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1 Le lundi 16 octobre 2006
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour, Madame la Greffière
6 d'audience. Veuillez citer l'affaire.
7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Affaire IT-05-88-T, le Procureur contre
8 Vujadin Popovic et consorts.
9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Madame.
10 Je tiens simplement à m'assurer que tous les accusés reçoivent bien
11 l'interprétation.
12 Me Sarapa n'est pas présent, me semble-t-il. Mais sinon, toutes les autres
13 équipes sont au complet, sauf que Me Ostojic est absent aussi.
14 M. MEEK : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il est à Belgrade,
15 il devrait être de retour mercredi matin.
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.
17 Je vois, du côté de l'Accusation, M. McCloskey.
18 Monsieur Thayer, est-ce que c'est vous qui allez procéder à
19 l'interrogatoire principal du prochain témoin ?
20 M. THAYER : [interprétation] Oui.
21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Fort bien. Y a-t-il des questions
22 préliminaires dont vous voudriez saisir la Chambre ? Ce n'est pas le cas,
23 me semble-t-il. Bien.
24 Nous vous l'avions fait comprendre il y a deux semaines, à l'occasion
25 de notre dernière audience. La première chose que nous allons faire
26 aujourd'hui c'est nous occuper d'un procès-verbal ou d'un rapport très
27 rapide qui fera état du transport sur les lieux qu'a effectué la Chambre de
28 première instance du 2 au 7 octobre.
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1 Il avait été pris une décision dans ce sens, c'est la Chambre qui en
2 avait eu l'idée. L'idée avait d'ailleurs été soutenue par les deux parties.
3 Des préparatifs ont été effectués et entamés, il y a plusieurs mois de
4 cela, afin de rendre cette visite possible. Il y a eu à cet effet plusieurs
5 réunions en application de l'article 65 ter, et une liste de règles de
6 conduite à respecter au cours de cette visite a été convenue entre les
7 parties.
8 Ces règles de conduite convenues et appliquées par les parties
9 pendant toute la durée de cette visite étaient les suivantes. Première
10 règle : étant donné que les accusés n'allaient pas être présents, les
11 parties n'allaient pas demander de versement ou de dossiers pendant toute
12 la durée de la visite. Je peux vous confirmer qu'aucune des parties n'a
13 cherché à le faire.
14 Deuxième règle : le guide, c'était M. Philip Berikoff, devait se
15 contenter d'indiquer les lieux géographiques aux parties sans aucunement
16 parler d'événements présumés s'être produits en ces lieux. Mais il avait
17 été aussi convenu que ceci n'allait pas nécessairement empêcher qu'il y ait
18 référence spécifique à tel ou tel paragraphe de l'acte d'accusation. Je
19 tiens à remercier M. Berikoff d'avoir bien respecté ces règles pendant
20 toute la visite.
21 En ce qui concerne les parties, les termes convenus étaient les
22 suivants : les parties allaient s'abstenir de formuler un avis, un conseil,
23 un commentaire, s'agissant des lieux visités, à moins que ne le demandent
24 les Juges de la Chambre. Mais les parties pouvaient s'entendre pour
25 transmettre des observations aux Juges, dans la mesure où celles-ci étaient
26 pertinentes pour mieux comprendre l'emplacement visité. Ces règles ont été
27 respectées par toutes les parties.
28 Tous les Juges de la Chambre, les quatre Juges ont participé à cette
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1 visite. En tout moment, nous avons été accompagnés de deux membres des
2 assistants ou de l'équipe juridique de la Chambre. Il y avait un
3 représentant du Greffe, également du côté de l'Accusation, il y avait M.
4 Peter McCloskey, qui est le premier substitut en l'espèce, assisté de M.
5 Kweku Vanderpuye et également de Tomasz Blasczyk. Chaque équipe de la
6 Défense était représentée par un conseil; Me Zivanovic pour M. Popovic, Me
7 Meek pour M. Beara, Jelena Nikolic pour M. Nikolic, Miodrag Stojanovic pour
8 M. Borovcanin, Natacha Fauveau Ivanovic pour Militic, Dragan Krgovic pour
9 M. Gvero et Georgia Sarapa pour M. Pandurevic. Je vous l'avais dit
10 précédemment, le guide, qui avait été accepté par les deux parties, c'était
11 M. Phil Berikoff.
12 Pourquoi ce transport sur les lieux ? C'était bien évidemment pour
13 voir certains des lieux qui sont importants au regard de l'acte
14 d'accusation. Certains des lieux avaient été sélectionnés par les Juges,
15 d'autres avaient été indiqués par les parties. Malheureusement, en raison
16 de contraintes de temps et lorsque le relief, les conditions du terrain ne
17 s'y prêtaient pas, nous n'avons pas pu nous rendre en certains lieux, mais
18 c'était pratiquement toujours des lieux d'exhumation. Nous ne nous sommes
19 pas rendus en ces lieux, c'était une décision prise avec l'accord de toutes
20 les parties.
21 Nous avons commencé notre visite le 2 octobre. Le 3 octobre, nous
22 sommes partis en voiture de Sarajevo pour aller à Gorazde, en passant par
23 Trnovo, Foca et Ustikolina. A Gorazde, nous avons vu l'ancien poste de
24 contrôle de la FORPRONU. Nous sommes passés par Borik, où nous avons vu
25 l'école et le poste de commandement avancé de la brigade de Rogatica de la
26 VRS. Puis, nous sommes partis à Zepa, où nous avons vu l'endroit où se
27 trouvait anciennement la base du contingent ukrainien de la FORPRONU. A
28 Crna Rijeka, nous avons vu les anciennes installations militaires de Crna
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1 Rijeka. Ce premier jour s'est terminé par une visite à Han Pijesak, où nous
2 avons vu le QG du Corps de la Drina, mais aussi du Grand état-major, ainsi
3 que le restaurant où il est présumé qu'il y aurait eu cette fête organisée
4 par le général Zivanovic ou pour lui.
5 Le lendemain, le 4 octobre, nous avons été à Milici pour le centre
6 médical et à Zeleni Jadar pour voir un lieu de fosse secondaire. Puis, nous
7 sommes allés à Javor. Là, nous avons vu une des positions présumées du 1er
8 Groupe tactique, et à Pribicevac, où nous avons vu le poste d'observation
9 du Corps de la Drina ou de l'ancien poste du commandement avancé du Corps
10 de la Drina. Puis, nous sommes partis pour Srebrenica. Nous avons traversé
11 la ville à pied. Nous avons vu où se trouvait le tribunal municipal, le
12 bâtiment des PTT, la base de la compagnie Bravo, la station-service que
13 nous avons vue dans une des séquences vidéo et l'endroit où se trouvait
14 notamment la mosquée qui a été détruite. Puis, nous sommes passés à
15 Potocari, où nous avons vu l'usine de zinc, ce bâtiment qu'on appelle la
16 "Maison blanche", la base du Bataillon néerlandais et canadien apparemment,
17 puis le poste d'observation Papa et le Zuti Most, le pont jaune, avec une
18 vue de cette colline Kokarda. Puis, à Bratunac, nous avons vu la
19 briqueterie, l'hôtel Fontana que nous avons vu de l'intérieur, le bâtiment
20 du SDS, le poste de police, la vieille école Vuk Karadzic, la vieille école
21 qu'on appelait aussi l'école technique, le terrain de football et le QG de
22 la -- ou plutôt, l'endroit où se trouvait la police militaire, le QG de la
23 police militaire, la Compagnie de Bratunac.
24 Puis, nous sommes passés à Glogova. Là, nous avons vu le lieu de fosses
25 primaires dont parle l'Accusation. A Kravica, nous avons vu la taille du
26 marché; l'école, on ne s'y est pas arrêté. Nous avons également vu
27 l'entrepôt de Kravica où nous nous sommes arrêtés, et nous sommes entrés
28 dans cet entrepôt. Nous nous sommes arrêtés auprès de Sandici. Nous avons
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1 vu l'école et la station-service à Konjevic Polje et nous avons vu
2 également l'école et le terrain de football de Nova Kasaba.
3 Le 5 octobre, nous sommes allés à Pilica, là nous avons vu le centre
4 culturel et nous avons vu l'école de Kula, ainsi que le restaurant qui est
5 juste en face du centre culturel. A Branjevo, nous avons vu l'endroit où se
6 trouvait la ferme militaire de Branjevo. Où il est présumé que se trouvait
7 l'endroit appelé Rocevic, nous avons vu l'école, Kozluk. L'Accusation nous
8 a montré un lieu où il est présumé qu'il y a eu des exécutions à proximité
9 de la Drina. Nous avons aussi vu l'usine d'embouteillage Vitinka et nous
10 avons vu le QG du Corps de la Drina. A Petkovci, nous avons l'école et
11 l'ancienne école dont on dit qu'elle était le QG de la Brigade de Zvornik.
12 Nous avons vu aussi le barrage de Petkovci.
13 A Zvornik, nous avons vu le QG de la Brigade de Zvornik, à Orahovac nous
14 avons vu l'école Grbavci, Orahovac et l'endroit où il est présumé qu'il y a
15 eu des exécutions.
16 Nous sommes allés à Delici et à Baljkovica. Dans le premier, lieu nous
17 avons vu le poste de commandement avancé de la Brigade de Zvornik. A
18 Baljkovica, nous avons vu un endroit qui nous a été indiqué par l'équipe de
19 la Défense de Pandurevic.
20 Le 6 octobre, c'était le dernier jour de la visite, nous sommes allés à la
21 rivière Jadar et nous avons vu un lieu qui nous a été indiqué par
22 l'Accusation. Nous avons vu la vallée de la Cerska, nous avons vu un lieu
23 présumé d'exécutions ou une fosse. A Nova Kasaba, nous avons vu un lieu
24 indiqué par l'Accusation comme étant une fosse primaire initiale. La
25 Chambre et les parties étaient à Tiska où nous avons vu l'école de Luka.
26 Notre visite s'est terminée le vendredi 6 octobre et nous étions de retour
27 à La Haye dimanche.
28 Avant de terminer, maintenant je parle au nom de toute la Chambre, je tiens
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1 à remercier le Président du Tribunal qui a autorisé cette visite transport
2 sur les lieux, nous remercions le Greffe qu'il l'a permise et M. Phil
3 Berikoff, qui est le chef par intérim de la sécurité, qui a organisé toute
4 cette visite et qui a accepté de faire office de guide, les services de
5 Sécurité du TPY sont précieux ils nous accompagnés pendant tout notre
6 déplacement, ils se sont fort bien acquittés de leur tâche. Quant aux
7 autorités civiles de la Bosnie-Herzégovine, je pense surtout aux services
8 de Sécurité fonctionnant dans la région visitée aussi bien en Republika
9 Srpska que dans la fédération, nous les remercions également. La Chambre va
10 leur renvoyer une lettre officielle de remerciements, nous voulons
11 effectivement remercier les représentants de ce Tribunal à Sarajevo et à
12 Banja Luka qui nous ont aidé et qui ont aidé M. Berikoff à préparer ce
13 transport sur les lieux.
14 Je n'ai rien d'autre à dire, ce que je viens de dire au nom de la Chambre
15 de première instance est maintenant versé au dossier de l'espèce en tant
16 que procès-verbal.
17 Cependant, avant de reprendre nos activités, j'aimerais savoir si les
18 parties, l'Accusation ou les équipes de la Défense, ont un commentaire à
19 faire. C'est vrai aussi pour les accusés s'ils souhaitent un complément
20 d'information ou s'ils ont des questions à poser qu'ils le fassent.
21 Je vais commencer par vous, Monsieur McCloskey.
22 M. McCLOSKEY : [interprétation] Merci. Bonjour, Madame et Messieurs les
23 Juges.
24 Juste deux toutes petites corrections à votre liste. Han Pijesak, c'est le
25 QG du Grand état-major, pas du Corps de la Drina. Je pense que c'était
26 simplement une coquille dans les documents de M. Berikoff. Le QG du Corps
27 de la Drina c'est en fait à Vlasenica.
28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Hm-hm.
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1 M. McCLOSKEY : [interprétation] Le bâtiment du QG près de la fabrique à
2 Kozluk c'est le QG des Loups de la Drina, c'est tout ce que je voulais
3 apporter comme correction. Je vous remercie.
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci beaucoup d'avoir apporté ces
5 corrections, je suis sûr que tout le monde est d'accord avec celles-ci.
6 Y a-t-il des remarques de la part des équipes de la Défense ? Ce n'est pas
7 le cas, me semble-t-il ?
8 Les accusés quant à eux ont-ils des questions à poser ou est-ce qu'il
9 manque des informations ? Non plus.
10 Je pense que nous pouvons maintenant aborder les autres points prévus pour
11 aujourd'hui. Nous savons qu'il y a des requêtes qui ont été déposées. Vous
12 allez les prendre une à une, pas nécessairement dans l'ordre de leur dépôt,
13 certaines étant plus urgentes que d'autres, et nous vous dirons de façon
14 plus précise quelle date nous prévoyons pour les décisions, nous le ferons
15 dans le courant de la journée.
16 Madame l'Huissière, faisons entendre le témoin, c'est un lieutenant colonel
17 Franken. Il fait toujours partie de l'armée néerlandaise ?
18 M. THAYER : [interprétation] Non. Il est à la retraite.
19 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour, Colonel.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bienvenue à ce Tribunal une fois de
23 plus. Vous connaissez la procédure, je n'ai pas d'explications à vous
24 fournir.
25 Vous avez à votre gauche, Mme l'Huissière, qui va vous remettre la
26 déclaration solennelle que vous allez prononcer en application du
27 Règlement. C'est une chose qu'il faut faire avant de commencer son audition
28 et ces propos ont la même force morale et juridique qu'un serment. En
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1 prononçant votre déclaration solennelle, vous promettez ainsi que vous
2 allez déclarer toute la vérité et rien que la vérité.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
4 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
5 LE TÉMOIN: ROBERT ALEXANDER FRANKEN [Assermenté]
6 [Le témoin répond par l'interprète]
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Mettez-vous à l'aise. Installez-
8 vous.
9 Colonel, je sais que vous êtes maintenant à la retraite et que vous n'êtes
10 plus dans l'armée royale néerlandaise.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Comment voulez-vous que je m'adresse et
13 que nous nous adressions à vous, comme Colonel ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, maintenant je suis un civil.
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Fort bien. Monsieur Franken, c'est M.
16 Thayer qui va procéder à l'interrogatoire principal aujourd'hui.
17 Vous pensez que vous allez terminer aujourd'hui, Monsieur Thayer ?
18 Vous allez essayer.
19 M. THAYER : [interprétation] Je ferai de mon mieux, Monsieur le Président.
20 Peut-être que nous allons simplement utiliser un peu de temps demain matin
21 au cours du premier volet de l'audience.
22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Fort bien. Dans l'intervalle, pendant
23 la première pause ou la deuxième, la personne chargée de la coordination
24 entre les équipes de la Défense va nous faire rapport pour nous dire quel
25 sera le temps nécessité par les équipes de la Défense pour le contre-
26 interrogatoire, d'accord ?
27 Allez-y, Monsieur Thayer.
28 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
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1 Interrogatoire principal par M. Thayer :
2 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.
3 R. Bonjour.
4 Q. Nous allons parler la même langue, mais vous savez que nos propos vont
5 être interprétés dans plusieurs langues. Je vais vous demander de parler un
6 peu plus lentement que d'habitude, je vais faire pareil, je vais vous
7 demander de faire des pauses, une pause avant de répondre, que ce soit moi
8 ou quelqu'un d'autre qui vous pose une question dans ce prétoire.
9 R. Je vais faire de mon mieux.
10 Q. Pourriez-vous décliner votre identité ?
11 R. Je m'appelle Robert Franken. F-R-A-N-K-E-N.
12 Q. Quel âge avez-vous ?
13 R. J'ai 56 ans.
14 Q. Pourrions-nous, en quelques mots, parcourir vos états de service
15 militaire. Vous avez été officier d'infanterie dans l'armée royale
16 néerlandaise et vous avez pris votre retraite après 33 ans de service avec
17 le grade de colonel ?
18 R. Exact.
19 Q. Vous avez également été commandant d'une compagnie d'appui au combat et
20 vous avez commandé une compagnie d'infanterie mécanisée.
21 R. Oui.
22 Q. Vous avez été responsable de l'application de --
23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur, n'oubliez pas, je vais vous
24 demander de ralentir un peu. Laissez une toute petite pause entre les
25 questions et les réponses, s'il vous plaît.
26 M. THAYER : [interprétation] Oui.
27 Q. Vous avez été chargé de l'opération de la planification du soutien de
28 l'air et vous avez été officier de logistique au niveau du bataillon et de
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1 la brigade ?
2 R. Oui.
3 Q. Vous avez été chef d'état-major du commandement septentrional aux Pays-
4 Bas, n'est-ce pas ?
5 R. Oui.
6 Q. Est-ce que j'ai oublié quelque chose ?
7 R. Non, rien d'important.
8 Q. Lorsque vous avez pris vos fonctions en Bosnie, quel grade aviez-vous
9 et quel était votre poste ?
10 R. J'étais commandant. J'étais DCO dans la S4; c'est l'officier chargé de
11 la logistique du bataillon.
12 Q. Je vais vous poser quelques questions à cet effet dans un instant.
13 Quand êtes-vous précisément arrivé en Bosnie ?
14 R. Si je me souviens bien, je suis arrivé le 15 janvier 1995.
15 Q. Où étiez-vous basé matériellement ?
16 R. A Potocari, au quartier général du Bataillon néerlandais.
17 Q. Brièvement, comment avez-vous compris la mission du Bataillon
18 néerlandais ?
19 R. Notre mission était de dissuader toute action hostile en étant présent,
20 en montrant notre présence, en montrant le drapeau, comme nous l'appelions.
21 Nous devions faciliter et aider pour ce qui est de l'aide humanitaire.
22 Notre mission était aussi de démilitariser l'enclave et c'est à peu près
23 tout.
24 Q. Vous avez parlé de votre poste comme étant le DCO du Bataillon
25 néerlandais. Qu'est-ce que veut dire DCO ?
26 R. Cela veut dire officier commandant adjoint. Autrement dit, commandant
27 adjoint, comme on dit, le second en quelque sorte.
28 Q. Qui était votre commandant immédiat ?
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1 R. Le lieutenant-colonel Karremans.
2 Q. Vous avez dit à un moment que vous étiez chargé de la logistique pour
3 le S4. Pourriez-vous décrire ce que cela voulait dire ?
4 R. Ceci voulait dire qu'on était responsables de tous les
5 approvisionnements et de toutes les pièces détachées dont un bataillon a
6 besoin pour ses opérations dans un secteur comme celui-là. Ceci implique
7 les vivres, le carburant, les munitions, les pièces détachées, et cetera.
8 Q. Dans votre poste de commandant adjoint ou commandant en second, est-ce
9 que vous remplaciez le commandant s'il était absent pour une raison ou pour
10 une autre ?
11 R. C'est exact.
12 Q. D'une façon générale, pourriez-vous décrire la division et le partage
13 des responsabilités entre vous-même et le colonel Karremans ?
14 R. Le colonel s'occupait des contacts extérieurs avec les échelons les
15 plus élevés et je m'occupais des questions de commandement quotidiennes du
16 bataillon. C'était la routine, les choses normales. Je coordonnais l'état-
17 major, je donnais des ordres aux commandants de compagnie avec les
18 directives, bien entendu, du lieutenant Karremans.
19 Q. Y avait-il une entité centrale en quelque sorte qui pouvait vous aider
20 pour ce qui d'être informé sur ce qui se passait dans l'ensemble du
21 bataillon compte tenu de vos diverses tâches au cours de la journée ?
22 R. Il y avait une pièce comme "Central operation", on l'appelait le centre
23 nerveux du bataillon où tous les renseignements parvenaient et où il y
24 avait une équipe dans cette salle d'opération qui avait les différentes
25 disciplines, comme nous les appelons. Ils analysaient ce qu'on recevait et
26 donnaient les résultats ou les conclusions.
27 Q. D'une façon générale, est-ce qu'il y avait un officier en particulier
28 dans la salle d'opération qui vous transmettait les renseignements ?
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1 R. Oui, le chef de la salle d'opération, l'officier de service était
2 toujours un capitaine et c'était lui qui me contactait s'il y avait quoi
3 que ce soit présentant un intérêt ou que nous aurions dû savoir.
4 Q. Y avait-il des officiers de la VRS de l'armée de Bosnie-Herzégovine
5 avec qui vous aviez des contacts en ce qui concerne votre tâche ?
6 R. Oui. Il y avait les liaisons officielles. Pour ce qui est de l'armée
7 serbe, c'était le colonel Vukovic. Je le voyais très peu, mais il y avait
8 le commandant Nikolic de la Brigade de Bratunac qui assurait la liaison
9 entre nous et l'armée des Serbes de Bosnie.
10 Q. Du point de vue de l'armée de la Bosnie-Herzégovine, y avait-il des
11 officiers plus particulièrement avec lesquels vous aviez des contacts plus
12 fréquents ?
13 R. Oui. Les contacts avec l'armée de Bosnie se faisaient par le truchement
14 de l'état-major de la 28e Division, Ramiz, et l'homme que je connaissais
15 était Azro Miloja Kos. Au début, nous avions des contacts avec le colonel
16 Oric, le commandant local.
17 Q. Est-ce que vous savez quel était le prénom de ce commandant Oric ?
18 R. Non, je ne parviens pas à m'en souvenir maintenant.
19 Q. Très bien. Y avait-il au sein du Bataillon néerlandais un S5, un
20 officier de liaison qui servait essentiellement de liaison entre ces
21 personnes ?
22 R. Il y avait une équipe d'officiers de liaison. Il y en avait trois au
23 début tout au moins, ils assuraient les contacts à la fois vers les Serbes
24 et vers les autorités de Bosnie.
25 Q. Etant donné que vous aviez à la disposition ces officiers, Monsieur le
26 Témoin, dans quelles circonstances, de façon générale, auriez-vous été mêlé
27 ou auriez-vous, avec ces officiers, eu à voir avec l'armée VRS ou l'armée
28 de Bosnie-Herzégovine ?
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1 R. Lorsque le S5 ne pouvait pas régler un problème ou ne pouvait pas
2 progresser davantage en ce qui concernait les résultats, à ce moment-là,
3 j'intervenais. Nous pouvions, à ce moment-là, nous entretenir et faire des
4 négociations avec eux. Si je ne réussissais pas, à ce moment-là, c'était au
5 colonel lui-même que cela incombait.
6 Q. Au cours de votre service auprès du Bataillon néerlandais numéro III,
7 est-ce que vous avez eu la possibilité de voir servir des soldats des deux
8 armées qui s'opposaient, notamment du point de vue des uniformes, du
9 matériel, et ainsi de suite ?
10 R. Oui.
11 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, commencer par l'ABiH et nous décrire en
12 termes généraux comment ils étaient équipés ?
13 R. Ils ne portaient pas leurs armes parce que c'était interdit, mais nous
14 savions par les renseignements et les informations obtenus de nos
15 prédécesseurs qu'ils avaient environ
16 4 500 armes légères et mortiers et on pouvait voir que pour la plupart, ils
17 allaient -- dans l'ensemble, ils allaient mettre un uniforme, avec des
18 effets d'uniforme, mais jamais complètement en uniforme. Ceci a changé
19 quelque peu au mois de mai. Puis, nous avons vu immédiatement qu'il y avait
20 de nouveaux uniformes, des vêtements de combat portés par les hommes de
21 l'ABiH.
22 Q. Est-ce que vous avez eu la possibilité d'observer comment cette armée
23 opérait du point de vue de la cohésion, de la discipline, de la
24 centralisation du commandement ?
25 R. Oui, parce que c'était une structure de division. Il y avait un
26 commandement de division avec des brigades qui avaient leurs propres
27 secteurs dans l'enclave. Ceci ressemblait à une armée, mais il s'est révélé
28 assez rapidement qu'il n'y avait pas de discipline. Les commandants de
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1 brigade avaient leurs propres politiques et ils n'obéissaient pas au
2 commandement de la division lorsqu'ils disaient qu'ils voulaient quelque
3 chose. Par exemple, à titre d'exemple, il y a le commandant de la brigade
4 dans le Triangle de Bandera qui avait sa propre armée. Plus
5 particulièrement vers la phase finale, nous avons eu à nous occuper des
6 commandants locaux avec leurs propres politiques, ce qui ne suivait pas les
7 ordres du commandement au niveau de la division, au commandement bosnien.
8 Pour dire que c'était plus ou moins un groupe armé, une milice qui agissait
9 et fonctionnait comme un tout, mais pour l'ensemble, selon ce qu'ils
10 voulaient faire.
11 Q. Je voudrais rappeler votre attention sur la VRS. Pourriez-vous décrire
12 votre expérience et vos observations du point de vue de cette armée de la
13 même manière que vous venez de décrire l'ABiH, s'il vous plaît ?
14 R. Nous avions affaire à quelques brigades, avec la Brigade Skelani et la
15 Brigade de Bratunac, nous avions les contacts dans le secteur de Milici.
16 Ceci semblait être une armée, des ordres étaient donnés. C'était clair que
17 les officiers donnaient des ordres et que les choses étaient effectuées
18 comme on les voit normalement dans une armée. Les soldats autour de
19 l'enclave, avec peu d'exceptions, comme la Brigade Milici, qui ressemble à
20 une milice, avaient des uniformes, et cetera, mais ils disposaient d'armes
21 lourdes.
22 Vers la phase finale, nous avons été confrontés deux fois par des
23 unités qui semblaient absolument des unités militaires telles qu'on les
24 connaît normalement.
25 Q. Est-ce que, bien que fussiez DCO ou responsable de la logistique pour
26 le Bataillon néerlandais, est-ce que vous aviez vous-mêmes participé à des
27 patrouilles ?
28 R. Oui, j'en ai fait environ 23, j'ai fait environ 23 patrouilles moi-
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1 même.
2 Q. Est-ce que c'était des patrouilles autour de l'enclave ou de la partie
3 pour ce qui est des activités régulières du Bataillon néerlandais ?
4 R. Oui.
5 Q. Est-ce que vous avez été en mesure d'observer les positions à la fois
6 des forces serbes et des forces musulmanes, vous-même personnellement, au
7 cours de vos patrouilles ?
8 R. Oui, effectivement.
9 Q. Est-ce que vos observations comprenaient des tranchées ?
10 R. Oui. Du côté bosniaque, enfin, des deux côtés, il y avait des
11 tranchées. Du côté serbe, il y avait des bâtiments dans le genre casemates.
12 Les tranchées du côté bosniaque étaient relativement peu profondes, pas
13 assez profondes, et on pouvait voir assez bien du côté serbe.
14 Q. Qu'en est-il des positions d'artillerie fixes ?
15 R. Oui, nous avons identifié, au début, au moins 16 positions d'artillerie
16 et de mortier, spécialement dans le secteur de la Brigade de Milici, c'est-
17 à-dire du côté ouest de l'enclave. Il y avait quelques positions où il y
18 avait des armes mécanisées, enfin, de l'artillerie, en l'occurrence.
19 Q. A quelle armée étaient ses positions, Monsieur ?
20 R. C'était l'armée des Serbes de Bosnie.
21 Q. Je voudrais maintenant attirer votre attention sur un autre sujet
22 pendant quelques instants.
23 Pendant les mois qui ont précédé l'attaque de la VRS contre l'enclave
24 en juillet 1995, y a-t-il eu des tirs d'armes à feu et du pilonnage ou des
25 tirs d'obus dans l'enclave ?
26 R. Oui.
27 Q. Est-ce qu'il y avait également eu des tirs contre les patrouilles du
28 Bataillon néerlandais ou des positions du Bataillon néerlandais ?
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1 R. Oui, il y a eu un accroissement de ce que l'on pourrait appeler les
2 tirs rapprochés sur des patrouilles -- non, excusez-moi, nos points
3 d'observation, nos postes d'observation.
4 Q. Nous y reviendrons dans un instant, mais pendant que nous sommes sur ce
5 sujet, pouvez-vous rappeler approximativement quand les tirs, les incidents
6 de tirs ont commencé à augmenter ? Comment cela s'est passé ?
7 R. C'était le mois d'avril. En mai, cela a commencé à augmenter, cela a
8 continué à augmenter jusqu'à la fin.
9 Q. Quelle était la source de ces incidents de tirs du point de vue -- il
10 s'agissait de quelle armée ?
11 R. Pour ce qui nous a été rapporté, c'étaient essentiellement des Serbes.
12 Cela partait des positions serbes. Il y a eu un certain nombre de rapports
13 où il était indiqué que la source des tirs n'était pas distincte, n'était
14 pas connue, mais en majorité, c'était tiré des positions des Serbes de
15 Bosnie.
16 Q. Est-ce que personnellement, vous avez eu à essuyer des tirs au cours de
17 vos patrouilles, des tirs provenant de positions serbes ?
18 R. Oui, deux ou trois fois.
19 Q. Comment, par ailleurs, appreniez-vous qu'il y avait eu des tirs d'obus
20 ou des tirs d'armes à feu ?
21 R. Il y avait des rapports des patrouilles ou des postes d'observation.
22 Q. Est-ce que vous avez jamais observé ou reçu des rapports concernant les
23 résultats de ces tirs d'obus ou d'armes à feu en ce qui concerne la
24 population civile ?
25 R. Oui. Plusieurs fois, il y a eu des blessés dans la population civile.
26 Nous utilisions les moyens que nous avions à notre disposition, nos
27 ambulances blindées, c'était pour amener les gens jusqu'à l'hôpital de
28 Srebrenica.
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1 Q. Est-ce que vous aviez toute liberté de mouvement dans le territoire
2 serbe ?
3 R. Dans le territoire serbe, absolument pas.
4 Q. Qu'en est-il de la liberté de mouvement pour les forces musulmanes à
5 l'intérieur de l'enclave ?
6 R. Oui. A l'exception de ce que nous appelions le Triangle de Bandera, à
7 savoir un secteur dans le côté ouest de l'enclave, on était censé avoir
8 toute liberté de mouvement. Je dis censé parce que vers la fin, nous avons
9 eu énormément de difficultés à faire bouger nos véhicules blindés à de
10 meilleures positions.
11 Q. Vous avez eu une expérience personnelle du point de vue de la
12 restriction des mouvements dans le Triangle de Bandera; est-ce exact ?
13 R. Oui.
14 Q. Pourriez-vous brièvement expliquer cela aux membres de la Chambre ?
15 R. Oui. Il n'y avait déjà pratiquement pas de possibilité d'aller et venir
16 librement lorsque nous sommes arrivés et lorsque nous avons pris des
17 consignes du Bataillon néerlandais numéro 2 et que nous sommes arrivés en
18 janvier, oui. Les ordres étaient de rétablir cette liberté de mouvement
19 dans ce secteur, et j'ai conduit la première patrouille dans le Triangle de
20 Bandera, et à ce moment-là, il y a eu des escarmouches et des problèmes
21 avec l'ABiH. J'ai été arrêté par environ par 45 hommes armés et empêché
22 d'entrer dans le secteur. D'autres patrouilles ont été arrêtées aussi, et
23 cela a fini par un blocus, plus ou moins, qui a duré quelques jours dans
24 lesquels nous avons dû rester dans le secteur. Nous ne pouvions pas
25 retourner au camp, à la base.
26 R. Je voudrais attirer votre attention sur un autre domaine qui concerne
27 votre rôle d'officier chargé de la logistique pour le bataillon.
28 Vous avez dit qu'une partie de vos responsabilités était d'être conscient
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1 des besoins de réapprovisionnement du bataillon; quels étaient les éléments
2 les plus importants dont le Bataillon néerlandais avait besoin ?
3 R. En fait, essentiellement, du carburant, parce que nous avions besoin
4 d'avoir davantage de courant électrique pour nous-mêmes, d'avoir des
5 générateurs pour faire fonctionner le diesel.
6 Q. D'après ce que je comprends, les besoins logistiques du bataillon
7 étaient transmis par la chaîne de commandement de la FORPRONU ?
8 R. Oui.
9 Q. Comment cela se faisait ?
10 R. Par télécopie, par fax. Nous établissions des listes. On demandait des
11 fournitures, bien entendu, des vivres, et cetera, mais nous demandions
12 également que ces fournitures soient envoyées à Sarajevo et à Zagreb, où il
13 y avait une plus grande base et où ils préparaient tout cela. Il y avait
14 également une base logistique à Busovaca. Il y avait une unité néerlandaise
15 également, et c'est là qu'ils chargeaient les choses dont nous avions
16 besoin sur les camions. Tout au moins, c'était l'idée en général d'apporter
17 tout par la route.
18 Q. Lorsque vous dites "base log", vous voulez bien dire base logistique ?
19 R. Oui, excusez-moi, base logistique, oui.
20 Q. Comment est-ce que la VRS s'est mêlée de ce processus concernant les
21 demandes de réapprovisionnement ?
22 R. Oui, pour chacun des convois, il fallait qu'il y ait une permission de
23 la VRS qui devait admettre cela. Ils devaient y consentir. Non seulement le
24 fait que le véhicule conduisait -- venait vers nous, mais ils voulaient
25 savoir exactement ce qui se trouvait à l'intérieur des véhicules et ils
26 approuvaient ou n'approuvaient pas le chargement de ces camions, ainsi que
27 le nombre de ces camions.
28 Q. A votre connaissance, en ce qui concerne la VRS, elle s'occupait
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1 directement de l'approbation des listes qui étaient envoyées du personnel
2 logistique de la FORPRONU ?
3 R. Oui. Ils devaient approuver jusqu'au plus petit article qui se trouvait
4 sur la liste pour voir si c'était permis de le faire entrer ou pas.
5 Q. Est-ce qu'il y a eu des articles que la VRS a refusés catégoriquement,
6 auxquels elle a refusé catégoriquement l'accès ?
7 R. En tous les cas, les munitions. Tout ce qui avait à voir avec des
8 systèmes d'armes, des pièces détachées, du matériel d'essai, pièces
9 détachées pour les véhicules, et cetera, de toute façon, était également
10 refusé. Ce qui concernait les communications, les radios de publication
11 était toujours refusé. On ne nous permettait de les faire entrer.
12 Q. Vous aviez déjà vous-même permis cela. C'est probablement une question
13 évidente, mais une fois que votre liste avait été approuvée par la VRS,
14 quels étaient les moyens de transport qui pourraient apporter ces
15 fournitures à la base du Bataillon néerlandais ?
16 R. C'était par des camions, des camions néerlandais par un itinéraire qui
17 allait vers l'enclave, et ils venaient en général de la région de Tuzla ou
18 de la région de Sarajevo. C'est de là qu'ils partaient, en tous les cas.
19 Q. Comment est-ce que vous avez eu connaissance du fait qu'un convoi avait
20 été approuvé, autorisé et était prévu ?
21 R. Là aussi, par télécopie, à partir de ma base logistique, on m'informait
22 qu'un convoi demanderait à venir avec très exactement le même chargement.
23 Q. Est-ce que vous pourriez décrire pour les Juges le processus par lequel
24 les convois parvenaient matériellement jusqu'au bataillon ?
25 R. Oui. Ils suivaient la route. Je ne sais pas exactement combien de fois
26 ils étaient vérifiés par les points de contrôle serbes des Serbes de
27 Bosnie. Il fallait qu'ils descendent, qu'ils se présentent, qu'ils
28 justifient de leur identité et que le chargement des camions soit vérifié,
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1 et alors, exactement d'après les listes de ce qu'ils avaient à transporter,
2 après cela, après tous ces points de contrôle, finalement ils pouvaient
3 entrer dans l'enclave. La dernière vérification était sur la ligne de
4 confrontation près de notre poste d'observation, le poste Papa. Près de
5 cela, il y avait ce qu'on appelait le pont jaune. C'était le dernier point
6 de contrôle des Serbes de Bosnie.
7 Q. Est-ce que vous voyez un document final de quelque sorte où il y avait
8 la liste de ce que la VRS, en fin de compte, avait autorisé le convoi à
9 apporter ?
10 R. Oui. En fait, c'était la liste qui m'avait été envoyée. Lorsque le
11 convoi avait été prévu, planifié, on m'informait qu'il allait venir, et la
12 plupart du temps, j'avais une liste qui était corrigée lorsque le convoi
13 arrivait et pouvait entrer finalement, parce qu'un grand nombre de choses
14 avaient disparu en route vers l'enclave.
15 Q. Qui vous fournissait cette liste corrigée, s'il vous plaît ?
16 R. Le commandant du convoi.
17 Q. Est-ce que vous étiez en mesure de comparer avec --
18 R. Oui.
19 Q. -- la FORPRONU avait demandé et ce que la VRS avait approuvé et ce qui
20 était arrivé ?
21 R. Oui, ce qui était effectivement arrivé, oui.
22 Q. Est-ce que cette procédure et ces restrictions étaient mises en place
23 et existaient déjà lorsque vous êtes arrivé en Bosnie ?
24 R. Oui. C'était la procédure telle que je l'ai trouvée lorsque je suis
25 arrivé.
26 Q. A quel moment est-ce que ces restrictions sur les convois se sont
27 intensifiées en ce qui concerne la VRS ?
28 R. Oui, c'est exact. Par exemple, mon dernier convoi de carburant était
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1 arrivé en février.
2 Q. Maintenant, d'après ce que vous avez dit dans votre déposition, faisait
3 partie de votre mission le fait de faciliter la distribution de l'aide
4 humanitaire à l'intérieur de l'enclave. Est-ce que cette entité avait la
5 responsabilité première de l'aide humanitaire sur place ?
6 R. Il y avait deux organisations non gouvernementales; le HCR, qui
7 s'occupait des vivres et des choses de ce genre, et les Médecins sans
8 frontières, qui s'occupaient des soins médicaux pour la population.
9 Q. Est-ce que l'aide humanitaire entrant dans l'enclave faisait l'objet
10 des mêmes procédures que celles des fournitures pour le Bataillon
11 néerlandais ?
12 R. Oui, c'est exact.
13 Q. Excusez-moi de faire cela, mais est-ce que vous pourriez là encore
14 faire un arrêt après ma question ? Je sais que c'est difficile.
15 Quel était le rôle effectif du Bataillon néerlandais en ce qui concerne les
16 convois d'aide humanitaire ?
17 R. En fait, c'était d'assurer la sécurité des transports à partir de la
18 ligne de confrontation. Lorsqu'ils arrivaient, ils entraient ou se
19 présentaient au point d'observation Papa, c'était l'entrée dans l'enclave.
20 Nous envoyions une unité du type peloton ou section qui les escortait
21 jusqu'à l'entrepôt dans la ville de Srebrenica. Les aliments, les vivres ou
22 ce qui était apporté dans l'entrepôt par les gens d'opstina, les autorités
23 civiles locales.
24 Lorsque tout était dans l'entrepôt, à ce moment-là nous nous retirions et
25 nous avions achevé notre tâche. Pour ce qui était de la distribution et les
26 choses de ce genre, cela était fait par les représentants de la FORPRONU en
27 coordination avec les gens d'opstina.
28 Q. Maintenant, sans divulguer quoi que ce soit concernant les personnes
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1 appartenant au personnel de l'organisation intergouvernementale, est-ce que
2 quelqu'un du HCR vous a informé oui ou non du fait que leur convoi faisait
3 l'objet du même type de restrictions que celles que vous avez décrites
4 précédemment ?
5 R. D'une façon générale, nous n'obtenions pratiquement aucun renseignement
6 en ce qui concerne ces convois du HCR. Pour la plupart, nous découvrions
7 qu'ils apparaissaient, arrivaient au point Papa, et à ce moment-là, il
8 fallait que nous prenions des mesures voulues. Je sais qu'il y a un convoi
9 qui a été renvoyé par le HCR parce qu'ils avaient dû donner du carburant
10 diesel à un point de contrôle serbe de Bosnie ou quelque chose de ce genre,
11 qu'ils avaient refusé et qu'ils avaient été renvoyés. C'était plus ou moins
12 les mêmes problèmes que ceux que nous avions.
13 Q. Je voudrais vous poser quelques questions concernant les effets des
14 restrictions imposées par la VRS sur les possibilités qu'avait le Bataillon
15 néerlandais de s'acquitter de sa mission, et centrons-nous d'abord, si vous
16 le voulez bien, sur les effets du manque de carburant. Comment est-ce que
17 ceci affectait le caractère opérationnel du Bataillon néerlandais ?
18 R. Le bataillon avait besoin de 8 000 à 9 000 litres de carburant par jour
19 pour s'acquitter de ses tâches. La fourniture de carburant, au fur et à
20 mesure qu'elle diminuait, nous faisait diminuer notre ration quotidienne de
21 250 litres. Je veux dire que nous n'étions plus en mesure de faire des
22 patrouilles complètes. Nous devions les faire à pied, ce qui voulait dire
23 que le manque de carburant nous permettait juste de chauffer. Nous avons dû
24 commencer à couper du bois. Nous n'avions plus la possibilité d'avoir une
25 antenne médicale pour les pansements, c'est une sorte d'hôpital, pour que
26 tout reste opérationnel. Nous n'avions plus la possibilité de purifier
27 l'eau parce que ceci -- pour faire cela, nous avions besoin de carburant
28 ainsi qu'un appareil. Nous n'avions pas l'électricité. Vers la fin nous
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1 n'étions plus guère en mesure de préparer des aliments en ce qui concerne
2 les vivres présents, parce que nous ne pouvions plus les faire cuire.
3 Q. Je voudrais vous rappeler les effets des restrictions de la VRS sur les
4 approvisionnements concernant vos armes et systèmes d'armes. Vous avez déjà
5 dit dans votre déposition que pour les nouvelles armes ou munitions, les
6 pièces dont vous pourriez avoir besoin, les pièces détachées, des armes qui
7 avaient trait aux systèmes que vous aviez vous-même sur place.
8 R. Par exemple, mon système antichar, TOW, bien, je ne peux pas expliquer
9 ce que cela veut dire le nom de cette machine, mais nous avions besoin de
10 pouvoir faire des essais périodiques. Sans cela, on ne pouvait pas
11 l'utiliser. Il fallait du matériel pour tester ces engins, et nous ne
12 pouvions pas l'obtenir.
13 Quant aux systèmes anti-attaques, les requêtes, les systèmes TOW et Dragon,
14 et cetera, nous étions prêts à les utiliser dans les postes d'observation,
15 mais oui, il y avait des problèmes de moisissure, et nous n'arrivions plus
16 à nous en servir.
17 Q. Et --
18 R. Les munitions pour mes mortiers, sans devenir trop technique, mais un
19 mortier a besoin d'une certaine distance pour des charges supplémentaires.
20 C'est une sorte de poche. Là encore, la poudre était moisie, elle était
21 devenue inutilisable.
22 Q. Est-ce que vous avez une estimation du pourcentage des munitions que
23 vous aviez en ce qui concerne les mortiers, par exemple, et de ce qui était
24 utilisable.
25 R. Oui. J'avais environ 15 % en tous les cas de munitions de mortiers par
26 rapport à ce que j'aurais dû avoir et sur ces 15 %, il y en avait trois
27 quarts qui étaient inutilisables.
28 Q. Vous avez mentionné le système TOW. Est-ce que c'était un système de
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1 missiles, en quelque sorte ?
2 R. Oui, c'était un système de missiles filoguidé antichar qui peut
3 parvenir jusqu'à quatre kilomètres.
4 Q. Est-ce que ces missiles avaient eux-mêmes une certaine longévité ?
5 R. Oui.
6 Q. Est-ce qu'ils avaient une date de péremption ou d'expiration ?
7 R. Oui.
8 Q. Combien est-ce que cela pouvait durer dans des circonstances normales ?
9 R. Comme ce n'était pas des circonstances normales, oui, il fallait les
10 garder prêtes et pouvoir les changer toutes les quatre semaines. Dans les
11 circonstances que nous avions, il s'avérait qu'ils ne duraient pas six
12 semaines sur un poste d'observation, il fallait que nous les échangions par
13 rapport à celles qui étaient stockées mais que nous n'avions pas. Pour ce
14 qui était d'être prêt du point de vue opérationnel, notre capacité était de
15 zéro.
16 Q. Du point de vue, par exemple, des munitions des petites armes, est-ce
17 que vous vous rappelez du pourcentage des munitions nécessaires que vous
18 aviez, disons, en juillet 1995 ?
19 R. Oui. Les fournitures de munitions, d'après ce que je me rappelle, pour
20 les petites armes étaient d'environ 30 % des fournitures dont nous aurions
21 normalement eu besoin.
22 Q. Vous rappelez-vous quelle était la vétusté des munitions ?
23 R. Oui, elles avaient été apportées en 1994 par le premier bataillon et
24 n'avaient jamais été remplacées. Par la suite, juste pour que vous
25 compreniez bien, dans les circonstances normales, lorsque nous sommes
26 opérationnels, à ce moment-là, nous pouvons échanger les munitions de petit
27 calibre tous les dix jours parce que ceci est nécessaire du point de vue de
28 la qualité, notamment pour l'utilisation dans les fusils, et cetera.
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1 Q. Qu'en est-il en ce qui concerne le respect des rotations des membres du
2 Bataillon néerlandais ? Y avait-il des restrictions qui étaient placées sur
3 la possibilité d'effectuer des tours en ce qui concerne les membres du
4 Bataillon néerlandais pour changer les soldats ?
5 R. Oui. Nous pourrions dire que jusqu'à la fin du mois de mars ou d'avril,
6 il y a eu des problèmes avec ces convois, les convois de personnel, mais
7 c'était plutôt des difficultés que des dangers opérationnels. En fait, à
8 partir du mois d'avril, c'était terminé et il y avait un très grand nombre
9 d'hommes qui n'ont pu venir du tout, qui n'ont pu entrer.
10 Q. Lorsque vous êtes arrivé en janvier 1995, est-ce que la force de
11 combat, pour utiliser, je pense, le terme, quelle était la force de vos
12 soldats entraînés au combat ?
13 R. Environ 300. Pour être exact, je crois que c'était 318.
14 Q. Après qu'ont commencé et démarré les restrictions de la VRS, vous avez
15 mentionné le fait que vous aviez un grand nombre de soldats qui ne
16 pouvaient plus entrer. Vous étiez réduits à combien à ce moment-là ?
17 R. A la fin, nous étions 147.
18 Q. Pendant cette période où vous éprouviez ces restrictions, est-ce que
19 vous aviez un terme utilisé au sein du bataillon pour décrire ce qui se
20 passait ?
21 R. Oui, nous appelions cela le convoi de la terreur.
22 Q. Je voudrais attirer à présent votre attention sur un autre thème. Il y
23 a quelques instants, vous avez parlé de plus d'incidents de feu, de tir,
24 venant des forces serbes, et visant les patrouilles du Bataillon hollandais
25 et ses positions. Est-ce que ceci en combinaison avec d'autres incidents a
26 accéléré les discussions avec l'ABiH pour aboutir à une idée quant à la
27 défense de l'enclave ?
28 R. Oui. Moi, personnellement, j'ai discuté avec le chef du QG de la 28e
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1 Division. Le problème, c'est que nous, en tant que troupes de l'ONU, nous
2 étions impartiaux, mais il était absolument impossible, par exemple, de
3 faire cela alors que nous, aux postes d'observation, nous devions au cas de
4 l'attaque serbe, essayé de nous défendre pour empêcher les Serbes
5 d'avancer. Donc, il y a eu des discussions étranges sur comment les choses
6 se présentaient dans différentes éventualités, et la question que le chef
7 du QG de la 28e Division a posée était comme suit : Que va faire la
8 FORPRONU à partir du moment où les Serbes attaquent l'enclave ? En vertu
9 des ordres que j'avais reçus, je ne pouvais que leur donner l'autorisation
10 de défendre nos propres postes d'observation.
11 Donc nous nous sommes mis d'accord que je vais défendre les postes
12 d'observation et que l'armée bosniaque, donc les Musulmans, vont défendre
13 la région entre les deux, sans pour autant défendre les postes
14 d'observation, et donc nous, on restera une force impartiale, et eux, ils
15 vont couvrir les régions entre différents postes d'observation, et nous
16 allons aboutir à une sorte de défense coordonnée.
17 Q. Est-ce qu'au cours de ces discussions, vous avez parlé de la sécurité
18 de vos propres forces qui se trouvaient aux postes d'observation dans
19 l'éventualité d'une attaque, et surtout puisque vous savez ce que les
20 forces musulmanes voulaient faire ?
21 R. Vous savez, la sécurité de nos propres troupes n'était pas vraiment
22 importante. Ce qui est important de dire, c'est qu'à partir du moment où
23 vous avez une attaque et vous avez deux parties qui se défendent et ensuite
24 une troisième partie, et les deux parties ne coopèrent pas vraiment, mais
25 partagent plus ou moins les mêmes objectifs, à savoir d'empêcher,
26 justement, la troisième partie de pénétrer dans l'enclave, vous ne pouvez
27 faire cela sans qu'il y ait une coordination et une sorte de coordination
28 sur le terrain. Par exemple, à partir du moment où il y avait des forces
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1 musulmanes près du poste d'observation, et si ces forces musulmanes
2 partaient sans vous le dire, nous devions faire face à un problème majeur
3 puisque nos postes d'observation, notre poste d'observation était tout
4 seul, entouré par les Serbes de Bosnie.
5 Est-ce que j'ai répondu à la question ?
6 Q. Je pense que vous avez parlé de ceci, mais dites-moi franchement, est-
7 ce qu'il y avait quelque chose concernant la nature même des postes
8 d'observation qui nécessitait ce genre de discussion ?
9 R. Le problème est que suite à l'ordre de nous terrer aux postes
10 d'observation, je voulais dire que cet ordre était vu par les militaires
11 comme un ordre complètement ridicule, puisque nous étions au sommet des
12 collines, et nous devions même les illuminer la nuit, pour bien montrer où
13 nous étions. Nous étions peints blanc, et nous étions là comme des cibles
14 parfaites, si quoi que ce soit tournait mal. Ensuite, si vous ajouté à cela
15 les opérations non-coordonnées et cette troisième partie, de la troisième
16 partie au conflit, qui sont les Musulmans de Bosnie, leur armée, dans ce
17 cas-là, effectivement c'est complètement ridicule que de commencer même une
18 défense.
19 Q. Je voudrais attirer votre attention sur l'attaque de la VRS sur le
20 poste d'observation Echo.
21 R. Oui.
22 Q. Est-ce que vous vous souvenez de la date de cette attaque ?
23 R. C'était au début du mois de juin, plus précisément le 3 juin.
24 Q. Bien.
25 R. Je vous en prie.
26 Q. Pouvez-vous, très brièvement, décrire aux Juges de la Chambre ce qui
27 s'est passé ?
28 R. Nous avons reçu un rapport de la compagnie Bravo, cette compagnie était
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1 responsable de cette région-là, et ils nous ont indiqué qu'il y avait des
2 mouvements devant le poste d'observation Echo. Ce mouvement, c'était en
3 réalité le mouvement de l'infanterie serbe. Ensuite, l'infanterie serbe,
4 enfin les éléments de l'infanterie serbe ont utilisé un haut-parleur pour
5 dire aux personnes se trouvant au poste d'observation qu'ils devaient
6 partir, qu'ils devaient se retirer parce que les Serbes voulaient entrer.
7 La Compagnie B m'a demandé la permission de se retirer. Je l'ai refusée, je
8 ne l'ai pas donnée. Ensuite, ils ont fait l'objet d'une attaque, et à la
9 fin, les Serbes ont pris Echo, et l'équipe s'est retirée au tout dernier
10 moment avec mon autorisation.
11 Q. Quand vous avez parlé de cette attaque, en quoi consistait cette
12 attaque sur le poste d'observation ?
13 R. Il y avait à peu près 40 éléments d'infanterie qui était appuyé par un
14 char au niveau de Tango cinq. Il y avait un char d'attaque, il y avait
15 aussi un canon, et tout cela au rocher de Zeleni Jadar.
16 Q. Est-ce qu'il y a eu des tirs pendant l'attaque ?
17 R. Oui, bien sûr.
18 Q. Est-ce qu'il y a eu des dégâts au niveau du poste d'observation ?
19 R. La tour a été touchée par des tirs. Je pense que c'étaient des tirs du
20 char principal, et de toute façon, on tirait sur la région. Il y avait
21 aussi un canon antiaérien qui était là, mais nous avons utilisé ce canon
22 antiaérien pour faire face aux attaques serbes.
23 Q. Suite à l'attaque, est-ce que vous avez pris des mesures pour
24 remplacer, en quelque sorte, le poste d'observation Echo ?
25 R. Oui. J'ai donné l'ordre à la Compagnie B d'envoyer deux blindés
26 transport de troupes pour bloquer l'approche à la ville de Srebrenica, ce
27 qui voulait dire qu'ils se positionnent en direction nord, et il fallait
28 qu'il bloque l'approche au niveau du projet de l'abri suédois. Au sud de
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1 l'enclave, il y avait un village nouvellement construit, un village de
2 contreplaqués, où il y avait à peu près 3 000 réfugiés, et puisque la
3 région d'Echo était ouverte pour les Serbes, et à partir de cet endroit-là,
4 on pouvait accéder aux deux autres régions.
5 Q. Vous avez parlé de 300 réfugiés, je pense ?
6 R. Je pense que j'ai parlé de 3 000.
7 Q. Quand vous dites "réfugiés", vous faites référence à quoi exactement ?
8 R. Les gens qui, en 1993, ou autour de cette année-là sont arrivés dans la
9 région, mais ce n'était pas vraiment des gens du cru, ils étaient en vérité
10 des réfugiés musulmans venant des régions voisines autour de l'enclave qui
11 sont venus dans la région, dans l'enclave, et qui y ont été hébergés.
12 M. THAYER : [interprétation] Je pense qu'il serait opportun en ce moment,
13 Madame l'Huissière, de montrer la carte numéro 6, ou on pourrait peut-être
14 la présenter sur le e-court. Il s'agit du document 2111. Je voudrais vous
15 demander de déplacer un petit peu cette image. Voilà. Très bien. Merci.
16 Q. Monsieur, voyez-vous cette image devant vos yeux ?
17 R. Oui.
18 Q. Pourriez-vous me décrire de quoi il s'agit ?
19 R. Vous pouvez voir en pointillés -- enfin vous pouvez voir différents
20 points qui sont les points d'observation le long de la bordure de
21 l'enclave. C'est cet endroit par où étaient pris les postes Echo. Les
22 postes d'observation où se trouve la part A et cette part dépendait de la
23 responsabilité suédoise et c'est par cela que l'on pouvait accéder à la
24 ville de Srebrenica.
25 Q. Ces postes d'observation que vous avez décrits, ce sont les postes qui
26 se trouvent au sud-est de l'enclave, n'est-ce pas ?
27 R. C'est exact.
28 Q. Vous les avez marqués avec la lettre U allant jusqu'à la lettre S, si
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1 l'on part de la droite vers la gauche ?
2 R. C'est exact.
3 Q. Vous avez parlé de cela, mais est-ce que du point de vue militaire
4 c'était un endroit important ?
5 R. Vous savez, les points d'observation Echos se trouvaient exactement sur
6 cette route qui allait entre l'est et l'ouest. Vous pouvez voir cela sur la
7 carte. Cette route va le long de Zeleni Jadar. C'est un important axe de
8 communication qui va de l'est à l'ouest et sur la carte, on voit juste un
9 petit bout de cet axe qui se trouve dans l'enclave des Musulmans de Bosnie.
10 Ils ne pouvaient pas utiliser cette route.
11 C'était une région importante, une région minière. A nouveau, il
12 était pratiquement impossible de pratiquer par là, je pense que le but de
13 l'attaque était de prendre le contrôle de la route et de la poche pour que
14 les Serbes l'utilisent.
15 Q. Quand vous avez parlé de ce projet d'abri suédois ?
16 R. Il y avait 3 000 civils là-bas, des réfugiés. On a vu qu'ils étaient en
17 danger -- qu'ils couraient un danger important à cause de l'armée des
18 Serbes de Bosnie. C'est pour cela que je leur ai donné l'ordre de se rendre
19 au point S et U pour bloquer ces approches.
20 Q. Est-ce qu'avec ceci se sont accrus les feux rapprochés de la VRS,
21 l'attaque sur les postes d'observation Echo, et est-ce que vous avez perçu
22 votre position comme une position devenant de plus en plus vulnérable et
23 est-ce que vous avez vu que ce projet d'abri suédois était devenu aussi
24 vulnérable et que c'est pour cela qu'il y a eu la communication de la part
25 du colonel Karremans ?
26 R. Je sais qu'il a fait une évaluation de la situation en disant
27 clairement que la situation était critique, très critique, mais il n'a pas
28 dit que l'enclave a été prise par les Serbes, il a dit que la population du
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1 bataillon et des civils étaient en danger.
2 Q. A nouveau, vous avez parlé de cela. Je vous demande beaucoup de
3 détails, mais est-ce que l'élimination de Echo a entraîné des discussions
4 au sein du DutchBat quant à l'action à prendre par rapport aux intentions
5 de la VRS par rapport à l'enclave ?
6 R. Au début, j'ai pensé que c'était le début d'une grande attaque sur
7 l'enclave, mais ils n'ont pas continué vers le nord et mes propres troupes
8 étaient en mesure de se rendre beaucoup plus au sud, au point S et U. Au
9 début, je ne comprenais pas ce qui se passait parce que ce n'était pas une
10 grande attaque, une attaque majeure, parce que normalement quand vous
11 attaquez comme cela à grande échelle et que vous avez du succès, vous
12 gardez le rythme et vous continuez à avancer parce que c'est avec cela que
13 l'on peut gagner. Je me suis dit que là, il s'agissait plutôt d'une action
14 d'essai et que l'effort principal était fourni juste pour contrôler cette
15 route.
16 Q. On a déjà entendu parler de cette attaque de la VRS sur l'enclave. Je
17 voudrais vous demander de nous rendre compte chronologiquement de ce qui
18 s'est passé. Où est-ce que vous étiez au moment de l'attaque par la VRS sur
19 l'enclave au début de juillet, le 6 ?
20 R. J'étais dans la pièce des opérations.
21 Q. Pourriez-vous nous décrire les rapports que vous receviez par rapport à
22 cet effort de l'attaque principale ?
23 R. Ceci a commencé le 6 juillet avec de lourds tirs dans la région, dans
24 la région autour du poste d'observation Fox Trot, F, si vous voulez. Ceci
25 ces attaques, les feux devenaient de plus en plus intenses. On tirait
26 directement sur les postes d'observation. Il y avait des obus aussi qui
27 tombaient. Mais évidemment, tout était concentré sur le point F, Foxtrot,
28 le point d'observation.
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1 Q. Maintenant, nous n'avons plus besoin de cette carte, la carte numéro 6
2 -- non, j'en ai encore besoin.
3 Pourriez-vous la remettre, s'il vous plaît, et nous montrer --
4 R. C'est la région que j'ai déjà décrite. Au sud-est de la frontière de
5 l'enclave, comme vous pouvez voir, il y a la lettre F, ici.
6 Il s'agit de la combinaison des lettres U et S' nous avons eu la
7 pénétration des Serbes que l'on pouvait observer. Les actions des Serbes
8 étaient concentrées principalement sur la région du poste d'observation
9 Fox-trot, F sur la carte.
10 Q. Foxtrot est au nord de Echo ?
11 R. Oui, c'est exact.
12 M. THAYER : [interprétation] Merci.
13 Q. Est-ce que vous avez reçu des rapports que la ville de Srebrenica était
14 sous le feu ?
15 R. Oui. La Compagnie B nous a dit qu'il y avait des obus qui tombaient de
16 façon sporadique sur la ville et que l'on tirait aussi sur les bordures de
17 la ville déjà, enfin, sur les quartiers périphériques de la ville.
18 Q. Qu'en est-il de la Compagnie Charlie, qui se trouvait dans la base à
19 Potocari ?
20 R. Oui. Il y avait aussi des tirs sur la base des UN à Potocari et juste
21 aux alentours. Mais c'était clair que la vraie concentration de l'action se
22 trouvait dans la région de Foxtrot.
23 Q. Est-ce que vous avez reçu des rapports, est-ce que vous avez commencé à
24 écrire des rapports sur les pertes civiles à Srebrenica ?
25 R. Les rapports de la Compagnie B indiquaient qu'effectivement, il y avait
26 des civils qui étaient amenés dans l'hôpital de Srebrenica.
27 Q. Est-ce que le Bataillon britannique -- hollandais a fait quoi que ce
28 soit pour aider à amener les blessés ?
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1 R. Nous avions nos propres ambulances blindées. Mais enfin, vous voyez ce
2 que je veux dire. Quand on était là, quand on se trouvait dans le coin et
3 qu'on voyait qu'il y avait des blessés, effectivement, on les amenait à
4 l'hôpital.
5 Q. Pourriez-vous nous décrire les types de feux qu'essuyait Foxtrot ?
6 R. Tout type de feux; du feu des armes d'infanterie, des mitrailleuses,
7 des chars, des mortiers.
8 Q. Il y avait un ordre qui était toujours en vigueur concernant ce que
9 devaient faire les soldats hollandais s'ils étaient attaqués, les soldats
10 hollandais se trouvant sur les postes ?
11 R. L'ordre était de se défendre, et ils n'avaient pas demandé de se
12 retirer avant que l'ABiH ne se retire.
13 Q. Je regarde le transcript; ici, on peut lire qu'ils devaient se
14 défendre. Mais en réalité, ils n'avaient pas besoin de demander de se
15 retirer avant le retrait de l'ABiH.
16 Pouvez-vous m'expliquer cela ?
17 R. Un commandant qui se trouve au poste d'observation, quand il voit dans
18 quelle situation il se trouve et quand il voit dans quelle situation il
19 est, il peut se retirer. Il s'agit d'un jugement, le jugement du sergent
20 qui se trouvait là-bas, mais c'est le commandant de compagnie qui doit
21 décider vraiment. Il y avait une instruction indiquant que vous pouviez
22 demander à vous retirer, mais tant que les Bosniens étaient en position,
23 vous ne pouviez pas recevoir un accord.
24 Q. Très bien, tant que les forces musulmanes étaient là, ils ne pourraient
25 pas se retirer ?
26 R. C'est vrai.
27 Q. Je voulais vous poser une question qui découle de votre réponse
28 précédente. Est-ce qu'on peut dire que l'attaque a commencé le 6 juillet et
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1 que les choses ont commencé à bouger très vite et que le DutchBat devait
2 prendre beaucoup de décisions ?
3 R. C'est exact.
4 Q. Comment cette chaîne de prise de décisions a fonctionné pendant tous
5 ces événements ?
6 R. Je dois tout d'abord vous dire quelque chose. Nous avons déjà parlé que
7 beaucoup de notre personnel se trouvait toujours à Zagreb et ne pouvait pas
8 revenir à l'enclave. Un bataillon, un officier des opérations, mais il fait
9 cette partie tactique du commandement quand on est pris par le feu. Mais ce
10 S3 se trouvait à Zagreb, et j'étais le seul officier qui était là pour
11 coordonner la sécurité du bataillon, ce qui veut dire qu'on appelait les
12 colonels au téléphone -- j'étais dans la salle des opérations et il
13 s'agissait de prendre des décisions tactiques très rapidement, conformément
14 aux instructions reçues. Il s'agissait de réagir très rapidement.
15 Q. Maintenant, je voudrais parler du 8 juillet, où le soldat Van Renssen a
16 été tué. Est-ce que vous vous souvenez que Foxtrot est tombé ce jour-là ?
17 R. Oui, je vous ai dit qu'il y avait eu de plus en plus de feux sur ce
18 point d'observation. Ce point d'observation a été touché à plusieurs
19 reprises, les murs de la défense ont été explosés par les feux d'un char,
20 et ils ont demandé la permission de se retirer. Je l'ai donné parce que
21 l'ABiH était partie. Ils attendaient pour qu'il y ait une pause dans les
22 tirs pour se retirer, mais il était déjà trop tard. Ils ont été pris par
23 les forces serbes, mais on leur a permis de se retirer à Srebrenica.
24 A peu près à 700 mètres de là, il y a une route où il y avait une
25 position de Bosnie-Herzégovine, la position de la 28e Division. Le
26 commandant ne voulait pas les laisser passer, donc il a vérifié avec le
27 commandant de sa compagnie. Ils ont essayé de passer par là tout de même,
28 et c'était en fait un point d'observation qui a été complètement bloqué. Il
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1 y avait quelque chose sur la route, et pendant cela, un des soldats de
2 Bosnie-Herzégovine a tiré en direction d'un blindé, et c'est comme cela
3 qu'il a tué la personne qui n'était pas abritée. C'était la personne qui
4 maniait le canon du blindé.
5 M. THAYER : [interprétation] Peut-être que c'est un petit peu plus tôt que
6 d'habitude, mais je voudrais vous demander de prendre une pause à présent.
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Nous allons prendre une
8 pause de 25 minutes.
9 --- L'audience est suspendue à 10 heures 27.
10 --- L'audience est reprise à 11 heures 00.
11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Tout semble être en ordre ? Tout le
12 monde est présent ? Monsieur Thayer, vous pouvez poursuivre.
13 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 Q. Avant de poursuivre, Monsieur le Témoin, on m'a supplié de parler
15 lentement, d'essayer de ménager une pause entre la question et votre
16 réponse. Nous allons rester vigilants.
17 R. J'essaierai de continuer de faire de mon mieux.
18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, nous tombons nous-mêmes dans le
19 même piège. Votre collaboration reste sollicitée.
20 M. THAYER : [interprétation]
21 Q. Nous en étions restés au moment où tombe, le 8 juillet, le poste
22 d'observation F, Foxtrot. Parlons maintenant du 9 juillet. Est-ce que vous
23 vous souvenez avoir reçu des rapports concernant ce qui se passait dans les
24 postes d'observation restants ? Parlons d'abord de l'OP, du poste
25 d'observation M, Mike, puis du poste d'observation Sierra et du poste
26 d'observation Uniforme, U. D'abord, le poste d'observation M.
27 R. Oui, c'était au nord de l'enclave. Il y avait des rapports sur lesquels
28 ce poste d'observation Mike était l'objet de tirs, de tirs de mortiers et
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1 de tirs directs. C'était venu du commandant de la Compagnie C, et il m'a
2 demandé la permission de se retirer. Cela a été accordé, et je pense qu'il
3 a pris position en bordure du village de Jaglici. Puis, le poste
4 d'observation S et le poste d'observation U, à ce moment-là, les Serbes ont
5 commencé à s'emparer d'objets se trouvant dans ces postes d'observation.
6 Je ne sais pas si l'OP S et l'OP U sont tombés le 9, mais je pense
7 que le 9 et le 10, peut-être, les combats se sont poursuivis, sans doute
8 entre les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine et les forces serbes. Le
9 poste d'observation U, Uniforme, a essuyé des tirs également.
10 Q. Est-ce que vous avez reçu des informations disant que les réfugiés se
11 trouvant au projet de l'abri suédois avaient commencé à se déplacer ?
12 R. Je ne sais pas si c'était le 9 ou le 10, je vous l'ai déjà dit, mais
13 Sierra est tombé, il a été pris par la VRS. Puis, j'ai dit à la Compagnie B
14 d'envoyer un autre véhicule transporteur de troupes pour essayer de bloquer
15 l'accès en direction de ce projet d'abri suédois. Il devait, ce véhicule
16 transporteur de troupes, traverser l'accès à l'ouest, puis aller dans les
17 bois. Je pense que là, ils ont rencontré beaucoup de civils et ils se sont
18 dit que c'étaient les gens qui venaient de ce projet suédois. Une partie
19 des civils est partie vers le nord, vers la ville de Srebrenica, mais je ne
20 sais pas si tous les civils sont arrivés à Srebrenica.
21 Q. Le 9 juillet, vous souvenez-vous, ce jour-là, avoir reçu des
22 instructions, des directives de commandement supérieur de la FORPRONU ?
23 R. Oui, nous avons reçu l'ordre de défendre la ville de Srebrenica avec
24 tous les moyens militaires dont nous disposions.
25 Q. Est-ce que vous avez traduit cet ordre-là dans un ordre que vous avez
26 donné à vos troupes ?
27 R. Oui, c'était un ordre opérationnel envoyé à la Compagnie B. Il
28 s'agissait de prendre des positions d'arrêt de façon générale sur le
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1 pourtour sud de la ville de Srebrenica. Nous avons renforcé cette compagnie
2 par quelques VTT, ce qu'on appelle en anglais QRF, à savoir Forces de
3 réaction rapide, d'une autre compagnie qui était envoyée en renfort.
4 Q. Pourquoi ces positions d'arrêt ?
5 R. Au fond, c'était pour défendre Srebrenica, pour empêcher que les Serbes
6 n'entrent dans la ville de Srebrenica.
7 Q. Avec l'aide de Mme l'Huissière, je vais vous montrer un document. Nous
8 ne l'avons obtenu que récemment, mais il a été fourni à la Défense, en plus
9 d'une traduction. Nous n'avons pas de numéro 65 ter ni de cote. Je vais
10 simplement poser ce document sur le rétroprojecteur. Je dispose
11 d'exemplaires de ce document avec la traduction en anglais à l'intention
12 des Juges, si les Juges veulent avoir ce document sur support papier
13 pendant que le colonel Franken lit l'original néerlandais et le traduit
14 simultanément.
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, Monsieur Thayer, s'il vous
16 plaît. Voyons si nous sommes d'accord sur ce point.
17 Ce que nous voyons sur le rétroprojecteur, c'est un document qui est
18 en néerlandais, n'est-ce pas ? A l'exception du témoin, il y a peu de
19 personnes ici présentes qui maîtrisent cette langue, apparemment. Ce qui
20 compte davantage, c'est de pouvoir suivre en anglais. Si vous avez une
21 traduction en anglais, je vous propose de la mettre sur le rétroprojecteur.
22 Les accusés seront en mesure de mieux suivre si l'on fait référence à telle
23 ou telle partie de ce document. Dans l'intervalle, bien entendu, le témoin
24 aura le document dans la langue qu'il préfère. Il est certain qu'il doit
25 pouvoir disposer de l'original en néerlandais. Je vous remercie.
26 M. THAYER : [interprétation] Merci de vos instructions, Monsieur le
27 Président.
28 Q. Monsieur, vous avez le texte en néerlandais sous les yeux ?
Page 2464
1 R. Oui.
2 Q. Je vois que nous avons la première page en anglais à l'écran. Qui a
3 rédigé ce mémo et à qui est-il destiné ?
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, Monsieur Thayer. Excusez-
5 moi de vous interrompre.
6 Voici ce que je propose, Madame l'Huissière. Remettez ceci à
7 M. Popovic qui va le faire passer aux autres accusés très rapidement afin
8 que les accusés sachent de quel document nous parlons.
9 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai remis un document
10 au général Gvero; il peut le partager avec M. Pandurevic.
11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que les équipes de la Défense
12 ont besoin d'une copie du document en B/C/S, mis à part la traduction en
13 anglais ? Est-ce que vous avez déjà les deux ? Oui, très bien.
14 Poursuivez, Monsieur Thayer.
15 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 Q. Monsieur, vous avez le document néerlandais sous les yeux. Vous le
17 reconnaissez?
18 R. Oui, c'est l'ordre que j'ai donné au commandant de la Compagnie B, au
19 capitaine Groen, à propos de la défense de la ville de Srebrenica.
20 Q. Premier paragraphe intitulé "Tâche", pourriez-vous synthétiser le sens
21 de ce premier paragraphe ?
22 R. Cela lui dit ce qu'il doit faire, où il doit le faire et dans quelle
23 position. Il est dit qu'il doit préparer et organiser davantage, mais en
24 néerlandais, cela dit "établir une défense sur le pourtour sud de
25 Srebrenica." Je lui donne aussi des frontières est- ouest, c'est-à-dire les
26 délimitations au sein desquelles il doit faire son travail.
27 Vous voyez ici en nota bene c'est un ordre vert, sérieux. Il y avait
28 une différence entre les opérations dites bleues, à savoir celles qui se
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1 faisaient dans le contexte des Nations Unies, bleues pour dire Casques
2 bleus, par exemple et un ordre vert; c'était un ordre donné expressément
3 pour lui dire qu'il pouvait utiliser aussitôt tous ses moyens sans les
4 restrictions de la FORPRONU, ceci afin d'exécuter son ordre. Cela voulait
5 dire qu'il devait maintenant agir en tant qu'armée normale, c'était très
6 clair. L'ordre qui lui a été donné, il le comprenait très bien.
7 Q. Maintenant, nous voyons la rubrique "Mouvements". Pourriez-vous nous
8 décrire ce que vous communiquez, ici ?
9 R. Vous voyez qu'ici, on renforce ces effectifs avec des VTT et des armes
10 antichars. Il est dit qu'ils doivent quitter Potocari au moment où ils
11 arrivent à Srebrenica, à 3 heures 30 du matin.
12 Q. Prenez la deuxième page de la traduction en anglais, et je le dis pour
13 le compte rendu d'audience, l'original en néerlandais ne compte qu'une
14 page, mais ici nous avons la traduction qui fait, elle, deux pages. Prenons
15 la deuxième page de cette traduction. Pourriez-vous nous expliquer la
16 signification des différents points qu'on voit à la rubrique
17 "Communications" ?
18 R. Oui. J'ai choisi les commandants de la position parce que le commandant
19 de la Compagnie B avait toujours la responsabilité globale de tous les
20 secteurs, puis j'ai choisi Hageman, qui devait être le commandant de ces
21 positions d'arrêt. Le temps est précisé; vous voyez, 5 heures du matin. On
22 dit qu'à ce moment-là, les unités doivent être en position. Puis, quelques
23 remarques à propos des détails. Par exemple, il faut se mettre en position,
24 s'installer, puis d'autres détails. Puis, vous voyez qu'en néerlandais,
25 vous avez un sigle, "Hrm". En fait, c'est un sigle néerlandais qui a été
26 repris, ici. Cela veut dire qu'il faut être prêts à être soutenus par un
27 appui aérien rapproché.
28 Q. Je vous remercie. Nous n'avons plus besoin de ce document.
Page 2466
1 M. THAYER : [aucune interprétation]
2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Maître Bourgon, vous voulez
3 intervenir ? Un instant, s'il vous plaît. Oui, je pense que la réponse est
4 claire. Je vérifie le compte rendu d'audience pour voir si ce sigle "Hrm"
5 est bien repris. Effectivement, c'est l'équivalent néerlandais du sigle en
6 anglais "Close and support."
7 M. BOURGON : [interprétation] Je voulais simplement attirer votre attention
8 sur le fait que ce document est un nouveau document. Il ne s'est jamais
9 retrouvé sur la liste qu'avait préparée l'Accusation. Il n'y a pas de cote
10 65 ter non plus.
11 Normalement, nous ferions objection pour dire qu'avant d'utiliser un
12 tel document, l'Accusation doit présenter une requête explicitant pourquoi
13 ce document ne faisait pas déjà partie de sa liste des pièces visées par
14 l'article 65 ter. Ceci étant, Monsieur le Président, même si ce document a
15 été obtenu récemment par le bureau du Procureur, comme ceci vient d'être
16 dit, vous voyez qu'ici, sur ce document, il y a déjà un numéro ERN. Cela
17 veut dire que le bureau du Procureur l'avait déjà, mais qu'à un moment
18 donné, on a décidé -- ou plutôt, qu'on a négligé ce document et qu'il
19 n'avait pas été repris dans la liste 65 ter.
20 Nous disons simplement que lorsque le bureau du Procureur trouve ce
21 genre de document, il doit d'abord présenter une demande pour expliquer
22 pourquoi ce document ne faisait pas partie de la liste, d'où il vient, ce
23 document, pour qu'au moins nous ayons un certain temps pour nous préparer.
24 Ici, en l'occurrence, nous avons reçu ce document hier.
25 Nous avons décidé de ne pas faire objection pour permettre l'audition
26 du témoin aujourd'hui, mais nous devons porter ceci à votre attention.
27 Deuxième point, en ce qui concerne ce document, et ceci vaut pour certains
28 documents, il y a des commentaires entre barres obliques, ici. Cela semble
Page 2467
1 avoir été ajouté. C'est vrai pour d'autres documents, je le disais. Ceci
2 semble avoir été apporté par les services de traduction. Ici, par exemple,
3 on a "QRF", on indique que cela veut dire "Forces de réaction rapide" en
4 anglais. Puis, vous avez certains -- pour certains sigles, on dit qu'on ne
5 connaît pas la traduction.
6 Il y a une différence entre une traduction et la signification qu'on
7 peut avoir d'un sigle. La seule personne qui peut nous dire ce que signifie
8 ce sigle, c'est le témoin, ou tout du moins quelqu'un qui a connaissance du
9 document. Mais il ne faut pas se lancer dans des devinettes pour essayer de
10 deviner la signification d'un sigle donné.
11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je pense que pour ce qui est de votre
12 deuxième point, il n'est pas nécessaire de s'attarder longtemps là-dessus.
13 Si vous avez des doutes pour ce qui est de l'explication donnée entre
14 certaines barres obliques, vous pourrez en parler au moment du contre-
15 interrogatoire et poser la question au témoin qui est à la barre.
16 Mais vous avez soulevé un premier point. Si j'ai bien compris M.
17 Thayer, il disait que l'Accusation n'a obtenu ce document que récemment.
18 Vous le contestez, Maître Bourgon ?
19 M. BOURGON : [interprétation] Mais Monsieur le Président, nous avons reçu
20 des notes du bureau du Procureur -- je ne sais pas quand exactement le
21 bureau du Procureur a obtenu ce document. D'après certaines de nos
22 informations, ce qui est dit dans le mémo envoyé par mon collègue, c'est un
23 ordre vert avec un numéro ERN.
24 Ce document-ci parle du fait que ce document est tombé sous le coup de
25 l'article 70 et des dispenses, l'Accusation avait déjà ce document et avait
26 décidé de ne pas l'utiliser, maintenant elle a changé d'avis. C'est une
27 différence. Ce n'est pas un document qui apparaît ici, c'est un document
28 qu'on a décidé de ne pas utiliser, puis on change d'avis on dit qu'on va
Page 2468
1 l'utiliser aujourd'hui.
2 Ce n'était pas bel et bien le cas. Il faudrait une explication de M.
3 Thayer. C'est pour cela que j'interviens. Si l'Accusation veut utiliser un
4 nouveau document elle doit en faire la demande, et dire, "Voilà, nous avons
5 un nouveau document. Voici ce que ce document représente. Voici pourquoi
6 nous voulons l'utiliser. Voici d'où il vient." A ce moment-là, nous pouvons
7 avoir un débat et la Chambre peut trancher sur l'utilisation possible ou
8 pas de ce document.
9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Maître Bourgon.
10 Si ces questions n'avaient pas été soulevées manifestement, Monsieur
11 Thayer, je suppose que vous auriez expliqué pourquoi ce sujet n'a pas été
12 ou ce document n'avait pas été introduit dans la liste 65 ter. Mais puisque
13 ce sujet a été soulevé maintenant vous devez réagir.
14 M. THAYER : [interprétation] Tout à fait. Mon estimé confrère a raison sur
15 ce point. Il y a deux documents que nous allons utiliser dans le cadre de
16 l'audition de M. Franken.
17 Je me suis mal exprimé en ce qui concerne ce document. Effectivement,
18 nous l'avions ce document. A ma connaissance personne ne l'avait reconnu
19 comme existant. Il était en annexe à une déclaration préalable d'un autre
20 officier du DutchBat et personne ne l'avait jamais vu à ma connaissance.
21 C'est récemment que je l'ai obtenu. J'ai essayé de contacter le colonel
22 Franken pour savoir s'il pouvait lever la dispense qu'il y avait à cause de
23 l'article 70, mais je ne pense pas que quiconque ait jamais vu ce document
24 auparavant.
25 Je l'ai trouvé dans tout un tas de documents. Nous faisions une
26 recherche pour ce qui est de l'utilisation de l'article 68. C'est une des
27 obligations imposées par la Chambre de première instance.
28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant. Voilà l'explication que
Page 2469
1 donne M. Thayer à l'intention de la Défense. Vous en êtes satisfait, Maître
2 Bourgon ?
3 M. BOURGON : [interprétation] Oui. Pour ce qui est de ce document nous
4 pouvons poursuivre. Il faut que cette situation soit portée à votre
5 connaissance pour l'avenir pour qu'on ait une procédure bien en place. Je
6 ne veux pas maintenant interrompre l'audition de ce témoin.
7 Je vous remercie, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.
9 Le deuxième point.
10 M. THAYER : [interprétation] Oui, effectivement, pour ce qui est du
11 deuxième document, c'est seulement jeudi dernier que nous l'avons obtenu.
12 Nous avons essayé d'obtenir ces documents à la demande de la Défense de
13 l'accusé Miletic, ce sont des documents mentionnés dans le rapport NIOD,
14 maintenant la Défense est avisée du fait que ces documents existaient
15 depuis un certain temps, mais nous avions reçu une demande expresse de
16 contacter l'institut NIOD pour obtenir des documents qui risqueraient
17 d'être utilisés pour des témoins comparant à l'audience. Nous devrions
18 recevoir sous peu ces documents. Ils seront traduits dans les meilleurs
19 délais et fournis au conseil de la Défense.
20 Un de ces documents a été traduit la semaine dernière et a été fourni au
21 conseil de la Défense aujourd'hui. Les documents reçus jeudi ont été
22 traduits vendredi et samedi, et communiqués aujourd'hui. Je vais utiliser
23 un document avec ce témoin mais il n'a même pas encore été traduit. C'est
24 un document que je n'ai pu que discuter avec M. McCloskey ce week-end. On
25 s'est dit qu'il avait peut-être une certaine valeur probante, il est en
26 train d'être traduit à l'heure même.
27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.
28 Je suppose, Maître Bourgon, que vous parlez au nom de toutes les équipes de
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1 la Défense, et je suppose que maintenant nous pouvons poursuivre.
2 M. BOURGON : [interprétation] Je n'ai pas discuté avec mes confrères et
3 consoeurs. Je ne peux pas dire que j'ai parlé au nom de tout le monde parce
4 que je n'ai pas vérifié.
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Excusez-moi, je ne vous avais pas bien
6 compris.
7 Est-ce qu'il y a des avocats qui veulent adopter une position différente de
8 celle de Me Bourgon, que ce soit pour le premier document ou pour le
9 deuxième ? Nous sommes d'accord, nous pouvons poursuivre. Fort bien.
10 Monsieur Thayer, vous avez la parole et merci à toutes les parties des
11 explications fournies.
12 Poursuivez.
13 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 Q. Une dernière question, Monsieur le Témoin, à propos de ces positions
15 d'arrêt, excusez-moi si vous avez déjà répondu mais je voulais que tout
16 soit clair. Il y en avait combien de positions d'arrêt et quels noms ont-
17 elles reçues ?
18 R. Au départ, on en avait planifié quatre. Bravo 1, 2, 3, et 4, et il y
19 avait une position qui avait été planifiée pour le contrôle aérien avancé,
20 c'est une équipe qui peut diriger des avions qui attaquent sur une cible.
21 Q. Est-ce que vous vous souvenez de l'heure approximative à laquelle vos
22 positions d'arrêt ont effectivement été établies ?
23 R. Il y a eu des problèmes au moment de prendre ces positions, parce qu'il
24 y avait des tirs serbes qui s'y opposaient. Je pense que cela a été fait
25 vers 6 heures 30 du matin.
26 Q. Le matin du 10 juillet -
27 R. Exact.
28 Q. Reprenons là où vous vous étiez arrêté.
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1 Quels rapports avez-vous reçu concernant les tirs essuyés par les positions
2 du DutchBat et les effectifs du DutchBat, commençons par ces positions
3 d'arrêt ?
4 R. Le capitaine Hageman avait une position centrale. C'était Bravo 2, il
5 n'a pas pu y arriver parce que nous nous sommes trouvés sous les tirs du
6 char principal T55 des Serbes, il a fallu se retirer. Cette position sur le
7 côté ouest a dû être modifiée parce que ce soldat essuyait des tirs de
8 l'artillerie serbe et des chars serbes. Bravo 4 n'a pas à l'est eu de
9 problème au départ. Bravo 3 a dû changer de position parce qu'il s'est
10 trouvé sous le tir de mitrailleuses, mais a pris une position de réserve,
11 où on peut pratiquement faire le même travail mais à un endroit différent.
12 Q. Vous avez parlé de la position du capitaine Hageman qui a essuyé des
13 tirs et qui a dû faire une sortie de route. Est-ce que vous avez fait
14 quelque chose pour essayer de récupérer le véhicule ?
15 R. Oui. Nous essayions de récupérer les véhicules qui étaient positionnés
16 à Potocari. J'en ai envoyé un qui a essuyé t des tirs dès la sortie du
17 portail de Potocari de la part d'un canon antichar. Il était positionné à
18 l'OP P Papa. Mais dès qu'il est arrivé près du véhicule du capitaine
19 Hageman, il a essuyé des tirs de ce même char
20 T55, donc il a dû se retirer. On n'a pas réussi à récupérer ce véhicule.
21 Q. Est-ce que vous avez reçu des rapports concernant des blessures subies
22 par des membres du DutchBat ?
23 R. Oui, il y avait eu quelques blessures légères provoquées par des éclats
24 d'obus mais ces hommes ont pu rester en place et ils ont pu continuer à
25 faire leur travail.
26 Q. Est-ce que les équipes qui étaient sur ces positions d'arrêt est-ce
27 qu'il y a eu des blessés ?
28 R. A Bravo 1, à l'ouest, oui, il y a eu trois ou quatre blessés par des
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1 éclats. Pour ce qui est de l'équipe du capitaine Hageman là aussi il y a eu
2 quelques blessés.
3 Q. Parlons de la Compagnie Bravo et de son secteur. Quels sont les
4 rapports que vous avez reçus le 10 juillet à propos des attaques sur ce
5 secteur ?
6 R. Je vous l'ai dit. Les positions d'arrêt se trouvaient sous le coup de
7 tirs. La ville de Srebrenica a été pilonnée de façon très intensive et
8 notre base aussi. Il y a eu des rapports faisant état de blessés mais on ne
9 les a pas comptés parce qu'ils ont été emmenés à l'hôpital civil et nous on
10 avait beaucoup de travail. On avait aussi autre chose à faire.
11 Q. Est-ce qu'à un moment donné vous avez demandé qu'un décompte soit fait
12 du nombre de détonations ou d'explosions d'artillerie ?
13 R. Oui. La procédure habituelle c'était que lorsqu'il y avait pilonnage la
14 section des observateurs nous dit combien il y avait eu de tirs si on le
15 savait et d'où venaient ces tirs ? C'est ce que la Compagnie B a fait le
16 10, mais je leur ai dit d'arrêter lorsqu'ils sont arrivés au chiffre de 150
17 à 200. A ce moment-là, cela ne servait à rien de faire le décompte, cela
18 aurait été simplement de la paperasserie.
19 Q. A ce moment-là est-ce que vous avez pu identifier et compter le nombre
20 de positions d'artillerie de la VRS ?
21 R. Nous avions déjà connaissance de 16 positions mais à ce moment-là nous
22 en avons compté 32, je parle de positions d'artillerie ou de mortier
23 actives. Nous avons eu des rapports selon lesquels il y avait six chars
24 principaux en action.
25 Q. Est-ce qu'à un moment donné, du 10 juillet, vous vous souvenez que le
26 DutchBat a reçu un ultimatum donné par la VRS ?
27 R. Vous parlez du 10 ?
28 Q. Le 10 ou aux environs de cette date.
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1 R. Si je me souviens bien, les Nations Unies ont adressé un ultimatum aux
2 Serbes de Bosnie, lesquels ont réagi par un ultimatum adressé au DutchBat,
3 disant arrêtez vos activités hostiles et s'il avait été prévu que nous
4 puissions partir en passant par le poste d'observation Papa avec la
5 population civile et ils disaient que nous devions quitter l'enclave en
6 laissant derrière nous notre matériel, notre équipement, si je me souviens
7 bien.
8 Q. J'aimerais vous montrer un document.
9 M. THAYER : [interprétation] C'est le deuxième document, Monsieur le
10 Président, dont j'ai parlé auparavant, que nous venons d'obtenir. Avec
11 l'aide de Mme l'Huissière, j'aimerais qu'il soit placé sur le
12 rétroprojecteur.
13 Q. Vous avez un document en néerlandais devant vous. Je voudrais
14 simplement vous demander de jeter un regard pendant que -- nous sommes en
15 train de le faire traduire pour le moment. Je voudrais vous demander de le
16 traduire directement en anglais, à partir du texte original que vous avez
17 devant vous. Lorsque vous le ferez, s'il vous plaît, il est
18 particulièrement important que vous fassiez des pauses, parce qu'il est
19 particulièrement important que l'accusé puisse comprendre ce que vous
20 dites. Maintenant, ayant vu ce document, pouvez-vous décrire de quoi il
21 s'agit ?
22 R. Il s'agit d'une version transcrite d'un message radio que nous avons
23 reçu du BSA et j'ai essayé d'écrire les détails, lorsque je vois qu'il y a
24 là des détails. Cela concerne les renseignements de la Compagnie du Corps
25 B, parce que les autres commandements se trouvaient dans le secteur du
26 quartier général, donc je pouvais le faire verbalement, mais le capitaine
27 Groen se trouvait à Srebrenica, de sorte que je lui ai envoyé ceci, ceci
28 concerne un ultimatum de ce que nous appelons l'armée serbe de Bosnie. Je
Page 2474
1 cite : "L'ONU ne désarme pas les Musulmans, c'est nous qui le ferons. A
2 compter du 11 juillet 6 heures jusqu'à 48 heures plus tard, les soldats de
3 l'ABiH, le Bataillon néerlandais peuvent remettre leurs armes et quitter
4 l'enclave par le pont jaune."
5 Le pont jaune, c'est le point de contrôle des Serbes de Bosnie au
6 nord, dans la partie septentrionale de l'enclave.
7 Q. Bien.
8 R. L'ONU --
9 Q. Je voudrais vous arrêter un instant, là.
10 R. Je vais trop vite.
11 Q. Non, cela va bien, mais je voudrais que vous précisiez et clarifiez
12 quelque chose. Ce paragraphe-là, il y a un mot qui précède les deux points
13 sur cette ligne, à savoir BSA et c'est le mot "betreft."
14 R. B-e-t --
15 Q. Juste après le mot ultimatum BSA. Est-ce qu'il y a une raison pour
16 laquelle cela se trouve à gauche ?
17 R. "Betreft" veut dire concerne. Ceci concerne l'ultimatum de la BSA.
18 C'est une traduction littérale de ce que --
19 Q. Excusez-moi de vous avoir interrompu.
20 R. Non, non.
21 Q. Vous alliez parler de la dernière ligne de ce passage.
22 R. Oui. "Les ONG, le HCR, et cetera peuvent partir immédiatement à nouveau
23 par le pont jaune."
24 Le pont jaune étant le point de contrôle au nord. C'est d'ailleurs --
25 M. THAYER : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais simplement
26 évoquer un point. Nous venons juste de recevoir la traduction en anglais du
27 document. Je pourrais le placer sur le rétroprojecteur et travailler à
28 partir de là si les membres de la Chambre le veulent bien. Ou nous pouvons
Page 2475
1 continuer avec la traduction du néerlandais, avec l'aide du colonel
2 Franken.
3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Plaçons la version anglaise sur le
4 rétroprojecteur. Ceci nous donnera plus ou moins la possibilité de vérifier
5 ce que nous venons juste d'entendre.
6 M. THAYER : [interprétation] J'ai des exemplaires supplémentaires de la
7 traduction en anglais que je peux distribuer.
8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, vous pouvez.
9 M. THAYER : [interprétation] Merci, Madame l'Huissière.
10 Maintenant, si vous me permettez de poursuivre ?
11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Certainement, Monsieur Thayer.
12 M. THAYER : [interprétation]
13 Q. Monsieur le Témoin, sentez-vous bien libre de vous fonder sur la
14 version néerlandaise que vous avez devant vous et si vous le voulez sur la
15 traduction anglaise, la partie du bas de ce mémorandum.
16 R. Oui, mais si vous voulez bien me le permettre, j'ai une remarque à
17 faire concernant la traduction de la première partie.
18 Q. Bien.
19 R. Il est dit : "Le Bataillon néerlandais peut remettre des armes," comme
20 s'il y avait une possibilité de ne pas le faire. Mais ce n'était absolument
21 pas le cas. Nous devions remettre nos armes lorsque nous aurions fait cela.
22 La deuxième partie dit, je cite : "Réactions de l'ONU." C'était que
23 l'armée serbe de Bosnie devrait se retirer jusqu'aux lignes de Morillon et
24 comme c'était la limite ONU de l'enclave, parce qu'il y avait en fait trois
25 limites. Pour le cas B et la limite A et la limite ONU. Il y avait des
26 différences importantes.
27 "AVEZ" qui est l'abréviation néerlandaise pour attaque. Toute attaque
28 doit être laissée derrière, ou ils devraient arrêter leur attaque, c'est
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1 cela qu'ils ont voulu dire. L'ordre était de se retirer aux lignes à
2 Morillon à commencer à 6 heures, ceci veut dire le 11. C'était la réaction
3 de l'ONU et ce message était pour informer le commandant de la Compagnie B
4 de ce qui se passait à ce niveau-là.
5 Q. Bien. Je pense que ceci règle la question pour ce document. Je tiens à
6 remercier Mme l'Huissière.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Que veut dire "processing" à la première
8 ligne.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] La première ligne ?
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] "Processed" le 13 juillet.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est plus tard -- ils disent qu'ils ont en
12 fait archivé ou classé ceci le 13, mais ce n'est pas quelque chose que j'ai
13 fait moi-même. Il s'agit de quelqu'un qui a établi cet exemplaire le jour
14 suivant.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Juge Kwon.
17 Maître Bourgon.
18 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voulais
19 simplement clarifier quelque chose que le témoin vient de dire en ce qui
20 concerne un commentaire sur la traduction. Je voudrais juste savoir si
21 c'était un commentaire de fond ou si l'original dit quelque chose d'autre
22 que : "peuvent remettre leurs armes."
23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] C'est ainsi que nous l'avons compris.
24 Colonel, enfin Monsieur Franken, vous avez entendu la remarque que je
25 pense qu'il peut facilement répondre à cela.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci est important, parce qu'en fait, c'est
27 une erreur dans la traduction. Le message original : "Vous devez remettre
28 vos armes, et la traduction dit "vous pouvez", donnant une possibilité,
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1 exprimant une possibilité, la possibilité notamment de ne pas le faire.
2 Mais ceci n'est pas dans le texte pertinent.
3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.
4 Poursuivez.
5 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, merci Madame
6 l'Huissière.
7 Q. Témoin, ceci nous amène à la journée du 11 juillet. A ce moment-là,
8 vous recevez également des rapports concernant le sort des derniers postes
9 d'observation que vous avez décrits plus tôt. Je pense que le terme que
10 vous avez employé était un jeu vidéo de Pacman. Que voulez-vous dire par
11 cela qui s'est poursuivi jusqu'au 11 ?
12 R. Ce que je voulais dire, c'était que les postes d'observation étaient
13 pris un par un par les Serbes. Après l'incident Foxtrot, je veux dire par
14 là le fait qu'un de mes soldats ait été tué, nous avons ordonné aux postes
15 d'observation -- ceux-ci trouvaient uniquement de se retirer lorsqu'ils
16 avaient la permission de se retirer, tandis qu'il y avait une sorte
17 d'accord avec le gouvernement musulman local parce que nous tenions
18 beaucoup à faire en sorte qu'il n'y ait pas davantage de soldats tués par
19 l'armée musulmane.
20 Ce que je voulais dire par Pacman, c'était qu'un par un, les
21 Musulmans quittaient leur position sans nous le dire, et mes observateurs
22 des observations se trouvaient absolument encerclés par l'armée serbe.
23 Pendant cette journée, je ne sais pas exactement quel poste d'observation
24 est tombé et à quel moment, mais cela s'est terminé par le fait que le
25 poste d'observation Charlie et le poste d'observation Alpha se trouvaient
26 encore en position, et les hommes qui le tenaient. Delta était encore une
27 position qui se trouvait plus au nord. Plus ou moins, le reste de ces
28 postes ont été pris ou retirés à l'exception du poste Papa, parce que le
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1 poste Papa, nous l'avions conservé à l'entrée septentrionale et nous avions
2 maintenu l'opération.
3 Q. Que s'est-il passé et qu'est-il arrivé aux soldats qui se trouvaient
4 aux postes d'observation, au fur et à mesure qu'ils étaient pris ou
5 attaqués par des forces de la VRS ?
6 R. En gros, ils ont dû remettre leurs armes de petit calibre et ils ont
7 été amenés avec leurs véhicules APC -- parfois à Bratunac. D'autres sont
8 restés pendant un certain temps dans le secteur; c'est d'ailleurs le
9 secteur qui se trouvait directement au sud de l'enclave, puis amenés à
10 Milici. Mais en fin de compte, tous se sont retrouvés à Bratunac.
11 Q. Sur la base du rapport que vous receviez, est-ce que ces soldats
12 étaient libres de quitter leurs positions ou libres de quitter cet endroit
13 à Bratunac, ou bien --
14 R. Non, non. C'étaient des prisonniers de guerre, ils avaient été faits
15 prisonniers.
16 Q. Est-ce qu'à un moment donné le 11 juillet, vous avez décidé de donner
17 des ordres concernant le fait de continuer à défendre la ville de
18 Srebrenica ?
19 R. C'est exact. La situation dans laquelle nous nous trouvions, c'était
20 que nous avions eu une attaque le 10. Dans la soirée de cette attaque,
21 l'armée serbe nous a tiré dessus puis s'est retirée. Nous avons appris dans
22 la matinée du 11 que la 28e Division musulmane avait disparu. Il n'y avait
23 plus personne sur place.
24 La population, les civils se mettaient en mouvement massivement dans
25 la ville elle-même pour aller à notre base de la Compagnie B. Alors, nous
26 avons essayé de les conduire dans la direction de Potocari. Le commandant
27 de la Compagnie B avait des soldats le long de la route qui ont commencé à
28 marcher en direction de Potocari et ils ont suivi, ce qui veut dire que
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1 défendre Srebrenica, ville vide, n'avait aucune utilité. J'ai donné des
2 ordres à la Compagnie B de se retirer en fin de colonne, à la queue de la
3 colonne des réfugiés dans la position nord, en direction nord. Sa mission
4 était de s'interposer entre les Serbes et les civils et de les conduire
5 vers le nord. Si vous allez à Potocari, vous prenez position au sud, au
6 bord de Potocari. Là au sud, là encore vous avez une position d'arrêt pour
7 une approche serbe.
8 Une autre raison pour lui avoir donné l'ordre de se retirer de
9 Srebrenica était qu'à ce moment-là, la 28e Division musulmane étant partie,
10 j'avais de l'infanterie serbe sur les bords, sur les lisières, qui avaient
11 déjà dépassé mon flanc gauche et mon flanc droit. En fait, nous étions
12 déplacés de la position, nous nous sommes déplacés de la position.
13 Q. Vous avez décrit le mouvement des réfugiés musulmans avec un certain
14 nombre de vos hommes vers le nord. Avez-vous reçu des rapports concernant
15 leur expérience, ce qu'ils ont vécu pendant qu'ils se déplaçaient dans
16 cette direction vers le nord ?
17 R. Le commandant de la Compagnie B, bien sûr, m'a informé en détail des
18 positions où il parvenait et comment se déroulaient les choses. J'ai reçu
19 des rapports concernant le pilonnage ou des obus tirés sur la colonne. Nous
20 avons ramassé des blessés, nous les avons chargés sur les véhicules APC et
21 nous les avons amenés à Potocari ou dans le secteur de Potocari. En fait,
22 ce sont les rapports en général que j'ai reçus, parce que tous les rapports
23 reçus ne sont pas pertinents.
24 Q. Vous rappelez-vous des coups de feu reçus par la colonne ?
25 R. Oui, pour l'essentiel, c'étaient des tirs de mortiers et d'artillerie.
26 Q. Est-ce que vous aviez fait des préparatifs logistiques pour l'arrivée
27 de ces réfugiés, compte tenu des renseignements que vous receviez ?
28 R. Oui. J'avais donné pour ordre au commandant de la base --
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1 L'INTERPRÈTE : Commandant de la base au nom inaudible.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] -- de prévoir un itinéraire pour entrer dans
3 le camp.
4 M. THAYER : [interprétation]
5 Q. Je vous arrête là. Que veut dire le terme "recce" ?
6 R. C'est ce que je pense qu'on utiliserait en anglais normalement, c'est-
7 à-dire de trouver une route qui soit -- un itinéraire qui soit sûr, dirais-
8 je, dans le camp, parce que la route qui se trouvait devait notre base
9 était directement visible pour l'artillerie serbe et pour les chars serbes.
10 Je ne voulais pas de ces civils dans les colonnes qui progressaient le long
11 de cette route, parce que j'avais des raisons de penser qu'ils se feraient
12 tirer dessus.
13 C'est ce qu'il a fait. Nous avons eu une ligne de guides qui avaient
14 pour motion de diriger cette population à l'intérieur du camp de Potocari,
15 et ensuite, j'ai donné pour instructions à mes spécialistes de logistique
16 et personnel médical de se préparer à recevoir ces gens. Il fallait d'abord
17 créer une antenne médicale, et cetera, et cetera.
18 Q. Vous avez décrit le fait que vous vouliez que la colonne de réfugiés ne
19 soit pas en alignement direct pour l'artillerie serbe. Est-ce que vous
20 pourriez décrire de façon un peu plus détaillée où vous avez identifié --
21 où est-ce que vous avez découvert qu'on avait amené ces pièces et ce que
22 c'était, si vous le savez ?
23 R. Dans le secteur du poste d'observation Papa, il y avait une petite
24 crête et un épaulement, je l'appellerais ainsi, une partie inférieure de
25 cette position. Il y a avait un canon antichar qui tirait tout le temps
26 vers notre base, en direction de notre base. Directement, nous avons pu
27 voir qu'il s'agissait d'un char de bataille, d'un grand char de bataille
28 T55, et en-dessous, il y avait un MRS, c'est-à-dire un système de lancement
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1 de roquettes multiples.
2 M. THAYER : [interprétation] A ce moment-là, si nous pouvions faire
3 présenter le logiciel e-court la pièce P01516, s'il vous plaît. Celle-ci,
4 il faudrait qu'on la retourne. Merci. Pourrait-on, s'il vous plaît, faire
5 maintenant un gros plan, juste un tout petit peu, un gros plan ? Excusez-
6 moi, non, c'est parfait. Merci.
7 Q. Monsieur le Témoin, vous voyez l'image sur votre écran ?
8 R. Oui.
9 Q. Je voudrais juste vous demander de prendre un instant pour bien
10 observer, pour vous orienter sur ce croquis, cette carte, et je voudrais
11 vous demander si vous reconnaissez ce que c'est.
12 R. Il s'agit d'une photographie aérienne de l'endroit où se trouve notre
13 quartier général à Potocari, et une partie du village de Potocari
14 proprement dit. La route que vous voyez en direction nord-sud, c'est la
15 route entre Bratunac et Srebrenica.
16 Q. Bien, je voudrais vous poser des questions plus précises concernant
17 certains éléments ou traits remarquables, mais fondamentalement, vous
18 seriez en mesure de retrouver et désigner les différentes structures ou
19 points remarquables sur ce document ou sur la base de votre expérience là-
20 bas ?
21 R. Oui.
22 Q. Je vais vous demander, avec l'aide de Mme l'Huissière, de prendre un
23 marqueur et de nous montrer où cela se trouve. Ceci est pour nous une leçon
24 qui nous permet de faire un voyage dans le temps.
25 Q. Bien. Je vais vous demander si vous pouvez simplement écrire "base ONU"
26 à la droite de la base, là où elle se trouve effectivement, si vous pouvez
27 l'identifier, juste mettre une flèche qui aille dans cette direction.
28 R. [Le témoin s'exécute]
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1 Q. Merci. Est-ce que vous voyez le secteur que vous connaissiez sous le --
2 où il y avait les bus express ou la compagnie des autobus ?
3 R. Oui.
4 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, indiquer "enceinte pour les bus" ou
5 "base compound" à la droite de cet endroit et mettre une flèche, s'il vous
6 plaît ?
7 R. [Le témoin s'exécute]
8 Q. Voyez-vous le secteur en général des usines abandonnées auxquelles vous
9 avez fait référence ? Si vous pouviez écrire "usines" à gauche de ce groupe
10 et mettre une flèche dans la direction voulue.
11 R. [Le témoin s'exécute]
12 Q. Est-ce que vous pouvez repérer l'endroit que vous appeliez "Maison
13 blanche," la maison blanche, dans cette photographie aérienne ?
14 R. Oui, je peux.
15 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, écrire tout simplement "Maison blanche"
16 sur la gauche de la maison et mettre une flèche qui la désigne ?
17 R. [Le témoin s'exécute]
18 Q. Pour le compte rendu, la direction nord, c'est la direction qui se
19 trouve en haut de la page, et le sud, c'est au bas de la page; c'est bien
20 cela ?
21 R. [Le témoin s'exécute]
22 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin. Pourriez-vous, s'il vous plaît,
23 marquer le mieux possible, si vous pouvez vous en souvenir, quel était
24 l'itinéraire que le commandant Otter --
25 L'INTERPRÈTE : L'interprète signale que le nom du commandant Otter manquait
26 tout à l'heure.
27 M. THAYER : [interprétation]
28 Q. -- que le commandant Otter avait établi pour permettre de recevoir les
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1 réfugiés ?
2 R. Oui. Je ne suis pas absolument sûr que cela se soit trouvé à cet
3 endroit, entre ces bâtiments ou la partie occidentale à l'ouest de ces
4 bâtiments. Je n'en suis pas non plus très sûr. Mais d'une façon générale,
5 nous arrivions par le sud, et on a fait une brèche dans l'enceinte, la
6 palissade, qui est indiquée ici par un signe qui indique par où ils sont
7 entrés.
8 Q. Où est-ce que dans la base ONU, ils se sont trouvés matériellement à
9 l'abri, s'il vous plaît ?
10 R. C'était dans un bâtiment d'usine au centre.
11 Q. Si vous voulez bien placer un X à cet endroit-là, s'il vous plaît ?
12 R. [Le témoin s'exécute]
13 Q. Pourriez-vous maintenant apposer vos initiales et la date d'aujourd'hui
14 sur ce document ?
15 R. [Le témoin s'exécute]
16 Q. Je vous remercie. Je pense que nous sommes prêts maintenant à --
17 R. Je vous en prie.
18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous pourrez demander le versement de
19 cette pièce un peu plus tard. Oui, Monsieur Thayer.
20 M. THAYER : [interprétation] Je pense que nous en avons terminé pour le
21 moment avec ce document. Si on peut le conserver, espérons que cela va
22 marcher, et on peut maintenant passer à autre chose.
23 Merci, Madame l'Huissière.
24 Q. Comment avez-vous pu voir, Monsieur le Témoin, à partir de quel moment
25 l'enceinte était trop pleine, trop remplie pour vos prévisions, pour le but
26 que vous proposiez ?
27 R. Ayant fait l'expérience de la situation à Srebrenica en ce qui concerne
28 notre liberté de mouvement avec des moyens militaires lorsque tous ces gens
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1 se trouvaient là, ce qui n'était pas, je dois le garantir, sur notre
2 enceinte, sur notre base, comme c'était le dernier secteur de l'ONU dans
3 l'enclave, j'étais encore en mesure de me déplacer avec mes moyens
4 militaires, mes véhicules APC, si nécessaire. Deuxièmement, je ne voulais
5 pas que les réfugiés soient exposés à la vue de l'armée serbe de Bosnie, en
6 particulier pas à une ligne de feu directe d'artillerie et de chars telle
7 que je vous l'ai décrite tout à l'heure. C'est la raison pour laquelle j'ai
8 décidé d'utiliser le bâtiment. En fait, c'est le seul qui permettait un
9 véritable abri et se trouvait à couvert. Quand il a été plein, il a fallu
10 fermer, bien sûr.
11 Q. Ces réfugiés, on les a envoyés où, après cela ?
12 R. Bien, ils sont restés plus ou moins dans le secteur de la station
13 d'autocar ou d'autobus, dans la zone des usines, et de l'autre côté, du
14 côté ouest de la route.
15 Q. Que vous avez marqué sur votre croquis par -- sur votre photo --
16 R. Oui, je l'ai déjà fait.
17 Q. -- sur le document précédent. Bien.
18 Je voudrais maintenant appeler votre attention brièvement sur un autre
19 événement qui s'est produit dans l'après-midi du 11. A un moment donné,
20 est-ce qu'un appui aérien a finalement été apporté ?
21 R. C'est exact.
22 Q. Avez-vous reçu une réponse quelconque de la VRS pour répondre à cet
23 appui aérien rapproché ?
24 R. Oui. Il devait être environ 14 heures lorsque l'appui aérien rapproché
25 a été une réalité. J'ai utilisé les moyens de communication de mon APC qui
26 se trouvait à Bratunac et celui qui était venu avec les effectifs des
27 postes d'observation, à mon poste d'observation, et j'ai reçu un message en
28 anglais qui a été lu par un de mes sous-officiers et qui a dit que l'appui
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1 aérien rapproché devait cesser immédiatement ou l'armée des Serbes de
2 Bosnie entrerait et commencerait à pilonner la dernière zone de notre base,
3 y compris les lieux où se trouvaient les réfugiés, et qu'ils tueraient mes
4 soldats, les soldats qui étaient prisonniers de guerre.
5 Q. Prenons la deuxième partie de ce message pour commencer, s'il vous
6 plaît. Est-ce que vous avez pris très au sérieux la menace concernant votre
7 personnel ?
8 R. Oui. Pas si sérieusement que cela. La seule chose à mon avis aurait été
9 qu'ils auraient pu les utiliser comme bouclier humain ou comme couverture
10 pour des endroits importants, une sorte de bouclier humain, ce qu'ils
11 avaient déjà fait dans d'autres parties de la Bosnie. Je ne pensais pas
12 qu'ils allaient vraiment l'exécuter.
13 Q. Vous avez pris au sérieux la menace de tirer des obus contre le
14 quartier général de l'enceinte avec les réfugiés qui s'y trouvaient ?
15 R. Cela, je l'ai pris très au sérieux, parce qu'ils l'avaient déjà fait
16 par le passé avec cela, je veux dire tirer sur des réfugiés avec tous les
17 moyens dont ils disposaient.
18 Q. A un moment donné, peu après avoir reçu cette menace, est-ce que des
19 coups de feu ont effectivement été reçus à la base ?
20 R. Oui. C'est probablement qu'ils voulaient s'assurer que nous voulions
21 bien les croire, parce que c'était très peu de temps après qu'il y ait eu
22 des tirs de mortiers sur l'ensemble de la zone de la station des cars, des
23 autobus, et plus tard, peu après cela, il y a eu toute une série de tirs du
24 système de lancement de roquettes multiples dans le secteur de Potocari.
25 Q. Est-ce que ces tirs ont causé des victimes parmi les réfugiés ?
26 R. Oui, il y a eu des blessés, mais je ne peux pas vous dire combien parce
27 qu'il y avait -- c'était une énorme foule saisie de panique, bien entendu.
28 Q. Je voudrais appeler votre attention pour un instant sur un domaine sur
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1 lequel la Chambre de première instance a reçu beaucoup d'éléments de preuve
2 et de dépositions déjà, nous avons pu examiner cela de façon très
3 détaillée, et je veux parler de la série de réunions qui ont eu lieu à
4 l'hôtel Fontana entre la soirée du 11 et la matinée suivante du 12 juillet.
5 Brièvement, est-ce que le colonel Karremans vous a donné des instructions à
6 la suite de la première réunion ?
7 R. Oui, à la suite de la première réunion, il l'a fait, effectivement.
8 Q. A la suite de cette première réunion, vous avez dû trouver un
9 représentant de la population musulmane pour la deuxième réunion; c'est
10 bien cela ?
11 R. C'est exact.
12 Q. Vous rappelez-vous le nom de cette personne ?
13 R. Oui. M. Mandic est le premier qui a pris part à ce comité, oui.
14 Q. Est-ce que vous avez vu M. Mandic --
15 R. Oui.
16 Q. -- lorsqu'il est revenu après cette deuxième réunion ? Là encore,
17 excusez-moi, mais est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, faire une
18 pause entre questions et réponses --
19 R. Oui.
20 Q. -- entre les questions et les réponses ?
21 R. M. Mandic est venu à cette réunion, oui.
22 Q. Comment était-il lorsque vous l'avez vu ?
23 R. M. Mandic était très inquiet et presque dans un état de panique parce
24 qu'il a eu à faire face. Nous lui avons parlé, et il avait exprimé le vœu
25 de parler à son gouvernement. Nous avons essayé de faire ce qu'on pouvait
26 ce soir-là, mais nous n'avons pu joindre personne. Il y avait un ministre
27 responsable à l'évidence au gouvernement de BiH, mais il ne pouvait pas
28 être dérangé parce qu'il était en train de dîner. M. Mandic avait son
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1 problème. J'ai essayé de lui donner de l'aide.
2 Q. Le colonel Karremans, des instructions, est-ce qu'il vous en a donné
3 après la deuxième réunion cette nuit ?
4 R. Oui.
5 Q. Il serait juste de dire que dans la soirée du 11, les réfugiés avaient
6 vraiment bien rempli l'enceinte, qu'il y avait une foule dans la zone des
7 usines et dans la gare d'autobus au sud --
8 R. Oui. Il y avait une grande masse qui se trouvait là déjà dans la nuit
9 du 11, et le 12, il y avait des groupes plus petits qui entraient encore,
10 qui arrivaient encore, mais la grande masse se trouvait là.
11 Q. A quel moment et quelles mesures avez-vous prises en ce qui concerne
12 leur sécurité, leur bien-être ?
13 R. Pour leur sécurité, j'ai désigné un commandant de garde qui devait --
14 nous avions une ligne limite aux postes extérieurs autour de ce secteur. Il
15 nous a été donné d'empêcher les forces serbes ou quelque force que ce soit
16 d'entrer dans ce secteur, et quant à leur bien-être, nous avions évidemment
17 deux postes d'aide avec des médicaments, des médecins dans ce secteur. Nous
18 avons fait des distributions d'eau et de vivres. Nous n'avions pas grand-
19 chose pour nous-mêmes d'ailleurs, mais c'est cela que nous avons fait.
20 Q. Je comprends que vous avez consacré pas mal de temps à ces opérations
21 pendant cette période; c'est bien cela ?
22 R. C'est exact.
23 Q. Néanmoins, vous avez passé pas mal de temps dans la salle
24 d'opérations ?
25 R. C'est exact.
26 Q. Néanmoins, vous avez tenu à sortir et à aller faire des vérifications,
27 patrouiller ?
28 R. Oui. Je pense que c'était important de sortir parce qu'il ne suffisait
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1 pas d'entendre des rapports, je voulais voir les choses de mes propres
2 yeux. Tout au moins deux fois par jour, je faisais une ronde à l'extérieur.
3 Q. Est-ce que vous avez eu la possibilité d'observer les conditions --
4 R. Oui.
5 Q. -- des réfugiés ?
6 R. Oui.
7 Q. Est-ce que vous pourriez brièvement décrire comment ils vous ont semblé
8 à ce moment-là ?
9 R. Totalement épuisés, en très mauvais état. En fait, ils n'étaient pas du
10 tout prêts à s'aider les uns les autres. Il semblait que pour eux, le monde
11 ou la vie s'était arrêtée.
12 Q. Est-ce que vous avez été en mesure d'estimer combien il y avait de
13 Musulmans à l'intérieur de l'enceinte qui s'y trouvaient à ce moment-là ?
14 R. A l'intérieur de l'enceinte, nous étions presque sûrs de les avoir
15 comptés, c'est une liste bien connue. Quant à l'extérieur, il y en avait de
16 600 à 800, quelque chose comme cela, environ. A l'extérieur de la base, il
17 y en avait entre 600 et 800, c'est à peu près les chiffres.
18 Q. Nous avons dit que nous allions parler des listes plus tard, mais
19 savez-vous combien il y avait d'hommes musulmans dans la base même ?
20 R. Oui. Nous pensions qu'ils étaient à peu près au nombre de 300.
21 Q. A présent, je voudrais vous demander de parler de la journée suivante,
22 le 12 juillet. C'est à ce moment-là qu'une attaque d'infanterie a commencé,
23 ce matin-là. Pourriez-vous nous expliquer ce que vous avez vu ce jour-là,
24 tout ce que vous avez vu ce jour-là ?
25 R. Ils avançaient de la façon dont avance une unité formée. Ils formaient
26 une ligne et ils étaient appuyés par un char de combat qui les suivait et
27 ils arrivaient de l'axe de Potocari, ils les suivaient sur les côtés. Ils
28 arrivaient du poste d'observation de Papa et de Bratunac. Ils portaient les
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1 uniformes. Tous les uniformes étaient pareils, c'étaient les uniformes
2 réguliers. Il y avait des transmissions, des liens de communication entre
3 les soldats qui opéraient les chars et l'infanterie. Ils ressemblaient à
4 une armée régulière.
5 Q. Où se trouvait le colonel Karremans ?
6 R. Il a déjà assisté à cette troisième réunion avec Mladic. C'était dans
7 l'hôtel.
8 Q. Cette attaque que vous avez vue, elle a commencé à quelle heure ?
9 R. A peu près à 10 heures et quart, 10 heures et demie.
10 Q. Ce n'est pas tôt pour les militaires.
11 R. Non, bien sûr que non.
12 Q. Est-ce qu'un petit peu plus tard ce matin, vous avez eu des contacts
13 directs avec les forces de la VRS après qu'ils soient entrés à Potocari ?
14 R. Personnellement ?
15 Q. Oui.
16 R. Plus tard, quand le colonel Karremans est revenu de sa réunion avec
17 Mladic, il a essayé de me dire ce qui s'est passé lors de cette réunion, et
18 ensuite, j'ai eu effectivement le contact avec un certain colonel qui était
19 de Pale --
20 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu son nom.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] -- donc il s'agissait de l'évacuation de la
22 population civile.
23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pourriez-vous répéter le nom du colonel
24 puisque l'interprète ne l'a pas entendu ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'était Acamovic, Monsieur le
26 Président.
27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur Thayer, vous
28 pouvez continuer.
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1 M. THAYER : [interprétation] Je vous remercie.
2 Q. Avant de parler des officiers serbes de haut rang que vous avez
3 rencontrés, est-ce que vous avez rencontré un groupe de soldats de la VRS
4 quelque part à proximité de la base ?
5 R. Oui, effectivement. J'ai reçu l'information que plusieurs soldats
6 serbes voulaient entrer dans la base, pas par la porte principale, mais par
7 une autre porte qui normalement était une porte non utilisée. Je l'ai
8 entendu du commandant Rutten et je suis allé personnellement voir cela. Je
9 l'ai interdit, parce que je voulais empêcher qu'il y ait une dispute à
10 proximité de réfugiés. Je leur ai permis d'entrer accompagnés de deux
11 autres personnes, mais seulement pour vérifier si dans la base, il y avait
12 des membres de la 28e Division. Je les ai escortés moi-même avec quatre ou
13 cinq soldats de mes soldats, et ils sont restés plusieurs minutes et
14 ensuite, ils sont ressortis.
15 Q. A quoi ressemblaient ces soldats ?
16 R. Leurs uniformes étaient dépareillés. Il y en avait qui portaient des
17 uniformes noirs, il y avait des soldats accompagnés de chiens, et à ma
18 demande expresse, quelqu'un s'est approché. Il y avait un soldat qui
19 parlait anglais. Il a dit que c'était lui le commandant. Quelqu'un s'est
20 approché de nous, c'était justement ce soldat qui parlait anglais et qui
21 s'est déclaré être le commandant.
22 Q. Est-ce que vous avez l'impression que ces soldats venaient tous d'une
23 même unité ?
24 R. Non, je dirais qu'ils venaient plutôt des unités différentes puisque
25 leurs uniformes étaient différents.
26 Q. Est-ce qu'à un moment donné, le colonel Karremans est revenu de cette
27 réunion qu'il avait eue à Bratunac ?
28 R. Oui, effectivement. C'est exact. Si vous voulez, je peux vous dire à
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1 quelle heure cela s'est passé. Je pense que c'était un peu après 12 heures.
2 Q. Est-ce qu'il vous a dit ce qui s'était passé lors de la réunion ?
3 R. Il a commencé à en parler, mais il n'a pas pu terminer son récit parce
4 que pendant qu'il me racontait ce qui s'est passé là-bas, j'ai reçu un
5 rapport indiquant qu'il y avait énormément de cars et d'autobus arrivant du
6 nord. Il a arrêté son débriefing et j'ai commencé à organiser les choses,
7 en tout cas j'ai essayé de le faire.
8 Q. Est-ce qu'à ce moment-là, vous aviez des contacts avec cet officier du
9 VRS ?
10 R. Non, c'était plus tard, à 2 ou 3 heures de l'après-midi.
11 Q. Bien, alors on va parler de votre rencontre avec le colonel Acamovic,
12 est-ce qu'il vous a dit ce qu'il faisait là-bas, déjà ?
13 R. Vous savez, c'était une réunion très brève. Il s'est approché, il m'a
14 dit qu'il était colonel dans l'armée des Serbes de Bosnie, que son niveau
15 était G4 et qu'il était responsable de l'évacuation des civils. Il a
16 demandé un appui en moyens de transport et en carburant diesel.
17 Q. Qu'est-ce que vous avez répondu ?
18 R. J'avais du mal à m'empêcher de rire puisqu'il savait très bien que je
19 n'avais pas de carburant, de diesel, évidemment j'ai refusé cela.
20 Q. Est-ce que vous avez rencontré des officiers serbes d'un niveau
21 supérieur ce jour-là, les gens qui avaient en quelque sorte participé à
22 tout ce processus ?
23 R. Le jour même, j'ai rencontré sans doute le colonel Jankovic. Il m'avait
24 dit qu'il était colonel de Pale et que sa mission consistait à préparer et
25 coordonner le retrait du Bataillon hollandais de l'enclave.
26 Q. Monsieur --
27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Thayer, un instant, s'il vous
28 plaît. On a posé une question au témoin et il a répondu à cette question.
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1 Il s'agissait d'uniformes, de différents uniformes, et on lui a demandé si
2 tout le monde portait le même uniforme. Je parle justement de ce petit
3 groupe qu'il a laissé entrer.
4 Est-ce qu'il a remarqué s'ils avaient des symboles, des insignes ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Ils avaient des petits badges, mais
6 j'avais l'impression que ces badges faisaient partie de leurs uniformes.
7 C'est vrai qu'ils ressemblaient plutôt à des forces paramilitaires. Ils
8 avaient des uniformes complètement dépareillés. Il y en avait qui avaient
9 des chemises avec des treillis militaires, des vestes civiles avec des
10 bottes militaires, et cetera, enfin, un assemblage de vêtements civils et
11 militaires complètement dépareillés.
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.
13 M. THAYER : [interprétation]
14 Q. Vous avez dit que les bus étaient déjà arrivés; qu'est-ce que vous avez
15 décidé de faire ?
16 R. C'est clair que nous voulions continuer à contrôler l'opération dans la
17 mesure où c'était possible, donc j'ai pris les officiers qui étaient autour
18 de moi, je les ai mis dans une jeep et je leur ai dit de suivre ce convoi
19 quoi qu'il arrive. J'ai donné l'ordre à l'un de mes officiers, au colonel
20 Melchers, d'organiser l'escorte de ce convoi, ce qui voulait dire une jeep
21 avec un officier et son chauffeur qui normalement devait devancer le
22 convoi, puis une autre jeep devait être à la queue du convoi. Il a commencé
23 à organiser cela.
24 Q. On va revenir en arrière. Les deux premiers officiers que vous venez de
25 mentionner, est-ce que vous vous souvenez de leurs noms ?
26 R. Oui. Le commandant Beoring, c'était mon officier, puis un autre
27 capitaine qui était normalement chargé du personnel. Ils étaient tout près
28 de moi à ce moment-là, et c'est pour cela que je leur ai donné l'ordre de
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1 faire cela.
2 Q. Est-ce que vous étiez en mesure d'assurer l'escorte de ce premier
3 convoi ?
4 R. Nous avons essayé de le faire, effectivement, mais je ne pouvais pas
5 établir les contacts avec l'équipe d'escorte, et après j'ai appris ce qui
6 s'est passé avec le convoi. J'ai reçu les rapports du Bataillon de Pakistan
7 qui se trouvait près de Kladanj, dans une unité de l'ONU. J'ai compris que
8 tout s'était bien passé. Quand j'ai demandé si les hommes et les femmes
9 arrivaient, on m'a dit que oui, qu'effectivement les femmes et les hommes
10 arrivaient. Ensuite, j'ai reçu aussi les rapports de mes équipes qui,
11 pendant tout ce temps-là, escortaient le convoi.
12 Q. Est-ce que vous avez commencé aussi à recevoir des rapports concernant
13 l'escorte fournie par le Bataillon hollandais aux autres convois ?
14 R. Le deuxième convoi -- je pense que le deuxième convoi est passé sans
15 problème, mais ensuite, après cela, on a commencé à empêcher effectivement
16 mon équipe d'escorte à faire sa mission. On leur disait que ce sont les
17 forces serbes qui sont responsables de l'escorte et qu'il était trop
18 dangereux pour eux d'escorter ce convoi. On les a empêchés de continuer
19 l'escorte alors qu'on a laissé passer les autobus qui ont continué leur
20 chemin. Tout ceci s'est poursuivi, et sous la menace des hommes, on les a
21 arrêtés, on les a pillés. Certains soldats sont revenus et ils étaient en
22 sous-vêtements, et c'est comme cela qu'ils ont quitté le secteur serbe.
23 Ensuite, il y a toute une série d'incidents qui se sont produits. Je ne
24 recevais plus de rapports, donc je n'étais plus au courant de ce qui se
25 passait. Je ne pouvais rien entendre. Je ne pouvais rien voir. Tout était
26 coupé. Toutes les communications étaient coupées.
27 Q. Vous avez dit que les équipes qui faisaient l'escorte, qui assuraient
28 l'escorte ont été pillées, volées. Qu'est-ce qu'on leur a volé ?
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1 R. Tout : les armes, les véhicules, les gilets pare-balles, les munitions,
2 l'équipement se trouvant dans la jeep. Ils ont piqué des choses
3 différentes. Ils ont laissé certaines équipes à rester sur place et ils ont
4 pu garder leurs armes, alors que mes deux patrouilles sont revenues sans
5 rien, en sous-vêtements, c'est tout.
6 Q. Qu'est-ce que vous avez fait quand vous avez appris cela, quand vous
7 avez appris qu'on vous a saisi les armes ?
8 R. Ensuite, j'ai ordonné que l'on assure l'escorte sans les armes.
9 Q. Est-ce que vous savez combien de véhicules ont été saisis pendant ces
10 événements ?
11 R. A peu près 16.
12 Q. Vous avez dit que les soldats hollandais étaient traités différemment
13 par les forces serbes. Sur la base des rapports que vous receviez, est-ce
14 qu'il y avait un modèle de comportement ou enfin, quelque chose qui se
15 produisait de façon récurrente au cours de tous ces événements, quand il
16 s'agit de l'escorte des convois ?
17 R. Oui. Ceci a commencé à un moment donné à peu près, d'après moi, c'était
18 quelque chose d'organisé justement parce que cela a commencé simultanément,
19 et je me disais qu'il y avait bien un ordre dans ce sens parce qu'ils ne
20 voulaient pas que l'on soit à proximité de ce convoi parce qu'ils ne
21 voulaient pas que l'on soit des témoins de ce qui allait se produire, de ce
22 qui allait se passer, quelle que soit la chose qui allait se produire par
23 la suite. Ils voulaient qu'on soit éloignés.
24 Q. On va passer à un autre thème. Mis à part ces véhicules que vous venez
25 de décrire et mis à part l'attaque et la chute éventuelle, est-ce que vous
26 pouvez me dire quels sont les véhicules qui vous ont été saisis, quels sont
27 les véhicules qui ont été pris par la VRS ?
28 R. Il y avait les véhicules de transport de troupes qui se trouvaient aux
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1 postes d'observation, deux ou trois véhicules ont été endommagés par des
2 tirs, et ensuite les Serbes les ont pris quand on s'est retirés. Les Serbes
3 les ont pris. Deux ou trois jeeps ont été prises également, ainsi que pas
4 mal d'armes d'infanterie ont été également saisies par les Serbes. Il est
5 vrai aussi que nous avons perdu d'autres armes plus importantes, des
6 mitrailleuses, de l'artillerie lourde.
7 Q. Vous vous êtes plaints auprès des officiers de la VRS que vous avez
8 rencontrés ?
9 R. Oui. Je me suis plaint auprès du colonel Jankovic, et il a dit qu'il
10 allait s'en occuper.
11 Q. Est-ce qu'il a fait quelque chose, à votre connaissance ?
12 R. Je ne sais pas. Je n'ai pas vu de résultat.
13 Q. Est-ce que vous avez commencé à recevoir des rapports à un moment donné
14 selon lesquels les hommes commençaient à être séparés des autres réfugiés ?
15 R. Effectivement, cela s'est fait depuis le tout début. D'ailleurs, Mladic
16 l'avait annoncé. Dès le début de l'évacuation, on a plus ou moins séparé
17 les hommes. Le premier convoi contenait des hommes, mais sans doute
18 qu'après, les Serbes se sont mieux organisés, puis les hommes ont été
19 sortis dès qu'ils ont quitté l'enceinte dont nous faisions la sécurité.
20 Q. Est-ce que vous avez appris où ont été amenés certains de ces hommes ?
21 R. Certains d'entre eux ont été amenés dans ce bâtiment qu'on appelle la
22 "Maison blanche", environ à 150 mètres de notre portail principal, et c'est
23 là qu'ils ont été interrogés.
24 Q. Est-ce qu'il s'agit de la "Maison blanche" que vous avez indiquée sur
25 le document que vous aviez annoté auparavant ?
26 R. Oui.
27 Q. Vous, personnellement, est-ce que vous avez vu des hommes à la "Maison
28 blanche" ?
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1 R. Oui, j'ai vu le moment où on les a amenés à cet endroit.
2 Q. Est-ce que vous avez vu autre chose à l'extérieur de cette "Maison
3 blanche" ?
4 R. Oui, mais ce n'était pas tout à fait au début. Les hommes ont dû
5 laisser leurs effets personnels qui ont été mis en tas à 30 ou 40 mètres de
6 la maison, le long de la route.
7 Q. Plus tard au cours de ce processus, est-ce que vous avez appris qu'on
8 avait permis à certains hommes de passer, mais qu'après, il y avait eu
9 séparation ?
10 R. Je n'ai jamais véritablement reçu de rapport de mes propres hommes. Ce
11 que j'ai appris, je l'ai appris lorsque j'étais de retour aux Pays-Bas.
12 Q. Lorsque vous avez reçu des informations à propos des hommes qui se
13 trouvaient à la "Maison blanche", est-ce que vous avez fait quelque chose ?
14 R. Oui. Nous avions une équipe d'observateurs des Nations Unies. Il y
15 avait des hommes. Sur la base de cette équipe, je les ai envoyés, pour
16 certains d'entre eux, là-bas, pour voir ce qui s'y passait. Un premier
17 rapport, au début, disait qu'il y avait autant d'hommes qui sortaient que
18 d'hommes qui entraient, et on disait qu'ils étaient amenés par un car
19 particulier de couleur bleu clair et qu'ils étaient transportés ensuite
20 vers Bratunac. Cela, c'est au début -- ou plutôt, ils étaient en bout de
21 convoi, puis ils étaient séparés, ce qui veut dire que cet autocar ne
22 voyageait plus dans le convoi.
23 Q. Parlons toujours de ces cars de couleur bleue. Est-ce que vous,
24 personnellement, vous avez vu des hommes qu'on aurait fait monter dans ces
25 cars et qu'on amenait ?
26 R. Oui.
27 Q. Est-ce que cela s'est passé pendant toute la journée du 12 ?
28 R. Oui, et aussi le 13 et ainsi de suite.
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1 Q. Pourriez-vous nous donner des détails supplémentaires sur les mesures
2 que vous avez prises pour essayer de surveiller cet autocar bleu ?
3 Pourriez-vous nous dire si ces mesures de surveillance ont rencontré un
4 certain succès ?
5 R. Nous avons donné l'ordre à l'une des jeeps qui escortaient le convoi de
6 s'occuper tout particulièrement de cet autocar. Aucun succès dans cette
7 entreprise, parce que l'escorte avait été stoppée à Papa et que si on
8 essayait de continuer, on était arrêtés par un char ou par un soldat.
9 Chaque fois, ils ont essayé de séparer cette jeep qui devait faire escorte
10 du car bleu. S'il avait été retenu dans la zone de Bratunac, plus tard, on
11 arrivait en bout de convoi et à ce moment-là, l'autocar bleu avait disparu,
12 s'était évaporé dans la nature.
13 Q. Revenons à ces hommes qui se trouvaient dans la "Maison blanche".
14 Est-ce qu'à un moment donné, vous avez reçu des rapports disant que
15 ces gens n'étaient pas bien traités ?
16 R. Au courant de la journée du 12, j'ai reçu des rapports disant que ces
17 gens étaient maltraités. J'ai envoyé des patrouilles à moi, mais ces
18 patrouilles ont été stoppées par des Serbes plus nombreux qui ne nous ont
19 pas autorisés à aller à la "Maison blanche".
20 Q. Est-ce que là aussi, vous vous êtes adressé aux officiers de la VRS
21 pour vous plaindre ?
22 R. Oui, je l'ai dit au colonel Jankovic qui a dit que c'étaient des
23 prisonniers de guerre, ces hommes, et que si on prenait des mesures, il
24 prendrait lui des mesures pour empêcher cela.
25 Q. Est-ce qu'à votre connaissance, il a pris des mesures ?
26 R. Je ne sais pas s'il a pris des mesures, mais en tout cas, cela n'a pas
27 eu de résultat. Mais de toute façon, il a confirmé qu'il n'avait rien à
28 voir avec tout ceci parce qu'il disait qu'il était uniquement là pour
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1 assurer le retrait des forces du DutchBat. Moi, la seule réponse que j'ai
2 eue, je l'ai eue du colonel Jankovic.
3 M. THAYER : [interprétation] Il nous reste cinq minutes avant la pause.
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Six.
5 M. THAYER : [interprétation] Oui, mais ce serait peut-être un bon moment
6 pour faire une pause, Monsieur le Président. Ce serait logique.
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Fort bien.
8 [hors micro]
9 [interprétation] Nous allons faire une pause de 30 minutes, apparemment,
10 car nous devons discuter de certaines choses. L'audience est suspendue.
11 --- L'audience est suspendue à 12 heures 24.
12 --- L'audience est reprise à 13 heures 02.
13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Thayer, vous pouvez continuer.
14 M. THAYER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
15 Q. Monsieur, comme vous l'avez déjà dit, vous étiez en train de suivre
16 l'avancement de convois le cas dans lequel se trouvaient les hommes qui
17 étaient gardés dans la "Maison blanche" et qui ont été transportés. Est-ce
18 que vous avez commencé à vous inquiéter du sort des hommes, des réfugiés
19 hommes ?
20 R. Oui, puisque d'après les rapports, j'avais compris qu'on les traitait
21 de plus en plus mal. Il y avait toutes sortes de rumeurs et, à l'époque, on
22 pouvait même entendre des cris venant de la "Maison blanche", et cetera,
23 j'essayais de voir de quelle façon nous pourrions éventuellement mieux
24 protéger ces hommes que ce que nous faisions jusqu'alors.
25 Q. Et vous avez dit que vous avez même tenté d'envoyer vos propres soldats
26 là-bas et qu'ils n'ont pas --
27 R. Oui, c'est vrai.
28 Q. Et qu'est-ce que vous avez décidé, quelles autres mesures vous allez
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1 prendre ?
2 R. Nous avons essayé de faire un petit tour, enfin c'est quelque chose qui
3 a été déjà fait auparavant, nous avons essayé de faire la même chose, à
4 savoir d'essayer d'enregistrer ces hommes inconnus pour qu'ils aient un nom
5 qui pourrait être relié avec des êtres humains. J'essayais d'écrire les
6 noms, faire la liste de tous les hommes.
7 Q. Quel étai le but ultime de cette liste ?
8 R. D'envoyer cela partout au QG en Hollande et partout ailleurs pour que
9 le public soit mobilisé, qu'il sache que ces gens existent, qui ils sont et
10 qu'est-ce qui se passe. Nous espérions que ceci allait mieux fonctionner
11 que si vous avez uniquement à faire à une masse de gens inconnus dont vous
12 ne connaissez pas l'identité, dont personne ne connaît l'identité.
13 Q. Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre comment se déroulait ce
14 problème d'enregistrement ?
15 R. J'ai parlé de cela avec M. Mandic et avec autres personnes. Je leur ai
16 demandé s'ils pourraient s'en occuper, s'ils pourraient faire cette liste.
17 Je leur ai expliqué quel était l'objectif de l'existence de cette liste.
18 J'ai commencé à enregistrer les noms d'hommes.
19 Q. Vous avez mentionné à plusieurs reprises un certain organe, le comité.
20 Est-ce que c'est un organe officiel et comment a-t-il été créé ?
21 R. Si mes souvenirs sont exacts, lors d'une des premières réunions que le
22 colonel Karremans a eues avec Mladic, Mladic a demandé que des leaders
23 militaires viennent assister à la réunion. Le problème, c'est que la 28e
24 Division avec les commandants et tous les dirigeants avait disparue. En
25 même temps, les autorités civiles ont disparu de la municipalité, donc par
26 le biais des interprètes, nous avons essayé de trouver des représentants
27 des réfugiés pour voir s'il y avait des hommes ou des femmes qui pourraient
28 être à même de servir des représentants des réfugiés. C'est cela que nous
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1 avons appelé comité.
2 Q. Vous avez parlé de M. Mandic. Est-ce que vous vous souvenez des noms
3 des autres ?
4 R. C'est Ibrahim Nuhanovic et une dame dont je ne me souviens pas.
5 Q. Cette liste que vous avez élaborée, est-ce qu'on vous a dit si tous les
6 hommes qui se trouvaient dans la base étaient dans cette liste ?
7 R. Non. Il y avait à peu près 60 ou 70 hommes qui avaient refusé à faire
8 figure sur la liste. Et 250 -- enfin il y a eu 239 hommes qui ont voulu que
9 l'on écrive leur nom.
10 Q. Est-ce que vous avez essayé d'inscrire aussi sur la liste les gens qui
11 étaient à l'extérieur de la base ?
12 R. Oui, mais puisque nous ne pouvions pas le faire tout seul, ou bien les
13 forces serbes menaçaient sans arrêt ce comité, de sorte que cette dame a eu
14 une crise de nerfs, elle a dû être emmenée à l'hôpital. Donc, ils n'ont pas
15 eu le courage de continuer.
16 M. THAYER : [interprétation] A présent, je voudrais demander que l'on
17 montre les documents qui, en vertu de l'article 65 ter, comporte la cote
18 2057. Vous pouvez montrer cela par le biais de e-court.
19 Q. Très bien, Monsieur, est-ce que vous voyez l'image sur l'écran ?
20 R. Oui.
21 Q. Je vais demander qu'on défile les pages de ce document jusqu'à la page
22 10, c'est la dernière page du document. Et je voudrais aussi vous demander
23 de montrer le bout du document, merci.
24 Très bien, Monsieur, avez-vous pu regarder ces pages, est-ce que vous
25 reconnaissez ce document ?
26 R. Oui. C'est la liste que j'ai mentionnée, la liste des hommes dans la
27 base. Cette liste a été signée, c'est moi qui ai signé sur la droite. Le
28 compte a été mal fait, mais j'ai signé cela.
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1 Q. Oui, puisqu'ici on peut lire 239, et vous avez dit --
2 R. Deux cent cinquante et un.
3 Q. Vous avez fait cela à l'époque où vous avez signé ce document ?
4 R. Oui.
5 Q. Vous avez dit que vous vouliez faire monter cette information en amont
6 de la chaîne de commandement pour qu'elle soit publiée. Est-ce que vous
7 avez dit à qui que ce soit dans la VRS que vous aviez fait cette liste ?
8 R. Oui. J'ai dit que nous avons nommé ces gens, que nous avons écrit la
9 liste de ces gens et que nous l'avons rendue publique auprès des autorités
10 hollandaises et de l'ONU.
11 Q. Est-ce que vous lui avez montré cette liste ?
12 R. Non.
13 Q. Pourquoi ?
14 R. Parce que je ne voulais pas que les informations figurant sur cette
15 liste parviennent aux Serbes de Bosnie de quelque façon que ce soit.
16 Q. Mais qu'est-ce que vous avez fait, si vous avez fait quoi que ce soit,
17 pour que cette liste ne tombe pas entre les mains de l'armée de la
18 Republika Srpska ?
19 R. J'ai envoyé ces documents à Tuzla par des liens de communication sûrs,
20 à Tuzla et à Sarajevo, au QG de l'ONU et ici à La Haye, et on appelait cela
21 la cellule de Crise, à l'époque. L'original de la liste, je l'ai gardé sur
22 moi au moment où nous avons quitté l'enclave, quand nous sommes partis à
23 Zagreb.
24 Q. Vous avez mentionné Ibrahim Nuhanovic il y a quelques instants.
25 R. Oui.
26 Q. Mis à part le fait qu'il était membre de ce comité informel que vous
27 venez de décrire, savez-vous s'il avait un lien quelconque avec qui que ce
28 soit faisant partie de la base de l'ONU ?
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1 R. Oui. Il semblerait qu'il était le père d'un des interprètes qui
2 travaillaient pour les observateurs militaires des Nations Unies.
3 Q. Est-ce que vous vous souvenez si vous avez parlé avec lui ?
4 R. Oui.
5 Q. Est-ce que vous pourriez décrire cette conversation ?
6 R. Oui. M. Nuhanovic est venu me voir et il m'a dit qu'il voulait parler
7 avec moi particulièrement pour parler de l'évacuation, donc je l'ai laissé
8 entrer. Il voulait que j'arrête l'évacuation parce qu'il avait comme moi-
9 même pour le sort des hommes, comme moi, d'ailleurs. Je lui ai expliqué
10 pourquoi je n'étais pas en mesure de le faire.
11 Q. Qu'est-ce que vous lui avez dit ?
12 R. A vrai dire, je lui ai donné les arguments détaillés des choix que je
13 devais faire. Je devais faire un choix, que je sache, il fallait que je
14 fasse le choix entre 800 ou 1 000 hommes et 25 ou
15 30 000 femmes et enfants pour décider de leur survie. Je lui ai dit que
16 j'ai opté pour la survie des 25 000 ou 30 000 femmes et enfants.
17 Q. Ceci nous amène au 13 juillet. Est-ce que les transports ont continué ?
18 R. Oui.
19 Q. Est-ce que ces transports se sont arrêtés -- la transportation s'est
20 arrêtée ce jour-là ?
21 R. Oui.
22 Q. Est-ce que vous avez reçu un rapport quelconque le 12 ou le 13
23 indiquant que les soldats serbes se trouvaient parmi les réfugiés à
24 l'extérieur de la base pendant la nuit du 12 ?
25 R. Non. Non, je ne pense pas qu'on m'ait rapporté cela.
26 Q. Sur la base du nombre des soldats que vous aviez et pour garder cette
27 masse de réfugiés, est-ce que ceci aurait été possible ?
28 R. [aucune interprétation]
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1 Q. Pendant cette même période de temps, entre le 12 et le 13 juillet, est-
2 ce que vous avez reçu les rapports concernant des exécutions ?
3 R. Oui, deux cas.
4 Q. Pourriez-vous les décrire ?
5 R. Le premier, c'était le rapport concernant neuf corps au niveau de la
6 "Maison blanche". C'est un de mes officiers qui m'a dit cela. Il m'a dit
7 qu'ils avaient tous reçu une balle dans le dos et qu'ils avaient été
8 exécutés.
9 Mme CONDON : [interprétation] Bien.
10 M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]
11 Mme CONDON : [interprétation] J'ai une objection, parce que cette personne
12 n'est pas à même de donner des détails de la médecine légale.
13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Qu'est-ce que vous répondez ?
14 M. THAYER : [interprétation] Je n'essaie pas du tout d'élucider des
15 rapports d'expert, je demandais tout simplement ce que l'officier avait vu
16 et il nous raconte ce que l'officier a vu.
17 [La Chambre de première instance se concerte]
18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ceci ne nous pose pas de problème. Vous
19 pouvez continuer avec la question. Le témoin peut continuer. Bien sûr, vous
20 aurez la possibilité de contre-interroger ce témoin par rapport à tout
21 point que vous jugez nécessaire.
22 Pourriez-vous répéter la question posée ? Si vous voulez, je peux vous la
23 lire : "Pourriez-vous nous décrire les rapports, pour les Juges de la
24 Chambre ?"
25 Et M. Franken a dit : "Oui, oui. Le premier rapport relatait neuf corps
26 retrouvés à l'extérieur de la 'Maison blanche' trouvés par un des mes
27 officiers. Ils étaient tous alignés et tous avaient reçu une balle dans le
28 dos, nous en sommes arrivés à la conclusion qu'il s'agissait d'une
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1 exécution."
2 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que vous avez quoi que ce soit à
4 ajouter ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous parler du deuxième rapport que
6 j'ai reçu. Il s'agissait aussi d'une exécution.
7 M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]
8 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un colonel qui m'a dit qu'un des soldats
9 de la Compagnie C, qui se trouvait à un des postes avancés, a vu
10 l'exécution, un homme musulman a été tué par balles par deux soldats
11 serbes.
12 M. THAYER : [interprétation]
13 Q. Est-ce que vous avez reçu des informations concernant l'emplacement de
14 cette deuxième exécution sommaire ?
15 R. C'était à l'est de la station d'autobus, dans cette région-là. C'était
16 à ce niveau-là.
17 Q. Je voudrais parler de la première exécution. Vous avez parlé d'un
18 officier. Qui était cet officier ?
19 R. C'était le lieutenant Koster.
20 M. THAYER : [interprétation] A présent, je voudrais demander que l'on
21 affiche sur le rétroprojecteur -- sur l'écran le document P01516. Je
22 voudrais que l'on agrandisse un peu cette image. Merci.
23 Q. Monsieur, est-ce que le lieutenant Koster a décrit pour vous l'endroit
24 où il a trouvé ces corps, approximativement ?
25 R. Oui, il a dit que c'était vraiment entre le ruisseau qui était là et
26 une espèce de clairière.
27 Q. Est-ce que c'était près d'un endroit que vous pourriez montrer ici ?
28 R. Je dirais que c'était à 100 mètres ou à 80 mètres au sud-ouest de la
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1 "Maison blanche".
2 Q. Je vais vous demander d'encercler cette région et d'écrire à côté "neuf
3 corps" et d'apposer vos initiales.
4 R. Bien, c'était normalement ici.
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Le Juge Kwon suggère, et je serais
6 plutôt d'accord, qu'au lieu de créer un nouveau document, il pourrait
7 utiliser le même document que celui qu'il a utilisé auparavant où il avait
8 déjà fait quelques annotations, pour rendre les choses plus pratiques.
9 M. THAYER : [interprétation] Oui, effectivement.
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Bourgon.
11 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vois
12 que le Procureur entre dans le ouï-dire et il n'a pas établi les bases pour
13 qu'il fasse cela, puisqu'il parle d'une personne qui va être présentée en
14 tant que témoin. Je ne vois pas à quoi cela sert que de lui poser des
15 questions au sujet de quelqu'un qui va venir témoigner de vive voix pourra
16 nous dire.
17 M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]
18 M. THAYER : [interprétation] Ecoutez, M. Franken est ici. Ceci fait
19 partie de son expérience. C'est tout à fait pertinent.
20 [La Chambre de première instance se concerte]
21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Objection rejetée. C'est une procédure
22 normale.
23 Vous pouvez continuer.
24 M. THAYER : [aucune interprétation]
25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Bourgon.
26 M. BOURGON : [interprétation] Monsieur le Président, avec tout le respect
27 que je vous dois, je voudrais savoir quel est le ratio, enfin, quelle est
28 la raison de la décision que vous avez entendue. Parce qu'ici, il s'agit
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1 d'un ouï-dire. Le ouï-dire est un principe admissible, mais il faut qu'il y
2 ait des bases pour cela. Je voudrais savoir pourquoi nous allons entendre
3 des ouï-dire alors que nous allons entendre un vrai témoin qui a vraiment
4 vécu tout cela.
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il ne s'agit pas là de l'ouï-dire.
6 C'est quelque chose que cette personne, que ce témoin, le témoin qui est
7 ici, a vécu. Cela ne nous dérange pas du tout d'entendre quel est son point
8 de vue, après nous allons pouvoir mettre cela en perspective par rapport à
9 ce que le prochain témoin, le témoin qui a vu cela de ses propres yeux, a
10 vu et qu'est-ce qu'il a à dire.
11 M. BOURGON : [aucune interprétation]
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] M. le Juge Kwon a tout à fait raison de
13 dire, nous sommes tous d'accord qu'ici, il ne s'agit pas vraiment d'ouï-
14 dire. Il est en train de nous raconter ce qu'il a entendu -- enfin, quelle
15 était la conversation que lui directement a eue avec cette deuxième
16 personne, cette autre personne qui pourra éventuellement le confirmer. Mais
17 il ne s'agit pas là d'ouï-dire. Il s'agit là des informations qu'il nous
18 donne sur la base des informations, de l'échange d'informations avec cet
19 autre témoin. Si c'est un document par ouï-dire, je dirais que cela ne
20 l'est que dans une toute petite mesure.
21 M. THAYER : [interprétation] Je voudrais demander que l'on place ce
22 document sur l'écran.
23 Q. Je vais demander au témoin d'inscrire un cercle au niveau de l'endroit
24 où le lieutenant Koster vous a dit avoir vu ces corps.
25 R. [Le témoin s'exécute]
26 Q. Vous pouvez écrire à côté "Neuf corps" avec une flèche.
27 R. [Le témoin s'exécute]
28 Q. Merci. Je pense que maintenant, nous pouvons sauvegarder ce document.
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1 Monsieur, à nouveau, entre le 12 et le 13 juillet, avez-vous reçu et vous
2 souvenez-vous avoir reçu des rapports des soldats hollandais concernant de
3 grand nombre de prisonniers musulmans qui ont été amenés en dehors de
4 l'enclave ?
5 R. Que je me souvienne, c'était après le 13. J'avais une équipe au niveau
6 du poste d'observation Alpha qui était toujours là au poste d'observation,
7 on les a retirés par une route au nord de l'enclave. Eux, ils ont dit
8 qu'ils ont vu un grand groupe d'hommes agenouillés sur un terrain de foot
9 ou quelque chose de semblable, et ceci le long de la route.
10 Q. Est-ce que vous vous souvenez d'une information plus précise ?
11 R. Qu'ils étaient alignés en rangées et qu'ils étaient agenouillés, les
12 mains sur le cou, sur la nuque.
13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Juste un instant.
14 M. MEEK : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, le témoin parle
15 de l'équipe du poste d'observation Alpha. Je veux lui demander d'être plus
16 précis. Peut-être que le Procureur peut lui poser cette question : qui
17 étaient ces membres de ce poste d'observation ?
18 M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]
19 M. THAYER : [interprétation]
20 Q. Est-ce que vous avez entendu la question ?
21 R. Oui, je vais essayer de répondre. Il y avait un des postes
22 d'observation qui n'a pas été pris par les soldats serbes, c'était à la
23 fin. C'était le poste d'observation Alpha qui était ouvert vers l'ouest de
24 l'enclave. Nous n'étions pas en mesure de le retirer et nous sommes passés
25 par un certain Jankovic, un officier serbe, nous lui avons demandé
26 d'envoyer un camion pour évacuer l'équipe de ce poste d'observation pour le
27 ramener à Potocari. Est-ce que la réponse vous convient ?
28 M. MEEK : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Ma réponse, ce
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1 serait les noms précis des personnes du Bataillon néerlandais, Jones,
2 Smith, Brown. Je voudrais savoir si le témoin peut nous donner un nom ou
3 des noms des personnes qui lui ont donné cette information par ouï-dire.
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pouvez-vous le faire, Monsieur
5 Franken ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne peux pas, non.
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Y a-t-il une source d'information à
8 laquelle nous pourrions nous reporter qui aurait les noms des différents
9 officiers ou membres du Bataillon néerlandais ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je crois que le rapport NIOD donne ces
11 détails. Mais je ne me rappelle pas ces noms au bout de 11 ans, excusez-
12 moi.
13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, c'est tout à fait compréhensible.
14 Bien. Monsieur Thayer.
15 M. THAYER : [interprétation]
16 Q. Là encore, au cours de cette période, à savoir les 12 et 13 juillet,
17 est-ce que vous avez observé les conditions d'existence des réfugiés ? Est-
18 ce qu'elles ont changées en quoi que ce soit ?
19 R. Oui. Le problème, c'est que nous n'avions pas -- il faisait extrêmement
20 chaud. Nous n'avions pas les moyens de purifier l'eau parce que nous
21 n'avions pas de carburant. Nous n'avions pas de vivres, la situation au
22 point de vue hygiène était, disons, désastreuse, personne n'avait le
23 courage de sortir de l'endroit où il se trouvait, pour autant que je parle
24 maintenant, de l'enceinte proprement dite ou du hall de l'usine, ainsi de
25 suite. Nous devions utiliser cette entrée comme à la fois toilettes, comme
26 dortoir, et cetera. Il y a même des dames qui ont accouché dans ce
27 désordre.
28 Q. Avec quelle rapidité, Monsieur le Témoin, est-ce que la situation
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1 humanitaire s'est détériorée ?
2 R. Très rapidement, parce que nous avions déjà de la déshydratation
3 importante, en coordonnant les choses avec mes médecins, ils ont dit :
4 "Bien, encore deux ou trois jours comme cela et le problème se résoudra de
5 lui-même, si nous ne pouvons pas au moins avoir de l'eau et améliorer la
6 situation du point de vue hygiène d'une façon significative."
7 Q. Est-ce que vous avez reçu des rapports concernant, par exemple, des
8 suicides ou tentatives de suicide ?
9 R. Oui, effectivement. Je me souviens de deux d'entre eux. L'un d'entre
10 les réfugiés a essayé de se tuer en se cognant la tête avec une pierre. Il
11 a été arrêté par un de mes soldats. Un de mes officiers a rendu compte du
12 fait que quelqu'un s'était pendu dans un des bâtiments de l'usine.
13 Q. Maintenant, je voudrais que l'on parle approximativement de la période
14 du 14 juillet au 16 juillet.
15 L'INTERPRÈTE : Le témoin opine.
16 M. THAYER : [interprétation]
17 Q. Vous nous avez précédemment décrit le fait que vous aviez vu un tas
18 d'effets personnels à une certaine distance de la "Maison blanche". Est-ce
19 que vous avez vu ce qu'il était advenu de ces effets personnels ?
20 R. Oui. L'un de mes gardes m'a rendu compte du fait que ce tas était en
21 feu. On y avait mis le feu. Je suis allé voir et j'ai vu de
22 moi-même qu'on avait tout brûlé, tous ces effets.
23 M. THAYER : [interprétation] Je voudrais demander que l'on montre par le
24 système de prétoire électronique, la pièce 1897 de la liste 65 ter, s'il
25 vous plaît.
26 Q. Est-ce que vous avez maintenant l'image à l'écran ?
27 R. Oui.
28 Q. Il y a ici une image, en fait il y a deux photographies, n'est-ce pas ?
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1 R. Oui, c'est exact.
2 Q. Je vais vous demander, quand vous regardez ces deux photographies, si
3 vous reconnaissez ce qui se trouve sur l'une ou l'autre de ces deux
4 photographies ?
5 R. Oui. Ces photos ont été prises à partir du portail principal, juste au
6 centre du bâtiment. On voit ce qu'on a appelé "Maison blanche".
7 Q. Je voudrais vous interrompre un instant. Je vais vous interrompre un
8 instant, s'il vous plaît. De laquelle vous voulez nous parler ?
9 R. De la première, celle du haut.
10 Q. Bien.
11 R. Sur la gauche se trouve le tas d'effets personnels qui brûlent et dont
12 nous avons parlé.
13 Q. Est-ce qu'on réussit à discerner la "Maison blanche" ?
14 R. Oui.
15 Q. Sur cette photographie ?
16 R. La "Maison blanche" sur la photographie du haut, c'est que ce vous
17 voyez. Au centre de la photographie, il y a quelque chose qui se trouve
18 juste devant, après cela vous voyez un bâtiment assez plat et blanc, c'est
19 ce que l'on a appelé la "Maison blanche".
20 Q. La photographie qui se trouve en-dessous, est-ce que vous pouvez
21 reconnaître quelque chose sur cette photographie ?
22 R. C'est la même prise de vue, mais je conclus que je peux voir la "Maison
23 blanche", c'est le même tas qui est en train de brûler. C'est probablement
24 pris à partir d'un de nos postes sud d'observateurs de la base, mais ce
25 n'est pas aussi détaillé et aussi clair que celui du nord. Quand vous vous
26 trouvez devant, là il doit s'agir de la "Maison blanche" et ce que l'on
27 voit sur la gauche en train de brûler, c'est ce tas. Je peux conclure cela
28 à cause de ce que vois alentour, mais --
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1 Q. Serait-il juste de dire que la photographie du haut correspond plus
2 précisément à ce que vous avez vu ?
3 R. C'est exact.
4 Q. Ce jour-là, avez-vous reçu des instructions sur ce qui fallait faire
5 pour les archives du Bataillon néerlandais, les ordinateurs, les
6 renseignements sensibles, et ainsi de suite ?
7 R. Oui. L'ONU nous a donné l'ordre de tout détruire, y compris nos
8 ordinateurs.
9 Q. Est-ce que vous avez été en mesure de le faire ?
10 R. Nous n'avons pas pu achever cette tâche.
11 Q. Pourriez-vous décrire aux membres de la Chambre ce qui a été laissé sur
12 la base après que les transports ont été achevés ?
13 R. Oui. Nous avions le personnel de Médecins sans frontières avec les
14 patients et les blessés; il y avait encore un représentant du HCR; les
15 interprètes; le Bataillon néerlandais, le reste du Bataillon néerlandais.
16 Q. Qu'en est-il des observateurs militaires de l'ONU ? Y en avait-il
17 encore alentour ?
18 R. Oui, bien sûr. Les observateurs militaires de l'ONU et leurs
19 interprètes aussi.
20 Q. Qu'en est-il des soldats du Bataillon néerlandais qui, dites-vous, ont
21 été faits prisonniers et emmenés au moment où le poste d'observation est
22 tombé et qui ont été gardés à Bratunac et ailleurs ?
23 R. Ils se trouvaient encore à Bratunac, ils ne sont jamais revenus au
24 bataillon. Ils ont été renvoyés chez eux directement à partir de l'endroit
25 où ils se trouvaient à Bratunac.
26 Q. Vous avez fait mention de certains blessés qui étaient restés ?
27 R. Oui.
28 Q. Qui étaient également blessés et qui se trouvaient ailleurs à ce
Page 2514
1 moment-là ?
2 R. Oui, il y avait les blessés que nous avons essayé de faire sortir au
3 cours de l'évacuation, mais ces transports ont été arrêtés, ils ont été
4 renvoyés dans le secteur de Kladanj, où il y avait des blessés, de sorte
5 que le transport s'est fait vers l'hôpital de Bratunac.
6 Q. Je voudrais appeler votre attention maintenant sur la journée du 17
7 juillet.
8 R. Oui.
9 Q. En ce qui concerne ces blessés que vous venez de mentionner, est-ce
10 qu'une délégation de la VRS et de fonctionnaires civils serbes est arrivée
11 à l'enceinte de Potocari ?
12 R. C'est exact.
13 Q. Pourriez-vous essayer de décrire comment ceci a eu lieu ?
14 R. Oui. J'ai essayé d'évacuer les blessés tout au long de la route par des
15 moyens militaires et il y avait du personnel médical norvégien qui se
16 trouvait à Tuzla et qui n'a pas réussi à nous atteindre pour prendre les
17 blessés et les faire sortir. J'ai essayé par la MSF de contacter le CICR
18 pour qu'ils puissent s'occuper de cela parce que les Serbes de Bosnie m'ont
19 dit que je pouvais remettre les blessés, je pouvais absolument les remettre
20 au CICR. Ils avaient également des hôpitaux, mais je ne pensais pas que
21 c'était une très bonne idée. J'ai réussi à faire en sorte que le CICR
22 vienne prendre les blessés et, après cette réunion, il fallait coordonner
23 les détails avec les Serbes de Bosnie et le CICR, détails concernant
24 l'évacuation des blessés hors de Potocari et de Bratunac.
25 Q. Cette délégation était composée par qui ?
26 R. Le chef de la délégation était le colonel Jankovic, présent était aussi
27 le chef de bataillon Nikolic avec un garde du corps, le commandant Nikolic
28 et d'autres membres de l'état-major de la Brigade de Bratunac, le
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1 lieutenant-colonel dont j'ai oublié le nom, mais qui a dit qu'il était
2 juriste, un civil qui par la suite s'est révélé être le nouveau maire de
3 Srebrenica et quelqu'un que je pourrais seulement décrire comme ressemblant
4 comme deux gouttes d'eau à Mladic. Il n'a rien dit, il était simplement là
5 de sorte que --
6 Q. Qui a pris le commandement ?
7 R. Le colonel Jankovic.
8 Q. Y avait-il quelqu'un de la communauté musulmane ?
9 R. Pas à ce stade parce que ceci concernait les blessés.
10 Q. Est-ce qu'à un moment donné, l'un des réfugiés musulmans est-il
11 apparu ?
12 R. Oui, lorsque l'arrangement -- enfin j'ai remis les blessés
13 officiellement au CICR et le commandant Nikolic a insisté pour inspecter
14 les personnes pour voir si c'était encore des soldats ou ce qu'il a dit
15 être des criminels. Il voulait savoir s'il y avait des criminels parmi eux
16 de sorte que le CICR est allé à l'hôpital avec ce commandant Nikolic et
17 l'équipe de sécurité du Bataillon néerlandais pour procéder à cette
18 inspection, ensuite le colonel Jankovic a demandé que l'un des
19 représentants, M. Mandic, apparaisse, parce qu'il avait une déclaration à
20 faire et il voulait que M. Mandic la signe.
21 Q. Vous venez de parler d'une déclaration. Aviez-vous vu cette
22 déclaration ?
23 R. Oui, il l'avait montrée en agitant le papier, je n'ai pas pu la lire,
24 lorsque je l'ai lu, c'était en langue croate.
25 Q. Pourriez-vous décrire pour les membres de la Chambre ce que vous avez
26 fait ensuite ?
27 R. Oui, j'avais mon propre interprète pour la traduire en anglais parce
28 que Jankovic m'a demandé de la signer en tant que témoin du fait que Mandic
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1 n'était pas obligé de la signer, et cetera, de sorte que j'ai vérifié le
2 texte et apporté une modification.
3 Q. Bien. Nous allons y parvenir dans un moment. D'une façon générale, est-
4 ce que vous vous rappelez quelle était la teneur de cette déclaration ?
5 R. Les Serbes voulaient et disaient que l'évacuation avait été effectuée
6 de façon correcte, de façon humanitaire conformément aux lois
7 internationales et à toutes ces règles, et cetera.
8 M. THAYER : [interprétation] Maintenant, si possible, je voudrais demander
9 que nous ayons la pièce 453 de la liste 65 ter présentée sur le prétoire
10 électronique, plus particulièrement à la page 3, s'il vous plaît. Si on
11 pouvait remonter un peu le document et faire un gros plan. Maintenant, la
12 redescendre un petit peu, s'il vous plaît. Bien. En fait non, si l'on
13 pouvait commencer tout au début de la page, s'il vous plaît, merci.
14 Q. Monsieur le Témoin, prenez un instant pour regarder ce document afin de
15 vous orienter et de vous y retrouver. Lorsque vous serez prêt, nous
16 regarderons également le bas de la page, la fin du document.
17 R. Je suis prêt.
18 Q. Bien. Est-ce que vous reconnaissez ceci comme étant la traduction
19 provisoire faite sur place par vos gens ?
20 R. Oui, c'est bien cela, la traduction que j'ai fait faire par mes
21 interprètes.
22 Q. Là, il y a toute une série de petits points au centre du document, l'un
23 qui commence par : "La population civile peut rester…"
24 Voyez-vous cela ?
25 R. Oui, je le vois.
26 Q. Est-ce que vous pourriez lire à haute voix cette partie, s'il vous
27 plaît ?
28 R. "La population -- cette population peut rester dans l'enclave ou
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1 évacuer -- l'évacuer, cela dépend du vœu de chaque individu."
2 Q. Alors maintenant --
3 R. Excusez-moi.
4 Q. Basé sur votre expérience et sur ce que vous avez observé, ce qui vous
5 a été dit à ce moment-là, est-ce qu'il s'agit d'une déclaration véridique ?
6 R. Non. Cela n'a pas de sens, parce que personne n'avait pas la
7 possibilité de rester. Ce n'était pas une possibilité réaliste de rester --
8 Q. Bon, alors maintenant, allons vers le bas de la page --
9 R. -- ni de se diriger dans une direction quelconque. Il était ordonné
10 qu'ils devaient se rendre dans le secteur de Kladanj.
11 Q. Qui donnait cet ordre ?
12 R. Mladic.
13 Q. Maintenant, descendons encore un peu plus bas, là où il y a un tiret ou
14 une boule noire.
15 R. Oui.
16 Q. Est-ce que vous pourriez lire cette partie, s'il vous plaît ?
17 R. "Dans l'éventualité où nous souhaiterions évacuer, il serait possible
18 pour nous de choisir la direction dans laquelle nous ferions un mouvement
19 et décider que l'ensemble de la population pourrait évacuer les lieux vers
20 le territoire du comté de Kladanj."
21 Q. Vous venez de répondre à cela dans une certaine mesure, mais est-ce que
22 c'est une déclaration exacte et véridique ?
23 R. Non. Ce n'était pas une décision du comité, c'était un ordre de Mladic
24 d'aller dans le secteur de Kladanj.
25 Q. Maintenant, le troisième alinéa, s'il vous plaît, pourriez-vous le
26 lire ?
27 R. Je cite : "Il a été convenu que l'évacuation devrait être effectuée par
28 l'armée et par la police de la Republika Srpska, sous la supervision et
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1 l'escorte des membres de la FORPRONU."
2 Q. Le paragraphe suivant ?
3 R. "Après qu'un accord ait été conclu, j'affirme que l'évacuation a été
4 effectuée par SAJ [phon] serbe de façon correcte et que les clauses de cet
5 accord ont été respectées."
6 Q. Maintenant, y a-t-il des parties que vous avez lues qui soient exactes,
7 véridiques ?
8 R. L'accord était que c'étaient l'armée et la police de la Republika
9 Srpska qui devaient l'effectuer; ceci est exact. Pour ce qui était
10 d'escorter, c'était de la théorie, mais je vous ai dit ce qui s'était
11 effectivement passé avec mes hommes d'escorte, de sorte que ceci n'est pas
12 vrai.
13 Quant à la dernière phrase : "L'évacuation a été effectuée par la partie
14 serbe de façon correcte et les clauses de l'accord ont été respectées,"
15 ceci est partiellement vrai.
16 Q. Ensuite, la dernière phrase que vous pourriez lire qui commence par
17 "pendant que" --
18 R. Oui. "Pendant l'évacuation, il n'y a pas eu d'incidents de part et
19 d'autre, la partie serbe a respecté tous les règlements, les conventions de
20 Genève et le droit international de la guerre," et j'ai ajouté "pour ce qui
21 concerne les convois qui ont effectivement été escortés par les forces de
22 l'ONU."
23 Q. Pourquoi avez-vous ajouté cette phrase, s'il vous plaît ?
24 R. Parce qu'en ce qui concerne le premier et le deuxième convoi, je n'ai
25 eu aucun contrôle sur ce qui se passait. Des rapports du Bataillon du
26 Pakistan ont parlé du fait qu'il y avait seulement des femmes et des
27 enfants qu'on a reçus plus tard. Nous avons eu ce rapport concernant le
28 fait qu'il y avait eu des personnes tuées; neuf cadavres avaient été
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1 trouvés. Je voulais neutraliser l'ensemble de la déclaration par cette
2 phrase.
3 Q. Quelle a été la réaction des membres serbes de la délégation ?
4 R. Deux réactions. Le colonel Jankovic a un peu souri et le colonel étant
5 un juriste était furieux. Il est devenu très fâché.
6 Q. A la fin, le colonel Jankovic a-t-il permis que ce document puisse être
7 signé avec votre modification ?
8 R. Oui.
9 Q. Est-ce que vous voyez votre signature sur ce document ?
10 R. C'est exact, du côté gauche en bas.
11 Q. Est-ce que vous étiez présent lorsque les deux autres signataires ont
12 signé le document ?
13 R. Oui, j'étais là en même temps.
14 M. THAYER : [interprétation] Monsieur le Président, je vois que nous
15 arrivons juste à l'horaire prévu. Je pense qu'il me faudrait encore 15
16 minutes de questions pour demain si nous suspendons la séance aujourd'hui.
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Thayer.
18 Nous allons lever l'audience aujourd'hui. Je pense que demain, nous aurons
19 une réunion.
20 Monsieur McCloskey, est-ce que vous voulez prendre la parole ? Excusez-moi.
21 M. McCLOSKEY : [interprétation] Peut-être que nous pouvons faire cela
22 demain. En fait, c'est probablement une meilleure idée. Je pense que pour
23 les deux parties, nous souhaiterions avoir quelques directives concernant
24 les témoins qui seront présentés au titre de l'article 92 ter et de
25 l'article 89(F) du Règlement. Mais il faut qu'on puisse réfléchir à la
26 question, peut-être qu'on pourrait le faire dans la présence de témoins.
27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, certainement. Nous traiterons de
28 la question demain matin, première chose avant que M. Franken ne poursuive
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1 sa déposition. Je vous remercie et je vous souhaite une bonne après-midi.
2 La séance est levée.
3 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le mardi 17 octobre
4 2006, à 9 heures 00.
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