Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 3 octobre 2008

  2   [Règle 84 bis – Déclaration par l'Accusé]

  3   [Audience publique]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à tout le monde et à toutes

  7   les personnes à l'intérieur et à l'extérieur de ce prétoire.

  8   Je vais demander à la Greffière de citer l'affaire.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 10   Bonjour à toutes les personnes présentes dans ce prétoire. Il s'agit de

 11   l'affaire IT-04-81-T, le Procureur contre Momcilo Perisic.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

 13   Les parties peuvent-elles se présenter ?

 14   M. SAXON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je

 15   m'appelle Dan Saxon, je représente l'Accusation, avec mes collègues, Barney

 16   Thomas et Mme April Carter, ainsi que notre commis à l'affaire, Carmela

 17   Javier.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 19   La Défense.

 20   M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle

 21   Novak Lukic, avec M. Gregor Guy-Smith je représente les intérêts de

 22   l'accusé.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Lukic.

 24   Maintenant nous souhaitons entendre M. Perisic, qui va faire sa déclaration

 25   préliminaire en vertu de l'article 84 bis.

 26   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 27   L'INTERPRÈTE : L'accusé n'entend pas la traduction.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-être que votre micro n'est pas

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  1   branché, mais peut-être que vous ne recevez aussi la traduction.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne reçois que la traduction vers l'anglais.

  3   Je ne reçois pas la traduction de vos propos.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Attendez un instant. On va voir ce

  5   qu'on peut faire, Monsieur Perisic.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Maintenant cela va mieux.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Vous pouvez

  8   poursuivre avec votre déclaration.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

 10   Juges, je crois que l'acte d'accusation dressé à mon encontre est un cas

 11   unique dans l'histoire du droit international de guerre.

 12   Je n'entends pas de traduction.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Perisic, c'est vous qui

 14   parlez, donc vous n'avez pas besoin d'entendre d'interprétation. C'est vous

 15   qui allez être interprété vers l'anglais et les personnes qui ne

 16   comprennent pas votre langue. Uniquement  nous quand on parle, vous avez

 17   besoin d'écouter l'interprétation.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Je vous ai compris.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je répète.

 21   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je crois que l'acte

 22   d'accusation dressé à mon encontre est un cas unique dans l'histoire du

 23   droit de guerre international. Jamais auparavant le commandant et le chef

 24   d'état-major d'une armée n'ont été considérés pénalement responsables pour

 25   les crimes commis par les membres des forces armées d'autre pays et

 26   d'autres entités.

 27   Je suis né en Serbie au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Mon épouse

 28   est de Trnovo, c'est une municipalité de Sarajevo, aujourd'hui l'Etat de

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  1   Bosnie-Herzégovine. J'ai deux fils. L'un est né à Karlovac aujourd'hui

  2   l'Etat de Croatie; l'autre à Podgorica maintenant l'Etat du Monténégro.

  3   Nous quatre --

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que je peux vous demander de

  5   ralentir.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Perisic, veuillez ralentir.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

  9   Donc, nous sommes quatre membres d'une même famille. Nous avons tous été

 10   nés dans un même Etat, et maintenant nous faisons partie de quatre Etats

 11   différents.

 12   A la fin de mes études à l'académie militaire, je deviens l'officier d'une

 13   armée et d'un Etat multinational, et ils restent tels jusqu'à la fin de ma

 14   vie professionnelle. Entre autres, grâce à moi et j'en suis très fier.

 15   Sur les 32 années de vie professionnelle, j'en ai passé 27, ou bien 80 %,

 16   si vous voulez, en ayant des missions en Croatie, au Monténégro, en Bosnie-

 17   Herzégovine; à l'extérieur de la république dans laquelle je suis né.

 18   J'ai été nommé au poste du chef d'état-major principal de l'armée

 19   yougoslave dans une situation extrêmement complexe au mois d'août 1993. A

 20   l'époque, dans la République voisine de Croatie, régnait une situation qui

 21   n'était pas une situation de guerre ni de paix; et dans la Bosnie-

 22   Herzégovine, qui venait de gagner son indépendance, la guerre battait son

 23   plein. La République fédérative de Yougoslavie s'est trouvée complètement

 24   isolée, pas seulement du point de vue financier et matériel, mais aussi sur

 25   le plan moral, juridique et politique.

 26   La situation dans l'armée yougoslave était encore plus difficile. Les

 27   cadres juridiques qui existaient étaient complètement dépassés et nous

 28   n'avions pas de nouveaux cadres juridiques. Les familles des membres de la

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  1   JNA qui, jusqu'à la guerre vivaient dans les républiques maintenant

  2   indépendantes, sont arrivées dans la République fédérative de Yougoslavie

  3   extrêmement épuisées, frustrées, sans biens matériels et au bord de la

  4   misère humaine.

  5   En tant que chef d'état-major principal de l'armée yougoslave, j'avais

  6   toutes les capacités et moyens pour reconnaître les intérêts des citoyens

  7   et de l'Etat; et j'étais prêt de mettre à profit toutes mes forces pour

  8   réaliser ces intérêts. J'étais prêt de mettre ma vie en jeu pour cela. Mais

  9   aussi étais-je capable de reconnaître quand le régime au pouvoir mettait

 10   ses intérêts devant les intérêts de l'Etat. Grâce à cela nous avons empêché

 11   la propagation de la guerre sur le territoire de la République fédérative

 12   de Yougoslavie. Nous avons empêché que l'on abuse de l'armée yougoslave.

 13   Nous avons permis le développement des forces démocratiques et de procédés

 14   dans la RFY. Nous avons affranchi l'armée yougoslave de toute influence du

 15   parti, et elle est devenue par la suite l'institution la plus appréciée de

 16   la RFY.

 17   L'armée yougoslave avec son existence, ses capacités, la façon dont elle se

 18   comportait avec ses citoyens, surtout avec ceux qui défendaient la

 19   démocratie, on lui faisait confiance et elle était à l'époque l'institution

 20   la plus ouverte et la plus démocratique de la RFY. Celle-ci était

 21   publiquement montrée et démontrée par les étudiants et autres délégations

 22   des manifestants que j'ai reçus à l'époque, ainsi que de nombreux

 23   représentants de la communauté internationale dont faisaient partie même

 24   des présidents de pays occidentaux.

 25   Alors que la RFY était dans l'isolation la plus totale, l'armée yougoslave

 26   a organisé à deux reprises des salons de l'aviation. Les forces aériennes

 27   de la France, de l'Italie, de l'Autriche, de la Grèce, de la Roumanie, de

 28   la Bulgarie et de la Fédération russe avaient pris part à ces salons. Et à

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  1   chaque fois, plus de 300 000 citoyens ont assisté à ces manifestations. A

  2   cette époque-là, avons-nous également servi d'intermédiaires pour libérer

  3   les otages qui faisaient partie des forces de paix internationale en

  4   Bosnie-Herzégovine, et des pilotes français qui avaient été emprisonnés par

  5   l'armée de la Republika Srpska pendant les bombardements de la Republika

  6   Srpska de la part de forces de l'OTAN.

  7   Ceci a rendu possible la signature des accords de Dayton à Paris, et

  8   j'espère que nos amis, les Français, ne l'ont pas oublié, et surtout le

  9   président Chirac; et mon collègue, le chef de l'état-major commun, le

 10   général de l'armée française, Jean Duhaime [comme interprété].

 11   Pendant toute cette période, il existait un vrai danger que je sois

 12   destitué de mes fonctions, je n'avais pas peur de cela. Mais je ne voulais

 13   pas que l'on abuse l'armée yougoslave après ma destitution, et j'avais peur

 14   que la guerre ne se propage sur le territoire de la RFY, ou plutôt, sur le

 15   territoire du Kosovo-Metohija. Malheureusement, la suite des événements a

 16   démontré que cette peur était justifiée.

 17   J'ai essayé d'influer sur le régime au pouvoir en essayant d'éviter

 18   uniquement les coups d'Etat; et quand j'ai compris que leurs décisions nous

 19   mène sans faille vers un conflit avec l'OTAN au mois d'octobre 1998, je me

 20   suis présenté devant l'opinion publique en mettant en garde contre ce qui

 21   nous attend si jamais l'on ne respectait pas la Résolution 1199 du Conseil

 22   de sécurité des Nations Unies. A cause de ce comportement, lors de la

 23   session du conseil suprême de la Défense qui s'est tenu en mon absence, le

 24   24 novembre 1998, j'ai été destitué de ma fonction du chef d'état-major

 25   principal de l'armée yougoslave, en dépit de l'opinion dissidente

 26   clairement exprimée du président du Monténégro.

 27   Après ma destitution, je me suis présenté devant l'opinion publique en

 28   disant :

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  1   "Le régime au pouvoir ne veut pas avoir de dirigeants avec une intégrité de

  2   haut niveau qui réfléchissent." J'ai été destitué du poste de chef d'état-

  3   major principal de l'armée yougoslave de façon illégale et sans avoir été

  4   consulté. J'ai refusé la fonction fictive du conseiller du gouvernement

  5   fédéral, et je me tiens à la responsabilité [comme interprété] de l'armée,

  6   du peuple et de l'Etat."

  7   Je n'ai jamais accepté cette nouvelle fonction, ce que le président de la

  8   RFY, au mois de mars 1999, qui était le président du conseil suprême de la

  9   Défense, a fait suivre de la directive par laquelle j'étais exclu de

 10   l'armée yougoslave dix années avant le délais légal et sans pouvoir

 11   réaliser les droits acquis.

 12   Au mois d'août 1999, j'ai créé un parti politique qui s'appelait le

 13   Mouvement pour une Serbie démocratique. Avec les forces démocratiques, nous

 14   commençons une bataille politique contre le totalitarisme. A cause de cela,

 15   j'ai fait l'objet d'un procès devant le tribunal militaire. Alors qu'à

 16   l'époque j'étais un civil, en dépit de cela, on m'a enlevé mon grade.

 17   Pendant les événements du 5 octobre l'an 2000, c'est moi qui ai

 18   planifié et qui ai été un des principaux dirigeants des activités quand il

 19   s'agissait d'articuler d'une façon créative l'énergie d'une masse qui était

 20   constituée des millions de manifestants. Il s'agissait de faire pression

 21   sur les structures du gouvernement pour accepter le souhait manifesté lors

 22   des élections, le choix des citoyens de la RSFY, et à la suite de cela, les

 23   manifestants ont emporté la victoire sans aucune victime.

 24   Après cela, j'ai été nommé au poste de député de l'assemblée fédérale

 25   yougoslave et du président du conseil chargé de défendre la sécurité de ce

 26   pays. Aussi, j'ai été nommé au poste de l'adjoint du président du

 27   gouvernement serbe. J'ai participé de façon active à l'adoption de la loi

 28   sur la coopération entre la Serbie et le Monténégro avec le Tribunal

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  1   international de La Haye.

  2   Le 2 mars 2005, quand le gouvernement serbe a reçu l'acte d'accusation,

  3   j'ai déclaré devant les médias, je cite :

  4   "J'ai reçu l'acte d'accusation du Tribunal de La Haye. Comme toujours,

  5   quand il s'agit de prendre une décision cruciale et sans aucune influence,

  6   en respectant ma conscience, j'ai pris la décision de répondre à cet appel

  7   et de me rendre à La Haye. Les crimes n'ont pas de nationalité, et c'est

  8   pour cela que je considère que ces crimes, où qu'ils soient commis et quels

  9   que soient leurs auteurs, doivent être punis. C'est pour cela que je n'ai

 10   aucun doute. Je me présenterai devant tout tribunal, et évidemment devant

 11   le Tribunal international de La Haye, puisque c'est la seule possibilité

 12   pour moi de défendre mon honneur d'officier, de défendre l'honneur de mon

 13   armée et de mon peuple."

 14   Je me suis présenté ici le 7 mars 2005. Avant que l'acte d'accusation ne

 15   soit rendu public, à l'époque je croyais et je le crois encore au jour

 16   d'aujourd'hui, que vous, les Juges de cette institution, après avoir passé

 17   en revue tous les faits, toutes les circonstances, toutes les réalités de

 18   ce que j'ai fait et de ce qui s'est vraiment produit à l'époque, après

 19   avoir fait cela de façon honnête, objective et entière, que votre décision

 20   à la fin va être juste.

 21   Je suis désolé, vraiment désolé qu'il y ait eu de victimes des crimes

 22   qui ont été commis sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Je compatis avec

 23   la douleur des familles des victimes. Chaque vie perdue au cours de la

 24   guerre représente une défaite irréparable pour la société et surtout,

 25   évidemment, pour les victimes. Moi, j'espère que toutes les personnes qui

 26   ont commis des crimes seront traduites devant la justice et qu'ils seront

 27   punis de façon adéquate. J'espère que jamais plus on ne verra des crimes de

 28   guerre.

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  1   Comme je l'ai dit la première fois devant cette institution, quand je

  2   me suis exprimé par rapport à l'acte d'accusation, quand je dis que je

  3   n'étais pas coupable, je le répète encore au jour d'aujourd'hui, je suis

  4   convaincu que sans aucun préjugé de façon professionnelle et avec beaucoup

  5   d'attention, vous allez entendre les arguments de deux parties et que votre

  6   décision sera juste et honorable.

  7   J'espère que j'aurai la possibilité de présenter les arguments de ma

  8   défense en jouissant de tous les droits garantis par ce Tribunal. C'est

  9   uniquement en ayant une vue entière, un aperçu global de tous ces faits,

 10   vous allez comprendre mes actes, mon rôle, le contexte et mon entourage. Ma

 11   Défense va faire en sorte que tous les faits soient prouvés pour rejeter

 12   les thèses de l'Accusation et pour affirmer et constater mon innocence.

 13   Enfin, c'est l'obligation que j'ai envers ma profession, mon pays, mon

 14   peuple et mon Etat.

 15   Je suis un officier de carrière et je hais la guerre, puisque je suis

 16   parfaitement conscient que chaque guerre, et surtout la guerre qui a eu

 17   lieu sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, qui était une guerre civile,

 18   une guerre de religion, une guerre nationaliste, c'est la pire chose qui

 19   puisse arriver dans une société. Moi, j'ai ressenti les horreurs de la

 20   guerre. Je hais la guerre à cause de ces conséquences, à cause des

 21   mensonges sur lesquels elle repose, à cause de la haine qu'elle emporte, à

 22   cause de la dictature qui remplace la démocratie qu'elle a anéantie et à

 23   cause de la misère qui reste après cette guerre.

 24   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je vous remercie.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Perisic.

 26   Je pense que les parties souhaiteraient discuter d'un certain nombre de

 27   points avant que l'on ne cite le prochain témoin, le premier témoin de

 28   l'Accusation. J'ai reçu une liste de thèmes dont les parties souhaitent

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  1   discuter. Il se peut qu'il y ait des points que les Juges souhaitent

  2   aborder aussi.

  3   Les quatre points qui ont été mentionnés sont tout d'abord les

  4   instructions, ensuite les notes de récolement, ensuite la question de

  5   témoins protégés, et les requêtes encore en souffrance et les requêtes

  6   récentes. 

  7   Est-ce que j'ai tout bien compris, Monsieur Saxon ?

  8   M. SAXON : [interprétation] Oui, c'est correct, Monsieur le Président, et

  9   je dois ajouter que le Procureur voudrait ajouter une question

 10   d'intendance. C'est vraiment quelque chose d'assez bref.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez l'ajouter à

 12   présent ?

 13   M. SAXON : [interprétation] Oui, avec votre permission, Monsieur le

 14   Président. C'est tout simplement pour corriger un certain nombre de points

 15   au compte rendu d'audience lors des propos liminaires de M. Harmon hier,

 16   puisque hier soir il s'est rendu compte qu'il s'est mal exprimé à plusieurs

 17   reprises. Nous pouvons éventuellement le faire plus tard.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Nous allons en parler le

 19   moment venu. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que la Défense souhaite ajouter

 20   quoi que ce soit à ce point.

 21   Monsieur Guy-Smith.

 22   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, il y a aussi un autre point dont la

 23   Défense souhaite parler. Il s'agit de quelque chose qui concerne surtout ce

 24   premier témoin que le Procureur souhaite citer. J'ai envoyé un e-mail hier

 25   soir à toutes les parties. Il s'agit là de décisions déjà prises par cette

 26   Chambre de première instance qui auront une influence sur la première

 27   déposition, le premier témoin que le Procureur a l'intention de citer, à

 28   savoir M. van Lynden.

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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Guy-Smith.

  2   Je pense que l'on peut tout simplement suivre l'ordre du jour.

  3   En ce qui concerne les instructions proposées, je crois que les parties

  4   avaient proposé qu'il y avait de nouvelles lignes directrices qui se sont

  5   présentées hier. Moi, je ne les ai pas encore vues. Je ne sais pas si le

  6   Juge Picard et le Juge David les ont vues. Peut-être que la meilleure façon

  7   serait que les parties nous indiquent tout simplement quelles sont ces

  8   nouvelles lignes directrices, les nouveaux éléments ajoutés hier.

  9   Monsieur Saxon.

 10   M. SAXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   On va commencer par le premier paragraphe. Les parties se sont mises

 12   d'accord pour ajouter une phrase à la fin de ce premier paragraphe. C'est

 13   le paragraphe qui est intitulé, "L'ordre de la citation des témoins," et on

 14   a proposé que l'on écrive au niveau de la dernière phrase :

 15   "En cas où il y ait de témoin par rapport auquel on souhaite utiliser 100

 16   ou plus de documents, la liste de ces documents doit être communiquée au

 17   moins cinq jours avant le dépôt de la déposition".

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Puis-je demander --

 19   M. SAXON : [interprétation] "Cinq jours ouvrés," j'aurais dû dire.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. "Au moins cinq jours ouvrés avant

 21   le début de la déposition." Très bien.

 22   Monsieur Guy-Smith, c'est cela que vous vouliez corriger ?

 23   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, effectivement.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pour que je comprenne vraiment tout,

 25   maintenant vous parlez d'une centaine de documents. Vous ne parlez pas

 26   d'une centaine de pages. Vous ne parlez pas de 100 pages mais de 100

 27   documents. Donc quand je vous donne 100 documents, quel que soit le nombre

 28   de pages, vous avez besoin de cinq jours ouvrés ?

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  1   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, c'est l'accord que nous avons eu avec

  2   le Procureur.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Là, vous êtes tout à fait d'accord là-

  4   dessus ?

  5   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, effectivement. Nous étions tout à fait

  6   d'accord là-dessus, sur la même longueur d'onde. Nous avons pris en compte

  7   ces dilemmes potentiels quant à la quantité de documents que contient

  8   chacun des documents, mais nous nous sommes dit, vu l'expérience que nous

  9   avons, c'est-à-dire les informations que nous recevions jusqu'à présent, il

 10   arrive qu'il y ait des documents qui comportent une centaine de pages, mais

 11   le temps que les témoins se présentent, il y aurait des documents qui

 12   correspondraient, où on aurait les informations correspondantes. De toute

 13   façon, nous ne nous attendons pas à avoir trop de documents qui contiennent

 14   des centaines, des milliers de pages.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien.

 16   M. GUY-SMITH : [interprétation] Puis je pense qu'à partir du moment où le

 17   Procureur sait qu'il a en sa possession un document qui est extrêmement

 18   long, qu'il nous avertira de l'existence d'un tel document et nous

 19   accordera un temps minimal pour nous préparer.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Et vous aussi, vous allez

 21   faire de même.

 22   M. GUY-SMITH : [interprétation] Evidemment.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pour que ceci soit bien clair, j'ai

 24   voulu tout simplement bien comprendre que vous avez tous bien compris et

 25   que c'est quelque chose dont vous vous êtes mis d'accord.

 26   M. GUY-SMITH : [interprétation] Absolument. Nous comprenons.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 28   Est-ce qu'il y a d'autres modifications ?

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  1   M. SAXON : [interprétation] Oui, effectivement. Il s'agit du paragraphe 15

  2   : "La longueur des interrogatoires." Après la première phrase, les parties

  3   se sont mises d'accord qu'il fallait insérer la phrase suivante :

  4   "Il va y avoir un système qui va enregistrer le temps utilisé," qui

  5   ira comme ceci : "(a) le temps utilisé par le Procureur pour son

  6   interrogatoire principal; (b) par la Défense pour le contre-interrogatoire;

  7   (c) par le Procureur pour les questions additionnelles; (d) le temps

  8   utilisé par les Juges pour les questions qu'ils ont posées aux témoins; et

  9   (e) pour toutes les autres questions, y compris les questions de procédure.

 10   Les rapports réguliers sur l'utilisation du temps seront produits par le

 11   greffier tous les 15 jours, et ceci, pour les besoins des Juges de la

 12   Chambre et des parties. Le temps utilisé pour traiter des objections ne

 13   sera pas compté dans le temps utilisé pour interroger le témoin. Quand on a

 14   gagné du temps (quand, par exemple, l'interrogatoire principal a pris moins

 15   de temps que prévu), ceci pourrait être utilisé ou attribué aux autres

 16   témoins de la partie en question."

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, poursuivez, Monsieur Saxon.

 18   M. SAXON : [interprétation] Voilà la proposition de modification pour ce

 19   qui est du paragraphe 15, accepté par les deux parties.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je suppose qu'il y a à ce moment-là le

 21   paragraphe 19 ?

 22   M. SAXON : [interprétation] Les parties s'accordent à faire une proposition

 23   quant au paragraphe 19, à savoir les "témoins visés par l'article 92 bis

 24   qui devraient venir pour être contre-interrogés," dans la première phrase

 25   du paragraphe, il faut dire, on voit :

 26   "Lorsqu'un témoin dont la déposition antérieure ou la déclaration préalable

 27   antérieure a été versée au dossier en application de 92 bis, et si cette

 28   personne vient uniquement pour être contre-interrogée, la partie qui cite

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  1   le témoin n'a pas le droit d'apporter de nouveaux éléments de preuve au

  2   moment de l'interrogatoire principal si elle n'y est pas autorisée au

  3   préalable par la Chambre de première instance."

  4   Voilà les cinq mots que nous proposons d'ajouter.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Permettez-moi de poser cette question

  6   : ce témoin, pourquoi est-ce que, quelle que soit la circonstance, il

  7   serait autorisé à présenter de nouveaux éléments de preuve ?

  8   M. SAXON : [interprétation] Parce que si un témoin a déjà déposé dans un

  9   autre procès, ça peut s'être produit bien des années avant ce procès-ci, il

 10   est possible que dans l'intervalle soient apparus de nouveaux éléments de

 11   preuve dont peut témoigner ce témoin, or ces éléments seraient pertinents

 12   en l'espèce.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais ce témoin a déjà versé ou

 14   présenté une déclaration visée par le 92 bis la façon la plus récente

 15   possible par rapport à sa déposition actuelle, donc il aura, si vous

 16   voulez, mis à jour le souvenir qu'il a des événements.

 17   M. SAXON : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président, mais ceci

 18   présuppose qu'à l'époque, au moment où il y a eu certification, on aurait

 19   montré à ce témoin, on lui aurait demandé un commentaire sur les nouveaux

 20   éléments de preuve qui auraient surgi depuis. Mais ce n'est pas toujours

 21   possible. C'est ce que nous pensons. Ça peut se passer au moment où le

 22   témoin vient pour le récolement, en vue de la déposition qu'il va faire

 23   aujourd'hui, disons.

 24   M. GUY-SMITH : [interprétation] Puis-je intervenir ?

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.

 26   M. GUY-SMITH : [interprétation] Est-ce que je peux me départir un peu de ce

 27   que dit M. Saxon.

 28   Pourquoi est-ce que nous retrouvons ces termes ? Pourquoi avons-nous

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  1   ajouté ces termes qui disent "sans autorisation de la Chambre" ? C'est

  2   parce que nous n'avons pas effectivement envisagé tous les cas de figure

  3   quant à la façon de savoir comment vont être recueillis des éléments de

  4   preuve et comment ils vont être présentés. Mais on pourrait se trouver face

  5   à une situation où, au moment de la phase de certification, un témoin,

  6   après avoir lu une déclaration préalable qu'il va signer aux fins de

  7   l'application du 92 bis, et ce témoin dit : "Ecoutez, il y a dans cette

  8   déclaration quelque chose qu'il faut étouffer, qu'il faut modifier, qu'il

  9   faut corriger." Il nous semble correct dès lors de le dire à la Chambre de

 10   façon à ce que celle-ci dispose d'une déclaration visée par le 92 bis, mais

 11   une déclaration complète contenant toutes les informations dont la Chambre

 12   a besoin.

 13   Ces informations ne viennent pas par la procédure 92 bis, parce que ça peut

 14   avoir surgi plus tard. Si de nouvelles informations apparaissent, il nous

 15   semble convenir que la partie qui cite le témoin qui essaie de présenter

 16   ces éléments de preuve soit à même de dire à la Chambre : "Ecoutez, voici

 17   de nouveaux renseignements qui ont un effet direct sur ce qui se trouve

 18   déjà dans la déclaration 92 bis, et nous demandons l'autorisation à la

 19   Chambre de lui soumettre ces nouvelles informations".

 20   Donc il s'agit de cas tout à fait pointu, bien circonscrit. C'est ce que

 21   nous avons pensé.

 22   Si je fais une légère différence entre l'avis de la Défense et celle

 23   de l'Accusation, c'est parce que M. Saxon et moi, nous nous sommes rendu

 24   compte que nous nous étions entendus, surtout sur le paragraphe 20, et nous

 25   croyons nous être bien compris, mais finalement, nous nous sommes rendu

 26   compte que ce n'est pas tout à fait vrai pour ce qui est du contenu de ce

 27   paragraphe-ci. C'est la raison pour laquelle j'opère cette légère

 28   distinction.

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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Guy-Smith.

  2   Monsieur Saxon, vous voulez ajouter quelque chose ?

  3   M. SAXON : [interprétation] Non, rien du tout. Merci, Monsieur le

  4   Président.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est moi qui vous remercie. 

  6   Je relève que vous avez une autre remarque pour ce qui est du

  7   paragraphe 20.

  8   M. SAXON : [interprétation] C'est exact.

  9   D'emblée, j'aimerais relever ceci, la préface vous a déjà été donnée

 10   par mon estimé confrère, nous ne nous sommes pas mis d'accord quant à un

 11   libellé définitif du texte du paragraphe 20. Si vous me le permettez,

 12   j'aimerais vous expliquer ce que nous suggérons et je suis sûr que la

 13   Défense aura son propre commentaire.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allez-y.

 15   M. SAXON : [interprétation] Le paragraphe 20 s'intitule, "Témoins visés par

 16   l'article 92 ter," l'Accusation recommande que la première phrase se lise

 17   comme suit :

 18   "Plutôt que de déposer une requête pour chaque témoin qu'une partie entend

 19   citer en application de l'article 92 ter, ladite partie fournira aux autres

 20   parties tous les documents pertinents pour ce témoin trois semaines avant

 21   la date prévue pour l'audition de ce témoin."

 22   Il y a deux phrases qui suivent et c'est là, me semble-t-il, qu'il y a

 23   peut-être une absence de consensus entre nous. Voici ce que l'Accusation

 24   recommande : 

 25   "Tous les documents ou éléments pertinents" en l'espèce signifie

 26   qu'on avertit du contexte dans lequel s'inscrit la déposition du témoin en

 27   indiquant les passages précis sur lesquels on va s'appuyer. Ces passages

 28   pertinents de dépositions antérieures et de leurs comptes rendus

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  1   d'audience, les pièces mentionnées dans ces passages identifiés grâce à des

  2   déclarations préalables antérieures et à des dépositions dans d'autres

  3   procès antérieurs. Les listes des documents restants qu'on a l'intention

  4   d'utiliser lors de l'audition de ce témoin doivent être fournies

  5   conformément au premier paragraphe de ces lignes directrices.

  6   Dernière phrase - et là je pense que nous sommes d'accord - se lirait comme

  7   ceci :

  8   "La partie adverse doit soulever une objection 12 jours avant la date

  9   prévue pour l'audition du témoin ou l'admission de la déclaration 92 ter

 10   par la Chambre."

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Guy-Smith.

 12   M. GUY-SMITH : [interprétation] Quel est le sens même de notre objection,

 13   comment définir la "pertinence d'une déclaration ou d'une audition" ?

 14   L'expérience que nous avons tirée de cette procédure visée par le 92 ter,

 15   c'est qu'on reçoit un document de synthèse qui contient toutes les

 16   informations sur lesquelles s'appuie l'Accusation par vue de la

 17   présentation de ses moyens à charge.

 18   Si nous comprenons bien, voici ce que propose l'Accusation : dans le

 19   cas de figure on a deux déclarations distinctes et un document qui reprend

 20   une déposition antérieure. Que va faire l'Accusation, elle va dire dans la

 21   première déclaration à l'intention de toutes les parties et bien sûr des

 22   Juges, voilà des paragraphes 1 à 10, les paragraphes 53, 56 et 92 jusqu'à

 23   104. Dans le document numéro 2, dans la deuxième déclaration, l'Accusation

 24   va dire qu'en fait les paragraphes 1 à 7 s'inscrivent dans la déclaration

 25   92 ter, je choisis au hasard, bien entendu, paragraphes 47 à 72 aussi, et

 26   paragraphe 95. Pour ce qui est de la déposition qu'aurait déjà faite ce

 27   témoin dans un procès antérieur, je suppose que l'Accusation dirait voilà,

 28   on va regarder la page 27 946, lignes 14 à 19 sans qu'on ait un document de

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  1   synthèse. Donc on va sauter du coq à l'âne, si j'ose dire, c'est-à-dire

  2   qu'on va passer d'un document à l'autre pour aborder dans le cadre de la

  3   procédure 92 ter.

  4   Le témoin viendra, l'Accusation va lui demander, comme d'habitude, "Est-ce

  5   que vous avez lu la première déclaration et est-ce que toutes les

  6   informations qu'on y trouve sont exactes, et si on vous reposait ces

  7   questions, est-ce que vous le répéteriez aujourd'hui ?" Le témoin va

  8   répondre, bien entendu, par l'affirmative, puis on pourra aborder le

  9   témoignage à proprement parler.

 10   Quelle est la difficulté que j'entrevois, c'est que ça ne marchera pas. Ce

 11   n'est pas réalisable, parce qu'on se trouvera dans une situation où il

 12   faudra prendre une décision qui doit être objective alors qu'on fait

 13   objection à quelque chose, on ne regarde pas un document de synthèse.

 14   Regardez qu'ici on parle d'avertir alors le fait d'aviser, "notice" en

 15   anglais. C'est tout à fait différent entre ce qu'on dit et la déclaration.

 16   Parce que dans une déclaration on sait clairement ce dont va parler

 17   le témoin. Le problème que pose la procédure 92 ter, vous le savez déjà,

 18   les problèmes font légion, c'est-à-dire qu'on peut gagner du temps, mais

 19   c'est aussi - bon alors là si c'est pour gagner du temps c'est un bon

 20   mécanisme de recueillement de déclaration et de témoignage - mais ici quand

 21   on a des déclarations séparées, ça va poser problème.

 22   Plutôt que d'avoir un problème, pourquoi ne pas avoir un seul et même

 23   document qu'on recevrait trois semaines, disons, avant la venue du témoin

 24   et s'il y a dissension sur tel ou tel paragraphe dans ce document, nous

 25   pourrons fort bien dissiper ces difficultés de façon claire et concise.

 26   C'est vraiment là le cœur même, le fondement même de la discussion.

 27   Il y a une question connexe, quel est l'effet de ce paragraphe avec

 28   le paragraphe 20, parce qu'il y a des dispositions temporelles, on parle de

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  1   cinq jours ouvrables avant la venue du témoin, alors qu'ici, au paragraphe

  2   20, on dit que si on veut soulever une objection eu égard à la déclaration

  3   préalable qui inclus, bien entendu, les éléments sur lesquels vont

  4   s'appuyer la partie, que ce soit l'Accusation ou la Défense, et qui se

  5   trouve dans la déclaration 92 ter, là on demande trois semaines comme

  6   délai. Il y a donc deux problèmes qui se posent ici.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

  8   Vous voulez réagir ?

  9   M. SAXON : [interprétation] Tout à fait, si vous me le permettez.

 10   Je pense que mon confrère a fait un petit lapsus il y a un instant. Il a

 11   parlé du délai prévu par le premier paragraphe qui serait de cinq jours

 12   ouvrables alors qu'on parle de deux dans ce paragraphe.

 13   Au fond, quelle est l'expérience acquise par l'Accusation, ce que demande

 14   Me Guy-Smith aux parties va nécessiter beaucoup de surplus de travail et va

 15   créer des problèmes davantage qu'il ne va en régler, par exemple, ça ne va

 16   pas préciser et simplifier le versement d'éléments de preuve en application

 17   du 92 ter. 

 18   Là on essaie de créer ce qu'on appelle un document de synthèse, à

 19   notre avis, ça va semer la confusion, ça ne va pas la réduire, ne serait-ce

 20   que pour des témoins à charge. Si des témoins à charge ont recours à

 21   l'article 92 ter pour présenter leurs moyens ou ce qu'ils ont à dire, il va

 22   y avoir le récolement et les parties pertinentes de déclarations

 23   antérieures vont être lues par l'entremise d'un interprète si on n'a pas le

 24   document écrit en B/C/S. Si on a le document écrit en B/C/S, le témoin aura

 25   l'occasion de lire ce document pour s'assurer, pour attester du fait que

 26   les paragraphes concernés sont conformes à la vérité, sont exacts.

 27   Me Guy-Smith relève que la phrase-clé, je pense qu'à un moment donné il a

 28   dit "déclaration," mais de notre avis, la phrase-clé de ce paragraphe 20

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  1   c'est celle qui se trouve au début quand on dit "tous les éléments

  2   pertinents." Que faut-il ici, il faut que la partie qui veut verser en

  3   application du 92 ter fournisse à la partie adverse l'information à temps

  4   et aussi fournisse les documents pertinents dont cette partie qu'ici le

  5   témoin va se servir ici en l'espèce, de sorte que la partie adverse pourra

  6   se préparer au contre-interrogatoire comme prévu.

  7   Notre expérience nous montre que si on créé un document de synthèse,

  8   ceci entraîne souvent un surcroît de confusion, car bien souvent on ne fait

  9   que créer une déclaration supplémentaire, une de plus. Bien souvent, ça

 10   devient une déclaration assez considérable, volumineuse, et souvent on dit

 11   voilà, il y a des incohérences, des contradictions internes. Notre

 12   expérience nous montre que c'est un système qui est difficile d'utiliser,

 13   et nous ne recommandons pas son utilisation à la Chambre.

 14   M. GUY-SMITH : [interprétation] Est-ce que je peux répondre en quelques

 15   mots.

 16   Parce que j'ai déjà plaidé dans deux procès, dans l'un il n'y avait pas de

 17   92 ter et dans l'autre si, dans le dernier. C'est un mécanisme que nous

 18   avons utilisé qui semblait assez bien marché. Nous avons pu ainsi entendre

 19   beaucoup de témoins et ce mécanisme a permis de bien comprendre ce

 20   qu'allait dire un témoin 92 ter quel qu'il soit à la Chambre.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je dois vous faire part d'une

 22   inquiétude. Je pensais que le document qu'on nous remettait c'était un

 23   document sur lequel les parties étaient d'accord et qu'il nous revenait à

 24   nous de décider si c'était un document correct, qui était cohérent, et que

 25   nous serions ceux qui allaient émettre les lignes directrices.

 26   M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi.

 27   Ici c'est une mise en abîme qu'on a finalement. On a une affaire dans

 28   une affaire.

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  1   M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous propose une façon de

  3   sortir de l'ornière car le temps est essentiel, il est compté. Essayons de

  4   poursuivre les dialogues et de parvenir à un accord, et lorsqu'il sera

  5   obtenu, faites-nous des recommandations, nous allons voir comment nous

  6   pouvons les intégrer et nous pourrons rendre notre décision sur les lignes

  7   directrices, plutôt que --

  8   M. GUY-SMITH : [interprétation] Certainement.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] -- plutôt que d'essayer de parvenir à

 10   un accord dans le prétoire au lieu de faire le procès comme nous devons le

 11   faire.

 12   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, c'était peut-être une bonne idée

 13   de vous faire part de ces questions, mais je m'en excuse, nous avons pris

 14   peu de temps.

 15   Il y avait quelques autres accords, M. Saxon va vous en parler. Je voulais

 16   simplement signaler à l'intention des Juges que pour ce qui est des

 17   paragraphes 12 et 13 [comme interprété], il n'y a pas d'accord, la Défense

 18   a déjà il y a un certain temps fait quelques propositions quant à ces

 19   paragraphes, mais il n'y a pas d'accord, je le rappelle, sur ces

 20   paragraphes. Nous avons, comme l'avait proposé le juriste hors classe,

 21   montré quelle était l'évolution des modifications apportées aux documents.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Là où les parties ne sont pas

 23   d'accord, et si la Chambre estime que c'est un sujet pertinent, est-ce que

 24   la Chambre peut inclure cette partie-là ?

 25   M. GUY-SMITH : [interprétation] Le problème c'est qu'on n'a pas encore reçu

 26   de réponse, nous ne savons pas s'il n'y a pas du tout d'accord ou si c'est

 27   autre chose.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc dans les faits vous n'avez pas

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  1   reçu, ce n'est pas simplement un manque d'accord, c'est une absence de

  2   réception.

  3   M. GUY-SMITH : [interprétation] Exact.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Revoyez-vous et faites des

  5   propositions.

  6   M. GUY-SMITH : [interprétation] Tout à fait.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Fort bien. Abandonnons les lignes

  8   directrices et voyons ce que les parties ont à dire à propos des notes de

  9   récolement.

 10   Qui va commencer ?

 11   M. GUY-SMITH : [interprétation] Permettez-moi de commencer, car nous avons

 12   certaines inquiétudes à propos de ces notes de récolement. Nous avons déjà

 13   fait des propositions au bureau du Procureur, est-ce qu'il pourrait, par

 14   exemple, faire des copies verbatim de la séance de récolement. Nous ne

 15   demandons pas d'avoir un enregistrement audiovisuel de cette séance, mais

 16   plutôt, qu'on les conserve, ce qui veut dire que dans l'éventualité, peu

 17   probable, mais éventualité quand même, où ce témoin au moment où il dépose,

 18   ne serait pas d'accord avec ce qui pourrait être contenu dans ces notes de

 19   récolement, on aurait au moins quelque part une preuve exacte de ce qui

 20   s'est dit exactement lors de ces deux séances de récolement. Donc ici ce

 21   n'est pas placer l'Accusation maintenant ou, la Défense est dans une

 22   situation où l'Accusation et la Défense deviendraient eux-mêmes des témoins

 23   de l'exactitude de ce qui s'est dit, ou de la vérité de ce qui s'est dit

 24   pendant la période de récolement.

 25   De cette façon, toutes les parties, si ceci devait se produire, pourraient

 26   -- disponibles d'avoir une trace verbatim de ce qui s'est effectivement

 27   passé. A cet égard, l'Accusation a refusé cette idée. J'avais déjà formulé

 28   cette idée dans d'autres procès, et là aussi on l'avait refusée. Il y avait

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  1   plusieurs difficultés, ce qui avait expliqué notre souhait de faire cette

  2   proposition, car quelquefois un témoin s'écarte de ce qu'il a dit au

  3   récolement et dit ce n'est pas ce que j'ai dit à ce moment-là, lorsqu'il se

  4   trouve dans le prétoire. Par ce mécanisme, il est possible de parer à ce

  5   problème.

  6   Deuxième question en matière de notes de récolement. Si j'ai bien compris,

  7   on a commencé ce procès un peu de façon active, ça a un petit peu échappé à

  8   la maîtrise de tout le monde lorsqu'on va voir ces notes de récolement. M.

  9   Saxon a fait preuve de beaucoup de gentillesse en ce qui concerne le

 10   premier témoin, il nous a donné trois jeux de notes de récolement. Dans

 11   l'une de ces notes le témoin change, ce n'est pas de façon négative, c'est-

 12   à-dire qu'il a lu ses notes de récolement et les modifie, il dit qu'il y a

 13   des corrections à apporter. Ce qui nous inquiète c'est qu'à la dernière

 14   minute nous nous trouvions face à de nouveaux éléments de preuve qui vont

 15   nécessiter une enquête ou le temps nécessaire pour bien se préparer.

 16   Vous comprenez ce que ceci présente comme difficultés, vous avez déjà un

 17   témoin dans le prétoire, et il est difficile d'avoir des témoins qui

 18   viennent à temps pour que tout se passe dans le bon ordre; mais lorsqu'on

 19   reçoit ces notes de récolement je ne sais pas si on les a un ou deux jours

 20   avant la venue du témoin.

 21   Je ne sais pas ce qu'on dit dans d'autres enceintes internationales. Est-ce

 22   qu'on est d'accord ou en désaccord avec ce processus de récolement, est-ce

 23   qu'il y a une date butoir, une date qui couperait. Ce n'est pas ce qui se

 24   passe ici malheureusement, ça veut dire qu'on reçoit sans cesse de

 25   nouvelles communications; et ceci crée vraiment la confusion. J'aimerais

 26   bien avoir une date butoir pour ce qui est de la fourniture de ces notes de

 27   récolement, parce qu'ainsi on a une idée de la quantité de documents que va

 28   utiliser ce témoin.

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  1   Il y a deux questions qui se posent ici : la question du moment de la date

  2   butoir et la question de savoir comment on va conserver ce qui s'est dit et

  3   s'est vu véritablement pendant la séance de récolement. Ça ne devrait pas

  4   poser problème, il ne devrait pas être difficile de conserver un

  5   enregistrement audiovisuel de cette séance de récolement. C'est une façon

  6   passive d'obtenir des renseignements et de cette façon toutes les parties,

  7   au cas, peu probable, mais au cas où il y aurait contestation, de cette

  8   façon on a une solution très simple.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Saxon, qu'en pensez-vous ?

 10   M. SAXON : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, le Juge Bonomy

 11   l'a dit dans l'affaire Milutinovic en décembre 2006, le récolement des

 12   témoins est utile pour obtenir du témoin une énumération détaillée des

 13   faits pertinents à la lueur des chefs retenus contre un accusé et permet

 14   ainsi d'aider le processus du souvenir chez le témoin en donnant une

 15   présentation plus exacte, plus complète et ordonnée, et efficace de la

 16   présentation des moyens, et ainsi la Défense est avisée de ces notes et

 17   l'effet de surprise est ainsi évité.

 18   Me Guy-Smith me fait un compliment par rapport au premier témoin, mais

 19   c'est ce que nous faisons jusqu'à ce jour, nous essayons toujours dans les

 20   meilleurs délais de fournir à la Défense tout élément nouveau, surtout des

 21   éléments qui risquent d'être à décharge, ce qu'on découvrirait au moment du

 22   récolement, c'est ce que nous avons fait jusqu'à ce jour.

 23   La question de l'enregistrement verbatim a déjà été débattue dans le procès

 24   Haradinaj. La Chambre Haradinaj a dit que ce n'était pas nécessaire, que

 25   cela voudrait dire que l'Accusation devrait consacrer des ressources

 26   supplémentaires et, très franchement, ce sont des ressources que le bureau

 27   du Procureur n'a pas aujourd'hui. Le bureau du Procureur s'engage et prend

 28   un engagement devant la Défense et devant les Juges pour dire qu'elle va

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  1   tout faire pour veiller à ce que les documents qui apparaissent au moment

  2   du récolement soient présentés de la façon la plus précise, la plus rapide

  3   possible.

  4   Mais parfois nous sommes victimes de contrainte. Par exemple, un vol

  5   qui arrive trop tard, des problèmes de visas, ce qui fait qu'un témoin

  6   n'arrive pas au moment qui avait été prévu. Le récolement est donc retardé.

  7   Mais nous ne voyons pas l'utilité, nous ne pensons pas qu'il soit

  8   nécessaire d'avoir des instructions quant à la nécessité d'un

  9   enregistrement verbatim dans des instructions données par la Chambre.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ici une préoccupation. Je ne veux pas

 11   qu'on en rediscute. C'est pour ça que je vous avais exhorté à parvenir à un

 12   accord hors prétoire pour qu'on n'en reparle pas dans ce prétoire, à

 13   l'audience. Mais pour le peu que je sais, je voudrais que vous

 14   m'instruisiez, Messieurs. Les notes de récolement qu'on doit donner à la

 15   partie adverse, pour moi, c'est quelque chose d'assez nouveau, d'assez

 16   étranger. C'est la première fois j'en ai eu connaissance dans le procès, le

 17   dernier procès où je siégeais.

 18   Est-ce que c'est une pratique qui s'est appliquée dans ce Tribunal,

 19   l'exigence d'obtenir ces notes de récolement et c'est régi par un article

 20   du Règlement qui dit, il faut que soient communiquées ces notes de

 21   récolement ? Parce que si l'Accusation a déjà communiqué la déclaration

 22   préalable d'un témoin de la Défense, la Défense ne doit pas s'attendre à ce

 23   que le témoin dise autre chose que qu'est-ce qui se trouve dans la

 24   déclaration préalable.

 25   M. SAXON : [interprétation] Ça fait dix ans que je travaille au

 26   bureau du Procureur, et la fourniture de notes de récolement, quelquefois

 27   on parle de feuilles d'information supplémentaire, c'est une pratique

 28   courante en ce Tribunal. Le récolement, ça n'est régi nulle part dans le

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  1   Règlement. Mais nous avons deux décisions qui font jurisprudence - il y a

  2   le procès Haradinaj et le procès Milutinovic, 12 décembre 2006 - et là on

  3   motive l'opportunité d'avoir ces notes. Honnêtement, c'est ce qu'on fait,

  4   on fournit ces notes de récolement par souci d'équité envers la Défense

  5   pour éviter tout effet de surprise de sa part.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vais dès lors exhorter les

  7   parties à s'entendre sur la question du récolement, sur les modalités à

  8   respecter. Me Guy-Smith voudra avoir un enregistrement verbatim. Vous,

  9   Monsieur Saxon, vous dites que vous ne pouvez qu'essayer d'être le plus

 10   correct possible dans ces notes, mais je voudrais que les parties examinent

 11   davantage la question hors prétoire pour ne pas prendre le temps d'audience

 12   en vue d'essayer de parvenir à un accord maintenant. Et intégrer ceci dans

 13   les lignes directrices, ça me semble être une ligne directrice, enfin,

 14   quelque chose qui va dans ce sens ou qui relève de ce sujet pour lequel il

 15   faut l'accord des parties.

 16   Maître Guy-Smith, oui, vous êtes debout, que voulez-vous dire ?

 17   M. GUY-SMITH : [interprétation] Pour ce qui est des délais, je suis sûr que

 18   nous pouvons nous entendre, M. Saxon et moi. Quant à la question des

 19   ressources, je vais répéter l'offre déjà faite. Je suis tout à fait prêt à

 20   acheter un magnétophone à l'Accusation. Je l'avais déjà fait pour le

 21   dernier procès. L'Accusation avait décidé de ne pas l'utiliser, mon cadeau,

 22   mais je suis prêt à le faire ici, parce que l'Accusation évoque le problème

 23   de ressources. Moi, je suis tout à fait prêt à leur faire le cadeau d'un

 24   magnétophone.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne veux pas entrer dans ce débat.

 26   Réglez ça avec l'Accusation.

 27   M. GUY-SMITH : [interprétation] Volontiers.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce qu'on peut partir du principe

Page 451

  1   que vous allez continuer à vous entretenir à ce sujet et nous faire des

  2   propositions pour peaufiner les lignes directrices.

  3   Normalement, la question qui devait être abordée maintenant c'était celle

  4   des mesures de protection pour le témoin. Je ne sais pas qui a évoqué cette

  5   question, qui souhaite intervenir à ce sujet.

  6   Maître Lukic.

  7   M. LUKIC : [interprétation] Très vite, Monsieur le Président. Je serais

  8   intéressé de connaître la position de la présente Chambre de première

  9   instance, vu l'expérience que j'ai eue avec d'autres Chambres de première

 10   instance en ce qui concerne les mesures de protection pour les témoins.

 11   Quelques mots sur les questions de principe avant de demander le huis clos

 12   partiel.

 13   Je suis intervenu devant une Chambre de première instance devant laquelle,

 14   avant la venue de chaque témoin ayant bénéficié de mesures de protection

 15   auparavant, à chaque fois donc, la Chambre de première instance

 16   s'interrogeait à nouveau pour savoir s'il existait des raisons justifiant

 17   que ces mesures de protection soient à nouveau appliquées. La partie ayant

 18   cité le témoin devait donner des explications à la Chambre de première

 19   instance, expliquer si oui ou non elle souhaitait que les mesures de

 20   protection continuent à s'appliquer. La partie adverse devait répondre à

 21   ces arguments. J'ai également plaidé devant une autre Chambre de première

 22   instance où l'on ne procédait pas de la sorte.

 23   Maintenant j'aimerais demander le huis clos partiel, car je souhaiterais

 24   développer d'autres arguments devant vous.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Huis clos partiel, s'il vous plaît.

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 27   [Audience à huis clos partiel]

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 19   [Audience publique]

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 21   M. GUY-SMITH : [interprétation] S'agissant du point suivant figurant à

 22   l'ordre du jour, nous pouvons procéder rapidement. Je suis sûr que vous

 23   vous en réjouirez. Il y a encore un grand nombre de décisions -- ou de

 24   pièces, plutôt, qui font partie de la sixième requête supplémentaire de

 25   l'Accusation. M. Saxon et moi-même, nous nous sommes entretenus à ce sujet.

 26   Il y a certain nombre de pièces qui doivent être présentées par le

 27   truchement du témoin suivant, et nous pensons, avec votre permission, que

 28   la meilleure façon de procéder ce serait de donner une cote aux fins

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  1   d'identification à ces pièces et de se pencher sur leur recevabilité

  2   ultérieurement. Parce que ces pièces tombent sous le coup d'une requête sur

  3   laquelle il n'y a pas encore été statué, à laquelle nous n'avons d'ailleurs

  4   même pas répondu. Voilà ce qu'il en est sur ce point.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

  6   M. GUY-SMITH : [interprétation] Ce qui nous amène au dernier point.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, les corrections apportées à la

  8   déclaration liminaire de M. Harmon.

  9   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, effectivement. Excusez-moi. Ça c'est

 10   le point suivant à l'ordre du jour.

 11   M. SAXON : [interprétation] M. Harmon me demande d'attirer votre attention

 12   sur les points suivants.

 13   Hier, au cours de sa déclaration liminaire, page 13, page 29 et page 45 du

 14   compte rendu d'audience, M. Harmon a parlé de, je cite : "L'armée bosno-

 15   croate." En fait, ce que voulait dire M. Harmon et ce qu'il aurait dû dire

 16   c'était la chose suivante : "L'armée de la Krajina serbe" ou "SVK."

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Guy-Smith.

 18   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense que nous en sommes arrivés au

 19   dernier point que nous avions proposé pour l'ordre du jour, et c'est ce que

 20   je qualifierais, peut-être en allant un peu loin, d'exécution ou

 21   application des décisions ou des ordonnances prises précédemment.

 22   Voilà ce qu'il en est, c'est très simple; à cause de tout ce qui s'est

 23   passé précédemment, l'Accusation s'est préparée un peu dans l'urgence, a

 24   préparé un peu dans l'urgence la liste de ses témoins.

 25   Le premier témoin à charge de l'Accusation c'est M. van Lynden. Si j'ai

 26   bien compris, M. van Lynden va au cours de sa déposition parler de ce que

 27   j'appellerais les "incidents ne figurant pas dans les listes jointes à

 28   l'acte de l'accusation." La Chambre a pris une décision sur ce point le 15

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  1   mai 2007, elle s'est prononcée de la manière suivante - donc je pense que

  2   c'est un texte, c'est une décision qui s'applique en espèce - il s'agit

  3   plus précisément du paragraphe 3 de la page 9 de cette décision du 15 mai

  4   2007 :

  5   "L'Accusation ne présentera aucun élément de preuve relatif à des incidents

  6   ne figurant pas dans l'acte d'accusation ou les tableaux joints à l'acte

  7   d'accusation et concernant Sarajevo, à moins que l'Accusation ne soit en

  8   mesure de démontrer que certains de ces incidents ayant eu lieu à Sarajevo

  9   sont essentiels pour prouver certains éléments-clés de l'espèce. Dans ce

 10   cas, l'Accusation déposera une requête auprès de la Chambre de première

 11   instance afin de pouvoir présenter des éléments relatifs à des incidents ne

 12   figurant pas dans les listes d'acte d'accusation et concernant Sarajevo, et

 13   elle devra le faire au moins quatre semaines avant la date prévue pour la

 14   déposition du témoin. Elle devra motiver sa demande. La Défense aura la

 15   possibilité de répondre à une telle requête."

 16   Si on regarde le reste de la décision, l'examen des différents arguments et

 17   la motivation de la décision des Juges, on voit qu'au paragraphe 17 la

 18   Chambre donne un exemple, un exemple d'un cas de figure où on pourrait

 19   présenter des éléments relatifs à des incidents non cités dans l'acte

 20   d'accusation, avant-dernière phrase il est dit, je cite :

 21   "Cependant, l'Accusation pourra présenter des éléments de preuve relatifs à

 22   ce type d'incident, si elle peut démontrer que ces éléments tentent à

 23   démontrer un aspect-clé de l'espèce." Ensuite nous avons un exemple."(Si,

 24   par exemple, cet incident est nécessaire pour prouver le lien existant

 25   entre l'accusé et les crimes qui lui sont reprochés)."

 26   Donc je ne comprends pas très bien l'objectif de la déposition de M. van

 27   Lynden. Dans sa déposition il va parler d'incidents qui ne sont pas

 28   énumérés à l'acte d'accusation. Donc on outrepasse clairement ici la

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  1   décision que je viens de citer. Je comprends bien les difficultés de

  2   l'Accusation, mais nous n'avons rien reçu que ce soit il y a quatre

  3   semaines ou aujourd'hui, nous n'avons reçu aucune demande.

  4   Je pensais qu'il fallait tout de suite que je vous en parle avant que le

  5   témoin n'arrive, parce que sinon, dès qu'il sera là, il faudra que je me

  6   lève pour dire : "Mais quelle est la pertinence de cette déclaration et que

  7   je répète cette objection à chacune de ses phrases." Enfin l'Accusation a

  8   peut-être des arguments propres à convaincre la Chambre de la pertinence de

  9   cette déposition, et elle pourra peut-être nous répondre s'agissant des

 10   délais à respecter. J'essaie simplement de suivre les règles qui me

 11   semblent s'appliquer ici, parce que là je rappelle ce que la Chambre a

 12   décidé précédemment.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith, oui, une action

 14   préventive c'est toujours une bonne défense ou une attaque préventive ça

 15   constitue toujours une bonne défense.

 16   M. GUY-SMITH : [interprétation] Tout à fait d'accord, mais ce n'est pas mon

 17   objectif. Moi j'essaie simplement de travailler au mieux de la manière la

 18   plus efficace possible.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, je maintiens qu'une attaque

 20   préventive c'est toujours une bonne tactique de défense.

 21   Mais pour l'instant, on ne sait pas pourquoi le témoin va venir, ce qu'il

 22   va nous dire, donc attendons de voir ce qu'il en est. Cette décision datant

 23   de 2007, vous pourrez l'évoquer le moment venu, lorsque le moment sera

 24   approprié pour le faire.

 25   M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation]

 27   Une question maintenant d'horaire. Je sais que la pratique est différente

 28   d'une Chambre à l'autre, mais on m'a dit qu'ici nous siégerons une heure

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  1   15, ensuite que nous aurions une pause de 30 minutes. C'est ce que nous

  2   allons faire maintenant. Nous allons observer une pause de 30 minutes.

  3   --- L'audience est suspendue à 10 heures 19.

  4   --- L'audience est reprise à 10 heures 48.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Saxon.

  6   M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

  7   Juges, l'Accusation cite à la barre son premier témoin, M. van Lynden.

  8   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vais demander au témoin de bien

 12   vouloir prononcer la déclaration solennelle.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 14   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 15   LE TÉMOIN: CAREL DIEDERIC AERNOUT VAN LYNDEN [Assermenté]

 16   [Le témoin répond par l'interprète]

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Vous pouvez prendre

 18   place.

 19   Vous avez la parole, Monsieur Saxon.

 20   M. SAXON : [interprétation] Merci, Monsieur.

 21   Interrogatoire principal par M. Saxon :

 22   Q.  [interprétation] Monsieur, vous appelez-vous Carel Diederic Aernout

 23   Baron van Lynden ?

 24   R.  Effectivement.

 25   Q.  Etes-vous ressortissant des Pays-Bas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Est-ce que vous avez servi dans les rangs des Fusiliers marins

 28   néerlandais ?

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  1   R.  Oui, de 1976 à 1978.

  2   Q.  Quand vous avez quitté l'armée néerlandaise en 1978, quel était votre

  3   grade ?

  4   R.  J'étais sous-lieutenant, ensuite j'ai été promu au grade de lieutenant

  5   de réserve. Tout ceci se passait dans le cadre de mon service militaire.

  6   Q.  Est-ce que vous vous êtes spécialisé dans un domaine particulier

  7   pendant cette période dans l'armée ?

  8   R.  J'ai reçu une formation de chef de section dans l'infanterie et j'ai

  9   suivi une formation pour devenir chef d'une section de mortier.

 10   Q.  Ensuite, quelles ont été vos activités professionnelles ?

 11   R.  Je suis devenu journaliste et je me suis spécialisé dans les théâtres

 12   de guerre.

 13   Q.  Et quels sont les conflits, les guerres que vous avez suivis dans le

 14   cadre de vos activités ?

 15   R.  Le Moyen-Orient. J'ai habité au Liban, à Beyrouth de 1982 à 1986; j'ai

 16   également assuré la couverture du conflit entre l'Iran et l'Irak à partir

 17   de 1980; j'ai également réalisé des reportages sur les combats en

 18   Afghanistan après l'invasion soviétique de l'Afghanistan pendant les années

 19   80; j'ai également assuré la couverture de la guerre du Golfe de 1990 à

 20   1991 du côté allié; et à partir de 1991, j'ai travaillé sur le conflit en

 21   ex-Yougoslavie.

 22   Q.  Au cours de ces années, vous étiez donc correspondant de guerre, est-ce

 23   que vous travailliez pour les journaux, pour la télévision ou pour les deux

 24   ?

 25   R.  Au début, j'étais correspondant d'un journal. Au début je travaillais

 26   pour le Haagse Courant, c'est le journal local, le journal de La Haye;

 27   ensuite, je suis devenu free-lance, je travaillais pour le Washington Post,

 28   la BBC, la radio, et le journal The Observer, en Angleterre; et à la fin

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  1   des années 80, j'ai commencé à travailler pour la télévision, pour SkyNews.

  2   J'ai travaillé pour eux à temps plein jusqu'en 200l.

  3   Q.  Monsieur van Lynden, une petite remarque. Nous parlons tous deux la

  4   même langue. Il faut que nous n'oubliions pas les interprètes qui

  5   travaillent d'arrache-pied dans leurs cabines. Alors, on va passer un petit

  6   accord. On va tous les deux se mettre d'accord pour ne pas parler trop vite

  7   et pour parler distinctement. Il faut également que chacun d'entre nous

  8   observe une pause entre les questions et les réponses pour que les

  9   interprètes puissent éventuellement nous rattraper en cas de retard.

 10   Qu'est-ce que c'était que SkyNews ? Pouvez-vous nous dire de quoi il

 11   s'agissait exactement ?

 12   R.  C'était une chaîne de télévision qui diffusait des informations 24

 13   heures sur 24 et c'est une chaîne diffusée en Europe par satellite.

 14   Q.  Vous nous avez dit qu'à partir de 1991, vous avez commencé à couvrir ou

 15   à suivre le conflit de l'ex-Yougoslavie. En 1991, sur quelle partie du

 16   conflit avez-vous réalisé des reportages ?

 17   R.  D'abord, je suis allé en Slovénie de juin 1991 à la mi-juillet 1991;

 18   après quelques jours de pause ou de vacances, j'ai été envoyé à Belgrade;

 19   là j'ai suivi la totalité du conflit opposant la Serbie et la Croatie, du

 20   côté serbe au cours de l'année 1991.

 21   Q.  Pendant cette période, est-ce que vous êtes allé vous-même en Croatie ?

 22   R.  Oui. Je suis allé d'abord à Banja, en Krajina; ensuite je suis allé en

 23   Slavonie orientale et occidentale; puis ultérieurement, au cours de

 24   l'automne, je suis allé au sud de Dubrovnik sur la ligne de front.

 25   Q.  Est-ce que vous vous êtes jamais rendu dans la ville de Vukovar ?

 26   R.  Régulièrement. C'est une ville qui n'est pas très loin de Belgrade, de

 27   Belgrade où nous étions basés; en septembre, octobre et novembre 1991.

 28   Q.  Est-ce que vous avez réalisé des reportages pour SkyNews au sujet des

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  1   événements que vous avez pu observer à cette époque-là ?

  2   R.  Oui. Oui. C'était l'objectif de mon séjour sur place.

  3   Q.  Comment vos reportages étaient-ils envoyés à SkyNews à ce moment-là et

  4   à d'autres réseaux d'information ? Comment ça se passait la transmission de

  5   vos reportages ?

  6   R.  Les reportages télévision sont généralement envoyés par satellite. En

  7   1991, nous avions carrément un bureau à la télévision de Belgrade et nos

  8   reportages étaient envoyés par satellite depuis ce bureau et ils étaient

  9   envoyés au siège de SkyNews à Londres. Ensuite SkyNews, à partir de ces

 10   reportages, faisait ce qu'il souhaitait faire suivant le reportage, mais il

 11   arrivait que Sky transmette les images au réseau américain ou à une des

 12   deux agences de télévision Reuters ou APTN; généralement, c'était à Reuters

 13   ou à ABC et CBS, mais pas à CNN qui était considéré comme un concurrent.

 14   Q.  Est-ce que vous savez si à Belgrade les gens pouvaient regarder les

 15   reportages de SkyNews à la télévision ?

 16   R.  Oui. Un accord avait été conclu entre SkyNews et la télévision

 17   yougoslave en 1989. Ils pouvaient transmettre les reportages de SkyNews. A

 18   Belgrade, il y avait à l'époque ce que l'on appelait la troisième chaîne et

 19   12 heures par jour les émissions de SkyNews étaient diffusées sur cette

 20   chaîne. De nombreux Yougoslaves, sur tout le territoire, avaient des

 21   antennes paraboliques et pouvaient recevoir les émissions de SkyNews de

 22   cette manière.

 23   Q.  Vous parlez en anglais de "dishes" qui est un nom, un mot assez

 24   général, qu'est-ce que vous entendez par là ?

 25   R.  Je parle d'antennes paraboliques qui permettent de recevoir les

 26   émissions diffusées par satellite.

 27   Q.  Est-ce qu'au bout d'un certain temps la diffusion des émissions de

 28   SkyNews sur la troisième chaîne de Belgrade a pris fin ?

Page 465

  1   R.  Oui. En 1992, mais je ne peux pas vous dire à quelle date précise mais

  2   en tout cas, c'est en 1992 qu'on a mis fin à cette pratique. Les émissions,

  3   de plus, étaient diffusées sur la troisième chaîne.

  4   Q.  Savez-vous pourquoi ?

  5   R.  Je n'ai pas eu accès au document précis.

  6   M. GUY-SMITH : [interprétation] Pardonnez-moi.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Un instant, Maître Guy-Smith.

  8   M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection, sauf si le témoin nous donne des

  9   informations reposant sur ce qu'il sait personnellement.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Saxon.

 11   M. SAXON : [interprétation] Peut-être le témoin peut nous expliquer quelles

 12   sont les informations dont il dispose exactement, puisque qu'on ne lui a

 13   même pas laissé le temps de répondre.

 14   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que vous le savez personnellement ce qu'il

 15   en est ?

 16   R.  Nos sources au sein du gouvernement belgradois nous ont --

 17   M. GUY-SMITH : [interprétation] Informations indirectes, ouï-dire. Il ne

 18   s'agit pas simplement de ouï-dire, mais quand on parle de "sources au sein

 19   du gouvernement de Belgrade," c'est très vague. Ça peut être des documents,

 20   ça peut être des personnes. On ne sait pas exactement de quoi il s'agit et

 21   ce type de ouï-dire ne saurait être accepté par la Chambre de première

 22   instance. Il y a des cas où les éléments de preuve communiqués par ouï-dire

 23   sont acceptables, mais ici on ne sait même pas qui a fourni ces

 24   informations. Il est impossible de savoir d'où elles proviennent. Voilà la

 25   raison de mon objection.

 26   M. SAXON : [interprétation] Est-ce que je peux poser encore une question,

 27   Monsieur le Président, pour voir si le témoin est à même d'identifier les

 28   sources ?

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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous retirez la question

  2   qui fait l'objet de cette objection ?

  3   M. SAXON : [interprétation] Non, ce n'est pas mon intention. Je voulais

  4   simplement savoir si le témoin pouvait nous dire quelle était la nature de

  5   cette source afin que nous puissions voir si cette source est identifiée ou

  6   pas.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais d'emblée la Chambre doit se

  8   prononcer sur cette objection; si vous ne retirez pas votre question, la

  9   Chambre devra statuer.

 10   M. SAXON : [interprétation] A ce moment-là, je retire ma question.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Vous pouvez maintenant poser

 12   l'autre question que vous souhaitiez poser.

 13   M. SAXON : [interprétation]

 14   Q.  Etes-vous en mesure de nous donner la source de ces informations ?

 15   R.  Non, pas nommément.

 16   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce qu'à un moment donné vous avez commencé à

 17   faire des reportages sur la ville de Sarajevo ?

 18   R.  Oui, c'était au mois de mai 1992.

 19   Q.  Pourriez-vous brièvement décrire aux Juges la carte et la topographie

 20   de la ville de Sarajevo.

 21   R.  Sarajevo, c'est une ville qui s'est construite autour de la rivière

 22   Miljacka et qui coule de l'est vers l'ouest, et autour de la ville au nord

 23   et au sud il y a des montagnes et des collines qui surplombent la ville.

 24   C'est une ville allongée qui s'est construite autour de la rivière.

 25   M. SAXON : [interprétation] A ce moment, avec la permission des Juges, je

 26   voudrais montrer au témoin quelques images du dossier du Procureur.

 27   J'espère que vous l'avez. Il s'agit de la carte numéro 10 dans votre

 28   dossier. Le numéro ERN étant le numéro 0424-9162.

Page 467

  1   Cette carte - le Procureur n'a pas eu le droit de placer cette image

  2   sur la liste des pièces en vertu de l'article 65 ter - cette carte fait

  3   partie d'une requête en souffrance à laquelle M. Guy-Smith a fait

  4   référence.

  5   Donc, avec votre permission, je voudrais poser quelques questions au

  6   témoin au sujet de cette carte. Je pourrais lui demander d'inscrire

  7   quelques repères là-dessus, ensuite je vais demander que cette carte soit

  8   versée aux fins d'identification.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Guy-Smith, on peut faire

 10   cela, n'est-ce pas ? J'imagine qu'on peut le faire vu ce que vous avez dit

 11   ce matin ?

 12   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, effectivement. C'est l'accord que nous

 13   avons, avec la permission de la Chambre. Cela sera possible.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Nous vous donnons la

 15   permission de le faire, Monsieur Saxon. Vous pouvez le faire.

 16   M. SAXON : [interprétation] Nous attendons que l'image soit montrée sur

 17   l'écran.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Apparemment on me dit que nous avons

 19   quelques difficultés avec l'introduction de cette pièce dans le système de

 20   présentation de moyens de preuve électronique. Est-ce qu'on peut donner un

 21   exemplaire papier aux techniciens en attendant que les techniciens

 22   résolvent le problème et aussi donner les exemplaires aux parties.

 23   M. SAXON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président,

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 25   M. SAXON : [aucune interprétation]

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 27   M. SAXON : [aucune interprétation]

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que la Défense a un exemplaire

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  1   de cette carte ?

  2   M. SAXON : [interprétation] Oui.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Vous pouvez poursuivre.

  4   M. SAXON : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur van Lynden, vous avez sous vos yeux une image satellite de la

  6   ville de Sarajevo. Est-ce que vous reconnaissez cette photo ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Pour que les Juges puissent s'orienter et se retrouver, tout d'abord on

  9   voit ici la ville qui se trouve dans cette vallée dans une forme allongée

 10   et on voit une route qui semble passer par le centre de la ville.

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Pourriez-vous nous dire ce que c'est ?

 13   R.  C'est la route principale qui traverse le centre de la ville.

 14   M. SAXON : [interprétation] Je me demande s'il serait possible de placer la

 15   carte de M. van Lynden sur le rétroprojecteur, ensuite il sera capable de

 16   voir la carte sur l'écran de son ordinateur.

 17   Q.  Est-ce que vous voyez à présent cette carte sur l'écran devant vous ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Sur l'écran, à la droite de l'écran il y a un stylet. Je vais demander

 20   à Mme l'huissière de vous aider pour pouvoir l'utiliser.

 21   M. SAXON : [interprétation] Un moment, s'il vous plaît.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez un moment.

 23   M. SAXON : [interprétation] Est-ce qu'on peut donner au témoin un stylo ou

 24   bien un feutre peut-être ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai un stylo ici.

 26   M. SAXON : [interprétation] Il faudrait donner d'autres crayons ou stylo au

 27   témoin.

 28   Q.  Je sais que ce n'est peut-être pas très confortable, mais je vais vous

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  1   demander de vous rapprocher du rétroprojecteur et de dessiner une ligne qui

  2   longe la route principale, qui correspond à la route principale.

  3   R.  [Le témoin s'exécute]

  4   Q.  Ensuite je vous demanderais d'apposer le chiffre 1 à la droite de la

  5   ligne verte qui correspond à cette rue-là.

  6   R.  [Le témoin s'exécute]

  7   Q.  Est-ce que vous savez quel est le nom de cette partie-là de Sarajevo,

  8   Monsieur van Lynden ?

  9   R.  C'est Stari Grad.

 10   Q.  Pourriez-vous alors apposer la lettre [comme interprété] 2 à l'endroit

 11   où se trouve Stari Grad ?

 12   R.  [Le témoin s'exécute]

 13   Q.  Merci.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce qu'on peut trouver un moyen

 15   pour rendre la position de M. Lynden un peu plus

 16   confortable ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela va très bien, Monsieur le Président.

 18   M. GUY-SMITH : [aucune interprétation]

 19   M. SAXON : [interprétation] Peut-être faudrait-il rapprocher le micro du

 20   témoin pour rendre sa situation plus confortable.

 21   M. GUY-SMITH : [aucune interprétation]

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 23   M. SAXON : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur van Lynden, voyez-vous --

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je suis désolé de vous interrompre,

 26   mais on vient de nous dire qu'à présent on peut travailler à partir du e-

 27   court.

 28   M. SAXON : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

Page 470

  1   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur van Lynden, on va revenir là-

  3   dessus et vous allez pouvoir travailler à partir du e-court.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Pourriez-vous me dire ce que c'est cet e-

  5   court.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous allez voir l'image sur l'écran de

  7   votre ordinateur.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Ici ?

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et vous allez pouvoir inscrire

 10   directement sur l'écran ce que vous demande de faire.

 11   Est-ce que van Lynden a un stylet ?

 12   M. SAXON : [interprétation] Oui, et j'en profite pour remercier Mme

 13   l'huissière de sa patience.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Saxon.

 15   Vous pouvez poursuivre.

 16   M. SAXON : [interprétation] Très bien.

 17   Q.  Donc là vous pouvez inscrire le numéro 1.

 18   R.  [Le témoin s'exécute]

 19   Q.  Ensuite 2, qui correspond à l'endroit où se trouve Stari Grad. Est-ce

 20   que vous voyez un aéroport sur cette image ?

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Attendez, Monsieur Saxon. Excusez-moi.

 22   Je ne sais pas si c'est un point qui est contesté.

 23   M. SAXON : [interprétation] Non, je ne pense pas.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Vous pouvez poursuivre.

 25   M. SAXON : [interprétation]

 26   Q.  Est-ce que vous êtes en mesure d'identifier l'aéroport sur cette image,

 27   le reconnaître ?

 28   R.  Oui, en effet.

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  1   Q.  Pourriez-vous apposer le chiffre 3 à cet endroit ?

  2   R.  [Le témoin s'exécute]

  3   Q.  Etes-vous en mesure d'identifier le quartier de Sarajevo qui s'appelle

  4   Dobrinja ?

  5   R.  Oui, en effet.

  6   Q.  Pourriez-vous entourer cela et inscrire à l'intérieur du cercle le

  7   chiffre 4.

  8   R.  [Le témoin s'exécute]

  9   Q.  Et en haut à gauche par rapport à Dobrinja, est-ce que vous êtes en

 10   mesure de reconnaître ce quartier ?

 11   R.  Cela est le quartier d'Alipasino Polje.

 12   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, encercler aussi ce quartier et à

 13   l'intérieur inscrire le numéro 5.

 14   R.  [Le témoin s'exécute]

 15   Q.  Je ne sais pas si cela est possible ou non. Etes-vous en mesure de

 16   trouver sur cette carte un quartier qui s'appelle

 17   Grbavica ?

 18   R.  De façon très approximative.

 19   Q.  Très bien.

 20   R.  Grbavica serait à peu près ici.

 21   Q.  Très bien.

 22   R.  Est-ce que vous voulez que j'inscrive le numéro 6 à l'intérieur ce

 23   cercle ?

 24   Q.  Oui. Merci.

 25   R.  [Le témoin s'exécute]

 26   Q.  Avant de poursuivre, on va revenir sur le chiffre numéro 1, que vous

 27   avez inscrit, donc on voit une longue ligne rouge. Pourriez-vous nous dire

 28   ce que c'est ?

Page 472

  1   R.  C'est la route principale qui va de l'ouest à l'est de Sarajevo et qui

  2   traverse toute la ville.

  3   Q.  Monsieur van Lynden, est-ce que vous connaissez une région qui

  4   s'appelle Zuc ?

  5   R.  Oui. J'y suis allé une fois au mois de décembre 1992 avec l'armée

  6   bosniaque.

  7   Q.  Est-ce que vous pouvez identifier cette zone sur la carte ?

  8   R.  Là, à nouveau, je serai assez approximatif, mais …

  9   Q.  Et vous avez inscrit le chiffre 7 à l'intérieur. Merci.

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Monsieur van Lynden, avant de quitter cette image qui est sur l'écran,

 12   je voudrais attirer votre attention sur cette élévation qui se trouve en

 13   haut à droite de l'image.

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Est-ce que cette image décrit toutes les élévations de la zone de cette

 16   région ?

 17   R.  Non, que je sache non. Ensuite il y a des montagnes qui sont encore

 18   plus élevées. Le terrain devient vraiment montagneux, et à partir des

 19   pentes au sud de la ville, on pouvait vraiment voir Sarajevo et les rues de

 20   Sarajevo, et sur cette image on ne voit pas cela.

 21   Q.  Au mois de mai 1992, pourriez-vous nous dire quelles sont les forces

 22   qui contrôlaient les élévations qui se trouvent en haut à droite de l'image

 23   ?

 24   R.  Les Serbes de Bosnie.

 25   Q.  Et au mois de mai 1992, est-ce que vous pourriez nous dire quelles sont

 26   les forces qui contrôlaient le restant des élévations autour de la ville de

 27   Sarajevo ?

 28   R.  Souhaitez-vous que je dessine les lignes de front ?

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  1   Q.  Si vous vous sentez capable de le faire, oui, pourquoi pas.

  2   R.  Là encore je ne vais pas être très précis parce que c'est une carte à

  3   grande échelle. Là, au niveau du chiffre 6, on voit Grbavica qui était

  4   contrôlé par les Serbes, c'est un quartier contrôlé par les Serbes, et

  5   peut-être que la zone qu'ils contrôlaient était un petit plus importante,

  6   plus large. Ensuite, je ne sais pas précisément où se trouvaient les lignes

  7   de front, mais de façon approximative, je peux vous indiquer que cela

  8   commençait à peu près ici. C'est là que se trouve la caserne de Lukavica,

  9   qui était tenue par les Serbes de Bosnie pendant toute la guerre.

 10   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, apposer le chiffre 8 à côté de cela.

 11   R.  Oui. Ensuite une partie de Dobrinja, que j'ai annotée avec le chiffre

 12   4, était aussi tenue par les Serbes. Il y avait la ligne de front qui

 13   passait par là. Quand je suis arrivé pour la première fois à Sarajevo au

 14   mois de mai 1992, la zone qui est notée par le chiffre 3, l'aéroport de

 15   Sarajevo, était aussi tenue par les Serbes. Les forces de l'ONU n'étaient

 16   pas encore arrivées, comme c'était le cas par la suite, pour prendre le

 17   contrôle de cette partie-là, à savoir de l'aéroport, et cela s'est produit

 18   d'ailleurs au mois de juillet 1992.

 19   Ensuite la zone que vous voyez ici, entre 4 et 5, c'est vers l'ouest, cela

 20   s'appelait Nedzarici et était tenue, contrôlée par les Serbes aussi.

 21   Ici, les lignes de front indiquées précisément, je ne suis pas très, très

 22   précis. Là, je parle de la section qui est tout à fait à l'ouest et en

 23   haut.

 24   Q.  Très bien.

 25   R.  Là, je suis en train d'annoter cela mais de façon approximative, donc

 26   la situation qui correspond au mois de mai 1992.

 27   Q.  Très bien.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'est-ce que vous

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  1   annotez ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] La ligne de front.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'est-ce que vous êtes en train de

  4   noter ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais comme je vous l'ai dit, ce n'est pas très

  6   précis.

  7   M. SAXON : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur van Lynden, vous avez inscrit une route qui relie le cercle 6

  9   au 4.

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Donc ceci correspond aux positions tenues par qui ?

 12   R.  Les Serbes contrôlaient une partie de la ville de Sarajevo qui

 13   s'appelait Grbavica. Ensuite il y avait Hrasno qui était plus à l'ouest et

 14   de l'autre côté il y avait Skenderija. Skenderija était entre les mains des

 15   Bosniens.

 16   Ensuite il y avait une ligne de front dans les montagnes, dans les

 17   collines, mais là je ne suis pas très précis, je ne sais pas exactement où

 18   elle était.

 19   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous montrer où se trouve Nedzarici ?

 20   R.  Oui. Je peux d'ailleurs l'inscrire sur la carte avec le chiffre 9.

 21   M. SAXON : [interprétation] Je vais demander que cette carte soit versée

 22   aux fins d'identification.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Pourriez-vous attribuer une

 24   cote à ce document.

 25   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P1 marquée aux

 26   fins d'identification.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

 28   M. SAXON : [interprétation]

Page 476

  1   Q.  Monsieur van Lynden, quand vous êtes arrivé pour la première fois à

  2   Sarajevo, c'était au mois de mai 1992, est-ce que vous avez commencé à

  3   produire des rapports, est-ce que vous vous êtes trouvé un endroit, une

  4   base pour faire vos rapports et pour filmer, tourner ?

  5   R.  Oui. Nous nous sommes installés dans ce qui était auparavant l'hôpital

  6   militaire du centre de Sarajevo, on était à l'étage supérieur, le dernier

  7   étage de cet immeuble.

  8   Q.  Vous êtes un journaliste de la télévision. Qu'est-ce qui est important

  9   pour vous par rapport à cet hôpital militaire ? Pourquoi vous êtes-vous

 10   installé là ?

 11   R.  C'était très important parce que c'était un immeuble très haut, donc 12

 12   ou 13 étages, et cela, à partir du balcon qui était d'un côté du bâtiment,

 13   on avait une très bonne vue sur la partie orientale de la ville, donc la

 14   vieille ville de Sarajevo. De l'autre côté, de l'autre balcon, on avait la

 15   vue sur le nouveau quartier, la partie occidentale. Juste en face de nous

 16   il y avait le parlement de Bosnie et la ligne de front entre les Bosniaques

 17   et les Serbes. Donc pour cela, cette position nous a permis de pouvoir bien

 18   filmer, tourner les émissions où on essayait de montrer les pilonnages ou

 19   les combats dans la ville et autour de la ville.

 20   Q.  Quand vous êtes allé pour la première fois dans cet hôpital militaire

 21   et quand vous avez décidé de tourner à partir de cet étage, le dernier

 22   étage, est-ce que vous avez pu remarquer des positions militaires des

 23   Bosniaques autour de l'hôpital, je parle des Musulmans de Bosnie.

 24   R.  Non, nous avons vraiment regardé avec beaucoup d'attention quelle était

 25   la situation. L'hôpital, quand on est arrivé là-bas au mois de mai 1992,

 26   avait déjà été touché à plusieurs reprises, il y avait des dégâts

 27   considérables. Il n'y avait pas seulement là des tirs des mitrailleuses,

 28   mais aussi du vrai pilonnage. Donc nous avons vérifié avec beaucoup

Page 477

  1   d'attention quelle était la situation dans la mesure où --

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Guy-Smith.

  3   M. GUY-SMITH : [interprétation] Le témoin s'exprime en pluriel, à la

  4   première personne du pluriel et pas au singulier. C'est pour cela que je

  5   formule mon objection, puisqu'il est là pour parler de ses observations

  6   personnelles, et s'il s'agit de cela je n'ai aucune objection. 

  7   Ensuite, quand il parle des incidents, il fait des conclusions par

  8   rapport à la condition du bâtiment ou des conditions au sujet de quoi que

  9   ce soit. Je ne vois pas sur la base de quoi il se fonde pour faire cela. Ce

 10   n'est peut-être pas critique mais je le dis tout de même.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne comprends pas de quoi vous

 12   parlez, est-ce que vous dites que le témoin ne peut pas dire ce qu'il a vu

 13   de ses propres yeux quelle était la situation du bâtiment, par exemple, à

 14   l'époque quand il a vu le bâtiment ?

 15   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je veux bien accepter votre suggestion,

 16   Monsieur le Président. Effectivement, il peut dire ce qu'il a remarqué avec

 17   ses propres yeux. Cela étant dit, il a aussi dit que le bâtiment avait été

 18   touché à plusieurs reprises et que c'était là du pilonnage et pas vraiment

 19   des armes légères, et dans ce cas-là, je peux dire qu'il n'y a pas vraiment

 20   de base détaillée pour corroborer de telles informations si précises.

 21   M. SAXON : [interprétation]

 22   Q.  Je vais essayer justement d'établir cette base. Est-ce que vous pouvez

 23   nous dire quelle est votre expérience, l'expérience qui vous a permis de

 24   tirer des conclusions sur les dégâts que vous avez pu observer ?

 25   R.  J'ai passé 13 années dans les zones touchées par la guerre. J'ai habité

 26   à Beyrouth. Je connais très bien quelle est la différence entre les dégâts

 27   provoqués par une mitrailleuse, ou même une mitrailleuse lourde, et le

 28   pilonnage. Je peux dire que dans le bâtiment où j'habitais à Beyrouth, ce

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  1   bâtiment a été touché aussi par le feu. Nous avons perdu tous les murs de

  2   l'appartement, les murs étaient en verre, et cela s'est produit à plusieurs

  3   reprises. Donc j'ai vu beaucoup de dégâts infligés aux bâtiments par

  4   différents types d'armes et d'obus. Je pense que je peux très bien faire la

  5   différence et comprendre immédiatement quel est le type d'obus ou d'arme

  6   qui a provoqué les dégâts.

  7   Q.  A nouveau, pour répondre à l'objection de la Défense, quand vous dites

  8   "nous" avons vérifié l'hôpital, et cetera, quand vous utilisez ce "nous", à

  9   qui faites-vous référence ?

 10   R.  Je m'excuse de cette imprécision, mais nous étions une équipe de

 11   télévision, nous étions trois à travailler ensemble, et nous avons vérifié

 12   tout cela ensemble. Mais peut-être que j'aurais dû être plus clair, plus

 13   précis dans la déclaration que j'ai faite, et si vous le préférez je peux

 14   dorénavant parler de moi, moi tout seul.

 15   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire si vous et votre équipe, si vous avez

 16   vu un indice, quelque chose qui indiquait que les forces bosniaques

 17   utilisaient cet hôpital comme une position militaire ?

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant la réponse, à quoi faites-vous

 19   référence quand vous parlez des "forces bosniaques" ?

 20   M. SAXON : [interprétation] Ce sont les forces qui s'opposaient aux Serbes

 21   de Bosnie.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense qu'il vaudrait mieux les

 23   utiliser par leur nom, comme ça vous êtes sûr d'être sur la même longueur

 24   d'onde que M. van Lynden.

 25   M. SAXON : [interprétation] Oui.

 26   Q.  Est-ce que vous et vos collègues avez pu tirer la conclusion que

 27   l'hôpital avait été utilisé comme une position par les forces qui

 28   s'opposaient à l'époque à l'armée des Serbes de Bosnie ?

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  1   R.  Non, nous n'étions pas en mesure de le faire. Même la première nuit

  2   quand on est arrivé, je peux dire qu'on est allé sur le toit pour vérifier

  3   - et là à nouveau je parle de "nous" - donc on y est allé tous les deux,

  4   moi et mon caméraman, on est allés chercher le reste des munitions, parce

  5   qu'on ne voulait pas s'installer dans un immeuble qui était considéré comme

  6   un objectif militaire. Donc on est arrivés à la conclusion que ce n'était

  7   pas le cas. On a posé la question aux gens de Sarajevo pour savoir si cet

  8   immeuble avait été utilisé par les militaires, les Bosniaques, et on nous a

  9   dit que ce n'était pas le cas.

 10   Pendant toute la période qu'on y a passée, on y est resté pendant des mois

 11   et des mois, on n'a jamais remarqué que cet immeuble-là ou des immeubles

 12   aux alentours étaient utilisés par les forces militaires de l'armée

 13   bosniaque, ou si vous voulez, de l'armée qui s'opposait aux Serbes de

 14   Bosnie.

 15   M. SAXON : [interprétation] Maintenant je vais demander qu'on montre au

 16   témoin le document 65 ter 9240. Le numéro ERN 0 --

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne sais pas si vous avez enregistré

 18   l'image tel quel ?

 19   M. SAXON : [interprétation] On l'a marquée aux fins d'identification, donc

 20   oui, l'image a été sauvegardée.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Donc l'image a été

 22   sauvegardée.

 23   M. SAXON : [interprétation] Bien.

 24   Cette image, ainsi que l'image suivante, sont dans votre dossier. Vous

 25   allez voir, c'est une image vraiment panoramique.

 26   Avec l'aide du technicien, je vais demander que l'on agrandisse la partie

 27   gauche de l'image pour commencer.

 28   Q.  Monsieur van Lynden, êtes-vous en mesure de voir le bâtiment de

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  1   l'hôpital militaire sur cette photo ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Pourriez-vous prendre à nouveau ce stylet magique et encercler

  4   l'endroit où se trouve l'hôpital militaire ?

  5   R.  [Le témoin s'exécute]

  6   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, inscrire le numéro 1 à l'intérieur de

  7   ce cercle.

  8   R.  [Le témoin s'exécute]

  9   M. SAXON : [interprétation] On vient de me dire, on vient de m'avertir,

 10   c'est la commis aux affaires qui m'a dit que je ne dois pas déplacer cette

 11   image, donc je ne vais pas le faire pour l'instant.

 12   Q.  Monsieur van Lynden, tant que nous sommes sur cette partie-là de

 13   l'image, pourriez-vous décrire ce que vous étiez en mesure de voir sur la

 14   droite de l'hôpital militaire ?

 15   R.  Sur la droite par rapport à l'image telle qu'elle se présente ?

 16   Q.  Oui.

 17   R.  Dans cette direction-là, on voit Sarajevo, la nouvelle Sarajevo.

 18   Q.  Pourriez-vous inscrire numéro 2.

 19   R.  Oui.

 20   Q.  A nouveau, sur la droite de l'hôpital, de ce qui était avant l'hôpital

 21   militaire, qu'est-ce que vous pouvez voir ?

 22   R.  Certainement le cœur de Sarajevo, la vieille ville de Sarajevo.

 23   M. SAXON : [interprétation] Je vais demander, Monsieur le Président, que

 24   cette image --

 25   Q.  Mais avant de le faire, on va encore rester avec l'image sur l'écran.

 26   Que pouviez-vous voir par rapport aux collines qui entourent Sarajevo,

 27   qu'est-ce que vous pouviez voir ?

 28   R.  A partir de l'étage en haut de l'immeuble, des deux côtés, c'est-à-dire

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  1   quand je parle de ce qu'on voyait vers l'ouest ou vers l'est, nous étions

  2   debout sur les balcons, donc on était assez exposé même si on pouvait

  3   s'abriter un petit peu, mais on était quand même assez exposé. Donc juste

  4   devant vous avez cette position qui regarde vers le sud, de là on avait la

  5   vue sur le parlement bosniaque et les lignes de front. Là, il n'y avait pas

  6   de fenêtre, presque toutes les fenêtres avaient été détruites dans toutes

  7   les pièces.

  8   Donc on était très exposé, dans une situation très exposée, on

  9   faisait très attention quand on y allait. Ce n'était pas vraiment une pièce

 10   dans laquelle vous pouvez vous rendre comme cela. Il fallait avoir des

 11   bonnes raisons pour y aller. Ce qu'on pouvait voir de là c'était le

 12   parlement de Bosnie, et comme j'ai dit aussi les collines au sud et les

 13   montagnes par la suite, et tout cela en direction du quartier de Grbavica

 14   que l'on pouvait voir de là.

 15   Q.  Et là on voit une flèche qui se dirige vers le chiffre 3, c'est la vue

 16   que vous aviez à partir de la partie est, du balcon est de l'hôpital; est-

 17   ce exact ?

 18   R.  Oui.

 19   M. SAXON : [interprétation] Je vais demander que cette pièce soit marquée

 20   aux fins d'identification.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Est-ce que vous pourriez

 22   attribuer une cote à cette image, Madame la Greffière.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P2.

 24   M. SAXON : [interprétation] Maintenant je voudrais revenir sur la version

 25   non annotée de cette pièce 65 ter 9240, et je voudrais demander que l'on

 26   zoome, qu'on agrandisse la partie droite de l'image, la photo.

 27   Q.  Si je vous ai bien compris, nous voyons ici une zone qui se trouve à

 28   l'est de ce qui était avant l'hôpital militaire ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Est-ce que vous connaissez le nom de ce quartier ?

  3   R.  C'est Stari Grad, la vieille ville.

  4   Q.  Puis-je vous demander d'indiquer ce quartier que vous avez appelé Stari

  5   Grad ?

  6   R.  [Le témoin s'exécute]

  7   M. SAXON : [interprétation] Peut-on donner une cote provisoire à ce

  8   document.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, peut-on lui donner une cote.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P3 MFI marquée aux

 11   fins d'identification.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 13   M. SAXON : [interprétation] Pourrait-on rapidement montrer au témoin le

 14   numéro 9241 de la liste 65, c'est l'image que vous avez ensuite dans votre

 15   classeur, c'est l'image numéro 12, autre vue panoramique de la ville,

 16   numéro ERN 0424-9164. Peut-on montrer la partie droite de l'image. Merci

 17   beaucoup.

 18   Q.  Monsieur van Lynden, est-ce que vous voyez l'ancien hôpital militaire

 19   ici ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Est-ce que vous pourriez l'entourer d'un cercle et apposer le chiffre 1

 22   ?

 23   R.  [Le témoin s'exécute]

 24   Q.  Qu'est-ce qu'elle nous montre cette photo ?

 25   R.  La photo a été prise du sud, disons, du centre des affaires à Sarajevo,

 26   sans doute a-t-elle été prise du quartier appelé Grbavica.

 27   Q.  L'ancien hôpital militaire qui porte maintenant le numéro 1, à sa

 28   gauche nous voyons deux grandes tours de couleur sombre, vous les

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  1   connaissez ?

  2   R.  C'est ce qu'on appelait les tours UNIS.

  3   Q.  Pourriez-vous les entourer d'un cercle et leur donner le numéro 2 ?

  4   R.  Vous avez un autre grand immeuble qui fait partie du parlement de

  5   Bosnie.

  6   Q.  Pourriez-vous indiquer du chiffre 3 le parlement de

  7   Bosnie ?

  8   R.  [Le témoin s'exécute]

  9   Q.  Est-ce que cette photo montre une partie qui est aussi plus à l'ouest

 10   de l'ancien hôpital militaire ?

 11   R.  Vers le sud et vers l'ouest, effectivement.

 12   M. SAXON : [interprétation] Peut-on donner une cote provisoire à cette

 13   photo.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, une cote, s'il vous plaît.

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P4 MFI, cote

 16   provisoire.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 18   M. SAXON : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur van Lynden, comment vous y êtes-vous pris pour envoyer vos

 20   reportages depuis Sarajevo, on est alors fin mai 1992 ?

 21   R.  De façon compliquée, ce n'était pas facile.

 22   Q.  Est-ce que vous pourriez nous l'expliquer simplement.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, de façon simple.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais m'efforcer de le faire. 

 25   A l'époque, SkyNews avait envoyé sa propre antenne parabolique

 26   satellitaire avec son équipe technique en Bosnie, mais tant l'antenne que

 27   l'équipe se trouvaient à Pale, c'était là le QG des Serbes de Bosnie, ainsi

 28   que tout l'appareil de montage pour les images. Nous, nous devions

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  1   quotidiennement, donc mon caméraman, l'opérateur son et moi-même, nous

  2   devions traverser les lignes de front pour sortir de Sarajevo pour aller

  3   dans le quartier d'Ilidza. C'est là que nous rencontrions le producteur de

  4   terrain à qui nous remettions les cassettes, et lui traversait Ilidza,

  5   l'aéroport de Sarajevo, dépassé Lukavica, pour remonter vers Pale.

  6   C'est là que le reportage était monté et envoyé par satellite à Londres. Il

  7   fallait que nous retraversions les lignes pour rentrer à Sarajevo. Il y a

  8   une règle d'or pour tout correspondant de guerre: il ne fallait pas

  9   franchir de lignes de front. C'est ce que nous devions faire tous les jours

 10   à Sarajevo et c'était périlleux.

 11   M. SAXON : [interprétation]

 12   Q.  Quelle était la situation après mai, au cours de l'été 1992, comment

 13   avez-vous envoyé vos reportages ?

 14   R.  En mai et en juin, nous avons fait ce que je viens de vous expliquer.

 15   Fin juin, nous sommes repartis. A ce stade, les Nations Unies s'étaient

 16   installées dans l'aéroport et nous avions amené avec nous à Sarajevo cette

 17   antenne parabolique qui se trouvait jusqu'alors à Pale. Ce qui veut dire

 18   qu'il ne fallait plus que nous franchissions de lignes pour pouvoir envoyer

 19   nos reportages à Londres.

 20   Q.  Pour vous, grand reporter pour votre équipe, quels étaient les

 21   avantages que vous retiriez de ce nouveau dispositif ?

 22   R.  Manifestement, c'était déjà bien de ne pas devoir subir de tirs quand

 23   on traversait les lignes.

 24   Q.  Autres avantages éventuellement ?

 25   R.  Quand vous avez vos propres moyens d'envoi, vous pouvez faire des

 26   reportages en direct. Vous avez le reporter qui est debout devant la caméra

 27   qui répond à des questions que vous pose en direct un journaliste, un

 28   présentateur qui se trouve en studio. C'est ce que nous avons pu faire fin

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  1   juin, juillet, jusqu'en août 1992.

  2   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de l'endroit à Sarajevo où vous avez

  3   installé cette antenne de SkyNews ?

  4   R.  Ça n'appartenait pas à SkyNews. Elle avait été louée par SkyNews et

  5   nous l'avons installée dans une partie du complexe hospitalier de Kosevo

  6   parce que c'était un chantier encore. L'hôpital n'était pas terminé, mais

  7   l'endroit était assez sûr, parce qu'on avait la protection de murs de béton

  8   sur trois côtés.

  9   Q.  Pour que tout soit clair, c'est un autre hôpital que l'ancien hôpital

 10   militaire dont nous avons parlé jusqu'à présent ?

 11   R.  Tout à fait. L'hôpital de Kosevo, c'est l'hôpital universitaire de

 12   Sarajevo. L'ancien hôpital militaire, son nom le dit, c'était un hôpital à

 13   des fins militaires. Depuis, il a changé de nom.

 14   Q.  Je ne devrais pas dire antenne de SkyNews, mais cette antenne

 15   satellitaire louée par SkyNews est restée sur le terrain de l'hôpital de

 16   Kosevo pendant toute l'année 1992 ?

 17   R.  Non. Elle a été déplacée, elle a été sortie de Sarajevo en mon absence.

 18   Cela a dû se faire début septembre ou fin août 1992.

 19   Q.  Lorsque arrive le début du mois de septembre, qu'avez-vous fait pour

 20   envoyer vos reportages ?

 21   R.  En septembre, j'étais à Pale, au QG des Serbes de Bosnie, et là nous

 22   avons pu utiliser les moyens de la télévision serbe pour envoyer nos

 23   reportages de Pale à la télévision de Belgrade, puis de là c'était envoyé

 24   par satellite à Londres.

 25   En octobre, en novembre, décembre, quand je me suis trouvé à Sarajevo, en

 26   tout cas à partir de fin octobre jusqu'en décembre 1992, j'étais à Sarajevo

 27   et nous avons envoyé nos reportages grâce à l'antenne satellitaire emmenée

 28   à Sarajevo par l'union de la radiodiffusion européenne et elle a été

Page 487

  1   installée à TV Sarajevo.

  2   Q.  Votre tout premier reportage pour SkyNews portait sur quoi à Sarajevo ?

  3   R.  C'était un reportage qui disait simplement comment étaient les rues de

  4   Sarajevo, comment les gens, les civils devaient courir s'ils voulaient

  5   traverser une rue.

  6   Q.  Pourquoi fallait-il que les gens traversent en courant ?

  7   R.  Parce qu'ils étaient --

  8   M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Guy-Smith.

 10   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense que nous nous apprêtons à nous

 11   trouver dans une situation que j'ai évoquée auparavant. La question suppose

 12   que le témoin dispose d'informations qui ne se trouvent pas dans la période

 13   couverte par l'acte d'accusation et il se peut que ceci contrevienne à la

 14   décision rendue par la Chambre le 15 mai.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'en pensez-vous, Monsieur Saxon ?

 16   M. SAXON : [interprétation] Si vous me le permettez, Messieurs les Juges,

 17   je peux vous dire pourquoi cette information est pertinente pour ce qui est

 18   des événements concernés par l'acte d'accusation.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Voici ce qui me préoccupe, Monsieur

 20   Saxon : est-ce que le moment est bien venu de démontrer la pertinence, ou

 21   est-ce que vous auriez dû le faire lorsque vous avez déposé votre requête ?

 22   Si ça n'a pas été le cas, quelles sont les bonnes raisons que vous auriez

 23   pour le faire maintenant ?

 24   M. SAXON : [interprétation] C'est justifié par la hâte qu'avait

 25   l'Accusation pour veiller à ce que ce témoin arrive ici et pour préparer sa

 26   déposition, et l'Accusation a oublié de faire la requête.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous avez un commentaire,

 28   Maître Guy-Smith ?

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  1   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je comprends le dilemme dans lequel s'est

  2   trouvée éventuellement l'Accusation pour ce qui est de la venue de ce

  3   témoin. Nous avons déjà évoqué ce problème auparavant, avant le début du

  4   procès. Ça portait sur le choix qu'opérait l'Accusation dans ses témoins.

  5   C'était à elle de décider et l'Accusation aurait peut-être pu s'occuper de

  6   certaines de ces difficultés. Mais l'idée a été rejetée, je ne sais pas

  7   pourquoi.

  8   Quoi qu'il en soit, au bout du compte ce témoin se trouve ici maintenant,

  9   et les informations que l'Accusation cherche à obtenir de ce témoin sont

 10   faites sans qu'on ait pu faire objection quant à la pertinence supposée de

 11   ces informations. Donc nous sommes mis à mal. Il faudra faire objection à

 12   chacune des questions au fur et à mesure qu'on les pose et qu'on y répond.

 13   Ou encore, l'Accusation doit nous expliquer pourquoi ces questions seraient

 14   pertinentes et nous devrions avoir un certain répit pour voir comment

 15   répondre de façon appropriée à ce qu'a dit l'Accusation, ainsi la Chambre

 16   pourra bénéficier de notre opinion eu égard et en tenant compte qu'il y a

 17   déjà une ordonnance.

 18   Maintenant, ici on n'a pas le délai de quatre semaines, vu les

 19   circonstances, mais nous n'avons pas du tout été informés de la question de

 20   la pertinence. J'aimerais avoir cette information. Il se peut que nous ne

 21   soyons pas en désaccord et que ce soit effectivement pertinent. Nous

 22   n'allons pas faire systématiquement objection.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais ça vous dérangerait si M. Saxon

 24   montrait que c'est pertinent maintenant ?

 25   M. GUY-SMITH : [interprétation] Moi, je m'oppose à ce qu'il le fasse en

 26   présence du témoin. Si le témoin sort du prétoire, pas de problème, il peut

 27   essayer d'attester de la pertinence. Nous aurons besoin de temps pour

 28   répondre adéquatement, ça c'est un autre problème. Je ne sais pas si vous

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  1   allez me demander de répondre immédiatement ou pas. Il faudra peut-être que

  2   j'aie un peu de temps pour le faire.

  3   Je comprends, nous sommes au début du procès, il y a une certaine pression

  4   exercée sur nous, parce que des choses sont arrivées et que personne ne

  5   savait maîtriser. C'est l'Accusation qui a décidé d'appeler ce témoin ici

  6   maintenant, et je pense que nous devrions pouvoir répondre de façon

  7   intelligente. Je ne demande pas, manifestement, quatre semaines pour

  8   répondre mais j'ai besoin d'un temps certain.

  9   Peut-être que M. Saxon va me convaincre, mais je voudrais qu'il essaie de

 10   le faire en l'absence du témoin. Cela serait préférable, parce que

 11   normalement c'est cela qu'on aurait dû faire.

 12   M. SAXON : [interprétation] Je suis tout à fait prêt à vous présenter ces

 13   conclusions et ces arguments en l'absence du témoin.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur van Lynden, vous voulez bien

 15   sortir du prétoire pendant quelques instants ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Volontiers.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 18   [Le témoin quitte la barre]

 19   M. GUY-SMITH : [interprétation] Avant que ne commence M. Saxon, je vous

 20   avais signalé ceci à l'avance pour gagner du temps, pour ne pas perdre de

 21   temps, pour que les gens soient déjà avertis de ce que allait évoquer cette

 22   question.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 24   Monsieur Saxon.

 25   M. SAXON : [interprétation] Pourquoi est-ce que ce que va dire ce témoin

 26   des événements antérieurs à la période couverte par l'acte d'accusation,

 27   fin 1992 et début 1993, c'est pertinent pourquoi, à divers titres ?

 28   Tout d'abord, parce que l'accusé se voit reprocher une responsabilité

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  1   pénale pour des crimes contre l'humanité qui se sont produits dans la ville

  2   de Sarajevo, et ce qui s'est passé en 1992, dont parlait ce témoin, c'est

  3   pertinent afin de montrer le côté systématique et généralisé des attaques

  4   dirigées contre les civils dans la ville de Sarajevo au début de 1992, mais

  5   attaques qui se sont poursuivies jusqu'en 1995.

  6   Autre raison, ce que va dire ce témoin est pertinent, mais à titre

  7   plus personnel, dirais-je, et concerne plus personnellement le présent

  8   accusé. Ce sera pertinent au regard des chefs retenus contre M. Perisic en

  9   application de l'article 71 du Statut, pour montrer que M. Perisic avait

 10   connaissance de la haute probabilité de ce que sa participation au fait que

 11   des armes, des munitions entre autre équipement ont été fournis à l'armée

 12   de la VRS, la Republika Srpska, ou contribueraient de façon substantielle à

 13   la commission des crimes à Sarajevo, comme le dit l'annexe A du deuxième

 14   acte d'accusation modifié. Des éléments de preuve concernant 1992 sont

 15   pertinents pour voir quel était le volume d'information et le degré de

 16   connaissance que M. Perisic avait par rapport à l'élément moral du fait

 17   d'aider et d'encourager.

 18   Troisième raison, 1992, c'est important au regard des allégations

 19   trouvées dans le deuxième acte d'accusation modifié, à savoir qu'en

 20   application de l'article 7.3 du Statut, la responsabilité pénale

 21   individuelle de M. Perisic est engagée pour des crimes commis à Sarajevo et

 22   repris à l'annexe B-7 [comme interprété].  Cet élément de preuve est

 23   pertinent pour montrer qu'en raison des informations qu'il avait à sa

 24   disposition, des événements se produisant à Sarajevo, il savait ou avait

 25   des raisons de savoir que ses subordonnés de l'armée de la Republika Srpska

 26   s'apprêtaient à commettre ou avaient déjà commis ces crimes.

 27   Ce point est contesté. C'est un des points du litige. Dans le mémoire

 28   préalable au procès, paragraphe 135(u) de la Défense, la Défense dit

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  1   contester ce qu'affirme l'Accusation, à savoir que M. Perisic était

  2   parfaitement informé des événements retenus dans l'acte d'accusation dont

  3   des violations du droit international qui s'étaient produites en Bosnie-

  4   Herzégovine.

  5   Je vous rappelle la jurisprudence du procès Boskoski-Tarculovski,

  6   affaire numéro IT-04-82-T, décision orale, du Président de la Chambre,

  7   Parker, rendue le 2 juillet 2997, page 2 921 du compte rendu d'audience. La

  8   Chambre a estimé et a conclu que : "La publication d'informations

  9   concernant des actes commis par les subordonnés, le supérieur hiérarchique

 10   qui est accusé, acte commis pendant la période antérieure à l'acte

 11   d'accusation, peut informer ses supérieurs hiérarchiques, d'abord l'avertir

 12   de la possibilité, la perspective de fautes commises ou d'actes

 13   répréhensibles commis par ses subordonnés, et deuxièmement, s'il y a des

 14   allégations d'actes répréhensibles commis plus tard, qui se commettent

 15   pendant la période couverte par l'acte d'accusation, ceci donne d'autant

 16   plus de raisons au supérieur hiérarchique d'agir parce qu'il a déjà eu des

 17   informations sur ces crimes." Voilà.

 18   Pour ce qui est de ces trois éléments - l'aspect systématique

 19   généralisé, article 7.1, élément moral au titre du 7.3 du Statut - ces

 20   informations concernant 1992, nous estimons que ceci est hautement

 21   pertinent pour ce qui est de ce procès.

 22   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je crois que la sagesse manifestée

 23   par la Chambre dans cette décision antérieure se remarque ici une fois de

 24   plus. Effectivement, il ne serait pas sage que je réponde directement

 25   maintenant aux arguments présentés à l'instant par M. Saxon sur ce sujet

 26   capital. La hâte n'est pas bonne conseillère. Il me faudra un certain temps

 27   pour réagir à ces arguments qui viennent d'être présentés. La situation

 28   n'est pas telle que je me sente à l'aise pour répondre en quelques mots,

Page 492

  1   pour riposter.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Votre problème, c'est que vous

  3   faites objection, mais il faut que la déposition du témoin se poursuive.

  4   M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est la raison pour laquelle j'ai

  5   soulevé la question auparavant.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je comprends.

  7   M. GUY-SMITH : [interprétation] Le problème qui se pose maintenant, c'est

  8   que, si je comprends bien l'argumentaire de M. Saxon, à première vue, de

  9   prime abord, il faudrait que la Chambre réexamine son ordre donné

 10   auparavant, son ordonnance.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si je comprends bien cette ordonnance,

 12   elle dit que les parties, l'Accusation y compris, ne sont pas autorisées à

 13   obtenir des éléments qui ne tombent pas dans la période couverte par l'acte

 14   d'accusation à moins que la partie ne montre la pertinence de cet élément.

 15    M. GUY-SMITH : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord avec vous,

 16   Monsieur le Président, mais il y a une deuxième partie. Si cette situation

 17   se présente, il faut qu'elle nous en avertisse de façon à ce que nous

 18   puissions nous préparer une réponse. C'est ici que le bât blesse. Ce n'est

 19   pas simplement le tout de montrer la pertinence. A vous de décider, bien

 20   entendu, mais je suis tout à fait d'accord si on parvient à montrer la

 21   pertinence, mais nous, nous devons avoir l'occasion de répondre.

 22   Mais j'ai vu ce que M. Saxon a dit. Peut-être que je n'aurais pas dû

 23   l'avertir de mon inquiétude, mais moi, je ne voulais pas justement

 24   interrompre l'audition du témoin. C'est pour ça que j'avais évoqué la

 25   question avant qu'il n'arrive dans ce prétoire, dès que je me suis rendu

 26   compte du type de témoignage que nous allions entendre. Parce que c'est

 27   quand même le premier témoin cité à la barre, et je me disais qu'il était

 28   préférable d'en parler tout de suite.

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  1   Moi, je suis pris dans un dilemme. Je comprends votre préoccupation, je

  2   sais ce que vous voulez faire, mais ce ne serait pas rendre justice à M.

  3   Perisic si maintenant je dégainais et si je répondais au débotté sur cette

  4   question. Ce que je demande n'est pas déraisonnable. Je demande simplement

  5   une toute petite période de temps pour pouvoir répondre; au moins un jour,

  6   au moins.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous demandez une suspension ?

  8   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui. Je pense que c'est la chose la plus

  9   prudente à faire, et je m'en excuse.

 10   [La Chambre de première instance se concerte]

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous voulez encore intervenir, Maître

 12   Guy-Smith ?

 13   M. GUY-SMITH : [interprétation] Il y a peut-être une solution de rechange.

 14   Si vous souhaitez poser d'autres questions sur d'autres parties qui ne

 15   posent pas problème dans le cadre de son témoin, on pourrait peut-être de

 16   cette façon parer au problème. On n'aurait plus que cette question bien

 17   circonscrite telle qu'elle vient d'être exprimée par l'Accusation pour

 18   laquelle il y aurait suspension si vous êtes d'accord.

 19   J'essaie de savoir comment ne pas perdre de temps. On pourrait ainsi

 20   gagner un peu de temps. Je ne sais pas si ceci convient à M. Saxon.

 21   M. SAXON : [interprétation] En toute honnêteté, les éléments de

 22   preuve qui ne seraient pas concernés par cette question ne sont qu'une

 23   infime portion de ce que nous voulons poser comme question au témoin.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith, voici l'avis de la

 25   Chambre. La question est vraiment très simple. Le tout est de savoir s'il y

 26   avait des attaques généralisées systématiques sur la population civile ou

 27   pas, est-ce que l'accusé en avait connaissance, en était averti. Il faut

 28   prouver les éléments constitutifs du concept juridique de l'avis, du fait

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  1   d'être avisé de la notification, "notice" en anglais. La Chambre a du mal à

  2   voir combien de temps vous serait nécessaire dans cette journée que vous

  3   demandez pour répondre et pour fournir cette explication.

  4   M. GUY-SMITH : [interprétation] J'ai pour coutume de ne pas polémiquer avec

  5   les Juges de la Chambre, et lorsqu'une Chambre se prononce de la façon dont

  6   vous venez de faire, j'essaie de voir comment je peux battre légèrement en

  7   retraite tout en maintenant les inquiétudes que j'ai dans la défense de mon

  8   client.

  9   A cet égard, une issue pour répondre à ce problème de façon immédiate, ce

 10   serait de consigner mon objection au compte rendu d'audience, serait que M.

 11   Saxon poursuive son interrogatoire principal sachant que c'est ici un

 12   aspect de la déposition du témoin, pour autant qu'effectivement je conteste

 13   ce qu'il a dit lorsque j'aurais eu le temps de réfléchir --

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] De toute façon, l'heure de la pause

 15   est arrivée.

 16   M. GUY-SMITH : [interprétation] -- pendant la pause, je vais y réfléchir,

 17   et si j'ai d'autres objections, si vous estimez que plus tard vous pourrez

 18   supprimer cette partie de la déposition du témoin, fort bien; si vous

 19   décidez de le conserver -- j'essaie de trouver une solution.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous en remercie vivement.

 21   Effectivement, le moment est venu de faire la pause. La Chambre va

 22   s'abstenir de rendre une décision, comme ça vous aurez le temps de la pause

 23   pour réfléchir. Nous reprendrons à midi et demi.

 24   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vous remercie.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'audience est suspendue.

 26   --- L'audience est suspendue à 12 heures 00.

 27   --- L'audience est reprise à 12 heures 31.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith.

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  1   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, j'ai eu l'occasion de réfléchir. Je

  2   n'ai que quelques éléments à vous présenter, ensuite je m'en remettrai à

  3   votre décision.

  4   Si on se rapporte au paragraphe 40 de l'acte d'accusation, on voit quelle

  5   est la période considérée par le chef d'accusation consistant à avoir aidé

  6   et encouragé entre août 1993 à novembre 1995, pour Sarajevo, puis il y a 

  7   le paragraphe 45 de l'acte d'accusation dans lequel l'Accusation affirme,

  8   A, les crimes en question consistaient en un grand nombre d'actes criminels

  9   isolés commis dans la capitale de la Bosnie-Herzégovine pendant une longue

 10   période; B, les médias, les organisations intergouvernementales, les

 11   négociateurs internationaux et les organisations non gouvernementales ont

 12   largement fait écho à ces crimes souvent sur la base de témoignages

 13   directs, et ceci nous renvoie à la période que j'ai mentionnée

 14   précédemment, août 1993 à novembre 1995, si je tiens compte du paragraphe

 15   17 de la décision de la Chambre que j'ai mentionné précédemment, je vous

 16   rappelle que -- je cite que la Chambre avait statué de la manière suivante

 17   :

 18   "La Chambre de première instance conclut que les incidents cités à l'acte

 19   d'accusation, y compris les crimes qui sont énumérés à l'acte d'accusation,

 20   leur nature, leur classification, et cetera, sont suffisamment

 21   représentatifs des faits reprochés à l'accusé."

 22   Je vous renvoie à la suite de la décision.

 23   Je ne pense pas que l'Accusation affirme qu'entre août 1993 et novembre

 24   1995 les médias n'ont pas été présents à Sarajevo, si bien qu'il serait

 25   besoin de fournir des éléments supplémentaires pour prouver que mon client

 26   était informé, comme il l'affirme. Et si c'est effectivement un point qui

 27   vous semble important, qu'il doive prouver - et je ne suis pas en désaccord

 28   avec cela - s'il faut prouver que mon client était informé, était au

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  1   courant, à ce moment-là il faut le prouver pour la période couverte par

  2   l'acte d'accusation étant donné que la Chambre de première instance s'est

  3   déjà penchée sur la question de la portée de ces faits.

  4   Je ne sais pas si nous allons ultérieurement nous retrouver dans la même

  5   situation, j'espère que non - mais je dois ajouter que nous sommes dans une

  6   position intenable, une position regrettable du point de vue de la

  7   procédure. Pourquoi, parce que l'Accusation ne s'est pas conformée à une

  8   ordonnance de la Chambre dont elle a reconnu la validité dans des écritures

  9   déposées peu après la décision de la Chambre à laquelle j'ai fait

 10   référence. Je crois qu'ils l'ont mentionné dans une requête qu'ils ont

 11   faite aux fins de modifier la liste 65 ter.

 12   Nous sommes placés dans une position extrêmement inconfortable, mais je

 13   vais en rester là pour l'instant.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Guy-Smith.

 15   Je ne sais pas si vous avez quelque chose à rajouter, Monsieur Saxon.

 16   M. SAXON : [interprétation] Non.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Je vais vous proposer une

 18   solution, parce que le temps nous est compté, bien entendu. Voilà. Nous

 19   allons poursuivre l'audition du témoin. Si à un moment quelconque de sa

 20   déposition la Défense a le sentiment qu'il convient de supprimer une partie

 21   de sa déposition, pour une raison qui vous appartient à ce moment-là, nous

 22   procéderons à cela, à cet exercice.

 23   Mais le témoin est là, donc écoutons ce qu'il a à nous dire, puis

 24   nous aviserons.

 25   M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci de votre considération.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous en prie.

 27   Faisons entrer le témoin.

 28   [Le témoin vient à la barre]

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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur le Témoin, je souhaite vous

  2   présenter les excuses de la Chambre. On vous a laissé attendre assez

  3   longtemps dehors de ce prétoire alors que vous aviez commencé à déposer.

  4   Mais parfois il y a des questions de procédure qu'il convient de régler. Ça

  5   arrive.

  6   Monsieur Saxon, c'est à vous.

  7   M. SAXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   Q.  Avant que vous ne quittiez ce prétoire, Monsieur van Lynden, je vous ai

  9   demandé, me semble-t-il, quel était le sujet du premier reportage que vous

 10   avez fait pour SkyNews à Sarajevo. Est-ce que vous pourriez nous en parler

 11   ?

 12   R.  Cela portait sur la vie dans les rues de Sarajevo, et on y voyait des

 13   images d'habitants qui couraient en traversant les rues et ils couraient

 14   pourquoi ? Parce qu'ils avaient peur de se faire tirer dessus.

 15   Q.  Vous parlez de "gens qui couraient dans la rue." Est-ce que c'étaient

 16   des civils ou des soldats, ces gens-là ?

 17   R.  Il s'agissait de civils.

 18   Q.  Vous dites que "les gens traversaient les rues en courant, parce qu'ils

 19   avaient peur de se faire tirer dessus," et il s'agissait de civils donc. Si

 20   vous êtes en mesure de nous le dire, pouvez-vous nous préciser quelles

 21   étaient les forces militaires qui procédaient à ces tirs et qui créaient

 22   cette crainte ?

 23   R.  Les tirs provenaient des collines au-dessus de Sarajevo, qui dominent

 24   Sarajevo, et il s'agissait des Serbes de Bosnie qui procédaient à ces tirs.

 25   Q.  Pourquoi avez-vous décidé de consacrer une partie de votre reportage

 26   aux gens qui traversaient les rues en courant ?

 27   R.  Parce que c'était assez différent de la manière dont nous vivons, nous,

 28   habitants des villes. Sarajevo se distinguait en cela des autres villes du

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  1   monde. Je dois ajouter que j'avais vécu pendant quatre ans de guerre à

  2   Beyrouth, une ville divisée par ce qu'on appelait la ligne verte. C'est

  3   vrai qu'il y avait des zones à côté de la ligne verte qui étaient

  4   extrêmement dangereuses, il ne fallait pas s'y aventurer, mais on ne peut

  5   pas dire qu'à Beyrouth les gens ne pouvaient pas vaquer à leurs occupations

  6   continuelles. Souvent c'était possible.

  7   Alors qu'à Sarajevo les choses étaient complètement différentes à

  8   cause de la disposition des lieux, parce que c'est une ville qui s'étend en

  9   longueur le long de la vallée, et ceux qui tiraient sur la ville occupaient

 10   des positions dominantes. Ils pouvaient voir dans les rues de Sarajevo

 11   depuis l'endroit où ils se tenaient.

 12   Q.  Merci, Monsieur van Lynden.

 13   M. SAXON : [interprétation] Je souhaiterais présenter des extraits de vidéo

 14   à M. van Lynden. Ce ne sont pas des images qui ont été réalisées par M. van

 15   Lynden ou par son équipe de SkyNews. Ce sont des images qui ont été

 16   réalisées par Zoran Lisic, un habitant de Sarajevo, au cours du mois de

 17   septembre ou d'octobre 1992. Mais je pense que M. van Lynden pourra

 18   commenter ces images. J'aimerais donc lui présenter cette vidéo et lui

 19   poser des questions.

 20   Il s'agit de la pièce 65 ter 3062, un extrait de cette pièce du code

 21   horaire suivant : 9 minutes à 9 minutes 20. Nous allons commencer au code

 22   horaire suivant : 9 minutes 04.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   M. SAXON : [interprétation]

 25   Q.  Précisons les choses. Quand vous étiez à Sarajevo en 1992, est-ce que

 26   vous avez personnellement vu des gens traverser des carrefours en courant,

 27   comme ceux qu'on voit actuellement à l'écran au code horaire 9 : 05.2 ?

 28   R.  Oui.

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  1   M. SAXON : [interprétation] J'aimerais qu'on avance.

  2   [Diffusion de la cassette vidéo]

  3   M. SAXON : [interprétation] J'aimerais qu'on nous remontre la dernière

  4   image à 9 minutes 20. Oui. Faisons un arrêt sur image.

  5   Q.  On voit garé en travers de cette rue un grand camion bleu, à 9 : 21. Il

  6   semble qu'il y a quelque chose à l'intérieur. Est-ce que vous avez vu des

  7   camions de ce type au niveau des carrefours à Sarajevo à cette époque-là ?

  8   R.  Oui, il y avait des camions ou des conteneurs que l'on avait disposés

  9   au niveau des carrefours. On les avait superposés. Il y avait des bâches

 10   aussi que l'on tendait en travers des rues, et je vois qu'ici le camion est

 11   rempli d'herbe.

 12   Q.  Mais quel était l'objectif de cet exercice ? Pourquoi est-ce qu'on

 13   garait ainsi ces camions en travers des rues ou des carrefours ?

 14   R.  C'était pour permettre aux piétons, ou même aux automobilistes de

 15   traverser ces carrefours en courant moins de risques. C'était pour les

 16   cacher à la vue de ceux qui se trouvaient sur les collines en haut de la

 17   ville.          

 18   Q.  Avec quelle fréquence avez-vous pu voir des gens qui couraient dans les

 19   rues de Sarajevo pendant cette période de 1992 ?

 20   R.  C'était quotidien, chaque jour.

 21   Q.  Une autre question. Ces gens qui couraient, comme on le voit dans cette

 22   séquence vidéo, pouvez-vous la comparer avec le contenu de votre premier

 23   reportage pour SkyNews ?

 24   R.  C'était assez semblable. La seule différence, c'est que dans ce premier

 25   reportage, nous avons également montré un vieil homme, un vieil homme

 26   voûté. Je me rappelle qu'il avait une canne et il essayait de se dépêcher

 27   au mieux, mais il n'arrivait pas vraiment à courir.

 28   Q.  Est-ce que vous avez vous-même pu voir des civils touchés par les tirs

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  1   venant des positions des Serbes de Bosnie?

  2   R.  Non, je n'ai jamais assisté en fait à l'impact même, mais à plusieurs

  3   reprises nous avons vu des gens qui avaient été blessés ou tués par ces

  4   tirs. Nous avons vu ces gens étendus dans la rue ou sur le trottoir.

  5   Q.  Vous parlez de "gens." Est-ce qu'il s'agit de civils, est-ce qu'il

  6   s'agit de militaires ? Je repose ma question.

  7   R.  Il s'agit de civils.

  8   Q.  Merci.

  9   M. SAXON : [interprétation] J'aimerais, Monsieur le Président, demander le

 10   versement au dossier de cet extrait vidéo, de cette séquence vidéo du code

 11   horaire suivant : 9 : 00 à 9 : 21, extrait de la pièce 3062. Le numéro ERN

 12   est le suivant -- je vais vous le donner tout de suite.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith.

 14   M. GUY-SMITH : [interprétation] Si j'ai bien compris, il ne s'agit pas là

 15   d'une séquence vidéo qui a fait l'objet d'une diffusion, mais il s'agit

 16   simplement d'une séquence vidéo à partir de laquelle on demande au témoin

 17   si ce genre de scène était représentative de ce à quoi il à pu assister.

 18   Premièrement, c'est un incident qui ne figure pas dans l'acte d'accusation;

 19   deuxièmement, on ne parle pas ici de la période couverte par l'acte

 20   d'accusation; et je ne vois pas en quoi ça peut avoir un rapport avec la

 21   notification ou l'information de mon client, donc objection.

 22   M. SAXON : [interprétation] Le témoin nous a dit qu'il avait préparé un

 23   reportage pour SkyNews, qui était très semblable à ces images. Voilà la

 24   raison pour laquelle ces images sont pertinentes, selon nous.

 25   M. GUY-SMITH : [interprétation] A ce moment-là, montrez-nous plutôt cette

 26   vidéo, la vidéo qui explique que nous soyons en train de regarder cette

 27   séquence. Parce que là on est décalé, on est en train de regarder des

 28   éléments ou des images qui sont en rapport avec un incident qui ne figure

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  1   pas à l'acte d'accusation.

  2   M. SAXON : [interprétation] Effectivement, au Tribunal, nous sommes tenus

  3   de présenter les éléments de preuve les plus valables que nous puissions

  4   trouver. Malheureusement, nous n'avons pas trouvé le premier reportage de

  5   M. van Lynden, mais ça ressemble beaucoup aux images qui viennent d'être

  6   présentées. Selon nous, nous sommes en train de présenter ici les meilleurs

  7   éléments de preuve disponibles.

  8   M. GUY-SMITH : [interprétation] Il y a deux questions différentes qui se

  9   posent ici. Ici, nous n'avons pas les meilleurs éléments de preuve dans

 10   l'absolu, puisque notre témoin a produit un reportage qui a été diffusé. Or

 11   la séquence vidéo que nous venons de voir, en dehors des questions

 12   d'authenticité, de l'endroit où elle a été réalisée, et cetera, et on n'en

 13   sait pas grand-chose, enfin c'est plutôt vague - on nous a donné une

 14   période de plusieurs mois - et il y a toutes sortes d'autres questions qui

 15   n'ont pas été résolues.

 16   Très franchement, je pense que M. Saxon se sert de cette règle du meilleur

 17   élément de preuve disponible d'une façon un peu étrange. En fait, il est en

 18   train de remplacer un élément de preuve par autre chose parce que le

 19   reportage du témoin a été diffusé. Il ne s'agissait pas simplement de

 20   dépeindre la situation telle qu'elle existait à un moment donné, puisque M.

 21   Saxon nous a dit que la pertinence de tous ces éléments, c'est pour

 22   indiquer que mon client était informé. Donc c'est important que les images

 23   aient été effectivement diffusées sur les ondes de la télévision.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Oui, Monsieur Saxon. Le problème

 25   c'est que la séquence que nous venons de voir n'a pas été diffusée, alors

 26   comment est-ce que ça peut nous donner un élément d'information sur la

 27   notification donnée à l'accusé ? Comment est-ce qu'on peut le déduire ?

 28   Est-ce que vous pouvez continuer à rechercher ce reportage réalisé par M.

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  1   van Lynden et le verser au dossier un peu plus tard ?

  2   M. SAXON : [interprétation] C'est tout à fait possible et, bien entendu,

  3   nous allons nous efforcer de le trouver.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pour ces raisons, la séquence vidéo

  5   que nous venons de visionner ne sera pas versée au dossier.

  6   M. SAXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  7   Maintenant, je souhaiterais présenter au témoin un certain nombre de

  8   reportages qui ont été réalisés par le témoin et son équipe à Sarajevo et

  9   qui ont été diffusés sur les ondes de SkyNews. Les vidéos que vous allez

 10   voir ont été versées au dossier de l'affaire Slobodan Milosevic et font

 11   partie de la pièce D192. Elles ont également été versées au dossier de

 12   l'affaire Galic, sous les cotes P/540.5.1.

 13   Une question d'ordre technique avant de visionner la première séquence.

 14   Vous verrez le transcript en B/C/S défilé en bas de l'image. De cette

 15   manière, l'accusé pourra suivre ce qui se dit dans ces vidéos. Nous autres,

 16   bien entendu, nous pourrons écouter l'anglais. La question que je vous pose

 17   est la suivante : est-ce que vous souhaiteriez que les interprètes de la

 18   cabine B/C/S lisent le texte en B/C/S qui va apparaître à l'écran pour que

 19   ce texte puisse être consigné au compte rendu d'audience de l'affaire ?

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais il n'y a pas de compte rendu en

 21   B/C/S, Monsieur Saxon.

 22   M. SAXON : [interprétation] Non, mais je pensais aux dossiers, aux

 23   enregistrements vidéo, les enregistrements sonores des audiences.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Dans la mesure du possible, si les

 25   interprètes de la cabine B/C/S peuvent le faire, je ne sais pas, mais je ne

 26   sais pas si ça ne va pas perturber M. Perisic alors qu'il s'efforcera lui-

 27   même de lire ce qui est affiché à l'écran, en même temps il entendra

 28   quelqu'un lui parler dans ses écouteurs. Je me demande si ça ne va pas le

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  1   gêner.

  2   M. SAXON : [interprétation] Tout à fait.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne sais pas si la Défense a quelque

  4   chose à dire à ce sujet.

  5   M. LUKIC : [interprétation] Je crois que M. Perisic aura plus de facilité à

  6   suivre s'il peut lire le texte à l'écran. Donc je ne pense pas qu'il soit

  7   nécessaire que les interprètes donnent lecture des sous-titres.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

  9   Donc je vais demander aux interprètes de la cabine B/C/S de ne pas lire les

 10   sous-titres.

 11   M. SAXON : [interprétation] La première séquence vidéo a été filmée dans la

 12   nuit du 4 au 5 juin 1992. Pièce 4347 sur la liste 65 ter. La durée de cette

 13   vidéo est de 3 minutes 35 secondes. Nous n'allons en montrer que 1 minute

 14   et 53 secondes.

 15   Q.  Monsieur van Lynden, au tout début de cette séquence vidéo, au point 00

 16   : 00 : 4, pouvez-vous nous expliquer ce qu'on voit ?

 17   R.  Ça, ça a été rajouté à Londres, dans les bureaux de SkyNews. Dès que

 18   vous avez un reportage, on lui donne un nom, à ce reportage. L'émission

 19   s'appelle 21 heures. Vous avez ensuite l'heure d'été en Angleterre, le jour

 20   vendredi et la date.

 21   Q.  Vous parlez de la date de la diffusion, mais que peut-on dire de la

 22   date à laquelle ces images ont été tournées ?

 23   R.  Je vous l'ai déjà expliqué. Je vous ai expliqué que c'était très

 24   compliqué pour moi d'envoyer mes images à Londres à ce moment-là. Donc les

 25   images que vous allez voir, elles ont été filmées soit le matin du 5 juin,

 26   soit la veille.

 27   Q.  Merci.

 28   M. SAXON : [interprétation] Nous allons commencer à visionner cette vidéo,

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  1   et nous arrêter à 19 secondes.

  2   [Diffusion de la cassette vidéo]

  3   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  4   LE REPORTER : "Parmi les minarets de la ville, les roquettes tombent --"

  5   M. SAXON : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur van Lynden, nous voyons des lumières qui défilent ou qui

  7   traversent l'écran. Est-ce que vous pouvez nous dire de quoi il s'agit ?

  8   R.  Il s'agit de tirs de mitrailleuses de divers calibres, avec sans doute

  9   des canons antiaériens de 20 à 30-millimètres.

 10   Q.  Quelle est la voix que l'on entend sur ce reportage ? 

 11   R.  C'est la mienne.

 12   M. SAXON : [interprétation] Pouvons-nous arrêter là.

 13   Q.  D'où provenaient ces tirs ?

 14   R.  Ils venaient des positions tenues par les Serbes de Bosnie au sud de

 15   Sarajevo.

 16   Q.  Ce soir-là, est-ce que vous avez eu des tirs qui provenaient de

 17   l'intérieur de Sarajevo et qui étaient dirigés vers les positions des

 18   Serbes de Bosnie ?

 19   R.  Non, pas de tirs venant de Sarajevo. Il y avait des combats sur la

 20   ligne de front également; et là, forcément, il a dû y avoir des tirs en

 21   retour. Mais je n'ai vu aucun tir provenant de l'intérieur de la ville.

 22   M. SAXON : [interprétation] J'aimerais qu'on poursuive le visionnage.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   M. SAXON : [interprétation] Continuons, s'il vous plaît.

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 27   LE REPORTER : "Pendant les six heures qui suivent, les tirs ne diminuent

 28   pas en intensité. Plongée dans une lueur sinistre, la ville est touchée de

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  1   tous côtés  par tous les projectiles qu'on puisse imaginer. Les lueurs des

  2   tirs de mitrailleuses survolent les toits et explosent lorsqu'ils

  3   atteignent leurs cibles."

  4   M. SAXON : [interprétation]

  5   Q.  Arrêtons-nous ici à 1 minute 14 secondes. On voit ces tirs, ces tirs de

  6   nuit sur Sarajevo. A partir de l'expérience qui est la vôtre, à partir de

  7   ce que vous savez, les tirs de roquettes, les tirs de mitrailleuses, est-ce

  8   que de nuit ces tirs sont plus précis, moins précis que de jour, ou est-ce

  9   que finalement c'est du pareil au

 10   même ?

 11   R.  Un observateur regardant ce qui se passe, regardant ces tirs, et en

 12   contact avec le chef d'une batterie de tirs, d'une batterie d'artillerie,

 13   vous dira que c'est plus difficile de nuit. Mon expérience tend à me faire

 14   dire que c'est plus difficile de nuit et des professionnels m'ont dit qu'il

 15   était plus difficile de tirer précisément de nuit que de jour.

 16   M. SAXON : [interprétation] Continuons la vidéo.

 17   [Diffusion de la cassette vidéo]

 18   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 19   LE REPORTER : "Des obus frappent les bâtiments et les engloutissent en

 20   quelques secondes dans des flammes. Des étincelles illuminent le sommet

 21   d'une colline après une volée de tirs de mortiers. La ville est

 22   complètement dévastée, oblitérée, alors que le monde regarde ce qui se

 23   passe mais reste les bras croisés."

 24   M. SAXON : [interprétation]

 25   Q.  Est-ce que c'est vous que nous avons vu à l'écran il y a quelques

 26   secondes, vers 1 minute 45, 1 minute 50 ?

 27   R.  Effectivement.

 28   Q.  Vous parlez d'une dévastation, destruction totale de la ville, vous

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  1   parlez d'une ville qui est carrément oblitérée, rayée de la carte. Pourquoi

  2   est-ce que vous affirmiez cela ?

  3   R.  Ce qu'on voit ici à l'écran, ça dure quelques secondes, mais nous, nous

  4   avons vu ce type de scène se poursuivre pendant des heures. Alors qu'est-ce

  5   qui se passait ? Il y avait des obus, des obus de mortier, des bombes, des

  6   canons de divers calibres qui tiraient sur la ville partout. Il n'y avait

  7   pas qu'un seul endroit de la ville qui était ciblé. Non. Ces projectiles

  8   divers et variés, ils touchaient toute la ville. Les tirs étaient tels

  9   qu'on pouvait vraiment parler de tir très nourri. Nous avions le sentiment

 10   que c'est toute la ville qui était prise pour cible. C'est l'impression qui

 11   était la nôtre.

 12   Q.  Ces images ont été filmées au cours de cette nuit. Est-ce que cette

 13   nuit-là vous avez vu qu'on aurait concentré les tirs sur une cible précise,

 14   unique ?

 15   R.  Pas vraiment. Il y a eu certains moments où il y avait ce que j'ai

 16   appelé des obus de mortier au sommet d'une colline, où effectivement là ils

 17   ont touché, du moins c'est ce que j'ai eu comme impression à distance, sur

 18   un objet précis, un lieu précis, au moment c'était filmé. Mais la plupart

 19   du temps c'était éparpillé sur toute la ville et c'était vraiment très

 20   aléatoire, d'après l'impression qu'on avait.

 21   Q.  Est-ce que vous savez comment des professionnels, des soldats de métier

 22   utilisent l'artillerie ?

 23   R.  Je pense que oui. Moi, je n'étais pas officier d'artillerie, mais j'ai

 24   été formé au maniement des mortiers, et pendant la guerre du Golfe, j'ai

 25   passé beaucoup de temps aussi bien avec des unités d'artillerie

 26   britanniques qu'américaines. A ce moment-là, des officiers qui étaient à la

 27   tête de ces unités m'ont donné des explications précises sur le mode de

 28   fonctionnement de batterie d'artillerie et quel était leur objectif.

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  1   Ce que nous avons vu début juin 1992 à Sarajevo, c'était mis à part le

  2   bombardement de la caserne du maréchal Tito, c'était tout à fait différent

  3   de ce qu'on m'avait dit et de ce que j'avais vu ailleurs, à savoir qu'à ce

  4   moment-là on prenait pour cible un objectif précis et qu'on n'asseyait de

  5   tir nourri. Il y aurait plusieurs séries, et comme ça un observateur

  6   pouvait dire au chef de batterie, Voilà, on a touché la cible, puis il y

  7   aurait des tirs d'artillerie soutenus. L'objectif c'est qu'après ce tir de

  8   barrage d'artillerie, il y avait un mouvement d'infanterie ou d'infanterie

  9   blindée ou de chars qui se portaient sur zone.

 10   Q.  Ce type de pilonnage, de tirs de mitrailleuses, quel fut l'effet de ces

 11   tirs sur Sarajevo, d'après les observations que vous avez pu faire ?

 12   R.  La peur. Les gens se débrouillaient du mieux qu'ils pouvaient pour

 13   vivre, mais ils vivaient dans leurs caves, dans des abris antibombes et les

 14   gens, on instillait la peur chez eux, parce que ces gens se rendaient

 15   compte que où qu'ils aillent, s'ils vivaient dans la ville, ils risquaient

 16   d'être frappés, d'être la victime d'un obus d'artillerie lourde, de

 17   mortier, d'artillerie.

 18   M. SAXON : [interprétation] Je demande maintenant le versement de cette

 19   séquence vidéo, accompagnée de sa transcription.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cette séquence vidéo est versée au

 21   dossier. Une cote, s'il vous plaît, Madame la Greffière.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P5, Monsieur le

 23   Président.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 25   M. SAXON : [interprétation] Laissons de côté quelques instants cette

 26   séquence vidéo pour montrer au témoin le numéro de la liste 65 ter de

 27   l'Accusation 4347.01. Ce sont des images filmées dans la nuit du 5 au 6

 28   juin 1992, et nous allons arrêter le code horaire à 23 secondes.

Page 510

  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  3   LE REPORTER : "A peine quelques heures après l'évacuation des hommes

  4   de la caserne du maréchal Tito, c'est devenu la cible de prédilection cette

  5   nuit-là. Les obus tombent trop loin."

  6   M. SAXON : [interprétation] Attendez. Je pense qu'il faudrait recommencer

  7   la diffusion. 

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 10   LE REPORTER : "Quelques heures à peine après l'évacuation des hommes

 11   de la caserne du maréchal Tito, cette caserne devient la cible de

 12   prédilection cette nuit-là. Les obus ratent leurs cibles."

 13   M. SAXON : [interprétation] Forcément, il y a une petite difficulté

 14   technique.

 15   Q.  Regardez ici. Qu'est-ce que c'était que cette caserne du maréchal Tito

 16   à Sarajevo ? Où se trouvait-elle ?

 17   R.  Cette caserne, c'était la caserne principale de la JNA, de l'armée

 18   populaire yougoslave à l'intérieur de Sarajevo. C'était un complexe

 19   important dont la construction était antérieure au régime communiste en

 20   Yougoslavie. Il se trouvait juste à l'ouest par rapport à l'hôpital

 21   militaire, et c'est de l'hôpital militaire que sont filmées ces images.

 22   Vous voyez en bas à droite une partie de la caserne du maréchal Tito.

 23   Q.  Avant cette soirée, avant cette nuit du 5 au 6, qui contrôlait la

 24   caserne de la JNA, la caserne maréchal Tito ?

 25   R.  Jusqu'alors c'était toujours contrôlé par la JNA, jusqu'au moment où il

 26   y a un accord ce jour-là pour que soient évacués les effectifs de la

 27   caserne, ces effectifs ayant quitté aussi Sarajevo.

 28   M. SAXON : [interprétation] Fort bien. Nous allons poursuivre.

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  1   Q.  Mais je le précise pour le compte rendu d'audience, nous entendons

  2   quelle voix, la voix de qui ?

  3   R.  La mienne.

  4   M. SAXON : [interprétation] Pouvons-nous continuer.

  5   [Diffusion de la cassette vidéo]

  6   INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  7   LE REPORTE : "Ces obus tombent autour de la garde de Sarajevo, mais à

  8   l'intérieur de ce grand complexe militaire, ceux qui cherchent à payer ont

  9   bien compris et se mettent à courir. Peu de temps après, les artilleurs ont

 10   trouvé la bonne portée de leurs obus. La caserne est embrasée. Il n'y a pas

 11   vraiment d'échappatoire. Ces roquettes fendent l'obscurité, et pendant un

 12   instant elles illuminent l'ancien centre de Sarajevo, avant que ceci ne

 13   soit réduit en décombres. On les entend individuellement. Parfois, on

 14   entend deux, ou trois. On a l'impression que la ville pleure. A 3 heures du

 15   matin, de nouveau la caserne devient le centre de toutes les attentions…"

 16   M. SAXON : [interprétation] Nous sommes arrêtés au code horaire à 1 minute

 17   27 secondes. Ici, nous voyons la caserne maréchal Tito en proie aux

 18   flammes.

 19   Q.  D'où venaient ces mortiers, qui tirait et quelles étaient les forces

 20   armées qui pilonnaient ?

 21   R.  Les Serbes de Bosnie.

 22   Q.  La qualité du pilonnage de la caserne maréchal Tito dans cette nuit du

 23   5 au 6 juin 1992, est-ce qu'elle correspondait à ce que vous aviez vu vers

 24   cette époque pour les autres pilonnages de Sarajevo ?

 25   R.  Non, c'était différent. Ici vous aviez des tirs soutenus, ciblés sur un

 26   objectif précis. Nous savions que lorsque la JNA s'était retirée de la

 27   caserne, elle n'avait pas pu emporter tout son matériel, et manifestement,

 28   ici les Serbes de Bosnie essayaient de veiller à ce que tout cet équipement

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  1   ne tombe pas entre les mains des opposants. Il y a eu des pilonnages

  2   soutenus cette nuit-là et la nuit suivante.

  3   M. SAXON : [interprétation] Est-ce que maintenant nous pouvons reprendre

  4   jusqu'à 1 minutes 37 secondes.

  5   [Diffusion de la cassette vidéo]

  6   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  7   LE REPORTER : "…et tout ce complexe est en proie aux flammes. Il y a

  8   des gens qui essayent de sortir avec beaucoup d'appréhension pour essayer

  9   de constater les dégâts et de récupérer ce qu'ils peuvent."

 10   M. SAXON : [interprétation]

 11   Q.  Pourquoi avoir filmé ces images-ci en particulier ? Vous voyez des gens

 12   qui sont en train d'emporter ce qui ressemble à un lit. Ils sortent ceci,

 13   je ne sais pas, d'un entrepôt ou d'un magasin.

 14   R.  C'était quotidien. Chaque jour, pendant cette période où nous étions

 15   là, il y avait des pilonnages intensifs fin d'après-midi et pendant la

 16   nuit. De jour, on circulait en ville pour voir quelle était l'ampleur des

 17   dégâts, bien sûr, pour essayer de savoir s'il y avait eu des blessés ou des

 18   morts, pas seulement à l'hôpital où nous étions, là c'est assez facile de

 19   savoir s'il y avait eu des blessés ou des morts, à l'hôpital de Kosevo

 20   aussi, mais nous allions dans d'autres hôpitaux pour voir aussi quels

 21   étaient les dégâts et la réaction des gens.

 22   C'est ici, nous avons vu qu'il y avait un magasin, qui, manifestement,

 23   avait été endommagé par les obus, et les gens en sortaient des objets

 24   puisqu'il n'était plus possible de fermer le magasin.

 25   M. SAXON : [interprétation] Prenons maintenant le code horaire 2 minutes et

 26   18 secondes. Reprenons la diffusion ici.

 27   [Diffusion de la cassette vidéo]

 28   INTERPRETE : [voix sur voix]

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  1   GANIC : "Ils essaient de forcer la signature de l'accord en pilonnant

  2   la ville. Mais nous avons des devoirs envers ces familles. Il faut que le

  3   Conseil de sécurité agisse vite."

  4   M. SAXON : [interprétation]

  5   Q.  Nous venons de voir un monsieur en complet-cravate. Le code horaire

  6   était 2 minutes, 23 [comme interprété], jusqu'à 2 minutes 25 [comme

  7   interprété] secondes. Qui était-ce ?

  8   R.  C'était Ejub Ganic, vice-président de Bosnie.

  9   Q.  Il dit "ils," au pluriel, ils essaient de détruire la ville et de

 10   gagner du temps. De qui parle-t-il ?

 11   R.  Il parle des Serbes de Bosnie.

 12   M. SAXON : [interprétation] Je demande le versement de cette séquence,

 13   Messieurs les Juges.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith.

 15   M. GUY-SMITH : [interprétation] Une simple précision. L'Accusation a-t-elle

 16   l'intention de demander le versement des seuls passages montrés au témoin,

 17   ou demande-t-elle le versement de la totalité -- je vois qu'on opine du

 18   chef.

 19   M. SAXON : [interprétation] Uniquement les passages montrés au témoin.

 20   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je voulais simplement que tout ceci soit

 21   précisé.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. La séquence vidéo 4347.01 de la

 23   liste 65 ter est versée au dossier. Une cote, s'il vous plaît, Madame la

 24   Greffière.

 25   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La greffière me dit qu'on a montré

 27   deux passages de cette séquence, et que ce qui se trouvait entre les deux

 28   n'a pas été montré. Vous voulez deux cotes ou une ?

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  1   M. SAXON : [interprétation] Deux, s'il vous plaît, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous aurons deux cotes.

  3   M. SAXON : [interprétation] J'aurais dû préciser que cette séquence vidéo,

  4   ou qu'avec ces séquences il faudrait la transcription, à savoir le numéro

  5   4348, en français [comme interprété] comme en B/C/S. Il faudrait que cela

  6   aussi soit versé au dossier de l'espèce. Vous avez vu cette bande qui se

  7   défilait.

  8   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je suppose qu'il n'y aura pas d'objection à

  9   cette méthode. Si j'interviens, c'est uniquement pour indiquer aux Juges de

 10   la Chambre que je ne vais pas intervenir pour chaque passage qui concerne

 11   un incident qui n'est pas repris dans l'acte d'accusation. Je le précise

 12   une fois pour toutes, ceci reprend l'objection juridique que j'avais déjà

 13   formulée.

 14   M. SAXON : [interprétation] Merci beaucoup.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Les séquences vidéo et les

 16   transcriptions qui les accompagnent sont versées au dossier. Je suppose

 17   qu'on donnera une cote pour chaque séquence avec sa transcription ?

 18   M. SAXON : [interprétation] Oui.

 19   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce seront les pièces P6 et P7.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 21   M. SAXON : [interprétation]

 22   Q.  Monsieur van Lynden, j'aimerais maintenant vous montrer un reportage

 23   diffusé par SkyNews. Vous allez le voir. C'est le numéro 4347.02 de la

 24   liste 65 ter.

 25   M. SAXON : [interprétation] Voyons-en le début.

 26   Q.  D'après l'horloge SkyNews, on voit "7 juin 1992." Sommes-nous en droit

 27   de dire que vous avez préparé ce reportage le 6 ?

 28   R.  Oui, c'est comme ça que je comprends les choses.

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  1   M. SAXON : [interprétation] Commençons, et nous allons nous arrêter au code

  2   horaire 35 secondes.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  5   LE REPORTER : "C'était le symbole de la Sarajevo moderne, c'est maintenant

  6   le symbole de sa destruction. Des flammes ravagent les étages jusqu'aux

  7   étages les plus élevés. Une pluie de débris, de décombres tombe sur les

  8   rues du cœur de la capitale de la Bosnie. La désintégration de l'une des

  9   tours UNIS de la ville se réfléchit dans les vitres brisées de la sœur

 10   jumelle…"

 11   M. SAXON : [interprétation]

 12   Q.  Vous parlez des tours UNIS, vous les aviez d'ailleurs indiquées

 13   auparavant sur une carte. Vous dites de ces tours, ici, qu'elles étaient le

 14   symbole de la Sarajevo moderne. A quoi servaient-elles à l'époque ?

 15   R.  C'étaient simplement des tours avec des bureaux.

 16   Q.  L'incendie qui a ravagé, il venait d'où, il était provoqué par quoi ?

 17   R.  Par des Serbes de Bosnie, en tout cas, de la partie de Sarajevo qu'ils

 18   tenaient.

 19   Q.  A-t-on entendu votre voix ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Avez-vous pu voir quel était le type de munitions qui avait frappé la

 22   tour UNIS ce soir-là ?

 23   R.  La tour était déjà en flammes lorsque nous sommes arrivés à l'ancien

 24   hôpital militaire, on avait passé la journée ailleurs dans Sarajevo.  Il

 25   devait être en fin d'après-midi, vers 4 ou 5 heures, et la tour était déjà

 26   en flammes. Ce qui veut dire que nous n'avons pas vu le début de l'incendie

 27   qui l'a ravagée. Ce que nous avons observé et filmé après, c'était surtout

 28   des tirs de mitrailleuse dirigés sur la partie inférieure de la tour. Mais

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  1   si je me souviens bien, il n'y a pas eu de gros obus, de gros projectiles

  2   qui auraient frappé la tour après notre arrivée. C'était simplement

  3   l'incendie qui s'était propagé.

  4   Q.  Ce jour-là, le 6 juin, est-ce que vous avez vu des tirs sortants qui

  5   auraient eu comme point de départ les tours UNIS, tirs qui étaient dirigés

  6   sur les positions tenues par les Serbes de

  7   Bosnie ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  Poursuivons jusqu'au code 55 secondes.

 10   [Diffusion de la cassette vidéo]

 11   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 12   "Trois cents mètres plus loin de l'autre côté de la route, le

 13   parlement de cet Etat devenu récemment indépendant est lui aussi frappé,

 14   touché."

 15   M. SAXON : [interprétation]

 16   Q.  Nous sommes arrêtés à 56.1, mais au code 55, on a vu une espèce

 17   d'illumination d'un bâtiment. Quels étaient ces bâtiments illuminés ?

 18   R.  Vous avez vu le bâtiment où se trouvait le parlement.

 19   Q.  Est-ce qu'il y avait un seul immeuble au parlement ou plusieurs ?

 20   R.  Bien, il y a un bâtiment assez bas, puis il y a une tour plus haute -

 21   et pour moi, tout ceci fait partie du parlement.

 22   M. SAXON : [interprétation] Poursuivons la diffusion.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   Q.  Merci. On voit mieux. Est-ce que vous pouvez décrire ce qu'on voit ici,

 25   à 1 minute, 2 secondes, M. van Lynden ?

 26   R.  Oui. A droite, vous voyez la tour plus élevée qui fait partie du

 27   parlement, et plus bas à gauche, vous voyez ce bâtiment plus bas qui fait

 28   lui aussi partie du parlement.

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  1   Q.  Et on voit une lumière très forte qui est provoquée par quoi ?

  2   R.  Soit une roquette, soit un obus --

  3   Q.  Très bien.

  4   R.  [aucune interprétation]

  5   M. SAXON : [interprétation] Poursuivons la diffusion, arrêtons-nous à 1

  6   minute et 17 secondes.

  7   [Diffusion de la cassette audio/vidéo]

  8   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  9   LE REPORTER : "Mais le bâtiment ne brûle pas, pourtant, la caserne

 10   Maréchal Tito qui se trouve tout près, oui, elle, elle brûle. Depuis son

 11   évacuation deux jours plus tôt, elle fait l'objet d'une destruction

 12   systématique."

 13   M. SAXON : [interprétation]

 14   Q.  Ces quelques dernière secondes, nous l'avons vu et nous le revoyons à

 15   l'écran, on dirait que ce sont des images filmées de jour. Est-ce que vous

 16   pouvez nous l'expliquer, est-ce qu'on a filmé la caserne Maréchal Tito en

 17   même temps que la tour UNIS et le

 18   parlement ?

 19   R.  Mais on filmait arrêt, cette fin d'après-midi et ce soir-là. Mais la

 20   séquence des événements, telle qu'elle a été montée par celui qui montait

 21   les images, est telle qu'il a commencé -- on a vu  -- George Davis était

 22   notre caméraman, il avait filmé la tour UNIS en flammes; puis, il a montré

 23   deux images qui montraient le parlement touché, puis on est passé à la

 24   caserne. C'est un petit peu la chronologie de mon script.

 25   Parce que quand on voit ces images, on a l'impression qu'on va du jour à la

 26   nuit, puis qu'on revient au jour. C'est à cause du script que j'avais

 27   élaboré et aussi parce que je n'avais pas la maîtrise immédiate du montage,

 28   puisque je n'étais pas au même endroit que le monteur parce que lui, il

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  1   était à Pale.

  2   Q.  Fort bien.

  3   M. SAXON : [interprétation] Poursuivons.

  4   [Diffusion de la cassette audio/vidéo]

  5   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  6   LE REPORTER : "Chaque nuit à Sarajevo, on pense que le pire ne

  7   pourrait pas arriver. Pourtant, oui, le pire arrive, et ceci ridiculise les

  8   tentatives faites par les médiateurs qui sont de ramener la paix dans cette

  9   ville, la ville qui est plongée dans la guerre. Moins de 24 heures

 10   auparavant, les commandants serbes avaient signé un accord, un de plus, une

 11   trêve qu'ils n'ont jamais respectée. Et maintenant, ils avaient aussi dit

 12   qu'ils étaient prêts à réouvrir l'appartement [comme interprété].

 13   Maintenant, les artilleurs serbes montrent ce qu'ils veulent vraiment, ce à

 14   quoi ils sont engagés. Et vous avez un rayon de lune qui éclaire à peine la

 15   ville ébranlée par les explosions. Vous avez ici quelques étincelles.

 16   Pendant la journée, nous voyons les services de soins intensifs dans

 17   l'hôpital central qui sont remplis d'amputés et de douleurs. Quelques gens

 18   vont survivre, mais cette gamine, elle va mourir. Non loin de l'endroit où

 19   elle se trouve, il y en a qui sont morts avant elle, et les asticots

 20   grouillent sur le sol. Un autre jour dans l'horreur de la Bosnie.

 21   "SkyNews, Sarajevo."

 22   M. SAXON : [interprétation]

 23   Q.  Où avez-vous filmé ces dernières images où on voit plusieurs cadavres ?

 24   R.  Dans la morgue de l'hôpital de Kosevo, qui est le principal hôpital

 25   universitaire de Sarajevo. Vous avez vu des images de personnes blessées,

 26   elles ont été elles aussi filmées à Kosevo.

 27   Q.  A partir de 2 minutes 40 jusqu'à 2 minutes 45, nous avons vu un jeune

 28   garçon -- ou quelqu'un qui ressemblait à un garçon. Vous connaissez l'âge

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  1   qu'avait cette personne ?

  2   R.  Huit ou 9 ans, me semble-t-il.

  3   Q.  Savez-vous dans quelles circonstances il a trouvé la mort ?

  4   R.  Il a reçu des éclats d'obus, c'est ce qu'on nous a dit.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Guy-Smith.

  6   M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est comme s'il le savait, alors qu'ici,

  7   il relaie de l'ouï-dire dont l'origine n'est pas précisée.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, j'étais dans la morgue, j'ai vu ce

  9   corps et j'ai posé la question à l'homme qui s'occupait de la morgue, de

 10   quelle façon cet enfant avait été tué.

 11   M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais est-ce que cet employé a un nom ? De

 12   nouveau, c'est un ouï-dire dont on ne connaît pas l'origine. C'est un

 13   problème, car des conclusions sont tirées sur les circonstances de la mort,

 14   mais ça n'a rien à voir avec le fait que cet enfant était mort, là je n'ai

 15   pas d'objection.

 16   Mais on tire des conclusions sur un type différent de savoir-faire, et ce

 17   témoin n'est pas un expert, et je pense qu'effectivement, si on me donne

 18   des informations différentes, j'aurai une autre position.

 19   M. SAXON : [interprétation] Le témoin nous a dit qui lui a donné

 20   l'information, sans donner le nom de cette personne, à propos de la mort de

 21   ce garçon. Oui, c'est de l'ouï-dire. Mais ceci étant, l'ouï-dire est

 22   déclaré recevable ici, dans ce Tribunal, et de l'avis de l'Accusation, la

 23   question qui se pose véritablement aux Juges, ce n'est pas la recevabilité

 24   de cet élément de preuve, mais de la valeur probante qu'elle va lui

 25   attribuer en fin de procès.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Van Lynden, vous dites que

 27   vous ne connaissez pas le nom de cette source ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas du nom de l'homme qui

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  1   s'occupait à l'époque de la morgue de l'hôpital Kosevo, c'est bien vrai.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Fort bien. Cet élément sera versé au

  3   dossier, la valeur probante qui lui sera donnée sera une question réglée en

  4   temps utile.

  5   M. SAXON : [interprétation]

  6   Q.  Vous dites que c'était la morgue de l'hôpital Kosevo. Est-ce qu'il vous

  7   est arrivé de voir des civils blessés qu'on aurait emmenés à l'ancien

  8   hôpital militaire d'où vous avez filmé les pilonnages de la ville de

  9   Sarajevo ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  A quelle fréquence ?

 12   R.  Pratiquement tous les jours.

 13   Q.  Et quelles sont les blessures que vous avez vues subies par ces civils

 14   ?

 15   R.  De divers types. Nous l'avons vu aussi au service qui s'occupait des

 16   blessés à Kosevo. Il y avait des blessures provoquées par des éclats

 17   d'obus, par des balles. On avait aussi des gens qui étaient simplement

 18   malades, qui sont venus à l'hôpital. Mais la plupart des blessés qui sont

 19   venus à l'hôpital en fin d'après midi et en début de soirée, ou des gens

 20   qui venaient à l'hôpital, c'étaient des gens qui avaient été blessés.

 21   Q.  Merci.

 22   M. SAXON : [interprétation] Voyons la fin de ce reportage.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   M. SAXON : [interprétation] Nous demandons le versement de cette séquence

 25   vidéo avec la transcription en B/C/S comme en anglais, c'est le numéro…

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est bien 4347.02 ?

 27   M. SAXON : [interprétation] C'est exact.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est versé au dossier. Une cote,

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  1   Madame la Greffière.

  2   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P8, Monsieur le

  3   Président, Madame et Monsieur les Juges.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

  5   M. SAXON : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur van Lynden, est-ce que vous avez, à un moment donné, essayé de

  7   vous rendre dans la zone où se trouvaient les positions des Serbes de

  8   Bosnie ?

  9   R.  Oui, en juin 1992 mais aussi en septembre 1992.

 10   Q.  Est-ce que vous avez fini par y réussir en septembre ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Pouvez-vous nous dire de quelle façon vous avez obtenu accès à ces

 13   positions des Serbes de Bosnie ?

 14   R.  En juin 1992, il y avait une réunion à Pale, qui était le QG des

 15   dirigeants politiques des Serbes de Bosnie, nous avions une réunion avec

 16   Radovan Karadzic --

 17   Q.  Je vous interromps. Excusez-moi, mais qui était Radovan Karadzic ? Quel

 18   poste occupait-il à l'époque ?

 19   R.  C'était le chef des Serbes de Bosnie.

 20   Q.  Vous dites "chef," chef politique, militaire --

 21   R.  C'était le dirigeant politique des Serbes de Bosnie.

 22   Q.  Excusez-moi de vous avoir interrompu. Poursuivez, s'il vous plaît.

 23   R.  Mais à l'époque, il était impossible de parvenir à un accord quel qu'il

 24   soit pour pouvoir y aller. Il y avait une conférence en août 1992 à

 25   Londres, et j'ai eu une autre réunion avec M. Karadzic. Début septembre,

 26   j'ai de nouveau vu M. Karadzic à Belgrade, et il a donné son accord. Il a

 27   dit que si j'allais à Pale avec une équipe de SkyNews, nous pourrions être

 28   escortés par deux policiers militaires et que nous pourrions aller voir

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  1   plusieurs parties de la ligne de front et que nous pourrions rencontrer

  2   diverses personnalités parmi les dirigeants des Serbes de Bosnie.

  3   Q.  Pourquoi vouliez-vous aller voir les positions des Serbes de Bosnie ?

  4   R.  Aussi bien moi que mes patrons à Londres, bien, nous pensions qu'il

  5   était important d'essayer de couvrir la guerre de deux côtés et permettre

  6   aux Serbes de Bosnie de parler, d'être filmés dans les zones qu'ils

  7   contrôlaient; mais pour cela, il fallait qu'ils coopèrent et qu'ils nous

  8   permettent d'aller tourner là-bas et de les interviewer.

  9   Q.  Bien.

 10   M. SAXON : [interprétation] A présent, je voudrais montrer la vidéo 65 ter

 11   4347.03. C'est une vidéo du mois de septembre 1992, et nous allons montrer

 12   48 secondes de cette vidéo.

 13   [Diffusion de la cassette vidéo]

 14   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 15   LE REPORTER : "La position des Serbes est une position qui domine. Il

 16   tient toute la ville de Sarajevo comme sur un plateau. Les sommets, les

 17   cimes des arbres ont été coupées pour améliorer la vue. Il est pratiquement

 18   impossible d'attaquer directement les versants de ces collines…"

 19   M. SAXON : [interprétation] Ce qu'on est en train de regarder, à 18.06

 20   secondes de cette vidéo, qu'est-ce que c'est ?

 21   R.  C'est Sarajevo filmée du sud.

 22   Q.  Et la voix que l'on entend ici, c'est la voix qui appartient à qui ?

 23   R.  C'est la mienne.

 24   M. SAXON : [interprétation] On peut poursuivre.

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 27   LE REPORTER : "…les lignes de chalets, des grands chalets dont

 28   certains ont été préparés pour l'hiver, on a l'impression qu'ils sont là

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  1   pour toute une éternité. En ce moment, les gardiens serbes de ces sommets

  2   ont l'air détendu. De l'autre côté, on peut dire qu'ils sont inébranlables

  3   dans ceci, ce qui a été conquis au cours de la bataille ne peut pas être

  4   donné, cédé au cours de négociations."

  5   M. SAXON : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur van Lynden, est-ce que vous étiez en mesure d'observer depuis

  7   les positions tenues par les Serbes de Bosnie qui sont au-dessus de la

  8   ville de Sarajevo ce que pouvaient voir vraiment les Serbes de Bosnie, ce

  9   qu'ils pouvaient observer vraiment, ou bien est-ce qu'ils dépendaient des

 10   jumelles et autres engins optiques ?

 11   R.  Ils pouvaient le faire eux-mêmes, ils pouvaient eux-mêmes observer,

 12   mais c'est vrai qu'ils utilisaient aussi les observateurs qui étaient

 13   parfois ailleurs, et ils communiquaient avec eux par le biais de la radio

 14   et ils informaient des différentes cibles à acquérir. On a aussi visité les

 15   positions de tireurs embusqués, et ils étaient munis de radios.

 16   Q.  Quand vous parlez des "tireurs embusqués," est-ce que vous pouvez nous

 17   dire à quoi vous faites référence exactement ?

 18   R.  "Tireur embusqué," c'est un soldat solitaire, un tireur qui a un fusil

 19   spécialisé, un sniper avec une lunette optique.

 20   Q.  Quel genre de lunette ?

 21   R.  Bien, la lunette qui est bien plus précise que ce qu'on a d'habitude et

 22   qui leur permet de voir de façon plus précise la cible. Par exemple, avec

 23   une Kalachnikov, vous ne pouvez pas assurer une précision à plus de 50

 24   mètres, et certainement pas à plus de 100 mètres. Avec de tels fusils, des

 25   snipers, bien, on peut viser avec précision avec une distance encore plus

 26   grande que celle-ci.

 27   M. SAXON : [interprétation] A présent, je voudrais demander que l'on verse

 28   au dossier cette vidéo, 04353, c'est un numéro 65 ter avec le transcript.

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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cette pièce a été versée au dossier,

  2   et je vais demander qu'on lui attribue une cote.

  3   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P9, Monsieur le

  4   Président.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

  6   Vous pouvez poursuivre, M. Saxon.

  7   M. SAXON : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur van Lynden, au cours de la période que vous avez passée à

  9   visiter les positions des Serbes de Bosnie, est-ce que vous vous êtes rendu

 10   dans le quartier de Grbavica ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Pourriez-vous nous décrire l'emplacement de ce quartier, de Grbavica ?

 13   R.  Grbavica, elle descend jusqu'à la rivière de Miljacka. Elle est

 14   vraiment au sud de Sarajevo, et au cœur même de la ville. C'est vraiment un

 15   des quartiers qui est au cœur de la ville, au centre de Sarajevo.

 16   Q.  Et quelles étaient les positions de l'armée des Serbes de Bosnie qu'ils

 17   tenaient là-bas ?

 18   R.  On nous a emmenés à différentes positions sur la ligne de front. Comme

 19   je vous ai déjà dit, il s'agissait soit de positions de tireurs embusqués,

 20   soit tout simplement des positions de défense. On nous a montré aussi la

 21   partie de la ville appelée le cimetière juif. On nous a également montré

 22   des positions plutôt élevées du côté à l'ouest de la ville.

 23   Q.  Pourriez-vous nous décrire le champ de feu -- ou plutôt, les cibles sur

 24   lesquelles les forces des Serbes de Bosnie pouvaient tirer à partir de

 25   leurs positions à Grbavica ?

 26   R.  Ils pouvaient tirer sur tous les quartiers autour de la rivière, ils

 27   pouvaient voir de l'autre côté de la rivière, donc c'était assez limité.

 28   Puis au niveau du cimetière juif, bien, la position était aussi semblable.

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  1   Mais quand il s'agit de positions plus élevées, on peut dire que là, ils

  2   surplombaient vraiment la ville de Sarajevo, ils pouvaient voir les rues,

  3   et cetera.

  4   Q.  Est-ce que vous savez de quelle façon cela influait sur la vie des gens

  5   qui habitaient de l'autre côté de la rivière Miljacka, leur vie de tous les

  6   jours, donc dans les zones qui n'étaient pas contrôlées par les Serbes de

  7   Bosnie ?

  8   R.  Bien, comme je vous ai déjà dit, ils étaient exposés aux tirs à tous

  9   moments du jour ou de la nuit. Donc leurs vies étaient dangereuses à cause

 10   de cela, il fallait qu'ils traversent les rues en courant, et surtout si la

 11   rue était dans la ligne de mire des adversaires. Ils pouvaient devenir la

 12   cible facile.

 13   Q.  En 1992, est-ce que vous avez jamais rencontré un homme nommé Ratko

 14   Mladic ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Qui était Ratko Mladic ?

 17   R.  Ratko Mladic était l'officier en charge de l'armée des Serbes de

 18   Bosnie.

 19   Q.  Bien.

 20   M. SAXON : [interprétation] Je voudrais montrer au témoin la pièce du

 21   Procureur 65 ter 4347.07. C'est une vidéo qui a été enregistrée au mois de

 22   septembre 1992. Nous allons commencer à montrer la vidéo, ensuite nous

 23   allons l'arrêter au bout d'une minute.

 24   [Diffusion de la cassette vidéo]

 25   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 26   LE REPORTER : "C'est le patron de Sarajevo, le chef de guerre des

 27   Serbes. Il s'appelle Ratko Mladic. D'ailleurs, le nom "Ratko" veut dire le

 28   guerrier, et ce général à la mâchoire carrée, sa personnalité correspond

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  1   bien à son nom. Il bouge toujours. Au cours de ses briefings très brefs, ce

  2   commandant parle uniquement des attaques sur ses forces, il ne parle jamais

  3   de ses propres offensives.

  4   Pour prouver cela, il nous donne l'occasion rare de le suivre sur la

  5   première ligne de ses positions d'artillerie où les observateurs de l'ONU

  6   sont caractérisés par leur absence."

  7   M. SAXON : [interprétation]

  8   Q.  Ce qu'on regarde maintenant, c'est la vidéo au niveau de la première

  9   minute; qu'est-ce qu'on voit ?

 10   R.  Bien, ce qu'on voit, on voit la ville de Sarajevo, c'est un peu dans la

 11   brume mais on voit la ville de Sarajevo à partir des montagnes en haut.

 12   Q.  Ici, on peut entendre ce qu'on dit du général Mladic, "il tient la

 13   ville dans la palme de sa main." Est-ce que vous vous souvenez comment il

 14   s'est exprimé, le général Mladic, quand il vous l'a dit ?

 15   R.  On était en train de marcher vers la position où Mladic m'a accordé son

 16   interview, et pendant que l'on regardait à partir de cette position, bien,

 17   il a mis ses mains ensemble et il m'a dit cela, et c'est comme cela que ça

 18   a été traduit.

 19   Q.  Est-ce que vous étiez en mesure de voir la ville à travers le

 20   brouillard ?

 21   R.  Oui. Mais je veux dire que dans les images originales, on pouvait voir

 22   la ville de Sarajevo. Là, les images ont été un peu modifiées.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 25   LE REPORTER : "… et le général Mladic n'a pas de remords. C'est un homme

 26   qui n'a pas de doutes, il est absolument convaincu qu'il est dans son droit

 27   et que le monde entier a tort et que son peuple en souffre.

 28   L'INTERPRÈTE : "J'espère que le Conseil de sécurité de l'ONU va prendre les

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  1   mesures pour que l'on comprenne que nous, les Serbes, que nous existons

  2   vraiment ici dans ce monde, qu'on n'est pas des extraterrestres et qu'on a

  3   le droit de nous défendre.

  4   LE REPORTER : "A proximité, on est en train de creuser de nouvelles

  5   positions. Dans les yeux du général, le monde ne souhaite pas accorder les

  6   droits à son peuple, mais il ne veut pas arrêter par cela.

  7   L'INTERPRÈTE : "Nous devons nous battre aussi longtemps que nous existons

  8   pour nous défendre. Il n'y a pas d'autre moyen, nous sommes prêts à une

  9   guerre longue.

 10   LE REPORTER : "Loin des champs de bataille, les Nations Unies préparent une

 11   résolution portant sur les crimes de guerre. Et ceci n'est pas du tout la

 12   cause d'étonnement du général Mladic."

 13   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 14   M. SAXON : [interprétation] Nous nous sommes arrêtés à 2 minutes 6

 15   secondes.

 16   Q.  Pourquoi avez-vous posé cette question au général Mladic à propos d'un

 17   tribunal des crimes de guerre ?

 18   R.  Parce qu'on en parlait à New York. Et nous avions compris qu'on se

 19   demandait si les Nations Unies allaient créer un tribunal, et c'est ce que

 20   les Nations Unies ont fait. C'est pour ça qu'on est ici nous tous

 21   aujourd'hui.

 22   La question lui a été posée, parce que déjà nous avions pensé qu'il était

 23   probable que le général Mladic, si jamais un tel tribunal était créé, qu'il

 24   serait mis en accusation, inculpé par ce tribunal, ce qui a bien été le

 25   cas.

 26   Q.  Est-ce que le général Mladic vous a dit qui contrôlait la ville de

 27   Sarajevo à l'époque ?

 28   R.  Je ne sais pas si j'ai bien compris votre question. Il savait que

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  1   l'essentiel de la ville était tenu par ses adversaires, les forces de

  2   Bosnie.

  3   Q.  Oui.

  4   R.  Mais il l'avait dans la paume de sa main, pour ce qui est de la

  5   puissance de feu, elle était de son côté.

  6   Q.  Bien.

  7   M. SAXON : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, je demande

  8   maintenant le versement de cette séquence vidéo et de sa transcription, qui

  9   porte le numéro 4354.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, ces documents sont versés. Une

 11   cote.

 12   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P10.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 14   M. SAXON : [interprétation] Est-ce que ce moment se prête bien à la pause ?

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est ce que j'allais vous dire. En

 16   tout cas, en terminer pour la journée, effectivement.

 17   C'est ainsi que se termine l'audience d'aujourd'hui. L'audience

 18   reprendra lundi prochain à 14 heures 15. Ce sera dans quel prétoire ? Dans

 19   la salle d'audience numéro I, dans celle-ci. Fort bien. Merci beaucoup.

 20   L'audience est levée.

 21   --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le lundi

 22   6 octobre 2008, à 14 heures 15.

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