Page 18750
1 Le mercredi 5 décembre 2007
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame la Greffière, bonjour, bon
6 après-midi. Pourriez-vous citer l'affaire, s'il vous plaît ?
7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.
8 Il s'agit de l'affaire IT-05-88-T, le Procureur contre Popovic et consorts.
9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.
10 Pour les besoins du compte rendu, je remarque l'absence de
11 Me Ostojic du côté de la Défense et Me Haynes.
12 En revanche, du côté de l'Accusation, nous avons M. McCloskey et M.
13 Nicholls.
14 Il y a une ou deux questions que nous devons aborder sur laquelle
15 nous devons attirer votre attention. Je m'adresse en particulier à
16 l'Accusation pour la première question. Hier, je crois que l'équipe de la
17 Défense de Pandurevic a déposé une requête demandant à ce que leur expert
18 dont le nom est cité dans la requête - je ne souhaite pas le citer - puisse
19 assister à la déposition de votre témoin expert Butler. Avez-vous une
20 objection à cela ?
21 M. NICHOLLS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Nous n'avons
22 aucune objection.
23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. A ce moment-là, nous allons donc
24 rendre une décision eu égard à cette requête oralement. Nous faisons droit
25 à cette requête, et ce, pour deux raisons parce que cette demande nous
26 paraît justifiée premièrement, et ensuite, parce que l'Accusation ne
27 s'oppose pas à cette demande.
28 Hier, également, l'Accusation a déposé une requête pour demander que soit
Page 18751
1 modifiée la liste des pièces 65 ter relatives au Témoin numéro 042 Manning.
2 Comme vous le savez, Manning est prévu pour lundi, jour où il doit venir
3 déposer, et je ne sais pas si vous êtes en mesure de nous donner vos
4 estimations aujourd'hui. Si vous ne l'êtes pas, nous allons fixer un délai
5 et ce délai sera vendredi, délai fixé et intervalle de temps pour que vous
6 puissiez répondre. S'il y a une objection, faites-le-nous savoir, s'il vous
7 plaît, de façon à ce que nous puissions faire droit à la requête.
8 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Nous allons répondre à la requête, Madame
9 et Messieurs les Juges.
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Donc, vendredi, dernier délai, et lundi
11 nous prendrons une position sur cette requête.
12 De même la Défense a déposé une requête demandant à ce que la
13 déposition de ce même Témoin Dean Manning face l'objet d'une décision, bien
14 évidemment, donc, nous sommes tenus par les délais de procédure puisqu'il
15 doit être entendu lundi, et donc, nous vous accordons jusqu'à vendredi pour
16 nous donner votre réponse.
17 Donc, nous allons prendre une décision sur ces requêtes dès la
18 première heure lundi matin. Voici donc les deux questions que je souhaitais
19 aborder. Je crois que la juriste hors classe va contacter les personnes
20 concernées. L'une traite de la requête Pandurevic et l'autre avec la
21 requête Miletic.
22 Très bien. S'il n'y a pas d'autres questions que vous souhaitez aborder,
23 nous pouvons faire rentrer le témoin dans le prétoire. Oui. S'il vous
24 plaît. Merci.
25 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
26 LE TÉMOIN: ZORAN PETROVIC [Reprise]
27 [Le témoin répond par l'interprète]
28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur Petrovic. Nous
Page 18752
1 vous souhaitons la bienvenue à nouveau.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous allons reprendre l'interrogatoire
4 principal, et ensuite, nous allons nous consacrer au contre-interrogatoire.
5 Monsieur Nicholls.
6 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges.
7 Interrogatoire principal par M. Nicholls : [Suite]
8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.
9 M. NICHOLLS : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu, je
10 remarque que M. Petrovic a apporté des documents avec lui. Je ne sais pas.
11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien, c'est de ma faute.
12 M. NICHOLLS : [interprétation] Je remarque que le témoin,
13 M. Petrovic, dispose des documents. Je n'ai pas d'objection à soulever,
14 mais je veux soulever simplement m'assurer que mes confrères et consoeurs
15 de la Défense soient au courant.
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vais expliquer ceci au témoin. Je
17 crois qu'il faut être équitable envers tout le monde ici.
18 Monsieur Petrovic, la procédure de ce Tribunal veut que vous soyez autorisé
19 à vous référer à des notes que vous avez prises. Vous êtes autorisé à
20 apporter des documents dans le cadre de votre déposition, surtout si vous
21 avez besoin de vous rafraîchir la mémoire ou si vous avez besoin de
22 consulter vos notes. Néanmoins -- néanmoins, vous devez savoir que si vous
23 le faites, à ce moment-là, l'une ou l'autre des parties que ce soit,
24 l'Accusation ou la Défense, peut demander à voir ces documents.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bien sûr.
26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je souhaite simplement vous expliquer
27 la procédure qui est appliquée ici. Autrement dit, si vous les utilisez
28 vous devez les mettre à la disposition de l'une ou l'autre partie si la
Page 18753
1 demande en est faite.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Par exemple, l'information concernant ma
3 citation, mon assignation à comparaître, effectivement, je peux proposer
4 ces documents si quelqu'un souhaite les voir.
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Nicholls.
6 M. NICHOLLS : [interprétation] Bien, merci, Monsieur le Président.
7 Q. Je souhaite reprendre là où nous avons laissé notre échange hier. Je
8 vais vous poser sur l'ordre chronologique dans lequel se déroulaient vos
9 échanges avec M. Borovcanin et vous avez été embarqué dans son unité en
10 1994. Nous savons cela, vous étiez -- cela a été juillet 1995. Quand avez-
11 vous rencontré M. Borovcanin après cette période du 15 juillet 1995 ?
12 R. Dans mon village près de Belgrade, c'était au début de l'année 2002, je
13 crois. En tout cas, c'était quelque temps après qu'il ait été en contact
14 avec vous, d'après ce que j'ai compris, et il a décidé de venir à La Haye.
15 Donc, il voulait que je vienne témoigner pour lui. En tout, j'ai compté, ça
16 fait une quarantaine d'heures. Donc, pour ces 40 heures, je n'avais pas
17 raison de dire non. Je crois que c'était utile pour lui, c'est utile pour
18 ce Tribunal aussi pour établir la vérité.
19 Q. Que lui avez-vous dit ?
20 R. La réunion était très courte et j'ai donné mon accord tout de suite. Je
21 ne me souviens pas des détails, mais pour l'essentiel, cela a été fait dans
22 les premières minutes de notre échange.
23 Q. Après cela, vous avez rencontré le conseil de la Défense, les
24 enquêteurs, l'équipe de la Défense de M. Borovcanin ?
25 R. Oui, j'ai rencontré votre collègue, M. McCloskey, et j'ai rencontré -
26 il va être en colère avec moi maintenant - l'avocat de l'équipe de Me
27 Lazarevic. Il vient de Bijeljina, si je ne me trompe pas.
28 Q. Merci. Donc, je souhaite maintenant vous poser cette question-ci avant
Page 18754
1 que nous n'abordions la question de ces 40 heures avec M. Borovcanin.
2 Pourriez-vous nous dire --
3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Maître Lazarevic.
4 M. LAZAREVIC : [interprétation] Pardonnez-moi, je m'excuse auprès de mon
5 collègue. Je crois qu'il y a un très grand malentendu à propos de ces 40
6 heures. Peut-être cela a un lien avec deux événements, en particulier, je
7 ne sais pas comment faire. Le témoin parle très bien l'anglais mais, en
8 même temps, je peux présenter mes arguments, il le comprendrait de toute
9 façon.
10 M. NICHOLLS : [interprétation] Je peux reposer ma question --
11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Même si vous demandez
12 M. Bourgon ou Me Fauveau --
13 M. NICHOLLS : [interprétation] Je crois que je peux poser la question
14 différemment.
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Donc, si ça ne marche pas, à ce moment-
16 là, nous allons entendre les arguments en l'absence du témoin et nous
17 reprendrons les choses à partir de là. Je vous remercie, Maître Lazarevic.
18 M. NICHOLLS : [interprétation]
19 Q. Donc, en fait, plus tard, je vais vous poser des questions sur le temps
20 que vous avez passé avec M. Borovcanin, les 13 et 14 juillet 1995. Mais
21 pour l'heure, je souhaite vous poser des questions sur ce que vous avez
22 fait avec votre premier jet, votre premier film, et ensuite, est devenu un
23 documentaire qui a été diffusé par studio B. Qu'est-ce que vous avez fait
24 avec votre film de 8 millimètres lorsque vous êtes revenu à Belgrade ?
25 R. Écoutez, j'ai fait mon travail et je me suis mis d'accord avec le
26 rédacteur en chef pour préparer ces documentaires. Je suis revenu, j'ai
27 commencé à monter cela avec les machines dont il disposait, mais je ne suis
28 pas professionnel en la matière, je ne suis pas un caméraman professionnel.
Page 18755
1 Je suis un bon journaliste mais un mauvais caméraman. Donc, ceci a été
2 remis à studio B.
3 Q. Pourriez-vous nous donner le titre de votre documentaire ?
4 R. En serbe, c'est : "Operacija Srebrenica," "Opération de Srebrenica."
5 C'est un documentaire de 28 minutes en format standard. Q. Quand cette
6 émission a-t-elle été diffusée par studio B ?
7 R. Quelques jours plus tard, c'était peut-être même le soir même, ou le 17
8 - je mélange les deux tout le temps - mais c'était tout de suite après
9 avoir fini et ceci a été diffusé le plus rapidement possible, deux ou trois
10 jours après la diffusion, tout le monde était intéressé par l'événement.
11 Q. Souhaiteriez-vous connaître la date que vous nous avez donnée lors de
12 l'entretien ?
13 R. Le 15 ou le 17.
14 Q. Vous nous avez dit le 17. Essayez de réfléchir avant que nous
15 poursuivions.
16 R. Écoutez, cela fait un certain temps, donc, un jour près, cela n'est pas
17 très important pour ce récit.
18 Q. Je souhaite maintenant vous montrer le tout début. Nous n'allons pas
19 tout regarder. Donc, au numéro -- c'est la pièce 2011, le documentaire de
20 studio B, simplement pour que le témoin sache de quoi nous parlons.
21 [Diffusion de la cassette vidéo]
22 M. NICHOLLS : [interprétation] Je crois que cela suffit et vous en souvenez
23 certainement.
24 Q. Qu'est-ce que nous venons de regarder ?
25 R. Vous souhaitez que je vous le dise ?
26 Q. Je suis obligé de poser la question d'une certaine façon, donc, c'est
27 la raison pour laquelle je vous la pose comme ça.
28 R. Écoutez, j'ai surtout respecté ce qui s'est passé en temps réel,
Page 18756
1 lorsque je suis arrivé sur les lieux. Donc, ceci constitue des données
2 brutes, si vous voulez, c'est le vrai début du défilement des images
3 lorsque je suis arrivé - pardonnez-moi - je suis arrivé sur la base
4 britannique - pardonnez-moi, non - néerlandaise de Bratunac. Q. Merci.
5 Pouvez-vous nous confirmer qu'est-ce que nous venons de voir constitue le
6 début de votre documentaire ?
7 R. Oui, c'est exact.
8 Q. Et de surcroît, il y a ce documentaire de 28 minutes du studio B.
9 R. C'est 28 minutes, en réalité.
10 Q. Avez-vous écrit des articles sur --
11 R. Oui.
12 Q. -- ces événements ?
13 R. Oui. Vous l'avez dans vos documents. Il y avait une interview avec un
14 magazine de Belgrade qui n'existe plus depuis des années. Il s'appelle
15 Politika, et c'était le récit, mais qui comportait davantage de détails,
16 parce que l'article que j'ai publié était meilleur que le documentaire à
17 cause des difficultés que j'ai rencontrées parce que je ne suis pas très
18 bon caméraman.
19 Q. Oui, je comprends bien. Etant donné que c'est vous qui avez soulevé la
20 question; nous n'avons pas abordé cela hier. Est-ce que c'était une caméra
21 professionnelle ou personnelle ?
22 R. C'était une caméra que j'avais achetée ailleurs qu'en 1993. Cela
23 m'avait coûté 750 $, et cette caméra c'est sa destinée, en fait. J'ai pu
24 l'utiliser jusque-là, et cela a été volé du studio B, et ils souhaitaient
25 la réparer. En fait, ils me doivent de l'argent pour cela.
26 Q. Vous souvenez-vous à quelle date votre article a été publié dans ce
27 magazine ?
28 R. Récemment, je l'ai vu. Je crois que c'était à la fin du mois de juillet
Page 18757
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 18758
1 -- 21 juillet.
2 M. NICHOLLS : [interprétation] Est-ce qu'on peut avoir le numéro 469, s'il
3 vous plaît.
4 Q. Et --
5 R. Oui, c'est le 21.
6 Q. C'est bien votre article que nous voyons ici ? Merci. Donc, vous venez
7 de nous dire que vous êtes, en fait, assez satisfait de cet article ?
8 R. Oui, au point de vue professionnel, je veux dire.
9 Q. Vous avez déjà parlé de l'autre article lorsque vous étiez embarqué
10 avec l'Unité de Borovcanin, et vous avez dit que c'était objectif et qu'en
11 fait, on vous a crédité pour avoir écrit un bon article. Comment vous
12 sentez-vous par rapport à cet article qui a été publié le 21, en termes
13 d'objectivité, d'équilibre, de précision ? Pourriez-vous en parler ?
14 R. Ecoutez, je suis sûr encore aujourd'hui que c'est un des meilleurs
15 articles qui expliquaient la situation après l'entrée des Serbes à
16 Srebrenica parce que la plupart des éléments écrits dans cet article en
17 fait reposent sur mes notes; c'était très documentaire.
18 Je ne les ai pas embellies par la suite. J'ai une technique
19 particulière qui consiste à prendre des notes. Depuis le début, je me
20 rapporte toujours à mon texte initial. C'est donc ce qui est -- je reste
21 fidèle à mes notes. Donc, j'ai repris tout ce que contenaient ces notes, et
22 c'est ce que j'ai entendu. Lorsqu'il s'agissait de paroles rapportées, je
23 mettais des guillemets.
24 Q. Très bien. Donc, les notes dont vous parlez ici, que vous avez
25 utilisées pour votre article, est-ce que ce sont des notes que vous avez
26 écrites le jour même ou par la suite ? Le 13 et 14 ou par la suite, sur la
27 base des souvenirs ?
28 R. Ecoutez. Bon, la plupart, je ne peux pas être très précis, mais
Page 18759
1 c'est sans doute lorsque je n'étais pas en train de filmer parce que, si
2 vous comparez ce texte avec le filme, vous verrez qu'il y a des scènes
3 différentes et je n'ai pas d'images, et il y a des choses qui ne sont pas
4 sur les images.
5 Q. Je comprends.
6 R. J'étais seul, voyez-vous.
7 Q. Bien. Alors, maintenant, je souhaite que vous sachiez que les Juges de
8 la Chambre ont vu une copie de ce que [imperceptible] et je souhaite vous
9 montrer certains extraits de ces séquences et je vais vous demander de
10 commenter ces extraits. Alors, il s'agit d'originaux d'enregistrements qui
11 ont été faits sur quelque chose qui existait -- un support qui existait
12 déjà. Est-ce qu'il s'agit, en fait, de séquences vidéo qui ont été intégrés
13 ou donnés brutes ? Est-ce que vous comprenez ?
14 R. Oui, oui.
15 Q. Je vais d'abord vous montrer la première. On va la visionner. C'est
16 2054, c'est le numéro de ce document sur la liste 65 ter.
17 R. Je peux faire ça tout seul. Je peux appuyer sur le deuxième bouton.
18 [Diffusion de la cassette vidéo]
19 M. NICHOLLS : [interprétation]
20 Q. Donc, ça c'est bien, cette séquence vidéo -- pardonnez-moi. En fait, on
21 voit ici une douille. C'était le numéro 08 : 584. La maison avec -- on voit
22 ici des affaires devant.
23 R. Oui.
24 Q. Pourriez-vous nous en parler ?
25 R. Bien, cet obus -- cette douille d'obus se trouve devant de ma maison.
26 En fait, elle vient du champ de bataille de Vukovar. Il s'agit, en fait, du
27 balcon de ma maison, et cela prouve également que ces données brutes,
28 malheureusement, étaient comme un chant en folklore qui est passé entre
Page 18760
1 différentes mains. Je ne me souviens pas de cela, mais cette cassette est
2 une cassette de 8 millimètres qui a été utilisée souvent. Donc, ça n'était
3 pas professionnel. Ceci n'avait pas été filmé à cet effet, et on a
4 l'habitude, en fait, de n'enregistrer qu'une seule fois habituellement, et
5 ceci a été utilisé plusieurs fois pour des raisons différentes. Donc, ce
6 dont vous parlez, en fait, ne sont pas des images qui sont si fiables que
7 cela.
8 Q. D'accord.
9 R. Si on va procéder à des expertises.
10 Q. Mais --
11 R. Pardonnez-moi, mais c'est la raison pour laquelle, depuis le début, je
12 pensais que ce film de 28 minutes est le plus fidèle et le plus exact sur
13 le sujet.
14 Q. Merci. Simplement deux questions encore. Peut-être que votre
15 explication sera la même.
16 R. Si c'est la scène avec Karadzic.
17 Q. Oui, c'est une des images.
18 R. [aucune interprétation]
19 Q. Est-ce qu'on peut voir la suivante.
20 R. Pardonnez-moi, mais peut-être qu'à ce moment-là, si je dois choisir
21 entre quelle langue je dois parler, l'anglais d'Europe ou les vieilles
22 langues européennes, je préfère m'exprimer en serbe, et donc, j'ai promis
23 de dire dans quelle langue j'allais m'exprimer aux interprètes, si vous me
24 le permettez.
25 Q. Fort bien.
26 R. Merci.
27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Ecoutez, vous avez le droit
28 de choisir votre langue.
Page 18761
1 M. NICHOLLS : [interprétation] Très bien.
2 Q. Alors, vous pouvez choisir la langue que vous préférez. Donc, nous
3 allons commencer à 10 minutes, 15 secondes ?
4 [Diffusion de la cassette vidéo]
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je ne vois rien pour l'instant.
6 M. NICHOLLS : [interprétation] Oui. Pardonnez-moi. C'est exact, en fait.
7 Cette séquence fait partie de la cassette où il y a un blanc, de rien.
8 Voilà, ça y est.
9 [Diffusion de la cassette vidéo]
10 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.
11 Q. Est-ce que vous avez des commentaires à faire ?
12 R. Il s'agit là sans doute, comme je le vois -- en fait, le son est très
13 fort ici. C'est sans doute une conversation que j'ai eue chez moi dans ma
14 maison à cette occasion-là. C'est un sujet qui intéressait beaucoup de
15 gens, et je ne peux pas vous fournir d'autres commentaires. Simplement,
16 bon, c'est quelque chose qui a été enregistré, en fait, c'est une
17 interférence, je ne sais pas dans quel contexte que ceci a été filmé.
18 Q. Merci. La troisième image vous la connaissez certainement. Je vais vous
19 la montrer. En fait, c'est une boite de ration militaire. Vous allez la
20 voir dans quelque instant. Ici nous commençons à 24:10.
21 [Diffusion de la cassette vidéo]
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Encore une fois, il s'agit là de
23 l'appareil que j'ai utilisé avant qu'on ne dispose d'ordinateur chez moi
24 dans mon pays. Cela prouve que l'OTAN a aidé les Moudjahidines, comme je
25 l'ai dit hier. L'OTAN a partagé les vivres avec les Moudjahidines, et cet
26 élément d'information je l'ai rapporté de mon voyage, et j'ai montré ces
27 séquences vidéo partout en Serbie.
28 Cela prouve une nouvelle fois que ceci a été utilisé et réutilisé à maintes
Page 18762
1 reprises, et je ne sais absolument pas comment ce film que vous souhaitez
2 montrer a été interrompu via une coupure. Je sais dans quelle direction
3 cela va, mais je ne peux pas vous dire plus que cela. J'admets qu'ici ce
4 sont les rations standard de l'OTAN qui ont été utilisées pour nourrir les
5 volontaires du monde musulman qui sont venus en Europe pour se rapprocher
6 de l'Union européenne. C'est un peu cynique, c'est vous qui me l'avez
7 demandé.
8 M. NICHOLLS : [interprétation]
9 Q. Savez-vous quand cette séquence vidéo que nous avons vue des rations --
10 de cette boite de ration, a été filmée; vous en souvenez-vous, ce carton ?
11 R. Je ne m'en souviens pas parce qu'il y a un lien avec l'époque
12 précédente. C'est quelque chose que j'ai ramené du front bien avant
13 Srebrenica.
14 Donc, c'est peut-être à Pale, c'est peut-être ailleurs. C'est difficile
15 pour moi de vous le dire. Dites-moi davantage, dites-moi plus, et je
16 pourrais vous en dire plus.
17 Q. Non. J'essaie simplement de vous demander de vous rappeler cela.
18 R. Ah, pardonnez-moi, je me suis exprimé en anglais à nouveau.
19 Q. Je vais vérifier, voir si je vous ai bien compris. Est-ce que vous
20 pensez que ceci a été filmé avant ou après juillet 1995, cette caisse ?
21 R. C'est sans doute avant parce que la première fois qu'on parle de cette
22 boite avec la famille, mais cela devait être avant parce que c'est bien
23 avant Srebrenica que j'avais cela.
24 Q. La dernière image est celle que vous avez évoquées vous-même, où on
25 voit Karadzic. Je souhaite la visionner pendant quelques instants. Nous
26 commençons à 23:21.
27 [Diffusion de la cassette vidéo]
28 LE TÉMOIN : [interprétation] [imperceptible] ici, cette petite séquence
Page 18763
1 vidéo vient de cette même cassette dont nous parlons. En fait, les données
2 vont être ici, et ceci a, bien évidemment, été fait dans le studio de la
3 télévision Pale avant l'entretien avec Karadzic, et l'équipe de TF1 était
4 présente, la télévision française, et ceci a été souvent utilisé pendant la
5 guerre. Ils ont enregistré cela, ils ont dit que cela devait être diffusé
6 parce qu'il fallait quelque chose qui avait été filmé sur le terrain. Moi,
7 j'étais avec eux, et donc, ceci a été fait lorsque je suis entré dans le
8 studio avec les français, et ils l'ont enregistré, ils ont enregistré cet
9 entretien avec Karadzic.
10 M. NICHOLLS : [interprétation]
11 Q. Très bien. Est-ce que vous êtes allé à Srebrenica à la mi-juillet ?
12 Est-ce que c'est sur cette cassette avant ou après ? A quel moment est-ce
13 que s'est enregistré sur la cassette; vous en souvenez-vous ?
14 R. Si je pouvais vérifier avec l'équipe française à quel moment elle se
15 trouvait là, je pourrais vous le dire. Après Srebrenica, je ne pouvais pas
16 me rendre en Bosnie parce que j'ai reçu des menaces à cause de cela, à
17 cause de cette vidéo. Donc, ceci aurait pu être en 1994, avant Srebrenica,
18 parce que j'ai également été l'auteur de nombreuses interviews avec le Dr
19 Karadzic, diffusés par la télévision de Belgrade, et la télévision au
20 studio B.
21 Après réflexion, je crois que ceci était avant juillet 1995. Mais il faut
22 vous rappeler que cette cassette a été utilisée par des gens qui étaient
23 pauvres. Il n'y avait pas de caméra. Il n'y avait pas d'argent pour les
24 cassettes vidéo, et c'est la raison pour laquelle cette cassette a été
25 utilisée maintes et maintes fois, ce qui signifie que tout cela a été un
26 peu chaotique. Cela est dû au fait que j'ai donné cette cassette à tout le
27 monde, ceci est un cas unique dans notre profession chez les journalistes à
28 la fin du
Page 18764
1 XXe siècle. Je crois qu'il n'a pas de cas semblable au mien.
2 Voici donc l'explication que je peux vous fournir. Il y a plusieurs, en
3 fait, couches ici, et il y a des séquences vidéo qui se superposent sur une
4 cassette qui a été réutilisée de nombreuses fois.
5 Q. Simplement pour m'assurer que de bien comprendre, vous dites que cette
6 cassette a été utilisée par bon nombre de personnes, mais les séquences
7 vidéo que nous avons vues, ce sont des choses que vous avez filmées vous-
8 même lorsque vous étiez Pale; c'est cela ?
9 R. Oui, c'est exact.
10 Q. Bien. Alors, maintenant, je souhaite que nous parlions du 13 juillet.
11 Vous nous avez raconté comment vous avez rencontré
12 M. Borovcanin sur le pont à Bratunac et comment vous avez passé le pont.
13 Ensuite, vous nous avez également dit que vous vous êtes directement à
14 Potocari.
15 Qui était dans la voiture avec vous lorsque vous êtes allé à Potocari ?
16 R. Lorsque M. Borovcanin m'a rencontré, j'avais ma propre voiture du côté
17 serbe du pont, à savoir de la Drina, du fleuve. De l'autre côté de la rive,
18 il y avait M. Borovcanin dans une voiture, et dans cette voiture, à bord de
19 cette voiture, nous sommes allés, en réalité, pendant longtemps - je ne me
20 souviens pas si nous étions seuls. Je crois que nous nous sommes rendus à
21 la base tous les deux, et ensuite, il y a un chauffeur qui nous a rejoint,
22 quelque de la police sans doute.
23 Votre collègue ne cessait de dire que j'étais toujours quelque part dans un
24 véhicule militaire, ou de la police, ce qui n'a pas de sens. Je souhaite
25 qu'il me montre une photo de ce véhicule parce que j'étais avec Borovcanin
26 qui faisait partie de la police, et non pas de l'armée. Nous avons passé
27 Bratunac. Il y avait dans cette enceinte où il y avait des étrangers, et
28 les premiers clichés en fait ont décrit précisément cela. Nous sommes
Page 18765
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 18766
1 arrêtés à cet endroit-là et nous avons continué à pied. Plus tard, vous
2 verrez qu'il y a des gens qui arrivent et que c'est très clair que ces
3 clichés ont été pris non pas d'une voiture, mais par moi qui étais debout,
4 il y a autre chose que vous souhaitez que je vous raconte un peu plus.
5 Je parle aux traducteurs. Est-ce que je vais trop vite ?
6 Q. Je pense que ça va. On vous le dira s'il y a un problème.
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je ne suis pas d'accord avec vous,
8 Monsieur Nicholls. S'il va continuer en serbe, et je pense que ça serait
9 mieux pour les interprètes parce que quand vous parlez anglais vous avez
10 tendance à vous chevaucher.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je demanderais aux traductrices si elles sont
12 en mesure de me suivre et si je vais suffisamment lentement.
13 M. NICHOLLS : [interprétation] Si on continue à ce rythme, je pense que ça
14 ira très bien.
15 Q. Pouvez-vous nous décrire la voiture que vous avez empruntée avec M.
16 Borovcanin en vous rendant à Potocari ?
17 R. Absolument pas. C'était une voiture tout à fait ordinaire, un véhicule
18 normal pour passagers, pas de fabrication yougoslave sans doute japonaise
19 car c'était à l'époque déjà assez courant d'importer des voitures
20 japonaises. Je ne sais pas il va falloir demander à quelqu'un d'autre, je
21 n'ai pas fait très attention. En tout cas ce n'était pas une voiture
22 militaire. Si M. Ruez nous écoute, je voudrais qu'il nous explique comment
23 il a pu dire autant de bêtise, ce qui est tout à fait inadmissible étant
24 donné son --
25 Q. Oui, vous avez été parfaitement clair à cet égard. Qui est-ce qui
26 conduisait la voiture ?
27 R. Je pense que c'était M. Borovcanin en allant vers Potocari, mais je
28 peux me tromper. Encore une fois, je m'excuse. Peut-être qu'il s'agit du
Page 18767
1 chauffeur qui avait été envoyé mais je ne me souviens pas lorsque nous
2 parlons de la partie allant du pont jusqu'à l'entrée de l'enceinte.
3 J'espère que vous ne n'attendez pas de moi que je m'en souvienne car après
4 tout je me concentrais surtout sur les événements pas sur la voiture dans
5 laquelle j'étais assis.
6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce qu'il se souvienne de la couleur
7 de la voiture.
8 M. NICHOLLS : [interprétation] Je crois que je lui ai posé la question.
9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il nous a donné une indication comme
10 quoi ce serait une voiture japonaise, peut-être que dans ces conditions --
11 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après la longueur de la voiture, il me
12 semble qu'elle était de taille moyenne, ce n'était pas une voiture de luxe,
13 je ne me souviens pas de sa couleur en dépit des efforts que j'ai faits.
14 J'aimerais bien pouvoir vous parler de cette voiture mais je ne peux le
15 faire. Je ne me souviens même pas si je l'ai mis dans mon texte cette
16 couleur. En tout cas, je sais qu'en aucun cas, je n'ai été en contact avec
17 les militaires ni avec leur véhicule si c'est ça le sens de votre question.
18 J'ai passé tout mon temps avec M. Borovcanin qui faisait partie de la
19 brigade spéciale.
20 M. NICHOLLS : [interprétation]
21 Q. Je vais vous dire quelque chose ce n'est pas une question. Je n'essaie
22 pas de vous faire dire des choses, comme par exemple, que c'était une
23 voiture militaire, je vous demande simplement de vous souvenir de la
24 voiture, essayez de la décrire autant que vous le pouvez.
25 R. Je vous dis la vérité : véritablement, je ne me souviens pas des
26 détails de cette voiture.
27 Q. Vous avez dit parfaitement clairement que vous ne vous souvenez pas
28 s'il y avait un chauffeur avec vous au début, en même temps que vous et M.
Page 18768
1 Borovcanin à Potocari, et vous venez également de dire que j'ai passé tout
2 mon temps avec M. Borovcanin qui faisait partie de la police spéciale de la
3 brigade. Pendant le temps que vous avez passé dans cette voiture et que --
4 est-ce qu'il y a eu, pendant le temps que vous étiez dans cette voiture,
5 des moments où
6 M. Borovcanin n'était pas présent dans la vidéo que nous voyons ?
7 R. D'après mes souvenirs, il me semble que M. Borovcanin était avec moi ou
8 vice-versa. Il était avec -- j'étais avec lui.
9 Q. Vous avez parlé un petit peu de ce que cela veut dire d'être incrusté
10 et les difficultés que vous avez éprouvées pour atteindre Srebrenica à
11 cause du conflit du danger d'être arrêté; est-ce qu'il y a eu un accord
12 avec M. Borovcanin ou avec qui que ce soit quant à ce que vous alliez
13 filmer -- non pas ce que alliez filmer mais ce que vous alliez là où vous
14 alliez être pendant votre temps là-bas avec M. Borovcanin ?
15 R. Je suis journaliste. M. Borovcanin a participé à la guerre. C'est un
16 combattant, chaque journaliste recherche un scoop. Je vais vous expliquer,
17 mon collègue serbe, un journaliste a essayé de rentrer à Mossoul en Irak,
18 mais il n'était pas incrusté auprès des Américains et il n'a pas pu y
19 parvenir. Je parle de M. Lazanski en 1993. Si vous connaissez les guerres
20 surtout les guerres modernes, si vous n'avez pas un laissez-passer, si vous
21 n'êtes pas sur place, vous n'avez aucune nouvelle parce que les armées
22 modernes ne reconnaissent pas le rôle du journaliste en tant que tel. C'est
23 pour cela que j'ai essayé de trouver un moyen. L'une des façons de le faire
24 c'était d'appeler les gens que je connaissais. Si j'avais connu quelqu'un
25 d'autre dans l'armée ou un militaire. Bien entendu, je lui aurais posé la
26 question, bien que les militaires ne m'auraient sans doute pas autorisé
27 parce que leur vue générale était qu'il y avait une opération en cours.
28 J'ai pu le constater de mes propres yeux. Je pouvais voir que les combats
Page 18769
1 continuaient, qu'ils allaient continuer pendant des jours. C'était le type
2 de situation où on essaie de trouver une façon de rentrer, comment le faire
3 s'il y a une opération en cours. J'ai pu trouver un moyen, ce monsieur m'a
4 cru, il m'a fait confiance. Il a pensé, il n'avait rien à cacher, et je
5 suppose qu'il aurait eu beaucoup moins de problème si ce film n'avait
6 jamais été fait, mais la vie est difficile et voilà qu'il se trouve en
7 prison. Ce n'est pas une explication classique de ce qu'on -- du terme
8 incrusté. En fait, il me faisait confiance. Je suis arrivé à son habitation
9 et je pouvais faire des choses parce que j'étais accompagné par lui.
10 Q. Bien. Je veux maintenant vous montrer une autre séquence, c'est
11 l'émission studio B 2011, et vous allez immédiatement reconnaître cette
12 séquence. Il s'agit d'un homme qui se trouve sur un balcon.
13 R. J'ai jeté un œil sur la page précédente et j'oserais élucider quelque
14 chose dans l'interprétation. Peut-être c'est quelque chose qui se passe
15 souvent, quand j'ai parlé de mon collègue, le journaliste serbe qui a
16 essayé de rentrer à Mossoul, j'ai dit Mossoul en Irak, c'est quelque chose
17 très important. Il ne pouvait pas y rentrer. Si vous voyez le compte rendu,
18 on ne voit pas où il a essayé de rentrer. J'ai essayé de vous expliquer ce
19 que ça veut dire d'être incrusté dans une armée moderne actuellement. Si on
20 ne le voit pas dans le compte rendu, il doit bien y avoir bien d'autres
21 imprécisions. Si on continue à être imprécis de cette manière-là, je vais
22 parler anglais, c'est inadmissible. Je suis sûr que je vais dire des choses
23 encore plus importantes et si cela va être imprécis, je ne vais pas
24 continuer à parler serbe. Encore une chose, si je continue à parler, je
25 voudrais voir ma version également sur mon écran en serbe.
26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Veuillez ralentir tous les deux, s'il
27 vous plaît, et continuons de la manière de la plus tranquille et calme
28 possible.
Page 18770
1 M. NICHOLLS : [interprétation]
2 Q. Je voudrais vous expliquer quelque chose, Monsieur Petrovic. Ici, nous
3 avons un compte rendu à l'état brut qui est fait par des gens très
4 compétents ici, au fur et à mesure que nous continuons. Parfois il y a un
5 circonflexe -- accent circonflexe inversé et cela veut dire qu'il faut
6 vérifier particulièrement cette partie. Donc, chacun de ces comptes rendus
7 est réécouté à plusieurs reprises avant que le compte rendu final ne soit
8 obtenu. Mais on ne peut pas avoir un compte rendu parfait simultanément.
9 Dans ce monde, rien n'est pas parfait. Il y a des erreurs, mais ne vous
10 préoccupez pas de cela.
11 R. Je vais essayer de ralentir, de façon à ce qu'on puisse entendre car il
12 s'agit d'éléments très importants. Il ne s'agit pas, en tout cas, de noms
13 inconnus, mais je comprends bien ce que vous venez de m'expliquer.
14 M. NICHOLLS : [interprétation] Nous allons maintenant regarder la séquence.
15 Commençons à 2 : 30, qui convient, en fait, de notre compilation, mais qui
16 est identique à la séquence qui vient du
17 studio B.
18 [Diffusion de la cassette vidéo]
19 M. NICHOLLS : [interprétation] On va arrêter là.
20 Q. Première question : qu'avez-vous appris, le cas échéant, là sur place
21 devant cette maison, concernant ces hommes qui se trouvaient sur le balcon
22 ?
23 R. C'est une phrase qui provient de la version finale de l'émission. C'est
24 une narration qui fait partie des informations que j'ai pu recueillir
25 pendant que je filmais sur place, et par la suite j'ai posé des questions à
26 différentes personnes. Il y a eu des personnes qui avaient étudié les
27 crimes commis vis-à-vis des Serbes également. Donc, en tant que journaliste
28 consciencieux, je me suis efforcé de faire mon travail le mieux possible,
Page 18771
1 et donc, de donner au public le plus d'information possible. Là, il s'agit
2 de l'une des phrases que j'ai mises dans le texte parce que, lorsqu'on a
3 monté les séquences brutes pour faire une bande de son, à ce moment-là,
4 moi, j'ai lu le texte. Dans des maisons de télévision avec plus de moyens,
5 cela aurait été différent, mais dans ce cas, j'avais simplement un micro à
6 la main. J'ai regardé le -- mais je faisais le commentaire dans le studio.
7 Certaines parties de la vidéo, cependant, contenaient ma voix telle qu'elle
8 était pendant la prise de vue, par exemple, lorsque le docteur irlandais
9 était présent, à qui j'ai posé une question.
10 Q. Ma question est : quand avez-vous appris que ces hommes sur le balcon -
11 - ou on vous a dit que ces hommes sur le balcon étaient des criminels ou
12 des suspects qui avaient essayé de rejoindre les convois ? Quand est-ce que
13 vous l'avez appris ?
14 R. Peut-être deux choses rentrent en ligne de compte. En tout cas, il y a
15 deux possibilités. Peut-être j'en ai entendu parler, auquel cas je l'aurais
16 entendu de personnes alors qu'on assistait les gens de Srebrenica pour
17 partir vers Tuzla. J'ai également fait des enquêtes en revenant, lorsqu'il
18 s'agissait de faire le montage de l'émission. Donc, ce serait tout à fait
19 logique que je l'ai entendu sur place pendant que je filmais, mais je ne me
20 souviens pas des détails. Il faut savoir que je devais me souvenir des mots
21 et enregistrer, et ce sont deux choses très différentes. On ne peut pas les
22 faire aussi bien l'un que l'autre, donc, je ne peux pas vous répondre avec
23 précision. Je ne peux vous dire qui me l'a dit ni quand. Je ne connaissais
24 personne à part M. Borovcanin, mais peut-être que j'ai posé une question et
25 que quelqu'un y a répondu. Je n'ai pas fait d'enregistrement à ce propos.
26 Il me semble que c'est sur place que j'ai appris la chose.
27 Q. Donc, pendant que vous filmiez ?
28 R. Sans doute, oui.
Page 18772
1 Q. Vous dites sans doute. Maintenant, je vais vous demander si vous vous
2 souvenez de ce que vous avez dit pendant votre entretien lorsque nous nous
3 sommes rencontrés en 2006. Vous souvenez-vous de ce que vous m'avez dit à
4 l'époque ?
5 R. Pouvez-vous me rafraîchir la mémoire, s'il vous plaît, me citer le
6 texte ? Cela doit se trouver dans les documents que vous m'avez donnés pour
7 que je puisse les relire hier ou avant-hier. Je ne me souviens pas de tous
8 les détails des 200 pages que comprend ce texte que vous m'avez montré
9 hier, et d'autant plus que l'entretien a eu lieu il y a un an et demi.
10 Q. C'est compréhensible. La question se trouve page 172. Je cite :
11 "Comment êtes-vous parvenu à la conclusion que ces personnes sur le balcon
12 étaient suspectés de crimes de guerre ?" Votre réponse a été : "Ce n'était
13 pas la conclusion que j'ai tirée. C'est quelque chose que j'ai entendu sur
14 place. Je ne me souviens pas qui me l'a dit. J'ai sans doute demandé à
15 quelqu'un."
16 R. Oui, c'est tout à fait similaire à ce que je viens de vous donner comme
17 réponse. Il n'y a pas de contradiction entre ce que j'ai dit il y a un an
18 et demi et ce que je viens de vous dire. En quelque sorte, je ne peux pas
19 être tout à fait certain quant à qui m'a donné cette information. Ça
20 pourrait être n'importe qui. En tout cas, j'ai vu des gens sur le balcon.
21 Je savais qui ils étaient. Je ne suis pas un combattant. Je suis un
22 journaliste, et donc, mon devoir est de donner des informations. Cela
23 aurait pu être des informations objectives, subjectives ou des rumeurs,
24 mais, en tout cas, c'est la conclusion que j'en ai tiré. Le but était très
25 clair quant à l'émission. Ce serait une explication logique, à savoir que
26 c'étaient des hommes recherchés, qu'on les avait mis à part, et sans doute
27 quelqu'un dans l'enceinte a répondu à cette question. Personne ne m'a
28 donné, de son propre gré, des informations. Je posais toujours des
Page 18773
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 18774
1 questions, mais je ne sais pas qui j'ai vu, car je jouais deux rôles à la
2 fois. Je devais, en même temps, poser des questions et faire
3 l'enregistrement.
4 Q. Est-ce que vous vous souvenez d'avoir entendu parler pendant cette
5 période de listes de criminels ?
6 R. Je ne me souviens pas de cela. Il y a un chercheur à Belgrade, M.
7 Ivanisevic, qui est un chercheur très respecté, quelqu'un de pédant. Sa
8 femme vient de Srebrenica et connaît des gens là-bas. L'agence pour
9 laquelle je travaillais, qui était basée à Belgrade, puis, s'appelait Bina,
10 dès 1994. Nous avons publié une publication concernant les crimes de
11 guerre, et ma première liste de crimes de Podrinje, en langue anglaise.
12 Le régime à Belgrade, à partir de mai 1993 - il faut se souvenir -
13 jusqu'à 1995, a effectué une sanction très stricte sur qu'est-ce qui venait
14 de la Republika Srpska. Je vais terminer. Ivanisevic avait cette liste, et
15 c'était sans doute ce à quoi je faisais allusion.
16 Q. Puis, c'est à ce moment-là que vous avez écrit sur la police, sachant
17 quels étaient les noms des criminels que vous avez publiés dans l'article,
18 et ceci sur la base, bien sûr, des notes que vous avez prises le 21 juillet
19 ?
20 R. Non, ce n'était pas seulement des notes. Je reviens maintenant à
21 l'information que j'ai obtenue comme journaliste. Vous n'êtes pas là pour
22 tâter le terrain dans un brouillard. Vous savez très bien ce que vous
23 faites. Vous devez vous préparer, et c'est la guerre en plus. Donc, dans
24 mon bagage d'information, j'avais déjà les informations que j'avais
25 publiées dans mon livre en 1994, et l'une de ces personnes qui avait été
26 poursuivie pour crime de guerre se trouve sur la liste que j'ai donnée à M.
27 McCloskey quand il était à Belgrade, et cet homme maintenant se trouve à la
28 tête du
Page 18775
1 Parti social démocratique. Ce dernier se trouvait sur cette liste.Par
2 souci, je vais vous dire que, lorsque je vous parle de ces hommes et
3 lorsque je vous dis qu'ils étaient ce qu'ils étaient, je veux simplement
4 vous dire que les Serbes avaient des renseignements sur des hommes qui,
5 pendant deux ans, pillaient et tuaient les personnes dans cette zone. Vous
6 devez savoir qu'avant les événements de Srebrenica, des maisons serbes
7 avaient été détruites -- plus de
8 6 000 maisons serbes, et on a tué plus de 2 500 personnes, mais on n'en
9 parle pas. Alors, dans tout ce que j'ai dit, c'est que j'ai simplement
10 répété cette histoire dans le journal Magazine.
11 Q. Pour être parfaitement sûr de vous avoir bien compris quand vous avez
12 écrit dans l'article, que la police serbe se déplaçait à Potocari, ils
13 avaient les noms de chacun des criminels; vous le saviez avant de vous y
14 rendre ?
15 R. Pouvez-vous répéter votre question ? Je suis désolé.
16 Q. Je ne sais pas si mon éminent collègue veut prendre la parole mais je
17 vais essayer de poser ma question.
18 Je voulais savoir si la police à Potocari avait les noms des criminels
19 musulmans avant de vous y rendre ?
20 R. Je n'aurais pas pu avoir ce type d'information. N'essayez pas de
21 m'amener dans ces eaux troubles. Je suis journaliste. Qui aurait pu donner
22 de telles informations à un journaliste ? Est-ce que vous avez déjà vu des
23 Américains donner des informations concernant le nombre de soldats qu'ils
24 ont perdus en Irak ?
25 Jamais M. Borovcanin, ni mon frère, ni un parent, et je ne faisais
26 pas partie de leur armée. J'étais un citoyen étranger. Je venais d'un autre
27 pays. Ils me respectaient et ils m'appréciaient, mais donner de telles
28 informations à quelqu'un pendant -- en pleine guerre, ce serait absurde.
Page 18776
1 Q. Je vais essayer de vous poser la question différemment et essayez de
2 m'écouter. Je ne vous posais pas la question de savoir si vous aviez obtenu
3 ces informations de M. Borovcanin.
4 Voici ce que je vous pose comme question et on pourrait peut-être se
5 référer au paragraphe dont il s'agit dans votre article qui a été publié le
6 21 juillet. Est-ce que vous voulez y référer ?
7 M. NICHOLLS : [interprétation] Voyons, pièce 469, page 2, dans la version
8 anglaise, et je suis désolé, je ne suis pas tout à fait synchro [phon],
9 mais je pense que le témoin pourrait le lire dans la version anglaise,
10 peut-être page 1 de la version originale. En fait, non. Probablement, la
11 page 2 de l'original également.
12 Q. En version anglaise, page 2, quatrième paragraphe à partir du haut --
13 le troisième paragraphe traite des crimes qui ont été commis par des
14 Musulmans à l'encontre de civils serbes. Puis, le paragraphe que je
15 voudrais que vous lisiez commence : "Jevic et les autres policiers ne le
16 savent que trop bien. Ils connaissent les noms de chacun des criminels, et
17 dans cette jungle de personnes, d'enfants qui pleurent de -- et fait sales
18 de poussière et de puanteur, il faut qu'ils trouvent ces hommes-là parmi
19 les civils musulmans. En effet, il semble qu'il y en ait eu au mois
20 quelques-uns parmi les gens qui étaient sur le balcon proche de la base des
21 Nations Unies."
22 R. Oui, maintenant, nous parlons du texte que j'ai rédigé tout de suite
23 après avoir fini mon émission. Là aussi, je l'ai écrit en un espace de
24 temps très court. Il y avait une certaine dynamique. J'avais tout cet
25 ensemble d'informations, y compris le nom de certains individus. Si je
26 voyais que quelqu'un devait à voir avec l'opération, je combinais cette
27 information avec l'information qui ne pouvait pas être niée à ce stade.
28 C'était évidemment M. Ivanisevic parce que lui il avait la liste la plus
Page 18777
1 importante des crimes dans la zone de Podrinje, la vallée de la Drina, dans
2 cette anse de la Drina. Donc, c'est une narration d'un texte qui parle d'un
3 événement de guerre.
4 Q. La partie que j'ai lue, ce paragraphe concernant les connaissances
5 d'Ivanisevic et les autres policiers et les criminels qui regardaient à
6 travers les barreaux du balcon, est-ce que ça c'est quelque chose que vous
7 êtes sûr d'avoir entendu ? Ou c'est une conclusion logique à laquelle vous
8 êtes parvenu une fois que vous avez lu des choses concernant ces autres
9 listes et que vous avez rassemblé différentes informations ? Est-ce que
10 c'est quelque chose qui était avéré lorsque vous avez écrit votre article ?
11 R. C'est sans doute un peu les deux, à savoir ma présence sur place et le
12 fait que j'ai filmé les gens sur le balcon, et puis, mes connaissances
13 préalables qui concernaient l'information et la liste de M. Ivanisevic. Les
14 deux choses correspondaient dans mon esprit et pour le lecteur il était
15 parfaitement clair qu'il pouvait en tirer la conclusion que ces listes
16 étaient en leur possession sur place. Je ne sais pas de qui j'ai entendu
17 cela, peut-être j'ai entendu certaines de ces informations sur place. Mais
18 en tout cas j'ai combiné toutes ces informations avec la liste existante,
19 deux livres de
20 M. Ivanisevic qui avaient été publiés un an avant et qui existaient déjà et
21 qui expliquaient sans doute beaucoup de choses qui ont été connues plus
22 tard. Je ne sais pas si c'était Pero, qui me l'a dit ou quelqu'un d'autre.
23 Je peux vous donner -- je vous donne les noms que j'ai entendu sur place.
24 Mais je ne peux pas citer ou déterminer l'identité de quelqu'un de précis à
25 cet égard.
26 Je vais vous donner un exemple : sur cette page on voit une partie du texte
27 que je n'ai pas pu vérifier, on voit la photographie, ensuite on voit un
28 des chefs musulmans qui devait qu'on traite -- enfin éviter la guerre mais
Page 18778
1 n'a pas pu prendre le pouvoir par rapport à Izetbegovic.
2 Mais c'est sans doute quelque chose que je ne publierais plus
3 aujourd'hui. Mais je n'avais pas le temps. On l'a vu là-bas avec les Serbes
4 et c'est d'ailleurs quelque chose de très intéressant vis-à-vis de ce qui
5 s'est passé à Srebrenica. J'ai fait un lien entre ceci et la scène que j'ai
6 vue quand je suis revenu à Belgrade sur ce même pont, où j'ai vu les
7 colonels, les commandants français, russes, et yougoslaves, qui allaient se
8 réunir avec Mladic, et en tant que journaliste, j'ai fait le lien.
9 Tout le monde évitait de dire quoi que ce soit. Et la fonction de ce
10 texte était de donner une idée de ce qui se passait avec le minimum que
11 j'avais à ma disposition.
12 Q. Est-ce que vous connaissiez un certain Dusko Jevic ?
13 R. J'en ai entendu parler mais ce n'est pas quelqu'un que je connais
14 personnellement. Je n'ai jamais rencontré. Peut-être que je l'ai vu plus
15 tôt en ce qui concerne la brigade, mais je ne peux pas
16 -- enfin, sans dire comme je l'ai dit pour M. Borovcanin, que je l'ai
17 rencontré. Je me souviens d'avoir en fait son nom c'est quelqu'un dont j'ai
18 entendu parler mais je ne connaissais pas.
19 Q. Très bien. Question simple : vous souvenez-vous avoir vu Dusko Jevic à
20 Potocari le 13 juillet ?
21 R. Probablement que, oui, mais je ne peux pas vous l'affirmer. J'ai dû le
22 voir. Mais vous savez de quel type de rencontre il s'agit. Ce sont des
23 rencontres lorsque j'étais en train de filmer, j'avance, je recule, il m'a
24 fallu filmer le plus de cadres que possible, je ne suis pas caméraman, vous
25 le savez.
26 Même si je l'avais vu, ça aurait été une question de quelques
27 secondes. Mais je ne me souviens pas d'avoir partagé plusieurs heures avec
28 lui comme vous avez sur la photo où j'étais en compagnie de Borovcanin avec
Page 18779
1 les soldats de la FORPRONU. Je ne me souviens pas du tout d'avoir vraiment
2 passé beaucoup de temps avec cet homme, alors que pour les autres je m'en
3 souviens. J'aurais peut-être pu également le filmer. Je suis en train d'y
4 penser maintenant, mais c'est absolument impossible de vous reproduire
5 fidèlement la scène. C'était quelque chose qui ne m'était pas très
6 important.
7 Q. Très bien. Merci. Vous avez répondu à ma question. Maintenant
8 j'aimerais vous montrer un document. C'est un autre clip vidéo. Le document
9 porte la cote 2991. Nous avons créé ce document -- nous l'avons créé à
10 l'examen du document du film qui a été filmé par studio B. Il a également
11 des scènes qui proviennent de vos séquences brutes.
12 [Diffusion de la cassette vidéo]
13 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
14 "Il y avait des gens qui essayaient de passer de façon clandestine à
15 bord de convois. Dans des dossiers, ces derniers sont inscrits comme étant
16 des criminels."
17 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
18 M. NICHOLLS : [interprétation]
19 Q. La séquence du studio B, c'est le clip 2291 qui se trouvait à la
20 gauche. Vous nous avez donné le matériel brut qui était présenté à la
21 droite de l'écran. J'aimerais vous demander maintenant la chose suivante.
22 Que pensez-vous -- qu'est-ce que l'on pouvait voir sur cette séquence
23 maintenant que vous l'avez vue ?
24 R. Vous voulez dire à droite. Voilà ma première impression. Si vous suivez
25 et comparez les deux, je vois où vous voulez en venir, mais si vous suivez
26 la partie de gauche, nous pouvons voir que c'est l'original, car la partie
27 de gauche porte le sigle du studio B. Si vous suivez ma voix lorsque vous
28 regardez la séquence de gauche, vous voyez la douille de droite, vous
Page 18780
1 pouvez voir qu'il s'agit d'un fragment, il s'agit de quelques secondes. Car
2 pendant quelques secondes, à cet endroit-là, devant 28 000 personnes que
3 pensez-vous
4 -- qu'est-ce qui aurait pu se passer sans que ceci ne figure sur mes
5 images.
6 A gauche, le son démontre que c'est la même image car la phrase se
7 termine très rapidement. Ce matériel brut pour moi ne peut pas être fiable
8 à 100 % dans le sens où vous l'entendez, et pour plusieurs raisons, le
9 document n'était pas tout le temps avec moi, et cetera. La séquence de
10 gauche nous démontre qu'il s'agit d'une séquence assez courte. Je ne sais
11 pas si vous avez calculé le nombre de secondes. Ce serait impensable de
12 penser que quelqu'un aurait pu tuer quelqu'un en cinq secondes. On l'aurait
13 su, bien sûr,
14 Q. Mais ce n'est pas la question que j'allais vous poser, je
15 n'allais pas non plus insinuer qu'une personne aurait été tuée pendant ces
16 cinq secondes. Ma question est la suivante : lorsque vous comparez ces deux
17 séquences, d'abord on voit M. Borovcanin en train de s'entretenir avec des
18 personnes. Ensuite, la caméra bouge vers la gauche, et nous pouvons voir
19 des effets personnels devant une porte, et dans votre matériel brut, nous
20 pouvons voir les douilles.
21 Sur la séquence du studio B on peut voir un homme zoomé qui se trouve
22 sur un balcon. Je ne vais pas repasser la séquence, mais j'espère que c'est
23 clair. Ma question est la suivante, ayant vu les deux séquences, est-ce que
24 vous pensez que l'homme sur le balcon était quelqu'un qui se trouvait là et
25 qu'on a enregistré par-dessus la séquence avec la douille, car après on
26 voit de nouveau les deux séquences et l'homme marche ?
27 R. C'est justement l'un des éléments qui manquait sur le document
28 brut et heureusement ils ont été trouvés de nouveau, car j'ai pu me
Page 18781
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 18782
1 procurer une cassette VHS du Canada. Ce sont des moments contestables, j'ai
2 eu d'énormes problèmes en Serbie car plusieurs personnes m'accusaient
3 d'avoir effacé des crimes odieux. Nous ne pouvons pas -- je ne suis pas un
4 devin pour savoir ce qui a pu se passer indépendamment du fait de ce qui
5 ait pu se passer avec le matériel brut, tout le monde pense que j'ai caché
6 des choses, mais elles se trouvent là.
7 Si vous trouvez ce type de caméra, le zoom est tellement pitoyable
8 que l'on n'arrive même pas à zoomer. Même si j'ai eu ce cadre de cinq
9 secondes de plus, c'était la même chose. Ce sont toutes des personnes qui
10 sont vos experts qui ont pu identifier avec des documents sophistiqués.
11 Lorsque j'ai filmé cela, c'était comme cela, je n'ai pas eu du tout en tête
12 ceci.
13 Q. Bien. Je vais maintenant passer à autre chose et je vais laisser
14 de côté l'homme sur le balcon.
15 Nous avons regardé des séquences de Potocari du 13. Vous nous avez
16 dit que vous aviez filmé une partie de la base du DutchBat -- où êtes-vous
17 allé après, vous et M. Borovcanin, après avoir quitté Potocari ?
18 R. Puisque nous suivions de façon générale la chronologie de nos
19 déplacements, nous sommes allés sur le terrain puisque je vous ai dit que
20 les opérations étaient en cours. Nous nous sommes dirigés depuis Bratunac
21 et nous avons emprunté la route qui mène vers Tuzla, c'est-à-dire vers le
22 carrefour entre Tuzla et Zvornik. Et nous sommes arrivés jusqu'à mi-chemin,
23 si vous voulez. Par la suite vous m'avez dit comment s'appelait cet
24 endroit, mais pendant plusieurs années j'ignorais quel était le nom de
25 l'endroit.
26 En 2006, lorsque je suis retourné sur les lieux avec l'équipe de la
27 télévision française, il m'était impossible de reconnaître l'endroit où se
28 trouvaient les prisonniers. Tout avait changé. Certaines maisons avaient
Page 18783
1 été détruites, on les avait reconstruites.
2 Donc nous nous sommes dirigés en partant de la ville en prenant l'axe
3 de communication. Il y avait déjà des camions, des colonnes d'autobus qui
4 menaient des réfugiés vers Tuzla. C'est d'abord cela que nous avons filmé.
5 Ensuite, nous sommes arrivés jusqu'au Praga -- certaines personnes parlent
6 de Praga, en fait, c'était des canons antiaériens, mais ce n'est pas des
7 Praga comme on le dit. On a filmé cela.
8 Je voudrais que vous sachiez que les coups de feu sont enregistrés et
9 M. Agius, le Président, devrait savoir que cette partie-là, j'ai filmé en
10 risquant ma vie, car on nous tirait dessus pendant que je filmais ceci, le
11 chauffeur conduisait extrêmement rapidement -- toutes les personnes pensent
12 que si l'on conduit une voiture à plus de 120 kilomètres à l'heure qu'une
13 balle ne peut pas vous toucher, mais ce n'est pas vrai. Une balle peut vous
14 toucher quand même.
15 Mais voilà je suis très heureux que l'on ne nous ait pas touchés. Je
16 parlais du côté musulman bien sûr.
17 Q. Merci. Permettez-moi maintenant de vous montrer une carte avec
18 votre permission.
19 M. NICHOLLS : [interprétation] Voilà, c'est notre numéro 2111 [comme
20 interprété], carte numéro 6 sur e-court.
21 Q. Voici une carte de la région pour voir si vous arrivez à vous orienter.
22 Si vous avez du mal à vous orienter sur l'écran, je vais vous donner ma
23 copie papier.
24 Est-ce que vous arrivez à lire les noms d'endroits ?
25 R. Oui.
26 Q. Si vous prenez la partie de droite, nous pouvons voir Potocari, au nord
27 de Bratunac, ensuite une route mène vers Kravica, Sandici et Konjevic
28 Polje. Veuillez, je vous prie, nous dire si cette carte rafraîchit votre
Page 18784
1 mémoire, à savoir où vous vous rendiez avec M. Borovcanin cette journée-là
2 lorsque vous avez quitté Potocari.
3 R. Si je ne m'abuse, c'est la seule route.
4 Q. Est-ce que c'est bien la route que vous avez empruntée pour arriver à
5 Konjevic Polje ?
6 R. Je ne me suis jamais rendu à Konjevic Polje.
7 Si je me souviens bien. Pourquoi ? Car cet endroit était déjà connu pour
8 avoir eu le premier massacre des Serbes qu'Oric avait fait en 1993 pendant
9 l'hiver. Si j'avais été là, j'aurais pris des images de Konjevic Polje. Ce
10 n'est pas un endroit qui est peut-être connu chez vous, mais chez nous en
11 Serbie, c'est un endroit qui est très connu. Je vois ici sur la carte
12 l'endroit que vous appelez Sandici, mais je ne me souviens absolument pas
13 d'un carrefour.
14 En dessous de Konjevic Polje, il y a normalement un carrefour qui
15 mène vers Nova Kasaba et Milici. C'est la route qui mène vers Sarajevo.
16 Alors qu'à droite, vous avez la route qui mène vers Zvornik en Serbie.
17 C'est à peu près cela.
18 Q. Très bien. Merci. Si vous vous souvenez, dites-nous à quel endroit ces
19 tirs ont-ils commencé, les tirs de l'armée musulmane ? A quelle proximité
20 de Bratunac ?
21 R. J'avais entendu déjà - et je ne peux pas être tout à fait précis. Mais
22 déjà quelques kilomètres après Bratunac, de ce que l'on voit ici, peut-être
23 déjà à Glogova. Nous nous rendions vers Zvornik, les tirs provenaient de la
24 gauche. Nous pouvons voir le ruisseau de Kravica, c'est un ruisselet même,
25 si je me souviens bien. Ensuite à gauche de cet endroit, en nous dirigeant
26 vers Zvornik en voiture, il y a ce ruisselet, et là après, il y a des
27 montagnes, et sur tout ce territoire il y avait eu des tirs. Je me souviens
28 qu'à certains endroits nous nous arrêtions, car les routes n'étaient pas
Page 18785
1 sûres et pour ne pas atteindre les autobus, on arrêtait, on repartait, on
2 arrêtait, on repartait, ce qui me permettait de croire que les Serbes
3 n'avaient pas dû tout vaincu quoi que ce soit, les Musulmans étaient en
4 train de tirer.
5 Q. Je vais vous poser une question maintenant concernant un autre aspect
6 de la journée. Vous souvenez-vous si les convois et les autocars, ainsi que
7 les camions bondés de réfugiés, comme vous les appelez, avaient été arrêtés
8 pendant la journée, pendant qu'il y avait des tirs ?
9 R. Je me souviens qu'à deux ou trois endroits, ils se sont immobilisés
10 peut-être pendant une demi-heure. Vous savez, dans la guerre, des fois il y
11 a une zone qui est dangereuse, ensuite la zone, une demi-heure plus tard
12 n'est plus dangereuse, et pendant que cette zone devienne plus sûre, il
13 faut attendre que les civils ne soient pas attaqués. Ce que j'ai fait, ce
14 n'était pas du tout sûr. Nous, nous allions même si les tirs étaient en
15 cours.
16 Q. D'accord, merci. Je comprends ce que vous nous dites. Lorsque vous est
17 retourné, et vous nous avez dit que vous ne pouviez pas trouver d'autres
18 endroits le long de cette route, les séquences que vous avez prises de
19 l'entrepôt de Kravica et des cadavres, est-ce que vous étiez en mesure de
20 retrouver ces endroits avec l'équipe de la télé française ?
21 R. Non. Je ne me souviens pas d'avoir identifié cet endroit. Vous savez,
22 la faune avait changé. Plusieurs maisons avaient été érigées. Il y avait
23 eu, à ce moment-là, plusieurs maisons détruites lorsque j'y étais pour la
24 première fois. Les hommes d'Oric avaient incendié et détruit ces maisons en
25 1993. Donc il était absolument impossible après de se fier à quoi que ce
26 soit, aucun point de repère. De toute façon, ce point avait été filmé en
27 quelques secondes, seulement quelques secondes.
28 Q. D'accord. Dernière question avant la pause, car il nous faut prendre
Page 18786
1 une pause pour les interprètes et pour changer les cassettes. Pendant cette
2 partie-là du trajet, vous souvenez-vous si Borovcanin était avec vous dans
3 la voiture ou y avait-il un
4 chauffeur ?
5 R. Je crois qu'il y avait un chauffeur à ce moment-là.
6 Q. Très bien.
7 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je crois qu'il
8 serait plus propice de prendre la pause maintenant.
9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Une pause de 25 minutes.
10 Avant la pause, Monsieur McCloskey, il y a une autre requête
11 provenant de l'équipe Miletic pour que leur conseiller militaire soit
12 présent pendant le témoignage de Richard Butler. Est-ce que vous avez des
13 objections quant à cette requête -- de Pandurevic ?
14 M. McCLOSKEY : [interprétation] Aucune objection, Monsieur le
15 Président.
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Donc, je fais droit à cette requête.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi.
18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ne pas qu'il y ait de problème, je mets à
20 la disposition mes notes personnelles, comme vous m'avez dit au début.
21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous pouvez prendre vos notes
22 personnelles avec vous. Personne ne vous a demandé de les produire. Si
23 c'est le cas, nous vous les demanderons plus tard. Pause de 25 minutes.
24 --- L'audience est suspendue à 15 heures 44.
25 --- L'audience est reprise à 16 heures 14.
26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Nicholls.
27 M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que je vais
28 terminer avant la prochaine pause. Je crois que j'ai pris un peu plus de
Page 18787
1 temps car je ne croyais pas que le témoin allait répondre -- donner des
2 réponses si étoffées.
3 Q. Monsieur le Témoin, veuillez, je vous prie, vous en tenir aux réponses
4 plus courtes. Essayez de répondre plus succinctement.
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pour le compte rendu, je remarque la
6 présence de M. Haynes dans le prétoire.
7 M. NICHOLLS : [interprétation]
8 Q. Monsieur le Témoin, je vais vous montrer, en fait, une séquence vidéo.
9 Il s'agit d'un document qui provient de votre matériel brut et je ne vous
10 ai pas montré ce document un peu plus tôt car il semblerait qu'une séquence
11 est manquante. Il y a un cadre qui est vide. Nous allons commencer par la
12 séquence 12:17:1.
13 [Diffusion de la cassette vidéo]
14 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.
15 Q. Voilà. Pendant quelques secondes, nous avons eu une séquence vide, un
16 cadre qui était complètement sans rien. Je voudrais savoir ce que
17 représente cet écart dans votre matériel.
18 R. Je n'ai absolument pas vu de cadre vide.
19 Q. Vous savez, entre les deux séquences. il n'y avait rien entre deux
20 séquences ?
21 R. C'est une réponse universelle que je vous donne, s'agissant de ce
22 matériel brut c'est assez intéressant que vous me parliez de ce matériel
23 brut, vous me parlez plus du matériel brut que de l'émission que j'avais
24 faite. Je ne peux pas vous donner de raison pour cela. Vous voyez qu'il
25 s'agit de tirs provenant d'un Pat de la colline. Les Musulmans tirent
26 depuis la colline. La situation est claire comme de l'eau de roche. Je ne
27 vois vraiment pas ce qui vous préoccupe.
28 Je n'ai même pas porté attention sur le texte qui était indiqué ici,
Page 18788
1 s'agissant du dialogue je n'ai pas du tout écouté, le dialogue que l'on
2 entend, ce que l'on entend sur la séquence. Je ne sais pas. Je ne faisais
3 pas que filmer j'étais concentré sur l'image. Maintenant, outre l'image, je
4 ne peux rien vous dire de plus. Pourquoi il n'y a rien pendant quelques
5 secondes je ne sais pas.
6 M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]
7 M. LAZAREVIC : [interprétation] Petite correction pour le compte rendu
8 d'audience. Il semblerait qu'à la ligne 20, le témoin a dit : "Le feu a été
9 ouvert d'un Pat depuis la colline." Ce n'est pas Pat en anglais P-A-T-H,
10 mais bien Pat, donc, fusil antiaérien ou canon antiaérien.
11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je présume que vous le confirmer,
12 Monsieur le Témoin.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, oui. C'est une abréviation
14 militaire.
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Alors, je demande que le
16 compte rendu d'audience soit corrigé. Cela sera fait.
17 M. NICHOLLS : [interprétation] J'aimerais que l'on montre maintenant une
18 séquence provenant de studio B, séquence vidéo qui porte l'indication 2011.
19 [Diffusion de la cassette vidéo]
20 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
21 "Sur la route Bratunac-Kravica-Konjevic Polje, des tirs de feu
22 sporadiques se sont fait entendre provenant des forces musulmanes qui ne
23 souhaitaient encore pas se rendre," dit le texte.
24 "Voici l'une des armes les plus efficaces dans la guerre en Bosnie appelé
25 Praga. Deux de ces Praga sont en train d'agir maintenant depuis une route
26 se trouvant dans la colline."
27 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
28 M. NICHOLLS : [interprétation]
Page 18789
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 18790
1 Q. 8:36:2. Alors, pourrait tout à fait précis nous pouvons voir que le
2 compteur sur la séquence se lit 16:48:00. C'est ce qui est à l'écran de
3 cette cassette provenant de studio B.
4 Maintenant, cette partie-là de la séquence de la cassette de studio B ne se
5 trouve pas sur votre matériel brut. Est-ce que vous pourriez nous dire, si
6 vous le savez, pourquoi ceci n'existe pas ?
7 R. Je réponds à la même chose. Dans le texte, je viens de faire une
8 erreur, j'ai parlé de Praga, je crois que j'ai fait un lapsus lorsque j'ai
9 parlé. Il s'agissait d'un fusil PAT d'un fusil antiaérien, un canon
10 antiaérien PAT, et non pas Praga.
11 Q. Très bien. Poursuivons le visionnage.
12 [Diffusion de la cassette vidéo]
13 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
14 "Les forces spéciales du MUP en train d'effectuer ces tirs. On estime que
15 de 5 à 6 000 Musulmans se trouvent encore dispersés dans les forêts et les
16 collines et ceux qui se rendent montrent aux Serbes…"
17 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
18 M. NICHOLLS : [interprétation] Arrêtons-nous ici, s'il vous plaît.
19 Q. Lorsque vous avez parlé de ces PAT et vous nous avez dit que les PAT
20 tiraient dans les collines; est-ce que vous étiez à l'intérieur ou à
21 l'extérieur du véhicule ?
22 R. Je me trouve à ce moment-là alors que je filmais à côté du véhicule, ce
23 qui démontre -- ce qui est démontré par la musique que l'on peut entendre.
24 On ne peut pas vraiment lier l'un avec l'autre. Mais la radio du véhicule
25 était allumée, donc, la situation était dangereuse, il l'aurait été
26 complètement normal que je porte un gilet par balle. Comme tout journaliste
27 américain, les journalistes américains ne sortent jamais sans gilet par
28 balle. Moi, j'aurais vraiment pu périr. J'aurais pu y passer.
Page 18791
1 Lorsque j'ai commencé à filmer j'étais juste à côté du véhicule et
2 parce que j'ai voulu avoir une bonne image. C'est pour cela que l'on entend
3 la musique provenant du véhicule.
4 M. NICHOLLS : [interprétation] C'est la pièce 2286 qui m'intéresse, page --
5 Q. Il s'agit d'un cliché provenant de votre matériel brut.
6 M. NICHOLLS : [interprétation] Encore une fois ce qui nous intéresse c'est
7 la page 52, photo B elle apparaît maintenant à l'écran.
8 Q. On voit également une voiture argent gris qui se trouve un peu plus
9 loin dans la séquence. Est-ce que ceci rafraîchit votre mémoire ?
10 R. Il me semblerait que c'était une Golf et il y en avait pas mal en
11 Yougoslavie à l'époque. Mais ce véhicule ne me rappelle absolument rien. Si
12 vous me demandez si j'ai été transporté à bord de ce véhicule, je ne me
13 souviens pas. Je crois que ce n'était pas ce véhicule-là, mais j'ignore
14 quel était le véhicule.
15 Q. Très bien. Merci. Vous avez répondu très clairement à ma question. Je
16 souhaiterais vous montrer une autre séquence vidéo et vous posez des
17 questions relatives à cette dernière. Voilà. Passons la vidéo encore une
18 fois c'est le matériel brut, 2011.
19 [Diffusion de la cassette vidéo]
20 M. NICHOLLS : [interprétation] Très bien. Nous sommes arrêtés à
21 22:57:05.
22 Q. Tout d'abord, vous souvenez-vous de cette séquence ? Vous en souvenez-
23 vous les gens qui se rendaient quand ils sont sortis du bois ?
24 R. Ils sortaient du bois, et ensuite, ils descendaient en direction du
25 cours d'eau, du petit fleuve que l'on voit sur la carte, et ensuite ils se
26 sont rendus et ils sont montés jusqu'à la maison, jusqu'à la route. Pour
27 autant que je m'en souvienne, ils sont passés devant la maison. C'est là
28 que l'on arrive sur la route, et depuis cet endroit-là on rejoint le pré où
Page 18792
1 j'ai filmé cette séquence. Je ne sais pas ce que vous souhaitez savoir
2 d'autre. Maintenant, que je regarde cette vidéo, tout me revient.
3 Q. Ce jeune homme que l'on voit ici sur l'arrêt sur image au point
4 22:57:5, pour les besoins du compte rendu ressemble pour beaucoup à la page
5 56, la photographie E, 2986, vous souvenez-vous ce qui est arrivé à ce
6 garçon peu de temps après avoir filmé cette chaîne ?
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 Q. Merci. On le voit ici, ainsi que l'autre avec ce groupe de garçons,
Page 18793
1 monter à bord de l'autocar le jour où ils sont partis à Tuzla ?
2 R. Je m'en souviens bien parce que ceci a été publié dans le "Times" en
3 1998. J'étais choqué parce que je me souvenais encore de tout cela. Je
4 répète : j'ai vu un groupe de jeunes garçons, d'enfants mineurs de moins de
5 18 ans qui sont montés à bord des autocars ou des camions. Je ne sais pas
6 qui est monté à quel endroit. De toute façon, ils sont montés à bord de
7 véhicules et ont atterri à Tuzla.
8 Il ne s'agit pas d'une fuite couronnée de succès grâce à un point
9 d'eau ou un puit derrière lesquels il s'est caché pour ensuite partir à
10 Tuzla. Ceci n'a aucun sens.
11 Je vais vous aider un petit peu --
12 Q. Attendez la question, s'il vous plaît. Si vous avez besoin d'ajouter
13 quelque chose -- je vais ajouter quelque chose, si les Juges de la Chambre
14 me le permettent.
15 A l'époque, ce garçon et les autres garçons ont été séparés des
16 hommes plus âgés. Vous les avez décrits. Vous avez dit qu'ils sont montés à
17 bord des autocars et ensuite qu'on les emmenés à Tuzla. Alors, qui, si
18 quelqu'un, a donné l'ordre que cela devait se passer ainsi ?
19 R. Qui a donné l'ordre pour qu'ils montent à bord des autocars ?
20 Q. Oui.
21 R. D'après ce dont je me souviens, M. Borovcanin, lorsque nous sommes
22 arrivés sur les lieux, a tout d'abord vu qu'il y avait de jeunes hommes qui
23 ne pouvaient pas être des soldats, et pour autant que je m'en souvienne, il
24 a tout de suite dit qu'il fallait faire cesser le transport de réfugiés,
25 que ces derniers devaient être envoyés à Tuzla. Il m'est très difficile de
26 citer ses propres termes, mais c'est plus ou moins ce qui s'est passé. La
27 situation était plus ou moins comme cela.
28 Nous sommes arrivés ensemble. Il a vu les mêmes choses que j'ai vues
Page 18794
1 moi-même.
2 Q. Maintenant, si vous vous en souvenez, M. Borovcanin, après avoir décidé
3 que ces garçons devaient monter à bord d'autocars pour aller à Tuzla, est-
4 ce qu'il a arrêté l'autocar lui-même ou est-ce quelqu'un d'autre qui l'a
5 fait, si vous vous en souvenez ?
6 R. Je ne m'en souviens pas. Je sais que je l'ai dit lors de l'entretien à
7 Belgrade, mais à mon sens cela n'est pas très important, car je sais qu'ils
8 ont été transportés depuis ce pré à bord d'autocars. Je ne sais pas si ce
9 sont les gardes. Peut-être l'un d'entre eux, parce que Borovcanin
10 surveillait l'ensemble de la situation. Il y avait des gens près de la
11 route et je ne me souviens pas qu'il se soit arrêté un certain temps à cet
12 endroit. Mais si vous ne le permettez --
13 Q. Allez-y.
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Passons à huis clos partiel pendant
Page 18795
1 quelques instants, s'il vous plaît.
2 Nous sommes à huis clos partiel.
3 [Audience à huis clos partiel]
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 [Audience publique]
24 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Madame et Messieurs les Juges.
25 Q. Bien. Alors, sans citer de noms, s'il vous plaît, Monsieur Petrovic,
26 vous nous avez parlé de différents travaux de recherche, vous avez vérifié
27 les faits, vous aviez des listes. Savez-vous ce qui est arrivé à ces autres
28 hommes qui ont été faits prisonniers ce jour-là dans ce champ ?
Page 18796
1 R. Ce ne sont pas des éléments d'information dont pouvaient se procurer
2 les journalistes, lorsqu'il y avait un théâtre d'opération de ce genre.
3 Q. Vous voulez dire que vous ne savez pas ?
4 R. Non même pas aujourd'hui.
5 Q. Bien.
6 R. Il y avait des rumeurs -- pardonnez-moi. Je m'excuse auprès des
7 interprètes. Ceci s'est passé en 1995, et ensuite il y a eu des rumeurs sur
8 les événements de Srebrenica qui se sont répandus. Donc, j'ai peut-être
9 entendu parler de la mort de certains entre eux, mais ce ne sont pas des
10 éléments qui me sont parvenus par des voies officielles. Ce sont des
11 informations qui ont été procurées par les médias internationaux ou locaux.
12 Mais je sais qu'il y avait un homme qui s'appelait Ramo, que l'on voit
13 également dans l'émission de la BBC. Je l'ai filmé aussi et cette scène
14 était très difficile à supporter. C'est peut-être quelqu'un de la BBC ou
15 une équipe de la BBC, je ne sais pas, qui m'a dit que cet homme avait été
16 tué. Je me souviens bien de l'avoir entendu parler de cela.
17 Q. C'est ma dernière question sur le sujet. Parce que vous avez suivi
18 quelques-uns, vous avez suivi certains procès devant ce Tribunal, et
19 maintenant que vous disposez des éléments d'information dont vous disposez
20 au jour d'aujourd'hui, est-ce que ces hommes ont été emmenés de ce pré, ce
21 que vous avez filmé ? Est-ce qu'ils ont été tués ? Pensez-vous que sur la
22 base des informations dont vous disposez, est-ce que c'est le cas ou est-ce
23 qu'il s'agit simplement de rumeur ?
24 R. Lorsque j'étais là, personne n'a quitté cet endroit hormis les enfants.
25 Ils sont montés à bord des autocars.
26 Mais puis-je, moi, vous poser une question, s'il vous plaît ?
27 Q. Non, ça, ça ne fait pas partie des règles.
28 M. NICHOLLS : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à huis clos
Page 18797
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 18798
1 partiel pendant quelques instants ?
2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Huis clos partiel.
3 M. NICHOLLS : [interprétation] Non, ce n'est pas à moi d'en décider --
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Non, vous avez tout à fait raison.
5 M. NICHOLLS : [interprétation] Après, lorsque nous en aurons terminé, après
6 l'audience, vous pourrez me poser des questions.
7 [Audience à huis clos partiel]
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 [Audience publique]
21 M. NICHOLLS : [interprétation]
22 Q. Je souhaite maintenant passer à un autre thème, un autre sujet. C'est
23 quelque chose que vous avez évoqué dans votre article ainsi que l'entretien
24 que nous avons eu. Je souhaite vous parler de ce film que vous avez tourné
25 lorsque vous avez filmé ces corps, ces cadavres devant l'entrepôt. Si vous
26 vous en souvenez, qu'avez-vous entendu ce jour-là, le 13 juillet, à propos
27 de quelqu'un, d'un officier qui avait un surnom. Parlez-nous en brièvement,
28 s'il vous plaît. Dites-nous ce que vous avez entendu.
Page 18799
1 R. De toute façon, c'était à l'époque où nous avons quitté Bratunac et que
2 nous avons filmé toutes les personnes qui se trouvaient sur la route, un
3 groupe de détenus et les autres personnes. C'est à cette époque-là. Je ne
4 peux pas vous dire exactement quand. J'étais un observateur externe. Je ne
5 sais pas exactement ce qui s'est passé, mais j'en ai conclu, compte tenu
6 des éléments dont nous disposions à ce moment-là lorsque nous sommes
7 arrivés à l'hôpital, qu'un combattant, placé sous le commandement de
8 Borovcanin, qui était surnommé Officier, avait été blessé, qu'il avait
9 sauté sur quelque chose qui disposait d'armes et que ses bras avaient été
10 blessés dans l'escarmouche et qu'il avait été transporté d'urgence à
11 l'hôpital de Bratunac.
12 Q. Vous souvenez-vous qui vous a rapporté cela ?
13 R. Je ne sais pas. Je suppose qu'il a dû y avoir une conversation entre
14 Borovcanin et quelqu'un qui lui en a parlé, ou peut-être que c'est quelque
15 chose qu'il a entendu sur son Motorola. Il est vrai que mes souvenirs ne
16 sont pas très précis à cet égard. Le détail importait peu. C'était
17 important parce que l'homme a été blessé, ce qui signifie que les Serbes
18 ont également souffert, non seulement les Musulmans. Ils avaient des
19 difficultés parce qu'ils étaient Musulmans, mais je ne sais pas quel était
20 le nom de cet homme. Je ne sais pas quelle était la situation, mais je sais
21 que dès qu'il en a été informé, nous nous sommes dirigés directement vers
22 Bratunac. Encore une fois, on a tiré depuis la droite, depuis l'endroit où
23 je filmais.
24 Q. Je vais clarifier cela. Dès qu'il a reçu cette information, vous avez
25 dit. Vous voulez parler de qui ? Qui a reçu cette
26 nouvelle ?
27 R. Je suppose que c'est Borovcanin, parce que c'est lui qui a décidé où
28 comment il fallait partir. J'avais suivi, ce n'était pas l'inverse. Ce
Page 18800
1 n'est pas lui qui me suivait.
2 Q. Encore une fois, je vous demandais de qui vous parliez. Je vous ai
3 demandé de qui vous parliez.
4 A aucun moment de la journée, est-ce que vous avez vu cet homme
5 blessé, ce surnommé, Officier.
6 R. Non, mais j'ai vu un Musulman qui avait été tué. On le voit dans
7 le film. Il sortait de ce petit cours d'eau, et c'est là qu'il y a eu cette
8 escarmouche, cette échauffourée. Je ne sais pas où cette échauffourée avait
9 eu lieu, mais il y avait des Musulmans morts sur le bord de la route. Je ne
10 me souviens pas d'avoir jamais vu cet homme. Je suis sûr que je ne l'ai pas
11 vu à l'époque.
12 Q. Bien. Si vous en souvenez, par rapport au film que vous avez
13 tourné, et ce que nous appelons l'entrepôt de Kravica, là où vous avez
14 filmé les corps morts qui se trouvaient devant, est-ce que l'information à
15 propos d'Officier est une information qui vous est parvenue avant d'avoir
16 tourné cette partie-là du film ou après ?
17 R. Je ne peux pas vous le dire avec certitude. Par rapport à tout ce
18 que j'ai fourni, ce n'est pas quelque chose qui est resté gravé dans ma
19 mémoire. J'ai travaillé activement pendant toute la durée de la guerre.
20 Q. Mais c'est quelque chose qui figure dans votre article, n'est-ce
21 pas ?
22 R. Oui.
23 Q. A l'hôpital -- tout d'abord, je vais vous poser cette question-ci
24 : Nous avons dans le transcript, on indique que ses bras étaient blessés.
25 Vous souvenez-vous si c'était sa main ou ses bras ? Quelle partie du corps
26 d'Officier avait été blessée ?
27 R. Je crois qu'on racontait que c'était ses bras ou ses mains qui
28 avaient été blessés. A savoir si c'est quelqu'un qui lui a enlevé, retiré
Page 18801
1 ses armes, je ne sais pas, mais il était en mauvais état, car il devait
2 être transporté d'urgence à l'hôpital.
3 Q. Bien. Maintenant, à l'hôpital, est-ce que M. Borovcanin est entré
4 dans l'hôpital pour aller rendre visite à Officier ?
5 R. Oui, je crois que ça s'est passé comme ça. Je crois que je m'en
6 souviens correctement. Je suis resté à l'extérieur de ce centre médical.
7 C'était inutile pour moi de rentrer à l'intérieur. Qu'est-ce que j'aurais
8 fait, puisque cet homme était entré aux urgences ? Il voulait sans doute
9 voir dans quel état se trouvait cet homme. Mais j'étais dehors, j'attendais
10 dehors. Je ne m'en souviens pas bien, mais je m'en souviens au niveau de
11 l'article. Je suppose que les choses se sont passées à la manière dont je
12 les ai décrites dans l'article.
13 Q. Si je vous remontre cette partie-là de votre article, est-ce que
14 cela vous permettrait de vous rafraîchir la mémoire ?
15 R. Allez-y, je vous en prie.
16 Q. A la page 5, du 469. A la page 5, le dernier paragraphe entier en
17 anglais : "Au moment de sa reddition, à l'angle du bâtiment, un soldat
18 musulman s'est tout à coup précipité sur un combattant serbe, lui a arraché
19 son fusil et a tiré une rafale. Officier, un des membres des forces
20 spéciales de Ljubisa a sauté sur lui, l'a renversé, il a été légèrement
21 blessé dans la bagarre. Officier est un des espoirs des formations de
22 Borovcanin, donc, le commandant se rend immédiatement au centre médical de
23 Bratunac où on a pansé les blessures d'officier."
24 Maintenant, que je vous ai lu ceci, est-ce que vous vous souvenez de cela ?
25 Est-ce que c'est exact ou est-ce qu'il y a des erreurs ?
26 R. C'est quelque chose dont j'ai entendu parler des gens qui étaient là.
27 Je ne pense pas qu'ils disaient n'importe quoi. Ce n'était pas le genre de
28 situation où on racontait n'importe quoi. La manière dont j'ai décrit
Page 18802
1 l'officier comme étant un espoir, c'est ce genre de chose que l'on
2 entendait sur NBC, des garçons qui sont partis en Irak, des boys, et c'est
3 comme ça que je ressentais les choses. C'étaient des garçons qui faisaient
4 partie de mon peuple. Vous savez quand on parle des garçons, des boys qui
5 sont partis en Irak pour aller défendre la démocratie.
6 Q. Maintenant, je souhaite vous parler d'un clip ou d'une séquence vidéo
7 du studio B, qui a été retrouvé -- en tout cas, qui filme ce qu'il y a
8 devant l'entrepôt de Kravica, nous allons d'abord le visionner à une
9 cadence normale et ensuite au ralenti.
10 [Diffusion de la cassette vidéo]
11 M. NICHOLLS : [interprétation]
12 Q. Nous sommes arrêtés à 2:56:07:1. A l'écran, on peut lire les mots
13 suivants : "Bonjour. Comment vas-tu ? Que se passe-t-il ?" Savez-vous où
14 nous sommes ? Où ceci a-t-il été filmé ?
15 R. Oui. Il s'agit là de la route qui allait de Bratunac à Srebrenica. On
16 voit les personnes qui descendent de là-haut avec des chevaux. On dirait
17 une scène extraite du Moyen Age. Cette route était sûre, et c'était le
18 deuxième jour de mon séjour là-bas, les heures du matin, si je me souviens
19 bien.
20 M. NICHOLLS : [interprétation] Veuillez continuer le visionnement, s'il
21 vous plaît.
22 [Diffusion de la cassette vidéo]
23 M. NICHOLLS : [interprétation]
24 Q. Bien. Je souhaite, maintenant -- pour que vous puissiez mieux voir
25 parce que c'est assez court, je souhaite maintenant vous le montrer au
26 ralenti.
27 [Diffusion de la cassette vidéo]
28 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.
Page 18803
1 Q. Deux questions. Lorsque vous passez en voiture devant l'entrepôt, vous
2 avez filmé cette séquence, qui est dans la voiture ? Est-ce qu'il y a un
3 chauffeur ou est-ce simplement vous et
4 M. Borovcanin ?
5 R. Etant donné que c'était sur le chemin du retour en direction de
6 Bratunac, nous étions trois, si je me souviens bien. Je dirais qu'il y
7 avait encore le même groupe de personnes qu'avant.
8 Q. Il y a cette photographie prise alors que vous passiez devant en
9 voiture. Est-ce que la voiture s'est arrêtée ou est-ce que vous avez
10 poursuivi votre chemin ?
11 R. Je ne me souviens pas de quelque chose de la sorte. La vidéo dont vous
12 disposez a été tournée pendant que la voiture était en mouvement. Rien ne
13 semble indiquer que c'est une séquence qui est courte, qui a été filmée par
14 hasard, parce que j'étais simplement à la place du passager sur la droite
15 et ma caméra était prête comme un soldat aurait son fusil.
16 Sur le chemin du retour, je n'ai pas filmé grand-chose, j'ai moins
17 filmé qu'avant. Encore une fois, il y avait des tirs et sur le chemin du
18 retour on tirait du côté droit, et à cause de ces fusillades je ne pouvais
19 pas filmer grand-chose.
20 Q. A droite, c'est le même côté que l'entrepôt, n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Lorsque vous dites que les tirs venaient, vous voulez dire que
23 c'étaient des tirs en provenance des unités serbes, ou est-ce que vous
24 voulez parler de tirs de Musulmans, ou vous ne savez pas ?
25 R. Il y a différents types de tir. Il y avait les Musulmans qui tiraient
26 sur les Serbes qui se trouvaient à Recica et les Serbes tiraient sur les
27 Musulmans, et les Musulmans tiraient sur les Musulmans qui se rendaient et
28 ils tiraient sur nous, je suppose. De temps en temps, il y avait des coups
Page 18804
1 de feu échangés et c'était assez violent. D'après le son, je crois que cela
2 venait des collines qui se trouvaient de l'autre côté par rapport au cours
3 d'eau. Mais il y avait également des tirs de l'autre côté, du côté serbe.
4 C'est là où il y avait un PAT, c'était la zone de combat et il y avait des
5 échanges de coups de feu.
6 Q. Bien. Ces coups de feu que l'on entend sur cette séquence vidéo, vous
7 pensez que cela venait d'où ? C'est très fort, on l'entend bien ici au
8 niveau de l'entrepôt lorsque vous êtes passé devant.
9 R. Je ne peux pas vous le dire. Je crois que la caméra a enregistré ces
10 tirs peu de temps après, 20 minutes après. Je crois que c'est difficile de
11 savoir. Je crois qu'un expert militaire ne serait même pas capable de le
12 dire.
13 Q. Bien. Lorsque vous dites sur cette séquence, on peut la remontrer si
14 vous le souhaitez, le soldat qui passe devant l'entrepôt, juste devant
15 plusieurs corps morts qui sont empilés les uns sur les autres, il lève la
16 main en quelque sorte en direction de la voiture alors que vous passiez
17 devant. Est-ce que vous pensez qu'il agissait comme ça parce qu'on le
18 menaçait d'un coup de feu, ou non, qu'est-ce que vous en pensez ?
19 R. C'est la technologie à la pointe du progrès et les miracles que cela
20 permet de réaliser. Alors que je filmais, je n'ai même pas remarqué cette
21 personne. C'est seulement lorsque j'ai regardé votre vidéo au ralenti que
22 j'ai constaté cela et que j'ai vu qu'il y avait un soldat qui avait le
23 pouce en l'air, je crois. Je crois que dans d'autres arrêts sur image il y
24 avait un autre individu, mais j'ai remarqué qu'il n'arborait aucun insigne
25 sur son bras. C'est simplement un petit détail.
26 J'ai remarqué cela dans votre vidéo. Il faut savoir que ce que j'ai
27 filmé n'a aucune valeur professionnelle, seulement historique. Même dans
28 les premières séquences brutes, vous avez vu plusieurs arrêts sur image qui
Page 18805
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 18806
1 n'ont rien à voir les uns avec les autres, je ne pense pas que vous pouvez
2 établir un lien, vous allez les présenter comme s'il s'agit de plusieurs
3 années, il a fallu monter tout cela.
4 Q. Bien. Donc, en fait --
5 R. C'est ce que j'ai pu voir alors que nous sommes passés en voiture à
6 bord de ce véhicule. Nous ne nous sommes pas arrêtés.
7 Q. Donc, M. Borovcanin a essayé de censurer ce que vous étiez en train de
8 filmer et vous a demandé de filmer cela ou de ne pas filmer ceci ou cela,
9 ou est-ce que vous étiez complètement libre et indépendant de filmer ce que
10 vous vouliez ?
11 R. Ecoutez, on en vient à la question que je souhaitais évoquer. Est-ce
12 que vous pensez vraiment que quelqu'un de censé autoriserait un journaliste
13 à filmer des crimes de guerre et de lui laisser la vie sauve ? Est-ce que
14 vous pensez vraiment que ce serait normal que je sois assis ici aujourd'hui
15 si ceci s'était passé ainsi ? Par exemple, cette guerre récente en Irak.
16 Est-ce que vous avez jamais vu quelqu'un filmer quelque chose à partir de
17 2003, et quelque chose de ce genre ? Avez-vous jamais vu un journaliste, et
18 surtout un qui fait partie d'une unité de l'armée, filmé ce genre de chose
19 ? Donc, pourquoi cette armée aurait-elle réagi différemment ? Toutes les
20 règles au sein de toutes les armées sont les mêmes. Donc, il m'a autorisé à
21 travailler -- à faire mon travail, et je n'avais aucune raison de ne pas
22 dire la vérité. Ceci, bon, faisait que cette personne m'a autorisé à
23 filmer. Peut-être que d'autres ne m'auraient pas autorisé à filmer. C'était
24 simplement une question de respect mutuel entre nous.
25 Q. Je comprends, je crois, votre réponse. Maintenant, pour élucider
26 certaines choses, vous avez parlé de filmer des crimes de guerre. Dans
27 votre esprit, puisque vous utilisez ce terme, est-ce que c'est ce que vous
28 étiez en train de filmer devant l'entrepôt ce jour-là, des crimes de
Page 18807
1 guerre, l'entrepôt de Kravica ?
2 R. Sur la base des deux ou trois secondes de séquences que j'ai pu filmées
3 pendant que la voiture passait à côté de ce bâtiment, ce n'est, bien
4 entendu, pas une situation normale de voir une vingtaine de - je ne sais
5 pas si vous avez pu compter le nombre par le zoom, mais je pense qu'il
6 s'agissait d'environ une vingtaine. Je n'ai pas pu réfléchir à la chose à
7 l'époque. J'ai réfléchi beaucoup plus après. C'était l'une des images de
8 mon reportage et je ne pouvais pas me permettre d'avoir des émotions. Il
9 fallait que je reste en vie, que je revienne à Belgrade, au studio B, que
10 je fasse le montage, que je fasse mon reportage, grâce auquel vous avez
11 désormais ce document. Je ne suis pas superman.
12 Q. Bien entendu, je n'entendais pas par là vous critiquer.
13 R. D'ailleurs, je ne l'ai pas pris comme une critique.
14 Q. Ce que je vous ai posé comme question, c'est que vous avez utilisé le
15 terme "crimes de guerre". Sans parler du moment où vous avez filmé les
16 cadavres, mais, actuellement, quand vous utilisez le terme "crimes de
17 guerre," est-ce que vous parlez de ce que vous avez filmé là-bas ? Est-ce
18 que vous êtes en train de dire que vous avez filmé des crimes de guerre ou
19 pas ?
20 R. D'après la théorie, ça ressemblerait à un crime de guerre peut-être,
21 mais en tout cas ça a eu lieu pendant les opérations. Je ne sais pas, si
22 j'avais été le commandant à l'époque les choses auraient été différentes.
23 Q. Pour autant que vous vous souvenez, puisque vous vous n'êtes pas
24 arrêtés - vous nous l'avez dit - vous vous êtes rendu où ? Je vais
25 reformuler ma question. Est-ce que vous avez demandé à
26 M. Borovcanin si vous pouviez vous arrêter pour filmer ce qui se passait,
27 puisqu'il n'avait pas l'intention de vous censurer ?
28 R. Je ne me souviens pas d'avoir posé une telle question. La raison pour
Page 18808
1 laquelle nous avons emprunté ce chemin à ce moment précis, c'est que nous
2 nous rendions au centre médical à Bratunac. Je ne sais pas [imperceptible]
3 jamais parlé. Je ne me souviens pas d'avoir parlé de cet événement. Je sais
4 que la raison principale pour laquelle nous nous rendions à Bratunac, c'est
5 cette question concernant l'officier dont nous venons de parler. Je ne me
6 souviens pas d'autre chose à ce propos.
7 Q. Lorsque vous avez vu cet amoncellement de cadavres alors que vous
8 filmiez, qu'est-ce que vous avez dit à M. Borovcanin concernant ce que vous
9 veniez de capter heureusement avec votre caméra ?
10 R. Vous entendez par là quelque chose que j'aurais dit à
11 M. Borovcanin et qui a été enregistré. Donc, je ne me souviens pas
12 actuellement ? Je ne sais pas de quoi vous parlez.
13 Q. C'est toujours si vous vous en souvenez. Si vous vous souvenez, est-ce
14 qu'il y a eu une conversation quant à ce que vous voyiez alors que vous
15 vous rendiez en direction du centre médical de Bratunac ?
16 R. Je ne me souviens pas.
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Lazarevic.
18 M. LAZAREVIC : [interprétation] Je ne [imperceptible] peut-être pas, mais
19 cela a déjà été demandé et déjà répondu. Nous n'en avons jamais parlé avec
20 ce témoin. On le voit à la page 56, ligne 17.
21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous avez raison.
22 M. NICHOLLS : [interprétation] Mon collègue à tout à fait raison. Cela m'a
23 échappé. Je suis désolé.
24 Q. Pourquoi vous n'en avez jamais parlé avec M. Borovcanin ? Est-ce qu'il
25 y a une raison précise pour laquelle vous avez évité le sujet ?
26 R. Non. Nous parlons ici après les faits. Est-ce que vous savez ce que
27 cela veut dire une opération en cours ? Cela veut dire qu'une guerre est en
28 train de se dérouler, qu'il y a des combats, et c'est une conversation
Page 18809
1 qu'on pourrait avoir éventuellement, une fois que tout est terminé, que
2 vous analyser les événements au QG, où vous racontez des anecdotes
3 concernant la guerre. Il y en avait plein de ces événements à l'époque. Ce
4 qu'il y avait de plus important pour moi à l'époque, c'est qu'en tant que
5 journaliste j'étais une cible facile, et donc, il était tout à fait naturel
6 que je me soucie davantage de m'échapper -- de survivre que de faire de la
7 conversation. Cela peut vous paraître un petit peu dur peut-être, mais la
8 guerre est une chose terrible. Tout le monde vous dira que quand on voit un
9 cadavre, c'est quelque chose d'horrifiant et d'inacceptable, et je pense
10 que nous sommes d'accord là-dessus.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls, désolé de vous
12 interrompre, mais pour être parfaitement clair, quelque chose m'a peut-être
13 échappé, mais est-ce que vous pouvez demander au témoin s'il a remarqué
14 qu'il y avait un amoncellement de cadavres indépendamment de tirs ?
15 M. NICHOLLS : [interprétation]
16 Q. Vous pouvez répondre à la question, Témoin ?
17 R. Cette séquence ne dure que deux ou trois minutes -- ou plutôt,
18 secondes. Maintenant, en y réfléchissant, je regardais tout cela à travers
19 la caméra. Je voyais, mais c'est tout à fait différent quand vous voyez les
20 choses au ralenti. Il faut être au courant de la vitesse d'enregistrement à
21 l'époque. Il faut se souvenir que ça a eu lieu en un instant, en une espace
22 de temps très, très petit. Puis ensuite, il y a eu d'autres scènes. Toute
23 la route qui mène à Bratunac n'était pas du tout sûre. Il y avait des tirs
24 des Musulmans, des tirs des Serbes, des Musulmans qui tiraient sur des
25 Musulmans qui se rendaient. C'était le chaos. C'était de la folie.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que ma question est assez
27 simple, en fait. Est-ce que vous vous souvenez d'avoir vu ces cadavres à
28 l'époque ?
Page 18810
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'y ai pas réfléchi de cette manière-là.
2 Oui, je l'ai vu en l'espace de deux secondes. J'ai dû l'enregistrer. Je le
3 voyais à travers l'optique de la caméra, mais pendant deux secondes à
4 peine.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
6 M. NICHOLLS : [interprétation]
7 Q. Je vais vous poser une autre question -- non, je me reprends. Où vous
8 êtes-vous rendu ? Où avez-vous passé la nuit du 13, c'est-à-dire la nuit
9 après la journée dont nous venons de parler concernant la vidéo ?
10 R. Dans l'appartement dans lequel séjournait M. Borovcanin à Bratunac,
11 quelque part au centre. Je ne sais pas exactement la rue ni le bâtiment
12 maintenant. Il s'agirait d'un de ces bâtiments sociaux réalistes, comme on
13 les appelait. Ils comportaient plusieurs étages. Mais, en tout cas, c'était
14 chez lui. C'était l'appartement où, officiellement, il résidait à l'époque.
15 Je ne sais pas si celui-ci lui appartenait.
16 Q. Est-ce que vous vous souvenez pendant votre entretien, je vous ai
17 montré -- ce que vous a montré M. Borovcanin, du moins dans l'entretien que
18 je vous ai montré la partie concernant le fait que la voiture a été arrêtée
19 ?
20 R. Je pense qu'il se trompe. Il n'y a pas eu de censure. J'ai tout filmé;
21 sinon, si a situation avait été différente, nous serions arrêtés et, en
22 tout cas, il serait agi des images les plus puissantes que j'aurais pu
23 tourner parce que j'avais seulement trois morts au centre-ville de
24 Srebrenica. Et puis ce seul Musulman qui était parmi les Musulmans qui
25 était dans le pré, donc, j'avais quatre cadavres. Cela aurait été très
26 intéressant. Si on s'était arrêté la chose aurait été très différente.
27 Q. Maintenant, quand vous vous trouviez avec M. Borovcanin à Bratunac,
28 est-ce que vous avez parlé de ce que vous aviez vu pendant la journée, ce
Page 18811
1 que vous aviez filmé à Potocari, les bus, les personnes qui se rendaient,
2 le Pat, et cetera ?
3 R. Je peux conter, plutôt, sur le texte de l'entretien pas à ma mémoire
4 car j'étais fatigué et stressé par ce que j'avais vécu pendant la journée.
5 Si vous regardez le texte, c'est également important parce qu'à travers mes
6 différentes sources d'information, j'avais réussi à avoir une vue générale
7 des événements telles qu'elles se sont produites le 11 quand les Serbes
8 sont rentrés à Srebrenica. Donc, certaines de ces choses je ne peux pas
9 vous dire exactement lesquelles dans le texte final, mais je lui ai demandé
10 de m'expliquer certaines de ces choses en termes militaires, et c'est très
11 intéressant, c'est un peu comme on regardait un film, voir comment se
12 déroule une opération. Je sais que les lecteurs en général sont intéressés
13 par ce genre de chose et c'était la seule description à l'époque qu'on ait
14 pu trouver dans les médias, que ce soit chez nous ou au niveau
15 international, du moins si détaillée. Ce qui m'a un peu semé la confusion
16 dans mon esprit c'est que 1 800 Serbes auraient pu prendre le dessus par
17 rapport à 10 000 Musulmans armés qui avaient des armes de pas très bonne
18 qualité. Mais, en tout cas, chaque fusil peut tuer. Comment se fait-il
19 qu'il n'y a pas eu de résistance ? Maintenant, on voit dans la presse à
20 Sarajevo que nous avons un certain nombre de réponses d'un des colonels de
21 Srebrenica.
22 Q. Pour revenir à ma question, vous avez parlé de la façon dont s'est
23 déroulée l'opération; c'est ça que vous avez débattu à Bratunac ?
24 R. Ce soir-là, j'ai appris certaines choses qui sont dans le texte de lui,
25 je ne peux pas vous dire ce qui provenait de lui et ce que j'ai pu
26 recueillir plus tard à Belgrade. Ce que je peux dire c'est que la structure
27 de base du texte est quelque chose que j'ai pu glaner grâce à lui. La façon
28 dont les Serbes ont attaqué, de quel côté, comment les Musulmans se sont
Page 18812
1 défendus ?
2 Q. Vous avez déjà dit que vous n'avez pas parlé ni des cadavres ni des
3 personnes qui se trouvaient devant l'entrepôt de Kravica, à savoir le clip
4 que nous avons vu, vous nous avez dit que c'était les images les plus
5 puissantes que vous n'ayez jamais pu filmer; est-ce que vous pouvez nous
6 dire pourquoi vous n'en avez pas parlé avec lui ?
7 R. Je n'ai pas bien compris ce que vous venez de dire. Je ne l'ai pas
8 mentionné.
9 Q. Avec M. Borovcanin à Bratunac, le 13 au soir ?
10 R. Le fait qu'il s'agissait des images très puissantes c'est quelque chose
11 que nous ne savons que maintenant. Décembre 2007, derrière moi j'ai 20
12 années de reportages de guerre. Je ne peux pas vous dire pourquoi je n'ai
13 pas parlé de ces choses-là avec lui. On m'a permis de faire ce film et
14 c'était une preuve de respect mutuel. Bien entendu, vous serez d'accord
15 nous pour dire que j'aurais pu monter une scène en présence de nous deux,
16 pourquoi je n'ai pas incluse ? Il m'a peut-être dit : "Pourquoi vous avez
17 filmé ci ou
18 ça ?" Mais c'est moi qui ai fait le montage et il y a tout là-dedans et
19 vous avez tout là-dedans grâce également à M. Borovcanin, et je crois que
20 cela mérite d'être dit clairement.
21 Pour autant que je sache, il était en bonne santé à la fois physique
22 et mental parce qu'autrement seul un fou travaillerait contre ses propres
23 intérêts et permettrait qu'on filme des choses alors que vous savez très
24 bien que les gens de chez vous vont faire quelque chose d'inconvenable ou
25 qu'ils vont tuer quelqu'un. C'est tout à fait normal que je vous le dise.
26 Je pense que c'est quelque chose de très rare de permettre à quelqu'un de
27 faire -- de procéder de la sorte même dans l'armée américaine.
28 Q. Avez-vous vu la vidéo d'exécution des Skorpions ?
Page 18813
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 18814
1 R. Oui. Il s'agit là de la séquence qui m'avait été, en fait, attribuée à
2 Belgrade, et je voulais d'ailleurs vous le dire, le témoignage de M. Ruez a
3 été allé jusqu'il a même indiqué que j'étais l'un des auteurs et qu'on
4 m'avait donné des grandes sommes d'argent pour que je vende cette séquence
5 à Mme Kandic. C'est la première fois que j'entendais parler de ce groupe.
6 Cela n'a rien à voir ni avec l'armée ni avec la police. Puisqu'on connaît
7 la Brigade de la Police, ces personnes auraient été arrêtées si on les
8 avait vu.
9 Q. Les hommes dans cette séquence; est-ce qu'ils avaient un problème pour
10 filmer avant qu'ils ne furent tués ?
11 R. Avant d'être tués ?
12 Q. Oui.
13 Ce n'était pas juste quelqu'un qui passait. Est-ce qu'ils avaient des
14 problèmes à filmer ?
15 R. Je ne vous comprends pas.
16 M. LAZAREVIC : [interprétation] Ce n'est pas vraiment une objection.
17 J'aimerais savoir si mon collègue se réfère au film des Skorpions ou s'il
18 s'agit d'une situation où on fait appel à la spéculation ?
19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je crois que je sais où il veut en
20 venir, Monsieur Nicholls, mais peut-être vaudrait mieux que vous
21 reformuliez votre question.
22 M. NICHOLLS : [interprétation] Bien.
23 Q. Les Skorpions -- la vidéo des Unités de Skorpions, qui a été montrée
24 lors d'une affaire à Belgrade et qui montraient des Musulmans qui se
25 faisaient massacrer, c'est de cette vidéo-là que je parle. Est-ce que vous
26 me comprenez ?
27 R. Oui.
28 Q. Avez-vous vu cette vidéo ?
Page 18815
1 R. Oui, de nombreuses fois. Les médias nous ont bassinés en quelque sorte
2 avec cette séquence pendant des jours et des jours.
3 Q. Vous avez dit que personne ne serait aussi fou que de permettre à ce
4 qu'un crime de guerre soit filmé et qu'en est-il des hommes qui étaient
5 dans cette vidéo ?
6 R. Je vais vous le dire clairement.
7 M. LAZAREVIC : [interprétation] Il me semble que mon éminent collègue fait
8 des comparaisons un peu malheureuses entre ces deux choses. Je ne veux pas
9 mener mes arguments devant le témoin.
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Peut-être qu'il fait une comparaison.
11 M. NICHOLLS : [interprétation] Non, je vais continuer, peu importe.
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien.
13 M. NICHOLLS : [interprétation]
14 Q. Je vais lui poser une question concernant autre chose. Est-ce que vous
15 vous souvenez si vous avez fait une promenade dans Bratunac quand vous y
16 trouviez ?
17 R. Oui, tout à fait dans le centre de la rue principale.
18 Q. Tout seul ou avec M. Borovcanin qui était avec vous ?
19 R. Comme je vous l'ai déjà dit, j'étais obligé d'être toujours avec lui;
20 sinon, j'aurais pu être arrêté par les militaires car les journalistes
21 n'avaient pas le droit de rentrer. L'opération était toujours en cours.
22 J'ai eu l'occasion de passer quelques instants au centre tout seul, peut-
23 être quelqu'un m'a suivi de loin, je ne sais pas. Je veux dire c'était une
24 situation de guerre. C'était un tout petit endroit. Beaucoup de gens
25 devaient savoir que j'étais journaliste, et beaucoup de gens ne me
26 connaissaient pas simplement Bratunac, mais également dans toute la
27 Yougoslavie. J'étais un journaliste connu. Je ne sais pas combien de temps
28 j'ai passé tout seul au centre de Bratunac mais néanmoins j'ai passé
Page 18816
1 quelques temps tout seul sans lui.
2 Q. Est-ce que vous avez entendu du stade pendant cette conversation ?
3 R. J'ai commencé à entendre parler du stade quand je suis revenu à
4 Belgrade, pas avant. A propos de l'école avec un millier de personnes, je
5 ne sais pas combien qui aurait été tué, et ce jour-là, j'ai remarqué
6 l'humeur des gens. Il y avait très peu de troupes serbes pour autant que je
7 me souvienne. La plupart d'entre eux étaient partis en direction de Zepa,
8 le jour précédent. Beaucoup de prisonniers sont arrivés pour autant que je
9 me souvienne, la population était préoccupée, avait peur que ces personnes
10 puissent s'enfuir du stade, ce qui peut redonner lieu à des problèmes très
11 graves. C'est la situation qu'ils craignaient et je crois que je l'ai noté
12 à l'époque. En tout cas, je l'ai dit plus tard, mais je ne m'en souviens
13 pas exactement. Ce n'est que quand je suis revenu à Belgrade le 21 juillet,
14 j'ai le papier ici devant mes yeux, c'est pour cela que je l'ai emmené. Ce
15 sont mes notes où il est marqué -- a écrit un texte sous le titre,
16 d'ailleurs, ça a été publié le 21 juillet.
17 A l'époque, il avait beaucoup plus de liberté que moi à Bratunac. Ce
18 qui est un peu bizarre car il était un Anglais. J'aimerais beaucoup savoir
19 qui lui a donné l'autorisation de se promener librement alors que moi
20 j'étais menacé d'arrestation. C'est lui qui a lancé les premières
21 allégations selon lesquelles il y avait des crimes à échelle, à très grande
22 échelle. C'est lui qui avait parlé également des camps en Bosnie deux ans
23 avant.
24 Q. Je vais vous poser une autre question. Que craignait la
25 population de Bratunac, qui pouvait sortir du stade ?
26 R. Il s'agissait des Musulmans emprisonnés, détenus, car ils étaient
27 beaucoup plus nombreux que les Serbes armés dans la ville. Ce n'est pas une
28 ville, c'est un bourg, et je me souviens bien de cette crainte chez les
Page 18817
1 gens.
2 Q. Je veux être tout à fait sûr, et ensuite, on pourrait regarder
3 votre déclaration, si vous en avez besoin. Cette crainte que vous avez
4 constatée chez les gens, c'est quelque chose que vous avez constaté pendant
5 votre promenade ce soir ?
6 R. Ce soir-là, j'étais dans l'appartement et je ne me suis pas
7 promené dans la ville près des opérations de guerre. Mais je m'y suis
8 promené le jour et j'ai vu beaucoup des affiches, des annonces de décès,
9 quelque chose qu'on ne voit pas en occident. Des annonces affichées,
10 c'était le 14. Je pouvais voir que beaucoup de ces gens étaient des Serbes.
11 Ce sont des Serbes qui avaient été tués et ça, c'est mis dans mon texte. On
12 pouvait voir donc ces affichages de décès sur les troncs d'arbre, sur les
13 portes des magasins. C'est quelque chose dont on ne parle pas souvent.
14 Q. Est-ce que vous êtes sûr de la date 13 ou 14, que c'est à ce
15 moment-là que vous avez fait cette promenade ?
16 R. C'était en plein jour. Donc, pendant la journée.
17 Q. En plein jour, c'était le 13 ou le 14 que vous avez fait votre
18 promenade dans Bratunac et que vous avez constaté cette crainte qu'avaient
19 les personnes concernant l'éventuelle fuite des prisonniers du stade ?
20 R. Je vais revenir un petit peu en arrière. Le 13, nous étions en train de
21 filmer environ 16 ou 17 heures, et je pense que c'était le 14, soit avant
22 ou après nous être rendus à Srebrenica. Donc, je ne me souviens pas de
23 m'être promené à Bratunac, le premier jour mais plutôt le deuxième jour.
24 J'essaie de reconstituer l'heure. Le premier jour je suis arrivé à 15
25 heures 30, nous avons continué à filmer pendant le reste du jour, donc il
26 ne peut s'agir que du 14, soit avant soit après nous être rendus à
27 Srebrenica parce que, ce jour-là, je ne filmais que Srebrenica.
28 Q. Vous êtes rendu directement depuis là où vous avez vu les cadavres
Page 18818
1 devant l'entrepôt de Kravica et avoir filmé cette séquence jusqu'à
2 l'hôpital à Bratunac, et ensuite, est-ce que vous êtes revenu sur le
3 terrain ou êtes-vous resté à Bratunac ?
4 R. Pour autant que je m'en souvienne, nous ne sommes plus sortis de
5 Bratunac, ce jour-là. On n'aurait pas eu d'intérêt parce qu'il faisait déjà
6 noir, les opérations étaient en cours, qu'est-ce que j'aurais pu filmer
7 avec ma petite caméra. La seule chose que j'aurais pu gagner c'est d'être
8 tué.
9 Q. Je vous pose maintenant cette question parce que dans votre déclaration
10 il y avait une confusion quant à la date, et maintenant je veux savoir
11 pourquoi vous êtes sûr que c'est le 13. Je peux vous montrer la partie de
12 la déclaration concernée.
13 R. Parce que vous m'avez obligé pendant tous ces mois à essayer de me
14 souvenir de toutes ces choses que j'avais essayées de réprimer jusque-là.
15 Alors, quand j'essaie de me remémorer le calendrier, la chronologie de ce
16 jour, cela semble plus logique, mais je ne suis pas à 100 % sûr, de toute
17 façon, cela n'aurait eu aucune influence sur les événements que j'ai pu --
18 dont j'ai pu être le témoin.
19 Q. Non, je ne suis pas préoccupé par la date, mais alors que vous étiez à
20 Bratunac le 13 ou le 14, quelle que soit la date; est-ce que vous vous
21 souvenez d'avoir vu un camion qui traversait la ville et qui vous a frappé
22 ?
23 R. Oui, c'est quelque chose qui m'a frappé particulièrement. Je crois
24 qu'il s'agissait d'un FAP, un camion fabriqué localement, et je crois qu'il
25 y avait des cadavres dans ce camion. Je l'ai vu depuis la rue. J'étais sur
26 le trottoir à côté d'un magasin. Je ne me souviens pas exactement où et il
27 se rendait quelque part, je ne sais pas exactement. Il provenait d'une
28 direction que je ne connaissais pas et à continuer dans une direction qui
Page 18819
1 ne m'était pas connue. C'était au milieu de la journée. Je le sais parce
2 qu'il y avait également cette impression qui s'est combinée avec ces
3 affichages annonçant des décès sur les arbres et sur les magasins. Je
4 pouvais les voir, ils étaient surtout des Serbes, des jeunes hommes.
5 Quelque part les deux choses se sont amalgamées dans mon esprit.
6 Q. Donc, dans votre esprit, quelle était l'ethnicité, l'appartenance
7 ethnique des cadavres se trouvant dans le camion si vous aviez à l'époque
8 émis un jugement à cet égard ?
9 R. On ne peut conclure simplement que c'étaient des Musulmans. Il n'y
10 avait rien de précis indiquant leur appartenance ethnique sur leurs
11 cadavres. Ce fut un court instant pendant lequel j'ai vu ce camion. J'ai vu
12 des cadavres, je ne sais pas combien mais on les voyait, peut-être qu'ils
13 étaient recouverts, mais on pouvait voir certaines parties de leurs corps
14 et des bottes de militaires.
15 Q. Merci. Maintenant, passons à autre chose. Toujours à propos de ces deux
16 journées, je parle de Milan Lukic; n'avez-vous jamais vu Milan Lukic
17 pendant ces deux journées ? Est-ce que vous, personnellement, vous l'avez
18 vu pendant ces deux journées, 13 ou 14 juillet, comme vous vous trouviez
19 dans la région ?
20 R. Quand je suis revenu à Belgrade, je prenais mon petit-déjeuner dans un
21 restaurant et j'ai vu plusieurs officiers de la police avec Borovcanin, et
22 même des membres de l'armée peut-être. En tout cas, je me souviens de ce
23 personnage, Lukic, et c'est comme ça qu'il a fini par apparaître dans le
24 texte. Mais Lukic, c'est un nom de famille très courant, mais je ne sais
25 pas qui est ce personnage -- cette personne qui se nomme Lukic.
26 Q. Est-ce que nous parlons véritablement du même Milan Lukic ? Moi, je
27 vous parle du Milan Lukic qui a fait l'objet d'un acte d'accusation.
28 R. Je ne pense pas qu'il s'agisse de la même personne. En tout cas,
Page 18820
1 quelque soit le Lukic en question, je ne les connais pas. Si vous pensez à
2 un Lukic particulier, sans doute vous parlez de celui qui a essayé de fuir
3 et de se rendre en Argentine, pour autant que je sache.
4 Q. Est-ce que vous avez vu cet homme, celui-là dont il s'agit, est-ce que
5 vous l'avez vu le 13 ou le 14 juillet ?
6 R. Peut-être dans ce restaurant dont je vous ai parlé. Je ne sais pas si
7 c'est le même Lukic, mais, en tout cas, c'était un Lukic. En tout cas,
8 Milan Lukic ne faisait pas partie des Unités de Borovcanin. Il est
9 originaire de notre région, Visegrad, je crois, et ici, on parle de
10 Srebrenica, et il n'avait rien à voir avec Srebrenica. Je réfléchis.
11 M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les
12 Juges, j'en ai presque terminé.
13 Q. A quelle heure êtes-vous allé dormir dans l'appartement de
14 M. Borovcanin ?
15 R. Vous voulez dire avant que je ne parte à la maison ?
16 Q. Non, je parle de la première nuit, la nuit du 13.
17 R. Cette partie-là du récit est quelque peu vague. Je ne peux pas vous
18 dire à quel moment je me suis couché et quel moment je me suis réveillé.
19 C'était après le tournage. Pour un journaliste, ce ne sont pas des choses
20 importantes, ce n'est pas du tout pertinent.
21 Q. Très bien. Si vous ne vous en souvenez pas, je comprends; cela va. Mais
22 cette nuit-là, lorsque vous êtes allé de Potocari à Konjevic Polje, est-ce
23 que vous avez revisionné l'enregistrement pour voir ce que vous aviez pris,
24 si tout va bien ?
25 R. Moi personnellement, oui, c'est tout à fait logique. Quoique je n'ai
26 pas souvenu. Vous savez, on ne regarde jamais ce que l'on fait avant de
27 tout terminer. Je n'ai pas ce réflexe. Lorsque vous êtes dans une équipe,
28 ce sont les [imperceptible] du montage, les monteurs qui regardent cela. Ce
Page 18821
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 18822
1 n'est pas nous. Normalement, j'étais avec les journalistes, et normalement,
2 ce sont les monteurs qui montent le tout dans la soirée. J'ai peut-être
3 jeté un coup d'œil, peut-être pas. Je ne sais pas. Mais pour moi, ce
4 n'était pas du tout important.
5 Q. Merci. Fort bien. Vous ne vous souvenez pas si
6 M. Borovcanin a regardé la cassette non plus ?
7 R. Non. Mais il n'était pas intéressé par le fait de contrôler quoi que ce
8 soit. Je vais le répéter de nouveau, ce n'était pas du tout sa
9 préoccupation principale. Les opérations étaient en cours. Ses hommes
10 mourraient sur le champ de bataille et d'autres personnes perdaient la vie,
11 des enfants, et cetera. Il connaissait tout le monde. Il était de cette
12 région. Il était originaire de ces villes-là. Il sait que j'étais un
13 professionnel et il m'avait laissé libre cours, à mon imagination. Il m'a
14 permis de faire mon travail sans vérifier ce que je faisais.
15 Q. Très bien. Merci. Répondez, je vous prie, par un oui ou par un non pour
16 ce qui est de la prochaine question, si vous le savez. Vous avez dit que
17 les hommes de M. Borovcanin étaient en train de se faire tuer ce jour-là.
18 Est-ce que vous aviez un chiffre ? Est-ce que M. Borovcanin vous avait
19 parlé du nombre de personnes qui avaient péri ce jour-là ?
20 R. Je ne me souviens pas du tout, mais ce qui est important c'est la scène
21 que j'ai vue au centre, lorsque les -- d'après les vitrines et les arbres,
22 on pouvait voir le tout. Quand il y a une mort, il n'est pas tellement
23 important de savoir s'il était un militaire ou un civil, mais il est
24 certain que de jeunes personnes avaient trouvé la mort, et c'est toujours
25 désagréable dans chaque armée, surtout si vous connaissez ces personnes.
26 Cela ajoute du stress.
27 Q. Bien. Alors, passons maintenant rapidement à la journée du 14 juillet.
28 Où êtes-vous allé ce jour-là avec M. Borovcanin ? Essayez de nous dire tout
Page 18823
1 ceci de façon assez succinct. Il n'est pas nécessaire d'entrer en détail,
2 mais dites-moi simplement si vous pouvez nous dire où vous étiez. Est-ce
3 que le chauffeur est venu ?
4 R. Vous voulez que je vous parle de Srebrenica ? C'était un sujet très
5 intéressant. On en parlait pendant des années. Donc, j'ai trouvé avec
6 Ljubisa une manière d'y aller, et le ministre de la police nous a suivis.
7 C'est toujours une situation importante. Lorsque vous êtes un journaliste,
8 c'est bien de pouvoir aller tourner avec les personnes importantes. Donc,
9 j'étais plutôt concentré sur Srebrenica et la partie qui s'appelle Zeleni
10 Jadar.
11 Q. Merci. Vous souvenez-vous du nom du ministre de l'Intérieur, le
12 ministre de la police, si vous voulez ?
13 R. Oui, Tomo Lukac, Tomislav Tomo Lukac. C'est quelqu'un de très connu. En
14 fait, voilà, c'est Tomo Lukac, et peut-être pas Tomislav. Je dois me
15 corriger.
16 Q. Qu'en est-il de Tomo Kovac ?
17 R. Je sais qui est cette personne. Je l'ai déjà rencontrée dans la vie
18 auparavant. Je l'ai déjà vu au début de la guerre avec l'équipe, là où il y
19 avait le chef de la police, en périphérie de Sarajevo. Tout comme les
20 autres me connaissaient, j'étais quelqu'un de connu parce qu'on me voyait à
21 la télé, on voyait mes articles dans les journaux, donc, j'étais une
22 personnalité connue.
23 Q. Très brièvement, et de nouveau, j'aimerais vous rappeler que les Juges
24 ont examiné l'ensemble de votre matériel cru que vous nous avez donné au
25 cours de ces derniers jours, et ils ont également visionné le filme que
26 vous avez tourné le 14 juillet à Srebrenica et la partie où vous avez
27 interviewé des Serbes revenant. Vous montrez un chien à côté des corps.
28 Alors, est-ce que vous étiez seul ?
Page 18824
1 R. J'étais complètement seul et libre. C'est la rue principale de
2 Srebrenica. C'est la rue principale. Donc, vous tournez à gauche et à
3 droite, et au sommet de cette rue - si je me souviens bien de la scène,
4 c'était très émouvante -- il y avait deux ou trois cadavres, un petit chien
5 à côté d'eux dans ce silence de mort. Il y avait également à côté un
6 magasin à rayon qui avait brûlé, non pas à ce moment-là, mais dans une
7 autre opération, et c'était une ceinture qui avait brûlé de 200 mètres de
8 périmètre et il était absolument -- il n'était pas nécessaire que l'on me
9 suive. Les Serbes provenaient, je les interviewais. Ni Martin Bell et
10 Christiane Amanpour, on ne les dérange pas lorsqu'ils sont sur le terrain
11 pour filmer. La situation était pareille pour moi.
12 Q. Je comprends, mais après avoir tourné ces séquences, vous avez rejoint
13 M. Borovcanin de nouveau et vous êtes allé en direction de Zeleni Jadar ?
14 R. Nous avons suivi un ministre qui faisait le tour du terrain. Il y avait
15 plusieurs bâtiments qui étaient détruits. Il y avait également l'usine qui
16 produisait le bois. Il devait réorganiser la vie et faire en sorte que tout
17 revienne à la normale, et personne ne m'a dit de ne pas tourner. Tout ce
18 que j'ai tourné on m'a laissé faire. On m'a laissé tourner mon film et on
19 ne m'a pas confisqué mes séquences non plus.
20 Q. Je souhaiterais que l'on examine la page 66 de 1986 [comme interprété],
21 pour ce qui est du numéro du document, ou 64 et 65. Voilà. Ceci est une
22 scène de votre vidéo, n'est-ce pas, vous avez parlé d'un magasin à rayon
23 qui était tout près de là ?
24 R. Oui, le magasin à rayon était juste devant nous. C'est le bâtiment, si
25 je me souviens bien, un bâtiment énorme.
26 Q. D'accord. Merci.
27 M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les
28 Juges, il n'y a rien de particulièrement important sur la séquence mais je
Page 18825
1 ne sais pas si vous voulez prendre la pause.
2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous allons prendre une pause, mais
3 avant la pause, nous aimerions voir de nouveau la séquence où on voit les
4 corps empilés, et nous aimerions que l'on commence le visionnage un peu
5 avant et un peu après la séquence des cadavres.
6 M. NICHOLLS : [interprétation] Aimeriez-vous que l'on fasse ceci maintenant
7 ?
8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, maintenant, et ensuite, on prendre
9 la pause.
10 M. NICHOLLS : [interprétation] Très bien. Merci. C'est donc le documentaire
11 de studio B qui porte le numéro 2011.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pas au ralenti.
13 M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, oui, bien sûr.
14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Avec le son, s'il vous plaît. C'est
15 très important.
16 M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, nous allons commencer
17 le visionnage à 17:16:5.
18 [Diffusion de la cassette vidéo]
19 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
20 "Ces personnes retournaient dans leurs demeures pour voir ce qui restait,
21 ce qu'ils avaient laissé derrière. Il y a deux ou trois ans. De nouveau, la
22 FORPRONU que vous voyez là c'est un énorme complexe de bâtiment et d'espace
23 qu'ils occupaient et cela n'existe plus non plus. Maintenant, voici des
24 images qui ressemblent à celles de la Deuxième Guerre mondiale des
25 personnes sur des chevaux, des soldats sur des chevaux, la situation est
26 surréaliste. Vous allez l'avouer, n'est-ce pas ?
27 "Il y a des cadavres des Musulmans, des soldats musulmans et le mouvement
28 des troupes qui revient pour reprendre ses positions."
Page 18826
1 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maintenant, merci. Nous avons vu ce que
3 nous voulions voir.
4 Nous allons prendre une pause de 25 minutes.
5 --- L'audience est suspendue à 17 heures 42.
6 --- L'audience est reprise à 18 heures 12.
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Nicholls.
8 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
9 Q. On arrive presque à la fin de ma série de questions. Ce que je
10 vais maintenant faire, c'est de vous demander de nous dire très brièvement,
11 vous avez parlé du fait que vous vous êtes rendu à Srebrenica et vous étiez
12 seul pendant quelque temps et d'après la vidéo vous étiez à Zeleni Jadar,
13 et avec Borovcanin vous avez filmé la promenade dans l'usine détruite,
14 ensuite dans la vidéo, on vous voit revenir en arrière à travers
15 Srebrenica, Potocari en direction de Bratunac. Pouvez-vous nous dire
16 comment cette journée-là s'est terminée, la deuxième journée ? Qu'est-ce
17 que vous avez fait quand vous vous êtes rendu à Bratunac avec M. Borovcanin
18 ?
19 R. Je suis resté au centre de la ville, pas très loin de l'appartement. Je
20 ne sais pas exactement où j'étais. Ça avait quelque chose de psychologique
21 quand vous savez que vous avez fait votre reportage, qu'il est complet.
22 Puis il y a des moments où vous n'avez plus d'énergie, et à ce moment-là je
23 n'en avais plus aucun souhait de m'éloigner du centre de la ville dont j'ai
24 parlé tout à l'heure.
25 Q. Quand vous êtes revenu à Bratunac avec M. Borovcanin, est-ce que vous
26 vous souvenez, jusqu'à ce soir-là, au moment où vous vous endormez dans
27 l'appartement, est-ce que vous étiez avec M. Borovcanin ou est-ce que vous
28 étiez parfois tout seul ?
Page 18827
1 R. Je pense que pendant la nuit il était avec moi dans l'appartement.
2 C'est ainsi en tout cas que je me souviens de cette chose-là.
3 Q. A partir du moment où vous êtes revenu à Bratunac dans la voiture
4 jusqu'au moment dans la nuit où vous étiez ensemble dans l'appartement,
5 est-ce que vous étiez ensemble pendant toute cette période ? Si vous vous
6 souvenez. Evidemment si vous ne vous souvenez pas, ce n'est pas la peine.
7 R. Il n'y a pas eu d'événement particulier qui m'aurait peut-être permis
8 de prendre mes repères. Nous avons passé la plupart de la journée là, et
9 sans doute le jour se finissait. Je ne pouvais pas me déplacer, vous vous
10 en souvenez. Il y avait des opérations en cours et il y avait des
11 avertissements qui avaient été émis vis-à-vis des journalistes de Serbie et
12 de partout ailleurs, à part Peter Block et que cette zone était hors
13 limite. Evidemment, le collègue anglais devait avoir reçu un soutien plus
14 important que celui de
15 M. Borovcanin, ce qui lui a permis de rentrer.
16 Q. Peut-être il y aura une objection, mais d'après ce que j'ai compris, le
17 matin du 15, le lendemain, vous êtes revenu en Serbie ?
18 R. Oui.
19 Q. Environ à quelle heure êtes-vous parti de Bratunac ?
20 R. Le matin même pendant le petit déjeuner. Il fallait que je parte
21 aussitôt que possible pour faire le montage. Il fallait que je m'y rende
22 rapidement parce que l'une des premières nouvelles allait annoncer que le
23 reportage devait être diffusé. Et il y a environ 200 kilomètres de là
24 jusqu'à Belgrade via Valjevo. Donc il me semble que je suis parti
25 immédiatement après le petit-déjeuner. Je ne sais pas si c'était très tôt,
26 mais, en tout cas, c'était assez tôt. Je ne peux pas vous dire l'heure
27 exacte.
28 Q. Ai-je raison de dire alors qu'il n'y a eu que les 15, 16 et 17, pour
Page 18828
1 mettre en place, faire le montage, faire les voix, et cetera pour votre
2 documentaire ?
3 R. Oui, c'est ainsi que nous travaillions. Chez nous, on parle de notre
4 travail en tant que partisans, car il fallait travailler dans des
5 conditions telles qu'elles étaient. On a fait un travail chez nous qui
6 aurait pris dix jours en occident, alors que nous, il nous a fallu 48
7 heures. Cela, ça a bien marché. Il y avait deux monteurs dans le studio B
8 qui se répartissaient le travail, avec un budget très, très limité. Par
9 exemple, vous étiez obligé de sortir de la salle de montage parce qu'il n'y
10 avait qu'une seule table de montage. Les conditions étaient assez
11 difficiles, les conditions de travail pour moi. Evidemment, la qualité de
12 la séquence était de piètre qualité, mais ce qui était important c'était
13 l'authenticité de ces événements, et chez le public, cela a été à l'origine
14 de vues très divergentes. Ni ceux de Bosnie, ni ceux de Serbie n'étaient
15 satisfaits de ce que j'avais fait. D'ailleurs, j'ai reçu des menaces de
16 mort dans la période qui a suivi.
17 M. LAZAREVIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, une partie de
18 la réponse du témoin n'a pas été enregistrée au compte rendu. Cela concerne
19 le fait qu'il avait travaillé sur les documents bruts, qui ont ensuite
20 changé de mains à plusieurs reprises, et il a utilisé une expression,
21 disons, très locale pour exprimer la chose. Peut-être il pourrait répéter.
22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que vous avez suivi, Monsieur
23 Petrovic ? Auquel cas, répétez, s'il vous plaît.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il fallait que je travaille dans la hâte
25 et dans des conditions extrêmement difficiles au montage, et j'ai utilisé
26 le document que vous avez appelé les données brutes, la cassette brute. Je
27 prenais les images sur ce document. Il fallait que je le fasse très
28 rapidement. D'habitude, on devrait prendre une dizaine de jours pour le
Page 18829
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 18830
1 faire, et il a fallu que je le fasse beaucoup plus vite, bien que la
2 qualité des images n'était pas très bonne et généralement les stations de
3 télévision ne les auraient pas diffusées. Si c'étaient eux qui en étaient
4 chargés, ils auraient fait autrement.
5 Q. Bien. A quel point avez-vous participé au montage ? Vous avez parlé
6 d'un monteur. Est-ce que vous lui avez laissé le document brut et ensuite
7 vous êtes revenu pour voir ce qu'il avait fait ou avez-vous participé au
8 choix des séquences, et cetera ?
9 R. Les deux choses sont vraies. Je ne sais pas comment ça s'est produit.
10 Peut-être que l'un d'entre eux devait s'occuper d'autre chose et c'est
11 l'autre qui est resté, mais, en tout cas, la maison avait deux monteurs -
12 je ne me souviens pas de leurs noms, mais vous pouvez sans doute les
13 trouver dans le générique. En tout cas, il faut donner quand même
14 d'autonomie à ces techniciens. Par exemple, vous ne pouvez pas monter un
15 cadre qui vous montre en train d'aller dans une direction puis en avoir un
16 à la suite qui vous montre allant dans la direction opposée. Il y a
17 certaines règles à respecter. Ils examinent la façon dont les séquences
18 sont faites et ils peuvent changer pas mal de choses pendant le montage.
19 C'est bien évidemment l'intention. Parfois, je n'avais plus le contrôle des
20 documents parce qu'il fallait que je sorte de la salle de montage, car ils
21 en avaient besoin pour faire leur diffusion de nouvelles normales. Alors,
22 parce que la maison de télévision n'avait pas suffisamment d'appareils de
23 montage et étant donné les circonstances, et bien, la cassette a échappé à
24 mon contrôle, et ensuite elle a été donnée à beaucoup de journalistes
25 internationaux pour qu'ils puissent la visionner.
26 Q. Je vous parle actuellement des 15 et 16 juillet jusqu'au moment où
27 cette émission a été diffusée -- ce documentaire a été diffusé. Est-ce que
28 vous vous souvenez d'en avoir parlé pendant l'entretien concernant qui
Page 18831
1 était avec le monteur, si oui ou non vous avez travaillé avec le monteur ?
2 R. Vous parlez de Schiller, le journaliste canadien ?
3 Q. Désolé, je vais reformuler la question. Vous avez parlé du montage et
4 vous avez dit qu'il fallait le faire très rapidement alors qu'il aurait
5 fallu dix jours, et vous n'avez pris que deux jours. Est-ce que vous vous
6 souvenez que vous avez parlé de votre participation au montage juste avant
7 de faire en sorte qu'il ait pu être diffusé le 17 ?
8 R. Aidez-moi, s'il vous plaît. Je ne sais pas très bien où vous voulez en
9 venir.
10 Q. Page 105 de votre entretien. Cela peut-être pourra vous aider. Vous
11 avez dit - mais ce n'était pas en réponse à une question - vous avez dit :
12 "On ne peut pas compter sur ses propres documents de cette manière-là parce
13 que ce que je vérifiais, je n'étais pas seul. J'étais avec le monteur qui
14 était présent, et tout le reste. On a tout pris. On a pris les images. On
15 ne savait pas combien de temps ça allait durer." Donc, il semblerait,
16 d'après ce que vous avez dit, que vous travailliez avec un monteur et que
17 vous étiez tous les deux ensemble.
18 R. Quand vous dites "edit" en anglais, vous voulez dire la personne qui
19 fait le montage des images, qui les coupe et qui les rassemble; cette
20 personne-là ? Oui, il y en avait deux en fin de compte, et il y avait une
21 ambiance très sereine, et beaucoup de journalistes étrangers, qui sont
22 venus voir, ne pouvaient pas croire que cette télévision fonctionnait de la
23 sorte, avec les câbles qui étaient par terre, avec des gens qui allaient
24 dans tous les sens et qui se démenaient. J'avais deux monteurs qui
25 travaillaient avec moi, mais parfois ils étaient pris pour d'autres
26 nouvelles, et cetera, sur lesquelles ils devaient travailler, et ils me
27 faisaient sortir pour prendre un café. C'est ces circonstances-là qui
28 prévalaient.
Page 18832
1 Q. Encore une question que j'ai oublié de vous poser. Le matin du 15, à
2 environ l'heure du petit-déjeuner et avant que vous partiez pour revenir en
3 Serbie, avez-vous vu M. Borovcanin ce matin-là ? Etait-il présent dans
4 l'appartement quand vous vous êtes levé et que vous vous êtes apprêté à
5 partir ?
6 R. Oui, je me souviens. Je me suis rendu d'ailleurs au restaurant avec lui
7 parce que c'est lui qui m'amenait à la frontière avec un chauffeur ou -- il
8 me semble qu'il y avait un chauffeur, mais ce détail était peu important
9 pour moi. En tout cas, nous nous sommes rendus au restaurant - je ne sais
10 pas quel était ce restaurant à l'entrée de Bratunac - et puis, j'ai
11 continué parce que la frontière est toute proche, à dix minutes à peu près.
12 Q. Donc, vous vous êtes séparé de M. Borovcanin près du même pont que vous
13 avez emprunté pour venir là-bas, n'est-ce pas ?
14 R. Oui.
15 Q. Bien. Alors, ce que j'aimerais faire maintenant c'est de montrer une
16 autre séquence provenant du studio B, et il s'agit de la visionner à une
17 vitesse normale. C'est la séquence qui dure quelques secondes et qui montre
18 l'entrepôt de Kravica.
19 [Diffusion de la cassette vidéo]
20 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
21 "Deux soldats musulmans meurent."
22 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
23 M. NICHOLLS : [interprétation]
24 Q. Un peu plus tôt vous nous avez dit que ce que nous avions vu juste
25 avant cette séquence de l'entrepôt de Kravica à Srebrenica c'était le
26 lendemain le 14, on voit une séquence très brève de l'entrepôt de
27 Srebrenica, nous voyons les corps, et cetera. Mais j'aimerais savoir
28 lorsqu'on fait un montage ce qui existe avant, ce qui est pris avant et
Page 18833
1 après que se passe-t-il de ces séquences-là ?
2 R. Il faudrait trouver les monteurs et leur poser cette question, comme je
3 vous ai dit, la scène était plutôt surréaliste. En fait, après on montre le
4 cadre avec justement l'entrepôt de Kravica. C'est le même axe de
5 déplacement. La seule raison pour laquelle c'est là, selon moi, lorsqu'on
6 regarde - et je ne me souviens pas du détail particulier - c'est qu'on ne
7 peut pas avoir le cadre précédent, c'est-à-dire que le monteur ne peut pas
8 montrer le cadre précédent tout d'un coup. Donc, il faut arrêter l'image
9 lentement donc c'est pour ceci que l'image suivante s'enchaîne, c'est
10 l'image de la voiture. Je n'ai pas fait d'objection lorsqu'il a fait ce
11 type de montage-là, parce que c'est la façon de procéder. C'est comme ceci
12 que les monteurs travaillaient eux, avaient ces ingrédients pour faire ce
13 pain et c'est ainsi que je les ai laissés faire leur travail. Tout le monde
14 est en mouvement. Je crois que les experts vous l'auraient expliqué de la
15 même façon.
16 Q. La raison pour laquelle on passe d'une ville à l'autre c'est pour
17 l'effet ?
18 R. Oui, pour des raisons techniques ce sont les règles de l'emploi. Ce
19 sont les lois de la télévision qui dictent qu'une image doit s'enchaîner,
20 se fondre dans une autre image.
21 Q. Bien. Alors, parlons maintenant du matériel brut, que se passe-t-il du
22 matériel brut qui est coupé quelques secondes avant et quelques secondes
23 après ce que nous avons vu ?
24 R. Je ne sais pas. Je ne m'en souviens plus.
25 Q. Bien. Veuillez, je vous prie, expliquer aux Juges de la Chambre très
26 brièvement tout ce que vous pouvez nous dire de quelle façon le
27 documentaire est disparu de la station studio B ?
28 R. Justement c'est une situation forte intéressante et cela doit sans
Page 18834
1 doute intéressés les Juges de la Chambre. Vers le milieu du mois de juillet
2 1995 et lorsque soudainement on a commencé à parler de Srebrenica -- enfin,
3 lorsqu'on a commencé à parler de Srebrenica sans arrêt dès que l'émission a
4 été diffusée j'ai fait l'objet d'attaques dans les journaux de Belgrade,
5 comme si j'avais fait une propagande contre les Serbes. J'ai fait l'objet
6 d'attaques horribles. On a complètement oublié que j'étais journaliste et
7 que je ne faisais que respecter ma profession. Je me souviens que quelqu'un
8 du studio B avait appelé cette femme qui m'avait attaqué de façon si
9 véhémente, elle m'a demandé de venir au studio et de faire des commentaires
10 lorsqu'on visionne les scènes et elle a refusé. Mais il est arrivé qu'il y
11 a eu une reprise, la cassette originale avait disparu du bureau de
12 l'éditeur principal qui est la seule fois où quelque chose a pu
13 disparaître. Donc, une cassette qui est réservée pour être diffusée qui
14 disparaît, donc, on appelle ceci une deuxième génération d'image. Donc, la
15 première règle, génération d'image, c'est le matériel brut et là, c'est un
16 document qui est plus grand qu'une cassette Beta deux fois plus grande que
17 la cassette Beta, et techniquement parlant, on a simplement expliqué que
18 cette cassette a disparue. Je n'ai jamais demandé étant donné les
19 circonstances à quel moment elle a disparu, mais je pouvais conclure
20 seulement que soit que le service du Renseignement de l'Etat qui avait mis
21 la main sur cette cassette ou que quelqu'un l'aurait vendue. Je ne pouvais
22 rien conclure d'autre. Voilà le sort de cette cassette. Mais il y avait la
23 cassette VHS que j'avais remise aux gens de la diaspora serbe au Canada car
24 ils voulaient absolument l'avoir et lorsque je suis allé au Canada, je leur
25 ai apportée. Je leur ai apporté un exemplaire et c'est ceci qui m'a sauvé,
26 qui a sauvé mon nom, en tant que journaliste.
27 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, je n'ai plus
28 d'autres questions pour le témoin.
Page 18835
1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Maître Nicholls.
2 Voyons maintenant, pour ce qui est du contre-interrogatoire, s'il y en a;
3 Maître Zivanovic, allez-vous contre-interroger ce
4 témoin ?
5 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien.
7 Maître Meek.
8 M. MEEK : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Nikolic, allez-vous contre-
10 interroger le témoin ?
11 Mme NIKOLIC : [interprétation] Non, je ne crois pas que je vais contre-
12 interroger ce témoin.
13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je ne crois pas devoir vous demander,
14 Maître Lazarevic.
15 Maître Fauveau.
16 Mme FAUVEAU : -- pas de questions, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Madame.
18 Monsieur Krgovic.
19 M. KRGOVIC : [interprétation] Oui, j'aurais quelques questions, Monsieur le
20 Président.
21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Combien de temps avez-vous besoin ?
22 M. KRGOVIC : [interprétation] Je crois pas plus que 45 minutes.
23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Non, c'est 45 minutes -- non, ce n'est
24 pas de quatre à cinq minutes mais, bien, vous parlez bien de 45 minutes.
25 L'INTERPRÈTE : L'interprète signale que Me Krgovic opine du chef.
26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Fort bien.
27 Maître Haynes.
28 M. HAYNES : [interprétation] Non, merci.
Page 18836
1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Lazarevic, allez-vous contre-
2 interroger ce témoin pendant combien de temps ?
3 M. LAZAREVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs
4 les Juges, cette question est très difficile après avoir entendu la
5 déposition du témoin mon éminent confrère m'avait dit que son
6 interrogatoire principal serait bref, mais il a duré quatre heures, presque
7 quatre heures. S'agissant des questions que j'avais préparées pour ce
8 témoin, il semblerait que la plupart de ces questions ont déjà obtenu
9 réponse. Mais je propose de commencer maintenant et vers la fin de la
10 journée, je vais pouvoir vous donner une meilleure évaluation du temps dont
11 j'aurais besoin.
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous voudriez peut-être consulter
13 l'équipe Gvero ? Aimeriez-vous peut-être leur céder votre place et avant de
14 commencer --
15 M. LAZAREVIC : [interprétation] Non. Absolument pas. Je crois qu'ils n'ont
16 pas le désir de commencer aujourd'hui.
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Commencez alors, Maître Lazarevic, et
18 vous nous en direz un peu plus vers la fin de la journée quant au temps
19 dont vous avez encore besoin.
20 M. LAZAREVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
21 Contre-interrogatoire par M. Lazarevic :
22 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Petrovic.
23 R. Bonsoir.
24 Q. Pour le compte rendu d'audience, j'aimerais me présenter. Je m'appelle
25 Aleksandar Lazarevic et je représente les intérêts du général Borovcanin,
26 et je suis accompagné de mes deux collaborateurs, Mme Cmeric et M.
27 Stojanovic. Etant donné que j'ai remarqué la vitesse à laquelle vous
28 répondez aux questions qui vous sont posées en anglais, j'ai bien peur que
Page 18837
1 l'on ne ménage pas de pause entre les questions et les réponses puisque
2 nous parlons tous les deux la même langue.
3 R. Je vais tenter de faire attention.
4 Q. Lorsque le curseur s'arrête au compte rendu d'audience, c'est à ce
5 moment-là que vous pourriez peut-être commencer à répondre. C'est peut-être
6 une idée comme ça que je vous donne pour suivre le texte.
7 R. Merci beaucoup.
8 Q. Très bien. Commençons alors. Hier, j'ai écouté attentivement le début
9 de votre déposition et j'ai conclu que vous étiez un journaliste présent
10 sur le champ de bataille de Majevica et vous avez parlé de ce que vous avez
11 vécu alors que vous étiez présent sur le champ in situ, le champ de
12 bataille de Majevica. Vous nous avez également parlé d'une police spéciale
13 qui a participé dans cette bataille.
14 R. Je n'ai pas tout dit lorsque j'ai parlé de ce que j'ai vécu car cela ne
15 fait pas l'objet de ce procès. Mais aujourd'hui je suis particulièrement
16 perturbé lorsque je me souviens de ce qui -- enfin, je -- c'est à ce
17 moment-là que j'ai vu de vrais Moudjahidines arabes sur notre territoire.
18 Q. Merci beaucoup. En fait, je voulais simplement vous ramener dans le
19 temps, vous rappelez certains événements en invoquant ceci. A la suite de
20 vos reportages faits sur le champ de bataille de Majevica, selon
21 l'information que j'ai vous avez également été reporteur de guerre à
22 Sarajevo, alors que vous étiez sur le théâtre des opérations, et une
23 Brigade de Police spéciale avait également participé à cette opération.
24 Alors, pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, si ceci est exact ?
25 R. Oui, tout à fait. On parle de Majevica au mois de mars, de Semizovac en
26 juin, de Srebrenica en juillet 1995.
27 Q. Merci beaucoup. En séjournant sur ces territoires et en ayant la
28 possibilité de voir vous-même tout ce qui s'est passé, quelle est votre
Page 18838
1 conclusion -- quelle était votre conclusion ? Vous avez été reporteur dans
2 plusieurs pays, le Nicaragua et d'autres le Liban, pourriez-vous nous dire
3 quelle était votre expérience ? Qu'est-ce que vous pouviez conclure de
4 cette unité ?
5 R. Nous parlons des qualités professionnelles de l'unité. Je crois que le
6 président Karadzic lui a attribué -- lui a accordé beaucoup d'attention. Je
7 crois que la VRS était très fière du haut niveau de cette unité en parlant
8 de l'expérience militaire jusqu'au comportement très noble qu'ils avaient
9 car les hommes qui avaient fait des écoles militaires faisaient partie de
10 cette unité. Il y avait également des membres de la police militaire et ces
11 derniers sur le terrain étaient mieux équipés. Ils avaient -- ils étaient
12 mieux habillés. Ils ont fait une bonne impression. Lorsque je vais
13 interviewer le président Karadzic, à un moment donné, j'ai vu le dernier
14 type de Galilée d'Israël. Donc, cette unité connaissait très bien
15 l'équipement, c'est pour ceci que j'étais intéressé par eux. Je vous ai
16 mentionné hier les signes noirs, une unité de Izetbegovic et CNN couvrait
17 ces derniers. Je voulais simplement dire que les Serbes avaient également
18 ce type d'arme et d'unité, c'est intéressant. Ceci avait trait à Semizovac.
19 Q. Merci beaucoup. Alors que vous étiez sur le théâtre des opérations de
20 Sarajevo, dites-nous si jamais à quel que moment que ce soit l'on ait
21 évoqué la possibilité qu'une Brigade de Police spéciale devait se diriger
22 vers Srebrenica ?
23 R. Non, absolument pas. Comme j'ai mentionné à M. Nicholls, je suis quand
24 même un journaliste et il y a code déontologique qui régit notre
25 comportement surtout lorsque l'on parle de ces hommes. En fait, jamais,
26 jamais il n'est rien arrivé d'étrange. Vous avez vu lorsque
27 -- sur une émission on a montré que l'on est en train d'attraper un renard.
28 Je voulais insister sur l'atmosphère pour expliquer ce qu'est la guerre.
Page 18839
1 Aujourd'hui, j'aurais écourté ou j'aurais raccourci l'émission. Mais à
2 l'époque je l'ai laissé comme ceci. Mais ce type d'information, en fait, ce
3 que faisaient les hommes, comment se comportaient-ils, ceci n'était pas
4 nécessairement communiqué aux journalistes.
5 Q. Oui, justement c'était le but de ma question.
6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ralentissez, s'il vous plaît. Vous avez
7 donné un conseil parfait, mais aucun de vous deux ne suivait le transcript
8 ni la course du curseur. Donc, je vous prierais de ralentir. Les
9 interprètes s'efforcent de vous suivre mais c'est assez difficile.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je serai cynique si vous le permettez.
11 Sur nos territoires, on n'a pas atteint un niveau de coordination tel qui
12 permettait aux médias car aux Etats-Unis, les médias savent très bien à
13 l'avance ce qu'ils allaient tourner. Et justement on les voit comme unité
14 qu'il y ait complètement qui fait part -- qui fait partie de l'équipe. Les
15 journalistes dorment avec eux, mangent avec eux et je ne faisais partie de
16 l'équipe simplement parce que je connaissais M. Borovcanin. Mais je ne
17 crois pas que le commandement Supérieur aurait décidé de me laisser aller
18 sur le terrain, de le suivre. C'est complètement contraire aux principes de
19 chaque armée.
20 Q. Merci beaucoup. Monsieur, je crois que votre réponse était très
21 détaillée et très claire. Je souhaite maintenant passer à autre chose, à
22 savoir le moment où vous êtes arrivé à Potocari. J'ai lu votre déclaration
23 attentivement celle que vous avez donnée au bureau du Procureur qui est la
24 pièce 5D 538. C'est le numéro de référence pour le document que je suis sur
25 le point de vous montrer, à la page 15 en anglais et page 16 en B/C/S' et
26 dans cette déclaration, vous avez dit que à partir du moment où vous êtes
27 arrivé à Potocari, vous n'avez pas parlé à M. Borovcanin jusqu'au moment où
28 vous êtes reparti ensemble. Pouvez-vous simplement nous confirmer cela ?
Page 18840
1 R. Oui. Je dis oui.
2 Q. Merci beaucoup. Maintenant, vous avez déjà confirmé ceci mais je vais
3 vous reposer la question, après avoir quitté Potocari et après avoir
4 conduit sur la route, vous ne vous êtes pas entretenu avec M. Borovcanin
5 sur ce qui s'était passé à Potocari, sur ce que vous avez vu et filmé ?
6 R. Écoutez, je ne me souviens pas de cela. Comment était la situation, je
7 dois vous répéter qu'il y avait des tirs qui venaient de la gauche pendant
8 toute la durée de notre voyage, et nous n'avions pas le temps, nous
9 n'avions pas le temps de parler. Il m'avait déjà fait une faveur, il ne
10 pouvait pas me servir de guide dans tous les cas. Il m'avait autorisé à
11 filmer, et si quelqu'un m'avait tiré dessus, c'est un risque que je
12 prenais.
13 Q. J'entends bien. Tout ceci se passait dans des conditions assez
14 difficiles et tendues. Je souhaite savoir quelque chose à propos du moment
15 que vous avez passé à Potocari pendant que vous tourniez votre film. Y
16 avait-il quelqu'un d'autre à part Borovcanin, je veux dire des membres de
17 l'armée, de la police, des réfugiés que vous connaissiez peut-être, y
18 avait-il quelqu'un ?
19 R. Écoutez, personne que je connaissais.
20 Q. Merci beaucoup. C'était pour l'essentiel ma question.
21 R. Pardonnez-moi, mais en anglais, l'interprétation n'est pas bonne. J'ai
22 dit que je ne me souviens de personne que je connaissais. C'est personnes
23 ce n'est pas [imperceptible].
24 Ce que je craignais tant il y a tant de choses comme cela. Il est
25 préférable de ralentir et je m'excuse auprès des interprètes.
26 Q. Donc, nous allons essayer de corriger le compte rendu. Vous avez
27 répondu en disant à part Borovcanin je ne connaissais personne d'autre;
28 c'est cela ?
Page 18841
1 R. C'est exact. Je ne connaissais personne d'autre.
2 Correction, correction, pardonnez-moi. Si vous ne voulez pas parler de M.
3 Tomo Kovac que je connaissais avant, je le connaissais de vue, et je le
4 connaissais parce que c'était un journaliste célèbre, Tomo Kovac.
5 Q. Oui, j'entends bien, et je vous remercie de votre réponse. Mais ma
6 question portait sur Potocari et non pas sur ces deux journées que vous
7 avez passées là. On peut voir ceci dans votre film. Lorsque vous êtes
8 arrivé à Potocari, vous avez vu un certain nombre de représentants du
9 Bataillon néerlandais, et je crois qu'il était facile de les reconnaître.
10 Ils portaient des pantalons courts, des
11 t-shirts à manches courtes, des casques bleus, et ils n'étaient pas armés,
12 n'est-ce pas, ceux que vous avez vus ?
13 R. Ecoutez, ce que je pouvais voir -- d'après ce que je pouvais voir dans
14 l'enceinte de la base, non. Mais dans le cercle au-delà, je voyais d'autres
15 membres du Bataillon néerlandais dans le bâtiment, voir un certain nombre.
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous avez une difficulté ?
17 M. LAZAREVIC : [interprétation] Ce témoin n'a jamais dit : "Ceux que j'ai
18 vus dans cette enceinte." Non, en réalité, les termes qu'il a utilisés
19 c'est comme quelque chose : "Ce premier cercle." C'est cela qu'il a dit. Il
20 n'a pas parlé d'enceinte parce que lorsqu'on parle de l'enceinte dans ce
21 Tribunal, cela signifie, dans la plupart des cas, la base du Bataillon
22 néerlandais, et je crois que ce film a été tourné à l'extérieur. Donc, il
23 parlait, en fait, de cette première rangée de soldats néerlandais. Je
24 souhaite préciser ceci avec le témoin.
25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.
26 M. LAZAREVIC : [interprétation]
27 Q. Bien. Ma question à propos du Bataillon néerlandais était comme suit :
28 donc, vous avez vu ces personnes qui portaient des pantalons courts et des
Page 18842
1 t-shirts, et ce sont ces personnes-là que vous avez filmées lorsque vous
2 avez tourné votre film ?
3 R. C'est exact.
4 Q. C'étaient les mêmes membres du Bataillon néerlandais qui se trouvaient
5 sur la base et parmi les réfugiés ?
6 R. Oui, si ce n'est que -- je souhaite clarifier un point pour M. le Juge
7 Agius ainsi que les autres Juges. Tout ceci se trouve à l'intérieur de
8 l'enceinte. Les réfugiés se trouvaient à l'intérieur. Mais les soldats
9 néerlandais se sont retirés. Il faisait chaud, et la plupart se trouvaient
10 dans l'usine. C'était à l'arrière-plan. Il y avait ceux qui venaient en
11 aide aux Serbes qui coopéraient directement avec ceux qui sont arrivés tout
12 d'un coup comme moi. On essayait de trouver une solution ensemble. C'est ce
13 que j'ai dit, mais personne n'a lu cela. J'ai déclaré ceci dans une
14 conversation que j'ai eue avec l'Institut royal néerlandais d'histoire. Je
15 crois que ce sont les mêmes personnes qui ont préparé un rapport de 5 000
16 pages sur cette question. J'ai dit quelle était l'atmosphère à l'époque.
17 J'aurais admis cela s'ils avaient eu peur, s'ils avaient été menacés de
18 torture. A ce moment-là, ils auraient eu cette apparence-là, mais j'ai vu
19 un gars qui buvait du lait qui avait l'air très détendu, et il y avait un
20 autre gars noir, un soldat néerlandais aussi, qui conduisait une voiture,
21 et dans un fauteuil roulant ou une brouette - c'est comme ça qu'on
22 l'appelle - et ils étaient en train de l'aider. Il faut savoir également
23 qu'il faisait 30 degrés, peut-être plus, et qu'on était censé évacuer ces
24 gens dès que possible. L'impression que j'avais, c'est qu'ils travaillaient
25 très dur pour essayer de réaliser cet objectif, et il y avait surtout des
26 femmes, des enfants et des personnes âgées. En d'autres termes, ils
27 faisaient bien leur travail. Les soldats néerlandais essayaient de faire
28 leur travail aussi rapidement que possible et essayaient de le faire bien.
Page 18843
1 Q. Merci beaucoup. Je pense que nous allons revenir là-dessus pendant le
2 reste de mon contre-interrogatoire.
3 M. NICHOLLS : [interprétation] Page 92 -- je crois qu'il y a une erreur au
4 niveau du compte rendu, parce qu'on peut lire ici : "En allant en voiture à
5 bord d'une brouette ou d'un fauteuil roulant." Je crois, en fait, que c'est
6 quelqu'un qui aidait quelqu'un qui --
7 M. LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être qu'il ne sait pas ce que c'est
8 qu'une brouette.
9 M. LAZAREVIC : [interprétation] Peut-être qu'il faut faire une pause plus
10 tôt aujourd'hui. Je suis sur le point d'en terminer avec ce sujet.
11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ecoutez, vous pouvez choisir le moment.
12 Cela n'est pas un problème.
13 M. LAZAREVIC : [interprétation] Je crois que les interprètes ont quelque
14 difficulté à suivre.
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] -- fatigué. Tout un chacun est fatigué.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi pas.
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Donc, nous allons reprendre demain
18 après-midi à 14 heures 15. Merci, Monsieur Petrovic, et nous allons
19 poursuivre demain. Donc, je vous demande peut-être de revoir vos
20 estimations et savoir de combien de temps vous aurez besoin pour votre
21 contre-interrogatoire. Bonsoir.
22 --- L'audience est levée à 18 heures 53 et reprendra le jeudi
23 6 décembre 2007, à 14 heures 15.
24
25
26
27
28