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1 Le jeudi 19 juillet 2007
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 15 heures 33.
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour, Madame la Greffière. Bonjour à
6 toutes et à tous.
7 Madame la Greffière, veuillez annoncer l'affaire.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire IT-05-
9 88-T, le Procureur contre Vujadin Popovic et consorts.
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Madame.
11 Je vois que tous les accusés sont présents. Du côté de la Défense, je note
12 l'absence de Me Haynes, de Me Josse, de Me Petrusic également; c'est bien
13 cela ? Me Nikolic et Me Ostojic sont absents également.
14 Pour l'Accusation, la composition de l'équipe est la même qu'hier. Hier
15 avant de lever l'audience, je vous ai annoncé que vous auriez une heure
16 pour vous exprimer. Je vous ai invité à vous mettre d'accord entre vous
17 pour la répartition du temps. Peut-être pourriez-vous nous dire ce que vous
18 avez décidé.
19 M. NICHOLLS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Si je ne
20 m'abuse, la Défense de Borovcanin aurait besoin de 25 à 30 minutes et Me
21 Meek et moi-même, nous, nous repartirons le temps qui reste.
22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Qu'en est-il des réponses et des
23 répliques ?
24 M. NICHOLLS : [interprétation] C'est moi qui terminerai en dernier. Je ne
25 sais pas ce que la Défense envisage de faire.
26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Maître Lazarevic.
27 M. LAZAREVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Est-ce que je
28 peux commencer ?
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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Allez-y.
2 M. LAZAREVIC : [interprétation] Merci beaucoup.
3 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, la première question
4 que je souhaite évoquer dans mon exposé est celle du caractère volontaire
5 de l'entretien.
6 D'après la Défense de M. Borovcanin, le caractère volontaire de l'entretien
7 revêt plusieurs aspects. Au sens strict du terme, le caractère volontaire
8 d'un entretien peut être déterminé en déterminant si une contrainte a été
9 exercée --ou bien, des menaces afin de pousser M. Borovcanin à accorder cet
10 entretien. La Défense de M. Borovcanin répond par la négative à cette
11 question. Ce n'est pas le cas en l'occurrence.
12 Dans le système d'où je viens, le deuxième aspect en prendre en compte pour
13 déterminer le caractère volontaire de cet entretien, ce qu'il faut retenir
14 c'est le fait que lorsque M. Borovcanin a accordé cet entretien, il
15 connaissait parfaitement son statut ainsi que ses droits. C'est le
16 Procureur qui doit nous démontrer que l'entretien s'est déroulé
17 conformément aux principes et aux règles en vigueur. L'Accusation a cité à
18 comparaître le témoin, Alistair Graham, à cet effet, et en attendant la
19 déposition de M. Graham, cela a confirmé notre position selon laquelle M.
20 Borovcanin, dès le début de son entretien pour le représentant du bureau du
21 Procureur, n'était pas au courant de son statut juridique. Il n'avait pas
22 été pleinement informé de ses droits. M. Borovcanin n'avait pas bien
23 compris son statut ni ses droits, et malgré tout l'entretien a eu lieu, cet
24 entretien ainsi que les documents y afférant ne doivent pas être versés au
25 dossier de l'espèce.
26 La notion d'accusé est définie par l'article 2 du Règlement de procédure et
27 de preuve de ce Tribunal. Il y est dit qu'un accusé et toute personne au
28 sujet de laquelle le Procureur possède des informations fiables qui tendent
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1 à montrer qu'elle aurait commis une infraction relevant de la compétence du
2 Tribunal. En fait, il s'agit de la définition du terme de suspect.
3 En application de l'article 42 du Règlement de procédure et de preuve, les
4 droits des personnes suspectes sont -- au stade de l'enquête, sont définis
5 et nous devons partir de là lorsque nous analysons cette question, à savoir
6 si, à l'époque où M. Borovcanin a accordé cet entretien, toutes les
7 conditions énoncées dans cet article ont été respectées, et c'est ce qu'il
8 faut prendre en considération afin de décider de la recevabilité de cet
9 entretien.
10 M. Borovcanin a reçu une convocation pour rencontrer des représentants du
11 bureau du Procureur qui souhaitaient obtenir une déclaration de sa part.
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je souhaite corriger quelque chose dans
13 l'interprétation.
14 M. LAZAREVIC : [interprétation] Il s'agit d'une erreur dans le compte
15 rendu.
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Dans le compte rendu, il est
17 question du statut des suspects, mais c'est le statut de l'accusé.
18 M. LAZAREVIC : [interprétation] Mais, en fait, il s'agit du statut des
19 suspects.
20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Poursuivez. Je vais simplement
21 demander à l'interprète de la cabine anglaise si
22 M. Lazarevic allait trop vite.
23 L'INTERPRÈTE : Non, ça va. Merci.
24 M. LAZAREVIC : [interprétation] Bien, j'ai remis le texte écrit aux
25 interprètes et c'est la raison pour laquelle tout se passe bien.
26 Au cours du premier entretien mené par l'enquêteur du bureau du Procureur,
27 M. Graham, ce dernier, a informé Ljubomir Borovcanin qu'il pouvait être
28 considéré comme un suspect, qu'on pouvait lui reprocher certains crimes ou
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1 actes criminels sanctionnés par le Statut du Tribunal. On lui a dit :
2 "Qu'il était un témoin potentiel, c'est-à-dire qu'il n'était pas encore
3 suspect mais qu'il pouvait le devenir." M. Borovcanin, aurait-il pu tirer
4 une autre conclusion que celle-ci ? M. Borovcanin n'est pas avocat de
5 formation, son avocat n'était pas présent à ce moment-là, et c'est en tant
6 que profane qu'il pouvait interpréter le statut qui était le sien.
7 M. Borovcanin a mal compris quel était ce statut; il ressort clairement de
8 l'entretien que l'on a dit à M. Borovcanin non seulement au début de
9 l'entretien mais à plusieurs reprises durant celui-ci qu'il était un témoin
10 potentiel. Or, cette notion n'existe pas ni dans le Règlement de procédure
11 et de preuve du Tribunal, ni dans la législation pertinente en vigueur dans
12 d'autres juridictions. Au cours d'une enquête, une personne peut être
13 considérée comme un suspect ou un témoin, mais non pas comme un suspect
14 potentiel.
15 Pour ajouter à la confusion et au malentendu, même si
16 M. Borovcanin, par le truchement de l'interprète, a été informé qu'il était
17 suspect, les termes, utilisés lors des avertissements faits pendant
18 l'entretien, mentionnaient le fait qu'il était un témoin -- un "suspect
19 potentiel." M. Graham a déclaré, pendant sa déposition, qu'il s'était servi
20 pendant l'entretien d'un aide-mémoire standard et c'est sur ce document
21 qu'il s'est appuyé pour avertir M. Borovcanin et l'informer de ses droits.
22 Toutefois, à chaque fois qu'un avertissement de ce genre a été fait à
23 l'adresse de M. Borovcanin, la formulation a été différente ou
24 l'interprétation a été différente.
25 M. Graham a bien dit Borovcanin que sa déclaration pouvait être utilisée
26 contre lui dans le cadre d'un procès. Mais en raison d'une erreur
27 d'interprétation, M. Borovcanin n'a pas été informé de cela. Il n'a pas été
28 informé du fait que cette déclaration qu'il faisait pourrait éventuellement
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1 être utilisée contre lui. Nous pensons que cet avertissement revêt une
2 importance particulière s'agissant des droits d'un suspect, et une personne
3 doit savoir exactement quelle est la situation pour décider si elle accorde
4 un entretien ou pas. Pour être concret, sur les six avertissements faits à
5 M. Borovcanin pendant les deux entretiens qui ont été menés, à quatre
6 reprises, on ne lui a pas dit ou du moins l'interprète ne lui a pas dit que
7 ce qu'il dirait pourrait être utilisé "contre lui." Ce qui indubitablement
8 permet de conclure que M. Borovcanin a pu mal comprendre son statut.
9 Le fait qu'il n'ait pas été correctement averti est peut-être dû à une
10 erreur d'interprétation même si les deux interprètes, qui ont assuré la
11 traduction, ont commis la même erreur, la Chambre de première instance peut
12 en conclure que ces termes sont superflus en B/C/S, mais nous estimons
13 qu'il s'agit sans aucun doute d'une erreur de la part des interprètes. Lors
14 du deuxième entretien, les termes "contre vous," ont bien été traduits.
15 Dans le système juridique d'où vient M. Borovcanin, il est important
16 lorsqu'on donne un avertissement à une personne qui fait une déclaration de
17 préciser que : "Cette déclaration pourra éventuellement être utilisée
18 contre la personne qui fait la déclaration." Nous pouvons estimer certes
19 qu'il n'est pas important d'utiliser, en B/C/S, les termes "contre vous,"
20 mais les interprètes doivent interpréter aussi correctement que possible et
21 de leur mieux ce qui est dit et non pas interpréter les règles en vigueur
22 dans un système juridique.
23 Toute erreur commise par les interprètes ne doive pas avoir des
24 conséquences négatives pour M. Borovcanin ou sur le droit fondamental qui
25 est le sien de jouir d'un procès équitable de garder le silence et de ne
26 pas s'incriminer. Il est important de garder à l'esprit qu'à l'époque, M.
27 Borovcanin, lorsqu'il a accordé cet entretien, ne savait pas ou n'avait pas
28 bien compris que ce qu'il dirait pourrait être utilisé contre lui dans le
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1 cadre d'un procès.
2 On a prévenu M. Borovcanin qu'il n'était pas obligé de répondre aux
3 questions qui lui étaient posées, mais il n'a jamais été expressément dit
4 qu'il pouvait choisir de ne pas du tout parler aux représentants du bureau
5 du Procureur, ce qui signifie également qu'il pouvait à tout moment mettre
6 un terme à l'entretien et s'en aller. La Défense est d'avis que ce droit
7 aurait dû être précisé expressément à l'intention de M. Borovcanin de façon
8 à ce qu'il puisse en toute conscience décider d'exercer ou non ce droit.
9 Or, à aucun moment lors des entretiens qu'a accordés
10 M. Borovcanin, à aucun moment ne lui a-t-on dit de quel crime précis il
11 était soupçonné, ni quel mode de participation ou quelle forme de
12 responsabilité lui était imputée. Le bureau du Procureur agit selon les
13 Règles prévues par le Tribunal. Si une telle situation se produisait dans
14 un procès pénal quel qu'il soit et quel que soit le système juridique en
15 vigueur, on dirait à la personne qu'on interroge : "Vous pouvez être
16 soupçonné de certains crimes sanctionnés par le code pénal de ce pays." La
17 Défense de M. Borovcanin estime que l'avertissement fait à M. Borovcanin
18 était pour le moins insuffisant, et qui n'était pas en mesure de savoir si
19 les réponses qu'il donnait pouvaient l'incriminer ou pas.
20 Rien ne prouve que M. Borovcanin connaissait tous les crimes
21 sanctionnés par le Statut du Tribunal. M. Graham a également confirmé que
22 le bureau du Procureur ignorait si M. Borovcanin ou son conseiller
23 juridique connaissait même le Statut ou le Règlement de ce Tribunal. Je
24 peux affirmer, avec certitude, aujourd'hui, qu'à l'époque où M. Borovcanin
25 a accordé cet entretien, ni lui ni son conseil ne connaissait cela. Le
26 Statut du TPIY sanctionne de nombreux actes de gravité variable, de nature
27 variable, et on peut supposer que M. Borovcanin n'était pas au courant de
28 tout cela.
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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.
2 M. NICHOLLS : [interprétation] Pardon de formuler une objection. Je
3 crois que tout de même devoir le faire car, à la ligne 22 de la page 7 :
4 "Je peux seulement dire, avec certitude, qu'à l'époque où il a donné la
5 déclaration ni M. Borovcanin ni son conseil n'en était vraiment conscient."
6 C'est le genre de -- enfin, il faudrait obtenir des éléments de preuve à
7 cet effet. Mon ami pourrait très bien dire, Oui, on pourrait tirer ces
8 conclusions de l'entretien, mais je ne pense pas qu'il devrait déclarer des
9 faits qui ne sont pas étayés par le compte rendu ou le dossier.
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que vous aimeriez réagir ?
11 M. LAZAREVIC : [interprétation] Je suis d'accord avec
12 M. Nicholls, je suis désolé. Je n'avais pas du tout l'intention de
13 témoigner, bien entendu, mais je fais seulement une remarque conformément à
14 ce que nous avons entendu dire par M. Graham.
15 De même, M. Borovcanin ne pouvait pas savoir qu'il pouvait également
16 être suspect d'une responsabilité en tant que supérieur hiérarchique et
17 qu'en parlant des activités d'autrui il pouvait s'incriminer lui-même.
18 Enfin, la Défense de M. Borovcanin aimerait l'accent sur le fait que
19 M. Borovcanin, comme nous l'avons entendu dire de M. Graham, n'est pas un
20 avocat, et son attitude à comprendre de telles mises en garde -- ou, le cas
21 échéant, des faits de mise en garde devrait être considéré à la lumière des
22 faits que son conseil juridique n'était pas présent à ce moment-là. En ce
23 qui concerne la question des mises en garde, la Défense de M. Borovcanin
24 aimerait citer les dispositions pertinentes du droit de procédure pénal de
25 certains Etats de l'ex-Yougoslavie afin que la Chambre puisse se
26 familiariser avec les critères qui devraient être remplis à cet égard en
27 tout cas à notre avis.
28 Le droit de procédure pénal de la Bosnie-Herzégovine à l'article 78,
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1 paragraphe 2, dit : "Au début de l'interrogatoire, il faut informer le
2 suspect des chefs d'accusation à son encontre et les motifs pour lesquels
3 il est suspect." Et conformément à l'article 5 du code de procédure pénal
4 de la République serbe, qui en fait considère les notions d'accusé -- de
5 suspect comme étant synonyme, énonce ce qui suit : "Avant la première
6 audition, l'accusé doit être averti que tout ce qu'il pourrait dire
7 pourrait être retenu comme élément de preuve contre lui." Le paragraphe 2
8 stipule que dès la première audition, l'accusé doit être informé des chefs
9 d'accusation retenus contre lui, les motifs qui fondent ces accusations, et
10 je citerais l'article 186 du code de procédure pénal de la République de
11 Croatie le passage pertinent, c'est-à-dire, le point 5, qui stipule que
12 lorsque l'on réunit des informations, ou lorsqu'elle réunit ces
13 informations, les autorités doivent mettre en garde l'accusé conformément
14 aux dispositions de l'article 2372 de cette loi. Il va être accusé des
15 crimes qu'on lui reproche, des motifs qui fondent ces accusations et mises
16 en garde aussi ou avertit qu'il ne doit pas répondre aux questions, il
17 n'est pas obligé de le faire.
18 J'insiste sur le fait que je ne cite que les passages pertinents de
19 ces articles.
20 Les dispositions que je viens de citer démontrent sans ambiguïté les
21 critères qui ont été adoptés par ces Etats dont je viens de citer la
22 législation concernant l'information qui doit être donnée aux suspects. Il
23 en ressort également clairement que ces mises en garde vont au-delà de ce
24 que l'enquêteur, M. Graham, a dit à
25 M. Borovcanin lorsqu'il a accordé cet entretien. Ces critères sont très
26 clairs. Avant de décider s'il va ou non accorder un entretien, le suspect
27 doit être informé des crimes qui lui sont reprochés et les bases factuelles
28 qui étayent ces accusations et les soupçons qui pèsent sur lui.
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1 Manifestement, lorsque M. Borovcanin a accordé cet entretien au
2 bureau du Procureur, ces exigences n'avaient pas été remplies. La question
3 qui se pose dès lors est de savoir quels critères, quelles exigences vont
4 être adoptées par cette Chambre concernant ces points de droit.
5 La Défense admet qu'il est possible que cette question soit tranchée
6 de façon différente dans différents systèmes juridiques, et ce Tribunal, en
7 tant que Tribunal international, respecte différentes règles de droit
8 découlant de différents types -- différents systèmes juridiques. Cela dit,
9 étant donné qu'il s'agit d'un Tribunal international qui joue un rôle
10 historique en créant des précédents de la jurisprudence en matière de droit
11 pénal international, la Défense de M. Borovcanin propose, à cet égard, que
12 la Chambre adopte les exigences les plus strictes notamment à tout le moins
13 les exigences retenues par les lois que je vous ai citées.
14 Maintenant, étant donné qu'il s'agit du Tribunal pénal international
15 pour l'ex-Yougoslavie, la Défense estime que la Chambre devrait dans tous
16 les cas tenir compte des législations des Républiques qui composaient l'ex-
17 Yougoslavie.
18 Je vais maintenant passer à la question de la représentation juridique de
19 M. Borovcanin. Au cours de l'audition, il a déjà été dit que conformément
20 aux règles du système juridique qui est celui de
21 M. Borovcanin et de sa Défense, les infractions juridiques graves emportent
22 une Défense nécessaire ou obligatoires, c'est-à-dire qu'un accusé ou un
23 suspect auquel on reproche de telles infractions graves doit avoir un
24 représentant juridique qui doit être présent à tout moment peut-être
25 l'entretien.
26 En fait, le conseil de M. Borovcanin n'était présent lors de a
27 première partie de son entretien le 20 février 2002. Il est également avéré
28 que M. Borovcanin était d'accord pour que son conseil ne soit pas présent.
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1 Toutefois, le consentement de M. Borovcanin afin que l'entretien puisse se
2 poursuivre en l'absence de tout conseil devrait être considéré à la lumière
3 de arguments que j'ai déjà cités, c'est-à-dire que l'on peut se demander si
4 M. Borovcanin aurait donné son consentement à l'entretien sans la présence
5 d'un conseil juridique s'il avait su sans ambiguïté qu'il était suspect. Y
6 aurait-il consenti s'il avait compris sans la moindre ambiguïté que ce
7 qu'il disait pourrait être retenu contre lui, et aurait-il consenti s'il
8 avait su qu'il était suspect et suspect ou que le génocide et l'entente en
9 vue de commettre le génocide était des crimes qui lui étaient reprochés ou
10 dont il était suspect ?
11 En d'autres termes, il faut se demander si M. Borovcanin aurait accordé un
12 entretien au bureau du Procureur, et notamment s'il aurait fait en
13 l'absence de tout conseil juridique. Quant au rôle que doit jouer le
14 conseil juridique, la Défense de M. Borovcanin aimerait insister sur le
15 fait conformément à l'article 18.3 du Statut du Tribunal et l'article 42 du
16 Règlement de procédure, le suspect a le droit d'être assisté par un avocat
17 ou un conseil qu'il a lui-même choisi, c'est-à-dire qu'il incombe à un
18 conseil donc d'aider la personne, ce qui implique donc que ce conseil joue
19 un rôle actif dans la procédure que ce soit dans la phase préparatoire ou
20 préalable au procès ou la phase du procès. Une telle interprétation -- une
21 telle perception des droits -- ou du droit de l'accusé à être représentée
22 par des avocats, a déjà été acceptée dans la pratique de ce Tribunal.
23 J'aimerais évoquer les décisions rendues ou la décision rendue dans
24 l'affaire Blagojevic, Jokic du 18 septembre 2003, paragraphe 25.
25 La Défense de M. Borovcanin affirme que mis à part le fait d'être
26 simplement présent pendant une partie de cet entretient, les représentants
27 juridiques de M. Borovcanin ne l'ont pas assisté en fait et n'ont pas
28 protégé ses droits de manière efficace. Donc, ils étaient simplement
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1 présents.
2 Il n'est pas contesté que l'entretien du 20 février 2002 a duré pendant
3 trois heures en l'absence d'un conseil juridique, même lorsque l'avocat de
4 M. Borovcanin, Zoran Bubic, est arrivé, il n'a pas vraiment participé à
5 l'entretien. Il n'a rien dit, il n'a rien proposé, et il n'a aidé en rien
6 son client du point de vue juridique; en fait, il n'a même pas jugé utile
7 de vérifier ce qui avait été dit en son absence. En tant que conseil
8 désigné par M. Borovcanin, il n'a pas demandé à reprendre l'entretien
9 depuis le début. Il n'est jamais intervenu pour préciser quel était le
10 statut de M. Borovcanin pendant l'entretien, ni quels étaient ses droits.
11 Le fait que l'avocat de
12 M. Borovcanin ait assisté à une partie de l'entretien ne permet pas de
13 conclure qu'il a exercé sa fonction qui était d'aider son client. Il ne l'a
14 pas aidé, et par conséquent, M. Borovcanin a été privé de son droit à
15 l'assistance efficace d'un conseil.
16 A l'occasion du deuxième entretien, M. Goran Bubic, un deuxième avocat, est
17 arrivé avec le consentement de M. Borovcanin, mais ce deuxième avocat n'a
18 pas non plus participé de quelle manière que ce soit à l'entretien. Il n'a
19 pas fourni à son client la moindre aide juridique. Me Bubic n'a rien dit
20 pour aider son client au plan juridique.
21 Se pose également la question de la continuité de la Défense car nous
22 ignorons si le premier avocat a informé le deuxième avocat de ce qui
23 s'était passé au cours du premier entretien.
24 La Défense de M. Borovcanin estime que pour cette raison également,
25 l'entretien et les documents y afférents ne doivent pas être versés au
26 dossier de l'espèce.
27 La Défense de M. Borovcanin tient à souligner une autre question
28 qu'elle juge importante pour que la Chambre se prononce convenablement sur
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1 cette question. Au cours de l'entretien, on a offert à M. Borovcanin la
2 possibilité de modifier ou de préciser certaines choses dites au cours de
3 l'entretien. Il s'agissait seulement d'informer en conséquence le bureau du
4 Procureur. L'entretien de M. Borovcanin a duré une quinzaine d'heures. Il
5 est bien évident qu'il est impossible de se souvenir de toutes les
6 questions posées, de toutes les réponses fournies au cours d'un entretien,
7 qui a duré 15 heures, sans écouter les enregistrements. Aucune raison
8 valable n'a été avancée pour justifier le fait que l'on n'a pas donné à M.
9 Borovcanin les enregistrements de l'entretien pendant plusieurs jours.
10 Il ressort clairement de la transcription du premier entretien, du
11 deuxième entretien qu'au début du deuxième entretien M. Borovcanin n'avait
12 pas reçu les enregistrements audio de l'entretien qui avait été réalisé
13 jusqu'à lors. Ces avocats n'avaient pas non plus reçu ces enregistrements.
14 Au contraire, on lui donnait la possibilité ou d'ajouter certains éléments
15 dans son entretien mais ça doit être limité puisqu'il n'avait pas obtenu en
16 temps voulu les enregistrements.
17 Pour terminer, la Défense de M. Borovcanin estime que les entretiens
18 conduits avec ce dernier n'ont pas respecté les règles fondamentales, ce
19 qui pourrait porter préjudice à M. Borovcanin. La Défense fait valoir qu'il
20 ne serait pas dans l'intérêt pas dans l'intérêt de la justice de verser au
21 dossier l'entretien réalisé avec M. Borovcanin. Ceci irait également à
22 l'encontre du principe du procès équitable.
23 La Défense de M. Borovcanin demande à la Chambre de rejeter la demande de
24 l'Accusation aux fins du versement au dossier de l'entretien et des
25 documents y afférant.
26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Maître Lazarevic.
27 Maître Meek.
28 M. MEEK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour, Monsieur
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1 le Président, Madame et Messieurs les Juges. Je m'efforcerai d'être aussi
2 bref que possible.
3 Me Lazarevic a invoqué l'article 42 du Règlement, où il est dit qu'avant
4 d'être interrogé par le Procureur, le suspect est informé de ses droits,
5 donc, le Procureur doit informer le suspect de ses droits avant de
6 l'interroger. C'est obligatoire. Il est important en avertissant le suspect
7 de tenir compte du fait que les suspects n'ont pas l'habitude de la police
8 ou des représentants du bureau du Procureur. Ils sont, par conséquent,
9 désavantagés. C'est pour ça qu'on les informe de leurs droits.
10 Pour ce qui est du caractère volontaire de l'entretien, l'Accusation doit
11 prouver selon nous qu'elle a bien informé le suspect de ses droits, ce qui
12 n'a pas été démontré en l'occurrence. L'objectif ultime de tout
13 interrogatoire est d'obtenir une confession, un aveu. Tout ce qui pourrait
14 impliquer le suspect et démontrer qu'il a participé à des agissements
15 criminels. On peut supposer que personne ne s'impliquerait délibérément
16 auprès de la police et cela suppose que l'on cherche à persuader ou à
17 convaincre une personne que c'est dans son intérêt de le faire. Le but de
18 l'interrogatoire étant d'amener une personne à raconter à la police ou aux
19 représentants des forces de l'ordre ce qu'elle a fait, ce qui permettra
20 d'aboutir à une condamnation.
21 En l'occurrence, l'Accusation a beaucoup parlé de la question du caractère
22 volontaire de l'entretien. Mais cet entretien a-t-il bel et bien été
23 accordé de façon volontaire. Nous pensons que vous devez vous intéresser à
24 ce deuxième volet de l'analyse pour trancher la question. L'Accusation doit
25 avant tout prouver que le suspect,
26 M. Borovcanin, sciemment en connaissance de cause et volontairement a
27 renoncé à ses droits et a accordé cet entretien de façon tout à fait
28 volontaire. La charge de la preuve en l'occurrence est lourde. Elle ne
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1 repose absolument pas sur la Défense.
2 La Chambre doit déterminer si les déclarations, faites par
3 M. Borovcanin, étaient bel et bien volontaires. Personne n'affirme certes
4 qu'on l'a menacé d'une arme pour faire cette déclaration; cependant,
5 l'Accusation doit prouver que M. Borovcanin qui était considéré comme un
6 suspect à l'époque et à qui on a remis une convocation afin d'être entendu
7 en tant que suspect en application de l'article 42, l'Accusation doit
8 démontrer que M. Borovcanin sciemment et en connaissance de cause a renoncé
9 à ses droits en application de l'article 42. Il faut savoir si l'accusé ou
10 le suspect en l'occurrence connaissait ses droits, et pour que cette
11 déclaration soit considérée comme fiable, il faut s'assurer que la
12 personne, qui l'a faite, l'a faite sans contraintes et de façon volontaire.
13 Lorsqu'un suspect a fait une déclaration qui l'incrimine, il est improbable
14 qu'il retire ses déclarations ou qu'il refuse de s'entretenir davantage
15 avec la personne à qui il a fait ces déclarations, après avoir reçu les
16 avertissements. Nous estimons que la personne qui a fait une déclaration
17 comme celle-ci n'est jamais totalement -- et qui a ainsi vendu la mèche
18 n'est jamais libéré complètement des contraintes psychologiques et
19 pratiques que cela représente que d'avoir fait une telle déclaration.
20 Nous pensons que le bureau du Procureur n'a absolument pas démontré --
21 rempli la charge de la preuve qui lui incombe et n'a pas démontré que cette
22 déclaration pouvait être versée au dossier en tant qu'éléments à charge
23 contre M. Borovcanin, un motif qu'elle a été fait de façon volontaire.
24 L'Accusation n'a pas démontré que M. Borovcanin avait renoncé à ses droits
25 sciemment en connaissance de cause et de façon volontaire. Et je vous
26 renvoie à ce qui a été dit hier et à l'exposé qui vient d'être fait par Me
27 Lazarevic sur ce point.
28 On a dit à M. Borovcanin qu'il était un suspect potentiel. Il y a eu une
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1 erreur d'interprétation et on ne lui a pas dit que ce qu'il dirait pourrait
2 être retenu contre lui. On lui a dit que cela pourrait simplement être
3 utilisé. En se servant de ce document pour informer M. Borovcanin de ses
4 droits en lui disant qu'il était un témoin potentiel l'Accusation a eu
5 recours à un subterfuge, une ruse afin d'obtenir de sa part, ladite
6 déclaration. Vu la manière dont ses droits lui ont été lus, M. Borovcanin a
7 été induit en erreur. Le bureau du Procureur ne l'a pas averti comme il
8 convient ce qui lui a porté préjudice.
9 Nous pensons que les dispositions dans l'article 42 ont été violées
10 et qu'à la lumière des éléments de preuve sans équivoque qui ont été
11 présentés, il est impossible de dire au-delà de tout doute raisonnable que
12 M. Borovcanin a renoncé aux droits que lui confèrent le Règlement de
13 procédure et de preuve du Tribunal de façon volontaire sciemment et en
14 connaissance de cause.
15 J'ajouterais qu'il est important que le procès se déroule de façon
16 équitable. Les principes appliqués doivent être stricts. Cette déclaration
17 ne doit pas être versée au dossier. Nous demandons que vous rejetiez la
18 demande de l'Accusation.
19 Merci.
20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Maître Meek.
21 Monsieur Nicholls.
22 M. NICHOLLS : [interprétation] Je vous remercie. Je vais essayer de
23 terminer en 15 minutes. Je serai bref.
24 Nous affirmons que cet entretien est recevable et a une valeur
25 probante et fiable. Toutes les sauvegardes procédurales requises par le
26 Statut ont été respectées entièrement. L'entretien a été accordé de plein
27 gré et en toute connaissance de cause, et ce consentement était éclairé, le
28 consentement de M. Borovcanin.
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1 Je pense que l'essentiel en l'espèce tourne autour de l'article 42 et
2 la question de savoir si cet article a été respecté.
3 M. Lazarevic, au nom de son client, a longuement expliqué la loi et
4 M. Borovcanin connaît bien, c'est-à-dire le droit de l'ex-Yougoslavie en
5 matière d'interrogatoire notamment, mais cela n'a pas la moindre
6 pertinence.
7 Tout d'abord, pour que -- enfin, si c'est considéré comme pertinent cela
8 voudrait dire que M. Borovcanin, professeur de droit, aurait eu
9 connaissance de cette loi et s'il connaissait cette loi, s'il pouvait
10 comprendre les notions contenues dans cette loi, il était simplement en
11 mesure de comprendre les droits tout à fait simples dont il a été informé
12 lors de ces entretiens.
13 Par ailleurs, la jurisprudence de Tribunal dit très clairement que les
14 différences culturelles ne sont pas déterminantes, et je me réfère
15 notamment à la décision concernant la requête de Zdravko Mucic dans
16 l'affaire Celebici concernant l'irrecevabilité, l'exclusion des moyens de
17 preuve. L'affaire Celebici IT-96-21-T, en date du
18 2 septembre 1997, précisément à partir du paragraphe 59 à la page 60, où la
19 Chambre de première instance, au sujet de l'article 42, énonce qu'il s'agit
20 d'un critère objectif. La question est de savoir si l'on a donné lecture de
21 cet article 42, le critère n'étant pas si cette expression était familière
22 pour la personne en question, d'un point de vue culturel. En effet, les
23 droits énoncés à l'article 42, droits spécifiques, droits exhaustifs
24 découlent des normes internationales de l'ACDH et de l'ICCPR et sont
25 conçues ont été conçues pour s'appliquer à tout le monde dans toutes les
26 situations et pour pourvoir être facilement compris par des gens de l'ex-
27 Yougoslavie, en tout cas, lorsqu'ils ont été intégrés dans notre Statut,
28 ils étaient ainsi conçus et sont conformes aux normes internationales.
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1 Donc, je vous encouragerais à lire ces paragraphes 551 à 553 dans l'arrêt,
2 dans l'affaire Celebici, arrêt de la Chambre d'appel.
3 Donc, la Chambre d'appel, au paragraphe 551 concernant l'article 42, a dit
4 : "Le droit n'est ni ambigu ni difficile à comprendre tant que le suspect
5 est clairement informé dans une langue qu'il comprend de ses droits.
6 L'Accusation s'acquitte de ses obligations et l'enquêteur n'est pas tenu
7 d'aller au-delà."
8 En raison des contraintes de temps, je ne vais pas passer tout cela en
9 revue, mais dans la décision Halilovic du 8 juillet 2005, concernant la
10 déclaration de l'accusé au paragraphes 22 et 23, il est dit très clairement
11 que ce qui est exigé par ce Tribunal, par le Statut et le Règlement de
12 procédure de ce Tribunal c'est que : "L'on informe un suspect qu'il a le
13 droit de garder le silence et que toute déclaration qu'il fera pourra être
14 utilisé comme moyen de preuve," un point, c'est tout. Il n'est dès lors pas
15 exigé comme le prétend mon confrère, que l'on rajoute les termes :
16 "Pouvaient être retenus contre vous." En l'espèce, l'enquêteur est allé au-
17 delà de l'exigence, et je crois qu'il ressort clairement de son témoignage,
18 qu'il essayait d'être aussi juste, aussi équitable que possible vis-à-vis
19 de M. Borovcanin et qu'il est même allé au-delà de ce qu'exige l'article du
20 Règlement.
21 L'argument selon lequel M. Borovcanin aurait dû attendre la présence de son
22 conseil, qu'il était libre de quitter la salle, je vous incite à lire à
23 combien de reprises l'enquêteur et M. McCloskey, aux pages 1 et 2 du
24 premier entretien, ont dit à M. Borovcanin qu'il s'agissait de questions
25 très importantes, et que s'il le souhaitait, il devait attendre l'arrivée
26 de son conseil, qu'il n'avait aucune obligation. M. Borovcanin a dit, lui-
27 même : "Je veux commencer." Donc, on lui a bien lu ses droits de manière
28 simple en application ou conformément aux Règlements et il a dit : "Je
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1 veux commencer."
2 Encore une fois, pour revenir à Halilovic, je pense que vraiment
3 l'essentiel -- la question essentielle est de savoir a-t-il été informé
4 qu'il avait le droit de garder le silence, de ne pas répondre aux questions
5 et la réponse est affirmative. La règle a été respectée. Lui a-t-on dit que
6 toute déclaration de sa part pourrait être utilisée comme moyens de preuve.
7 Oui, on le lui a dit, à de nombreuses reprises avant l'arrivée de son
8 conseil et après l'arrivée de son conseil.
9 J'aimerais également faire une brève observation très brièvement
10 concernant la mise en cause de la compétence de son conseil ou la thèse
11 d'après laquelle il aurait été inefficace. Mais le simple fait que le
12 conseil n'ait pas interrompu l'entretien et n'ait pas posé de question,
13 cela ne pouvait pas être assimilé à de l'incompétence de la part du
14 conseil.
15 Tout d'abord, lorsque ce conseil est arrivé sur place, le dossier
16 montre bien qu'il y a eu une pause de deux heures afin qu'il puisse
17 consulter son client et toutes les questions posées par
18 M. Lazarevic, toutes ces questions, il se demande pourquoi le conseil n'a
19 pas -- toutes les questions que le conseil n'a pas posé à l'enquêteur
20 auraient pu être posées à M. Borovcanin pendant ces deux heures, il aurait
21 pu y répondre. Donc, c'est de la pure conjecture que de dire que cet avocat
22 était incompétent tout simplement parce qu'il n'a pas réagi à certains
23 moments.
24 Donc, il faut bien tenir compte de la réalité et de la situation
25 réelle lors de cet entretien.
26 M. Borovcanin est manifestement un homme très éduqué. Il a été
27 officier de police de carrière toute sa vie. Il était professeur de droit à
28 Banja Luka, à l'Ecole de police. Il était doctorat. Donc, lorsque enfin la
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1 citation à comparaître qu'il avait reçue énonçait : "Bien qu'il allait
2 donner une déclaration concernant une enquête au sujet à Srebrenica en
3 1995."
4 On lui a également assuré un sauf-conduit et le Procureur s'était
5 engagé qu'il ne serait pas arrêté lors de l'entretien ou dans les cinq
6 jours suivant l'entretien. Il a engagé un avocat avant l'entretien, après
7 avoir reçu cette citation et il a renoncé sans ambiguïté à son droit
8 d'avoir son conseil présent à plusieurs reprises au début de l'entretien.
9 Si vous prenez la transcription de l'entretien, notamment celui de février
10 aux pages 2, 23, 44, 115 et l'entretien du mois de mars aux pages 1, 115,
11 50, vous verrez que tous ces droits ont été respectés.
12 En fait, ce que souhaite faire -- c'est ce qu'essaient de faire mes
13 confrères, c'est de créer des exigences impossibles à remplir d'après
14 lesquelles aucun entretien n'en serait admissible ou recevable parce qu'ils
15 mettent en cause non pas tellement la manière dont leurs droits ont été
16 respectés. Ils disent plutôt que l'article 42 est inadéquat parce que cet
17 article ne stipule pas : "Qu'il faut informer le suspect de certaines
18 choses concernant sa situation juridique ou son statut." L'article ne
19 stipule pas : "Qu'il faut dire au suspect si ces moyens de preuve
20 pourraient être retenus contre vous, donc, il n'y a pas ces termes
21 spécifiques "contre vous," mais c'est un article qui est le même que celui
22 qui a été appliqué depuis les premiers jours de ce Tribunal, et cet article
23 est pleinement respecté dans cette affaire.
24 S'ils avaient pu démontrer que M. Borovcanin était atteint dans sa
25 santé mentale ou qu'il lui était particulièrement difficile de comprendre
26 des termes très explicites comme ceux contenus aux articles 42 et 43, il y
27 a eu quelques erreurs d'interprétation, mais ces erreurs ont été corrigées
28 dans la transcription, et de façon générale, tout s'est passé de façon très
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1 explicite, très précise. Il a reçu tout ce qui est prévu par les articles
2 du Règlement. Nous avons également appris qu'il parle l'anglais dans une
3 certaine mesure.
4 Enfin, pour répondre à la question de M. Meek : alors, était-ce en
5 toute connaissance de cause ? Oui. C'est un homme qui préparait un
6 doctorat. On lui a énoncé des règles très simples qui correspondent à une
7 norme internationale qui était en vigueur en ex-Yougoslavie également, qui
8 avait adhéré à ces normes ou instruments internationaux. Est-ce qu'il a
9 renoncé à ses droits de façon
10 éclairée ? Bien, vous verrez bien en lisant la transcription qu'il avait
11 bien compris la question qu'on lui a posé. Il a dit : "Oui, nous pouvons
12 continuer." Donc, il a répondu à cette question de façon intelligente et
13 éclairée. Mon confrère a également dit qu'à la fin de l'entretien, on lui a
14 dit qu'il pouvait à tout moment contacter l'Accusation par la suite.
15 Je crois qu'il se réfère à la page 162, je crois, et on donne à M.
16 Borovcanin la possibilité d'ajouter quelque chose ou de préciser quelque
17 chose lors du deuxième entretien, et il le fait. Il formule quelques
18 observations concernant la structure. Est-ce qu'il a
19 renoncé ? Y a-t-il eu une renonciation ? Oui, des renonciations explicites
20 tout du long. Il a renoncé à son droit de garder le silence, à son droit
21 d'être assisté par un avocat. Cela n'a absolument pas d'ambiguïté. Il a
22 compris ses droits et il y a renoncé.
23 Je vous remercie.
24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Monsieur Nicholls.
25 Est-ce que vous souhaiteriez ajouter encore quelque chose, Monsieur
26 Lazarevic ? Est-ce que nous pouvons en rester là ?
27 M. LAZAREVIC : [interprétation] Non, je n'ai rien à ajouter.
28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Meek.
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1 M. MEEK : [interprétation] Très brièvement parce qu'il nous reste une
2 minute.
3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien.
4 M. MEEK : [interprétation] Deux choses. Peu importe dans ces circonstances
5 que M. Borovcanin était un homme très éduqué. C'est tout de même un homme
6 qui n'avait jamais été suspect auparavant, qui se trouve à Banja Luka dans
7 un immeuble des Nations Unies, son avocat n'est pas présent. Il est en
8 présence d'un enquêteur et d'un représentant du bureau du Procureur qui
9 était donc le premier substitut du Procureur. Franchement, nous ne pensons
10 pas qu'il s'agit d'une norme ou d'exigence impossible à le remplir, comme
11 le dit l'Accusation. Nous aimerions simplement que l'Accusation respecte
12 les Règles, les Règles qui sont contraignantes, elles ne sont pas
13 discrétionnaires. C'est tout ce que j'ai à dire.
14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.
15 Est-ce que les autres Juges ont des questions ? Non.
16 [La Chambre de première instance se concerte]
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je pense que nous pouvons clore les
18 débats sur cette question aujourd'hui. Nous n'allons pas statuer
19 aujourd'hui ni même demain. Je crois que nous devons réfléchir longuement à
20 tous les arguments qui ont été avancés. Nous n'avons pas d'autres questions
21 à traiter avant les vacances judiciaires. Comme je l'ai dit hier, nous
22 allons nous retrouver le 21 août. Ce n'est pas parce que nous avons décidé
23 de rejeter la requête visant à la jonction. En effet, il est toujours
24 permis d'espérer, Monsieur McCloskey, simplement nous avons -- enfin, il
25 est inscrit au calendrier que nous allons siéger ce jour-là.
26 Donc, d'ici là, j'aimerais saisir l'occasion de parler au nom des Juges
27 Kwon et du Juge Stole, et du Juge Prost, donc, au nom de tous les Juges de
28 la Chambre, je vous remercie de tous les efforts que vous avez déployés, de
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1 tout le travail que vous faites. Vous avez une tâche [imperceptible] dans
2 cette affaire. Je sais que la tâche est difficile tant que pour
3 l'Accusation que pour la Défense. Ce n'est absolument pas facile, c'est le
4 moins que l'on puisse dire. Cela vous demande énormément de temps et
5 d'énergie. Vous avez énormément travaillé. Le nombre de requêtes déposées
6 et la qualité de vos interventions témoignent de la qualité de votre
7 préparation pour cette affaire au quotidien. Nous vous sommes
8 reconnaissants de cela. Je pense qu'une pause des vacances est bien
9 méritée. Nous en avons tous besoin pour l'heure. Donc, tout ce qu'il me
10 reste à vous dire c'est de vous souhaitez de bien vous reposer et de
11 revenir, si Dieu le veut, de tous revenir en août quand nous allons nous
12 retrouver et donc nous poursuivrons à ce moment-là. Je vous remercie.
13 --- L'audience est levée à 16 heures 33 et reprendra le mardi 21 août 2007,
14 à 9 heures 00.
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