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1 Le lundi 28 septembre 2009
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 8 heures 58.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à toutes, bonjour à tous dans
6 le prétoire.
7 Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire inscrite au rôle.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.
9 Affaire IT-04-81-T, le Procureur contre Momcilo Perisic.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie infiniment.
11 Quelles sont les équipes présentes aujourd'hui, commençons par
12 l'Accusation ?
13 M. SAXON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame et
14 Monsieur les Juges.
15 Dan Saxon, April Carter et Mme Javier, au nom de l'Accusation.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Saxon.
17 Pour la Défense, ce sera ?
18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Daniela Tasic, Chad Mair, Novak Lukic et
19 Gregor Guy-Smith, au nom de M. Perisic.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Guy-Smith.
21 Monsieur Saxon, vous avez la parole.
22 M. SAXON : [interprétation] C'est Mme Carter qui va procéder à
23 l'interrogatoire du prochain témoin.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.
25 Mme CARTER : [interprétation] Nous appelons à la barre le colonel Pyers
26 Tucker.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pyers Tucker.
28 M. GUY-SMITH : [interprétation] Peut-être faut-il débattre de la question
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1 suivante, de la déposition du colonel Tucker. Sans doute faut-il en parler
2 d'après Mme Carter, en l'absence du témoin. Moi, je n'ai pas d'avis
3 particulier, mais elle m'en a parlé à titre officieux. Ceci concerne
4 l'étendue de sa déposition.
5 Si je comprends bien, l'Accusation a l'intention que le témoin parle
6 dans son audition de questions qui concerne la période préalable à l'acte
7 d'accusation et non pas de questions concernant la période couverte par
8 l'acte d'accusation, d'où notre opposition. Notre objection pour les motifs
9 invoqués à l'instant, car ce n'est pas pertinent.
10 Mais outre cela, il y a aussi la question du sujet ou des sujets dont
11 devrait parler ce témoin, et si vous examinez le résumé visé par l'article
12 65 ter, concernant ce témoin, je pense comprendre qu'il va porter sur des
13 sujets bien définis. Ce qui concerne Sarajevo.
14 Pourquoi est-ce que je vous dis ceci ? C'est parce que les
15 indications de l'Accusation, notamment, et là, je vais prendre vraiment
16 l'incandescence, je vais vous résumer en quelques mots ce que dit
17 l'Accusation dans ce résumé 65 ter :
18 "Il a rencontré Galic au moins une fois, et a participé par plusieurs
19 occasions à des moments où on a protesté parce qu'il y avait eu pilonnage
20 de civils et tirs isolés."
21 Ceci concerne Sarajevo.
22 "Et, d'une façon, la question du contrôle et de la direction et il
23 était assistant du général Morillon. Ce témoin va donner des informations
24 préalables à l'acte d'accusation concernant Sarajevo. Il a assisté à la
25 réunion avec les dirigeants militaires des deux parties belligérantes, dont
26 le général Mladic.
27 "Il va parler de l'assassinat de vice-premier ministre Trialik
28 [phon], de la main de soldats serbes en présence des représentants
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1 officiels de la FORPRONU."
2 Nous avons déjà entendu des témoins qu'ils sont venus dire que ceci
3 s'était passé des les environs de Sarajevo :
4 "Des paragraphes concernant l'acte d'accusation, ce sont les
5 paragraphes 41 et le contexte de la situation à Sarajevo, lorsque Tucker a
6 commencé sa mission et quand il l'a terminée."
7 Au paragraphe 41, il est dit ceci :
8 "Au cours de cette période, les commandant du Corps Romanija
9 Sarajevo, du VRS, le général Galic (10 septembre 1992 à 10 août 1994) et
10 Dragomir Milosevic (10 août 1994 à novembre 1995) et leur supérieur le
11 général Mladic, ont continué une période prolongée de pilonnage et de tirs
12 isolés sur Sarajevo, surtout à partir de positions sur les collines
13 entourées la ville."
14 Voilà les contenus des allégations portant sur le paragraphe 41. Ce
15 qu'on peut attendre du témoin va concerner uniquement Sarajevo. Pourquoi
16 est-ce que je vous dis ceci, c'est parce que des notes de récolement que
17 j'ai reçues portent surtout sur d'autres sujets que Sarajevo. Ces notes
18 portent sur Srebrenica.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith, ce discours, est-ce
20 que c'est une objection ? Je ne sais pas trop.
21 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais sur quoi porte votre objection ?
23 Je propose ceci, vous pouvez faire objection en temps et en heure. Qu'est-
24 ce que je vais demander à Mme Carter de dire ?
25 M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais j'ai essayé de vous aider, Madame et
26 Messieurs les Juges, parce que cette question va surgir et je voulais vous
27 donner un contexte d'information sur les paramètres et la portée de la
28 déposition.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je comprends. Merci. Mais c'est trop
2 d'information à digérer dans le cadre d'une objection. Pourquoi ne pas
3 objecter en temps et en heure ?
4 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, aucun problème.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter, vous avez la parole.
6 Mme CARTER : [interprétation] Je ne veux pas manquer de respect avec la
7 Chambre et sa décision récente, mais je crois que Me Guy-Smith veut faire
8 comprendre. Il cite le résumé 65 ter qui a été fourni pendant la
9 [imperceptible] en état au cours de laquelle nous avions limité ces résumés
10 65 ter à la seule question de Sarajevo. Mais le 1er mai 2008, il y avait eu
11 une requête tranchée par la Chambre le 4 juin 2008, qui élargissait le
12 résumé de Pyers Tucker à la question de Srebrenica aussi.
13 Je peux vous citer la partie pertinente où vous citez tout le résumé 65
14 ter. Mais effectivement je voudrais rappeler à Me Guy-Smith, et à la
15 Chambre aussi ce qui avait été dit dans le résumé du 1e mai 2008.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais vous pouvez répondre de
17 cette façon-là lorsque Me Guy-Smith soulèvera son objection.
18 Mme CARTER : [interprétation] Oui, lorsque Me Guy-Smith a commencé à
19 formuler son objection, il parlait aussi des éléments portant sur la
20 période préalable à l'acte d'accusation, dont va parler le témoin. Je pense
21 qu'il est sans doute utile d'en parler avant la venu du témoin, parce que
22 je ne pense pas qu'il serait convenable que je parle en présence du témoin
23 sur ce point, parce que en fait, toute la déposition de ce témoin porte sur
24 la période antérieure à l'acte d'accusation, et, je pense qu'il serait
25 adéquat de répondre, à ce moment-là, à tout ceci.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Commencez.
27 Mme CARTER : [interprétation] Le colonel Tucker va parler de la période
28 1992 à 1995, siège de Sarajevo et nettoyage ethnique par l'armée des Serbes
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1 de Bosnie.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous interromps; est-ce que vous
3 répondez à l'objection maintenant ?
4 Mme CARTER : [aucune interprétation]
5 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
6 Mme CARTER : [interprétation] Il a continué, il était averti de ces crimes,
7 ceci avait été condamné par les Nations Unies, après la condamnation par le
8 monde entier de ces actions. Les Nations Unies ont adopté de nombreuses
9 résolutions. Perisic était averti de ces crimes, il a continué à assister
10 la VRS lorsqu'il est devenu chef de l'état-major général de la VJ, en août
11 1993. Cette assistance poursuivie à aider à la campagne de tirs isolés, de
12 pilonnage à Sarajevo et finalement au massacre de Srebrenica, en juillet
13 1995.
14 Ces éléments portant sur la période préalable à l'acte d'accusation peuvent
15 permettre de démontrer qu'il y a eu systématicité et un élément du crime
16 qui est particulier pour ce qui est de sa recevabilité.
17 La Chambre a déjà admis des éléments portant sur cette systématicité
18 par des faits dont il y a eu constat judiciaire, il y a eu des dépositions
19 de témoins et des éléments. Les éléments judiciaires, ces éléments montrent
20 qu'il y a systématicité dans le comportement et que ceci peut être utile
21 pour prouver l'élément moral de Perisic.
22 La Chambre a aussi accepté les dépositions du général John Wilson et
23 Aernout Van Lynden, qui concernent 1993 et 1992 comme étant des éléments
24 d'information.
25 Plus récemment, la Chambre a aussi admis la formation sur le rapport
26 du rapporteur spécial de la Commission chargé des Droits de l'homme du 27
27 octobre 1992 à 22 août 1995, car ces éléments, portant sur la pertinence de
28 Sarajevo, avaient déjà été présentés.
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1 Comme le dit le mémoire préalable au procès, le nettoyage ethnique
2 précédent avait précédé -- le sort de Sarajevo était déjà décidé car
3 l'objectif stratégique devait être fait par la VRS -- qui -- des Serbes des
4 non-Serbes et de l'élimination de la frontière entre la Serbie et la
5 Republika Srpska.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Les interprètes vous demandent
7 de ralentir, Madame Carter.
8 Mme CARTER : [aucune interprétation]
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le fait de lire tout ce passage
10 est-ce que c'est vraiment une réponse à l'objection ? Est-ce que vous ne
11 pouvez pas nous dire que, d'après ce document dont a été informé la
12 Défense, éventuellement, en fait, il va aborder une période préalable à
13 l'acte d'accusation ?
14 Mme CARTER : [interprétation] Si j'ai compris l'objection, elle était
15 double. D'abord, c'est que ce résumé 65 ter ne concernait que Sarajevo, et
16 aussi que la totalité des éléments de preuve était sans pertinence parce
17 que ça concernait la période préalable à l'acte d'accusation. J'ai d'abord
18 répondu à l'objection en ce qui concerne le résumé, et maintenant j'aborde
19 la question de la pertinence pour ce qui est d'information concernant une
20 période préalable à l'acte d'accusation.
21 M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est ce que j'avais compris,
22 Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Poursuivez, si vous vous êtes
24 comprise.
25 Mme CARTER : [interprétation] Les opérations de nettoyage ont
26 commencé qui devaient être la réalisation de ces objectifs. Au moment --
27 novembre 1992, la directive 4 avait été émise qui disait quels étaient les
28 groupes ethnies dans la période de Gorazde, Zepa, Srebrenica, et Cerska,
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1 qui n'avaient pas été tout à fait éliminés, et qu'on avait pris la décision
2 de nettoyer le territoire de la Republika Srpska. Le Corps de la Drina
3 était chargé de forcer la population musulmane à quitter Birac, et Zepa, et
4 Gorazde. Le paragraphe 55 de l'acte d'accusation dit que 1993 a vu la CIJ
5 et les Nations Unies donner des ordres et des résolutions qui condamnaient
6 ces opérations de nettoyage et qui demandaient que les hostilités soient
7 cessées.
8 En avril 1993, la CIJ a donné l'ordre à la RFY de prendre toutes les
9 mesures qu'elle avait la possibilité de prendre immédiatement pour terminer
10 le génocide. Les Nations Unies ont réaffirmé cet ordre et dit que les
11 actions en Bosnie orientale donnaient des attaques illicites sur des civils
12 et demandaient à la RFY de cesser immédiatement de fournir des armes et des
13 ressources à la VRS.
14 Alors qu'il était assistant du commandant des forces de la FORPRONU
15 d'avril [comme interprété] 1992 à mars 1993, Tucker a rencontré les
16 dirigeants des Serbes de Bosnie, a été témoin du nettoyage ethnique de
17 musulman de la région qui s'est fait avec le support actif de la RFY
18 notamment des tirs d'artillerie de la Serbie, le support aérien, la
19 restriction des forces des mouvements, et le fait de payer la VRS.
20 Il est très bien placé pour décrire la campagne du nettoyage en tant
21 qu'observateur mais aussi en tant que personne qui était alors en contact
22 avec les protagonistes principaux. Il a rencontré Radovan Karadzic et Ratko
23 Mladic en novembre 1992. A cette réunion, Karadzic lui a expliqué de façon
24 très illustrée quels étaient les plans prévus pour la population musulmane.
25 Il a pris une carte montrant le recensement, et il a expliqué Karadzic que
26 tous les territoires où il y avait plus de 50 % de la population serbe
27 serait nettoyée ethniquement, il a dit qu'il n'avait aucun souhaite de
28 vivre avec les Turcs. La séparation a commencé au cours du printemps de
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1 1992.
2 En mars 1993, le colonel Tucker a rencontré le colonel Vinko
3 Pandurevic qui allait devenir membre du 30e Service du personnel.
4 Pandurevic avait des cartes sur les murs de son bureau qui montraient de
5 façon détaillée le nettoyage systématique de ces municipalités de la Bosnie
6 orientale avec des dates et des éléments montrant le progrès de la
7 campagne. Plus tard, lorsqu'il est devenu campagne de la -- de Zvornik,
8 Pandurevic a été un des commandants responsable du massacre de juillet
9 1995.
10 Le colonel Tucker a rencontré beaucoup d'autres commandants qui
11 allaient devenir plus tard des membres du 30e Service du Personnel, comme
12 le montre l'annexe E et de l'acte d'accusation. Il a rencontré Ratko
13 Mladic, le général du corps d'armée Zdravko Tolimir et le lieutenant-
14 colonel Milan Gvero. Ces hommes allaient devenir plus tard les hommes
15 apportant dans les massacres de juillet 1995.
16 Le témoignage est pertinent et a valeur probante pour ce qui est des
17 questions de prévisibilité, de systématicité en ce qui concerne Sarajevo et
18 Srebrenica, c'est donc recevable et nous demandons l'autorisation de
19 présenter ces éléments de preuve.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
21 M. GUY-SMITH : [interprétation] Une première chose, je commencerai par la
22 fin lignes 22 à 25 de la page 8 et première ligne de la page 9, aucun
23 élément de preuve n'a été soumis à cet égard, ici il n'y a aucune preuve ou
24 que ce soit dans quel procès que ce soit dans ce Tribunal.
25 Commençons par le tout début de l'intervention de Mme Carter concernant le
26 fait que le M. Perisic avait été mis en garde, avait été averti, elle dit
27 surtout à la ligne 12 de la page 5, je la cite :
28 "Il était averti de la commission de ces crimes, mais il a continué à
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1 poursuivre l'aide de la Serbie à la VRS une fois qu'il est devenu chef de
2 l'état-major de la VJ en août 1993."
3 C'est peut-être là la cause de l'Accusation, mais elle ne l'a pas prouvée.
4 A plusieurs reprises la question de la connexité du lien entre la
5 connaissance qu'on pu avoir ou que M. Perisic aurait eu et les actes qu'on
6 essaie de prouver ont été mis en cause surtout pour ce qui est de la
7 question de la prévisibilité. Il y a déjà une décision de la Chambre quand
8 il n'y a pas un tel lien, il ne convient pas de présenter ce genre
9 d'élément qui est d'ailleurs irrecevable.
10 Je comprends bien qu'elle est la thèse défendue par l'Accusation ici, la
11 cause qu'elle présente, mais s'agissant des faits incriminés par
12 l'Accusation il y a bon nombre de lacune manifeste et l'Accusation n'a pas
13 prouvé non plus le lien entre les événements qui se sont produits. Avant
14 que M. Perisic ne devienne chef d'état-major et la connaissance qu'il avait
15 de quels faits.
16 En l'absence d'un tel lien, que demande-t-on à la Chambre de faire, c'est
17 d'entendre des éléments de preuve qui sont vraiment des plus douteux, en
18 tout cas, c'est la pure conjecture, que savait-il Perisic de quoi était-il
19 averti, or on ne vous donne aucun fait concret, aucune preuve. Si
20 l'Accusation peut apporter des éléments de preuve qui permettraient
21 d'établir un tel lien, à ce moment-là, oui, mais si ce n'est pas le cas, je
22 dirais que cette déposition n'est pas pertinente au regard des chefs
23 d'accusation apportés contre cet accusé. Ce n'est peut-être pas vrai dans
24 d'autres procès mais ici c'est sans pertinence.
25 [La Chambre de première instance se concerte]
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'objection est rejetée.
27 Vous pouvez commencer, Madame Carter.
28 Mme CARTER : [interprétation] L'Accusation appelle à la barre le général
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1 Pyers Tucker.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En attente de sa venue, je vais
3 demander au greffe s'il est possible de baisser la température, il fait
4 très chaud dans ce prétoire.
5 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
6 M. GUY-SMITH : [interprétation] En attendant la venue du témoin, puis-je
7 réagir à la réponse de Mme Carter pour ce qui est du résumé 65 ter ?
8 Effectivement je m'étais trompé, je retire mon objection.
9 L'INTERPRÈTE : Le Président hors micro.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
11 M. GUY-SMITH : [aucune interprétation]
12 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
13 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, je parlais du deuxième volet de son
14 intervention; vous aviez dit effectivement si je voulais faire objection,
15 je devrais la formuler au moment où la question se posait, ceci permettra
16 peut-être d'accélérer l'audition et je confirme ainsi ce que ma collègue
17 avait dit.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
19 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour, Monsieur.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il a fallu un certain temps, nous
23 avions des questions à régler. Je m'en excuse et je vous demande de
24 prononcer la déclaration solennelle.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
26 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
27 LE TÉMOIN : PYERS TUCKER [Assermenté]
28 [Le témoin répond par l'interprète]
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Vous pouvez vous asseoir,
2 Monsieur le Témoin.
3 Oui, Madame Carter.
4 Mme CARTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Interrogatoire principal par Mme Carter :
6 Q. [interprétation] Colonel, veuillez vous présenter.
7 R. Je m'appelle Pyers Tucker. Je faisais partie de l'armée britannique
8 depuis 1976 et j'ai quitté l'armée en 1997. Pendant les années 1992 et
9 1993, j'ai été un officier de la FORPRONU détachée par l'armée britannique
10 en Bosnie dans le cadre du commandement des Nations Unies en Bosnie-
11 Herzégovine. Au cours de cette période, j'ai été l'officier d'état-major
12 personnel du général Morillon. Je devais, dans ce cadre, organiser des
13 réunions entre le général Morillon et les parties belligérantes en Bosnie
14 de façon à tenter d'exécuter la mission qui avait été confiée au général
15 Morillon par le Conseil de sécurité. Au cours de cette période, j'ai dressé
16 de procès-verbal de bons nombres de réunions et j'ai rédigé des rapports à
17 l'intention du général Morillon, rapports qui étaient envoyés du QG de
18 Sarajevo au QG de Zagreb.
19 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi à ce stade. On a demandé au
20 témoin de se présenter et maintenant il commence à vous parler du travail
21 qu'il faisait quotidiennement. Je pense que ceci ne convient pas.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.
23 Mme CARTER : [interprétation] Volontiers, Monsieur le Président.
24 Q. Commençons par le début de votre carrière. Quelle fut votre formation
25 et que faisiez-vous dans l'armée britannique ?
26 R. J'ai été dans l'artillerie royale, et j'ai fait la formation de tout
27 officiers de l'armée britannique, mais surtout dans des questions
28 d'artillerie puisque j'étais officiers dans les services d'Artillerie.
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1 Q. De quelle façon êtes-vous devenu membre de la FORPRONU ?
2 R. Lorsque je servais en Allemagne, je travaillais dans le cadre de
3 l'OTAN. J'étais cantonné à Moenchengladbach [phon, et ce QG a été chargé de
4 la formation du corps du QG des forces qu'on venait de former dans le cadre
5 des Nations Unies au commandement de l'ABiH et en tant que tel j'ai été
6 envoyé en ex-Yougoslavie.
7 Q. Ce commandement de Bosnie-Herzégovine, pourquoi a-t-il été créé ?
8 R. En juin/juillet, 1992, le Haut commissariat aux Réfugiés a compris que
9 si rien ne se faisait, on pensait bien qu'au cours de l'hiver 1992, 1993,
10 je ne sais plus exactement combien, mais qu'il y aurait un 1 200 000
11 personnes qui allaient mourir de faim si rien n'était fait. C'est pour cela
12 que quelques dix pays se sont mis d'accord en août 1992 sur la nécessité de
13 constituer ce commandement de l'ABiH qui, à ce moment-là, se composait de 7
14 000 soldats qui allaient être déployés en Bosnie de façon à aider à
15 l'exécution des résolutions du Conseil de sécurité qui cherchait à résoudre
16 le problème de l'approvisionnement en aide humanitaire.
17 Mais en fin de -- je ne suis plus les détails exacts mais ça revenait à
18 dire cela.
19 Q. L'approvisionnement en aide humanitaire dites-vous à ceux qui en ont
20 besoin. Est-ce que c'était le seul mandat qu'avait reçu le commandement ?
21 R. Oui, c'était le seul mandat.
22 Q. Vous avez parlé de vos fonctions, de vos responsabilités et vous avez
23 dit avoir souvent assisté à des réunions. Pourriez-vous dire aux Juges de
24 la Chambre combien de réunions vous avez eus pendant votre service en
25 Bosnie-Herzégovine ?
26 R. J'ai passé moins de six mois en Bosnie-Herzégovine. J'ai dû dresser le
27 procès-verbal de quelques 190 réunions; ça faisait plus de 100 réunions, ça
28 faisait à peu près une réunion par jour.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quand vous disiez le seul mandat de la
2 FORPRONU, ou bien d'autre chose ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas quel était le mandat de
4 la FORPRONU dans sa totalité mais en tout cas le mandat du commandement de
5 la BH en Bosnie c'était de fournir l'aide humanitaire à ceux qui en avaient
6 besoin.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais quand vous dites "commandement de
8 la Bosnie-Herzégovine," c'était quelle armée ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Le commandement de l'ABiH en Bosnie. C'était
10 les forces déployées en Bosnie qui avaient à leur tête le général Morillon.
11 Ils rendaient compte au général Nambiar lequel était le commandement de la
12 FORPRONU basée à Zagreb.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
14 Madame Carter.
15 Mme CARTER : [interprétation]
16 Q. Vous aviez organisé des réunions avec qui ?
17 R. C'était surtout avec la partie belligérante avec la présidence des
18 Musulmans de Bosnie et les représentants à l'intérieur de Sarajevo et
19 ailleurs à l'extérieur de Sarajevo. C'était des réunions avec les Serbes de
20 Bosnie politique comme militaire à Pale et aux environs de Sarajevo et de
21 temps à autre avec les Croates de Bosnie aussi.
22 Ça représentait la grande majorité des réunions mais il y a eu aussi des
23 réunions à l'extérieur de la Bosnie en Croatie, en Serbie par exemple à
24 Belgrade.
25 Q. Lorsque vous avez eu des réunions à Belgrade c'était avec qui ?
26 R. A Belgrade nous avons eu une réunion avec un groupe d'officiers de
27 l'armée serbe au QG de l'armée serbe à Belgrade. Plus tard nous avons
28 rencontré Milosevic et un groupe de personnes au palais de Milosevic.
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1 M. GUY-SMITH : [interprétation] Peut-on nous donner une date pour ce qui
2 est de ces réunions ? Ça pourrait être utile, des dates, s'il vous plaît,
3 pour les réunions.
4 Mme CARTER : [interprétation] Volontiers.
5 Q. Parlons des réunions à Belgrade; quand avez-vous rencontré ces
6 personnes ?
7 R. La première réunion a eu lieu avec un groupe de haut officier de
8 l'armée serbe ait lieu approximativement en janvier 1993, la réunion avec
9 Milosevic a eu lieu autour du 25 ou 26 mars 1993.
10 Q. Très bien. Puis vous avez également indiqué que vous avez rencontré les
11 dirigeants serbes de Bosnie, à la fois politique et militaire; est-ce que
12 vous pourriez nous dire qui vous aviez rencontré ?
13 R. Le seul nom dont je me souviens par rapport à la réunion de janvier
14 était le général Panic, il y avait un groupe d'environ six à sept colonels
15 et d'autres colonels et généraux qui ont assisté à la réunion.
16 Q. Peut-être que vous avez mal compris ma question. Lorsque vous avez
17 mentionné le général Panic, est-ce que vous voulez dire qu'il était un
18 officier serbe de Bosnie ?
19 R. Non. J'avais l'impression que votre question portait sur les officiers
20 serbes.
21 Q. Oui, au début, mais je suis passée à la question concernant les
22 officiers serbes de Bosnie. Excusez-moi.
23 Si l'on parle maintenant des officiels militaires et politiques des Serbes
24 de Bosnie, que vous avez rencontrés, qui avez-vous rencontré ?
25 R. Nous avons rencontré les officiers serbes de Bosnie les plus importants
26 à commencer par le général Mladic, le général Milovanovic, le général
27 Galic, le général Gvero, et puis 15 à 20 généraux différents. Il faudrait
28 que je me penche sur les procès-verbaux pour retrouver les noms.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le dirigeant politique ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, nous avions rencontré Karadzic, Mme
3 Plavsic et puis celui qui s'était suicidé, Pr Koljevic, et puis dans des
4 villes et villages différents, nous avons rencontré des dirigeants
5 politiques locaux, de même que le président de l'assemblée serbe de Bosnie.
6 Mais, encore une fois, il faudrait que je me penche sur mes notes pour
7 retrouver tous les noms.
8 Mme CARTER : [interprétation]
9 Q. Monsieur, quand avez-vous rencontré Karadzic pour la première fois ?
10 R. J'ai rencontre Karadzic pour la première fois en octobre 1992 juste
11 avant son départ à Genève. Il a été à Genève vers la fin octobre 1992.
12 Q. Quand était-il rentré de Genève ?
13 R. Je ne me souviens pas exactement, mais c'était quelques semaines plus
14 tard, car nous l'avons retrouvé à Pale en novembre.
15 Q. Lors de la réunion de Pale, vous avez parlé de quoi ?
16 R. Nous avons eu plusieurs réunions avec Karadzic au cours de ces
17 semaines-là, et l'une des premières réunions a eu lieu à Pale c'était la
18 première fois que le nouveau commandement de l'ONU en Bosnie-Herzégovine
19 rencontrait Karadzic, le général Mladic, Koljevic, et nombre d'autres
20 personnalités, je crois que Gvero y était lui aussi. Karadzic et le général
21 Mladic ont fait de leur mieux pour nous expliquer le contexte historique de
22 leur point de vue, et entre autres choses, ils nous montraient une carte
23 géographique, qui reflétait la composition ethnique de la Bosnie
24 conformément au dernier recensement.
25 Ils expliquaient au général Morillon qu'ils n'avaient pas du tout
26 l'intention de s'emparer de la terre qui ne leur appartenait pas, et ils
27 ont identifié comme terre qui leur appartenait la terre sur laquelle les
28 Serbes de Bosnie représentaient plus que la moitié de la population,
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1 puisque 50 % ne souhaitaient pas vivre avec les Musulmans de Bosnie. Ils
2 avaient suffisamment souffert à chaque fois qu'ils étaient gouvernés par
3 d'autres. Ils souhaitaient vivre leurs propres vies séparément des
4 Musulmans de Bosnie --
5 Q. Je vais vous arrêter là.
6 Mme CARTER : [interprétation] Si l'on peut présenter la pièce 9233 en vertu
7 de l'article -- 65 ter.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Guy-Smith.
9 M. GUY-SMITH : [interprétation] Avant de nous pencher là-dessus sur la base
10 de la note de récolement que nous avons reçue, je souhaite demander que
11 l'on obtienne un exemplaire entier du journal personnel du colonel Tucker
12 que vous possédez. Je comprends qu'il le possède. Nous avons certains
13 extraits, mais certainement il existe des informations dans son journal
14 personnel que nous n'avons pas, et compte tenu de la question qui vient
15 d'être soulevée, il serait approprié que la Défense l'ait pour préparer le
16 contre-interrogatoire.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.
18 Mme CARTER : [interprétation] Comme Me Guy-Smith -- malgré que Me Guy-Smith
19 a dit, nous ne possédons pas ce journal, c'est le colonel Tucker qui le
20 possède, et je ne pense pas qu'il revienne à l'Accusation de le fournir à
21 la Défense.
22 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'exige ce journal pour être tout à fait
23 équitable vis-à-vis de la Défense pour pouvoir nous pencher sur les faits
24 historiques auxquels le colonel Tucker fait allusion.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
26 M. GUY-SMITH : [interprétation] Peut-être nous pourrions demander au
27 colonel Tucker s'il est prêt à fournir un exemplaire à l'Accusation; et
28 s'il ne le souhaite pas, nous verrons comment agir.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je n'ai pas tout à fait compris ce --
2 nous avons demandé que l'on présente la pièce 9233 en vertu de 65 ter.
3 C'est une pièce qui a un lien avec un journal ?
4 M. GUY-SMITH : [interprétation] Ce journal ne concerne pas effectivement
5 9233, mais une partie de sa déposition. En ce qui concerne la pièce 9233 en
6 vertu de l'article 65 ter, je ne sais pas si c'est sur notre liste donc
7 c'est une autre question, et avant que le témoin se penche sur ce document,
8 peut-être il faudrait décider là-dessus.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Simplement vous demandez à M. Tucker
10 de vous fournir un exemplaire de son journal ?
11 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Vous pouvez voir avec M. Tucker.
13 La Chambre ne doit pas décider.
14 M. GUY-SMITH : [interprétation] Ça m'est difficile car je ne peux pas lui
15 parler.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Au début de votre interprétation.
17 M. GUY-SMITH : [interprétation] Dans ce cas-là, je demanderai à la Chambre
18 de faire une pause car il me faudra revoir son journal avant de commencer
19 le contre-interrogatoire. J'essayais simplement d'accélérer les choses, et
20 d'être plus efficace, Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je comprends, mais le problème c'est
22 que la Chambre de première instance n'est pas au courant de ce sujet de
23 journal. Tout d'un coup ce sujet surgit; est-ce que ça n'a jamais mentionné
24 dans les documents.
25 M. GUY-SMITH : [interprétation] Ça a été mentionné dans sa déposition. Je
26 crois qu'il a fait à ces notes.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maintenant, vous lui demandez son
28 journal.
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1 M. GUY-SMITH : [interprétation] Il a dit qu'il doit retrouver ces "procès-
2 verbaux." Je pense que ça veut dire le "journal."
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne pense pas au journal. Le journal
4 est le journal, et le procès-verbal est le procès-verbal. Un procès-verbal
5 c'est une trace ce qui s'est passé lors d'une réunion; un journal est autre
6 chose.
7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je comprends le langage différemment, mais
8 peu importe, ce que je demande sous quelle forme que ce soit, enfin les
9 informations qu'il a mémorisées concernant ces impressions au sujet des
10 réunions qu'il avait eues avec des individus qu'il a mentionnés jusqu'à
11 présent dans sa déposition, premièrement.
12 Deuxièmement, je demande les traces écrites, que ce soit les procès-
13 verbaux, les journaux, les cahiers ou autres d'autres informations
14 concernant les individus qu'il a mentionnés et les autres au sujet desquels
15 il a écrit pendant qu'il était l'assistant du général Morillon et pendant
16 qu'il prenait les notes.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Comment ?
18 M. GUY-SMITH : [interprétation] La personne qui prenait les notes.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter, apparemment cette
20 demande est quelque peu différente; est-ce que vous souhaitez répondre ?
21 Donc j'ai compris cela d'une manière différente par rapport à un journal.
22 Mme CARTER : [interprétation] Je crois que Me Guy-Smith a repris sûrement,
23 car je l'ai inséré dans la note de récolement. Ce que le colonel Tucker
24 pensait des procédés pendant notre séance de récolement était un cahier
25 dans lequel il prenait les notes de réunions. J'ai utilisé le terme
26 journal, donc effectivement on parle de ce même livre, au cahier que celui
27 qui est mentionné par Me Guy-Smith.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais quelle est votre réponse ?
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1 Il demande toute trace mémorisée des informations là-dessus, concernant les
2 réunions.
3 Mme CARTER : [interprétation] Monsieur le Président, il demande quelque
4 chose que l'Accusation ne possédait pas. J'ai pris quelques extraits et je
5 les ai dévoilés, remis à la Défense au cours des années. Or, il s'agit ici
6 d'un cahier qui appartient au colonel Tucker. Je ne sais pas s'il est prêt
7 à faire en sorte que l'on photocopie ce cahier. J'ai parlé avec Mme Javier
8 et elle a dit qu'en fonction de ce que le témoin dira, elle sera tout à
9 fait prête à faire les photocopies pour la Défense.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Tucker, vous avez entendu
11 notre discussion, quelle est votre réponse ? Est-ce que vous êtes prêt à
12 nous remettre votre journal ou votre livre ou vos traces écrites, peu
13 importe comment on les appelle.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, si on me les rend.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je suppose qu'on va vous les
16 rendre.
17 Mme CARTER : [interprétation] Très bien. Lorsque le moment sera opportun,
18 pendant la pause ou peut-être plutôt à la fin de la déposition aujourd'hui,
19 à ce moment-là, nous pourrons faire des photocopies car peut-être le
20 colonel Tucker aura besoin de cela au cours de sa déposition aujourd'hui.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Effectivement, car si l'on pose des
22 questions à ce sujet, il aura besoin de son original. Or, les photocopies
23 peuvent être faites pour les parties et je ne suis pas sûr si le moment est
24 opportun pour les verser au dossier, ces documents.
25 Mme CARTER : [interprétation] Il ne s'agit pas là des pièces à conviction
26 sur la liste des pièces de l'Accusation. Je ne sais pas si Me Guy-Smith le
27 souhaite.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Peut-on organiser que l'on
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1 photocopie le livre de M. Tucker ?
2 Mme CARTER : [interprétation] Merci. J'ai malheureusement mal indiqué les
3 numéros tout à l'heure, s'agissant de la pièce en vertu de l'article 65
4 ter, le bon numéro est 9223. Il s'agit de la carte numéro 4.
5 Q. Colonel Tucker, reconnaissez-vous l'image qui est à l'écran ?
6 R. Oui, c'est la carte ou ça ressemble fortement à la carte que Karadzic
7 et le général Mladic et Koljevic ont montrée au général Morillon lors de
8 l'une de nos premières réunions à Pale.
9 Q. Lorsqu'on vous a montré cette carte, vous avez dit qu'ils
10 revendiquaient tout territoire qui était serbe à 50 %; est-ce que exact ?
11 R. Oui, c'est exact. Sur cette carte, ils avaient inscrit, ils avaient une
12 ligne qui était inscrite et qui correspondait aux territoires que le
13 général Mladic et Karadzic revendiquaient comme leur terre, et il
14 s'agissait de la terre de la Republika Srpska autoproclamée. D'après leur
15 logique si plus de 50 % de la population sur un territoire étaient des
16 Serbes, alors cette terre leur appartenait et ils allaient chasser les non-
17 Serbes de ces territoires. Or, si la terre était à moins de 50 % serbe, ils
18 n'avaient pas de revendication par rapport à ce territoire.
19 D'après ce qu'ils disaient, on pouvait conclure que cette ligne, qu'ils
20 avaient tracée sur la carte, correspondait en réalité à la ligne de front
21 entre les Serbes, enfin entre tout d'abord les Serbes de Bosnie et les
22 Musulmans de Bosnie.
23 Q. Colonel, c'est une carte bigarrée; est-ce que vous pourriez nous
24 montrer quelles étaient les parties revendiquées par Karadzic comme devant
25 appartenir à la Republika Srpska ?
26 R. Il s'agissait surtout des zones bleues, si je comprends bien cette
27 carte, autrement dit, les zones peuplées par des Serbes de Bosnie à plus de
28 50 %, et la ligne de front, qu'ils avaient dressée devait décrire les
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1 frontières de la Republika Srpska autoproclamée. Au fond, ceci coïncidait
2 aux lignes de front d'après la manière dont nous comprenions les choses aux
3 Nations Unies à l'époque.
4 Il y avait plusieurs zones dans lesquelles leur logique ne tenait plus
5 debout, car par exemple, au nord, vers la ville de Brcko, il y avait une
6 terre des Serbes de Bosnie très étroite avec la riviere de la Drina au nord
7 et les Musulmans de Bosnie au sud. Cet endroit avait une importance
8 stratégique pour eux, leur permettant de relier les territoires serbes
9 occidentaux avec les territoires serbes orientaux.
10 M. GUY-SMITH : [interprétation] Est-ce qu'on peut dire la date
11 approximative de cette réunion ?
12 Mme CARTER : [interprétation]
13 Q. Pourriez-vous nous dire la date de cette réunion à Pale ?
14 R. Je crois que cette réunion a eu lieu, début novembre 1992, et en
15 réalité c'est à ce moment-là que nous avons rencontré le général Mladic,
16 Karadzic pour la première fois à Lukavica, dans la banlieue de Sarajevo
17 mais c'était juste avant que Karadzic aille à Genève et c'était juste avant
18 la dernière tentative du général Mladic visant à s'emparer de Sarajevo ou
19 au moins à diviser Sarajevo en deux. Il s'agissait d'une offensive qui a
20 duré 36 heures et qui a eu lieu vers le 29 ou 30 octobre 1992.
21 Q. Monsieur, vous avez fourni encore deux éléments de la réponse. Tout
22 d'abord, vous avez indiqué que les Serbes avaient l'intention d'expulser
23 les non-Serbes des zones bleues. Comment --
24 M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est une erreur, une mauvaise
25 représentation. Il faudrait dire les Serbes de Bosnie.
26 Mme CARTER : [interprétation] J'accepte cette correction.
27 Q. Monsieur, comment est-ce que les Serbes de Bosnie ont eu l'intention
28 d'expulser la population non-Serbe de Bosnie ?
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1 R. Nous aux Nations Unies savons et c'est un fait militaire que l'on
2 raflait les gens à partir de leurs maisons, les plaçait dans des camions,
3 les envoyait --
4 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'apprécierais que si la Chambre enfin je
5 comprends si la Chambre n'acceptait pas cette objection, mais la question
6 était très concrète, et je demanderais à Mme Carter de demander au témoin
7 de répondre à la question. La question était de savoir de quelle manière
8 les Serbes de Bosnie avaient l'intention de faire quelque chose. Et la
9 réponse se fonde sur l'ouï-dire, il dit : "Nous aux Nations Unies, nous
10 savons," or c'est une réponse relativement vague. La question portait sur
11 une réunion avec deux personnes en particulier et à la question de savoir
12 dans quelle mesure pendant cette réunion, ils ont démontré leur intention
13 et la réponse devrait être conforme à cela.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter, vous pouvez répondre,
15 il y a eu une objection.
16 Mme CARTER : [interprétation] Monsieur le Président, merci. Je vais
17 reformuler la question.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il ne s'agit pas de la question, ce
19 n'est pas la question qui fait l'objet de l'objection mais le fait que la
20 réponse n'est pas une réponse directe à la question.
21 Mme CARTER : [interprétation]
22 Q. Monsieur, est-ce que vous pourriez répondre à la question conformément
23 à la manière dont elle a été posée : comment est-ce que Karadzic disait
24 qu'il allait accomplir cela, qu'il allait expulser la population non-Serbe
25 de Bosnie ?
26 R. Il n'est pas entré dans les détails.
27 Q. Saviez-vous à cette époque-là comment l'expulsion de la population non-
28 Serbe de Bosnie s'est déroulée ?
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1 R. Oui, car j'étais dans la chaîne de commandement des forces de l'ONU en
2 Bosnie et nos soldats nous informaient de ce qu'ils avaient vu.
3 Q. Que vous disaient-ils ?
4 R. Ils nous informaient du fait que l'on procédait à des rafles de gens en
5 les -- on les cherchait chez eux, on brûlait leurs maisons et on emmenait
6 les gens, on les transportait jusqu'aux lignes de front, et ensuite on les
7 libérait, puis à l'intérieur de Sarajevo, parfois l'on plaçait les gens
8 dans les autocars pour les transporter à l'extérieur de Sarajevo.
9 M. GUY-SMITH : [interprétation] Encore une fois, pour le compte rendu
10 d'audience, je fais objection au ouï-dire sans mentionner de sources. Si ce
11 monsieur peut nous donner la source de l'ouï-dire, c'est acceptable; sinon,
12 c'est sans pertinence.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Que voulez-vous dire par ouï-dire sans
14 source ?
15 M. GUY-SMITH : [interprétation] "Nos soldats nous informaient," qui, quoi,
16 où, quand, comment ? Comment peut-on nous fier à ces informations alors
17 qu'elles n'ont pas de fondement.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.
19 M. GUY-SMITH : [interprétation] Surtout si c'est fait du point de vue
20 militaire car au sein de l'armée de tels rapports sont toujours contenus
21 dans des documents que ce monsieur devrait avoir.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous comprenons votre objection.
23 Madame Carter.
24 Mme CARTER : [interprétation] Au début de la réponse, le témoin a dit qu'il
25 faisait partie de la chaîne du commandement des forces de l'ONU et qu'il
26 s'agissait des soldats qui leur envoyaient des rapports. Donc il a donné
27 directement la source de l'information.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous savez quels étaient
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1 les soldats concrètement parlant qui étaient les sources de ces
2 informations au sien de la chaîne de commandement ?
3 Mme CARTER : [interprétation]
4 Q. Monsieur, est-ce que vous pourriez décrire la chaîne de commandement au
5 sein des forces de la FORPRONU en Bosnie-Herzégovine ?
6 R. Au sein de la chaîne de commandement, nous étions informés surtout par
7 le biais des rapports quotidiens qui étaient créés par tous les bataillons
8 du commandement de l'ONU en Bosnie-Herzégovine. Ils étaient rédigés et
9 envoyés chaque nuit par les bataillons respectifs au quartier général du
10 commandement de l'ONU en Bosnie-Herzégovine. Parmi les responsabilités qui
11 étaient les miennes, j'étais censé lire ces rapports tous les matins car
12 ils arrivaient pendant la nuit et le général Morillon et moi-même nous
13 discutions de cela dès le matin, c'était notre routine quotidienne.
14 Q. Est-ce que vous pouvez décrire de quelle manière s'est déroulé cet
15 envoi d'information, s'agissant de la population non-Serbe ?
16 R. Je n'ai pas compris la question.
17 Q. La structure d'information que vous venez de décrire, est-ce que c'est
18 grâce à cette structure-là que vous avez appris les éléments concernant la
19 population non-Serbe ?
20 R. En partie. Puis il y avait aussi les incidents, l'incident qui a eu
21 lieu fin octobre lorsque les Serbes de Bosnie, les forces des Serbes de
22 Bosnie ont attaqué, saisi et capturé la ville Jajce. Ils ont reçu des
23 rapports du Bataillon britannique qui étaient en charge de cette zone et
24 qui a dit qu'à Jajce, on a commencé à recueillir un grand nombre de
25 réfugiés qui avaient été expulsés des territoires Serbes de Bosnie. La
26 ville était remplie de réfugiés et ensuite a subi l'attaque des Serbes de
27 Bosnie, ensuite une longue colonne de réfugiés fuyait Jajce dans la
28 direction de Travnik.
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1 Il y avait des rapports émanent du Bataillon britannique dont les soldats
2 étaient en mesure d'observer ce retrait de réfugiés et une colonne de
3 réfugiés d'après les informations des Britanniques a été pilonnée par
4 l'artillerie des forces de Serbes de Bosnie au nord. Comme il s'agissait là
5 d'un événement qui se déroulait en direct, ceci ne figurait pas dans le
6 rapport quotidien que je décrivais car là il s'agissait de quelque chose
7 qui se déroulait simultanément, donc le rapport là-dessus arrivait tout au
8 long de ces journées vers la fin octobre. Donc ça c'est un événement
9 particulier au sujet duquel j'ai des connaissances.
10 Deuxièmement, il y avait un incident vers la fin du mois d'octobre à
11 Sarajevo au début novembre, il y avait un grand nombre de Croates que l'on
12 avait placés dans bus; je crois qu'il y avait des Serbes aussi, même si je
13 ne me souviens pas exactement. On les a placés dans les autocars pour
14 qu'ils partent de Sarajevo dans la direction de Split. Je ne me souviens
15 plus de l'itinéraire exact mais c'était les événements qui se sont déroulés
16 à l'époque.
17 Q. Vous avez mentionné Jajce. Quelle était la longueur de la colonne de
18 réfugiés ?
19 R. Il y a eu des rapports selon lesquels la colonne de réfugiés faisait
20 environ 30 kilomètres de long.
21 Q. Merci. Revenons maintenant à la réunion de Pale; qu'est-ce que
22 Karadzic et Mladic vous ont dit concernant la population, enfin dans les
23 secteurs musulmans, ce qui allait faire partie de la Republika Srpska ?
24 R. Ils n'ont pas parlé de façon précise de secteurs musulmans qui allaient
25 faire partie de la Republika Srpska. Ils ont tout simplement dit ceci,
26 voici une carte, carte qu'ils m'ont montrée avec une ligne et c'est ce
27 qu'ils ont dit, c'était la Republika Srpska et ils ont soutenu qu'ils
28 avaient demandé la reconnaissance internationale de la Republika Srpska,
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1 qu'ils étaient un pays indépendant, une nation indépendante et qu'ils ne
2 voulaient avoir rien à voir avec les Musulmans de Bosnie.
3 Q. Les rapports que vous avez entendues concernant l'expulsion de la
4 population musulmane, ça a duré depuis combien de temps ?
5 R. Je suis arrivé en Bosnie que vers la fin du mois d'octobre 1992.
6 J'avais seulement vu des comptes rendus dans les journaux, avant cela.
7 Q. Depuis combien de temps est-ce que l'on rendait compte du fait que la
8 population musulmane allait ou était expulsée ou allait être expulsée ?
9 R. C'étaient des articles de journal, il semble que ceci ait commencé vers
10 la fin du mois d'avril ou au début de mai 1992.
11 Q. Quels étaient les médias qui couvraient la Bosnie à ce moment-là ?
12 R. En d'autres termes, depuis mai jusqu'au moment où j'ai été moi-même
13 déployé en Bosnie, j'ai lu des journaux anglais du Royaume-Uni où des
14 Etats-Unis, je voyais également à la télévision britannique, américaine,
15 les émissions de CNN pour ce qui est des nouvelles.
16 Mme CARTER : [interprétation] Je voudrais demander que le document 9223 de
17 la liste 65 ter soit versé au dossier, comme élément de preuve.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le 9223 est admis comme élément de
19 preuve. Je demande qu'on lui attribue une cote.
20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document devient la pièce P2693,
21 merci.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Madame Carter.
23 Mme CARTER : [interprétation] Je voudrais maintenant que l'on présente le
24 document P2440, en sa page 2, paragraphe 5.
25 Q. Quand êtes-vous arrivé très précisément en Bosnie, Monsieur le Témoin ?
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais je croyais qu'il venait juste de
27 répondre à la question un peu plus tôt. Il avait dit octobre 1992.
28 Mme CARTER : [interprétation] Je souhaitais avoir une date précise,
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1 Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Une date, bien.
3 Mme CARTER : [interprétation]
4 Q. Monsieur le Témoin, pouvez-vous me dire quel est le jour où vous êtes
5 arrivé en Bosnie ?
6 R. Je pense que c'était le 26 ou le 25 octobre 1992.
7 Q. Merci.
8 Mme CARTER : [interprétation] Pourrait-on voir la page 2, paragraphe 5 du
9 document ?
10 Q. Vous avez devant vous, là, le rapport du rapporteur spécial de la
11 Commission des Droits de l'homme, M. Tadeusz Mazowiecki, qui a fait la
12 tournée de la Bosnie depuis le mois d'octobre 1992. Il a constaté qu'il y
13 avait des violations des droits de l'homme qui se poursuivaient, qu'un très
14 grand nombre de personnes avaient trouvé la mort et que des milliers
15 d'autres avaient souffert dans leur dignité. De plus, M. Mazowiecki a
16 constaté que c'était la population musulmane qui était la principale
17 victime. Sur la base de votre expérience en octobre 1992, seriez-vous
18 d'accord avec le rapport de M. Mazowiecki ?
19 R. Oui.
20 Mme CARTER : [interprétation] Je passe maintenant à la page 3 du même
21 rapport, le paragraphe 6.
22 Q. M. Mazowiecki a également été d'avis que l'objectif principal du
23 conflit militaire en Bosnie-Herzégovine était la création de zones
24 homogènes ethniques et de religion, et que la purification ethnique ou le
25 nettoyage ethnique ne semblait pas être la conséquence de la guerre mais
26 plutôt son objectif.
27 Basez sur votre expérience, partagez-vous le point de vue de M. Mazowiecki
28 ?
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1 R. Oui.
2 M. GUY-SMITH : [interprétation] Sans avoir par ailleurs pu établir une
3 forme de certitude d'expert sur ce point, ce point de vue, bien que je suis
4 sûr qu'il soit tout à fait sincère avec le colonel Tucker, il croit
5 vraiment, c'est un point de vue personnel et dénué de pertinence.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous suggérez que M. Tucker
7 est ici en tant que témoin expert ?
8 M. GUY-SMITH : [interprétation] Est-ce que je le fais ?
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ou bien qu'il aurait dû se présenter
10 comme témoin expert, de façon à pouvoir donner ce point de vue ?
11 M. GUY-SMITH : [interprétation] Certainement pour pouvoir donner ce type de
12 point de vue, absolument. Ce sont évidemment des faits sur lesquels en
13 définitive, la Chambre va avoir à se prononcer. Son expérience personnelle
14 peut sans doute avoir permis d'arriver à des conclusions particulières en
15 ce qui concerne sa conclusion particulière. Je ne veux pas avoir de
16 discussions avec ce monsieur, mais au-delà de cela, je ne pense pas que de
17 telles opinions soient pertinentes. En fait, à cet égard, elles sont très
18 fortement préjudiciables, et je voudrais dire que le préjudice subi dépasse
19 de beaucoup la valeur probante à tous égards.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.
21 Mme CARTER : [interprétation] Le témoin est en train de baser son opinion
22 sur ses connaissances personnelles, et les conversations qu'il a eues avec
23 les protagonistes, et qui faisaient partie de ce plan. Il a décrit sur une
24 carte que Karadzic lui a montrée, que c'était précisément ce qu'il faisait.
25 Donc je rattache tout simplement le rapport de M. Mazowiecki aux éléments
26 de preuve et à la déposition du témoin, d'après ce qu'il vient juste de
27 dire.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ceci est un problème que vous
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1 rencontrez maintenant avec cette objection, parce qu'il ne semble pas clair
2 que ce que vous avez demandé à ce témoin, son opinion soit basée sur ce
3 qu'il a lui-même vu et observé, entendu des protagonistes, mais ce qu'il
4 estime d'après ce rapport. Je suis sûr qu'il peut vous donner cette opinion
5 sans que cette pièce ou ce document soit à l'écran.
6 Mme CARTER : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président. J'ai
7 simplement voulu montrer ce document au témoin, parce que la décision
8 précédente de la Chambre en ce qui concernait cette pièce était, elle
9 allait plutôt sur la question de la prévisibilité plutôt que de la question
10 de la vérité de sa teneur. Donc de façon à suivre la décision de la
11 Chambre, je tente de montrer au témoin ceci de façon à pouvoir le placer
12 dans un contexte en temps réel.
13 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense qu'ils sont également en train de
14 faire autre chose, l'Accusation. Ce qui est évident, d'après ce que le
15 Procureur vient de dire, et qui est -- qu'on tente maintenant d'établir la
16 vérité de la teneur du document.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce qui est que --
18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Ce sur quoi il y a déjà eu une décision de
19 prise qui était au détriment de l'Accusation.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En tout état de cause, il s'agit là
21 d'une pièce, c'est la raison pour laquelle elle n'essaie pas de le
22 confirmer. En tout état de cause, je pense que vous devez poursuivre et que
23 l'objection doit être rejetée, si tel est le but de ce document.
24 Mme CARTER : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.
25 Q. Suivant, je viens d'être dit, les observations de la Chambre, les
26 renseignements que vous voyez devant vous, Monsieur le Témoin, vous dites
27 que vous partagez le point de vue de M. Mazowiecki. Pouvez-vous me dire
28 précisément ce que vous avez appris lorsque vous vous trouviez sur le
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1 terrain en Bosnie qui vous amène à partager ces opinions ?
2 R. La première chose c'est la réunion à Pale avec la carte de recensement
3 que je vous ai décrite. La seconde était une appréciation du point de vue
4 militaire que nous avons pu faire nous au commandement des Nations Unies en
5 Bosnie-Herzégovine, et ceci se situait vers la fin d'octobre, début
6 novembre 1992, à savoir que les Serbes de Bosnie avaient réalisé leurs
7 objectifs militaires. En d'autres termes, ils avaient réussi à s'emparer de
8 territoires que Karadzic avait décrits. Ce qu'ils voulaient après cela
9 c'était une reconnaissance du statu quo de ce qu'ils avaient saisi, de ce
10 qu'ils avaient pris.
11 Leur objectif dans toutes les négociations avec les Nations Unies était un
12 cessez-le-feu dans l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine le long des lignes
13 du front, et ce, à quoi ils objectaient c'était que les Musulmans de Bosnie
14 continuent d'attaquer à tel ou tel endroit, et que lorsque les Serbes de
15 Bosnie contre-attaquaient, à ce moment-là, les Musulmans de Bosnie
16 demandaient que les Nations Unies mettent en place un cessez-le-feu.
17 Q. Je vous remercie. Maintenant, revenons à la question initiale, vous
18 avez donné la raison pour laquelle vous vous êtes fait cette opinion
19 concernant le nettoyage ethnique et vous avez dit que c'était basé sur
20 votre réunion avec Karadzic ainsi les autres informations que vous avez
21 reçues de vos propres personnels. Est-ce qu'il y avait quelque chose
22 d'autre qui vous a conduit à avoir cette opinion en ce qui concerne la
23 campagne de nettoyage ethnique ?
24 R. Nous continuions de recevoir des articles ou comptes rendus dans les
25 journaux. Nous avions des gens appartenant à la presse qui à tous les jours
26 voyaient les journaux qui rendaient compte, et ensuite eux-mêmes
27 produisaient des résumés ou des extraits des principaux événements de
28 l'actualité, qui étaient pertinents pour nous en Bosnie.
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1 Q. Lorsque vous avez rencontre Karadzic - et je n'ai plus besoin
2 maintenant de la pièce - lorsque vous avez rencontré Karadzic en novembre
3 1992, quelle était la position de la FORPRONU en ce qui concerne ce plan ?
4 R. La position de la FORPRONU, que le général Morillon a soulignée, était
5 de faciliter l'approvisionnement en aide humanitaire à toutes les personnes
6 qui en avaient besoin, indépendamment de leur appartenance ethnique. Donc
7 l'un des motifs essentiels, l'un des grands obstacles la fourniture d'aide
8 humanitaire c'était les combats, et donc le général Morillon avait offert
9 les bons offices de son personnel de la FORPRONU de façon à pouvoir
10 établir, de faire conclure des cessez-le-feu chaque fois qu'il y avait --
11 en chaque lieu où il y avait des combats de façon à faciliter le passage de
12 convois d'aide humanitaire, des convois qui venaient en fait aider ce qui
13 en avait besoin.
14 Q. [aucune interprétation]
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que le moment conviendrait pour
16 suspendre la séance ?
17 Mme CARTER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons suspendre la séance et
19 nous reviendrons à moins quart.
20 --- L'audience est suspendue à 10 heures 13.
21 --- L'audience est reprise à 10 heures 45.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Madame Carter.
23 Mme CARTER : [interprétation]
24 Q. Colonel Tucker, vous étiez en train de décrire les conflits à Sarajevo;
25 vous avez mentionné, en tous les cas, le conflit à Sarajevo. Pourriez-vous
26 me dire, s'il vous plaît, quelles étaient les tactiques suivies par l'ABiH
27 à l'intérieur de Sarajevo ?
28 R. L'ABiH n'était pas à Sarajevo. Elle encerclait Sarajevo. Comme je l'ai
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1 décrit précédemment, l'objectif des Serbes de Bosnie était de faire
2 reconnaître le statu quo qu'ils avaient réalisé. Toutefois les Musulmans de
3 Bosnie n'acceptaient pas cela et donc les Musulmans de Bosnie --
4 M. GUY-SMITH : [interprétation] Là encore, je voudrais demander à Mme
5 Carter de bien vouloir contrôler le témoin. La question était extrêmement
6 précise : "Quelles étaient les tactiques de l'armée Serbe de Bosnie à
7 l'intérieur de Sarajevo ?" Je crois qu'il a répondu à la question.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.
9 Mme CARTER : [interprétation]
10 Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous, s'il vous plaît, dire quelles
11 étaient les tactiques militaires de l'ABiH en ce qui concerne Sarajevo ?
12 R. Il y avait essentiellement deux tactiques : l'une était de riposter
13 avec une force écrasante en utilisant des armes lourdes pour répondre ou
14 riposter aux attaques des Musulmans de Bosnie à l'extérieur de Sarajevo; le
15 deuxième était de tirer des obus au hasard sur Sarajevo, et ça c'est mon
16 interprétation en tant qu'observateur militaire pour réaliser une terreur,
17 du terrorisme à présent des tirs d'artillerie par des tirs indirects.
18 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, décrire ce dont vous parlez ?
19 R. Il y avait des tirs qu'on pourrait qualifier d'assez continus tout au
20 long de la journée de la nuit et parfois plus ou moins intense parfois
21 moins intense, mais on ne visait pas un objectif militaire précis.
22 Q. Quel était l'impact ou les incidences pour la population civile devant
23 cette tactique ?
24 R. Ça causait de l'incertitude et personne ne savait où allait tomber les
25 prochains obus, et souvent des civils étaient blessés ou tués par ces obus
26 de sorte qu'ils étaient dans un état de peur constante sur l'endroit où
27 tomberaient les prochains obus.
28 Q. Pourriez-vous nous donner un exemple précis des objectifs sur lesquels
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1 l'ABiH répliquaient avec une force écrasante en utilisant des armes lourdes
2 ?
3 M. GUY-SMITH : [interprétation] Pour commencer, cette question est
4 directrice; et deuxièmement, elle est vague, à savoir un exemple précis du
5 point de vue d'une date : de quoi s'agit-il ?
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.
7 Mme CARTER : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois,
8 Monsieur le Président, la question part de la page 34 en disant à la ligne
9 11 où il décrit deux tactiques. L'une était de répliquer ou riposter avec
10 une force écrasante en utilisant des armes lourdes. J'essaie simplement de
11 rattacher cela à la réponse précédente du témoin.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'objection est rejetée.
13 Mme CARTER : [interprétation]
14 Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous donner un exemple de cette force
15 écrasante ?
16 R. Un exemple c'est quand au début de décembre 1992 les Musulmans de
17 Bosnie ont attaqué en sortant du secteur de Stup, qui est à un faubourg,
18 une banlieue occidentale de la partie ouest de Sarajevo. Les Musulmans de
19 Bosnie ont à l'origine pris des Serbes de Bosnie pour surprise. La riposte
20 initiale des Serbes de Bosnie a été de concentrer autant de tirs
21 d'artillerie qu'ils pouvaient. Plusieurs jours plus tard, ils avaient
22 réussi à faire arriver certains renforts de leur infanterie régulière très
23 limitée et de leurs blindés, avec leurs véhicules blindés arrivant dans le
24 secteur et ensuite ils ont contre-attaqués et ils ont repris le territoire
25 que les Musulmans de Bosnie avaient temporairement pris.
26 Alors les Serbes de Bosnie, à ce moment-là, ont commencé à pilonner très
27 lourdement les tirs d'artillerie, d'obus les faubourgs ou la banlieue de
28 Sarajevo d'où les attaques des Musulmans de Bosnie avaient eu lieu.
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1 Q. S'ils avaient des obus sur les lieux où ces attaques avaient eu lieu,
2 comment est-ce que c'était l'emploi d'une force inappropriée ou écrasante ?
3 R. Parce qu'ils tiraient pas seulement sur l'endroit précis de façon
4 directe où les attaques avaient eu lieu, mais ils tiraient des obus sur les
5 faubourgs derrière et je décrirais ceci comme étant des attaques punitives.
6 Q. Combien d'obus tombaient sur ces faubourgs ou banlieue ?
7 R. Plusieurs centaines par jour.
8 Q. Combien de temps est-ce que cette attaque a duré ?
9 R. Cette attaque en particulier en ce qui concerne Stup a continué, enfin
10 l'attaque initiale des Musulmans avait pris environ un jour, un jour et
11 demi, peut-être deux jours. Les contre-attaques des Serbes de Bosnie, à ce
12 moment-là, ont pris une semaine, ont duré une semaine et ensuite petit à
13 petit ont décru sur d'autres semaines.
14 Q. Vous avez également décrit des tirs d'artillerie au hasard sur Sarajevo
15 que vous avez appelé, bien que ceci ne fasse pas l'objet d'un chef d'acte
16 d'accusation en l'espèce, de terrorisme par les tirs d'artillerie ou par
17 des tirs indirects. Pourriez-vous, s'il vous plaît, donner des exemples de
18 cette tactique ?
19 M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection. Non seulement en ce qui concerne
20 la pertinence, mais également en ce qui concerne la question de terrorisme,
21 c'est une question qui a été discutée à d'innombrables occasions. Je pense
22 qu'il s'agissait de quelque chose sur lequel l'Accusation, je croyais,
23 avait donné son accord, qu'elle ne poserait pas de question.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.
25 Mme CARTER : [interprétation] Monsieur le Président, comme je l'ai fait
26 remarquer ça ne faisait pas l'objet d'une accusation, ce que j'essaie de
27 déterminer c'est ce à quoi le témoin se référait en ce qui concernait des
28 tirs d'artillerie au hasard à Sarajevo. J'étais en train de reprendre sa
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1 réponse, il avait fait cette réponse. J'essayais simplement de façon à ne
2 pas faire une question directrice ou de reformuler la question du témoin en
3 utilisant ses propres paroles.
4 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'apprécie ce qu'a dit Mme Carter, mais en
5 ce qui concerne cette question de terreur ou de terrorisme, l'Accusation
6 sait bien quelles sont les préoccupations et ceci c'est quelque chose sur
7 laquelle nous nous sommes mis d'accord pendant que l'affaire était encore
8 pendante, et je pense qu'on est en train d'essayer maintenant de
9 réintroduire ceci par la petite porte alors que nous étions d'accord qu'on
10 ne présenterait pas par la porte d'entrée. Il est inapproprié d'utiliser
11 ces termes en ce moment. Quant à savoir si le témoin a utilisé ces mots ou
12 non, il est inapproprié de lui poser une question directrice de cette
13 manière.
14 Mme CARTER : [interprétation] Certainement.
15 [La Chambre de première instance se concerte]
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je viens de demander à mes collègues
17 Juges de confirmer. Il me semble que la Chambre ne soit pas au courant de
18 cet accord, et je ne sache pas qu'il y a eu un accord entre les parties
19 dont la Chambre aurait été exclue ou s'il s'agit d'un accord dont la
20 Chambre est censée avoir été informée.
21 M. GUY-SMITH : [interprétation] En fait, ceci découle d'une décision qui
22 avait été prise par la Chambre en mai 2007 en ce qui concerne l'application
23 de modification de l'acte d'accusation au terme de l'article 73(B) du
24 Règlement, je crois que c'est le paragraphe 16 de cette décision précise.
25 En ce qui concerne l'acte d'accusation, je pense qu'il serait juste de dire
26 qu'il ne s'agit pas d'un accord qui a été formel ou officiel. Toutefois,
27 chaque fois que la question s'est présentée, et qu'il y a eu des questions
28 concernant ce type d'élément de preuve, en particulier, ait la possibilité
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1 de poser des questions à des témoins précis et que la question de la
2 terreur a été évoquée, il a été convenu qu'on ne poserait pas de question à
3 ce sujet.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais ma question c'était : est-ce
5 qu'il y a eu un accord entre les parties, ou est-ce que c'est un accord
6 dont la Chambre serait censée être informée ?
7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je ne pense pas que ce soit une
8 combinaison. Je crois qu'il s'agit d'une combinaison d'une entente de la
9 façon de comprendre la décision qui a été rendue par votre Chambre en ce
10 qui concerne la modification de l'acte d'accusation au titre de l'article
11 73 au mois de mai --
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, citer
13 cette décision ?
14 M. GUY-SMITH : [interprétation] Certainement, la Chambre note au paragraphe
15 16, en mai 2007.
16 "La Chambre note qu'au moins 22 témoins sont prévus pour déposer sur la
17 question de la terreur à Sarajevo. Deux de ces témoins sont prévus pour
18 faire une déposition sur le chef d'acte d'accusation concernant 'la
19 terreur.' Mais comme l'acte d'accusation modifié ne comprend pas la
20 terreur, donc la pertinence dans les dépositions n'est pas apparente. Bien
21 que l'Accusation allègue 'qu'il y ait une campagne qui a duré de tireur
22 isolé et de pilonnage par l'artillerie à Sarajevo,' il n'y a aucune
23 indication dans l'acte d'accusation modifié que la campagne qui a duré pour
24 essayer d'établir la terreur est une seule indication sur la terreur
25 apparaîtrait dans le mémoire préalable au procès : l'Accusation avait
26 affirmé qu'il y avait des éléments de preuve qui seraient présentés à
27 l'appui de ceci, la nature et le but de la campagne précitée était de
28 répandre la terreur dans la population serbe de Sarajevo. Toutefois, ceci
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1 ne justifie pas la présentation d'élément de preuve développé sur cet
2 aspect de la campagne. Par conséquent, la Chambre de première instance
3 donnera pour instruction à l'Accusation de ne pas poser de question sur la
4 'terreur' en ce qui concerne les chefs d'accusation relatifs à Sarajevo."
5 Maintenant, je comprends que ceci ne fait pas partie des éléments de preuve
6 qui font l'objet des chefs d'accusation dans l'acte d'accusation,
7 toutefois, il semble inapproprié de poser des questions sur ces éléments
8 sur cette déposition.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais alors j'ai demandé que vous
10 nous citiez cela.
11 Madame Carter, il semble qu'il y ait donc une décision prise par la Chambre
12 selon laquelle on ne poserait pas de question concernant la terreur.
13 Mme CARTER : [interprétation] L'élément que j'essaie de mettre ensemble
14 pour poser des questions c'est très précisément les tirs d'artillerie au
15 hasard sur Sarajevo. Ceci a été décrit comme étant une des deux tactiques
16 employés. J'essaie simplement de poser des questions pour obtenir des
17 positions -- pour savoir s'il y a des exemples précis de cette tactique.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ceci est autorisé. Vous pouvez
19 poursuivre.
20 Mme CARTER : [interprétation] Merci.
21 Q. Témoin, vous avez indiqué que la deuxième tactique utilisée par l'armée
22 serbe de Bosnie était de tirer des obus au hasard sur Sarajevo. Pourriez-
23 vous donner un exemple spécifique de cette tactique ?
24 R. Il y a eu un événement que je peux décrire et qui a eu lieu au cours de
25 la nuit donc la nuit de Noël 1992 quand sur le coup de minuit tous les
26 canons serbes de Bosnie, pièce d'artillerie, mortier, canon antiaérien
27 entourant Sarajevo ont ouvert le feu à Sarajevo tirant aussi rapidement
28 qu'ils le pouvaient pendant une période d'environ 15 à 20 minutes. Il y
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1 avait un canon antiaérien de 40 millimètres monté sur un flanc de colline
2 au-dessus de la présidence, au-dessus de la résidence à Sarajevo où se
3 trouvait le quartier général du général Morillon à l'intérieur de Sarajevo,
4 et qui se trouve -- c'est là que je me trouvais moi-même au moment de
5 l'incident. Ces tirs d'artillerie étaient des tirs rapides d'armes
6 antiaériennes faisant donc boom, boom, boom, boom, boom, boom, boom,
7 pendant environ 50 minutes tirant sur la ville.
8 Q. Bien.
9 R. C'était 15 minutes.
10 Q. Ce qui faisait cette détonation c'était -- est-ce que vous voulez dire
11 qu'il y avait quelque chose d'aussi systématique dans ce pilonnage ?
12 R. S'agissant de cette arme-là, oui, de ce canon-là, c'est certain.
13 Q. Ce peut-il que ce soit simplement des tirs de canon ?
14 R. Non.
15 Q. [aucune interprétation]
16 R. Parce que c'est un canon antiaérien et, en général, il tire par
17 rafales, deux, cinq, six voire dix coups, c'est une rafale rapide. Il y a
18 une gâchette et l'homme qui serre cette arme manifestement tirait sur cette
19 gâchette ou déclenchait ce mécanisme pour avoir cette cadence-là dans les
20 tirs et il le faisait à dessein.
21 Q. Vous avez dit que ces tactiques ont semé l'incertitude dans la
22 population civile de Sarajevo. De quelle façon est-ce qu'on a ressenti ?
23 Est-ce qu'on a vu cette incertitude dans la ville ?
24 R. Les gens avaient très peur, étaient anxieux. Les gens n'aiment pas
25 sortir en terrain dégagé, et surtout dans en général quand ils étaient dans
26 un espace dégagé, ils couraient pour le traverser.
27 Q. Pourriez-vous nous dire quelles étaient les conditions de vie de la
28 population de Sarajevo ?
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1 R. Vivre à Sarajevo pendant l'hiver quand il faisait froid, c'était
2 quelque chose de terrifiant. Il n'y avait pas de chauffage, pratiquement
3 aucun gaz n'arrivait à Sarajevo. Il y avait pratiquement pas d'électricité
4 qui arrivait à Sarajevo, donc ce qui veut dire qu'il était impossible de se
5 chauffer. On était à des températures de moins 10, moins 15 degrés parfois
6 pendant l'hiver, et le moindre bout de bois qu'il y avait dans la ville a
7 été utilisé; on a utilisé des arbres, on les a déracinés pour en brûler
8 racines pour se chauffer.
9 Il y avait très peu d'eau, ne parlons pas des conditions sanitaires,
10 je veux dire c'était très difficile, les gens avaient très faim. C'était
11 visible. Vous ne voyez pas de personnes un peu dodu à Sarajevo. Tout le
12 monde était maigre. Les gens étaient sans arrêt affamés.
13 Q. Est-ce qu'il y avait des gens venus de l'extérieur qui relataient ce
14 qui se passait à Sarajevo ?
15 R. Il y avait présence des médias internationaux à l'intérieur de Sarajevo
16 et, en général, ces reporters avaient -- séjournaient au Holiday Inn, un
17 hôtel bien connu à Sarajevo.
18 Q. Quels sont les médias qui ont fait des reportages sur ce qui se passait
19 à Sarajevo ?
20 R. Il y avait plusieurs journalistes indépendants. Il y avait aussi des
21 journalistes qui travaillaient pour la BBC
22 presse ou pour des quotidiens américains. Ceux-là venaient à Sarajevo où
23 ils y passaient une semaine voire deux, cherchant à avoir un entretien avec
24 le général Morillon, d'autres venaient faisaient un reportage, repartaient,
25 revenaient six semaines plus tard.
26 Q. Est-ce qu'il y avait aussi des médias des Balkans qui en parlaient de
27 ce siège à Sarajevo ?
28 R. A l'intérieur de Sarajevo, il y avait "Oslobodenje." Oslobodenje c'est
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1 un quotidien musulman de Bosnie qui a continué à travailler et à sortir son
2 journal même pendant le siège.
3 Q. Parlons maintenant de l'Est et de Srebrenica. Quand est-ce que vous
4 avez eu connaissance vous qui était officier de la FORPRONU pour la
5 première fois de ces enclaves de Bosnie orientale ?
6 R. J'en ai pris connaissance personnellement le premier jour où je me suis
7 trouvé en Bosnie. Je savais déjà que ces enclaves existaient en raison des
8 articles parus dans les journaux internationaux et qui disaient que le
9 commandant précédent du secteur de Sarajevo, le général MacKenzie avait
10 essayé d'obtenir l'arrivée de convois, d'aide humanitaire à Gorazde,
11 convois qui étaient escortés par des soldats du Bataillon ukrainien qui
12 était cantonné à Sarajevo.
13 Q. Pourquoi était-il nécessaire d'envoyer des convois d'aide humanitaire
14 dans ces enclaves de Bosnie orientale ?
15 R. Celles-ci avaient été entourées et isolées à la suite des premières
16 attaques des Serbes de Bosnie, en mai, en juin 1992, lorsque l'armée des
17 Serbes de Bosnie s'était emparée du territoire que j'ai déjà décrit. Ce
18 territoire que m'avait montré Karadzic et Mladic sur cette carte montrant
19 les résultats du recensement. Les Serbes de Bosnie s'étaient entourés --
20 emparés de ces territoires, les avaient encerclés en mai, juin, mais juste
21 à ce moment-là ils avaient surtout isolé ce terrain. C'était un relief très
22 montagneux qui sur le plan économique ne revêtait pas grand intérêt pour
23 les Serbes de Bosnie. Ceux-ci semblaient simplement les isoler rien sans
24 plus.
25 Q. Vous parlez "d'isolement des enclaves de Bosnie orientale," mais ma
26 question au départ c'était de savoir pourquoi il était nécessaire d'envoyer
27 dans ces enclaves des convois d'aide humanitaire. Quelle était la réalité
28 au quotidien pour la population de ces enclaves ?
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1 R. Ces enclaves étaient entourées par les forces des Serbes de Bosnie et
2 ceci avait empêché le passage de vivres, de tout approvisionnement à ces
3 enclaves.
4 Q. Pourriez-vous dire aux Juges ce qu'on appelle - entre guillemets - "les
5 enclaves de Bosnie orientale" ?
6 R. Elles se trouvaient surtout autour de la ville de Gorazde, de celle de
7 Zepa et autour de la ville de Srebrenica, et autour du village de Cerska.
8 Q. Vous avez dit qu'en mai ou en juin, ces zones ont été entourées et/ou
9 encerclées, et que les Ukrainiens avaient essayé d'aider au passage de
10 cette aide humanitaire. Savez-vous quand les Ukrainiens ont essayé
11 d'escorter ces convois ?
12 R. La veille de mon arrivée en Bosnie; je ne me souviens pas. Je me
13 souviens avoir lu des articles dans la presse. Mais à partir de la date de
14 mon arrivée en Bosnie, le Bataillon ukrainien a essayé plusieurs fois, et
15 là, je vous parle de mémoire mais ici, à quatre ou cinq -- trois ou quatre
16 reprises, de parvenir à Srebrenica et a essayé deux fois de parvenir à
17 Gorazde.
18 Le Bataillon ukrainien a réussi à faire parvenir un convoi à Srebrenica au
19 début décembre 1992, c'était le premier convoi d'aide humanitaire qui était
20 arrivé à Srebrenica, depuis le début du conflit.
21 Q. Mais qu'est-ce qui empêchait à ces convois d'aide humanitaire d'arriver
22 à leur destination ?
23 R. Les forces serbes de Bosnie et des autorités serbes de Bosnie ont érigé
24 des barrages routiers, et ont ainsi empêché le passage de ces convois et ne
25 cessaient de trouver de nouvelles raisons justifiant que ces convois ne
26 puissent franchir ces barrages, six heures plus tard on leur donne
27 l'autorisation de passer. Mais c'était arrêter trois kilomètres plus loin,
28 et ainsi de suite.
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1 Q. Est-ce que vous avez fait connaître la situation à qui que ce soit ?
2 R. Oui, c'était un sujet qu'avait tout le temps le général Morillon sur
3 son ordre du jour, chaque fois qu'il a rencontré l'un ou l'autre des chefs
4 militaires ou politiques serbes, de Bosnie.
5 Q. A combien de reprises le sujet a-t-il été abordé ?
6 R. Mais on a parlé à chaque réunion, réunions avec les Serbes de Bosnie,
7 réunions qui étaient pratiquement quotidiennes.
8 Q. Quelle excuse a-t-on donné pour justifier l'interdiction de passage à
9 ces convois ?
10 R. Une des excuses données c'était que les Serbes de Bosnie exigeaient de
11 perquisitionner, de fouiller les convois. Ils voulaient s'assurer qu'il n'y
12 avait pas d'armes cachées dans ces convois qu'ils transportaient des
13 vivres, des médicaments. Quand ils insistaient pour faire ces fouilles,
14 c'est-à-dire qu'ils éventraient les sacs, que la nourriture n'était plus
15 utilisable après.
16 Autre excuse, c'est qu'ils disaient qu'il y avait des combats en
17 cours plus loin, sur la route, qu'il leur ait été impossible de garantir la
18 sécurité des convois. C'est pour cela que les convois ne pouvaient pas
19 passer. Autre excuse encore, les habitants qui habitaient dans ces
20 villages, ces villes, ces hameaux, avaient subi beaucoup de pertes et
21 étaient indignés et protestaient eux-mêmes pour empêcher, empêcher le
22 passage des convois. Autre excuse, ils disaient qu'ils allaient laisser
23 passer les convois par les zones tenues par les Musulmans de Bosnie,
24 uniquement lorsque des convois similaires seraient envoyés dans les zones
25 où il y avait des Serbes réfugiés. Ils disaient qu'il y avait une inéquité
26 [comme interprété] -- un déséquilibre dans les quantités d'aide humanitaire
27 fournies aux communautés ethniques respectives.
28 Q. Est-ce que c'étaient des excuses qui étaient acceptables par la
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1 FORPRONU ?
2 M. GUY-SMITH : [interprétation] Quelle est la pertinence ?
3 Mme CARTER : [interprétation] Je peux reformuler la question, Monsieur le
4 Président.
5 Q. Lorsque vous avez rencontré les chefs militaires et politiques des
6 Serbes de Bosnie, et qu'ils vous ont donné ces excuses, quelle fut la
7 réaction de la FORPRONU ?
8 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je suis tenté de demander si Mme Carter
9 pense que le témoin vraiment avec une souris cachée dans sa poche, on peut
10 lui demander ce qu'il a vu, mais je pense que ça pose problème si on lui
11 demande comment la FORPRONU a réagi. Le témoin lui même nous l'a dit, la
12 FORPRONU, c'est une organisation assez importante qui avait son siège si
13 j'ai bien compris à Zagreb. Alors je ne sais pas si la question ainsi
14 formulée laisse entendre qu'il y aurait eu une conversation avec quelqu'un
15 en présence de M. Tucker, montrant la participation de Zagreb.
16 J'avais déjà demandé des précisions auparavant, je répète ma demande.
17 Car ici, on fait notamment référence à des conversations précises sur des
18 sujets précis, et des dates précises, qui en fin de compte auront leur
19 effet sur mon contre-interrogatoire, certes mais aussi sur les décisions
20 qu'il vous faudra prendre en fin de procès, et ce genre de question n'est
21 pas très utile.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.
23 Mme CARTER : [interprétation] Je dis que ces conversations sont des
24 conversations auxquelles a assisté M. Tucker. C'est donc précis mais je
25 peux être encore plus précise.
26 Q. Monsieur le Témoin, lorsque le général Morillon et vous, vous avez
27 parlé avec des dirigeants politiques et militaires ou des personnes
28 politiques et militaires des Serbes de Bosnie, et lorsque ces personnes
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1 vous ont présenté ces excuses, comment avez-vous réagi ?
2 M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais ça voudrait dire qu'à chacune de ces
3 réunions, on a donné la même excuse. Pourquoi est-ce que j'insiste ?
4 Pourquoi est-ce que je demande des précisions, et Mme Carter le comprendra
5 la période est de plus volatile, c'est-à-dire beaucoup de choses se
6 passaient pendant cette période très turbulente. Il faut qu'on soit très
7 précis quand on demande qui a parlé, qui a fait quelque chose, suite à ce
8 qui a été dit; sinon, ce n'est pas utile.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter, pouvez-vous obtenir du
10 témoin une réponse précise par rapport à une excuse précise ?
11 [imperceptible] difficulté peut-être.
12 Mme CARTER : [interprétation]
13 Q. Quand avez-vous parlé pour la première fois du problème des convois
14 humanitaires avec, disons pour les Serbes, le général Mladic ?
15 R. Pour répondre à ce genre de question, au regard d'événements survenus
16 il y a 15 ans au plus, il faudrait que je fasse référence à une réunion
17 précise. Ce que je peux vous dire ici même, c'est qu'on en a parlé dans les
18 premières réunions, fin octobre, début novembre et c'est resté un sujet
19 pendant toutes les réunions que nous avons eues avec les Serbes pendant que
20 j'étais en Bosnie-Herzégovine.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous parlez d'octobre 1992 ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Exact, Monsieur le Président.
23 Mme CARTER : [interprétation]
24 Q. Vous dites que ça a été évoqué lors de votre première réunion. De quoi
25 a-t-on discuté lors de votre première réunion ?
26 R. De la nécessité de permettre aux convois humanitaires de traverser les
27 régions pour parvenir à tous ceux qui avaient besoin d'aide humanitaire,
28 quelle que ce soit leur appartenance ethnique. Le général Morillon a
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1 insisté là-dessus, il insistait pour dire que c'était la responsabilité de
2 tout un chacun dans la région, que l'on soit Musulman, Serbe ou Croate, que
3 chacun avait l'obligation d'aider la FORPRONU à faire parvenir l'aide
4 humanitaire là où elle était nécessaire. Le général Morillon l'a aussi dit
5 à plusieurs réunions, il y avait José Maria Mendiluce du HCR
6 participait à ces réunions --
7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Madame Carter, essayez de diriger votre
8 témoin. On parle uniquement de la première réunion maintenant; si la
9 question porte sur d'autres réunions, il pourra répondre à ces questions-
10 là, mais il faut d'abord les poser. J'insiste, je suis désolé de le faire.
11 Vous comprendrez en temps utile pourquoi c'est à ce point important ?
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, peut-être que vous pouvez voir
13 cette dernière phrase du témoin lorsqu'il dit que le témoin parlait des
14 autres réunions. M. Tucker a parlé d'une réunion à la fois. Vous étiez en
15 train de parler de la première réunion que vous avez eue en octobre,
16 novembre 1992. Si vous vous en souvenez, est-ce que vous pouvez nous parler
17 de cette réunion-là ?
18 Mme CARTER : [interprétation]
19 Q. Donnez-nous une date. A quelle date avez-vous eu cette première réunion
20 sur ce sujet-là ?
21 R. Le 27 ou le 28 octobre 1992, je pense.
22 Q. Quand a eu lieu la deuxième réunion au cours de laquelle vous avez
23 parlé de ce sujet ?
24 R. Vers le 5 novembre 1992.
25 Q. Qui participait à cette réunion ?
26 R. Première réunion avec le général Mladic --
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Soyez sûr que vous êtes sur la même
28 longueur d'ondes que le témoin. Si vous dites deuxième réunion, il répond
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1 de la première réunion; alors que vous parlez déjà de la deuxième.
2 Mme CARTER : [interprétation] Qui assistait, qui était présent à cette
3 première réunion ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait plusieurs personnes. Je me souviens
5 surtout du général Mladic, du Dr Karadzic, du Pr Koljevic. Il y avait le
6 général Morillon, moi-même, et l'adjudant chef Mihailov, qui était le garde
7 du corps du général Morillon. Il y avait d'autres personnes mais, vous
8 savez, ça s'est passé il y a 15 ans, je ne me souviens plus du nom de ces
9 autres personnes.
10 Q. Pour ce qui est de la deuxième réunion, qui y participait ? Qui y
11 assistait ?
12 R. A cette deuxième réunion, il y avait Karadzic, Mladic; Gvero était là
13 aussi, je pense; le général Morillon, moi-même, et Mihailov. Il y en avait
14 d'autres aussi qui étaient là, mais je pense qu'en général, il y avait de
15 huit à dix personnes à cette réunion.
16 Q. Pour ce qui est de cette deuxième réunion, de quoi aviez-vous discuté ?
17 R. Nous avons discuté de beaucoup de choses. L'un de ces sujets, c'était
18 l'aide humanitaire destinée aux enclaves de Bosnie orientale. Mais un autre
19 sujet c'était aussi le déploiement du bataillon italo-canadien dans la zone
20 de Banja Luka, déploiement du bataillon français autour de Petrovac. Il y
21 avait la question de savoir si des hommes du génie pourraient aller dans le
22 "no-man's land" qui entourait Sarajevo pour procéder à des réparations de
23 conduite de gaz et d'électricité et d'eau.
24 Q. Merci. Concentrons-nous sur la question de l'aide humanitaire. Qu'est-
25 ce qui a été dit ou plutôt quelle était votre préoccupation ? Je parle ici
26 du commandement de Bosnie-Herzégovine à la deuxième réunion.
27 R. Nous avons répété que l'aide humanitaire était répartie de façon
28 équitable, et c'était en fonction de l'estimation qu'on faisait de l'aide
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1 nécessaire sur le terrain, estimation indépendante, et c'est à peu près
2 50/50. Le général Morillon attendait des autorités serbes de Bosnie-
3 Herzégovine qu'elles fassent l'impossible pour permettre le passage de
4 cette aide.
5 Q. Comment ont réagi les Serbes de Bosnie ?
6 R. Le général Mladic et Karadzic ont dit qu'ils feraient tout ce qu'ils
7 pouvaient, mais que c'était loin d'être facile parce que les sentiments
8 étaient très vifs sur le terrain que quelque fois les gens de la région ne
9 faisaient pas nécessairement ce qu'on leur disait de faire. Les Serbes de
10 Bosnie ont aussi demandé au général Morillon de proposer un itinéraire, ce
11 qui permettrait au personnel du général Mladic de vérifier si c'était un
12 bon itinéraire ou plutôt de proposer un itinéraire de substitution pour
13 permettre au convoi de passer et d'arriver à destination.
14 Q. Vous dites que les sentiments étaient très vifs dans ces régions. Est-
15 ce qu'on vous a dit quels étaient les sentiments de la population locale ?
16 R. Je ne me souviens pas si on en a parlé à cette réunion là en
17 particulier. Mais on nous a dit, et c'était toujours la même chose, à
18 savoir que les habitants de la région avaient beaucoup souffert du conflit,
19 s'opposaient à ce qu'on amène de l'aide humanitaire à la partie adverse.
20 Q. Vous dites que c'était au cours de la première semaine de novembre.
21 Pourriez-vous nous dire quand a eu lieu la troisième réunion ?
22 R. C'était au mois de novembre, mais plus tard, je ne sais plus quand.
23 Q. Lorsque la troisième réunion a eu lieu, est-ce que de l'aide
24 humanitaire était parvenue jusqu'aux enclaves ?
25 R. Non. Lors de cette troisième réunion, il y avait un convoi en route, et
26 Mladic n'arrêtait pas de sortir de la pièce pour parler au téléphone avec
27 ses hommes. En tout cas, c'est ce qu'il nous a dit. Il sortait pour leur
28 parler et essayer de veiller à ce que le convoi passe.
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1 Q. Pourriez-vous nous dire combien de temps s'est écoulé entre la deuxième
2 et la troisième réunion ?
3 R. Quelques semaines, une semaine ou deux. Je parle de la réunion avec le
4 général Mladic. Il y en avait eu beaucoup d'autres.
5 Q. Quelles étaient ces autres réunions ?
6 R. C'était des réunions avec les Musulmans de Bosnie. A cette époque-là,
7 le général Morillon n'a pas eu de réunion avec les Croates de Bosnie. Je
8 pense qu'il a rencontré le colonel Siber, la première fois, en novembre.
9 Q. Quand est-ce que le premier convoi est vraiment passé ? Il est arrivé
10 dans quelle enclave ?
11 R. Je pense qu'il y a un convoi qui est parvenu à Gorazde en octobre,
12 octobre/novembre. Mais le premier convoi qui est arrivé à Srebrenica, lui,
13 il est arrivé début décembre.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Une précision, s'il vous plaît. Je
15 pense que vous avez dit que la deuxième réunion s'était déroulée autour du
16 5 novembre, et vous avez dit qu'à ce moment-là, il n'y avait aucun convoi
17 qui était passé encore ?
18 R. Aucun convoi n'est arrivé à Srebrenica. Moi, je me concentrais sur
19 Srebrenica. Les convois destinés à Gorazde étaient surveillés par le
20 secteur de Sarajevo dont faisait partie le Bataillon ukrainien, et je ne
21 sais pas si c'est après le 4 ou le 5 novembre que le convoi est arrivé
22 Gorazde.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
24 Poursuivez, Madame Carter.
25 Mme CARTER : Merci, Monsieur le Président.
26 Q. Pour ce qui est des enclaves de la Bosnie orientale et surtout de
27 celles de Srebrenica, savez-vous combien de personnes il y avait en octobre
28 1992 à l'intérieur de l'enclave de Srebrenica ?
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1 R. On ne le savait pas. Les Nations Unies n'avait pas de personnel dans
2 l'enclave. Les seuls rapports que nous avions provenaient d'agences de
3 presse internationale qui parfois parvenaient à faire entrer un reporter.
4 Q. Savez-vous si les personnes qui se trouvaient dans l'enclave venaient
5 de villages se trouvant dans l'enclave ou si elles venaient d'ailleurs ?
6 R. Je ne me souviens pas si mes premières informations venaient de ces
7 publications originales, mais ce que nous avons constaté de la part de nos
8 propres gens dans les enclaves était qu'il y avait un grand nombre de
9 réfugiés dans ces enclaves qui avaient fui d'autres parties de la Bosnie et
10 qui avaient été expulsés de leurs endroits de résidence par les militaires
11 et les paramilitaires de même que la police Serbe de Bosnie.
12 Q. Lorsque vous dites qu'ils ont été expulsés, est-ce que vous savez
13 quelle était la tactique appliquée pour les expulser de leurs villages ?
14 R. D'après les récits que ces personnes faisaient à nos soldats dans les
15 enclaves, normalement les militaires ou les policiers en uniforme
16 frappaient sur leurs portes de toute leur force et leur disaient qu'il
17 avaient cinq minutes plus ou moins pour se rassembler sur la place du
18 village; et ensuite, ils étaient placés dans les véhicules avec ce qu'ils
19 pouvaient emporter avec eux; et ensuite ils étaient transportés à la ligne
20 de front; et ensuite, on leur disait de quitter les véhicules et de marcher
21 dans une direction particulière. C'était une approche.
22 Une autre approche était la suivante. Les gens entendaient que ceci se
23 passait au village avoisinant ou la banlieue avoisinante et il
24 n'attendaient pas que l'on frappe sur leurs propres portes, mais ils
25 prenaient eux-mêmes leurs affaires et partaient pour être en sécurité
26 ailleurs, de leur propre gré.
27 Q. Vous avez indiqué que ces personnes faisaient les récits aux soldats.
28 Est-ce qu'elles vous ont dit pourquoi elles étaient parties --
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1 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, je vais faire objection à
2 cette question. Il y a des milliers de raisons pourquoi ceci s'est passé
3 pendant la guerre, et je crois que la question est sans pertinence.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Votre objection est rejetée.
5 Poursuivez, Madame Carter.
6 Mme CARTER : [interprétation]
7 Q. Je vais répéter ma question. Vous avez dit que ces personnes disaient
8 aux troupes qu'elles partaient en raison du fait qu'elles avaient entendu
9 ce qui ce passait dans le village avoisinant. Est-ce qu'elles vous ont
10 expliqué pourquoi ?
11 R. Je pense qu'elles pensaient que leur vie était en danger.
12 Q. Danger, par rapport à qui ?
13 R. Danger, par rapport à ceux qui procédaient au nettoyage ethnique, et
14 j'utilise le mot en toute connaissance de cause.
15 Q. Pendant combien de temps es-ce que ce nettoyage ethnique s'est déroulé.
16 R. Je dirais que ceci se déroulait pendant que j'étais en Bosnie. D'après
17 ce que j'ai lu dans la presse internationale, et ce que j'ai vu à la
18 télévision, apparemment ceci se déroulait en Bosnie dès le début du
19 conflit, c'est-à-dire depuis avril, mai 1992.
20 Q. Bien. Est-ce qu'à un moment donné vous avez pu entrer dans les
21 enclaves, ou plus précisément Srebrenica ?
22 R. Je suis entré dans l'enclave de Srebrenica à deux reprises, ou plutôt
23 environ six ou sept fois. Mais la première fois, ce n'était pas à
24 Srebrenica même, mais à Konjevic Polje. Konjevic Polje se trouve à une
25 distance de 15 à 20 kilomètres au nord-ouest de Srebrenica. C'était les
26 cinq et six mars 1992. Ensuite, avec le général Morillon, je suis allé de
27 nouveau dans l'enclave de Srebrenica; c'était vers le 10, 11 mars 1992, et
28 c'était pour aller à Srebrenica même. Ensuite nous étions à Srebrenica
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1 pendant encore deux semaines et demie à trois semaines, et puis nous sommes
2 partis de l'enclave à plusieurs reprises afin de négocier avec les
3 autorités militaires de Serbes de Bosnie; et ensuite, nous sommes rentrés à
4 l'enclave.
5 Q. Monsieur, vous avez indiqué les dates en mars 1992, est-ce exact ?
6 R. Excusez-moi, c'était 1993.
7 Q. Vous nous avez exprimé la préoccupation au sujet de la situation
8 humanitaire en octobre et novembre 1992. Pourquoi avez-vous mis aussi
9 longtemps avant d'aller à Srebrenica ?
10 R. La raison principale était que nous avions eu des priorités dans notre
11 travail. En octobre, nous étions au courant des enclaves mais nous avions
12 très peu d'informations au sujet des circonstances qui prévalaient au sein
13 des enclaves, et d'autres événements se déroulaient ailleurs, événements
14 qui nous semblaient plus urgents; par conséquent, nous nous sommes
15 concentrés là-dessus.
16 La situation dans les enclaves a commencé à escaler. Il y avait une
17 escalade de la situation, et je veux dire par là que les autorités des
18 Musulmans de Bosnie à Sarajevo ont commencé à demander de plus en plus
19 souvent que les Nations Unies et la communauté internationale fassent plus
20 afin d'obtenir l'aide humanitaire et de la faire acheminer dans les
21 enclaves, et ceci à commencé vers la mi-décembre 1992. Ensuite ceci s'est
22 accentué, et je veux dire par là que la pression des Musulmans de Bosnie
23 sur la communauté internationale et le général Morillon s'est accentuée
24 pendant le mois de janvier, ce qui a abouti à l'établissement des ponts
25 aériens qui transportaient l'aide humanitaire dans les enclaves car les
26 Nations Unies n'arrivait pas à faire acheminer de l'aide humanitaire par
27 voie terrestre.
28 Ensuite, en février 1993, nous avons entendu des rapports au sujet des
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1 combats qui se sont intensifiés autour des enclaves, et les autorités des
2 Musulmans de Bosnie ne demandaient plus seulement l'aide humanitaire mais
3 elles ont également -- on commençait à demander de l'aide pour les
4 personnes blessées au combat. Autrement dit, jusqu'au mois de décembre ou
5 janvier, les enclaves étaient simplement encerclées et isolées alors qu'à
6 partir de janvier, février, les combats ont commencé à s'intensifier.
7 Q. Merci. Vous avez indiqué qu'il y a eu les aériens puis il y a eu des
8 appels afin d'obtenir l'aide humanitaire fin 1992, début 1993. Vous et le
9 général Morillon, avec qui avez-vous parlé afin de faciliter l'acheminement
10 de l'aide à l'enclave de Srebrenica ?
11 R. Toutes les personnes que le général Morillon pouvait rencontrer et je
12 veux dire par là que le général Mladic refusait de rencontrer encore le
13 général Morillon, et la dernière réunion que celui-ci a eu avec le général
14 Mladic était vers la fin décembre, autour du 26 décembre. Ensuite il n'a
15 plus revu Mladic jusqu'à je crois la réunion à Belgrade qui a eu lieu vers
16 la fin du mois de mars 1993.
17 Donc entre-temps, il devait rencontrer Karadzic et le général Gvero, à
18 l'époque il était colonel, je crois. Il y avait le colonel Zarkovic. Il a
19 rencontré plusieurs fois le général Milovanovic, qui était le chef de
20 l'état-major du général Mladic. Ensuite il a rencontré le général Galic
21 plusieurs fois, il était le commandant des forces serbes qui encerclaient
22 Sarajevo, et puis il l'a rencontré en janvier ou février un nombre de
23 Serbes de Bosnie des hommes politiques, des membres de ce qu'on a appelé,
24 je crois, l'Assemblée nationale de la Republika Srpska.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vais vous interrompre avant que la
26 ligne ne disparaisse de l'écran.
27 Monsieur Tucker, à la page 54, à commencer par la ligne 16, vous avez
28 dit :
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1 "Ensuite en février 1993, nous avons entendu des rapports selon lesquels
2 les combats s'intensifiaient à commencer par les alentours des enclaves et
3 les autorités bosniaques, les Musulmans de Bosnie ne demandaient plus
4 seulement l'aide humanitaire mais ils demandaient aussi de l'aide pour les
5 personnes blessées au combats."
6 D'après le commandement des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine --
7 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ne considérait-on pas que l'aide
9 fournie aux personnes blessées c'était l'aide humanitaire aussi ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Si c'était le cas.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. C'est ce que je voulais savoir.
12 Mme CARTER : [interprétation] Je vous remercie.
13 Q. Monsieur, dans ce que vous avez dit par rapport à Mladic. Vous avez dit
14 que vous l'avez rencontré à un moment donné à Belgrade à la fin de l'année
15 1993. S'agissait-il de votre dernière rencontre avec des personnes à
16 l'intérieur de Belgrade ?
17 R. Non, comme je l'ai déjà mentionné ce matin, nous avions rencontré le
18 commandement -- le haut commandement de l'armée serbe, des Serbes de
19 Serbie, en janvier 1993, et ensuite fin mars 1993, nous avons rencontré
20 Milosevic à Belgrade. Le lendemain ou le surlendemain, toujours à Belgrade,
21 nous avons rencontré à Belgrade le général Mladic, Gvero et d'autres
22 personnalités militaires et politiques du côté des Serbes de Bosnie.
23 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi. Je m'excuse, peut-être je suis
24 perplexe par rapport à la question posée par Mme Carter. Elle a fait
25 référence dans la question qu'il avait rencontré Mladic à la fin de l'année
26 1993, alors que j'avais compris que le colonel Tucker n'était plus dans la
27 région fin 1993.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Fin mars 1993.
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1 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci. Pour que ce soit clair, car dans la
2 question, il y a été question de plusieurs réunions, et j'avais
3 l'impression que -- vu la forme actuelle de la question, on aurait
4 l'impression que le colonel Tucker avait rencontré le général Mladic à
5 Belgrade fin 1993.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Guy-Smith.
7 Mme CARTER : [interprétation]
8 Q. Monsieur, pour que les choses soient tout à fait claires quand avez-
9 vous eu votre première rencontre à Belgrade ?
10 R. En janvier 1993.
11 Q. Qui avez-vous rencontré ?
12 R. Le général Panic et plusieurs hauts officiers des Serbes de Serbie --
13 de l'armée des Serbes de Serbie.
14 Q. Vous avez parlé de quoi ?
15 R. Le général Morillon avait demandé leur aide pour qu'ils exercent
16 l'influence sur les Serbes de Bosnie afin que ceux-ci se contrôlent et afin
17 qu'ils permettent l'acheminement de l'aide humanitaire et afin de mettre
18 fin aux incidents excessifs.
19 Q. Quel a été la réponse ?
20 R. La réponse a été, bien sûr, qu'ils allaient faire de leur mieux mais
21 que les Serbes de Bosnie constituaient un Etat indépendant et qu'ils
22 pouvaient faire appel à eux mais qu'ils n'avaient aucune autorité ni aucun
23 pouvoir leur permettant de les diriger d'une quelconque manière.
24 Q. Je vais maintenant traiter de la chronologie s'agissant de votre entrée
25 à Srebrenica et nous parlerons plus tard des réunions qui ont eu lieu à
26 Belgrade.
27 Quelles étaient les circonstances exactes dans lesquelles vous êtes entré à
28 Srebrenica ou lorsque vous êtes approché de Srebrenica pour la première
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1 fois ?
2 R. Les circonstances étaient tel que le général Morillon avait reçu une
3 demande encore plus urgente qu'auparavant de la part des autorités
4 musulmanes à Sarajevo lui demandant d'aller à Srebrenica pour vérifier lui-
5 même à quoi ressemblait la situation sur le terrain et afin de voir à quel
6 point il était urgent d'agir et afin de s'assurer que l'aide humanitaire ne
7 soit plus bloquée et retenue, et afin de faire passer l'aide humanitaire
8 jusqu'aux personnes assiégées dans les enclaves.
9 Q. Est-ce que vous pouvez décrire votre première entrée ?
10 R. La première entrée dans la poche de Srebrenica a eu lieu le 5, le 6
11 mars 1993. Après que nous avons fini par avoir la permission de la part des
12 Serbes de Bosnie d'entrer dans l'enclave, nous avons trouvé à Konjevic
13 Polje, nous avons constaté qu'il n'y avait pas autant de personnes blessées
14 que ce que le général Morillon avait entendu dire de la part des autorités
15 à Sarajevo; cependant, la plupart des blessés qui pouvaient se déplacer et
16 des réfugiés avaient passé à Konjevic Polje et avancé vers Srebrenica.
17 Le lendemain, le général Morillon est allé vers le village de Cerska. Pour
18 ce faire, encore une fois il a dû traverser la ligne de front, car le
19 village de Cerska avait été capturé par les forces des Serbes de Bosnie
20 plusieurs jours auparavant. Et les réfugiés que j'ai mentionnés il y a
21 quelques minutes, et les personnes blessées, étaient ceux qui étaient venus
22 au cours des dernières journées de Cerska. Ils avaient fui Cerska avant que
23 Cerska ne soit capturé par les Serbes de Bosnie.
24 Q. C'était votre première entrée dans la poche de Srebrenica. Est-ce que
25 vous pouvez me dire à quel moment a eu lieu la deuxième entrée ?
26 R. Notre deuxième entrée dans la poche de Srebrenica a eu lieu au bout de
27 cinq à six jours. Car le général Morillon, après être allé à Konjevic Polje
28 et Cerska, est allé à Sarajevo pour rencontrer le président Alija
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1 Izetbegovic et lui dire personnellement ce qu'il avait vu, et ensuite le
2 général Izetbegovic lui a demandé, et d'ailleurs Morillon l'avait suggéré,
3 il semblait que Srebrenica était l'endroit où la plus grande partie des
4 réfugiés se trouvaient. Le général Morillon a dit qu'il allait retourner à
5 Srebrenica. Il a fallu attendre encore deux ou trois jours avant que le
6 général Morillon ne puisse entrer à Srebrenica.
7 Q. Pourquoi est-ce qu'il a fallu attendre encore deux ou trois jours ?
8 R. Car on arrêtait tous les cinq, dix kilomètres, aux points de contrôle,
9 aux barrages routiers. A ces barrages routiers, on nous disait que, enfin
10 ceux qui s'y trouvaient disaient qu'ils n'avaient pas l'autorité leur
11 permettant de laisser passer le général Morillon, donc il fallait attendre
12 deux, trois, cinq heures. Le général Morillon essayait de téléphoner à
13 certaines personnes, et à la fin il pouvait passer mais il était arrêté au
14 barrage routier suivant. Le général Morillon était encore en compagnie ou
15 était escorté par dix véhicules, et une partie de la permission impliquait
16 qu'il fallait qu'il laisse derrière lui deux véhicules, donc il restait
17 avec huit véhicules, ensuite six véhicules.
18 Puis finalement, nous sommes arrivés à Zvornik et c'est là que l'on
19 nous a dit que le maire de Zvornik devait approuver le passage du général
20 Morillon et donc il a fallu rencontrer le maire de Zvornik qui était
21 introuvable. Donc, nous avons dû rester à l'hôtel Yougoslavia, qui était
22 juste de l'autre côté en Serbie même. Ensuite, le matin, nous avons eu une
23 rencontre avec le maire de Zvornik qui voulait que le général Morillon
24 approuve un réacheminement [phon] des produits chimiques dans une usine, je
25 crois d'aluminium, pour permettre à l'usine de fonctionner de nouveau, et
26 si le général Morillon faisait cela, il pourrait passer. Le général a
27 protesté face à cette corrélation.
28 Ensuite, le commandant Pandurevic est arrivé. C'était un officier des
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13 pagination anglaise et la pagination française.
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1 Serbes de Bosnie qui bénéficiait visiblement de beaucoup d'autorité dans
2 cette partie de la Bosnie, et le commandant Pandurevic a dit qu'il allait
3 venir en aide et qu'il allait fournir la permission. A la fin, nous sommes
4 partis du bureau du maire de Zvornik, et nous avons pu traverser le pont de
5 Zvornik en surplombant la rivière de la Drina, et ensuite un capitaine des
6 Serbes de Bosnie qui commandait le pont a refusé le passage du général
7 Morillon. Par conséquent, il y a eu encore plusieurs heures d'attente. A la
8 fin, il a obtenu permission à traverser vers la Serbie, puis on lui a dit
9 qu'il devait prendre la route de Zvornik à Bratunac, du côté serbe de la
10 rivière, et non pas du côté bosniaque.
11 De l'autre côté de la rivière se trouvaient deux ou trois convois du
12 HCR qui essayaient d'aller dans l'autre direction. Autrement dit, ils
13 essayaient de traverser le pont depuis la Serbie vers la Bosnie, et ils y
14 avaient été retenus pendant quatre ou cinq jours ou plus. Il y avait aussi
15 le 2e Bataillon canadien qui attendait depuis trois ou quatre semaines. Ils
16 étaient simplement garés à côté de la route et ils attendaient
17 l'autorisation de se déployer en Bosnie.
18 Nous avons pris un véhicule blindé des transports de troupes de ce
19 bataillon canadien. Nous l'avons pris avec nous, car nous n'avions que de 4
20 X 4, et un camion rempli d'aide humanitaire, des sucres et médicaments, et
21 ensuite nous avons fini par arriver à Bratunac où nous avons dû rencontrer
22 le commandant local des Serbes de Bosnie à Bratunac.
23 Q. Monsieur, excusez-moi de vous interrompre. Vous avez donné une longue
24 réponse, et apparemment le temps est arrivé pour faire une pause. Je ne
25 sais pas si la Chambre souhaite attendre la fin de la réponse ou bien faire
26 une pause.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il vous faut encore combien de temps
28 pour finir la réponse, Monsieur Tucker ? Vous pensez que vous pouvez
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1 terminer cela, ensuite nous allons prendre notre pause ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Deux minutes.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Deux minutes.
4 Mme CARTER : [interprétation]
5 Q. Vous étiez à Bratunac, et que s'est-il passé lorsque vous êtes arrivés
6 ?
7 R. Juste avant notre arrivée à Bratunac, on a été retenus encore une fois
8 sur la route entre Zvornik et Bratunac pendant deux ou trois heures.
9 Lorsque nous sommes arrivés à Bratunac, on nous a dit que le pont sur la
10 route de Bratunac à Srebrenica avait sauté le lendemain et n'était plus
11 praticable. C'était le pont jaune. Ensuite, j'ai regardé la carte et j'ai
12 trouvé une petite route montagneuse qui traversait les collines et les
13 montagnes pour aller à Srebrenica, et les Serbes ont dit : nous n'étions
14 pas au courant. Bien, on peut essayer. Visiblement, ils n'avaient pas
15 d'ordres de nous arrêter, de nous empêcher de ce faire. Donc, contre leur
16 gré, ils nous ont dit de prendre cet itinéraire, et au bout de huit à dix
17 heures, nous sommes arrivés à Srebrenica.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Nous allons prendre
19 une pause jusqu'à midi et demi.
20 --- L'audience est suspendue à 11 heures 59.
21 --- L'audience est reprise à 12 heures 29.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.
23 Mme CARTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 Q. Monsieur le Témoin, lorsque nous avions quitté, nous avions eu la
25 suspension de séance; est-ce que vous étiez en train d'entrer sur le point
26 de nous parler de Srebrenica -- d'entrer dans Srebrenica, à proprement dit,
27 pour la première fois ? Pourriez-vous nous décrire ce que vous avez vu le
28 premier jour ?
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1 R. Lorsque nous sommes arrivés, il faisait noir, donc ce n'est que
2 quelques heures plus tard que j'ai pu commencer à voir, et je me suis
3 promené dans Srebrenica de façon à voir, de mes propres yeux, quelle était
4 la situation. La température était nettement en dessous de zéro. Il y avait
5 de la neige épaisse sur le sol. Il y avait des milliers de réfugiés dans
6 les rues, qui se pressaient les uns contre les autres près des bâtiments.
7 Il y avait un terrain vague près du bâtiment des PTT où se trouvait un
8 cimetière de voitures. Ces voitures accidentées n'avaient pas de moteurs ni
9 de roues, mais chaque voiture comptait environ huit personnes qui vivaient
10 à l'intérieur. Il y avait un au compartiment moteur, il y en avait environ
11 deux dans le coffre, et ensuite quatre ou cinq ou six dans l'habitacle pour
12 les passagers.
13 Nous avons été emmenés au bâtiment de l'école à Srebrenica qui était
14 absolument comble, bourré de personnes. On pouvait à peine marcher sans
15 marcher sur des gens. Ces gens avaient très faim et très froid. Les odeurs
16 sur place, à tout endroit où les personnes se trouvaient les unes sur les
17 autres dans le froid étaient indescriptibles. C'était une odeur de beurre
18 rance, l'odeur de corps humains qui n'ont pas pu se laver depuis longtemps.
19 On nous a emmenés à des appartements où 15 à 20 personnes étaient
20 massées dans une pièce. Les cages d'escaliers de ces immeubles
21 d'appartements, les couloirs, chaque espace libre contenait des personnes
22 qui étaient accroupies désespérément avec des couvertures et des manteaux
23 et tout ce qu'ils pouvaient trouver autour d'eux.
24 Les gens nous ont montré ce qu'ils mangeaient. Ils mangeaient des
25 petits gâteaux qui étaient faits avec de la farine jaune qu'on pouvait
26 trouver dans les collines qui entouraient Sarajevo. Ces personnes, comme je
27 l'ai dit, étaient très maigres et avaient évidemment très faim. Ils avaient
28 les yeux éteints. Ces personnes étaient sans espoir. L'hygiène
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1 fondamentale, l'hygiène de base n'était pas respectée. Les gens n'étaient
2 pas en train de s'entraider. C'était extraordinairement déprimant comme
3 tableau, et c'est probablement l'une des pires choses que j'ai vue de ma
4 vie.
5 Q. Monsieur le Témoin, alors que vous passiez dans les rues de Srebrenica,
6 est-ce que vous avez eu la possibilité de parler à quelqu'un ?
7 R. Je n'ai pas directement, personnellement parlé à différentes personnes
8 si ce n'est un ou deux membres du comité de guerre de Srebrenica qui, se
9 trouve-t-il, parlaient anglais. Nous avions le garde du corps du général
10 Morillon, qui était un macédonien et qui parlait serbo-croate, et c'était
11 un soldat de la légion étrangère, et lorsque nous voulions parler à des
12 personnes, le général Morillon demandait par le truchement de son garde du
13 corps, et c'est par ce garde du corps, dans la plupart des cas, que nous
14 avons pu échanger des propos avec les gens du cru, que nous avons pu nous
15 parler.
16 Q. Est-ce que vous avez pu parler aux gens qui se trouvaient là ce jour-là
17 ?
18 R. Oui.
19 Q. Qu'est-ce que vous avez appris ?
20 R. Ces gens nous ont dit qu'ils venaient de nombreuses régions
21 différentes, mais la plupart étaient des gens qui se trouvaient ou bien à
22 l'extérieur ou dans l'école ou dans ces immeubles d'appartements, qui
23 avaient fui jusqu'à Srebrenica au cours des deux, ou trois ou quatre
24 dernières semaines. Ils l'avaient fait, et la plupart d'entre eux venant de
25 villages qui s'étaient trouvés dans l'enclave de Srebrenica, mais les
26 Serbes de Bosnie avaient apparemment commencé à attaquer à nouveau au début
27 de février et avaient commencé à pilonner les villages, donc ces personnes
28 s'étaient enfuies de ces villages.
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1 Q. Lorsque ces villages ont essuyé des tirs d'artillerie, est-ce qu'il y a
2 eu une sorte de schéma ou de plan correspondant à cela ?
3 R. Le schéma que nous avons observé, c'était que les Serbes de Bosnie
4 commençaient à pilonner deux ou trois villages. Ce que je voulais dire par
5 des tirs d'obus, c'est qu'il y avait, par exemple, un obus toutes les 20
6 minutes, puis ensuite une pause pendant une heure, puis trois obus de plus.
7 Ce n'était pas un bombardement militaire du style de la Deuxième Guerre
8 mondiale, mais c'était simplement le fait de laisser tomber les obus sur un
9 village.
10 Lorsqu'ils ont commencé à quitter les villages, ils ne savaient pas
11 vraiment ce qui se passait. Toutefois, au bout de deux ou trois jours, ils
12 ont vu arriver brusquement une attaque d'une cinquantaine de soldats, ou 70
13 soldats, des fantassins, un ou deux chars et quelques transports de troupes
14 blindés qui commençaient, à ce moment-là, à prendre en tenailles le village
15 qu'ils attaquaient, pour le prendre. Puis quelques jours plus tard, c'était
16 le village suivant, puis le village suivant. Les réfugiés nous ont dit
17 qu'ils avaient très rapidement compris quel était le schéma, que les tirs
18 d'artillerie étaient là pour précéder une attaque au sol qui devait suivre
19 au bout de deux ou trois jours.
20 Donc, après les premiers jours, lorsque les combats se sont déchaînés
21 autour de l'enclave de Srebrenica, tout ce qu'il a fallu des Serbes de
22 Bosnie pour commencer à tirer quelques obus sur un village, pour que tous
23 les villageois prennent leurs paquets et s'enfuient.
24 L'une des tragédies, c'était que dans ces villages, dans les zones rurales
25 montagneuses, ces villages avaient des entrepôts et --
26 Q. Je vous arrête là un instant. Vous avez indiqué que ces villages
27 tombaient suivant un certain schéma, mais vous avez également dit que vous
28 avez observé. Alors, est-ce que vous avez observé ce schéma ou est-ce que
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1 c'est simplement que vous avez entendu parler de cela par les villageois
2 eux-mêmes ?
3 R. Nous avons entendu parler de ce schéma. La première fois que nous avons
4 eu connaissance de ça, c'est quand on a parlé aux villageois ce premier
5 jour à Srebrenica, lorsque nous avions une réunion dans la ville.
6 Deuxièmement, c'est quand nous sommes entrés dans Srebrenica, nous avions
7 avec nous un certain nombre d'observateurs militaires de l'ONU qui
8 n'étaient pas armés, les observateurs de l'ONU. Après que nous soyons
9 arrivés à Srebrenica, ces observateurs militaires allaient tous les jours
10 dans l'enclave avec des guides serbes de Bosnie. Ils allaient voir, de
11 leurs propres yeux, ce qui se passait. C'était leur tâche. Ensuite, ils
12 rendaient compte au général Morillon ainsi qu'à moi et confirmaient qu'ils
13 voyaient, eux aussi, un tel schéma se développer.
14 Q. Qui participait à ces tirs d'artillerie ?
15 R. D'où venaient les obus, a l'évidence, nous ne savions pas, mais les
16 soldats qui lançaient des attaques à terre, c'étaient des Serbes de Bosnie,
17 ces soldats, donc l'hypothèse était que les obus étaient tirés par des
18 forces serbes de Bosnie.
19 Q. Juste à titre d'éclaircissement, à la page 65, ligne 10, vous avez dit
20 qu'il s'agissait de guides serbes de Bosnie qui nous escortaient dans les
21 villages --
22 R. Excusez-moi, je voulais dire des guides musulmans de Bosnie à
23 l'intérieur de l'enclave qui emmenaient les observateurs militaires de
24 l'ONU jusqu'à la ligne de front de façon à pouvoir voir ce qui se passait.
25 Q. Maintenant, je vous ai arrêté un peu plus tôt lorsque vous avez
26 commencé à décrire le sort désastreux de ceux qui étaient chassés de chez
27 eux et dans des villages plus petits. Est-ce que vous pourriez nous dire,
28 s'il vous plaît, ce qui faisait que leur situation était absolument unique
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1 en son genre ?
2 R. Leur situation c'était que chez eux, dans leur maison, ils avaient des
3 réserves d'aliment. Bien que ça n'en a pas été beaucoup, il y avait quelque
4 chose. Quand ils se sont enfuis, ils n'ont pu fuir qu'en emportant ce
5 qu'ils étaient capables de porter avec un mulet. En d'autres termes, ils
6 avaient beaucoup moins de vivres avec eux. Donc, ces réfugiés déplacés
7 étaient ceux qui souffraient le plus de la faim et du froid.
8 Q. Vous avez décrit un village extrêmement rempli à Srebrenica. Est-ce que
9 vous avez un chiffre approximatif du nombre de personnes qui étaient
10 présentes dans ce village ?
11 R. Il y avait différentes personnes qui ont fait différentes estimations.
12 On parlait de personnes différentes. Je veux dire, nous avions, par
13 exemple, un certain nombre de personnel du HCR
14 deux personnes de l'OMS. Certaines personnes faisaient des estimations qui
15 allaient de 20 000 à 40 000 dans Srebrenica et autour de Srebrenica.
16 Q. Combien de temps êtes-vous resté à Srebrenica ce premier jour ou au
17 cours de cette première période ?
18 R. C'était environ du 11 mars 1993, et finalement quand j'ai quitté
19 Srebrenica, c'était environ le 28 mars.
20 Q. Bien. Pendant le temps que vous avez passé à Srebrenica, est-ce que
21 vous avez communiqué uniquement avec ceux qui se trouvaient à l'intérieur
22 du village, ou est-ce que vous avez communiqué avec l'extérieur par rapport
23 au village ?
25 au quartier général du commandement de la BiH à Kiseljak. Nous avions
26 également une équipe de l'armée des Etats-Unis qui était venue avec nous de
27 façon à coordonner les parachutages d'aide humanitaire. Ils avaient une
28 radio satellite qu'ils avaient emportée qui s'appelait TacSat dont ils se
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1 servaient au sein du commandement européen des Etats-Unis à Francfort.
2 C'était la même radio qui pouvait parler au porte-avion des Etats-Unis qui
3 se trouvait dans l'Adriatique.
4 Q. En dehors des communications que vous aviez par téléphone, et ce type
5 d'appareil de votre commandement, est-ce que vous avez eu des
6 communications avec des Serbes ou des officiels serbes de Bosnie, par
7 rapport à ce que vous voyiez ?
8 R. Oui. Nous avons rencontré -- enfin, le général Morillon a eu un certain
9 nombre de réunions avec des Serbes de Bosnie. Initialement, plusieurs
10 réunions avec le général Milovanovic qui ont eu lieu au pont jaune, c'est-
11 à-dire ce pont qui se trouve entre Bratunac et Srebrenica, et qui passe la
12 rivière. Cette rivière, à l'époque, constituait la ligne de front entre les
13 Serbes de Bosnie et les forces musulmanes de Bosnie dans le secteur.
14 Le général Morillon a également rencontré plus tard des personnes à
15 Bratunac proprement dit, que le maire de Bratunac, le commandant serbe de
16 Bosnie qui était à Bratunac. Il a eu des réunions avec le commandant
17 Pandurevic, ceci juste à l'extérieur de Zvornik. Il a également rencontré
18 Pandurevic et un autre colonel dont je ne peux pas me rappeler le nom, près
19 du pont de Bratunac.
20 Q. Je vous arrête là. Lorsque vous avez rencontré Pandurevic, de
21 quoi avez-vous parlé ?
22 R. La réunion avec Pandurevic concernait essentiellement le fait de
23 laisser passer le général Morillon et de laisser entrer les convois d'aide
24 humanitaire, parce qu'il semblait que Pandurevic exerçait un contrôle très
25 sérieux sur ce qui se passait dans le secteur. Pandurevic -- le général
26 Morillon avait également demandé à Pandurevic de faire tout ce qu'il
27 pouvait pour arrêter les convois du HCR de l'ONU qui étaient bloqués à
28 Zvornik, que pour faire en sorte qu'ils ne soient plus bloqués et leur
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1 permettre de passer.
2 Q. Précisément où a eu lieu cette réunion avec Pandurevic ?
3 R. Nous avons rencontré Pandurevic plusieurs fois. Nous l'avons
4 rencontré à l'extérieur, près du pont. La première fois que nous avons
5 rencontré Pandurevic, c'était dans le bureau du maire de Zvornik, en route
6 pour rentrer dans Srebrenica. Nous l'avons également rencontré près du pont
7 à Bratunac. Nous l'avons rencontré dans ce qui semblait, peut-être, son
8 quartier général juste à la périphérie de Zvornik. C'était une caserne
9 militaire, et nous avions été bloqués, et Pandurevic nous a ramenés dans
10 son bureau de façon à --
11 Q. Excusez-moi.
12 R. Pendant qu'il "demandait la permission pour que le général Morillon
13 puisse passer."
14 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, décrire ses bureaux ?
15 R. Son bureau était une installation militaire. C'était dans une caserne.
16 A l'intérieur, il y avait son bureau, et sur le mur, à côté de son bureau,
17 se trouvaient des cartes d'état-major au mur, et cette carte avait dessus
18 figuré le secteur de l'enclave de Srebrenica, et cette carte portait une
19 série de lignes, la ligne la plus grande étant autour de l'extérieur
20 portant la date du 7 février. Ensuite, la ligne suivante, qui était plus
21 petite, portait la date du 10 février, et il y avait encore environ six ou
22 sept autres lignes, chaque ligne semblant plus récente que la précédente
23 qui était datée de quelques jours plus tôt.
24 Ces lignes ressemblaient à ce qui aurait été une description du
25 périmètre de l'enclave de Srebrenica, et montraient qu'il y avait une
26 progression régulière, dans le sens que l'enclave diminuait dans ses
27 dimensions.
28 Lorsque Pandurevic a emmené le général Morillon ainsi que moi- même
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1 dans son bureau, il nous a juste fait rentrer et il nous a dit de nous
2 asseoir et qu'il allait nous faire avoir une tasse de café, puis il est
3 sorti. Lorsqu'il est revenu, il s'est rendu compte que cette carte était au
4 mur et qu'il y avait un rideau, et il a tiré le rideau sur la carte, donc
5 on ne pourrait plus la voir.
6 Mme CARTER : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, aller
7 brièvement en audience à huis clos partiel.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Audience à huis clos partiel.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous y sommes, Monsieur le Président.
10 [Audience à huis clos partiel]
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5 [Audience publique]
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
7 Madame Carter.
8 Mme CARTER : [interprétation] Si je peux avoir un instant, s'il vous plaît,
9 Monsieur le Président.
10 Q. Monsieur le Témoin, nous nous étions arrêtés à votre déposition au
11 moment où vous décriviez la progression régulière d'une part et la taille
12 qui diminuait de l'enclave de Srebrenica tel que figuré sur la carte qui se
13 trouvait au mur du bureau de Pandurevic. Pourriez-vous, s'il vous plaît,
14 dire aux membres de la Chambre si cette carte correspondait à ce que vous-
15 même et d'autres unités sur le terrain avez vu dans Srebrenica et autour de
16 Srebrenica ?
17 R. Oui, cette carte montre d'une façon plus détaillée que nous n'avions eu
18 la possibilité de le faire en rendant compte d'un peu dans le désordre,
19 mais nous avions des renseignements et cette carte elle correspondait bien.
20 En tant qu'officier de l'armée, en tant que militaire dans une formation
21 militaire, cette carte semblait indiquer la progression de l'assaut des
22 Serbes de Bosnie sur l'enclave de Srebrenica.
23 Q. Bien. Indépendamment de vos réunions avec Pandurevic, vous avez dit que
24 vous aviez également eu des rencontres avec d'autres personnes. Une fois
25 que vous avez eu connaissance de ce plan, à qui avez-vous parlé ?
26 R. Le plan, en voyant cette carte, ne nous a rien appris que nous ayons
27 déjà su. Nous savions que les combats avaient commencé autour de Srebrenica
28 et dans l'enclave de Srebrenica et que de lourds combats avaient commencé
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1 vers la fin de janvier, début février et que l'enclave de façon régulière
2 était rétrécie de plus en plus. Et nous avons parlé, plus exactement le
3 général Morillon a parlé aux dirigeants Serbes de Bosnie. J'ai déjà décrit
4 des réunions avec le général Milovanovic et d'autres réunions au cours
5 desquelles il leur a demandé d'arrêter les attaques contre l'enclave en
6 faisant remarquer que tandis que les Musulmans de Bosnie étaient très en
7 colère à cause des attaques que les Musulmans de Bosnie avaient commencé à
8 effectuer depuis --
9 Q. Monsieur le Témoin, en fait, on vous a demandé à qui vous avez parlé.
10 Est-ce que vous avez parlé à qui que ce soit de ce plan ? Est-ce que vous
11 avez eu d'autres réunions soit avec des Serbes de Bosnie ou des officiels
12 serbes en ce qui concerne cette opération dans Srebrenica et autour de
13 Srebrenica ?
14 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense, excusez-moi, qu'à ce stade nous
15 sommes en train de nous écarter du sujet. La question initiale découlerait
16 de ceci, je cite :
17 "Monsieur le Témoin, lorsque les villages étaient pilonnés, y avait-
18 il une sorte de schéma ou de plan à cela ?"
19 La réponse du témoin avait été qu'en ce qui concernait un schéma, ce schéma
20 maintenant a été comme promu, de par les questions posées, à un plan. Or,
21 il n'y a aucune indication ici qu'il y ait eu un plan ou une sorte de plan
22 qui aurait été créé. Alors, ce qui est là c'est une indication d'un schéma
23 concernant une activité, et d'après ce que nous avons compris, la preuve
24 qu'il y avait ce schéma. Mais quant à savoir si ce schéma est maintenant
25 devenu un plan d'une forme particulière, ceci faisant partie des éléments
26 de preuve et il est inapproprié d'appeler cela un plan; à moins, bien
27 entendu, qu'il ait eu une conversation avec des officiels Serbes de Bosnie
28 et qu'ils aient dit : "Oui, oui, nous avons un plan quelque qu'il puisse
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1 être."
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.
3 Mme CARTER : [interprétation] Monsieur le Président, cette série de
4 questions, en fait, répond au fait que le colonel Pandurevic avait une
5 carte sur son mur qui montrait une ligne de confrontation très nette et qui
6 était décroissante par rapport aux villages ainsi que les renseignements
7 que le colonel a fournis en ce qui concerne le pilonnage de ces secteurs.
8 M. GUY-SMITH : [interprétation] La difficulté avec ce qui vient d'être dit,
9 c'est l'interprétation. Il se peut qu'il y ait là quelque chose qu'il faut
10 se rappeler.
11 Mais il y a eu absence d'information pour prouver qu'il s'agit d'un
12 plan. Il n'y a pas absence de renseignements sur ce qu'il a à dire dans sa
13 déposition et que lui a perçu comme étant un schéma. Mais en ce qui
14 concerne la question du schéma, objectivement parlant de ce qu'il a vu, il
15 a vu un schéma. Ceci n'en fait pas pour autant un plan. C'est de cela que
16 je veux dire parce que s'il y avait un plan, ça voudrait dire qu'il y a
17 certaines personnes qui ont créé un plan et il n'y en a pas de preuves.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez bien posé une question à
19 propos d'un plan et moi-même j'étais sur le point de vous demander de quel
20 plan vous parliez. Jusqu'à présent, la discussion avait, me semble-t-il,
21 porté sur une certaine systématicité. Essayez de vous en tenir à ce point-
22 là parce que si c'était le témoin qui avait le premier prononcé le terme de
23 plan, ce serait différent mais c'est plutôt que vous, il semblait, le lui
24 aviez soufflé. L'objection est retenue. Page 72, lignes 14 et 16.
25 Mme CARTER : [interprétation] Est-ce que vous m'accorder un instant pour
26 discuter avec mon confrère ?
27 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
28 Mme CARTER : [interprétation]
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1 Q. Mon Colonel, est-ce que vous avez discuté, soit avec les Serbes de
2 Bosnie soit avec les dirigeants serbes, de ce que vous voyez à Srebrenica
3 et autour de Srebrenica ?
4 R. Oui, c'était le sujet principal de chacune des réunions que nous avons
5 eue avec les autorités serbes ou Serbes de Bosnie qu'a rencontrés le
6 général Morillon.
7 Q. Est-ce qu'à un moment donné, vous avez obtenu des éléments
8 d'information concernant ces opérations ?
9 R. Les Serbes de Bosnie nous ont dit que, pendant le nouvel An orthodoxe,
10 il y avait des Musulmans qui avaient lancé une attaque depuis l'enclave de
11 Srebrenica sur des villages serbes de Bosnie se trouvant autour de
12 l'enclave, et que ces attaques avaient tué beaucoup de villageois. Karadzic
13 a même dit au général Morillon que 1 260 villageois avaient été tués.
14 Au cours d'une réunion précédente qui s'était tenue en janvier Karadzic
15 avait dit au général Morillon que les artères d'approvisionnement les
16 routes de Zvornik à Pale, qui devaient franchir certaines zones assez
17 étroites, faisaient l'objet d'attaques régulières de la part de commandos
18 musulmans de Bosnie venant de l'enclave de Srebrenica.
19 Q. Je vous interromps. Je vous demandais si vous aviez obtenu des éléments
20 d'information à propos des opérations des Serbes de Bosnie à Srebrenica et
21 autour de la Srebrenica ?
22 R. Mais comme c'est vrai de tout ce qui se passait en Bosnie, non, parce
23 qu'il faut faire le lien avec deux ou trois choses.
24 Tout s'enchevêtre. Il faut expliquer tout. Les Serbes de Bosnie,
25 Karadzic a demandé à Morillon de faire une enquête sur la disparition de
26 son neveu qui avait disparu. Il était parti de Zvornik pour aller à Pale,
27 il n'était jamais arrivé à Pale, c'était un exemple donné par les Serbes de
28 Bosnie de ce qu'un activité militaire de ce qu'eux appelaient des crimes de
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1 guerre et avaient été menés et commis par des Musulmans de Bosnie depuis
2 l'enclave. Ils attaquaient l'enclave et c'était à dessein qu'ils le
3 faisaient car ils voulaient mettre la main sur les criminels de guerre qui
4 avaient commis des massacres dans des villages serbes de Bosnie. Ils
5 voulaient trouver ces personnes pour les poursuivre en justice.
6 Q. Pendant votre service à Srebrenica, s'agissant des villageois qui
7 venaient à Srebrenica, est-ce qu'ils ont fait l'objet de poursuite pénale ?
8 Est-ce qu'ils ont été placés en détention ?
9 R. Je ne comprends pas bien votre question, parce que les villageois
10 c'était simplement des réfugiés qui se réfugiaient à Srebrenica.
11 Q. S'agissant de cette conversation avec Karadzic qui disait que ces
12 villages -- pourquoi c'était arrestation; est-ce que ça correspondait à ce
13 que vous aviez vu en personne donc venant à Srebrenica ?
14 R. En partie. Nous avons vu venir à Srebrenica les réfugiés qui fuyaient
15 les villages attaqués que je vous ai décrits. Dans toutes les conversations
16 du général Morillon avec les autorités serbes de Bosnie, qui parlaient
17 d'essayer de faire venir de l'aide humanitaire dans les enclaves, les
18 autorités serbes de Bosnie disaient ceci :
19 "Les femmes et les enfants, d'accord. Ainsi que les hommes âgés, eux
20 pourraient sortir de l'enclave sans encombre quand ils le voulaient."
21 Mais ces autorités demandaient d'avoir le droit d'interroger, de
22 poser des questions à tous les hommes en âge de combattre pour qu'ils
23 vérifient eux-mêmes si ces hommes étaient des criminels de guerre ou pas,
24 étaient ou non coupables de ces responsables de ces attaques menées sur les
25 villages serbes.
26 Q. Auparavant dans la déclaration vous avez dit que vous avez rencontré
27 deux personnes de plus à Belgrade. Pourriez-vous nous décrire ces réunions
28 ?
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1 R. La première réunion se fut avec Milosevic, la deuxième avec le général
2 Mladic.
3 Q. Pourriez-vous nous dresser le décor de ces réunions ? D'abord, la date
4 de la première réunion, pourriez-vous nous la donner ?
5 R. J'ai rencontré Milosevic vers le 25 mars 1993.
6 Q. Lorsque vous avez rencontré Milosevic, était-il la seule personne que
7 vous avez rencontrée ce jour-là ?
8 R. Lorsque nous sommes arrivés au palais de Milosevic à Belgrade, il y
9 avait une vingtaine de militaires ou d'officiels importants. La moitié
10 était en uniforme, l'autre pas. Mais lorsque nous avons pénétré de plus en
11 plus dans le palais de Milosevic, il y a des gardes qui ont écarté la
12 plupart de ces autres personnes ce qui fait que quand on s'est assis dans
13 une grande salle à manger, il n'y avait que le général Milosevic, le
14 général Morillon et son garde du corps, je pense que Thornberry était
15 présent aussi.
16 Q. Pendant que vous traversiez ces différents couloirs, est-ce que vous
17 avez eu une conversation ?
18 R. Le général Morillon parlait avec Milosevic en passant par Mihailov, son
19 garde du corps; moi, je n'ai pas entendu ce que ces deux hommes se disaient
20 parce que j'étais derrière eux.
21 Q. Quels étaient les sujets de conversation à cette réunion ?
22 R. Le sujet principal c'était demandé à Milosevic de faire preuve
23 d'obtenir que les Serbes de Bosnie fassent preuve de retenue et arrêtent
24 d'attaquer l'enclave de Srebrenica, qu'il leur demande de ne plus chercher
25 à se venger des massacres qui se seraient produits au mois de janvier.
26 C'était de permettre l'acheminement de l'aide humanitaire jusqu'aux
27 réfugiés blessés, affamés se trouvant dans l'enclave.
28 Q. Pendant le temps que vous avez passé à Srebrenica, qu'est-ce qui vous a
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1 emmené à croire que Milosevic pouvait vous aider à ce sujet ?
2 M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais ça semble indiquer ou supposer un fait
3 qui n'est pas versé au dossier parce que ça concerne une période de temps
4 pendant laquelle il pouvait avoir ce genre de conviction, que ce soit
5 avant, après ou même pendant Srebrenica.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.
7 Mme CARTER : [interprétation]
8 Q. Pourquoi est-ce que le général Morillon avait fait ces demandes à
9 Milosevic ?
10 R. Le général Morillon pensait que, comme Milosevic était aussi un Serbe,
11 il avait une certaine influence sur les Serbes de Bosnie. Au cours de cette
12 dite réunion, il a dit clairement qu'il allait faire tout ce qu'il pouvait,
13 mais il a dit qu'il n'avait aucun pouvoir -- aucun contrôle sur les Serbes
14 de Bosnie.
15 Q. Auparavant, vous avez dit que plus tard après cette réunion, vous aviez
16 une réunion avec Mladic à Belgrade; pourriez-vous dire aux Juges dans
17 quelles circonstances cette réunion a eu lieu ? Pourquoi elle a eu lieu ?
18 R. Elle a eu lieu parce que le général Morillon a demandé également à
19 Milosevic de voir s'il pouvait organiser une réunion avec Mladic. En effet,
20 le général Morillon a dit à Milosevic qu'à son avis, Mladic c'était le
21 Serbe de Bosnie qui avait le plus d'influence sur les événements qui se
22 produisaient autour de Srebrenica. Le général Morillon a cherché à obtenir
23 l'assistance de Milosevic pour avoir la possibilité de rencontrer Mladic.
24 C'est dans ce contexte que j'ai évoqué au début de l'audience. Mladic avait
25 commencé à refuser toute réunion avec Morillon en janvier, ce qui veut dire
26 que Morillon n'avait plus rencontré Mladic depuis plusieurs mois.
27 Q. Est-ce que Milosevic a réussi rapidement à accéder à votre demande ?
28 R. L'assistant de Milosevic a dit au général Morillon, ce même soir en fin
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1 de soirée, qu'une réunion avait été organisée pendant le lendemain, à
2 Belgrade. Elle se tiendrait dans une villa appartenant au gouvernement de
3 Belgrade. Il y avait une délégation de la Republika Srpska qui assisterait
4 et que le général Mladic serait présent aussi.
5 Q. Est-ce que ceci vous dit quelque chose des rapports existants ?
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Guy-Smith.
7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection car ici on demande des
8 conjectures, et beaucoup d'entre elles d'ailleurs quand on parle de la
9 façon dont une réunion est organisée.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.
11 Mme CARTER : [interprétation] Le témoin a eu plusieurs réunions avec ces
12 personnalités, il est sans doute capable de dire ce qu'il a observé, et de
13 vous livrer son avis sur l'évolution des événements, ce n'est pas de la
14 conjecture, il ne vous donne les faits tels qu'il les connaissait au moment
15 des réunions.
16 M. GUY-SMITH : [interprétation] Le fait qu'une réunion est organisée
17 rapidement entre deux personnes, ça montre qu'il y a peut-être une crise,
18 mais ça ne nous dit rien des rapports existants entre les personnes
19 concernées. Je pense qu'il n'y a aucune logique dans ce qui est proposé ici
20 comme élément de preuve.
21 Mme CARTER : [interprétation] Je peux vous répondre ceci, je pense que ceci
22 -- si j'ai donné mon avis, ce serait diriger le témoin dans ses réponses,
23 je ne veux pas aller dans ce sens, donc je préfère rester dans le général.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'objection est retenue.
25 Mme CARTER : [interprétation] Est-ce qu'on peut demander au témoin de
26 sortir ?
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je viens de retenir l'objection. C'est
28 tout.
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1 Mme CARTER : [interprétation]
2 Q. Dites-moi : avec quelle rapidité Milosevic a pu organiser cette réunion
3 avec Mladic ?
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Question posée qui a déjà reçu
5 réponse, Madame Carter.
6 Mme CARTER : [interprétation] Je pense que le témoin a une réponse plus
7 précise.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Un instant, un instant. Est-ce que je
9 peux intervenir en premier lieu, Maître Guy-Smith.
10 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ligne 24, page 78, vous avez demandé à
12 quelle vitesse Milosevic avait demande. Il n'a pas répondu à votre
13 question, il a donné une idée de la rapidité avec laquelle la réunion s'est
14 tenue [imperceptible] du fait d'intervention éventuelle de Milosevic. Il a
15 dit que ça s'était fait le lendemain. Voilà la rapidité avec laquelle la
16 réunion a pu être organisée.
17 Mme CARTER : [interprétation] Je vais passer à un autre sujet.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
19 Mme CARTER : [interprétation]
20 Q. Monsieur, savez-vous -- êtes-vous au courant du quartier général de
21 Mladic à Bosnie ?
22 M. GUY-SMITH : [interprétation] Il est supposé que c'est un fait alors que
23 ceci n'a pas été versé au dossier, notamment que Mladic disposait d'un
24 quartier général. C'est une question directrice, et il faudrait qu'elle
25 pose une question appropriée à ce sujet.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pensais que vous alliez changer de
27 sujet. Vous voulez parler du quartier général ?
28 Mme CARTER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est le sujet qu'elle souhaite
2 aborder, et le témoin peut nous le dire.
3 M. GUY-SMITH : [interprétation] Elle a demandé le quartier général qui lui
4 était disponible.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La question était de savoir s'il était
6 au courant du quartier général dont disposait Mladic.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.
8 M. GUY-SMITH : [interprétation] Donc on assume qu'il a disposé d'un
9 quartier général, et c'est une question directrice.
10 M. GUY-SMITH : [interprétation] Elle peut dire quel était l'emplacement
11 physique dont il disposait.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Physique ? Ça peut vouloir dire sa
13 maison ?
14 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je ne sais pas, mais c'est un Serbe de
15 Bosnie qui opérait en Republika Srpska. Maintenant nous sommes à Belgrade.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il existe plusieurs emplacements
17 physiques dont il peut disposer à Belgrade. Elle souhaite parler du
18 quartier général. Donc elle peut demander s'il disposait d'un quartier
19 général, directeur, mais la question est de savoir s'il avait un quartier
20 général en Serbie.
21 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'ai mal parlé moi-même. J'ai dit --
22 j'aurais dû dire Bosnie. S'il le sait, elle peut lui demander s'il le sait
23 plutôt que de poser des questions directrices. Mais afin de rendre les
24 choses efficaces, je retire mon objection.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci car j'allais de toute façon la
26 rejeter.
27 Mme CARTER : [interprétation]
28 Q. Monsieur, est-ce que vous savez si Ratko Mladic disposait d'un quartier
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1 général ?
2 R. Je ne sais pas si c'était un quartier général, mais je sais qu'il
3 disposait des locaux à Belgrade.
4 Q. Où se trouvaient ces locaux à Belgrade ?
5 R. Je ne sais pas où c'était à Belgrade. Mladic faisait référence à cela à
6 Mihailov lorsqu'il parlait avec les autres en serbo-croate. Mihailov me le
7 disait, c'est ce qu'il disait. Mais je ne sais pas exactement où se
8 trouvait ce bâtiment et à quoi il ressemblait.
9 Q. Donc ce que vous savez c'est qu'il existait des locaux à Belgrade
10 quelque part; vous n'avez pas d'autres informations à ce sujet ?
11 R. C'est exact.
12 Q. A l'extérieur de ces locaux qui étaient à la disposition de Mladic --
13 ou plutôt, mis à part ces locaux, est-ce que vous êtes au courant d'autres
14 liens entre la Serbie et Srebrenica ?
15 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense que cette question n'est pas
16 appropriée non plus car elle lui pose une question au sujet de ce qu'elle
17 essaie de prouver au sujet de la base théorique qui est dans son esprit,
18 mais il n'y a pas eu d'éléments de preuve indiquant qu'il y a eu un lien
19 entre Srebrenica et la Serbie.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
21 Mme CARTER : [interprétation] Monsieur le Président, je ne suis pas sûre --
22 M. GUY-SMITH : [interprétation] En réalité, au contraire, le Témoin a dit
23 précisément que, lors des conversations qu'il avait avec Milosevic,
24 Milosevic avait dit qu'il allait faire ce qu'il pouvait faire afin d'aider
25 -- là, maintenant ça dépend du langage que l'on va utiliser. Je crois que
26 le témoin a dit qu'il allait voir si Milosevic pouvait avoir des individus
27 au sein des Serbes de Bosnie sur lesquels pourrait exercer son influence
28 pour les contenir. Je pense que la question est de savoir s'il pouvait les
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1 influencer d'une certaine manière. En ce qui concerne le lieu, il a indiqué
2 qu'il n'avait pas de contrôle direct ou pas du tout de contrôle sur eux.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-être vous pouvez donner une
4 réponse exhaustive maintenant que vous avez entendu le reste.
5 Mme CARTER : [interprétation] Je ne sais pas si nous avons une objection
6 pertinente ou pas. Une objection directrice, je ne sais comment répondre.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'objection était que la question
8 n'était pas appropriée non plus. Je ne sais pas quel peut être le type de
9 cette objection, à moins que vous nous disiez pourquoi cette question n'est
10 pas appropriée ou sans pertinence.
11 M. GUY-SMITH : [interprétation] La question telle qu'elle a été posée
12 suppose des faits qui n'ont pas été versés au dossier, et elle se lance
13 dans des conjectures, en plus la question n'est pas pertinente.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.
15 Mme CARTER : [interprétation] La réponse ne peut pas être des conjectures
16 car le Témoin va simplement décrire ce qu'il sait, et certainement, il
17 était en mesure de commettre certaines circonstances et, quant à la
18 pertinence, le procès aujourd'hui concerne Belgrade et notamment la
19 participation militaire à Republika Srpska. Donc certainement c'est
20 pertinent, donc je demande la permission de poser la question.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le seul problème, Madame, c'est qu'il
22 y a été question de lien entre la Serbie et la Bosnie, que le lien, ça
23 pourrait être le pont de la Drina.
24 Mme CARTER : [interprétation] D'accord, je vais choisir un autre mot que le
25 lien.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si vous parlez des êtres humains de la
27 Bosnie et des êtres humains de la Serbie, je pense que vous pouvez trouver
28 un meilleur mot.
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1 Mme CARTER : [interprétation] Monsieur, mis à part cette réunion
2 organisée avec Mladic, est-ce que vous êtes au courant d'autres
3 participations serbes dans les opérations de Srebrenica ?
4 R. Oui.
5 Vers le 13 ou le 14 mars, les observateurs militaires de l'ONU, qui
6 étaient à l'intérieur de l'enclave de Srebrenica et que j'avais déjà
7 décrits, nous avaient informés du fait qu'ils avaient remarqué des avions
8 militaires qui survolaient la Serbie, et ensuite la rivière de la Drina,
9 ensuite la Bosnie, larguaient des bombes sur deux villages, et ensuite ils
10 sont rentrés à Serbie et ont disparu en Servie. Des observateurs militaires
11 de l'ONU m'ont informé de cet événement. Ensuite, j'ai informé mon quartier
12 général de Kiseljak au sujet de cet événement, et je crois que ceci a été
13 relaté à ceux qui étaient placés supérieurement dans la chaîne de
14 commandement de l'ONU.
15 Si vous souhaitez des détails précis, je les ai dans mon journal. Le
16 premier avion était une biplane, et les deux ou trois autres étaient des
17 monoplanes. Si vous voulez, je peux vous donner les cotes des villages sur
18 lesquels les bombes ont été larguées.
19 Q. Monsieur, nous n'aurons pas besoin de tous ces détails. Est-ce
20 que ces bombes ont été larguées au cours de la période pendant laquelle
21 d'autres villages ont été autour de Srebrenica.
22 R. Ces deux villages en particulier qui ont été bombardés étaient
23 des villages qui se trouvaient dans l'enceinte de l'enclave de Srebrenica,
24 et par la suite ont été capturés.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La question est de savoir si ces
26 villages ont été bombardés pendant que d'autres villages étaient attaqués
27 aussi.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
2 Mme CARTER : [interprétation]
3 Q. Donc, s'agissait-il là de la seule forme de participation dont
4 vous êtes au courant du côté serbe ?
5 R. C'est la seule forme de participation factuelle. Il y a d'autres
6 participations potentielles dont j'ai été informé.
7 Q. De quoi vous a-t-on informé ?
8 M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection. Ouie dire. Il faudrait indiquer
9 les sources.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Poursuivez, Madame.
11 Mme CARTER : [interprétation]
12 Q. Monsieur, qui vous a informé et qu'est-ce qu'on vous a dit ?
13 R. C'était les réfugiés musulmans qui nous disaient que l'on posait les
14 ponts sur la rivière Drina pendant la nuit et ensuite, les camions
15 traversaient ces ponts et allaient plus loin, en Bosnie-Herzégovine.
16 Q. Monsieur, s'agissant d'inspections visuelles, personnelles, pouvez-vous
17 nous dire si vous avez vu quoi que ce soit de conforme à ce récent.
18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, avant la réponse, je pense que
19 le mot "conforme" est dangereux en traitant d'observations. Ça a peu de
20 pertinence et en réalité tout peut être conforme s'agissant de ce genre de
21 notion. Donc, je fais objection par rapport à la terminologie. S'il faut
22 établir un fait, contrairement aux conjectures pour ce qui est d'une
23 situation objective, il est très connu qu'il vaut mieux éviter le mot
24 "conforme".
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.
26 Mme CARTER : [interprétation]
27 Q. Le témoin est simplement censé décrire ce qu'il a vu personnellement.
28 Il ne s'agit pas de conjectures mais de ses observations personnelles.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-être vous pourriez reformuler un
2 peu la question afin d'élucider ce que le témoin savait.
3 Mme CARTER : [interprétation]
4 Q. Monsieur, avez-vous vu quoi que ce soit qui corroborait ces
5 affirmations ?
6 R. Personnellement, j'ai vu, pendant un voyage de Zvornik à Bratunac,
7 alors qu'on allait vers Srebrenica, du côté gauche de la route; autrement
8 dite, le côté qui était le plus loin de la rivière de Drina, dans une
9 vallée entre les collines. C'était un terrain vague, et j'ai vu des marques
10 et des signes tactiques utilisés typiquement par les militaires afin
11 d'aligner les véhicules en préparation de quelque chose.
12 Devant ces marques de caractère tactique, elles étaient assez semblables à
13 ce je connais dans ma propre armée, l'armée britannique. On aurait en fait
14 réuni et rassemblé un grand nombre de véhicules avant de les mettre
15 ailleurs quelque part.
16 Q. Est-ce cette zone plane semblait avoir été utilisée il y avait pas mal
17 de temps, ou qu'on continuait à l'utiliser ?
18 R. Il y avait des traces de pneus qui montraient qu'il y avait eu des
19 véhicules assez récemment, donc ça avait été utilisé assez récemment.
20 Combien de temps avant et dans quel but, à l'évidence, je ne peux pas vous
21 le dire.
22 Q. Etant donné que vous décrivez les ponts qui passaient sur la Drina à
23 l'audience d'aujourd'hui --
24 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, mais je dois objecter à la
25 question, à ce stade. Ceci n'est pas la déposition ou le témoignage qui a
26 été demandé décrire des ponts sur la Drina. Ce que vous avez, c'est des
27 rapports dépourvus de sources et qui sont constitués de la façon dont ces
28 questions sont posées. Ça suppose qu'il ne s'agirait pas de faits prouvés,
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1 et ce n'est pas le cas.
2 Si Mme Carter souhaite le faire, elle peut poser exactement les mêmes
3 questions et discuter du même point de vue ou de ces rapports tels qu'elle
4 les a reçus, à ce moment-là, je n'ai pas d'objection, mais le compte rendu
5 commence à ressembler à des questions posées du point de vue de celui qui
6 les pose comme s'il s'agissait de faits prouvés, et ils ne le sont pas, et
7 il est donc inapproprié de poser de poser les questions de cette manière.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter, à la page 85, ligne 24,
9 vous avez une réponse qui vous dit : "On nous demandait…" - le compte rendu
10 dit. Je suppose que c'est la réponse :
11 "On nous demandait -- les réfugiés musulmans nous parlaient des ponts qui
12 étaient lancés pendant la nuit sur la Drina et des camions qui, à ce
13 moment-là, traversaient sur ces ponts, et qui poursuivaient leur route
14 jusqu'en Bosnie-Herzégovine."
15 Maintenant, je suppose que l'essentiel de votre objection, c'est ce qui
16 vous a été dit ? Vous continuez de dire que d'après ce que l'on vous a dit
17 -- ce n'est donc pas un fait; c'est ce qui a été dit.
18 Mme CARTER : [interprétation] Certainement.
19 Q. Lorsque les réfugiés musulmans vous ont parlé des ponts en disant
20 qu'ils étaient lancés au cours de la nuit sur la Drina et que des camions
21 traversaient sur ces ponts et ensuite poursuivaient en Bosnie-Herzégovine,
22 est-ce que vous avez trouvé que ces réfugiés musulmans rendaient compte de
23 façon fiable ?
24 M. GUY-SMITH : [interprétation] La question telle qu'elle est posée est
25 sans base, sans fondement. Ceci veut dire simplement, d'après les termes
26 employés à la ligne 4, excusez-moi, ça commence à la ligne 3 :
27 "Est-ce que vous avez trouvé que ces réfugiés musulmans rendaient compte de
28 façon fiable ?"
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1 Il n'y a aucune base pour cette question précise et pour y répondre par ce
2 témoin, à ce moment, il y a là des comptes rendus qui sont fiables.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.
4 Mme CARTER : [interprétation] Le témoin a dit ceci; il a dit qu'on lui
5 avait rendu compte de cela, et j'essaie simplement de savoir si ces
6 rapports et ceux qui les faisaient pouvaient être crus. Le témoin est une
7 personne qui a parlé et, certainement, peut dire, d'après son expérience,
8 ce qui semblait ou ne semblait pas être des renseignements fiables en ce
9 qui le concerne.
10 M. GUY-SMITH : [interprétation] Bien. La question de la fiabilité des
11 renseignements est une question distincte de la fiabilité de l'auteur des
12 renseignements, et je suis sûr que Mme Carter s'en rend compte. Il s'agit
13 du fait qu'il n'a pas parlé à l'une quelconque de ces personnes, mais
14 plutôt, qu'il y a eu une conversation avec des récits faits à des tiers,
15 tout au mieux, et peut-être davantage, puisqu'il n'a pas parlé à l'une
16 quelconque de ces personnes de façon directe, comme il l'a dit dans ses
17 dépositions.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais de quelles personnes directement
19 ?
20 M. GUY-SMITH : [interprétation] Les réfugiés musulmans, qui qu'ils puissent
21 être.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous ne savons pas s'il leur a parlé
23 ou pas parlé; ce n'est pas ça qu'il a dit.
24 M. GUY-SMITH : [interprétation] En fait, nous le savons, Monsieur le
25 Président. Il a dit qu'il n'avait pas eu de conversation directe.
26 Mme CARTER : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin a dit que
27 parce qu'il ne parle pas serbo-croate, il a toujours eu recours à un
28 interprète et que c'est comme ça qu'il parlait aux réfugiés, et plus
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1 particulièrement, il y avait le garde du corps du général Morillon. Bon, il
2 fallait donc quelqu'un qui -- c'est très différent de quelqu'un qui serait
3 assis maintenant dans ce prétoire à écouter une traduction. On ne sait pas
4 si on pouvait se fier à cette traduction.
5 M. GUY-SMITH : [interprétation] Nous avons connu cette situation en ce qui
6 concerne ce qui se présent maintenant, et nous n'avons pas de base ou de
7 fondation en ce qui concerne la question telle qu'elle est posée.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il y a une différence, Madame Carter,
9 entre la déclaration qui est faite, où une personne est fiable, et la
10 question de savoir si celui qu'entend cette personne le juge comme fiable.
11 Ce sont des notions distinctes.
12 Mme CARTER : [interprétation] Je vais essayer de préciser les choses.
13 Q. Monsieur le Témoin, comment avez-vous appris que des ponts étaient
14 lancés et que les camions traversaient la Drina ?
15 R. J'en ai entendu parler de deux sources. La première, c'était certains
16 de nos observateurs militaires de l'ONU qui ont rendu compte du fait que
17 les gens du cru le leur avaient dit. Deuxièmement, c'était lors de
18 conversations par Mihailov avec certains réfugiés alors que nous, nous nous
19 promenions dans Srebrenica, et Mihailov leur demandait ce qu'ils avaient
20 vu, et cetera. Donc, ceci a eu lieu lorsqu'un réfugié en particulier a dit
21 cela à Mihailov et qui, à ce moment-là, m'en a rendu compte. Donc, je l'ai
22 entendu de deux sources.
23 Q. Est-ce que vous avez cru ce compte rendu ?
24 M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection. La pertinence sur la question de
25 savoir si c'est cru ou non, ce n'est pas pertinent de savoir s'il le
26 croyait ou non. Il a obtenu ces renseignements.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Objection rejetée.
28 Mme CARTER : [interprétation]
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1 Q. Est-ce que vous croyiez les informations qui vous ont été données,
2 Monsieur le Témoin ?
3 R. J'ai cru que c'était plausible.
4 Q. Pourquoi ?
5 R. Parce que le commandement des Nations Unies pensait que l'armée serbe
6 de Bosnie était incapable de poursuivre des opérations sans se fournir à
7 nouveau -- sans avoir de nouvelles fournitures, particulièrement du
8 carburant et des pièces détachées de quelque part. Nous avions, à ce
9 moment-là, des comptes rendus et des renseignements, qui montraient que les
10 Serbes de Bosnie disposaient de quantités énormes de munitions, n'étaient
11 pas à court de munitions, mais qu'ils étaient tout à fait à court de
12 carburant et de pièces détachées.
13 Fréquemment, nous rencontrions des véhicules militaires serbes de Bosnie
14 sur le bord de la route qui n'avaient tout simplement plus de carburant.
15 Donc savoir si nous croyions qu'ils obtenaient du carburant et des pièces
16 détachées de quelque part, le seul endroit logique pour ce carburant et ces
17 pièces détachées, c'était qu'il fallait que ça vienne de Serbie. Par
18 conséquent, nous pensions que d'une manière ou d'une autre, ils
19 réussissaient à traverser la Drina en Bosnie.
20 Q. Vous indiquez que le seul endroit logique où le carburant et les pièces
21 détachées pouvaient venir était de Serbie. Pourquoi était-ce le seul
22 endroit plausible ?
23 R. Parce que --
24 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, il n'a pas dit plausible, il a
25 dit logique. Il y a une différence, à la ligne 25.
26 Mme CARTER : [interprétation] Je vous présente sincèrement mes excuses. Le
27 compte rendu était en cours de correction au moment où j'étais en train
28 d'essayer de le lire.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien.
2 Mme CARTER : [interprétation]
3 Q. Vous avez indiqué que le seul endroit logique pour le carburant et les
4 pièces détachées, où on pouvait se les procurer, c'était de Serbie. Qu'est-
5 ce qui vous faisait croire cela ?
6 R. La logique. Il y avait une zone interdite de vol imposée à la Serbie,
7 et donc nous savions qu'aucun appareil ne volait pour porter quelque chose
8 en Serbie. Donc, au nord, à l'ouest et au sud, les Serbes de Bosnie se
9 trouvaient face à une ligne de front ennemie et, à l'évidence, il n'y avait
10 rien pour se fournir en quoi que ce soit en passant ces lignes de
11 confrontation. La seule zone en quelque sorte amicale pour eux, c'était à
12 l'est, la Serbie, en passant de l'autre côté de la rivière Drina.
13 Le général Mladic et tous ses collègues de l'armée serbe de Bosnie avaient
14 précédemment été des membres de l'armée yougoslave et, par conséquent, ils
15 avaient été littéralement, pendant un certain nombre de mois avant cela,
16 ils avaient fait partie de l'organisation militaire de la Serbie et, par
17 conséquent, il nous semblait hautement probable que puisqu'ils obtenaient
18 un réapprovisionnement, en particulier, de carburant, ainsi que des pièces
19 détachées, c'était de Serbie.
20 R. Est-ce que vous avez connaissance d'autres moyens d'appui de la Serbie
21 ?
22 R. Oui, nous avons entendu des conversations, des racontars en fait de
23 Serbes de Bosnie, des officiers, selon lesquels des officiers supérieurs de
24 l'armée serbe de Bosnie continuaient d'être payés, d'avoir un solde de payé
25 par Belgrade, tout au long du conflit.
26 Q. Vous nous dites que ça, c'était des racontars ou des conversations
27 entre officiers à bâton rompu ? Est-ce que vous avez conservé cette
28 opinion, à savoir que c'était simplement des racontars ou ?
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1 R. Nous avons, à l'origine, entendu ceci en fait, dans les coulisses lors
2 des différentes réunions. Ça, c'était quand Mihailov parlait avec des
3 officiers serbes de Bosnie et Mihailov m'a dit, après cela, qu'ils
4 attendaient d'avoir leur solde de Belgrade.
5 Donc par la suite, en 1996, je me suis trouvé au quartier général
6 dans la gestion de crise britannique au nord, j'étais responsable des
7 fournitures aux forces militaires au Royaume-Uni et à la force
8 internationale et à la SFOR. J'ai eu des renseignements mis à ma
9 disposition qui montraient que tel était en fait le cas, et que les
10 officiers supérieurs serbes de Bosnie, je ne me rappelle pas si c'était à
11 partir du rang de chef de bataillon ou d'escadron et plus haut, ou si
12 c'était à partir du rang de colonel, les soldes étaient payés par Belgrade,
13 et depuis Belgrade.
14 Q. Je voudrais revenir au moment où vous avez retrouvé à Srebrenica. Vous
15 avez dit qu'il y avait des personnes qui mourraient de faim, qui étaient
16 sans énergie. Est-ce qu'on a pu apporter de l'aide à ces personnes ? Est-ce
17 que vous vous rappelez on a apporté davantage ?
18 R. Les premières aides que nous avons réussies à faire entrer à
19 Srebrenica, c'était début décembre. Comme je l'ai dit il y a un certain
20 nombre d'heures, la deuxième aide arrivée dans les enclaves venait des
21 parachutages qui avaient commencé en février. Toutefois, c'était
22 extrêmement dangereux et tout à fait au hasard. La troisième fois, les
23 parachutages c'était de temps en temps par un certain nombre de mois.
24 La troisième fois, précisément, où l'aide est arrivée à Srebrenica, c'était
25 par un convoi que le général Morillon a réussi à convaincre les Serbes de
26 Bosnie de laisser passer et qui est arrivée à Srebrenica, du côté de 17 ou
27 18 mars 1993. Puis il y a un nouveau convoi, un autre convoi est arrivé du
28 côté du 27 au 28, je crois que ensuite il y a un certain nombre, un nouveau
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1 convoi qui serait arrivé mais j'ai quitté Srebrenica du côté de 28 mars,
2 donc je n'ai pas de renseignements précis après ce moment-là.
3 Q. Je voudrais me centrer plus particulièrement sur le convoi qui était
4 conduit par Morillon. Pourriez-vous, s'il vous plaît, décrire --
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il vous faudra combien de temps sur
6 cette question ?
7 Mme CARTER : [interprétation] Ça va prendre un certain temps, Monsieur le
8 Président. Excusez-moi, je n'avais pas remarqué.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que ceci conviendrait comme
10 moment pour lever la séance.
11 Mme CARTER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
12 M. GUY-SMITH : [interprétation] Juste avant de lever la séance, je voudrais
13 demander que nous recevions des copies de renseignements qui avaient été
14 mis à la disposition du colonel Tucker, dont il a parlé dans sa déposition
15 à la page 2, ligne 13, puisque nous n'avions pas ce renseignement.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons maintenant lever
17 l'audience, nous reviendrons demain à 9 heures, dans la même salle
18 d'audience. Donc l'audience est levée.
19 Je dois dire simplement, Monsieur Tucker, que vous êtes encore parmi
20 les témoins, vous ne devez discuter de cette question avec personne ni de
21 cette affaire ni même avec votre conseil.
22 L'audience est levée.
23 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le mardi 29
24 septembre 2009, à 9 heures 00.
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