoselo |
Battue et tuée par balle |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Citluk |
6 |
Sara KRICKOVIC |
Citluk |
Égorgée |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Citluk |
7 |
Ljubica KRICKOVIC-ZIVICIC |
Citluk |
Tuée par balle |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Citluk |
8 |
Djuro KRAJNOVIC |
Citluk |
Tué par balle |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Citluk |
9 |
Nedeljka KRAJINOVIC |
Citluk |
Brûlée |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Citluk |
10 |
Pera KRAJNOVIC |
Citluk |
Brûlée |
9 sept. 1993 ou vers cette date |
Région de Citluk |
11 |
Stana KRAJNOVIC |
Citluk |
Brûlée |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Citluk |
12 |
Mile PEJNOVIC |
Donje Selo |
Tué par balle |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Divoselo |
13 |
Boja PJEVAC |
Citluk |
Tuée par balle |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Citluk |
14 |
Janko POTKONJAK |
Divoselo |
Tué par balle et poignardé |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Citluk |
15 |
Milan RAJCEVIC |
Citluk |
Brûlé |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Citluk |
16 |
Mile Sava RAJCEVIC |
Citluk |
Tuée par balle |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Entre Citluk et Pocitelj |
17 |
Ankica VUJNOVIC |
Divoselo |
Poignardée et tuée par balle |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Divoselo |
18 |
Djuro VUJNOVIC |
Divoselo |
Battu et tué par balle |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Citluk |
19 |
Stevo VUJNOVIC |
Inconnue |
Battu et tué par balle |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Divoselo |
20 |
Nikola VUJNOVIC |
Divoselo |
Tué par balle |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Divoselo |
21 |
Momcilo VUJNOVIC |
Divoselo |
Tué par balle |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Divoselo |
22 |
Milan MATIC |
Divoselo |
Tué par balle |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Divoselo |
23 |
Boja VUJNOVIC |
Citluk |
Brûlée |
9 sept. 1993 ou vers cette date |
Région de Citluk |
24 |
Nikola JERKOVIC |
Citluk |
Tué par balle |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Citluk |
25 |
Nikola VUJNOVIC |
Divoselo |
Explosion |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Divoselo |
26 |
Marko POTKONJAK |
Divoselo |
Éclat de shrapnel |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Citluk |
27 |
Branko VUJNOVIC |
Divoselo |
Tué par balle |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Medak |
28 |
Stefica KRAJNOVIC |
Citluk |
Tuée par balle |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Citluk |
SOLDATS (hors de combat) :
29 |
Stanko DESPIC |
Bosnie |
Battu et poignardé |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Divoselo |
30 |
Zeljko BASARA |
Donji Lapac |
Tué par balle |
9 sept. 1993 ou vers cette date |
Région de Pocitelj |
31 |
Milorad CIGANOVIC |
Donji Lapac |
Tué par balle |
9 sept. 1993 ou vers cette date |
Région de Pocitelj |
32 |
Milan JOVIC |
Citluk |
Blessures par projectile à la tête et à la poitrine |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Citluk |
33 |
Zeljko COPIC |
Donji Lapac |
Cause du décès inconnue* |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Debela Galava |
LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
AFFAIRE Nº IT-04-76
ANNEXE II À L’ACTE D’ACCUSATION
Chef 1 - Persécutions (traitements cruels et inhumains)
CIVILS ET SOLDATS hors de combat
N° |
Nom, sexe (M ou F) |
Origine |
Type de blessures |
Date approximative des faits |
Lieu approximatif des faits |
1 |
Anka RAJCEVIC |
Citluk |
Par arme à feu |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Région de Citluk |
2 |
Témoin anonyme n° 4 |
Donji Lapac |
Battu |
9 sept. 1993 ou vers cette date |
Région de Debela Glava |
3 |
Vladimir DIVJAK |
Donji Lapac |
Par grenade |
9 sept. 1993 ou vers cette date |
Région de Debela Glava |
4 |
Stevo JOVIC |
Divoselo |
Par arme à feu |
9 sept. 1993 ou vers cette date |
Région de Pocitelj |
5 |
Nikola STOJISAVLJEVIC |
Donji Lapac |
Par arme à feu |
Entre le 9 et le 17 sept. 1993 |
Entre Pocitelj et Citluk |
LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
AFFAIRE Nº : IT-04-76
ANNEXE III À L’ACTE D’ACCUSATION
Chef 4 (Pillage de biens)
et
Chef 5 (Destruction sans motif)
Villages, hameaux ou secteurs situés dans la poche de Medak qui ont été le théâtre de pillages et/ou de destruction sans motif, en partie ou en totalité, entre le 9 et le 17 septembre 1993 :
Divoselo
Veliki Kraj
Strunici
Citluk
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