Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 22 mars 2007

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes. J'espère

  7   que nous aurons une bonne journée.

  8   Madame la Greffière, veuillez, je vous prie appeler l'affaire.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

 10   Monsieur le Juge, Madame le Juge. Il s'agit de l'affaire IT-05-88-T, le

 11   Procureur contre Vujadin Popovic et consorts.

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Madame. Je vois que

 13   tous les conseils de la Défense sont présents à l'exception de Me Haynes.

 14   Pour ce qui est de l'Accusation je vois que tout le monde est présent

 15   également. M. McCloskey et M. Vaderpuye sont également là.

 16   Je vois que les accusés sont à leur place également et comme il n'y a

 17   pas de questions préliminaires à aborder - est-ce que Me Haynes est

 18   indisposé ou bien est-ce qu'il est occupé ailleurs ?

 19   M. SARAPA : [interprétation] Non, il n'est pas indisposé. Il est en bonne

 20   santé, mais il a dû s'absenter aujourd'hui. Il nous rejoindra demain.

 21   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Merci.

 22   Bonjour, Monsieur le Témoin.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 24   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] De nouveau, Monsieur le Témoin, je vous

 25   souhaite la bienvenue au Tribunal pénal international pour l'ex-

 26   Yougoslavie. M. Vanderpuye va poursuivre maintenant son contre-

 27   interrogatoire. Permettez-moi de vous rappeler toutefois que vous êtes

 28   encore lié par la déclaration solennelle que vous avez prononcée hier.


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  1   Cette même déclaration solennelle sera en vigueur jusqu'à la fin de votre

  2   déposition.

  3   Monsieur Vanderpuye.

  4   M. VANDERPUYE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

  5   et Madame le Juge. Je salue les collègues de la Défense.

  6   LE TÉMOIN: TÉMOIN PW-162 [Reprise]

  7   [Le témoin répond par l'interprète]

  8   Interrogatoire principal par M. Vanderpuye : [Suite]

  9   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 10   R.  Bonjour.

 11   Q.  Hier avant de lever la séance, je crois que nous étions en train de

 12   parler de Pribicevac et nous parlions des événements du

 13   11 juillet. Pour cette partie-ci, je demanderais que l'on passe à huis clos

 14   partiel pour quelques instants.

 15   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, passons à huis clos partiel.

 16   Nous sommes à huis clos partiel.

 17   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'aurais une question à

 19   vous poser avec votre permission.

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Avec votre permission, je voudrais corriger

 22   quelque chose que j'ai dit au compte rendu d'audience. J'ai fait une petite

 23   omission. Avec votre permission, je souhaiterais corriger quelque chose que

 24   j'ai dit hier.

 25   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Certainement. C'est la raison pour

 26   laquelle vous êtes ici d'ailleurs, pour nous donner une version précise des

 27   événements.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant du 11 juillet et de mon séjour à


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  1   Pribicevac, il est vrai que ce jour-là je suis arrivé à Pribicevac et je

  2   voulais rencontrer une personne qui m'était très proche. Il est vrai

  3   également que j'ai rencontré le général Mladic ce jour-là et j'ai également

  4   expliqué cette réunion et comment notre rencontre a eu lieu et dans quelle

  5   circonstance. Il est également vrai que j'ai rencontré la personne J et la

  6   personne M. Par contre, j'ai fait un lapsus pour ce qui est de la personne

  7   portant les initiales DT. Il n'était pas là ce jour-là à Pribicevac. Il

  8   était avec moi deux jours avant. Il était à Pribicevac le 9. Voilà, c'est

  9   l'erreur que j'ai faite.

 10   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas si j'ai été clair, Monsieur le

 12   Président.

 13   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, nous sommes à huis clos partiel et

 14   vous pouvez mentionner des noms. Je voulais simplement m'assurer que l'on

 15   sache bien de qui l'on parle, n'est-ce pas ?

 16   Oui, Monsieur Vanderpuye.

 17   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Témoin, de vos

 19   précisions.

 20   M. VANDERPUYE : [interprétation] Nous sommes encore à huis clos partiel,

 21   n'est-ce pas ?

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, nous sommes encore à huis clos

 23   partiel.

 24   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 25   Q.  Je vous remercie, Monsieur le Témoin, d'avoir apporté toutes ces

 26   précisions. Est-ce que vous connaissez une personne du nom de Tesic ?

 27   R.  Oui, je connais cette personne. C'était avec cette personne-là que

 28   j'étais à Pribicevac. C'est Aleksandar Aco Tesic. C'est lui qui était le


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  1   chef du secrétariat de la Défense nationale dans la municipalité de

  2   Bratunac.

  3   Q.  Bien. Lorsque vous étiez à Pribicevac le 11, est-ce que vous l'avez vu

  4   ce jour-là ?

  5   R.  Aco Tesic ?

  6   Q.  Oui.

  7   R.  Il était arrivé deux heures après moi. Il a emmené des membres venus

  8   faire leur obligation de travail à Pribicevac. C'étaient des conscrits

  9   militaires qui, jusqu'à cette date-là, travaillaient dans une entreprise,

 10   en fait, obligation de travail. Ils n'étaient pas dans l'armée et ce

 11   dernier les a mobilisés et les a emmenés. Deux heures après mon arrivée, je

 12   l'ai vu. Il n'est pas venu avec moi, ce que je voulais dire -- d'aller seul

 13   en voiture là-bas. Hier j'avais un peu le trac, si vous voulez, car je

 14   témoignais ici. C'était ma première journée. Je pensais que lorsque j'ai

 15   mentionné Dragan Tesic que c'était lui que j'avais vu le 11, mais

 16   effectivement, je me suis trompé. J'étais un peu confus hier.

 17   Q.  Très bien. Merci.

 18   M. VANDERPUYE : [interprétation] Nous pouvons retourner en audience

 19   publique.

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Maître Vanderpuye. Nous pouvons

 21   revenir en audience publique.

 22   [Audience publique]

 23   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

 24   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Poursuivez, je vous prie.

 25   M. VANDERPUYE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, nous

 26   allons devoir revenir en audience à huis clos partiel, car il me faut avoir

 27   les noms pour le compte rendu d'audience.

 28   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, oui, justement. J'y avais pensé.


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  1   Nous sommes de retour à huis clos partiel.

  2   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

  3   M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous avez donné des

  4   initiales. Pourriez-vous nous donner le nom entier de la personne MD ?

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, vous

  6   n'avez rien à craindre, Monsieur.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était Miroslav Deronjic.

  8   M. VANDERPUYE : [interprétation]

  9   Q.  Vous avez également donné les initiales JM. De qui s'agit-il ?

 10   R.  Josipovic Miodrag. C'était le chef du poste de police de Bratunac.

 11   Q.  Vous avez également mentionné une personne portant les initiales DT. De

 12   qui s'agit-il ?

 13   R.  Dragan Trisic. C'était l'adjoint du commandant chargé des arrières de

 14   la Brigade de Bratunac.

 15   Q.  D'accord.

 16   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Pourrait-on retourner en

 17   audience publique ?

 18   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui.

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Revenons en audience publique.

 20   Nous sommes en audience publique. C'est confirmé.

 21   [Audience publique]

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur

 23   Vanderpuye.

 24   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 25   Q.  Lorsque vous avez rencontré ces personnes à Pribicevac, est-ce que

 26   c'était quelque chose sur ce vous vous étiez mis d'accord ou bien est-ce

 27   que vous les avez rencontrés tout à fait par hasard le jour du 11 juillet ?

 28   R.  Sommes-nous à huis clos partiel ?


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  1   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Non. Nous ne sommes pas à huis clos

  2   partiel. Nous sommes en audience publique. Ne mentionnez pas les noms.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Avec MD et JM c'était spontané. Pour ce qui

  4   est de AT, nous savions que nous allions nous rencontrer à Pribicevac. Ce

  5   n'est qu'avec AT que j'avais pris des arrangements préalables, que nous

  6   nous étions donné rendez-vous. Pour les deux autres personnes, je les ai

  7   rencontrées tout à fait par hasard.

  8   M. VANDERPUYE : [interprétation]

  9   Q.  Vous avez dit un peu plus tôt que vous deviez rencontrer une personne

 10   le 11. C'était déjà ce que vous nous avez dit. Et le 9, vous avez rencontré

 11   deux autres personnes, n'est-ce pas ?

 12   R.  La personne que j'ai mentionnée comme la personne se trouvant là le 9

 13   juillet n'était pas là le 11. C'est pour cela que j'ai corrigé ma

 14   déclaration d'hier. DT n'était pas là à Pribicevac le 11, mais il était

 15   présent le 9, deux jours avant. Nous nous étions mis d'accord pour y aller

 16   ensemble et nous sommes allés ensemble à Pribicevac. C'était à Bratunac que

 17   nous nous sommes mis d'accord pour nous retrouver là-haut à Pribicevac et

 18   nous étions mis d'accord sur une heure également.

 19   J'ai également donné la raison de notre départ.

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, je ne veux pas que

 21   vous pensiez que je suis pointilleux, mais je suis préoccupé par l'emploi

 22   des initiales. Même si on ne fait que mentionner les initiales, je crois

 23   qu'il est facile d'identifier la personne. Elle est encore en vie. Elle

 24   pourrait identifier le témoin. Je suis peut-être un peu soucieux, si vous

 25   voulez, mais je crois qu'il serait peut-être mieux d'expurger.

 26   M. VANDERPUYE : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je ne sais pas ce qu'en pensent les

 28   conseils de la Défense. Je ne veux pas exagérer dans mon souci de


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  1   protection de l'identité du témoin. Je ne sais pas si cela pourrait révéler

  2   son identité.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me le permettez, Monsieur le

  4   Président.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, écoutons le témoin.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est des personnes, personnellement

  7   les personnes dont j'ai mentionné les initiales, cela ne me dérange pas que

  8   ces personnes-là dont j'ai mentionné les initiales sachent que j'ai

  9   témoigné. Ce n'est pas à cause d'eux que j'ai demandé les mesures de

 10   protection, mais plutôt à cause d'autres personnes. Donc pour ce qui est

 11   des personnes dont j'ai mentionné les initiales, cela ne me dérange

 12   absolument pas que ces personnes sachent que j'ai témoigné devant vous ici.

 13   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous êtes très utile, Monsieur le

 14   Témoin, vous êtes très aimable. Je vous remercie. Il n'est pas nécessaire

 15   d'expurger ces initiales.

 16   Merci, Monsieur Vanderpuye, vous pouvez poursuivre.

 17   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 18   Q.  Vous nous avez dit hier qu'à un certain moment donné vous êtes parti de

 19   Pribicevac pour aller quelque part. Où êtes-vous allé ?

 20   R.  Si je me souviens bien, s'agissant de Pribicevac, j'y suis resté peut-

 21   être deux heures, peut-être moins, peut-être plus, mais environ deux

 22   heures. Après quoi, je suis monté à bord de mon véhicule et je suis

 23   retourné à Bratunac pour regagner mon bureau.

 24   Q.  Fort bien. Dites-moi maintenant si vous pourriez nous parler du 12

 25   juillet. Que s'est-il passé ce jour-là, bien sûr, du meilleur de votre

 26   souvenir ?

 27   R.  Après mon retour de Pribicevac et après avoir passé quelque temps au

 28   bureau, dans l'après-midi, peut-être même dans la soirée, j'y ai rencontré


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  1   la personne DM, dont les initiales sont DM. Cette personne DM m'a expliqué

  2   que je devais me rendre au commandement de la Brigade de Bratunac à 8

  3   heures du matin du 12, je devais être là. C'est ce que j'ai fait. Le matin,

  4   à 7 heures du matin je suis allé au travail et à 8 heures je suis parti de

  5   mon bureau pour aller au commandement. Lorsque je me suis retrouvé au

  6   commandement, on m'a indiqué une pièce qui se trouvait au rez-de-chaussée.

  7   C'est une pièce qui faisait office de salle de réunion du commandement.

  8   Dans cette pièce j'ai vu le général Mladic. J'ai vu qu'il était là.

  9   Je ne peux pas vous dire qui d'autre était là dans cette pièce. Je sais que

 10   le "komandir" de la brigade, Blagojevic était là. Il y avait peut-être

 11   quelques autres officiers. Je ne sais plus. Mais il est certain que le

 12   général était là. Lorsque je suis arrivé, je les ai salués.

 13   Q.  Permettez-moi de vous poser une question pour le compte rendu

 14   d'audience. A la page 7, à la ligne 23 du compte rendu d'audience, il est

 15   indiqué que vous avez rencontré DEUXIEME. Je voulais savoir si DM et MOMENT

 16   DONNE si c'est les mêmes initiales. Lorsque que vous parlez de DM est-ce

 17   que vous parlez de MD, en fait, si c'est la même personne.

 18   R.  Il est possible que j'inverse les prénoms et les noms. Des fois je

 19   donne le nom de quelqu'un en donnant son prénom avant et d'autres fois je

 20   mets le nom de famille avant le prénom. Mais c'est dans la soirée que MD,

 21   voilà, appelons-le MD, il m'a informé que le lendemain matin je devais être

 22   présent. J'étais très surpris de ne pas le voir là le lendemain matin à 8

 23   heures, même s'il m'avait informé, m'avait dit qu'il assisterait à la

 24   réunion. Il n'était pas présent. Il n'a pas assisté à la réunion. J'étais

 25   le premier à arriver. J'ai rencontré le général et peut-être deux ou trois

 26   officiers.

 27   Lorsque j'ai salué le général, le général m'a dit : "Je ne te vois pas à

 28   Srebrenica," en mentionnant ma fonction. Je lui ai dit : "Je ne suis pas de


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  1   Srebrenica, je suis préoccupé par mes obligations quotidiennes."

  2   Il m'a offert de m'asseoir, je me suis assis. C'est à ce moment-là que AT

  3   est arrivé. Je l'ai déjà mentionné un peu plus tôt en évoquant Pribicevac.

  4   J'ai oublié de dire que lorsque j'étais encore seul là-bas, le général m'a

  5   adressé la parole, il m'a dit : "Qu'est-ce que vous pensez qu'on devrait

  6   faire avec les Musulmans de Srebrenica ?" J'étais un peu étonné, je ne

  7   savais ce qu'il voulait que je lui réponde, alors j'ai dit : "Qu'est-ce que

  8   vous voulez dire ? Srebrenica est libérée. Ils peuvent rester dans leurs

  9   maisons." Il a dit : "Qu'est-ce qu'on fait s'ils ne veulent pas rester ?"

 10   J'ai dit : "Je ne sais pas."

 11   Sachant qu'en 1992 ils étaient allés à Tuzla et à Kladanj, j'ai dit il faut

 12   voir ce que les gens veulent. Il faut voir quelle est leur volonté. Sur la

 13   même entrefaite AT est arrivé et il lui a posé la même question. Deux ou

 14   trois minutes plus tard, le prêtre est arrivé également. Il lui a posé la

 15   même question. LJS est venu également et il lui a posé la même question.

 16   Ils ont tous répondu la même chose. C'est comme si on s'était concerté ne

 17   sachant pas du tout pourquoi on nous avait convoqué au commandement. Nous

 18   ne savions pas du tout que le général nous attendrait là-bas et qu'il nous

 19   poserait cette question.

 20   Je suis resté environ une demi-heure au plus.

 21   Q.  [aucune interprétation]

 22   R.  Je n'ai pas --

 23   Q.  Oui, excusez-moi, vous pouvez terminer votre réponse.

 24   R.  Ce séjour d'une demi-heure en présence du général, je ne l'ai pas perçu

 25   comme étant une réunion. C'était comme une sorte de rencontre informelle,

 26   une rencontre, une conversation informelle plutôt. C'est à ce moment-là

 27   qu'il m'a plutôt informé que je devais venir à une réunion à l'hôtel

 28   Fontana, que je devais aller assister à une réunion à l'hôtel Fontana.


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  1   Ma présence sur les lieux à 8 heures représentait plus une sorte de

  2   convocation à venir à la réunion qui devait se dérouler à

  3   10 heures. Le général ne nous a pas dit quels seraient les sujets discutés

  4   à l'ordre du jour lors de la réunion de l'hôtel Fontana à

  5   10 heures. Il nous a simplement convoqué de venir à la réunion à

  6   10 heures.

  7   Q.  Très bien.

  8   M. VANDERPUYE : [interprétation] Est-ce que nous sommes à huis clos

  9   partiel, Monsieur le Président ?

 10   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

 11   M. VANDERPUYE :

 12   Q.  [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

 14   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

 15   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation] 

 16   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 17   Q.  Pourriez-vous également nous parler d'une autre personne portant les

 18   initiales LJS. Pouvez-vous nous dire de qui il s'agit ?

 19   R.  Ljubisa Simic, le président de l'assemblée municipale de Bratunac.

 20   Q. Très bien.

 21   M. VANDERPUYE : [interprétation] Pourrait-on retourner en audience

 22   publique, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

 24   Passons en audience publique. Nous sommes en audience publique.

 25   [Audience publique]

 26   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 27   Q.  Monsieur le Témoin, vous nous avez dit que l'on vous a demandé d'être

 28   présent à la réunion de 10 heures. Est-ce que vous y êtes allé ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Pourriez-vous nous dire si vers la fin de la réunion on vous a chargé

  3   d'une mission particulière ?

  4   R.  Vous voulez dire lors de la rencontre de 8 heures ?

  5   Q.  Non, je fais plutôt allusion à la réunion qui s'est déroulée à 10

  6   heures.

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Pourriez-vous nous dire quelle était cette mission ?

  9   R.  Nous étions quatre à être convoqués à la réunion de

 10   10 heures, donc moi-même, LJS et deux autres personnes. Je suis allé avec

 11   LJS à la réunion et nous avons reçu pour mission, après les conclusions qui

 12   ont été apportées à la fin de la réunion, on nous a confié la mission

 13   d'agir en tant qu'aide humanitaire, donner de l'assistance humanitaire

 14   envers la population de Potocari. Lorsque je dis cela, je pense à

 15   l'approvisionnement de la population en eau, en médicaments et en

 16   nourriture, selon nos capacités et possibilités, selon ce qui pouvait être

 17   fait eu égard aux circonstances.

 18   Etant donné qu'à Potocari, on a conclu après la rencontre de

 19   8 heures qu'il y avait environ 20 000 personnes. Il faisait très chaud ce

 20   jour-là. Il faisait peut-être 32, 33 degrés. LJS et moi avions reçu pour

 21   mission d'assurer l'aide humanitaire, l'approvisionnement en eau et

 22   nourriture à la population qui se trouvait à Potocari.

 23   Q.  Quand on vous a confié cette mission, cela vous a été confié à vous

 24   deux, comme vous l'avez dit, parmi toutes les personnes qui se trouvaient à

 25   cette réunion; c'est bien cela ?

 26   R.  Oui. Les seuls civils présents appartenant aux autorités civiles,

 27   c'était nous deux et MD.

 28   Q.  Bien.


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  1   M. VANDERPUYE : [interprétation] Pourrions-nous aller un instant en

  2   audience à huis clos partiel, s'il vous plaît.

  3   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] D'accord. Audience à huis clos partiel.

  4   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous y sommes.

  6   M. VANDERPUYE : [interprétation] Bien. Pour que le compte rendu soit bien

  7   clair, pourriez-vous nous dire quelles étaient les personnes qui étaient

  8   présentes à cette réunion, est-ce que vous vous rappelez ? Il s'agit de la

  9   réunion de 10 heures.

 10   R.  Participaient à la réunion, le général Mladic, le général Krstic, le

 11   commandant du Bataillon néerlandais de la FORPRONU et son adjoint. Il y

 12   avait deux autres officiers de la VRS qui étaient là. Je pense que c'était

 13   un colonel et un lieutenant-colonel, mais je ne les connaissais pas, je ne

 14   connaissais par leurs visages, ils ne m'étaient pas familiers. Les

 15   représentants musulmans étaient également présents. C'était une délégation

 16   de trois membres, Nuhanovic, Ibro, Mandzic et une femme dont le nom était

 17   Camila. Sur la délégation musulmane, je connaissais Ibro Nuhanovic très

 18   bien, mais Mandzic et Nesib Ancemilaj [phon], je ne les connaissais que de

 19   façon superficielle. Mais je connaissais Ibro Nuhanovic. C'était un

 20   économiste qui était diplômé, qui avait achevé ses études primaires à

 21   Bratunac. Puis après, quand la guerre a éclaté, il vivait, il travaillait à

 22   Bratunac. Donc, nous nous connaissions bien. Dragomir Vasic était également

 23   là, il était le chef du poste de sécurité publique, qui était là pour les

 24   autorités civiles. Miroslav Deronjic et Dragan Trisic.

 25   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, parce

 26   que - enfin, je réfléchis pour le moment de quel -- nous devons faire

 27   attention, mais jusqu'à quel point. Pendant les audiences publiques, le

 28   témoin a dit plus tôt que cela ne le préoccupait pas, cela lui était égal.


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  1   Mais que sa préoccupation c'était plutôt en ce qui concerne les trois ou

  2   quatre personnes qu'il a mentionnées, cela lui était égal qu'on les

  3   identifie comme déposant à nouveau. Mais j'ai à l'esprit cette

  4   préoccupation. Ce témoin a déjà déposé dans l'affaire Jokic et dans

  5   l'affaire Blagojevic, et il se peut qu'il y ait d'autres qui auraient suivi

  6   sa déposition à l'époque. Donc je parle pour moi-même, mais je comprends

  7   qu'aucun d'entre nous n'a lu sa déposition ni dans l'affaire Blagojevic ni

  8   dans l'affaire Jokic, parce que d'habitude ne le faisons pas lorsqu'il

  9   s'agit d'un témoin qu'on entend en personne, viva voce.

 10   Supposons qu'il répète ce qu'il a dit dans sa déposition dans ces

 11   deux affaires, sans mesures de protection, je ne suis pas absolument sûr

 12   que vous ne risqueriez pas d'être identifié. Donc, je vais me fonder

 13   entièrement sur votre propre jugement, votre bon sens, et vous semblez être

 14   un témoin parfaitement conscient, très vif. Donc si à un moment quelconque

 15   vous avez l'impression que nous devrions aller en audience à huis clos

 16   partiel, veuillez nous le dire et nous le ferons.

 17   Nous sommes pour le moment en audience à huis clos partiel, de sorte

 18   que nous pouvons y rester ou nous pouvons retourner en audience publique

 19   pour les questions suivantes.

 20   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je pense que nous pouvons retourner

 21   en audience publique, mais juste avant cela je voulais simplement

 22   remarquer, fait remarquer que le sujet même de la déposition lue en

 23   parallèle avec les dépositions antérieures du témoin, je pense, doit

 24   susciter les mêmes préoccupations en tout état de cause et je suis en train

 25   de m'efforcer, de faire de mon mieux pour que --

 26   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Je me fie à votre bon sens

 27   et à votre jugement. Si je n'en étais pas sûr, j'agirais différemment, bien

 28   entendu. Je crois que nous sommes entre de bonnes mains, tant le témoin que


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  1   vous-même, Monsieur Vanderpuye.

  2   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Maître Josse.

  4   M. JOSSE : [interprétation] Pourrais-je faire une suggestion, Monsieur le

  5   Président, pendant que nous sommes en audience à huis clos partiel. La

  6   Chambre a demandé au témoin exactement quelles étaient ses préoccupations,

  7   en particulier à cause de la nature de la requête, mais ceci n'a peut-être

  8   pas été examiné ou réglé de façon aussi complète que cela aurait pu l'être.

  9   Il serait peut-être utile à la fois pour la Chambre ainsi que pour mon

 10   confrère.

 11   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Je pense que vous avez tout à fait

 12   raison en évoquant cela, Monsieur Josse.

 13   Monsieur le Témoin, pendant que nous sommes encore en audience à huis clos

 14   partiel, vous avez demandé à l'Accusation de demander des mesures de

 15   protection, les faire mettre en place pour vous et nous les avons

 16   accordées. Nous avons fait droit. Quelles étaient véritablement vos

 17   préoccupations, vos inquiétudes ? Pourquoi souhaiteriez-vous cacher votre

 18   identité ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous permettez que je l'explique, Monsieur

 20   le Président ?

 21   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, parce que cela nous aidera

 22   considérablement à prendre des décisions au fur et à mesure.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai demandé des mesures de protection pour

 24   une raison seulement. Il y a une émission qui a lieu tous les samedis dans

 25   notre région qui s'appelle "Le journal de La Haye," "The Hague diary," qui

 26   dure à peu près une demi-heure. Je ne peux pas me rappeler le nom du

 27   journaliste qui est Musulman d'origine ethnique et qui fournit, à ce

 28   moment-là, un compte rendu de la semaine en une demi-heure. A ce moment-là,


Page 9206

  1   il y a des nouvelles concernant différents procès, y compris ce procès-ci.

  2   Parfois, comment pourrais-je dire cela en un mot. Pour une phrase qui

  3   est sortie de son contexte, il présente quelque chose de public et ceci

  4   prend évidemment des dimensions tout à fait différentes dans la région où

  5   je vis. Pour le moment, la région de Srebrenica et de Bratunac il y a quand

  6   même un tumulte. Je ne sais pas si vous avez entendu cette proposition

  7   selon laquelle Srebrenica devrait sortir de la Republika Srpska, mais la

  8   volonté politique, les sentiments sont très forts. J'ai peur que ce

  9   journaliste ne s'empare d'une phrase de ma déposition et la présente dans

 10   un contexte négatif qui aurait des incidences négatives pour moi et ma

 11   communauté.

 12   J'ai demandé des mesures de protection à cause des médias, à cause

 13   des journalistes, pas à cause des personnes. Ce que je dis ici, c'est ce

 14   que je déclare comme il est dit, je le dis devant Dieu et devant le peuple,

 15   mais je suis venu ici pour dire la vérité. Je dis la vérité, mais j'ai peur

 16   des pièges des journalistes et j'ai peur qu'ils ne salissent ma déposition

 17   en utilisant une phrase d'une façon particulière, d'une connotation qui

 18   pourrait m'être préjudiciable. C'est pour cela que j'ai demandé des mesures

 19   de protection. Si vous pouvez me garantir qu'aucun journaliste là-bas ne me

 20   mentionnera, à ce moment-là je déposerai en public. Fondamentalement, voilà

 21   les raisons pour lesquelles j'ai demandé cela mais c'est, bien entendu, à

 22   vous qu'il appartient de décider.

 23   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je ne peux pas vous donner cette

 24   garantie. Demandez-moi quelque chose d'autre. Maintenant je pense que nous

 25   avons un tableau complet et parfaitement clair.

 26   Faites preuve de jugement, de bon sens, comme je l'ai dit

 27   précédemment. Je vous remercie, Maître Josse, pour votre participation.

 28   Maintenant, quand il vous paraîtra le moment pour revenir en audience


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  1   publique, M. Vanderpuye, vous pourrez me le laisser savoir.

  2   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je pense, qu'en fait, nous étions sur le

  3   point de le faire et je pense que cela va bien. Nous pouvons maintenant

  4   retourner en audience publique.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Allons en audience publique.

  6   [Audience publique]

  7   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Vanderpuye.

  8   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Q.  Maintenant, les tâches qui vous ont été confiées, elles vous ont été

 10   confiées par le général Mladic ?

 11   R.  Oui. A la fin de la réunion il a dit, après que toutes les conclusions

 12   aient été tirées et qu'il est devenu clair que les Musulmans voulaient

 13   quitter la région, il nous a dit alors que : Vous, les autorités ici, devez

 14   vous efforcer d'aider la population qui se trouve à Potocari. Vous avez

 15   rempli tous vos réservoirs d'eau. Il faut que la boulangerie fonctionne.

 16   Après cela, nous nous sommes retirés, nous sommes allés dans mon bureau,

 17   nous trois, et nous avons commencé à faire un plan sur la façon de

 18   continuer à traiter de cette question.

 19   Nous avons engagé deux de nos réservoirs d'eau ainsi qu'un réservoir de la

 20   société des services ainsi qu'une citerne des pompiers. On a donné pour

 21   instruction à la boulangerie locale de travailler à plein rendement et

 22   d'envoyer toute leur production au secteur de Potocari. Nous avons vu que

 23   ceci ne suffirait pas. LJS est allé à la municipalité voisine en traversant

 24   la Drina et il a demandé aux autorités de nous aider, ce qu'elles ont fait.

 25   Ils ont également envoyé des réservoirs d'eau, une certaine quantité de

 26   pain, de jus de fruits, l'eau minérale.

 27    Nous avons agi de même avec la municipalité voisine de Zvornik. Ils nous

 28   ont également aidés là-bas. Cela c'étaient les moyens que nous avons pu


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  1   mettre à disposition à la population qui se trouvait là. C'était

  2   probablement insuffisant, mais nous n'avions pas davantage que ce que nous

  3   avions. Ce que nous avions, nous avons essayé de le mettre à disposition.

  4   Q.  Est-ce que vous êtes allé à Potocari à un moment quelconque, la journée

  5   du 12 ?

  6   R.  Oui. Avec les premiers réservoirs citernes, avec les premières fournées

  7   de pain, LJS et moi-même y sommes allés.

  8   Q.  Bien. Est-ce que vous avez distribué une partie des vivres dont vous

  9   avez dit que vous aviez organisé la collecte ?

 10   R.  Oui, indépendamment des personnes qui avaient la responsabilité des

 11   citernes, il y avait également du personnel de la protection civile et nous

 12   deux qui avons également participé à la distribution du pain, du lait; il y

 13   avait une certaine quantité. Nous avons également essayé d'aider

 14   directement.

 15   Q.  Au cours de la réunion proprement dite, celle qui a eu lieu à 10 heures

 16   ce jour-là, qui a commencé à 10 heures, est-ce que le général Mladic a

 17   donné quelque indication selon laquelle la population de Potocari serait ou

 18   non triée pour voir s'il y avait des criminels de guerre qui s'y seraient

 19   trouvés ? Est-ce qu'il y aurait eu un tri ?

 20   R.  Je ne savais pas quel était l'objet de la réunion lorsque j'ai été

 21   informé qu'il fallait que j'y participe. Lors de la réunion proprement

 22   dite, j'ai compris quel était l'objectif de cette réunion. J'ai compris que

 23   cette réunion avait été précédée d'une autre. Est-ce que je peux donner le

 24   nom des Musulmans ?

 25   Q.  Je pense que vous pouvez, oui.

 26   R.  A la réunion, j'ai compris que le général avait une autre réunion avec

 27   Nesib Mandzic qui, à l'époque, était le président de la municipalité de

 28   Srebrenica, et que la réunion de 10 heures c'est la délégation musulmane


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  1   qui a participé, une délégation musulmane de trois personnes. J'ai conclu

  2   cela lorsque le général s'est adressé au président. Le président Mandic :

  3   "Qu'est-ce que vous avez décidé ?"

  4   A quoi ils ont répondu qu'ils avaient décidé que la population voulait

  5   quitter la région. Le général les a avertis en leur disant : "Ne prenez pas

  6   une telle décision. Si vous souhaitez rester dans cette région, chez vous,

  7   vous pouvez le faire sans contraintes, avec toutes les garanties concernant

  8   vos droits et libertés, liberté de travail, liberté d'aller et venir. La

  9   condition, si vous prenez une décision à ce sujet, c'est que l'armée doit

 10   remettre ses armes, et ceux qui ont du sang sur les mains et qui ont commis

 11   des crimes contre le peuple serbe seront poursuivis. Quant à ceux qui sont

 12   innocents, toutes les garanties de pouvoir travailler, vivre et aller et

 13   venir et rester."

 14   Ils étaient très décidé en disant : "Général, merci beaucoup, mais nous

 15   avons décidé que nous voulons effectivement quitter cette région."

 16   Q.  Je vous remercie de cela. Combien de temps approximativement êtes-vous

 17   resté à Potocari ?

 18   R.  Peut-être deux heures.

 19   Q.  Pourriez-vous nous dire ce que vous avez fait après votre départ ?

 20   R.  J'ai déjà dit que j'ai aidé matériellement à distribuer le pain, les

 21   aliments. Je suis allé un peu partout dans un cercle relativement étroit.

 22   Certaines personnes m'ont reconnu. Parmi ces personnes, j'ai été reconnu

 23   par un homme qui avait construit ma maison juste avant la guerre. Son nom

 24   était Nijazija Jahic. Je l'ai vu à quelque 10 mètres de moi. Il m'a lancé

 25   un appel, mais je ne l'ai pas reconnu sur-le-champ. Il est venu jusqu'à

 26   moi. C'est seulement lorsqu'il est arrivé à ma hauteur que je l'ai reconnu.

 27   J'ai dit : "Est-ce que c'est bien toi, Nijazija ?" Il a répondu : "Oui."

 28   Il m'a demandé si je serais en mesure de l'aider d'une façon ou d'un


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  1   autre, lui-même et sa femme. Si je pouvais faire en sorte que sa femme et

  2   lui puissent monter dans les moyens de transport plus tôt, parce que les

  3   transports avaient déjà commencé. J'ai répondu : "Oui, je peux faire cela.

  4   Où est ta femme ?" Il a dit : "Elle est là-bas." Je lui ai dit : "Fais-la

  5   venir ici." Il l'a fait venir. Les cars se trouvaient à quelque 200 mètres

  6   de l'endroit où nous nous trouvions. Je les ai amenés et je les ai fait

  7   monter dans le car.

  8   Cet homme, il y a environ trois ans, il vit maintenant en Bosnie

  9   centrale à Breza ou à Vares. Il m'a envoyé ses vœux par le truchement d'un

 10   Serbe qui vit à Bratunac maintenant. Il lui a dit de me saluer et de me

 11   remercier de mon aide.

 12   Il y a eu un autre cas où j'ai été reconnu par une personne du nom de

 13   Hamid, qui était du village de Glogova. Avant la guerre, il était coursier

 14   au bureau de l'assemblée municipale. Il m'a également demandé de l'aider à

 15   faire partir son oncle qui était dans une chaise roulante, de faire en

 16   sorte qu'il puisse monter dans le car avant son tour. Est-ce qu'il faut que

 17   je décrive cela ?

 18   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Avant que M. Vanderpuye vous dise s'il

 19   est nécessaire de décrire cela ou non, vous avez mentionné un grand nombre

 20   de noms et un très grand nombre de détails qui, sans aucun doute,

 21   pourraient révéler votre identité, tout au moins, pour ces personnes que

 22   vous avez mentionnées. Il vous est loisible de me dire si vous souhaitez

 23   que cette partie soit expurgée ou si nous poursuivons. Cela dépend de vous.

 24   Mais il est évident que quiconque a entendu ceci vous identifiera.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que ce n'est pas nécessaire. Je n'ai

 26   pas peur de quoi que ce soit. Je ne crois pas que ce soit nécessaire.

 27   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Allez-y.

 28   M. VANDERPUYE : [interprétation] D'accord. Je pense que nous pouvons


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  1   poursuivre.

  2   Q.  La réponse à votre question, Monsieur le Témoin, est non, vous n'avez

  3   pas besoin d'expliquer cela.

  4   Je crois qu'avant cette réponse que vous avez faite, je vous avais demandé

  5   où vous étiez allé après avoir quitté Potocari. Je voudrais vous demander

  6   après que vous avez quitté Potocari où vous êtes-vous rendu ?

  7   R.  Je suis retourné à Bratunac. Je ne me souviens plus si je suis allé à

  8   mon bureau où si je suis rentré chez moi pour me rafraîchir. Il faisait

  9   extrêmement chaud, donc je ne suis pas sûr de cela. Je suis sûr que dans

 10   l'après-midi j'étais de retour dans mon bureau à nouveau. J'ai passé un

 11   certain temps dans un bureau du bâtiment municipal et j'y suis resté

 12   jusqu'à la nuit. Il y avait une autre personne avec moi au bureau. La

 13   personne MD.

 14   Q.  Très bien.

 15   M. VANDERPUYE : [interprétation] Est-ce que nous pourrions aller à huis

 16   clos partiel juste pour avoir le nom de cette personne.

 17   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, allons en audience à huis clos

 18   partiel, s'il vous plaît.

 19   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

 20   M. VANDERPUYE : [interprétation] Nous y sommes ?

 21   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

 22   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 23   Q.  Précédemment, vous avez parlé d'une personne qui a le nom MD et

 24   maintenant vous parlez à nouveau de MD. Est-ce que vous parlez de la même

 25   personne ou est-ce que c'est une autre personne ?

 26   R.  Ce n'est pas la même personne. Sommes-nous en audience à huis clos

 27   partiel ?

 28   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] L'autre personne c'était Miroslav Deronjic.

  2   Cette personne-ci c'est Dragan Mirkovic qui était assis dans le bureau avec

  3   moi à l'époque.

  4   M. VANDERPUYE : [interprétation] Bien.

  5   Q.  Je voulais simplement clarifier ce point.

  6   R.  Il était le directeur de la société des services de Bratunac.

  7   Q.  Bien.

  8   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je pense que nous pouvons aller en

  9   audience publique, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Faisons-le.

 11   Nous y sommes.

 12   [Audience publique]

 13   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vous remercie.

 14   Q.  Maintenant, vous avez dit que -- est-ce que cette personne est venue à

 15   votre bureau ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Pouvez-vous nous dire approximativement vers quelle heure ?

 18   R.  C'était déjà le soir, il se peut que cela ait été après

 19   8 heures.

 20   Q.  Est-ce que quelque chose s'est passé pendant cette période où il se

 21   trouvait dans votre bureau ?

 22   R.  Nous étions assis là dans le bureau. Je ne sais pas si nous avions

 23   grand-chose à faire, mais à ce moment-là, nous avons passé beaucoup de

 24   temps au bureau. D'habitude les directeurs venaient se réunir à mon bureau.

 25   Il est probablement juste passé par là. Nous étions là assis et nous

 26   parlions lorsque nous avons entendu qu'une fenêtre était ouverte, la

 27   fenêtre du bureau qui donne sur la rue, et nous avons pu entendre le

 28   passage de véhicules à l'extérieur. Nous avons regardé par la fenêtre. Nous


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  1   avons pu voir trois cars qui étaient garés dans la rue juste en dessous de

  2   la fenêtre. C'était étrange ce que faisaient ces cars ici. Nous nous

  3   posions des questions.

  4   Nous nous sommes levés, nous sommes descendus au rez-de-chaussée; le

  5   bureau se trouve au premier étage. Nous sommes descendus à la sortie du

  6   bâtiment municipal où il y avait un car qui était garé là. Nous pouvions

  7   voir qu'il était rempli de personnes. Des hommes.

  8   La portière du devant du car était ouverte. Un policier se trouvait

  9   devant cette portière. D'après son uniforme c'était un policier civil, pas

 10   un policier militaire. Il portait un uniforme bleu mais je ne connaissais

 11   pas cet homme. Nous avons eu une conversation avec lui. Nous lui avons

 12   demandé qui étaient ces gens qui étaient là ? Il a dit : Ce sont des

 13   Musulmans. Où vont-ils, que font-ils ici ? A un moment donné, j'ai remarqué

 14   qu'au milieu du car, il y avait une personne qui frappait sur la vitre, il

 15   frappait à la fenêtre. Les lumières dans le car, à l'intérieur du car,

 16   avaient été tamisées. Je me suis rapproché et j'ai reconnu cette personne.

 17   Son nom était Omo Jahic, il était du village de Bijeceva. Parce qu'avant la

 18   guerre, il avait travaillé à la mine de Sasa. Il était également membre du

 19   conseil de l'assemblée municipale, de sorte que nous nous connaissions très

 20   bien. Il m'a demandé de monter dans le car.

 21   Je suis retourné auprès du policier, parce que c'était au milieu du

 22   car, et le policier qui se trouvait à l'entrée du car, j'ai dit : "Il y a

 23   cet homme-là qui veut me dire quelque chose. Est-ce que je peux monter dans

 24   le car ?" Cet homme a dit : "Allez-y." J'ai monté la première marche, celle

 25   qui est la plus proche du chauffeur. J'ai dit : "Omo, que se passe-t-il ?"

 26   *Il a dit : "Buco, pourrais-tu, s'il te plait, me donner de l'eau ?" Comme

 27   le policier se trouvait juste là et que la portière était ouverte, j'ai dit

 28   : "Cet homme voudrait que je lui donne de l'eau. Est-ce que je peux le


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  1   faire ?" Il a dit : "Oui, allez-y."

  2   Q.  Je dois vous arrêter un instant.

  3   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je voudrais que l'on expurge la ligne

  4   25 de la page 22.

  5   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] L'avant-dernier mot de la ligne 25 à la

  7   ligne 22, oui. L'avant-dernier mot, s'il vous plaît.

  8   M. VANDERPUYE : [interprétation]

  9   Q.  Je vais simplement vous demander de faire attention à ce que vous

 10   dites. Je voudrais simplement vous demander, parce que vous avez dit un peu

 11   plus tôt que vous aviez posé des questions aux policiers concernant ces

 12   Musulmans qui se trouvaient dans le car, et je crois que vous avez demandé

 13   à ce policier, ou vous avez dit pourquoi ils étaient là et pourquoi ils

 14   allaient partir, et j'étais en train de me demander si vous pourriez nous

 15   dire si vous avez reçu une réponse à ces questions et qu'est-ce qu'il vous

 16   avait répondu.

 17   R.  La réponse que j'ai eue du policier était plutôt ambiguë. Pour autant

 18   que je puisse m'en souvenir, il m'a dit que ces personnes devaient être

 19   emmenées à Batkovic, à Bijeljina, pour un centre de rassemblement, c'est

 20   comme qu'il l'a appelé. Là, ils seraient emmenés en vue d'un échange avec

 21   des soldats serbes qui se trouvaient à Tuzla, ainsi qu'un nombre de la

 22   population civile serbe à Tuzla. C'était plus au moins la réponse que m'a

 23   donnée ce policier. Mais je me suis rendu compte que lui-même n'était pas

 24   très sûr de ce qu'il disait quand il a dit qu'ils seraient emmenés à

 25   Batkovic pour être ensuite emmenés à un lieu d'échange.

 26   Q.  Pourriez-vous nous dire, au cours de cette soirée, approximativement

 27   combien il y a eu de cars que vous avez vus entrer à Bratunac ?

 28   R.  MD et moi-même, nous avons vu deux cars et nous avons apporté une


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  1   cinquantaine de bidons de boîtes contenant de l'eau à ces deux cars. Tous

  2   ceux qui se trouvaient sur ces deux cars avaient des petites boîtes en

  3   métal de 5 litres, et nous avons aussi vu dans l'autre rue, de l'autre côté

  4   du bâtiment municipal, qu'il y avait trois cars en plus qui étaient garés.

  5   En d'autres termes, il y avait trois cars d'un côté et trois cars devant le

  6   bâtiment de la municipalité; au total six cars.

  7   Il y avait aussi des cars dans la cour de récréation. Je n'y suis pas allé,

  8   mais d'après certains récits, il devait y avoir entre 20 et 25 cars, en

  9   tout cas, approximativement 20.

 10   *Q. Est-ce que le nombre de cars et de Musulmans qui se trouvaient dans ces

 11   cars a créé une situation préoccupante pour vous en tant que président du

 12   Conseil exécutif de la municipalité de Bratunac ?

 13   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Là, vous l'avez vraiment emberlificoté,

 14   Monsieur Vanderpuye.

 15   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, je suis très fier de moi. Il faudrait

 16   peut-être expurger ces lignes.

 17   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, effectivement.

 18   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Vanderpuye.

 20   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci. Deuxième tentative. J'espère que je

 21   ne vais pas me tromper cette fois-ci.

 22   Q.  Est-ce que cela a causé une situation préoccupante dans la région ?

 23   R.  Oui, en fait, des rumeurs se propageaient disant que les autocars qui

 24   se trouvaient sur le terrain de sport, que c'était quelque chose d'étrange.

 25   Plutôt, que les Musulmans et les personnes qui se trouvaient dans les

 26   autocars étaient en train de se dire des choses à haute voix, et on leur a

 27   dit de ne pas sortir des autobus, les autocars, étant donné que les

 28   gardiens qui assuraient la sécurité de ces autocars, il n'en avait pas


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  1   énormément. J'ai compris qu'il y avait peu de gardiens, car devant ces

  2   autocars garés devant la municipalité, il n'y avait qu'un seul policier. La

  3   situation était devenue préoccupante, car nous craignions que les Musulmans

  4   ne sortent des autocars et se mettent à se promener dans la ville. Il n'y

  5   avait pas d'armée, il n'y avait pas d'hommes. Il n'y avait que des femmes

  6   et des enfants et des personnes âgées, de retraités. Mais les hommes en âge

  7   de porter les armes étaient soit dans l'armée ou dans les bois.

  8   S'agissant du terrain de sport, on a dit aux retraités d'aller sur le

  9   terrain pour que l'on ait l'impression qu'il y a des gens qui assurent la

 10   sécurité. Aux chauffeurs, on a donné l'ordre de mettre les autocars en

 11   marche pour que le bruit du moteur empêche que l'on ne crie, que l'on ne

 12   communique à voix forte en criant entre eux.

 13   Ces autocars ont passé la nuit à Bratunac, et pendant la nuit et jusqu'au

 14   matin, en fait entre la nuit et le matin, les autocars ont quitté Bratunac,

 15   et je ne sais pas où ils sont allés.

 16   Q.  Est-ce que vous savez si à un moment donné, au cours de cette soirée ou

 17   le lendemain matin, certaines de ces personnes avaient été amenées à une

 18   école qui était située au bâtiment municipal ?

 19   R.  Nous voyions qu'à Bratunac il y avait beaucoup d'autocars dans la

 20   ville, et que dans la ville j'ai rencontré MD, pas le MD qui était avec moi

 21   dans le bureau, mais le premier MD; vous savez de qui je parle. Je lui ai

 22   dit : "Voyons, qu'est-ce qui se passe ? D'où viennent tous ces autobus ?"

 23   Il a répondu : "C'est RD de M qui nous a arrangé tout ceci."

 24   Q.  Bien. Nous pouvons peut-être passé à huis clos partiel pour cela.

 25   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, passons en audience à huis clos

 26   partiel, je vous prie.

 27   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

 28   M. VANDERPUYE : [interprétation]


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  1   Q.  Pourriez-vous, je vous prie, nous dire les noms des personnes, car nous

  2   sommes à huis clos partiel maintenant, pour que ce soit plus clair.

  3   R.  Il a dit voilà, textuellement : "C'est Rajko Dzukic de Milici qui nous

  4   a arrangé comme cela." Il a injurié. J'ai dit : "Miroslav, s'il te plaît,

  5   essaie de parler avec des personnes que tu connais grâce à tes contacts, à

  6   des personnes qui sont haut placées." Car lui, il avait des contacts avec

  7   les dirigeants politiques, et moi, je n'en avais pas. Donc, je lui ai dit

  8   d'essayer de voir ce qui se passe et d'empêcher ceci, que ce genre de chose

  9   ne nous arrive. Je lui ai dit que nous n'avions pas vraiment besoin de ce

 10   genre de problème et cela s'est terminé comme cela entre nous deux. Il a

 11   promis qu'il verrait, qu'il essayerait de voir ce qui se passe.

 12   Q.  D'accord. Vous nous avez dit que MD était la personne à qui vous

 13   parliez, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Pour que le compte rendu d'audience soit tout à fait clair, pourriez-

 16   vous nous donner le nom de cette personne. Maintenant, nous sommes à huis

 17   clos partiel. Vous pouvez le faire.

 18   R.  C'était Miroslav Deronjic.

 19   Q.  D'accord.

 20   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je crois que nous pouvons maintenant

 21   retourner en audience publique.

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] D'accord. Retournons en audience

 23   publique.

 24   [Audience publique]

 25   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 26   Q.  En fait, --

 27   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

 28   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.


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  1   Q.  Monsieur, je crois que je vous ai déjà demandé si vous saviez que l'on

  2   allait transférer certaines personnes qui se trouvaient dans les autocars à

  3   l'école. Est-ce que c'est quelque chose qui est arrivé à un certain moment

  4   donné ?

  5   R.  Je ne sais pas si c'est arrivé ce soir-là, mais le lendemain j'ai su

  6   que tôt le matin on avait emmené des détenus à l'école.

  7   Q.  D'accord. Je crois que vous nous avez dit qu'il y avait des autocars

  8   tout près du terrain de sport. Est-ce que vous savez s'il y avait des

  9   Musulmans, si les Musulmans qui se trouvaient à l'extérieur du terrain de

 10   sport, cela implique que les Musulmans étaient à l'extérieur du terrain de

 11   sport, ou bien est-ce qu'ils étaient tous à bord des autocars ?

 12   R.  Ils étaient tous à l'intérieur des autocars. Personne ne m'a dit que

 13   ces derniers étaient sortis. A moins que quelqu'un ne soit perdu, car vous

 14   savez Potocari se trouve tout près de là. Il y avait 10 000 personnes, mais

 15   plus tard nous avons su qu'il y avait des gens qui s'étaient égarés et qui

 16   étaient venus à pied à Bratunac depuis Potocari, et qu'en tant que tel, des

 17   personnes égarées et elles étaient amenées à l'école.

 18   Pour moi, l'école ne représentait pas une prison. Pour moi, c'était

 19   une sorte de centre de rassemblement à l'époque car cette école était

 20   détruite en 1992. Elle avait subi beaucoup de dégâts. Les fenêtres avaient

 21   été cassées. Il est vrai que cette école avait des murs et un toit, mais

 22   toutes les fenêtres avaient été soufflées en 1992, brisées. Donc, cette

 23   école ne servait pas d'école. Elle n'était plus fonctionnelle en tant

 24   qu'école, parce qu'à Bratunac il y avait, en fait, une autre école et c'est

 25   là qu'on donnait des cours.

 26   Q.  Oui. Passons à la date du 13 juillet. Est-ce que pendant cette journée-

 27   là vous êtes allé voir DT. Je crois qu'on a parlé de cette personne comme

 28   étant la personne portant les initiales DT.


Page 9219

  1   R.  Oui, dans la matinée, je suis allé avoir DT.

  2   Q.  Est-ce qu'il vous a donné des informations concernant l'ancien chef de

  3   police de Bratunac ?

  4   R.  DT est un bon collaborateur. C'était quelqu'un avec qui je m'entendais

  5   très bien, et c'est un ami d'enfance. Nous nous voyions très souvent.

  6   Dans la matinée j'étais allé le voir avec l'intention de prendre un

  7   café avec lui, de le saluer. Je voulais avoir des informations sur les

  8   opérations de guerre. Lorsque je suis arrivé chez lui, il m'a dit : "Tu

  9   sais qui a été enfermé ou détenu ?" Est-ce que je peux donner son nom, si

 10   vous voulez ? Voulez-vous que je vous donne son nom ? C'est Resic Imanovic.

 11   Resic Imanovic, c'est une personne qui, entre 1980 et 1984, était le chef

 12   de police de Bratunac. Au cours de cette même période ou pendant cette même

 13   période, j'étais son adjoint. Nous travaillions ensemble au poste de

 14   police.

 15   Cette personne, outre le fait que nous avions travaillé ensemble,

 16   nous étions de bons amis, nous étions de vrais amis, devenus proches. Nos

 17   familles se visitaient et nous étions devenus de bons copains et nous

 18   passions beaucoup de temps ensemble à aller à la pêche, dans les

 19   restaurants, dans les cafés.

 20   J'ai voulu le voir. J'ai voulu voir Resid, et on m'a dit qu'il était

 21   chez ZC.

 22   Q.  Je vais vous arrêter ici pendant quelques instants.

 23   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Avant de poursuivre, vous lui avez posé

 24   des questions concernant l'école. Il vous a donné des réponses pour ce qui

 25   est de cette même école, mais la seule indication qu'il ait donnée quant à

 26   l'école qu'il avait évoquée se trouve à la page 25, ligne 20. Il a parlé,

 27   "d'une école qui se trouvait auprès du bâtiment municipal." Plus tard, il a

 28   parlé d'une autre école sans en donner le nom. Il nous faudrait


Page 9220

  1   certainement préciser le point. Il faudrait préciser le nom de l'école.

  2   Est-ce que le témoin pourrait nous donner les noms des deux écoles et cela

  3   nous aiderait énormément.

  4   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   Q.  Est-ce que vous avez compris et entendu le commentaire du Président ?

  6   M. LAZAREVIC : [interprétation] Monsieur le Président --

  7   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Lazarevic.

  8   M. LAZAREVIC : [interprétation] Je suis vraiment désolé d'interrompre, mais

  9   il nous faudrait peut-être expurgé un passage. Je souhaiterais attirer

 10   votre attention sur la page --

 11   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je crois que vous faites référence à la

 12   page 28, ligne 20.

 13   M. LAZAREVIC : [interprétation] Oui. De 20 à 24.

 14   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je crois que l'ensemble de son

 15   témoignage pourrait tomber dans cette catégorie, si vous voulez. Lorsque

 16   vous avez fait référence à cette personne du nom de Resid, vous dites que

 17   vous étiez proche et ceci pourrait vous identifier, n'est-ce pas ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est vrai.

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que vous aimeriez que l'on

 20   expurge cela ou pas ? En fin de compte, la conclusion à laquelle je vais

 21   arriver c'est que la seule raison pour laquelle nous vous avons octroyé des

 22   mesures de protection c'est pour protéger votre identité des personnes qui

 23   pourraient vous identifier, pour ne pas révéler l'identité du témoin. C'est

 24   la seule raison. Mais tous les renseignements que nous avons reçus en

 25   audience publique hier et aujourd'hui nous mènent vers une situation dans

 26   laquelle on pourrait

 27   très bien révéler l'identité du témoin.

 28   Est-ce que vous aimeriez que l'on expurge ce passage-là ?


Page 9221

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Tout le monde sait que je l'avais

  2   rencontré.

  3   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Poursuivez, je vous prie. Merci, Maître

  4   Lazarevic, d'avoir attiré notre attention sur ces lignes.

  5   M. VANDERPUYE : [interprétation]

  6   Q.  D'abord, je voudrais parler de l'école. Le Président n'avait pas très

  7   bien saisi le nom de l'école. Alors est-ce que vous pourriez, Monsieur le

  8   Témoin, nous donner le nom de l'école.

  9   R.  Pour qu'il n'y ait pas de confusion, l'école qui se trouve à côté de la

 10   municipalité s'appelait avant la guerre Vuk Karadzic. Pendant la guerre,

 11   cependant, son nom a été changé, et le nouveau nom était Branko Radicevic,

 12   alors que l'autre école élémentaire s'appelait maintenant Vuk Karadzic,

 13   alors qu'avant la guerre, elle s'appelait Hasan Midhat.

 14   L'école à côté de la municipalité dans laquelle des détenus avaient été

 15   amenés à ce moment-là s'appelait Branko Radicevic. Je ne sais pas si c'est

 16   clair ?

 17   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, oui, très bien. Merci beaucoup.

 18   M. VANDERPUYE : [interprétation] Pourrait-on passer à huis clos partiel, je

 19   vous prie, pour quelques instants ?

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien, passons à huis clos partiel.

 21   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, nous sommes à huis clos partiel.

 23   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 24   Q.  Je crois que vous avez fait référence à quelqu'un un peu plus tôt qui

 25   portait les initiales "ZS" [comme interprété]. Pourriez-vous nous donner le

 26   nom de cette personne ?

 27   R.  Oui, ZC, accent diacritique, c'est Zlatan Celanovic. Ce n'est pas un C

 28   en B/C/S, mais C-h.


Page 9222

  1   L'INTERPRÈTE : Donc, C avec un accent diacritique, un accent circonflexe à

  2   l'envers.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Zlatan Celanovic travaillait en tant

  4   qu'enquêteur. Il était juriste diplômé, mais il avait travaillé comme

  5   enquêteur. C'était lui qui menait les interrogatoires au poste de police.

  6   Q.  Est-ce que vous avez eu l'occasion de le rencontrer, de lui parler, de

  7   parler à Celanovic ?

  8   R.  J'ai appelé Dragan Trsic, mais DT n'a pas voulu lui parler. Il m'a dit

  9   : Je ne veux pas. J'ai dit : Je voudrais le voir. Parce que vous savez,

 10   nous étions copains, collaborateurs, amis, et il m'a dit : Appelle Zenica,

 11   puis tu lui poseras la question, prends le téléphone et appelle-le. J'ai

 12   composé le numéro, j'ai eu ZC, accent diacritique, et je lui ai dit : Est-

 13   ce que Resid est chez toi ? Il a dit : Oui. J'ai dit : Est-ce que je peux

 14   le voir ? Il m'a dit : Oui. J'ai dit : Quand ? Il m'a dit : Tout de suite,

 15   si tu veux. Alors, j'ai dit : J'arrive tout de suite.

 16   Le bâtiment de la police militaire se trouvait de 30 à

 17   40 mètres de l'endroit où j'étais avec DT, tout près du commandement. Très

 18   rapidement, j'ai parcouru ce chemin, je suis allé voir ZC, accent

 19   diacritique, à son bureau. Il était seul. Il s'est absenté pendant quelques

 20   minutes, un instant, une minute ou deux, et il a amené Resid dans son

 21   bureau.

 22   Q.  Très bien.

 23   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel. Je ne

 24   sais pas si vous voulez retourner en audience publique ?

 25   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, mais pour le compte rendu d'audience,

 26   je voulais seulement préciser ce que j'ai dit à page 31, ligne 19. J'ai

 27   fait une référence à M. Sinanovic, et non pas Celanovic, donc il faudrait

 28   apporter cette correction au compte rendu d'audience.


Page 9223

  1   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, mais de toute façon, le compte

  2   rendu d'audience sera corrigé et complété après la session.

  3   M. VANDERPUYE : [interprétation] Sinanovic, S-i-n-a-n-o-v-i-c.

  4   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Il m'a semblé vous avoir entendu

  5   prononcer ce nom, effectivement.

  6   Aimeriez-vous que l'on demeure à huis clos partiel ou aimeriez-vous

  7   passer en audience publique ?

  8   M. VANDERPUYE : [interprétation] En audience publique, s'il vous plaît.

  9   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien.

 10   [Audience publique]

 11   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Q.  Est-ce que vous avez eu l'occasion de parler à Resid ?

 13   R.  Oui. Lorsque Resid est entré dans le bureau, selon son expression, j'ai

 14   conclu que Zlatan ne lui avait pas dit qu'il l'avait amené me voir, donc

 15   lorsqu'il est entré dans le bureau, il était très surpris de me voir. Je me

 16   suis levé, je me suis approché de lui, je lui ai tendu la main. Nous nous

 17   sommes salués, et pendant environ une dizaine de secondes, il a gardé ma

 18   main dans la sienne. Ensuite, il m'a approché vers lui et nous nous sommes

 19   embrassés. Nous nous sommes assis autour d'une table qui se trouvait dans

 20   le bureau. Zlatan est sorti du bureau, il nous a laissés seuls. Nous avons

 21   passé à peu près une heure ensemble, peut-être plus. Nous avons parlé.

 22   Q.  Est-ce que vous avez reçu des renseignements quant à ce qui allait lui

 23   arriver ?

 24   R.  Je me sentais très mal à l'aise, parce que je savais que je ne pouvais

 25   pas lui venir en aide. Je n'étais pas assez puissant pour le faire sortir

 26   de là. Je ne pouvais pas lui dire : "Tu peux sortir, sors." C'est ce que je

 27   voulais lui dire. "Resid, ce qui se passe, c'est une opération militaire."

 28   J'ai voulu lui faire comprendre cela. "Je travaille dans la municipalité."


Page 9224

  1   Il a dit : "Je sais, je sais tout. J'ai entendu à la radio." Parce que là-

  2   haut, à Srebrenica, ils étaient en mesure d'écouter les conversations qui

  3   se faisaient par voie de radio. Il a dit : "Je sais que tu as été nommé à

  4   ce poste. Je te remercie d'être venu me voir en tant qu'homme et ami."

  5   J'ai dit : "Resid, est-ce que tu as subi des mauvais traitements ? Est-ce

  6   que tu as faim ?" Il m'a dit : "Non, personne ne m'a maltraité, et je n'ai

  7   pas faim." Nous avons poursuivi notre conversation.

  8   Je lui ai dit que cela irait bien, j'ai voulu l'encourager. Nous nous

  9   sommes parlé pendant une heure à peu près. J'ai dit : "Il n'y a pas de

 10   problème. Tu feras l'objet d'un échange." Car c'est ce que DT m'avait dit,

 11   mais c'est ce que nous pensions de toute façon nous tous. J'ai dit : "Tu

 12   feras l'objet d'un échange, il n'y aura pas de problèmes particuliers, tu

 13   verras".

 14   J'ai essayé de venir en aide à Resid en 1992. Je me souviens très bien des

 15   dates également. Etant donné que le tout s'était déroulé à la veille de la

 16   fête du 6 mai, le jour de la Saint-Georges, qui est ma fête de famille, je

 17   me souviens très bien de cette date. Le 5 mai, dans la soirée, Resid m'a

 18   appelé à la maison par voie téléphonique et il m'a demandé de venir le voir

 19   dans son appartement. C'est ce que j'ai fait.

 20   Dans l'appartement, j'ai vu sa femme, ses deux fils et lui. Je l'ai salué,

 21   et il m'a dit : "Tu sais pourquoi je t'ai appelé ? Je t'ai appelé," me dit-

 22   il, "parce qu'à Bratunac, la situation ne semble pas être très bonne. Je

 23   voudrais partir à Skopje, chez mon frère Iza," qui était capitaine dans la

 24   JNA, "jusqu'à ce que la situation ne se calme et je vais revenir après." Il

 25   m'a dit ensuite : "Je te prierais de demander à MD un laissez-passer qui me

 26   permettrait de partir de Bratunac." Etant donné que MD était un voisin -

 27   vous savez, nos maisons se trouvaient vraiment côte à côte - et étant donné

 28   que nous étions de bons amis, j'ai dit à Resid que j'étais persuadé qu'il


Page 9225

  1   n'y aurait pas de problème, même si à l'époque je n'étais pas un membre du

  2   SDS. C'est-à-dire je faisais partie du SDP, j'étais un ancien communiste,

  3   si vous voulez.

  4   Je n'étais pas dans le même parti que MD, mais nous étions de bons amis, de

  5   bons voisins. Je suis allé le voir. Je n'ai pas pu trouver MD tout de

  6   suite. Je ne l'ai trouvé que vers 21 heures. Il était en réunion, et on lui

  7   a dit que j'avais besoin de le voir.

  8   Q.  Permettez-moi de vous demander ceci : est-ce que cela fait partie de la

  9   conversation que vous avez eue avec lui le

 10   13 juillet 1995 ?

 11   R.  Oui, parce que j'ai demandé à Resid : "Pourquoi n'es-tu pas parti,

 12   puisque j'ai réussi à t'obtenir des laissez-passer ? Pourquoi n'es-tu pas

 13   allé à Skopje ?" Parce que s'il avait quitté la ville à ce moment-là, il ne

 14   se serait pas trouvé là, à Srebrenica, parce que dans la matinée du 6, je

 15   lui ai donné les laissez-passer, MD m'avait donné des laissez-passer. Il

 16   n'est pas parti le 6, il est parti le 7. Il a dit que sa voiture n'était

 17   pas très bonne. Il avait une petite voiture de marque Fiat. Il a dit : Ma

 18   voiture n'est pas suffisamment bonne. Je vais aller d'abord dans un village

 19   qui se trouve tout près de là, et le 7 dans la matinée, je partirai pour

 20   Skopje afin de conduire pendant la journée.

 21   Malheureusement, sur le pont de la Drina, il a traversé le pont, il s'est

 22   retrouvé en Serbie et il s'est retrouvé à Ljubovija, qui se trouve à 3

 23   kilomètres du pont sur la Drina. A côté de l'hôtel, la police l'avait

 24   arrêté, la police de Ljubovija, la police serbe l'a arrêté et ils l'ont

 25   retourné à Bratunac.

 26   Q.  D'accord. Merci.

 27   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] L'heure est propice pour prendre la

 28   pause, n'est-ce pas ?


Page 9226

  1   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Nous prendrons maintenant notre

  3   pause matinale et nous reviendrons dans une vingtaine de minutes.

  4   --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

  5   --- L'audience est reprise à 10 heures 59.

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je pense que nous pouvons reprendre,

  7   Monsieur Vanderpuye.

  8   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  9   Q.  Monsieur le Témoin, après votre départ, lorsque vous avez quitté ZC, C-

 10   h, est-ce que vous êtes retourné à Bratunac ?

 11   R.  Après l'avoir vu ? Oui, je suis brièvement retourné auprès de DT. Nous

 12   avons échangé quelques propos, puis en 10 ou 15 minutes je suis retourné à

 13   mon bureau.

 14   Q.  Maintenant, après que vous soyez retourné à Bratunac, est-ce qu'à un

 15   moment quelconque vous êtes allé à une école en ce concerne Resid

 16   Sinanovic ?

 17   R.  Oui. J'ai demandé à ZC combien de temps Resid resterait là, et il a dit

 18   : "Dans l'après-midi il faudra que je le transfère à l'école élémentaire

 19   Branko Radicevic." Il a dit que notre police était là-bas, c'est cela qu'il

 20   a dit. Je vais dire aux policiers de prendre un soin particulier de Resid

 21   de façon à ce que personne ne le maltraite.

 22   Ayant entendu que c'étaient nos policiers qui assuraient la sécurité

 23   de cette école là-bas, j'ai moi-même emprunté cette rue près de l'école,

 24   parce que c'est la même voie soit de prendre cette rue ou la route

 25   principale vers le bâtiment municipal. Et de vue, j'ai vu qu'il y avait un

 26   policier devant l'école, policier que je connaissais, et je lui ai dit :

 27   S'ils emmènent Resid ici, prends-en bien soin, notamment s'il a besoin

 28   d'eau, et ainsi de suite, et veille à ce que personne ne lui fasse du mal.


Page 9227

  1   C'est la seule fois que je suis allé à l'école ou je suis passé près de

  2   l'école. En fait, cette école se trouve à près de 100 mètres du bâtiment

  3   municipal.

  4   Q.  Si vous pouvez, pourriez-vous simplement nous décrire cette école et

  5   les bâtiments les plus proches ?

  6   R.  C'est un bâtiment de trois étages, cette école. J'y ai été professeur,

  7   moi-même j'y ai enseigné, et je sais que l'école a

  8   16 salles de classe. C'est une grande école. Elle a également un gymnase ou

  9   une salle de gymnastique. Près de l'école, comme je l'ai dit, se trouve le

 10   bâtiment municipal qui se trouve de 50 à 75 mètres de là. Il y a aussi

 11   l'ancienne école secondaire. Le centre de l'école secondaire, c'est un

 12   vieux bâtiment. C'est l'ancien bâtiment de l'école du bâtiment. Il y avait

 13   là aussi un hangar qui avait été pillé et qui était utilisé comme atelier

 14   par le centre d'école secondaire avant la guerre. Voilà une brève

 15   description de l'école.

 16   Q.  Bien. Je vous remercie. Maintenant, je veux appeler votre attention à

 17   la date du 14 juillet 1995, si vous le voulez bien. Est-ce que vous

 18   travailliez ce jour-là ?

 19   R.  Oui. De 7 heures du matin, peut-être un peu avant 7 heures, mais les

 20   heures de travail, en fait, c'était de 7 heures du matin, l'heure à

 21   laquelle j'arrivais d'habitude au travail. Donc le 14, je suis arrivé à mon

 22   bureau à cette heure-là.

 23   Q.  Quand vous étiez à votre bureau, est-ce que quelqu'un est venu vous

 24   voir ?

 25   R.  Oui. C'était peut-être vers 7 heures ou un peu après

 26   7 heures, deux personnes sont venues à mon bureau.

 27   M. VANDERPUYE : [interprétation] Pourrions-nous aller à huis clos partiel

 28   un instant, s'il vous plaît.


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  1   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, huis clos partiel, s'il vous

  2   plaît.

  3   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

  4   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous y sommes maintenant.

  5   M. VANDERPUYE : [interprétation]

  6   Q.  Pourriez-vous nous dire les noms ou le nom des personnes ou de la

  7   personne qui est venue vous voir ?

  8   R.  Une de ces personnes était Jovan Nikolic, et l'autre personne était

  9   Dragan Nikolic. Jovan Nikolic était directeur de la coopérative, et Dragan

 10   Nikolic était également un des directeurs de la coopérative. Comment vous

 11   expliquer cela ? L'organisation dans la région de la municipalité de

 12   Bratunac, il y avait plusieurs coopératives. Elles étaient associées ou

 13   unies dans une organisation qui s'appelait le complexe. La coopérative ou

 14   le complexe de coopérative ou l'organisation de coopératives. Cette

 15   coopérative de Kravica faisait partie de cette organisation du complexe des

 16   coopératives.

 17   Je ne peux être absolument sûr, mais à ce moment-là il y a eu comme une

 18   scission, une dissociation, et cette association s'est dissoute. Donc, je

 19   ne peux pas être absolument sûr que c'était Jole ou Dragan Nikolic qui

 20   était le directeur de la coopérative de Bratunac. C'était sur le point que

 21   Dragan Nikolic allait quitter comme directeur, et Jovan Nikolic allait être

 22   nommé, désigné. C'était à la charnière. Nous étions là en train de parler

 23   de ce qui s'était passé l'après-midi de la veille, ce qui s'était passé

 24   dans l'après-midi à la coopérative de Kravica.

 25   Q.  Bien.

 26   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je pense qu'on peut retourner en audience

 27   publique.

 28   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Retournons en audience publique.


Page 9229

  1   Nous sommes en audience publique.

  2   [Audience publique]

  3   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  4   Q.  Vous avez dit que vous aviez eu une conversation avec ces personnes qui

  5   sont venues vous voir au sujet de Kravica. Pouvez-vous nous dire ce qu'ils

  6   vous ont dit ?

  7   R.  Ils m'ont dit que la veille, dans l'après-midi, il y avait eu des

  8   meurtres de Musulmans, des Musulmans qui ont été tués à la coopérative.

  9   Jusque-là, je n'avais pas entendu parler de cela. La première fois que j'en

 10   ai entendu parler, c'est par eux. Cela m'a surpris, cela m'a beaucoup

 11   surpris. J'étais désemparé, j'étais stupéfait. Je ne pouvais pas le croire.

 12   Je ne pouvais pas croire que quelque chose comme cela s'était passé. Tout

 13   particulièrement parce que j'avais été présent à la réunion à l'hôtel

 14   Fontana où il avait été convenu qu'il y aurait une évacuation, et qu'elle

 15   serait faite de façon régulière, correcte. Puis soudain ceci a lieu.

 16   Cela a eu pour moi un effet dévastateur, de choc. Je ne pouvais pas le

 17   croire. Malheureusement, c'était vrai. Cela a effectivement eu lieu.

 18   Q.  A un moment donné après cette conversation avec ces personnes, avez-

 19   vous reçu un appel pour vous dire de vous rendre au bureau du SDS ?

 20   R.  Ma conversation avec ces deux personnes était une simple conversation.

 21   J'ai eu les renseignements, mais je ne sais pas pourquoi ils sont venus me

 22   trouver pour me dire cela. Je suppose que c'était parce qu'ils savaient -

 23   enfin ils sont venus me voir. Ils venaient fréquemment me voir, et ils ont

 24   probablement éprouvé le besoin de le dire à quelqu'un, d'en parler avec

 25   quelqu'un. Peut-être après deux heures après cette conversation avec ces

 26   personnes ils m'en ont parlé, ils sont restés auprès de moi pendant environ

 27   une heure à peu près. Je ne peux pas être absolument sûr.

 28   Quelques temps après cela, vers 9 heures 30 ou aux environs de 9 heures 30,


Page 9230

  1   la secrétaire du Parti démocratique serbe m'a appelé. Elle m'a demandé si

  2   elle pouvait venir au bureau. Elle m'a demandé si je pouvais me rendre à ce

  3   bureau, parce qu'il y avait une personne, un homme qui m'attendait pour me

  4   voir là. J'ai dit que j'irai là-bas et c'est que j'ai fait.

  5   Q.  Pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé lorsque vous êtes rendu à ce

  6   bureau ? Pour commencer, est-ce que vous avez rencontré l'homme en

  7   question ?

  8   R.  Oui. Je suis allé à ce bureau. Lorsque j'y suis entré, j'ai vu la

  9   secrétaire qui était là ainsi qu'un homme. La secrétaire était assise à son

 10   bureau et l'homme était assis à la petite table où on sert le café, la

 11   table basse. Lorsque je suis entré, cette personne s'est mise à me parler.

 12   On a serré la main. Je ne connaissais pas cette personne, c'était la

 13   première fois que je le voyais. Il s'est présenté et il m'a dit de prendre

 14   un siège.

 15   Q.  [aucune interprétation]

 16   R.  Son nom était Beara. Dès que j'ai vu le "colonel Beara" en uniforme. Je

 17   me suis trouvé là avec lui pendant environ dix minutes tout au plus.

 18   C'était une conversation non formelle : "Comment allez-vous, que se passe-

 19   t-il ? Comment vont les choses à Bratunac ? Comment est-ce que cela va pour

 20   le travail ?" Et ainsi de suite. Comme j'ai dit, c'était une conversation

 21   qui n'avait rien d'officiel, d'après ce que je me rappelle.

 22   Les bureaux pour le SDS, il y avait, en fait, deux bureaux. Le

 23   premier c'était celui où était la secrétaire, puis il y avait celui où se

 24   trouvait le colonel, puis dans l'entrée à l'autre bureau il y avait une

 25   porte capitonnée couverte de cuir. Et il y avait l'endroit où seul le

 26   président se trouvait. Le colonel m'a dit : "Est-ce que vous voulez venir

 27   dans cet autre bureau ? Il y a d'autres personnes qui voudraient

 28   s'entretenir avec vous."


Page 9231

  1   Il ne m'a pas dit qui étaient ces personnes ou de quoi elles

  2   voulaient me parler. Je me suis levé. J'ai ouvert la porte. Je suis entré

  3   dans ce bureau. Et là, j'ai vu deux officiers que je ne connaissais pas,

  4   qui étaient en uniforme. Je crois que l'un d'entre eux était un colonel et

  5   l'autre était un lieutenant-colonel.

  6   Q.  Pourriez-vous nous dire si ces personnes étaient des membres de

  7   la Brigade de Bratunac ?

  8   R.  Non, ils n'étaient pas certainement des membres. Parce que je

  9   connaissais tous les membres de la Brigade de Bratunac, et ces personnes-

 10   ci, je les voyais pour la première fois. Si je les voyais maintenant, je ne

 11   les reconnaîtrais pas. Parce que je ne les avais jamais vus précédemment.

 12   Ils ne sont pas présentés. Ils n'ont pas dit leurs noms et ils

 13   n'appartenaient pas à la Brigade de Bratunac. De cela, je suis sûr à 100 %,

 14   parce que je connaissais les gens de la brigade.

 15   Q.  Avez-vous jamais demandé au colonel qui étaient ces personnes ou qui

 16   ils pouvaient bien être ?

 17   R.  Le colonel Beara ?

 18   Q.  [chevauchement des voix]

 19   R.  Je n'ai jamais rencontré à nouveau le colonel, pas quand je suis parti.

 20   Non, je ne lui ai pas demandé qui étaient ces personnes. Après avoir achevé

 21   la conversation avec ces personnes j'ai quitté le SDS, j'ai dit au revoir

 22   au colonel. Je n'ai pas fait de commentaire sur quoi que ce soit avec lui.

 23   Nous n'avons pas vraiment parlé de ce qui s'était passé à l'intérieur avec

 24   ces autres hommes.

 25   Q.  Bien. Pourriez-vous nous dire ce dont il avait été question ? Qu'est-ce

 26   que cela a été cette conversation que vous avez eue avec ces autres

 27   hommes ?

 28   R.  Très rapidement, ces personnes sont passées à la question du motif pour


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  1   lequel on m'avait demandé de venir les voir. Ils m'ont demandé : "Qu'est-ce

  2   que les sociétés ou compagnies dans votre municipalité ont comme matériel

  3   de construction ou comme engin de terrassement ?" J'ai dit qu'une fabrique

  4   de briques avait une construction, un appareil de construction appelé un

  5   ULT, et la société des services avait une machine plus petite appelée un

  6   SKIP.

  7   Q.  Pourriez-vous décrire ce que sont ces machines de façon à ce que nous

  8   ayons bien clairement au compte rendu de quoi vous parlez ?

  9   R.  L'engin ULT est un engin de construction. Je ne suis pas expert en

 10   matière de bâtiments de construction, mais je peux le décrire de mon mieux.

 11   Il comporte un très grand godet. C'est comme un seau. C'est une grosse

 12   machine. Je pense qu'elle est utilisée pour des chargements, pour charger.

 13   Je ne sais pas. Je sais qu'on l'utilise pour faire des chargements. Il a

 14   donc un très grand godet, comme un seau, qui est peut-être de la taille de

 15   cette table de bureau ou peut-être un peu plus petite.

 16   La machine SKIP appartenait à la société des services et était

 17   utilisée pour creuser. C'était une petite machine pour creuser.

 18   Q.  Est-ce que vous avez fait quoi que ce soit en ce qui concerne le

 19   fait de faire venir ces engins ou les fournir à ces personnes, leur

 20   permettre d'avoir accès à ces machines ?

 21   R.  On a demandé s'il serait possible, s'il me serait possible de mettre la

 22   machine ULT à leur disposition, et j'ai dit, Je pense que oui, et que je

 23   téléphonerais au directeur de la fabrique de briques sont le nom était NN.

 24   Q.  Bien.

 25   M. VANDERPUYE : [interprétation] Pourrions-nous aller un instant en

 26   audience à huis clos partiel.

 27   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Allons en audience à huis clos partiel.

 28   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]


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  1   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous y sommes.

  2   M. VANDERPUYE : [interprétation] Bien.

  3   Q.  Pourriez-vous nous dire le nom de la personne ?

  4   R.  Nedzo Nikolic, le directeur de la fabrique de briques.

  5   Q.  Pendant que nous sommes en audience à huis clos partiel, est-ce que

  6   vous avez appelé quelqu'un d'autre ?

  7   R.  Non. Je n'ai appelé que lui.

  8   Q.  Bien. Pendant cette réunion que vous avez eue avec ces deux autres

  9   hommes, un colonel et un lieutenant-colonel, est-ce que le colonel Beara

 10   était dans la pièce avec vous ?

 11   R.  Non, le colonel est resté --

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce nécessaire de rester à huis clos

 13   partiel ?

 14   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, excusez-moi nous pouvons retourner en

 15   audience publique.

 16   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Retournons en audience publique. Je

 17   vous remercie.

 18   [Audience publique]

 19   M. VANDERPUYE : [interprétation] Excusez-moi.

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pouvez-vous répéter votre question,

 21   s'il vous plaît.

 22   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, certainement.

 23   Q.  Au cours de votre réunion avec ces deux autres hommes, le colonel et le

 24   lieutenant-colonel, est-ce que le colonel Beara était dans la pièce avec

 25   vous ?

 26   R.  Non, le colonel Beara est resté dans le premier bureau où se tenait la

 27   secrétaire. C'est là que je l'ai trouvé lorsque je suis entré. Il n'est pas

 28   entré dans l'autre bureau où je me suis trouvé avec les deux autres hommes.


Page 9234

  1   Q.  Est-ce qu'à un moment quelconque vous avez discuté de l'objet de cette

  2   réunion avec le colonel Beara ?

  3   R.  Non. Le colonel ne m'a pas dit lorsque j'étais venu, pourquoi j'avais

  4   été convoqué. Quand je suis sorti de la pièce, il ne m'a pas posé de

  5   question, il ne m'a pas demandé si j'avais donné mon accord pour quelque

  6   chose ou fait un accord. Comme on dit, nous n'avons pas parlé de questions

  7   de travail, de questions professionnelles, si je peux dire, quelque chose

  8   comme cela. On n'a pas parlé des motifs pour lesquels j'avais été convoqué.

  9   Peut-être serait-il intéressant de dire également ceci : lorsque ces

 10   personnes m'ont parlé des machines, en me disant qu'ils en avaient de

 11   besoin, j'avais une idée de la raison pour laquelle ils avaient besoin de

 12   ces engins. La réunion précédente que j'avais avec ces deux, JN et ND,

 13   m'avait donné en quelque sorte une piste des raisons pour lesquelles on

 14   avait besoin de ces engins. C'est pour cela qu'ils auraient eu besoin de

 15   ces engins, pour ce type de travail.

 16   Me rappelant 1992 et la personne qui avait fait fonctionner cette machine,

 17   cette personne est mon  --

 18   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Allez-y, excusez-nous pour

 21   l'interruption, mais il fallait qu'on discute de quelque chose avant que le

 22   témoin ne finisse de répondre à la question.

 23   Vous étiez en train de dire, Monsieur le Témoin, qu'il serait peut-être

 24   intéressant également de relever que lorsque ces personnes ont parlé des

 25   engins dont ils avaient besoin, vous aviez une idée du motif pour lequel

 26   ils en avaient besoin.

 27   A la réunion précédente que j'avais eue avec les deux autres JN et MD

 28   m'avait donné en quelque sorte une idée des motifs pour lesquels ils


Page 9235

  1   auraient besoin de ces engins. C'est pour cela qu'ils auraient besoin de

  2   ces machines pour ce genre de chose. Vous étiez sur le point d'expliquer

  3   lorsque je vous ai interrompu et vous pouvez répondre, s'il vous plaît.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que nous ne nous sommes pas bien

  5   compris. Dans ce contexte, il y a les deux autres que j'avais rencontrés en

  6   premier et qui n'ont rien à voir avec les deux autres, mais lorsqu'ils

  7   m'ont parlé de ce qui s'était passé, je me suis formé moi-même une sorte

  8   d'hypothèse des raisons pour lesquelles ils auraient besoin de ces engins.

  9   J'espère que c'est clair.

 10   J'ai commencé à parler de l'homme qui faisait fonctionner l'engin, que je

 11   connaissais. Je sais qu'en 1992, il avait eu une expérience désagréable

 12   alors qu'il se servait de cet engin, en train de faire un travail. J'avais

 13   une idée que cet engin était nécessaire pour cela. J'ai dit à ces gens :

 14   "Vous aurez la machine sans aucun doute, mais la personne qui l'a fait

 15   fonctionner n'est pas apte à faire ce genre de chose." A ce moment-là, un

 16   des deux hommes m'a dit de façon assez désagréable : "Ce n'est pas à vous

 17   de dire qui peut se servir de cet engin et qui ne peut pas." Et j'ai dit :

 18   "Je ne faisais qu'une remarque, cela ne vous oblige pas à quoi que ce

 19   soit."

 20   Ensuite je me suis retiré de ce bureau avec la promesse que cette machine

 21   serait mise à leur disposition.

 22   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 23   Q.  Maintenant, est-ce que vous avez parlé avec l'un ou  l'autre de ces

 24   hommes lors cette réunion de votre préoccupation de l'idée que vous aviez

 25   quant à l'usage auquel on pourrait employer ces engins ?

 26   R.  Quelles personnes ? Les gens qui étaient venus à 7 heures le matin ou

 27   ces officiers de l'armée ? Je ne sais pas qui vous vous voulez dire. Je ne

 28   sais pas de qui vous voulez parler.


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  1   Q.  Je veux parler des officiers que vous avez vus plus tard. Les deux que

  2   vous avez vus lors de la réunion qui a eue lieu plus tard.

  3   R.  Les officiers ne m'ont pas dit pourquoi ils auraient besoin de ces

  4   machines. C'est moi qui ai fait une hypothèse, qui ai deviné qu'ils en

  5   auraient probablement besoin pour cela ou pour peut-être une action

  6   relative à des combats ou peut-être pour creuser des tranchées ou quelque

  7   chose de ce genre. Etant donné ce qui s'était passé à Kravica, j'ai pensé

  8   dans mon for intérieur que c'était peut-être la raison pour laquelle ils en

  9   auraient de besoin. Ils n'ont pas dit pourquoi cette machine serait

 10   utilisée. On ne m'a pas dit que ce serait le cas. Ce n'était qu'une

 11   hypothèse de ma part. J'ai essayé de protéger l'homme qui s'évanouissait

 12   tout le temps en 1992, alors qu'il était en train de faire ce type de

 13   travail très dur avec cet engin. J'ai dit : Ne prêtez pas attention à cela,

 14   ce n'était qu'une hypothèse, cela n'engage personne à quoi que ce soit.

 15   Q.  Maintenant, la façon dont ces hommes vous ont parlé pour ce qui était

 16   de la façon d'obtenir ce matériel, est-ce que c'était une façon normale de

 17   procéder pour ce qui est des rapports entre les civils et les militaires ?

 18   R.  C'était comme cela. Dans l'affaire Blagojevic, il y a eu un débat à ce

 19   sujet : comment on peut obtenir un engin. Il y avait trois façons dont on

 20   pouvait se procurer ce type de matériel. Premièrement, on pouvait l'obtenir

 21   par le secrétariat de la Défense nationale en réquisitionnant l'engin. Le

 22   commandant de la Brigade de Bratunac pouvait directement adresser au

 23   conseil exécutif une demande. Le commandement pouvait également s'adresser

 24   au directeur de façon directe.

 25   Dans ce cas-ci, les personnes que je ne connaissais pas, ces

 26   officiers, nous ont demandé *en tant que président du conseil exécutif. Il

 27   n'y a pas eu de demande écrite juste une demande verbale. Je vous ai déjà

 28   dit où cela avait eu lieu et comment cela avait eu lieu et quelle était la


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  1   façon habituelle de le faire, puisque la Brigade de Bratunac communiquait

  2   ou DT, l'adjoint logistique, était celui qui faisait directement ce genre

  3   de choses avec nous. Je veux dire par là qu'il était habilité à le faire

  4   par le commandement, mais cette fois-ci c'est comme cela que cela s'est

  5   passé.

  6   Peut-être que c'était peut-être tout à fait hors de l'ordinaire.

  7   Peut-être que c'était la façon la plus inhabituelle de procéder, sinon les

  8   choses auraient été beaucoup plus régulières soit en passant par

  9   l'entremise de secrétariat, soit par la Brigade de Bratunac mais cette

 10   fois-ci ce n'est pas comme cela que cela s'est passé.

 11   Q.  Est-ce que cela vous frappe comme étant inhabituel ? Est-ce que vous

 12   vous êtes trouvé placé dans une situation de ce genre dans le passé ?

 13   R.  Vous savez, j'ai compris que c'était la guerre et que certaines choses

 14   probablement ne se déroulaient pas conformément aux règles ou aux lois. Je

 15   veux dire que peut-être il y a des cas où on n'a pas assez de temps pour

 16   faire certaines choses. Parfois, il est peut-être nécessaire de faire

 17   certaines choses de façon indirecte et peut-être pas conformément à la

 18   procédure et ainsi de suite.

 19   M. VANDERPUYE : [interprétation] Bien. Pouvons-nous aller en audience à

 20   huis clos partiel pour un moment.

 21   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Allons-y. Nous y sommes.

 22   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

 23   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vous remercie.

 24   Q.  Vous avez mentionné le fait que vous étiez préoccupé à l'idée que celui

 25   qui faisait fonctionner ce matériel ULT, vous le connaissiez, et je

 26   souhaiterais que pour le compte rendu on puisse donner son nom, cette

 27   personne dont vous avez parlé.

 28   R.  Jurkovic, mais je ne parviens pas à me rappeler son prénom. Je connais


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  1   cette personne Durkovic. Il est venu ici. Il a déposé dans l'affaire

  2   Blagojevic.

  3   Q.  Bien.

  4   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Non, ce n'est pas bien, en fait. Nous

  5   sommes en audience à huis clos partiel, mais il faut qu'on soit prudent,

  6   parce que je ne sais pas si la personne en question était un témoin protégé

  7   en l'affaire Blagojevic ou pas.

  8   Pour le moment, nous retournons en audience publique. Il faut que le témoin

  9   soit prudent.

 10   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Pouvons-nous

 11   retourner en audience publique ?

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien sûr. Retournons en audience

 13   publique.

 14   [Audience publique]

 15   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 16   Q.  Vous avez indiqué que cette personne, voire vous étiez préoccupé à son

 17   sujet, parce qu'il s'évanouissait continuellement dans le cadre d'une

 18   opération en 1992. Pourriez-vous tout simplement nous dire ce qu'il

 19   faisait ?

 20   R.  Peut-être que j'ai exagéré un peu en disant que j'étais préoccupé ou

 21   inquiet. Ce n'est pas que j'étais exagérément préoccupé. Je voulais

 22   simplement épargner cela à cet homme. Il creusait des fosses pour ensevelir

 23   des Musulmans qui avaient été tués en 1992.

 24   Q.  Est-ce que c'est l'idée qui vous est venue à l'esprit que ce matériel

 25   serait utilisé pour cela en 1995 ?

 26   R.  J'ai déjà dit cela. C'est ce que j'ai pensé quand j'ai entendu ce que

 27   disaient MJ et ND à 7 heures du matin. Cela était mon hypothèse. Je pensais

 28   continuellement dans mon for intérieur que cet engin pourrait être


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  1   nécessaire pour les tâches analogues, et c'est la raison pour laquelle je

  2   voulais protéger cette personne.

  3   Q.  Je vous remercie pour --

  4   R.  Personne ne m'a jamais dit pourquoi on avait besoin de cette machine.

  5   C'était simplement moi qui ai conclu cela.

  6   Q.  Je vous remercie beaucoup, Monsieur le Témoin. Je n'ai pas d'autres

  7   questions.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, si vous en restez

  9   là, je voudrais savoir ce qui s'est passé dans l'entrepôt de Kravica, bien

 10   que vous avez dit qu'il avait été choqué, que cela avait eu un effet

 11   dévastateur sur lui, qu'il était décontenancé. Il n'a pas vraiment décrit

 12   de façon détaillée ce qu'il avait entendu dire par ces deux hommes. Est-ce

 13   que vous pourriez aller aussi loin que possible pour avoir la description

 14   mot à mot de ce qu'ils ont dit au témoin, s'il vous plaît.

 15   M. VANDERPUYE : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

 16   Q.  Vous avez entendu la question qui intéresse ce Juge concernant les

 17   renseignements que vous aviez reçus à propos de Kravica. Pourriez-vous être

 18   un peu plus précis ou aussi précis que possible, dirais-je, en ce qui

 19   concerne des renseignements qui vous ont été donnés par ces deux hommes que

 20   vous avez vus à 7 heures du matin ?

 21   R.  Ils m'ont dit que le 13, dans l'après-midi, de façon brutale, il y

 22   avait environ une centaine de Musulmans qui ont été tués. Je ne me souviens

 23   pas du nombre exact, mais il me semble qu'ils avaient mentionné de 600 à

 24   800 hommes. J'ai essayé de m'imaginer le tout. Connaissant l'espace,

 25   j'étais particulièrement frappé par l'espace restreint.

 26   Et il m'a semblé improbable qu'un si grand nombre de personnes aient

 27   pu être tuées dans des pièces si petites de taille. On m'a dit qu'il y

 28   avait des cadavres empilés les uns sur les autres. Certaines ont parlé de


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  1   500 à 700 hommes. Plusieurs personnes ont mentionné plusieurs chiffres,

  2   mais je ne sais pas si c'était 500 hommes ou

  3   1 000 hommes, mais on mentionnait toujours cet ordre-là de grandeur, entre

  4   500 à 700, 800 hommes. On a dit que ces hommes avaient été tués en

  5   utilisant toutes sortes d'armes différentes, des grenades, des fusils, et

  6   cetera.

  7   On disait également que lorsqu'ils sont allés constater le tout, que ces

  8   deux hommes qui avaient raconté ces choses-là, ils ont dit qu'eux aussi ils

  9   ont eu des problèmes avec les hommes qui s'étaient adonnés à cette

 10   activité, des personnes qu'ils ne connaissaient pas. Ils ont eu une

 11   expérience désagréable. Ils n'arrivaient pas à dire, c'était Janko [phon]

 12   ou Marko [phon] qui a fait ceci ou cela, mais c'était des gens qu'ils ne

 13   connaissaient pas. Ils ont dit qu'à un certain moment donné, on a même

 14   pointé les armes sur eux et lorsqu'ils ont dit : Mais qu'est-ce que vous

 15   avez fait là ? Qu'est-ce que vous faites là ? Eux, ils ont dit que

 16   c'étaient des dirigeants de cette entreprise. Ils les ont injuriés et ils

 17   ont dit : Fuyez d'ici. Allez vous-en. Foutez le camp. Et on a même pointé

 18   les armes sur eux.

 19   Il y a également des paysans qui avaient des maisons non loin de là et ces

 20   personnes ont dit qu'il y a une vieille personne qui a été maltraitée tout

 21   près de là. C'était un vieillard qui était un peu sénile. On lui a fait

 22   subir des mauvais traitements aussi. Il y avait toutes sortes de personnes

 23   qui étaient dans les parages et qui étaient horrifiées par ce qui se

 24   passait. C'était une horreur. Je n'étais pas sur place. Je n'ai pas vu tout

 25   cela, mais d'après leurs dires, c'était quelque chose d'assez frappant,

 26   épouvantable, horrible.

 27   Q.  Est-ce qu'ils vous ont dit dans quel état se trouvait tout cet espace

 28   lorsqu'ils sont allés sur les lieux ?


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  1   R.  Je ne vois pas de quel espace vous parlez. Ce bâtiment se trouve le

  2   long de l'axe Bratunac-Kravica-Konjevic Polje. Le bâtiment se trouve

  3   environ à 10 kilomètres de la route. Il y a une clôture,

  4   10 mètres depuis la route goudronnée. C'est bien visible depuis la route.

  5   Q.  Je fais plutôt référence à l'état du bâtiment. Quel était l'état du

  6   bâtiment lorsqu'ils sont allés constater ces choses ? Est-ce que le

  7   bâtiment avait été nettoyé ? Est-ce qu'on était dans le processus de

  8   nettoyer ?

  9   R.  Non, rien n'avait été fait dans ce sens-là. Il est vrai qu'ils m'ont

 10   demandé qu'est-ce qu'on fait maintenant. J'ai dit : Nous sommes

 11   impuissants, nous ne faisons rien. C'est le travail de l'armée. Nous ne

 12   pouvons rien faire. Nous ne pouvons pas nous immiscer dans cela. Ce n'est

 13   pas notre travail non plus. Il ne faut pas nous ingérer dans leurs affaires

 14   et je leur ai dit que nous ne pouvions rien faire de particulier. Nous

 15   n'avons rien fait. Nous n'avons rien pu faire. Nous ne savions pas quoi

 16   faire de toute façon. 

 17   Q.  Je vous remercie, Monsieur le Témoin. Je n'ai plus de questions pour

 18   vous. 

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Monsieur Vanderpuye.

 20   Quel est le conseil qui posera les questions d'abord ?

 21   M. MRKIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. C'est moi qui

 22   vais commencer le contre-interrogatoire de ce témoin.

 23   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Nous vous écoutons.

 24   Contre-interrogatoire par M. Mrkic : 

 25   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 26   R.  Bonjour.

 27   Q.  Je suis quelque peu confus, car je ne sais pas à quel moment il faut

 28   passer à huis clos partiel et en audience publique. Je vais essayer


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  1   d'éviter toute situation désagréable pour le témoin, donc je m'excuse

  2   auparavant. Je ne voudrais surtout pas faire d'erreur.

  3   Pour ce qui est du 11 juillet 1995, hier vous nous avez dit que vous vous

  4   êtes trouvé à ce moment-là dans le village de Pribicevac ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Est-ce que non loin de là il y a un poste de commandement de la Brigade

  7   de Bratunac ?

  8   R.  Oui. Ce n'est pas le poste de commandement de la Brigade de Bratunac;

  9   c'est le poste de commandement du 3e Bataillon, ou plutôt c'était la zone

 10   de responsabilité du 3e Bataillon. C'était probablement aussi le poste de

 11   commandement, si vous voulez. Mais je ne sais pas si c'était effectivement

 12   le poste de commandement. On appelait cet endroit-là poste de commandement,

 13   mais je ne sais pas si c'était le poste de commandement de la 3e Brigade --

 14   du 3e Bataillon ou bien de la Brigade de Bratunac. Je crois que même le

 15   colonel Blagojevic, qui était le commandant de la Brigade de Bratunac, ne

 16   se trouvait pas là. Je crois que c'était le général Krstic qui s'y

 17   trouvait. Etait-ce le poste de commandement du corps d'armée ? Je ne le

 18   sais pas. Je ne suis pas sûr.

 19   Le colonel Blagojevic, le commandant de la Brigade de Bratunac, ne se

 20   trouvait pas à cet endroit-là. Maintenant, il est vrai qu'on appelait cet

 21   endroit-là poste de commandement, mais c'était le lieu où se trouvait le

 22   général Krstic. Depuis l'endroit où j'étais -

 23   est-ce que j'exagère ? Est-ce que la dernière réponse est trop longue ?

 24   Excusez-moi.

 25   Q.  Essayez peut-être de répondre de façon plus concise à mes questions.

 26   Nous n'avons pas énormément de temps.

 27   Vous avez parlé d'une personne qui vous est très proche, d'une

 28   personne qui vous est chère et cette personne était quelque part ?


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  1   R.  Oui, éloignée du poste de commandement de 200 à 250 mètres.

  2   Q.  Qui était le commandant de cette personne qui vous est chère et qui

  3   était votre commandant à vous ?

  4   R.  C'était le "komandir" du 3e Bataillon.

  5   Q.  Non, je parle du commandant, pas du chef ou du responsable, mais du

  6   commandant. Est-ce que c'était le colonel Blagojevic ?

  7   R.  Oui, c'était lui.

  8   Q.  Vous nous avez expliqué que vous avez eu une rencontre désagréable avec

  9   le général Mladic. A quel moment avez-vous reçu de nouveau le général

 10   Mladic ?

 11   R.  Le lendemain matin, le matin du 12.

 12   Q.  C'est l'événement dont vous nous avez parlé s'agissant du commandement

 13   de la Brigade de Bratunac ?

 14   R.  Oui, à 8 heures du matin.

 15   Q.  Si je vous ai bien compris, vous avez été convoqué à cette réunion par

 16   qui ?

 17   R.  MD. Oui, mais il n'est pas venu à la réunion. MD.

 18   Q.  Qui vous a demandé de venir à la réunion qui se tiendrait à l'hôtel

 19   Fontana à 10 heures du matin ?

 20   R.  C'est le général Mladic qui m'a dit cela et LJS, juste nous deux.

 21   M. MRKIC : [interprétation] Pourrait-on montrer au témoin la pièce 2D81. Il

 22   s'agit d'une pièce de la Défense. Pourrait-on également prendre la page en

 23   version B/C/S, qui est la page 3. Je vais demander au témoin de nous donner

 24   lecture de ce passage. Pour ceci, pourrait-on passer à huis clos partiel,

 25   s'il vous plaît.

 26   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Passons à huis clos partiel.

 27   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

 28   M. MRKIC : [interprétation] J'ai une version en langue anglaise, mais en


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  1   réalité elle ne représente aucun problème de compréhension.

  2   Q.  Puisqu'il s'agit d'un entretien que vous avez mené, Monsieur, à

  3   l'enquêteur du bureau du Procureur du Tribunal de La Haye en date du 28

  4   février 1998, vous souvenez-vous de vous être entretenu avec M. Ruez ?

  5   R.  Oui. C'était en 1995 à Pale. Je me souviens.

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous allez un peu trop vite. Pourriez-

  7   vous, je vous prie, ménager des pauses entre les questions et les réponses.

  8   Monsieur le Témoin, ceci est important, car nous avons des interprètes qui

  9   doivent pouvoir interpréter vos propos en anglais et en français. Merci.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'efforcerai de mon mieux pour ménager des

 11   pauses.

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

 13   M. MRKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   Q.  Monsieur, permettez-moi d'attirer votre attention sur la ligne 19. Un

 15   débat a eu lieu sur l'organisation de cette réunion qui s'est tenue à

 16   l'hôtel Fontana le 12 juillet 1995. Pourriez-vous, je vous prie, nous

 17   donner lecture de la ligne qui commence par les initiales JR. Ce sont les

 18   initiales de M. Ruez, n'est-ce pas ? Ligne 19. Si vous voulez, je peux vous

 19   la lire. On voit ici,"De quelle façon est-ce que vous avez été informé

 20   qu'il fallait venir à la réunion."

 21   R.  J'ai le tableau devant moi. Oui, oui, je le vois.

 22   Q.  Ligne 21. On ne voit pas très bien la ligne 21.

 23   R.  [aucune interprétation]

 24   Q.  [aucune interprétation]

 25   M. MRKIC : [interprétation] Pourrait-on faire monter un peu la page ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, je vois. C'est marqué Deronjic m'en

 27   a informé.

 28   M. MRKIC : [interprétation]


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  1   Q.  Qui est Deronjic ?

  2   R.  Puis-je ? Miroslav Deronjic était le président du SDS au niveau local

  3   et je crois qu'à l'époque c'était le président Karadzic qui l'avait nommé

  4   au poste de député civil ou commissaire civil pour Bratunac et Srebrenica.

  5   Q.  Merci.

  6   R.  [aucune interprétation]

  7   Q.  En réponse à une question posée par l'enquêteur du Tribunal, vous avez

  8   dit que s'agissant de cette réunion, vous en avez été informé par Miroslav

  9   Deronjic. Ici vous avez dit, toutefois, que c'est le général Mladic qui

 10   vous a dit qu'il fallait venir à cette réunion. Pourriez-vous nous

 11   éclaircir sur ceci ?

 12   R.  Certainement. Je n'ai pas parlé de la réunion de 8 heures du matin au

 13   commandement de la Brigade de Bratunac. Je n'ai pas évoqué cette réunion-

 14   là, car pour moi cette réunion matinale ne représentait pas une vraie

 15   réunion. C'était une rencontre.

 16   Q.  Ce n'est pas cela que je vous demande.

 17   R.  Mais non,  mais j'essaie simplement de vous expliquer pourquoi je dis

 18   que c'est Deronjic qui m'a informé de venir à cette réunion. Pour la

 19   réunion de 8 heures, c'est Deronjic qui m'a dit d'aller à cette réunion.

 20   C'est lors de cette réunion-là que je n'ai pas vu Deronjic. Alors, j'ai cru

 21   que lorsque j'ai parlé à M. Ruez, que ce n'était pas vraiment important. Si

 22   c'était Deronjic qui m'a dit de venir à la réunion de 10 heures à laquelle

 23   il était venu à l'hôtel Fontana, alors qu'il n'était pas venu à la réunion

 24   de 8 heures du matin, je n'estimais pas que c'était vraiment primordial de

 25   dire à M. Ruez qu'il l'informait du fait qu'il fallait venir à la réunion

 26   de 10 heures. Je vois maintenant que c'est important, puisque Deronjic ne

 27   s'est jamais présenté à la réunion de 8 heures, alors que c'est lui qui m'a

 28   dit de venir à la réunion à 8 heures. Il était donc tout à fait logique que


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  1   ce soit le général Mladic qui m'informe de la réunion de 10 heures puisque

  2   Deronjic n'est pas là à 8 heures. C'est pour cela que je n'ai pas dit à M.

  3   Ruez que c'était le général Mladic qui m'a dit de venir à la réunion de 10

  4   heures. Pour moi, à l'époque, je croyais que ce n'était pas du tout

  5   important de savoir qui m'a informé, qui m'a convoqué. Ce qui est important

  6   c'est que j'étais sur place. Mais même maintenant, je crois que ce n'est

  7   pas important de dire qui est la personne qui m'a dit de venir à la

  8   réunion.

  9   Vous devez comprendre qu'un très grand nombre d'années se sont

 10   écoulées depuis.

 11   Q.  D'accord. Je voulais simplement préciser ce point.

 12   R.  Est-ce que j'ai été clair ?

 13   Q.  Oui. Parlons maintenant du 12. Le 12, tous les événements se sont

 14   déroulés comme vous nous l'avez expliqué.

 15   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que nous allons demeurer en

 16   audience à huis clos partiel ou est-ce que vous aimeriez que l'on passe en

 17   audience publique ?

 18   M. MRKIC : [interprétation] Non, non, nous pouvons passer en audience

 19   publique.

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Alors, passons en audience

 21   publique.

 22   [Audience publique]

 23   M. MRKIC : [interprétation]

 24   Q.  Le 12, dans l'après-midi ou dans la soirée, vous étiez au bureau,

 25   n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Vous avez été visité par une personne qui portait les initiales DM ?

 28   R.  Oui.


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  1   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire de quoi vous êtes-vous entretenus ?

  2   R.  Je ne crois pas que nous nous sommes entretenus de questions afférentes

  3   au travail. Il n'y avait pas d'ordre du jour; c'était simplement un échange

  4   entre amis. On buvait un café.

  5   Q.  Est-ce que vous avez évoqué la situation de Potocari ?

  6   R.  Il est certain que c'était la guerre. Il est certain que c'est un sujet

  7   qui ne pouvait pas être évité. Nous avons sans doute parlé des opérations

  8   de guerre. Je veux savoir ce que lui il avait entendu. Il voulait savoir ce

  9   que moi j'avais entendu dire. C'est tout à fait logique que nous nous ayons

 10   parlé de ces sujets-là, mais il n'y avait pas un ordre du jour. C'est comme

 11   si on s'était retrouvé dans un café. C'est comme les réunions qu'on peut

 12   avoir ou les rencontres qu'on peut avoir entre amis dans les cafés, mais la

 13   seule différence c'était que nous étions au bureau. Il y avait un téléphone

 14   sur place, et cetera.

 15   Q.  Lorsque vous êtes sorti à l'extérieur pour voir ce qui se passait

 16   devant la municipalité, est-ce que cette personne vous a suivi ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Cette personne, est-ce qu'elle venait en aide aux personnes qui se

 19   trouvaient dans les autocars ?

 20   R.  Oui. Elle a fait la même chose que moi. Elle a fait autant que moi. 

 21   Q.  Lorsque vous avez été informé du fait que les autobus étaient sur le

 22   terrain de jeu et qu'il y avait, d'une certaine façon, si je vous ai bien

 23   compris, une situation dans laquelle vous pouvez être inquiet pour la

 24   sécurité, vous avez dit qu'on a dit aux personnes retraitées de se rendre

 25   sur place pour créer l'impression qu'il y avait des personnes présentes.

 26   Qui avait donné cet ordre ?

 27   R.  Ce n'est pas moi qui ai donné cet ordre. Donc, je ne peux pas vous dire

 28   qui l'a donné, mais cela a été fait. Maintenant, est-ce que c'était quelque


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  1   chose qui avait été fait par le poste de police qui se trouvait non loin du

  2   terrain de jeu et qui est responsable de la sécurité de la situation en

  3   ville, mais quelqu'un l'a fait. Je ne sais pas qui l'a fait.

  4   Q.  Monsieur, j'aimerais savoir qui vous a dit cela ?

  5   R.  Je ne sais plus. Je ne sais plus qui me l'a dit. Je ne veux pas me

  6   livrer à des conjectures.

  7   Q.  Si je vous ai bien compris, c'est lors de cette soirée-là que vous avez

  8   rencontré la personne qui porte les initiales MD ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et que vous lui avez demandé ce qui se passait, puis il vous a dit

 11   qu'il y avait une personne d'un certain endroit qui avait été posée là ?

 12   R.  C'était sa réaction à ma question.

 13   Q.  Parlez-moi maintenant de cette personne qui venait de cette autre ville

 14   ou endroit. Est-ce que c'est une personne qui appartenait aux structures

 15   civiles ou militaires ?

 16      R.  C'était une personne issue de structures civiles avec une très

 17   grande influence sur son environnement et ailleurs.

 18   Q.  Pourriez-vous, je vous prie, élaborer un peu. Comment est-ce que vous

 19   avez compris que cette personne-là avait fait cette chose et avait créé

 20   cette situation à Bratunac ?

 21   R.  Je ne sais pas ce que MD voulait dire exactement. Il était un peu

 22   vulgaire. Je ne comprends pas. Je ne sais pourquoi MD a utilisé cette

 23   expression, faire une mise en scène ou c'est lui qui nous a fait cela. Je

 24   crois que c'est probablement parce qu'il voulait protéger sa propre ville.

 25   C'est lui, c'est pour cette raison-là qu'il a poussé ces gens à Bratunac,

 26   vers Bratunac. C'est ce que MD a dit.

 27   Q.  Pour préciser un autre point concernant l'école, puisque les choses ne

 28   sont pas tout à fait claires, est-ce que c'est la même école dans laquelle


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  1   en 1992 on avait placé les prisonniers musulmans ?

  2   R.  Oui.

  3   M. MRKIC : [interprétation] Pourrait-on corriger le compte rendu

  4   d'audience; il s'agit de 1992 et non pas de 1991.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Votre compte rendu sera corrigé.

  6   Merci.

  7   M. MRKIC : [interprétation]

  8   Q.  Le 13 juillet 1995, vous nous avez dit qu'un certain nombre

  9   d'événements se sont déroulés ce jour-là. Vous nous avez parlé de certaines

 10   conversations que vous avez eues avec certaines personnes, y compris Resid

 11   Sinanovic ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Est-ce qu'à ce moment-là vous saviez que Resid Sinanovic avait été

 14   soupçonné d'avoir commis des crimes de guerre ?

 15   R.  Oui, et je lui ai dit. 

 16   Q.  Est-ce que vous savez si la personne qui vous a permis de voir Resid

 17   Sinanovic, est-ce que cette personne vous a posé des questions au sujet de

 18   Resid Sinanovic ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Comment le savez-vous ?

 21   R.  Qu'il avait été soupçonné ?

 22   Q.  Non, qu'il avait été également interrogé ?

 23   R.  Je le sais, parce que je sais qu'il avait été soupçonné d'avoir commis

 24   des crimes de guerre, parce que quand j'ai posé la question à Sinanovic,

 25   quand j'ai dit : "Pourquoi, Resid n'a pas fui Srebrenica en passant la

 26   Drina et pour aller à Tara, comme l'a fait un très grand nombre de

 27   Musulmans qui s'étaient remis entre les mains de la Croix-Rouge en Serbie.

 28   Après ces gens-là avaient été placés quelque part et ensuite on a assuré


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  1   leur sécurité. On les a évacués plus loin."

  2   Il a dit : "Je voulais le faire, mais malheureusement j'étais en

  3   communication radio avec mon frère de Skopje."

  4   Q.  Ce n'est pas vraiment obligatoire de tout décrire.

  5   R.  Le livre d'Ivanisevic a été publié et dans ce livre on parle que Resid

  6   Sinanovic, y compris sa famille, est une famille de criminels, et il l'a su

  7   comme cela, pour Enzic, m'a dit qu'en tant qu'enquêteur il s'était

  8   entretenu avec eux.

  9   *Q.  Aujourd'hui, vous avez de nouveau parlé de la mobilisation des moyens

 10   techniques ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  C'est ce que vous avez également dit dans l'affaire Blagojevic ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Est-ce que vous savez que la seule façon de confisquer ces moyens

 15   techniques militaires est de passer par le ministère de la Défense de la

 16   Republika Srpska, qui fait suivre la demande aux autorités locales ? *Vous

 17   avez parlé de ces trois façons-là, mais vous n'avez pas parlé du conseil

 18   exécutif. Monsieur le Président, j'ai fait une erreur.

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] C'est à vous de voir, enfin, pour ce

 20   qui est d'expurger. Bien. Poursuivons. On sait exactement où. Nous vous

 21   confions cette tâche.

 22   M. MRKIC : [interprétation] 

 23   Q.  Pourriez-vous expliquer maintenant si la voie juridique ou légale est

 24   celle que j'ai expliquée ? Pour commencer, si vous êtes d'accord avec moi

 25   que c'était la façon légale de le faire ?

 26   R.  Oui, je suis d'accord que c'est de la façon légale, et je suis

 27   également d'accord que peut-être je n'ai pas suivi la procédure voulue,

 28   mais c'était la guerre. Certaines choses ont été faites de façon sommaire,


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  1   donc peut-être que cela a été le cas pour cette occasion-là aussi. Cette

  2   procédure a été respectée, mais elle a été faite de la façon dont elle a

  3   été faite. *Tout ce que je voudrais dire, c'est que je ne suis pas un

  4   juriste, je suis un enseignant, donc je ne suis pas tellement versé dans

  5   des questions de loi et de règlement. Personnellement, je suivais le cours

  6   des choses et je suivais par inertie. Après tout, c'était la guerre.

  7   Q.  Je suis tout à fait d'accord avec vous.

  8   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent] 

  9   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous nous occupons de certaines

 10   questions qui ont trait aux expurgations. Entre-temps, vous pouvez

 11   poursuivre. Mais faites bien attention, tous les deux. Si vous voulez

 12   savoir ce que nous voulons expurger, nous pouvons vous le dire, mais vous

 13   pouvez faire confiance à notre jugement.

 14   M. MRKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 15   Q.  La situation n'est pas tout à fait claire pour moi. Vous n'êtes pas un

 16   juriste. C'est la guerre, les conditions de guerre, et vous remplissez

 17   certaines fonctions. Aviez-vous un juriste que vous auriez pu consulter ?

 18   R.  Bien, pour moi, il est clair que si on ne connaît pas les règlements,

 19   ceci peut conduire à certains dommages. Mais à l'époque, je n'ai pas pensé

 20   que c'était nécessaire. J'avais quelqu'un de ce genre auprès de moi, mais

 21   je n'ai pas pensé que c'était nécessaire. J'aurais pu consulter, mais j'ai

 22   peut-être été pris par surprise avec la vitesse à laquelle les choses se

 23   développaient et évoluaient à cette demande. Je suis d'accord que je n'ai

 24   pas suivi la procédure, mais je ne pense pas avoir fait quoi que ce soit de

 25   mal. C'est comme cela que cela s'est fait.

 26   Q.  Est-ce que vous savez pourquoi je vous pose cette question ? Je vous

 27   pose cette question, parce que maintenant, aujourd'hui, dans votre

 28   déposition, vous avez parlé de la première réunion que vous aviez eue le 14


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  1   juillet 1995, pendant laquelle vous avez été informé que quelque chose de

  2   terrible avait eu lieu. Vous l'avez dit vous-même, à Kravica.

  3   Après cela, vous avez eu une réunion, une heure et demie plus tard ou une

  4   heure et quelque plus tard, et vous vous êtes trouvé dans une situation

  5   telle que vous l'avez décrite. Donc, les choses ne sont pas très claires

  6   dans mon esprit.

  7   R.  Vous appelez cela une réunion ? En ce qui me concerne, c'était

  8   simplement quelque chose qui faisait partie de mes fonctions quotidiennes.

  9   Je voyais comme cela des gens tous les jours. Dans ce cas-là, il y en avait

 10   des dizaines de ce genre de réunions, une conversation de dix ou 15

 11   minutes, mais pas une réunion prévue. En ce qui me concerne, cela fait

 12   simplement partie de mon travail quotidien, de mes fonctions habituelles.

 13   Cette réunion au SDS n'était pas quelque chose que je considérais comme

 14   étant une réunion, mais simplement une conversation qui avait eu lieu.

 15   J'étais là pendant

 16   20 minutes au plus.

 17   Q.  Bien, vous pouvez appeler cela comme vous voulez, une réunion de

 18   travail, une réunion, rencontre. Le fait est que, d'après votre déposition,

 19   deux hommes que vous ne connaissez pas vous demandent de fournir certain

 20   matériel et équipement, et qu'avant cela, vous étiez conscient du fait que

 21   quelque chose s'était passé. Donc, ma question est de savoir pourquoi, dans

 22   cette situation, vous n'aviez pas respecté la procédure, et si vous n'étiez

 23   pas au courant de cette procédure, pourquoi n'avez-vous pas consulté un

 24   juriste ?

 25   R.  Vraiment, je ne sais pas. Je ne l'ai pas fait. Pourquoi je ne l'ai pas,

 26   je ne sais pas. A dix ou 12 ans plus tard, je ne sais pas pourquoi je ne

 27   l'ai pas fait. Je ne sais pas s'il y avait le temps.

 28   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il a répondu à cette question plus


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  1   d'une fois. Passons à la question suivante, s'il vous plaît, Maître Mrkic.

  2   M. MRKIC : [interprétation]

  3   Q.  Si ce n'est pas un problème, je voudrais aussi vous poser des questions

  4   concernant cette situation dans laquelle deux hommes qui vous étaient

  5   totalement inconnus. Est-ce que vous avez consulté la Brigade de Bratunac à

  6   leur sujet ?

  7   R.  Non, je ne l'ai pas fait.

  8   Q.  Est-ce que vous leur avez demandé d'où ils venaient ?

  9   R.  Non, je ne l'ai pas fait.

 10   Q.  Est-ce que vous leur avez demandé en quelle qualité ils étaient là ?

 11   R.  A 12 ans de là, vous me demandez beaucoup. Ma mémoire depuis cette

 12   époque s'est beaucoup effacée. Je vous ai répondu "non," en ce qui concerne

 13   vos deux questions précédentes, mais peut-être que je l'ai fait. Ce que je

 14   me rappelle c'est que je ne l'ai pas fait. Peut-être ils m'ont dit qu'ils

 15   appartenaient au corps de l'armée, mais je ne me rappelle pas cela

 16   maintenant. Disons qu'ils n'ont pas dit cela, ou bien qu'ils n'en faisaient

 17   pas partie. Je ne peux vraiment pas vous dire au bout de 12 ans.

 18   Q.  Bon. Vous vous rappelez, vous ne vous rappelez pas, très bien.

 19   R.  Très bien.

 20   Q.  Leur avez-vous demandé pourquoi ils avaient besoin de ces engins ?

 21   R.  Non. J'ai déjà dit cela. J'ai déjà dit que j'avais une idée personnelle

 22   des raisons pour lesquelles ils pouvaient avoir besoin de ce matériel.

 23   Q.  Je suis d'accord avec vous qu'au bout de 12 ans la mémoire s'efface.

 24   Est-ce que cela implique aussi que les événements qui sont plus récents,

 25   qui sont plus proches dans vos souvenirs ? Pourquoi je vous pose la

 26   question ? Je vous pose la question, parce que vous avez parlé à M. Ruez

 27   trois ans après les événements, moins de trois ans après ces événements, et

 28   vous avez dit à M. Ruez, enquêteur du bureau du Procureur, vous ne lui avez


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  1   rien dit à ce sujet.

  2   R.  Il ne m'a pas posé de questions à ce sujet.

  3   M. MRKIC : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, montrer au

  4   témoin la pièce à conviction 2D81. Dans la version serbe, c'est à la page

  5   14, lignes 33 et 34.

  6   Q.  Si vous regardez les questions posées par M. Ruez, celles qui

  7   commencent à la ligne 33 où il dit : "Donc, au cours de

  8   juillet 1995, vous ne saviez rien du fait qu'ils auraient besoin d'enterrer

  9   en masse des victimes ou d'autres personnes ?" C'est une question très

 10   directe.

 11   A la page suivante, page 15 à la ligne 1, on lit votre réponse. Votre

 12   réponse est négative, à savoir que vous n'aviez aucun renseignement ou

 13   d'information, vous n'avez pratiquement dit "non." Ceci implique que vous

 14   n'aviez aucun renseignement sur le fait qu'il aurait nécessité d'enterrer

 15   en masse des victimes ou autres personnes. M. Ruez vous a posé une question

 16   directe à ce sujet.

 17   R.  Je pensais qu'il me posait des questions concernant cet ensevelissement

 18   des Serbes.

 19   Q.  Pourquoi est-ce que vous avez pensé cela ?

 20   R.  C'est ce que j'ai pensé. Je ne sais pas pourquoi j'ai pensé cela. A ce

 21   moment-là, c'est à cela que j'ai pensé, ce qu'il me posait des questions

 22   concernant ces ensevelissements, parce que nous parlions de

 23   l'ensevelissement des victimes serbes directement.

 24   Q.  Je ne veux pas vraiment entendre parler de 1993 et du nombre de

 25   personnes à ce moment-là. C'est une question très directe. Ma question

 26   directe concerne le mois de juillet 1995 et l'ensevelissement en masse de

 27   victimes et d'autres personnes, et votre réponse a été "non." En d'autres

 28   termes, ceci ne concernait pas des Serbes. S'il s'agit d'une période


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  1   différente, par exemple, 1993, non, mais ici il s'agit de juillet 1995, et

  2   vous avez donné une réponse négative.

  3   La question que je vous pose est la suivante : pouvez-vous

  4   m'expliquer pourquoi vous avez dit à M. Ruez que vous ne saviez pas quoi

  5   que ce soit concernant la nécessité d'ensevelir --

  6   R.  Je suppose que --

  7   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il a déjà répondu à la question, Maître

  8   Mrkic. Vous pouvez passer à la question suivante. Une fois qu'il vous a

  9   donné une réponse, à moins que cette réponse ne soit pas claire, vous

 10   pouvez passer à la question suivante.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose que je n'ai pas complètement

 12   compris M. Ruez. Si cela avait été cela son objectif, il aurait pu me poser

 13   des questions découlant des questions précédentes. Il aurait pu préciser un

 14   peu, clarifier les choses. J'ai mal compris sa question. J'ai dit "non."

 15   S'il n'avait pas été satisfait de ma réponse, peut-être qu'il aurait dû me

 16   poser des questions supplémentaires de façon à ce qu'il devienne absolument

 17   clair -- qu'on sache de façon absolument claire ce qu'il voulait. Auquel

 18   cas, ma réponse aurait été différente. Mais, il ne m'a pas posé des

 19   questions comme il le fallait lors de cet interrogatoire.

 20   M. MRKIC : [interprétation]

 21   Q.  Puisque nous parlons de cela, *je suppose que vous vous rappelez votre

 22   déposition dans l'affaire Blagojevic, n'est-ce pas ?

 23   R.  Je suppose que je ne sais pas de quoi vous voulez parler.

 24   *Q. On vous a posé la même question que dans l'affaire Blagojevic, et votre

 25   réponse a été qu'à l'époque vous ne croyiez pas que c'était important du

 26   tout. Je peux vous le montrer.

 27   R.  Je peux vous dire maintenant que Ruez également ne pensait pas que

 28   c'était important. Si cela avait été important pour lui, il aurait continué


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  1   de me poser des questions dans le même sens, suivant la même ligne. Je ne…

  2   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous allons nous occuper des

  3   expurgations. Ne vous inquiétez pas. Poursuivez. Si possible, pourriez-vous

  4   vous abstenir de vous référer à certains événements qui pourraient révéler

  5   l'identité du témoin.

  6   M. MRKIC : [interprétation]

  7   Q.  Est-ce que vous vous rappelez la conversation que vous avez eue avec M.

  8   Ruez lorsque vous avez parlé de la réunion qui a eu lieu tôt dans la

  9   matinée du 14 juillet, lorsqu'on vous a parlé des événements qui avaient eu

 10   lieu à Kravica ? N'avez-vous jamais mentionné cela à M. Ruez ?

 11   R.  Est-ce qu'il y a un document ? Est-ce qu'il y a un compte rendu à ce

 12   sujet ?

 13   Q.  Oui, il y a un compte rendu de cet interrogatoire. Il y a un

 14   enregistrement de cet interrogatoire. Je peux vous le fournir au cours de

 15   la suspension de la séance, mais je ne l'ai trouvé nulle part.

 16   R.  Je suppose que je ne l'ai pas mentionné à ce moment-là. Si ce n'est pas

 17   au compte rendu, alors je ne l'ai pas mentionné. Si je l'avais mentionné,

 18   je suis sûr que vous auriez pu le retrouver.

 19   Q.  Pourriez-vous être d'accord avec moi qu'en février 1998 vous n'avez

 20   jamais mentionné le colonel Beara à M. Ruez ?

 21   R.  Je ne l'ai pas fait. Si ce n'est pas au compte rendu, alors je ne l'ai

 22   pas fait.

 23   Q.  Est-ce que vous pourriez être d'accord avec moi qu'en févier 1998 vous

 24   n'avez pas dit quoi que ce soit à M. Ruez concernant la réunion que vous

 25   auriez eue avec ces deux officiers le

 26   14 juillet 1995 ?

 27   R.  Je ne l'ai pas fait.

 28   Q.  Est-ce que vous pourriez également être d'accord avec moi qu'en février


Page 9257

  1   1998, vous n'avez pas non plus dit quoi que ce soit à M. Ruez concernant le

  2   fait que certaines de ces machines vous avaient été demandées et que

  3   quelque chose en ce sens vous avait été demandé. 

  4   R.  Il ne m'a jamais posé de questions à ce sujet.

  5   Q.  Très bien, mais qui vous a posé cette question, alors ? Qui ?

  6   R.  Quand ?

  7   R.  La toute première fois. Quand est la toute première fois qu'on vous a

  8   demandé cela ?

  9   *R.  Je suppose que c'était Me Karnavas dans l'affaire Blagojevic, mais je

 10   ne peux vraiment pas m'en souvenir. Je dis "peut-être" ou "probablement".

 11   Je ne suis pas sûr de savoir quel était le premier qui m'a posé cette

 12   question.

 13   M. MRKIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions aller en audience à

 14   huis clos partiel, s'il vous plaît.

 15   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Entre-temps, nous procédons également

 16   aux expurgations. Allons en audience à huis clos partiel.

 17   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

 18   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous y sommes déjà.

 19   M. MRKIC : [interprétation]

 20   Q.  Témoin, êtes-vous d'accord avec moi que la première fois que vous avez

 21   mentionné cela, c'était en qualité de témoin de la Défense dans l'affaire

 22   Blagojevic, du côté du colonel Blagojevic ?

 23   R.  Je veux dire, je ne suis pas sûr, mais je suis sûr que je disais la

 24   vérité. C'est de cela que je suis sûr. Maintenant, lorsque je dis pour la

 25   première fois, je ne peux pas vraiment être sûr de cela, mais je m'en tiens

 26   à ce que j'ai dit. Il est possible que cela ait eu lieu à ce moment-là,

 27   parce je me souviens, la première fois, je n'en suis pas sûr. Je ne veux

 28   pas faire de conjectures à cela. Mais je l'ai dit.


Page 9258

  1   Q.  Savez-vous quels étaient les arguments de la Défense dans l'affaire

  2   Blagojevic ?

  3   R.  Excusez-moi ?

  4   Q.  Qu'est-ce que la Défense dans l'affaire de M. Blagojevic, à savoir

  5   qu'il n'était pas dans le secteur à ce moment-là et que les officiers

  6   chargés de la sécurité étaient responsables de tout ce qui aurait pu se

  7   passer ?

  8   R.  Mais ne me posez pas cette question à moi.

  9   Q.  Je vous pose cette question parce que rien de --

 10   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il l'a fait devant nous, en fait, donc

 11   question suivante, s'il vous plaît.

 12   M. MRKIC : [interprétation] Nous pouvons retourner en audience publique,

 13   s'il vous plaît.

 14   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Audience publique.

 15   [Audience publique]

 16   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

 17   M. MRKIC : [interprétation]

 18   Q.  Lorsque vous parliez de DM, pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît,

 19   quels étaient vos rapports, comment était le rapport entre vous deux ?

 20   R.  Il y a deux personnes qui portent les mêmes initiales, DM.

 21   Q.  Je veux parler de celui qui était directeur.

 22   R.  Nous avions une bonne relation. Nous résidions au même endroit. Nous

 23   étions de la même génération. Nous étions amis avant la guerre. Pendant la

 24   guerre, nous étions encore des amis et des pairs. Nous avons coopéré, il

 25   était le directeur de la société de service public et le fondateur de la

 26   municipalité, et nous avions une relation excellente, très bonne.

 27   Q.  Là, vous parlez de vos rapports personnels. Qu'en est-il de vos liens

 28   professionnels ? Est-ce qu'il vous rendait compte ? Est-ce qu'il était


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  1   responsable devant vous, c'est-à-dire dans l'institution pour laquelle vous

  2   travailliez ?

  3   R.  Oui. S'il s'agissait de fournir la ville en eau et aussi lorsqu'il

  4   s'agissait du ramassage des ordures, pour ces deux aspects, il était

  5   responsable devant la municipalité et le conseil exécutif. Lorsqu'on en

  6   venait à la question des utilités de la municipalité, c'était également

  7   dans le domaine qui était le sien dans la municipalité.

  8   Q.  Lorsque vous dites que vous aussi, vous semblez laisser à penser qu'il

  9   y avait une utilisation de certains engins ?

 10   R.  Oui, mais on ne les employait que si c'était pour réparer les

 11   canalisations principales, l'infrastructure pour ce qui est de l'adduction

 12   d'eau, et ainsi de suite.

 13   Q.  Pour le moment, nous parlons d'entretien régulier dans des

 14   circonstances normales, entretien normal ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Qu'en est-il dans les circonstances extraordinaires ?

 17   R.  Qu'est-ce qui est extraordinaire ?

 18   Q.  Par exemple, d'un désastre, de catastrophes naturelles.

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Les opérations de guerre.

 21   R.  Oui, les services publics et la protection des civils interviendraient

 22   ou intervenaient ensemble.

 23   Q.  Qu'en était-il avant les opérations de guerre ?

 24   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Veuillez ralentir, s'il vous plaît.

 25   Vous allez trop vite. Merci.

 26   M. MRKIC : [interprétation]

 27   Q.  Les opérations de guerre, l'utilisation de machines pour les opérations

 28   de guerre.


Page 9260

  1   R.  Je ne pense pas qu'ils étaient responsables devant le conseil exécutif,

  2   non.

  3   Q.  Alors à qui rendaient-ils compte ? De qui dépendaient-ils ?

  4   R.  Le ministère de la Défense et le secrétariat à la Défense nationale.

  5   Q.  Nous parlons maintenant d'aspects légaux, juridiques. Votre relation

  6   personnelle et professionnelle était très proche, pour autant que je l'ai

  7   compris; est-ce que cette personne vous a informé de ses activités au cours

  8   de cette période ?

  9   R.  Non.

 10   Q.  A-t-il dit quoi que ce soit ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Qu'il avait eu certaines réunions ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  Je vous pose la question en tant que personne qui était officiel, un

 15   fonctionnaire, dans le cas où une machine ou un engin était utilisé pour

 16   certaines activités, tout particulièrement les engins de machine qui

 17   appartenaient aux services publics. Est-ce que ceci n'exigeait pas d'écrire

 18   un rapport ?

 19   R.  Pour qui et à qui ?

 20   Q.  Un rapport sur le travail accompli dans l'institution au sein de

 21   l'organisation.

 22   R.  Il y aurait pu y avoir un rapport. Peut-être qu'un rapport a été

 23   rédigé, je ne le sais pas.

 24   Q.  Mais je vous demande si cela aurait été quelque chose d'habituel, de

 25   rédiger un rapport sur l'utilisation de ces engins ou ces machines.

 26   R.  Il devrait y avoir des documents, en conséquence des documents sur

 27   tout. Si un engin était utilisé, il y avait également la question du

 28   carburant utilisé et on devrait être en mesure de retrouver les documents


Page 9261

  1   en ce sens.

  2   Q.  Qu'en est-il pour les lieux ?

  3   R.  Je ne sais pas. Je n'étais pas le directeur dans cette compagnie. Je ne

  4   saurais pas. Je n'avais pas de machine à ma disposition.

  5   M. MRKIC : [interprétation] Pourrions-nous aller en audience à huis clos

  6   partiel ?

  7   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous allons en audience à huis clos

  8   partiel.

  9   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

 10   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous y sommes.

 11   M. MRKIC : [interprétation] Je vous remercie.

 12   Q.  Je voudrais vous poser une question concernant vos rapports avec M.

 13   Miroslav Deronjic. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que Miroslav

 14   Deronjic était celui qui avait le pouvoir à Bratunac, qui concentrait tous

 15   les pouvoirs entre ses mains ?

 16   R.  Oui, je serais d'accord avec vous en partie. En partie. Miroslav

 17   Deronjic était la personne numéro un à Bratunac qui avait la plus haute

 18   autorité, le plus d'influence. Je ne peux pas dire que tout le monde lui

 19   soumettait toute question à 100 %, mais il avait son mot à dire pour un

 20   très grand nombre de choses.

 21   Q.  Comment étaient vos rapports avec lui du point de vue politique ou du

 22   sens de l'organisation et des compétences et pouvoirs civils ?

 23   R.  Pour commencer, nous sommes des voisins. Nous sommes directement

 24   voisins, la porte à côté. Je suis un petit peu plus âgé que lui. Nous

 25   étions d'excellents voisins, très, très bons voisins. Je ne peux pas dire

 26   que nous partagions les mêmes opinions politiques. Il a rejoint le SDS, et

 27   au début de ce que j'appelle système multipartite, je me trouvais avec le

 28   SDP, et on était seulement en 1996. C'est à ce moment-là que j'ai rejoint


Page 9262

  1   le SDS. Toutefois, indépendamment de cela, nous avions un bon rapport, de

  2   bonnes relations. Nous nous respections l'un et l'autre, nous respections

  3   les opinions l'un de l'autre. Nous avions davantage de moyens financiers,

  4   nous le respections et nous le tenions des mêmes estimes.

  5   Q.  Je n'ai pas l'impression que je vais être capable de terminer sur ce

  6   sujet en une minute. Je me permets de suggérer que nous ayons une

  7   suspension d'audience maintenant. Sommes-nous en audience à huis clos

  8   partiel ? Excusez-moi.

  9   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

 10   partiel, donc allons en audience publique. Audience publique.

 11   [Audience publique]

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il est temps de suspendre la séance,

 13   donc vous pourrez continuer le contre-interrogatoire dans 25 minutes,

 14   Monsieur Mrkic. Je vous remercie.

 15   --- L'audience est suspendue à 12 heures 29.

 16   --- L'audience est reprise à 12 heures 58.

 17   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Avant que vous ne poursuivez, Monsieur

 18   Mrkic, j'indique que le Juge Stole ne peut être avec nous pour cette

 19   dernière partie de la matinée pour des raisons non liées à sa volonté. Nous

 20   allons poursuivre l'audience en application de l'article 15 bis(A).

 21   A vous, Maître Mrkic.

 22   M. MRKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Nous avons commencé à parler du sujet dont nous parlions à huis clos

 24   partiel, je demande que nous revenions à huis clos partiel.

 25   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien sûr.

 26   Je demande un huis clos partiel.

 27   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité partiellement levée par ordonnance

 28   de la Chambre]  M. MRKIC : [interprétation]


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  1   Q.  Quel était sur le plan politique votre rapport avec

  2   M. Deronjic ? Etait-il votre supérieur, aviez-vous obligation d'obéir à ses

  3   ordres ou ses consignes ?

  4   R.  Depuis 1996 il est devenu mon supérieur, car je suis entré au SDS. Mais

  5   jusqu'à cette date je n'étais pas membre du parti. Cela dit, le parti, même

  6   si je n'étais pas un adhérent, a proposé ma candidature en 1994 au poste de

  7   président du conseil exécutif.

  8   Q.  En 1994 lorsque vous avez occupé cette fonction receviez-vous des

  9   ordres de lui ?

 10   R.  Non. Ce n'était pas vraiment sa conception. Il ne se comportait pas à

 11   notre égard comme un supérieur. Nous avions notre conseil et il était un

 12   des sept membres de ce conseil mais il n'était pas celui qui prenait toutes

 13   les décisions. Il lui arrivait d'assister aux réunions si le sujet était

 14   particulièrement intéressant pour lui.

 15   M. MRKIC : [interprétation] Je demanderais que l'on soumette au témoin la

 16   pièce 2D81. La version anglaise qui m'intéresse est la page 11, lignes 29 à

 17   33, et dans la version serbe c'est la page 12, lignes 2 à 6. Ce que nous

 18   avons à l'écran actuellement est la version anglaise -- ou plutôt excusez-

 19   moi, la version en B/C/S.

 20   J'aimerais que l'on affiche les deux versions en même temps sur

 21   l'écran. Maintenant je demande que l'on baisse un peu le texte de la

 22   version B/C/S. Ce qui m'intéresse ce sont les lignes 29 à 33 de la version

 23   anglaise et les lignes 2 à 6 de la version en serbe.

 24   Q.  Monsieur, au cours de l'entretien que vous avez eu avec

 25   M. Ruez, répondant à ses questions, vous avez dit, entre autres, que vous

 26   receviez vos ordres directement de Deronjic, car c'était lui qui était

 27   chargé des affaires civiles de la ville, que c'était lui qui nommait à son

 28   poste le président, que vous n'aviez aucun contact avec l'armée et que


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  1   l'armée ne vous donnait pas d'ordre, que l'armée faisait son travail

  2   militaire et que de votre côté vous faisiez le vôtre dans le domaine civil.

  3   Que vouliez-vous dire par là, je vous prie ?

  4   R.  Cela concerne la période 11, 12, et 13. C'est à ce moment-là que

  5   Deronjic a été nommé par le président Karadzic commissaire aux affaires

  6   civiles pour les municipalités de Bratunac et de Srebrenica. Cela n'a rien

  7   à voir avec la période antérieure au 11 juillet 1995.

  8   C'est dans cette période des opérations à Srebrenica qu'il a été

  9   nommé à ce poste, et à partir de ce moment-là il était celui qui - je n'ai

 10   peut-être pas été suffisamment précis quand j'ai parlé des contacts avec

 11   l'armée, parce que nous avions certains contacts avec l'armée tout de même

 12   s'agissant d'approvisionner l'armée de tout ce qui avait trait à la

 13   logistique, de l'approvisionnement en cigarettes, en vivres, et cetera,

 14   pour la brigade. S'agissant de l'aspect militaire des choses, nous n'avions

 15   aucun contact avec l'armée. Nous n'avions aucune part à cela.

 16   Q.  Ce qui m'intéresse c'est la chose suivante : vous dites dans ce texte

 17   que vous receviez vos ordres directement de Deronjic. Si nous plaçons cette

 18   déclaration dans le contexte de ce qui s'est passé le 11 juillet 1995 et

 19   dans les jours ultérieurs, c'est-à-dire dans la période où M. Deronjic

 20   occupait le poste auquel il avait été nommé par le président Karadzic,

 21   quels étaient ces ordres que vous receviez de Deronjic ? Pourriez-vous nous

 22   expliquer ce point d'abord ?

 23   R.  Il n'y en a pas eu. Je me suis sans doute exprimé d'une façon trop

 24   imprécise dans ce texte. Ce n'étaient pas des ordres particuliers. Nous

 25   n'avons rien fait de particulier. Nous nous occupions d'alimenter la ville

 26   en électricité, en eau, que les enfants puissent aller à l'école, que

 27   chacun puisse avoir à manger. C'est dans ce sens qu'on pouvait nous faire

 28   des propositions et j'ai appelé cela des ordres venant de Deronjic. En


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  1   dehors de cela, nous ne recevions aucun autre ordre de l'armée. Ces

  2   propositions ne concernaient que ce qui pouvait contribuer à faire

  3   fonctionner la ville.

  4   Q.  Est-ce que cela signifie que dans le cas où vous receviez un ordre de

  5   l'armée vous n'étiez absolument pas tenu de le respecter ?

  6   R.  Ce que nous pouvions recevoir de l'armée c'était seulement des demandes

  7   concrètes. La brigade a besoin de 100 uniformes. Elle a besoin de 500

  8   cartouches de cigarettes. Et nous ne pouvions que répondre en disant : Nous

  9   ne pouvons le faire parce que nous avons ce que vous demandez ou bien nous

 10   ne pouvons pas le faire parce que nous ne l'avons pas. Ou bien l'armée nous

 11   disait : Il nous faut 100 litres d'huile pour la cuisine. Nous disions :

 12   Nous avons cela, nous pouvons vous le donner. Voilà, c'était simplement par

 13   rapport à l'approvisionnement en vêtements, en vivres, cigarettes et

 14   éventuellement du carburant. Si à la station d'essence nous avions de

 15   l'essence et s'il y en avait nous disions : Oui. Et s'il n'y en avait pas

 16   c'était : Non. Voilà quels étaient exactement les contacts que l'armée

 17   avait avec nous et les demandes qu'elle nous faisait.

 18   Q.  Je ne vous interrogeais pas au sujet de demandes, mais au sujet

 19   d'ordres.

 20   R.  Non, non. L'armée ne nous donnait pas d'ordres. Elle n'était pas un

 21   donneur d'ordres par rapport à nous.

 22   Q.  S'agissant des prisonniers de guerre quels étaient vos contacts avec

 23   l'armée ?

 24   R.  Nous n'avions pas de contacts sur ce plan.

 25   M. MRKIC : [interprétation] Je demanderais que l'on soumette au témoin une

 26   pièce de l'Accusation qui constitue le document numéro 10 de la liste 65

 27   ter. Et j'aimerais que nous restions à huis clos partiel, s'il vous plaît.

 28   Il s'agit d'un décret nommant à son poste le commissaire aux affaires


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  1   civiles de la municipalité de Srebrenica. Elle porte la signature du

  2   président de la République, Radovan Karadzic.

  3   Q.  J'appellerais votre attention sur le paragraphe 4 de ce décret

  4   que j'aimerais que nous commentions en le resituant dans le contexte dont

  5   nous venons de parler.

  6   Au point 4, nous lisons, je cite : "Le commissaire veille à ce que tous les

  7   organes civils et militaires traitent tous les citoyens qui ont participé

  8   au combat contre l'armée de la Republika Srpska comme des prisonniers de

  9   guerre, assurent et garantissent à la population civile le libre choix de

 10   son lieu de résidence ou de l'endroit où elle veut aller."

 11   Vous venez de dire que ces organes n'avaient aucune compétence vis-à-vis

 12   des prisonniers de guerre. Or, à la lecture de ce décret, cela ne me semble

 13   pas être le cas. Donc, pourriez-vous commenter ce décret ? Parce que

 14   d'après ce que j'ai compris, vous connaissiez l'existence de ce décret,

 15   n'est-ce pas ?

 16   R.  Je vous ai entendu dire que ce décret concernait la municipalité de

 17   Bratunac, ce qui est faux. Ce décret concerne la municipalité serbe de

 18   Srebrenica.

 19   Q.  C'est exact, nous parlons des prisonniers de guerre de Srebrenica.

 20   R.  Ce décret selon lequel Deronjic est nommé au poste de commissaire civil

 21   de la municipalité serbe de Srebrenica dit bien ce qu'il dit. Il ne

 22   concerne pas Bratunac. La municipalité de Bratunac avait ses propres

 23   organes. Elle avait son propre président. D'ailleurs, c'est écrit ici dans

 24   le texte.

 25   Q.  Ce n'est pas un problème. Je replace ce document dans le contexte de la

 26   réponse que vous avez apportée aux questions de

 27   M. Ruez.

 28   R.  Nous n'avions absolument rien à voir avec les prisonniers de guerre. Je


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  1   vous en prie, n'insistez pas sur ce point. J'ai été très clair là-dessus.

  2   Q.  Je vous pose cette question parce que dans votre déposition, vous avez

  3   dit que devant les autobus qui se trouvaient à Bratunac, il y avait des

  4   policiers civils. Et je vous pose aussi cette question, parce que dans

  5   votre déposition vous avez déclaré que c'étaient des représentants des

  6   structures civiles dont vous en connaissez pas l'identité, mais que c'était

  7   des représentants des structures civiles qui avaient dirigé les retraités

  8   vers les aires de jeu et les écoles, si je vous ai bien compris, pour

  9   assurer leur sécurité car la situation était dangereuse. Donc, je vous

 10   parle des prisonniers de guerre de Srebrenica. Je vous parle de M. Miroslav

 11   Deronjic qui a été nommé au poste de commissaire civil, et dont les

 12   attributions étaient celles que je viens d'énumérer. Mais ma question est

 13   trop longue.

 14   R.  Je ne comprends pas ce que vous me demandez. Je ne vois pas ce que vous

 15   voulez dire en utilisant l'expression "policiers civils." Il existe une

 16   police civile. Ce sont des hommes qui portent des baudriers blancs et des

 17   uniformes de camouflage de couleur verte. Voilà ce que nous appelons la

 18   police civile, si c'est bien le nom qu'on doit le donner, avec des

 19   uniformes de camouflage bleus, si c'est la police que vous avez à l'esprit.

 20   Je ne sais pas ce que vous voulez dire quand vous parlez de police civile.

 21   Les gens qui sont responsables, ce sont des membres des services de la

 22   sécurité publique.

 23   Q.  Sous les ordres de qui ?

 24   R.  Du ministère de l'Intérieur.

 25   Q.  Et à Bratunac ?

 26   R.  Toujours sous les ordres du ministère de l'Intérieur. Il n'y pas de

 27   troisième police. Je ne connais que deux sortes de police; la police

 28   militaire, c'est-à-dire l'armée; et la police civile, qui est sous les


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  1   ordres du ministère de l'Intérieur.

  2   L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas entendu la question, car les deux

  3   orateurs se chevauchaient.

  4   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Veuillez, je vous prie, Maître Mrkic,

  5   passer à un autre sujet.

  6   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète. Elle indique que le témoin semble

  7   avoir fait un lapsus entre police militaire et police civile dans la

  8   description des uniformes. L'interprète a interprété ses propos.

  9   M. MRKIC : [interprétation]

 10   Q.  Puisque nous sommes à huis clos partiel, j'aimerais revenir à votre

 11   réunion du 14 juillet 1995. Je voudrais vous demander quel est le nom du

 12   secrétaire qui vous a convoqué dans les bureaux municipaux du SDS le 14

 13   juillet dans la matinée.

 14   R.  Une certaine Mirna.

 15   Q.  Connaissez-vous son nom de famille ?

 16   R.  Elle était célibataire. Elle n'était pas mariée.

 17   Q.  Essayez de vous en souvenir.

 18   R.  Je crois que ce nom est Nikolic, mais je n'en suis pas sûr à 100 %. En

 19   tout cas son prénom est Mirna. Je crois que son nom de famille est Nikolic.

 20   Je connais le prénom de son père, mais je ne sais pas si c'est utile.

 21   Q.  Je vous en prie, donnez le maximum d'éléments.

 22   R.  Le prénom de son père est Milorad. Il travaillait à l'époque à

 23   l'entreprise Jasanic, l'entreprise forestière. Aujourd'hui, elle est mariée

 24   et elle vit à Bajina Basta.

 25   Q.  J'aimerais aussi vous demander si vous vous rappelez avec qui vous avez

 26   parlé, si vous vous rappelez cet homme que vous décrivez comme étant le

 27   colonel Ljubisa Beara ?

 28   R.  Je m'en souviens.


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  1   Q.  Pourriez-vous le décrire ?

  2   R.  Je vois d'ailleurs cet homme ici aujourd'hui. Il a beaucoup changé

  3   physiquement. A l'époque, il avait une apparence très différente. Il était

  4   plus jeune, plus plein de vie, plus frais. Le colonel Beara aujourd'hui, je

  5   ne le reconnaîtrais pas tel qu'il est aujourd'hui, si je le rencontrais

  6   dans la rue. J'ai le souvenir de son aspect physique, mais croyez-moi, cet

  7   aspect physique a beaucoup changé. Si je devais aujourd'hui le rencontrer

  8   dans la rue sur son aspect actuel, je ne le reconnaîtrais pas, croyez-moi.

  9   Q.  Comment savez-vous qu'il s'agit de M. Beara ?

 10   R.  Je vais vous dire. Je suis de près les rapports relatifs au Tribunal de

 11   La Haye qui sont diffusés une demi-heure tous les samedis. Je vois de

 12   nombreux visages. Dans ce cadre, je connais bien le Chambre de première

 13   instance. Je connais les visages d'un grand nombre de membres du greffe et

 14   de l'Accusation. Je connais très bien tous ces visages que je vois à la

 15   télévision. J'ai vu le visage du Président, du Juge Agius dans l'affaire

 16   Blagojevic, je crois.

 17   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je devais avoir une apparence très

 18   différente à l'époque, mais en tout cas je n'ai pas siégé dans l'affaire

 19   Blagojevic.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans l'affaire Deronjic. Enfin, dans une

 21   affaire. Je connais très bien votre visage. Vous aviez une très bonne

 22   apparence et vous n'avez pas changé d'ailleurs.

 23   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Passons à un autre sujet, Maître Mrkic,

 24   s'il vous plaît.

 25   M. MRKIC : [interprétation]

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  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Revenons en audience publique.

  9   [Audience publique]

 10   M. MRKIC : [interprétation]

 11   Q.  J'aimerais que nous reparlions une nouvelle fois de cette réunion du

 12   14. Ces deux officiers -- non, d'abord je voudrais vous demander une

 13   confirmation. M. Beara, cette homme qui s'est présenté comme étant M.

 14   Beara, n'est pas entré avec vous ?

 15   R.  Non, non, non. Il est resté dans le bureau où je l'ai trouvé.

 16   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur le Témoin et Maître Mrkic --

 17   M. MRKIC : [interprétation] Je n'avais pas terminé ma question, et il a

 18   déjà répondu.

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je sais, je sais. Ce n'est pas votre

 20   faute; c'est la faute du témoin, en fait. Je vous en prie, Monsieur,

 21   ménagez une pause de quelques instants à la fin des questions avant de

 22   commencer votre réponse. D'accord.

 23   M. MRKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   Q.  Si je comprends bien la situation, Monsieur, dans ce deuxième bureau se

 25   trouvaient deux officiers et vous-même, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Ce bureau était-il le bureau de la personne dont nous avons parlé il y

 28   a quelques instants ? Je ne donne pas son nom car nous sommes en audience


Page 9272

  1   publique.

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Lui, celui dont c'était le bureau, il se trouvait où à ce moment-là ?

  4   R.  Je ne sais pas. Je ne suis pas au courant.

  5   Q.  Ces deux officiers avec lesquels vous avez discuté alors qu'ils ne

  6   s'étaient pas présentés à vous, et vous ne savez pas à quelle unité ils

  7   appartenaient, ces deux officiers ont-ils participé à la réunion qui s'est

  8   tenue à l'hôtel ?

  9   R.  Je crois qu'ils n'y étaient pas.

 10   Q.  Autrement dit, c'était la première fois que vous les rencontriez ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  La personne que vous avez désignée comme étant le colonel Ljubisa

 13   Beara, l'aviez-vous rencontré avant ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  L'aviez-vous rencontré peut-être à l'hôtel Fontana ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Lorsque vous avez relaté le fait qu'il fallait aussi un conducteur pour

 18   cet engin de terrassement, si j'ai bien compris votre déposition, vous avez

 19   déclaré que c'était un des deux officiers qui vous avait dit qu'il fallait

 20   fournir un conducteur pour l'engin ?

 21   R.  Non, non. Il n'a pas été question de conducteurs. C'est moi qui en ai

 22   parlé, parce que logiquement je pensais qu'il fallait qu'un homme

 23   accompagne l'engin. Cela, c'était mon idée logique. Peut-être qu'ils

 24   avaient prévu quelqu'un, un militaire, pour manier cet engin, mais ma

 25   conclusion logique c'était que puisqu'ils avaient besoin d'un engin, il

 26   fallait qu'un homme accompagne cet engin et le fasse fonctionner. C'est ce

 27   que je pensais. Ils n'ont jamais parlé de la nécessité de quelqu'un pour

 28   conduire l'engin. C'est moi qui en ai parlé.


Page 9273

  1   Q.  Quelle a été leur réaction ?

  2   R.  Ils ont réagi vivement. Il y en a un qui m'a dit très autoritairement :

  3   "Ce n'est pas à toi qu'il appartient de décider qui va conduire l'engin.

  4   C'est à nous qu'appartient cette décision." Je me suis arrêté net. Je me

  5   suis excusé. J'ai dit que c'était simplement une remarque et qu'il n'avait,

  6   bien sûr, aucune obligation à mon égard. C'est sur ces mots que la

  7   conversation s'est terminée.

  8   D'ailleurs, je vais vous dire encore quelque chose : quand je suis

  9   allé dans le bureau, quand j'ai quitté les locaux de SDS, j'ai appelé le

 10   directeur de l'entreprise Tsigajna [phon], à qui appartenait cet engin de

 11   terrassement. Je lui ai dit que des gens de l'armée étaient venus et qu'il

 12   fallait qu'il leur donne cet engin de terrassement. Maintenant, est-ce que

 13   les hommes sont vraiment venus chercher l'engin, est-ce qu'il leur a donné

 14   cet engin, je n'en sais rien. Je ne me suis pas renseigné sur la question.

 15   Je ne sais pas du tout si l'engin a été réceptionné par ces hommes ou pas.

 16   Je n'en sais rien. Cela ne m'intéressait plus à partir de ce moment-là.

 17   Q.  Un autre point qui m'intéresse. Lequel de ces deux officiers vous a dit

 18   que ce n'était pas à vous de vous poser la question ?

 19   R.  Je n'en ai pas la moindre idée.

 20   Q.  Un colonel, un lieutenant-colonel ?

 21   R.  Je n'en sais rien. Quand cet homme m'a parlé comme cela, je n'avais

 22   plus qu'une idée; c'était de partir. Je ne savais rien. J'étais au courant

 23   de rien. Je ne connaissais pas les gens. Si j'avais connu leurs prénoms,

 24   j'aurais peut-être pu vous dire que l'un s'appelait Marko et l'autre Janko

 25   et que Janko a dit telle chose à Marko, mais ce n'était pas le cas. Je ne

 26   connaissais personne. Je ne savais pas, j'étais au courant de rien. Je n'en

 27   avais rien à faire.

 28   Q.  Avez-vous parlé à quiconque de cette réunion à laquelle vous avez


Page 9274

  1   assisté par la suite ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Cette personne dont nous avons parlé tout à l'heure, est-ce que vous

  4   lui avez dit quoi que ce soit ?

  5   R.  MD ? Non. J'ai simplement appelé le directeur et je lui ai dit ce que

  6   je lui ai dit, le directeur de l'entreprise qui fabriquait des briques.

  7   Q.  On parlait de 1992 et nous avions confirmé qu'en 1992, s'agissant de la

  8   même école dans laquelle en 1995 on avait placé des prisonniers, que cette

  9   école-là en 1992 était également un centre qui avait accueilli des

 10   prisonniers. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?

 11   R.  Je sais car j'étais citoyen de cette ville, mais je n'ai pas du tout

 12   été chargé de quoi que ce soit. J'étais un simple soldat et j'avais été

 13   mobilisé par l'armée. J'avais entendu parler de ceci pendant quelques jours

 14   à Bratunac, mais je ne me suis jamais rendu à l'école moi-même. Comme je

 15   vous dis, je n'étais pas impliqué dans la vie politique non plus. J'étais

 16   simplement un simple soldat. Je n'occupais de poste particulier au sein de

 17   la municipalité. Ce n'étaient que des rumeurs.

 18   Q.  Pour l'école. Vous nous avez expliqué ce qui en était. Dites-nous,

 19   d'après vos connaissances en 1992, est-ce que les Musulmans étaient

 20   également rassemblés sur un terrain de jeu ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Dites-moi, si vous le savez, où ces personnes avaient été enterrées ?

 23   R.  Les Musulmans ? Non, je ne sais pas.

 24   Q.  Est-ce que vous aviez entendu parler de quelque chose?

 25   R.  Excusez-moi, est-ce que je peux ajouter quelque chose ? Vous savez, on

 26   parle de toutes sortes de choses, aujourd'hui. On

 27   dit : Voilà, un tombeau a été découvert ici, une fosse a été découverte là.

 28   Mais je ne sais pas à l'époque où on enterrait les gens, qui les enterrait.


Page 9275

  1   C'est maintenant qu'on découvre tout cela. On peut lire ces informations

  2   dans les journaux.

  3   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'en 1992 tout ceci

  4   était encore à un niveau local ?

  5   R.  Oui, c'était dans la municipalité de Bratunac. C'est ce qui se passait

  6   chez nous mais je ne sais pas ce qui se passait ailleurs dans d'autres

  7   municipalités. C'était sans doute pareil. Bratunac n'était sans doute pas

  8   unique en son genre.

  9   M. MRKIC : [interprétation] Est-ce que vous me permettez quelques instants,

 10   Monsieur le Président, pour consulter mon collègue.

 11   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Certainement.

 12    [Le conseil de la Défense se concerte]

 13   M. MRKIC : [interprétation] 

 14   Q.  Permettez-moi un instant de préciser quelques points. Vous avez eu un

 15   entretien avec M. Ruez, n'est-ce pas, et dans le cadre de cet entretien

 16   vous lui avez mentionné que vous aviez des notes personnelles. Est-ce que

 17   vous aimeriez que je vous montre ce passage, en anglais, c'est le document

 18   2D81 et c'est la page 3.

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Si vous souhaitez que l'on demeure en

 20   audience publique, je propose que le document ne soit pas diffusé, à moins

 21   que vous ne vouliez le placer sur le rétroprojecteur. A ce moment-là nous

 22   pourrions passer à huis clos partiel. C'est à vous de choisir, Maître

 23   Mrkic, comme vous voulez.

 24   M. MRKIC : [interprétation] Je crois que nous pouvons rester en audience

 25   publique, mais votre proposition est très bonne de ne pas diffuser le

 26   document.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais très bien ce que vous voulez me poser

 28   comme question. Veuillez me poser cette question. Oui, je sais pourquoi


Page 9276

  1   j'ai répondu cela. M. Ruez, il a sans doute dû me poser des questions pour

  2   certains événements ou des dates dont je n'étais pas tout à fait sûr, j'ai

  3   dit probablement et non pas probablement mais certainement certaines

  4   choses. En fait, je pourrais vérifier. Je n'avais pas de notes

  5   particulières. Au bureau, j'avais un carnet de notes dans lequel j'écrivais

  6   de façon télégraphique certaines informations. Le 8 février, il faut faire

  7   telle ou telle chose. Quand j'ai dit à Ruez que j'avais des notes

  8   personnelles, j'ai fait référence à mon carnet de notes, s'il avait besoin

  9   de certaines dates et je lui ai dit cela, puisque j'aurais pu retrouver

 10   certaines dates dans mon carnet de notes. Mais je n'ai pas tenu de journal

 11   de guerre. J'aurais dû peut-être en tenir un mais je n'en ai pas fait. Je

 12   ne sais pas si c'est bien cela que vous vouliez me poser comme question.

 13   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous devez sans

 14   doute vous rendre compte vous-même que dans ce cas-ci vous parlez peut-être

 15   un peu trop rapidement ou peut-être vous anticipez les questions. Je vous

 16   propose d'attendre d'abord que les questions vous soient posées et vous

 17   pourrez répondre à ces questions par la suite et ne répondez qu'à la

 18   question, sinon vous allez rester ici pendant plusieurs jours.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis désolé. Merci de cet avertissement,

 20   Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Mrkic.

 22   M. MRKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Q.  Je vous ai mentionné ceci car nos collègues de l'Accusation nous ont

 24   communiqué des notes. J'aimerais simplement confirmer avec vous pour savoir

 25   si ce sont les mêmes notes ou est-ce que ce sont d'autres notes. Est-ce que

 26   récemment vous avez pris des notes ?

 27   R.  Oui, j'ai pris des notes ici au Tribunal lorsque j'ai écouté la

 28   *cassette de l'audience dans l'affaire Blagojevic. C'est à ce moment-là que


Page 9277

  1   j'ai pris des notes et que j'ai remis ces notes au Procureur. Le Procureur

  2   a pris ces notes et je crois que cela se rapporte à cela de toute façon.

  3   Q.  Pour être tout à fait limpide, ce ne sont pas les mêmes notes que vous

  4   avez mentionnées à M. Ruez ?

  5   R.  Mais non. Comment voulez-vous qu'il s'agisse de mêmes notes, puisque

  6   les notes dont je vous parle, je les ai faites hier ou avant-hier alors que

  7   M. Ruez m'a posé des questions en 1998.

  8   Q.  Dans ces notes j'ai remarqué deux choses. Avec votre permission, je

  9   voudrais en parler. Examinons d'abord les notes que vous avez prises. Est-

 10   ce que vous aviez noté les choses qui étaient les plus importantes qui

 11   étaient restées gravées dans votre esprit ?

 12   R.  Si j'avais su que vous en auriez eu besoin, je n'aurais rien écrit.

 13   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur. Monsieur. Je dois de nouveau

 14   vous rappeler de permettre à Me Mrkic et aux autres conseils qui vous

 15   poseront des questions de leur permettre de terminer leurs questions

 16   d'abord avant de répondre, d'entamer votre réponse. Est-ce que c'est cela

 17   c'est clair ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Merci. Cette période de contre-

 19   interrogatoire avec Me Mrkic est tellement longue. Je voulais dire que si

 20   j'avais su que ces notes tomberaient entre les mains du Procureur et de la

 21   Défense, je ne les aurais pas prises. C'était pour moi que j'ai pris ces

 22   notes. J'ai peut-être été imprécis, pour moi c'était important, c'était

 23   pour un usage personnel, pour moi. Et maintenant c'est entre vos mains.

 24   Voilà, c'est maintenant entre vos mains. Je vous écoute. Posez-moi des

 25   questions. 

 26   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Mrkic, il nous reste six à sept

 27   minutes encore.

 28   M. MRKIC : [interprétation] Je vais faire de mon mieux pour essayer de


Page 9278

  1   terminer mon contre-interrogatoire avant la fin de la séance.

  2   Q.  Monsieur, permettez-moi de vous poser la question

  3   suivante : pourquoi n'êtes-vous pas d'accord pour que ces notes tombent

  4   entre les mains des conseils de la Défense ou du Procureur ?

  5   R.  Non, non, je suis désolé d'avoir répondu ce que j'ai répondu. Non, mais

  6   cela ne me dérange pas, absolument pas. Cela ne me dérange pas. Ces notes

  7   personnelles vous les avez lues, non cela ne me dérange pas.

  8   Q.  Je vous pose cette question, parce que sous la date

  9   14 juillet 1995 vous avez noté que la secrétaire du SDS, une femme, la

 10   secrétaire du SDS vous a appelé de venir au SDS et que c'est là que vous

 11   avez rencontré le colonel Beara ?

 12   R.  C'est ce que j'ai dit, oui.

 13   Q.  Pourquoi est-ce que vous ne parlez pas de réunion qui a eu lieu avec

 14   ces deux officiers ? Pourquoi est-ce que vous n'avez pas dit dans vos notes

 15   ce qu'ils voulaient de vous ?

 16   R.  C'était pour me rappeler. Je n'ai pas pris de notes détaillées. C'est

 17   simplement une petite note rapide, un aide-mémoire.

 18   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous écoute, Monsieur Vanderpuye.

 19   M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, je ne crois pas que

 20   le témoin a un exemplaire ou j'ai peut-être une copie et je pourrais peut-

 21   être la communiquer au conseil de la Défense --

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] J'allais proposer que

 23   M. Mrkic lui rende ses notes et nous pouvons passer à autre chose.

 24   Est-ce que vous voulez encore insister sur cette question de notes,

 25   Monsieur Mrkic, ou est-ce que vous pensez passer à autre chose ?

 26   M. MRKIC : [interprétation] Encore quelques questions, Monsieur le

 27   Président, ensuite je passerai à un autre sujet.

 28   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Poursuivez, je vous prie.


Page 9279

  1   M. VANDERPUYE : [interprétation] J'ai trouvé un exemplaire dans mon

  2   dossier.

  3   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Nous avons cela. Montrez

  4   d'abord ces notes au témoin et à Me Mrkic.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà, c'est simplement un aide-mémoire, c'est

  6   tout.

  7   M. MRKIC : [interprétation]

  8   Q.  Est-ce que ce sont bien les notes que vous aviez faites ?

  9   R.  Oui. Oui, en fait, non, ce n'est pas l'original. Mes notes avaient été

 10   prises dans un cahier et cela c'est une photocopie.

 11   Q.  Veuillez, je vous prie, prendre la date du 14 juillet 1995, prenez le

 12   passage qui a trait à cette date-là. Je crois que c'est l'avant-dernière

 13   page.

 14   R.  Je sais où cela se trouve.

 15   Q.  Ce qui m'intéresse surtout c'est ce que vous avez écrit après cette

 16   mention de la date. Pourriez-vous, je vous prie, nous donner lecture de la

 17   phrase qui suit ?

 18   R.  Puis-je prendre le document entre mes mains ? Je répète, pour moi c'est

 19   un aide-mémoire et je ne sais pas pourquoi j'ai écrit ce que j'ai écrit,

 20   c'était simplement un aide-mémoire. Je n'ai pas informé personne de la

 21   situation à Bratunac, car ne n'avais pas de contact ni avec le gouvernement

 22   ni avec l'assemblée. Je crois que c'était l'obligation de MD, car c'était

 23   lui qui avait été nommé au poste de commissaire de la municipalité de

 24   Srebrenica. Il avait été nommé à ce poste par le président.

 25   Q.  Si je vous ai bien compris, vous avez pris ces notes pour pouvoir vous

 26   rappeler de la séquence des événements en indiquant les dates. Pourquoi

 27   est-ce que vous avez inscrit ce que vous avez inscrit ? Ce n'est pas un

 28   aide-mémoire qui vous rappelle les événements. Est-ce que vous ne croyez


Page 9280

  1   pas que c'est une sorte de justification ?

  2   R.  Pour qui ? Pour moi, devant moi, non, pour moi c'est un aide-mémoire.

  3   Un aide-mémoire simplement pour me permettre de dire devant le Tribunal,

  4   devant les Juges de cette Chambre ce que j'avais décrit mais dans une autre

  5   forme. C'est simplement pour dire que pendant l'opération de Srebrenica, je

  6   n'étais pas en contact avec le gouvernement. Je n'étais pas en contact avec

  7   les hommes politiques et que s'il y avait une personne qui pouvait être en

  8   contact avec ces personnes c'était Deronjic. Alors que moi-même et LJS,

  9   nous n'avions pas de contacts avec ces hommes. Nous n'avions pas de

 10   contacts avec le premier ministre, avec le président de l'assemblée ou

 11   personne de ce genre. C'était vraiment des notes personnelles.

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je crois que nous pouvons nous arrêter

 13   ici pour aujourd'hui. Je ne sais pas si vous êtes d'accord, Monsieur Mrkic.

 14   M. MRKIC : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président. M. LE JUGE

 15   AGIUS : [interprétation] Merci.

 16   Monsieur le Témoin, c'est très important, et je vous dis ceci de façon très

 17   sérieuse, qu'entre aujourd'hui et le moment où vous aurez terminé votre

 18   déposition que vous n'entriez en contact avec personne. Lorsque je parle de

 19   personne, je fais également allusion aux autres témoins qui pourraient

 20   venir témoigner ici. Et vous ne pouvez pas parler de la teneur de votre

 21   témoignage. Vous n'avez pas non plus le droit de permettre à qui que ce

 22   soit d'entrer en contact avec vous pour parler de votre témoignage et vous

 23   n'avez pas non plus le droit d'entrer en contact avec des personnes pour

 24   parler de votre déposition. Est-ce que vous me comprenez ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. Je vous ai bien compris. Je

 26   ne communique avec personne lié à ce témoignage. S'agissant du fait que

 27   nous sommes dans le même hôtel, que tous les témoins sont dans le même

 28   hôtel, vous auriez dû nous placer dans différents hôtels afin que nous ne


Page 9281

  1   puissions pas nous voir. Mais vous savez, quand on se voit, on ne parle pas

  2   nécessairement du témoignage. Nous sommes assis ensemble dans le

  3   restaurant. Nous parlons de football, nous parlons de voyage, nous parlons

  4   de la ville de La Haye, nous parlons de ce qu'on a vu ici, et cetera. Vous

  5   auriez dû nous mettre dans différents hôtels.

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je crois que cela suffit. Merci.

  7   Nous allons nous arrêter ici aujourd'hui. Nous allons poursuivre

  8   l'audience de ce témoin demain. Nous reprenons nos travaux à 9 heures

  9   demain matin.

 10   --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le vendredi 23 mars

 11   2007, à 9 heures 00. 

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* Le texte en gras et en italiques était auparavant confidentiel suite à une ordonnance portant expurgation rendue par la Chambre. La confidentialité du texte a été depuis levée par la décision de la Chambre du 15 mars 2012.

* Le texte en gras et en italiques était auparavant confidentiel suite à une ordonnance portant expurgation rendue par la Chambre. La confidentialité du texte a été depuis levée par la décision de la Chambre du 15 mars 2012.

* Le texte en gras et en italiques était auparavant confidentiel suite à une ordonnance portant expurgation rendue par la Chambre. La confidentialité du texte a été depuis levée par la décision de la Chambre du 15 mars 2012.

* Le texte en gras et en italiques était auparavant confidentiel suite à une ordonnance portant expurgation rendue par la Chambre. La confidentialité du texte a été depuis levée par la décision de la Chambre du 15 mars 2012.

* Le texte en gras et en italiques était auparavant confidentiel suite à une ordonnance portant expurgation rendue par la Chambre. La confidentialité du texte a été depuis levée par la décision de la Chambre du 15 mars 2012.

* Le texte en gras et en italiques était auparavant confidentiel suite à une ordonnance portant expurgation rendue par la Chambre. La confidentialité du texte a été depuis levée par la décision de la Chambre du 15 mars 2012.

* Le texte en gras et en italiques était auparavant confidentiel suite à une ordonnance portant expurgation rendue par la Chambre. La confidentialité du texte a été depuis levée par la décision de la Chambre du 15 mars 2012.

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