Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 6 septembre 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Madame la Greffière d'audience,

6 veuillez citer l'affaire.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.

8 Affaire IT-05-88-T, le Procureur contre Popovic et consorts.

9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

10 Assurons-nous tout d'abord que l'interprétation passe bien. Dites-nous si

11 vous avez des difficultés comme d'habitude. Je vois que les équipes n'ont

12 pas changé et tout cas du côté du bureau du Procureur et du côté de la

13 Défense. C'est vrai, il y a votre intermédiaire qui est absent; je vois,

14 oui, je vois que l'équipe de Beara est là. Vous aurez tout de suite

15 constaté que le Juge Kwon n'est pas avec nous aujourd'hui. Pourquoi ? C'est

16 qu'il est en visite officielle avec un autre Juge de notre Tribunal et il

17 sera absent toute la semaine. Par conséquent, aujourd'hui, demain et

18 vendredi, vous aurez le collège habituel, Mme le Juge Prost et moi-même en

19 application de l'article 15 bis du Règlement, et nous avons bien entendu le

20 Juge Stole qui est le Juge de réserve. C'était la première nouvelle que je

21 voulais vous communiquer.

22 Deuxième élément : j'ai un problème médical, je dois aller à l'hôpital au

23 cours de la journée. Je vais vous demander de faire preuve de compréhension

24 que nous allons terminer nos travaux à

25 13 heures de façon à ce que je puisse partir. Ce qui revient à dire que Mme

26 la Greffière va s'en charger, nous allons veiller à avoir qu'une pause si

27 c'est possible.

28 Demain, tout est normal, en tout cas, devrait l'être, il n'y a rien de

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1 grave, ne vous en faites pas, et vous savez comment les choses se passent

2 au Pays Bas. Si je rate le rendez-vous d'aujourd'hui, il me faudra attendre

3 trois mois. En tout cas j'aurais encore de la chance si je l'avais dans les

4 trois mois.

5 Est-ce que nous pourrions passer à huis clos partiel ? Je dois discuter

6 d'une chose avec vous.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

8 partiel.

9 [Audience à huis clos partiel]

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15 [Audience publique]

16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Y a-t-il des questions préliminaires à

17 évoquer ? Ce n'est pas le cas me semble-t-il ?

18 Madame l'Huissière, veuillez faire entrer le témoin.

19 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bienvenue en ce Tribunal.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je constate que vous recevez mes propos

25 interprétés dans votre langue. Si à un moment donné vous avez des problèmes

26 au niveau de l'interprétation parce que, tout d'un coup, vous n'entendez

27 plus ou parce que le volume est trop bas ou trop fort, dites-le-nous tout

28 de suite.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord.

2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je m'appelle Carmel Agius, je suis le

3 Président de la Chambre. A ma droite, vous avez Mme le Juge Prost, un des

4 Juges de la Chambre. A ma gauche, vous avez le Juge Stole. Le Juge Prost

5 est du Canada, le Juge Stole est de Norvège. Je suis de Malte. Il y a un

6 juge qui n'est pas avec nous aujourd'hui. Il sera avec nous lundi, mais je

7 suppose et j'espère que, d'ici là, votre déposition sera terminée. Le Juge

8 Kwon est de la Corée du sud.

9 Sous peu vous allez entamer votre déposition. En application du Règlement,

10 vous devez avant d'entamer votre déposition faire une déclaration

11 solennelle - un serment dit-on dans certains pays - qui dit que vous allez

12 dire la vérité, toute la vérité, et rien que la vérité. Vous allez,

13 maintenant, recevoir - le voici - le texte de cette déclaration solennelle.

14 C'est la promesse que vous faites devant ce Tribunal de dire la vérité au

15 cours de votre déposition.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

17 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

18 LE TÉMOIN: AHMO HASIC [Assermenté]

19 [Le témoin répond par l'interprète]

20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Mettez-vous à l'aise, Monsieur.

21 Asseyez-vous.

22 Bien. Dans un instant, Mme Soljan, qui représente le bureau du Procureur,

23 va commencer à vous poser des questions. C'est ce qu'on appelle

24 l'interrogatoire principal, après quoi, les équipes de la Défense vont vous

25 poser des questions en contre-interrogatoire. Il est important que vous

26 essayiez de répondre à toutes les questions, d'où qu'elles viennent, que ce

27 soit des questions de l'Accusation ou de la Défense, d'essayer de répondre,

28 disais-je, de la façon la plus court, mais aussi de la plus précise

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1 possible. N'en dites pas plus que ce que l'on vous demande. Répondez à la

2 question, toute la question, mais rien que la question; sinon, vous allez

3 rester ici des jours entiers.

4 Est-ce que je suis clair ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est clair.

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je voulais aussi vous dire autre chose

7 : si à un moment donné, vous vous sentez fatigué, vous voulez faire une

8 pause, dites-le tout simplement et nous ferons une pause.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] D'accord ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord.

12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame Soljan, vous avez la parole.

13 Mme SOLJAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous allons faire une pause à 10 heures

15 45.

16 Interrogatoire principal par Mme Soljan :

17 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Comment allez-vous ?

18 R. Merci. Cela va, merci.

19 Q. Je vais vous poser quelques questions. Quelquefois, je vais vous

20 interrompre lorsque vous répondez pour peut-être vous demander quelque

21 chose de plus précis, un éclaircissement. Vous êtes d'accord ?

22 R. Oui.

23 Q. Comment vous appelez-vous, Monsieur ?

24 R. Je m'appelle Ahmo Hasic.

25 Q. Vous êtes né quand, Monsieur ?

26 R. Je suis né en 1937.

27 Q. Où êtes-vous né ?

28 R. A Srebrenica, municipalité de Srebrenica. J'habitais dans un village.

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1 Q. Est-ce que c'est là que vous avez passé la plus grande partie de votre

2 vie ?

3 R. Oui, pratiquement toute ma vie. Il m'est arrivé de temps en temps

4 d'aller travailler, j'étais un travailleur saisonnier. J'ai été faire des

5 travaux agricoles de temps à autre.

6 Q. Vous êtes de confession musulmane ?

7 R. Oui, je suis Musulman.

8 Q. Où habitiez-vous, Monsieur, au mois de juillet 1995 ?

9 R. En 1995, j'habitais à Srebrenica -- dans la ville de Srebrenica parce

10 que l'armée, les forces nous avaient forcés à descendre des villages pour

11 vivre en ville. J'habitais en ville.

12 Q. Dans quelle condition viviez-vous, vous et les membres de famille, à

13 l'époque ?

14 R. La vie était très dure parce qu'on a, quelquefois, reçu de l'aide

15 humanitaire quand on les laissait passer par Bratunac, mais il arrivait

16 qu'on les arrêtes là-bas ou qu'ils gardent eux-mêmes quelques camions, ils

17 gardent ce qu'ils voulaient et ils laissaient passer le reste à Srebrenica.

18 Cela s'est passé à Bratunac. La vie était très dure, surtout vers la fin.

19 Il n'y avait pas assez à manger ce qui fait que les gens ont dû aller à

20 Zepa pour essayer de trouver de quoi manger là. Il y avait un peu plus de

21 nourriture, et ils les ramenaient sur leur dos. Il fallait marcher 11

22 heures pour aller là-bas pour ramener à votre enfant un peu de quoi manger.

23 Q. Pourriez-vous nous dire ce que vous avez fait, le 11 juillet 1995 ?

24 R. Le 11 juillet, on a pilonné, les pilonnages ont duré cinq jours

25 d'affilés, en fait. Les obus tombaient à Srebrenica, autour de Srebrenica.

26 Donc, le 11 juillet, on voulait aller à la FORPRONU qui n'était pas loin de

27 Srebrenica. Le QG principal était à Potocari. On marchait, on courait, on

28 traversait les rues alors que les obus tombaient. On s'est rendu compte

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1 qu'il fallait quitter Srebrenica. Ils sont partis, ils ont emmené les

2 blessés qu'on a placés sur des camions de la FORPRONU et la FORPRONU les a

3 transportés au QG principal à Potocari. Moi aussi, je suis parti avec eux.

4 Tout le monde s'était rassemblé là-bas. La colonne était très longue, elle

5 allait de Srebrenica à Potocari. Les gens descendaient des autocars aux

6 usines qu'il y avait là. Les usines étaient remplies de monde qui était

7 venu, il y avait des hommes, des femmes, des enfants. Il y avait autant de

8 monde dehors, en dehors de l'usine ou de la fabrique qu'à l'intérieur parce

9 que tout le monde ne pouvait pas entrer. Je pense qu'il y avait 30 000

10 personnes au moins. J'étais dans cette foule et il m'était impossible

11 d'entrer, donc, j'ai dormi dehors. C'est comme cela que cela s'est passé.

12 Lorsque nous y sommes allés la première nuit, les gens s'étaient rassemblés

13 et les obus tombaient autour des gens, tout autour, parce que je suppose

14 qu'ils ne voulaient pas qu'une seule personne puisse s'échapper sans

15 continuer à bombarder, à pilonner. C'est comme cela que nous avons passé

16 cette nuit-là. On s'en est sorti je ne sais pas comment, mais on s'en est

17 sorti.

18 Q. Est-ce que vous êtes parti de Srebrenica avec des membres de votre

19 famille ?

20 R. Oui. Oui. Ma famille était là, il y avait mes petits-enfants, mes

21 enfants, ma femme. Il y avait grand-mère. Ils étaient tous là.

22 Q. Etaient-ils avec vous ?

23 R. J'avais quatre petits-enfants.

24 Q. Combien d'enfants ?

25 R. Mes enfants, deux d'entre eux sont partis par la forêt et aucun d'entre

26 eux n'en est sorti vivant. J'en ai enterré un l'année dernière. Un médecin

27 l'a trouvé dans une fosse commune et l'autre, je n'en ai encore retrouvé

28 aucune trace.

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1 Q. Merci. Pourquoi est-ce que vous vouliez que votre famille quitte

2 Srebrenica pour aller à Potocari ?

3 R. Mais ce sont les obus qui nous ont chassés, c'est pour cela qu'on est

4 parti parce que, si on n'était pas parti, on aurait été tué sur place. Les

5 obus tuaient tout le monde. Ils ne cherchaient pas, à savoir si c'était un

6 enfant, une femme, un homme qu'on touchait. Les obus ils tiraient et

7 tuaient à l'aveuglette. C'est pour cela qu'on a dû partir.

8 Q. Au cours de cette première nuit, la nuit du 11 au

9 12 juillet, après que vous soyez arrivé à Potocari, où est-ce que vous avez

10 passé cette nuit-là ?

11 R. Dehors, parce que j'avais perdu ma famille de vue. Ils étaient dans la

12 foule, donc, je ne les ai plus retrouvés. Je ne sais pas s'ils étaient à

13 l'intérieur ou pas, mais je suis resté dehors et les obus tombaient dehors.

14 Après cette nuit-là, le lendemain, un Serbe est venu. Il avait un haut-

15 parleur, un porte-voix et il a dit : "N'ayez pas peur. Nos soldats vont

16 maintenant passer parmi vous pour vérifier s'il y a quelqu'un qui a une

17 arme. Ils vont simplement passer parmi les gens."

18 C'est ce qui s'est passé. Des soldats sont venus. Ils étaient

19 quelques-uns. Ils se sont déplacés dans la foule. J'ai vu huit chiens. Je

20 pense que c'était des bergers allemands, huit chiens qui les

21 accompagnaient. C'est ce qui s'est passé pendant la journée. A la tombée de

22 la nuit, on attendait des cris, des gémissements. Les cris ont commencé.

23 Ils ont commencé à faire sortir les gens un à un. Si quelqu'un se mettait à

24 crier quelque part, tout ceux qui étaient autour de cette personne se

25 relevaient et 15 minutes plus tard, à peu près, on entendait des

26 gémissements, un peu plus loin de l'endroit là où ils frappaient, ils

27 battaient, ils tuaient. On entendait toutes sortes de sons et puis ces sons

28 diminuaient. Parfois, on entendait une rafale de tir après et puis plus

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1 rien du tout. Il n'y avait plus de cri, plus de voix. Cela a duré toute la

2 nuit.

3 Pendant un moment, on essaie de dormir par terre, mais pas vraiment.

4 Les gens ne voulaient pas dormir. Ils se sont simplement allongés par peur.

5 Il y a des soldats qui sont venus. Ils venaient deux par deux. Ils

6 prenaient du sable ou de la poussière et jetaient cela sur les gens qui

7 s'étaient couverts la tête. Quand les gens relevaient la tête pour savoir

8 qui c'était, ils regardaient qui c'était. Si c'était un homme qui avait

9 relevé la tête, on le faisait partir. Peu importe son âge, ils prenaient

10 cet homme et l'emmenait à l'écart puis on entendait des cris, des

11 hurlements. Cela a duré toute la nuit.

12 A un moment donné, deux soldats sont venus. Ils étaient parmi nous.

13 Il y en avait un qui avait une main ensanglantée, couverte de sang jusqu'au

14 coude. Il demandait aux femmes si elles avaient des bouteilles d'eau afin

15 qu'il puisse se laver les mains. Une des femmes lui a demandé : "Mais

16 qu'est-ce qui vous est arrivé ?" Il a dit : "Je me suis blessé, je me suis

17 fait mal." Elle a répondu : "On n'a pas d'eau, mais la rivière n'est pas

18 loin. Vous pouvez vous laver les mains là-bas." Cela a duré toute la nuit.

19 Personne n'a essayé d'arrêter cela. Les cris, les hurlements ont duré

20 toute la nuit. Vraiment, cela n'aurait pas pu être pire. C'était l'enfer

21 sur terre. On dit que l'enfer c'est dans l'au-delà, mais il y a ici dans ce

22 monde aussi un enfer, et cette nuit-là je l'ai passée en enfer. Ce jour-là

23 c'était un mardi, c'était le jour où Srebrenica est tombée. Je l'ai passé

24 là aussi. J'ai survécu.

25 J'ai vu qu'on avait amené du pain dans un camion de marque TAM, du

26 pain qu'on a jeté dans la foule. J'ai réussi à en attraper un et je l'ai

27 donné à manger à mes petits-enfants. Ils filmaient quand ils jetaient le

28 pain à ces gens et les gens qui attrapaient ce pain. Ils voulaient montrer

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1 leur humanité au monde entier. Alors qu'ils commettaient un génocide, ils

2 n'enregistraient rien du tout.

3 Q. Vous dites qu'ils filmaient. Vous parlez de qui ?

4 R. Les Serbes, l'armée serbe. Car j'ai vu qu'ils filmaient, ils avaient

5 des jumelles, ils ont jeté cela, et l'armée serbe, les Serbes, filmaient

6 cela, lorsque les pains étaient jetés du camion.

7 Q. Est-ce qu'il y avait suffisamment à manger pour les gens qui étaient à

8 Potocari ?

9 R. Non, pas suffisamment. Il y avait juste une certaine quantité leur

10 permettant de filmer, de montrer cela, mais ceci ne suffisait pas du tout.

11 Cela est sûr et certain. Il s'agissait d'une quantité très petite; peut-

12 être 100 à 200 pains.

13 Q. Après la deuxième nuit que vous avez passé à Potocari, qu'avez-vous

14 fait le jour suivant, le 13 juillet ?

15 R. Le 11, Srebrenica est tombée; le 12, j'étais à Potocari. Je vous en ai

16 parlé ici. Le 13, je suis sorti de Potocari. C'est là que se trouvait un

17 barrage routier par lequel juste 200 ou 100 personnes pouvaient aller à la

18 fois, afin d'éviter qu'il y ait des masses trop importantes de gens. A

19 environ 15 mètres, il y avait un autre barrage routier, un autre point de

20 contrôle auquel les gens étaient séparés, les hommes des femmes et des

21 enfants. On les amenait dans une maison. Nous sommes restés dans cette

22 maison jusqu'à ce qu'elle ne se remplisse de gens. A ce moment-là, une

23 personne, un soldat serbe, est venu et il a dit : "Est-ce que vous avez un

24 stylo ?" Une personne a dit : "Oui, j'en ai un." L'autre lui a dit :

25 "Dépêche-toi, dépêche-toi avant --

26 L'INTERPRÈTE : Il ne s'agissait pas de stylo, mais de marks allemands.

27 R. Donc, il lui a donné les marks allemands et lorsque cette maison s'est

28 remplie d'hommes, de ces gens-là, j'étais au parterre, eux ils sont montés

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1 à l'étage et après ils sont venus avec un autobus. Ils nous ont dit que

2 nous pouvions partir au bout d'environ une heure. A ce moment-là, je suis

3 sorti à l'extérieur. Il y avait deux bus. Nous nous sommes assis dans le

4 bus et nous sommes allés vers Bratunac.

5 Q. Monsieur, Je vais vous arrêter encore.

6 R. Vuk Karadzic.

7 Q. Vous avez dit qu'il y avait d'autres hommes avec vous dans cette

8 maison. Est-ce que vous savez quel était leur nombre ?

9 R. Il y avait une pièce. Je ne saurais vous le dire avec exactitude, car,

10 eux, ils étaient à l'étage, et j'étais au rez-de-chaussée. Je ne sais pas.

11 Il y avait peut-être 40 à 50 personnes dans cette pièce, mais je ne sais

12 pas exactement combien de personnes étaient à l'étage. De toute façon, il y

13 avait deux bus. Nous sommes montés à bord des bus et nous sommes allés

14 jusqu'à l'école Vuk Karadzic à Bratunac.

15 Q. Attendez, mais je vais vous poser d'abord encore quelques questions au

16 sujet de la maison à Potocari.

17 R. Oui.

18 Q. Très bien. Pendant que vous étiez dans la maison, est-ce l'un

19 quelconque des soldats serbes vous a demandé quel était votre nom ?

20 R. Non, pas moi.

21 Q. Pendant que vous étiez dans la maison, est-ce qu'un quelconque des

22 soldats serbes vous a interrogé ?

23 R. En ce qui me concerne, personnellement, non. En ce qui concerne les

24 autres, je ne l'ai pas vu, sauf celui-là qui est allé chercher les marks

25 allemands.

26 Q. Est-ce qu'un quelconque des soldats serbes vous a dit pourquoi vous y

27 étiez détenus ?

28 R. Personne a dit cela. Simplement, ils disaient des choses allant dans le

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1 sens qu'ils voulaient nous séparer, nous interroger un peu et qu'ensuite

2 ils allaient nous laisser partir pour Tuzla. C'est tout ce qu'ils disaient,

3 mais ils ne disaient pas autre chose. Ils ne posaient pas d'autres

4 questions.

5 Q. Merci, Monsieur. Vous avez commencé à nous parler de la manière dont

6 vous avez été amenés à l'école de Bratunac.

7 R. Ils nous ont emmenés à l'école de Bratunac. Nous sommes donc partis à

8 Bratunac. Nous sommes arrivés jusqu'à une station d'essence. Ensuite, nous

9 avons tourné à gauche jusqu'à l'école Vuk Karadzic. Lorsqu'on a commencé à

10 entrer devant l'école, ils nous ont demandé à tous ceux de laisser nos sacs

11 alors que la nourriture était dans les sacs. Nous les avons laissés devant

12 l'école. Je me suis dit, bien, après en rentrant je vais pouvoir reprendre

13 cela, mais après on est entré à l'école et après personne n'ait plus sorti.

14 Nos sacs ne nous ont pas été remis. C'est là qu'on a passé la nuit. Si mes

15 souvenirs sont bons, je ne suis plus sûr si nous y sommes restés une nuit

16 ou deux, mais les choses se déroulaient de la même manière. On nous faisait

17 sortir et ils tuaient les gens jour et nuit, sans cesse, en plusieurs

18 équipes. Une seule relève n'aurait pas pu le faire, car ceci se faisait 24

19 heures sur 24. Ils faisaient sortir les gens, ils les tuaient, les gens

20 gémissaient, criaient.

21 Un policier est venu à l'école lorsque nous nous étions déjà. Il y en

22 avait quelqu'un qui était près d'une porte et il a commencé à le tabasser,

23 à le frapper. Pendant qu'il le passait à tabac, un autre Serbe lui a

24 apporté une bouée en caoutchouc. Il lui a donné et il lui a dit : "Utilise

25 cela." L'autre, il l'a pris, il l'a frappé avec cela deux à trois fois,

26 mais il a trouvé que ce n'était pas très utile. Ensuite, il a pris un fusil

27 et il a commencé à frapper cette personne. Cette personne était couverte de

28 sang. Son visage et sa chemise étaient couverts de sang. Ce policier, je

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1 considère qu'il était un policier car son uniforme était bleu avec un

2 ceinturon blanc. Il avait aussi un pistolet dans un étui blanc. Celui-là,

3 il est sorti alors que l'autre qui avait été passé à tabac, il restait avec

4 nous.

5 Au bout d'une heure, à peine, ils sont venus de nouveau. Ils se sont

6 présentés à la porte, ils l'ont montré du doigt et ils ont dit : "Viens

7 ici." L'autre il ne voulait pas. Il a hésité. Il comprenait bien ce qui

8 allait lui arriver. De nouveau, ils ont crié : "Lève-toi." Les autres lui

9 ont dit : "Vas-y. Tu dois y aller." Il est sorti et après il n'est plus

10 jamais revenu alors qu'on avait entendu des cris et des gémissements. Nous

11 y sommes restés pendant un certain temps. Après, nous y sommes restés un

12 jour et deux nuits. A ce moment-là, ils nous ont dit : "Vous allez aller à

13 Tuzla maintenant."

14 Q. Attendez. Je vais vous poser encore quelques questions au sujet de

15 l'école Vuk Karadzic.

16 R. Oui.

17 Q. Vous avez mentionné qu'il y avait un policier là-bas. Savez-vous s'il

18 s'agissait d'un policier militaire ou civil ?

19 R. D'après le ceinturon, je dirais que c'était un policier militaire,

20 alors que d'après l'uniforme, je dirais que c'était un policier civil. Je

21 ne saurais pas vraiment vous le dire. Je ne connaissais pas suffisamment la

22 différence entre les uniformes différents. Je sais que la police militaire

23 portait des ceinturons blancs, mais l'uniforme était bleu, alors que

24 l'uniforme bleu était porté par la police civile.

25 Q. Avez-vous vu également des soldats serbes dans cette école ou autour

26 d'elle ?

27 R. Oui. Ils se déplaçaient, puis de temps en temps ils venaient dans des

28 pièces -- dans des salles et ils faisaient sortir des gens.

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1 Q. Est-ce que vous savez combien de soldats serbes il y avait ?

2 R. Je ne saurais vous le dire. Je sais qu'ils étaient nombreux puisque

3 leur quartier général s'y trouvait. Certainement, ils étaient nombreux. Ils

4 avaient leur quartier général. Nous, ils nous ont laissés là-bas, et je

5 suppose qu'ils avaient envoyé un grand nombre de leurs hommes afin qu'ils

6 attrapent les nôtres qui essayaient de s'échapper à travers les forêts et

7 ils avaient un détachement de soldats qui s'occupait de nous.

8 Q. Est-ce qu'ils portaient des uniformes ?

9 R. Oui. Leurs soldats le faisaient, des uniformes de camouflage, tels que

10 les soldats les portaient.

11 Q. Vous avez dit que vous avez passé approximativement deux nuits dans

12 cette école. Est-ce que vous pourriez nous dire approximativement quel

13 était le nombre d'hommes musulmans dans cette école ?

14 R. Ce que je pourrais vous dire c'est que ce jour-là ils ont dit : Allez-

15 y, vous irez à Tuzla. Nous sommes sortis, nous nous sommes assis dans des

16 bus. Nous étions assis, mais ils ne nous ont pas permis de regarder à

17 l'extérieur. Il y avait un soldat ou peut-être deux à côté du chauffeur.

18 Ils surveillaient sans cesse. Il fallait baisser la tête et regarder devant

19 soi. A un moment donné, au moment d'un virage, on a regardé un peu à côté

20 et ce jour-là sept bus sont partis de Bratunac, le jour où j'ai pris

21 l'autobus.

22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un moment, s'il vous plaît, Madame

23 Soljan. Excusez-moi de vous interrompre en ce moment, mais je vois que vous

24 êtes en train de commencer une autre phase de l'interrogatoire principal,

25 alors que je crois qu'encore quelques points qui ont été mentionnés dans la

26 déposition du témoin n'ont pas été clarifiés. Je souhaite qu'on en parle un

27 à un.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, allez-y. Posez vos questions.

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1 N'hésitez pas. Peut-être parfois j'oublie quelque chose et parfois j'ajoute

2 quelque chose, car il s'agit des détails, des petites choses. Vous savez il

3 ne s'agit pas d'une lettre que je peux lire avec tous les détails. Parfois

4 j'oublie peut-être quelque chose, mais allez-y, posez vos questions.

5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, bien sûr, je comprends tout à

6 fait, Monsieur Hasic, et soyez patient avec nous. Nous essayons simplement

7 de nous assurer que votre présence ici soit aussi utile que possible.

8 Peut-être vous pourriez tout d'abord lui demander s'il avait fait son

9 service au sein de la JNA, ce qu'il avait fait, et à quel point il

10 connaissait les questions liées aux grades, aux insignes, et cetera.

11 Mme SOLJAN : [interprétation] Je vais le faire, Monsieur le Président.

12 Q. Monsieur, est-ce que vous n'avez jamais fait votre service militaire au

13 sein de la JNA ?

14 R. Oui. A l'époque, de l'ex-Yougoslavie, je l'ai fait.

15 Q. Vous souvenez-vous quand ?

16 R. En 1960, je suis rentré chez moi. C'était pendant que Tito était

17 vivant. J'ai servi à Tito. J'étais un peu partout dans l'ex-Yougoslavie.

18 Q. Connaissez-vous les insignes militaires ?

19 R. Oui, je connaissais les insignes de l'époque, mais aujourd'hui, vous

20 savez, les choses changent. Je ne connais pas tant que cela en ce qui

21 concerne celle d'aujourd'hui, mais en ce qui concerne celle d'avant, oui,

22 je le connaissais bien.

23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

24 Est-ce qu'il pourrait décrire l'uniforme de la police militaire au sein de

25 la JNA, en temps de paix, autrement dit?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] En temps de paix, il portait l'uniforme

27 militaire, comme les autres soldats, avec un ceinturon blanc et un pistolet

28 dans un étui blanc. C'est ainsi que l'on reconnaissait la police militaire.

Page 1183

1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Mais la couleur de l'uniforme était de

2 la même couleur que celle des soldats ordinaires.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je m'en souvienne, oui,

4 c'était le même uniforme, mais j'ai oublié certaines choses. J'ai fini mon

5 service militaire en 1960.

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que la couleur de l'uniforme

7 ordinaire de l'armée yougoslave, de la JNA, était vert olive ou bien quelle

8 était la couleur ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, avant. Oui, avant, c'était le cas pendant

10 que je faisais mon service militaire.

11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Vous nous avez dit au fond

12 qu'en temps de paix, l'on faisait la distinction entre la police militaire

13 et un officier militaire ordinaire ou un soldat ordinaire sur la base du

14 ceinturon blanc et de l'étui de pistolet blanc; est-ce exact ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est ainsi que l'on pouvait savoir qu'il

16 s'agissait de la police militaire alors que les officiers, ils avaient

17 d'autres uniformes, puis ils avaient des insignes particuliers, des étoiles

18 ou des rayures sur leurs épaules.

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que les officiers de la police

20 militaire portaient des insignes sur leur uniforme qui permettaient de

21 conclure qu'ils étaient membres de la police militaire ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas du reste, tout

23 simplement je sais qu'il y avait ces ceinturons blancs et ces étuis. Mais

24 puisque tout ceci s'est passé il y a longtemps, il se peut qu'il y ait

25 autre chose mais j'ai oublié. Vous savez, j'ai quitté l'armée en 1960.

26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il n'y a pas de problème, Monsieur

27 Hasic. Je souhaite que l'on parle maintenant de la police civile. Quel

28 était ou à quoi ressemblait l'uniforme de la police civile dans l'ex-

Page 1184

1 Yougoslavie ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Bleu, là je parle de la police civile qui

3 portait des uniformes bleus.

4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] L'uniforme était bleu donc.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que vous vous souvenez de la

7 couleur des ceinturons ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Le ceinturon, je pense qu'il était normal.

9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. S'ils portaient un pistolet

10 dans un étui, la couleur de l'étui était ordinaire aussi, de couleur de

11 peau ou noir on blanc; comment ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Ordinaire, semblable à l'uniforme, bleu peut-

13 être.

14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Je souhaite maintenant que

15 vous nous répondiez à une autre question qui vous a été posée tout à

16 l'heure.

17 Peut-être vous pourrez nous donner des explications tout à l'heure

18 encore. Vous avez mentionné qu'il y avait un policier sur place. Est-ce que

19 vous savez si c'était -- Mme Soljan vous a

20 demandé : "Vous a dit qu'il y avait un policier sur place et est-ce que

21 vous savez si c'était un police militaire ou civil ?" Vous avez répondu :

22 "Et bien, peut-être que c'était un police militaire." Je vais d'abord vous

23 lire votre réponse : "Et bien, peut-être c'était un police militaire

24 d'après son étui et son ceinturon, mais, d'après son uniforme, on aurait

25 dit que c'était un policier civil. Je ne connaissais pas les uniformes mais

26 je me souviens que la police militaire portait des ceinturons blancs, mais

27 l'uniforme était bleu, et bleu signifiait que c'était la police civile."

28 J'ai une question simple pour vous. Est-ce que je comprends bien que

Page 1185

1 vous dites que la personne que vous avez vue dans l'école Vuk Karadzic

2 avait l'uniforme de la police civile, mais l'étui et le ceinturon étaient

3 ceux d'un policier militaire ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Moi non plus, je ne sais

5 pas comment je dois comprendre cela. S'il s'agissait d'un policier

6 militaire ou civil, mais, de toute façon, c'était bien un policier

7 puisqu'il avait un pistolet et un ceinturon blanc. Cela, je l'ai bien vu et

8 bien remarqué.

9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un policier militaire, dans votre

10 langue, quel est le mot en serbo-croate pour dire policier militaire ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] "Vojni policac" ou "vojna policija," s'il y en

12 a plusieurs.

13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Avez-vous vu ces paroles où que ce

14 soit, que ce soit en forme complète ou abrégée, le mot, VS, sur l'uniforme

15 de ce policier ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je ne regardais pas et je ne l'ai pas vu

17 car j'étais apeuré, donc je ne faisais pas attention à cela.

18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Je vous remercie de cette

19 information. Maintenant, je souhaite que l'on parle d'une autre partie de

20 votre déposition traitant de quelque chose de tout à fait différent. Vous

21 faites référence à la première nuit lorsque vous êtes arrivé à Bratunac,

22 lorsqu'ils vous ont fait entrer et puis, ils ne vous ont pas permis de

23 prendre votre nourriture avec vous.

24 Puis, vous avez dit : "Pour autant que je m'en souvienne, cette nuit-

25 là, peut-être il y avait deux nuits que nous y avons passées et ils

26 faisaient sortir les gens, ils les tuaient sur-le-champ, toute la journée,

27 toute la nuit, sans répit. Ils le faisaient en relèves; une seule relève

28 n'aurait pas pu le faire. Il s'agissait d'un processus de 24 heures sur 24.

Page 1186

1 Il y avait des gens qui étaient tués, qui gémissaient, qui criaient."

2 Donc, parlons de cela en procédant point par point. Est-ce que vous

3 savez que les gens étaient tués ? Est-ce que quelqu'un a vu des tueries

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas vu cela de mes propres yeux, mais

5 je les ai entendus gémir et crier, puis j'entendais des rafales. Ensuite,

6 ces personnes n'ont jamais été ramenées dans la pièce ou dans d'autres

7 pièces, donc, probablement, ils étaient en train de les tuer, mais je ne

8 l'ai pas vu de mêmes propres yeux. Mais, maintenant, il s'agit d'un fait

9 qui est reconnu à 100 %. Ils ont trouvé des fosses communes à Potocari, ils

10 ont trouvé deux fosses communes récemment d'ailleurs.

11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Hasic, essayez de me

12 comprendre. Nous avons besoin de savoir exactement ce qui s'est passé à

13 Bratunac pendant ces deux nuits. Le fait que les fosses communes ont été

14 trouvées à Potocari et ailleurs ne veut pas dire nécessairement que ces

15 gens-là ont, effectivement, été tuées dans l'école de Vuk Karadzic pendant

16 les deux nuits que vous y avez passées. Donc, vous devez parler de manière

17 très précise au cours de votre déposition. Mme Soljan va continuer de vous

18 poser des questions.

19 Je pense que cette partie va être élaborée. Nous ne pouvons pas nous

20 permettre d'entendre une déposition fondée sur des suppositions et conclure

21 qu'un certain nombre de personnes ont été tuées et que ceci se déroulait 24

22 heures sur 24, et cetera, car je suppose qu'à ce rythme-là, l'ensemble de

23 la population musulmane à l'école de Vuk Karadzic aurait été exterminée

24 d'après le témoin. Donc, il faut élaborer cela.

25 Mme SOLJAN : [interprétation] Oui, je comprends.

26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je n'essaie pas de dire qu'il n'y a pas

27 d'allégation portant sur les tueries en masse dans l'école Vuk Karadzic. On

28 a entendu parler des meurtres opportunistes dans l'école Karadzic et

Page 1187

1 d'autres meurtres mais pas dans cette mesure-là.

2 Mme SOLJAN : [interprétation] Merci.

3 Q. Monsieur Hasic, je vais vous poser encore quelques questions au sujet

4 de la période que vous avez passée à l'école Vuk Karadzic à Bratunac. Est-

5 ce que vous pouvez me donner une idée du nombre de musulmans qui ont été

6 emmenés en dehors de votre pièce et qui ne sont jamais retournés ?

7 R. Je pourrais vous dire que dans la pièce dans laquelle je me trouvais

8 quelques six ou sept personnes ont dû sortir, on les a fait sortir. Des

9 autres pièces, combien de personnes on a fait sortir, cela je ne saurais

10 vraiment le dire. Je ne serais pas en mesure de dire d'ailleurs quelles

11 étaient les dimensions de l'école et combien de personnes ont été

12 emprisonnées sur place, mais les cris étaient constants, jour et nuit. Nous

13 pouvions entendre des rafales de mitraillettes qui brusquement ponctuaient

14 les cris. A ce moment-là, les cris diminuaient ou cessaient.

15 Q. De la pièce où vous vous trouviez, avec quelle fréquence y avait-il des

16 gens qui entraient ou que l'on faisait sortir de votre pièce ?

17 R. Peut-être qu'au bout d'environ une heure ou de quelques heures, cela

18 dépend. Peut-être quand une heure, deux heures ou trois heures cela

19 dépendait.

20 Q. Qui faisait sortir ces hommes de la pièce où vous vous trouviez ?

21 R. Les soldats eux-mêmes. Ceux qui portaient des uniformes de camouflage.

22 C'était des soldats. Ils faisaient tout ce qu'ils voulaient. Personne

23 n'était là pour leur dire d'arrêter ou pour empêcher cela.

24 Q. Avez-vous à un moment quelconque des hommes qui se trouvaient dans

25 votre pièce, les avez-vous vus plus tard dans les cars, par exemple ?

26 R. Les Musulmans ?

27 Q. Oui.

28 R. Non, non. Je ne les ai plus jamais revus. C'était fini. Ceux qui se

Page 1188

1 trouvaient-là je ne les ai plus revus. Les personnes que je connaissais, je

2 ne les ai plus revues. J'ai enterré mon frère l'an dernier. On l'a retrouvé

3 à Pilica. On a pu l'identifier. C'était un frère qui avait sept ans de plus

4 que moi. Cette année-ci j'ai enterré un autre frère, le 11 juillet, et lui

5 avait cinq ans de plus que moi. A l'époque, ils avaient près de 70 ans. Mon

6 frère le plus âgé avait près de 70 ans et moi-même j'avais près de 60 ans.

7 J'avais dépassé l'âge de 55 ans j'avais presque 60 ans.

8 Q. Je vous remercie. Je voudrais vous poser quelques questions

9 supplémentaires en ce qui concernent les conditions qui existaient à

10 l'école Vuk Karadzic. Pendant que vous vous y trouviez, est-ce que vous

11 avez été autorisés à vous rendre aux toilettes ?

12 R. C'était permis en étant escorté. Il faisait s'aligner cinq ou six

13 personnes dans le couloir et alors que les gens passaient pour aller aux

14 toilettes, lorsqu'ils passaient devant eux, à ce moment-là, ils recevaient

15 des coups de crosse de fusil dans les côtes. Ceci se passait et a eu lieu

16 plusieurs fois. Si les gens voulaient sortir et, par la suite, les gens

17 n'ont plus osé sortir, ne voulaient plus sortir, ils avaient peur. De sorte

18 qu'ils urinaient là où ils se trouvaient. Voilà ce qu'ils faisaient, ils

19 n'osaient plus sortir.

20 Q. Est-ce que vous avez vu cela de vos yeux ?

21 R. Oui. J'ai vu cela, bien sûr. Je les ai urinés sur place ou urinés dans

22 un sac, d'autres se précipitaient parce qu'ils voulaient pouvoir boire,

23 c'est-à-dire qu'également on manquait d'eau.

24 Q. Est-ce que les soldats vous ont donné de l'eau au cours de ces deux

25 journées que vous avez passé dans l'école ?

26 R. Oui. Ils l'ont fait. S'ils ne nous avaient pas donné d'eau, plus de la

27 moitié de ceux qui se trouvaient là seraient morts. Ils ont effectivement

28 de l'eau mais pas assez et n'ont pas donné de vivres, d'aliments.

Page 1189

1 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que certains d'entre vous avaient besoin de

2 soins médicaux, certain des hommes qui se trouvaient dans l'école ?

3 R. Il est probable qu'il y en avait qui avait besoin de soins médicaux.

4 Mais pourquoi est-ce que quelqu'un aurait voulu le faire puisque

5 probablement on allait les faire sortir et les tuer ? Quelle utilité y

6 aurait-il eu à essayer d'obtenir un médicament ? Il y avait des personnes

7 qui étaient ainsi mais à quoi aurait servi de les soigner puis de les tuer.

8 Ils ne laissaient sortir personne. Est-ce qu'ils laissaient sortir qui que

9 ce soit ?

10 Q. Monsieur le Témoin, ces soldats serbes n'ont pas donné enfin vous ne

11 les avez pas vus donner des soins ou des traitements ou des médicaments à

12 qui que ce soit au cours de ces deux journées ?

13 R. Non. Pas du tout. S'ils avaient eu pitié des gens, ils n'auraient pas

14 fait cela. Pourquoi auraient-ils donné des soins médicaux à qui que ce

15 soit. Ils ne donnaient pas à manger, ils ne donnaient pas assez d'eau. Les

16 aliments que les gens avaient leur ont été confisqués. Pourquoi se

17 seraient-ils préoccupés de donner des soins médicaux à ces gens. Cela ne

18 les intéressait pas. Je vivais dans un village.

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vais essayer de vous aider à finir

20 votre déposition dès que possible. Essayer de répondre aux questions qui

21 vous sont posées par oui ou par non. Comme on vous le demande sans entrer

22 dans des détails supplémentaires. Je veux dire, nous comprenons tous ce

23 dont il s'agit. Il n'est pas nécessaire que vous expliquiez certaines

24 choses. Mais certaines questions doivent être posées et il faut qu'il y

25 soit répondu. Il est possible d'y répondre par oui ou non. Donc, limitez-

26 vous s'il vous plaît par des réponses par oui ou non et à ce moment-là vous

27 aurez la possibilité de partir beaucoup plus tôt d'ici. Plus tôt que vous

28 ne le pensiez. Je vous remercie.

Page 1190

1 Mme SOLJAN : [interprétation]

2 Q. Vous avez dit qu'on vous a fait monter dans des cars après vous avoir

3 faits sortir de l'école à Bratunac. Qui vous a fait monté dans ces cars ?

4 R. Les soldats serbes et les conducteurs, les chauffeurs.

5 Q. Est-ce que vous dites qu'ils étaient seuls sur ces cars ou que c'était

6 eux qui ont fait monter ces Musulmans en les faisant sortir de l'école et

7 qu'ils les ont fait monter dans ces cars ?

8 R. Ils ont fait monter les Musulmans dans les cars pour les transporter

9 plus loin. Ils ont dit qu'ils se rendaient à Tuzla. Ils nous ont donné du

10 pain, quelques tranches par personne et c'est tout. Lorsque nous nous

11 sommes mis en route, nous avons vu que nous allions dans une autre

12 direction, nous n'allions pas dans la direction de Tuzla mais dans la

13 direction de Zvornik. Ces cars de Zvornik sont passés en Serbie, sept cars.

14 Nous sommes allés en Serbie et peut-être du côté de Loznica. Ils ont

15 traversé à nouveau, entré à nouveau en Bosnie en passant un pont. A ce

16 moment-là ils se trouvaient déjà près de Pilica. Ils sont arrêtés si

17 longtemps qu'une personne s'est étendue dans le couloir dans la partie

18 centrale du car, ce Musulman, ils ont commencé à crier : "Faites-le se

19 relever," parce qu'il n'était pas possible évidemment de passer dans ce

20 couloir. On l'a soulevé et ils ont dit : il est mort. Ils pensaient

21 simplement qu'il était étendu là, mais, en fait, il était mort et ils ont

22 dit : "Faites-le sortir et mettez-le sur le côté de la route." Voilà ce qui

23 a été fait. On l'a fait sortir et laissé sur le côté de la route et il est

24 laissé là, et puis il y a une personne qui a demandé s'il pouvait sortir

25 pour uriner et le soldat serbe lui a permis de sortir, et quand il est

26 sorti, à ce moment-là, il a commencé à courir, et les soldats serbes l'ont

27 fauché d'une rafale. Il savait qu'il serait pris comme cela, mais je crois

28 qu'il préférait être tué par une balle que de faire l'objet d'un génocide,

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1 et c'est ce qui s'est passé.

2 Q. Est-ce que vous avez vu cet homme être tué ?

3 R. Oui. Je l'ai vu. J'ai vu cela. Comme aurais-je pu ne pas le voir alors

4 que j'étais assis dans le car ? J'étais assis près de lui. J'étais assis

5 juste à côté de lui.

6 Q. Est-ce qu'en fait vous l'avez vu au moment où on l'a tué ?

7 R. Non. Je ne l'ai pas vu. Il n'a pas été tué sur place. Il est mort tout

8 seul. Il est mort de peur. Peut-être qu'il n'avait pas une bonne santé.

9 Peut-être qu'il avait besoin d'aide, mais rien de tout cela ne s'est passé.

10 L'INTERPRÈTE : Est-ce que le conseil pourrait attendre la fin de

11 l'interprétation ? Je vous remercie.

12 Mme SOLJAN : [interprétation]

13 Q. Vous avez mentionné le fait qu'un homme était mort et qu'il avait fallu

14 le sortir du car. Un homme qui a aidé à le faire sortir du car a demandé la

15 permission d'aller se soulager. A ce moment-là, il a essayé de s'enfuir, il

16 a commencé à courir et il a été tué.

17 R. Oui, oui.

18 Q. Est-ce que vous l'avez vu faucher par une rafale ?

19 R. Je l'ai vu. Il était dans les bois et il y a eu deux rafales. La

20 première ne l'a pas atteinte, mais la deuxième l'a fauché et il est tombé à

21 terre.

22 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin.

23 Maintenant, combien de temps avez-vous passé dans ces cars ?

24 R. Nous y sommes restés pendant environ une heure, une heure et demie, et

25 il commençait déjà à faire nuit. Je ne sais pas ce qu'ils attendaient, et

26 au bout d'une demi-heure il a fait nuit, puis ensuite nous sommes allés à

27 Pilica. Nous étions presque à Pilica, à l'entrée de Pilica, et c'est à ce

28 moment-là qu'on est entré -- qu'on a tourné vers la gauche pour aller vers

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1 une école ou un centre culturel, quelque chose de ce genre. Il faisait déjà

2 nuit. Nous avons dû monter des escaliers pour entrer, et ils nous ont

3 forcés à retirer nos casquettes. Nous avions tous une sorte de casquette.

4 Les hommes d'un certain âge, nous portions tous comme des bérets, des

5 espèces de bérets français. Nous portions tous ces bérets. Nous les avons

6 enlevés et nous sommes entrés dans les pièces, dans les salles et à ce

7 moment-là les mêmes choses ont recommencé. Immédiatement, ils ont commencé

8 à faire sortir des hommes, à les battre et à les tuer. Vous pouviez

9 entendre les cris et les gémissements. Si quelqu'un se levait et regardait

10 par la fenêtre ou si quelqu'un faisait regarder quelqu'un faire quoi que ce

11 soit, à ce moment-là on entendait une rafale d'armes à feu. Ils tuaient des

12 gens à l'extérieur. Nous pouvions entendre les cris, les hurlements, les

13 gémissements de l'extérieur. Ceci a continué. Je pense que si je peux m'en

14 souvenir exactement, j'étais là, sur place, pendant une nuit ou deux nuits.

15 Peut-être deux nuits, je suis resté là, et approximativement le 17, on

16 emmenait des gens -- on faisait déjà sortir des gens pour les exécuter.

17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je pense qu'on vient juste d'aborder ce

18 que j'allais évoquer maintenant. Si le témoin pouvait être précis quant à

19 la date exacte à laquelle il est arrivé à Pilica, à cet endroit précis à

20 Pilica, s'il se rappelle quand ils ont quitté Bratunac et quand ils sont

21 arrivés à Pilica, que ce soit le même jour et en l'espèce, si c'était le

22 cas, à quelle date ?

23 Mme SOLJAN : [interprétation]

24 Q. Monsieur le Témoin --

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Quand est-ce que ces événements qu'il

26 vient de décrire ont-ils eu lieu ?

27 Mme SOLJAN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

28 Q. Monsieur Hasic, vous rappelez-vous de la date à laquelle vous êtes

Page 1193

1 arrivé à Pilica ?

2 R. Je pense que c'était le 15.

3 Q. Merci. Pourriez-vous, en gros, nous dire, grosso modo, combien il y

4 avait de Musulmans dans ce bâtiment, cet immeuble à Pilica ?

5 R. Dans la pièce où je me trouvais, la pièce était pleine. Il n'était pas

6 possible de bouger. Dès qu'une personne se levait, elle n'avait plus la

7 possibilité de se rasseoir par la suite. Il n'y avait pas d'espace. On

8 était vraiment entassé dans cette pièce où je me trouvais. En tout état de

9 cause, la pièce était très pleine. Je ne suis pas allé dans les autres

10 pièces et je ne peux pas savoir combien de personnes s'y trouvaient. On

11 n'avait pas la possibilité de sortir. On n'osait pas. Si on sortait dans le

12 couloir, on allait recevoir des coups de crosse de fusil. On n'osait même

13 pas aller aux toilettes. La plupart des gens n'osaient même pas aller aux

14 toilettes. Ils urinaient là où ils se trouvaient sur place.

15 Q. Pourriez-vous nous dire quelles étaient les dimensions de la pièce dans

16 laquelle on vous a gardé ?

17 R. Je ne sais pas. Peut-être trois mètres et demi sur cinq, mètres

18 approximativement.

19 Q. Pourriez-vous nous dire, grosso modo, quel était l'âge de ces Musulmans

20 qui étaient gardés dans cette pièce avec vous --

21 R. Il y avait des hommes âgés aussi. Jusqu'à l'âge de 80 ans. C'est sûr. A

22 100 %. Il y avait aussi des enfants de 15, 16 ans. Ils avaient demandé qui

23 avait 15 ou 16 ans et ils avaient dit : "Venez vous mettre en rang ici afin

24 qu'on puisse vous voir." Il y avait environ 12 enfants comme cela qui

25 allaient de 15 à 16 ans et ils ont dit : "Nous avons besoin de gens ou

26 d'enfants comme cela pour Avdic. Avdic recherche des personnes comme cela."

27 Ils les ont fait sortir. Je ne sais pas ce qu'ils leur ont fait. Voilà ce

28 qui s'est passé dans cette pièce.

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1 Quant aux autres pièces, combien étaient-ils, combien ont-ils

2 rassemblé, je ne sais pas. Peut-être que c'était 100 à 120 personnes qu'ils

3 ont rassemblés dans les autres pièces. En tout état de cause, on les a fait

4 sortir et nous n'avons plus jamais entendu parler d'eux.

5 Q. Vous avez mentionné le fait qu'ils avaient demandé qui avait 15 ans ou

6 16 et qu'ils avaient dit de se mettre en rang ou de s'aligner. Qui était

7 "ils" ? On leur a dit. Qui étaient les personnes qui ont posé ces

8 questions ?

9 R. Oui. Il s'agissait des soldats serbes qui nous gardaient et qui nous

10 détenaient et qui faisaient de nous ce qu'ils voulaient.

11 Q. Pourriez-vous nous dire combien il y avait de soldats serbes sur place

12 ou dans le bâtiment de Pilica qui gardaient ces Musulmans ?

13 R. Je peux dire qu'il y avait approximativement une dizaine d'hommes qui

14 se trouvaient là, et il y en avait dix autres à l'endroit où ils les

15 tuaient, où se déroulait les exécutions, donc dix ici, et dix là-bas, et il

16 y en avait deux ou au moins un sur les cars qui les escortait. J'ai

17 remarqué à l'école qu'il y avait un sourd muet, et l'un de nos hommes a

18 demandé s'il y avait quelque chose à manger, et l'autre type a dit : "On

19 n'a rien à te donner."

20 Au bout d'une demi-heure, il a porté une miche de pain et il était en

21 train de le rompre en petits morceaux, la taille d'une bouchée, pour

22 distribuer. Je pense, si je peux me rappeler exactement, nous avons passé

23 environ deux nuits sur place. Le lendemain, après les nuits dont j'ai

24 parlé, on a dit que ceux qui voulaient aller à Sarajevo et avaient l'argent

25 pour payer leur billet d'autocar pour aller à Sarajevo, l'un d'entre eux a

26 dit : "J'ai 100 marks allemands et je peux payer pour mon ami, mon

27 collègue, mon voisin. Nous pouvons payer pour cinq personnes." C'est comme

28 cela que ces personnes sont parties. Dans la mesure où ils avaient de

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1 l'argent, ils pouvaient s'en aller. En principe, à Sarajevo. A partir du

2 moment où les gens n'avaient plus d'argent, alors on disait : "Bon, vous

3 allez aller à Tuzla," donc à partir de ce moment-là, il était possible de

4 partir même si on n'avait pas d'argent. C'était possible de monter dans ces

5 cars sans argent.

6 Après cela, ils ont apporté deux draps. C'était des draps très longs.

7 Ils ont dit : "Il faut déchirer ceci en lambeaux" et nous allions être

8 attachés. Il y avait deux hommes qui déchiraient ces draps, et à ce moment-

9 là on nous attachait les mains derrière le dos. Il y avait des gens qui

10 partaient, les cars partaient très rapidement et revenaient très

11 rapidement. J'ai pensé : On va m'attacher, moi aussi.

12 Très peu de personnes sont restées dans cette pièce et j'ai mis les

13 mains derrière le dos, et c'est comme cela qu'ils m'ont attaché les mains.

14 Lorsque nous sommes sortis, alors que nous étions en train de sortir et de

15 descendre l'escalier, lorsque nous sommes arrivés au rez-de-chaussée, il y

16 avait là un homme qui était mort. Il y avait du sang, une mare de sang tout

17 autour de lui. Il gisait au bas des marches; il était mort. Nous sommes

18 sortis. Nous nous sommes dirigés vers les cars. Il y avait là deux cars.

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, arrêtez-vous là, Monsieur

20 Hasic.

21 Maître Lazarevic, j'ai déjà remarqué que vous vouliez la parole. Il y

22 a quelque chose qui ne va pas avec le compte rendu, j'imagine.

23 M. LAZAREVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, vous avez

24 raison. J'ai remarqué que lorsque le témoin était en train de faire sa

25 déposition concernant cet événement, il s'agit d'un soldat serbe mentionné

26 à la page 28 -- je vais retrouver cela dans un instant, oui, ce que j'ai

27 entendu dire par le témoin c'est que les soldats serbes avaient dit : "Nous

28 n'avons pas assez à manger nous-mêmes et c'est la raison pour laquelle je

Page 1196

1 ne peux pas te donner à manger." Peut-être que Mme Soljan pourrait

2 clarifier les choses, préciser les choses.

3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Hasic, vous venez

4 d'entendre ce que Me Lazarevic vient de dire. Est-il exact que lorsque ce

5 soldat --

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai entendu. C'est exact.

7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Alors, nous pouvons poursuivre.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est vrai qu'il a dit cela.

9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Poursuivons avec la suite de

10 l'interrogatoire principal, Madame Soljan.

11 Mme SOLJAN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque je suis descendu du premier étage,

13 j'ai dit --

14 Mme SOLJAN : [interprétation]

15 Q. Je vous arrête un instant et je voudrais vous ramener à quelques autres

16 questions sur ce qui se passait à Pilica. Pendant la période où vous vous y

17 trouviez, vous avez mentionné le fait qu'il y avait également des mauvais

18 traitements, que des personnes étaient tuées. Est-ce que vous avez vu

19 lorsque ces personnes ont été tuées ?

20 R. Je n'ai pas vu quoi que ce soit. Tout ce que j'ai entendu c'était des

21 gémissements et des hurlements à l'extérieur. Ceci continuait jour et nuit,

22 sans arrêt. C'était incessant. Il est probable qu'ils tuaient les gens en

23 prenant des tours, en se relevant les uns, les autres. Cela ne cessait pas.

24 C'était certain à 100 %.

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, Madame Soljan, parce qu'il

26 avait dit plus ou moins la même chose un peu plus tôt -- je voudrais

27 retrouver le passage. Indépendamment de cette question de gémissements et

28 de hurlements qu'il vient de répéter maintenant, il a également mentionné,

Page 1197

1 tout au moins c'est cela que nous avons au compte rendu, des rafales

2 d'armes à feu. Ce que j'aimerais savoir maintenant, c'est si les

3 hurlements, les cris et les gémissements qu'il a entendus c'était au même

4 moment qu'il entendait les rafales d'armes à feu ou si c'était --

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Les cris et les gémissements, c'était avant.

6 Après ces cris, une fois qu'on avait entendu la rafale d'arme à feu, il n'y

7 avait plus de cris. C'était fini. C'était le silence. Ceci veut dire qu'ils

8 étaient en train d'être tués. Si on regardait par la fenêtre ou si on

9 faisait un peu plus de bruit à l'intérieur, à ce moment-là la rafale était

10 tirée vers nous, donc nous n'osions pas regarder par la fenêtre. C'est la

11 raison pour laquelle nous n'avons pas vu ce qui se passait.

12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

13 Mme SOLJAN : [interprétation]

14 Q. Monsieur le Témoin, vous rappelez-vous combien de fois vous avez

15 entendu ces rafales ou ces tirs ?

16 R. Je ne sais pas. De nombreuses fois. Je ne peux pas décrire cela

17 précisément. Je n'ai pas compté sur le moment, mais j'ai aussi entendu

18 plusieurs voix qui gémissaient en même temps lorsqu'on faisait sortir

19 quatre ou cinq personnes en même temps on les traînait par ici ou par là.

20 Je pouvais entendre quatre ou cinq voix différentes, puis, on entendait des

21 coups de feu ou une rafale qui les fauchait et, ensuite, c'était le

22 silence. Au bout d'un certain temps, un certain intervalle, d'autres

23 personnes sortaient. On les faisait sortir. Voilà comment cela se passait.

24 J'ai vu cette personne qui était morte, là, sur place, lorsque nous

25 étions en train de quitter l'école. J'ai vu cette personne, enfin ce corps

26 qui se trouvait en bas des marches alors que nous nous dirigions vers les

27 cars. L'un des cars, je m'en souviens très bien, était un car de la

28 compagnie Sabac. Il appartenait à cette société, la société du 7 juillet de

Page 1198

1 Sabac. Je ne me rappelle pas à qui appartenaient les autres cars, mais je

2 me rappelle bien celui-ci.

3 Q. Quelle était la dimension de ces cars ? Combien d'hommes pouvaient s'y

4 tenir ?

5 R. Environ 50 personnes. Nous avons rejoint les cars. Il y avait une

6 dizaine de soldats qui nous escortaient jusqu'aux cars et lorsque nous y

7 sommes arrivés, j'ai regardé un peu autour de moi et j'ai vu quatre

8 officiers qui se tenaient dans l'ombre. Ces soldats juraient contre nous,

9 nous insultaient, nous ordonnaient d'avancer. De temps à autre, ils

10 frappaient quelqu'un avec un coup de crosse de fusil. Les autres ne

11 faisaient rien. Ils regardaient simplement et peut-être qu'ils disaient

12 quelques mots entre eux lorsque nous sommes montés dans les cars. Nous

13 sommes montés dans les cars et nous étions attachés, et on nous a dit que

14 nous allions à Tuzla.

15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame Soljan, nous sommes arrivés à un

16 moment précis en ce qui concerne les événements de Pilica. Jusqu'à ce

17 moment précis, c'est-à-dire au moment où avec d'autres, on les a fait

18 sortir de l'école pour les faire monter dans les cars, à partir du moment

19 où il a quitté Bratunac, indépendamment des soldats, dont il a maintes fois

20 parlé, parlent d'une façon continue. A-t-il jamais vu de policiers

21 militaires, des membres de la police militaire ou d'autres membres des

22 forces armées ou personnel armé ?

23 R. Je n'ai pas vu de policiers militaires. Je n'ai vu que des uniformes

24 habituels multicolores qu'ils portaient.

25 Q. Est-ce que certains portaient des bérets ?

26 Mme SOLJAN : [interprétation]

27 Q. Est-ce qu'ils portaient des bérets ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était nous qui portions des bérets français

Page 1199

1 noirs ou bleus.

2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce qu'il y avait des soldats qui

3 portaient des bérets ? Est-ce que vous avez pu reconnaître des grades, des

4 insignes ou quelque chose qui vous permettait d'identifier ces personnes en

5 ce qui concernait leur grade, parmi les soldats que vous avez vu sur

6 place ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Poursuivez.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'étais pas en train d'essayer de repérer

10 les insignes. J'ai simplement remarqué que leurs uniformes étaient de

11 plusieurs couleurs, des uniformes variées. Il est sûr qu'il y avait là des

12 officiers, mais je n'essais pas de distinguer cela. Des gens étaient en

13 train d'être tués. Les gens étaient terrifiés. J'étais terrifié, je me

14 demandais si je survivrais ou pas. Il y avait des moments où je comptais,

15 j'avais l'impression que je n'avais plus que quelques secondes à vivre.

16 Mme SOLJAN : [interprétation]

17 Q. Jusqu'à ce stade, Monsieur le Témoin, depuis que vous avez quitté

18 Bratunac, y a-t-il eu des militaires serbes qui vous aient demandé votre

19 nom ?

20 R. On ne m'a jamais personnellement demandé. Ils faisaient sortir des

21 personnes, leur posaient des questions. Certains on les a vus revenir

22 d'autres ne sont jamais revenus après avoir été emmenés. Peut-être que

23 s'ils connaissaient personnellement quelqu'un, ils pouvaient poser des

24 questions, on leur posait des questions après les avoir fait sortir de la

25 pièce.

26 Q. Je vous remercie. Y a-t-il eu des soldats serbes qui aient enregistrés

27 ou qui aient noté vos noms auprès du CICR à un moment depuis que vous avez

28 quitté Bratunac ?

Page 1200

1 R. Personne ne m'a enregistré. Il y avait des personnes qui étaient

2 enregistrées mais ils ne sont jamais venus. Les blessés qui étaient

3 enregistrés disparaissaient, il y en avait davantage --.

4 Q. Avez-vous vu inscrire ou enregistrer des personnes à un moment

5 quelconque à un endroit quelconque de Bratunac jusqu'à votre arrivée à

6 Pilica ?

7 R. Je n'ai rien vu de la sorte. Je pense qu'ils enregistraient ou

8 inscrivaient les gens quelque part dans un quartier général où le

9 gouvernement néerlandais, ou la Défense néerlandaise était installée, était

10 située. Là on procédait à des inscriptions. J'ai entendu parler de cela

11 mais je n'ai jamais vu. Il y avait certain de mes voisins qui ont été

12 enregistrés où dont les noms ont été notés, mais qu'ils ne sont jamais

13 revenus.

14 Q. Je vous remercie. Vous avez dit que vous avez été placés là. Qu'il y

15 avait deux cars devant l'immeuble de Pilica et qu'on a fait monter dans

16 l'un de ces cars. Est-ce qu'il y avait des soldats serbes sur ces cars,

17 dans ces cars ?

18 R. Il y en avait un ou deux soldats. Ils nous escortaient. Ils

19 s'essayaient à côté du conducteur. Nous étions assis dans les sièges et

20 nous n'étions pas censés regarder par les vitres, mais juste devant nous.

21 Q. Est-ce que c'était les mêmes soldats que ceux que vous aviez vus dans

22 le bâtiment de Pilica précédemment ?

23 R. Les mêmes soldats qui nous escortaient jusqu'aux cars. Nous montions

24 dans les cars et ensuite un ou deux d'entre eux montaient dans le car avec

25 nous et le reste demeurait à l'école dans le bâtiment de l'école. A

26 l'endroit où nous sommes arrivés, il y avait un groupe de soldats qui

27 attendaient les cars pour faire descendre les gens et, ensuite, les

28 exécuter.

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1 Q. Monsieur le Témoin, pendant combien de temps durait le trajet dans ces

2 cars ?

3 R. C'était un trajet assez court approximativement deux kilomètres et

4 demi. Nous montions une colline, nous entendions des rafales de tirs

5 d'armes à feu. Lorsque nous sommes arrivés sur place, il y avait des tirs

6 d'arme à feu. Les cars sont arrivés dès qu'ils se sont arrêtés les portes

7 du car s'ouvraient, plusieurs soldats serbes entouraient les cars et

8 insultaient nos mères et nous insultaient et aussi la mère de Haris

9 Silajdzic (inaudible). Ils ont dit : "Ils ne vous veulent pas, sortez du

10 car", puis c'était la mort. On pouvait voir qu'ils avaient la mort dans

11 leur regard.

12 Jusqu'à ce moment on avait l'impression qu'on ne savait pas ce qui allait

13 se produire parce qu'ils disaient quelque chose et puis ils faisaient autre

14 chose. Les gens ont commencé à descendre du car et une fois que ces cars

15 étaient à moitié vides, ils empêchaient ceux qui étaient encore à bord de

16 descendre et je me trouvais encore dans le car. Je regardais ce qui se

17 passait. Ils emmenaient les gens le long d'un sentier vers un champ et il y

18 avait des morts. A ce moment-là des gens étaient fauchés par des rafales ou

19 par des coups de feu. Les gens tombaient morts, tombaient au sol. Une fois

20 qu'ils avaient fini, ils revenaient. Je suis sorti du car, ils juraient :

21 "Nick, ta mère et Alija, ils ne vous veulent pas, sortez du car, venez

22 ici." A ce moment-là, vous aviez l'impression qu'il ne vous reste que

23 quelques secondes à vivre. Quant à savoir si quelqu'un descendait du car

24 avec les mains liées dans le dos, y compris moi-même. Nous avons formé une

25 file, une colonne et puis il y avait ces morts, il y avait des morts dans

26 colonne. Il y avait des morts sur le sentier. On pouvait les voir gisant au

27 sol et ils ne sont même pas arrivés au lieu d'exécution. Ils ont été tués

28 avant cela. Un soldat serbe qui marchait devant moi m'a dit que, il y en

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1 avait environ huit d'entre eux qui marchaient à côté de la colonne et il

2 m'a dit : "Donne-moi les marks allemands". Je lui ai dit : "J'en ai pas" et

3 j'étais prêt à ce qu'il me tue. Il m'a donné un coup de pied dans

4 l'estomac, un coup de pied dans le ventre et je me suis plié en deux et je

5 me suis accroupi et j'ai commencé à crier à l'aide. Le soldat serbe qui

6 marchait derrière moi a appelé le premier soldat : "Ne commets pas de

7 génocide, comporte-toi comme un soldat. Prend un fusil si tu veux tuer

8 quelqu'un." Je me suis relevé et j'ai commencé à suivre la colonne et ce

9 soldat qui m'avait donné un coup de pied m'a demandé si je voulais me

10 convertir et dire que j'étais Serbe pour survivre ? Il n'y a eu que deux

11 personnes dans cette colonne qui ont choisi de le faire. Mais cela ne leur

12 a servi à rien, même pour ces deux-là qui ont choisi cela. L'un d'entre

13 nous dans la colonne a demandé : "Donnez-nous de l'eau, je veux boire de

14 l'eau et après vous pourrez nous tuer." Vous voyez à quel point nous avions

15 soif, à quel point nous avions faim. Mais ceci n'a servi à rien. Si

16 quelqu'un nous plaignait ou avait pitié de nous, ils ne nous auraient pas

17 emmenés pour nous exécuter.

18 Q. Monsieur, s'il vous plaît. Est-ce que cet endroit présentait des

19 caractéristiques particulières ? Est-ce qu'il y avait à cet endroit un

20 bâtiment particulier qui vous aurait frappé, ou d'autres objets ?

21 R. Là où nous sommes descendus des bus, des cars plus exactement, il y

22 avait un pommier. J'ai remarqué qu'il y avait un potager et une maison pas

23 loin de là, une maison ou deux. Mais j'étais trop terrifié, je n'ai pas

24 remarqué grand-chose. Il y avait un fossé qui partait de ces maisons et il

25 y avait une espèce de clairière à une centaine de mètres du sentier, et

26 c'est là qu'ils ont exécuté les gens. On nous a placés en file et les gens

27 quand ils tombaient, ils étaient aussi alignés morts. Nous sommes arrivés à

28 l'endroit où certains avaient été assassinés et nous avons franchi ces

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1 lignes, ces haies de morts, et c'était des haies, des lignes de morts qui

2 devenaient de plus en plus grandes. Il y avait une pente là où les gens

3 étaient tués. J'étais vers le milieu de ma file. Quand on est arrivé à cet

4 endroit là, on nous a donné un ordre, on a dit : "Tournez-vous, tournez-

5 nous le dos." C'est ce que nous avons fait. Ils n'ont pas dit : "Tirez."

6 Ils ont donné l'ordre de nous coucher par terre. Mais, avant que quelqu'un

7 donne cet ordre, ils ouvraient le feu. Je suis aussitôt tombé. Les autres

8 se sont écroulés quand on a tiré sur eux. Lorsque la rafale de tirs a

9 cessé, il y en a qui a demandé : "Est-ce qu'il y a des survivants ?" Une

10 personne a dit : "Oui." Une autre a dit : "J'ai survécu, tue-moi." Donc,

11 cet homme allait d'un survivant à l'autre, lui tirait une seule balle dans

12 la tête. Je me demandais si je devais leur dire que j'étais vivant. Je me

13 demandais si je pouvais me libérer les mains, me dégager les mains et que,

14 si je ne parvenais pas à me dégager les mains, j'allais crier que j'étais

15 en vie pour qu'ils me tuent, mais je me suis dit que, si je pouvais enlever

16 mes liens, je pourrais peut-être survivre et m'échapper. Je suis resté

17 allongé.

18 Q. Monsieur le Témoin, je pense que l'heure est venue de faire une pause.

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Attendez qu'il termine cette partie-ci

20 de sa déposition.

21 Mme SOLJAN : [interprétation]

22 Q. Continuez, Monsieur, s'il vous plaît. Excusez-moi.

23 R. Il y avait sept files de personnes, sept rangées de personnes qu'ils

24 avaient emmenées là. J'étais allongé. J'entendais des tirs tout autour,

25 mais, heureusement, aucune de ces balles ne m'a touché. Ils ont commencé à

26 creuser avec une excavatrice. Du sol a été jeté sur moi, il y avait des

27 pierres aussi, mais j'étais allongé. Il y en a une qui m'a touché au coude,

28 mais je n'ai rien eu d'autre. Il y avait sept files de personnes qui ont

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1 été exécutées. J'ai vu que tout le monde était mort.

2 Il n'y avait plus beaucoup -- presque plus de gens parmi ceux qui avaient

3 été dans ma pièce. Puis, ils ont fait une pause, ils sont allés vers la

4 maison où s'étaient arrêtés les cars. Ils se sont assis à l'ombre. J'ai

5 essayé de me dégager des liens que j'avais autour des mains et,

6 heureusement, j'y suis parvenu, mais j'ai gardé la même position parce que

7 je savais qu'ils allaient sans doute patrouiller les lieux. Une demi-heure

8 plus tard, il y a une patrouille de cinq soldats qui est venue. Je les ai

9 entendus qui parlaient, j'ai entendu leurs pas. J'ai jeté un coup d'œil

10 furtif de temps en temps, et tout d'un coup, j'ai entendu quelqu'un dire :

11 "Il y en a un qui s'est échappé. Il y en a un autre là-bas qui s'en va."

12 J'entendais alors des coups de feu, des rafales quand les gens essayaient

13 de s'échapper. Sur les cinq, il y en n'a qu'un qui est resté. Deux d'entre

14 eux sont revenus un peu plus tard. Il a dit : "Qu'est-ce qui s'est passé ?"

15 Celui qui était resté sur place a demandé ce qui s'était passé. On lui a

16 répondu : "Il y en un qui s'est caché et il y en a deux qui cherchent

17 encore l'autre." Donc, cela veut dire qu'il y en avait un qui avait été tué

18 et que l'autre, ils étaient toujours à sa poursuite. L'un deux a dit :

19 "Nous avons commis un génocide comme celui qui a été commis à Jasenovac en

20 1941."

21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie. Nous allons

22 maintenant faire une pause de 20 minutes.

23 --- L'audience est suspendue à 10 heures 47.

24 --- L'audience est reprise à 11 heures 21.

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame Soljan, veuillez poursuivre.

26 Mme SOLJAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

27 Q. Monsieur, vous étiez en train de parler du moment où vous étiez allongé

28 par terre après l'exécution. Pourriez-vous nous dire comment vous avez

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1 finalement réussi à vous échapper de ce lieu où se passaient les

2 exécutions ?

3 R. Lorsqu'ils sont partis pour aller se mettre à l'ombre, quelqu'un à côté

4 de moi a murmuré, c'était le deuxième par rapport à moi, je me suis

5 retourné, moi-même, j'ai murmuré et j'ai dit : "Est-ce qu'il y a quelqu'un

6 qui est encore en vie ? Essayons de nous en sortir." Nous avons essayé de

7 voir quelle heure il était, par rapport à la tombée de la nuit, c'était

8 deux heures avant le crépuscule. J'ai essayé de voir s'il y avait à

9 proximité un bois où on aurait pu se cacher, et les gens étaient tombés

10 alignés et je savais qu'ils allaient faire venir des excavatrices. J'ai

11 bien compris qu'ils n'allaient pas essayer d'enterrer les gens à la main

12 disons. Donc, entre contrebas du champ, il y avait un fossé, je vous en ai

13 parlé, près de la maison, il était près de l'endroit où les cars s'étaient

14 garés. Il y avait des buissons peut-être sur une surface de 150 mètres

15 carrés de buissons et d'arbres. J'ai décidé d'aller de ce côté-là.

16 J'ai essayé de me dégager de mes liens pour pouvoir mieux me déplacer

17 et après l'avoir fait j'ai regardé autour de moi, il y avait deux hommes

18 qui rampaient en direction des buissons. Je me suis relevé et j'ai rampé

19 sur une certaine distance, j'avais peur qu'il n'y ait une patrouille qui

20 revienne. Là-dessus je me suis redressé, j'ai décidé de prendre un risque.

21 J'ai dû piétiner des morts, marcher sur eux. J'ai essayé d'éviter leurs

22 corps, mais c'était impossible. J'étais à l'écoute pour entendre s'il y

23 avait un cri qui aurait dit : "Il s'échappe, il s'enfui, regarde." Je

24 savais que, si on me surprenait c'était la mort pour moi, je me suis

25 accroupi. J'ai couvert 20 mètres à peu près jusqu'au moment où je suis

26 parvenu aux buissons -- deux autres hommes qui rampaient, on s'est retrouvé

27 dans le même endroit dans ces buissons. En fait, ils étaient quatre et,

28 j'étais le cinquième. Nous sommes restés allongés, tout le monde, autour de

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1 nous étaient morts. Je pense qu'il y a, d'après moi, 1 000 ou 1 500

2 personnes qui ont été tuées là.

3 On s'est caché dans ces buissons, une patrouille est passée qui a

4 fait le tour des morts pour être bien sûr que personne n'avait réussi à

5 s'échapper, nous étions tout près dans ces buissons. Ils n'ont pas vérifié

6 s'il y avait des survivants dans ces buissons, alors, nous sommes restés

7 cachés jusqu'à la tombée de la nuit et à la tombée de la nuit, ils sont

8 partis, et nous sommes sortis des buissons de l'autre côté. Il y avait des

9 morts dans le champ aussi. Avant je n'avais pas remarqué, je ne le savais

10 pas. C'étaient les hommes qu'on avait emmenés le matin et qui avait-on dit

11 avaient payé pour avoir aller à Sarajevo, c'est là qu'ils ont été tués.

12 Nous étions cinq, nous avons traversé ce champ et nous sommes arrivés à un

13 bois, la lune brillait. Lorsque nous sommes parvenus à ce bois je ne

14 pouvais rien voir, j'étais épuisé, j'avais faim, j'avais soif, j'étais

15 terrifié.

16 J'étais déjà d'un âge avancé. Les autres étaient plus jeunes que moi.

17 Ils avaient entre 16 et 25 ans à en juger par leur aspect. Ils sont partis,

18 je suis resté seul à cet endroit sans savoir que faire ou aller parce que

19 je n'avançais que très lentement.

20 Q. Vous parlez de quatre hommes plus jeunes qui étaient avec vous, est-ce

21 que vous savez qui ces hommes étaient, d'où ils étaient ?

22 R. Je l'ai demandé à l'un d'entre eux. Il m'a dit qu'il était du village

23 de Jagona. Je ne lui ai pas demandé son nom. Je ne connais pas son nom.

24 J'ai demandé s'ils étaient arrivés là où ils voulaient aller, mais je ne

25 l'ai pas appris parce que j'ai demandé s'il y avait des gens du village de

26 Jagona qui avaient réussi à s'échapper, et on m'a dit que non. Il y a deux

27 ans peut-être j'ai appris qu'ils avaient été capturés, qu'on les avait

28 emmené à Zvornik. C'est un endroit bien connu Zvornik.

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1 J'ai poursuivi mon chemin seul. Je suis arrivé à une embuscade parce

2 qu'autour de l'endroit où ils exécutaient les gens, ils avaient dressé des

3 embuscades pour attraper ceux qui réussissaient à s'échapper. Il y en avait

4 un qui avait réussi à s'échapper. Je me suis mis à traverser la route. Il y

5 a un soldat qui a crié : "Qui est là ?" J'ai réussi à m'échapper, mais je

6 suis parvenu à un village où il y avait encore quelques civils. Je n'ai pas

7 pu entrer dans le village et j'ai essayé de me cacher là où j'étais. Cette

8 patrouille a commencé à menacer de lancer une grenade. Ils m'ont dit que je

9 devais dire qui j'étais. C'est ce qu'ils ont crié. Ils savaient que j'étais

10 quelque part dans l'obscurité. J'ai essayé de ne pas bouger. Ils ont donné

11 des ordres du genre militaire : "Flanc gauche, flanc droit, gauche tourne,"

12 ils ont ouvert le feu. Je suis resté tout à fait silencieux. Deux heures

13 peut-être se sont passées. Ils ont partis.

14 J'ai traversé la route. Je suis entré dans les bois qui surplombaient

15 la route. Je n'ai pas pu aller jusqu'au village parce que la pente était

16 très raide. J'ai traversé les bois pendant la nuit en franchissant quelques

17 collines. Il m'était très difficile d'avancer. J'étais épuisé. J'avais du

18 mal à marcher dans les bois, à traverser les forêts. Vers l'aube, je suis

19 arrivé à une montagne. Il y avait un pré. J'ai réussi à trouver un peu

20 d'eau. Il y avait des fruits encore verts, des prunes, quelques pommes, il

21 y avait un peu de blé. J'ai mangé quelques grains de blé, donc j'ai réussi

22 à manger quelque chose. Je me suis endormi. C'est ainsi que j'ai réussi à

23 survivre.

24 Après cette nuit-là, je voulais traverser un bois pour aller dans une

25 vallée, mais j'ai entendu du bruit. Il y avait des camions. Je l'ai

26 entendu, il y avait un camion ou un tracteur, donc cela voulait dire que je

27 ne pouvais pas aller de ce côté-là puisqu'il y avait quelqu'un là et peut-

28 être que c'était l'endroit où il y avait une fosse commune. J'ai décidé

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1 d'aller dans une direction différente. Je suis arrivé sur une route

2 bitumée. Je suis allé sur cette route. J'ai couvert 20 ou 30 mètres pour

3 parvenir à un autre bois. C'était le deuxième jour.

4 Il y avait encore une heure et demie à peu près avant la tombé de la

5 nuit. J'ai suivi cette route en direction des bois sur une vingtaine de

6 mètres, mais lorsque j'ai regardé, j'ai vu qu'il y avait des tâches de sang

7 sur cette route, des tâches de 50 centimètres de large. C'était une marre

8 de sang qui coulait dans la direction où j'avais entendu ce bruit, cette

9 agitation. Dès que je suis arrivé au bois où je devais tourner, un camion

10 est apparu. Il venait vers moi. Dès que j'ai regardé ce camion, j'ai vu

11 qu'il était rempli de cadavres. Le tas allait jusqu'à la cabine du

12 chauffeur, et quelqu'un qui était dans le camion a crié : "Ah, c'est celui

13 qui s'est échappé hier. Regarde."

14 Le camion s'est arrêté, et il lui a fallu 30 ou 40 mètres pour

15 s'arrêter. Ce camion s'est arrêté, et comme j'avais entendu ce qu'on avait

16 dit, je n'ai pas osé aller dans les bois. J'ai continué à marcher le long

17 de la route. Je suis arrivé à un pont d'une dizaine de mètres de large et

18 de 15 mètres de long, mais il n'y a pas d'eau qui coule sous ce pont. Il

19 n'y a pas de bois. C'était simplement un canal d'irrigation, je pense. J'ai

20 franchi ce pont. Je ne me suis plus retourné. J'ai marché pendant un

21 certain temps, puis je me suis retourné. Le camion était derrière moi. Il

22 est arrivé au pont, et il me regardait. Je n'ai pas couru, je me suis

23 échappé.

24 Je me suis contenté de continuer à marcher. Il n'arrêtait pas de me

25 regarder. Je suppose qu'il a supposé que j'étais Serbe, et à ce moment-là

26 cet homme s'est retourné et à commencer à courir en direction du camion. Je

27 me suis mis dans le fossé, donc si ce Serbe continuait de me regarder, je

28 voulais qu'il continue de me voir, je voulais qu'il me voie, de voir que je

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1 n'étais pas Serbe. Je voulais qu'il me voit parce que je voulais qu'il

2 m'attrape, qu'il me jette sur le camion, qu'il me tue et qu'il me mette

3 dans le charnier. Je voulais qu'il me voie, qu'il voit ce témoin.

4 Mme SOLJAN : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à huis clos

5 partiel, Monsieur le Président ?

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Nous sommes maintenant à huis clos

7 partiel.

8 [Audience à huis clos partiel]

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4 [Audience publique]

5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

6 Mme SOLJAN : [interprétation] Merci.

7 Q. Vous nous avez dit que vous étiez dans un bus. Où est-ce que l'on vous

8 emmenait.

9 R. On a été emmené à Karakaj et ils ont dit qu'il fallait que l'on

10 contacte le commandement. Nous sommes partis à ce moment-là. Un autre a dit

11 : "Rentre, rentre. Il y a un camion qui va partir. Il doit partir avec

12 eux." C'est là qu'il y avait un camion. Je suis allé dans le camion et à

13 l'intérieur il y en avait d'autres qui avaient été capturés dans les

14 forêts. Ils étaient environ 27. Nous, nous étions deux, donc au total

15 c'était 29.

16 Ils ont crié qu'il fallait ligoter tout le monde. A moi, ils ont dit

17 qu'il ne fallait pas me ligoter, mais ils m'ont donné un peu d'eau et ils

18 ont dit si quelqu'un d'autre souhaite boire de l'eau, donne-lui de l'eau.

19 J'étais le seul qui n'avais pas les mains attachées, contrairement aux

20 autres. Le camion était recouvert. Quelqu'un a dit : "C'est bien, il y a la

21 Croix-Rouge. Ils vont nous accompagner." Nous sommes partis et la Croix-

22 Rouge était avec nous jusqu'à Bijeljina et Batkovic. C'est là que l'on est

23 arrivé dans le camp. C'est là que l'on a reçu des palettes et c'est là que

24 l'on a dormi. On avait deux couvertures; une en bas et l'autre pour se

25 couvrir. Si quelqu'un pouvait mettre quelque chose sur la tête, tant mieux;

26 sinon, tant pis.

27 Ce jour-là nous nous sommes rasés, tous. Nous nous sommes lavés. On

28 nous a coupé les cheveux. La Croix-Rouge y était. Ils nous ont enregistré

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1 ce jour-là. C'était le 26 août. Vous pouvez noter cette date-là. Je m'en

2 souviens très bien.

3 Q. Combien de temps êtes-vous resté dans le camp, approximativement ?

4 R. Le 26, mais je pense que je me suis trompé. Ce n'était pas le mois

5 d'août, mais de juillet. C'était le 28 juillet, c'est là que j'ai fait une

6 erreur. Je me suis trompé.

7 Q. Vous êtes resté jusqu'à quel jour ? Jusqu'à quelle date ?

8 R. A ce moment-là la Croix-Rouge nous a enregistrés. Le dernier jour

9 c'était le 24 décembre, avant le nouvel an. C'est à ce moment-là que le

10 dernier échange a eu lieu. C'est à ce moment-là que j'ai été échangé. J'y

11 avais passé cinq mois dans ce camp.

12 Q. Où êtes-vous allés après votre libération du camp, Monsieur ?

13 R. Bien, à ce moment-là, nous avons été échangés. Les Serbes étaient venus

14 de Tuzla et nous, les Musulmans, nous avons été amenés de Batkovic.

15 L'échange a eu lieu le 24 décembre, peu avant le nouvel an.

16 Q. Où êtes-vous parti après l'échange et depuis l'endroit où l'échange a

17 eu lieu ?

18 R. J'ai retrouvé ma famille. J'avais mes petits-enfants, ma belle-fille et

19 ma fille, ma femme aussi. J'étais à Gracanica.

20 Q. Monsieur, avec votre permission, je souhaite que l'on reparle du 13

21 juillet. Vous avez mentionné que ce jour-là, ils ont procédé à des

22 séparations. Est-ce que vous pouvez nous en parler plus en mesure détail ?

23 Qui séparait qui et de quelle manière ?

24 R. Ils séparaient, compte tenu du fait qu'il y avait deux barrages

25 routiers et ils laissaient passer environ 100 à 200 personnes pour remplir

26 les autobus. L'autre barrage était à environ 15 mètres plus loin sur la

27 route et c'est là qu'il y a eu des soldats aussi qui séparaient

28 immédiatement les hommes, des femmes et des enfants. Ce jour-là, c'était le

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1 jeudi 13 juillet, je suis sorti.

2 Q. Merci.

3 R. D'ailleurs, on sortait tous les jours. Il ne s'agissait pas que de

4 cette journée-là, mais tous les jours pendant que ces événements-là se

5 déroulaient. La sortie se déroulait au cours de cinq ou six jours. Pendant

6 ce temps, ils les séparaient.

7 Q. Qui contrôlait ces séparations sur ces deux barrages ?

8 R. Les soldats serbes en uniformes de camouflage. C'est eux qui séparaient

9 les gens et qui faisaient cela.

10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Attendez, je souhaite simplement

11 clarifier un point. Lorsque le témoin parle des uniformes bariolés ou

12 multicolores, je suppose qu'il parle des uniformes de camouflage. Je

13 souhaitais simplement que l'on établisse cette équivalence car, d'habitude,

14 on parle des uniformes de camouflage --

15 Oui, Maître Lazarevic.

16 M. LAZAREVIC : [interprétation] J'ai entendu le témoin dire un mot, mais je

17 ne l'ai pas trouvé dans le compte rendu d'audience. Je pense que le témoin

18 a dit que les séparations se déroulaient pendant cinq jours. Je crois que

19 c'est ce que j'ai entendu.

20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce exact, Monsieur Hasic ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est exact, car il n'était pas possible

22 que tous ces gens-là sortent en une seule journée. Je parle simplement de

23 ce jeudi, ce que j'ai vécu. Je sortais ce jour-là, mais la même chose se

24 passait au cours des autres journées, d'après ce que les autres disaient.

25 Les autres parlaient de ce genre de séparation. Ces hommes-là, ils ne sont

26 pas venus. C'est à quoi cela ressemblait au moment où je sortais. Je

27 suppose que la même chose se déroulait pendant toute cette période, mais

28 tous ces gens-là, ils ne pouvaient pas sortir en une seule journée. Il

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1 s'agissait de plus de 30 000 personnes. En une journée ce n'était pas

2 possible. Cela durait dans les cinq jours.

3 Mme SOLJAN : [interprétation]

4 Q. Monsieur, qui était avec vous ? Plutôt, est-ce que des membres de votre

5 famille étaient avec vous lorsque vous traversiez ce barrage routier ?

6 R. Mes petits-enfants étaient là et ma belle-fille. Ma femme s'était

7 évanouie et ma fille l'avait amenée quelque part aux urgences. J'y étais

8 avec mes petits-enfants et ma belle-fille. J'avais un jerrican rempli d'eau

9 pour pouvoir donner à boire aux enfants. Lorsqu'ils ont commencé à nous

10 séparer, je portais de l'eau et mes petits-enfants, ils étaient devant moi.

11 Rapidement, je leur ai donné le jerrican. Je l'ai donné à l'un de mes

12 petits-enfants pour qu'ils puissent avoir de l'eau. Je me suis retourné et

13 les quatre petits-enfants, avec ma belle-fille, ils sont partis tous et je

14 suppose qu'ils ont été placés tous dans un camion. Il y avait beaucoup de

15 monde et les gens se bousculaient devant les camions afin d'y entrer dès

16 que possible.

17 Q. Lorsqu'on vous a séparés, est-ce que vous vous souvenez à quoi

18 ressemblait la personne qui vous séparait de votre famille et ce qu'elle

19 portait ?

20 R. Ils portaient un uniforme de camouflage militaire tel que les soldats

21 serbes les portaient, donc, il s'agissait d'uniformes multicolores des

22 soldats. Donc, il y avait cinq, six soldats autour d'un barrage routier.

23 Ils se tenaient par la main. S'ils souhaitaient laisser passer quelqu'un,

24 ils le faisaient et séparaient les femmes et les enfants d'un côté, et les

25 hommes, ils disaient immédiatement : "Tu dois aller là-bas tout de suite."

26 Q. Monsieur, lorsque vous avez parlé des uniformes multicolores, vous

27 étiez en train de parler des uniformes de camouflage ?

28 R. Oui, de camouflage, mais vous savez, les personnes, leurs têtes

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1 n'étaient pas maquées, simplement leurs uniformes étaient multicolores. Les

2 soldats serbes, ils portaient des uniformes multicolores.

3 Q. Est-ce que vous vous souvenez si les soldats portaient des armes ?

4 R. Pour autant que je m'en souvienne, ils portaient des fusils sur les

5 épaules et ils se tenaient par la main, ils bloquaient la route. Si

6 c'était, par exemple, pour me laisser passer, ils pouvaient le faire. Ils

7 laissaient passer, par exemple, 150 personnes. Ensuite, il y avait le

8 deuxième barrage routier et c'est là que la personne disait simplement :

9 "Là-bas," et le fusil était sur son épaule.

10 Q. Merci, Monsieur. Est-ce que vous pouvez essayer de nous décrire

11 l'impact de votre séparation, de votre détention et de la tentative

12 d'exécution, l'impact que tout ceci a eu sur vous, sur votre famille et

13 votre vie ?

14 R. Vous savez, ce n'était pas une bonne chose, non. L'impact c'est que

15 lorsque je repense à tout ce qui s'est passé, beaucoup de gens ont été

16 traumatisés, beaucoup de gens souffriront des séquelles de cela, les

17 enfants aussi qui ont vécu tout cela, qui se souviennent de tout cela. Rien

18 de bon de toute façon.

19 Q. Merci, Monsieur.

20 Mme SOLJAN : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

21 Juges, je n'ai plus de questions pour ce témoin.

22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Madame.

23 Mme SOLJAN : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin suivant est

24 en train d'attendre.

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Je pense qu'il n'est pas

26 nécessaire de le retenir car nous n'avons pas commencé même le premier

27 contre-interrogatoire et même si vous avez terminé en mois de temps que

28 prévu, à mon avis, nous n'allons pas terminer le contre-interrogatoire

Page 1220

1 d'ici une heure. Donc, à mon avis, vous pouvez le libérer.

2 Puis, nous devons également rendre notre décision avant qu'il ne commence à

3 déposer. Vous pouvez vous y attendre dès le début de notre travail demain

4 matin. Merci.

5 Nous allons nous occuper de certains points avant -- je vois que M. Bourgon

6 est debout.

7 M. BOURGON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour.

9 M. BOURGON : [interprétation] Je souhaite simplement dire que, si nous ne

10 terminons pas avec ce témoin aujourd'hui ou si nous terminons vers la fin,

11 je souhaite simplement soulever un point qui doit être soulevé avant

12 d'entendre le témoin suivant.

13 Merci, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Je suis ère que l'on commence le

15 contre-interrogatoire maintenant. Il vous faudra combien de temps pour ce

16 point ?

17 M. BOURGON : [interprétation] Pas plus de cinq minutes, Monsieur le

18 Président.

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] A votre avis, combien de temps il

20 faudra à l'Accusation pour répondre ?

21 M. BOURGON : [interprétation] Il s'agit d'une question dont nous avons déjà

22 parlé qui concerne la manière dont nous allons traiter les éléments de

23 preuve, bien sûr, sous réserve de la décision de la Chambre de première

24 instance, portant sur la question de savoir si le témoin suivant va déposer

25 ou pas. Mais, de toute façon, ceci concerne la manière dont nous traiterons

26 des éléments de preuve, donc, je pense que cinq minutes.

27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Nous allons donc allouer dix

28 minutes à la fin à cela. Donc, la personne qui sera en train de contre-

Page 1221

1 interroger le témoin s'arrêtera dix minutes avant une heure.

2 Donc, l'équipe de la Défense de M. Popovic, M. Zivanovic. Monsieur Hasic,

3 l'homme devant vous représente l'accusé M. Popovic et il va être la

4 première personne qui va vous contre-interroger.

5 Contre-interrogatoire par M. Zivanovic :

6 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Hasic. Je souhaite vous rappeler du

7 fait que vous avez fait une déclaration préalable auprès des enquêteurs du

8 Tribunal de La Haye. C'était en 1996, le 25 mai 1996.

9 R. C'est exact.

10 Q. Dans cette déclaration, entre autres choses, vous avez dit, lorsque

11 vous avez décrit les événements qui se sont déroulés à Potocari, que cette

12 première nuit, donc entre le 11 et le 12 juillet, s'est déroulée de manière

13 calme.

14 R. Calme, autrement dit, personne ne nous touchait, mais les obus

15 tombaient tout autour, non pas sur les gens.

16 Q. Donc, les obus ne tombaient pas à Potocari, mais un peu plus loin, les

17 obus plus loin, pas là où se trouvaient les réfugiés.

18 R. Bien, les réfugiés se sont regroupés, ils ont formé un cercle et les

19 obus tombaient autour mais parmi les gens. D'ailleurs, ce n'est pas ce que

20 j'avais dit, mais simplement autour -- autour des gens, les obus tombaient.

21 Q. Je ne dis pas que ceci tombait dans le cercle.

22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un moment, Maître Zivanovic. Je ne

23 souhaite pas vous interrompre mais nous devons vous ralentir tous les deux.

24 Monsieur Hasic, lorsque Me Zivanovic termine ses questions, nous avons

25 besoin que vous fassiez une petite pause avant la réponse; et la raison est

26 que nous ne comprenons pas votre langue, elle doit nous être traduite,

27 donc, nous avons besoin de cette petite pause --

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Quelqu'un interprète, d'interpréter.

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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Justement, c'est pour cela que

2 nous avons besoin de cette pause pour permettre aux interprètes de terminer

3 leur interprétation. Donc, veuillez ménager une pause de cinq secondes

4 avant de commencer à répondre et la même chose s'applique à vous, Maître

5 Zivanovic.

6 Allez-y, et je ne vais pas compter. Je peux attendre sans cela.

7 M. ZIVANOVIC : [interprétation]

8 Q. Donc, nous pouvons conclure que cette nuit-là, entre le 11 et le 12

9 juillet, le bâtiment de l'ONU qui hébergeait les réfugiés n'était pas ciblé

10 des tirs d'obus ?

11 R. Si, les obus tombaient autour de nous comme je l'ai dit. Cette nuit-là,

12 lorsque nous y sommes arrivés, lorsque les gens se sont regroupés, les obus

13 tombaient autour de cet endroit, autour des gens, autour de tous les

14 bâtiments. Non pas seulement autour d'un seul bâtiment.

15 Q. Très bien. Merci. …

16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Maître Meek, qui représente

17 l'accusé Beara, va vous contre-interroger maintenant.

18 Contre-interrogatoire par M. Meek :

19 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Hasic. Comment allez-vous ?

20 R. Bonjour.

21 Q. Je souhaite vous remercier d'être venu déposer et je souhaite

22 simplement que l'on clarifie un certain nombre de points. L'Accusation vous

23 a demandé si vous pouviez dire approximativement quel était le nombre

24 d'hommes musulmans qui étaient détenus avec vous dans l'école Vuk Karadzic

25 à Bratunac; vous vous en souvenez ?

26 R. Bien, je ne peux pas dire -- je sais qu'ils ont posé cette question

27 mais je sais combien d'hommes il y avait dans ma chambre. Je ne sais pas

28 combien ils étaient au total. Je n'osais pas me déplacer car dans les

Page 1223

1 couloirs immédiatement quelqu'un appirait [phon] son fusil contre nous.

2 Vous savez on était pas libre. On risquait nos vies. Personne ne demandait

3 si vous étiez coupable de quelque chose ou pas. Personne ne vous

4 interrogeait. Personne. Simplement, ils savaient que vous étiez d'une

5 confession différente, que vous étiez Musulman et c'est tout ce qui

6 importait, et c'est pour cette raison-là qu'ils nous ont traité ainsi.

7 C'est comme cela que les choses se déroulaient.

8 Q. Monsieur Hasic, est-ce que vous pouvez me dire approximativement

9 d'après vous combien d'hommes musulmans y avait-il dans votre pièce à

10 l'école ?

11 R. Bien, dans cette pièce on était entassé. Je l'ai dit. Peut-être il y

12 avait environ 150 à 200 personnes. Il y avait tellement de gens que, si

13 vous essayez de vous mettre debout, vous ne pouviez plus vous rasseoir et

14 vous ne pouviez pas vous déplacer, même bouger, vos jambes.

15 Q. Vous avez dit également que tout au long de cette journée à l'école on

16 tuait les gens sans cesse.

17 R. Oui, on les tuait, on les faisait sortir par l'intérieur. Ils ont

18 simplement passé à tabac une personne celle qui était couverte de sang, ce

19 que j'ai vu, et ils faisaient sortir les autres. On entendait des cris, des

20 gémissements, ensuite, des rafales. On n'osait pas regarder par la fenêtre

21 car si non une rafale nous aurait coupés en deux.

22 Q. Vous avez dit au cours de votre déposition que les soldats serbes

23 faisaient sortir les hommes en continu toute la journée et pas seulement de

24 votre pièce, mais des autres pièces aussi. C'est bien ce que vous avez dit

25 au cours de votre déposition ?

26 R. Oui, j'ai dit qu'ils faisaient sortir les gens des autres pièces pas

27 seulement la mienne. En ce qui concerne les autres, je ne l'ai pas vu, mais

28 s'ils les faisaient sortir de ma pièce à moi, certainement, ils le

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1 faisaient avec les autres. Certainement, les autres n'étaient pas épargnés

2 non plus.

3 Q. Combien d'autres pièces y avait-il si vous le savez ?

4 R. Je ne sais pas. Je n'étais pas dans cette école-là même en temps de

5 paix. J'y suis allé en temps de guerre. Comme je n'y étais pas allé en

6 temps de paix, comme je ne vivais pas là-bas je ne connaissais pas ce

7 bâtiment, cette école, les classes et tout cela. Je ne connaissais pas.

8 Q. Très bien. Merci. Est-ce que dans ce cas-là vous pouvez estimer

9 approximativement combien de personnes ont été emmenées à l'extérieur et

10 tuées -- emmenées de l'extérieur de ces pièces différentes pendant que vous

11 y étiez, Monsieur ?

12 R. Bien, je peux dire qu'en ce qui concerne ma pièce ils ont fait sortir

13 environ sept personnes qui étaient dans ma pièce, mais en ce qui concerne

14 les autres pièces je ne le sais pas. Je ne l'ai pas vu donc je ne peux pas

15 vous le dire. Mais on entendait des gémissements et des cris à l'extérieur.

16 C'est ce qu'on entendait sans cesse jour et nuit.

17 Q. Monsieur, par la suite, on vous a emmené dans une autre école à Pilica;

18 est-ce exact ?

19 R. Oui. A Pilica de Bratunac, à Pilica. J'ai été hébergé dans cette école

20 et j'ai été emmené de Pilica jusqu'au lieu d'exécution pour un peloton.

21 Q. Maintenant, Monsieur Hasic, vous avez dit dans votre déposition

22 concernant l'école de Pilica et vous avez dit que dans la pièce où vous

23 étiez détenu il y avait quelques enfants, des jeunes de 15 et 16 ans; est-

24 ce exact ?

25 R. Oui. Dans la pièce où je me trouvais je sais il y en avait une douzaine

26 qui était alignée, on les observait, et ils nous ont dit à leur sujet,

27 Avdic recherche des gars comme cela, peut-être comme soldats. Je ne sais

28 pas. On les a emmené. Combien y en avait-il dans les autres pièces peut-

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1 être 100, 120, et je ne sais pas ce qui leur aient arrivé. Je ne peux pas

2 dire s'ils ont été assassinés ou s'ils ont été envoyés à cet endroit --

3 emmenés à cet endroit ou à un autre endroit, ce qui compte c'est qu'ils ne

4 sont plus.

5 Q. En fait, franchement, Monsieur le Témoin, vous ne savez pas ce qu'ils

6 leur aient arrivé. Ils pourraient très bien être en vie et en train de

7 vivre en France actuellement, n'est-ce pas ?

8 R. Bien, il est probable que s'ils étaient vivants ils auraient contacté

9 des gens, au moins certains d'entre eux auraient survécu et seraient venus

10 dire dans une déposition ou témoigner du fait qu'ils se trouvaient à Pilica

11 au camp -- dans ce camp, mais personne n'ait là pour témoigner qu'ils aient

12 survécu à cela.

13 Q. Merci, Monsieur Hasic.

14 R. Je ne peux pas dire qu'ils aient été assassinés parce que je ne l'ai

15 pas vu de mes propres yeux.

16 Q. Je vous remercie. Pouvez-vous me dire comment vous estimez qu'il y

17 avait peut-être 100 à 120 enfants de cette fourchette d'âge dans d'autres

18 pièces de l'école, si vous ne les avez pas vus ?

19 R. Je ne l'ai pas vu. Mais je crois que s'il y en avait 12 dans la pièce

20 où je me trouvais, je ne sais pas combien il y avait de pièces, mais si une

21 douzaine de jeunes sortaient de ces pièces, mon calcul approximatif est que

22 ceci donnerait le total -- le nombre que j'ai estimé.

23 Q. Je vous remercie, Monsieur Hasic. Je comprends votre réponse. Vous ne

24 pouvez toujours pas me dire comment vous avez fait cette estimation ou

25 combien il y avait de pièces dans l'immeuble, n'est-ce pas ?

26 R. Je n'ai pas fait d'estimation. Je n'ai pas fait de calcul. Puisque nous

27 avions là des salles de classe très vastes il y avait peut-être dix salles

28 de classe dans l'immeuble ainsi que d'autres pièces, et je ne peux pas vous

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1 dire précisément combien il y en avait. Je sais de façon précise qu'il y

2 avait 12 enfants dans la pièce où je me trouvais.

3 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin. Alors, c'est à Pilica que vous

4 avez entendu dire que les gens étaient inscrits sur des listes; est-ce

5 exact ?

6 R. Pas à Pilica, c'était pendant que j'étais à Potocari. J'ai entendu dire

7 que certaines personnes étaient inscrites sur une liste à Potocari où la

8 FORPRONU ou son quartier général se trouvait. Ces gens étaient en train

9 d'être enregistrés. Je sais que certains ont été enregistrés mais ils ne

10 sont jamais revenus.

11 Q. Monsieur Hasic, j'observais votre déposition à la page 33 du compte

12 rendu d'aujourd'hui où Mme le Procureur vous avait

13 demandé : "Avez-vous vu des gens être inscrits où que ce soit de Bratunac

14 au moment de votre arrivée à Pilica ?" Votre réponse a

15 été : "Je n'ai pas vu cela. Je pense qu'il procédait à un enregistrement ou

16 à un inscription de ces noms au QG quelque part où se trouvait le

17 gouvernement ou la défense néerlandaise, les gens de la défense

18 néerlandaise." Donc, votre déposition, maintenant, c'est que ceci n'était

19 pas à Pilica et ce n'était pas non plus à Bratunac.

20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je voudrais qu'on en reste à cela,

21 Maître Meek, parce que je ne pense qu'il y ait des doutes sur le lieu.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je n'ai jamais vu --

23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant. Personne n'a de doutes sur

24 ce qui est dit concernant ce du gouvernement néerlandais, comme c'est dit

25 dans le compte rendu ou la défense néerlandaise, où elle était située. Tout

26 le monde sait où ils étaient situés.

27 M. MEEK : [interprétation]

28 Q. Maintenant, Monsieur Hasic, vous avez également dit dans votre

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1 déposition qu'il y avait des Musulmans qui étaient interrogés, qui

2 subissaient des interrogatoires. Est-ce que vous vous rappelez avoir dit

3 cela dans votre déposition ?

4 R. Ce que j'ai vu c'est que deux personnes avaient été emmenées à

5 l'extérieur et qu'on les avait interrogées, qu'on leur avait posé les

6 questions et qu'on les avait ramenées, mais je n'ai pas vu d'autres

7 personnes être ramenées.

8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Madame Soljan, excusez-moi.

9 Mme SOLJAN : [interprétation] Si Me Meek veut simplement nous donner une

10 référence ?

11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Je ne pense pas que vous aillez

12 des questions supplémentaires sur ce point, n'est-ce pas, Maître Meek ?

13 M. MEEK : [interprétation] Non, pas vraiment à ce sujet.

14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Si vous avez besoin qu'on soit précis,

15 comme Mme Soljan l'a fait remarqué. Je vous remercie.

16 M. MEEK : [interprétation] A la page 32, lignes 20 et 21, Monsieur le

17 Président.

18 Q. Donc, Monsieur Hasic, combien de temps est-ce que ces personnes ont été

19 interrogées ? Combien de temps ont duré les interrogatoires de ces

20 personnes ?

21 R. On les faisait sortir, on les emmenait, je ne sais pas. On leur posait

22 quelques questions pendant pas longtemps. Puis, on les ramenait à leur

23 place. Je connaissais ces deux-là. Ils ne sont pas revenus. Par la suite,

24 ils ont été fait prisonniers, emmenés et tués parce qu'ils n'ont pas pu

25 traverser et aller de l'autre côté.

26 Q. Est-ce que vous pensez qu'il y avait d'autres Musulmans dans d'autres

27 salles de l'école qu'on faisait sortir et que l'on interrogeait ?

28 R. C'est certain.

Page 1228

1 Q. Monsieur le Témoin, en regardant votre déposition d'aujourd'hui, il

2 semble qu'à la première école que vous avez fréquentée, vous pensez que

3 vous y avez passé une nuit ou peut-être deux nuits; c'est exact ?

4 R. C'est exact, Bratunac.

5 Q. Dans la deuxième école, à Pilica, vous êtes resté soit une nuit, soit

6 peut-être deux nuits, vous n'êtes pas sûr; est-ce exact ?

7 R. Vraisemblablement deux nuits. Pas pour le 17 où l'exécution a eu lieu,

8 le 17 juillet.

9 Q. Vous avez été envoyé à Bratunac le 12; est-ce exact ?

10 R. Cela ne peut pas être le 12, c'était le 13 et je l'ai dit, mais vous ne

11 l'avez pas écrit.

12 Q. Le 13, et donc vous êtes resté --

13 R. Le 14 et le 15, j'étais à Bratunac. Puis, on nous a entraîné à Pilica

14 de sorte que c'est le 17 que l'exécution en masse a eu lieu, ans qu'on nous

15 pose de questions pour savoir si nous étions coupables de quelque chose ou

16 non. Personne n'a eu de questions, aucune question n'a été posée à

17 personne. Leur but c'était simplement de nous supprimer, de faire que vous

18 cessiez d'exister. Vous voyez, c'est comme cela que c'était.

19 Q. Je vous remercie beaucoup. Mais vous venez juste de répondre que vous

20 auriez pu passer -- vous avez peut-être passé une nuit à Bratunac et non

21 pas deux. Maintenant, vous dites que c'était deux nuits. Donc, je vous

22 demande lequel des deux, c'était une nuit, c'était deux nuits ? Est-ce que

23 vous savez ?

24 R. Peut-être une nuit, peut-être deux. C'est possible que cela ait été

25 deux nuits, c'est vrai que ces possible.

26 Q. Je vous remercie.

27 M. MEEK : [interprétation] Je n'ai pas de questions supplémentaires,

28 Monsieur le Président.

Page 1229

1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Meek.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a 12 ans qui se sont écoulées. C'était il

3 y a 12 ans, je ne me rappelle pas. Cela ne s'est pas passé hier. Certaines

4 choses, vous savez, ont eu lieu.

5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Maître Meek. Je vous

6 remercie, Monsieur Hasic.

7 Maintenant, la Défense de M. Nikolic qui a à sa tête, Mme Nikolic va

8 commencer.

9 Contre-interrogatoire par Mme Nikolic :

10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Hasic.

11 R. Bonjour.

12 Q. J'aimerais vous poser quelques questions, si vous pouvez m'aider, pour

13 comprendre certains des événements qui ont eu lieu au cours de la période

14 que vous avez décrite.

15 R. Oui. Bien.

16 Q. Aujourd'hui, vous avez parlé de plusieurs officiers que vous avez vus à

17 Pilica et qui se tenaient dans l'ombre, et qui s'entretenaient entre eux.

18 R. Oui.

19 Q. Vous rappelez-vous si ces officiers portaient des fusils automatiques

20 avec eux ?

21 R. Je le sais très bien, je me rappelle qu'il faisait très chaud, ils

22 portaient des vêtements légers, leurs chemises étaient déboutonnées. Ils

23 avaient des fusils automatiques à l'épaule, à bretelle.

24 Q. Je vous remercie. Quand vous êtes-vous retrouvé à la maison, au début

25 de tous ces tristes événements, ces malheureux événements ?

26 R. Oui.

27 Q. On vous a dit à tous que tous ceux qui étaient détenus feraient l'objet

28 d'investigation et que vous seriez, ensuite, emmenés à Tuzla ?

Page 1230

1 R. Oui, ils ont dit que nous serions -- oui, que nous serions quelque peu.

2 Q. Oui. Vous avez supposé que vous seriez échangé jusqu'au moment où vous

3 êtes arrivé à Pilica.

4 R. Oui.

5 Q. Je reviens sur certaines questions pour la partie la plus grave des

6 événements que vous avez traversés. Il s'agit des événements en ce qui

7 concerne le champ près de Pilica.

8 R. Oui.

9 Q. Vous avez dit aujourd'hui que d'après vos estimations, il y a eu entre

10 1 000 et 1 500 corps, cadavres dans ce champ.

11 R. Enfin, c'était mon estimation, une estimation approximative, mais ce

12 n'est pas certain, entre 1 000 et 1 500 corps. C'est sûr à 100 %. Je ne

13 vous ai pas donné de chiffre précis mais c'était un chiffre approximatif.

14 Q. Très bien. Je vous remercie. Donc pour vous, cela avait été une journée

15 très difficile qui vous a marqué pour le restant de votre vie. Je suis sûr

16 que vous aviez très peur et que vous vouliez quitter cet endroit dès que

17 possible.

18 R. Oui. Tout ce que j'aie pu voir c'était la chargeuse qui essayait de

19 prendre tous ces corps, réunir tous ces corps.

20 Q. Il y avait un très grand nombre de corps dans ce champ, vous avez vu un

21 grand nombre d'entre eux dans ce champ; c'est exact, mais vous n'avez pas

22 pu les compter ?

23 R. Non. Je n'ai pas pu les compter mais ils étaient un millier, entre un

24 millier et 1 500, et c'est ce qu'ont constaté mes deux frères qui étaient

25 plus âgés que moi. L'un d'entre eux avait cinq ans de plus que moi et

26 l'autre sept ans de plus que moi.

27 Q. Je vous remercie, Monsieur Hasic. Je souhaiterais vous poser quelques

28 questions concernant l'échange de Batkovic, quand vous avez été remis en

Page 1231

1 liberté à la fin du mois de décembre 1995.

2 Mme NIKOLIC : [interprétation] Monsieur le Président, puisque j'ai ici un

3 document de la collection de Srebrenica, qui est de la commission

4 républicaine de Srebrenica, et qu'il y a des noms mentionnés dans ce

5 document, je pense que peut-être nous pourrions passer au huis clos

6 partiel, de façon à ce que je puisse poser ces questions au témoin sans

7 révéler l'identité de certaines personnes.

8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Madame Nikolic, c'est

9 exactement ce qu'on va faire. Allons en audience à huis clos partiel

10 pendant un moment, s'il vous plaît.

11 Audience à huis clos partiel.

12 [Audience à huis clos partiel]

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

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22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

26 (expurgé)

27 (expurgé)

28 [Audience publique]

Page 1232

1 Mme NIKOLIC : [interprétation] Je n'ai pas de questions supplémentaires,

2 Monsieur le Président. Je vous remercie.

3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Maître Nikolic.

4 Maintenant, l'équipe de la Défense de M. Borovcanin, et

5 M. Stojanovic va passer ensuite. Monsieur Stojanovic.

6 M. STOJANOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

7 Contre-interrogatoire par M. Stojanovic :

8 Q. [interprétation] Ahmo, je vais vous poser quelques questions relatives

9 aux deux premières choses qui se sont passées. Laissez-moi suivre une

10 séquence, depuis hier, mardi, 11 juillet, vous avez dit que vous étiez allé

11 à Potocari; c'est bien cela ?

12 R. Oui, c'était le jour où Srebrenica est tombée.

13 Q. Quelle heure était-il ?

14 R. Lorsque je suis venu, il était peut-être aux environs de midi ou peut-

15 être de 14 heures, environ, je ne sais pas, quelque chose comme cela. Je ne

16 peux pas dire exactement quelle heure il était. Peut-être que je n'avais

17 même pas de montre à ce moment-là.

18 Q. Vous avez dit que les gens qui s'y trouvaient -- qui avaient déjà des

19 gens qui se trouvaient à l'intérieur des usines ?

20 R. Oui, c'est exact.

21 Q. Vous avez dit que vous n'avez pas pu rentrer ?

22 R. Non, je n'ai pas pu. J'étais à l'extérieur.

23 Q. Puisque nous connaissons bien la disposition des lieux, pourriez-vous

24 nous dire si vous parlez d'un bâtiment ou de plusieurs bâtiments dans

25 lesquels se trouvaient les gens ?

26 R. Ces gens étaient dans un certain nombre de bâtiments. Je ne sais pas

27 exactement combien, mais peut-être qu'il y en avait cinq ou six de ces

28 bâtiments, les bâtiments d'usines, en l'occurrence. Il y avait l'usine de

Page 1233

1 plomb, l'usine de zinc, l'accumulateur, Feros, et peut-être d'autres

2 usines. Il y avait d'autres usines.

3 Q. A quelle distance se trouvent ces bâtiments, quelle distance les

4 sépare ? Quelle surface est-ce qu'ils occupent ?

5 R. Ils sont peut-être éloignés de 60 mètres entre une usine et l'autre.

6 C'était la distance qui les séparait.

7 Q. Serait-il exact de dire si je disais que ces usines représentaient une

8 surface de 300 mètres carrés où se trouvaient ces bâtiments ?

9 R. Non. C'est forcément plus. Vous ne pouvez pas toutes les mettre dans

10 une zone de 300 mètres, non.

11 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, essayer de nous dire d'une façon un peu

12 plus précise quelle était la distance qui séparait ces usines les unes des

13 autres, ces bâtiments où la population de Srebrenica étaient placés ?

14 R. Les gens étaient mis dans ces bâtiments, dans des usines. Elles sont

15 très proches les unes des autres. Certaines se trouvent au-dessus de la

16 route, d'autres en aval de la route. Peut-être qu'il y avait entre 50 et 60

17 mètres de distance, enfin jusqu'à 100 mètres, cela dépendait de l'usine.

18 Puis, il y avait encore des personnes qui se trouvaient entre les usines,

19 parce qu'on ne pouvait pas faire rentrer 30 000 personnes dans ces

20 bâtiments, on ne pouvait pas tous les faire rentrer. C'est parfaitement

21 clair.

22 Q. En fait, vous ne pouviez pas voir toutes les usines et savoir où toutes

23 ces personnes, de l'endroit où vous vous trouviez étaient placées ?

24 R. Non, je ne pouvais pas tout voir. C'est une enceinte assez vaste. J'y

25 suis allé un peu dedans, j'ai apporté de l'eau aux enfants, on allait

26 chercher de l'eau, donc je suis passé au milieu de personnes. De sorte que

27 je sais qu'il y avait des gens partout.

28 Q. Bien, je voudrais que l'on clarifie quelque chose maintenant, quelque

Page 1234

1 chose qui pour moi n'était pas clair. Vous avez dit aujourd'hui que vous

2 n'êtes pas en entré dans l'une quelconque de ces usines et que vous êtes

3 resté à l'extérieur.

4 R. Oui. Cette nuit-là, je suis resté seul. J'avais perdu ma famille. Ils

5 se trouvaient quelque part dans la foule. Après cela, lorsqu'il a commencé

6 à faire jour, j'ai commencé à chercher, à me promener, et j'ai trouvé ma

7 famille. Elle se trouvait dans l'usine. La deuxième nuit, nous avons tous

8 dormi à l'extérieur.

9 Q. Précisément. Je souhaiterais que l'on procède dans l'ordre. Le 11, dans

10 l'après-midi, et cette nuit, vous vous trouviez à Potocari, la nuit du 11

11 et le 12 vous êtes séparé de votre famille et vous dormez à l'extérieur;

12 c'est bien cela ?

13 R. Oui, pour ces deux nuits.

14 Q. La nuit du 11 au 12, la première nuit, vous avez dormi sans votre

15 famille ?

16 R. Oui. J'étais séparé de ma famille. La deuxième nuit j'étais réuni à

17 nouveau avec ma famille à l'extérieur.

18 Q. Pendant la deuxième nuit, la nuit du 12 au 13, vous vous trouviez avec

19 votre famille mais vous ne dormiez pas à l'intérieur de l'une quelconque

20 des usines ?

21 R. Non. Le 13 j'ai quitté Potocari et je suis allé à Bratunac. Pour finir

22 j'espère enfin que c'est clair pour vous.

23 Q. Vous nous avez également dit que cette première nuit, la nuit du 11 au

24 12 --

25 R. Oui, allez-y, demandez-moi.

26 Q. Vous n'avez pas vu qu'il y ait eu des assassinats ou qu'on ait séparé

27 les gens des uns des autres cette nuit-là; est-ce exact ?

28 R. Non. Il n'y a rien eu de cela au cours de la première nuit mais cela a

Page 1235

1 eu lieu la deuxième nuit. C'était une catastrophe au cours de la deuxième

2 nuit.

3 Q. C'est exactement ce que je voulais vous demander.

4 R. Oui, allez-y. Posez votre question.

5 Q. Lorsque vous parliez de cette catastrophe vous avez parlé de la nuit du

6 12 au 13, c'est-à-dire la deuxième nuit que vous avez passé là-bas; est-ce

7 exact ?

8 R. La nuit du 12 au 13, en fait, je sais qu'en ce qui concerne la deuxième

9 nuit. C'est de cela que je parlais, du 12 au 13. C'est quand Srebrenica est

10 tombée. C'est à ce moment-là que nous sommes allés à Potocari. C'était la

11 première nuit. La deuxième nuit a été dangereuse pour beaucoup de gens. Un

12 grand nombre a trouvé la mort. Un grand nombre gémissait dans la nuit, et

13 le lendemain après cela, le jeudi, Bratunac, Vuk Karadzic, il y avait la

14 question des aliments de savoir ce qui avait été laissé -- avait été

15 emporté de façon à ce que nous n'ayons plus rien à manger. Oui, c'est comme

16 cela que cela s'est passé. De sorte que nous allions mourir de faim, nous

17 serions de plus en plus faibles, nous n'aurions pas de force, nous

18 n'aurions rien. Ils avaient des armes. On nous avait attaché.

19 Q. Est-ce que vous parlez de Bratunac maintenant ?

20 R. Je parle de Bratunac et de ce que vous voulez d'autre.

21 Q. Je voudrais que nous procédions pas à pas. Il serait plus facile de

22 faire comme cela. Nous allons nous arrêter maintenant parce que nous allons

23 parler maintenant de Potocari.

24 Ces personnes dont les gémissements étaient audibles -- les gémissements et

25 les cris vous les avez entendus lors de la deuxième nuit à Potocari, avez-

26 vous vu où ils étaient emmenés ou d'où on les emmenait ? Est-ce qu'ils

27 étaient emmenés depuis l'intérieur de l'usine ou est-ce qu'ils étaient

28 emmenés de l'extérieur ?

Page 1236

1 R. Je ne pouvais pas voir. J'étais à l'extérieur. Ils ne les emmenaient

2 pas près de moi, peut-être qu'ils emmenaient certaines personnes sur une

3 distance d'un demi-kilomètre et ensuite complètement de l'autre côté, mais

4 vous pouviez les entendre. Tout le monde pouvait regarder par-ci par-là,

5 ils disaient des choses et ensuite vous pouviez entendre les cris, les

6 gémissements des personnes qui étaient en train d'être tuées.

7 Q. Vous n'avez pas vu cela, vous avez seulement entendu.

8 R. Oui, j'ai simplement entendu. Je fais confiance à ce que j'ai vu de mes

9 propres yeux et à ce que j'ai entendu de mes oreilles. Je me fais

10 confiance, j'ai confiance en moi. Personne ne peut me dire que cela n'a pas

11 été ainsi par conséquent.

12 Q. Tout ceci a eu lieu au cours de la deuxième nuit ?

13 R. La deuxième nuit.

14 Q. C'est bien cela ?

15 R. C'est bien cela.

16 Q. Très bien. Maintenant j'aimerais vous poser des questions et vous

17 demander de nous aider un peu avec ceci. Où vous ont-ils amenés, dans

18 quelle maison où est cette maison à Potocari où vous avez été amenés ?

19 R. C'était loin des usines, vers la sortie, quand vous passez les usines.

20 Il y avait une maison qui se trouvait du côté gauche, c'est dans cette

21 maison où ils nous ont emmenés.

22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Dans la direction de quoi donc, dans la

23 direction de Srebrenica ou dans la direction de Bratunac ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans la direction de Bratunac où nous nous

25 rendions. Cela ne pouvait pas être dans la direction de Srebrenica parce

26 que c'est de là que je venais. Maintenant, j'allais dans le sens inverse.

27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

28 M. STOJANOVIC : [interprétation]

Page 1237

1 Q. Vous rendant à une maison qui se trouvait du côté de gauche et allant

2 dans la direction de Bratunac ?

3 R. Oui. Du côté gauche, dans la direction de Bratunac. Nous avons passé à

4 côté du bâtiment de l'usine.

5 Q. Quelle était la distance par rapport à la grande route asphaltée ?

6 R. Peut-être de 15 à 20 mètres de la route principale.

7 Q. Est-ce que c'est de cette maison avec un seul étage ou deux étages avec

8 un grenier, avec des combles ? Est-ce que c'était un bâtiment ayant un seul

9 étage ?

10 R. Cette maison avait un rez-de-chaussée et un premier étage. Je ne sais

11 pas s'il y avait également un grenier ou des combles. En fait, je n'étais

12 pas en train d'observer tout ce qui avait lieu. Je ne voyais pas exactement

13 comment les choses se présentaient. Je n'avais pas de crayon sur moi pour

14 noter toutes les dates et tout ce qui s'est passé.

15 Q. Peut-être que vous pourriez nous aider. Vous rappelez-vous s'il y avait

16 des enregistrements, s'il y a eu des enregistrements, vous rappelez-vous

17 s'il y avait des rubans autour de l'enceinte de l'ONU. Un point de

18 contrôle ?

19 R. Je ne sais pas en ce qui concerne le point de contrôle. Je suis sûr

20 qu'il y en avait mais je n'en ai pas vu mais je suis sûr qu'il y en avait

21 parce que chaque fois qu'il y avait un point de contrôle on voyait une

22 sorte de ruban ou de files de fer au niveau des points de contrôle. Il y

23 avait également des sacs de sable sur le sol. C'est comme cela qu'ils

24 renforçaient leur position. Ils utilisaient des sacs de sables pour

25 construire un point de contrôle.

26 Q. Qui vous l'a dit ? Ou est-ce que vous l'avez vu ?

27 R. Ce sont les Hollandais.

28 Q. Est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'il n'y avait pas de

Page 1238

1 rubans de plastique ou que vous ne l'avez pas vu ce ruban ?

2 R. Je ne l'ai pas vu, peut-être qu'il y en avait quelque part mais ce

3 n'était pas tout autour de la base, en tout cas, je n'en ai pas vu. Vous

4 savez, ces gens occupaient une grande surface. Il y avait des gens assis,

5 d'autres allongés. C'était un espace grand. Je n'ai pas parcouru le

6 pourtour pour vérifier s'il y avait des rubans autour.

7 Q. Si je vous ai bien compris, le 13 juillet le deuxième jour à Potocari

8 vous étiez dehors à l'extérieur avec les membres de votre famille; est-ce

9 exact ?

10 R. Cette nuit-là était la dernière nuit que nous avons passé à Potocari.

11 Le 13 j'ai été emmené à Bratunac.

12 Q. Si je vous pose la question c'est pour la raison suivante. Quand est-ce

13 que l'on a donné du pain, qu'on a distribué du pain. Quand est-ce que vous

14 avez pu donner un peut de pain à vos petits-enfants ?

15 R. C'est au cours de la première nuit, celle du 11 au 12. Quand l'on est

16 arrivé. C'est le 12 qu'ils nous ont distribués du pain. Je suis parti de là

17 le 13, j'étais parti le 13, le jeudi 13.

18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Stojanovic, nous allons nous

19 arrêter dans cinq minutes mais auparavant j'aimerais vous demander ceci,

20 qu'est-ce que vous recherchez comme résultat. Vous contestez la crédibilité

21 du témoin, quel est votre objectif ?

22 M. STOJANOVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président. J'essaie de

23 déterminer à l'aide du témoin, l'endroit où se trouvait l'unité contrôlée

24 par M. Borovcanin. D'après l'acte d'accusation, il y a une précision qui

25 est donnée. Par la suite, nous saurons exactement quand ils sont arrivés,

26 quand ils sont arrivés à Potocari et si ces hommes étaient là du 11 au 12

27 juillet. Non, j'avais marqué mon accord avec les dires du témoin, je n'ai

28 pas du tout l'intention de contester sa crédibilité.

Page 1239

1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, je voulais vous le demandez parce

2 qu'on tourne un peu en rond et je pense que ce que vous avez dit à

3 l'instant est plus important pour vous.

4 M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

5 Q. Monsieur le Témoin Ahmo, j'aimerais maintenant vous demandez ceci. Les

6 deux postes de contrôle que vous avez mentionnés à Potocari, vous vous en

7 souvenez ?

8 R. Oui.

9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, je pense pouvoir comprendre

10 l'objection.

11 M. STOJANOVIC : [interprétation] Excusez-moi, mais le témoin a un prénom

12 qui s'appelle qui est Ahmo mais il a aussi un nom de famille et je crois

13 qu'il conviendrait davantage de s'adresser au témoin en disant son nom de

14 famille.

15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je ne sais pas quelle est la pratique

16 en vigueur chez vous, mais je suis assez d'accord avec

17 Mme Soljan. Je pense qu'il est préférable de vous adresser au témoin, en

18 utilisant son nom de famille. Parce que ceci pourrait déboucher sur cet

19 incident. Cela a été le cas dans d'autre procès, vous savez, Maître

20 Stojanovic. Je n'aimais pas cela dès le début, la première fois que vous

21 avez commencé à vous adresser à nous en utilisant son prénom.

22 M. STOJANOVIC : [interprétation]

23 Q. Je vais donc m'adresser à vous en disant M. Hasic.

24 R. C'est comme vous voulez. Vous pouvez m'appeler seau, n'importe quoi,

25 peut m'importe.

26 Q. Monsieur Hasic, ma question concerne les deux postes de contrôle que

27 vous avez mentionnés. Est-ce que vous vous en souvenez ?

28 R. Ceux de la FORPRONU à Potocari. Je qu'il y en avait un mais je ne sais

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1 s'il y avait deux postes de contrôle. Je n'en ai pas parlé dans ma

2 déposition. Il y avait celui de la FORPRONU où ils avaient leur QG.

3 Q. Lorsque vous vous êtes dirigés vers les autocars, comment est-ce que ce

4 trajet était organisé, ce déplacement ?

5 R. J'ai pu traverser la foule. Avant j'allais chercher de l'eau pour ma

6 famille, je pouvais marcher. Mais lorsque nous nous sommes approchés de la

7 sortie c'était vraiment terrible. Il y avait une cohue. Tout le monde

8 poussait, on ne pouvait arrêter personne. Les gens poussaient, tiraient, et

9 j'aurais pu avancer plus lentement, mais j'étais emporté par la foule.

10 C'est comme cela dans ces circonstances que nous sommes arrivés au point de

11 sortie. Il y avait ce poste de contrôle je vous l'ai dit et ils laissaient

12 passer 150 à 200 personnes. Je vous l'ai déjà dit --

13 Q. Mais ma question concerne ce poste de contrôle-là. Vous l'appelez

14 barrage ou barricade ou poste de contrôle. C'est là qu'on laissait passer

15 150 ou 200 personnes. Est-ce qu'ils laissaient passer les hommes, les

16 femmes, les enfants ?

17 R. Oui, tous. Mais le deuxième poste de contrôle qui était à une

18 cinquantaine de mètres de là, c'est là qu'ils faisaient la séparation entre

19 les femmes et les enfants et les hommes. Les hommes devaient aller vers la

20 maison, les femmes et les enfants vers les autocars ou les camions.

21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il reste trois équipes de la Défense,

22 pourriez-vous me dire combien de temps il vous faudra, Madame Fauveau ?

23 Mme FAUVEAU : Monsieur le Président, entre 30 à 45 minutes.

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Fort bien. Maître Krgvic, qu'en est-il

25 de vous ?

26 M. KRGOVIC : [interprétation] Une demi-heure, Monsieur le Président.

27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Fort bien. Maître Haynes ou Maître

28 Sarapa ?

Page 1241

1 M. HAYNES : [interprétation] Vingt minutes, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. M. Ruez devrait être ici après la

3 première pause demain si je compte bien ou disons que pour ne pas avoir de

4 problème qu'il soit ici dès le début de l'audience.

5 Madame l'Huissière, je vais vous demander d'accompagner le témoin.

6 Monsieur Hasic, nous allons nous arrêter ici et vous pourrez poursuivre

7 votre déposition demain. Vous en aurez fini demain matin et vous pourrez

8 rentrer chez vous si pas demain matin au cours de la journée.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux faire une pause. Oui, cela ne fait

10 qu'un jour. Pas de problème.

11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Fort bien. Notre personnel va prendre

12 les dispositions nécessaires, celles qui vous conviennent le mieux.

13 Monsieur Hasic, vous savez que -- un instant, attendez que je termine.

14 Attendez. Vous n'êtes censé parler à personne d'ici à demain à propos des

15 sujets sur lesquels vous avez été témoigné, vous le savez, n'est-ce pas ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord.

17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Fort bien.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le ferais pas.

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous allons vous revoir demain matin.

20 [Le témoin se retire]

21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Bourgon, essayez d'être bref,

22 s'il vous plaît. Maître Bourgon, quel est votre problème ?

23 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je pensais que le prochain témoin ne

25 poserait pas de problème.

26 M. BOURGON : [interprétation] Pour l'heure, nous attendons une décision de

27 la Chambre de première instance.

28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous l'aurez dès que vous aurez terminé

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1 si vous voulez l'entendre.

2 M. BOURGON : [interprétation] D'abord, nous pourrons la donner maintenant

3 la réponse mais vous venez de dire que le témoin allait être entendu demain

4 donc, je suppose qu'il va être entendu. Je garde ceci à l'esprit pour

5 évoquer un sujet qui va peut-être être une source de difficulté au cours de

6 la déposition de ce dit témoin. Le 21 août, conformément à la décision de

7 la Chambre de première instance, l'Accusation a déposé des écritures dans

8 lesquelles se trouvait une liste des pièces que l'Accusation veut utiliser

9 au cours de la déposition du témoin. Il s'agit du témoin Ruez, le témoin

10 numéro 1. Il y a environ une centaine de pièces avec une cote 65 ter,

11 quelquefois, un numéro ERN, et parfois, un fait référence à une pièce

12 versée dans un procès différent. Ceci nous a permis de préparer le contre-

13 interrogatoire et de repérer où se trouvait ces quelque 100 pièces à peut-

14 être cinq ou dix près.

15 D'où vient la difficulté ? Elle a surgi le 24 août, lorsque nous

16 avons reçu de l'Accusation un CD-ROM sur lequel vous trouvez environ 260

17 photos ou pièces que l'Accusation entend utiliser par le truchement du

18 témoin numéro 1, et on a plus de numéro ERN, non plus de cote 65 ter. Il

19 est donc impossible de faire une comparaison entre les pièces que

20 l'Accusation veut utiliser et la liste que nous avions reçue au départ ou

21 encore avec la liste initiale du 28 avril, de plus sur ce CD-ROM il y a des

22 annotations apportées à chacune des pièces. L'affaire se corse le 30 août

23 lorsque nous avons reçu un nouveau CD-ROM contenant 14 photos

24 supplémentaires ainsi que des séquences vidéos.

25 J'essaierais d'être bref. Le problème c'est que nous ne pouvons pas -

26 - nous ne sommes pas préoccupés par les annotations déjà apportées.

27 L'Accusation nous a dit que c'était pour gagner du temps, qu'on avait

28 demandé au témoin d'annoter ces pièces à l'avance et si c'est pour gagner

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1 du temps nous sommes toujours prêts à aider la Chambre dans cet effort. Ce

2 n'est pas là notre problème principal. Mais nous croyons comprendre que si

3 l'Accusation a l'intention d'utiliser une pièce quelle qu'elle soit, il

4 faut que ce soit une pièce qui figurerait déjà dans la liste 65 ter, celle

5 déposée le 28 avril. C'est bien à cela que sert le 65 ter, il permet à la

6 Défense de préparer sa Défense sachant qu'elles seront les pièces à charge.

7 Si l'Accusation veut ajouter des pièces, elle doit pour cela déposer une

8 requête comme la dernière en date à laquelle elle demandait le versement de

9 300 nouvelles pièces. Nous allons avoir un témoin demain et nous avons

10 environ 280 pièces impossible de savoir si ces pièces sont sur la liste du

11 prétoire électronique dans la liste 65 ter impossible de le savoir.

12 J'en ai parlé la semaine dernière à mon collègue. Peut-être qu'il y a

13 eu méprise entre nous, un malentendu. Nous avons poursuivi la discussion

14 aujourd'hui. Nous ne nous attendons pas effectivement sur l'objet poursuivi

15 par le libellé du 65 ter. Nous pensons qu'il est clair ce libellé et nous

16 disons qu'il est impossible de contre-interroger sans une référence exacte.

17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Message reçu. Qu'en pensez-vous ? Vous

18 voulez parler de cela aujourd'hui ou demain ?

19 M. McCLOSKEY : [interprétation] Je peux en parler demain.

20 M. Ruez est notre témoin, nous avions au départ une liste qui reprenait au

21 fond les éléments -- les pièces du procès Krstic et du procès Blagojevic,

22 notamment beaucoup de séquences vidéos. M. Ruez est revenu de France et

23 nous a donné une liste mise à jour -- révisée à partir de ces éléments et

24 tout ceci était nettement -- clairement gravé sur un CD que nous avons

25 fourni à la Défense et je n'ai pas entendu d'objection pour ce qui est de

26 photo ou d'autre pièce contenue sur ce CD. La Défense a raison de dire que

27 nous n'avons pas essayé de faire une concordance entre les éléments 65 ter

28 qui sont repris sur le nouveau CD mais je peux vous dire, qu'après que

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1 M. Bourgon m'en a parlé avec certains de nos juristes j'ai parcouru les

2 nouvelles photos. La plupart d'entre elles sont des répétitions des photos

3 qui ont déjà une cote 65 ter. D'autres photos sont des clichés tirés de

4 séquences vidéos qui ont aussi une cote 65 ter. D'autres sont une photo de

5 meilleure qualité dont l'angle de prise de vue est meilleure parce que pour

6 ce qui est de beaucoup de nos vieilles pièces elles ne sont pas toujours de

7 la meilleure qualité.

8 Maintenant, on peut numériser tout cela. C'est meilleur comme

9 qualité. J'ai parcouru quelque 24 lieux incriminés et je n'ai pas trouvé de

10 surprise, nouvelles photos, qui pourraient avoir un effet de surprise sur

11 les accusés. Par exemple, on a plus de photos de la vallée Cerska, on a

12 plus de trous qui ont été creusés dans le sol. Moi, franchement, il n'y a

13 pas de surprise. On a des photos, on voit les colonnes dont partaient les

14 colonnes -- M. Ruez c'était dit que vous seriez peut-être intéressé par ces

15 photos. Effectivement, ce sont des photos de ces collines par celles qui

16 ont été fournies. Il n'y a pas eu d'effet de surprise on m'en avait parlé

17 et s'il y a un effet de surprise je pourrais penser à retirer ces pièces.

18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur McCloskey, je vous propose de

19 poursuivre le dialogue pour essayer d'évacuer ces difficultés d'ici à

20 demain. Cela ne devrait pas poser de problème particulier, si vous avez une

21 difficulté s'il faut prendre une décision elle sera prise. Dans

22 l'intervalle poursuivons, vous savez que nous avions promis une décision

23 orale ou du moins la version orale en ce qui concerne la décision à propos

24 de la déposition de

25 M. Ruez elle sera déposée -- vous êtes toujours debout, Monsieur Bourgon ?

26 M. BOURGON : [interprétation] Excusez-moi, j'aimerais pouvoir répondre

27 rapidement parce que je m'attends à certain problème.

28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Mais, quand ils se poseront, on les

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1 abordera et nous prendrons une décision à ce moment-là. Nous avons compris

2 ce que vous vouliez dire, nous avons entendu ce que voulait dire M.

3 McCloskey. Je persiste à penser qu'il n'y aura pas de problèmes

4 particuliers, et s'il y a un problème, on l'affrontera le moment voulu.

5 Voici la décision en ce qui concerne la requête conjointe de la Défense

6 s'agissant de la recevabilité de la déposition du témoin Jean-René Ruez.

7 Nous avons pris note de toutes les écritures. Tout d'abord, nous constatons

8 que vous déclarez que vous êtes d'accord et que vous acceptez la compétence

9 du Tribunal. Nous prenons acte également des assurances fournies par

10 l'Accusation à la Chambre, l'Accusation ne va pas demander à M. Ruez de

11 faire des hypothèses ou de tirer des conclusions qui ne seraient pas utiles

12 à la Chambre.

13 Vu également que, même si la transcription des dépositions, déjà

14 faites dans d'autres procès par ce témoin, peuvent provoquer des

15 préoccupations en ce qui concerne la portée et la forme de sa déposition,

16 la Chambre estime qu'il n'est pas nécessaire de prendre des mesures de

17 l'avance sur la teneur de sa présence déposition. En fin de compte - et

18 c'est là la base de la déclaration - que nous avons la responsabilité de la

19 maîtrise de ce procès et du bon respect du Règlement, et en vertu du statut

20 de nos Règlements et aussi surtout pour ce qui est de l'article 90, c'est-

21 à-dire, de contrôler qu'exerce la Chambre sur les modalités

22 d'interrogatoire des témoins, la présentation des éléments de preuve.

23 Nous estimons que là, effectivement, nous verrons à une présentation

24 efficace pour que se manifeste la vérité et aussi pour éviter qu'on ne

25 perde trop de temps. Bien sûr, nous insistons, dans notre décision, pour

26 dire qu'il aurait été préférable que l'Accusation fournisse à la Défense

27 une déclaration déjà faite par le témoin, nous aurions ainsi pu éviter

28 toute cet incident, et en raison de cette préoccupation qui est la nôtre,

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1 nous vous demandons -- nous exigeons de votre part que vous expliquiez au

2 témoin avant qu'il ne dépose, quel est le fondement, le sujet de cette

3 décision que nous rendons ici même. Ne vous en faites pas pour ce qui est

4 du reste, nous y verrons.

5 Nous reprendrons nos travaux demain matin. Je suppose que le premier volet

6 de l'audience de demain sera consacré au reste de la déposition de ce

7 présent témoin. Je vous remercie.

8 --- L'audience est levée à 13 heures 03 et reprendra le jeudi

9 7 septembre 2006, à 9 heures 00.

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