Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 3 mars 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [L'accusé Beara n'est pas présent dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 23.

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour.

  7   Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit

  9   de l'affaire IT-05-88-T, le Procureur contre Vujadin Popovic et consorts.

 10   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vois que tous les accusés, à

 11   l'exception de l'accusé Beara, sont présents; est-ce que nous avons une

 12   explication pour son absence, Maître Meek ?

 13   M. MEEK : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 14   Messieurs les Juges.

 15   L'accusé Beara, mon client, m'a demandé de vous dire qu'il avait une

 16   visite de la part de sa famille qui avait été prévue déjà il y a quatre ou

 17   six semaines, sa femme et son fils sont là. Et pour les besoins du compte

 18   rendu, on l'a appelé de Yaiza ce vendredi, je me suis entretenu avec mon

 19   client, et il a clairement dit qu'il aurait souhaité être parmi nous

 20   aujourd'hui, et il a un âge certain, et donc, il souhaitait être avec les

 21   membres de sa famille, ceux qui lui sont chers.

 22   Je souhaite également ajouter, étant donné que je parle de la vie et

 23   de sa valeur, M. Nemic Mrkic, qui était un conseiller juridique, 45 ans,

 24   son avocat de Belgrade est décédé, dans un accident de voiture jeudi soir.

 25   Je souhaite simplement que, pour le décès de M. Mrkic, que nous ayons

 26   quelques minutes de silence.

 27   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je demande au nom des Juges de la

 28   Chambre que vous transmettiez nos condoléances aux membres de sa famille.

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  1   M. MEEK : [interprétation] Merci beaucoup.

  2   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je comprends bien qu'il y ait une

  3   dérogation pour M. Beara en l'espèce.

  4   Pour les besoins du compte rendu, les équipes de la Défense, e

  5   Sarapa, Me Bourgon ne sont pas là, Me Ostojic, non plus, et Me Stojanovic,

  6   et Me Petrusic. Pour l'Accusation, il y a M. Thayer,

  7   M. Vanderpuye, M. Nicholls. Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre ?

  8   [La Chambre de première instance se concerte]

  9   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] On nous a indiqué un peu plus tôt que

 10   M. McCloskey avait besoin d'effectuer un voyage, et ce, de façon assez

 11   urgente donc il n'a pas pu assister.

 12   Oui, Maître Lazarevic.

 13   M. LAZAREVIC : [interprétation] Oui. Simplement je souhaite vous présenter

 14   M. Marko Milovanovic, qui est parmi nous pour la première fois, c'est un

 15   assistant et enquêteur, assistant juridique et enquêteur.

 16   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie. Je vous souhaite la

 17   bienvenue, Maître Milovanovic.

 18   Donc, nous pouvons commencer.

 19   L'Accusation a présenté la fin de ses moyens le 7 février 2008. La Chambre

 20   de première instance, compte tenu de son ordonnance portant calendrier du

 21   29 novembre 2007, a demandé à la Défense de présenter des arguments

 22   conformément à l'article 98 bis.

 23   Le 14 et 15 février 2008, chacun des accusés, à l'exception de Vujadin

 24   Popovic, ont présenté des arguments oralement aux Juges de la Chambre en

 25   demandant un acquittement eu égard à un ou tous les chefs d'accusation à

 26   leur encontre.

 27   A la date du 15 et 18 février 2008, l'Accusation a répondu aux arguments de

 28   la Défense.

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  1   Aujourd'hui, la Chambre de première instance rend sa décision orale.

  2   Nous allons commencer par une déclaration du critère juridique qui a été

  3   retenu en l'espèce.

  4   Conformément à l'article 98 bis, je cite : "A la fin de la présentation des

  5   moyens à charge de l'Accusation, la Chambre de première instance devra

  6   oralement, à la fin de présentation des moyens, rendre un acquittement de

  7   tout chef d'accusation pour lequel il n'y a pas d'élément de preuve

  8   susceptible de justifier une condamnation."

  9   Le critère qui doit être appliqué, tel qu'il a été exposé par la Chambre

 10   d'appel dans l'affaire Jelisic est de savoir si, oui ou non, il y a des

 11   éléments de preuve sur lesquels, s'ils sont acceptés, un juge doit être

 12   raisonnable pourrait être convaincu au-delà de tout doute raisonnable de la

 13   culpabilité de l'accusé en question à propos du chef en question. Le

 14   critère est tenu -- n'est pas de savoir si une Chambre de première instance

 15   serait susceptible de justifier une condamnation au-delà de tout doute

 16   raisonnable, à savoir si effectivement elle le ferait. Par conséquent, là

 17   où rien ne permet de justifier la condamnation à propos d'un chef ou

 18   lorsque les seuls éléments pertinents sont si incroyables que l'on ne

 19   pourrait pas justifier une telle condamnation quand bien même les éléments

 20   pris en compte sont retenus au niveau du critère le plus élevé de

 21   l'Accusation, on rendra un acquittement à propos de ce chef d'accusation.

 22   A ce stade de la procédure, la Chambre de première instance ne va pas

 23   évaluer la crédibilité des témoins ni les forces et faiblesses de

 24   différents éléments de preuve contradictoires ou différents. Une décision

 25   au jour d'aujourd'hui qui indique qu'il y a des éléments de preuve

 26   suffisants pour étayer une condamnation à propos d'un chef d'accusation

 27   donné ne signifie pas pour autant que la Chambre de première instance à la

 28   fin de tous les éléments présentés ne pourra pas prononcer une

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  1   condamnation.

  2   Il faut également insister sur le fait que lorsque nous parlons d'éléments

  3   de preuve qui étayent nos conclusions afin de rendre cette décision-ci,

  4   nous les citons à titre d'exemples. Le fait que certains éléments de preuve

  5   ont été pris en compte pour rendre cette décision ne veut pas pour autant

  6   dire que la Chambre de première instance à terme acceptera ces éléments de

  7   preuve ou une partie de ces éléments de preuve. De même, le fait que nous

  8   n'évoquons pas certains éléments de preuve dans cette décision ne signifie

  9   pas pour autant que nous n'allons pas l'accepter et la retenir lorsque nous

 10   rendrons le jugement définitif.

 11   La Chambre de première instance va tout d'abord aborder certains arguments

 12   qui ont été présentés par plusieurs accusés et qui peuvent être abordés de

 13   façon globale. Nous allons tout d'abord commencer par les arguments

 14   juridiques à propos du chef 8, à savoir l'expulsion.

 15   Bon, plusieurs accusés, ici j'entends que les accusés Nikolic, Miletic,

 16   Gvero et Pandurevic ont présenté des arguments juridiques à propos du chef

 17   8 de l'acte d'accusation, à savoir expulsion. Dans le cas du général Gvero,

 18   il s'agit de l'essentiel de son argument au titre du 98 bis.

 19   En retenant le jugement rendu par la Chambre de première instance dans

 20   l'affaire Mrksic et consorts, ces accusés arguent du fait qu'au terme de la

 21   jurisprudence l'article 6 du Statut devrait être appliqué, à savoir que les

 22   victimes de ces expulsions en tant que crimes contre l'humanité doivent

 23   être des civils. Sur un point connexe, on fait valoir le fait que le terme

 24   de "civil" dans ce contexte-là doit être interprété conformément à

 25   l'article 5 du protocole additionnelle numéro I et, par conséquent, ceci ne

 26   tient pas compte des combattants ou des combats ou des combattants hors de

 27   combat. En se fondant sur ces éléments-là, ils font valoir que le chef

 28   d'accusation numéro 8 de l'acte d'accusation ne peut pas être retenu comme

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  1   élément de preuve dans cette affaire.

  2   La Chambre de première instance a décidé de ne pas rendre de décision à

  3   propos de cet argument juridique à ce stade de la procédure, et ce, pour

  4   deux raisons : la première, c'est que le point juridique sur lequel se

  5   repose les différentes équipes de la Défense susmentionnées est une

  6   question qui est en souffrance actuellement devant la Chambre de première

  7   instance, à savoir si l'article 5 requiert que les victimes soient des

  8   civils ou non, et si tel est le cas, comment il faut définir ces termes. Il

  9   ne serait, par conséquent, pas approprié pour les Juges de la Chambre de

 10   décider à propos d'un chef d'accusation de l'acte d'accusation dans le

 11   cadre de l'article 98 bis à ce stade sur la base d'un point juridique qui

 12   n'a pas encore été résolu et qui sur laquelle doit se prononcer bientôt la

 13   Chambre d'appel.

 14   Deuxièmement, il n'est pas nécessaire dans le cadre du 98 bis pour les

 15   Juges de la Chambre d'en décider aujourd'hui, étant donné qu'il existe des

 16   éléments de preuve qui indiquent qu'il y a une composante civile parmi les

 17   victimes de l'expulsion, et cet élément de preuve répond aux exigences de

 18   l'article 98 bis. Des exemples des éléments de preuve qui ont été retenus

 19   par les Juges de la Chambre de première instance ce sont les témoignages du

 20   Témoin PW-155, Hamdija Torlak et le général Rupert Smith.

 21   Nous allons maintenant aborder la question de l'entente en vue de commettre

 22   le génocide.

 23   Les accusés Nikolic, Borovcanin et Pandurevic allèguent tous que

 24   l'Accusation n'a pas fourni les éléments de preuve qui permettent d'étayer

 25   le chef numéro 2, qui les accuse chacun d'entre eux d'entente en vue de

 26   commettre le génocide. Chacun allègue que l'Accusation n'a présenté aucun

 27   élément de preuve qu'il soit parvenu à un accord avec d'autres personnes en

 28   vue de commettre le crime de génocide. Borovcanin a fait valoir également

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  1   que des éléments de preuve indirects ne peuvent étayer l'existence d'un

  2   accord en vue de commettre le génocide ceci ne peut être que déduit et dans

  3   ce cas il faut qu'on puisse le déduire de façon raisonnable.

  4   De surcroît, Pandurevic fait valoir que la conspiration alléguée au chef 2

  5   équivaut véritablement à deux conspirations distinctes, à savoir l'accord

  6   initial en vue d'assassiner les hommes musulmans dans la foule de réfugiés

  7   à Potocari et un deuxième accord amendé qui comprend l'exécution sommaire

  8   de plus de 600 autres hommes. Pandurevic fait valoir qu'il n'y a pas

  9   d'élément de preuve qui permet d'indiquer qu'il est conclus l'un ou l'autre

 10   accord, encore moins les deux, et quand bien même il y aura des éléments de

 11   preuve à l'appui de cela qui indiquerait qu'il était parti à un -- au

 12   premier accord, ceci néanmoins ne permet pas d'établir sa responsabilité

 13   pour ce qui est du deuxième accord.

 14   Dans l'affaire Nahimana et consorts, la Chambre d'appel a estimé que

 15   l'existence d'un accord officiel et express n'est pas requis pour prouver

 16   le chef de la charge de l'entente. Un accord en vue de commettre le

 17   génocide peut être déduit d'après les éléments de preuve qui évoquent des

 18   actions concertées et coordonnées.

 19   En outre, la Chambre de première instance fait particulièrement attention

 20   au critère appliqué dans le cadre du 98 bis qui est bien différent du

 21   critère retenu lorsqu'il s'agit de rendre le jugement définitif. Le critère

 22   [inaudible] à Borovcanin requiert aux Juges de la Chambre de l'appliquer

 23   donc ceci ne s'applique pas en l'espèce.

 24   Au stade du 98 bis, la déduction d'un accord en vue de commettre le

 25   génocide n'est pas la seule déduction raisonnable que l'on pourrait -- sur

 26   lequel on pourrait tirer des conclusions d'après les éléments de preuve.

 27   Dans le cadre du 98 bis, la Chambre de première instance estime qu'il y a

 28   des éléments de preuve qui permettent d'indiquer que différentes unités de

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  1   VRS, MUP et autres ont participé et ont agi de façon coordonnée et mener à

  2   bien les séparations, les transports, les embuscades, les détentions, les

  3   exécutions, les enterrements et les ensevelissements dans les fosse

  4   secondaires des hommes musulmans en âge de porter les armes qui se

  5   trouvaient dans la foule de réfugiés rassemblés le 12 et 13 juillet 1995, à

  6   Potocari, ou qui s'étaient rendus ou qui avaient été capturés alors qu'ils

  7   s'enfuyaient dans les bois. Ainsi la Chambre de première instance est

  8   convaincue que le critère pertinent est retenu et qu'il y a des éléments de

  9   preuve qui indiquent qu'il y avait une entente en vue de commettre le

 10   génocide, et comme nous l'avons indiqué, Nikolic, Borovcanin et Pandurevic

 11   ont participé à cette entente.

 12   Pour ce qui est de Nikolic, des exemples de tels éléments de preuve sont le

 13   Témoin PW-143, le Témoin PW-168, Milorad Bircakovic, Ostoja Stanisic, PW-

 14   165 et Srecko Acimovic; ainsi que les pièces P5, directive du commandement

 15   Suprême le numéro 7 de la Republika Srpska, datée du 8 mars 1995, ci-après

 16   mentionnée directive numéro 7, P107, l'ordre du Corps de la Drina 04/156-2,

 17   ordre opérationnel numéro 1, Krivaja-95, daté du 2 juillet 1995, ci-après

 18   Krivaja-95, "l'ordre de Krivaja-95," la pièce 5DP106, l'ordre du Corps de

 19   la Drina 01/04-156-1, "ordre préparatoire portant sur les opérations numéro

 20   1," daté du 2 juillet 1995, ci-après l'ordre de préparation portant sur

 21   "les opérations numéro 1," et la pièce P-318, ordre de la Brigade de

 22   Zvornik destiné au chef de la sécurité, signé par Vinko Pandurevic, daté du

 23   2 juillet 1995.

 24   Pour ce qui est de l'accusé Borovcanin, les exemples de ces preuves sont la

 25   déposition du Témoin PW-160, Zoran Petrovic, le Témoin PW-100, Mendeljev

 26   Djuric, Milenko Pepic, Leedert Van Duijn et la propre déclaration de

 27   Borovcanin à l'Accusation.

 28   Pour ce qui est de l'accusé Pandurevic, les exemples d'éléments de preuve

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  1   est pris en compte par la Chambre de première instance sont les Témoins PW-

  2   168, Mirko Trivic, Richard Butler, et les pièces Directive 7, l'ordre

  3   Krivaja-95, et P329, le rapport de combat intermédiaire de la Brigade de

  4   Zvornik daté du 15 juillet 1995. Comme je l'ai fait remarqué, Pandurevic a

  5   présenté un argument à cet effet, à savoir l'existence éventuelle de deux

  6   ententes. Ayant constaté qu'il y a des éléments de preuve d'entente en vue

  7   de commettre le génocide, la Chambre de première instance estime qu'il

  8   n'est pas nécessaire de prendre en compte cet argument à ce stade de la

  9   procédure 98; ceci, bien sûr, sans aucun parti pris ou égard à un argument

 10   qui pourrait être présenté à la fin de ce procès.

 11   Après avoir abordé quelques arguments généraux, je souhaite maintenant

 12   parler des arguments dans le détail et présenter par chaque accusé

 13   séparément. Nous allons d'abord aborder un argument présenté par l'accusé

 14   Nikolic, mais en partie cautionné par d'autres accusés, ou présenté par

 15   d'autres accusés.

 16   Pour ce qui est du chef, le numéro 7, Nikolic fait valoir qu'il faut faire

 17   la différence entre l'entreprise criminelle commune en vue de tuer les

 18   hommes en âge de porter les armes de Srebrenica et l'entreprise criminelle

 19   commune en vue d'expulser ou de déporter la population musulmane de Bosnie

 20   de Srebrenica et Zepa. Il fait valoir entre autres également que la

 21   population musulmane de Bosnie à Srebrenica était composée de trois groupes

 22   : premier groupe, les femmes, les enfants et les personnes âgées qui sont

 23   allés de Srebrenica à Potocari avant d'être transporté à Kladanj; deuxième

 24   groupe, les hommes valides en âge de porter les armes qui ont été séparés

 25   du groupe à Potocari avant d'être transportés et détenus à Bratunac;

 26   troisième et dernier groupe, les membres de la 28e Division de l'ABiH, les

 27   hommes valides en âge de porter les armes et les personnes qui les

 28   accompagnaient qui avaient décider de quitter Srebrenica afin d'atteindre

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  1   le territoire détenu par les Musulmans de Bosnie. Sur la base de ces

  2   regroupements, Nikolic avance que le chef numéro 7 ne s'applique qu'au

  3   premier de ces trois groupes. D'après lui, les hommes du deuxième et

  4   troisième groupe, à savoir les hommes valides en âge de porter les armes

  5   qui ont été séparés à Potocari et détenus à Bratunac et les hommes en âge

  6   de porter les armes qui se sont dirigés vers le territoire détenu par les

  7   Musulmans de Bosnie, sont ceux qui ont été pris pour cible par l'entreprise

  8   criminelle commune en vue de tuer les hommes valides de Srebrenica et ils

  9   ne font pas partie de la population musulmane de Bosnie dont il est allégué

 10   qu'ils ont été transférés par la force de Srebrenica. Et ceci n'équivaut

 11   pas, je cite : "Au transfert forcé, mais qu'il s'agissait plutôt d'une

 12   question de détention, bien qu'il y ait peut-être un lien avec l'entreprise

 13   criminelle commune en vue de tuer les hommes valides de Srebrenica."

 14   Pour ce qui est du troisième groupe, Nikolic a fait valoir que le départ de

 15   ces hommes de Srebrenica ne correspondaient pas à un transfert forcé, étant

 16   donné que ces personnes avaient véritablement le choix et pouvaient rester,

 17   la plupart d'entre eux étaient armés et auraient pu rester à Srebrenica

 18   pour se battre. On fait également valoir le fait qu'alors que ce groupe se

 19   dirigeait vers Tuzla, cela représentait une menace pour la VRS et la

 20   population serbe de la région. Par conséquent, Nikolic fait valoir que, je

 21   cite : "La capture et/ou la reddition des membres de la colonne ne

 22   correspondait pas à un transfert forcé. Il s'agissait plutôt d'une action

 23   militaire légitime qui avait peut-être éventuellement un lien avec

 24   l'entreprise criminelle commune aux fins de tuer les hommes en âge de

 25   porter les armes de Srebrenica."

 26   Sur cette base, l'accusé Nikolic fait valoir que comme il n'y a pas

 27   d'élément de preuve de sa participation au transfert forcé du premier

 28   groupe de la population musulmane de Bosnie et de Srebrenica, le chef 7 ne

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  1   peut lui être reproché. Subsidiairement, il fait également valoir qu'il n'y

  2   a aucun élément de preuve de sa participation au transfert forcé des deux

  3   autres groupes pour le cas où la Chambre de première instance conclurait

  4   que le chef 7 s'applique effectivement à ces deux groupes. Nikolic avance

  5   en outre qu'il n'y a aucun élément de preuve qu'il ait eu la mens rea ou

  6   l'intention coupable ou de nuire qu'il y ait exigé pour un transfert forcé

  7   à la fois de la population qui se trouvait dans les enclaves de Srebrenica

  8   et de Zepa.

  9   En ce qui concerne la séparation de la population musulmane de Srebrenica

 10   dans les trois groupes dont on a déjà parlé, comme suggéré par Nikolic, et

 11   les incidences juridiques qui en découlent, la Défense de Gvero, bien que

 12   souscrivant à la position de Nikolic, avance que la question ne devrait pas

 13   faire l'objet d'une décision à ce stade la procédure, mais qu'il n'y ait

 14   pas de prononcé jusqu'à la fin de la présentation des moyens à décharge. La

 15   Chambre de première instance est d'accord avec cet argument et indique, par

 16   conséquent, clairement d'emblée que la décision de ce jour en ce qui

 17   concerne l'existence de l'élément de preuve de transfert forcé et de

 18   l'entreprise criminelle commune qui était liée de chasser la population

 19   musulmane de Bosnie et de deux enclaves ne préjuge pas des moyens et

 20   arguments qui seraient susceptibles d'être évoqués à la fin du procès. En

 21   particulier, quant à ce qui constitue le transfert forcé à la fois du point

 22   de vue juridique et du point de vue factuel en l'espèce et plus

 23   particulièrement quelles sont les personnes qui sont comprises dans cette

 24   notion, la Chambre de première instance estime qu'il s'agit là de questions

 25   qu'ils essaient de trancher à la fin du procès.

 26   La Chambre de première instance relève que, selon elle, est saisie dans le

 27   chef d'accusation numéro 7 de l'acte d'accusation c'est la question d'une

 28   entreprise criminelle commune, dont le but commun était de chasser la

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  1   population musulmane de Bosnie dans son ensemble, des enclaves de

  2   Srebrenica et de Zepa depuis le 8 mars environ jusqu'à la fin du mois

  3   d'août 1995, comme cela est allégué au paragraphe 49 de l'acte

  4   d'accusation. La Chambre de première instance constate qu'il existe des

  5   éléments de preuve aux fins des dispositions de l'article 98 bis du

  6   Règlement en vertu desquelles un Juge raisonnable des faits pourrait

  7   conclure que les trois groupes en question ont fait l'objet de transfert

  8   forcé et que l'entreprise criminelle commune visant à chasser la population

  9   musulmane de Bosnie hors des deux enclaves existait bien comme cela est

 10   allégué dans l'acte d'accusation. Les exemples de tels éléments de preuve

 11   sont constitués par la déposition de Robert Franken, Pieter Boering, Ahmo

 12   Hasic, le Témoin PW-126, Mevludin Oric, Esma Palic, le Témoin PW-155,

 13   Hamdija Torlak, le général Smith et Richard Butler. Parmi les pièces qui

 14   ont été présentées par l'Accusation et qui ont été examinées par la Chambre

 15   de première instance figurent la directive 7, l'ordre Kravija-95, l'ordre

 16   de préparatifs pour des opérations numéro 1, daté du 2 juillet 1995,

 17   mentionné plus tôt, ainsi que la pièce P2047 et la vidéo du procès de

 18   Srebrenica.

 19   Passons à la question du rôle des accusés dans cette entreprise criminelle

 20   commune, la Chambre de première instance constate qu'il existait des

 21   éléments de preuve de la participation de Nikolic à cette entreprise avec

 22   la connaissance qui était voulue en connaissance de cause et avec

 23   l'intention que requiert la disposition. Les exemples de ces éléments de

 24   preuve sont la déposition du Témoin PW-143, Témoin PW-168, Milorad

 25   Bircakovic, Ostoja Stanisic, ainsi que les pièces à conviction telle que la

 26   directive 7, l'ordre Krivaja-95, la pièce P318, l'ordre de la Brigade de

 27   Zvornik adressé au chef de la sécurité daté du 2 juillet 1995, et le

 28   rapport provisoire de combat, 7DP330, daté du 16 juillet 2008 [comme

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  1   interprété].

  2   En ce qui concerne les arguments présentés par Nikolic selon lesquels il

  3   n'existe pas d'élément de preuve qu'il ait eu l'intention de déplacer de

  4   façon permanente la population musulmane de Bosnie des deux enclaves, la

  5   Chambre de première instance relève que les éléments de permanence et

  6   d'intention qui s'y rattachent ne sont pas exigés par la jurisprudence du

  7   Tribunal.

  8   En ce qui concerne le chef d'accusation 8, expulsion, la Chambre de

  9   première instance relève en outre que Nikolic, tout comme Beara et

 10   Borovcanin, dans leurs arguments, font valoir qu'il n'existe pas d'élément

 11   de preuve qu'ils aient participé ou qu'ils aient pris une part quelconque à

 12   l'expulsion alléguée de Zepa. La Chambre de première instance rappelle que

 13   pour qu'il soit membre d'une entreprise criminelle commune, la

 14   participation d'un accusé au but commun est suffisante et que les actions

 15   de celui-ci ou de celles-ci ne nécessitent pas la commission d'un crime

 16   particulier, mais peuvent prendre la forme d'une contribution à l'exécution

 17   du but communication. Par conséquent, il suffit qu'un participant à une

 18   entreprise criminelle commune ait accompli des actes qui d'une manière

 19   quelconque visait à mettre en œuvre le but commun.

 20   Comme cela a été évoqué plus tôt, ce but commun allégué était de

 21   chasser la population musulmane de Bosnie des enclaves de Zepa et

 22   Srebrenica. Les actes accomplis dans l'enclave de Srebrenica pouvait

 23   également avoir aidé à réaliser le but commun allégué et, par conséquent,

 24   il n'est pas nécessaire d'établir que l'accusé ait accompli des actes ou

 25   actions particulières en ce qui concerne l'enclave de Zepa. Dans ce

 26   contexte, il existe des éléments de preuve aux fins des dispositions de

 27   l'article 98 bis du Règlement, comme on l'a dit plus tôt, que Nikolic, par

 28   ses actes, a aidé à réaliser le but commun de transfert forcé de la

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  1   population des enclaves de Srebrenica et Zepa.

  2   L'accusé Beara allègue qu'il devrait acquitter du chef d'accusation

  3   7, transfert forcé, et du chef d'accusation 8, expulsion, au motif que

  4   l'Accusation n'a pas prouvé sa participation à l'entreprise criminelle

  5   commune visant à chasser la population musulmane de Bosnie des deux

  6   enclaves. La Chambre de première instance constate, aux fins des

  7   dispositions de l'article 98 bis du Règlement, qu'il existe des éléments de

  8   preuve du fait que Beara était membre et qu'il ait participé à l'entreprise

  9   criminelle commune alléguée visant à chasser la population musulmane de

 10   Bosnie de Srebrenica et de Zepa. Les exemples de tels éléments de preuve

 11   comprennent la déposition de Marko Milosevic, Ostoja Stanisic, le Témoin

 12   PW-109, le Témoin PW-168, Vincent Egbers, et Zlaten Cilanovic. En plus de

 13   cela la pièce P377, le livre de l'officier de service et les conversations

 14   interceptées telles que P1130, P1164, P1179, P1187, P1178 [comme

 15   interprété], P1380, P1381 et P1395.

 16   Passons maintenant à Borovcanin, Outre les arguments qui ont trait au

 17   chef d'accusation numéro 2, qui a déjà fait l'objet d'un examen par la

 18   Chambre, la Défense fait valoir qu'en ce qui concerne le chef d'accusation

 19   8, Borovcanin n'a pas pris part à la planification ou à l'exécution de

 20   l'opération de Zepa. Comme on l'a dit précédemment, le but commun allégué

 21   de l'entreprise criminelle commune était de chasser la population musulmane

 22   de Bosnie des enclaves de Srebrenica et Zepa, et comme il existe des

 23   éléments de preuve de la participation de Borovcanin au transfert forcé de

 24   Srebrenica, la Chambre de première instance constate qu'aux fins des

 25   dispositions de l'article 98 bis du Règlement, il existe des éléments de

 26   preuve selon lesquels Borovcanin a participé à cette entreprise criminelle

 27   commune. Les exemples de ces éléments de preuve sont : les dépositions de

 28   Robert Franken, Leendert Van Duijn, le Témoin PW-160, et Mendeljev Djuric.

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  1   Passons maintenant aux arguments de Pandurevic. Il ne reste à se prononcer

  2   que sur ses arguments concernant les chefs d'accusation 7 et 8. En ce qui

  3   concerne le chef d'accusation 7, Pandurevic soutient qu'il n'existe aucun

  4   élément de preuve selon lequel lui Pandurevic ait eu connaissance ou avait

  5   vu la directive 7 ou tout autre document conçu dans des termes analogues,

  6   et aucun élément de preuve selon lequel il ait su une connaissance du but

  7   de l'opération militaire comme étant de chasser la population musulmane de

  8   Bosnie à quitter les enclaves de Srebrenica et Zepa. Aux fins des

  9   conditions posées de l'article 98 bis du Règlement, la Chambre de première

 10   instance constate qu'il existe d'éléments de preuve selon lesquels, s'ils

 11   étaient acceptés, pourraient étayer une conclusion du fait qu'il avait

 12   cette connaissance. Des exemples de ces éléments de preuve comprennent

 13   l'ordre Krivaja-95, l'ordre préparatif d'opération numéro 1, daté du 2

 14   juillet 1995, déjà mentionné, et les pièces à conviction 7DP330, le rapport

 15   de combat provisoire de la Brigade de Zvornik daté du 16 juillet 1995.

 16   Enfin, en ce qui concerne le chef d'accusation 8, Pandurevic fait valoir

 17   que les éléments de preuve démontrent seulement qu'il a mis ses soldats en

 18   position en préparation d'un assaut sur Zepa mais qu'il s'est retiré et

 19   retourné à Zvornik le 15 juillet 1995, et que, selon lui, ceci est

 20   insuffisant à fonder le chef d'accusation. La Chambre de première instance

 21   n'est pas de cet avis et constate que ces éléments de preuve répondent bien

 22   aux critères posés à l'article 98 bis en ce qui concerne la participation

 23   de Pandurevic à l'opération de Zepa. En tout état de cause, comme il a été

 24   dit précédemment, le but commun allégué était de chasser le population

 25   musulmane de Bosnie des enclaves de Srebrenica et de Zepa, et comme il

 26   existe des éléments de preuve de la participation de Pandurevic au

 27   transfert forcé de Srebrenica, la Chambre de première instance constate

 28   qu'aux fins de dispositions de l'article 98 bis du Règlement, il existe des

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  1   éléments de preuve que la participation de Pandurevic à l'entreprise

  2   criminelle commune visant à chasser la population de ces deux enclaves. Des

  3   exemples de ces preuves comprennent : la déposition de Miodrag

  4   Dragutinovic, Mirko Trivic, Eileen Gilleece, et la pièce à conviction P318,

  5   l'ordre à la Brigade de Zvornik adressé au chef de la sécurité, daté du 2

  6   juillet 1995, déjà mentionné.

  7   Nous passons maintenant aux arguments évoqués par Miletic.

  8   Au cours des plaidoiries en vertu de l'article 98 bis, Miletic a fait

  9   valoir qu'il devait être acquitté de tous les chefs d'accusation qui lui

 10   étaient reprochés, à savoir les chefs d'accusation 4, 5, 6, 7 et 8.

 11   Pour commencer, la Chambre de première instance relève que les arguments

 12   avancés par l'accusé Miletic présentaient une analyse détaillée des

 13   éléments de preuve du point de vue de l'argumentation selon laquelle

 14   comment les éléments de preuve devraient être interprétés ou appréciés.

 15   Ceci va au-delà des prévisions de l'article 98 bis, et comme l'Accusation

 16   l'a fait remarqué, ressemble davantage à des conclusions finales. Aux fins

 17   de l'article 98 bis, la Chambre de première instance constate qu'il y a des

 18   éléments de preuve en ce qui concerne la participation de Miletic à

 19   l'entreprise criminelle commune visant à chasser à expulser la population

 20   musulmane de Bosnie de Srebrenica et de Zepa. Des exemples de ces éléments

 21   de preuve comprennent : la déposition de Manojlo Milovanovic, Bogdan

 22   Sladojevic et Nedjelko Trklja ainsi que les pièces à conviction telles que

 23   la directive 7, la pièce P44, le rapport type de combat signé par Miletic

 24   et daté du 12 juillet 1995, la pièce P47, le rapport de combat type signé

 25   par Miletic et daté du 13 juillet 1995, la pièce P191, le premier rapport

 26   de la Brigade légère d'Infanterie de Podrinje signé par Tolimir et daté du

 27   25 juillet 1995, et la conversation enregistrée le P1111A.

 28   En ce qui concerne les crimes, à savoir assassinat ou crimes opportunistes

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  1   et persécution, la Chambre constate qu'il y a des éléments de preuve qui

  2   ont eu lieu et qu'il était tout au moins prévisible pour Miletic que ces

  3   meurtres opportunistes et les actes de persécution pourraient avoir lieu au

  4   cours du transfert forcé et d l'expulsion et qu'il a sciemment pris ce

  5   risque. Les exemples de ces éléments de preuve figurent dans la déposition

  6   du Témoin PW-170, du Témoin PW-113, PW-156 et du Témoin PW-126, ainsi que

  7   les pièces P2047, la vidéo du procès de Srebrenica, la directive 7, la

  8   pièce P192, l'ordre type signé par Milomir Savcic.

  9   Ceci conclut la partie relative aux arguments particuliers présentés.

 10   En plus ce cela qui a fait l'objet donc d'arguments précis, la Chambre a

 11   examiné tous les chefs d'accusation en ce qui concerne chacun des accusés

 12   poursuivis en vertu de ces chefs d'accusation. En appliquant le critère

 13   juridique de l'affaire Jelisic, comme cela a été dit précédemment, la

 14   Chambre de première instance n'a pas identifié, en ce qui concerne l'un

 15   quelconque des accusés, un chef d'accusation où il n'y aurait aucun élément

 16   de preuve susceptible d'étayer une reconnaissance de culpabilité. 

 17   Ceci conclut la décision de la Chambre de première instance sur les

 18   plaidoiries au titre de l'article 98 bis.

 19   En outre, la Chambre de première instance souhaite traiter des conclusions

 20   présentées par l'Accusation le 18 février 2008 la Chambre note que

 21   l'Accusation a fait valoir qu'aucun élément de preuve n'avait été rapporté

 22   à l'appui des allégations figurant aux paragraphes 31(1)(b) et 31(1)(c) de

 23   l'acte d'accusation. La Défense, par conséquent, n'aura pas à traiter de

 24   ces deux allégations au cours de la présentation des moyens à décharge.

 25   Je vais donc maintenant lever la séance jusqu'au 22 mai, si je me rappelle

 26   bien, pour la Conférence préalable à la présentation des moyens à décharge.

 27   --- L'audience est levée à 15 heures 04 et reprendra le jeudi 22 mai 2008.

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