Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 28 septembre 2009

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 8 heures 58.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à toutes, bonjour à tous dans

  6   le prétoire.

  7   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire inscrite au rôle.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.

  9   Affaire IT-04-81-T, le Procureur contre Momcilo Perisic.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie infiniment.

 11   Quelles sont les équipes présentes aujourd'hui, commençons par

 12   l'Accusation ?

 13   M. SAXON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame et

 14   Monsieur les Juges.

 15   Dan Saxon, April Carter et Mme Javier, au nom de l'Accusation.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Saxon.

 17   Pour la Défense, ce sera ?

 18   M. GUY-SMITH : [interprétation] Daniela Tasic, Chad Mair, Novak Lukic et

 19   Gregor Guy-Smith, au nom de M. Perisic.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Guy-Smith.

 21   Monsieur Saxon, vous avez la parole.

 22   M. SAXON : [interprétation] C'est Mme Carter qui va procéder à

 23   l'interrogatoire du prochain témoin.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.

 25   Mme CARTER : [interprétation] Nous appelons à la barre le colonel Pyers

 26   Tucker.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pyers Tucker.

 28   M. GUY-SMITH : [interprétation] Peut-être faut-il débattre de la question

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  1   suivante, de la déposition du colonel Tucker. Sans doute faut-il en parler

  2   d'après Mme Carter, en l'absence du témoin. Moi, je n'ai pas d'avis

  3   particulier, mais elle m'en a parlé à titre officieux. Ceci concerne

  4   l'étendue de sa déposition.

  5   Si je comprends bien, l'Accusation a l'intention que le témoin parle

  6   dans son audition de questions qui concerne la période préalable à l'acte

  7   d'accusation et non pas de questions concernant la période couverte par

  8   l'acte d'accusation, d'où notre opposition. Notre objection pour les motifs

  9   invoqués à l'instant, car ce n'est pas pertinent.

 10   Mais outre cela, il y a aussi la question du sujet ou des sujets dont

 11   devrait parler ce témoin, et si vous examinez le résumé visé par l'article

 12   65 ter, concernant ce témoin, je pense comprendre qu'il va porter sur des

 13   sujets bien définis. Ce qui concerne Sarajevo.

 14   Pourquoi est-ce que je vous dis ceci ? C'est parce que les

 15   indications de l'Accusation, notamment, et là, je vais prendre vraiment

 16   l'incandescence, je vais vous résumer en quelques mots ce que dit

 17   l'Accusation dans ce résumé 65 ter :

 18   "Il a rencontré Galic au moins une fois, et a participé par plusieurs

 19   occasions à des moments où on a protesté parce qu'il y avait eu pilonnage

 20   de civils et tirs isolés."

 21   Ceci concerne Sarajevo.

 22   "Et, d'une façon, la question du contrôle et de la direction et il

 23   était assistant du général Morillon. Ce témoin va donner des informations

 24   préalables à l'acte d'accusation concernant Sarajevo. Il a assisté à la

 25   réunion avec les dirigeants militaires des deux parties belligérantes, dont

 26   le général Mladic.

 27   "Il va parler de l'assassinat de vice-premier ministre Trialik

 28   [phon], de la main de soldats serbes en présence des représentants

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  1   officiels de la FORPRONU."

  2   Nous avons déjà entendu des témoins qu'ils sont venus dire que ceci

  3   s'était passé des les environs de Sarajevo : 

  4   "Des paragraphes concernant l'acte d'accusation, ce sont les

  5   paragraphes 41 et le contexte de la situation à Sarajevo, lorsque Tucker a

  6   commencé sa mission et quand il l'a terminée."

  7   Au paragraphe 41, il est dit ceci :

  8   "Au cours de cette période, les commandant du Corps Romanija

  9   Sarajevo, du VRS, le général Galic (10 septembre 1992 à 10 août 1994)  et

 10   Dragomir Milosevic (10 août 1994 à novembre 1995) et leur supérieur le

 11   général Mladic, ont continué une période prolongée de pilonnage et de tirs

 12   isolés sur Sarajevo, surtout à partir de positions sur les collines

 13   entourées la ville."

 14   Voilà les contenus des allégations portant sur le paragraphe 41. Ce

 15   qu'on peut attendre du témoin va concerner uniquement Sarajevo. Pourquoi

 16   est-ce que je vous dis ceci, c'est parce que des notes de récolement que

 17   j'ai reçues portent surtout sur d'autres sujets que Sarajevo. Ces notes

 18   portent sur Srebrenica.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith, ce discours, est-ce

 20   que c'est une objection ? Je ne sais pas trop.

 21   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais sur quoi porte votre objection ?

 23   Je propose ceci, vous pouvez faire objection en temps et en heure. Qu'est-

 24   ce que je vais demander à Mme Carter de dire ?

 25   M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais j'ai essayé de vous aider, Madame et

 26   Messieurs les Juges, parce que cette question va surgir et je voulais vous

 27   donner un contexte d'information sur les paramètres et la portée de la

 28   déposition.

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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je comprends. Merci. Mais c'est trop

  2   d'information à digérer dans le cadre d'une objection. Pourquoi ne pas

  3   objecter en temps et en heure ?

  4   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, aucun problème.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter, vous avez la parole.

  6   Mme CARTER : [interprétation] Je ne veux pas manquer de respect avec la

  7   Chambre et sa décision récente, mais je crois que Me Guy-Smith veut faire

  8   comprendre. Il cite le résumé 65 ter qui a été fourni pendant la

  9   [imperceptible] en état au cours de laquelle nous avions limité ces résumés

 10   65 ter à la seule question de Sarajevo. Mais le 1er mai 2008, il y avait eu

 11   une requête tranchée par la Chambre le 4 juin 2008, qui élargissait le

 12   résumé de Pyers Tucker à la question de Srebrenica aussi.

 13   Je peux vous citer la partie pertinente où vous citez tout le résumé 65

 14   ter. Mais effectivement je voudrais rappeler à Me Guy-Smith, et à la

 15   Chambre aussi ce qui avait été dit dans le résumé du 1e mai 2008.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais vous pouvez répondre de

 17   cette façon-là lorsque Me Guy-Smith soulèvera son objection.

 18   Mme CARTER : [interprétation] Oui, lorsque Me Guy-Smith a commencé à

 19   formuler son objection, il parlait aussi des éléments portant sur la

 20   période préalable à l'acte d'accusation, dont va parler le témoin. Je pense

 21   qu'il est sans doute utile d'en parler avant la venu du témoin, parce que

 22   je ne pense pas qu'il serait convenable que je parle en présence du témoin

 23   sur ce point, parce que en fait, toute la déposition de ce témoin porte sur

 24   la période antérieure à l'acte d'accusation, et, je pense qu'il serait

 25   adéquat de répondre, à ce moment-là, à tout ceci.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Commencez.

 27   Mme CARTER : [interprétation] Le colonel Tucker va parler de la période

 28   1992 à 1995, siège de Sarajevo et nettoyage ethnique par l'armée des Serbes

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  1   de Bosnie.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous interromps; est-ce que vous

  3   répondez à l'objection maintenant ?

  4   Mme CARTER : [aucune interprétation] 

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

  6   Mme CARTER : [interprétation] Il a continué, il était averti de ces crimes,

  7   ceci avait été condamné par les Nations Unies, après la condamnation par le

  8   monde entier de ces actions. Les Nations Unies ont adopté de nombreuses

  9   résolutions. Perisic était averti de ces crimes, il a continué à assister

 10   la VRS lorsqu'il est devenu chef de l'état-major général de la VJ, en août

 11   1993. Cette assistance poursuivie à aider à la campagne de tirs isolés, de

 12   pilonnage à Sarajevo et finalement au massacre de Srebrenica, en juillet

 13   1995.

 14   Ces éléments portant sur la période préalable à l'acte d'accusation peuvent

 15   permettre de démontrer qu'il y a eu systématicité et un élément du crime

 16   qui est particulier pour ce qui est de sa recevabilité.

 17   La Chambre a déjà admis des éléments portant sur cette systématicité

 18   par des faits dont il y a eu constat judiciaire, il y a eu des dépositions

 19   de témoins et des éléments. Les éléments judiciaires, ces éléments montrent

 20   qu'il y a systématicité dans le comportement et que ceci peut être utile

 21   pour prouver l'élément moral de Perisic.

 22   La Chambre a aussi accepté les dépositions du général John Wilson et

 23   Aernout Van Lynden, qui concernent 1993 et 1992 comme étant des éléments

 24   d'information.

 25   Plus récemment, la Chambre a aussi admis la formation sur le rapport

 26   du rapporteur spécial de la Commission chargé des Droits de l'homme du 27

 27   octobre 1992 à 22 août 1995, car ces éléments, portant sur la pertinence de

 28   Sarajevo, avaient déjà été présentés.

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  1   Comme le dit le mémoire préalable au procès, le nettoyage ethnique

  2   précédent avait précédé -- le sort de Sarajevo était déjà décidé car

  3   l'objectif stratégique devait être fait par la VRS -- qui -- des Serbes des

  4   non-Serbes et de l'élimination de la frontière entre la Serbie et la

  5   Republika Srpska.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Les interprètes vous demandent

  7   de ralentir, Madame Carter.

  8   Mme CARTER : [aucune interprétation]

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le fait de lire tout ce passage

 10   est-ce que c'est vraiment une réponse à l'objection ? Est-ce que vous ne

 11   pouvez pas nous dire que, d'après ce document dont a été informé la

 12   Défense, éventuellement, en fait, il va aborder une période préalable à

 13   l'acte d'accusation ?

 14   Mme CARTER : [interprétation] Si j'ai compris l'objection, elle était

 15   double. D'abord, c'est que ce résumé 65 ter ne concernait que Sarajevo, et

 16   aussi que la totalité des éléments de preuve était sans pertinence parce

 17   que ça concernait la période préalable à l'acte d'accusation. J'ai d'abord

 18   répondu à l'objection en ce qui concerne le résumé, et maintenant j'aborde

 19   la question de la pertinence pour ce qui est d'information concernant une

 20   période préalable à l'acte d'accusation.

 21   M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est ce que j'avais compris,

 22   Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Poursuivez, si vous vous êtes

 24   comprise.

 25   Mme CARTER : [interprétation] Les opérations de nettoyage ont

 26   commencé qui devaient être la réalisation de ces objectifs. Au moment --

 27   novembre 1992, la directive 4 avait été émise qui disait quels étaient les

 28   groupes ethnies dans la période de Gorazde, Zepa, Srebrenica, et Cerska,

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  1   qui n'avaient pas été tout à fait éliminés, et qu'on avait pris la décision

  2   de nettoyer le territoire de la Republika Srpska. Le Corps de la Drina

  3   était chargé de forcer la population musulmane à quitter Birac, et Zepa, et

  4   Gorazde. Le paragraphe 55 de l'acte d'accusation dit que 1993 a vu la CIJ

  5   et les Nations Unies donner des ordres et des résolutions qui condamnaient

  6   ces opérations de nettoyage et qui demandaient que les hostilités soient

  7   cessées.

  8   En avril 1993, la CIJ a donné l'ordre à la RFY de prendre toutes les

  9   mesures qu'elle avait la possibilité de prendre immédiatement pour terminer

 10   le génocide. Les Nations Unies ont réaffirmé cet ordre et dit que les

 11   actions en Bosnie orientale donnaient des attaques illicites sur des civils

 12   et demandaient à la RFY de cesser immédiatement de fournir des armes et des

 13   ressources à la VRS.

 14   Alors qu'il était assistant du commandant des forces de la FORPRONU

 15   d'avril [comme interprété] 1992 à mars 1993, Tucker a rencontré les

 16   dirigeants des Serbes de Bosnie, a été témoin du nettoyage ethnique de

 17   musulman de la région qui s'est fait avec le support actif de la RFY

 18   notamment des tirs d'artillerie de la Serbie, le support aérien, la

 19   restriction des forces des mouvements, et le fait de payer la VRS.

 20   Il est très bien placé pour décrire la campagne du nettoyage en tant

 21   qu'observateur mais aussi en tant que personne qui était alors en contact

 22   avec les protagonistes principaux. Il a rencontré Radovan Karadzic et Ratko

 23   Mladic en novembre 1992. A cette réunion, Karadzic lui a expliqué de façon

 24   très illustrée quels étaient les plans prévus pour la population musulmane.

 25   Il a pris une carte montrant le recensement, et il a expliqué Karadzic que

 26   tous les territoires où il y avait plus de 50 % de la population serbe

 27   serait nettoyée ethniquement, il a dit qu'il n'avait aucun souhaite de

 28   vivre avec les Turcs. La séparation a commencé au cours du printemps de

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  1   1992.

  2   En mars 1993, le colonel Tucker a rencontré le colonel Vinko

  3   Pandurevic qui allait devenir membre du 30e Service du personnel.

  4   Pandurevic avait des cartes sur les murs de son bureau qui montraient de

  5   façon détaillée le nettoyage systématique de ces municipalités de la Bosnie

  6   orientale avec des dates et des éléments montrant le progrès de la

  7   campagne. Plus tard, lorsqu'il est devenu campagne de la -- de Zvornik,

  8   Pandurevic a été un des commandants responsable du massacre de juillet

  9   1995.

 10   Le colonel Tucker a rencontré beaucoup d'autres commandants qui

 11   allaient devenir plus tard des membres du 30e Service du Personnel, comme

 12   le montre l'annexe E et de l'acte d'accusation. Il a rencontré Ratko

 13   Mladic, le général du corps d'armée Zdravko Tolimir et le lieutenant-

 14   colonel Milan Gvero. Ces hommes allaient devenir plus tard les hommes

 15   apportant dans les massacres de juillet 1995.

 16   Le témoignage est pertinent et a valeur probante pour ce qui est des

 17   questions de prévisibilité, de systématicité en ce qui concerne Sarajevo et

 18   Srebrenica, c'est donc recevable et nous demandons l'autorisation de

 19   présenter ces éléments de preuve.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 21   M. GUY-SMITH : [interprétation] Une première chose, je commencerai par la

 22   fin lignes 22 à 25 de la page 8 et première ligne de la page 9, aucun

 23   élément de preuve n'a été soumis à cet égard, ici il n'y a aucune preuve ou

 24   que ce soit dans quel procès que ce soit dans ce Tribunal.

 25   Commençons par le tout début de l'intervention de Mme Carter concernant le

 26   fait que le M. Perisic avait été mis en garde, avait été averti, elle dit

 27   surtout à la ligne 12 de la page 5, je la cite :

 28   "Il était averti de la commission de ces crimes, mais il a continué à

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  1   poursuivre l'aide de la Serbie à la VRS une fois qu'il est devenu chef de

  2   l'état-major de la VJ en août 1993."

  3   C'est peut-être là la cause de l'Accusation, mais elle ne l'a pas prouvée.

  4   A plusieurs reprises la question de la connexité du lien entre la

  5   connaissance qu'on pu avoir ou que M. Perisic aurait eu et les actes qu'on

  6   essaie de prouver ont été mis en cause surtout pour ce qui est de la

  7   question de la prévisibilité. Il y a déjà une décision de la Chambre quand

  8   il n'y a pas un tel lien, il ne convient pas de présenter ce genre

  9   d'élément qui est d'ailleurs irrecevable.

 10   Je comprends bien qu'elle est la thèse défendue par l'Accusation ici, la

 11   cause qu'elle présente, mais s'agissant des faits incriminés par

 12   l'Accusation il y a bon nombre de lacune manifeste et l'Accusation n'a pas

 13   prouvé non plus le lien entre les événements qui se sont produits. Avant

 14   que M. Perisic ne devienne chef d'état-major et la connaissance qu'il avait

 15   de quels faits.

 16   En l'absence d'un tel lien, que demande-t-on à la Chambre de faire, c'est

 17   d'entendre des éléments de preuve qui sont vraiment des plus douteux, en

 18   tout cas, c'est la pure conjecture, que savait-il Perisic de quoi était-il

 19   averti, or on ne vous donne aucun fait concret, aucune preuve. Si

 20   l'Accusation peut apporter des éléments de preuve qui permettraient

 21   d'établir un tel lien, à ce moment-là, oui, mais si ce n'est pas le cas, je

 22   dirais que cette déposition n'est pas pertinente au regard des chefs

 23   d'accusation apportés contre cet accusé. Ce n'est peut-être pas vrai dans

 24   d'autres procès mais ici c'est sans pertinence.

 25   [La Chambre de première instance se concerte]

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'objection est rejetée.

 27   Vous pouvez commencer, Madame Carter.

 28   Mme CARTER : [interprétation] L'Accusation appelle à la barre le général

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  1   Pyers Tucker.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En attente de sa venue, je vais

  3   demander au greffe s'il est possible de baisser la température, il fait

  4   très chaud dans ce prétoire.

  5   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  6   M. GUY-SMITH : [interprétation] En attendant la venue du témoin, puis-je

  7   réagir à la réponse de Mme Carter pour ce qui est du résumé 65 ter ?

  8   Effectivement je m'étais trompé, je retire mon objection.

  9   L'INTERPRÈTE : Le Président hors micro.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 11   M. GUY-SMITH : [aucune interprétation]

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 13   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, je parlais du deuxième volet de son

 14   intervention; vous aviez dit effectivement si je voulais faire objection,

 15   je devrais la formuler au moment où la question se posait, ceci permettra

 16   peut-être d'accélérer l'audition et je confirme ainsi ce que ma collègue

 17   avait dit.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 19   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il a fallu un certain temps, nous

 23   avions des questions à régler. Je m'en excuse et je vous demande de

 24   prononcer la déclaration solennelle.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 26   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 27   LE TÉMOIN : PYERS TUCKER [Assermenté]

 28   [Le témoin répond par l'interprète]

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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Vous pouvez vous asseoir,

  2   Monsieur le Témoin.

  3   Oui, Madame Carter.

  4   Mme CARTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   Interrogatoire principal par Mme Carter : 

  6   Q.  [interprétation] Colonel, veuillez vous présenter.

  7   R.  Je m'appelle Pyers Tucker. Je faisais partie de l'armée britannique

  8   depuis 1976 et j'ai quitté l'armée en 1997. Pendant les années 1992 et

  9   1993, j'ai été un officier de la FORPRONU détachée par l'armée britannique

 10   en Bosnie dans le cadre du commandement des Nations Unies en Bosnie-

 11   Herzégovine. Au cours de cette période, j'ai été l'officier d'état-major

 12   personnel du général Morillon. Je devais, dans ce cadre, organiser des

 13   réunions entre le général Morillon et les parties belligérantes en Bosnie

 14   de façon à tenter d'exécuter la mission qui avait été confiée au général

 15   Morillon par le Conseil de sécurité. Au cours de cette période, j'ai dressé

 16   de procès-verbal de bons nombres de réunions et j'ai rédigé des rapports à

 17   l'intention du général Morillon, rapports qui étaient envoyés du QG de

 18   Sarajevo au QG de Zagreb.

 19   M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi à ce stade. On a demandé au

 20   témoin de se présenter et maintenant il commence à vous parler du travail

 21   qu'il faisait quotidiennement. Je pense que ceci ne convient pas.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.

 23   Mme CARTER : [interprétation] Volontiers, Monsieur le Président.

 24   Q.  Commençons par le début de votre carrière. Quelle fut votre formation

 25   et que faisiez-vous dans l'armée britannique ?

 26   R.  J'ai été dans l'artillerie royale, et j'ai fait la formation de tout

 27   officiers de l'armée britannique, mais surtout dans des questions

 28   d'artillerie puisque j'étais officiers dans les services d'Artillerie.

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  1   Q.  De quelle façon êtes-vous devenu membre de la FORPRONU ?

  2   R.  Lorsque je servais en Allemagne, je travaillais dans le cadre de

  3   l'OTAN. J'étais cantonné à Moenchengladbach [phon, et ce QG a été chargé de

  4   la formation du corps du QG des forces qu'on venait de former dans le cadre

  5   des Nations Unies au commandement de l'ABiH et en tant que tel j'ai été

  6   envoyé en ex-Yougoslavie.

  7   Q.  Ce commandement de Bosnie-Herzégovine, pourquoi a-t-il été créé ?

  8   R.  En juin/juillet, 1992, le Haut commissariat aux Réfugiés a compris que

  9   si rien ne se faisait, on pensait bien qu'au cours de l'hiver 1992, 1993,

 10   je ne sais plus exactement combien, mais qu'il y aurait un 1 200 000

 11   personnes qui allaient mourir de faim si rien n'était fait. C'est pour cela

 12   que quelques dix pays se sont mis d'accord en août 1992 sur la nécessité de

 13   constituer ce commandement de l'ABiH qui, à ce moment-là, se composait de 7

 14   000 soldats qui allaient être déployés en Bosnie de façon à aider à

 15   l'exécution des résolutions du Conseil de sécurité qui cherchait à résoudre

 16   le problème de l'approvisionnement en aide humanitaire.

 17   Mais en fin de -- je ne suis plus les détails exacts mais ça revenait à

 18   dire cela.

 19   Q.  L'approvisionnement en aide humanitaire dites-vous à ceux qui en ont

 20   besoin. Est-ce que c'était le seul mandat qu'avait reçu le commandement ?

 21   R.  Oui, c'était le seul mandat.

 22   Q.  Vous avez parlé de vos fonctions, de vos responsabilités et vous avez

 23   dit avoir souvent assisté à des réunions. Pourriez-vous dire aux Juges de

 24   la Chambre combien de réunions vous avez eus pendant votre service en

 25   Bosnie-Herzégovine ?

 26   R.  J'ai passé moins de six mois en Bosnie-Herzégovine. J'ai dû dresser le

 27   procès-verbal de quelques 190 réunions; ça faisait plus de 100 réunions, ça

 28   faisait à peu près une réunion par jour.

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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quand vous disiez le seul mandat de la

  2   FORPRONU, ou bien d'autre chose ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas quel était le mandat de

  4   la FORPRONU dans sa totalité mais en tout cas le mandat du commandement de

  5   la BH en Bosnie c'était de fournir l'aide humanitaire à ceux qui en avaient

  6   besoin.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais quand vous dites "commandement de

  8   la Bosnie-Herzégovine," c'était quelle armée ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Le commandement de l'ABiH en Bosnie. C'était

 10   les forces déployées en Bosnie qui avaient à leur tête le général Morillon.

 11   Ils rendaient compte au général Nambiar lequel était le commandement de la

 12   FORPRONU basée à Zagreb.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

 14   Madame Carter.

 15   Mme CARTER : [interprétation]

 16   Q.  Vous aviez organisé des réunions avec qui ?

 17   R.  C'était surtout avec la partie belligérante avec la présidence des

 18   Musulmans de Bosnie et les représentants à l'intérieur de Sarajevo et

 19   ailleurs à l'extérieur de Sarajevo. C'était des réunions avec les Serbes de

 20   Bosnie politique comme militaire à Pale et aux environs de Sarajevo et de

 21   temps à autre avec les Croates de Bosnie aussi.

 22   Ça représentait la grande majorité des réunions mais il y a eu aussi des

 23   réunions à l'extérieur de la Bosnie en Croatie, en Serbie par exemple à

 24   Belgrade.

 25   Q.  Lorsque vous avez eu des réunions à Belgrade c'était avec qui ?

 26   R.  A Belgrade nous avons eu une réunion avec un groupe d'officiers de

 27   l'armée serbe au QG de l'armée serbe à Belgrade. Plus tard nous avons

 28   rencontré Milosevic et un groupe de personnes au palais de Milosevic.

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  1   M. GUY-SMITH : [interprétation] Peut-on nous donner une date pour ce qui

  2   est de ces réunions ? Ça pourrait être utile, des dates, s'il vous plaît,

  3   pour les réunions.

  4   Mme CARTER : [interprétation] Volontiers.

  5   Q.  Parlons des réunions à Belgrade; quand avez-vous rencontré ces

  6   personnes ?

  7   R.  La première réunion a eu lieu avec un groupe de haut officier de

  8   l'armée serbe ait lieu approximativement en janvier 1993, la réunion avec

  9   Milosevic a eu lieu autour du 25 ou 26 mars 1993.

 10   Q.  Très bien. Puis vous avez également indiqué que vous avez rencontré les

 11   dirigeants serbes de Bosnie, à la fois politique et militaire; est-ce que

 12   vous pourriez nous dire qui vous aviez rencontré ?

 13   R.  Le seul nom dont je me souviens par rapport à la réunion de janvier

 14   était le général Panic, il y avait un groupe d'environ six à sept colonels

 15   et d'autres colonels et généraux qui ont assisté à la réunion.

 16   Q.  Peut-être que vous avez mal compris ma question. Lorsque vous avez

 17   mentionné le général Panic, est-ce que vous voulez dire qu'il était un

 18   officier serbe de Bosnie ?

 19   R.  Non. J'avais l'impression que votre question portait sur les officiers

 20   serbes.

 21   Q.  Oui, au début, mais je suis passée à la question concernant les

 22   officiers serbes de Bosnie. Excusez-moi.

 23   Si l'on parle maintenant des officiels militaires et politiques des Serbes

 24   de Bosnie, que vous avez rencontrés, qui avez-vous rencontré ?

 25   R.  Nous avons rencontré les officiers serbes de Bosnie les plus importants

 26   à commencer par le général Mladic, le général Milovanovic, le général

 27   Galic, le général Gvero, et puis 15 à 20 généraux différents. Il faudrait

 28   que je me penche sur les procès-verbaux pour retrouver les noms.

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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le dirigeant politique ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, nous avions rencontré Karadzic, Mme

  3   Plavsic et puis celui qui s'était suicidé, Pr Koljevic, et puis dans des

  4   villes et villages différents, nous avons rencontré des dirigeants

  5   politiques locaux, de même que le président de l'assemblée serbe de Bosnie.

  6   Mais, encore une fois, il faudrait que je me penche sur mes notes pour

  7   retrouver tous les noms.

  8   Mme CARTER : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur, quand avez-vous rencontré Karadzic pour la première fois ?

 10   R.  J'ai rencontre Karadzic pour la première fois en octobre 1992 juste

 11   avant son départ à Genève. Il a été à Genève vers la fin octobre 1992.

 12   Q.  Quand était-il rentré de Genève ?

 13   R.  Je ne me souviens pas exactement, mais c'était quelques semaines plus

 14   tard, car nous l'avons retrouvé à Pale en novembre.

 15   Q.  Lors de la réunion de Pale, vous avez parlé de quoi ?

 16   R.  Nous avons eu plusieurs réunions avec Karadzic au cours de ces

 17   semaines-là, et l'une des premières réunions a eu lieu à Pale c'était la

 18   première fois que le nouveau commandement de l'ONU en Bosnie-Herzégovine

 19   rencontrait Karadzic, le général Mladic, Koljevic, et nombre d'autres

 20   personnalités, je crois que Gvero y était lui aussi. Karadzic et le général

 21   Mladic ont fait de leur mieux pour nous expliquer le contexte historique de

 22   leur point de vue, et entre autres choses, ils nous montraient une carte

 23   géographique, qui reflétait la composition ethnique de la Bosnie

 24   conformément au dernier recensement.

 25   Ils expliquaient au général Morillon qu'ils n'avaient pas du tout

 26   l'intention de s'emparer de la terre qui ne leur appartenait pas, et ils

 27   ont identifié comme terre qui leur appartenait la terre sur laquelle les

 28   Serbes de Bosnie représentaient plus que la moitié de la population,

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  1   puisque 50 % ne souhaitaient pas vivre avec les Musulmans de Bosnie. Ils

  2   avaient suffisamment souffert à chaque fois qu'ils étaient gouvernés par

  3   d'autres. Ils souhaitaient vivre leurs propres vies séparément des

  4   Musulmans de Bosnie --

  5   Q.  Je vais vous arrêter là.

  6   Mme CARTER : [interprétation] Si l'on peut présenter la pièce 9233 en vertu

  7   de l'article -- 65 ter.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Guy-Smith.

  9   M. GUY-SMITH : [interprétation] Avant de nous pencher là-dessus sur la base

 10   de la note de récolement que nous avons reçue, je souhaite demander que

 11   l'on obtienne un exemplaire entier du journal personnel du colonel Tucker

 12   que vous possédez. Je comprends qu'il le possède. Nous avons certains

 13   extraits, mais certainement il existe des informations dans son journal

 14   personnel que nous n'avons pas, et compte tenu de la question qui vient

 15   d'être soulevée, il serait approprié que la Défense l'ait pour préparer le

 16   contre-interrogatoire.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.

 18   Mme CARTER : [interprétation] Comme Me Guy-Smith -- malgré que Me Guy-Smith

 19   a dit, nous ne possédons pas ce journal, c'est le colonel Tucker qui le

 20   possède, et je ne pense pas qu'il revienne à l'Accusation de le fournir à

 21   la Défense.

 22   M. GUY-SMITH : [interprétation] J'exige ce journal pour être tout à fait

 23   équitable vis-à-vis de la Défense pour pouvoir nous pencher sur les faits

 24   historiques auxquels le colonel Tucker fait allusion.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 26   M. GUY-SMITH : [interprétation] Peut-être nous pourrions demander au

 27   colonel Tucker s'il est prêt à fournir un exemplaire à l'Accusation; et

 28   s'il ne le souhaite pas, nous verrons comment agir.

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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je n'ai pas tout à fait compris ce --

  2   nous avons demandé que l'on présente la pièce 9233 en vertu de 65 ter.

  3   C'est une pièce qui a un lien avec un journal ?

  4   M. GUY-SMITH : [interprétation] Ce journal ne concerne pas effectivement

  5   9233, mais une partie de sa déposition. En ce qui concerne la pièce 9233 en

  6   vertu de l'article 65 ter, je ne sais pas si c'est sur notre liste donc

  7   c'est une autre question, et avant que le témoin se penche sur ce document,

  8   peut-être il faudrait décider là-dessus.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Simplement vous demandez à M. Tucker

 10   de vous fournir un exemplaire de son journal ?

 11   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Vous pouvez voir avec M. Tucker.

 13   La Chambre ne doit pas décider.

 14   M. GUY-SMITH : [interprétation] Ça m'est difficile car je ne peux pas lui

 15   parler.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Au début de votre interprétation.

 17   M. GUY-SMITH : [interprétation] Dans ce cas-là, je demanderai à la Chambre

 18   de faire une pause car il me faudra revoir son journal avant de commencer

 19   le contre-interrogatoire. J'essayais simplement d'accélérer les choses, et

 20   d'être plus efficace, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je comprends, mais le problème c'est

 22   que la Chambre de première instance n'est pas au courant de ce sujet de

 23   journal. Tout d'un coup ce sujet surgit; est-ce que ça n'a jamais mentionné

 24   dans les documents.

 25   M. GUY-SMITH : [interprétation] Ça a été mentionné dans sa déposition. Je

 26   crois qu'il a fait à ces notes.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maintenant, vous lui demandez son

 28   journal.

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  1   M. GUY-SMITH : [interprétation] Il a dit qu'il doit retrouver ces "procès-

  2   verbaux." Je pense que ça veut dire le "journal."

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne pense pas au journal. Le journal

  4   est le journal, et le procès-verbal est le procès-verbal. Un procès-verbal

  5   c'est une trace ce qui s'est passé lors d'une réunion; un journal est autre

  6   chose.

  7   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je comprends le langage différemment, mais

  8   peu importe, ce que je demande sous quelle forme que ce soit, enfin les

  9   informations qu'il a mémorisées concernant ces impressions au sujet des

 10   réunions qu'il avait eues avec des individus qu'il a mentionnés jusqu'à

 11   présent dans sa déposition, premièrement.

 12   Deuxièmement, je demande les traces écrites, que ce soit les procès-

 13   verbaux, les journaux, les cahiers ou autres d'autres informations

 14   concernant les individus qu'il a mentionnés et les autres au sujet desquels

 15   il a écrit pendant qu'il était l'assistant du général Morillon et pendant

 16   qu'il prenait les notes.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Comment ?

 18   M. GUY-SMITH : [interprétation] La personne qui prenait les notes.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter, apparemment cette

 20   demande est quelque peu différente; est-ce que vous souhaitez répondre ?

 21   Donc j'ai compris cela d'une manière différente par rapport à un journal.

 22   Mme CARTER : [interprétation] Je crois que Me Guy-Smith a repris sûrement,

 23   car je l'ai inséré dans la note de récolement. Ce que le colonel Tucker

 24   pensait des procédés pendant notre séance de récolement était un cahier

 25   dans lequel il prenait les notes de réunions. J'ai utilisé le terme

 26   journal, donc effectivement on parle de ce même livre, au cahier que celui

 27   qui est mentionné par Me Guy-Smith.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais quelle est votre réponse ?

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  1   Il demande toute trace mémorisée des informations là-dessus, concernant les

  2   réunions.

  3   Mme CARTER : [interprétation] Monsieur le Président, il demande quelque

  4   chose que l'Accusation ne possédait pas. J'ai pris quelques extraits et je

  5   les ai dévoilés, remis à la Défense au cours des années. Or, il s'agit ici

  6   d'un cahier qui appartient au colonel Tucker. Je ne sais pas s'il est prêt

  7   à faire en sorte que l'on photocopie ce cahier. J'ai parlé avec Mme Javier

  8   et elle a dit qu'en fonction de ce que le témoin dira, elle sera tout à

  9   fait prête à faire les photocopies pour la Défense.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Tucker, vous avez entendu

 11   notre discussion, quelle est votre réponse ? Est-ce que vous êtes prêt à

 12   nous remettre votre journal ou votre livre ou vos traces écrites, peu

 13   importe comment on les appelle.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, si on me les rend.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je suppose qu'on va vous les

 16   rendre.

 17   Mme CARTER : [interprétation] Très bien. Lorsque le moment sera opportun,

 18   pendant la pause ou peut-être plutôt à la fin de la déposition aujourd'hui,

 19   à ce moment-là, nous pourrons faire des photocopies car peut-être le

 20   colonel Tucker aura besoin de cela au cours de sa déposition aujourd'hui.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Effectivement, car si l'on pose des

 22   questions à ce sujet, il aura besoin de son original. Or, les photocopies

 23   peuvent être faites pour les parties et je ne suis pas sûr si le moment est

 24   opportun pour les verser au dossier, ces documents.

 25   Mme CARTER : [interprétation] Il ne s'agit pas là des pièces à conviction

 26   sur la liste des pièces de l'Accusation. Je ne sais pas si Me Guy-Smith le

 27   souhaite.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Peut-on organiser que l'on

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  1   photocopie le livre de M. Tucker ?

  2   Mme CARTER : [interprétation] Merci. J'ai malheureusement mal indiqué les

  3   numéros tout à l'heure, s'agissant de la pièce en vertu de l'article 65

  4   ter, le bon numéro est 9223. Il s'agit de la carte numéro 4. 

  5   Q.  Colonel Tucker, reconnaissez-vous l'image qui est à l'écran ?

  6   R.  Oui, c'est la carte ou ça ressemble fortement à la carte que Karadzic

  7   et le général Mladic et Koljevic ont montrée au général Morillon lors de

  8   l'une de nos premières réunions à Pale.

  9   Q.  Lorsqu'on vous a montré cette carte, vous avez dit qu'ils

 10   revendiquaient tout territoire qui était serbe à 50 %; est-ce que exact ?

 11   R.  Oui, c'est exact. Sur cette carte, ils avaient inscrit, ils avaient une

 12   ligne qui était inscrite et qui correspondait aux territoires que le

 13   général Mladic et Karadzic revendiquaient comme leur terre, et il

 14   s'agissait de la terre de la Republika Srpska autoproclamée. D'après leur

 15   logique si plus de 50 % de la population sur un territoire étaient des

 16   Serbes, alors cette terre leur appartenait et ils allaient chasser les non-

 17   Serbes de ces territoires. Or, si la terre était à moins de 50 % serbe, ils

 18   n'avaient pas de revendication par rapport à ce territoire.

 19   D'après ce qu'ils disaient, on pouvait conclure que cette ligne, qu'ils

 20   avaient tracée sur la carte, correspondait en réalité à la ligne de front

 21   entre les Serbes, enfin entre tout d'abord les Serbes de Bosnie et les

 22   Musulmans de Bosnie.

 23   Q.  Colonel, c'est une carte bigarrée; est-ce que vous pourriez nous

 24   montrer quelles étaient les parties revendiquées par Karadzic comme devant

 25   appartenir à la Republika Srpska ?

 26   R.  Il s'agissait surtout des zones bleues, si je comprends bien cette

 27   carte, autrement dit, les zones peuplées par des Serbes de Bosnie à plus de

 28   50 %, et la ligne de front, qu'ils avaient dressée devait décrire les

Page 9098

  1   frontières de la Republika Srpska autoproclamée. Au fond, ceci coïncidait

  2   aux lignes de front d'après la manière dont nous comprenions les choses aux

  3   Nations Unies à l'époque.

  4   Il y avait plusieurs zones dans lesquelles leur logique ne tenait plus

  5   debout, car par exemple, au nord, vers la ville de Brcko, il y avait une

  6   terre des Serbes de Bosnie très étroite avec la riviere de la Drina au nord

  7   et les Musulmans de Bosnie au sud. Cet endroit avait une importance

  8   stratégique pour eux, leur permettant de relier les territoires serbes

  9   occidentaux avec les territoires serbes orientaux.

 10   M. GUY-SMITH : [interprétation] Est-ce qu'on peut dire la date

 11   approximative de cette réunion ?

 12   Mme CARTER : [interprétation]

 13   Q.  Pourriez-vous nous dire la date de cette réunion à Pale ?

 14   R.  Je crois que cette réunion a eu lieu, début novembre 1992, et en

 15   réalité c'est à ce moment-là que nous avons rencontré le général Mladic,

 16   Karadzic pour la première fois à Lukavica, dans la banlieue de Sarajevo

 17   mais c'était juste avant que Karadzic aille à Genève et c'était juste avant

 18   la dernière tentative du général Mladic visant à s'emparer de Sarajevo ou

 19   au moins à diviser Sarajevo en deux. Il s'agissait d'une offensive qui a

 20   duré 36 heures et qui a eu lieu vers le 29 ou 30 octobre 1992.

 21   Q.  Monsieur, vous avez fourni encore deux éléments de la réponse. Tout

 22   d'abord, vous avez indiqué que les Serbes avaient l'intention d'expulser

 23   les non-Serbes des zones bleues. Comment --

 24   M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est une erreur, une mauvaise

 25   représentation. Il faudrait dire les Serbes de Bosnie.

 26   Mme CARTER : [interprétation] J'accepte cette correction.

 27   Q.  Monsieur, comment est-ce que les Serbes de Bosnie ont eu l'intention

 28   d'expulser la population non-Serbe de Bosnie ?

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  1   R.  Nous aux Nations Unies savons et c'est un fait militaire que l'on

  2   raflait les gens à partir de leurs maisons, les plaçait dans des camions,

  3   les envoyait --

  4   M. GUY-SMITH : [interprétation] J'apprécierais que si la Chambre enfin je

  5   comprends si la Chambre n'acceptait pas cette objection, mais la question

  6   était très concrète, et je demanderais à Mme Carter de demander au témoin

  7   de répondre à la question. La question était de savoir de quelle manière

  8   les Serbes de Bosnie avaient l'intention de faire quelque chose. Et la

  9   réponse se fonde sur l'ouï-dire, il dit : "Nous aux Nations Unies, nous

 10   savons," or c'est une réponse relativement vague. La question portait sur

 11   une réunion avec deux personnes en particulier et à la question de savoir

 12   dans quelle mesure pendant cette réunion, ils ont démontré leur intention

 13   et la réponse devrait être conforme à cela.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter, vous pouvez répondre,

 15   il y a eu une objection.

 16   Mme CARTER : [interprétation] Monsieur le Président, merci. Je vais

 17   reformuler la question.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il ne s'agit pas de la question, ce

 19   n'est pas la question qui fait l'objet de l'objection mais le fait que la

 20   réponse n'est pas une réponse directe à la question.

 21   Mme CARTER : [interprétation]

 22   Q.  Monsieur, est-ce que vous pourriez répondre à la question conformément

 23   à la manière dont elle a été posée : comment est-ce que Karadzic disait

 24   qu'il allait accomplir cela, qu'il allait expulser la population non-Serbe

 25   de Bosnie ?

 26   R.  Il n'est pas entré dans les détails.

 27   Q.  Saviez-vous à cette époque-là comment l'expulsion de la population non-

 28   Serbe de Bosnie s'est déroulée ?

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  1   R.  Oui, car j'étais dans la chaîne de commandement des forces de l'ONU en

  2   Bosnie et nos soldats nous informaient de ce qu'ils avaient vu.

  3   Q.  Que vous disaient-ils ?

  4   R.  Ils nous informaient du fait que l'on procédait à des rafles de gens en

  5   les -- on les cherchait chez eux, on brûlait leurs maisons et on emmenait

  6   les gens, on les transportait jusqu'aux lignes de front, et ensuite on les

  7   libérait, puis à l'intérieur de Sarajevo, parfois l'on plaçait les gens

  8   dans les autocars pour les transporter à l'extérieur de Sarajevo.

  9   M. GUY-SMITH : [interprétation] Encore une fois, pour le compte rendu

 10   d'audience, je fais objection au ouï-dire sans mentionner de sources. Si ce

 11   monsieur peut nous donner la source de l'ouï-dire, c'est acceptable; sinon,

 12   c'est sans pertinence.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Que voulez-vous dire par ouï-dire sans

 14   source ?

 15   M. GUY-SMITH : [interprétation] "Nos soldats nous informaient," qui, quoi,

 16   où, quand, comment ? Comment peut-on nous fier à ces informations alors

 17   qu'elles n'ont pas de fondement.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.

 19   M. GUY-SMITH : [interprétation] Surtout si c'est fait du point de vue

 20   militaire car au sein de l'armée de tels rapports sont toujours contenus

 21   dans des documents que ce monsieur devrait avoir.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous comprenons votre objection.

 23   Madame Carter.

 24   Mme CARTER : [interprétation] Au début de la réponse, le témoin a dit qu'il

 25   faisait partie de la chaîne du commandement des forces de l'ONU et qu'il

 26   s'agissait des soldats qui leur envoyaient des rapports. Donc il a donné

 27   directement la source de l'information.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous savez quels étaient

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  1   les soldats concrètement parlant qui étaient les sources de ces

  2   informations au sien de la chaîne de commandement ?

  3   Mme CARTER : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur, est-ce que vous pourriez décrire la chaîne de commandement au

  5   sein des forces de la FORPRONU en Bosnie-Herzégovine ?

  6   R.  Au sein de la chaîne de commandement, nous étions informés surtout par

  7   le biais des rapports quotidiens qui étaient créés par tous les bataillons

  8   du commandement de l'ONU en Bosnie-Herzégovine. Ils étaient rédigés et

  9   envoyés chaque nuit par les bataillons respectifs au quartier général du

 10   commandement de l'ONU en Bosnie-Herzégovine. Parmi les responsabilités qui

 11   étaient les miennes, j'étais censé lire ces rapports tous les matins car

 12   ils arrivaient pendant la nuit et le général Morillon et moi-même nous

 13   discutions de cela dès le matin, c'était notre routine quotidienne.

 14   Q.  Est-ce que vous pouvez décrire de quelle manière s'est déroulé cet

 15   envoi d'information, s'agissant de la population non-Serbe ?

 16   R.  Je n'ai pas compris la question.

 17   Q.  La structure d'information que vous venez de décrire, est-ce que c'est

 18   grâce à cette structure-là que vous avez appris les éléments concernant la

 19   population non-Serbe ?

 20   R.  En partie. Puis il y avait aussi les incidents, l'incident qui a eu

 21   lieu fin octobre lorsque les Serbes de Bosnie, les forces des Serbes de

 22   Bosnie ont attaqué, saisi et capturé la ville Jajce. Ils ont reçu des

 23   rapports du Bataillon britannique qui étaient en charge de cette zone et

 24   qui a dit qu'à Jajce, on a commencé à recueillir un grand nombre de

 25   réfugiés qui avaient été expulsés des territoires Serbes de Bosnie. La

 26   ville était remplie de réfugiés et ensuite a subi l'attaque des Serbes de

 27   Bosnie, ensuite une longue colonne de réfugiés fuyait Jajce dans la

 28   direction de Travnik.

Page 9102

  1   Il y avait des rapports émanent du Bataillon britannique dont les soldats

  2   étaient en mesure d'observer ce retrait de réfugiés et une colonne de

  3   réfugiés d'après les informations des Britanniques a été pilonnée par

  4   l'artillerie des forces de Serbes de Bosnie au nord. Comme il s'agissait là

  5   d'un événement qui se déroulait en direct, ceci ne figurait pas dans le

  6   rapport quotidien que je décrivais car là il s'agissait de quelque chose

  7   qui se déroulait simultanément, donc le rapport là-dessus arrivait tout au

  8   long de ces journées vers la fin octobre. Donc ça c'est un événement

  9   particulier au sujet duquel j'ai des connaissances.

 10   Deuxièmement, il y avait un incident vers la fin du mois d'octobre à

 11   Sarajevo au début novembre, il y avait un grand nombre de Croates que l'on

 12   avait placés dans bus; je crois qu'il y avait des Serbes aussi, même si je

 13   ne me souviens pas exactement. On les a placés dans les autocars pour

 14   qu'ils partent de Sarajevo dans la direction de Split. Je ne me souviens

 15   plus de l'itinéraire exact mais c'était les événements qui se sont déroulés

 16   à l'époque.

 17   Q.  Vous avez mentionné Jajce. Quelle était la longueur de la colonne de

 18   réfugiés ?

 19   R.  Il y a eu des rapports selon lesquels la colonne de réfugiés faisait

 20   environ 30 kilomètres de long.

 21   Q.   Merci. Revenons maintenant à la réunion de Pale; qu'est-ce que

 22   Karadzic et Mladic vous ont dit concernant la population, enfin dans les

 23   secteurs musulmans, ce qui allait faire partie de la Republika Srpska ?

 24   R.  Ils n'ont pas parlé de façon précise de secteurs musulmans qui allaient

 25   faire partie de la Republika Srpska. Ils ont tout simplement dit ceci,

 26   voici une carte, carte qu'ils m'ont montrée avec une ligne et c'est ce

 27   qu'ils ont dit, c'était la Republika Srpska et ils ont soutenu qu'ils

 28   avaient demandé la reconnaissance internationale de la Republika Srpska,

Page 9103

  1   qu'ils étaient un pays indépendant, une nation indépendante et qu'ils ne

  2   voulaient avoir rien à voir avec les Musulmans de Bosnie.

  3   Q.  Les rapports que vous avez entendues concernant l'expulsion de la

  4   population musulmane, ça a duré depuis combien de temps ?

  5   R.  Je suis arrivé en Bosnie que vers la fin du mois d'octobre 1992.

  6   J'avais seulement vu des comptes rendus dans les journaux, avant cela.

  7   Q.  Depuis combien de temps est-ce que l'on rendait compte du fait que la

  8   population musulmane allait ou était expulsée ou allait être expulsée ?

  9   R.  C'étaient des articles de journal, il semble que ceci ait commencé vers

 10   la fin du mois d'avril ou au début de mai 1992.

 11   Q.  Quels étaient les médias qui couvraient la Bosnie à ce moment-là ?

 12   R.  En d'autres termes, depuis mai jusqu'au moment où j'ai été moi-même

 13   déployé en Bosnie, j'ai lu des journaux anglais du Royaume-Uni où des

 14   Etats-Unis, je voyais également à la télévision britannique, américaine,

 15   les émissions de CNN pour ce qui est des nouvelles.

 16   Mme CARTER : [interprétation] Je voudrais demander que le document 9223 de

 17   la liste 65 ter soit versé au dossier, comme élément de preuve.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le 9223 est admis comme élément de

 19   preuve. Je demande qu'on lui attribue une cote.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document devient la pièce P2693,

 21   merci.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Madame Carter.

 23   Mme CARTER : [interprétation] Je voudrais maintenant que l'on présente le

 24   document P2440, en sa page 2, paragraphe 5.

 25   Q.  Quand êtes-vous arrivé très précisément en Bosnie, Monsieur le Témoin ?

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais je croyais qu'il venait juste de

 27   répondre à la question un peu plus tôt. Il avait dit octobre 1992.

 28   Mme CARTER : [interprétation] Je souhaitais avoir une date précise,

Page 9104

  1   Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Une date, bien.

  3   Mme CARTER : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur le Témoin, pouvez-vous me dire quel est le jour où vous êtes

  5   arrivé en Bosnie ?

  6   R.  Je pense que c'était le 26 ou le 25 octobre 1992.

  7   Q.  Merci.

  8   Mme CARTER : [interprétation] Pourrait-on voir la page 2, paragraphe 5 du

  9   document ?

 10   Q.  Vous avez devant vous, là, le rapport du rapporteur spécial de la

 11   Commission des Droits de l'homme, M. Tadeusz Mazowiecki, qui a fait la

 12   tournée de la Bosnie depuis le mois d'octobre 1992. Il a constaté qu'il y

 13   avait des violations des droits de l'homme qui se poursuivaient, qu'un très

 14   grand nombre de personnes avaient trouvé la mort et que des milliers

 15   d'autres avaient souffert dans leur dignité. De plus, M. Mazowiecki a

 16   constaté que c'était la population musulmane qui était la principale

 17   victime. Sur la base de votre expérience en octobre 1992, seriez-vous

 18   d'accord avec le rapport de M. Mazowiecki ?

 19   R.  Oui.

 20   Mme CARTER : [interprétation] Je passe maintenant à la page 3 du même

 21   rapport, le paragraphe 6.

 22   Q.  M. Mazowiecki a également été d'avis que l'objectif principal du

 23   conflit militaire en Bosnie-Herzégovine était la création de zones

 24   homogènes ethniques et de religion, et que la purification ethnique ou le

 25   nettoyage ethnique ne semblait pas être la conséquence de la guerre mais

 26   plutôt son objectif.

 27   Basez sur votre expérience, partagez-vous le point de vue de M. Mazowiecki

 28   ?

Page 9105

  1   R.  Oui.

  2   M. GUY-SMITH : [interprétation] Sans avoir par ailleurs pu établir une

  3   forme de certitude d'expert sur ce point, ce point de vue, bien que je suis

  4   sûr qu'il soit tout à fait sincère avec le colonel Tucker, il croit

  5   vraiment, c'est un point de vue personnel et dénué de pertinence.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous suggérez que M. Tucker

  7   est ici en tant que témoin expert ?

  8   M. GUY-SMITH : [interprétation] Est-ce que je le fais ?

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ou bien qu'il aurait dû se présenter

 10   comme témoin expert, de façon à pouvoir donner ce point de vue ?

 11   M. GUY-SMITH : [interprétation] Certainement pour pouvoir donner ce type de

 12   point de vue, absolument. Ce sont évidemment des faits sur lesquels en

 13   définitive, la Chambre va avoir à se prononcer. Son expérience personnelle

 14   peut sans doute avoir permis d'arriver à des conclusions particulières en

 15   ce qui concerne sa conclusion particulière. Je ne veux pas avoir de

 16   discussions avec ce monsieur, mais au-delà de cela, je ne pense pas que de

 17   telles opinions soient pertinentes. En fait, à cet égard, elles sont très

 18   fortement préjudiciables, et je voudrais dire que le préjudice subi dépasse

 19   de beaucoup la valeur probante à tous égards.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.

 21   Mme CARTER : [interprétation] Le témoin est en train de baser son opinion

 22   sur ses connaissances personnelles, et les conversations qu'il a eues avec

 23   les protagonistes, et qui faisaient partie de ce plan. Il a décrit sur une

 24   carte que Karadzic lui a montrée, que c'était précisément ce qu'il faisait.

 25   Donc je rattache tout simplement le rapport de M. Mazowiecki aux éléments

 26   de preuve et à la déposition du témoin, d'après ce qu'il vient juste de

 27   dire.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ceci est un problème que vous

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  1   rencontrez maintenant avec cette objection, parce qu'il ne semble pas clair

  2   que ce que vous avez demandé à ce témoin, son opinion soit basée sur ce

  3   qu'il a lui-même vu et observé, entendu des protagonistes, mais ce qu'il

  4   estime d'après ce rapport. Je suis sûr qu'il peut vous donner cette opinion

  5   sans que cette pièce ou ce document soit à l'écran.

  6   Mme CARTER : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président. J'ai

  7   simplement voulu montrer ce document au témoin, parce que la décision

  8   précédente de la Chambre en ce qui concernait cette pièce était, elle

  9   allait plutôt sur la question de la prévisibilité plutôt que de la question

 10   de la vérité de sa teneur. Donc de façon à suivre la décision de la

 11   Chambre, je tente de montrer au témoin ceci de façon à pouvoir le placer

 12   dans un contexte en temps réel.

 13   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense qu'ils sont également en train de

 14   faire autre chose, l'Accusation. Ce qui est évident, d'après ce que le

 15   Procureur vient de dire, et qui est -- qu'on tente maintenant d'établir la

 16   vérité de la teneur du document.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce qui est que --

 18   M. GUY-SMITH : [interprétation] Ce sur quoi il y a déjà eu une décision de

 19   prise qui était au détriment de l'Accusation.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En tout état de cause, il s'agit là

 21   d'une pièce, c'est la raison pour laquelle elle n'essaie pas de le

 22   confirmer. En tout état de cause, je pense que vous devez poursuivre et que

 23   l'objection doit être rejetée, si tel est le but de ce document.

 24   Mme CARTER : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

 25   Q.  Suivant, je viens d'être dit, les observations de la Chambre, les

 26   renseignements que vous voyez devant vous, Monsieur le Témoin, vous dites

 27   que vous partagez le point de vue de M. Mazowiecki. Pouvez-vous me dire

 28   précisément ce que vous avez appris lorsque vous vous trouviez sur le

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  1   terrain en Bosnie qui vous amène à partager ces opinions ?

  2   R.  La première chose c'est la réunion à Pale avec la carte de recensement

  3   que je vous ai décrite. La seconde était une appréciation du point de vue

  4   militaire que nous avons pu faire nous au commandement des Nations Unies en

  5   Bosnie-Herzégovine, et ceci se situait vers la fin d'octobre, début

  6   novembre 1992, à savoir que les Serbes de Bosnie avaient réalisé leurs

  7   objectifs militaires. En d'autres termes, ils avaient réussi à s'emparer de

  8   territoires que Karadzic avait décrits. Ce qu'ils voulaient après cela

  9   c'était une reconnaissance du statu quo de ce qu'ils avaient saisi, de ce

 10   qu'ils avaient pris.

 11   Leur objectif dans toutes les négociations avec les Nations Unies était un

 12   cessez-le-feu dans l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine le long des lignes

 13   du front, et ce, à quoi ils objectaient c'était que les Musulmans de Bosnie

 14   continuent d'attaquer à tel ou tel endroit, et que lorsque les Serbes de

 15   Bosnie contre-attaquaient, à ce moment-là, les Musulmans de Bosnie

 16   demandaient que les Nations Unies mettent en place un cessez-le-feu.

 17   Q.  Je vous remercie. Maintenant, revenons à la question initiale, vous

 18   avez donné la raison pour laquelle vous vous êtes fait cette opinion

 19   concernant le nettoyage ethnique et vous avez dit que c'était basé sur

 20   votre réunion avec Karadzic ainsi les autres informations que vous avez

 21   reçues de vos propres personnels. Est-ce qu'il y avait quelque chose

 22   d'autre qui vous a conduit à avoir cette opinion en ce qui concerne la

 23   campagne de nettoyage ethnique ?

 24   R.  Nous continuions de recevoir des articles ou comptes rendus dans les

 25   journaux. Nous avions des gens appartenant à la presse qui à tous les jours

 26   voyaient les journaux qui rendaient compte, et ensuite eux-mêmes

 27   produisaient des résumés ou des extraits des principaux événements de

 28   l'actualité, qui étaient pertinents pour nous en Bosnie.

Page 9109

  1   Q.  Lorsque vous avez rencontre Karadzic - et je n'ai plus besoin

  2   maintenant de la pièce - lorsque vous avez rencontré Karadzic en novembre

  3   1992, quelle était la position de la FORPRONU en ce qui concerne ce plan ?

  4   R.  La position de la FORPRONU, que le général Morillon a soulignée, était

  5   de faciliter l'approvisionnement en aide humanitaire à toutes les personnes

  6   qui en avaient besoin, indépendamment de leur appartenance ethnique. Donc

  7   l'un des motifs essentiels, l'un des grands obstacles la fourniture d'aide

  8   humanitaire c'était les combats, et donc le général Morillon avait offert

  9   les bons offices de son personnel de la FORPRONU de façon à pouvoir

 10   établir, de faire conclure des cessez-le-feu chaque fois qu'il y avait --

 11   en chaque lieu où il y avait des combats de façon à faciliter le passage de

 12   convois d'aide humanitaire, des convois qui venaient en fait aider ce qui

 13   en avait besoin.

 14   Q.  [aucune interprétation]

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que le moment conviendrait pour

 16   suspendre la séance ?

 17   Mme CARTER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons suspendre la séance et

 19   nous reviendrons à moins quart.

 20   --- L'audience est suspendue à 10 heures 13.

 21   --- L'audience est reprise à 10 heures 45.

 22    M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Madame Carter.

 23   Mme CARTER : [interprétation]

 24   Q.  Colonel Tucker, vous étiez en train de décrire les conflits à Sarajevo;

 25   vous avez mentionné, en tous les cas, le conflit à Sarajevo. Pourriez-vous

 26   me dire, s'il vous plaît, quelles étaient les tactiques suivies par l'ABiH

 27   à l'intérieur de Sarajevo ?

 28   R.  L'ABiH n'était pas à Sarajevo. Elle encerclait Sarajevo. Comme je l'ai

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  1   décrit précédemment, l'objectif des Serbes de Bosnie était de faire

  2   reconnaître le statu quo qu'ils avaient réalisé. Toutefois les Musulmans de

  3   Bosnie n'acceptaient pas cela et donc les Musulmans de Bosnie --

  4   M. GUY-SMITH : [interprétation] Là encore, je voudrais demander à Mme

  5   Carter de bien vouloir contrôler le témoin. La question était extrêmement

  6   précise : "Quelles étaient les tactiques de l'armée Serbe de Bosnie à

  7   l'intérieur de Sarajevo ?" Je crois qu'il a répondu à la question.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.

  9   Mme CARTER : [interprétation]

 10   Q.  Monsieur le Témoin, pourriez-vous, s'il vous plaît, dire quelles

 11   étaient les tactiques militaires de l'ABiH en ce qui concerne Sarajevo ?

 12   R.  Il y avait essentiellement deux tactiques : l'une était de riposter

 13   avec une force écrasante en utilisant des armes lourdes pour répondre ou

 14   riposter aux attaques des Musulmans de Bosnie à l'extérieur de Sarajevo; le

 15   deuxième était de tirer des obus au hasard sur Sarajevo, et ça c'est mon

 16   interprétation en tant qu'observateur militaire pour réaliser une terreur,

 17   du terrorisme à présent des tirs d'artillerie par des tirs indirects.

 18   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, décrire ce dont vous parlez ?

 19   R.  Il y avait des tirs qu'on pourrait qualifier d'assez continus tout au

 20   long de la journée de la nuit et parfois plus ou moins intense parfois

 21   moins intense, mais on ne visait pas un objectif militaire précis.

 22   Q.  Quel était l'impact ou les incidences pour la population civile devant

 23   cette tactique ?

 24   R.  Ça causait de l'incertitude et personne ne savait où allait tomber les

 25   prochains obus, et souvent des civils étaient blessés ou tués par ces obus

 26   de sorte qu'ils étaient dans un état de peur constante sur l'endroit où

 27   tomberaient les prochains obus.

 28   Q.  Pourriez-vous nous donner un exemple précis des objectifs sur lesquels

Page 9111

  1   l'ABiH répliquaient avec une force écrasante en utilisant des armes lourdes

  2   ?

  3   M. GUY-SMITH : [interprétation] Pour commencer, cette question est

  4   directrice; et deuxièmement, elle est vague, à savoir un exemple précis du

  5   point de vue d'une date : de quoi s'agit-il ?

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.

  7   Mme CARTER : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois,

  8   Monsieur le Président, la question part de la page 34 en disant à la ligne

  9   11 où il décrit deux tactiques. L'une était de répliquer ou riposter avec

 10   une force écrasante en utilisant des armes lourdes. J'essaie simplement de

 11   rattacher cela à la réponse précédente du témoin.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'objection est rejetée.

 13   Mme CARTER : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur le Témoin, pourriez-vous donner un exemple de cette force

 15   écrasante ?

 16   R.  Un exemple c'est quand au début de décembre 1992 les Musulmans de

 17   Bosnie ont attaqué en sortant du secteur de Stup, qui est à un faubourg,

 18   une banlieue occidentale de la partie ouest de Sarajevo. Les Musulmans de

 19   Bosnie ont à l'origine pris des Serbes de Bosnie pour surprise. La riposte

 20   initiale des Serbes de Bosnie a été de concentrer autant de tirs

 21   d'artillerie qu'ils pouvaient. Plusieurs jours plus tard, ils avaient

 22   réussi à faire arriver certains renforts de leur infanterie régulière très

 23   limitée et de leurs blindés, avec leurs véhicules blindés arrivant dans le

 24   secteur et ensuite ils ont  contre-attaqués et ils ont repris le territoire

 25   que les Musulmans de Bosnie avaient temporairement pris.

 26   Alors les Serbes de Bosnie, à ce moment-là, ont commencé à pilonner très

 27   lourdement les tirs d'artillerie, d'obus les faubourgs ou la banlieue de

 28   Sarajevo d'où les attaques des Musulmans de Bosnie avaient eu lieu.

Page 9112

  1   Q.  S'ils avaient des obus sur les lieux où ces attaques avaient eu lieu,

  2   comment est-ce que c'était l'emploi d'une force inappropriée ou écrasante ?

  3   R.  Parce qu'ils tiraient pas seulement sur l'endroit précis de façon

  4   directe où les attaques avaient eu lieu, mais ils tiraient des obus sur les

  5   faubourgs derrière et je décrirais ceci comme étant des attaques punitives.

  6   Q.  Combien d'obus tombaient sur ces faubourgs ou banlieue ?

  7   R.  Plusieurs centaines par jour.

  8   Q.  Combien de temps est-ce que cette attaque a duré ?

  9   R.  Cette attaque en particulier en ce qui concerne Stup a continué, enfin

 10   l'attaque initiale des Musulmans avait pris environ un jour, un jour et

 11   demi, peut-être deux jours. Les contre-attaques des Serbes de Bosnie, à ce

 12   moment-là, ont pris une semaine, ont duré une semaine et ensuite petit à

 13   petit ont décru sur d'autres semaines.

 14   Q.  Vous avez également décrit des tirs d'artillerie au hasard sur Sarajevo

 15   que vous avez appelé, bien que ceci ne fasse pas l'objet d'un chef d'acte

 16   d'accusation en l'espèce, de terrorisme par les tirs d'artillerie ou par

 17   des tirs indirects. Pourriez-vous, s'il vous plaît, donner des exemples de

 18   cette tactique ?

 19   M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection. Non seulement en ce qui concerne

 20   la pertinence, mais également en ce qui concerne la question de terrorisme,

 21   c'est une question qui a été discutée à d'innombrables occasions. Je pense

 22   qu'il s'agissait de quelque chose sur lequel l'Accusation, je croyais,

 23   avait donné son accord, qu'elle ne poserait pas de question.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.

 25   Mme CARTER : [interprétation] Monsieur le Président, comme je l'ai fait

 26   remarquer ça ne faisait pas l'objet d'une accusation, ce que j'essaie de

 27   déterminer c'est ce à quoi le témoin se référait en ce qui concernait des

 28   tirs d'artillerie au hasard à Sarajevo. J'étais en train de reprendre sa

Page 9113

  1   réponse, il avait fait cette réponse. J'essayais simplement de façon à ne

  2   pas faire une question directrice ou de reformuler la question du témoin en

  3   utilisant ses propres paroles.

  4   M. GUY-SMITH : [interprétation] J'apprécie ce qu'a dit Mme Carter, mais en

  5   ce qui concerne cette question de terreur ou de terrorisme, l'Accusation

  6   sait bien quelles sont les préoccupations et ceci c'est quelque chose sur

  7   laquelle nous nous sommes mis d'accord pendant que l'affaire était encore

  8   pendante, et je pense qu'on est en train d'essayer maintenant de

  9   réintroduire ceci par la petite porte alors que nous étions d'accord qu'on

 10   ne présenterait pas par la porte d'entrée. Il est inapproprié d'utiliser

 11   ces termes en ce moment. Quant à savoir si le témoin a utilisé ces mots ou

 12   non, il est inapproprié de lui poser une question directrice de cette

 13   manière.

 14   Mme CARTER : [interprétation] Certainement.

 15   [La Chambre de première instance se concerte]

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je viens de demander à mes collègues

 17   Juges de confirmer. Il me semble que la Chambre ne soit pas au courant de

 18   cet accord, et je ne sache pas qu'il y a eu un accord entre les parties

 19   dont la Chambre aurait été exclue ou s'il s'agit d'un accord dont la

 20   Chambre est censée avoir été informée.

 21   M. GUY-SMITH : [interprétation] En fait, ceci découle d'une décision qui

 22   avait été prise par la Chambre en mai 2007 en ce qui concerne l'application

 23   de modification de l'acte d'accusation au terme de l'article 73(B) du

 24   Règlement, je crois que c'est le paragraphe 16 de cette décision précise.

 25   En ce qui concerne l'acte d'accusation, je pense qu'il serait juste de dire

 26   qu'il ne s'agit pas d'un accord qui a été formel ou officiel. Toutefois,

 27   chaque fois que la question s'est présentée, et qu'il y a eu des questions

 28   concernant ce type d'élément de preuve, en particulier, ait la possibilité

Page 9114

  1   de poser des questions à des témoins précis et que la question de la

  2   terreur a été évoquée, il a été convenu qu'on ne poserait pas de question à

  3   ce sujet.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais ma question c'était : est-ce

  5   qu'il y a eu un accord entre les parties, ou est-ce que c'est un accord

  6   dont la Chambre serait censée être informée ?

  7   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je ne pense pas que ce soit une

  8   combinaison. Je crois qu'il s'agit d'une combinaison d'une entente de la

  9   façon de comprendre la décision qui a été rendue par votre Chambre en ce

 10   qui concerne la modification de l'acte d'accusation au titre de l'article

 11   73 au mois de mai --

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, citer

 13   cette décision ?

 14   M. GUY-SMITH : [interprétation] Certainement, la Chambre note au paragraphe

 15   16, en mai 2007.

 16   "La Chambre note qu'au moins 22 témoins sont prévus pour déposer sur la

 17   question de la terreur à Sarajevo. Deux de ces témoins sont prévus pour

 18   faire une déposition sur le chef d'acte d'accusation concernant 'la

 19   terreur.' Mais comme l'acte d'accusation modifié ne comprend pas la

 20   terreur, donc la pertinence dans les dépositions n'est pas apparente. Bien

 21   que l'Accusation allègue 'qu'il y ait une campagne qui a duré de tireur

 22   isolé et de pilonnage par l'artillerie à Sarajevo,' il n'y a aucune

 23   indication dans l'acte d'accusation modifié que la campagne qui a duré pour

 24   essayer d'établir la terreur est une seule indication sur la terreur

 25   apparaîtrait dans le mémoire préalable au procès : l'Accusation avait

 26   affirmé qu'il y avait des éléments de preuve qui seraient présentés à

 27   l'appui de ceci, la nature et le but de la campagne précitée était de

 28   répandre la terreur dans la population serbe de Sarajevo. Toutefois, ceci

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  1   ne justifie pas la présentation d'élément de preuve développé sur cet

  2   aspect de la campagne. Par conséquent, la Chambre de première instance

  3   donnera pour instruction à l'Accusation de ne pas poser de question sur la

  4   'terreur' en ce qui concerne les chefs d'accusation relatifs à Sarajevo."

  5   Maintenant, je comprends que ceci ne fait pas partie des éléments de preuve

  6   qui font l'objet des chefs d'accusation dans l'acte d'accusation,

  7   toutefois, il semble inapproprié de poser des questions sur ces éléments

  8   sur cette déposition.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais alors j'ai demandé que vous

 10   nous citiez cela.

 11   Madame Carter, il semble qu'il y ait donc une décision prise par la Chambre

 12   selon laquelle on ne poserait pas de question concernant la terreur.

 13   Mme CARTER : [interprétation] L'élément que j'essaie de mettre ensemble

 14   pour poser des questions c'est très précisément les tirs d'artillerie au

 15   hasard sur Sarajevo. Ceci a été décrit comme étant une des deux tactiques

 16   employés. J'essaie simplement de poser des questions pour obtenir des

 17   positions -- pour savoir s'il y a des exemples précis de cette tactique.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ceci est autorisé. Vous pouvez

 19   poursuivre.

 20   Mme CARTER : [interprétation] Merci.

 21   Q.  Témoin, vous avez indiqué que la deuxième tactique utilisée par l'armée

 22   serbe de Bosnie était de tirer des obus au hasard sur Sarajevo. Pourriez-

 23   vous donner un exemple spécifique de cette tactique ?

 24   R.  Il y a eu un événement que je peux décrire et qui a eu lieu au cours de

 25   la nuit donc la nuit de Noël 1992 quand sur le coup de minuit tous les

 26   canons serbes de Bosnie, pièce d'artillerie, mortier, canon antiaérien

 27   entourant Sarajevo ont ouvert le feu à Sarajevo tirant aussi rapidement

 28   qu'ils le pouvaient pendant une période d'environ 15 à 20 minutes. Il y

Page 9116

  1   avait un canon antiaérien de 40 millimètres monté sur un flanc de colline

  2   au-dessus de la présidence, au-dessus de la résidence à Sarajevo où se

  3   trouvait le quartier général du général Morillon à l'intérieur de Sarajevo,

  4   et qui se trouve -- c'est là que je me trouvais moi-même au moment de

  5   l'incident. Ces tirs d'artillerie étaient des tirs rapides d'armes

  6   antiaériennes faisant donc boom, boom, boom, boom, boom, boom, boom,

  7   pendant environ 50 minutes tirant sur la ville.

  8   Q.  Bien.

  9   R.  C'était 15 minutes.

 10   Q.  Ce qui faisait cette détonation c'était -- est-ce que vous voulez dire

 11   qu'il y avait quelque chose d'aussi systématique dans ce pilonnage ?

 12   R.  S'agissant de cette arme-là, oui, de ce canon-là, c'est certain.

 13   Q.  Ce peut-il que ce soit simplement des tirs de canon ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  [aucune interprétation]

 16   R.  Parce que c'est un canon antiaérien et, en général, il tire par

 17   rafales, deux, cinq, six voire dix coups, c'est une rafale rapide. Il y a

 18   une gâchette et l'homme qui serre cette arme manifestement tirait sur cette

 19   gâchette ou déclenchait ce mécanisme pour avoir cette cadence-là dans les

 20   tirs et il le faisait à dessein.

 21   Q.  Vous avez dit que ces tactiques ont semé l'incertitude dans la

 22   population civile de Sarajevo. De quelle façon est-ce qu'on a ressenti ?

 23   Est-ce qu'on a vu cette incertitude dans la ville ?

 24   R.  Les gens avaient très peur, étaient anxieux. Les gens n'aiment pas

 25   sortir en terrain dégagé, et surtout dans en général quand ils étaient dans

 26   un espace dégagé, ils couraient pour le traverser.

 27   Q.  Pourriez-vous nous dire quelles étaient les conditions de vie de la

 28   population de Sarajevo ?

Page 9117

  1   R.  Vivre à Sarajevo pendant l'hiver quand il faisait froid, c'était

  2   quelque chose de terrifiant. Il n'y avait pas de chauffage, pratiquement

  3   aucun gaz n'arrivait à Sarajevo. Il y avait pratiquement pas d'électricité

  4   qui arrivait à Sarajevo, donc ce qui veut dire qu'il était impossible de se

  5   chauffer. On était à des températures de moins 10, moins 15 degrés parfois

  6   pendant l'hiver, et le moindre bout de bois qu'il y avait dans la ville a

  7   été utilisé; on a utilisé des arbres, on les a déracinés pour en brûler

  8   racines pour se chauffer.

  9   Il y avait très peu d'eau, ne parlons pas des conditions sanitaires,

 10   je veux dire c'était très difficile, les gens avaient très faim. C'était

 11   visible. Vous ne voyez pas de personnes un peu dodu à Sarajevo. Tout le

 12   monde était maigre. Les gens étaient sans arrêt affamés.

 13   Q.  Est-ce qu'il y avait des gens venus de l'extérieur qui relataient ce

 14   qui se passait à Sarajevo ?

 15   R.  Il y avait présence des médias internationaux à l'intérieur de Sarajevo

 16   et, en général, ces reporters avaient -- séjournaient au Holiday Inn, un

 17   hôtel bien connu à Sarajevo.

 18   Q.  Quels sont les médias qui ont fait des reportages sur ce qui se passait

 19   à Sarajevo ?

 20   R.  Il y avait plusieurs journalistes indépendants. Il y avait aussi des

 21   journalistes qui travaillaient pour la BBC, pour la CNN, l'agence Franc

 22   presse ou pour des quotidiens américains. Ceux-là venaient à Sarajevo où

 23   ils y passaient une semaine voire deux, cherchant à avoir un entretien avec

 24   le général Morillon, d'autres venaient faisaient un reportage, repartaient,

 25   revenaient six semaines plus tard.

 26   Q.  Est-ce qu'il y avait aussi des médias des Balkans qui en parlaient de

 27   ce siège à Sarajevo ?

 28   R.  A l'intérieur de Sarajevo, il y avait "Oslobodenje."  Oslobodenje c'est

Page 9118

  1   un quotidien musulman de Bosnie qui a continué à travailler et à sortir son

  2   journal même pendant le siège.

  3   Q.  Parlons maintenant de l'Est et de Srebrenica. Quand est-ce que vous

  4   avez eu connaissance vous qui était officier de la FORPRONU pour la

  5   première fois de ces enclaves de Bosnie orientale ?

  6   R.  J'en ai pris connaissance personnellement le premier jour où je me suis

  7   trouvé en Bosnie. Je savais déjà que ces enclaves existaient en raison des

  8   articles parus dans les journaux internationaux et qui disaient que le

  9   commandant précédent du secteur de Sarajevo, le général MacKenzie avait

 10   essayé d'obtenir l'arrivée de convois, d'aide humanitaire à Gorazde,

 11   convois qui étaient escortés par des soldats du Bataillon ukrainien qui

 12   était cantonné à Sarajevo.

 13   Q.  Pourquoi était-il nécessaire d'envoyer des convois d'aide humanitaire

 14   dans ces enclaves de Bosnie orientale ?

 15   R.  Celles-ci avaient été entourées et isolées à la suite des premières

 16   attaques des Serbes de Bosnie, en mai, en juin 1992, lorsque l'armée des

 17   Serbes de Bosnie s'était emparée du territoire que j'ai déjà décrit. Ce

 18   territoire que m'avait montré Karadzic et Mladic sur cette carte montrant

 19   les résultats du recensement. Les Serbes de Bosnie s'étaient entourés --

 20   emparés de ces territoires, les avaient encerclés en mai, juin, mais juste

 21   à ce moment-là ils avaient surtout isolé ce terrain. C'était un relief très

 22   montagneux qui sur le plan économique ne revêtait pas grand intérêt pour

 23   les Serbes de Bosnie. Ceux-ci semblaient simplement les isoler rien sans

 24   plus.

 25   Q.  Vous parlez "d'isolement des enclaves de Bosnie orientale," mais ma

 26   question au départ c'était de savoir pourquoi il était nécessaire d'envoyer

 27   dans ces enclaves des convois d'aide humanitaire. Quelle était la réalité

 28   au quotidien pour la population de ces enclaves ?

Page 9119

  1   R.  Ces enclaves étaient entourées par les forces des Serbes de Bosnie et

  2   ceci avait empêché le passage de vivres, de tout approvisionnement à ces

  3   enclaves.

  4   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges ce qu'on appelle - entre guillemets - "les

  5   enclaves de Bosnie orientale" ?

  6   R.  Elles se trouvaient surtout autour de la ville de Gorazde, de celle de

  7   Zepa et autour de la ville de Srebrenica, et autour du village de Cerska.

  8   Q.  Vous avez dit qu'en mai ou en juin, ces zones ont été entourées et/ou

  9   encerclées, et que les Ukrainiens avaient essayé d'aider au passage de

 10   cette aide humanitaire. Savez-vous quand les Ukrainiens ont essayé

 11   d'escorter ces convois ?

 12   R.  La veille de mon arrivée en Bosnie; je ne me souviens pas. Je me

 13   souviens avoir lu des articles dans la presse. Mais à partir de la date de

 14   mon arrivée en Bosnie, le Bataillon ukrainien a essayé plusieurs fois, et

 15   là, je vous parle de mémoire mais ici, à quatre ou cinq -- trois ou quatre

 16   reprises, de parvenir à Srebrenica et a essayé deux fois de parvenir à

 17   Gorazde.

 18   Le Bataillon ukrainien a réussi à faire parvenir un convoi à Srebrenica au

 19   début décembre 1992, c'était le premier convoi d'aide humanitaire qui était

 20   arrivé à Srebrenica, depuis le début du conflit.

 21   Q.  Mais qu'est-ce qui empêchait à ces convois d'aide humanitaire d'arriver

 22   à leur destination ?

 23   R.  Les forces serbes de Bosnie et des autorités serbes de Bosnie ont érigé

 24   des barrages routiers, et ont ainsi empêché le passage de ces convois et ne

 25   cessaient de trouver de nouvelles raisons justifiant que ces convois ne

 26   puissent franchir ces barrages, six heures plus tard on leur donne

 27   l'autorisation de passer. Mais c'était arrêter trois kilomètres plus loin,

 28   et ainsi de suite. 

Page 9120

  1   Q.  Est-ce que vous avez fait connaître la situation à qui que ce soit ?

  2   R.  Oui, c'était un sujet qu'avait tout le temps le général Morillon sur

  3   son ordre du jour, chaque fois qu'il a rencontré l'un ou l'autre des chefs

  4   militaires ou politiques serbes, de Bosnie.

  5   Q.  A combien de reprises le sujet a-t-il été abordé ?

  6   R.  Mais on a parlé à chaque réunion, réunions avec les Serbes de Bosnie,

  7   réunions qui étaient pratiquement quotidiennes.

  8   Q.  Quelle excuse a-t-on donné pour justifier l'interdiction de passage à

  9   ces convois ?

 10   R.  Une des excuses données c'était que les Serbes de Bosnie exigeaient de

 11   perquisitionner, de fouiller les convois. Ils voulaient s'assurer qu'il n'y

 12   avait pas d'armes cachées dans ces convois qu'ils transportaient des

 13   vivres, des médicaments. Quand ils insistaient pour faire ces fouilles,

 14   c'est-à-dire qu'ils éventraient les sacs, que la nourriture n'était plus

 15   utilisable après.

 16   Autre excuse, c'est qu'ils disaient qu'il y avait des combats en

 17   cours plus loin, sur la route, qu'il leur ait été impossible de garantir la

 18   sécurité des convois. C'est pour cela que les convois ne pouvaient pas

 19   passer. Autre excuse encore, les habitants qui habitaient dans ces

 20   villages, ces villes, ces hameaux, avaient subi beaucoup de pertes et

 21   étaient indignés et protestaient eux-mêmes pour empêcher, empêcher le

 22   passage des convois. Autre excuse, ils disaient qu'ils allaient laisser

 23   passer les convois par les zones tenues par les Musulmans de Bosnie,

 24   uniquement lorsque des convois similaires seraient envoyés dans les zones

 25   où il y avait des Serbes réfugiés. Ils disaient qu'il y avait une inéquité

 26   [comme interprété] -- un déséquilibre dans les quantités d'aide humanitaire

 27   fournies aux communautés ethniques respectives.

 28   Q.  Est-ce que c'étaient des excuses qui étaient acceptables par la

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  1   FORPRONU ?

  2   M. GUY-SMITH : [interprétation] Quelle est la pertinence ?

  3   Mme CARTER : [interprétation] Je peux reformuler la question, Monsieur le

  4   Président.

  5   Q.  Lorsque vous avez rencontré les chefs militaires et politiques des

  6   Serbes de Bosnie, et qu'ils vous ont donné ces excuses, quelle fut la

  7   réaction de la FORPRONU ?

  8   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je suis tenté de demander si Mme Carter

  9   pense que le témoin vraiment avec une souris cachée dans sa poche, on peut

 10   lui demander ce qu'il a vu, mais je pense que ça pose problème si on lui

 11   demande comment la FORPRONU a réagi. Le témoin lui même nous l'a dit, la

 12   FORPRONU, c'est une organisation assez importante qui avait son siège si

 13   j'ai bien compris à Zagreb. Alors je ne sais pas si la question ainsi

 14   formulée laisse entendre qu'il y aurait eu une conversation avec quelqu'un

 15   en présence de M. Tucker, montrant la participation de Zagreb.

 16   J'avais déjà demandé des précisions auparavant, je répète ma demande.

 17   Car ici, on fait notamment référence à des conversations précises sur des

 18   sujets précis, et des dates précises, qui en fin de compte auront leur

 19   effet sur mon contre-interrogatoire, certes mais aussi sur les décisions

 20   qu'il vous faudra prendre en fin de procès, et ce genre de question n'est

 21   pas très utile. 

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.

 23   Mme CARTER : [interprétation] Je dis que ces conversations sont des

 24   conversations auxquelles a assisté M. Tucker. C'est donc précis mais je

 25   peux être encore plus précise.

 26   Q.  Monsieur le Témoin, lorsque le général Morillon et vous, vous avez

 27   parlé avec des dirigeants politiques et militaires ou des personnes

 28   politiques et militaires des Serbes de Bosnie, et lorsque ces personnes

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  1   vous ont présenté ces excuses, comment avez-vous réagi ?

  2   M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais ça voudrait dire qu'à chacune de ces

  3   réunions, on a donné la même excuse. Pourquoi est-ce que j'insiste ?

  4   Pourquoi est-ce que je demande des précisions, et Mme Carter le comprendra

  5   la période est de plus volatile, c'est-à-dire beaucoup de choses se

  6   passaient pendant cette période très turbulente. Il faut qu'on soit très

  7   précis quand on demande qui a parlé, qui a fait quelque chose, suite à ce

  8   qui a été dit; sinon, ce n'est pas utile.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter, pouvez-vous obtenir du

 10   témoin une réponse précise par rapport à une excuse précise ?

 11   [imperceptible] difficulté peut-être.

 12   Mme CARTER : [interprétation]

 13   Q.  Quand avez-vous parlé pour la première fois du problème des convois

 14   humanitaires avec, disons pour les Serbes, le général Mladic ?

 15   R.  Pour répondre à ce genre de question, au regard d'événements survenus

 16   il y a 15 ans au plus, il faudrait que je fasse référence à une réunion

 17   précise. Ce que je peux vous dire ici même, c'est qu'on en a parlé dans les

 18   premières réunions, fin octobre, début novembre et c'est resté un sujet

 19   pendant toutes les réunions que nous avons eues avec les Serbes pendant que

 20   j'étais en Bosnie-Herzégovine.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous parlez d'octobre 1992 ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Exact, Monsieur le Président.

 23   Mme CARTER : [interprétation]

 24   Q.  Vous dites que ça a été évoqué lors de votre première réunion. De quoi

 25   a-t-on discuté lors de votre première réunion ?

 26   R.  De la nécessité de permettre aux convois humanitaires de traverser les

 27   régions pour parvenir à tous ceux qui avaient besoin d'aide humanitaire,

 28   quelle que ce soit leur appartenance ethnique. Le général Morillon a

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  1   insisté là-dessus, il insistait pour dire que c'était la responsabilité de

  2   tout un chacun dans la région, que l'on soit Musulman, Serbe ou Croate, que

  3   chacun avait l'obligation d'aider la FORPRONU à faire parvenir l'aide

  4   humanitaire là où elle était nécessaire. Le général Morillon l'a aussi dit

  5   à plusieurs réunions, il y avait José Maria Mendiluce du HCR qui

  6   participait à ces réunions --

  7   M. GUY-SMITH : [interprétation] Madame Carter, essayez de diriger votre

  8   témoin. On parle uniquement de la première réunion maintenant; si la

  9   question porte sur d'autres réunions, il pourra répondre à ces questions-

 10   là, mais il faut d'abord les poser. J'insiste, je suis désolé de le faire.

 11   Vous comprendrez en temps utile pourquoi c'est à ce point important ?

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, peut-être que vous  pouvez voir

 13   cette dernière phrase du témoin lorsqu'il dit que le témoin parlait des

 14   autres réunions. M. Tucker a parlé d'une réunion à la fois. Vous étiez en

 15   train de parler de la première réunion que vous avez eue en octobre,

 16   novembre 1992. Si vous vous en souvenez, est-ce que vous pouvez nous parler

 17   de cette réunion-là ?

 18   Mme CARTER : [interprétation]

 19   Q.  Donnez-nous une date. A quelle date avez-vous eu cette première réunion

 20   sur ce sujet-là ?

 21   R.  Le 27 ou le 28 octobre 1992, je pense.

 22   Q.  Quand a eu lieu la deuxième réunion au cours de laquelle vous avez

 23   parlé de ce sujet ?

 24   R.  Vers le 5 novembre 1992.

 25   Q.  Qui participait à cette réunion ?

 26   R.  Première réunion avec le général Mladic --

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Soyez sûr que vous êtes sur la même

 28   longueur d'ondes que le témoin. Si vous dites deuxième réunion, il répond

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  1   de la première réunion; alors que vous parlez déjà de la deuxième.

  2   Mme CARTER : [interprétation] Qui assistait, qui était présent à cette

  3   première réunion ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait plusieurs personnes. Je me souviens

  5   surtout du général Mladic, du Dr Karadzic, du Pr Koljevic. Il y avait le

  6   général Morillon, moi-même, et l'adjudant chef Mihailov, qui était le garde

  7   du corps du général Morillon. Il y avait d'autres personnes mais, vous

  8   savez, ça s'est passé il y a 15 ans, je ne me souviens plus du nom de ces

  9   autres personnes.

 10   Q.  Pour ce qui est de la deuxième réunion, qui y participait ? Qui y

 11   assistait ?

 12   R.  A cette deuxième réunion, il y avait Karadzic, Mladic; Gvero était là

 13   aussi, je pense; le général Morillon, moi-même, et Mihailov. Il y en avait

 14   d'autres aussi qui étaient là, mais je pense qu'en général, il y avait de

 15   huit à dix personnes à cette réunion.

 16   Q.  Pour ce qui est de cette deuxième réunion, de quoi aviez-vous discuté ?

 17   R.  Nous avons discuté de beaucoup de choses. L'un de ces sujets, c'était

 18   l'aide humanitaire destinée aux enclaves de Bosnie orientale. Mais un autre

 19   sujet c'était aussi le déploiement du bataillon italo-canadien dans la zone

 20   de Banja Luka, déploiement du bataillon français autour de Petrovac. Il y

 21   avait la question de savoir si des hommes du génie pourraient aller dans le

 22   "no-man's land" qui entourait Sarajevo pour procéder à des réparations de

 23   conduite de gaz et d'électricité et d'eau.

 24   Q.  Merci. Concentrons-nous sur la question de l'aide humanitaire. Qu'est-

 25   ce qui a été dit ou plutôt quelle était votre préoccupation ? Je parle ici

 26   du commandement de Bosnie-Herzégovine à la deuxième réunion.

 27   R.  Nous avons répété que l'aide humanitaire était répartie de façon

 28   équitable, et c'était en fonction de l'estimation qu'on faisait de l'aide

Page 9126

  1   nécessaire sur le terrain, estimation indépendante, et c'est à peu près

  2   50/50. Le général Morillon attendait des autorités serbes de Bosnie-

  3   Herzégovine qu'elles fassent l'impossible pour permettre le passage de

  4   cette aide.

  5   Q.  Comment ont réagi les Serbes de Bosnie ?

  6   R.  Le général Mladic et Karadzic ont dit qu'ils feraient tout ce qu'ils

  7   pouvaient, mais que c'était loin d'être facile parce que les sentiments

  8   étaient très vifs sur le terrain que quelque fois les gens de la région ne

  9   faisaient pas nécessairement ce qu'on leur disait de faire. Les Serbes de

 10   Bosnie ont aussi demandé au général Morillon de proposer un itinéraire, ce

 11   qui permettrait au personnel du général Mladic de vérifier si c'était un

 12   bon itinéraire ou plutôt de proposer un itinéraire de substitution pour

 13   permettre au convoi de passer et d'arriver à destination.

 14   Q.  Vous dites que les sentiments étaient très vifs dans ces régions. Est-

 15   ce qu'on vous a dit quels étaient les sentiments de la population locale ?

 16   R.  Je ne me souviens pas si on en a parlé à cette réunion là en

 17   particulier. Mais on nous a dit, et c'était toujours la même chose, à

 18   savoir que les habitants de la région avaient beaucoup souffert du conflit,

 19   s'opposaient à ce qu'on amène de l'aide humanitaire à la partie adverse.

 20   Q.  Vous dites que c'était au cours de la première semaine de novembre.

 21   Pourriez-vous nous dire quand a eu lieu la troisième réunion ?

 22   R.  C'était au mois de novembre, mais plus tard, je ne sais plus quand.

 23   Q.  Lorsque la troisième réunion a eu lieu, est-ce que de l'aide

 24   humanitaire était parvenue jusqu'aux enclaves ?

 25   R.  Non. Lors de cette troisième réunion, il y avait un convoi en route, et

 26   Mladic n'arrêtait pas de sortir de la pièce pour parler au téléphone avec

 27   ses hommes. En tout cas, c'est ce qu'il nous a dit. Il sortait pour leur

 28   parler et essayer de veiller à ce que le convoi passe.

Page 9127

  1   Q.  Pourriez-vous nous dire combien de temps s'est écoulé entre la deuxième

  2   et la troisième réunion ?

  3   R.  Quelques semaines, une semaine ou deux. Je parle de la réunion avec le

  4   général Mladic. Il y en avait eu beaucoup d'autres.

  5   Q.  Quelles étaient ces autres réunions ?

  6   R.  C'était des réunions avec les Musulmans de Bosnie. A cette époque-là,

  7   le général Morillon n'a pas eu de réunion avec les Croates de Bosnie. Je

  8   pense qu'il a rencontré le colonel Siber, la première fois, en novembre.

  9   Q.  Quand est-ce que le premier convoi est vraiment passé ? Il est arrivé

 10   dans quelle enclave ?

 11   R.  Je pense qu'il y a un convoi qui est parvenu à Gorazde en octobre,

 12   octobre/novembre. Mais le premier convoi qui est arrivé à Srebrenica, lui,

 13   il est arrivé début décembre.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Une précision, s'il vous plaît. Je

 15   pense que vous avez dit que la deuxième réunion s'était déroulée autour du

 16   5 novembre, et vous avez dit qu'à ce moment-là, il n'y avait aucun convoi

 17   qui était passé encore ?

 18   R.  Aucun convoi n'est arrivé à Srebrenica. Moi, je me concentrais sur

 19   Srebrenica. Les convois destinés à Gorazde étaient surveillés par le

 20   secteur de Sarajevo dont faisait partie le Bataillon ukrainien, et je ne

 21   sais pas si c'est après le 4 ou le 5 novembre que le convoi est arrivé

 22   Gorazde.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 24   Poursuivez, Madame Carter.

 25   Mme CARTER : Merci, Monsieur le Président.

 26   Q.  Pour ce qui est des enclaves de la Bosnie orientale et surtout de

 27   celles de Srebrenica, savez-vous combien de personnes il y avait en octobre

 28   1992 à l'intérieur de l'enclave de Srebrenica ?

Page 9128

  1   R.  On ne le savait pas. Les Nations Unies n'avait pas de personnel dans

  2   l'enclave. Les seuls rapports que nous avions provenaient d'agences de

  3   presse internationale qui parfois parvenaient à faire entrer un reporter.

  4   Q.  Savez-vous si les personnes qui se trouvaient dans l'enclave venaient

  5   de villages se trouvant dans l'enclave ou si elles venaient d'ailleurs ?

  6   R.  Je ne me souviens pas si mes premières informations venaient de ces

  7   publications originales, mais ce que nous avons constaté de la part de nos

  8   propres gens dans les enclaves était qu'il y avait un grand nombre de

  9   réfugiés dans ces enclaves qui avaient fui d'autres parties de la Bosnie et

 10   qui avaient été expulsés de leurs endroits de résidence par les militaires

 11   et les paramilitaires de même que la police Serbe de Bosnie.

 12   Q.  Lorsque vous dites qu'ils ont été expulsés, est-ce que vous savez

 13   quelle était la tactique appliquée pour les expulser de leurs villages ?

 14   R.  D'après les récits que ces personnes faisaient à nos soldats dans les

 15   enclaves, normalement les militaires ou les policiers en uniforme

 16   frappaient sur leurs portes de toute leur force et leur disaient qu'il

 17   avaient cinq minutes plus ou moins pour se rassembler sur la place du

 18   village; et ensuite, ils étaient placés dans les véhicules avec ce qu'ils

 19   pouvaient emporter avec eux; et ensuite ils étaient transportés à la ligne

 20   de front; et ensuite, on leur disait de quitter les véhicules et de marcher

 21   dans une direction particulière. C'était une approche.

 22   Une autre approche était la suivante. Les gens entendaient que ceci se

 23   passait au village avoisinant ou la banlieue avoisinante et il

 24   n'attendaient pas que l'on frappe sur leurs propres portes, mais ils

 25   prenaient eux-mêmes leurs affaires et partaient pour être en sécurité

 26   ailleurs, de leur propre gré.

 27   Q.  Vous avez indiqué que ces personnes faisaient les récits aux soldats.

 28   Est-ce qu'elles vous ont dit pourquoi elles étaient parties --

Page 9129

  1   M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, je vais faire objection à

  2   cette question. Il y a des milliers de raisons pourquoi ceci s'est passé

  3   pendant la guerre, et je crois que la question est sans pertinence.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Votre objection est rejetée.

  5   Poursuivez, Madame Carter.

  6   Mme CARTER : [interprétation]

  7   Q.  Je vais répéter ma question. Vous avez dit que ces personnes disaient

  8   aux troupes qu'elles partaient en raison du fait qu'elles avaient entendu

  9   ce qui ce passait dans le village avoisinant. Est-ce qu'elles vous ont

 10   expliqué pourquoi ?

 11   R.  Je pense qu'elles pensaient que leur vie était en danger.

 12   Q.  Danger, par rapport à qui ?

 13   R.  Danger, par rapport à ceux qui procédaient au nettoyage ethnique, et

 14   j'utilise le mot en toute connaissance de cause.

 15   Q.  Pendant combien de temps es-ce que ce nettoyage ethnique s'est déroulé.

 16   R.  Je dirais que ceci se déroulait pendant que j'étais en Bosnie. D'après

 17   ce que j'ai lu dans la presse internationale, et ce que j'ai vu à la

 18   télévision, apparemment ceci se déroulait en Bosnie dès le début du

 19   conflit, c'est-à-dire depuis avril, mai 1992.

 20   Q.  Bien. Est-ce qu'à un moment donné vous avez pu entrer dans les

 21   enclaves, ou plus précisément Srebrenica ?

 22   R.  Je suis entré dans l'enclave de Srebrenica à deux reprises, ou plutôt

 23   environ six ou sept fois. Mais la première fois, ce n'était pas à

 24   Srebrenica même, mais à Konjevic Polje. Konjevic Polje se trouve à une

 25   distance de 15 à 20 kilomètres au nord-ouest de Srebrenica. C'était les

 26   cinq et six mars 1992. Ensuite, avec le général Morillon, je suis allé de

 27   nouveau dans l'enclave de Srebrenica; c'était vers le 10, 11 mars 1992, et

 28   c'était pour aller à Srebrenica même. Ensuite nous étions à Srebrenica

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  1   pendant encore deux semaines et demie à trois semaines, et puis nous sommes

  2   partis de l'enclave à plusieurs reprises afin de négocier avec les

  3   autorités militaires de Serbes de Bosnie; et ensuite, nous sommes rentrés à

  4   l'enclave.

  5   Q.  Monsieur, vous avez indiqué les dates en mars 1992, est-ce exact ?

  6   R.  Excusez-moi, c'était 1993.

  7   Q.  Vous nous avez exprimé la préoccupation au sujet de la situation

  8   humanitaire en octobre et novembre 1992. Pourquoi avez-vous mis aussi

  9   longtemps avant d'aller à Srebrenica ?

 10   R.  La raison principale était que nous avions eu des priorités dans notre

 11   travail. En octobre, nous étions au courant des enclaves mais nous avions

 12   très peu d'informations au sujet des circonstances qui prévalaient au sein

 13   des enclaves, et d'autres événements se déroulaient ailleurs, événements

 14   qui nous semblaient plus urgents; par conséquent, nous nous sommes

 15   concentrés là-dessus.

 16   La situation dans les enclaves a commencé à escaler. Il y avait une

 17   escalade de la situation, et je veux dire par là que les autorités des

 18   Musulmans de Bosnie à Sarajevo ont commencé à demander de plus en plus

 19   souvent que les Nations Unies et la communauté internationale fassent plus

 20   afin d'obtenir l'aide humanitaire et de la faire acheminer dans les

 21   enclaves, et ceci à commencé vers la mi-décembre 1992. Ensuite ceci s'est

 22   accentué, et je veux dire par là que la pression des Musulmans de Bosnie

 23   sur la communauté internationale et le général Morillon s'est accentuée

 24   pendant le mois de janvier, ce qui a abouti à l'établissement des ponts

 25   aériens qui transportaient l'aide humanitaire dans les enclaves car les

 26   Nations Unies n'arrivait pas à faire acheminer de l'aide humanitaire par

 27   voie terrestre.

 28   Ensuite, en février 1993, nous avons entendu des rapports au sujet des

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  1   combats qui se sont intensifiés autour des enclaves, et les autorités des

  2   Musulmans de Bosnie ne demandaient plus seulement l'aide humanitaire mais

  3   elles ont également -- on commençait à demander de l'aide pour les

  4   personnes blessées au combat. Autrement dit, jusqu'au mois de décembre ou

  5   janvier, les enclaves étaient simplement encerclées et isolées alors qu'à

  6   partir de janvier, février, les combats ont commencé à s'intensifier.

  7   Q.  Merci. Vous avez indiqué qu'il y a eu les aériens puis il y a eu des

  8   appels afin d'obtenir l'aide humanitaire fin 1992, début 1993. Vous et le

  9   général Morillon, avec qui avez-vous parlé afin de faciliter l'acheminement

 10   de l'aide à l'enclave de Srebrenica ?

 11   R.  Toutes les personnes que le général Morillon pouvait rencontrer et je

 12   veux dire par là que le général Mladic refusait de rencontrer encore le

 13   général Morillon, et la dernière réunion que celui-ci a eu avec le général

 14   Mladic était vers la fin décembre, autour du 26 décembre. Ensuite il n'a

 15   plus revu Mladic jusqu'à je crois la réunion à Belgrade qui a eu lieu vers

 16   la fin du mois de mars 1993.

 17   Donc entre-temps, il devait rencontrer Karadzic et le général Gvero, à

 18   l'époque il était colonel, je crois. Il y avait le colonel Zarkovic. Il a

 19   rencontré plusieurs fois le général Milovanovic, qui était le chef de

 20   l'état-major du général Mladic. Ensuite il a rencontré le général Galic

 21   plusieurs fois, il était le commandant des forces serbes qui encerclaient

 22   Sarajevo, et puis il l'a rencontré en janvier ou février un nombre de

 23   Serbes de Bosnie des hommes politiques, des membres de ce qu'on a appelé,

 24   je crois, l'Assemblée nationale de la Republika Srpska.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vais vous interrompre avant que la

 26   ligne ne disparaisse de l'écran.

 27   Monsieur Tucker, à la page 54, à commencer par la ligne 16, vous avez

 28   dit :

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  1   "Ensuite en février 1993, nous avons entendu des rapports selon lesquels

  2   les combats s'intensifiaient à commencer par les alentours des enclaves et

  3   les autorités bosniaques, les Musulmans de Bosnie ne demandaient plus

  4   seulement l'aide humanitaire mais ils demandaient aussi de l'aide pour les

  5   personnes blessées au combats."

  6   D'après le commandement des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine --

  7   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ne considérait-on pas que l'aide

  9   fournie aux personnes blessées c'était l'aide humanitaire aussi ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Si c'était le cas.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. C'est ce que je voulais savoir.

 12   Mme CARTER : [interprétation] Je vous remercie.

 13   Q.  Monsieur, dans ce que vous avez dit par rapport à Mladic. Vous avez dit

 14   que vous l'avez rencontré à un moment donné à Belgrade à la fin de l'année

 15   1993. S'agissait-il de votre dernière rencontre avec des personnes à

 16   l'intérieur de Belgrade ?

 17   R.  Non, comme je l'ai déjà mentionné ce matin, nous avions rencontré le

 18   commandement -- le haut commandement de l'armée serbe, des Serbes de

 19   Serbie, en janvier 1993, et ensuite fin mars 1993, nous avons rencontré

 20   Milosevic à Belgrade. Le lendemain ou le surlendemain, toujours à Belgrade,

 21   nous avons rencontré à Belgrade le général Mladic, Gvero et d'autres

 22   personnalités militaires et politiques du côté des Serbes de Bosnie.

 23   M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi. Je m'excuse, peut-être je suis

 24   perplexe par rapport à la question posée par Mme Carter. Elle a fait

 25   référence dans la question qu'il avait rencontré Mladic à la fin de l'année

 26   1993, alors que j'avais compris que le colonel Tucker n'était plus dans la

 27   région fin 1993.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Fin mars 1993.

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  1   M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci. Pour que ce soit clair, car dans la

  2   question, il y a été question de plusieurs réunions, et j'avais

  3   l'impression que -- vu la forme actuelle de la question, on aurait

  4   l'impression que le colonel Tucker avait rencontré le général Mladic à

  5   Belgrade fin 1993.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Guy-Smith.

  7   Mme CARTER : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur, pour que les choses soient tout à fait claires quand avez-

  9   vous eu votre première rencontre à Belgrade ?

 10   R.  En janvier 1993.

 11   Q.  Qui avez-vous rencontré ?

 12   R.  Le général Panic et plusieurs hauts officiers des Serbes de Serbie --

 13   de l'armée des Serbes de Serbie.

 14   Q.  Vous avez parlé de quoi ?

 15   R.  Le général Morillon avait demandé leur aide pour qu'ils exercent

 16   l'influence sur les Serbes de Bosnie afin que ceux-ci se contrôlent et afin

 17   qu'ils permettent l'acheminement de l'aide humanitaire et afin de mettre

 18   fin aux incidents excessifs.

 19   Q.  Quel a été la réponse ?

 20   R.  La réponse a été, bien sûr, qu'ils allaient faire de leur mieux mais

 21   que les Serbes de Bosnie constituaient un Etat indépendant et qu'ils

 22   pouvaient faire appel à eux mais qu'ils n'avaient aucune autorité ni aucun

 23   pouvoir leur permettant de les diriger d'une quelconque manière.

 24   Q.  Je vais maintenant traiter de la chronologie s'agissant de votre entrée

 25   à Srebrenica et nous parlerons plus tard des réunions qui ont eu lieu à

 26   Belgrade.

 27   Quelles étaient les circonstances exactes dans lesquelles vous êtes entré à

 28   Srebrenica ou lorsque vous êtes approché de Srebrenica pour la première

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  1   fois ?

  2   R.  Les circonstances étaient tel que le général Morillon avait reçu une

  3   demande encore plus urgente qu'auparavant de la part des autorités

  4   musulmanes à Sarajevo lui demandant d'aller à Srebrenica pour vérifier lui-

  5   même à quoi ressemblait la situation sur le terrain et afin de voir à quel

  6   point il était urgent d'agir et afin de s'assurer que l'aide humanitaire ne

  7   soit plus bloquée et retenue, et afin de faire passer l'aide humanitaire

  8   jusqu'aux personnes assiégées dans les enclaves.

  9   Q.  Est-ce que vous pouvez décrire votre première entrée ?

 10   R.  La première entrée dans la poche de Srebrenica a eu lieu le 5, le 6

 11   mars 1993. Après que nous avons fini par avoir la permission de la part des

 12   Serbes de Bosnie d'entrer dans l'enclave, nous avons trouvé à Konjevic

 13   Polje, nous avons constaté qu'il n'y avait pas autant de personnes blessées

 14   que ce que le général Morillon avait entendu dire de la part des autorités

 15   à Sarajevo; cependant, la plupart des blessés qui pouvaient se déplacer et

 16   des réfugiés avaient passé à Konjevic Polje et avancé vers Srebrenica.

 17   Le lendemain, le général Morillon est allé vers le village de Cerska. Pour

 18   ce faire, encore une fois il a dû traverser la ligne de front, car le

 19   village de Cerska avait été capturé par les forces des Serbes de Bosnie

 20   plusieurs jours auparavant. Et les réfugiés que j'ai mentionnés il y a

 21   quelques minutes, et les personnes blessées, étaient ceux qui étaient venus

 22   au cours des dernières journées de Cerska. Ils avaient fui Cerska avant que

 23   Cerska ne soit capturé par les Serbes de Bosnie.

 24   Q.  C'était votre première entrée dans la poche de Srebrenica. Est-ce que

 25   vous pouvez me dire à quel moment a eu lieu la deuxième entrée ?

 26   R.  Notre deuxième entrée dans la poche de Srebrenica a eu lieu au bout de

 27   cinq à six jours. Car le général Morillon, après être allé à Konjevic Polje

 28   et Cerska, est allé à Sarajevo pour rencontrer le président Alija

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  1   Izetbegovic et lui dire personnellement ce qu'il avait vu, et ensuite le

  2   général Izetbegovic lui a demandé, et d'ailleurs Morillon l'avait suggéré,

  3   il semblait que Srebrenica était l'endroit où la plus grande partie des

  4   réfugiés se trouvaient. Le général Morillon a dit qu'il allait retourner à

  5   Srebrenica. Il a fallu attendre encore deux ou trois jours avant que le

  6   général Morillon ne puisse entrer à Srebrenica.

  7   Q.  Pourquoi est-ce qu'il a fallu attendre encore deux ou trois jours ?

  8   R.  Car on arrêtait tous les cinq, dix kilomètres, aux points de contrôle,

  9   aux barrages routiers. A ces barrages routiers, on nous disait que, enfin

 10   ceux qui s'y trouvaient disaient qu'ils n'avaient pas l'autorité leur

 11   permettant de laisser passer le général Morillon, donc il fallait attendre

 12   deux, trois, cinq heures. Le général Morillon essayait de téléphoner à

 13   certaines personnes, et à la fin il pouvait passer mais il était arrêté au

 14   barrage routier suivant. Le général Morillon était encore en compagnie ou

 15   était escorté par dix véhicules, et une partie de la permission impliquait

 16   qu'il fallait qu'il laisse derrière lui deux véhicules, donc il restait

 17   avec huit véhicules, ensuite six véhicules.

 18   Puis finalement, nous sommes arrivés à Zvornik et c'est là que l'on

 19   nous a dit que le maire de Zvornik devait approuver le passage du général

 20   Morillon et donc il a fallu rencontrer le maire de Zvornik qui était

 21   introuvable. Donc, nous avons dû rester à l'hôtel Yougoslavia, qui était

 22   juste de l'autre côté en Serbie même. Ensuite, le matin, nous avons eu une

 23   rencontre avec le maire de Zvornik qui voulait que le général Morillon

 24   approuve un réacheminement [phon] des produits chimiques dans une usine, je

 25   crois d'aluminium, pour permettre à l'usine de fonctionner de nouveau, et

 26   si le général Morillon faisait cela, il pourrait passer. Le général a

 27   protesté face à cette corrélation.

 28   Ensuite, le commandant Pandurevic est arrivé. C'était un officier des

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  1   Serbes de Bosnie qui bénéficiait visiblement de beaucoup d'autorité dans

  2   cette partie de la Bosnie, et le commandant Pandurevic a dit qu'il allait

  3   venir en aide et qu'il allait fournir la permission. A la fin, nous sommes

  4   partis du bureau du maire de Zvornik, et nous avons pu traverser le pont de

  5   Zvornik en surplombant la rivière de la Drina, et ensuite un capitaine des

  6   Serbes de Bosnie qui commandait le pont a refusé le passage du général

  7   Morillon. Par conséquent, il y a eu encore plusieurs heures d'attente. A la

  8   fin, il a obtenu permission à traverser vers la Serbie, puis on lui a dit

  9   qu'il devait prendre la route de Zvornik à Bratunac, du côté serbe de la

 10   rivière, et non pas du côté bosniaque.

 11   De l'autre côté de la rivière se trouvaient deux ou trois convois du

 12   HCR qui essayaient d'aller dans l'autre direction. Autrement dit, ils

 13   essayaient de traverser le pont depuis la Serbie vers la Bosnie, et ils y

 14   avaient été retenus pendant quatre ou cinq jours ou plus. Il y avait aussi

 15   le 2e Bataillon canadien qui attendait depuis trois ou quatre semaines. Ils

 16   étaient simplement garés à côté de la route et ils attendaient

 17   l'autorisation de se déployer en Bosnie.

 18   Nous avons pris un véhicule blindé des transports de troupes de ce

 19   bataillon canadien. Nous l'avons pris avec nous, car nous n'avions que de 4

 20   X 4, et un camion rempli d'aide humanitaire, des sucres et médicaments, et

 21   ensuite nous avons fini par arriver à Bratunac où nous avons dû rencontrer

 22   le commandant local des Serbes de Bosnie à Bratunac.

 23   Q.  Monsieur, excusez-moi de vous interrompre. Vous avez donné une longue

 24   réponse, et apparemment le temps est arrivé pour faire une pause. Je ne

 25   sais pas si la Chambre souhaite attendre la fin de la réponse ou bien faire

 26   une pause.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il vous faut encore combien de temps

 28   pour finir la réponse, Monsieur Tucker ? Vous pensez que vous pouvez

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  1   terminer cela, ensuite nous allons prendre notre pause ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Deux minutes.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Deux minutes.

  4   Mme CARTER : [interprétation]

  5   Q.  Vous étiez à Bratunac, et que s'est-il passé lorsque vous êtes arrivés

  6   ?

  7   R.  Juste avant notre arrivée à Bratunac, on a été retenus encore une fois

  8   sur la route entre Zvornik et Bratunac pendant deux ou trois heures.

  9   Lorsque nous sommes arrivés à Bratunac, on nous a dit que le pont sur la

 10   route de Bratunac à Srebrenica avait sauté le lendemain et n'était plus

 11   praticable. C'était le pont jaune. Ensuite, j'ai regardé la carte et j'ai

 12   trouvé une petite route montagneuse qui traversait les collines et les

 13   montagnes pour aller à Srebrenica, et les Serbes ont dit : nous n'étions

 14   pas au courant. Bien, on peut essayer. Visiblement, ils n'avaient pas

 15   d'ordres de nous arrêter, de nous empêcher de ce faire. Donc, contre leur

 16   gré, ils nous ont dit de prendre cet itinéraire, et au bout de huit à dix

 17   heures, nous sommes arrivés à Srebrenica.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Nous allons prendre

 19   une pause jusqu'à midi et demi.

 20   --- L'audience est suspendue à 11 heures 59.

 21   --- L'audience est reprise à 12 heures 29.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.

 23   Mme CARTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   Q.  Monsieur le Témoin, lorsque nous avions quitté, nous avions eu la

 25   suspension de séance; est-ce que vous étiez en train d'entrer sur le point

 26   de nous parler de Srebrenica -- d'entrer dans Srebrenica, à proprement dit,

 27   pour la première fois ? Pourriez-vous nous décrire ce que vous avez vu le

 28   premier jour ?

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  1   R.  Lorsque nous sommes arrivés, il faisait noir, donc ce n'est que

  2   quelques heures plus tard que j'ai pu commencer à voir, et je me suis

  3   promené dans Srebrenica de façon à voir, de mes propres yeux, quelle était

  4   la situation. La température était nettement en dessous de zéro. Il y avait

  5   de la neige épaisse sur le sol. Il y avait des milliers de réfugiés dans

  6   les rues, qui se pressaient les uns contre les autres près des bâtiments.

  7   Il y avait un terrain vague près du bâtiment des PTT où se trouvait un

  8   cimetière de voitures. Ces voitures accidentées n'avaient pas de moteurs ni

  9   de roues, mais chaque voiture comptait environ huit personnes qui vivaient

 10   à l'intérieur. Il y avait un au compartiment moteur, il y en avait environ

 11   deux dans le coffre, et ensuite quatre ou cinq ou six dans l'habitacle pour

 12   les passagers.

 13   Nous avons été emmenés au bâtiment de l'école à Srebrenica qui était

 14   absolument comble, bourré de personnes. On pouvait à peine marcher sans

 15   marcher sur des gens. Ces gens avaient très faim et très froid. Les odeurs

 16   sur place, à tout endroit où les personnes se trouvaient les unes sur les

 17   autres dans le froid étaient indescriptibles. C'était une odeur de beurre

 18   rance, l'odeur de corps humains qui n'ont pas pu se laver depuis longtemps.

 19   On nous a emmenés à des appartements où 15 à 20 personnes étaient

 20   massées dans une pièce. Les cages d'escaliers de ces immeubles

 21   d'appartements, les couloirs, chaque espace libre contenait des personnes

 22   qui étaient accroupies désespérément avec des couvertures et des manteaux

 23   et tout ce qu'ils pouvaient trouver autour d'eux.

 24   Les gens nous ont montré ce qu'ils mangeaient. Ils mangeaient des

 25   petits gâteaux qui étaient faits avec de la farine jaune qu'on pouvait

 26   trouver dans les collines qui entouraient Sarajevo. Ces personnes, comme je

 27   l'ai dit, étaient très maigres et avaient évidemment très faim. Ils avaient

 28   les yeux éteints. Ces personnes étaient sans espoir. L'hygiène

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  1   fondamentale, l'hygiène de base n'était pas respectée. Les gens n'étaient

  2   pas en train de s'entraider. C'était extraordinairement déprimant comme

  3   tableau, et c'est probablement l'une des pires choses que j'ai vue de ma

  4   vie.

  5   Q.  Monsieur le Témoin, alors que vous passiez dans les rues de Srebrenica,

  6   est-ce que vous avez eu la possibilité de parler à quelqu'un ?

  7   R.  Je n'ai pas directement, personnellement parlé à différentes personnes

  8   si ce n'est un ou deux membres du comité de guerre de Srebrenica qui, se

  9   trouve-t-il, parlaient anglais. Nous avions le garde du corps du général

 10   Morillon, qui était un macédonien et qui parlait serbo-croate, et c'était

 11   un soldat de la légion étrangère, et lorsque nous voulions parler à des

 12   personnes, le général Morillon demandait par le truchement de son garde du

 13   corps, et c'est par ce garde du corps, dans la plupart des cas, que nous

 14   avons pu échanger des propos avec les gens du cru, que nous avons pu nous

 15   parler.

 16   Q.  Est-ce que vous avez pu parler aux gens qui se trouvaient là ce jour-là

 17   ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Qu'est-ce que vous avez appris ?

 20   R.  Ces gens nous ont dit qu'ils venaient de nombreuses régions

 21   différentes, mais la plupart étaient des gens qui se trouvaient ou bien à

 22   l'extérieur ou dans l'école ou dans ces immeubles d'appartements, qui

 23   avaient fui jusqu'à Srebrenica au cours des deux, ou trois ou quatre

 24   dernières semaines. Ils l'avaient fait, et la plupart d'entre eux venant de

 25   villages qui s'étaient trouvés dans l'enclave de Srebrenica, mais les

 26   Serbes de Bosnie avaient apparemment commencé à attaquer à nouveau au début

 27   de février et avaient commencé à pilonner les villages, donc ces personnes

 28   s'étaient enfuies de ces villages.

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  1   Q.  Lorsque ces villages ont essuyé des tirs d'artillerie, est-ce qu'il y a

  2   eu une sorte de schéma ou de plan correspondant à cela ?

  3   R.  Le schéma que nous avons observé, c'était que les Serbes de Bosnie

  4   commençaient à pilonner deux ou trois villages. Ce que je voulais dire par

  5   des tirs d'obus, c'est qu'il y avait, par exemple, un obus toutes les 20

  6   minutes, puis ensuite une pause pendant une heure, puis trois obus de plus.

  7   Ce n'était pas un bombardement militaire du style de la Deuxième Guerre

  8   mondiale, mais c'était simplement le fait de laisser tomber les obus sur un

  9   village.

 10   Lorsqu'ils ont commencé à quitter les villages, ils ne savaient pas

 11   vraiment ce qui se passait. Toutefois, au bout de deux ou trois jours, ils

 12   ont vu arriver brusquement une attaque d'une cinquantaine de soldats, ou 70

 13   soldats, des fantassins, un ou deux chars et quelques transports de troupes

 14   blindés qui commençaient, à ce moment-là, à prendre en tenailles le village

 15   qu'ils attaquaient, pour le prendre. Puis quelques jours plus tard, c'était

 16   le village suivant, puis le village suivant. Les réfugiés nous ont dit

 17   qu'ils avaient très rapidement compris quel était le schéma, que les tirs

 18   d'artillerie étaient là pour précéder une attaque au sol qui devait suivre

 19   au bout de deux ou trois jours.

 20   Donc, après les premiers jours, lorsque les combats se sont déchaînés

 21   autour de l'enclave de Srebrenica, tout ce qu'il a fallu des Serbes de

 22   Bosnie pour commencer à tirer quelques obus sur un village, pour que tous

 23   les villageois prennent leurs paquets et s'enfuient.

 24   L'une des tragédies, c'était que dans ces villages, dans les zones rurales

 25   montagneuses, ces villages avaient des entrepôts et --

 26   Q.  Je vous arrête là un instant. Vous avez indiqué que ces villages

 27   tombaient suivant un certain schéma, mais vous avez également dit que vous

 28   avez observé. Alors, est-ce que vous avez observé ce schéma ou est-ce que

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  1   c'est simplement que vous avez entendu parler de cela par les villageois

  2   eux-mêmes ?

  3   R.  Nous avons entendu parler de ce schéma. La première fois que nous avons

  4   eu connaissance de ça, c'est quand on a parlé aux villageois ce premier

  5   jour à Srebrenica, lorsque nous avions une réunion dans la ville.

  6   Deuxièmement, c'est quand nous sommes entrés dans Srebrenica, nous avions

  7   avec nous un certain nombre d'observateurs militaires de l'ONU qui

  8   n'étaient pas armés, les observateurs de l'ONU. Après que nous soyons

  9   arrivés à Srebrenica, ces observateurs militaires allaient tous les jours

 10   dans l'enclave avec des guides serbes de Bosnie. Ils allaient voir, de

 11   leurs propres yeux, ce qui se passait. C'était leur tâche. Ensuite, ils

 12   rendaient compte au général Morillon ainsi qu'à moi et confirmaient qu'ils

 13   voyaient, eux aussi, un tel schéma se développer.

 14   Q.  Qui participait à ces tirs d'artillerie ?

 15   R.  D'où venaient les obus, a l'évidence, nous ne savions pas, mais les

 16   soldats qui lançaient des attaques à terre, c'étaient des Serbes de Bosnie,

 17   ces soldats, donc l'hypothèse était que les obus étaient tirés par des

 18   forces serbes de Bosnie.

 19   Q.  Juste à titre d'éclaircissement, à la page 65, ligne 10, vous avez dit

 20   qu'il s'agissait de guides serbes de Bosnie qui nous escortaient dans les

 21   villages --

 22   R.  Excusez-moi, je voulais dire des guides musulmans de Bosnie à

 23   l'intérieur de l'enclave qui emmenaient les observateurs militaires de

 24   l'ONU jusqu'à la ligne de front de façon à pouvoir voir ce qui se passait.

 25   Q.  Maintenant, je vous ai arrêté un peu plus tôt lorsque vous avez

 26   commencé à décrire le sort désastreux de ceux qui étaient chassés de chez

 27   eux et dans des villages plus petits. Est-ce que vous pourriez nous dire,

 28   s'il vous plaît, ce qui faisait que leur situation était absolument unique

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  1   en son genre ?

  2   R.  Leur situation c'était que chez eux, dans leur maison, ils avaient des

  3   réserves d'aliment. Bien que ça n'en a pas été beaucoup, il y avait quelque

  4   chose. Quand ils se sont enfuis, ils n'ont pu fuir qu'en emportant ce

  5   qu'ils étaient capables de porter avec un mulet. En d'autres termes, ils

  6   avaient beaucoup moins de vivres avec eux. Donc, ces réfugiés déplacés

  7   étaient ceux qui souffraient le plus de la faim et du froid.

  8   Q.  Vous avez décrit un village extrêmement rempli à Srebrenica. Est-ce que

  9   vous avez un chiffre approximatif du nombre de personnes qui étaient

 10   présentes dans ce village ?

 11   R.  Il y avait différentes personnes qui ont fait différentes estimations.

 12   On parlait de personnes différentes. Je veux dire, nous avions, par

 13   exemple, un certain nombre de personnel du HCR de l'ONU, nous avions une ou

 14   deux personnes de l'OMS. Certaines personnes faisaient des estimations qui

 15   allaient de 20 000 à 40 000 dans Srebrenica et autour de Srebrenica.

 16   Q.  Combien de temps êtes-vous resté à Srebrenica ce premier jour ou au

 17   cours de cette première période ?

 18   R.  C'était environ du 11 mars 1993, et finalement quand j'ai quitté

 19   Srebrenica, c'était environ le 28 mars.

 20   Q.  Bien. Pendant le temps que vous avez passé à Srebrenica, est-ce que

 21   vous avez communiqué uniquement avec ceux qui se trouvaient à l'intérieur

 22   du village, ou est-ce que vous avez communiqué avec l'extérieur par rapport

 23   au village ?

 24  (expurgé)

 25   au quartier général du commandement de la BiH à Kiseljak. Nous avions

 26   également une équipe de l'armée des Etats-Unis qui était venue avec nous de

 27   façon à coordonner les parachutages d'aide humanitaire. Ils avaient une

 28   radio satellite qu'ils avaient emportée qui s'appelait TacSat dont ils se

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  1   servaient au sein du commandement européen des Etats-Unis à Francfort.

  2   C'était la même radio qui pouvait parler au porte-avion des Etats-Unis qui

  3   se trouvait dans l'Adriatique.

  4   Q.  En dehors des communications que vous aviez par téléphone, et ce type

  5   d'appareil de votre commandement, est-ce que vous avez eu des

  6   communications avec des Serbes ou des officiels serbes de Bosnie, par

  7   rapport à ce que vous voyiez ?

  8   R.  Oui. Nous avons rencontré -- enfin, le général Morillon a eu un certain

  9   nombre de réunions avec des Serbes de Bosnie. Initialement, plusieurs

 10   réunions avec le général Milovanovic qui ont eu lieu au pont jaune, c'est-

 11   à-dire ce pont qui se trouve entre Bratunac et Srebrenica, et qui passe la

 12   rivière. Cette rivière, à l'époque, constituait la ligne de front entre les

 13   Serbes de Bosnie et les forces musulmanes de Bosnie dans le secteur.

 14   Le général Morillon a également rencontré plus tard des personnes à

 15   Bratunac proprement dit, que le maire de Bratunac, le commandant serbe de

 16   Bosnie qui était à Bratunac. Il a eu des réunions avec le commandant

 17   Pandurevic, ceci juste à l'extérieur de Zvornik. Il a également rencontré

 18   Pandurevic et un autre colonel dont je ne peux pas me rappeler le nom, près

 19   du pont de Bratunac.

 20   Q.  Je vous arrête là. Lorsque vous avez rencontré Pandurevic, de

 21   quoi avez-vous parlé ?

 22   R.  La réunion avec Pandurevic concernait essentiellement le fait de

 23   laisser passer le général Morillon et de laisser entrer les convois d'aide

 24   humanitaire, parce qu'il semblait que Pandurevic exerçait un contrôle très

 25   sérieux sur ce qui se passait dans le secteur. Pandurevic -- le général

 26   Morillon avait également demandé à Pandurevic de faire tout ce qu'il

 27   pouvait pour arrêter les convois du HCR de l'ONU qui étaient bloqués à

 28   Zvornik, que pour faire en sorte qu'ils ne soient plus bloqués et leur

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  1   permettre de passer.

  2   Q.  Précisément où a eu lieu cette réunion avec Pandurevic ?

  3   R.  Nous avons rencontré Pandurevic plusieurs fois. Nous l'avons

  4   rencontré à l'extérieur, près du pont. La première fois que nous avons

  5   rencontré Pandurevic, c'était dans le bureau du maire de Zvornik, en route

  6   pour rentrer dans Srebrenica. Nous l'avons également rencontré près du pont

  7   à Bratunac. Nous l'avons rencontré dans ce qui semblait, peut-être, son

  8   quartier général juste à la périphérie de Zvornik. C'était une caserne

  9   militaire, et nous avions été bloqués, et Pandurevic nous a ramenés dans

 10   son bureau de façon à --

 11   Q.  Excusez-moi.

 12   R.  Pendant qu'il "demandait la permission pour que le général Morillon

 13   puisse passer."

 14   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, décrire ses bureaux ?

 15   R.  Son bureau était une installation militaire. C'était dans une caserne.

 16   A l'intérieur, il y avait son bureau, et sur le mur, à côté de son bureau,

 17   se trouvaient des cartes d'état-major au mur, et cette carte avait dessus

 18   figuré le secteur de l'enclave de Srebrenica, et cette carte portait une

 19   série de lignes, la ligne la plus grande étant autour de l'extérieur

 20   portant la date du 7 février. Ensuite, la ligne suivante, qui était plus

 21   petite, portait la date du 10 février, et il y avait encore environ six ou

 22   sept autres lignes, chaque ligne semblant plus récente que la précédente

 23   qui était datée de quelques jours plus tôt.

 24   Ces lignes ressemblaient à ce qui aurait été une description du

 25   périmètre de l'enclave de Srebrenica, et montraient qu'il y avait une

 26   progression régulière, dans le sens que l'enclave diminuait dans ses

 27   dimensions.

 28   Lorsque Pandurevic a emmené le général Morillon ainsi que moi- même

Page 9146

  1   dans son bureau, il nous a juste fait rentrer et il nous a dit de nous

  2   asseoir et qu'il allait nous faire avoir une tasse de café, puis il est

  3   sorti. Lorsqu'il est revenu, il s'est rendu compte que cette carte était au

  4   mur et qu'il y avait un rideau, et il a tiré le rideau sur la carte, donc

  5   on ne pourrait plus la voir.

  6   Mme CARTER : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, aller

  7   brièvement en audience à huis clos partiel.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Audience à huis clos partiel.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous y sommes, Monsieur le Président.

 10   [Audience à huis clos partiel]

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  5   [Audience publique]

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

  7   Madame Carter.

  8   Mme CARTER : [interprétation] Si je peux avoir un instant, s'il vous plaît,

  9   Monsieur le Président.

 10   Q.  Monsieur le Témoin, nous nous étions arrêtés à votre déposition au

 11   moment où vous décriviez la progression régulière d'une part et la taille

 12   qui diminuait de l'enclave de Srebrenica tel que figuré sur la carte qui se

 13   trouvait au mur du bureau de Pandurevic. Pourriez-vous, s'il vous plaît,

 14   dire aux membres de la Chambre si cette carte correspondait à ce que vous-

 15   même et d'autres unités sur le terrain avez vu dans Srebrenica et autour de

 16   Srebrenica ?

 17   R.  Oui, cette carte montre d'une façon plus détaillée que nous n'avions eu

 18   la possibilité de le faire en rendant compte d'un peu dans le désordre,

 19   mais nous avions des renseignements et cette carte elle correspondait bien.

 20   En tant qu'officier de l'armée, en tant que militaire dans une formation

 21   militaire, cette carte semblait indiquer la progression de l'assaut des

 22   Serbes de Bosnie sur l'enclave de Srebrenica.

 23   Q.  Bien. Indépendamment de vos réunions avec Pandurevic, vous avez dit que

 24   vous aviez également eu des rencontres avec d'autres personnes. Une fois

 25   que vous avez eu connaissance de ce plan, à qui avez-vous parlé ?

 26   R.  Le plan, en voyant cette carte, ne nous a rien appris que nous ayons

 27   déjà su. Nous savions que les combats avaient commencé autour de Srebrenica

 28   et dans l'enclave de Srebrenica et que de lourds combats avaient commencé

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  1   vers la fin de janvier, début février et que l'enclave de façon régulière

  2   était rétrécie de plus en plus. Et nous avons parlé, plus exactement le

  3   général Morillon a parlé aux dirigeants Serbes de Bosnie. J'ai déjà décrit

  4   des réunions avec le général Milovanovic et d'autres réunions au cours

  5   desquelles il leur a demandé d'arrêter les attaques contre l'enclave en

  6   faisant remarquer que tandis que les Musulmans de Bosnie étaient très en

  7   colère à cause des attaques que les Musulmans de Bosnie avaient commencé à

  8   effectuer depuis --

  9   Q.  Monsieur le Témoin, en fait, on vous a demandé à qui vous avez parlé.

 10   Est-ce que vous avez parlé à qui que ce soit de ce plan ? Est-ce que vous

 11   avez eu d'autres réunions soit avec des Serbes de Bosnie ou des officiels

 12   serbes en ce qui concerne cette opération dans Srebrenica et autour de

 13   Srebrenica ?

 14   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense, excusez-moi, qu'à ce stade nous

 15   sommes en train de nous écarter du sujet. La question initiale découlerait

 16   de ceci, je cite :

 17   "Monsieur le Témoin, lorsque les villages étaient pilonnés, y avait-

 18   il une sorte de schéma ou de plan à cela ?"

 19   La réponse du témoin avait été qu'en ce qui concernait un schéma, ce schéma

 20   maintenant a été comme promu, de par les questions posées, à un plan. Or,

 21   il n'y a aucune indication ici qu'il y ait eu un plan ou une sorte de plan

 22   qui aurait été créé. Alors, ce qui est là c'est une indication d'un schéma

 23   concernant une activité, et d'après ce que nous avons compris, la preuve

 24   qu'il y avait ce schéma. Mais quant à savoir si ce schéma est maintenant

 25   devenu un plan d'une forme particulière, ceci faisant partie des éléments

 26   de preuve et il est inapproprié d'appeler cela un plan; à moins, bien

 27   entendu, qu'il ait eu une conversation avec des officiels Serbes de Bosnie

 28   et qu'ils aient dit : "Oui, oui, nous avons un plan quelque qu'il puisse

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  1   être."

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.

  3   Mme CARTER : [interprétation] Monsieur le Président, cette série de

  4   questions, en fait, répond au fait que le colonel Pandurevic avait une

  5   carte sur son mur qui montrait une ligne de confrontation très nette et qui

  6   était décroissante par rapport aux villages ainsi que les renseignements

  7   que le colonel a fournis en ce qui concerne le pilonnage de ces secteurs.

  8   M. GUY-SMITH : [interprétation] La difficulté avec ce qui vient d'être dit,

  9   c'est l'interprétation. Il se peut qu'il y ait là quelque chose qu'il faut

 10   se rappeler.

 11   Mais il y a eu absence d'information pour prouver qu'il s'agit d'un

 12   plan. Il n'y a pas absence de renseignements sur ce qu'il a à dire dans sa

 13   déposition et que lui a perçu comme étant un schéma. Mais en ce qui

 14   concerne la question du schéma, objectivement parlant de ce qu'il a vu, il

 15   a vu un schéma. Ceci n'en fait pas pour autant un plan. C'est de cela que

 16   je veux dire parce que s'il y avait un plan, ça voudrait dire qu'il y a

 17   certaines personnes qui ont créé un plan et il n'y en a pas de preuves.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez bien posé une question à

 19   propos d'un plan et moi-même j'étais sur le point de vous demander de quel

 20   plan vous parliez. Jusqu'à présent, la discussion avait, me semble-t-il,

 21   porté sur une certaine systématicité. Essayez de vous en tenir à ce point-

 22   là parce que si c'était le témoin qui avait le premier prononcé le terme de

 23   plan, ce serait différent mais c'est plutôt que vous, il semblait, le lui

 24   aviez soufflé. L'objection est retenue. Page 72, lignes 14 et 16.

 25   Mme CARTER : [interprétation] Est-ce que vous m'accorder un instant pour

 26   discuter avec mon confrère ?

 27   [Le conseil de l'Accusation se concerte] 

 28   Mme CARTER : [interprétation]

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  1   Q.  Mon Colonel, est-ce que vous avez discuté, soit avec les Serbes de

  2   Bosnie soit avec les dirigeants serbes, de ce que vous voyez à Srebrenica

  3   et autour de Srebrenica ?

  4   R.  Oui, c'était le sujet principal de chacune des réunions que nous avons

  5   eue avec les autorités serbes ou Serbes de Bosnie qu'a rencontrés le

  6   général Morillon.

  7   Q.  Est-ce qu'à un moment donné, vous avez obtenu des éléments

  8   d'information concernant ces opérations ?

  9   R.  Les Serbes de Bosnie nous ont dit que, pendant le nouvel An orthodoxe,

 10   il y avait des Musulmans qui avaient lancé une attaque depuis l'enclave de

 11   Srebrenica sur des villages serbes de Bosnie se trouvant autour de

 12   l'enclave, et que ces attaques avaient tué beaucoup de villageois. Karadzic

 13   a même dit au général Morillon que 1 260 villageois avaient été tués.

 14   Au cours d'une réunion précédente qui s'était tenue en janvier Karadzic

 15   avait dit au général Morillon que les artères d'approvisionnement les

 16   routes de Zvornik à Pale, qui devaient franchir certaines zones assez

 17   étroites, faisaient l'objet d'attaques régulières de la part de commandos

 18   musulmans de Bosnie venant de l'enclave de Srebrenica.

 19   Q.  Je vous interromps. Je vous demandais si vous aviez obtenu des éléments

 20   d'information à propos des opérations des Serbes de Bosnie à Srebrenica et

 21   autour de la Srebrenica ?

 22   R.  Mais comme c'est vrai de tout ce qui se passait en Bosnie, non, parce

 23   qu'il faut faire le lien avec deux ou trois choses.

 24   Tout s'enchevêtre. Il faut expliquer tout. Les Serbes de Bosnie,

 25   Karadzic a demandé à Morillon de faire une enquête sur la disparition de

 26   son neveu qui avait disparu. Il était parti de Zvornik pour aller à Pale,

 27   il n'était jamais arrivé à Pale, c'était un exemple donné par les Serbes de

 28   Bosnie de ce qu'un activité militaire de ce qu'eux appelaient des crimes de

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  1   guerre et avaient été menés et commis par des Musulmans de Bosnie depuis

  2   l'enclave. Ils attaquaient l'enclave et c'était à dessein qu'ils le

  3   faisaient car ils voulaient mettre la main sur les criminels de guerre qui

  4   avaient commis des massacres dans des villages serbes de Bosnie. Ils

  5   voulaient trouver ces personnes pour les poursuivre en justice.

  6   Q.  Pendant votre service à Srebrenica, s'agissant des villageois qui

  7   venaient à Srebrenica, est-ce qu'ils ont fait l'objet de poursuite pénale ?

  8   Est-ce qu'ils ont été placés en détention ?

  9   R.  Je ne comprends pas bien votre question, parce que les villageois

 10   c'était simplement des réfugiés qui se réfugiaient à Srebrenica.

 11   Q.  S'agissant de cette conversation avec Karadzic qui disait que ces

 12   villages -- pourquoi c'était arrestation; est-ce que ça correspondait à ce

 13   que vous aviez vu en personne donc venant à Srebrenica ?

 14   R.  En partie. Nous avons vu venir à Srebrenica les réfugiés qui fuyaient

 15   les villages attaqués que je vous ai décrits. Dans toutes les conversations

 16   du général Morillon avec les autorités serbes de Bosnie, qui parlaient

 17   d'essayer de faire venir de l'aide humanitaire dans les enclaves, les

 18   autorités serbes de Bosnie disaient ceci :

 19   "Les femmes et les enfants, d'accord. Ainsi que les hommes âgés, eux

 20   pourraient sortir de l'enclave sans encombre quand ils le voulaient."

 21   Mais ces autorités demandaient d'avoir le droit d'interroger, de

 22   poser des questions à tous les hommes en âge de combattre pour qu'ils

 23   vérifient eux-mêmes si ces hommes étaient des criminels de guerre ou pas,

 24   étaient ou non coupables de ces responsables de ces attaques menées sur les

 25   villages serbes.

 26   Q.  Auparavant dans la déclaration vous avez dit que vous avez rencontré

 27   deux personnes de plus à Belgrade. Pourriez-vous nous décrire ces réunions

 28   ?

Page 9155

  1   R.  La première réunion se fut avec Milosevic, la deuxième avec le général

  2   Mladic.

  3   Q.  Pourriez-vous nous dresser le décor de ces réunions ? D'abord, la date

  4   de la première réunion, pourriez-vous nous la donner ?

  5   R.  J'ai rencontré Milosevic vers le 25 mars 1993.

  6   Q.  Lorsque vous avez rencontré Milosevic, était-il la seule personne que

  7   vous avez rencontrée ce jour-là ?

  8   R.  Lorsque nous sommes arrivés au palais de Milosevic à Belgrade, il y

  9   avait une vingtaine de militaires ou d'officiels importants. La moitié

 10   était en uniforme, l'autre pas. Mais lorsque nous avons pénétré de plus en

 11   plus dans le palais de Milosevic, il y a des gardes qui ont écarté la

 12   plupart de ces autres personnes ce qui fait que quand on s'est assis dans

 13   une grande salle à manger, il n'y avait que le général Milosevic, le

 14   général Morillon et son garde du corps, je pense que Thornberry était

 15   présent aussi.

 16   Q.  Pendant que vous traversiez ces différents couloirs, est-ce que vous

 17   avez eu une conversation ?

 18   R.  Le général Morillon parlait avec Milosevic en passant par Mihailov, son

 19   garde du corps; moi, je n'ai pas entendu ce que ces deux hommes se disaient

 20   parce que j'étais derrière eux.

 21   Q.  Quels étaient les sujets de conversation à cette réunion ?

 22   R.  Le sujet principal c'était demandé à Milosevic de faire preuve

 23   d'obtenir que les Serbes de Bosnie fassent preuve de retenue et arrêtent

 24   d'attaquer l'enclave de Srebrenica, qu'il leur demande de ne plus chercher

 25   à se venger des massacres qui se seraient produits au mois de janvier.

 26   C'était de permettre l'acheminement de l'aide humanitaire jusqu'aux

 27   réfugiés blessés, affamés se trouvant dans l'enclave.

 28   Q.  Pendant le temps que vous avez passé à Srebrenica, qu'est-ce qui vous a

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  1   emmené à croire que Milosevic pouvait vous aider à ce sujet ?

  2   M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais ça semble indiquer ou supposer un fait

  3   qui n'est pas versé au dossier parce que ça concerne une période de temps

  4   pendant laquelle il pouvait avoir ce genre de conviction, que ce soit

  5   avant, après ou même pendant Srebrenica.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.

  7   Mme CARTER : [interprétation]

  8   Q.  Pourquoi est-ce que le général Morillon avait fait ces demandes à

  9   Milosevic ?

 10   R.  Le général Morillon pensait que, comme Milosevic était aussi un Serbe,

 11   il avait une certaine influence sur les Serbes de Bosnie. Au cours de cette

 12   dite réunion, il a dit clairement qu'il allait faire tout ce qu'il pouvait,

 13   mais il a dit qu'il n'avait aucun pouvoir -- aucun contrôle sur les Serbes

 14   de Bosnie.

 15   Q.  Auparavant, vous avez dit que plus tard après cette réunion, vous aviez

 16   une réunion avec Mladic à Belgrade; pourriez-vous dire aux Juges dans

 17   quelles circonstances cette réunion a eu lieu ? Pourquoi elle a eu lieu ?

 18   R.  Elle a eu lieu parce que le général Morillon a demandé également à

 19   Milosevic de voir s'il pouvait organiser une réunion avec Mladic. En effet,

 20   le général Morillon a dit à Milosevic qu'à son avis, Mladic c'était le

 21   Serbe de Bosnie qui avait le plus d'influence sur les événements qui se

 22   produisaient autour de Srebrenica. Le général Morillon a cherché à obtenir

 23   l'assistance de Milosevic pour avoir la possibilité de rencontrer Mladic.

 24   C'est dans ce contexte que j'ai évoqué au début de l'audience. Mladic avait

 25   commencé à refuser toute réunion avec Morillon en janvier, ce qui veut dire

 26   que Morillon n'avait plus rencontré Mladic depuis plusieurs mois.

 27   Q.  Est-ce que Milosevic a réussi rapidement à accéder à votre demande ?

 28   R.  L'assistant de Milosevic a dit au général Morillon, ce même soir en fin

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  1   de soirée, qu'une réunion avait été organisée pendant le lendemain, à

  2   Belgrade. Elle se tiendrait dans une villa appartenant au gouvernement de

  3   Belgrade. Il y avait une délégation de la Republika Srpska qui assisterait

  4   et que le général Mladic serait présent aussi.

  5   Q.  Est-ce que ceci vous dit quelque chose des rapports existants ?

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Guy-Smith.

  7   M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection car ici on demande des

  8   conjectures, et beaucoup d'entre elles d'ailleurs quand on parle de la

  9   façon dont une réunion est organisée.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.

 11   Mme CARTER : [interprétation] Le témoin a eu plusieurs réunions avec ces

 12   personnalités, il est sans doute capable de dire ce qu'il a observé, et de

 13   vous livrer son avis sur l'évolution des événements, ce n'est pas de la

 14   conjecture, il ne vous donne les faits tels qu'il les connaissait au moment

 15   des réunions.

 16   M. GUY-SMITH : [interprétation] Le fait qu'une réunion est organisée

 17   rapidement entre deux personnes, ça montre qu'il y a peut-être une crise,

 18   mais ça ne nous dit rien des rapports existants entre les personnes

 19   concernées. Je pense qu'il n'y a aucune logique dans ce qui est proposé ici

 20   comme élément de preuve.

 21   Mme CARTER : [interprétation] Je peux vous répondre ceci, je pense que ceci

 22   -- si j'ai donné mon avis, ce serait diriger le témoin dans ses réponses,

 23   je ne veux pas aller dans ce sens, donc je préfère rester dans le général.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'objection est retenue.

 25   Mme CARTER : [interprétation] Est-ce qu'on peut demander au témoin de

 26   sortir ?

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je viens de retenir l'objection. C'est

 28   tout.

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  1   Mme CARTER : [interprétation]

  2   Q.  Dites-moi : avec quelle rapidité Milosevic a pu organiser cette réunion

  3   avec Mladic ?

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Question posée qui a déjà reçu

  5   réponse, Madame Carter.

  6   Mme CARTER : [interprétation] Je pense que le témoin a une réponse plus

  7   précise.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Un instant, un instant. Est-ce que je

  9   peux intervenir en premier lieu, Maître Guy-Smith.

 10   M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ligne 24, page 78, vous avez demandé à

 12   quelle vitesse Milosevic avait demande. Il n'a pas répondu à votre

 13   question, il a donné une idée de la rapidité avec laquelle la réunion s'est

 14   tenue [imperceptible] du fait d'intervention éventuelle de Milosevic. Il a

 15   dit que ça s'était fait le lendemain. Voilà la rapidité avec laquelle la

 16   réunion a pu être organisée.

 17   Mme CARTER : [interprétation] Je vais passer à un autre sujet.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 19   Mme CARTER : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur, savez-vous -- êtes-vous au courant du quartier général de

 21   Mladic à Bosnie ?

 22   M. GUY-SMITH : [interprétation] Il est supposé que c'est un fait alors que

 23   ceci n'a pas été versé au dossier, notamment que Mladic disposait d'un

 24   quartier général. C'est une question directrice, et il faudrait qu'elle

 25   pose une question appropriée à ce sujet.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pensais que vous alliez changer de

 27   sujet. Vous voulez parler du quartier général ?

 28   Mme CARTER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est le sujet qu'elle souhaite

  2   aborder, et le témoin peut nous le dire.

  3   M. GUY-SMITH : [interprétation] Elle a demandé le quartier général qui lui

  4   était disponible.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La question était de savoir s'il était

  6   au courant du quartier général dont disposait Mladic.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.

  8   M. GUY-SMITH : [interprétation] Donc on assume qu'il a disposé d'un

  9   quartier général, et c'est une question directrice.

 10   M. GUY-SMITH : [interprétation] Elle peut dire quel était l'emplacement

 11   physique dont il disposait.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Physique ? Ça peut vouloir dire sa

 13   maison ?

 14   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je ne sais pas, mais c'est un Serbe de

 15   Bosnie qui opérait en Republika Srpska. Maintenant nous sommes à Belgrade.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il existe plusieurs emplacements

 17   physiques dont il peut disposer à Belgrade. Elle souhaite parler du

 18   quartier général. Donc elle peut demander s'il disposait d'un quartier

 19   général, directeur, mais la question est de savoir s'il avait un quartier

 20   général en Serbie.

 21   M. GUY-SMITH : [interprétation] J'ai mal parlé moi-même. J'ai dit --

 22   j'aurais dû dire Bosnie. S'il le sait, elle peut lui demander s'il le sait

 23   plutôt que de poser des questions directrices. Mais afin de rendre les

 24   choses efficaces, je retire mon objection.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci car j'allais de toute façon la

 26   rejeter.

 27   Mme CARTER : [interprétation]

 28   Q.  Monsieur, est-ce que vous savez si Ratko Mladic disposait d'un quartier

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  1   général ?

  2   R.  Je ne sais pas si c'était un quartier général, mais je sais qu'il

  3   disposait des locaux à Belgrade.

  4   Q.  Où se trouvaient ces locaux à Belgrade ?

  5   R.  Je ne sais pas où c'était à Belgrade. Mladic faisait référence à cela à

  6   Mihailov lorsqu'il parlait avec les autres en serbo-croate. Mihailov me le

  7   disait, c'est ce qu'il disait. Mais je ne sais pas exactement où se

  8   trouvait ce bâtiment et à quoi il ressemblait.

  9   Q.  Donc ce que vous savez c'est qu'il existait des locaux à Belgrade

 10   quelque part; vous n'avez pas d'autres informations à ce sujet ?

 11   R.  C'est exact.

 12   Q.  A l'extérieur de ces locaux qui étaient à la disposition de Mladic --

 13   ou plutôt, mis à part ces locaux, est-ce que vous êtes au courant d'autres

 14   liens entre la Serbie et Srebrenica ?

 15   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense que cette question n'est pas

 16   appropriée non plus car elle lui pose une question au sujet de ce qu'elle

 17   essaie de prouver au sujet de la base théorique qui est dans son esprit,

 18   mais il n'y a pas eu d'éléments de preuve indiquant qu'il y a eu un lien

 19   entre Srebrenica et la Serbie.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 21   Mme CARTER : [interprétation] Monsieur le Président, je ne suis pas sûre --

 22   M. GUY-SMITH : [interprétation] En réalité, au contraire, le Témoin a dit

 23   précisément que, lors des conversations qu'il avait avec Milosevic,

 24   Milosevic avait dit qu'il allait faire ce qu'il pouvait faire afin d'aider

 25   -- là, maintenant ça dépend du langage que l'on va utiliser. Je crois que

 26   le témoin a dit qu'il allait voir si Milosevic pouvait avoir des individus

 27   au sein des Serbes de Bosnie sur lesquels pourrait exercer son influence

 28   pour les contenir. Je pense que la question est de savoir s'il pouvait les

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  1   influencer d'une certaine manière. En ce qui concerne le lieu, il a indiqué

  2   qu'il n'avait pas de contrôle direct ou pas du tout de contrôle sur eux.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-être vous pouvez donner une

  4   réponse exhaustive maintenant que vous avez entendu le reste.

  5   Mme CARTER : [interprétation] Je ne sais pas si nous avons une objection

  6   pertinente ou pas. Une objection directrice, je ne sais comment répondre.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'objection était que la question

  8   n'était pas appropriée non plus. Je ne sais pas quel peut être le type de

  9   cette objection, à moins que vous nous disiez pourquoi cette question n'est

 10   pas appropriée ou sans pertinence.

 11   M. GUY-SMITH : [interprétation] La question telle qu'elle a été posée

 12   suppose des faits qui n'ont pas été versés au dossier, et elle se lance

 13   dans des conjectures, en plus la question n'est pas pertinente.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.

 15   Mme CARTER : [interprétation] La réponse ne peut pas être des conjectures

 16   car le Témoin va simplement décrire ce qu'il sait, et certainement, il

 17   était en mesure de commettre certaines circonstances et, quant à la

 18   pertinence, le procès aujourd'hui concerne Belgrade et notamment la

 19   participation militaire à Republika Srpska. Donc certainement c'est

 20   pertinent, donc je demande la permission de poser la question.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le seul problème, Madame, c'est qu'il

 22   y a été question de lien entre la Serbie et la Bosnie, que le lien, ça

 23   pourrait être le pont de la Drina.

 24   Mme CARTER : [interprétation] D'accord, je vais choisir un autre mot que le

 25   lien.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si vous parlez des êtres humains de la

 27   Bosnie et des êtres humains de la Serbie, je pense que vous pouvez trouver

 28   un meilleur mot.

Page 9162

  1   Mme CARTER : [interprétation] Monsieur, mis à part cette réunion

  2   organisée avec Mladic, est-ce que vous êtes au courant d'autres

  3   participations serbes dans les opérations de Srebrenica ?

  4   R.  Oui.

  5   Vers le 13 ou le 14 mars, les observateurs militaires de l'ONU, qui

  6   étaient à l'intérieur de l'enclave de Srebrenica et que j'avais déjà

  7   décrits, nous avaient informés du fait qu'ils avaient remarqué des avions

  8   militaires qui survolaient la Serbie, et ensuite la rivière de la Drina,

  9   ensuite la Bosnie, larguaient des bombes sur deux villages, et ensuite ils

 10   sont rentrés à Serbie et ont disparu en Servie. Des observateurs militaires

 11   de l'ONU m'ont informé de cet événement. Ensuite, j'ai informé mon quartier

 12   général de Kiseljak au sujet de cet événement, et je crois que ceci a été

 13   relaté à ceux qui étaient placés supérieurement dans la chaîne de

 14   commandement de l'ONU.

 15   Si vous souhaitez des détails précis, je les ai dans mon journal. Le

 16   premier avion était une biplane, et les deux ou trois autres étaient des

 17   monoplanes. Si vous voulez, je peux vous donner les cotes des villages sur

 18   lesquels les bombes ont été larguées.

 19   Q.  Monsieur, nous n'aurons pas besoin de tous ces détails. Est-ce

 20   que ces bombes ont été larguées au cours de la période pendant laquelle

 21   d'autres villages ont été autour de Srebrenica.

 22   R.  Ces deux villages en particulier qui ont été bombardés étaient

 23   des villages qui se trouvaient dans l'enceinte de l'enclave de Srebrenica,

 24   et par la suite ont été capturés.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La question est de savoir si ces

 26   villages ont été bombardés pendant que d'autres villages étaient attaqués

 27   aussi.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

  2   Mme CARTER : [interprétation]

  3   Q.  Donc, s'agissait-il là de la seule forme de participation dont

  4   vous êtes au courant du côté serbe ?

  5   R.  C'est la seule forme de participation factuelle. Il y a d'autres

  6   participations potentielles dont j'ai été informé.

  7   Q.  De quoi vous a-t-on informé ?

  8   M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection. Ouie dire. Il faudrait indiquer

  9   les sources.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Poursuivez, Madame.

 11   Mme CARTER : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur, qui vous a informé et qu'est-ce qu'on vous a dit ?

 13   R.  C'était les réfugiés musulmans qui nous disaient que l'on posait les

 14   ponts sur la rivière Drina pendant la nuit et ensuite, les camions

 15   traversaient ces ponts et allaient plus loin, en Bosnie-Herzégovine.

 16   Q.  Monsieur, s'agissant d'inspections visuelles, personnelles, pouvez-vous

 17   nous dire si vous avez vu quoi que ce soit de conforme à ce récent.

 18   M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, avant la réponse, je pense que

 19   le mot "conforme" est dangereux en traitant d'observations. Ça a peu de

 20   pertinence et en réalité tout peut être conforme s'agissant de ce genre de

 21   notion. Donc, je fais objection par rapport à la terminologie. S'il faut

 22   établir un fait, contrairement aux conjectures pour ce qui est d'une

 23   situation objective, il est très connu qu'il vaut mieux éviter le mot

 24   "conforme".

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.

 26   Mme CARTER : [interprétation]

 27   Q.  Le témoin est simplement censé décrire ce qu'il a vu personnellement.

 28   Il ne s'agit pas de conjectures mais de ses observations personnelles.

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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-être vous pourriez reformuler un

  2   peu la question afin d'élucider ce que le témoin savait.

  3   Mme CARTER : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur, avez-vous vu quoi que ce soit qui corroborait ces

  5   affirmations ?

  6   R.  Personnellement, j'ai vu, pendant un voyage de Zvornik à Bratunac,

  7   alors qu'on allait vers Srebrenica, du côté gauche de la route; autrement

  8   dite, le côté qui était le plus loin de la rivière de Drina, dans une

  9   vallée entre les collines. C'était un terrain vague, et j'ai vu des marques

 10   et des signes tactiques utilisés typiquement par les militaires afin

 11   d'aligner les véhicules en préparation de quelque chose.

 12   Devant ces marques de caractère tactique, elles étaient assez semblables à

 13   ce je connais dans ma propre armée, l'armée britannique. On aurait en fait

 14   réuni et rassemblé un grand nombre de véhicules avant de les mettre

 15   ailleurs quelque part.

 16   Q.  Est-ce cette zone plane semblait avoir été utilisée il y avait pas mal

 17   de temps, ou qu'on continuait à l'utiliser ?

 18   R.  Il y avait des traces de pneus qui montraient qu'il y avait eu des

 19   véhicules assez récemment, donc ça avait été utilisé assez récemment.

 20   Combien de temps avant et dans quel but, à l'évidence, je ne peux pas vous

 21   le dire.

 22   Q.  Etant donné que vous décrivez les ponts qui passaient sur la Drina à

 23   l'audience d'aujourd'hui --

 24   M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, mais je dois objecter à la

 25   question, à ce stade. Ceci n'est pas la déposition ou le témoignage qui a

 26   été demandé décrire des ponts sur la Drina. Ce que vous avez, c'est des

 27   rapports dépourvus de sources et qui sont constitués de la façon dont ces

 28   questions sont posées. Ça suppose qu'il ne s'agirait pas de faits prouvés,

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  1   et ce n'est pas le cas.

  2   Si Mme Carter souhaite le faire, elle peut poser exactement les mêmes

  3   questions et discuter du même point de vue ou de ces rapports tels qu'elle

  4   les a reçus, à ce moment-là, je n'ai pas d'objection, mais le compte rendu

  5   commence à ressembler à des questions posées du point de vue de celui qui

  6   les pose comme s'il s'agissait de faits prouvés, et ils ne le sont pas, et

  7   il est donc inapproprié de poser de poser les questions de cette manière.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter, à la page 85, ligne 24,

  9   vous avez une réponse qui vous dit : "On nous demandait…" - le compte rendu

 10   dit. Je suppose que c'est la réponse :

 11   "On nous demandait -- les réfugiés musulmans nous parlaient des ponts qui

 12   étaient lancés pendant la nuit sur la Drina et des camions qui, à ce

 13   moment-là, traversaient sur ces ponts, et qui poursuivaient leur route

 14   jusqu'en Bosnie-Herzégovine."

 15   Maintenant, je suppose que l'essentiel de votre objection, c'est ce qui

 16   vous a été dit ? Vous continuez de dire que d'après ce que l'on vous a dit

 17   -- ce n'est donc pas un fait; c'est ce qui a été dit.

 18   Mme CARTER : [interprétation] Certainement.

 19   Q.  Lorsque les réfugiés musulmans vous ont parlé des ponts en disant

 20   qu'ils étaient lancés au cours de la nuit sur la Drina et que des camions

 21   traversaient sur ces ponts et ensuite poursuivaient en Bosnie-Herzégovine,

 22   est-ce que vous avez trouvé que ces réfugiés musulmans rendaient compte de

 23   façon fiable ?

 24   M. GUY-SMITH : [interprétation] La question telle qu'elle est posée est

 25   sans base, sans fondement. Ceci veut dire simplement, d'après les termes

 26   employés à la ligne 4, excusez-moi, ça commence à la ligne 3 :

 27   "Est-ce que vous avez trouvé que ces réfugiés musulmans rendaient compte de

 28   façon fiable ?"

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  1   Il n'y a aucune base pour cette question précise et pour y répondre par ce

  2   témoin, à ce moment, il y a là des comptes rendus qui sont fiables.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.

  4   Mme CARTER : [interprétation] Le témoin a dit ceci; il a dit qu'on lui

  5   avait rendu compte de cela, et j'essaie simplement de savoir si ces

  6   rapports et ceux qui les faisaient pouvaient être crus. Le témoin est une

  7   personne qui a parlé et, certainement, peut dire, d'après son expérience,

  8   ce qui semblait ou ne semblait pas être des renseignements fiables en ce

  9   qui le concerne.

 10   M. GUY-SMITH : [interprétation] Bien. La question de la fiabilité des

 11   renseignements est une question distincte de la fiabilité de l'auteur des

 12   renseignements, et je suis sûr que Mme Carter s'en rend compte. Il s'agit

 13   du fait qu'il n'a pas parlé à l'une quelconque de ces personnes, mais

 14   plutôt, qu'il y a eu une conversation avec des récits faits à des tiers,

 15   tout au mieux, et peut-être davantage, puisqu'il n'a pas parlé à l'une

 16   quelconque de ces personnes de façon directe, comme il l'a dit dans ses

 17   dépositions.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais de quelles personnes directement

 19   ?

 20   M. GUY-SMITH : [interprétation] Les réfugiés musulmans, qui qu'ils puissent

 21   être.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous ne savons pas s'il leur a parlé

 23   ou pas parlé; ce n'est pas ça qu'il a dit.

 24   M. GUY-SMITH : [interprétation] En fait, nous le savons, Monsieur le

 25   Président. Il a dit qu'il n'avait pas eu de conversation directe.

 26   Mme CARTER : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin a dit que

 27   parce qu'il ne parle pas serbo-croate, il a toujours eu recours à un

 28   interprète et que c'est comme ça qu'il parlait aux réfugiés, et plus

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  1   particulièrement, il y avait le garde du corps du général Morillon. Bon, il

  2   fallait donc quelqu'un qui -- c'est très différent de quelqu'un qui serait

  3   assis maintenant dans ce prétoire à écouter une traduction. On ne sait pas

  4   si on pouvait se fier à cette traduction.

  5   M. GUY-SMITH : [interprétation] Nous avons connu cette situation en ce qui

  6   concerne ce qui se présent maintenant, et nous n'avons pas de base ou de

  7   fondation en ce qui concerne la question telle qu'elle est posée.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il y a une différence, Madame Carter,

  9   entre la déclaration qui est faite, où une personne est fiable, et la

 10   question de savoir si celui qu'entend cette personne le juge comme fiable.

 11   Ce sont des notions distinctes.

 12   Mme CARTER : [interprétation] Je vais essayer de préciser les choses.

 13   Q.  Monsieur le Témoin, comment avez-vous appris que des ponts étaient

 14   lancés et que les camions traversaient la Drina ?

 15   R.  J'en ai entendu parler de deux sources. La première, c'était certains

 16   de nos observateurs militaires de l'ONU qui ont rendu compte du fait que

 17   les gens du cru le leur avaient dit. Deuxièmement, c'était lors de

 18   conversations par Mihailov avec certains réfugiés alors que nous, nous nous

 19   promenions dans Srebrenica, et Mihailov leur demandait ce qu'ils avaient

 20   vu, et cetera. Donc, ceci a eu lieu lorsqu'un réfugié en particulier a dit

 21   cela à Mihailov et qui, à ce moment-là, m'en a rendu compte. Donc, je l'ai

 22   entendu de deux sources.

 23   Q.  Est-ce que vous avez cru ce compte rendu ?

 24   M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection. La pertinence sur la question de

 25   savoir si c'est cru ou non, ce n'est pas pertinent de savoir s'il le

 26   croyait ou non. Il a obtenu ces renseignements.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Objection rejetée.

 28   Mme CARTER : [interprétation]

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  1   Q.  Est-ce que vous croyiez les informations qui vous ont été données,

  2   Monsieur le Témoin ?

  3   R.  J'ai cru que c'était plausible.

  4   Q.  Pourquoi ?

  5   R.  Parce que le commandement des Nations Unies pensait que l'armée serbe

  6   de Bosnie était incapable de poursuivre des opérations sans se fournir à

  7   nouveau -- sans avoir de nouvelles fournitures, particulièrement du

  8   carburant et des pièces détachées de quelque part. Nous avions, à ce

  9   moment-là, des comptes rendus et des renseignements, qui montraient que les

 10   Serbes de Bosnie disposaient de quantités énormes de munitions, n'étaient

 11   pas à court de munitions, mais qu'ils étaient tout à fait à court de

 12   carburant et de pièces détachées.

 13   Fréquemment, nous rencontrions des véhicules militaires serbes de Bosnie

 14   sur le bord de la route qui n'avaient tout simplement plus de carburant.

 15   Donc savoir si nous croyions qu'ils obtenaient du carburant et des pièces

 16   détachées de quelque part, le seul endroit logique pour ce carburant et ces

 17   pièces détachées, c'était qu'il fallait que ça vienne de Serbie. Par

 18   conséquent, nous pensions que d'une manière ou d'une autre, ils

 19   réussissaient à traverser la Drina en Bosnie.

 20   Q.  Vous indiquez que le seul endroit logique où le carburant et les pièces

 21   détachées pouvaient venir était de Serbie. Pourquoi était-ce le seul

 22   endroit plausible ?

 23   R.  Parce que --

 24   M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, il n'a pas dit plausible, il a

 25   dit logique. Il y a une différence, à la ligne 25.

 26   Mme CARTER : [interprétation] Je vous présente sincèrement mes excuses. Le

 27   compte rendu était en cours de correction au moment où j'étais en train

 28   d'essayer de le lire.

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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien.

  2   Mme CARTER : [interprétation]

  3   Q.  Vous avez indiqué que le seul endroit logique pour le carburant et les

  4   pièces détachées, où on pouvait se les procurer, c'était de Serbie. Qu'est-

  5   ce qui vous faisait croire cela ?

  6   R.  La logique. Il y avait une zone interdite de vol imposée à la Serbie,

  7   et donc nous savions qu'aucun appareil ne volait pour porter quelque chose

  8   en Serbie. Donc, au nord, à l'ouest et au sud, les Serbes de Bosnie se

  9   trouvaient face à une ligne de front ennemie et, à l'évidence, il n'y avait

 10   rien pour se fournir en quoi que ce soit en passant ces lignes de

 11   confrontation. La seule zone en quelque sorte amicale pour eux, c'était à

 12   l'est, la Serbie, en passant de l'autre côté de la rivière Drina.

 13   Le général Mladic et tous ses collègues de l'armée serbe de Bosnie avaient

 14   précédemment été des membres de l'armée yougoslave et, par conséquent, ils

 15   avaient été littéralement, pendant un certain nombre de mois avant cela,

 16   ils avaient fait partie de l'organisation militaire de la Serbie et, par

 17   conséquent, il nous semblait hautement probable que puisqu'ils obtenaient

 18   un réapprovisionnement, en particulier, de carburant, ainsi que des pièces

 19   détachées, c'était de Serbie.

 20   R.  Est-ce que vous avez connaissance d'autres moyens d'appui de la Serbie

 21   ?

 22   R.  Oui, nous avons entendu des conversations, des racontars en fait de

 23   Serbes de Bosnie, des officiers, selon lesquels des officiers supérieurs de

 24   l'armée serbe de Bosnie continuaient d'être payés, d'avoir un solde de payé

 25   par Belgrade, tout au long du conflit.

 26   Q.  Vous nous dites que ça, c'était des racontars ou des conversations

 27   entre officiers à bâton rompu ? Est-ce que vous avez conservé cette

 28   opinion, à savoir que c'était simplement des racontars ou ?

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  1   R.  Nous avons, à l'origine, entendu ceci en fait, dans les coulisses lors

  2   des différentes réunions. Ça, c'était quand Mihailov parlait avec des

  3   officiers serbes de Bosnie et Mihailov m'a dit, après cela, qu'ils

  4   attendaient d'avoir leur solde de Belgrade.

  5   Donc par la suite, en 1996, je me suis trouvé au quartier général

  6   dans la gestion de crise britannique au nord, j'étais responsable des

  7   fournitures aux forces militaires au Royaume-Uni et à la force

  8   internationale et à la SFOR. J'ai eu des renseignements mis à ma

  9   disposition qui montraient que tel était en fait le cas, et que les

 10   officiers supérieurs serbes de Bosnie, je ne me rappelle pas si c'était à

 11   partir du rang de chef de bataillon ou d'escadron et plus haut, ou si

 12   c'était à partir du rang de colonel, les soldes étaient payés par Belgrade,

 13   et depuis Belgrade.

 14   Q.  Je voudrais revenir au moment où vous avez retrouvé à Srebrenica. Vous

 15   avez dit qu'il y avait des personnes qui mourraient de faim, qui étaient

 16   sans énergie. Est-ce qu'on a pu apporter de l'aide à ces personnes ? Est-ce

 17   que vous vous rappelez on a apporté davantage ?

 18   R.  Les premières aides que nous avons réussies à faire entrer à

 19   Srebrenica, c'était début décembre. Comme je l'ai dit il y a un certain

 20   nombre d'heures, la deuxième aide arrivée dans les enclaves venait des

 21   parachutages qui avaient commencé en février. Toutefois, c'était

 22   extrêmement dangereux et tout à fait au hasard. La troisième fois, les

 23   parachutages c'était de temps en temps par un certain nombre de mois.

 24   La troisième fois, précisément, où l'aide est arrivée à Srebrenica, c'était

 25   par un convoi que le général Morillon a réussi à convaincre les Serbes de

 26   Bosnie de laisser passer et qui est arrivée à Srebrenica, du côté de 17 ou

 27   18 mars 1993. Puis il y a un nouveau convoi, un autre convoi est arrivé du

 28   côté du 27 au 28, je crois que ensuite il y a un certain nombre, un nouveau

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  1   convoi qui serait arrivé mais j'ai quitté Srebrenica du côté de 28 mars,

  2   donc je n'ai pas de renseignements précis après ce moment-là.

  3   Q.  Je voudrais me centrer plus particulièrement sur le convoi qui était

  4   conduit par Morillon. Pourriez-vous, s'il vous plaît, décrire --

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il vous faudra combien de temps sur

  6   cette question ?

  7   Mme CARTER : [interprétation] Ça va prendre un certain temps, Monsieur le

  8   Président. Excusez-moi, je n'avais pas remarqué.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que ceci conviendrait comme

 10   moment pour lever la séance.

 11   Mme CARTER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 12   M. GUY-SMITH : [interprétation] Juste avant de lever la séance, je voudrais

 13   demander que nous recevions des copies de renseignements qui avaient été

 14   mis à la disposition du colonel Tucker, dont il a parlé dans sa déposition

 15   à la page 2, ligne 13, puisque nous n'avions pas ce renseignement.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons maintenant lever

 17   l'audience, nous reviendrons demain à 9 heures, dans la même salle

 18   d'audience. Donc l'audience est levée.

 19   Je dois dire simplement, Monsieur Tucker, que vous êtes encore parmi

 20   les témoins, vous ne devez discuter de cette question avec personne ni de

 21   cette affaire ni même avec votre conseil.

 22   L'audience est levée.

 23   --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le mardi 29

 24   septembre 2009, à 9 heures 00.

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