Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 29 septembre 2009

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à tout le monde. Monsieur le

  7   Greffier, veuillez citer l'affaire inscrite au rôle.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.

  9   Bonjour à tous et à toutes. Affaire IT-04-81-T, le Procureur contre Momcilo

 10   Perisic.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Qui est présent aujourd'hui à

 12   l'audience.

 13   M. SAXON : [interprétation] Dan Saxon, April Carter et Carmela Javier au

 14   nom de l'Accusation.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 16   Pour la Défense, ce sera.

 17   M. GUY-SMITH : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.

 18   Bonjour à tous. Daniela Tasic, Chad Mair, Tina Drolec, Novak Lukic, Gregor

 19   Guy-Smith; nous représentons les intérêts de M. Perisic.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 21   Monsieur le Témoin, Monsieur Tucker, je vous rappelle simplement que vous

 22   êtes toujours sous le coup de la déclaration que vous avez faite hier, qui

 23   était de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 24   Je vous remercie d'avance.

 25   Maître Guy-Smith, hier juste au moment où nous levions l'audience, vous

 26   vous êtes adressé à nous. Je voulais confirmer ceci. Est-ce que je vous ai

 27   bien compris ? Vouliez-vous que le témoin vous remette un exemplaire des

 28   renseignements qu'il a reçus ?

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  1   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pour quelle raison demandez-vous cela

  3   ?

  4   M. GUY-SMITH : [interprétation] Afin que je sois à même de juger si les

  5   informations --

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non pas à quelle fin mais pour quelle

  7   raison ?

  8   M. GUY-SMITH : [interprétation] Parce que ce sont des informations

  9   essentielles pour la préparation de notre Défense et pour le contre-

 10   interrogatoire.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien --

 12   M. GUY-SMITH : [interprétation] En application de l'article 21 du Statut,

 13   la Défense a le droit de recevoir des éléments d'information, notamment ce

 14   qu'a témoigné le témoin. Et s'il est nécessaire de procéder au contre-

 15   interrogatoire sur ces sujets, il faut prendre les éléments. La seule façon

 16   d'avoir ces éléments, c'est d'avoir des éléments qui sont à la base, et le

 17   témoin affirme avoir ces éléments de renseignement.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais vous ne savez pas si on lui

 19   a donné ces éléments oralement, par écrit, sous forme d'un enregistrement.

 20   Vous ne pouvez pas établir cela. Il vous a donné la teneur de ces

 21   renseignements; c'est tout.

 22   M. GUY-SMITH : [interprétation] Si je comprends votre décision --

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous dis ce n'est pas une décision.

 24   C'est une discussion. Nous avons un débat.

 25   M. GUY-SMITH : [interprétation] Et si je vous ai bien compris, je n'ai pas

 26   le droit d'avoir des renseignements. Je ne comprends ce que vous voulez

 27   dire, Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le témoin vous a dit avoir reçu des

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  1   renseignements. Vous pouvez vous demander ce que c'est, mais vous aviez dit

  2   que vous vouliez une copie de ces renseignements.

  3   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pourrais en parler au moment du contre-

  4   interrogatoire, mais j'ai une question et je vous demande des instructions.

  5   A supposer que les renseignements qu'il a reçus - et je ne vais pas parler

  6   de "renseignements," je vais parler d'"information" pour le moment, parce

  7   que je pense que des renseignements, dans le monde militaire, c'est quelque

  8   chose de bien particulier - mais les renseignements qu'il a reçus, s'ils ne

  9   sont pas simplement oralement, je vais demander à les avoir pour vérifier

 10   si ce qu'il a dit dans son témoignage est exact.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et moi ce que je vous dis, c'est qu'à

 12   moins que le témoin n'ait lu un document pour raviver ses souvenirs, dans

 13   le prétoire ou pas, vous n'avez pas le droit de les avoir. Il vous dit

 14   simplement ce qu'il a reçu, à moins que vous ne me donniez des raisons

 15   juridiques.

 16   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je veux être tout à fait clair, parce que

 17   je pense que c'est assez important.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, tout à fait. C'est très

 19   important.

 20   M. GUY-SMITH : [interprétation] Est-ce que si un témoin parle, pendant son

 21   audition, de documents qu'il a lus - que ne possède pas la Défense et ne

 22   peut pas avoir à sa disposition, l'Accusation n'a pas non plus - vous

 23   n'avez pas droit de voir ce document ?

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous n'avez pas le droit d'utiliser un

 25   document que le témoin n'a pas utilisé à l'audience, à moins que vous me

 26   donniez des raisons juridiques.

 27   M. GUY-SMITH : [interprétation] Prolongeons le raisonnement.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith, ici on ne peut pas

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  1   se lancer dans des conjectures.

  2   M. GUY-SMITH : [interprétation] Ce qui m'inquiète, c'est ceci --

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

  4   M. GUY-SMITH : [interprétation] -- c'est parce que si la question surgit,

  5   s'il y a effectivement un document de ce genre, vu ce que vous avez dit,

  6   plutôt que d'avoir de nouveau une longue discussion, à ce moment-là, je

  7   pense que, vu ce que vous avez dit jusqu'à présent, si je vous comprends

  8   bien, ceci restreint directement la portée du contre-interrogatoire.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non. Vous avez le droit de le contre-

 10   interroger sur tout ce qui était soumis à l'examen des Juges. Si le témoin

 11   apporte un document, vous avez parfaitement le droit de l'examiner, mais

 12   s'il l'a utilisé d'une façon ou d'une autre.

 13   M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais je pense que votre décision entrave la

 14   capacité que nous avons à contre-interroger ce témoin. Je pense que la

 15   question se posera. Au moment du contre-interrogatoire, nous verrons si

 16   c'est bien un document ou des documents ou d'autres formes par lesquelles

 17   il a reçu ces informations qu'il utilise aujourd'hui.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Effectivement. Je me rends compte

 19   qu'hier quand vous avez formulé cette requête, je me suis rendu compte que

 20   la Chambre avait énoncé un précédent dangereux, semblait donner

 21   l'autorisation à la Défense de demander au témoin ou si nous lui avons

 22   demandé de mettre à disposition ce journal.

 23   Je vais vérifier ceci avec vous. Lorsque Mme Carter vous interrogeait hier,

 24   est-ce que vous avez lu une partie de votre journal ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous n'avez pas l'obligation de donner

 27   ce journal dès lors à qui que ce soit.

 28   Madame Carter, poursuivez.

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  1   Mme CARTER : [interprétation] Pouvons-nous passer quelques instants à huis

  2   clos partiel, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

  5 [Audience à huis clos partiel - [Confidentialité levée par une ordonnance

  6  de la Chambre] M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Poursuivez.

  7   Mme CARTER : [interprétation] Vu ce que vous venez de déclarer, Monsieur le

  8   Président, je ne suis plus très sûre. Est-ce que ce journal doit être

  9   communiqué à Me Guy-Smith ?

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non.

 11   Mme CARTER : [interprétation] Non. Très bien. 

 12   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je tiens à donner acte du fait que nous

 13   faisons vigoureusement objection à cela, parce que j'ai déjà plaidé dans

 14   d'autres procès ici, notamment aussi dans les procès où a plaidé Me Lukic,

 15   lorsqu'il y a eu des questions portant sur des journaux évoqués par un

 16   témoin, indépendamment de cette question d'après mes souvenirs - je dis

 17   d'après mes souvenirs, parce que ici je ne veux pas faire d'erreur de droit

 18   ni de fait - chaque fois que ce fut le cas, la Défense a été autorisée aux

 19   fins du contre-interrogatoire --

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais indépendamment de quelle

 21   question?

 22   M. GUY-SMITH : [aucune interprétation]

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez moi. Qu'est-ce que vous disiez

 24   là ?

 25   M. GUY-SMITH : [interprétation] Indépendamment de la question que vous avez

 26   présentée qui était de savoir si le témoin avait utilisé telle ou telle

 27   mention ou rubrique dans ce journal. S'il y a un document qui a un effet

 28   direct sur les faits que doit trancher la Chambre, un effet direct sur les

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  1   circonstances de la déposition du témoin, à ce moment-là, à votre humble

  2   avis --

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith, la Chambre a pris

  4   une décision

  5   M. GUY-SMITH : [interprétation] A notre humble avis, ce serait une

  6   violation flagrante des droits de l'accusé.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La Chambre a pris une décision.

  8   M. GUY-SMITH : [aucune interprétation] 

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La Chambre a pris une décision.

 10   M. GUY-SMITH : [interprétation] Très bien

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 12   Poursuivez, Madame Carter.

 13   Mme CARTER : [interprétation] Votre décision n'est pas [comme interprété]

 14   très claire. Il ne sera pas nécessaire de demander le huis clos partiel. Un

 15   instant, s'il vous plaît, Monsieur le Président. Est-ce que vous me donnez

 16   l'autorisation de consulter mon confrère ?

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.

 18   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 19   Mme CARTER : [interprétation] Vu la décision de la Chambre, nous ne

 20   demandons pas de huis clos partiel. Nous demandons la poursuite de

 21   l'interrogatoire du témoin en audience publique. Et nous allons demander à

 22   ce que l'échange qui vient d'avoir lieu soit rendu public, parce que si

 23   nous demandions le huis clos partiel, c'était pour évoquer toute éventuelle

 24   question de sécurité et défense d'intérêt national. Mais vu votre décision,

 25   ce ne sera pas nécessaire.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Fort bien.

 27   Nous pouvons revenir en audience publique. Et la Chambre ordonne que

 28   les échanges qui se sont déroulés à huis clos partiel soient rendus

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  1   publics.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant en audience

  3   publique.

  4   [Audience publique]

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Poursuivez, Madame Carter.

  6   LE TÉMOIN : PYERS TUCKER [Reprise]

  7   [Le témoin répond par l'interprète]

  8   Interrogatoire principal par Mme Carter : [Suite]

  9   Q.  [interprétation] Hier au moment où nous nous sommes arrêtés, vous étiez

 10   en train de discuter du sujet du convoi auquel vous avez participé, le

 11   général Morillon et vous. Pourriez-vous nous expliquer comment a pris

 12   naissance ce convoi ?

 13   R.  Pourriez-vous me rappeler de quel convoi vous parlez ?

 14   M. GUY-SMITH : [interprétation] Il s'agit du convoi des 27 et 28 mars.

 15   Mme CARTER : [interprétation] Merci.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] De quelle année ?

 17   Mme CARTER : [interprétation] 1993.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 19   Mme CARTER : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous dire comment s'est créé ce

 21   convoi ?

 22   R.  Le convoi d'aide du HCR qui était arrivé à Srebrenica le 27 ou le 28,

 23   c'était un convoi transportant des produits alimentaires venant de Belgrade

 24   qui était passé par Zvornik pour arriver à Srebrenica. Il a vu le jour en

 25   raison des pressions exercées sur les Serbes de Bosnie pour que ceux-ci

 26   autorisent l'acheminement de l'aide humanitaire à Srebrenica.

 27   Q.  À quel genre de pressions pensez-vous ?

 28   R.  Il y a d'abord les réunions, les demandes formulées par le général

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  1   Morillon aux dirigeants serbes de Bosnie; et deuxièmement, il y avait de

  2   très fortes pressions internationales qui s'exerçaient en même temps qu'un

  3   vif intérêt des médias dans le monde entier. A l'époque, les médias

  4   s'intéressaient beaucoup à la situation qui prévalait dans l'enclave et

  5   autour de l'enclave, aux événements qui s'y déroulaient, surtout autour de

  6   Srebrenica.

  7   Q.  Je parlerai d'abord de la pression internationale pour voir ensuite les

  8   médias. Pour ce qui est de la pression internationale, qu'est-ce qui se

  9   passait en mars 1993 ?

 10   R.  N'oubliez pas que j'étais à Belgrade ou à Srebrenica. Alors pour ce qui

 11   est de la pression internationale, je pouvais uniquement lire la presse. Et

 12   j'avais beaucoup de travail, donc je n'ai pas pu tout lire. Pour ce qui est

 13   des détails, bien sûr, il faudra que vous voyiez ce qu'il en est de la

 14   pression internationale. Je ne peux pas vous en parler personnellement,

 15   mais ce que je sais, c'est qu'à Belgrade, l'ambassadeur de France,

 16   l'ambassadeur de Grande-Bretagne et l'ambassadeur des Etats-Unis ont fait

 17   valoir au gouvernement de Belgrade que celui-ci devait exercer toute

 18   l'influence qui était la sienne sur les Serbes de Bosnie pour encourager

 19   ces derniers à autoriser le passage de ces convois d'aide humanitaire.

 20   Q.  Depuis quand essayait-on de faire passer ce convoi ?

 21   R.  Celui qui est arrivé les 27 et 28, il est passé assez vite et assez

 22   aisément, à l'inverse du convoi qui a essayé de passer vers le 13 mars.

 23   Celui-là avait été retenu à Zvornik pendant deux ou trois semaines, je

 24   pense.

 25   Q.  Vous avez dit que les médias s'intéressaient aussi aux événements de

 26   Srebrenica. Quels étaient les sujets évoqués dans ces reportages et qui les

 27   faisaient ?

 28   R.  Tout ce que je peux dire, c'est que personnellement j'ai vu plusieurs

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  1   journaux, le "London Times," un journal américain dont je ne me souviens

  2   plus de son titre et j'ai vu, en tout cas, des résumés de presse réalisés

  3   par l'Ambassade de France à Belgrade. Mais je ne faisais pas très attention

  4   à la question à l'époque.

  5   Q.  Au sein du commandement de Bosnie-Herzégovine, est-ce que vous faisiez

  6   le suivi de la presse ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Comment ?

  9   R.  Il y avait une petite équipe, je ne sais pas comment on appelait les

 10   gens de cette équipe, les gens qui se chargeaient des informations de la

 11   presse. Et lorsque nous sommes arrivés en Bosnie en octobre 1992, cette

 12   équipe suivait les médias internationaux. Mais vers janvier ou février, on

 13   a aussi recruté des gens de la région, de gens qui parlaient le serbo-

 14   croate, de façon à suivre ce que disaient les médias locaux, dirais-je.

 15   J'entends par là les médias à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine ainsi

 16   que les médias -- je parle de la presse écrite et aussi de la radio de

 17   Belgrade et de Zagreb aussi.

 18   Q.  L'enclave de Srebrenica, est-ce qu'on en parlait dans les médias

 19   nationaux et internationaux ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  J'ai relu le compte rendu de votre audition d'hier et je parlais

 22   effectivement du convoi dont vous venez de parler du 18 mars. Nous allons

 23   remonter un peu dans le temps.

 24   Vous disiez hier que c'était la troisième fois précise que l'aide

 25   arrivait à Srebrenica. Pourriez-vous nous parler des incidents qui ont

 26   émaillé cette arrivée ?

 27   R.  C'était la deuxième fois. La première fois, ç'avait été début décembre

 28   1992. La deuxième fois, c'était vers le 18 mars. La troisième fois, vers le

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  1   27 ou 28 mars.

  2   Q.  Pour que tout soit précis, vous avez dit qu'il y avait aussi des

  3   largages aériens, effectivement, la deuxième fois ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Pour ce qui est de l'aide arrivée le 18 mars, de quelle façon est-elle

  6   arrivée et pourquoi est-elle arrivée ?

  7   R.  C'est parce que le général Morillon s'était rendu sur la ligne de front

  8   au Pont jaune de Srebrenica, parce qu'il voulait poursuivre les

  9   négociations qu'il menait avec les Serbes de Bosnie. Et alors qu'il était

 10   en route vers le Pont jaune, j'ai reçu de façon intermittente des contacts

 11   radio avec le convoi qui était bloqué à Zvornik. On disait de ce convoi

 12   qu'il était arrêté là depuis plusieurs semaines et qu'il faisait l'objet

 13   d'un blocus ininterrompu.

 14   C'était la première fois que les Musulmans de Bosnie nous avaient autorisés

 15   à aller au Pont jaune avec deux véhicules, un véhicule transporteur de

 16   troupes dont j'ai parlé hier et une jeep. Arrivé à la ligne de

 17   confrontation au Pont jaune, le général Morillon a dit, Pyers, tu restes

 18   ici. Gardes la ligne de front ouverte. Je vais prendre la jeep et aller à

 19   Zvornik pour essayer de débloquer le convoi et je vais rentrer.

 20   Le général Morillon est parti. Je dois ajouter que l'excuse donnée,

 21   c'était qu'il y avait "des combats en cours." Ce genre d'excuse était

 22   souvent utilisé par toutes les parties belligérantes pour justifier le

 23   blocage de convois d'aide humanitaire.

 24   Q.  Dans votre réponse, vous avez dit que c'était la première fois que vous

 25   aviez la possibilité de quitter l'enclave. Qu'est-ce que vous voulez dire

 26   exactement ?

 27   R.  Les autres membres de notre groupe avaient été retenus dans l'enclave

 28   par les Musulmans de Bosnie. Le reste du groupe n'était pas autorisé à

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  1   quitter l'enclave.

  2   Q.  De quoi avaient peur les Musulmans ?

  3   R.  Ce qui les inquiétait, c'est qu'il y avait plusieurs milliers de

  4   réfugiés affamés dans l'enclave et on empêchait l'arrivée de nourriture.

  5   Beaucoup de gens mouraient de leurs blessures occasionnées pendant des

  6   combats, beaucoup de gens mouraient de faim. Les Musulmans de Bosnie

  7   voulaient attirer l'attention du monde sur la détresse des gens à

  8   Srebrenica. C'est pour ça qu'ils avaient empêché le général Morillon et le

  9   groupe des Nations Unies de partir de Srebrenica lorsque nous avons essayé

 10   de sortir de Srebrenica le 11 ou le 12 mars.

 11   Q.  Vous avez dit qu'il y avait beaucoup de gens qui mouraient à la suite

 12   des combats. Qu'est-ce que vous voulez dire exactement ?

 13   R.  Il y avait des combats intenses autour de la poche. Dans le bâtiment

 14   qui était en face du bâtiment des PTT, le bâtiment où les Musulmans de

 15   Bosnie avaient placé le général Morillon et le groupe des Nations Unies, ce

 16   bâtiment d'en face était l'hôpital de Srebrenica. Vers cette époque, nous

 17   parlons de dix ou 20 personnes qui mouraient chaque nuit de blessures

 18   subies pendant des combats. On voyait chaque matin des gens qui creusaient

 19   des tombes dans le cimetière qui n'était pas loin de là.

 20   Q.  Est-ce que nous parlons de combattants, de civils ou des deux ?

 21   R.  Je ne sais pas. Dans cette contrée, presque tout le monde portait un

 22   élément de vêtement militaire.

 23   Q.  Vous parlez de l'hôpital qui était juste en face du bâtiment de la

 24   poste. Est-ce qu'il y avait d'autres caractéristiques particulières à ce

 25   bâtiment ?

 26   R.  Lorsque nous sommes arrivés à Srebrenica, en face du bâtiment de la

 27   poste, en bas de ce versant de colline, il y avait un tas de détritus

 28   recouvert de neige quand nous sommes arrivés --

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  1   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je demande à Mme Carter de contrôler son

  2   témoin, parce que la question portait sur d'autres caractéristiques de ce

  3   bâtiment.

  4   Maintenant, le témoin parle de tout à fait autre chose.

  5   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

  6   Mme CARTER : [interprétation]

  7   Q.  Je vais reformuler ma question.

  8   Est-ce qu'il y avait d'autres éléments caractéristiques à côté de ce

  9   bâtiment qui vous ont frappé ?

 10   R.  Je vous parlais de ce tas de détritus. Le soleil a percé les nuages et

 11   la neige a fondu, et on voyait que c'était un détritus de membres, de

 12   jambes, de mains, de doigts coupés; c'étaient, en fait, là les déchets de

 13   l'hôpital. Le personnel hospitalier se contentait de jeter tous ces

 14   morceaux d'êtres humains sur ce tas.

 15   Q.  Et comment est-ce que ça vous a frappé ?

 16   M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection.

 17   Mme CARTER : [interprétation] Mais nous parlons ici des conditions de vie

 18   de la population musulmane à Srebrenica. C'est un élément pertinent, comme

 19   est pertinent le fait que c'est une des raisons pour lesquelles les

 20   Musulmans de Bosnie essayaient d'attirer l'attention des médias sur cette

 21   détresse.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Essayez d'être plus précise dans votre

 23   question pour obtenir ces éléments d'information.

 24   Mme CARTER : [interprétation] C'est ce que je vais faire.

 25   Q.  Pourriez-vous décrire les conditions de vie de la population musulmane

 26   à Srebrenica ?

 27   M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection. Question déjà posée qui a déjà

 28   trouvé réponse hier, la réponse ayant été longue, d'ailleurs.

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  1   Mme CARTER : [interprétation] Je vais reformuler une troisième fois.

  2   Q.  Qu'est-ce qu'il y avait de significatif dans ce détritus de déchets

  3   humains ?

  4   R.  Ce qui est significatif, c'est que les gens de Srebrenica avaient perdu

  5   tout espoir, la décence humaine la plus élémentaire, l'hygiène la plus

  6   élémentaire. Tout ceci avait été abandonné. Les gens s'étaient perdus. Il

  7   suffisait de les regarder dans les yeux. On voyait qu'ils étaient déjà

  8   morts.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous parlez ici de ces déchets

 10   humains. D'où venaient-ils ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose qu'ils venaient de l'hôpital qui

 12   était juste un peu plus haut. Quand je dis juste un peu plus haut, on était

 13   simplement à 10 mètres sur le versant de la colline. Lorsque Larry

 14   Hollingsworth du haut-commissariat qui était avec nous s'est rendu compte

 15   de ce que c'était, il a vraiment accablé de reproches le comité de guerre

 16   de Srebrenica. Il leur a dit qu'il fallait nettoyer tout ça.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous parlez d'un comité de guerre,

 18   mais de quelle armée ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous parlons du maire de Srebrenica ainsi que

 20   des personnes qui avaient été élues parmi les Musulmans de Bosnie, les

 21   personnalités les plus représentatives, pour faire partie de ce comité.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'est-ce qu'on pouvait voir ? Qu'est-

 23   ce que vous avez pu voir autour de ce tas de déchets humains ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait une puanteur qui s'en dégageait

 25   quand le soleil brillait.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et quand ce n'était pas le cas ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] A la tombée de la nuit, quand il avait neigé,

 28   ça ressemblait à un autre tas de détritus.

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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Poursuivez, Madame Carter.

  2   Mme CARTER : [interprétation] Merci.

  3   Q.  Lorsque vous étiez retenu à Srebrenica pendant cette période, est-ce

  4   que vous ou d'autres membres de votre équipe avez eu des contacts avec la

  5   population civile ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Vous avez dit qu'une de vos préoccupations, c'était aussi une des

  8   préoccupations de la population civile, était d'attirer l'attention du

  9   monde. Est-ce que c'était la seule inquiétude de la population ?

 10   R.  Non. Sa préoccupation la plus importante était de survivre et de

 11   trouver de quoi manger. Le fait d'attirer l'attention du monde, c'était

 12   simplement une façon d'obtenir de quoi manger, une façon de survivre, de ne

 13   plus être attaqué et d'avoir un avenir.

 14   Q.  Lorsque vous avez parlé à la population civile, est-ce que vous avez

 15   parlé de la présence de la FORPRONU dans d'autres

 16   villages ?

 17   M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection à la question en raison de la

 18   pertinence.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je n'ai pas compris votre question,

 20   mais je ne pense pas qu'elle soit sans pertinence. Mais veuillez clarifier

 21   cela. Je ne sais pas ce que vous voulez demander auprès du témoin. Essayez

 22   d'être plus claire.

 23   Mme CARTER : [interprétation] La question précise, enfin si je fournis un

 24   autre élément d'information pour que ça ressorte plus clairement, ce serait

 25   une question directrice. J'essaie de procéder pas à pas.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais ce que vous venez de demander, je

 27   n'ai pas compris ce que vous disiez.

 28   Mme CARTER : [interprétation] Bien, Monsieur le Président.

Page 9188

  1   Q.  Est-ce que la population civile a décrit les incidents qui se sont

  2   déroulés pendant la présence de la FORPRONU dans d'autres villages ?

  3   M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, mais il y a deux problèmes

  4   liés à cette question. Mon objection principale concerne la pertinence.

  5   Deuxièmement, ce que dit la population civile ne peut être que ouï-dire

  6   sans source indiquée. A qui a-t-il parlé ? Quand ? De quoi ? Il s'agit

  7   vraiment des manières fondamentales permettant de poser des questions et de

  8   poursuivre le travail, s'agissant du ouï-dire. Et Mme Carter essaie

  9   d'obtenir des ouï-dire sans que l'on indique la source au sujet de quelque

 10   chose qui est, à son avis, relativement crucial, et la réponse qu'elle

 11   obtiendra mettrait la Défense dans la position d'impossibilité de mener à

 12   bien de manière raisonnable un contre-interrogatoire au sujet des

 13   informations concernant lesquelles le témoin dira qu'il les a entendues

 14   sans pouvoir identifier les auteurs.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.

 16   Mme CARTER : [interprétation] Monsieur le Président, il est impossible de

 17   demander qui avait fait cette déclaration avant de savoir de quelle

 18   déclaration nous parlons. Nous avons déterminé que le témoin avait parlé

 19   avec la population musulmane. Maintenant, nous essayons de voir de quoi il

 20   leur a parlé, donc l'objection de la Défense est prématurée.

 21   Et puis, la Défense suppose qu'elle ne pourra pas procéder au contre-

 22   interrogatoire concernant cela. Or, faire ce genre d'objection à ce stade

 23   n'est pas approprié. La Défense pourra contester la thèse de l'Accusation

 24   et présenter sa propre thèse au témoin. Mais compte tenu du comportement et

 25   des objections que l'on a eus à répétition pendant ces deux derniers jours,

 26   le conseil de la Défense essaie d'immiscer sa propre thèse dans

 27   l'interrogatoire principal de l'Accusation.

 28   M. GUY-SMITH : [interprétation] Tout d'abord, je ne pense pas que c'était

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  1   une réponse à mon objection. Deuxièmement, je n'essaie pas d'immiscer ma

  2   propre thèse dans l'interrogatoire principal de l'Accusation. Ce que

  3   j'essaie de faire, c'est de faire régner l'ordre dans la présentation des

  4   éléments de preuve de l'Accusation.

  5   Mme Carter met le bœuf avant la charrue. Il faut lui demander avec

  6   qui il a parlé, quand il a parlé, de quoi, et cetera.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith, nous n'allons pas

  8   maintenant entendre une conférence sur la manière de poser des questions.

  9   Votre objection est rejetée. Elle est prématurée. Si le témoin nous dit

 10   qu'il ne peut pas dire avec qui il avait parlé, à ce moment-là, vous pouvez

 11   faire votre objection.

 12   Madame Carter, compte tenu de la manière dont vous avez formulé la

 13   question, je ne sais pas ce que vous dites. Revenons à la question. Il va

 14   falloir la reformuler de manière qui sera compréhensible non seulement pour

 15   le témoin mais aussi la Chambre.

 16   Mme CARTER : [interprétation] Très bien.

 17   Q.  Monsieur, est-ce que les membres de la FORPRONU ou les troupes de la

 18   FORPRONU ont été présents dans des villages autour des enclaves ?

 19   R.  Les seuls membres de la FORPRONU qui étaient dans des villages de

 20   l'enclave étaient les observateurs militaires de l'ONU que j'ai mentionnés

 21   hier.

 22   Q.  Que s'est-il produit lorsque les observateurs militaires de l'ONU ont

 23   quitté les villages ?

 24   R.  Lorsque les observateurs militaires de l'ONU ont quitté les villages,

 25   ils ne pouvaient plus observer ce qui se déroulait dans les villages. Cette

 26   question me rend perplexe.

 27   Q.  Lorsque vous étiez en train de parler des événements avec la population

 28   à l'intérieur de Srebrenica, que vous disaient-ils au sujet des événements

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  1   qui se déroulaient, une fois les observateurs militaires de l'ONU partaient

  2   des villages ?

  3   R.  Excusez-moi, je n'arrive pas à suivre votre question, car je n'ai pas

  4   entendu parler de ce qui s'était passé avant ou après le départ des

  5   observateurs militaires de l'ONU. En fait, c'étaient les observateurs de

  6   l'ONU qui m'informaient de ce qu'ils avaient observé pendant leur

  7   patrouille.

  8   Deuxièmement, les réfugiés à Srebrenica m'ont dit, par le biais de

  9   Mihailov, le garde du corps du général Morillon, ils ont relaté leurs

 10   expériences. Nous en avons parlé hier. Une chose qui se déroulait, ceci ne

 11   concerne pas les villages, c'est que --

 12   M. GUY-SMITH : [interprétation] Ceci ne répond pas à la question.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Tucker. Que

 14   voulez-vous dire ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous étions à Konjevic Polje, si vous vous

 16   souvenez, cinq jours auparavant, approximativement. On nous avait dit que

 17   le général Morillon avait quitté Konjevic Polje, que la ville avait été

 18   lourdement pilonnée et a essuyé une attaque de la part des Serbes de Bosnie

 19   qui l'ont capturée. Et on en a conclu qu'à chaque fois que le général

 20   Morillon ou l'ONU quittait de manière visible une zone, cette zone était

 21   lourdement pilonnée.

 22   Mme CARTER : [interprétation]

 23   Q.  Merci. Au moment où le général Morillon et vous-même avez pu quitter

 24   Srebrenica, où êtes-vous allés ?

 25   R.  Tout d'abord, nous sommes allés à Zvornik. Et après Zvornik, nous

 26   sommes allés à Tuzla. Ensuite nous sommes revenus à Zvornik, puis à

 27   Srebrenica.

 28   Q.  Bien. Lorsque vous êtes revenus à Srebrenica, que s'est-il passé ?

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  1   R.  Nous avons essayé de revenir à Srebrenica, mais on a été arrêté à un

  2   pont surplombant la Drina à Bratunac et nous avons dû dormir dans notre

  3   véhicule 4 X 4 à côté de la route. Le lendemain matin, on nous refusait

  4   encore l'autorisation de revenir à Srebrenica et ce jour-là, l'évacuation

  5   en hélicoptère des personnes blessées de Srebrenica s'est déroulée.

  6   Q.  Est-ce que vous pourriez décrire l'évacuation en hélicoptère qui a eu

  7   lieu ? Comment est-ce que ceci s'est déroulé ?

  8   R.  Parmi les éléments dont j'ai parlé hier, j'ai indiqué que les Serbes de

  9   Bosnie insistaient pour questionner tout homme en âge de combattre avant

 10   d'évaluer si, oui ou non, il s'agissait de criminels de guerre, comme ils

 11   les décrivaient, qui auraient été coupables des attaques lancées contre les

 12   villages des Serbes de Bosnie en janvier de cette année-là. Ceci rendait

 13   l'évacuation des blessés de la poche de Srebrenica impossible. C'est la

 14   raison pour laquelle le général Morillon avait organisé des hélicoptères de

 15   l'ONU qui sont arrivés de Tuzla à Srebrenica afin d'évacuer ces personnes

 16   grièvement blessées. Pour la plupart, ils venaient de l'hôpital dont je

 17   parlais il y a dix minutes environ.

 18   Nous avons vu les hélicoptères, car nous étions bloqués sur le pont. Donc

 19   nous avons vu les hélicoptères survoler la vallée de Srebrenica. Et

 20   lorsqu'ils ont atterri, l'endroit où ils atterrissaient a été pilonné par

 21   l'artillerie et deux membres du personnel de l'ONU, des soldats canadiens,

 22   ont été blessés, alors que nombre de Musulmans de Bosnie ont été tués.

 23   Q.  Est-ce qu'à un moment donné une enquête a été lancée au sujet de ce

 24   pilonnage ?

 25   R.  Oui. Je suis allé personnellement à la zone d'atterrissage lorsque je

 26   suis retourné à Srebrenica après un passage par Belgrade, autrement dit,

 27   vers le 27 ou 28 mars.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et c'était combien de jours après le

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  1   pilonnage ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Quatre jours environ. Je suis allé examiner

  3   les cratères d'obus afin de voir s'il était possible de déterminer quelque

  4   chose.

  5   Mme CARTER : [interprétation]

  6   Q.  Avez-vous pu déterminer quelque chose sur la base des cratères d'obus ?

  7   R.  Tout d'abord, les personnes ayant reçu un entraînement en matière

  8   d'artillerie, lorsqu'ils se penchent sur un cratère d'artillerie, notamment

  9   sur les "marques de dispersion," peuvent identifier avec quelques degrés de

 10   déviation la direction des tirs. Deuxièmement, sur la base de la taille du

 11   cratère d'obus, il est possible d'avoir une idée du type d'obus tiré.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Tucker, il va falloir

 13   raccourcir votre réponse.

 14   "Est-ce que vous avez pu établir quelque chose au sujet du cratère d'obus

 15   ?"

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, l'obus avait été tiré de la direction de

 17   Bratunac, autrement dit, c'était l'endroit le plus proche du côté de la

 18   rivière de la Drina et de la Serbie elle-même. Deuxièmement, j'ai vu que la

 19   taille des trous laissés par des obus étaient un peu plus grands que ceux

 20   que je voyais d'habitude en Bosnie. Lorsque je me tenais dans le trou

 21   laissé par l'obus, ma tête dépassait le niveau de la terre d'un mètre

 22   environ. Le trou était large, alors que le terrain était gelé. Donc il

 23   s'agissait d'un obus d'artillerie de calibre extrêmement grand tiré de la

 24   direction de Bratunac.

 25   Mme CARTER : [interprétation]

 26   Q.  Après avoir examiné le cratère de l'obus, est-ce que vous avez mené

 27   d'autres enquêtes concernant l'origine du pilonnage ?

 28   R.  Non.

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  1   Q.  Est-ce que vous avez des indices ou des opinions sur la base de votre

  2   requête concernant la partie qui a tiré cet obus ?

  3   R.  Je crois, et encore une fois je dis je crois, que ceci avait été tiré

  4   par un canon d'artillerie de grand calibre, au moins 155, et je n'ai jamais

  5   vu ce type d'armes chez les Serbes de Bosnie. Je crois que c'était tiré du

  6   nord de la rivière Drina.

  7   Q.  Qu'est-ce qui vous a poussé à cette opinion ?

  8   R.  Le fait que je n'avais pas vu de canon d'artillerie de grand calibre

  9   déployé par les militaires serbes de Bosnie.

 10   Q.  Est-ce que c'était le seul incident concernant lequel, d'après vos

 11   indices, la Serbie elle-même participait aux tirs d'artillerie ?

 12   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vais faire objection à la question. Nous

 13   n'allons pas élever une opinion à un indice suite à des examens extrêmement

 14   limités.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense que le témoin a dit que ceci

 16   venait du nord de la Drina. Je ne me souviens pas qu'il ait mentionné la

 17   Serbie précisément. Peut-être que je me trompe.

 18   Mme CARTER : [interprétation]

 19   Q.  Vous croyez que ceci avait été tiré de quel côté de la rivière de Drina

 20   ?

 21   R.  Du côté de la Serbie même.

 22   Q.  A votre avis, quelle était l'armée qui avait tiré cet obus d'artillerie

 23   ?

 24   R.  L'armée dont le quartier général était à Belgrade.

 25   Q.  Est-ce que c'était le seul incident qui comportait un indice selon

 26   lequel la Serbie même utilisait l'artillerie ?

 27   M. GUY-SMITH : [interprétation] Même objection.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Eh bien, c'est le seul incident

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  1   concernant lequel il le croyait.

  2   M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est une croyance; c'est différent par

  3   rapport à un indice. Les deux termes sont très différents. Leur

  4   signification est différente.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter, est-ce que vous voulez

  6   répondre ?

  7   Mme CARTER : [interprétation] Avez tout le respect que je vous dois, je

  8   pense qu'il faudrait faire des objections juridiques.

  9   M. GUY-SMITH : [interprétation] L'objection juridique est que la question,

 10   telle qu'elle a été posée, est directrice, premièrement; et deuxièmement,

 11   elle prend pour un fait un élément qui n'a pas été établi. Il s'agit de la

 12   question d'indice. Un indice n'est pas la même chose qu'une croyance. Un

 13   indice est potentiellement quelque chose qui peut servir de détermination

 14   objective. Ce monsieur a parlé de ce qu'il croyait. Il n'y a pas eu de

 15   discussion au sujet de déterminations objectives. Il peut croire ce qu'il

 16   veut. Je n'ai pas d'objection à ce qu'il dépose au sujet de ce qu'il croit.

 17   Mais la question de savoir si c'est exact ou pas est une autre chose, ce

 18   qu'il croit.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.

 20   Mme CARTER : [interprétation] Je vais reformuler la question.

 21   Q.  Monsieur, mis à part cet obus de 155 millimètres, est-ce qu'il y a eu

 22   d'autres incidents semblables ?

 23   R.  Oui, je suis au courant d'une autre situation dans laquelle l'ONU avait

 24   une équipe d'observateurs de l'ONU qui avaient été hébergés à l'hôtel

 25   Yugoslavia, qui se trouve en Serbie de l'autre côté de la rivière de

 26   Zvornik, environ cinq kilomètres au nord de la rivière depuis Zvornik. Ils

 27   m'ont informé du fait que fréquemment ils avaient vu des canons

 28   d'artillerie sur des positions du côté de la Serbie même de la rivière de

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  1   Drina, les canons qui étaient pointés dans la direction ouest, autrement

  2   dit, vers Tuzla. Or, il s'agit là des rapports factuels qui ont été soumis.

  3   Puis ils ont également parlé du fait qu'ils avaient entendu des tirs

  4   d'artillerie provenant de cette zone, mais ils n'ont jamais pu voir le

  5   moment où l'on procédait aux tirs d'artillerie et, bien sûr, ils n'ont pas

  6   vu la direction dont on tirait.

  7   Sur la base de ces deux rapports, je crois que ces canons ont tiré dans la

  8   direction de la Bosnie-Herzégovine vers la zone de Tuzla, car je ne vois

  9   pas d'autre explication logique du fait qu'à cet emplacement on tirait en

 10   utilisant les canons. Il n'y avait pas de polygones d'entraînement à cet

 11   endroit. C'est ce que je crois.

 12   Q.  Est-ce que les observateurs militaires de l'ONU étaient les seules

 13   personnes qui parlaient du fait que l'on tirait du côté serbe vers la

 14   Bosnie-Herzégovine ?

 15   R.  Il y a eu des récits de paysans avec lesquels on avait parlé dans

 16   l'enclave de Srebrenica qui disaient eux aussi qu'ils avaient entendu des

 17   tirs de canon en provenance de la partie au nord de la rivière de la Drina,

 18   autrement dit, en provenance de la Serbie.

 19   Q.  Merci. Nous allons revenir maintenant au convoi que vous essayez de

 20   faire acheminer vers Srebrenica. Vous nous avez dit que vous avez passé la

 21   nuit dans vos camions, car vous n'aviez pas reçu la permission de passer.

 22   Que s'est-il produit le lendemain matin ?

 23   R.  Nous sommes rentrés à Zvornik, car nous n'avions pas pu revenir à

 24   Srebrenica.

 25   Q.  Que s'est-il produit à Zvornik ?

 26   R.  Nous avons rencontré d'autres personnalités militaires, des Serbes de

 27   Bosnie et les représentants de leurs autorités, afin d'obtenir leur réponse

 28   concernant la question de savoir pourquoi on ne pouvait pas passer et afin

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  1   de protester. Je crois que c'est à ce moment-là que l'on s'est retrouvé

  2   dans le bureau du commandant Pandurevic, j'en ai parlé un peu hier, et

  3   c'est à ce moment-là que j'ai vu la carte sur le mur.

  4   Q.  Lorsque vous êtes parti de Zvornik, où êtes-vous allé ?

  5   R.  Je crois que nous sommes allés à Belgrade. C'est à ce moment-là que

  6   nous avons traversé le pont pour revenir en Serbie, donc du côté serbe de

  7   la rivière, et nous avons rencontré plusieurs véhicules de police venant de

  8   la Serbie même qui nous ont escortés jusqu'à Belgrade pour que l'on

  9   rencontre Milosevic.

 10   Q.  Et ces réunions avec Milosevic, c'étaient les réunions que vous avez

 11   décrites lorsque vous avez parlé de la première réunion avec Milosevic et

 12   la deuxième avec Mladic ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Que s'est-il passé après ces réunions ?

 15   R.  Ensuite nous sommes rentrés à Zvornik, puis à Srebrenica. A cette

 16   époque-là, j'ai mené une enquête au sujet des obus d'artillerie tombés sur

 17   un terrain de football à Srebrenica dont j'ai parlé il y a quelques

 18   minutes.

 19   Q.  Lorsque vous êtes rentrés à Srebrenica, comment avez-vous été accueilli

 20   ?

 21   R.  C'était glorieux. Les gens étaient très reconnaissants. De nouveau, ils

 22   avaient de l'espoir dans les yeux. C'était un retour extraordinaire.

 23   Q.  Lorsque vous dites qu'ils étaient pleins de reconnaissance, est-ce que

 24   vous pouvez décrire la scène ?

 25   R.  Il y avait un grand nombre de personnes qui étaient rassemblées devant

 26   le bâtiment PTT. C'est le bâtiment dans lequel nous avions été hébergés.

 27   Ils nous saluaient. Ils étaient extrêmement heureux de nous voir de retour.

 28   Ils ont déclaré Morillon le sauveteur de Srebrenica, et ainsi de suite.

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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Afin que les choses soient claires,

  2   dites, s'il vous plaît, à la Chambre qui étaient ces personnes. C'étaient

  3   les soldats serbes de Bosnie qui avaient été bloqués lorsque vous essayez

  4   d'entrer à Srebrenica ou bien s'agissait-il des villageois qui vous avaient

  5   tenu en otage afin d'attirer l'attention de la communauté internationale

  6   sur eux ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] C'étaient des réfugiés qui campaient à

  8   l'extérieur du bâtiment de la poste, en fait, à tous les espaces découverts

  9   de Srebrenica.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Au départ, vous ne pouviez pas

 11   quitter Srebrenica, car ils vous bloquaient, car ils voulaient attirer

 12   l'attention internationale sur eux. Quelle était la raison de ce changement

 13   d'attitude ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Le changement d'attitude résultait du fait que

 15   le général Morillon avait démontré à ces personnes qu'il avait tenu sa

 16   promesse lorsqu'il avait dit qu'il allait revenir - effectivement il est

 17   revenu - car ils étaient très anxieux après le départ de Morillon. J'ai

 18   déjà décrit ce qu'il avait fait à Konjevic Polje et comment on avait

 19   pilonné cet endroit. Donc ils avaient peur des mêmes événements. Et le fait

 20   qu'il soit revenu et qu'il ait obtenu le passage des convois d'aide

 21   humanitaire qui avaient été bloqués depuis des mois, tout ceci les a

 22   soulagés.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous dites qu'entre l'atterrissage des

 24   hélicoptères et votre retour de Belgrade, c'est-à-dire pendant les quatre

 25   jours, l'aide humanitaire n'arrivait pas ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Si nous pouvons revenir un peu en arrière

 27   dans le temps. Nous sommes arrivés à Srebrenica vers le 11 ou le 12 mars.

 28   Ensuite nous avons été bloqués pendant trois, quatre jours. Ensuite nous

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  1   avons pu aller jusqu'au Pont jaune, juste le général Morillon et moi-même.

  2   Ensuite, à la fin, ils nous ont permis de partir avec deux véhicules, et le

  3   général Morillon a retrouvé son premier convoi et a pu le faire arriver à

  4   Srebrenica. Donc nous y étions vers le 18.

  5   Lorsque ce convoi est rentré à Srebrenica, c'était la première fois que le

  6   général Morillon avait fait acheminer de manière efficace l'aide dans la

  7   poche. Ensuite nous sommes sortis de la poche pour aller à Tuzla, puis à

  8   Zvornik, puis à Srebrenica, puis à Tuzla et de nouveau à Zvornik, et puis à

  9   Belgrade. Lorsque nous étions à Belgrade, un autre convoi est arrivé.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. C'est ce que je souhaitais

 11   savoir.

 12   Poursuivez, Madame Carter.

 13   Mme CARTER : [interprétation] Merci.

 14   Q.  Nous allons revenir maintenant à la différence de l'accueil qui vous a

 15   été réservé entre les deux fois. Il s'agit de la page 14, ligne 3. Vous

 16   avez dit que les gens à Srebrenica avaient abandonné tout espoir. Comment

 17   est-ce que vous le savez ?

 18   R.  Je ne sais pas que les gens de Srebrenica avaient abandonné tout

 19   espoir. C'est ce que je croyais, d'après l'expression de leurs visages.

 20   Lorsque j'ai vu qu'ils empilaient les morceaux humains, j'ai vu qu'ils

 21   étaient affamés, qu'ils vivaient dans des conditions effrayantes. Ils ne

 22   faisaient pas d'efforts de respecter la défense ni de s'organiser. Ils

 23   étaient tout simplement passifs. Ces gens ne faisaient tout simplement

 24   rien. Ils étaient à Srebrenica. En réalité, il y avait trois groupes de

 25   personnes à Srebrenica. Il y avait des réfugiés qui sont --

 26   Q.  Monsieur, je vais vous arrêter là et nous allons reparler de ce tas de

 27   morceaux humains. Quelle était la distance entre la rue principale de

 28   Srebrenica et ce tas de restes humains ?

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  1   R.  Il ne s'agissait pas d'un tas de cadavres, mais un tas de morceaux

  2   humains. C'était à côté de la rue. Donc c'est pratiquement sur le passage

  3   pavé.

  4    Q.  Est-ce que vous voulez dire, géographiquement, que c'était dans la rue

  5   principale ou une rue latérale ?

  6   R.  C'était sur la rue principale de Srebrenica, la rue qui traverse, qui

  7   va immédiatement à l'extérieur du bâtiment des PTT et va jusqu'au centre de

  8   la ville. C'était sur la route qui se trouve entre le bâtiment PTT et

  9   l'hôpital de Srebrenica.

 10   Q.  Bien. Est-ce que les réfugiés que vous avez décrits se trouvaient là et

 11   passaient près de ce tas ?

 12   R.  Les réfugiés n'allaient pas ni venaient en grand nombre. Les réfugiés

 13   étaient simplement là, plus ou moins accroupis à côté de ce tas, parce

 14   qu'ils n'avaient nulle part où aller. Ils n'avaient nulle part ailleurs où

 15   vivre. Ils restaient sur place.

 16   Q.  Vous avez indiqué ce que vous avez vu en ce qui concerne cet air vide

 17   absent d'espoir. Est-ce que vous avez discuté de la situation des réfugiés

 18   avec eux ?

 19   R.  Oui. Nous leur avons demandé pourquoi ils ne faisaient rien et leurs

 20   réponses variaient, qui étaient de dire "bon, ils vont nous tuer de toute

 21   manière" ou "qu'est-ce que nous pouvons faire ?" ou "nous n'avons rien." En

 22   d'autres termes, la population d'origine de Srebrenica "ne fait rien pour

 23   nous aider" et "dès que nous allons dans leur jardin ou quelque chose, à ce

 24   moment-là, ils nous chassent," et cetera.

 25   Q.  Vous avez dit que vous aviez reçu presque une ovation de bienvenue

 26   comme des héros lorsque vous êtes revenus à Srebrenica. Qu'est-ce que le

 27   général Morillon a fait une fois qu'il a été de retour à Srebrenica ?

 28   R.  Nous avons commencé par nous installer dans le bâtiment des PTT, je

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  1   veux dire par "nous installer," c'est qu'à l'origine il y avait eu le

  2   comité de guerre qui s'était installé dans ce bâtiment des PTT et, en fait,

  3   ils se trouvaient prisonniers là. Lorsque le général Morillon est revenu

  4   après la première visite qu'il a faite au front et qu'il a prouvé aux

  5   réfugiés que l'on pouvait lui faire confiance, qu'il avait tenu sa

  6   promesse, qu'il était revenu et qu'il ne les avaient pas abandonnés, à ce

  7   moment-là, les Musulmans ont enlevé les gardes qu'il y avait au bâtiment

  8   des PTT et nous avons apporté nos bagages, nos sacs, nos sacs de couchage

  9   et le matériel du véhicule. Nous les avons débarqués du véhicule et nous

 10   les avons mis dans le bâtiment comme montrant notre intention d'y rester.

 11   Q.  Est-ce qu'à un moment donné au cours de la semaine pendant laquelle ce

 12   convoi devait être constitué et emmené, est-ce que le général Morillon a

 13   fait une déclaration à la population de

 14   Srebrenica ?

 15   R.  Oui, il a fait une déclaration à la foule rassemblée qui entourait le

 16   bâtiment des PTT. Il a fait une déclaration à partir d'une fenêtre du

 17   bâtiment des PTT. Il a décrit les efforts qu'il déployait pour faire en

 18   sorte que l'enclave puisse recevoir de l'aide humanitaire. Et à la fin de

 19   cela, il a déclaré que Srebrenica était sous la protection des Nations

 20   Unies.

 21   Q.  Est-ce que la déclaration du général Morillon en ce qui concerne la

 22   protection de Srebrenica par l'ONU a jamais donné lieu à un compte rendu ?

 23   R.  Oui. J'ai rédigé cette déclaration. C'était donc dans mon cahier. Il

 24   l'a lue à partir de mon cahier. Et ceci, phrase par phrase, avait été

 25   traduit par Mihailov en serbo-croate, phrase par phrase, de sorte que la

 26   population puisse la comprendre. Et le général Morillon avait ajouté de sa

 27   propre main une phrase à la fin du texte. Verbalement, il a fait la

 28   dernière déclaration concernant Srebrenica qui était maintenant sous la

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  1   protection des Nations Unies. Il a ajouté ceci oralement, parce que je ne

  2   l'avais pas mis par écrit.

  3   Q.  Est-ce que le discours du général Morillon a jamais été diffusé ou

  4   discuté en dehors de Srebrenica ?

  5   R.  Oui, il l'a été. Il y avait plusieurs journalistes présents qui en ont

  6   rendu compte. Et à ce que j'ai compris, après le discours, il a donné lieu

  7   à une attention très soutenue dans le monde entier, et plus

  8   particulièrement la dernière phrase concernant le fait que Srebrenica était

  9   désormais sous la protection des Nations Unies.

 10   Mme CARTER : [interprétation] Pouvez-vous m'accorder un instant, s'il vous

 11   plaît, que je puisse m'entretenir avec mon équipe.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allez-y.

 13   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 14   Mme CARTER : [interprétation] Je voudrais demander qu'on présente le

 15   document 9216 de la liste 65 ter.

 16   Q. Monsieur, est-ce que vous reconnaissez le document qui est devant vous ?

 17   R.  Oui, c'est un document que j'ai vu une fois de retour à Sarajevo.  

 18   Q.  Vous avez dit que le quartier général de l'ABiH était à Kiseljak et que

 19   vous aviez rendu compte là-bas. Est-ce que ce rapport était compatible avec

 20   la pratique qui était de rendre compte ?

 21   R.  Ce qui se passait, c'est que de Srebrenica je rendais compte de façon

 22   régulière, parfois toutes les deux heures, parfois toutes les six heures,

 23   et certainement au moins une fois par radio à hautes fréquences. Ceci était

 24   diffusé vers une radio à hautes fréquences à Kiseljak, donc je fournissais

 25   un rapport. Ça ne fonctionnait pas toujours, parce que les communications

 26   HF étaient parfois difficiles. Nous utilisions parfois aussi le système

 27   américain TacSat dont j'ai parlé hier.

 28   Q.  Bien. Je vous remercie, Monsieur le Témoin. Maintenant, les

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  1   renseignements contenus concernant l'évacuation de Srebrenica, qui aurait

  2   donc fourni ces renseignements ?

  3   R.  Moi-même.

  4   Mme CARTER : [interprétation] Pourrions-nous passer à la page 2.

  5   Q.  Monsieur le Témoin, qui aurait fourni les renseignements qui ont

  6   conduit aux appréciations qui sont énumérées aux paragraphes 8 et 9 et

  7   enfin à la troisième page aux points 10 et 11 ? Qui les a fournis, ces

  8   renseignements ?

  9   R.  Les renseignements de base, c'est moi qui les ai donnés à partir d'un

 10   rapport que j'avais communiqué par radio. Je dois souligner que, bien

 11   entendu, les rapports que je communiquais par radio par le truchement de

 12   Kiseljak étaient toujours approuvés par le général Morillon. Je ne les

 13   envoyais pas de mon propre chef simplement parce je les ai écrits.

 14   Q.  Je voudrais maintenant qu'on passe à la troisième page en ce qui

 15   concerne plus particulièrement le paragraphe 11, si on peut se concentrer

 16   là-dessus. Est-ce que c'était votre appréciation et l'appréciation du

 17   général Morillon que :

 18   "Si un passage en toute liberté avec du transport ne pouvait pas être

 19   arrangé pour les réfugiés dans la poche de Srebrenica dans les 7 à 14 jours

 20   qui suivaient, les indications étaient que les Serbes allaient procéder à

 21   un nettoyage génocidaire pour l'ensemble de l'enclave qui aurait pour

 22   résultat la mort potentielle d'environ 80 000 personnes. En tout état de

 23   cause, il y a peu d'espoir que les efforts actuellement déployés pour

 24   empêcher les Serbes d'arrêter leurs attaques réussissent. Il est peu

 25   probable qu'ils arrêtent cette offensive jusqu'à ce que l'enclave ait été

 26   vidée d'une façon ou d'une autre."

 27   R.  L'essentiel du message, c'est ce que j'ai transmis par Kiseljak.

 28   Toutefois, je ne me rappelle pas avoir employé le terme de "nettoyage

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  1   génocidaire."

  2   Q.  Qu'est-ce que vous pensiez qui se passait dans les

  3   enclaves ?

  4   R.  Nous pensions que les enclaves -- enfin que les Serbes de Bosnie

  5   avaient décidé de faire un tri et régler la question des enclaves une fois

  6   pour toute et qu'ils étaient absolument décidés à les rayer de la carte.

  7   Mme CARTER : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement de

  8   document 9216 de la liste 65 ter comme élément de preuve.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant de faire cela, je souhaiterais

 10   que l'on jette un coup d'œil à la première page du document. Pourriez-vous,

 11   s'il vous plaît, expliquer cette date qui figure en haut du document. Je

 12   vois que ça dit "20/2355A mars" [comme interprété].

 13   R.  La date, c'est le 20 mars. Quant à 2355, c'est l'heure à laquelle le

 14   rapport a été transmis. Alpha, c'est donc la zone d'heure dans laquelle le

 15   rapport était envoyé. L'heure Alpha, c'est notre heure ici aujourd'hui.

 16   C'est une heure en avance de l'heure GMT.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Maintenant, vous

 18   avez dit que vous ne vous rappelez pas d'avoir employé le terme "nettoyage

 19   génocidaire." Qu'est-ce que vous vous rappelez avoir employé comme

 20   expression ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] De mémoire, je dirais que si les Serbes de

 22   Bosnie continuaient leurs actions, cela aurait les conséquences les plus

 23   redoutables pour la population et les réfugiés se trouvant dans la poche de

 24   Srebrenica.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez utilisé, il y a quelques

 26   minutes, le fait qu'ils allaient être rayés de la carte. Que vouliez-vous

 27   dire par "les rayer de la carte" ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que j'essaie de décrire, c'est qu'ils

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  1   prendraient de force la poche et que la population en serait, à ce moment-

  2   là, enlevée. Maintenant, je parle de ce que je croyais, parce que c'est

  3   quelque chose qui est du domaine des conjectures.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous étiez en train de faire une

  5   prédiction.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, parce que c'est une conjecture basée sur

  7   l'expérience précédente, les connaissances acquises, à savoir qu'il y

  8   aurait partiellement transport de la population quand ils seraient

  9   repoussés de l'autre côté de la frontière dans le secteur musulman de

 10   Bosnie et qu'il y aurait également partiellement des meurtres.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Tuerie partielle -- est-ce que le

 12   propriétaire de ce téléphone pourrait, s'il vous plaît, l'éteindre. Merci.

 13   Merci.

 14   Madame Carter, vous pouvez poursuivre.

 15   Mme CARTER : [interprétation] Je voudrais demander, s'il vous plaît, que le

 16   9216 de la liste 65 ter soit admis au dossier comme élément de preuve.

 17   M. GUY-SMITH : [interprétation] Avant que la Chambre n'admette ce document

 18   comme élément de preuve, il faudrait noter que la traduction en B/C/S

 19   indique une date de mars 1999. Il faudrait sans doute la corriger aux fins

 20   du compte rendu.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Guy-Smith.

 22   Madame Carter, vous pourrez veiller à cela, s'il vous plaît. Je

 23   souhaiterais que tous nos téléphones soient bien contrôlés, s'il vous

 24   plaît, et éteints. Pouvez-vous veiller à ce que la traduction soit la

 25   bonne.

 26   Mme CARTER : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons donner une cote provisoire

 28   MFI à cette fin jusqu'à ce que ce soit corrigé.

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  1   Mme CARTER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc le 9216 est admis comme élément

  3   de preuve. Je demande qu'on lui donne un numéro.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ceci devient la pièce numéro P2694.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

  6   Mme CARTER : [interprétation] Ceci est la fin de mon interrogatoire

  7   principal. Toutefois, je souhaiterais que l'on puisse passer brièvement en

  8   audience à huis clos partiel.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Je suis désolé, mais nous ferons

 10   cela après la suspension de la séance.

 11   Mme CARTER : [interprétation] Certainement.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 13   Mme CARTER : [interprétation] Non, ça ne peut pas attendre en raison de la

 14   diffusion qui pourrait avoir lieu.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'est-ce qui ne peut pas attendre ?

 16   Mme CARTER : [interprétation] Le fait d'aller en audience à huis clos

 17   partiel pour ce que j'ai à dire à la Chambre. Je m'excuse.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne vous comprends pas, Madame.

 19   M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est une question d'expurgation, je pense,

 20   qu'elle souhaite évoquer.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'est-ce que vous dites ?

 22   Mme CARTER : [interprétation] Il y aura une question d'expurgation, mais je

 23   souhaiterais qu'on en traite en audience à huis clos partiel.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais, nous ne sommes pas en audience à

 25   huis clos partiel.

 26   Mme CARTER : [interprétation] Je demande à ce que l'on aille en audience à

 27   huis clos partiel.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Alors que la Chambre aille en

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  1   audience à huis clos partiel.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

  3   partiel, Monsieur le Président.

  4   [Audience à huis clos partiel]

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 15   [Audience publique]

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Oui, Maître Guy-Smith.

 17   M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci.

 18   Contre-interrogatoire par M. Guy-Smith : 

 19   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin, je vais vous poser une question de

 20   courtoisie. Je vous ai appelé témoin; je vous ai appelé M. Tucker; colonel

 21   Tucker; je ne suis pas sûr de la façon dont vous souhaitez qu'on s'adresse

 22   à vous ou si vous avez des préférences. Je voudrais, en tous les cas,

 23   savoir où nous en sommes de façon à être à même de pouvoir traiter de la

 24   façon la plus polie possible entre nous.

 25   R.  Colonel Tucker ou Mon Colonel, ce serait bien.

 26   M. GUY-SMITH : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je m'excuse. Moi aussi je vous ai

 28   appelé Monsieur Tucker. Maintenant, c'est noté, je ne le ferai plus.

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  1   M. GUY-SMITH : [interprétation]

  2   Q.  Nous allons passer à des sujets de fond, mais auparavant, abordons deux

  3   questions précises déjà évoquées, car je voudrais quelques éclaircissements

  4   pour que je sache de quoi je parle.

  5   Vous avez avec vous plusieurs documents et je crois qu'on peut dire de ces

  6   documents, sans risque de se tromper, que ce sont des notes que vous avez

  7   prises pendant que vous vous trouviez dans la région en 1992 et en 1993;

  8   est-ce exact ?

  9   R.  C'est exact.

 10   Q.  Vous avez également fourni à l'Accusation, et je ne sais pas si c'est

 11   en sus de ces notes ou à part de ces notes, des notes que vous avez prises

 12   pendant cette même période ?

 13   R.  Non, les seules copies que j'ai fournies au TPIY, ce sont les copies de

 14   ces notes que vous venez d'évoquer. Personnellement, je n'ai pas fourni

 15   d'autres documents ni de copies de documents à l'Accusation ou au TPIY.

 16   Q.  Donc j'ai raison de penser que les notes que vous avez apportées, ce

 17   sont des notes que vous aviez auparavant fournies à l'Accusation en

 18   l'espèce ?

 19   R.  Est-ce que ces notes ont été fournies à la présente équipe de

 20   l'Accusation ? Ça, je ne sais pas, parce que j'ai déposé dans plusieurs

 21   procès en tant que témoin à charge. J'ai fourni ces notes, elles ont été

 22   photocopiées. Chaque page photocopiée a reçu un numéro d'enregistrement

 23   pour d'autres procès. Je ne sais pas si ces documents ont été remis à la

 24   présente équipe. Ça, je ne sais pas.

 25   Q.  S'agissant des notes que vous aviez déjà remises auparavant, c'était

 26   pour le procès Galic, n'est-ce pas, tout d'abord.

 27   R.  Exact.

 28   Q.  Dans le procès Oric.

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Et dans d'autres procès ou est-ce que c'était tout ?

  3   R.  On m'a posé une question à propos d'un autre procès, mais je n'ai pas

  4   pu répondre à cette demande.

  5   Q.  Pour ce qui est des notes que vous avez prises, si j'ai bien compris ce

  6   que vous avez déclaré ici, vous étiez l'assistant du général Morillon,

  7   n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Vous avez été son assistant pour plusieurs raisons, notamment parce

 10   que, si j'ai bien compris, vous êtes bilingue, voire plus, et vous parlez

 11   français, n'est-ce pas ?

 12   R.  Je parle anglais, français, allemand et néerlandais.

 13   Q.  Vraiment, vous avez un avantage sur moi.

 14   S'agissant de la fonction que vous avez exercée d'assistant du général

 15   Morillon, vous avez fait plusieurs choses et vous avez notamment pris des

 16   notes à l'occasion de réunions auxquelles a participé le général Morillon ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Et vous avez dit que vous aviez pris des notes ou fait des procès-

 19   verbaux d'une kyrielle de réunions, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  S'agissant des informations contenues dans ces notes, si j'ai bien

 22   compris vos dires ici - et ce n'était peut-être qu'une supposition que je

 23   vais vérifier auprès de vous - lorsque le général Morillon s'entretenait,

 24   par exemple, avec le général Mladic, ces deux hommes ne parlaient pas la

 25   même langue, n'est-ce pas ?

 26   R.  Non, le général Morillon parlait anglais et il y avait toujours un

 27   interprète qui interprétait. Et si le général Morillon a choisi Mihailov

 28   comme garde du corps, c'était notamment parce qu'il voulait avoir une

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  1   information en retour sur l'exactitude des traductions faites, parce qu'on

  2   avait eu certaines expériences où des interprètes avaient pris quelques

  3   latitudes par rapport au travail de traduction.

  4   Q.  Donc Mihailov, c'était le garde du corps du général Morillon et

  5   c'était, en fait, votre support de sécurité pour être sûr qu'en tout cas,

  6   lorsqu'il y avait un échange entre le général Morillon et quelqu'un d'autre

  7   - ici, par exemple, avec le général Mladic - ce qui se disait était bien

  8   traduit ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Je suppose que ce qui s'est passé, c'est que vous avez aussi discuté

 11   avec Mihailov pendant ce processus de prise de notes pour être bien sûr que

 12   les notes que vous étiez en train de prendre étaient les plus exactes

 13   possibles.

 14   R.  Oui, en général, on le faisait pendant les interruptions. Je me

 15   souviens d'un seul cas où Mihailov, pendant les conversations de

 16   négociation même, a toussé très fortement pour me faire comprendre qu'il se

 17   passait quelque chose d'incorrect.

 18   Q.  Et je pense que la situation était réglée ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Est-il juste de dire que de par le passé, notamment quand vous étiez

 21   témoin dans le procès Galic et dans le procès Oric, vous vous êtes reposé

 22   sur vos notes, vous en êtes servi pour vous raviver les souvenirs que vous

 23   aviez de ce qui s'était dit à l'occasion de réunions ?

 24   R.  Exact. C'est une lapalissade. Ces réunions ont eu lieu il y a 17 ans.

 25   Q.  Et pour ce qui est de ce procès-ci, avant de venir à la barre des

 26   témoins, est-ce que vous avez eu l'occasion de revoir ces notes pour vous

 27   rafraîchir la mémoire, disons, ce qui vous permettrait d'être le plus exact

 28   possible lorsque vous alliez transmettre à la Chambre des informations

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  1   portant sur les souvenirs que vous aviez de ce qui s'était passé à ces

  2   réunions ?

  3   R.  Exact.

  4   Q.  Et ça porte notamment sur les dates des réunions ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Ainsi que les personnes ayant participé à ces réunions et leurs sujets

  7   ?

  8   R.  Exact.

  9   Q.  En plus de ces notes, vous avez aussi fourni plusieurs déclarations

 10   préalables au bureau du Procureur concernant bon nombre, sinon la totalité

 11   des sujets que vous avez évoqués ici hier et aujourd'hui ?

 12   R.  Exact.

 13   Q.  Avant de venir déposer ici aujourd'hui, est-ce que vous avez eu

 14   l'occasion de revoir ces notes pour être bien sûr que vous alliez être le

 15   plus exact possible dans ce que vous alliez dire à la Chambre s'agissant de

 16   ces informations ?

 17   R.  Oui, je crois qu'on parle de récolement ici. Ça s'est fait dimanche.

 18   Q.  Et au moment du récolement, je suppose que vous avez examiné vos

 19   déclarations préalables. Il y en avait plus qu'une, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Vous avez eu le temps et la possibilité de les relire ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Après avoir relu vos notes et vos déclarations préalables, avez-vous

 24   ressenti la nécessité de corriger ce que vous aviez écrit à propos de

 25   dates, de participants à des réunions, des sujets de réunions ?

 26   R.  Non, pas les déclarations précédentes.

 27   Q.  Fort bien. Ceci termine un des volets que je voulais évoquer avec vous,

 28   parce que je pense qu'on vient de recopier vos notes. Je ne suis pas tout à

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  1   fait sûr, mais encore.

  2   Mais pour ce qui est de votre déclaration ici, hier vous avez dit que vous

  3   aviez reçu des renseignements en matière de paiement. Vous parliez de

  4   paiements, de salaires ou de soldes.

  5   L'INTERPRÈTE : Signe affirmatif du témoin.

  6   M. GUY-SMITH : [interprétation]

  7   Q.  Aujourd'hui vous avez fait une distinction entre information et

  8   renseignement. Sur le plan militaire, les informations, c'est précisément

  9   ce que quelqu'un reçoit. Souvent, c'est un analyste qui reçoit ces

 10   informations, et une fois analysées, ces informations deviennent ce qu'on

 11   appelle des renseignements. Est-ce bien qualifier la situation ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Donc ici quand on dit qu'on a reçu des renseignements, "intelligence"

 14   en anglais, il se peut qu'il y ait un certain décalage sans doute entre

 15   information et intelligence. Quand vous parliez de renseignements,

 16   "intelligence," est-ce que vous parliez de rapports, d'analyses, de

 17   synthèses ou de faits concrets que vous aviez reçus ?

 18   R.  Je parle du personnel chargé des renseignements qui m'avait fourni ces

 19   informations que j'ai décrites. Personnellement, je n'ai pas vu la matière

 20   brute. Je ne connaissais même pas la source de ces informations. Qu'est-ce

 21   qui s'est passé, c'est que les personnes chargées du renseignement m'ont

 22   dit ceci et cela.

 23   Q.  Quand vous dites que des personnes chargées du renseignement vous ont

 24   dit cela, je suppose que des informations que vous avez reçues étaient sous

 25   forme de conclusions, les conclusions résultant de rapports ou d'autres

 26   sources qui avaient été analysées. On avait dit, partant des documents

 27   analysés, les conclusions sont celles-ci.

 28   R.  Exact.

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  1   Q.  Et si, en occurrence, pour que tout soit clair, disons-le, vous n'avez

  2   pas vu de données concrètes.

  3   R.  Non.

  4   Q.  Mais vous avez parlé à des gens ?

  5   R.  Il y a eu un briefing portant sur la totalité de la situation en Bosnie

  6   et bon nombre de sujets y ont été abordés. Ça fait l'espace de deux phrases

  7   dans le cadre d'un briefing beaucoup plus général.

  8   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire quand cette réunion a eu lieu de

  9   façon plus précise ?

 10   R.  En fait, il y a eu deux réunions d'information : l'une vers le mois

 11   d'avril ou de mai 1996; l'autre, juin ou début juillet 1996.

 12   Q.  Parlons de votre mission --

 13   R.  J'étais au quartier général permanent conjoint qui se trouvait au QG de

 14   gestion de crise britannique en avril 1996.

 15   Q. Quand vous travailliez avec le QG de gestion de crise, est-ce que vous

 16   avez là aussi essayé de consigner par écrit, grâce à des notes, ces

 17   réunions que vous aviez ?

 18   R.  Oui, mais je n'ai plus les notes concernant ces réunions-là.

 19   Q.  D'accord. Vous êtes ici aujourd'hui et je vais poser la question en

 20   deux étapes, car vous allez peut-être me répondre d'abord par la négative.

 21   Est-ce que vous pouvez nous dire qui était l'officier ou les officiers

 22   chargés du renseignement avec qui vous avez parlé à propos de cette

 23   question du paiement de salaires ?

 24   R.  Non, je ne me souviens du nom de ces personnes.

 25   Q.  Et ça c'est passé en 1996 ?

 26   R.  Exact.

 27   Q.  Il y a 13 ans, si je compte bien ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Très bien. Vous nous avez dit être arrivé à Sarajevo fin octobre; est-

  2   ce exact ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Vous êtes arrivé le 25 ou le 26; c'est bien ça ?

  5   R.  À peu près.

  6   Q.  Vous dites "à peu près." Est-ce que c'est un jour ou deux près avant ou

  7   plus tôt avant le 26 ?

  8   R.  Il faudrait que je vérifie mes notes. C'était le 25 ou le 26. Je ne

  9   pense pas que je sois arrivé le 27.

 10   Q.  Quand vous êtes arrivé, la question d'une réunion de Mladic avec, si je

 11   ne m'abuse, le général Tus ou le général Bobetko à propos d'un éventuel

 12   accord de cessation d'hostilités; c'était bien ça qui était en jeu à ce

 13   moment là ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Et pour bien cadrer tout ceci, ce qui c'était passé, c'est que Mladic

 16   avait demandé à ce que se tienne une réunion, et le sujet allait être la

 17   cessation des hostilités. Ç'avait été prévu avec Bobetko ?

 18   R.  Mladic avait voulu rencontrer le général Tus au départ, mais à l'insu

 19   du général, ou plus exactement Mladic ne savait pas. Le général Tus avait

 20   pris sa retraite. Il avait été remplacé par le général Bobetko. Mladic a

 21   refusé de le croire pendant plusieurs semaines. En fait, il a cru qu'on

 22   voulait le leurrer quand on parlait de Bobetko. Mais finalement, c'est ce

 23   dernier qu'il a rencontré.

 24   Q.  Je voudrais revenir sur cette question quand vous dites de leurrer

 25   Mladic, non pas parce que je ne crois pas ce que vous avez dit, mais

 26   normalement on se rencontre entre pairs. Donc si vous avez un haut gradé

 27   d'une armée, il est peu probable qu'il avait à rencontrer quelqu'un qui a

 28   un grade inférieur au sien. Les généraux se rencontrent entre eux, les

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  1   colonels entre eux, les commandants. C'est bien comme ça que se déroule le

  2   protocole militaire ?

  3   R.  Oui, et c'était tout à fait appliqué. Ce n'était pas tellement par

  4   parité au niveau des grades, c'était plutôt une priorité dans les

  5   fonctions. Un commandant d'armée rencontre le commandant de l'autre armée

  6   ou un adjoint du commandant. Ils n'avaient pas toujours le même grade.

  7   Q.  À cet égard, par exemple, et c'est un compliment que je vous fais, par

  8   exemple, à bien des égards, Morillon et vous étiez vraiment comme des

  9   frères siamois. Vous étiez très proches. Mais vous, vous n'alliez pas

 10   rencontrer le général Mladic, n'est-ce pas ?

 11   R.  Non, non, j'ai toujours été au service du général Morillon.

 12   L'interlocuteur du général Mladic était le général Morillon. Je n'ai jamais

 13   rencontré un membre de droit en raison de ma fonction avec qui que ce soit,

 14   sauf quelques très rares exceptions. Effectivement, j'étais le scribe.

 15   Q.  Je ne voulais vous humilier.

 16   R.  C'est un fait.

 17   Q.  Souvent les scribes jouent un rôle clé.

 18   En passant, pour ce qui est de l'importance de la parité des

 19   fonctions et des grades, une chose qui est apparue à vous, donc au général

 20   Morillon et à vous, je pense que le général Mladic vous a dit un moment

 21   donné que c'était lui le Napoléon des Balkans, n'est-ce

 22   pas ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Il n'allait pas rencontrer des gens dont il pensait qu'ils n'avaient

 25   pas la fonction requise pour répondre à ses demandes, revendications et

 26   inquiétudes. Il ne cherchait pas à trouver un autre Napoléon, parce qu'il

 27   n'y en a jamais qu'un, mais il demandait à avoir quelqu'un de son rang ?

 28   R.  Mladic était animé de deux motifs : l'un, c'était qu'il voulait

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  1   toujours rencontrer des gens de son niveau qui pourraient obtenir des

  2   résultats concrets; deuxième motivation, c'est que tous les autres

  3   représentants de nos rangs de la Republika Srpska n'avaient de cesse

  4   chercher à se faire reconnaître en tant qu'entité indépendante, donc ils

  5   insistaient et étaient très pointilleux pour ce qui est des formalités, des

  6   appellations, parce que par là, pensaient-ils, c'était reconnaître

  7   l'indépendance et l'existence de la Republika Srpska comme entité

  8   indépendante.

  9   Q.  Et c'était un thème utilisé par Mladic mais aussi par Karadzic, n'est-

 10   ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Et pour le moment, je suis toujours dans les généralités concernant ces

 13   réunions. Ce qui s'est passé au moins une fois, si pas plus, c'est que si

 14   on demandait que quelque chose soit fait à Mladic, il s'en remettait à son

 15   président ?

 16   R.  Tout à fait exact.

 17   Q.  Et parfois lorsqu'on faisait une demande précise à Karadzic, il s'en

 18   remettait à son assemblée ?

 19   R.  Tout à fait exact.

 20   Q.  De cette façon, ces hommes vous indiquaient qu'il existait un processus

 21   interne politique qu'il fallait respecter ?

 22   R.  Il n'avait de cesse essayer d'insister là-dessus.

 23   Q.  Il y avait aussi un rapport qui existait entre la composante militaire,

 24   avec à sa tête le général Mladic, et la composante exécutive politique qui

 25   était dirigée par Karadzic ?

 26   R.  Oui, c'est ce qu'ils ont essayé de maintenir.

 27   Q.  À l'évidence, en ce qui concerne les réunions que vous avez eues avec

 28   des personnes comme Mladic et Karadzic, il était essentiel d'en rendre

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  1   compte au moyen de notes ou le procès-verbal de ces réunions ?

  2   R.  Exact.

  3   Q.  Si j'ai bien compris votre déposition, vous avez dit que la première

  4   fois que vous avez rencontré Mladic, Karadzic et d'autres, ce fut le 27

  5   octobre; est-ce exact ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Si j'ai bien compris, non pas par ce que vous avez dit hier, mais grâce

  8   à d'autres documents que j'ai lus, cette réunion portait notamment sur le

  9   sujet de la cessation des hostilités ?

 10   R.  Oui, en fait, il y avait toute une panoplie de sujets, vous

 11   l'imaginerez.

 12   Q.  C'est bon. Le 26 avril, vous aviez rencontré Mladic, n'est-ce pas ?

 13   R.  Non, je pense que le 25 ou le 26, c'est à ce moment-là que nous sommes

 14   arrivés à Sarajevo.

 15   Q.  D'accord.

 16   R.  Donc c'est le lendemain que nous avons eu une première réunion avec

 17   Mladic. Ceci étant dit, je pense que le général Morillon avait déjà

 18   rencontré Mladic quand il était commandant adjoint de la FORPRONU en

 19   Krajina, mais je ne connais pas de détails à ce propos.

 20   Q.  Parlons de votre première réunion à vous avec Mladic. Est-ce que

 21   c'était en présence de Karadzic ? Ils étaient tous ensemble, n'est-ce pas ?

 22    R.  Oui, je pense qu'ils étaient ensemble. Il faudrait que je vérifie dans

 23   mes notes. Je me souviens surtout de ceci à propos de cette réunion à

 24   Lukavica : Mladic insistait et nous avons commencé la réunion en insistant

 25   pour dire que toutes les communications devaient être adressées à la

 26   Republika Srpska de Krajina. Et le général Morillon a dit qu'il avait

 27   envoyé une lettre à Mme Plavsic pour accélérer le processus de déploiement

 28   du Bataillon canadien et avoir la permission de déployer le Bataillon

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  1   français à Petrovac. Mladic a dit à Morillon qu'ils avaient fait une erreur

  2   grave lorsqu'ils avaient envoyé une lettre à Mme Plavsic --

  3   Q.  Est-ce que je peux vous interrompre. C'est tout à fait intéressant ce

  4   que vous dites, mais ma question était plus circonscrite. Je vous ai

  5   demandé si Karadzic était présent.

  6   R.  Là, il faudrait que je vérifie pour vous le confirmer pour être précis

  7   s'agissant de cette date-là, parce que je vous ai dit que ça s'est passé il

  8   y a 13 ans [comme interprété].

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre,

 10   Maître, mais là on vient d'avoir des dates sans arrêt, les 26, 27 octobre.

 11   Pour éviter de relire le compte rendu pour voir quelle année c'était,

 12   c'était en quelle année ?

 13   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 14   Q.  C'était en 1992 tout ceci, n'est-ce pas ? 

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Vous nous avez dit que toutes les communications lui étant adressées

 17   devaient être envoyées à la RSK --

 18   R.  Pas la Krajina.

 19   Q.  -- vous parliez de la Republika Srpska, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, du général Morillon qui lui a dit, Mais qu'en est-il de la Krajina

 21   ? Et Mladic a répondu, C'est une République distincte; c'est la Republika

 22   Srpska Krajina.

 23   Q.  Rappelez-vous ce que vous avez dit hier. Vous avez dit que Karadzic

 24   était présent à la première réunion. Et j'essaie que nous nous entendions,

 25   parce que c'était bien la réunion de Lukavica ?

 26   R.  La réunion avec Mladic le 27 était à Lukavica. La réunion où Karadzic

 27   était présent ainsi que le président [comme interprété] Koljevic, où j'ai

 28   parlé de la carte du recensement, c'était à Pale.

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  1   Q.  Et c'était à quelle date ? Le lendemain, le 28 ? Est-ce que je peux

  2   vous aider ? Je vais vous lire quelque chose et vous allez me dire si ceci

  3   vous est utile. C'est simplement pour vous permettre de mieux vous

  4   souvenir. Une déclaration que vous fournissez les 6 et 7 septembre 2000, le

  5   27 juillet 2001 et les 5 et 6 mars 2002. Voici ce que vous dites :

  6   "Le général Morillon a demandé la première fois aux dirigeants de la RS

  7   d'assurer le déploiement du CanBat, du Bataillon canadien, par lettre

  8   envoyée à Mme Plavsic le 27 octobre 1992."

  9   Vous venez d'en parler.

 10   "A ce moment-là, elle avait plus de l'influence, ce que nous n'avons

 11   compris que plus tard. C'est ce que nous pensions en tout cas. Ce jour-là,

 12   j'étais à une réunion du général Mladic avec le général Morillon à

 13   Lukavica. J'ai amené des photos prises à la fin de la réunion. C'était la

 14   première fois que je rencontrais Mladic. Karadzic était à Genève."

 15   Est-ce exact ?

 16   R.  Oui, je pense que Karadzic a passé au moins dix jours à Genève et nous

 17   pensions que Mladic a profité du fait que Karadzic était à Genève pour

 18   lancer une dernière attaque sur Sarajevo pour essayer de capturer Sarajevo,

 19   en tout cas, de diviser la ville en deux.

 20   Q.  Si je comprends bien cette première réunion, elle concernait le

 21   déploiement du CanBat dans la zone de Banja Luka, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Mladic vous a dit qu'il n'avait pas le pouvoir requis pour donner son

 24   approbation, mais qu'il allait en discuter avec le gouvernement ?

 25   R.  Je pense qu'il a dit que c'était l'assemblée des Serbes de Bosnie qui

 26   devait en discuter.

 27   Q.  Pendant cette réunion, Mladic et Morillon ont discuté aussi de la

 28   liberté de mouvement de la FORPRONU, de ses convois et de ceux du HCR, de

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  1   façon générale ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Ainsi que la question de la démilitarisation ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Vous dites qu'on a discuté de la démilitarisation. Pourriez-vous en

  6   quelques mots, dans un premier temps, car nous allons revenir à ce sujet

  7   plus tard, pourriez-vous dire en quelques mots ce qui s'est dit en matière

  8   de démilitarisation dans cette réunion ?

  9   R.  Il y a eu deux dimensions. Il y avait Sarajevo et la levée du siège.

 10   Mladic a refusé d'accepter de parler d'encerclement ou de siège. Il se

 11   contentait de tenir son propre terrain, de protéger ses gens à lui sur son

 12   terrain à lui. Si les Musulmans étaient soit prêts à remettre toutes leurs

 13   - nous parlons de Sarajevo même - de remettre leurs armes aux Nations

 14   Unies, soit à permettre aux Serbes de Bosnie d'entrer dans Sarajevo, à ce

 15   moment-là, il voulait bien assurer la liberté de mouvement pour entrer ou

 16   sortir de Sarajevo, liberté qu'il donnerait à tous.

 17   La deuxième question, c'était les armes. Lorsque le général Morillon - je

 18   parle des armes lourdes - lorsqu'il a dit à Mladic qu'il devait retirer ses

 19   armes lourdes, les enlever des environs de Sarajevo, il a dit, D'accord,

 20   Mladic, mais pour autant que les Musulmans remettent toutes leurs armes aux

 21   Nations Unies et se désarment. Si vous voulez des détails plus précis --

 22   Q.  Non, non, ça me suffit pour le moment. Nous savons tous les deux qu'il

 23   y aurait une discussion plus poussée avec Oric en matière de

 24   démilitarisation à Srebrenica. Et avec le comité de guerre, là où on

 25   cherche une solution ainsi à Srebrenica.

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Mais là c'est une facette différente de la question.

 28   Ici vous évoquez un des sujets de tension, et l'analyse faite après

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  1   l'examen de vos documents, c'est que Mladic a fait une équation entre

  2   l'utilisation qu'il faisait de son armement lourd et la force de

  3   l'infanterie de l'ABiH ?

  4   R.  Exact.

  5   Q.  Véritablement, ce qui se passait à l'époque, c'est que l'armée des

  6   Serbes de Bosnie avait plus d'armement lourd, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Alors que l'ABiH, elle avait plus d'hommes d'infanterie ?

  9   R.  Ils avaient beaucoup plus d'hommes, mais ils n'avaient pas beaucoup

 10   d'armes lourdes.

 11   Q.  Lorsqu'il y a eu cette toute première réunion, est-ce qu'on a discuté

 12   du concept de la Défense territoriale qui existait en ex-Yougoslavie ?

 13   R.  Je me souviens que Mladic avait dit qu'il avait des positions pour

 14   garder son propre territoire.

 15   Q.  Pardon ?

 16   R.  C'était sa revendication. Il voulait pouvoir défendre son peuple à

 17   l'époque. Si je me souviens bien, il n'a pas parlé de Défense territoriale

 18   ni de milices; c'est apparu bien plus tard.

 19   Q.  Avant que vous n'arriviez à Sarajevo, est-ce que vous saviez comment

 20   l'ex-Yougoslavie avait décidé d'assurer sa défense face à une éventuelle

 21   incursion après la Deuxième Guerre mondiale ? Je suis vraiment très

 22   schématique, parce que je ne veux pas -- Tito avait créé son armée, mais en

 23   plus de ça, il avait aussi instauré le concept de la Défense territoriale

 24   où tout homme ayant un certain âge devait être prêt à combattre pour

 25   défendre non seulement son pays mais sa région; exact ?

 26   R.  Tout à fait exact. Ceci aussi dans ce contexte que la Bosnie-

 27   Herzégovine était, en fait, l'arsenal de l'ex-Yougoslavie en raison de son

 28   relief montagneux et du fait qu'elle se trouve au cœur même de l'ex-

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  1   Yougoslavie. Les renseignements pensaient que l'essentiel des munitions et

  2   des armes étaient entreposées dans des bunkers et des arsenaux souterrains

  3   se trouvant en Bosnie-Herzégovine. C'était une des raisons pour lesquelles,

  4   d'après les renseignements occidentaux, la VRS avait suffisamment de

  5   munitions pour poursuivre les opérations de combat en Bosnie-Herzégovine à

  6   l'intensité qui était celle du moment pendant dix ans encore.

  7   Q.  Vous parlez maintenant des agences de renseignement occidentales, nous

  8   parlons d'informations qui ont été rassemblées, analysées et suivies de

  9   conclusions portant sur la capacité de faire la guerre ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  C'étaient les rapports que vous avez examinés ?

 12   R.  C'étaient les informations que nous avons reçues avant notre

 13   déploiement en Bosnie-Herzégovine.

 14   Q.  Ça ressemblait --

 15   R.  C'est en septembre 1992.

 16   Q.  Ça ressemblait à l'autre situation, je suppose qu'il n'y avait pas de

 17   notes. Ça s'est passé verbalement et vous ne vous souvenez pas de la

 18   personne qui vous a donné cette information, n'est-ce pas ?

 19   R.  Non, je pense que c'étaient les réunions de formation que nous avons

 20   eues avant notre départ, qui étaient fournies par les officiers de

 21   renseignement qui étaient bien renseignés. Comme vous pouvez vous imaginer,

 22   les renseignements occidentaux ont été rassemblés afin d'obtenir autant

 23   d'information que possible.

 24   Q.  Pardon, ma question était de savoir si vous n'aviez pas de notes ou

 25   d'identification de personnes.

 26   R.  Oui, c'est exact.

 27   Q.  Après la réunion avec Mladic au sujet de la cessation des hostilités et

 28   autres choses, mais je vais d'abord me concentrer sur la cessation des

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  1   hostilités, car si j'ai bien compris, c'est quelque chose qui a été soulevé

  2   pendant la première réunion. Et même si Mladic avait été convoqué à la

  3   réunion, c'est Bobetko qui a signé, et pas Mladic ? Je parlais de l'accord

  4   de cessation des hostilités.

  5   R.  S'agissant de la première réunion à laquelle j'ai assisté avec Mladic

  6   le 27 octobre, rien n'a été signé. Il y a eu une autre réunion à laquelle

  7   Bobetko a signé, vers la fin novembre, et Mladic a refusé de signer. Il est

  8   parti de la réunion sans avoir signé l'accord.

  9   Q.  Est-ce qu'à un moment donné Mladic a signé ?

 10   R.  Je crois. Il faudrait que je vérifie, mais je crois qu'au bout d'un ou

 11   deux jours, Mladic a signé, ou lors de la réunion suivante.

 12   Q.  Dites à la Chambre, s'il vous plaît, quels sont les effets d'un accord

 13   de cessation d'hostilités ?

 14   R.  Eh bien --

 15   Q.  Bien sûr, il y a deux aspects. Je vais vous expliquer ma question, car

 16   je vois que vous êtes en train de rire.

 17   Tout d'abord, quel devait être l'effet d'un accord de cessation des

 18   hostilités à l'époque ?

 19   R.  Je suppose que l'officier ou le dirigeant, ayant signé un accord de

 20   cessation des hostilités, allait ensuite donner des ordres au sein de sa

 21   propre chaîne de commandement afin de faire en sorte que ses forces ne

 22   mènent pas d'activités de combat.

 23   Q.  En matière générale, est-ce que vous pourriez dire à la Chambre de

 24   première instance, d'après votre évaluation, combien d'accords de cessation

 25   des hostilités ou de cessez-le-feu ont été négociés pendant votre mandat ?

 26   R.  Ils étaient nombreux. Combien ? Dix, 20, 30, je ne sais pas. Ils

 27   étaient tellement nombreux et ils n'ont jamais été respectés.

 28   Q.  Lorsque vous dites "ils n'ont jamais été respectés," peut-on dire que

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  1   les deux parties - et je veux dire par là à la fois les Serbes de Bosnie et

  2   la présidence comme vous l'appelez - violaient ces cessez-le-feu ?

  3   R.  Oui. A mon avis, les trois parties, les Musulmans de Bosnie, les

  4   Croates de Bosnie et les Serbes de Bosnie, violaient les accords de cessez-

  5   le-feu lorsque ça les arrangeait.

  6   Q.  Bien. Pour ce qui est des violations des cessez-le-feu, je pense que

  7   vous êtes arrivé à une position concernant les accords de cessez-le-feu de

  8   façon générale, et je souhaite faire référence à quelque chose que vous

  9   avez dit au préalable lors de votre déposition lorsque vous avez dit :

 10   "Nous avons essayé de négocier le cessez-le-feu, et depuis notre arrivée en

 11   Bosnie-Herzégovine, très souvent, les dirigeants des Serbes de Bosnie

 12   souhaitaient que l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine soit couverte par le

 13   cessez-le-feu. Autrement dit, ils voulaient consolider leurs gains,

 14   consolider ce qu'ils avaient capturé, alors que les dirigeants bosniens

 15   déclaraient qu'ils voulaient les cessez-le-feu."

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.

 17   Mme CARTER : [interprétation] Peut-on avoir la référence ?

 18   M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi. Il s'agit de la page 5 795,

 19   ligne 129 [comme interprété].

 20   "En réalité, ils se comportaient de façon à ce que chaque fois qu'ils

 21   étaient sous la pression militaire de la part des Serbes, ils voulaient les

 22   cessez-le-feu locaux, mais ensuite ils essayaient de les violer et de

 23   provoquer les Serbes."

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Et ce qui se déroulait, c'est que

 25   les Serbes de Bosnie, comme je l'ai déjà décrit dès le début lorsque je

 26   parlais de la première réunion avec Mladic et Karadzic, ils disaient et

 27   soulignaient toujours, Nous voulons être notre propre entité; nous voulons

 28   être reconnus comme Etat; nous voulons la reconnaissance; nous voulons un

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  1   cessez-le-feu portant sur l'ensemble des lignes de front.

  2   La présidence a déclaré qu'ils soutenaient l'idée d'un cessez-le-feu

  3   aussi, mais la réalité pratique était qu'ils ne reconnaissaient pas le

  4   statu quo et souhaitaient reprendre les territoires dont les Serbes de

  5   Bosnie s'étaient emparés. Par conséquent, ils lançaient des attaques

  6   locales. Lorsque les Serbes de Bosnie ripostaient à ces attaques locales et

  7   les repoussaient au bout d'un jour ou deux en moyenne, car les Serbes de

  8   Bosnie n'étaient pas suffisamment nombreux à tous les endroits de cette

  9   longue ligne de front, les Musulmans avançaient jusqu'à ce que les Serbes

 10   de Bosnie n'utilisent les armes lourdes contre eux. Deuxièmement, s'il

 11   s'agissait d'une irruption assez importante, les forces régulières les

 12   repoussaient afin de rétablir la ligne de front.

 13   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 14   Q.  Très bien. Et je suppose que vous avez eu cette expérience lorsque vous

 15   êtes arrivé en Bosnie en octobre 1992 et jusqu'à votre départ en 1993 ?

 16   R.  Oui, il y a une autre dimension, c'est-à-dire le déploiement de l'ONU

 17   en Bosnie en vertu de l'article 6. Nous étions là afin de fournir l'aide

 18   humanitaire, mais notre mandat ne nous permettait pas de participer aux

 19   combats. Et la présidence essayait sans cesse de changer cela et d'obtenir

 20   que les forces des Nations Unies se battent avec eux contre les Serbes.

 21   Q.  Lorsque vous parlez de cette tentative, c'étaient les tentatives de la

 22   présidence, autrement dit, des Musulmans de Bosnie.

 23   R.  C'est exact.

 24   Q.  Ils essayaient d'obtenir que les forces des Nations Unies se battent

 25   avec eux contre les Serbes. Je souhaite maintenant parler d'un autre

 26   incident, les tirs de mortiers en provenance de l'hôpital de Kosevo, à

 27   Sarajevo; vous savez de quoi je parle ?

 28   R.  Je crois que vous parlez d'un incident lors duquel des membres du

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  1   personnel de l'ONU fournissaient le diesel à l'hôpital et ils ont vu un

  2   détachement mobile de mortiers légers qui avait été déployé là-bas. Il

  3   s'agissait des militaires musulmans de Bosnie à l'intérieur de Sarajevo qui

  4   avaient été déployés dans l'hôpital et qui tiraient depuis l'hôpital sur

  5   les forces qui encerclaient Sarajevo, et ensuite se retiraient rapidement

  6   de l'hôpital. Il était connu que les Serbes de Bosnie encerclaient Sarajevo

  7   et qu'ils avaient un radar permettant de localiser les mortiers. Et ce

  8   radar capable de voir les obus de mortiers dans l'air pouvait calculer

  9   l'emplacement d'où les obus étaient tirés. La preuve en est que les Serbes

 10   de Bosnie ont immédiatement riposté, dès qu'ils pouvaient, dans la

 11   direction de l'emplacement dont les tirs provenaient.      

 12   Cependant, cet emplacement était l'hôpital de Kosevo, alors la contre-

 13   attaque des Serbes a eu pour cible, finalement, l'hôpital de Kosevo. Et si

 14   je me souviens bien, il y a eu une conférence de presse qui a été organisée

 15   par la présidence à l'hôpital au bout d'une demi-heure. Effectivement, à ce

 16   moment-là, pendant la conférence de presse, les obus serbes tombaient sur

 17   l'hôpital.

 18   Q.  Lorsque vous dites une conférence de presse, qui l'avait convoquée ?

 19   R.  Je ne me souviens pas des détails.

 20   Q.  C'était une question plutôt générale, quelqu'un de la présidence, je

 21   crois.

 22   R.  Oui, quelqu'un de la présidence.

 23   Q.  Vous avez eu des informations, à moins que je ne me trompe, indiquant

 24   que le directeur de l'hôpital, qui était une personne qui non seulement

 25   soutenait la cause générale de la présidence, mais je crois que c'était un

 26   extrémiste aussi ?

 27   R.  Je ne me souviens pas de cela.

 28   Q.  Bien. Je fais référence -- j'indique pour l'Accusation à la page 10 022

Page 9235

  1   dans le compte rendu de IT-98-29-T. C'est le conseil qui parlait. En fait,

  2   c'est le Juge qui vous a posé la question par rapport à ce que vous nous

  3   avez dit au sujet des tirs en provenance de l'hôpital de Kosevo. Vous nous

  4   avez dit que vous aviez reçu des informations de deux sources. Est-ce que

  5   vous vous souvenez avoir reçu l'information de deux sources ? Tout d'abord

  6   un sergent britannique, ensuite des journalistes ?

  7   R.  Je pense que l'on est en train de confondre des éléments qui sont --

  8   Q.  Bien. Il y a eu plusieurs incidents de tirs depuis l'hôpital de Kosevo.

  9   Traitons-en successivement.

 10   R.  Nous avons reçu des rapports non confirmés, il s'agissait plutôt de

 11   rumeurs, selon lesquels des obus de mortiers avaient été tirés depuis

 12   l'hôpital de Kosevo de temps en temps. Et c'est seulement lorsque ce

 13   sergent britannique a physiquement vu cela pendant qu'il était en train de

 14   faire une livraison, c'est à ce moment-là que nous avons considéré que nous

 15   avions eu une preuve confirmant cela.

 16   Et en ce qui concerne le journaliste, c'était un événement tout à fait

 17   différent. Je crois que vous faites référence aux tirs de mortiers tirés

 18   contre le quartier général du général Morillon à Sarajevo. En fait, ce

 19   terrain s'appelle la "Résidence," par opposition à la "Présidence," et

 20   c'est là que se trouvait le gouvernement des Musulmans de Bosnie.

 21   Q.  Et en ce qui concerne l'incident lié au général Morillon, c'était chez

 22   lui ou dans son quartier général ?

 23   R.  Au quartier général. Mais c'est là qu'il vivait aussi.

 24   Q.  Les deux.

 25   R.  C'était les deux.

 26   Q.  En ce qui concerne l'incident lié à la résidence lorsque les Bosniaques

 27   ont tiré, est-ce que vous pouvez nous dire quelle était la date ?

 28   R.  Il y a eu deux incidents : l'un a eu lieu le 24 décembre 1992; et le

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  1   deuxième a eu lieu le jour de Noël, c'est-à-dire le 25 décembre 1992.

  2   Q.  Bien. Pour ce qui est de l'hôpital de Kosevo et de cette question liée

  3   à l'hôpital de Kosevo, le Juge vous a posé des questions concernant si vous

  4   saviez s'il y avait des tirs de mortiers en provenance d'autres hôpitaux de

  5   Sarajevo et je crois que vous avez dit que vous ne le saviez pas. Ensuite

  6   vous avez expliqué que le cas de l'hôpital de Kosevo était plutôt unique en

  7   son genre. Est-ce que vous pouvez nous dire, si vous vous souvenez,

  8   pourquoi l'hôpital de Kosevo était unique dans son genre par rapport à la

  9   possibilité de tirer ?

 10   R.  Je ne sais pas si c'est un cas unique, mais j'avais l'impression que,

 11   s'agissant des autres hôpitaux, il s'agissait plutôt de grands bâtiments,

 12   et entre les bâtiments, il y avait des parkings, il y avait des espaces

 13   larges et découverts entre les bâtiments. Et c'est de ces espaces-là qu'il

 14   était possible de tirer, conformément à ce que disait le sergent

 15   britannique.

 16   Q.  Bien. Puis il y avait un troisième élément que j'ai mentionné

 17   concernant l'extrémiste.

 18   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je fais référence à la page

 19   10 024.

 20   Q.  Vous avez répondu à la question du Juge. En fait, tout d'abord, le juge

 21   vous a posé une question concernant votre hôpital, et vous avez commencé la

 22   réponse à la ligne 4 : 

 23   "Je dois savoir plusieurs choses. Il faut répondre en plusieurs

 24   parties. Tout d'abord, je peux dire que je n'ai pas de connaissance

 25   concernant de tels tirs à proximité d'autres hôpitaux à Sarajevo."

 26   "Deuxièmement, les autres hôpitaux de Sarajevo sont des bâtiments

 27   très différents."

 28   C'est pour ça que j'ai dit que le cas du Kosevo était unique.

Page 9237

  1   "L'hôpital de Kosevo est le seul qui s'étendait sur une mesure assez large.

  2   Les autres hôpitaux sont des bâtiments uniques et solides avec des

  3   bâtiments militaires à côté, donc peut-être leur tactique n'aurait pas

  4   marché."

  5   Ensuite vous dites :

  6   "La troisième chose que je souhaite dire est que le directeur de

  7   l'hôpital de Kosevo était connu comme extrémiste, comme quelqu'un de

  8   radical et quelqu'un qui croyait qu'il fallait soutenir cette tactique dans

  9   l'intérêt plus grand du soutien, d'après lui, à la cause bosniaque, alors

 10   que les directeurs des autres hôpitaux, à notre avis, étaient concentrés

 11   plus sur les intérêts médicaux et refusaient d'avoir ce genre d'actions."

 12    Et c'est ce à quoi je faisais référence lorsque j'ai mentionné qu'il

 13   était extrémiste. Est-ce que vous vous souvenez maintenant ?

 14   R.  Oui, vous m'avez rafraîchi la mémoire. Je me souviens qu'il y

 15   avait quelque chose concernant le directeur de l'hôpital de Kosevo. Je ne

 16   me souviens pas maintenant de son nom. Peut-être ç'a été mentionné dans mes

 17   notes, mais vous savez, ça s'est passé il y a longtemps, donc je ne me

 18   souviens plus.

 19   Q.  Pendant que l'on parle encore de la question des hôpitaux, parmi

 20   les élément au sujet desquels on a attiré votre attention, il y avait aussi

 21   le trafic d'explosifs dans les bouteilles d'oxygène que l'on transportait

 22   aux hôpitaux; est-ce exact ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Les bouteilles d'oxygène, si je ne me trompe, constituent certainement

 25   une forme d'aide humanitaire, et c'est certainement quelque chose qui est

 26   crucial et nécessaire pour le bon fonctionnement d'un hôpital, n'est-ce pas

 27   ?

 28   R.  Oui, c'est exact.

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  1   Q.  À votre avis, est-ce qu'il serait approprié que les explosifs fassent

  2   l'objet de contrebande vers l'hôpital en utilisant les bouteilles d'oxygène

  3   alors que, soi-disant, c'était livré aux fins d'aide humanitaire ?

  4   R.  Il s'agirait certainement d'une violation de l'accord entre les parties

  5   belligérantes et avec les Nations Unies si l'on trafiquait les explosifs ou

  6   les armes sous forme cachée dans le cadre de l'aide humanitaire.

  7   Q.  Pour ce qui est de la question des explosifs qui étaient trouvés dans

  8   le cadre de ce qui se faisait passer pour de l'aide humanitaire, est-ce que

  9   vous considérez que, sachant cela, est-ce qu'il aurait été raisonnable de

 10   procéder aux fouilles d'un convoi. Et un convoi qui prétendait, et je ne le

 11   dis pas dans le sens péjoratif, mais qui prétendait d'avoir uniquement un

 12   but humanitaire ?

 13   R.  Maintenant, je vais parler en mon nom personnel. J'aurais pu comprendre

 14   ce souhait, mais je considère également que peu importe la forme de ces

 15   fouilles, leur effet était le fait qu'elles empêchaient l'acheminement de

 16   toute aide humanitaire.

 17   Q.  J'apprécie cela, mais ce n'était pas ma question.

 18   R.  Oui, mais c'est ce que je voulais dire. C'est ce que je pense.

 19   Q.  Je comprends. Mais voilà ma question. Ma question est de savoir s'il

 20   était inapproprié et irraisonnable de fouiller les convois de l'aide

 21   humanitaire, sachant qu'ils étaient utilisés à de telles fins ?

 22   R.  À partir du moment où ceci n'était pas utilisé comme excuse afin

 23   d'empêcher l'acheminement de l'aide humanitaire.

 24   Q.  Monsieur, si vous savez qu'un convoi d'aide humanitaire contenait des

 25   armes, à votre avis, vous considérez qu'il fallait laisser passer ces

 26   convois --

 27   R.  Non.

 28   Q.  -- avec les armes ?

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  1   R.  Non, c'était notre position. D'après nous, aucune arme ne devait être

  2   autorisée dans le cadre de convois humanitaires. Il y a eu des situations

  3   où nous avons trouvé des armes dans le convoi d'aide humanitaire. Dans ce

  4   cas là, nous avons protesté de la manière la plus ferme possible auprès de

  5   la partie qui était responsable de cela.

  6   Q.  Mais, en réalité, les fortes protestations étaient formulées vis-à-vis

  7   des parties en question, mais ce qui se passait ressemblait à la situation

  8   liée au cessez-le-feu, n'est-ce pas ? Finalement, c'était souvent violé ?

  9   R.  Oui, tout comme la plupart des demandes d'aide humanitaire.

 10   Q.  Je vois.

 11   M. GUY-SMITH : [interprétation] Le moment est-il opportun pour

 12   procéder à une pause ?

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Nous allons faire une pause

 14   et reprendre notre travail à 12 heures 30.

 15   --- L'audience est suspendue à 11 heures 57.

 16   --- L'audience est reprise à 12 heures 29.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith.

 18   M. GUY-SMITH : [interprétation] Vous me permettez, Monsieur le Président ?

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je croyais bien l'avoir dit,

 20   Maître Guy-Smith.

 21   M. GUY-SMITH : [interprétation] Puis-je procéder ?

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je crois avoir dit oui, Maître Guy-

 23   Smith.

 24   M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous en prie.

 26   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 27   Q.  Je voudrais que nous revenions un instant pour traiter de certains

 28   aspects de chronologie de dates, si possible. D'après ce que j'ai compris,

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  1   du côté du 31 octobre 1992, c'est le moment où l'armée serbe de Bosnie a

  2   tenté, comme vous l'avez dit, de couper en deux Sarajevo; c'est exact ?

  3   R.  C'est exact.

  4   Q.  Maintenant, après ce moment-là, si nous passons au mois de novembre. Au

  5   cours du mois de novembre, comme vous vous en souvenez, y a-t-il eu des

  6   convois qui sont sortis de Sarajevo aux fins de livrer ou d'emmener ou bien

  7   des personnes ou bien de l'aide ?

  8   R.  Oui, il y a eu des convois qui sortaient de Sarajevo vers Gorazde.

  9   Q.  Bien.

 10   R.  Il y avait bien d'autres convois que le HCR utilisait pour faire

 11   certaines livraisons en Bosnie-Herzégovine, mais je ne me rappelle pas tous

 12   ces convois.

 13   Q.  Très bien. Maintenant, juste du côté du 4 ou du 5 novembre, vous

 14   rappelez-vous qu'il y ait eu des négociations entre la présidence,

 15   représentée, je le pense, par Izetbegovic; Pale étant représentée, à ce que

 16   je crois, par M. Karadzic; et la Croatie représentée, je n'en suis pas sûr

 17   par qui, en ce qui concerne les convois de cars de Serbes et de Croates, de

 18   Serbes quittant Sarajevo pour aller à Belgrade, de Croates quittant

 19   Sarajevo pour aller à Split ?

 20   R.  Oui, c'est exact.

 21   Q.  En ce qui concerne les représentants de la partie croate que nous avons

 22   juste abordés très légèrement, mais qui, en fait, avaient une importance

 23   certaine à l'époque, le représentant de la partie croate aurait été Bobetko

 24   ?

 25   R.  Non, Bobetko, à ce moment-là, appartenait à l'état-major général de

 26   l'armée croate, autrement dit, il était hors de Zagreb. Les négociations à

 27   partir de Pale -- la première chose à dire, c'est que les négociations pour

 28   cette action particulière ont été menées entre les quartiers généraux du

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  1   secteur de Sarajevo ou par le quartier général du secteur Sarajevo, plutôt

  2   que par mon propre quartier général.

  3   Q.  Je vois.

  4   R.  Et ils s'occupaient, les gens du secteur du quartier général de

  5   Sarajevo, ils avaient un officier de liaison, un Serbe de Bosnie, qui était

  6   basé au bâtiment des PTT de Sarajevo, qui constituait le quartier général

  7   du secteur de Sarajevo ayant des communications par le truchement de

  8   Lukavica, qui était le quartier général militaire à cet endroit-là. Le

  9   Serbe -- non, excusez-moi, le négociateur pour les Croates, lui, je ne sais

 10   pas qui c'était. Je supposerais que c'était le colonel Siber.

 11   Q.  Très bien. Maintenant, après les négociations qui ont eu lieu au début

 12   de novembre, je crois qu'il y a eu une autre réunion que vous avez eue le

 13   14 novembre, et c'est une réunion que vous avez eue avec le général Galic.

 14   Vous vous rappelez cela ?

 15   R.  Je ne pourrais pas vous dire aujourd'hui ici, Oui, c'était le 14. Mais

 16   oui, certainement, il y a eu un certain nombre de réunions avec le général

 17   Morillon. En fait, c'est le général Morillon qui a eu des réunions avec le

 18   général Galic à l'époque.

 19   Q.  Je voulais relire la déclaration avant de voir si ceci pourrait vous

 20   rafraîchir la mémoire en ce qui concerne ce que vous avez dit précédemment

 21   concernant la réunion que vous avez eue avec le général Galic le 14. Ce

 22   serait à la page 10 :

 23   "Le 14 novembre, nous avons eu une première réunion avec Stanislav Galic au

 24   quartier général à la caserne de Lukavica" -- excusez-moi, "… à l'extérieur

 25   de Sarajevo, près de l'aéroport. Galic n'était pas au niveau avec qui

 26   Morillon se serait normalement réuni."

 27   Je pense que là vous vous référez encore à une question de rang dont nous

 28   avons parlé déjà précédemment, c'est-à-dire des hommes ou femmes militaires

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  1   de grade égal qui se réunissaient sans avoir affaire à un supérieur ou à un

  2   subalterne ?

  3   R.  C'est exact.

  4   Q.  "Je crois que Morillon essayait de se mettre en rapport avec Mladic en

  5   ce qui concerne le déploiement du 2e Bataillon canadien dans le secteur de

  6   Banja Luka, mais Morillon avait des difficultés à se mettre en rapport avec

  7   Mladic."

  8   Maintenant, c'est la même chose. La discussion pour le 2e Bataillon

  9   canadien qui se déroulait probablement depuis le mois d'octobre ?

 10   R.  Oui, c'est exact. Et si vous vous rappelez, en mars, j'ai parlé d'un

 11   bataillon canadien qui était bloqué à l'extérieur de Zvornik, et c'était le

 12   même bataillon cinq mois plus tard.

 13   Q.  Vous aviez dit qu'il y avait un bataillon canadien qui était bloqué à

 14   l'extérieur de Zvornik. Est-ce que c'était près du pont de Zvornik ?

 15   R.  Oui. En se rendant en traversant le pont de Zvornik du côté de la

 16   Bosnie, en entrant du côté serbe, si vous vous teniez immédiatement à

 17   gauche, il y avait une longue route et une aire de stationnement, et il y

 18   avait le bataillon canadien qui était aligné là avec toute une rangée de

 19   véhicules et des soldats qui, littéralement, vivaient sur ces véhicules et

 20   dans des petites tentes qui étaient dressées le long de leurs véhicules.

 21   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je voudrais voir, s'il vous plaît, le

 22   document 1D00-2594, qui est une vue aérienne d'un pont.

 23   Q.  J'aimerais --

 24   M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, D22. Excusez-moi. La pièce D22

 25   de la Défense. Je me suis trompé.

 26   Q.  Est-ce que vous l'avez devant vous ?

 27   R.  Oui.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith, je crois que cette

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  1   pièce est sous pli scellé.

  2   M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi. Je ne sais pas pourquoi c'est

  3   le cas, mais je suppose qu'il faut que nous allions en audience à huis clos

  4   partiel.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Que nous allions en audience à huis

  6   clos partiel.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

  8   partiel, Monsieur le Président.

  9   [Audience à huis clos partiel]

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 24   [Audience publique]

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Greffier.

 26   Oui, Maître Guy-Smith.

 27   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 28   Q.  Ce pont semble avoir une qualité un peu fuyante --

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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith.

  2   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que la Chambre peut partir de

  4   l'hypothèse que l'image, telle qu'elle est présentée, est orientée nord,

  5   sud, est, ouest --

  6   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, je crois que c'est le cas.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous pouvons partir de cette idée.

  8   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui.

  9   Q.  Alors Mladic, que Morillon essayait de contacter en ce qui concerne la

 10   question du déploiement du Bataillon canadien, n'était pas disponible; on

 11   n'arrivait pas à le trouver ?

 12   R.  C'est exact.

 13   Q.  Et vous avez appris que Mladic, en l'occurrence, était engagé dans des

 14   combats, n'est-ce pas ?

 15   R.  Ceci était dans les conséquences, et la suite de la dernière tentative

 16   pour attaquer Sarajevo.

 17   Q.  Bien. Et est-ce que vous comprenez que c'est là que Mladic se trouvait

 18   le 14 ? Parce que vous dites ici, je cite :

 19   "Je pense que Mladic était préoccupé pour ce qui est de traiter de cette

 20   urgence dans le sud-est de la Bosnie, où ses forces, je crois, avaient subi

 21   une attaque de la part des Croates."

 22   R.  Ça, c'est une question tout à fait différente. C'était l'attaque qui,

 23   en fait, je ne peux pas me rappeler le nom de l'endroit, mais je l'ai dans

 24   mes notes. Je peux le désigner sur la carte.

 25   Q.  Bien. Mais en ce qui concerne la partie sud-est de la Bosnie où cette

 26   attaque avait lieu, c'est-à-dire une attaque impliquant seulement des

 27   forces croates, était-ce cela ou est-ce que c'était une attaque qui

 28   impliquait une combinaison de forces croates et d'autres forces, si vous le

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  1   savez ?

  2   R.  Nous n'avions pas de personnel dans le secteur de façon à vérifier ceci

  3   ou cela. Ce que Mladic nous a dit, c'est que c'était une combinaison de

  4   forces croates de Bosnie renforcées par les forces de la République de

  5   Croatie. En d'autres termes, des forces commandées depuis Zagreb.

  6   Q.  Est-ce qu'il y aurait eu -- enfin, je mentionne un secteur pour voir si

  7   ceci vous rafraîchit la mémoire --

  8   R.  Trebinje.

  9   Q.  Maintenant, en ce qui concerne ce combat particulier, si j'ai bien

 10   compris les choses, Mladic avait à combattre deux groupes distincts de

 11   forces à ce moment-là. L'un devait être les forces croates; et l'autre

 12   était l'ABiH, les forces de Bosnie-Herzégovine; c'est bien cela ? Il

 13   combattait sur deux fronts ?

 14   R.  Oui, effectivement. Il y avait là ces fronts, parce que --

 15   Q.  Trois fronts.

 16   R.  -- il y avait l'armée musulmane de l'ABiH de Bosnie-Herzégovine et, de

 17   temps en temps, il avait aussi été engagé à combattre contre le HVO, qui

 18   était croate -- non, excusez-moi, je voulais dire les militaires croates de

 19   Bosnie qui, je crois, à ce moment-là, étaient commandés par le général de

 20   brigade Petkovic. Donc trois fronts. Troisièmement, il était avec le HV qui

 21   était l'armée de la République de Croatie, en d'autres termes, l'armée

 22   commandée qui avait son quartier général à Zagreb.

 23   Q.  En ce qui concerne les renseignements que vous aviez - et je vais

 24   revenir un moment à la question qui avait été évoquée pour ce qui était

 25   d'une inégalité en ce qui concerne, d'une part, les armes lourdes et,

 26   d'autre part, l'infanterie - est-ce que vous aviez des renseignements

 27   concernant l'importance des effectifs de ces diverses forces, et par cela

 28   je veux dire le HVO, l'armée croate, tel que vous avez explicité les

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  1   choses, et l'ABiH.

  2   R.  De la même façon, nous avions des appréciations faites au niveau des

  3   renseignements qui avaient été préparées avant notre déploiement et qui

  4   continuaient d'être développées pendant que nous étions déployés en Bosnie-

  5   Herzégovine, à savoir que l'ABiH avait un très grand nombre d'hommes qui,

  6   par définition, parce qu'ils étaient yougoslaves, avaient fait leur service

  7   militaire et, par conséquent, qui savaient se servir des armes. Tous, pour

  8   la plupart, pratiquement tout homme adulte en Bosnie-Herzégovine savait

  9   comment se servir d'armes de poing ou d'armes légères. Toutefois, ils

 10   n'avaient pas tant de petites armes que cela et ils avaient très peu

 11   d'armes lourdes.

 12   Le HVO, qui est la milice croate à l'intérieur de Bosnie, par comparaison,

 13   était beaucoup mieux équipé, et ils étaient équipés par le HV. Il était

 14   clair qu'il y avait une ligne de communication depuis la direction de Split

 15   jusqu'au centre de la Bosnie pour laquelle le HVO avait un accès facile au

 16   matériel, que les autorités croates à Zagreb auraient remis à leur

 17   disposition.

 18   Le HV lui-même, les forces militaires de la République de Croatie étaient

 19   encore mieux équipées que le HVO, pouvaient acheter du matériel sur le

 20   marché international et ils pouvaient avoir du matériel qui était mis à

 21   leur disposition dans le cadre de ventes d'armes internationales.

 22   Q.  En ce qui concerne le nombre de ces armées pour ce qui est notamment

 23   des hommes, des combattants, seriez-vous à même de nous donner des chiffres

 24   ?

 25   R.  C'est une question qui est un peu dépourvu d'intérêt, parce que,

 26   littéralement, tout homme adulte pouvait prendre une arme et tous avaient

 27   des effets d'uniformes militaires. Il était très difficile d'identifier ce

 28   qu'est un soldat, par rapport à un soldat de métier qui a été formé par

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  1   rapport à quelqu'un qui est, en fait, un civil qui a fait son service

  2   militaire et qui sait se servir d'une arme de poing ou d'une arme légère.

  3   Q.  Bien. Donc ceci simplement pour mieux comprendre quelle était la

  4   situation en ce qui concerne les villages qui subissaient cette pression

  5   dont vous nous avez parlé, pouvez-vous nous dire, dans ces villages,

  6   combien de villageois étaient ou bien directement impliqués avec l'ABiH,

  7   disons sous l'autorité d'Oric qui, je crois, était le commandant de

  8   l'enclave de Srebrenica, ou qui étaient les compagnons qui se déplaçaient,

  9   et par là je veux dire ceux qui étaient des sympathisants pour la cause de

 10   Bosnie ?

 11   R.  Là encore, je fais des estimations. Ceci n'est pas parce que j'ai des

 12   renseignements précis. La réalité, c'était qu'à l'intérieur de l'enclave de

 13   Srebrenica, les Musulmans avaient un très petit nombre de petites armes.

 14   Naser Oric --

 15   Q.  Excusez-moi, je vous pose une question qui concerne les combattants

 16   capables de porter des armes, et non pas les armes elles-mêmes.

 17   R.  Pourriez-vous répéter la question ?

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.

 19   Mme CARTER : [interprétation] Monsieur le Président, je dois objecter. La

 20   question posée est précisément celle à laquelle le colonel Tucker essayait

 21   était en train d'essayer de répondre. Elle a été reformulée maintenant.

 22   M. GUY-SMITH : [interprétation] Non, non, ce n'est pas le cas. Pourriez-

 23   vous nous dire dans ces villages combien de villageois étaient soit

 24   directement impliqués avec l'ABiH, par exemple, sous l'autorité d'Oric, ou

 25   qui étaient ceux qui se déplaçaient ? Ceci n'a rien à voir avec la question

 26   des armes.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce qui est distinct de la force

 28   numérique du HV, du HVO et de l'ABiH.

Page 9251

  1   Mme CARTER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Toutefois,

  2   lorsqu'elle est reformulée, il demande simplement qui étaient les hommes en

  3   état de porter des armes pour essayer de limiter encore les choses. Je

  4   pense que le témoin devrait avoir la possibilité de répondre à la première

  5   question telle qu'elle a été posée en ce qui concerne qui se trouvait

  6   présent à l'intérieur de Srebrenica.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous objectez à cause de la

  8   séquence des questions ou est-ce que vous objectez parce que la question

  9   elle-même soulève des objections ?

 10   Mme CARTER : [interprétation] J'objecte au fait que le témoin n'ait pas la

 11   possibilité de répondre à la question posée.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] S'il n'est pas en mesure de répondre

 13   aux questions posées et qu'il dit, Je ne suis pas en mesure de répondre,

 14   est-ce que c'est un motif d'objection ?

 15   Mme CARTER : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce qu'il a dit

 16   qu'il ne pouvait pas répondre à la question ? Il a commencé à répondre à la

 17   question, mais Gregor Guy-Smith l'a coupé et a lui a posé une question

 18   distincte. Donc nous demandons que le témoin puisse --

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La question précédente où on lui a

 20   coupé la parole, pouvez-vous, s'il vous plaît, vous référer au compte rendu

 21   où ça s'est passé ?

 22   Mme CARTER : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président, 76

 23   commence -- non, ça c'est une répétition. Excusez-moi.

 24   La question initiale se trouve à la page 75 commençant à la ligne 15. Il

 25   commence par une réponse à la ligne 22, puis on y coupe la parole et on lui

 26   pose une question distincte commençant à la ligne 25. Je voudrais demander

 27   que le témoin soit autorisé à répondre aux questions telles que posées.

 28   M. GUY-SMITH : [interprétation] En ce qui concerne la question que j'ai

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  1   posée, la réponse du colonel Tucker, ce n'était pas une réponse. Je suis

  2   heureux de reposer la même question, telle que je l'ai posée à la page 75,

  3   sous sa forme mot à mot.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Posez-là. Pourriez-vous juste

  5   poser la question au lieu de nous donner le cadre général de renseignements

  6   autour. Si on pose des questions brèves et que l'on obtient des réponses

  7   brèves, la communication fonctionnera beaucoup mieux --

  8   M. GUY-SMITH : [interprétation]

  9   Q.  Vous avez témoigné qu'il y avait des villages qui subissaient des

 10   pressions et vous nous avez dit ce que vous avez appris quant à la façon

 11   dont les forces serbes de Bosnie attaquaient, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  En ce qui concerne ces villages dont vous avez dit à la déposition

 14   qu'ils subissaient des pressions, pourriez-vous nous dire combien

 15   d'habitants des villages se trouvaient sous le commandement de l'ABiH dans

 16   ce secteur commandé par Oric, Naser Oric ?

 17   R.  A l'évidence, je n'ai pas de renseignement des services de

 18   renseignement en ce qui concerne les nombres. Je n'étais pas dans ces

 19   villages. Ce que je peux dire, c'est qu'à ce que je comprends, ceci a été

 20   confirmé aussi par Naser Oric lorsque Morillon lui a parlé, c'est que ces

 21   villages contenaient des villageois, plus souvent des réfugiés qui

 22   s'étaient enfuis de certains villages. Toutefois, il n'y avait pas de

 23   combattants dans ces villages. Il y avait un deuxième groupe de personnes

 24   qui étaient des combattants et qui étaient, pour les décrire, il y avait

 25   une hiérarchie de commandement avec Naser Oric et le point déterminant,

 26   c'étaient les armes qui étaient disponibles.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais combien de ces combattants y

 28   avait-il qui se trouvaient sous les ordres de Naser Oric ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] J'estimais que c'était probablement plusieurs

  2   milliers autour du périmètre de l'enclave de Srebrenica. Mais c'est une

  3   estimation purement personnelle. Ce n'est pas quelque chose que je me sois

  4   préoccupé d'essayer d'évaluer, parce que, pour nous, c'étaient des

  5   informations dépourvues de signification.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et dans quels villages y avait-il

  7   précisément ces personnes ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Ces personnes ne se trouvaient pas dans les

  9   villages. Ces personnes se trouvaient sur la ligne de front, et la ligne de

 10   front était déplacée quand elle était repoussée. Evidemment, ces personnes

 11   se sont retirées --

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que je comprends que vous dites

 13   que votre réponse concernant plusieurs milliers de combattants sous les

 14   ordres de Naser Oric, en fait, ce n'est pas une réponse à la question de Me

 15   Guy-Smith, parce que maintenant vous nous parlez d'une estimation

 16   concernant la ligne de front, non pas une estimation des nombres de

 17   personnes dans les villages ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] L'estimation concernant plusieurs milliers

 19   concerne l'ensemble de la poche de Srebrenica. Je ne suis pas à même de

 20   vous dire combien de combattants il peut y avoir eus ou non dans tel ou tel

 21   village à un moment donné.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Guy-Smith. J'espère ne

 23   pas avoir ajouté de la confusion à la question.

 24   M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci. Je ne pense pas que ce soit le cas,

 25   Monsieur le Président.

 26   Q.  Vous rappelez-vous la question des convois qui avaient été envoyés à

 27   Srebrenica le 17 novembre et le problème discuté entre Morillon et Mladic ?

 28   R.  Si je me souviens --

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  1   Q.  1992 ?

  2   R.  Si je m'en rappelle bien, c'était lorsque Mladic avait dit à Morillon

  3   de présenter un itinéraire et lorsqu'il a lui-même, ou son état-major ou

  4   son personnel, avait modifié l'itinéraire de façon à essayer de s'assurer

  5   qu'ils court-circuitaient des zones où il y aurait des difficultés. C'était

  6   une réunion vers cette époque entre le général Morillon et le général

  7   Mladic que je me rappelle que Mladic s'est levé et est sorti de la réunion

  8   alors qu'il y avait des renseignements qu'il recevait de son propre

  9   personnel concernant la progression du convoi.

 10   Q.  Et c'était à cette réunion que vous avez commenté, vous avez vu que

 11   ceci n'est pas exact. Encore une fois me référant à votre déclaration, vous

 12   dites à la page 11, je cite :

 13   "Le général de corps d'armée Mladic a pratiquement fait aucun effort pour

 14   cacher que le fait que rien n'arriverait si les Serbes de Bosnie tenaient

 15   la BiH sans son approbation spécifique. Il était très apparent qu'il

 16   prenait toutes les décisions militaires en pratique, et c'étaient ces

 17   seules décisions qui comptaient."

 18   R.  Oui, c'était très évident.

 19   Q.  En ce qui concerne la réunion à laquelle assistaient Mladic et Morillon

 20   concernant les convois, il y a quelque chose qui, je crois, est assez

 21   spectaculaire qui s'est passé le 17 novembre. C'était que le fait que le

 22   HCR de l'ONU a suspendu toute les livraisons d'aide à la Bosnie orientale,

 23   à la fois aux Serbes de Bosnie et autres communautés; est-ce exact ?

 24   R.  Oui, je me rappelle que ça a eu lieu. Ceci a été déclenché par deux ou

 25   trois éléments.

 26   Q.  Avant que nous arrivions à cela, pour replacer les choses dans un

 27   contexte, qu'est-ce qui s'était passé avant cela pour que le HCR de l'ONU

 28   suspende les fournitures d'aide humanitaire ? Mladic avait imposé les

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  1   conditions particulières à ce convoi, ses facultés de se déplacer; c'est

  2   bien cela ?

  3   R.  Oui, il avait imposé un certain nombre de contraintes.

  4   Q.  Donc, indépendamment ou en réaction à ces contraintes, le HCR de l'ONU

  5   avait décidé qu'ils suspendraient la livraison de l'aide humanitaire, parce

  6   que de leur point de vue, il était nécessaire d'avoir une appréciation

  7   globale des besoins ainsi qu'une intention manifestée de façon plus claire

  8   d'une plus grande coopération par les autorités au niveau central et au

  9   niveau local; c'est bien cela ?

 10   R.  C'est une description assez vague.

 11   Q.  Je me réfère à ce que vous avez dit dans votre déclaration, en fait, je

 12   viens de vous citer ce que vous avez dit, qui était, je cite :

 13   "Le HCR suspend, le 17 novembre, toute livraison de secours à la Bosnie

 14   orientale, à la fois aux Serbes de Bosnie et à d'autres communautés, en

 15   attendant une évaluation globale des besoins ainsi qu'une coopération plus

 16   sérieuse par les autorités au niveau central et au niveau local."

 17   R.  Oui, mais il y avait plus que cela.

 18   Q.  Bien. Alors, je ne veux pas [comme interprété] traiter de la question

 19   maintenant sur cette question de la suspension. Mais d'après ce que je

 20   comprends de ce qui s'est passé, il y a une eu une lettre qui avait été

 21   écrite par le HCR de l'ONU qui a indiqué qu'une suspension de l'aide aurait

 22   lieu.

 23   R.  Oui, je pense que c'est exact.

 24   Q.  Et quand cette lettre a été rédigée, elle indiquait qu'une suspension

 25   aurait lieu à tel moment. Quelle a été votre réaction - je dis "votre" en

 26   parlant de Morillon et de vous, évidemment - lorsqu'il s'agissait de

 27   suspendre cette action indépendante du HCR de suspendre, étant entendu que,

 28   bien sûr, il faut en ce moment, à la lumière de ce qu'ils avaient compris

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  1   qu'étaient les exigences de Mladic ?

  2   R.  Je me souviens que Morillon était vraiment très fâché. Ça l'avait

  3   vraiment choqué.

  4   Q.  Est-ce que c'était à la suite de cette suspension, cette réunion de

  5   Morillon avec le chef du HCR et que c'était l'organisation même qui était

  6   censée fournir cette aide qui a décidé de la suspendre ?

  7   R.  Morillon croyait qu'il lui revenait d'essayer de faire passer l'aide

  8   humanitaire quelles que soient les difficultés l'en empêchant. Le Haut-

  9   commissariat aux réfugiés partageait ces convictions, mais il croyait, et

 10   là je me base sur des souvenirs que j'ai de cette période éloignée, le HCR

 11   pensait qu'ils devraient afficher une position pour essayer de parvenir à

 12   cet objectif à plus long terme qui était de parvenir à une liberté de

 13   mouvement. Et c'était effectivement l'accord de Morillon et du HCR de

 14   parvenir à cette fin, de faire passer l'aide humanitaire.

 15   Q.  Et vous avez maintenant trois façons de voir comment on peut faire

 16   passer l'aide humanitaire : l'avis de Mladic, de Morillon, qui est de faire

 17   passer à tout prix l'aide -- pas à tout prix, mais de la faire passer coûte

 18   que coûte ?

 19   R.  Oui, oui.

 20   Q.  Et vous avez l'avis du Haut-commissariat aux réfugiés, lequel, ici

 21   c'est une supposition que je pose, dit nous sommes une organisation

 22   indépendante et personne ne va nous dicter quelque modalité que ce soit

 23   quant à la façon de faire parvenir de l'aide humanitaire ?

 24   R.  Oui, je pense que vous avez bien résumé la situation.

 25   Q.  Quelle fut la durée de la suspension de la fourniture d'aide

 26   humanitaire de la part du Haut-commissariat vu la décision du Haut-

 27   commissariat d'afficher une position sur la question ?

 28   R.  Je ne me souviens pas exactement, mais avant la fin du mois de

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  1   novembre, les convois d'aide humanitaire recommençaient à passer.

  2   Q.  Et nous parlons là du convoi du 27 novembre ?

  3   R.  Ça, c'est un convoi qui finalement n'est pas arrivé à Srebrenica. Mais

  4   il me faut souligner ceci ici : nous nous sommes surtout intéressés sur les

  5   convois destinés aux enclaves, c'est clair, mais il y a des dizaines

  6   d'autres convois qui étaient destinés à d'autres contrées de la Bosnie. Et

  7   ne perdons pas de vue qu'il y a beaucoup d'autres activités du Haut-

  8   commissariat aux réfugiés. Celui-ci n'a pas fait que s'occuper des convois

  9   dont nous parlons ici.

 10   Q.  Vous avez parlé de ceci et j'en parle tant que tout le monde l'a encore

 11   à l'esprit. Vous avez dit que votre mandat relevait du chapitre 6, n'est-ce

 12   pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  A cet égard, vous n'étiez pas censé vous engager dans des combats. Vous

 15   dites combats, ce sont vos propres termes. Vous avez dit :

 16   "Notre mandat, c'était de ne pas participer à des combats, aucun engagement

 17   combatif."

 18   Je voudrais vous poser quelques questions supplémentaires pour savoir si

 19   vous le savez, lorsque le mandat a cessé de relever du chapitre 6 pour

 20   relever du chapitre 7, est-ce qu'à ce moment-là le mandat ne restait pas le

 21   même s'agissant de l'interdiction d'engagement ? Est-ce que ça ne devait

 22   pas être encore un mandat de maintien de la paix plutôt que d'un mandat

 23   assorti d'autres conditions, ce qui a peut-être fini par semer la

 24   confusion, mais que jamais la FORPRONU n'était censée s'engager dans des

 25   combats ?

 26   R.  La différence essentielle, c'est qu'en application du chapitre 6 pour

 27   réaliser votre mandat, vous ne pouvez pas utiliser la force. Mais au titre

 28   du chapitre 7, les forces des Nations Unies ont le droit d'utiliser la

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  1   force pour réaliser leurs objectifs. C'est la différence clé existant entre

  2   le chapitre 6 et le chapitre 7. C'est l'autorisation qu'avaient les Nations

  3   Unies d'utiliser la force.

  4   Q.  Donc vous estimez que les forces de la FORPRONU ont le droit d'utiliser

  5   une forme d'action agressive pour réaliser son mandat de fourniture d'aide

  6   humanitaire ?

  7   R.  Au titre du chapitre 7, mais nous relevions encore du chapitre 6,

  8   lequel l'interdit.

  9   Q.  Et si je vous disais, Mon Colonel, que c'est une interprétation assez

 10   nouvelle dans le cadre de ce procès que vous nous livrez ici, que nous

 11   avons entendu pas mal de témoins venus nous dire que le mandat en

 12   application du chapitre 7, c'était le maintien de la paix, et que si on

 13   pouvait utiliser l'agression, c'était uniquement en situation de légitime

 14   défense, seriez-vous d'accord avec l'interprétation ainsi livrée du

 15   chapitre 7 ?

 16   R.  D'après le chapitre 6, la légitime défense était, bien sûr, autorisée,

 17   mais le chapitre 6 ne nous autorisait pas à entreprendre d'actions, ni dans

 18   un sens ni dans l'autre.

 19   Q.  Je ne pense pas que vous avez répondu à ma question --

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Carter.

 21   Mme CARTER : [interprétation] Je pense qu'on demande ici au témoin de

 22   donner un avis d'expert sur la portée du chapitre 7. C'est inadéquat. Il a

 23   dit que son expérience personnelle est relative au chapitre 6, alors

 24   maintenant on lui demande de fournir un avis sur le chapitre 7. C'est en

 25   dehors de la portée admissible de la déposition du témoin.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith.

 27   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense que le témoin a établi une

 28   distinction très nette entre ce qui est le chapitre 6 et le 7 et il a

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  1   reconnu qu'il aurait une position différente en application du chapitre 7.

  2   C'est pour ça que je pose la question, parce que dans sa première réponse,

  3   il a dit qu'il n'avait pas le mandat nécessaire d'engagement dans des

  4   combats. J'ai trouvé ça assez étrange étant donné que le mandat énoncé du

  5   chapitre 7 n'autorisait pas la participation de la FORPRONU à des combats

  6   non plus.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je suppose, Maître, mais ce qui est

  8   dit ici --

  9   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je m'excuse.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je le dis à M. Tucker. Le colonel

 11   Tucker n'est pas expert pour parler du mandat de la FORPRONU. Il vous dit

 12   la façon dont il le comprend.

 13   M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais c'est tout ce que je peux demander

 14   aussi. Je lui demandais ce qu'il comprend --

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais c'est ce qu'il a dit. Par

 16   exemple, le chapitre 7 dit qu'on peut utiliser la force, c'est-à-dire

 17   utiliser un bulldozer, c'est-à-dire forcer son chemin pour acheminer

 18   l'aide, alors que le chapitre 6 --

 19   M. GUY-SMITH : [aucune interprétation]

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quand je dis utiliser un bulldozer, je

 21   veux dire l'agression, bien entendu, alors que pour le chapitre 6, c'est

 22   uniquement la légitime défense.

 23   M. GUY-SMITH : [interprétation] Très bien.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est ce qu'il comprend.

 25   M. GUY-SMITH : [interprétation] Ceci, c'est ce que le témoin comprend.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement, c'est ce que je comprends.

 27   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 28   Q.  Lorsque vous êtes rentré au QG, est-ce qu'on vous a dit quelles avaient

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  1   été les règles d'engagement imposées aux forces de la FORPRONU à l'époque à

  2   Sarajevo et dans la région ?

  3   R.  Quand j'étais au QG de la gestion de crise, 1996, après le déploiement,

  4   à ce moment-là, les règles d'engagement étaient tout à fait différentes.

  5   Quand j'étais en Bosnie en 1992 et 1993, c'était le chapitre 6 --

  6   Q.  Lorsque vous étiez au QG de la gestion de crise, est-ce qu'on vous a

  7   communiqué les règles d'engagement qui existaient à Sarajevo s'appliquant à

  8   la FORPRONU ?

  9   R.  Non, ça n'en faisait pas partie et ce qui nous intéressait, c'était les

 10   règles d'engagement s'appliquant aux forces de l'OTAN déployées en Bosnie.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce serait utile que vous répondiez à

 12   la question et de ne rien ajouter. N'offrez pas d'information, par exemple,

 13   à propos de l'OTAN, parce qu'on ne vous pose pas de question là-dessus. La

 14   question porte sur la FORPRONU. Donc on ne vous a pas communiqué les règles

 15   d'engagement à ce moment-là ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 18   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 19   Q.  Parlons maintenant encore de la réunion de Mladic, Karadzic et du

 20   général Morillon le 27 novembre 1992. Et là, une fois de plus, la question

 21   du Bataillon canadien et de son déploiement s'est posée. Vous vous en

 22   souvenez ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Karadzic a réaffirmé la position déjà affichée par Mladic la veille, à

 25   savoir que la question du déploiement du Bataillon canadien à Banja Luka

 26   devait être débattue à une réunion de l'assemblée ?

 27    R.  Exact.

 28   Q.  Et il dit qu'une fois que ce parlement se serait prononcé, il nous

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  1   ferait part de ses décisions; n'est-ce pas ?

  2   R.  Exact.

  3   Q.  Lors de cette réunion, Karadzic et Morillon se sont mis d'accord sur un

  4   itinéraire à prévoir pour ce convoi jusqu'à Srebrenica ?

  5   R.  Exact.

  6   Q.  Et à la suite de cet accord conclu par Morillon et Karadzic, je suppose

  7   que Morillon est reparti voir le Haut-commissariat pour lui dire, Voilà,

  8   maintenant, nous avons trouvé une façon de faire passer l'aide humanitaire

  9   par cette région. Est-ce que vous pourriez cesser votre suspension et

 10   remettre les moteurs en marche ?

 11   C'est une façon un peu ordinaire de le dire, mais vous me comprenez.

 12   R.  Je ne peux pas vous dire exactement à quelle date le Haut-commissariat

 13   a levé cette suspension dont vous venez de parler, mais je peux vous

 14   confirmer qu'un convoi du Haut-commissariat aux réfugiés est parti et a

 15   fini par arriver à Srebrenica.

 16   Q.  Est-ce que Karadzic a fini par vous faire rapport de la question du

 17   déploiement du CanBat ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Ce qui s'est passé, c'est que l'assemblée, si j'ai bien compris, n'a

 20   pas approuvé le déploiement du CanBat selon les modalités qui avaient été

 21   évoquées dans les discussions et avait imposé d'autres conditions par

 22   rapport au gouvernement qui pourrait participer au transfert du CanBat 2 ?

 23   R.  Je ne me souviens plus exactement, mais ce que je sais, je peux vous

 24   confirmer que ce fut une réponse négative et que d'autres conditions ont

 25   été suggérées.

 26   Q.  Vous avez précédemment dit que le 28 novembre, c'était le premier

 27   convoi du HCR qui était arrivé à Srebrenica depuis le début de la guerre.

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Et :

  2   "L'impression générale à ce moment-là, par rapport aux objectifs des

  3   Serbes de Bosnie, c'était que ceux-ci voulaient maintenant la paix. Ils

  4   pensaient que la guerre était finie et ils étaient surtout intéressés à la

  5   consolidation et à la reconnaissance de ce que ces Serbes de Bosnie avaient

  6   obtenu."

  7   R.  Exact.

  8   Q.  Et ceci correspondrait assez bien avec ce dont on a parlé dans le cadre

  9   de cet accord de cessation des hostilités, n'est-ce

 10   pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Et ça s'intègre bien dans la discussion que nous avons eue sur la façon

 13   dont les différentes parties, les Serbes de Bosnie, la présidence, voyaient

 14   la question du cessez-le-feu et de la paix, n'est-ce pas ?

 15   R.  Exact.

 16   Q.  Il serait assez juste de dire que manifestement, suite à ce qui s'est

 17   passé dans les jours qui ont suivi, en très peu de temps autrement dit, la

 18   présidence n'a pas la même opinion pour ce qui est de la paix, puisqu'on

 19   commence de nouveau des actions agressives par rapport au fait de faire une

 20   percée depuis Sarajevo au début de décembre 1992 ?

 21   R.  Exact.

 22   Q.  Et il y a une voix qui me rappelle que c'est bien et que c'est utile de

 23   rappeler l'année, 1992. Et c'est, ma foi, fort utile.

 24   Qu'avons-nous maintenant ? Il y a une certaine partie d'aide humanitaire

 25   qui parvient à destination. Là on a certaines réussites et je suppose que

 26   vous êtes content, si par parfaitement content, vous dites que c'est un pas

 27   dans la bonne direction, un certain progrès ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Et après les réunions que vous avez eues avec Mladic et Karadzic, vous

  2   avez nettement l'impression que ces hommes veulent à ce moment-là une

  3   solution de paix ?

  4   R.  Exact.

  5   Q.  Et vous avez un avis catégoriquement différent de la présidence qui dit

  6   que la présidence n'est pas tout à fait prête à faire la paix ?

  7   R.  Oui. La présidence n'est pas prête à faire la paix, parce que la paix

  8   qu'essayaient d'imposer les Serbes de Bosnie, c'était une paix à la force

  9   des armes, et la présidence ne voulait pas la paix par les armes. C'est

 10   pour ça que la présidence voulait essayer de corriger la situation.

 11   Q.  Et que se passait-il au sujet du contingent croate ?

 12   R.  La partie croate restait tranquille à l'époque et observait ce qui se

 13   passait. Il y avait des combats assez violents entre les Croates de Bosnie

 14   et les Musulmans de Bosnie en septembre et octobre vers Vitez, donc vers le

 15   sud, mais ceci avait fini avant novembre.

 16   Q.  Et pour ce qui est de la situation à Sarajevo, je crois que c'est ce

 17   dont on est en train de parler, vous avez dit, je crois, que c'était

 18   extrêmement froid ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Et qu'il était difficile d'approvisionner la ville en électricité et

 21   gaz; est-ce exact ?

 22   R.  Oui, c'est exact.

 23   Q.  S'agissant de cette question-là et de la même manière que celle où --

 24   plutôt, je vais reformuler. Excusez-moi.

 25   Tout comme des actes agressifs avaient été commis en utilisant les camions

 26   avec des mortiers près de l'hôpital de Kosevo, les Bosniaques avaient pris

 27   une décision locale à Sarajevo visant à limiter l'approvisionnement en

 28   électricité et en carburant. Vous en avez parlé avec le Juge Orie en disant

Page 9265

  1   qu'il s'agissait d'une forme d'exploitation de la misère. Vous vous en

  2   souvenez ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Bien. En ce qui concerne cela --

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Attendez. Madame Carter.

  6   Mme CARTER : [interprétation] Je souhaite simplement connaître la

  7   référence à la page en question.

  8   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je lirai.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que le témoin a parlé avec le

 10   Juge Orie de cela dans les couloirs ou dans le

 11   prétoire ?

 12   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je ne pense pas que cette discussion avec

 13   le Juge Orie ait eu lieu dans le couloir, mais je pense que c'était lors du

 14   procès.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Que ce soit consigné au compte rendu

 16   d'audience que cette discussion avec le Juge Orie a eu lieu dans le

 17   prétoire.

 18   M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est ce que j'allais faire.

 19   Q. Je fais référence maintenant à l'affaire IT-98-29-T et je vais traiter

 20   de plusieurs pages différentes. Tout d'abord, page 10 030, le Juge Orie

 21   vous a posé des questions et vous avez fourni des réponses.

 22   A la ligne 9, le Juge Orie disait :

 23   "J'essaie de comprendre. L'approvisionnement en eau, électricité et gaz

 24   servait leur propre population aussi," et là il fait référence aux

 25   autorités de la présidence. "Pour quelle raison exactement est-ce qu'ils

 26   jouaient ce jeu alors que les résultats en seraient la souffrance de leur

 27   propre population ? Est-ce que vous avez une explication à cela ?"

 28   Et vous avez répondu, Colonel Tucker :

Page 9266

  1   "J'ai une explication et la voici : il existait des éléments au sein de la

  2   direction bosniaque qui considéraient que la seule manière de reprendre ce

  3   dont les Serbes de Bosnie s'étaient emparés était en obtenant

  4   l'intervention internationale en Bosnie ou l'approvisionnement en armes et

  5   munitions en Bosnie, ce qui n'était pas possible à l'époque en raison de

  6   l'embargo sur les armes. Ces personnes considéraient que la seule manière

  7   d'obtenir cette aide internationale était de décrire la situation à

  8   Sarajevo comme tellement sévère que la communauté internationale soit prête

  9   à intervenir. Par conséquent, il n'était pas dans leur intérêt de voir la

 10   situation s'améliorer à Sarajevo. Il n'était pas dans leur intérêt de voir

 11   le sort de leur population civile amélioré. Pour l'exprimer directement,

 12   plus il y avait de souffrance, mieux c'était, car ceci pouvait être montré

 13   devant les caméras de télévision et servirait comme moyen de pression pour

 14   finir par obtenir une intervention internationale."

 15   Le Juge Orie :

 16   "Est-ce qu'en trois mots ce serait l'exploitation de la misère ?"

 17   Et vous avez répondu, Colonel Tucker :

 18   "Est-ce que vous pouvez le redire ?"

 19   Le Juge Orie :

 20   "Est-ce qu'en trois mots on pourrait dire qu'il s'agirait là d'une

 21   exploitation de la misère ?"

 22   Et vous avez répondu :

 23   "Absolument, Monsieur."

 24   Est-ce que vous le maintenez encore ?

 25   R.  C'est exact. La seule chose est que je considère qu'il y avait certains

 26   éléments qui pensaient ainsi mais pas tout le monde.

 27   Q.  Je comprends. Je comprends. Donc l'année 1992 s'est terminée et l'année

 28   1993 est arrivée. A ce moment-là, vous avez commencé à recevoir des

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  1   plaintes assez fermes de la part des Serbes de Bosnie à l'égard des

  2   attaques contre eux, des attaques contre les villageois serbes dans des

  3   zones telles que l'enclave de Srebrenica ?

  4   R.  Oui, c'est exact.

  5   Q.  Et ces attaques étaient des attaques qui provenaient des forces placées

  6   sous le commandement de Naser Oric; est-ce exact ?

  7   R.  Je ne sais pas si cela relevait du commandement de Naser Oric. Je ne

  8   peux pas le confirmer, mais je peux confirmer que les Serbes de Bosnie

  9   affirmaient que ces attaques provenaient de l'extérieur des enclaves et que

 10   Naser Oric commandait ces enclaves, à l'intérieur.

 11   Q.  En réalité, ils attiraient votre attention sur un massacre des civils

 12   serbes. Je crois que c'était à Kravica ?

 13   R.  C'est exact.

 14   Q.  Peu après, vous avez commencé à recevoir des informations de la

 15   présidence. Mais tout d'abord, je suppose qu'au sujet de cette information-

 16   là, est-ce que vous ou Morillon avez fait des arrangements en janvier

 17   lorsque vous avez reçu ces informations, à savoir d'aller sur place et de

 18   déterminer l'exactitude ou la validité de ces plaintes, à l'époque en

 19   janvier ?

 20   R.  Non, pas en janvier, car en janvier la Bosnie centrale s'est embrasée

 21   dans le conflit entre les Croates et les Musulmans.

 22   Q.  Effectivement. En février, vous avez reçu certaines informations, entre

 23   autres, de la part du président Izetbegovic et Ganic à l'égard d'un

 24   massacre à Cerska, et il a été également dit, c'étaient des allégations

 25   assez fermes indiquant que des gens avaient été placés dans des maisons et

 26   les maisons ont été incendiées, que l'ensemble du village a été incendié et

 27   rasé, qu'il y avait plus de 700 blessés. Je ne suis pas sûr du nombre --

 28   R.  C'est exact.

Page 9268

  1   Q.  -- et que vous deviez tourner votre attention vers ce village ?

  2   R.  C'est exact, plus ou moins.

  3   Q.  Bien. Et le président Izetbegovic et Ganic ont fait des arrangements.

  4   Ils ont organisé un comité de guerre à Srebrenica afin de faciliter votre

  5   entrée à Srebrenica, au moins de leur point de vue ?

  6   R.  Je ne sais pas si c'étaient eux qui avaient organisé cela et avec qui

  7   ils avaient fait des arrangements, mais simplement ils ont dit au général

  8   Morillon qu'ils allaient informer les gens dans l'enclave du fait que le

  9   général Morillon allait essayer de venir dans l'enclave pour voir lui-même

 10   à quoi ressemblait la situation.

 11   Q.  Et à ce moment-là, je veux dire par là en février 1993, avez-vous vu le

 12   centre de communication radio au bâtiment de la poste à Sarajevo ?

 13   R.  Je pense que vous parlez du centre de communication par radio dans le

 14   bâtiment de la présidence. C'était le local, et la réponse est oui. 

 15   Q.  Merci. Et s'agissant de ce centre de communication en particulier,

 16   comme vous l'avez déjà dit je crois, il était bien équipé, solide et

 17   pouvait utiliser les systèmes de communication les plus modernes et

 18   sophistiqués ?

 19   R.  C'est exact.

 20   Q.  Et c'était à Sarajevo ?

 21   R.  Dans le bâtiment de la présidence à Sarajevo.

 22   Q.  Maintenant, je vais aller un peu plus loin. Lorsque vous êtes arrivé à

 23   Srebrenica, à un moment donné, on vous a montré le même type de centre de

 24   communication par radio qui se trouvait, je crois, dans le bâtiment de la

 25   poste à Srebrenica, qui était en même temps le quartier général du comité

 26   de guerre; est-ce exact ?

 27   R.  C'est exact. Ce n'était pas organisé de la même manière qu'à Sarajevo,

 28   mais c'était assez semblable et assez complexe, mais moins grand que celui

Page 9269

  1   dans le bâtiment de la présidence.

  2   Q.  En réalité, ce qui se passait c'est que vous avez appris l'existence de

  3   ce centre de communication par radio, et lorsque la décision a été prise,

  4   décision selon laquelle Morillon devait faire un discours auquel vous avez

  5   fait allusion lorsque vous avez parlé avec Mme Carter, certains

  6   journalistes vous ont dit que ce centre de communication par radio existait

  7   alors que vous ne le saviez pas, cette information ne vous avait pas été

  8   donnée par le comité de guerre ou Naser Oric, n'est-ce pas ?

  9   R.  C'est exact. Si je me souviens bien, le journaliste avait reçu la

 10   permission du comité de guerre d'utiliser les équipements radio afin

 11   d'envoyer leurs dépêches à Sarajevo pour que celles-là  soient publiées par

 12   la suite par la presse, la radio, et cetera.

 13   Q.  Lorsque vous avez décidé d'aller dans le secteur de Srebrenica, vous

 14   avez fait des arrangements pour y arriver par hélicoptère, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Bien. Alors, d'où est-ce que l'hélicoptère est parti et où s'est-il

 17   posé dans l'enclave de Srebrenica ?

 18   R.  Nous avions l'aide d'un hélicoptère français qui avait été attribué aux

 19   Nations Unies et qui a décollé à Kiseljak et est allé jusqu'à Tuzla et

 20   s'est posé à Tuzla. Et c'était là que nous avons quitté l'hélicoptère, à

 21   Tuzla.

 22   Q.  Maintenant, en ce qui concerne - je ne suis pas sûr de la façon dont

 23   vous l'appelez, je crois que ce serait les coordonnées ou l'itinéraire -

 24   est-ce qu'il y avait à l'époque un itinéraire reconnu, je ne sais pas si

 25   vous l'appelez route aérienne ou pont aérien ?

 26   R.  C'est un corridor aérien ou un couloir aérien.

 27   Q.  Couloir aérien, je vous remercie beaucoup. Y avait-il un couloir aérien

 28   reconnu pour entrer dans Srebrenica ?

Page 9270

  1   R.  Non. Il y avait seulement un couloir aérien à Tuzla, et c'est la raison

  2   pour laquelle c'est là que nous avons quitté l'hélicoptère.

  3   Q.  Bien. Est-ce que c'était un couloir aérien que vous utilisiez ou que la

  4   FORPRONU utilisait fréquemment ?

  5   R.  Non, c'était la première fois qu'il a été utilisé lorsque nous sommes

  6   allés de Kiseljak à Tuzla de façon à pouvoir entrer à Konjevic Polje. La

  7   deuxième fois que le couloir aérien a été utilisé, c'était quand nous

  8   sommes allés de Kiseljak à Tuzla de façon à pouvoir entrer dans Srebrenica

  9   proprement dit. C'est la première et c'est la deuxième fois où l'on a

 10   utilisé ce couloir.

 11   Q.  Maintenant, en ce qui concerne la question, parce qu'il y a bien

 12   d'autres questions qui se posent sur ce vol, mais je crois qu'il y en a

 13   deux qui sont des questions essentielles qui ont été portées à notre

 14   attention des différents côtés. L'un, c'est le massacre à Kravica; et

 15   l'autre, le massacre à Cerska ?

 16   R.  Il y a deux massacres à Cerska que j'ai mentionnés. Le premier, c'est

 17   une allégation faite par Izetbegovic et Ganic que des personnes ont été

 18   enfermées dans des maisons, que ces maisons ont été incendiées et qu'ils

 19   ont été tués dans ces maisons. Le deuxième, c'est une allégation par les

 20   Serbes de Bosnie que les Serbes ont été massacrés par des Musulmans à

 21   Cerska.

 22   Q.  Bien. Maintenant, je vais passer à quelque chose d'autre au point de

 23   vue chronologique. Je crois que c'était le 22 mars que vous avez assisté à

 24   des obsèques, mais à un moment quelconque du côté du 22 mars, on vous a

 25   montré toute une série de corps en décomposition que les Serbes de Bosnie

 26   vous ont dit être des personnes qui avaient été massacrées; c'est bien cela

 27   ?

 28   R.  On nous a d'abord montré le site où on avait creusé des excavations et

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  1   où il y avait des équipes médicolégales qui procédaient à des

  2   investigations. Nous avons vu ces recherches qui avaient lieu. Nous avons

  3   vu un certain nombre de corps en décomposition et on nous a montré le

  4   bâtiment dans lequel l'un des survivants au massacre a soutenu qu'il avait

  5   vu des Musulmans de Bosnie tuer ces villageois serbes de Bosnie.

  6   Quand ensuite nous nous sommes trouvés aux obsèques qui, en fait, avaient

  7   lieu juste à l'extérieur de Bratunac --

  8   Q.  En ce qui concerne cet incident en particulier, par ça je veux dire le

  9   fait que vous ayez vu ces corps et que vous soyez allés sur les lieux du

 10   crime en question, vous n'avez pas fait de rapport particulier en ce qui

 11   concerne cette visite que vous avez faite à ce lieu de crime à Kravica,

 12   parce que ça ne faisait pas partie de votre mission ou de vos tâches,

 13   n'est-ce pas ?

 14   R.  J'ai rendu compte de ce qui s'était passé et de ce que nous avions vu,

 15   et ça encore, ça fait partie de la communication adressée par radio que

 16   j'ai précédemment décrite. Et nous avons effectivement rendu compte de cela

 17   au quartier général, au commandement de l'ABiH à Kiseljak.

 18   Q.  Juste pour que nous soyons bien au clair, d'après ce que je comprends

 19   en ce qui concerne les lieux du crime dans lesquels vous êtes allés, vous

 20   n'avez pas fait de rapport précis à ce sujet, n'est-ce pas ?

 21   R.  Non. J'ai rendu compte du fait que nous étions allés à Kravica sur les

 22   lieux, que les Serbes avaient fait ces allégations devant nous sur ce qui

 23   s'était passé, et j'ai répété ces allégations et elles ont ensuite été

 24   transmises à Kiseljak.

 25   Q.  Bien. Peut-être que vous pourriez m'aider à cet égard. Indépendamment

 26   de la première déclaration où il y a discussion au cours d'une déclaration

 27   du 20 au 21 septembre 2002 et le 1er et le 2 novembre 2002, dans laquelle

 28   vous dites à la page 16 de cette déclaration :

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  1   "Je n'ai pas fait de rapport particulier en ce qui concerne la visite que

  2   nous avons faite au lieu de crime à Kravica. La raison de cela était que

  3   notre mission et nos tâches en Bosnie n'étaient pas de réunir les éléments

  4   de preuve, mais de nous assurer que l'aide humanitaire parvenait à ceux qui

  5   en avaient besoin, de soutenir tous les efforts pour réduire les effusions

  6   de sang et veiller à la sécurité de la population civile dans la région."

  7   Vous continuez pour dire que :

  8   "En outre, de mon point de vue, il y avait peu de substance en ce qui

  9   concerne ces comptes rendus. D'une façon générale, j'envoyais des rapports

 10   à Kiseljak tous les jours, et je ne crois pas qu'on avait des détails

 11   particuliers dans ces rapports."

 12   D'après ce que j'ai compris en ce qui concerne la question du rapport

 13   concernant ce qui a été qualifié de massacre des villageois serbes, vous

 14   n'avez pas retenu cela d'une façon quelconque quant aux événements qui

 15   avaient eu lieu, le compte rendu verbal que vous aviez fait ?

 16   R.  Ce que j'ai fait, si je m'en souviens bien, c'était de fournir un

 17   rapport sur ce qui s'était passé ce jour-là. Ce jour-là, cette visite avait

 18   eu lieu et j'ai rendu compte du fait que nous avions procédé à cette

 19   visite, ce qui avait été vu, le théâtre de ce massacre allégué. Puis le

 20   fait que nous avions vu des cadavres, je n'ai pas essayé de, comme je l'ai

 21   dit, réunir des éléments de preuve juridiques de savoir si ça s'était passé

 22   ou non, parce que le fait de réunir des éléments de preuve de façon à

 23   étayer par la suite des poursuites, je disais que ça ne faisait pas partie

 24   de ma tâche et de mes objectifs à l'époque.

 25   Q.  J'essayais de comprendre ce que vous vouliez dire lorsque vous

 26   disiez vous n'aviez pas écrit de rapport précis sur ce point. Vous l'avez

 27   éclairci.

 28   R.  Je n'ai pas fait quelque chose de juridiquement --

Page 9274

  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Une inspection du point de vue

  2   juridique.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, une inspection du point de vue juridique.

  4   M. GUY-SMITH : [interprétation]

  5   Q.  En ce qui concerne l'autre endroit, le secteur de Cerska, vous n'êtes

  6   pas allé à Cerska, n'est-ce pas ?

  7   R.  Je suis allé dans la périphérie de Cerska, et c'est Morillon lui-même

  8   qui est allé en personne au village proprement dit.

  9   Q.  Avant qu'il n'aille à ce village, vous avez, indépendamment de la

 10   réunion avec Izetbegovic et Ganic qui vous avaient parlé des horreurs qui

 11   ont eu lieu, vous avez également parlé, je crois, à Naser Oric de cela

 12   lorsque vous étiez à Srebrenica. Oric, serait-il juste de dire qu'il a fait

 13   écho à la même chose, c'est-à-dire que les personnes avaient été brûlées

 14   dans leurs maisons et qu'il y en avait des centaines, 700 ou davantage, qui

 15   avaient été blessées; c'est exact ?

 16   R.  Je crois que vous mélangez deux événements distincts. La question des

 17   personnes brûlées dans les maisons, Naser Oric a fait écho à cela. La

 18   question de la prétention selon laquelle il y avait 700 blessés environ à

 19   Konjevic Polje, c'était quelque chose qui avait été dit par Izetbegovic et

 20   Ganic. Et c'était une des raisons qui avaient conduit le général Morillon à

 21   prendre une décision d'aller là-bas pour enquêter, pour voir quelle était

 22   effectivement la situation sur le terrain, de le faire lui-même.

 23   Q.  Au-delà d'Izetbegovic, Ganic et Oric, vous avez également eu la

 24   l'occasion, en plus de ces personnes, de parler avec un commandant

 25   bosniaque à Tuzla ?

 26   R.  Exact.

 27   Q.  Qui vous a donné les mêmes renseignements ?

 28   R.  Oui, il était également très précis concernant les accusations

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  1   concernant les personnes qui avaient été brûlées dans leurs maisons.

  2   Q.  Bien. Indépendamment de ces personnes que vous avez mentionnées, est-ce

  3   que quelqu'un d'autre de la partie bosniaque - je dirais qu'il s'agit du

  4   côté de la présidence - vous a donné des renseignements complémentaires

  5   concernant les personnes qui ont brûlé dans les maisons ou est-ce qu'il

  6   nous reste qu'Izetbegovic, Ganic --

  7   R.  Je pense qu'Izetbegovic, Ganic et le commandant bosniaque à Tuzla et

  8   Oric.

  9   Q.  Morillon est allé à Cerska et a examiné le secteur, n'est-ce pas ?

 10   R.  C'est exact.

 11   Q.  Il a fait un certain nombre de constatations sur ce qui s'était passé,

 12   notamment qu'il y avait eu des combats très lourds, n'est-ce pas ?

 13   R.  Exact.

 14   Q.  Deuxièmement, le nombre de blessés n'était pas du tout de l'ordre de

 15   700, mais bien moins ?

 16   R.  C'est le nombre de blessés que nous avons trouvés à Konjevic Polje. Ce

 17   n'était pas, d'ailleurs, le général Morillon qui avait constaté cela.

 18   C'était quelqu'un qui est allé voir les maisons à Konjevic Polje de façon à

 19   voir, pour le tri, l'évacuation de personnes blessées. Quelqu'un est venu

 20   et a dit à ce moment-là qu'il n'y en avait pas 700, qu'il y en avait

 21   environ 70. 700, c'est un chiffre précis par rapport au 70 --

 22   Q.  C'était 73 environ, tout au moins.

 23   R.  Quelque chose comme ça.

 24   Q.  En ce qui concerne la question des personnes qui ont brûlées dans leur

 25   maison, Morillon a dit --

 26   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je prie les membres de la Chambre et le

 27   conseil de se référer à IT-03-68, page 5 835 [comme interprété] commençant

 28   à la ligne 15 de votre interrogatoire par M. Di Fazio du bureau du

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  1   Procureur :

  2   "Question : Est-ce qu'il a rendu compte du fait qu'il y avait des corps

  3   dans les maisons qui avaient brûlées ?

  4   "Réponse : Général Morillon a dit que, malheureusement, il connaissait

  5   l'odeur de la chair humaine brûlée. Il avait parcouru le village et il

  6   n'avait pas senti cette odeur et il n'avait rien vu qui indiquait que

  7   quelqu'un ait été brûlé ou qu'il y a eu des personnes qui aient brûlées à

  8   l'intérieur des maisons."

  9   R.  C'est exact.

 10   M. GUY-SMITH : [interprétation] Est-ce que ceci serait le moment qui

 11   convient pour suspendre l'audience ?

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Pour ce qui est de la pièce ID00-

 13   8093, vous n'avez pas demandé le versement de cette pièce. Vous vouliez le

 14   faire ?

 15   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Manifestement, la déposition n'est pas

 17   terminée. Elle était censée se terminer aujourd'hui, mais nous allons peut-

 18   être éprouver quelques difficultés pour ce qui est des interprètes. Mais il

 19   se peut que nous n'ayons pas la totalité de l'audition. Quelle devrait être

 20   la durée du reste de votre contre-interrogatoire ?

 21   M. GUY-SMITH : [interprétation] De ce que j'ai fait jusqu'à présent, disons

 22   un volet d'audience, ça suffirait. Une heure et demie ou une heure et un

 23   quart.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 25   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vais réfléchir. La nuit porte conseil.

 26   Je vais voir ce que je peux faire pour que mes rêves deviennent réalité.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais je vous en prie, réfléchissez

 28   bien.

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  1   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je le ferai.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons reprendre demain, mais

  3   auparavant, Monsieur le Témoin, je vous rappelle, c'est là le devoir que

  4   j'ai, mais vous le savez parfaitement, vous n'êtes censé parler à personne

  5   de votre déposition, pas même au conseil, tant que vous n'aurez pas terminé

  6   la déposition.

  7   L'audience reprendra demain matin, 9 heures, en salle II. L'audience

  8   est levée.

  9   [Le témoin quitte la barre]

 10   --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le mercredi 30

 11   septembre 2009, à 9 heures 00.

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