Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 2 octobre 2008

  2   [Conférence préalable au procès]

  3   [Audience publique]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 10 heures 12.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à tout le monde qui se trouve

  7   dans ou autour du prétoire.

  8   Madame la Greffière, pourriez-vous appeler l'affaire.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Affaire

 10   IT-04-81-PT, le Procureur contre Momcilo Perisic.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 12   Est-ce que les parties peuvent se présenter, à commencer par l'Accusation.

 13   M. HARMON : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour aux

 14   conseils. Mon nom est Mark Harmon, en compagnie de Barney Thomas, Dan Saxon

 15   et Carmela Javier, notre commis aux affaires.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 17   M. HARMON : [interprétation] Merci.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pour la Défense.

 19   M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à tous

 20   les participants à cette affaire. Mon nom est Novak Lukic. Je suis avocat à

 21   Belgrade, et m'accompagnant M. Gregor Guy-Smith, avocat à San Francisco.

 22   Nous représentons le général Perisic. Nous sommes accompagnés de nos

 23   assistants légaux, Tina Drolec, Chad Mair, et notre commis aux affaires,

 24   Danijela Tasic.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 26   Le général Perisic a retourné au centre pénitentiaire des Nations Unies le

 27   18 septembre, après avoir été en liberté provisoire suite à la décision de

 28   la Chambre du 9 juin 2005.

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  1   Monsieur Perisic, est-ce que vous entendez les procédures dans une langue

  2   que vous comprenez ?

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je vous entends.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Et, encore une fois,

  5   quel est l'état de votre santé aujourd'hui ?

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est bien. Tout à fait correct.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avez-vous des plaintes que vous

  8   souhaiteriez dire à la Chambre ?

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, pas pour le moment.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Perisic. Vous pouvez

 11   vous asseoir. Merci.

 12   Le Tribunal a été composé selon l'ordre du Juge Orie dans la Chambre de

 13   jugement I, suite à la décision du Conseil de sécurité d'étendre les

 14   mandats des Juges. Certains d'entre vous ne connaissaient pas encore le

 15   Juge David et le Juge Picard, qui sont à ma droite et à ma gauche.

 16   Les déclarations liminaires sont prévues pour aujourd'hui. L'Accusation a

 17   fait savoir que ses déclarations liminaires dureraient environ trois

 18   heures. Ceci sera suivi par les réactions de l'accusé en accord avec la

 19   Règle 84 bis, qui devrait prendre à peu près 30 à 45 minutes. Et étant

 20   donné les informations que nous avons, les premiers témoins à charge

 21   devraient être présentés demain, 3 octobre.

 22   Dans cette Conférence préalable, nous devons définir la durée du procès. Le

 23   Règle 73 bis(C) dispose qu'après avoir entendu l'Accusation, la Chambre

 24   décidera du nombre de témoins que l'Accusation pourra appeler et du temps

 25   dont elle disposera.

 26   Le 26 septembre 2008, suite à l'invitation de la Chambre de jugement,

 27   l'Accusation a proposé sa liste de témoins en indiquant qu'il en proposait

 28   150 pendant une durée de 355 heures pour l'interrogatoire principal. La

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  1   Chambre fait droit à cette proposition et définit donc que l'Accusation

  2   pourra appeler 150 témoins. La Chambre détermine également que l'Accusation

  3   disposera de 355 heures pour soumettre ces éléments; tout cela relèvera de

  4   l'interrogatoire principal.

  5   Y a-t-il d'autres points que les uns ou les autres, l'Accusation pour

  6   commencer, auraient à évoquer ?

  7   M. HARMON : [interprétation] Un sujet, si vous me le permettez, exigerais

  8   que nous passions à huis clos partiel quelques instants pour que je puisse

  9   en parler plus à fond avec vous.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je crois que cela ne pourra se faire

 11   qu'après le passage en formation du jugement à proprement parler.

 12   M. HARMON : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En ce qui concerne la phase de

 14   Conférence préalable, y a-t-il quelque chose --

 15   M. HARMON : [interprétation] Non.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] A la Défense, Maître

 17   Lukic ?

 18   M. LUKIC : [interprétation] Je ne sais pas si nous pourrons, Monsieur le

 19   Président, évoquer immédiatement les recommandations ou si cela sera fait

 20   après la Conférence préalable. Je crois que ces recommandations pourraient

 21   peut-être être évoquées dans la Conférence préalable. Etant donné le temps

 22   qui a été accordé à l'Accusation, je crois pouvoir dire que la Défense

 23   voudrait, quant à certains témoins qui ont été évoqués et proposés par

 24   l'Accusation, nous voudrions pouvoir nous assurer que le contre-

 25   interrogatoire de ces témoins pourra durer au moins aussi longtemps, parce

 26   que certains sujets du contre-interrogatoire l'exigeront. Je ne parle ici

 27   que d'une poignée de témoins présentés par l'Accusation, mais nous aurons

 28   besoin de plus de temps que l'Accusation. Je peux désormais vous assurer

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  1   que nous saurons vous dire pour quels témoins ceci sera nécessaire, et ce

  2   sont tous des témoins qui déposeront viva voce.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Lukic. Dans ce cas-là,

  4   peut-être que vous pourrez, Maître, nous indiquer, lorsque nous examinerons

  5   et lorsque nous entendrons ces témoins, nous dire clairement si vous avez

  6   besoin de plus de temps. Maître Lukic, y a-t-il autre chose ? Je vois que

  7   Me Guy-Smith veut vous dire quelque chose. Peut-être que vous voulez

  8   prendre quelques instants pour en parler avec lui avant de répondre.

  9   M. LUKIC : [interprétation] Si vous me le permettez, je voudrais donner la

 10   parole à Me Guy-Smith. Nous travaillons en grande coopération ici et nous

 11   sommes tout à fait d'accord, je crois pouvoir le dire, pour accepter votre

 12   proposition qui sera extrêmement utile.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 14   Maître Guy-Smith.

 15   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui. Etant donné que nous avons déjà eu

 16   quelques difficultés quant au début des opérations ici et l'heure à

 17   laquelle nous avons pu commencer, peut-être qu'après les déclarations

 18   liminaires et avant la présentation des premiers témoins, il y a peut-être

 19   certains points d'intendance et de procédure qui mériteraient d'être

 20   traités.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, merci. Nous le ferons

 22   certainement.

 23   M. GUY-SMITH : [interprétation] Bien.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je crois que nous en arrivons donc à

 25   la fin de cette séance préalable au jugement. Je crois qu'il faut désormais

 26   passer en formation de jugement.

 27   Madame le Greffier, si vous voulez bien appeler le numéro de l'affaire.

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] C'est l'affaire IT-04-81-T, le

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  1   Procureur contre Momcilo Perisic.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Nous savons, je crois, qui est

  3   déjà dans le prétoire. Il n'est pas nécessaire de se présenter.  

  4   Je vous demanderais, Madame le Greffier, que nous passions à huis clos

  5   partiel.

  6   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

  7   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Page 346 expurgée. Audience à huis clos partiel.

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 10   [Audience publique]

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Merci.

 12   Monsieur Harmon, vous avez la parole pour vos déclarations liminaires.

 13   [Déclaration liminaire de l'Accusation]

 14   M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs

 15   les Juges, Maîtres, je voudrais avant toute chose informer le public de ce

 16   qu'à l'occasion je ferai des demandes exceptionnelles de passer à huis clos

 17   pour évoquer des documents protégés. Je le ferai épisodiquement pour

 18   quelques instants, mais je préférais avant toute chose vous en informer.

 19   Mesdames et Messieurs les Juges, Monsieur le Président, si vous me le

 20   permettez, je souhaiterais commencer.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allez-y.

 22   M. HARMON : [interprétation] La guerre était restée en sommeil pendant 50

 23   ans sur le continent et elle s'est réveillée dans les années 90, et le

 24   fléau de la guerre s'est abattu sur les habitants de la Bosnie et de la

 25   Croatie. Des nouvelles atrocités, la bassesse humaine sont apparues et a

 26   ajouté une longue liste d'horreurs à ce que nous connaissions déjà :

 27   Srebrenica, le siège de Sarajevo, la purification ethnique. Les ambitions,

 28   les fantasmes ethnocentriques [phon] de certains hommes politiques ont

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  1   soutenu cette guerre qui a dévasté la Bosnie et une partie de la Croatie.

  2   A cette époque, Slobodan Milosevic a cherché à tromper ses interlocuteurs

  3   sur la scène internationale, la communauté internationale et l'opinion

  4   publique en disant que les gouvernements dont il était membre et les

  5   instruments de ce gouvernement, y compris les forces armées, n'agissaient

  6   pas en Bosnie, n'apportaient pas de soutien à l'armée des Serbes de Bosnie

  7   ou à l'armée des Serbes de Croatie. Ces tentatives de tromperie, celles de

  8   ses acolytes n'ont trompé personne.

  9   Monsieur le Président, cette affaire nous montrera les tromperies et les

 10   essais extrêmement compliqués auxquels Slobodan Milosevic et ses principaux

 11   acolytes se sont livrés, de même que le soutien du général Perisic à cette

 12   aide politique pour établir un Etat unique dans lequel vivraient tous les

 13   Serbes.

 14   Je vais évoquer un certain nombre d'acronymes dans le courant de mes

 15   propos. Je parlerai de la République fédérale de Yougoslavie, la RFY; la

 16   République socialiste fédérative de Yougoslavie, la RSFY; l'armée de

 17   Yougoslavie, la JNA; et également l'armée yougoslave, la VJ.

 18   Le général Perisic était l'officier général le plus gradé dans l'armée de

 19   Yougoslavie. Il était chef de l'état-major de l'armée yougoslave du 26 août

 20   1993 au 24 novembre 1998. En tant que chef d'état-major de la VJ, il était

 21   responsable du fonctionnement de l'armée et avait autorité sur elle.

 22   Le général Perisic était un officier de carrière. Il est diplômé et il est

 23   sorti de l'académie militaire de l'armée de terre en 1966. Il a eu un

 24   certain nombre de commandements dans la JNA et dans la VJ, et il a été

 25   entre, autres choses, le commandant du centre d'artillerie de Zadar. Ce

 26   commandement devra rester dans vos esprits lorsqu'on évoquera la campagne

 27   de bombardement prolongée de cibles civils dans la zone de Sarajevo.

 28   En 1998, après son désaccord avec Slobodan Milosevic relativement à

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  1   l'utilisation de la VJ dans la crise du Kosovo, le général Perisic a été

  2   démis de ses fonctions comme chef de la VJ.

  3   En droit yougoslave, le président de la République fédérale de Yougoslavie,

  4   et en accord avec les décisions du Conseil de Défense suprême, commande les

  5   armées en temps de paix et en temps de guerre. Le SDC, le Conseil de

  6   Défense suprême, était un organe décisionnel composé de trois membres : le

  7   président de la RFY, Zoran Lilic; le président de la République de Serbie,

  8   Slobodan Milosevic; et le président de la République du Monténégro, Momir

  9   Bulatovic. Le SDC traitait des questions et des choix politiques

 10   fondamentaux et développait la politique de l'Etat.

 11   M. Momcilo Perisic n'était pas membre du SDC, mais a participé à chacune

 12   des réunions qui ont été organisées du temps où il était chef d'état-major.

 13   Il a participé aux débats sur les questions militaires, et a conseillé les

 14   membres du SDC sur la situation sécuritaire qui pouvait avoir un impact sur

 15   les autorités et son pays. Il le faisait, parce qu'il avait justement la

 16   responsabilité suprême en termes de défense et de sécurité. Il avait tous

 17   les renseignements nécessaires. Il était bien informé. Il avait accès à la

 18   presse internationale. Il avait accès aux informations qu'on pouvait lui

 19   donner de Bosnie et de Croatie.

 20   De façon à mettre en œuvre les choix du SDC et du président de la RFY, le

 21   général Perisic a produit des ordres que nous vous proposerons et que nous

 22   montrerons à la Cour dans le courant de notre interrogatoire principal et

 23   de la présentation des moyens à charge.

 24   En tant que chef de l'état-major général, le général Perisic était en

 25   charge de l'armée. Il la commandait en produisant des ordres et des

 26   commandements qui étaient donnés ensuite aux unités subordonnées. Il

 27   organisait également les commandements et les structures de l'armée. C'est

 28   quelque chose qu'il faut garder à l'esprit, puisque j'évoquerai

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  1   ultérieurement deux unités, les unités de formation du personnel 30 et 40

  2   dont nous parlerons en détail ultérieurement.

  3   Le général Perisic nommait également les officiers jusqu'au rang de

  4   colonel. Il maintenait les officiers jusqu'au rang de colonel dans leurs

  5   fonctions. Il pouvait les affecter et les réaffecter. Il pouvait les

  6   démettre de leur commandement, encore une fois juste que vous ayez compris,

  7   jusqu'au grade de colonel, et il nommait également les présidents, les

  8   juges et les représentants et les procureurs militaires dans la justice

  9   militaire.

 10   Au-delà des sessions formelles du SDC, le général Perisic était un

 11   collaborateur régulier des présidents Milosevic, Lilic et Bulatovic, de

 12   même qu'un proche collaborateur du général Ratko Mladic, avec qui il était

 13   ami.

 14   L'accusé est accusé de 13 chefs d'accusation relatifs à des événements qui

 15   ont lieu à Sarajevo, Srebrenica et Zagreb. L'Accusation prétend qu'il est

 16   responsable aux termes des articles 7.1 et 7.3 pour Sarajevo et Srebrenica.

 17   Pour Zagreb, il est responsable selon les articles 7.3.

 18   Les crimes de Sarajevo sont traités dans les chefs d'inculpation 1 à 4. Il

 19   est accusé de deux meurtres qui sont des crimes contre l'humanité et des

 20   violations des lois ou coutumes de la guerre. Il est accusé d'actes

 21   inhumains et d'attaques sur les civils, qui constituent également des

 22   crimes contre l'humanité. Les crimes auxquels il est fait référence font

 23   référence particulièrement à la campagne militaire prolongée de pilonnage

 24   et les actions de tireurs isolés qui ont tué et blessé des milliers de

 25   civils.

 26   Pour l'Accusation, ces crimes ont été planifiés, soutenus, organisés,

 27   ordonnés et commis par les subordonnés du général Perisic, ceux qui

 28   travaillaient sous lui. Ceci incluait, entre autres, le général Stanislav

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  1   Galic et Dragomir Milosevic, qui étaient tous deux les commandants du

  2   Sarajevo-Romanija Corps, qui ont été d'ailleurs trouvés coupables par ce

  3   Tribunal. Dans l'acte d'accusation, il est indiqué que le général Perisic a

  4   aidé et encouragé ces crimes en sachant qu'en les aidant il faciliterait

  5   ces crimes.

  6   Les annexes A et B font référence à des incidents de tireurs isolés et de

  7   pilonnages qui ont déjà été traités dans les affaires Galic et Milosevic.

  8   En ce qui concerne Srebrenica, l'accusé est accusé de cinq chefs

  9   d'inculpation. Tout d'abord deux meurtres, l'un d'actes inhumains et l'un

 10   de persécutions, l'un d'extermination. Ces chefs sont des crimes contre

 11   l'humanité ou des violations des lois et coutumes de la guerre.

 12   Ces cinq chefs font référence à des événements qui ont eu lieu en

 13   1995 dans la zone protégée des Nations Unies autour de Srebrenica, lorsque

 14   des membres de la VRS ont exécuté 7 à 8 000 hommes et jeunes gens

 15   musulmans, et ont transféré par la force et déplacé par la force plusieurs

 16   dizaines de milliers de Musulmans et les ont sortis de l'enclave.

 17   D'après l'Accusation, ces crimes ont été en partie planifiés, organisés,

 18   soutenus, commis par les subordonnés du général Perisic qui étaient dans la

 19   VRS, y compris le général Mladic, que j'ai évoqué; le général Krstic, le

 20   colonel Blagojevic, Dragan Jokic, le colonel Obrenovic. Tous ces hommes ont

 21   déjà été trouvés coupables de crimes commis à Srebrenica. D'autres

 22   subordonnés identifiés dans l'acte d'accusation sont Ljubisa Beara, Vujadin

 23   Popovic, et Vinko Pandurevic. Ils font en l'état actuel des choses tous

 24   l'objet d'un jugement.

 25   Enfin, l'accusé est accusé de quatre chefs d'inculpation pour des

 26   événements à Zagreb : deux meurtres, des crimes contre l'humanité et de la

 27   violation des lois et coutumes de la guerre; des actes inhumains qui sont

 28   des crimes contre l'humanité; des attaques contre les civils qui sont des

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  1   crimes contre l'humanité.

  2   Ces chefs d'inculpation font référence aux bombardements du centre de

  3   Zagreb les 2 et 3 mai 1995. Ces bombardements ont été ordonnés par le

  4   président de la République de la Krajina serbe, Milan Martic, et mis en

  5   œuvre par les subordonnés de Perisic qui ont servi dans la SVK.

  6   Les actes criminels identifiés dans l'acte d'accusation ont déjà fait

  7   l'objet d'autres procès devant ce Tribunal. Certains faits, certains

  8   événements ont déjà été admis et cela nous permet donc de ne pas citer

  9   encore une fois les survivants de ces crimes.

 10   Dans nos requêtes préalables au procès nous avons demandé que les

 11   déclarations écrites et témoignages des témoins qui avaient déposé lors

 12   d'autres procès soient admis. La Chambre a fait droit à bon nombre de ces

 13   requêtes. Dans la mesure où l'on exigera des victimes de témoigner devant

 14   vous, nous allons demander à ces victimes de comparaître personnellement

 15   devant vous, et vous entendrez ce qu'ils ont à dire tout au début du

 16   procès.

 17   Notre intention de ne pas citer à comparaître bon nombre de victimes ne

 18   témoigne pas d'un manque de respect à l'égard des victimes ni

 19   d'indifférence à leurs souffrances. Leurs voix éloquentes et poignantes ont

 20   été entendues à maintes reprises devant ce Tribunal. Et leurs témoignages

 21   consignés, leurs déclarations seront soumises aux Juges. Nous sommes très

 22   reconnaissants aux victimes et aux témoins de la dignité, du courage

 23   extraordinaire dont ils ont fait preuve en témoignant devant ce Tribunal et

 24   en parlant des crimes odieux qui leur ont été infligés, ainsi qu'en

 25   confrontant leurs bourreaux et en racontant les effets pérennes que ces

 26   crimes ont eu sur leurs vies. Nous allons donc nous fonder en grande partie

 27   sur les informations considérables déjà rendues publiques grâce à ces

 28   témoins afin de démontrer que les crimes allégués dans l'acte d'accusation

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  1   ont bien été commis.

  2   Nous allons plutôt mettre l'accent sur le rôle qu'a joué le général

  3   Perisic, le fait qu'il a aidé, encouragé la commission de crimes allégués

  4   dans l'acte d'accusation, n'a rien fait pour empêcher ses subordonnés de

  5   commettre ces crimes et a omis de les punir une fois qu'ils avaient commis

  6   ces crimes.

  7   En évaluant le rôle joué par le général Perisic, il est nécessaire de tenir

  8   compte des événements politiques et militaires qui ont précipité le

  9   démantèlement de l'ex-Yougoslavie et de bien comprendre les objectifs

 10   communs des dirigeants politiques et militaires de la Serbie et de la

 11   Yougoslavie de Slobodan Milosevic et leurs homologues serbes en Bosnie et

 12   en Croatie. Je ferai mon possible pour vous brosser le tableau très

 13   brièvement. Ce cadre historique ne sera pas exhaustif. Vous entendrez le

 14   témoignage de différents témoins et ainsi que les rapports des témoins

 15   experts. Cela permettra d'approfondir les choses. Mais dans le temps qui

 16   m'est imparti, j'aimerais mettre en exergue certains points, qui, à mon

 17   avis, vous permettront de mieux situer, de mieux replacer dans son contexte

 18   la thèse de l'Accusation.

 19   Avant l'effondrement, le démantèlement de la RSFY, cet Etat comportait six

 20   républiques et deux régions autonomes. Au lendemain de la mort du président

 21   Tito, les entités nationalistes latentes ont refait surface, et l'existence

 22   même de l'Etat fédéral de Yougoslavie a été remise en cause. Certaines

 23   factions étaient favorables à l'indépendance, d'autres préconisaient la

 24   préservation de la Yougoslavie. Les personnes qui préconisaient la

 25   préservation de l'ex-Yougoslavie étaient principalement les Serbes de la

 26   RSFY, dirigée par Slobodan Milosevic; les Serbes de Bosnie, emmenés par

 27   Radovan Karadzic Momcilo Krajisnik, et Biljana Plavsic; ainsi que les

 28   Serbes de Croatie, dirigés par Milan Babic, Goran Hadzic, et Milan Martic.

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  1   Les parties en présence n'ont pas réussi à résoudre leurs différences de

  2   manière paisible et ont plutôt eu recours à la force armée. En Slovénie une

  3   guerre de dix jours a abouti au retrait de la JNA et à l'indépendance de

  4   cette république, mais le conflit armé s'est propagé en Croatie où les

  5   Serbes de Croatie ont pris le contrôle et occupé certaines parties de la

  6   Croatie avec l'aide de la JNA et ont proclamé une entité serbe croate, la

  7   République serbe de Krajina. Et en parallèle, au mois d'avril, au mois de

  8   mai, les territoires tenus par les Serbes en Croatie se sont proclamés

  9   comme faisant partie de la Serbie et de la Yougoslavie.

 10   En Bosnie, avant les élections multipartites qui devaient avoir lieu en

 11   novembre et en décembre 1990, un certain nombre de partis politiques ont

 12   été formés, principalement selon des critères ethniques. Les partis étaient

 13   les suivants, le Parti démocrate serbe, le SDS, dont le dirigeant était

 14   Radovan Karadzic; le Parti de l'Action démocratique, le SDA, dont le chef

 15   de file était Alija Izetbegovic; le parti des Bosniens; et l'Union

 16   démocrate croate, le parti politique principal des Croates de Bosnie,

 17   dirigé par Stjepan Kljujic. Le SDS s'opposait à l'indépendance de la

 18   Bosnie, s'opposait à être séparé d'autres Serbes en Yougoslavie, et était

 19   prêt à recourir à la force si nécessaire pour empêcher que cela ne se

 20   produise.

 21   En octobre 1991, cette problématique, cette question de l'indépendance

 22   possible de la Bosnie a fait l'objet de débats lors d'une séance de

 23   l'assemblée commune de la BiH; il était question d'un protocole concernant

 24   l'indépendance. Les Croates et les Musulmans de Bosnie préconisaient

 25   l'adoption de ce protocole. Radovan Karadzic a averti les Musulmans que

 26   s'ils poursuivaient sur cette voie, ils disparaîtraient. Et après en avoir

 27   délibéré, les députés du SDS ont quitté la séance, et les députés qui sont

 28   restés sur place ont voté en faveur du protocole concernant l'indépendance.

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  1   Presque immédiatement après cette rupture, les Serbes de Bosnie ont

  2   institué des instances parallèles, y compris une assemblée serbe de Bosnie

  3   au cours du même mois, le mois d'octobre 1991. Et le 24 octobre 1991,

  4   Karadzic a expliqué à Slobodan Milosevic ce qui suit, je le cite : "Nous

  5   poursuivons. Nous allons imposer notre autorité pleine et entière sur les

  6   territoires serbes en Bosnie-Herzégovine et aucun de ses avocats," il

  7   faisait allusion aux avocats d'Alija Izetbegovic, "n'osera plus s'y

  8   montrer. Il ne pourra plus exercer le pouvoir. Il aura perdu le contrôle de

  9   plus de 65 % de son territoire. C'est notre objectif."

 10   Par la même occasion, les Serbes de Bosnie s'apprêtaient à s'emparer du

 11   pouvoir dans de larges secteurs de Bosnie-Herzégovine qu'ils considéraient

 12   comme étant d'une importance fondamentale pour leurs intérêts. Et comme les

 13   éléments de preuve le démontreront, ils l'ont fait avec l'appui de la JNA.

 14   Alors même qu'il devenait de plus en plus évident que l'Etat fédéral

 15   yougoslave ne resterait pas intact et que les républiques de Bosnie-

 16   Herzégovine et de Croatie n'en feraient plus partie, les autorités

 17   politiques et militaires à Belgrade ne sont pas restées indifférentes. Les

 18   dirigeants à Belgrade préconisaient la création d'un état englobant autant

 19   qu'habitants serbes de la RSFY que possible et autant de territoires que

 20   possible. L'objectif des dirigeants serbes dans la RSFY étant la création

 21   d'un Etat serbe unifié ou une union d'Etats.

 22   L'une des institutions étatiques les plus puissantes, ayant le plus de

 23   pouvoir en ex-Yougoslavie était l'armée populaire yougoslave, la JNA, au

 24   sein de laquelle l'accusé était un membre influant et haut gradé.

 25   Conformément à l'article 240 de la constitution de la RSFY, la JNA était la

 26   force armée commune de toutes les nations et toutes les nationalités du

 27   pays, en d'autres termes l'armée commune des Serbes, des Croates et des

 28   Bosniens.

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  1   En décembre 1991, alors que le conflit en Croatie battait son plein et les

  2   relations entre groupes ethniques en Serbie devenaient de plus en plus

  3   hostiles, se dégradaient, l'engagement de la JNA en faveur de

  4   l'impartialité ou la neutralité ethnique est devenu chose du passé. L'armée

  5   s'est transformée en fer de lance grâce auquel les intérêts serbes seraient

  6   protégés et promus.

  7   Deux documents illustrent la transition, l'évolution historique de la

  8   JNA en faveur des Serbes.

  9   Le premier document que vous voyez à l'écran émane - oui, on le voit à

 10   l'écran - émane du secrétariat fédéral pour la Défense nationale de la

 11   RSFY. Il s'agit d'un document classifié comme secret militaire émanant du

 12   général Veljko Kadijevic, secrétaire fédéral à la Défense nationale,

 13   intitulé, "L'usage des forces armées pour la préparation et l'exécution

 14   d'opérations de combat dans la période à venir." Et ce document ne laisse

 15   planer aucun doute quant au groupe ethnique qui avait les faveurs de la

 16   JNA.

 17   Comme vous pourrez le voir, Madame et Messieurs les Juges, un extrait de ce

 18   document dit : "Nos forces armées entrent dans une nouvelle période

 19   exceptionnelle qui aura énormément d'importance pour la réalisation des

 20   objectifs ultimes de la guerre : La protection de la population serbe…" et

 21   le texte se poursuit.

 22   Deuxième document, il s'agit d'un document émis quatre mois plus tard

 23   environ, le 20 mars 1992, intitulé, "Conclusions de l'évaluation de la

 24   situation sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine sous la responsabilité

 25   du 2e District militaire." Ce document est également classé secret

 26   militaire. Il a été envoyé à l'attention du chef de l'état-major général de

 27   la JNA.

 28   Et reflète, Madame et Messieurs les Juges, le fait que la directive du

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  1   général Kadijevic a été très rapidement mise en œuvre en Bosnie-

  2   Herzégovine, et vous voyez un extrait de ce document émis par le général

  3   Kukanjac, commandant de la JNA et du second district militaire. Et vous

  4   voyez qu'il est question : "D'unités volontaires dans la zone du 2e

  5   District Militaire." Il est question de 69 198 volontaires. Et au

  6   paragraphe C, vous pouvez voir également qu'il fait allusion à des

  7   volontaires qui ne font pas partie d'une formation de la JNA ou de la

  8   Défense territoriale, mais des personnes qui n'appartenaient pas à l'armée.

  9   On y voit également que la JNA a distribué 51 900 armes; et le parti

 10   politique de Radovan Karadzic, le SDS, a distribué quelque 17 000 [comme

 11   interprété] armes; au total donc quelque 70 000 armes. Et au passage, au

 12   paragraphe G, on voit qu'à Sarajevo 300 armes automatiques ont été

 13   distribuées et d'autres encore allaient être distribuées à Sarajevo.

 14   L'on voit également en annexe à ce rapport une description géographique des

 15   endroits où se trouvaient ces volontaires. Malheureusement, vous ne voyez

 16   pas cela à l'écran, mais on y voit 75 municipalités au secteur dans les

 17   municipalités où ces armes ont été distribuées. Vous les voyez à l'écran,

 18   les secteurs où se trouvaient les volontaires. Et si vous vous reportez à

 19   la fin du document, vous y voyez le chiffre 69 198, le nombre d'armes

 20   distribuées. Et ce qui est intéressant en ce qui concerne ce document,

 21   Madame et Messieurs les Juges, c'est qu'on voit que des armes ont été

 22   distribuées par la JNA à des volontaires serbes de manière systématique et

 23   généralisée sur un territoire, une partie très large de la Bosnie, un bon

 24   nombre de secteurs ont été intégrés à la Republika Srpska.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Harmon, avons-nous ce

 26   document en anglais ?

 27   M. HARMON : [interprétation] Nous devrions en tout cas l'avoir en anglais.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous en

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  1   donner un exemplaire ?

  2   M. HARMON : [interprétation] Bien entendu.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

  4   M. HARMON : [interprétation] Je vous demanderais maintenant très brièvement

  5   de passer à huis clos.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Que cela soit fait.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Voilà, nous sommes à huis clos.

  8   [Audience à huis clos]

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 26   [Audience publique]

 27   M. HARMON : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, j'aimerais

 28   maintenant accélérer un peu et en venir à une période de six semaines après

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  1   le rapport du général Kukanjac concernant la distribution des armes.

  2   Le 12 mai, six semaines donc après que le rapport du général Kukanjac a été

  3   publié, les Serbes de Bosnie ont convoqué la 16e Session de l'assemblée

  4   serbe de Bosnie. Une séance très importante, car c'est lors de cette séance

  5   que Radovan Karadzic a annoncé la création de la VRS, annoncé que le

  6   général Ratko Mladic serait à la tête de cette armée, et a également

  7   annoncé, Radovan Karadzic a également énoncé les six objectifs stratégiques

  8   du peuple serbe de Bosnie.

  9   Vous avez sous les yeux ces six objectifs stratégiques qui représentaient

 10   donc les objectifs politiques militaires fondamentaux  des dirigeants

 11   politiques serbes de Bosnie. Le général Mladic a pris la parole devant

 12   l'assemblée serbe de Bosnie et dit qu'il avait été impliqué dans la

 13   définition de ces objectifs, tant "aux côtés des plus hauts dirigeants" de

 14   la Republika Srpska et "les personnes ayant le plus de pouvoir à Belgrade."

 15   Parmi ces objectifs, les plus importants sont les objectifs 1, 3 et 5.

 16   Premier objectif, cela consistait à séparer les communautés serbes des non-

 17   serbes en Bosnie. L'objectif stratégique numéro 3 - je crois que vous avez

 18   la carte sous les yeux - l'objectif consistait à créer un couloir dans la

 19   vallée de la rivière Drina, en d'autres termes, éliminer la Drina en tant

 20   que frontière séparant la Bosnie de la Serbie. Puis le cinquième objectif

 21   stratégique était de diviser la ville de Sarajevo en secteurs serbes et

 22   musulmans et instituer des autorités étatiques exerçant un pouvoir effectif

 23   dans ces deux secteurs.

 24   Mais ces objectifs stratégiques ainsi définis n'avaient rien de surprenant,

 25   car un mois plus tôt des attaques violentes avaient été commises à

 26   l'encontre de la communauté musulmane à Bijeljina. Cela s'inscrit dans le

 27   cadre de l'objectif stratégique 3. Vous voyez, peu au-dessus de la lettre

 28   A, la ville de Bijeljina. Que s'est-il passé ? Un certain nombre de forces

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  1   paramilitaires serbes emmenées par Arkan ont lancé une offensive contre les

  2   Musulmans de la communauté, se sont emparées de la municipalité alors que

  3   la JNA se trouvait à proximité et n'est pas intervenue.

  4   Nous vous présenterons également lors de ce procès des moyens de preuve

  5   indiquant que la JNA a joué un rôle actif dans le nettoyage des non-Serbes

  6   leur expulsion des territoires convoités par les Serbes de Bosnie.

  7   Par exemple, le 9 mai, dans la municipalité de Bratunac qui se trouve à

  8   côté du numéro 3, "Drina SO3." A la frontière qui sépare la Serbie de la

  9   Bosnie, la JNA a participé à la purification ethnique du village musulman

 10   de Glogova ainsi que des agglomérations musulmanes avoisinantes.

 11   Ailleurs en Bosnie, avant que les objectifs stratégiques aient été annoncés

 12   de manière officielle, le même schéma se reproduisait. Par exemple, dans la

 13   municipalité de Bosanska Krupa qui se trouve en Bosnie occidentale, au-

 14   dessus du terme "Una" les Musulmans de Bosnie ont été nettoyés du

 15   territoire avec le soutien de la JNA.

 16   Lors de l'énoncé de ces objectifs stratégiques à la 16e Assemblée, le

 17   député représentant Bosanska Krupa, Miroslav Vjestica, leur a dit que "sur

 18   la rive droit de la rivière Una, il n'y avait plus de Musulmans dans la

 19   municipalité serbe de Bosanska Krupa."

 20   Les éléments de preuve qui seront présentés par l'Accusation démontreront

 21   que la JNA a joué un rôle essentiel dans ces opérations de nettoyage.

 22   Voilà quelques exemples seulement. Nous présenterons d'autres éléments de

 23   preuve se rapportant à ce sujet.

 24   Nous allons présenter encore de nombreux éléments sur ce thème, ces crimes

 25   à grande échelle qui constituent le nettoyage ethnique et qui se sont

 26   produits dans la Bosnie orientale et dans d'autres parties de la Bosnie ont

 27   été remarqués par la communauté internationale. Il y a eu des pressions sur

 28   les autorités de Belgrade pour qu'ils retirent l'armée de Bosnie, et le 19

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  1   mai 1992, la RFY, la République fédérale de Yougoslavie, conformément à la

  2   Résolution 752 des Nations Unies, a officiellement retiré le personnel de

  3   la JNA de la Bosnie ainsi que l'équipement de la JNA. Peu de temps après,

  4   la JNA a changé son nom et est devenue l'armée yougoslave. Cependant, le

  5   retrait de la JNA de la Bosnie était un mensonge et n'a pas cessé l'agonie

  6   de la Bosnie puisqu'il s'agissait d'infirmer les gains serbes et de

  7   réaliser d'autres objectifs.

  8   Pour mettre en place la politique de l'Etat de cette Yougoslavie

  9   tranquille, à savoir que "les conditions pour la création d'un Etat uni du

 10   peuple serbe," la JNA a laissé derrière elle des ressources militaires

 11   énormes à l'utilisation exclusive de l'armée de la République serbe. Après

 12   cela, la RFY et l'armée yougoslave a continué à fournier l'aide secrète

 13   militaire aux Serbes de Bosnie et de la Krajina en violant les lois

 14   yougoslaves et en violant les résolutions des Nations Unies et en faisant

 15   tout ce qui est contraire aux déclarations officielles des politiques de la

 16   RFY et des leaders militaires. Je vais en parler plus tard.

 17   Maintenant, je vous ai présenté cette situation historique assez brièvement

 18   pour essayer de mettre dans le contexte le rôle du général Perisic à partir

 19   du moment où il est devenu le chef de l'état-major général et où il s'est

 20   mis à mettre en place et conduire la politique de la RFY.

 21   Mais maintenant, je veux parler de la responsabilité pénale en vertu

 22   de l'article 7.1 du Statut, du général Perisic donc.

 23   Cette responsabilité pénale est basée sur le fait qu'il a aidé et encouragé

 24   les crimes qui figurent dans l'acte d'accusation qui concernent Sarajevo et

 25   Srebrenica. Dans le cadre de la politique de SDC, il a aidé grandement du

 26   point de vue militaire l'armée serbe qui a eu un grand effet sur la

 27   commission des crimes. Nous allons montrer que l'accusé savait que cette

 28   aide militaire allait aider à commettre les crimes.

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  1   Il a aidé à commettre un crime de quatre façons : tout d'abord, en

  2   fournissant des grandes quantités d'armes, de munitions et d'autres

  3   matériels logistiques nécessaires à la commission des crimes et sans

  4   lesquelles l'armée des Serbes de Bosnie aurait été obligée de quitter la

  5   guerre. Il a déployé et aidé les officiers de haut rang dans la République

  6   de la Republika Srpska. Il a envoyé les troupes de l'armée yougoslave

  7   stationnées dans la RFY en Bosnie-Herzégovine. Il a aussi continué à aider

  8   et encourager en omettant de façon constante à remplir  son rôle qui

  9   consistait à prévenir, enquêter et punir les violations du droit

 10   international perpétré par ses subordonnés de la VRS et la SVK. Donc il a

 11   créé par cela un climat d'impunité en encourageant ses subordonnés qui

 12   continuaient à commettre les crimes en sachant qu'il n'y aurait pas de

 13   conséquences de leurs actes.

 14   Comme je l'ai déjà dit, la politique de Slobodan Milosevic était de

 15   supporter l'effort de guerre et des Serbes, de leurs frères serbes en

 16   Bosnie et en Croatie. Ils l'ont fait en envoyant des quantités massives

 17   d'aide militaire à l'armée de la République serbe et à l'armée de la

 18   République serbe de Krajina, ce qui comprenait l'artillerie, la munition,

 19   les armes d'infanterie, l'équipement des communications, et cetera. Cette

 20   aide était un secret d'Etat très bien gardé, puisqu'elle constituait une

 21   violation de la résolution des Nations Unies qui empêchait la Yougoslavie

 22   de se mêler aux affaires de la Bosnie.

 23   Cette aide a été fournie en deux phases. La première phase constituait des

 24   grandes quantités de matériel, de réserves de l'armée yougoslave, la JNA,

 25   et qu'elle avait laissées aux forces des Serbes de Bosnie quand elle a

 26   quitté la Bosnie au mois de mai 1992. Après cela et jusqu'à la fin de la

 27   guerre, l'armée yougoslave a continué à approvisionner l'armée des Serbes

 28   de Bosnie avec des matériaux militaires en subvenant aux besoins de l'armée

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  1   de la Républika Srpska. Cette phase a inclus aussi la période pendant

  2   laquelle Perisic était le chef de l'état-major principal de l'armée

  3   yougoslave.

  4   Que représentait cette aide ? Si l'on se concentrait uniquement sur

  5   le volume de la munition de l'infanterie qui avait été laissée, le général

  6   Mladic, lors de la 50e Session de l'assemblée des Serbes de Bosnie qui a eu

  7   lieu les 15 et 16 avril 1995, a estimé que 42,2 % de la munition de

  8   l'infanterie consommée depuis le début de la guerre, ce qui correspondait à

  9   9 185 tonnes, que 42,2 % de cette quantité de munitions avait été hérité de

 10   la JNA ou bien trouvé dans les casernes.

 11   Mis à part ces 42,2 % de munitions, le général Mladic a aussi parlé de

 12   l'aide militaire de l'armée yougoslave fournie à la VRS qui correspondait à

 13   47,2 % des munitions de l'infanterie qui avaient été consommées depuis le

 14   début de la guerre et qui venaient de l'armée yougoslave. Ensuite, 34,4 %

 15   sur les 18 151 tonnes d'ammunition [phon] d'artillerie avait été aussi

 16   utilisé par la VRS et venait de l'aide de l'armée yougoslave.

 17   C'est le général Perisic qui avait ordonné la fourniture de toute cette

 18   aide.

 19   Maintenant, je vais demander que l'on passe à huis clos pour parler de

 20   documents, deux pièces.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [aucune interprétation]

 23   [Audience à huis clos]

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 21   [Audience publique]

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 23   M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, le Procureur va montrer

 24   que l'armée yougoslave était le seul fournisseur des munitions les plus

 25   importantes pendant cette guerre, ceci comprend aussi les munitions

 26   d'artillerie de 155-millimètres, et c'est exactement le type de munitions

 27   qui a été utilisé pour le pilonnage de Sarajevo.

 28   Les moyens du Procureur vont faire le lien entre les munitions qui ont été

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  1   fournies à la VRS et les crimes qui figurent à l'acte d'accusation.

  2   Différents types de munitions qui ont été retrouvées sur les sites de

  3   Srebrenica où les crimes ont été perpétrés à Srebrenica, on va démontrer

  4   les liens entre ces munitions trouvées et les crimes trouvés, et ceci,

  5   pendant que le général Perisic était le chef de l'état-major principal. De

  6   même, les éclats d'obus qui ont été trouvés sur les incidents de pilonnage

  7   vont démontrer et qui ont été produits la RFY en même temps.

  8   De toute façon, l'armée des Serbes de Bosnie n'aurait pas pu subsister sans

  9   cette aide massive militaire de l'armée yougoslave.

 10   Maintenant, nous devons à nouveau passer à huis clos partiel ou à huis

 11   clos.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à

 14   huis clos à nouveau.

 15   [Audience à huis clos]

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  6   [Audience publique]

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

  8   Monsieur Harmon.

  9   M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, vous allez voir les

 10   preuves que l'accusé a dit que la quantité de l'aide militaire que l'armée

 11   yougoslave a fournie à la VRS et la SVK est aussi importante qu'elle a mis

 12   en danger l'aptitude au combat de la RFY.

 13   Maintenant, je vais parler d'un autre élément, la façon dont le général

 14   Perisic aidait et encourageait.

 15   Il est allégué dans l'acte d'accusation que le général Perisic a continué à

 16   déployer les officiers hauts gradés dans la VRS. Pour obtenir les objectifs

 17   militaires de l'armée de la VRS et de l'armée de la République serbe de la

 18   Krajina, il fallait créer des nouvelles armées, et ceci a été fait. La VRS

 19   a été créée le 12 mai 1992 et la SVK a été créée le 16 octobre 1992. Leurs

 20   rangs ont été remplis par des volontaires. De nombreux d'entre eux avaient

 21   été membres de la Défense territoriale ou bien de la JNA. Cependant, ces

 22   armées ne pouvaient pas subsister sans recevoir une aide importante en

 23   hommes et en munitions de la République fédérative de Yougoslavie. Pour

 24   qu'elles puissent continuer à exister, la JNA, et par la suite l'armée

 25   yougoslave, a ordonné à ses hommes d'aller servir dans ces armées. Dans de

 26   nombreux cas, la VRS et la SVK exigeaient des officiers en donnant leurs

 27   noms précis, et ils les ont reçus; ou bien ils demandaient à obtenir des

 28   officiers pour répondre à des besoins spécifiques, et on a fait droit à

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  1   leur demande.

  2   Quand le général Perisic est devenu le chef de l'état-major principal

  3   de l'armée yougoslave au mois d'août 1993, il a continué la politique de la

  4   RFY qui constituait à déployer les officiers de l'armée yougoslave dans les

  5   rangs au sein de la VRS et de la SVK. Il a aussi décidé de créer deux

  6   centres de personnel temporaires : le 30e et le 40e. Le 30e était destiné

  7   aux éléments de la VRS et le 40e était destiné à la SVK. La structure de

  8   ces centres était une tromperie pour déguiser le fait qu'ils sont à

  9   l'origine de la solde de ces officiers, que c'est finalement l'armée

 10   yougoslave qui les paye.

 11   Si l'on regarde le document suivant, vous allez voir que ces deux

 12   centres de personnel, le 30e et le 40e, faisaient partie de l'organigramme

 13   de l'armée yougoslave. Vous allez voir les deux petites cases à la fin de

 14   l'organigramme. Vous pouvez voir qu'ils faisaient partie de l'organe chargé

 15   du recrutement et de la mobilisation de l'armée yougoslave.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourriez-vous agrandir cette partie

 17   puisqu'on ne la voit pas très bien.

 18   M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs

 19   les Juges, je peux vous dire que les moyens à charge de l'Accusation

 20   montreront que les structures de commandement de la VRS et de la SVK

 21   étaient composées d'agents du 30e et 40e Centre du personnel.

 22   Dans ses communications avant le procès, la Défense affirme que "Les

 23   membres de la VRS et de l'état-major de la VRS et ses commandants

 24   principaux n'étaient pas membres de la VJ." On le trouve à la page 44,

 25   sous-paragraphe J. C'est important et je vais essayer de vous expliquer

 26   pourquoi.

 27   Vous verrez ici, même si c'est un peu petit, qu'effectivement on voit

 28   personnel de la VJ qui était affecté au 30e Centre du personnel et qui

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  1   était la structure de commandement de l'armée serbe de Bosnie. Si on va

  2   tout en haut, on voit le général Mladic qui est le commandant de l'état-

  3   major principal de la VRS, et on voit un peu plus bas le premier groupe en

  4   parallèle, voilà ici, vous voyez les différentes structures de la VRS,

  5   différents organes. Vous voyez le département pour la Sécurité et le

  6   Renseignement et les différents éléments qui relèvent de l'état-major. Puis

  7   si l'on passe au rang inférieur encore, vous verrez, Monsieur le Président,

  8   Mesdames et Messieurs les Juges, que le personnel de la VJ était une part

  9   essentielle des composantes des corps de la VRS, plus particulièrement le

 10   Corps de la Drina, comme vous pouvez le voir ici, et également le Sarajevo

 11   Romanija Corps, dont les commandants étaient les généraux Milosevic et

 12   Galic.

 13   Sans le personnel des Centres du personnel numéros 30 et 40 de la VJ, voici

 14   à quoi la structure de commandement de la VRS aurait ressemblé. Vous voyez

 15   ici un organigramme récapitulant la structure de commandement de la VRS

 16   sans les hommes du 30e Centre du personnel.

 17   Passons désormais à l'organigramme suivant, qui est l'organigramme du 40e

 18   Centre du personnel et les officiers du 40e Centre du personnel et leurs

 19   fonctions dans la structure de commandement de la SVK. Vous verrez ici,

 20   Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Juges, que la structure

 21   est similaire, que l'on voit une colonne, la première en partant de gauche,

 22   qui est en fait les corps du SVK. Ensuite, les organes du SVK et, tout en

 23   haut la structure de commandant supérieur. Si vous le souhaitez, Monsieur

 24   le Président, nous pouvons faire un zoom.

 25   Carmela, si vous le voulez bien. D'abord avec les corps.

 26   Vous voyez ici, Monsieur le Président, les corps avec le personnel

 27   officiellement affecté au 40e Centre du personnel, mais qui remplissaient

 28   les fonctions à la structure du commandement du SVK.

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  1   Si l'on passe à l'échelon supérieur de cet organigramme, on voit ici des

  2   officiers qui sont postés, ayant fonction dans les différents organes de la

  3   SVK. Si l'on va voir les deux rangs supérieurs, on voit ici qu'au niveau le

  4   plus élevé du SVK, la structure de commandement est identifiée. On voit ici

  5   la structure de commandement de l'état-major de la SVK, et à gauche les

  6   commandants adjoints et le chef de l'état-major de la SVK.

  7   Monsieur le Président, Madame, Monsieur le Juge, à quoi ressemblerait cette

  8   structure de commandement sans les hommes du 40e Centre du personnel ?

  9   Voilà, voilà à quoi cela ressemblerait.

 10   Dans l'acte d'accusation, nous indiquons également que le général Perisic a

 11   aidé et encouragé les crimes commis auxquels il est fait référence dans

 12   l'acte d'accusation en ordonnant à certains hommes de l'armée régulière de

 13   la VJ, qui étaient en poste en RFY, d'aller en Bosnie-Herzégovine.

 14   Examinons, par exemple, l'opération "Pancir-2" à la fin de l'année 1993,

 15   début 1994. L'objectif de Pancir-2 était de prendre le point culminant, à

 16   savoir le mont Zuc, qui surplombe Sarajevo. C'était d'ailleurs essentiel

 17   pour la VRS de prendre ce point pour contrôler Sarajevo.

 18   Examinons, Mesdames et Messieurs de la Chambre, cette carte. Vous voyez ici

 19   le mont Zuc, vous voyez un peu plus bas, dans la zone plus foncée, la ville

 20   de Sarajevo.

 21   Vous voyez ici le mont Zuc, une vue aérienne de la région. Vous voyez la

 22   ville de Sarajevo en diagonale sur ce cliché. Vous voyez une zone

 23   montagneuse à gauche, c'est là le mont Zuc.

 24   Pour prendre cette position, le général Perisic a ordonné à des hommes des

 25   forces spéciales de la VJ de se déplacer sur le front de Sarajevo. Un

 26   certain nombre d'hommes, la Brigade de Garde, la 70e [comme interprété]

 27   Unité spéciale, la 72e Brigade et la 63e Brigade parachutiste, étaient

 28   subordonnés à la VJ et à l'état-major général, au général Perisic, donc il

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  1   avait la possibilité de les envoyer à un lieu donné.

  2   Donc, si le bureau du Procureur posait la question du général Perisic -- en

  3   ce qu'il a posé cette question au général Perisic à propos de ces

  4   événements, nous l'avons fait, le général Perisic a répondu par écrit

  5   également dans son entretien lorsqu'il était suspect, puis également dans

  6   la procédure préalable, le général Perisic a toujours dit qu'il n'avait pas

  7   participé ou que la VJ n'avait pas participé aux opérations en Bosnie. Il a

  8   dit que l'état-major n'avait pas donné d'ordre. Il a dit, je cite que :

  9   "Des volontaires ou des troupes rebelles insubordonnés" ont pu quitter la

 10   RFY et aller opérer à Sarajevo ou dans la zone autour.

 11   Je crois que le général Perisic n'a pas dit la vérité dans ses

 12   déclarations. Passons désormais au document suivant, si l'on pouvait voir

 13   plus précisément ce qui est surligné en jaune, vous voyez ici qu'il y a un

 14   ordre de mission daté du 3 novembre 1993 et c'est adressé à tous les

 15   commandants. Vous voyez ici au sous-paragraphe 1, la liste des unités qui

 16   participeront à cette opération. Vous voyez un peu en bas : "Les forces

 17   spéciales de la VJ jusqu'à un nombre total de 120 personnes et un escadron

 18   héliporté." Si vous allez un peu plus bas dans la page, on voit ici que

 19   l'opération devait être menée en deux étapes. Tout d'abord prendre Zuc.

 20   Monsieur le Président, la présence d'unités de la VJ en Bosnie alors même

 21   que cela faisait près de sept mois que la JNA s'était officiellement

 22   retirée de la Bosnie, était une violation évidente des engagements pris par

 23   Slobodan Milosevic, et cela aurait pu avoir des conséquences extrêmement

 24   graves ou encore plus graves, plus exactement, pour la FRY. C'est pourquoi

 25   la FRY et la VRS ont fait tout leur possible pour dissimuler cette

 26   participation des troupes de la VJ en Bosnie. C'est ce que je vais vous

 27   montrer dans le document à venir. Je vais vous montrer certains éléments de

 28   ce document.

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  1   Ce document émane de l'état-major général de la VRS. Il est signé du chef

  2   d'état-major adjoint, le général Milovanovic. Vous voyez que c'était

  3   extrêmement urgent. Pourquoi ? Parce que justement c'est une mise en garde.

  4   Et si vous voulez bien lire la deuxième ligne, vous verrez : "De façon à

  5   protéger la confidentialité des mesures et des activités que nous avons

  6   adoptées, j'interdis qu'il soit fait référence quelconque aux mots 'unités

  7   de l'armée yougoslave' dans les conversations téléphones et ordinaires."

  8   Au fragment suivant, vous voyez : "Les unités de l'armée yougoslave seront

  9   traitées comme des forces, comme des hommes relevant de la réserve par

 10   l'état-major de la VRS, quelle que soit leur force, taille ou type

 11   d'unité." En conclusion, cela veut donc dire ne pas parler d'unités de la

 12   VJ.

 13   Dans les circonstances ordinaires, j'imagine que le SRK   aurait dû

 14   respecter cette mise en garde. Mais si l'on regarde le document suivant,

 15   vous verrez qu'effectivement cela n'a pas été le cas. Les structures de

 16   l'unité spéciale, la 72e Brigade spéciale a participé à l'attaque sur le

 17   mont Zuc, mais ils y ont perdu des hommes et le général Galic, le

 18   commandant du SRK, en a fait rapport.

 19   Vous voyez ici un rapport signé du général Galic, daté du 27 décembre 1993,

 20   on y voit les choses suivantes : "Le 27 décembre 1993, en accord avec

 21   l'opération Pancir-2, une attaque coordonnée de groupes de combat sous le

 22   commandement du colonel Stupar, commandant de la 72e Brigade spéciale de la

 23   VJ, cette opération a été mise en œuvre."

 24   Si l'on voit un peu plus bas dans le document, on voit effectivement que,

 25   comme vous le voyez à l'écran, sept hommes de la 72e Brigade ont perdu la

 26   vie, les autres ont réussi à se retirer avec grande difficulté. On voit un

 27   peu plus loin que dix de ces hommes ont été blessés.

 28   Ces victimes, ces hommes de la VJ étaient évidemment indiqués et listés

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  1   dans des documents de la VJ, mais également on a vu des chroniques

  2   nécrologiques dans des journaux belgradois. Vous voyez ici ce qu'il est dit

  3   d'un capitaine de l'armée yougoslave. On voit dans sa chronique

  4   nécrologique, ici, que ce jeune homme, capitaine dans l'armée yougoslave

  5   "est mort en héros le 27 décembre 1993, défendant son pays, la Grande

  6   Serbie."

  7   Nous montrerons, Monsieur le Président, que le 27 décembre 1993, lorsque

  8   les unités spéciales de la VJ ont attaqué le mont Zuc, - et vous avez vu

  9   tout à l'heure combien le mont Zuc est près de Sarajevo - au même moment la

 10   VRS a procédé à des tirs d'artillerie sur la ville elle-même. Environ 600

 11   obus ont touché Sarajevo, au moins sept personnes y ont perdu la vie et 58

 12   ont été blessées.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Harmon, pourrions-nous

 14   trouver, dans les cinq minutes à venir, un moment pertinent pour prendre

 15   une pause.

 16   M. HARMON : [interprétation] J'allais y venir, Monsieur le Président.

 17   Monsieur le Président, juste après l'attaque ratée contre le mont Zuc, le

 18   général Perisic, le 8 janvier 1994, pour être précis, soit 15 jours plus

 19   tard, le général Perisic, disais-je, s'est rendu à Sarajevo par voie

 20   aérienne et il a rencontré Miodrag Panic, le commandant des unités

 21   spéciales de l'état-major général de la VJ, et il l'a rencontré avec le

 22   général Mladic, le général Galic et d'autres, et on lui a fait une

 23   présentation complète de la situation à Sarajevo.

 24   Monsieur le Président, je crois que le moment est venu de faire une pause.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 26   --- L'audience est suspendue à 11 heures 36.

 27   --- L'audience est reprise à 12 heures 01.

 28   -- M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Harmon.

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  1   M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

  2   Juges, j'ai déjà évoqué la quatrième façon dont le général Perisic a aidé

  3   et encouragé ces crimes, c'est-à-dire en ne punissant pas, évitant pas,

  4   enquêtant pas et sanctionnant pas les violations du droit international

  5   commises par ses subordonnées.

  6   Je voudrais désormais passer à la responsabilité de M. Perisic en accord

  7   avec l'article 7.3. Pour tous les chefs d'accusations, sa responsabilité

  8   est mise en cause dans le cadre du 7.3.

  9   La responsabilité de prévenir les comportements de ses subordonnés couvrait

 10   jusqu'à la fin de la guerre, c'est-à-dire jusqu'à la signature des accords

 11   de Dayton. Mais sa responsabilité pénale à punir ses subordonnées a

 12   continué d'exister jusqu'à ce qu'il ne soit plus chef d'état-major de la

 13   VJ, c'est-à-dire jusqu'au 24 novembre 1998.

 14   Pour établir sa responsabilité pénale, l'Accusation doit établir trois

 15   choses : premièrement, qu'il y avait un lien de subordination entre le

 16   général Perisic et les subordonnés qui ont commis ces crimes; deuxièmement,

 17   que le général Perisic savait ou aurait dû savoir que des actes

 18   répréhensibles avaient eu lieu ou étaient sur le point d'être commis;

 19   troisièmement, que le général Perisic n'a pas pris les mesures raisonnables

 20   et nécessaires pour prévenir la commission de ces actes ou punir les

 21   acteurs.

 22   Alors, la première question est de savoir s'il y avait bien un lien

 23   supérieur subordonné entre le général Perisic et les officiers qui étaient

 24   membres des 30e et 40e Centre du personnel, c'est-à-dire ces structures qui

 25   relevaient de l'état-major général de la VJ. Nous sommes d'avis que ces

 26   hommes étaient effectivement subordonnés.

 27   Comme vous l'avez vu, ses subordonnés incluaient les généraux Mladic,

 28   Krstic, Milosevic, Galic et d'autres.

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  1   Pour apporter la preuve d'une relation de subordination, il est essentiel

  2   que nous montrions que le général Perisic avait effectivement le contrôle

  3   effectif, c'est-à-dire qu'il était en mesure matériellement de prévenir la

  4   commission de tels actes.

  5   Lorsque l'on évalue les différents éléments qui devraient tendre à conclure

  6   qu'il y avait effectivement un contrôle effectif, je voudrais vous rappeler

  7   tout d'abord qu'effectivement, le général Perisic n'avait pas le contrôle

  8   opérationnel de ses subordonnés lorsqu'ils étaient en poste dans la VRS ou

  9   dans la SVK. Au contraire, ce m'intéresse c'est le "contrôle opérationnel,"

 10   c'est-à-dire la signature de commandements, d'ordres, d'instructions et des

 11   directives qui avaient trait à des opérations de combat militaires sur le

 12   terrain. En fait, le contrôle opérationnel avait de fait été délégué aux

 13   commandants de la VRS et de la SVK, ce qui veut donc dire que tant eux que

 14   Perisic avaient les moyens matériels d'interdire et de punir les

 15   comportements criminels d'officiers de la VJ en fonction dans ces unités.

 16   En d'autres termes, la possibilité matérielle pour le général Perisic de

 17   prévenir et de punir ces comportements criminels était parallèle et

 18   concomitant à ceux qui étaient leurs commandants directs dans la VRS et

 19   dans la SVK et qui avaient le contrôle opérationnel.

 20   Exemple, Radovan Karadzic était le commandant suprême de la VRS. En tant

 21   que tel, il avait les moyens de punir ses subordonnés dans la VRS, y

 22   compris les soldats de la VJ en détachement. Si le général Perisic avait

 23   entendu dire que ses subordonnés avaient commis des crimes lorsqu'ils

 24   étaient en fonction dans la VRS et qu'il savait que le général Karadzic

 25   n'avait pas sanctionné ces actes, la responsabilité du général Perisic ne

 26   disparaissait pas du fait de l'inaction ou de l'indifférence de Karadzic.

 27   Perisic avait obligation d'agir contre ses subordonnés relevant de la VJ.

 28   Revenons maintenant aux Centres du personnel numéros 30 et 40. Examinons,

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  1   par exemple, pourquoi et comment ces centres du personnel ont été établis,

  2   puisque cela a un impact direct sur la responsabilité criminelle du général

  3   Perisic au titre des articles 7.1 et 7.3.

  4   Avant que le général Perisic ne devienne chef d'état-major de la VJ, des

  5   membres de la JNA et de la VJ s'étaient portés volontaires pour servir dans

  6   les armées en Croatie et en Bosnie, ou alors ils ont parfois été mutés

  7   depuis la JNA et la VJ pour servir dans ces armées. Leurs soldes leur

  8   étaient versés par la République fédérale de Yougoslavie pendant toute la

  9   durée de la guerre, hormis une période quand la Republika Srpska a refusé

 10   d'accepter le plan de paix du Groupe de contact en 1994. Il y a donc eu une

 11   suspension assez brève des paiements des soldes.

 12   La loi sur la VJ interdisait aux officiers de la VJ de servir en

 13   dehors des frontières de la RFY sauf si cela se faisait dans le cadre de

 14   deux circonstances particulières : premièrement, en tant que force de

 15   maintien de la paix internationale ou deuxièmement, dans les postes

 16   diplomatiques. Le général Perisic savait parfaitement que cela ne

 17   s'appliquait pas au personnel de la VJ qui était en poste dans la VRS ou la

 18   SVK ou/et que cela ne s'appliquerait pas non plus aux hommes qu'il y

 19   enverrait à l'avenir.

 20   D'ailleurs, dans son entretien en tant que suspect, le général

 21   Perisic a reconnu - et je cite que ceux qui enverraient des soldats de la

 22   VJ pour participer à la guerre en Bosnie "violeraient la loi." Pour régler

 23   ce problème, le général Perisic a proposé de mettre en place des centres du

 24   personnel spéciaux.

 25   Monsieur le Président, la Chambre aura à établir la nature exacte du

 26   30e et du 40e Centre du personnel.

 27   Dans son entretien en tant que suspect, le général Perisic a décrit

 28   ces centres, en disant que c'était, je cite : "un bureau," établi au bureau

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  1   du personnel de l'état-major général, un bureau composé de "deux ou trois"

  2   hommes.

  3   D'après le général Perisic - et vous le verrez un peu mieux à

  4   l'écran, Monsieur le Président, je vous montre ici les réponses écrites

  5   qu'il a apportées aux questions qui lui ont été posées - d'après le général

  6   Perisic -- et je cite : "Ces centres ont été établis à la fin de l'année

  7   1993 par ordre de la VSO," c'est-à-dire du conseil de commandement Suprême

  8   - "pour établir des archives complètes de ces hommes qui avaient servi dans

  9   la JNA et la VJ qui étaient nés en Croatie et en Bosnie qui s'étaient

 10   ensuite portés volontaires pour rejoindre la VRS et la RSK." Egalement : "

 11   … les hommes de la JNA ou de la VJ qui s'étaient portés volontaires

 12   exactement. Pour ces hommes, il y avait besoin d'archives particulières…"

 13   ensuite, le général Perisic décrit les raisons pour lesquelles ces archives

 14   étaient nécessaires.  

 15   Dans son entretien en tant que suspect, le général Perisic a ensuite

 16   indiqué une définition du mot "volontaire." Je cite : "Ce sont des hommes

 17   qui d'eux-mêmes, volontairement, sans influence de qui que ce soit et de

 18   leur propre volonté, veulent aller remplir une mission, une fonction

 19   particulière."

 20   Les moyens à charge de l'Accusation montreront que les 30e et 40e

 21   Centre du personnel étaient d'une nature très différente. Ils ont été créés

 22   pour être une couverture et pour éviter de montrer que la VJ demandait à

 23   son personnel d'aller servir en Bosnie et en Croatie malgré le droit de la

 24   RFY et les engagements internationaux.

 25   Monsieur le Président, je voudrais passer à huis clos, s'il vous

 26   plaît.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Passons à huis clos.

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos.

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  1   [Audience à huis clos]

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  3   [Audience publique]

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

  5   Monsieur Harmon.

  6   M. HARMON : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, le secret, la

  7   confidentialité était absolument fondamentale, essentielle à cette

  8   tromperie. Vous avez à l'écran les instructions concernant le

  9   fonctionnement du programme d'activités de ces centres du personnel, ces

 10   centres spéciaux, instructions données par le général Perisic le 8 décembre

 11   1993. Il s'agit d'un document très révélateur. Vous voyez le passage que

 12   vous avez sous les yeux, "Les principes généraux régissant ces centres du

 13   personnel," au premier paragraphe, on y

 14   voit : "Ces instructions concernent le fonctionnement des centres spéciaux

 15   du personnel pour l'exécution des missions qui font l'objet d'ordonnances

 16   spéciales émanant des organes étatiques et militaires compétents."

 17   Aux paragraphes 12 et 13, on y voit : "Les membres du personnel n'ont pas

 18   le droit de fournir des copies ou des extraits de décisions ou

 19   d'ordonnances, sauf dans le cadre de procédures administratives. Les

 20   décisions ou ordres réglementant le service seront communiqués oralement et

 21   uniquement par voie orale à ces individus."

 22   Au paragraphe 13, l'on peut lire : "Le caractère secret des informations

 23   contenues dans les décisions, ordres et autres documents se rapportant à ce

 24   service sont dans l'intérêt et de grande importance pour l'armée

 25   yougoslave."

 26   "Toutes personnes, tous membres de l'armée yougoslave qui mettraient en

 27   péril le secret ou la confidentialité de ces informations feront l'objet de

 28   mesures disciplinaires ou engageront leurs responsabilités pénales en

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  1   fonction du degré de danger que représentait le fait de révéler ces

  2   informations."

  3   Suite à la création de ces centres du personnel, nous démontrerons que ces

  4   centres exerçaient des fonctions administratives pour les soldats de la VJ

  5   qui servaient dans les rangs des armées de Bosnie et de Croatie. Mais leurs

  6   tâches n'étaient pas purement administratives. Lorsqu'un soldat de la VJ

  7   était muté à un centre du personnel, l'on désignait son poste comme étant à

  8   Belgrade, mais ce n'était qu'une tromperie. Par ailleurs, son affectation

  9   au 30e ou 40e Centre du personnel ne visait pas à ce qu'il s'occupe de

 10   paperasse ou des fonctions administrative concernant les membres de la VJ

 11   ou la SVK. Ces affectations, au 30e ou 40e Centre du personnel,

 12   constituaient une affectation à l'armée de la Republika Srpska ou à l'armée

 13   croate de Bosnie.

 14   Je vais illustrer ce que je viens d'affirmer par trois ordres dont

 15   vous voyez le premier à l'écran, Monsieur le Président. Il s'agit d'un

 16   ordre émanant du directeur du personnel de l'état-major général de l'armée

 17   yougoslave en date du 15 février, il se fonde en partie sur un ordre donné

 18   par le chef de l'état-major général de l'armée yougoslave. Et si l'on

 19   examine le passage suivant, vous voyez que cela se rapporte à un certain

 20   Bogdan Sladojevic, un colonel au sein de l'armée nommé au 40e Centre du

 21   personnel de l'état-major général en tant que commandant. Au bas de la

 22   page, vous voyez qu'il a été réaffecté et nommé en fonction des besoins du

 23   service. Il a donc été affecté au 40e Centre du personnel.

 24   Passons au document suivant. Il s'agit d'un ordre, on peut le voir au haut

 25   de la page. Est-ce que vous êtes arrivé à lire ce document ? Faudrait-il

 26   faire un gros plan ?

 27   Ce document, Madame et Messieurs les Juges, est un ordre donné par le

 28   général Perisic même, et se rapporte au même officier en date du 4 octobre

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  1   1994, qui redéploie Bogdan Sladojevic au 1er Corps d'armée de la VJ, le

  2   Corps Novi Sad.

  3   Et on y voit que le colonel Sladojevic était commandant du 2e Corps

  4   du 40e Centre du personnel de l'état-major général de la VJ, et au bas de

  5   la page on peut lire que : "Il est redéployé, réaffecté conformément aux

  6   exigences du service."

  7   Pour continuer à suivre la carrière du colonel Sladojevic, cela nous amène

  8   au 3 juillet 1995, à un ordre émis le 3 juillet que vous pouvez voir à

  9   l'écran, un ordre émis le 3 juillet sur la base d'un ordre émis par le chef

 10   de l'état-major général de l'armée, qui affecte provisoirement le colonel

 11   Sladojevic au 30e Centre du personnel.

 12   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je suis désolé de vous interrompre, mais

 13   nous venons d'envoyer un message à votre commis aux affaires concernant ces

 14   documents. Je crois qu'il conviendrait plutôt --

 15   M. HARMON : [interprétation] Non, ce n'est pas le cas. Nous avons bien

 16   analysé ces documents. Nous les avons reçus d'une source très fiable.

 17   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je voulais juste m'assurer qu'il ne

 18   convenait pas de passer à huis clos. Pardon de vous avoir interrompu --

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Guy-Smith.

 20   M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais simplement parce que vous aviez

 21   exprimé vous-même quelques préoccupations.

 22   M. HARMON : [interprétation] Je vous suis gré de votre intervention, mais

 23   nous avons été très méticuleux en préparant tout cela.

 24   M. GUY-SMITH : [interprétation] Très bien.

 25   M. HARMON : [interprétation] Il s'agit donc du document qui montre que le

 26   colonel Sladojevic avait été transféré au 40e Centre du personnel, puis

 27   réaffecté à la VJ par le général Perisic, et maintenant se voit une fois de

 28   plus déployé au sein du 40e Centre du personnel.

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  1   Ce système de mutation entre la VJ et la VRS ou la SVK était réciproque.

  2   Ces armées échangeaient entre elles leur personnel.

  3   Passons au document suivant, en date du 7 avril 1994, émanant du

  4   département de recrutement et de mobilisation de l'état-major général,

  5   adressé au 40e Centre du personnel. Il y est indiqué que l'administration

  6   de l'école militaire demande qu'un certain individu puisse rentrer dans les

  7   meilleurs délais en raison des exigences du service. Il se trouve à l'heure

  8   actuelle au sein du 11e Corps où il a été provisoirement envoyé, et il

  9   s'agissait d'une requête sollicitant qu'il retourne à la VJ alors qu'il se

 10   trouvait au sein de la SVK.

 11   Nous vous présenterons des documents qui démontrent le caractère

 12   involontaire de ces affectations au 30e et au 40e Centre du personnel, dont

 13   notamment un document qui consigne un entretien officiel entre le général

 14   Zivanovic, le commandant du Corps de la Drina de la VRS, et une personne

 15   identifiée dans ce document. Un entretien concernant le transfert de cet

 16   officier à la VRS. Et dans le passage A, vous verrez ce qui suit :

 17   "Personne ne m'a demandé mon avis concernant mon transfert au centre du

 18   personnel." Il est dit également : "Je n'aurais pas dû y être affecté sans

 19   mon consentement personnel. J'ai refusé d'être muté…"

 20   Et à la page suivante du document, vous verrez la fin de ce passage, de cet

 21   extrait qui reflète cet entretien, au passage F : "Sur la base de ce qui

 22   précède, je demande à pouvoir retourner à la garnison de Zrenjanin où j'ai

 23   été transféré, de pouvoir retourner dès que possible à cette garnison. Et

 24   au cas où ma requête serait rejetée, je serai obligé de faire valoir mes

 25   droits devant un tribunal."

 26   J'ai donc décrit quelques éléments de preuve se rapportant à une

 27   personne qui a refusé d'accepter son affectation au 30e et 40e Centre du

 28   personnel, et je vous ai dit que cela pouvait avoir des conséquences

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  1   néfastes.

  2   Passons [comme interprété] a un autre document en date du 10 juillet

  3   émanant du 3e Corps d'armée. Et vous voyez "Urgent. Aux termes de l'ordre

  4   émis par l'état-major général de la VJ,"  puis vous voyez une date, "et

  5   après un certain nombre d'entretiens avec les officiers et sous-officiers

  6   et le chef de l'état-major de la VJ concernant la mutation et l'affectation

  7   au 40e Centre du personnel, j'ordonne…"

  8   Et il est question du : "Transfert de huit individus au 40e Centre du

  9   personnel."

 10   Puis il est question : "D'initier la destitution de deux personnes.

 11   Lors d'un entretien avec le chef de l'état-major général de la VJ, les

 12   personnes susmentionnées ont dit qu'elles voulaient mettre fin à leur

 13   service et ont invoqué leur droit de prendre la retraite."

 14   A la page suivante du document, on peut lire en ce qui concerne ces

 15   deux personnes : "Au cas où les personnes susmentionnées ne souhaiteraient

 16   pas quitter le service militaire, s'ils en font la demande, ils devraient

 17   être affectés à des unités du 40e Centre du personnel…"

 18   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, vous allez aussi

 19   recevoir les informations et les éléments concernant les promotions et ce

 20   processus, le processus que l'on appelait "le processus de vérification."

 21   Le fond du problème était comme suit : si un soldat de l'armée yougoslave

 22   qui reçoit l'ordre de servir dans la VRS ou la SVK, s'il est promu, est-ce

 23   que cette promotion sera automatiquement valable aussi dans l'armée

 24   yougoslave ? C'était cela le problème. Alors, on a inventé pour cela le

 25   processus de la vérification : pour les officiers qui avaient été promus au

 26   rang de général, sur recommandation du chef de l'état-major principal,

 27   recommandation faite au SDC, bien, après il appartenait au SDC de prendre

 28   une décision. Pour ce qui concerne les officiers qui avaient été promus

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  1   jusqu'au rang de colonel, c'est le général Perisic qui pouvait tout seul

  2   approuver ou rejeter cette promotion. Donc ce processus était un processus

  3   secret et M. Perisic avait pour obligation de garder ce caractère secret

  4   sans garder des traces papier concernant ces promotions pour qu'il n'y ait

  5   pas de possibilité de faire des liens entre les promotions de la VJ et les

  6   promotions de la VRS et la SVK.

  7   Pour l'instant, je vais vous demander de passer à nouveau à huis

  8   clos.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos.

 11   [Audience à huis clos]

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  7   [Audience publique]

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

  9   Vous pouvez poursuivre, Monsieur Harmon.

 10   M. HARMON : [interprétation] Plus tôt au cours de mon exposé, j'ai parlé de

 11   la préoccupation de la présidence yougoslave à l'égard d'éventuels procès

 12   judiciaires qui pourraient jeter de la lumière sur la présence des soldats

 13   de l'armée yougoslave dans la VRS ou la SVK. En effet, il y a effectivement

 14   eu des plaintes qui ont été déposées auprès du tribunal suprême militaire

 15   et le tribunal fédéral yougoslave qui confirmaient que les membres de

 16   l'armée yougoslave avaient reçu l'ordre de servir dans la VRS.

 17   Je vais vous montrer toute une série de décisions de justice qui montrent

 18   que les membres de ces centres du personnel avaient reçu l'ordre de servir

 19   dans la VRS.

 20   Un tel exemple est la plainte portée par le colonel Lubojevic, membre de la

 21   VJ qui servait dans la VRS. Il avait demandé que l'on lui reconnaisse les

 22   congés non utilisés pendant qu'il était membre de la VJ. Ceci a été refusé

 23   et il a porté plainte. Il a porté plainte en disant qu'il avait participé

 24   aux activités militaires en Bosnie, et ceci, conformément à l'ordre de son

 25   officier supérieur et qu'il avait donc le droit de recevoir une

 26   compensation correspondant aux congés annuels. Le tribunal militaire

 27   suprême lui a fait droit de sa demande.

 28   Ici, vous allez voir un extrait d'un jugement précis. On peut y lire

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  1   : "Dans ce cas précis, les faits cruciaux pour la décision prise n'ont pas

  2   été constatés. Personne n'a discuté que le plaignant n'était pas dans les

  3   forces de l'armée yougoslave, ou plutôt, il a été en tant que membre de

  4   l'armée yougoslave, conformément à l'ordre de son supérieur hiérarchique,

  5   en Bosnie sur le territoire de l'ex-RSFY en tant que membre de l'armée

  6   yougoslave et n'a pas pu profiter de ses congés annuels de 1992, 1993, 1994

  7   et 1995. Ceci est visible dans la confirmation de son officier supérieur."

  8   Cette conclusion juridique a été utilisée par la suite par de nombreux

  9   autres membres du 30e et du 40e Centre du personnel qui ont essayé de faire

 10   valoir leurs droits de façon similaire.

 11   Une des personnes qui a essayé de faire valoir ses droits d'une façon

 12   similaire est le général Mladic. Ce document a la date du 17 mai 2001 - et

 13   là vous avez la requête du général Mladic qui, alors qu'il faisait son

 14   service au niveau du poste militaire 3001 à Belgrade, a demandé que l'on le

 15   rémunère pour les congés annuels non utilisés pendant les années allant

 16   entre 1991 et 1995. Le tribunal a décidé que cette compensation doit lui

 17   être accordée dans le jugement numéro 1690/2000, et ceci, sur la base du

 18   jugement de Lubojevic que je vous ai montré tout à l'heure.

 19   Si l'on regarde la page suivante, on peut lire cette demande est fondée

 20   "sur la base de l'opinion juridique du tribunal suprême militaire de

 21   Belgrade. Le statut juridique des hommes déployés à l'extérieur de l'armée

 22   yougoslave sous l'ordre des officiers supérieurs pour les personnes qui

 23   n'ont pas utilisé leurs congés annuels doivent correspondre à la position

 24   des soldats dont l'utilisation des congés a été reportée jusqu'à la fin du

 25   service à cause des besoins du service et conformément à l'ordre du chef de

 26   l'état-major principal."

 27   Je vais vous présenter d'autres décisions de ce genre. Donc on peut tout

 28   simplement arriver à la conclusion qu'il existait effectivement un rapport

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  1   de subordination entre le général Perisic et les membres du 30e et du 40e

  2   Centre du personnel.

  3   Maintenant, je vais passer à un autre élément, à savoir la responsabilité

  4   au pénal en vertu de l'article 7.3, à savoir que le général Perisic savait

  5   ou devait savoir que des crimes avaient été commis ou allaient être commis.

  6   La loi qui régule la responsabilité pénale, ainsi que les critères de mens

  7   rea en vertu de cette responsabilité, se trouve dans l'arrêt Strugar, et on

  8   peut lire ce texte comme suit : "Il faut qu'il existe suffisamment de bases

  9   pour que la personne en question sache, possède des informations ou bien

 10   possède suffisamment d'informations pour pouvoir faire une enquête…" Ces

 11   informations peuvent être de nature générale et ne doivent pas être très

 12   précises quand il s'agit de connaître les actes commis ou les actes qui

 13   vont être commis à l'avenir."

 14   Est-ce que je dois faire une pause à présent ?

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, non, vous pouvez poursuivre.

 16   M. HARMON : [interprétation] La Défense, dans son mémoire préalable au

 17   procès, page 42, paragraphe 135 C, affirme qu'il n'y a aucune preuve que le

 18   général Perisic savait ou avait des connaissances que des crimes allaient

 19   être commis par les membres de la VRS. C'est une des questions-clés dont

 20   vous devez décider au cours de ce procès, à savoir est-ce que le général

 21   Perisic a reçu suffisamment d'informations le mettant en garde lui

 22   indiquant que des crimes allaient être commis.

 23   Nous allons démontrer qu'il en avait suffisamment. Les sources de ces

 24   informations sont différentes : par son expérience militaire en Bosnie et

 25   au début de la guerre ainsi que les contacts fréquents qu'il avait avec

 26   Radovan Karadzic et autres dirigeants de la Republika Srpska; ses visites

 27   en Bosnie après qu'il est devenu le chef de l'état-major principal qui lui

 28   a permis de voir lui-même de ses propres yeux les effets des opérations

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  1   militaires des Serbes de Bosnie. Ces visites incluaient aussi bien des

  2   visites à Sarajevo, les visites du Corps de la Drina et sa zone de

  3   responsabilité, Srebrenica, Bihac, et cetera. Il a été aussi informé de

  4   cela à travers les résolutions des Nations Unies; à travers les discussions

  5   qu'il a eues avec les représentants de la communauté internationale qui se

  6   sont plaints auprès de lui, directement auprès de lui, concernant les

  7   crimes concernés sur le terrain; les discussions avec les militaires de la

  8   FRY et les dirigeants politiques; à travers les communications avec les

  9   sources diplomatiques; puis des médias; et aussi a-t-il été informé

 10   directement des crimes commis par ses subordonnés, et ceci, directement de

 11   Slobodan Milosevic.

 12   Les expériences de Perisic en Bosnie devaient lui fournir ce genre

 13   d'informations pour le mettre en garde. Il a compris comment fonctionnent

 14   et comment réfléchissent les dirigeants de la Republika Srpska quand il

 15   était le commandant de la JNA à Mostar, au début du conflit. Au mois

 16   d'avril 1992, Radovan Karadzic a demandé au général Perisic de devenir le

 17   commandant de l'armée de la Republika Srpska. Il a rejeté cette offre. Il a

 18   dit dans son entretien, l'entretien des suspects, pourquoi l'a-t-il

 19   refusée.

 20   Voici ce qu'il a dit : "Les membres des dirigeants militaires et politiques

 21   de la Republika Srpska savaient fort bien," - mais il y a un mot que l'on

 22   n'entend pas très bien - "contre toute persécution des civils et

 23   destruction de biens. Karadzic m'a demandé de devenir le commandant de

 24   l'armée de la Republika Srpska pendant que j'étais le commandant du corps

 25   de Mostar, ou plutôt, à Bileca. J'ai refusé cela pour trois raisons.

 26   D'abord, parce qu'il voulait une armée ethniquement pure alors que moi-

 27   même, dans le Corps de Bileca, j'avais les représentants de toutes les

 28   minorités ethniques et de tous les peuples habitant la Bosnie. Ensuite,

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  1   parce qu'il voulait que le SDS ait une certaine influence sur l'armée,

  2   c'était le parti au pouvoir," - le parti de Radovan Karadzic. "Puis,

  3   troisièmement, parce que j'ai compris que je ne pouvais pas accepter leur

  4   concept; puis aussi, quatrièmement, parce que je ne suis pas né sur le

  5   territoire de Bosnie-Herzégovine."

  6   Puis maintenant, je vais à nouveau demander que l'on passe à huis clos.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous demande de passer à huis clos,

  8   s'il vous plaît.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en session à huis clos.

 10   [Audience à huis clos]

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 26   [Audience publique]

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 28   Monsieur Harmon.

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  1   M. HARMON : [interprétation] Le général Perisic avait également une

  2   connaissance de toutes ces informations inquiétantes à travers des rapports

  3   et résolutions des Nations Unies. Tous les événements qui avaient lieu en

  4   Yougoslavie étaient particulièrement importants pour le Conseil de sécurité

  5   pour les Nations Unies dans leur ensemble à cause de la menace que ces

  6   événements faisaient peser sur la paix et la sécurité. Les Nations Unies

  7   ont adopté un certain nombre de résolutions, un certain nombre de rapports

  8   également dans lesquels l'interférence et l'ingérence de la RFY dans les

  9   événements en Bosnie étaient condamnés, de même également que les

 10   violations du droit de la guerre et les violations en particulier qui

 11   avaient eu lieu à Sarajevo et à Srebrenica.

 12   Aux termes de la Résolution 757 du Conseil de sécurité des Nations Unies

 13   adoptée le 30 mai 1992, des sanctions ont été imposées contre la République

 14   fédérale de Yougoslavie, puisqu'elle n'avait pas respecté les exigences du

 15   Conseil de sécurité selon lesquelles il devait y avoir un terme immédiat

 16   mis à l'ingérence en Bosnie de même que l'arrêt immédiat des tentatives

 17   d'expulsion de la population. Puisque les sanctions avaient un impact

 18   direct sur l'état économique de la RFY et son état politique également, les

 19   dirigeants politiques et militaires, y compris le général Perisic,

 20   portaient une très grande attention aux débats et aux rapports et

 21   résolutions produits par les Nations Unies.

 22   Passons aux types d'informations que le général Perisic pouvait avoir en ce

 23   qui concernait les crimes commis à Sarajevo.

 24   Lorsque le général Perisic est devenu chef d'état-major général en août

 25   1993, Sarajevo ressemblait déjà à une ville ravagée de la Deuxième Guerre

 26   mondiale. De l'artillerie lourde et d'autres armes avaient été utilisées

 27   pour pilonner Sarajevo depuis bien longtemps. Les crimes commis par la VRS

 28   contre les habitants de Sarajevo étaient bien connus et extrêmement bien

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  1   couverts, mieux que n'importe quel autre crime dans n'importe quelle autre

  2   guerre dans l'histoire du monde. Il y avait une couverture dans la presse

  3   écrite, dans la radio et télévision, et parfois la couverture en était

  4   presque en direct. Vous vous souviendrez sans doute, Monsieur le Président,

  5   des images extrêmement dérangeantes que l'on voyait sur CNN quasiment tous

  6   les soirs, CNN, BBC, SkyNews et d'autres : on voyait des gens morts ou

  7   blessés dans les rues, sur les marchés de Sarajevo, des bâtiments détruits,

  8   des personnes en grande détresse, frigorifiées, affamées, tout cela

  9   résultant de la campagne prolongée de tirs isolés et de pilonnages commis

 10   par les subordonnés du général Perisic.

 11   Nous présenterons des moyens de preuve prouvant ces éléments et nous vous

 12   présenterons également des extraits de ces reportages.

 13   Le général Perisic ni le président Milosevic ne vivaient dans une zone où

 14   ils étaient isolés de l'information. Très rapidement, le 30 mai [comme

 15   interprété] 1992, avant même que Perisic ne devienne chef d'état-major

 16   général, Slobodan Milosevic disait du bombardement de Sarajevo que c'était,

 17   et je cite, "un bombardement criminel et sanglant." Il disait, et je cite,

 18   "Alors qu'il pouvait comprendre ce qu'étaient les combats pour se défendre,

 19   il n'y avait aucune justification pour maintenir le bombardement d'une

 20   population civile à Sarajevo."

 21   Les interlocuteurs internationaux du général Perisic se sont plaints

 22   directement à lui de ce qui se passait à Sarajevo et certains d'entre eux

 23   nous en parleront. En tant qu'ancien chef de l'école de formation

 24   d'artillerie à Zadar, le général Perisic savait peut-être mieux que

 25   d'autres les effets dévastateurs que pouvaient avoir des tirs d'artillerie

 26   sur un centre-ville.

 27   Nous montrerons également qu'après sa prise de fonction comme chef d'état-

 28   major en août 1993, le général Perisic s'est déplacé à Sarajevo et qu'il a

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  1   pu voir par lui-même les effets de cette campagne d'artillerie et en parler

  2   avec les uns et les autres.

  3   Si vous le voulez bien, je souhaiterais passer rapidement à huis clos.

  4   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Huis clos.

  5   [Audience à huis clos]

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  9   [Audience publique]

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allez-y.

 11   M. HARMON : [interprétation] Vous verrez, Monsieur le Président, que le

 12   général Perisic savait parfaitement ce qui se passait à Sarajevo et qu'il

 13   savait l'ampleur des crimes qui étaient commis, tant avant qu'après sa

 14   prise de fonction en tant que chef d'état-major général. Les crimes qui se

 15   sont poursuivis pendant sa mission en tant que chef d'état-major général.

 16   Passons maintenant, si vous le voulez bien, à Srebrenica. Vous voyez ici

 17   que les crimes commis sont différents de ceux de Sarajevo. A Sarajevo,

 18   c'était une série de crimes sur une période longue, sur plusieurs années. A

 19   Srebrenica, les événements se sont déroulés en juillet 1995, bien après la

 20   prise de fonction du général Perisic comme chef d'état-major de la VJ. Les

 21   antécédents qui ont conduit aux événements de Srebrenica précèdent de

 22   longtemps, c'est vrai, la prise de fonction du général Perisic.

 23   La question là encore est de savoir si le général Perisic avait conscience

 24   de s'il y avait une grande probabilité de ce que des crimes contre les

 25   Musulmans seraient commis pendant et après l'attaque sur Srebrenica. La

 26   Défense y fait référence dans son mémoire à la page 48 au sous-paragraphe

 27   CC et indique qu'il n'y a pas de preuve à cet effet.

 28   Nous montrerons que le général Perisic a conscience que de grands risques

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  1   pesaient sur les Musulmans de Bosnie et qu'il y avait de vraies

  2   conséquences à attendre d'une prise de ces régions par les Serbes de

  3   Bosnie, plus particulièrement à la zone sûre qui aurait pour conséquence,

  4   sans aucun doute, la persécution, le transfert forcé et l'assassinat de

  5   Musulmans.

  6   Lorsque l'on examine cette affaire, vous devez, Monsieur le Président,

  7   Madames et Messieurs les Juges, vous projeter dans les événements qui ont

  8   eu lieu en Bosnie-Herzégovine depuis le début de la guerre en 1992. Depuis

  9   le début de la guerre, de grandes portions du territoire de la Bosnie-

 10   Herzégovine avaient été prises par la force et occupées par la JNA, VRS

 11   avec l'aide des Serbes de Bosnie. Nous avons vu que les non-Serbes ont été

 12   expulsés. J'ai déjà parlé des événements de Bijeljina, du village de

 13   Glogova, de Bosanska Krupa. Je ne vais pas m'étendre sur ce point.

 14   Mais le fait est que le modèle qui a ensuite été décrit par le terme

 15   de purification ethnique a été bien connu. Cela avait d'ailleurs reçu

 16   l'opprobre de la communauté internationale. D'ailleurs, comme l'ancien

 17   premier ministre polonais Tadeusz Mazowiecki, qui était le rapporteur

 18   spécial de la commission des droits de l'homme, l'a indiqué dans un rapport

 19   fait le 27 octobre 1992 au Conseil de sécurité des Nations Unies, et je

 20   cite :

 21   "La purification ethnique n'est pas la conséquence de la guerre, mais bien

 22   son objectif même. Cet objectif en grande mesure a déjà été rempli par des

 23   assassinats, de la violence physique, des viols, la destruction de maisons,

 24   des menaces. Les événements les plus récents montrent que les dirigeants

 25   serbes en Bosnie-Herzégovine ne sont pas prêts à abandonner leurs plans.

 26   Les populations musulmanes et croates dans les territoires contrôlés par

 27   les autorités serbes sont sous une pression considérable et terrorisées.

 28   Plusieurs centaines de milliers de personnes ont dû quitter leurs domiciles

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  1   et abandonner leurs possessions pour protéger leurs vies."

  2   Si vous voulez bien passer à huis clos, s'il vous plaît.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Soit.

  4   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Huis clos.

  5   [Audience à huis clos]

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 21   [Audience publique]

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Harmon, si vous voulez bien.

 23   M. HARMON : [interprétation] A la fin 1992 et au début 1993, la VRS et la

 24   JNA ont mené une campagne militaire autour de Srebrenica et à Srebrenica, à

 25   la région de Podrinje. C'est une région, comme vous vous en souvenez, qui

 26   était de grande importance, une zone qui bordait la Drina et qui relevait

 27   de l'objectif stratégique numéro 3, comme vous vous en souvenez, qui était

 28   d'exterminer ces frontières.

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  1   Je voudrais vous demander de regarder le document qui est à l'écran. La

  2   partie haute du document c'est une directive militaire signée du général

  3   Mladic, le 19 novembre 1992 [comme interprété], et qui relève des unités

  4   sous --

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

  6   M. HARMON : [interprétation] Oui.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je crois qu'il y a une faute de

  8   frappe. Vous avez dit, Monsieur Harmon, vous avez parlé du 19 novembre

  9   1994; c'est bien cela ? 

 10   M. HARMON : [interprétation] Non. Toutes mes excuses, Monsieur le

 11   Président. C'était 1992 que je voulais dire.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 13   M. HARMON : [interprétation] Très bien. Comme vous le voyez, Monsieur le

 14   Président, cette directive a donné un certain nombre de mesures aux

 15   commandants de corps. Vous voyez ici que les directives qui s'appliquent au

 16   Corps de la Drina étaient, et je cite, que : "Depuis ses positions

 17   actuelles, le gros du corps devra défendre Visegrad (le barrage), Zvornik

 18   et le corridor alors que le reste des forces dans la zone générale de

 19   Podrinje devra fatiguer l'ennemi, lui causer les plus grandes pertes

 20   possibles et le forcer à quitter Birac, Zepa et Gorazde accompagné de la

 21   population musulmane."

 22   Nous montrerons à la Cour d'autres commandements qui incitent effectivement

 23   à expulser ces populations de la région. Vous verrez également les

 24   conséquences de la coopération et des actions du Corps de la Drina dans la

 25   région de Podrinje. Vous verrez que la conséquence en a été de concentrer

 26   plusieurs milliers de Musulmans dans une zone confinée. Les événements de

 27   la Podrinje ont incité les Nations Unies a adopté la résolution 819

 28   proclamant et faisant de Srebrenica une zone protégée et disant également

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  1   que tout acte contre cette zone étaient un acte hostile.

  2   Alors si vous voulez bien regarder la carte, Monsieur le Président, vous

  3   verrez que la zone sûre définie par les Nations Unies était un problème

  4   puisqu'elle leur empêchait l'atteinte de l'objectif stratégique numéro 3, à

  5   savoir l'élimination de la Drina comme frontière. L'enclave de Srebrenica

  6   et l'enclave de Zepa et de Gorazde étaient un obstacle sur le chemin des

  7   Serbes de Bosnie pour rétablir un état unique avec une population unifiée -

  8   selon l'objectif stratégique numéro 1. La présence de ces enclaves

  9   composées et peuplées de milliers, de dizaines de milliers de Musulmans

 10   était bien un obstacle s'opposant à la réalisation de ces objectifs. Je

 11   crois, Monsieur le Président, que c'est un élément que vous devrez prendre

 12   en compte pour voir si, oui ou non, le général Perisic devait savoir que la

 13   prise de ces enclaves aurait pour conséquence le déplacement forcé de

 14   toutes ces populations comme cela avait déjà été le cas en Bosnie

 15   auparavant.

 16   Le général Perisic remet en cause ce que nous indiquons dans notre mémoire

 17   selon lequel il aurait été aux faits de ce qu'une opération militaire de

 18   grande ampleur devrait être menée contre Srebrenica. Il a dit également

 19   qu'il ne connaissait pas le déroulé de cette opération. Je vous renvoie,

 20   Monsieur le Président, au mémoire en Défense préalable, page 48, sous

 21   paragraphe AA. Le général Perisic en a également parlé dans son entretien

 22   en tant que suspect.

 23   Nous présenterons des éléments de preuve visant à démontrer que le général

 24   Perisic, en tant que chef de l'état-major général de la VJ, était le

 25   principal responsable de la défense et de la sécurité et de la RFY et, en

 26   tant que tel, a tout le temps été informé de tout ce qui se déroulait en

 27   Bosnie-Herzégovine puisque cela avait un impact direct sur les intérêts de

 28   son pays.

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  1   Le 4 juillet 1995, deux jours avant que la VRS ne lance son offensive

  2   contre Srebrenica, le général Dragolu [phon] Ojdanic, le commandant du 1er

  3   Corps d'armée de l'armée yougoslave qui était directement sous les ordres

  4   du général Perisic, a dit publiquement : "Les deux enclaves musulmanes de

  5   Srebrenica et de Zepa sont situées au cœur même du territoire serbe et l'on

  6   n'aurait jamais dû autoriser qu'elles soient créées. Nous ne pouvons pas

  7   laisser perdurer les choses en l'état. Nous devons trouver un règlement

  8   militaire à ce problème."

  9   L'offensive de la VRS visait une cible hautement sensible, une enclave

 10   protégée par les Nations Unies. L'offensive à l'encontre de cette enclave a

 11   eu des répercussions de grande envergure, tant sur le plan politique que

 12   sur le plan économique, percussions donc pour la RFY. Cette offensive était

 13   menée par les subordonnés du général Perisic. Le général Perisic assistait

 14   à des réunions de coordination mensuelle avec les commandants de la VRS et

 15   de la SVK au sein de l'état-major général à Belgrade, il communiquait

 16   directement avec le général Mladic avant, pendant et après l'offensive. Le

 17   général Mladic est allé à Belgrade le 14 juillet 1995 alors que l'offensive

 18   était en cours et a rencontré Slobodan Milosevic. Par ailleurs, les médias

 19   nationaux et internationaux faisaient état en long et en large de

 20   l'offensive en cours dans la zone protégée des Nations Unies.

 21   Monsieur le Président -- plutôt, pourriez-vous peut-être passer très

 22   brièvement à huis clos.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Que cela soit fait.

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Voilà qui est fait.

 25   [Audience à huis clos]

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 19   [Audience publique]

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 21   M. HARMON : [interprétation] En mettant l'accent sur le genre

 22   d'informations qui pourrait préoccuper un supérieur hiérarchique,

 23   l'Accusation présentera des éléments de preuve qui démontreront que le

 24   général Perisic a reçu des informations directes concernant les meurtres

 25   commis dans Srebrenica alors même que ces meurtres étaient commis.

 26   Dans l'entretien qu'il a accordé au bureau du Procureur alors qu'il était

 27   suspect, le général Perisic a déclaré que Slobodan Milosevic lui avait dit,

 28   à un moment entre le 15 le 20 juillet 1995, que des meurtres en masse

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  1   avaient été commis à Srebrenica et aux alentours. Milosevic établissait un

  2   lien entre ces meurtres et le général Mladic. Les Juges de la Chambre

  3   noteront la période mentionnée, du 15 au 20 juillet, cela correspond à la

  4   période indiquée dans les annexes à l'acte d'accusation, la période pendant

  5   laquelle les meurtres étaient commis. D'après le général Perisic, il n'a

  6   rien fait à ce propos. Comme il l'a dit lui-même dans son entretien :

  7   "Lorsque j'ai entendu Milosevic me décrire ce crime atroce, croyez-le ou

  8   non, je ne voulais rien en savoir. Je voulais m'en distancer, parce que

  9   c'était incroyable que quelque chose de pareil puisse se produire à la fin

 10   du XXe et au début du XXIe siècle."

 11   Mettant l'accent, Madame et Messieurs les Juges, sur le fait -- j'aimerais

 12   maintenant en venir à la dernière série de crimes dont il est question dans

 13   l'acte d'accusation, les tirs de missile à Zagreb.

 14   Nos éléments de preuve démontreront qu'après le début de l'opération

 15   Eclair, une offensive de l'armée croate visant à reprendre le contrôle de

 16   territoires occupés par les Serbes en Slavonie occidentale, la SVK a

 17   utilisé des lance-roquettes munis de projectiles à dispersion et a tiré sur

 18   le centre de Zagreb, la capitale de Croatie.

 19   Nous présenterons des communications interceptées qui montreront que le

 20   général Perisic fut informé du premier tir de missile immédiatement après

 21   qu'il ait eu lieu, il en a discuté avec Slobodan Milosevic et ses

 22   subordonnés. Il a également été informé du deuxième tir de missile le

 23   lendemain; et en dépit de ces informations, n'a pris aucune mesure vis-à-

 24   vis de ses subordonnés.

 25   Puis-je maintenant en venir au fait que le général Perisic a omis de punir

 26   ses subordonnés.

 27   Cet aspect des choses n'est pas litigieux. Le général Perisic ne conteste

 28   pas le fait qu'il a omis de sanctionner les personnes citées dans l'acte

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  1   d'accusation, membres de la VRS et de la SVK. Je me réfère au mémoire

  2   préalable de la Défense, page 47, cinquième paragraphe. Cela dit, ce que le

  3   général Perisic conteste, c'est qu'il ait été habilité, qu'il ait eu le

  4   pouvoir de sanctionner ses subordonnés au sein de l'armée. Là encore, je me

  5   réfère au mémoire préalable de la Défense, page 47, paragraphes V et W.

  6   La Défense prétend que le général Perisic n'avait ni la compétence ni le

  7   pouvoir d'engager des poursuites pénales devant les tribunaux

  8   disciplinaires militaires de la Republika Srpska ou la Republika Srpska

  9   Krajina en ce qui concerne la commission de crimes de guerre. D'après la

 10   Défense, il aurait fallu engager des poursuites contre les membres de la

 11   VRS et la SVK devant ces tribunaux-là.

 12   Cela dit, Madame et Messieurs les Juges, la question du pouvoir du général

 13   Perisic d'engager des poursuites devant les tribunaux de la RS ou de la

 14   SVK, ce n'est pas la question qui doit être tranchée dans cette affaire. La

 15   question qui importe est celle de sa compétence et de son pouvoir à engager

 16   des procédures disciplinaires à l'encontre de ses subordonnés devant les

 17   tribunaux militaires de la RFY ou de mener une enquête ou prendre d'autres

 18   mesures qui les auraient sanctionnés pour les crimes qu'ils avaient commis.

 19   Nous présenterons à la Chambre des textes juridiques et des statuts qui

 20   énoncent explicitement les attributions, les obligations et les

 21   responsabilités du général Perisic en tant que membre de la VJ, et vous

 22   entendrez les témoignages d'expert à cet effet.

 23   La République fédérale de Yougoslavie avait repris les obligations

 24   juridiques internationales de son prédécesseur, la RSFY, et adopté des

 25   réglementations qui contraignaient le général Perisic à prendre des mesures

 26   à l'encontre de ses subordonnés dans la mesure où il était informé qu'ils

 27   avaient commis des violations des lois de la guerre.

 28   Je vous donne un exemple. L'article 21 des instructions concernant

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  1   l'application du droit international de la guerre par les forces armées de

  2   la SFRY, cela ressemble d'ailleurs assez aux règles du Tribunal : "Un

  3   officier sera tenu personnellement responsable de violations des lois de la

  4   guerre s'il savait ou aurait pu savoir que des unités qui lui étaient

  5   subordonnées ou d'autres unités avaient l'intention de commettre de telles

  6   violations, et, alors qu'il aurait encore été possible d'empêcher leur

  7   commission, n'a pas pris de mesures pour empêcher ces violations."

  8   Il est dit également que l'officier sera tenu personnellement pour

  9   responsable si on est en connaissance de telles violations, et ne prend

 10   aucune mesure disciplinaire ou n'engage pas de poursuites pénales à

 11   l'encontre de l'auteur; et il est dit encore que cet officier n'est pour

 12   autant que complice ou pour avoir incité à commettre tel ou tel crime du

 13   fait d'avoir omis d'agir à l'encontre  de ses subordonnés qui enfreignent

 14   la loi et contribuent ainsi à la commission répétée de tels actes.

 15   L'article 36 indique ce qui suit : "Un officier de l'armée yougoslave qui a

 16   connaissance de violations des lois de la guerre doit ordonner qu'il y ait

 17   une enquête sur les circonstances entourant ces infractions et que les

 18   éléments de preuves pertinents soient réunis."

 19   En résumé, donc. En tant que chef de l'état-major général de la VJ,

 20   j'aimerais vous résumer les attributions du général Perisic telles

 21   qu'étayées par les moyens de preuve que nous allons présenter.

 22   Il avait la compétence d'ordonner des enquêtes en matière d'infractions

 23   commises. Après que cette enquête ait été menée à bien, il pouvait

 24   prononcer une sanction disciplinaire pour des infractions mineures, ou

 25   alors saisir de l'affaire un tribunal disciplinaire militaire. Il pouvait

 26   destituer une personne qui avait commis une infraction disciplinaire de

 27   nature à porter atteinte aux intérêts du service. Le fait de commettre le

 28   génocide, Madame et Messieurs les Juges, serait considéré comme portant

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  1   atteinte aux intérêts du service. Il pouvait décider de destituer les sous-

  2   officiers et les officiers jusqu'à et y compris le rang de colonel. Il

  3   pouvait également mener et muter des officiers, encore une fois, jusqu'à et

  4   y compris le rang de colonel.

  5   Nous présenterons également des moyens de preuve qui démontreront que

  6   pendant toute la période couverte par l'acte d'accusation, la République

  7   fédérale de Yougoslavie avait un système de tribunaux militaires qui était

  8   pleinement opérationnel.

  9   Le général Perisic était convaincu qu'il avait un pouvoir disciplinaire, il

 10   en a d'ailleurs fait usage vis-à-vis de certains membres du 40e Centre du

 11   personnel, et il en a fait usage, non pas parce que ses subordonnés au sein

 12   de la SVK ou de la VRS avaient commis des crimes de guerre, mais parce que

 13   leurs défaillances avaient provoqué la perte de contrôle sur certains

 14   territoires occupés en Krajina serbe, on en raison d'infraction aux

 15   règlements administratifs de la VJ.

 16   Les événements en Krajina qui ont incité le général Perisic à sanctionner

 17   ses subordonnés au sein de la SVK et les événements qui ont suivi

 18   l'opération Tempête, qui fut un succès retentissant. Les défenses de la SVK

 19   se sont effondrées, les soldats, les forces ont battu la retraite, et de

 20   larges pans de territoire occupés par les Serbes de Croatie ont été perdus.

 21   Cela a outré le général Perisic et Slobodan Milosevic.

 22   Si nous pouvons maintenant passer de nouveau à huis clos.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos.

 25   [Audience à huis clos]

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 12   [Audience publique]

 13   M. HARMON : [interprétation] Dans ce cas-là, je vais être bref.

 14   Nous allons démontrer que les tribunaux militaires et disciplinaires de la

 15   RFY étaient compétents sur le personnel de l'armée yougoslave quand il

 16   s'agissait de prendre des mesures disciplinaires contre ces personnes; il

 17   s'agit des personnes qui servaient au sein de la VRS. Par exemple, nous

 18   allons voir que Vinko Pandurevic, qui était responsable d'une infraction

 19   alors qu'il était membre de la VRS, ce qui est arrivé, c'est que son

 20   supérieur hiérarchique au niveau de la VRS, le général Talic, avait

 21   communiqué à l'état-major principal cette infraction en demandant qu'une

 22   instruction disciplinaire soit entamée au niveau du tribunal principal

 23   militaire yougoslave et ceci a été fait.

 24   Finalement, je dois ajouter un autre élément concernant la responsabilité

 25   au pénal du général Perisic en vertu de l'article 7.3 du Statut. Il s'agit

 26   du fait qu'il ait aidé le général Mladic.

 27   Le 24 juillet 1995 et le 16 novembre 1995, le général Ratko Mladic a été

 28   accusé par cette institution de crimes commis en Bosnie, y compris les

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  1   crimes commis à Sarajevo et à Srebrenica. Le général Perisic était au

  2   courant de l'existence de cet acte d'accusation. Il a pris des mesures

  3   actives pour protéger le général Mladic de sa responsabilité devant cette

  4   institution. Deux exemples vont suffire, Monsieur le Président.

  5   Pendant le bombardement de l'OTAN qui a eu lieu vers la fin de la guerre,

  6   deux pilotes français avaient été abattus. Ils étaient capturés par la VRS

  7   et il y a eu des pressions énormes d'exercées contre la RFI [comme

  8   interprété] pour que ces pilotes soient libérés et pour qu'ils puissent

  9   retourner sains et saufs chez eux. Mais ces pilotes étaient entre les mains

 10   du général Mladic. Une des conditions pour leur donner la liberté à ces

 11   pilotes, le général Mladic a demandé une immunité contre les poursuites au

 12   pénal devant ce Tribunal.

 13   Je vais vous montrer deux conversations interceptées entre le général

 14   Perisic et le président de la présidence de la RFI, le général Ilic; il y

 15   en a une qui a eu lieu le 9 décembre 1995 à 11 heures du soir. Voici ce

 16   qu'il y est dit. Le général Perisic, en parlant de Mladic, dit :

 17   "Si on le libère du Tribunal, ceci ne posera pas de problème. Il va

 18   résoudre cela immédiatement. Je lui ai dit… et là Lilic interrompt :

 19   "Donne-lui ma parole, ta parole. Est-ce que la parole de Chirac et de

 20   Slobodan Milosevic suffiront ?" Perisic dit : "D'accord, je le ferai. Il

 21   n'y a aucune chance, Momo." "Là je vais encore l'appeler et je vais lui

 22   dire."

 23   Vingt minutes plus tard, le même jour donc, on a une autre conversation

 24   interceptée entre le général Perisic et le président Lilic. Et là, Lilic

 25   dit ce qui suit : "Qu'on se mette ensemble, il peut le faire. On peut

 26   organiser une réunion. Qu'il les amène avec nous, ou il peut le faire.

 27   Vois-tu, Momo, je le comprends. Il ne croit personne. C'est parfaitement

 28   normal. Il peut les laisser à Zvornik, quelque part à côté de Bijeljina, où

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  1   il veut. Il n'a même pas besoin de nous dire, Momo. Il a tes garanties, mes

  2   garanties, si cela veut dire quoi que ce soit. Merde. Et il a tout ça par

  3   écrit, pas seulement notre parole. Maintenant je vais écrire une lettre

  4   avec l'en-tête de la RFY en lui garantissant qu'il n'allait pas être

  5   extradié [phon] au Tribunal. Il a la parole de Chirac. Il a les garanties

  6   de Slobodan. Je ne sais pas ce que je peux faire d'autre. Toi et moi, on va

  7   aller là-bas et on va lui dire cela." Et Perisic répond : "Dans ce cas-là,

  8   il faudrait qu'il vienne avec nous." Ensuite au cours de la conversation,

  9   Lilic dit : "Quoi qu'il en soit, appelle-moi et dis-moi. Explique-lui

 10   gentiment que la RFY lui donne ces garanties sur une lettre en-tête et ma

 11   signature. Et là Perisic dit : "D'accord," et Lilic dit : "De toute façon,

 12   toi et moi, on lui garantit qu'on va pas l'extradier où que ce soit. Il a

 13   aussi les garanties de Slobodan et de Chirac. Tout ce qu'il a à faire,

 14   c'est de donner la liberté à ces hommes."

 15   Monsieur le Président, j'ai encore quelques instants ?

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 17   M. HARMON : [interprétation] Nous pouvons à présent passer en audience

 18   publique [comme interprété].

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

 20   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation]

 21   [Audience à huis clos]

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 11   [Audience publique]

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 13   M. HARMON : [interprétation] Avec ceci je termine les thèmes, les questions

 14   qui vont se poser devant les Juges.

 15   Monsieur le Président, maintenant devant nous reste un chemin long et

 16   ardu. Nous comprenons tous qu'un procès judiciaire est un processus

 17   difficile, et au cours de ce voyage il va y avoir des moments de

 18   frustration, de colère, peut-être des moments qui vont mettre à l'épreuve

 19   notre patience aussi bien dans ce prétoire qu'à l'extérieur.

 20   Dans nos efforts d'accomplir notre mission, nos obligations et de donner la

 21   possibilité à la communauté internationale de juger à juste titre et

 22   efficacement, et pour faire valoir la justice, nous allons présenter nos

 23   moyens de façon rapide, mais sans sacrifier pour autant des moyens de

 24   preuve importants. C'est ce que les victimes méritent ainsi que la justice.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Harmon.

 26   Puisqu'il est assez tard, nous allons interrompre nos travaux aujourd'hui

 27   jusqu'à demain à 9 heures. Je ne sais pas dans quelle salle d'audience.

 28   C'est dans la salle d'audience numéro I.

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  1   --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le

  2   vendredi 3 octobre 2008, à 9 heures 00.

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