Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 26 août 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour, Madame la Greffière. Je vous

  7   demanderais de bien vouloir citer l'affaire.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

  9   Messieurs les Juges. Il s'agit de l'affaire

 10   IT-05-88-T, le Procureur contre Vujadin Popovic et consorts.

 11   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Aux fins du compte rendu, les

 12   prévenus sont les mêmes qu'hier, exactement les mêmes effectifs. Je n'ai

 13   pas besoin de répéter ce qui a déjà été dit.

 14   Monsieur le Témoin, bonjour.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour. Je suis prêt à poursuivre, Monsieur

 16   l'Aiguilleur du ciel.

 17   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

 18   M. OSTOJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,

 19   Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges. Je n'ai pas tout à fait

 20   entendu ce qui a été dit, mais je vais essayer d'aller aussi vite que

 21   possible de manière à ce que nous puissions rattraper notre retard. Mon

 22   collègue éminent de l'Accusation vient de me dire qu'il risque de revoir à

 23   la baisse son interrogatoire, et ce, de 50 %, puisque la plupart des points

 24   qu'il voulait couvrir l'ont déjà été.

 25   LE TÉMOIN: SLOBODAN REMETIC [Reprise]

 26   [Le témoin répond par l'interprète]

 27   Interrogatoire principal par M. Ostojic : [Suite] 

 28   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin, le 16 juillet 1995, à 11 heures

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  1   11, si vous le voulez bien, voilà l'écoute téléphonique à laquelle je

  2   souhaiterais faire référence, il s'agit des pièces P1187B et P1187A, qui

  3   est la version anglaise. Monsieur le Témoin, dans la version B/C/S de votre

  4   rapport page 20.

  5   Je vous demanderais de bien vouloir vous y reporter, il s'agit d'une écoute

  6   téléphonique dans laquelle on fait état du terme "triage". Vous avez eu

  7   l'occasion d'en faire une lecture; est-ce exact, et d'examiner cette écoute

  8   ?

  9   R.  Oui. Effectivement, il s'agit de l'écoute téléphonique supposée d'un

 10   entretien téléphonique qui aurait eu lieu à 11 heures 11, le 16 juillet. Et

 11   il n'y a ici aucun élément pratiquement permettant de procéder à une

 12   analyse linguistique. Il n'y a là qu'environ une dizaine de mots, mots qui

 13   n'ont strictement aucune pertinence. Je les ai évoqués dans mon rapport, et

 14   je crois qu'il n'y a pas lieu de perdre quelque temps que ce soit. Il n'y a

 15   pas suffisamment de mots ici qui permettent de procéder à une analyse;

 16   quant au mot "triage", j'ai expliqué dans mon analyse ce mot, j'ai

 17   transformé l'analyse ou l'explication provenant de la littérature

 18   pertinente.

 19   Q.  Bien. Si vous le permettez, je souhaiterais montrer à la Chambre

 20   s'agissant de la définition du terme "triage" la pièce à conviction 2D583.

 21   Je demanderais à ce qu'on la fasse apparaître à l'écran, s'il vous plaît.

 22   Il me semble que c'est en fait une encyclopédie militaire dans laquelle on

 23   définit le terme "triage". Je vous demanderais de bien vouloir me le faire

 24   savoir lorsque vous le verrez apparaître à l'écran.

 25   R.  Entendu. Oui, je le vois apparaître.

 26   Q.  Est-ce que c'est sur base de ce document que vous avez composé cette

 27   définition du sens du terme "triage" entre autres ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Votre expérience au cours de vos enseignements vous a-t-elle permis

  2   d'être confronté au terme "triage" avec vos collègues ou certains de vos

  3   collègues à quelque moment que ce soit, avez-vous eu l'occasion de vous

  4   pencher sur ce terme "triage" ?

  5   R.  Pendant 25 ans, j'étais premier associé de Pavle Ivic, membre de

  6   l'Académie des sciences. Il était rédacteur en chef d'un magazine et

  7   j'étais, si vous voulez, son adjoint ou son secrétaire. Lorsqu'un papier

  8   nous est parvenu dans lequel figurait des données sans grande importance,

  9   contenant des informations sans pertinence risquant de charger de façon

 10   superflue le texte, d'une manière générale le professeur disait, et je le

 11   cite : "Il va falloir 'triager' ce texte. Slobodan, il va falloir que tu

 12   t'attelles à une petite tâche de triage," me disait-il.

 13   Lorsque l'on nous envoyait un papier dans lequel figurait des données

 14   douteuses ou dont on pouvait douter de la valeur et dont il fallait

 15   éliminer certains éléments, le professeur me disait alors, et je le cite à

 16   nouveau : "Il faut 'triager' ceci dès maintenant, et si l'on ne procède pas

 17   à ce triage, le lecteur intéressé ne procède pas à son propre triage." En

 18   d'autres termes, il s'agit en fait de passer au tamis ce qui est important

 19   et ce qui ne l'est pas. Or, il y a de cela un mois, lors d'une réunion du

 20   département des arts et de la littérature de l'Académie des sciences de la

 21   Republika Srpska, a eu lieu un entretien portant sur la procédure qui

 22   allait être entamée suite à l'élection des nouveaux membres de l'académie,

 23   laquelle procédure prévoit que l'on présente à l'académie et que l'on

 24   saisisse l'académie de toutes les propositions, et prévoit que l'académie

 25   ensuite saisisse le département compétent ou le secteur compétent afin

 26   qu'il procède à l'évaluation des propositions, une évaluation se fondant

 27   sur la qualité des candidats proposés, qualités devant être étayées par un

 28   document écrit.

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  1   Rajko Petrov Nogo, un membre de l'académie, lors de cette réunion, Rajko

  2   Petrov Nogo, un poète de renom, a résumé notre mission de la façon suivante

  3   : "Tous les documents arrivent ici, et nous procéderons au 'triage'." J'ai

  4   noté ces termes mot à mot parce que je savais que j'en aurais besoin.

  5   Q.  Dans le contexte de cette affaire, vous connaissez ou ne connaissez

  6   peut-être pas la position de l'Accusation quant à la signification de ce

  7   terme "triage," mais dans notre intérêt - et je sais que vous ne savez pas

  8   forcément ce qui s'est passé le 16 juillet 1995 - mais afin que nous

  9   sachions exactement ce qui éventuellement s'est passé à ce moment-là dans

 10   le contexte de l'utilisation du terme "triage" à 11 heures 11, je vous

 11   propose de porter votre attention sur une autre écoute téléphonique

 12   remontant au 16 juillet 1995. Il s'agit des P1200A et P1200B [comme

 13   interprété]. Je vous demanderais de bien vouloir les faire apparaître à

 14   l'écran. Il semble qu'il s'agisse d'une conversation entre deux individus

 15   répondant au nom de Djurdjic et une femme répondant au nom de Jelena.

 16   Monsieur le Professeur, vous avez eu l'occasion de porter votre attention

 17   sur cette écoute téléphonique et sa retranscription, et je souhaiterais

 18   vous poser un certain nombre de questions. Cette écoute téléphonique, après

 19   une situation -- ou une discussion qui a trait à Potocari et à Bratunac et

 20   au fait qu'il y avait 59 individus et peut-être même 46 individus à un

 21   autre endroit qui avaient été éventuellement blessés.

 22   Dans cette écoute téléphonique, les deux individus en question - et

 23   je sais que ça ne comprenait pas forcément M. Beara - mais il se trouve que

 24   ces deux individus, M. Durdjic et Jelena, est-ce qu'ils parlent de ce terme

 25   de "sélection" et/ou "triage" ? Nous n'avons que très peu de temps à notre

 26   disposition, donc je vous présente mes excuses si j'ai été très rapide.

 27   R.  J'ai eu l'occasion de voir ce texte. Il m'a été montré, et c'est très

 28   exactement ça. C'est la même sémantique, c'est la même signification, celle

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  1   que l'on retrouve dans la littérature et celle pour laquelle je me suis

  2   aperçu que sa signification était celle que l'on rencontre dans la vie de

  3   tous les jours.

  4   Q.  Je vous demanderais de bien vouloir marquer d'un cercle le terme

  5   "triage" dans le texte, dans la section en question, environ à peu près à

  6   la moitié du texte. Et pour la Chambre, si cela vous intéresse, je

  7   demanderais que l'on voit le texte 1200D -- pardon, P1200A, la version

  8   anglaise, deuxième page de ce document, première phrase où apparaissent

  9   apparemment ces termes. Est-ce que vous voyez apparaître ces termes dans la

 10   version B/C/S, Monsieur Remetic ?

 11   R.  Non, je ne le vois pas encore.

 12   Q.  À peu près au milieu de l'écran maintenant.

 13   R.  Oui, maintenant je vois, mais je n'ai pas de marqueur.

 14   Q.  Peut-on apporter son concours au témoin ? Merci.

 15   R.  [Le témoin s'exécute]

 16   Q.  Vous venez d'encercler les termes "sélection" et "triage;" est-ce

 17   exact, Monsieur le Témoin ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Juste au-dessus de ces termes, est-ce que vous voyez que l'on discute

 20   de la discussion de Bratunac et de Potocari et que l'on indique les

 21   chiffres de 59 et 46 individus comme ayant éventuellement été blessés ?

 22   Est-ce que vous voyez cela ?

 23   R.  Oui, effectivement, je le vois, et que me posez-vous comme question ?

 24   Est-ce que vous me demandez ce que signifient pour moi les termes "triage"

 25   et "sélection" ?

 26   A mon avis, "selectia" et "triaga" en B/C/S, à mon sens, ces deux termes

 27   signifient probablement qu'il faudrait opérer une sélection entre les gens

 28   en bonne santé et les gens malades, c'est-à-dire qu'il faudra faire une

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  1   séparation, une sélection; c'est cela que l'on entend, à mon sens, par

  2   triage, un processus de sélection.

  3   Il est dit également ici qu'il faut opérer une sélection quant à ceux qui

  4   seront envoyés à Belgrade, ceux qui seront envoyés à Tuzla, peut-être que

  5   tout le monde sera acheminé vers Tuzla. Il s'agit d'un processus de

  6   sélection se fondant sur un certain nombre de critères. Mais il ne s'agit

  7   en aucun cas d'une approche globale et généralisée; en fait, on ne pourrait

  8   s'attendre à rien d'autre, lorsque vous voyez le terme "triage", c'est

  9   précisément à cela que vous vous attendriez.

 10   Q.  Merci. En votre qualité de linguiste et dialectologue, est-ce que vous

 11   pouvez partir du principe que ces gens sont sélectionnés aux fins de triage

 12   vers des hôpitaux, ou est-ce que de quelque manière que ce soit on pourrait

 13   comprendre par "triage" possibilité "d'exécution" ?

 14   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

 15   M. VANDERPUYE : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Il

 16   s'agit là du mandat de la Cour de déterminer les faits dans l'affaire, je

 17   crois que la question n'a pas lieu d'être, ce n'est pas au témoin qu'il

 18   faut la poser.

 19   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

 20   M. OSTOJIC : [interprétation] Je ne pense pas que cette objection ait lieu

 21   d'être, parce que je pense que nous avons ici face à nous un linguiste, et

 22   l'Accusation a décidé de donner une définition au terme "triage" en

 23   question, ce n'est pas un terme légal sur laquelle la Cour doit prendre une

 24   décision, non au contraire, la Cour doit prendre une décision quant à la

 25   conséquence qu'elle doit tirer de l'utilisation du terme "triage". Si l'on

 26   utilise le terme "triage", on doit pouvoir avoir des experts qui

 27   permettront de définir clairement le terme "triage" en question. Je crois

 28   que cette objection n'a pas lieu d'être, elle n'a pas de fondement du tout.

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  1   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Vanderpuye.

  2   M. VANDERPUYE : [interprétation] Cette objection, Monsieur le Président, a

  3   trait à la partie de la question qu'a posée Me Ostojic au témoin où il

  4   demande la chose suivante : "Est-ce que l'on peut dans quelque circonstance

  5   que ce soit penser que le terme "triage" signifie 'exécution' ?" Ça c'est

  6   une question de fait. Ce n'est certainement pas une question d'avis ou

  7   d'expertise.

  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

  9   [La Chambre de première instance se concerte]

 10   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Ostojic, Monsieur Vanderpuye,

 11   finalement ici vous avez juxtaposé deux choses, l'utilisation par les

 12   interlocuteurs supposés du terme "triage", et dans ce contexte, c'est à

 13   nous et non pas au témoin qu'il appartient de décider ce qu'ils entendaient

 14   par le terme "triage" au moment où il a été utilisé, et un expert nous a

 15   déjà fourni ces explications quant à la signification du terme "triage".

 16   Vous pouvez poursuivre et poser vos questions, mais est-ce que vous pensez

 17   que ça a quelque intérêt que ce soit ?

 18   M. OSTOJIC : [interprétation] J'espérais qu'effectivement ce serait utile,

 19   mais compte tenu de vos commentaires, j'imagine que ça servira pas à grand-

 20   chose.

 21   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

 22   M. OSTOJIC : [interprétation]

 23   Q.  Je vous propose de porter votre attention sur la pièce à conviction du

 24   16 juillet 1995, P1187A et P1187B.

 25   M. OSTOJIC : [interprétation] Monsieur le Président, peut-on sauvegarder le

 26   document sur lequel le témoin a marqué d'un cercle les termes "sélection"

 27   et "triage", s'il vous plaît, avant l'écoute qui vient de lui être montrée.

 28   Q.  Monsieur le Professeur, je vous demanderais de bien vouloir porter

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  1   votre attention sur la pièce à conviction P1187A, en anglais, qui apparaît

  2   à l'écran, et P1187B, version manuscrite de l'écoute téléphonique dans

  3   laquelle apparaît ce terme "triage". Vous nous avez dit que vous ne

  4   disposiez que de trop peu de termes au plan linguistique pour pouvoir

  5   porter un jugement sur ces propos attribués à M. Beara, mais je

  6   souhaiterais vous poser la question suivante, qui utilise ce terme "triage"

  7   ? Est-ce que c'est la personne qui correspond à l'initiale C, Cerovic, ou

  8   est-ce que c'est la personne dont l'initiale est B pour Beara ? Donc, de

  9   manière à ce que l'on puisse savoir ce que la personne qui a utilisé ce

 10   terme "triage" entendait par là ? Qui l'utilise ? Regardez, s'il vous

 11   plaît, la première phrase ?

 12   R.  Monsieur Ostojic, vous le dites très bien vous-même. Cerovic, c'est

 13   Cerovic qui utilise ce terme, la personne à qui correspond l'initiale C.

 14   Q.  Je vous demanderais de porter votre attention cinq phrases plus bas où

 15   il utilise une deuxième fois ce terme "triage". Et là, le terme "triage"

 16   apparaît face à quelle initiale ?

 17   R.  Où cinq lignes plus bas ?

 18   Q.  Mais vous le voyez bien, C, X, puis C à nouveau, puis la lettre X où

 19   l'on utilise le terme. Vous le voyez, cinquième ligne ? Le 16 juillet.

 20   R.  Le 16.

 21   Q.  [aucune interprétation]

 22   R.  Vous savez, je les connais pratiquement par cœur tous ces textes, moi.

 23   Je vous en prie, dans le texte que j'ai sous les yeux, une fois seulement

 24   c'est Cerovic qui parle pour dire qu'il faut effectuer un triage. Après, le

 25   terme "triage" n'y est plus, on ne le lit plus.

 26   Q.  Permettez-moi de vous aider un petit peu. Je ne sais pas si vous avez

 27   sous les yeux le bon document, Monsieur le Professeur. Reportez-vous plutôt

 28   à l'écran. Regardez un petit peu l'écran du moniteur. La première ligne, il

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  1   est dit : "Le triage est à faire aujourd'hui." Ensuite, vous voyez X, C, X,

  2   et sous X, nous ne savons pas qui est l'individu qui parle, on dit : "Je

  3   vous en prie, procédez au triage," pour la seconde fois. Vous y êtes ?

  4   R.  Oui. Oui, mais à trois reprises sur cette page nous lisons le terme

  5   "triage". D'abord, c'est C qui parle --

  6   Q.  Permettez-moi de vous aider, Monsieur le Professeur.

  7   R.  [aucune interprétation]

  8   Q.  A quatre reprises nous le voyons, d'abord passons à travers ce texte,

  9   qui utilise le terme "triage" ? Cerovic une première fois. Ensuite,

 10   l'individu qui est marqué par le X. Et puis après encore une fois le terme

 11   de "triage". Qui le dit ?

 12   R.  X, c'est lui qui dit : "Procédez au triage des personnes capturées."

 13   Q.  Et puis après --

 14   R.  "Procédez au triage des capturés."

 15   Q.  Je vous en prie, cinq lignes à partir du bas de page, que dit C,

 16   Cerovic ? A-t-il utilisé le terme "triage" ?

 17   R.  Oui, c'est encore une fois dit : "Procédez au triage."

 18   Q.  Fort bien, merci. Donc quatre reprises; à trois reprises c'est Cerovic,

 19   ensuite X intervient. Avez-vous pu voir que, à l'initiale B qui voudrait

 20   désigner Beara, on aurait utilisé le terme "triage" ? Est-ce que, dans une

 21   autre conversation interceptée, cela apparaît également, laquelle

 22   conversation interceptée vous avez étudiée ?

 23   R.  Certainement pas.

 24   Q.  Merci. Pour faire l'économie du temps, Monsieur, procédons ensuite

 25   comme suit. Lorsque je dis : "Govorim", "je parle", cela veut dire parler ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Je sais que cet exercice est difficile à faire parce que vous recevez

 28   une traduction dans vos écouteurs, mais je devrais me lancer dans cet

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  1   exercice dans l'intérêt de la Chambre de première instance et de mes

  2   éminents collègues. Il s'agit d'abord de la date du 13 juillet 1995, il

  3   s'agit de la pièce à conviction P01130B. Nous allons voir maintenant

  4   comment se présente la version en B/C/S, c'est pour vous, et en anglais, il

  5   s'agit de la pièce a conviction P01130E, qui commence par E comme

  6   "événement".

  7   Q.  Maintenant, j'ai une version abrégée de la conversation interceptée --

  8   mais maintenons-nous à cette page-là. Monsieur le Professeur, je sais que

  9   vous êtes censé avoir tout de même une connaissance rudimentaire de la

 10   langue anglaise, je suis certain que je pourrais vous aider - vous ne m'en

 11   voudrez pas, Messieurs, Madame les Juges, mes éminents collègues non plus -

 12   à regarder le texte en anglais. Sous l'initiale B, lorsque cette personne-

 13   là intervient, le second mot est "speaking". Donc si je devais téléphoner :

 14   "Ostojic speaking." "C'est Ostojic qui parle." Est-ce que vous y êtes, vous

 15   me suivez ?

 16   R.  Oui, bien sûr. Je le vois. Je vous suis.

 17   Q.  Est-ce que vous pouvez ensuite nous aider un petit peu dans ce qui

 18   suit, il s'agit là de la traduction supposée du texte manuscrit présenté à

 19   cette Chambre de première instance à titre de pièce à conviction. A la

 20   première page, pouvez-vous me dire si le terme "speaking" apparaît

 21   lorsqu'on suit le nom supposé être celui de Beara ?

 22   R.  Non, je ne me souviens pas l'avoir vu ainsi dans aucune section du

 23   texte. Pour ce qui est de cette transcription que j'ai sous les yeux, je ne

 24   l'ai pas perçue ainsi, je ne l'ai pas traitée ainsi comme quoi ceci devait

 25   être la manière dont Beara devait se présenter par son nom de famille en

 26   personne. Mon intelligence de ce texte serait la suivante : le nom "Beara"

 27   a été ajouté à la main par la personne qui a procédé à l'opération

 28   d'interception pour identifier les interlocuteurs. C'est-à-dire

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  1   l'interlocuteur que lui a supposément a enregistré.

  2   Q.  Fort bien, on y parviendra tout à l'heure. Ce qui m'intéresse c'est de

  3   voir si vous voyez le terme "govorim", c'est-à-dire "je parle" à la

  4   première page. Pour ce qui est de mon serbe, je suis loin de pouvoir me

  5   mesurer à vous, mais est-ce que vous y êtes pour suivre le terme "govorim"

  6   ? Si vous ne voyez pas d'inconvénient, nous pouvons nous en tenir à ce

  7   terme-là. Si vous ne pouvez pas voir cela figurer sur la page qui vous a

  8   été affichée, je voudrais que l'on demande à ce qu'on affiche la page

  9   suivante du document P01130.

 10   R.  [aucune interprétation]

 11   Q.  Pour une raison ou une autre, cette partie du texte est barrée et

 12   ensuite retapée. Et nos amis du bureau du Procureur ont été aimables pour

 13   nous en fournir une traduction. Par conséquent, nous avons deux versions de

 14   cette transcription. Nous parlerons de la seconde version tout à l'heure.

 15   Mais maintenons-nous d'abord à cette première version. Est-ce que vous y

 16   êtes pour suivre cette première version qui a été améliorée par l'opérateur

 17   qui s'est occupé de l'interception de textes ? Est-ce que vous pouvez voir

 18   que le nom de "Beara" y est affiché ? Est-ce que vous le voyez dans cette

 19   partie du texte intercepté ?

 20   R.  Non. Il n'y a pas de terme "govorim", "speaking", "parler". Ces deux

 21   versions sont différentes, ne serait-ce qu'à en juger d'après le début même

 22   du texte.

 23   Q.  Nous y parviendrons tout à l'heure. Nous allons entendre votre opinion

 24   là-dessus.

 25   R.  [aucune interprétation]

 26   Q.  Essayons de voir un petit peu pour faire une analyse sans trop de peine

 27   et sans grand dégât. Je voudrais que l'on affiche, par le prétoire

 28   électronique, la pièce à conviction P1130A, il s'agit du numéro ERN 005256

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  1   [comme interprété]. Je sais que vous ne pouvez pas lire ce que le bureau du

  2   Procureur nous présente ici, mais d'après vous, comment pensez-vous qu'ils

  3   ont pu parvenir à ce terme de "Beara" pour dire "Beara parle", puisque dans

  4   la version qui a été barrée et qui a été remaniée le mot n'y apparaît pas ?

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Vanderpuye.

  6   M. VANDERPUYE : [interprétation] Il n'est pas approprié de présenter ainsi

  7   pour poser une telle question au témoin, parce que définitivement le bureau

  8   du Procureur n'a rien à voir avec le processus de traduction.

  9   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Maintenez-vous au texte --

 10   M. OSTOJIC : [interprétation] Je dois en parler, Monsieur le Président,

 11   parce que je suis conscient du fait qu'il est de leur devoir au bureau du

 12   Procureur de prêter attention au fait que la traduction a été remaniée, il

 13   y avait une erreur dans la première traduction.

 14   Q.  Mais, en tout cas, penchez-vous sur la seconde version qui nous a

 15   été fournie par le bureau du Procureur. Je sais que vous êtes censé être

 16   limité dans votre connaissance de la langue anglaise, mais première ligne,

 17   Monsieur le Professeur, nous lisons "speaking," "parler".

 18   R.  Oui, mais dans la transcription -- dans le manuscrit, il n'y a pas le

 19   terme "speaking," "govori". Voilà ce qui me semble essentiel.

 20   Q.  Bien. Mais à vous penchez sur ce document, vous avez considéré que ceci

 21   devait être négatif, lorsqu'il s'agit de la première interception de la

 22   conversation en date du 13 juillet à

 23   10 heures 09 ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Ayant à l'esprit ce que vous venez de nous dire, à savoir quelle était

 26   la façon dont procédait M. Beara pour parler, est-ce que, par exemple, vous

 27   avez de sept à huit heures au mois d'avril pu entendre une bande magnétique

 28   contenant sa conversation il y a quatre ans ? Avez-vous été en mesure de

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  1   faire une distinction entre le dialecte chakavien, ékavien et ikavien ?

  2   D'après vous, est-ce qu'avec un degré de certitude on peut attribuer ces

  3   propos à M. Beara ?

  4   R.  Non, je ne pourrais pas attribuer cela à Beara, et en tant que

  5   professionnel évidemment je ne devrais pas pouvoir le faire.

  6   Q.  Pourquoi donc ? Parce qu'il n'y a pas suffisamment de caractéristiques

  7   propres aux propos qui seraient les siens du point de vue du dialecte ?

  8   R.  Non. Parce que tout simplement je ne disposais pas de suffisamment

  9   d'éléments pour fonder la base de mon jugement pour en décider. Par

 10   exemple, pour traiter de ses propos d'aujourd'hui ou traiter de ses propos

 11   du mois d'avril, je dirais que pratiquement il n'y a rien à signaler à

 12   titre de différences.

 13   Q.  Fort bien. Nous allons maintenant nous pencher sur votre rapport à

 14   titre de clarification plus approfondie; si nous devons nous occuper

 15   d'autres conversations interceptées, je crois que nous aurons le temps de

 16   le faire. Voyons d'abord la conversation interceptée en date du 13 juillet

 17   à 19 heures 19. Je crois que nous y étions déjà. Et là où le nom de "Beara"

 18   apparaît, je ne suis pas tout à fait certain que des éminents collègues

 19   sont d'accord avec moi que ceci ne devrait pas être attribué dans cette

 20   conversation interceptée à Beara, n'est-ce pas, Monsieur le Professeur ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Penchons-nous sur la conversation interceptée en date du

 23   13 juillet 1995 à 19 heures 45. Cette conversation interceptée, elle aussi

 24   est une conversation que le bureau du Procureur n'attribue pas à M. Beara.

 25   Voilà pourquoi nous allons évidemment passer rapidement au bureau du

 26   Procureur pour expliquer à la Chambre de première instance le tout, surtout

 27   si le nom de "Ljubisa" apparaît.

 28   R.  Oui.

Page 24632

  1   Q.  Oui. Allons de l'avant sur cette liste-là --

  2   R.  Excusez-moi. Je crois que c'est le prénom "Ljubo" qui apparaît, mais on

  3   suppose que ceci devrait être Ljubo Borovcanin.

  4   Q.  Bien. Je pense, Monsieur le Professeur, que nous devons faire preuve

  5   d'équité ici tout de même. Si on regarde la conversation interceptée en

  6   date du 13 juillet à 19 heures 45 - il s'agit de la pièce à conviction

  7   P1148 --

  8   M. LAZAREVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois avoir

  9   aperçu une erreur qui s'est glissée dans le compte rendu d'audience. Le

 10   témoin a dit : "On a attribué cela à Borovcanin," alors qu'ici on a dit :

 11   "Il est dit que c'était Borovcanin."

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie. Merci d'avoir apporté

 13   cette correction. Nous ne parlons pas la langue, et par conséquent --

 14   M. OSTOJIC : [interprétation] Merci beaucoup.

 15   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

 16   M. OSTOJIC : [interprétation] Reprenons maintenant pour clarifier.

 17   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

 18   M. OSTOJIC : [interprétation]

 19   Q.  On parle de "Ljubo." S'il s'agit évidemment de la conversation

 20   interceptée en cette date en 19 heures 45, en 1995, on parle de "Ljubisa,"

 21   n'est-ce pas ? Nous pouvons toujours demander l'affichage de ce document au

 22   moyen du prétoire électronique. Il s'agit de la pièce à conviction P1148,

 23   s'il vous plaît.

 24   L'INTERPRÈTE : Les interprètes signalent que le témoin n'avait pas répondu

 25   à cette question et que nous ne l'avons pas entendue d'ailleurs.

 26   M. OSTOJIC : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] 19 heures 45 vous dites ?

Page 24633

  1   M. OSTOJIC : [interprétation]

  2   Q.  Oui.

  3   R.  Oui. On fait mention de Ljubisa, mais il n'y a pas à conclure que ceci

  4   doit être attribué à M. Beara. Ceci n'a aucun lien avec Beara. Le bureau du

  5   Procureur lui-même a pu conclure qu'il ne s'agissait pas de Ljubisa. Il

  6   s'agissait de Ljubisa, de Ljubo, Ljubo Borovcanin, et par conséquent, c'est

  7   de lui qu'il s'agit en fait.

  8   Q.  Fort bien. Passons à la pièce à conviction suivante, Monsieur le

  9   Professeur. Je sais que nous y allons très rapidement, mais il s'agit cette

 10   fois-ci de la conversation interceptée en date du 13 juillet 1995 à 23

 11   heures 05. Il s'agit de la pièce à conviction P1153A et -- il s'agit des

 12   versions A et B. En anglais, il s'agit de B. Nous avons parlé de cette

 13   conversation à la date du 13 juillet. Il s'agit évidemment de parties

 14   pertinentes. Ensuite il s'agit de voir qui parle. Le bureau du Procureur,

 15   quant à lui, trouve qu'il s'agissait évidemment de signaler une autre

 16   personne. Ce n'était pas Beara. Prenons une autre pièce à conviction,

 17   c'est-à-dire la conversation interceptée à 23 heures 05. Est-ce que vous

 18   avez eu la possibilité de consulter ce texte-là ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Il s'agit encore une fois d'une conversation interceptée où deux

 21   individus interviennent. Il s'agit d'ailleurs d'abord de quelqu'un qui est

 22   supposé être Ljubo. Troisième ligne dans le texte. Vous y êtes ? Vous me

 23   suivez ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Nous avons présenté nos éléments de preuve pour essayer de dire qu'il

 26   s'agit d'un autre individu. Or, le bureau du Procureur, lui, savait qu'il

 27   ne s'agissait pas de Beara lorsqu'il s'agit de traiter de cette

 28   conversation interceptée, même si le nom de "Ljubo" y apparaît. Savez-vous

Page 24634

  1   combien de surnoms il peut y avoir pour désigner le prénom de "Ljubisa" en

  2   B/C/S ?

  3   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Vanderpuye.

  4   M. OSTOJIC : [interprétation]

  5   Q. [aucune interprétation] 

  6   M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, je [imperceptible]

  7   tout simplement que mon éminent collègue a parlé de l'aptitude du bureau du

  8   Procureur alors que le bureau du Procureur, quant à lui, d'après M.

  9   Ostojic, n'était pas tout à fait certain qu'il s'agissait de M. Beara ou

 10   pas.

 11   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Cela me semble un peu plus juste par

 12   rapport à ce que M. Ostojic vient de dire tout à l'heure.

 13   M. OSTOJIC : [interprétation] Pour autant que je m'en souvienne, mon

 14   éminent collègue, McCloskey, a été d'accord avec moi pour dire que Ljubo

 15   n'était pas Beara. Et d'après le compte rendu d'audience, il s'agit bien de

 16   cela. Il s'agissait d'acheminement de vivres, mais je ne me souviens plus.

 17   Q.  [aucune interprétation]  

 18   M. McCLOSKEY : [interprétation] Cela est correct, Monsieur le Président. Je

 19   crois que M. Vanderpuye est dans son droit de dire que nous n'avons pas été

 20   tout à fait sûrs pour dire de qui il s'agissait.

 21   M. OSTOJIC : [interprétation]

 22   Q.  Monsieur le Professeur Remetic, à suivre ce monologue -- ou plutôt, ce

 23   dialogue entre deux individus --

 24   R.  Oui.

 25   Q.  -- est-ce que celui qui s'est occupé -- enfin, l'opérateur de

 26   l'interception de ce texte, est-ce qu'il a pu noter les deux parties du

 27   texte ou seulement a-t-il travaillé unilatéralement ?

 28   R.  Pour présenter une analyse linguistique, nous manquons de faits car,

Page 24635

  1   d'après l'opérateur qui s'est chargé de la transcription de cette

  2   conversation, il s'agit d'un monologue qui est attribué au général Mladic

  3   car son interlocuteur, un certain Ljubo, dit-on -- suppose-t-on, n'a pas pu

  4   être entendu.

  5   Q.  Fort bien. Permettez-moi maintenant de vous poser une question sur le

  6   prénom "Ljubo." S'agit-il évidemment d'un prénom commun assez courant ?

  7   R.  "Ljubo" est un prénom très, très commun, et très fréquent chez les

  8   Serbes. D'ordinaire il s'agit d'une version abrégée de ce prénom, c'est-à-

  9   dire en version abrégée c'est que l'on veut peut-être faire preuve de

 10   gentillesse pour abréger le prénom pour pas mal de prénoms, à savoir les

 11   prénoms tels "Jubisav, Ljubisa, Ljubodrag, Ljubomir." Or, pour présenter

 12   tous ces prénoms dans le dictionnaire qui contient les noms et prénoms

 13   serbes, lequel dictionnaire a été publié, il y a plus de trois décennies,

 14   ce contient plus de 47 prénoms ayant pour base "Ljub," et de -- pour parler

 15   de tous ces prénoms du point de vue hypocoristique, sous forme abrégée,

 16   "Ljubo" ou "Ljuba," pourrait être désigné.

 17   Q.  Fort bien. Vous venez de nous présenter quelques exemples. Qu'en est-il

 18   du prénom "Ljubko" ? Est-ce que peut-être le prénom de "Ljubinko" peut-être

 19   peut donner une forme abrégée sous forme de "Ljubko" ?

 20   R.  Ljubinko, Ljubko, Ljupce, Ljuboda tout cela est possible et valable. Il

 21   n'y a pas que ça. Il est un autre fait à signaler dans ce cas-là, chez les

 22   Serbes, les prénoms présentant une connotation de quelque chose de gentil,

 23   de beau, de -- peut-être qui devrait présenter quelqu'un d'aimable, gentil,

 24   cher, et cetera, qui nous est cher, ces prénoms peuvent donner à des gens,

 25   à des individus en tant que prénoms secondaires, je dirais, qu'il s'agisse

 26   de quelques prénoms, enfin qui soient et qu'on a énumérés tout à l'heure.

 27   Q.  [aucune interprétation]

 28   R.  Moi, qui connais fort bien les parages, je veux dire ces régions-là, je

Page 24636

  1   sais que Ljuba, Mile, Mico existent aussi, alors qu'ils ont été baptisés

  2   comme Nikola, Petar, Ostoja, Slobodan, et cetera.

  3   Q.  Permettez-moi d'être un petit peu plus concret. Je sais que souvent

  4   nous, on emprunte des termes étant de nature à généraliser, nous présentons

  5   plusieurs possibilités, mais soyons un peu plus concret, plus stricte. Nous

  6   avons pu entendre parler pas mal de témoins dont les prénoms commençaient

  7   par Ljuban, Ljubko, Ljubomir, et cetera, mais penchons-nous sur la pièce à

  8   conviction 2D592. Je sais que vous n'étiez pas un expert en art militaire,

  9   mais je crois que ce document parle de lui-même. Il s'agit du commandement

 10   de la 33e Brigade motorisée, il s'agit d'élément de preuve qui date de

 11   1996, et je pense que lorsqu'on se penche sur les noms tels qu'ils figurent

 12   sur cette liste-là, d'abord les trois premières lignes nous permettent de

 13   constater les noms de deux personnes qui se lisent comme Ljubo ou

 14   Ljubislav, n'est-ce pas, Monsieur le Professeur ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Bien. Essayons de nous rapprocher un petit peu, dans le passé des

 17   événements qui se sont produits en juillet 1995, est pertinent pour la

 18   présente affaire. Par conséquent, je voudrais que l'on affiche la pièce à

 19   conviction 2D593; je crois qu'il s'agit là d'une liste de noms d'officiers

 20   en date du mois de juillet 1995. Nous avons déjà traité de ce document lors

 21   des dépositions d'autres témoins. Penchez-vous sur ce document, s'il vous

 22   plaît, Monsieur le Professeur, et dites-moi si, sous le chiffre 9, vous

 23   pouvez voir quoi que ce soit qui serait une forme abrégée ou un dérivatif

 24   quelque chose du prénom de "Ljubo."

 25   R.  Je crois qu'il s'agit là de Ljubo Sobot, colonel au grade.

 26   Q.  Merci. Bien. Je voulais savoir tout simplement cela. Je voulais savoir

 27   aussi son grade et passer ensuite à la treizième ligne : est-ce que vous y

 28   êtes pour lire Ljubo ?

Page 24637

  1   R.  Oui. Il s'agit du lieutenant-colonel Ljubo Rakic.

  2   Q.  Monsieur, il s'agit de la liste datant du mois de juillet 1995. Là, on

  3   lit le colonel Ljubo -- le lieutenant-colonel Ljubo; nous ne disposons pas

  4   d'autre liste pour vous présenter approximativement environ 17 individus

  5   dont les prénoms présentent un tel dérivatif. Est-ce que peut-être ces

  6   gens-là pouvaient prendre part à des conversations interceptées, et à qui

  7   on devrait attribuer le tout, qu'est-ce que vous en pensez ?

  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Vanderpuye.

  9   M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, avec tout le

 10   respect que j'ai pour mon éminent collègue, il s'agit évidemment de faire

 11   des conjectures, ce témoin peut-il -- ou pouvait-il savoir qu'il a pu ou

 12   qu'il n'a pas pu être un interlocuteur dans ces conversations interceptées.

 13   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Ostojic.

 14   M. OSTOJIC : [interprétation] Pas de commentaire à faire.

 15   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Passez à un autre sujet, à votre

 16   question suivante.

 17   M. OSTOJIC : [interprétation]

 18   Q.  Sur la base des documents qui vous ont été procurés, le bureau du

 19   Procureur vous a-t-il présenté une alternative quelconque pour les noms de

 20   telles ou telles personnes qui apparaissent sous le prénom de "Ljubo"

 21   "Ljubisa" "Ljubomir" "Ljubislav" "Ljubko" ? Le bureau du Procureur vous a-

 22   t-il offert une alternative quelconque là-dessus ?

 23   R.  Si vous me posez la question déjà, je ne sais pas. Moi, en ma qualité

 24   de linguiste, je me dois de dire que chez les Serbes peu importe quel est

 25   son prénom qu'il a reçu au baptême dans la pratique peut être Ljubo, et

 26   Milan, et Mile, et Dragan. Je vous parle sur la base des expériences qui

 27   sont les miennes parce que, moi, je connais fort bien les climats, la

 28   région.

Page 24638

  1   Q.  C'est la raison pour laquelle je vous ai posé la question, vous avez

  2   tout à fait parlé de Mico; Mico peut servir d'un surnom pour pas mal de

  3   prénoms, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Est-ce que vous pouvez dire qu'il en ait --

  6   R.  [aucune interprétation]

  7   Q.  [aucune interprétation]

  8   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

  9   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 10   M. OSTOJIC : [aucune interprétation]

 11   Mme FAUVEAU : Il s'agit du compte rendu. Si on peut épeler le prénom "Mica"

 12   parce que l'épellation qui est dans le compte rendu, n'est pas exacte ?

 13   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Peut-on épeler, s'il vous plaît,

 14   Monsieur Ostojic, le prénom de "Mico" ?

 15   Allez-y. Vous connaissez les deux langues.

 16   M. OSTOJIC : [interprétation]

 17   Q.  Nous y allons beaucoup trop vite, je m'excuse. En tout ceci est de ma

 18   faute. Lorsque vous utilisez le prénom ou le terme de "Mico," pouvez-vous

 19   nous épeler "Mico," comment M-i-c-o, M-i-c-a ?

 20   R.  Il s'agit de M-i-c, avec un accent aigu en français pour le -- c'est le

 21   Ce --

 22   Q.  "Mica" on devrait évidemment procéder de la même façon mais à la fin,

 23   nous avons A au lieu de O ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Présentez-nous, s'il vous plaît, très brièvement, quelques exemples --

 26   ou un exemple de différents prénoms qui permettraient de voir qu'il y a un

 27   dérivé -- le prénom gentiment -- un surnom de "Mica." Est-ce que, par

 28   exemple, "Ljubo" ait évidemment donné lieu à "Mica" ?

Page 24639

  1   R.  Oui. Souvent, il s'agira de Milorad, Milutin, Miroslav, Miladin,

  2   Milita, Milisa, Miljko, Milos, Milun, et cetera. Tous ces prénoms peuvent

  3   donner lieu. Mais, pour parler de Mico, ceci peut être aussi un prénom

  4   secondaire qu'on a donné à quelqu'un qui a été baptisé et qui, au baptême,

  5   avait reçu un autre prénom. Un de mes voisins avait neuf enfants, sept

  6   filles, notamment, et il avait également un fils, un dernier enfant, qui

  7   avait pour prénom Tadija. Dans cette famille-là, celui-là n'était connu que

  8   sous le prénom de Mico.

  9   Q.  Merci beaucoup. Alors brièvement, puisque c'est pertinent pour ce qui

 10   est des écoutes électroniques qui nous concernent, qu'en est-il du surnom

 11   de Zoka ou Zoko ? Est-ce que c'était également un surnom assez commun qui

 12   peut être attribué à plusieurs prénoms ?

 13   Z-o-k-a. 

 14   R.  D'après ce que je sache, je ne suis pas un expert en prénoms. Je ne

 15   suis pas un onomasticien [phon]. Mais "Zoka" est un nouveau nom, c'est-à-

 16   dire c'est un nouveau surnom. Zoka ou Zoki est un nouveau surnom qui

 17   s'apparente au surnom de Miki.

 18   Q.  Je souhaiterais que l'on parle de l'écoute électronique du 14 juillet

 19   1995, conversation qui porte la cote 65 ter 1164 et qui a eu lieu à 21

 20   heures 02. L'anglais, c'est le document qui porte le numéro B. Nous avons

 21   la pièce sur le e-court P1164C en anglais, ça c'est la version en anglais,

 22   et B pour ce qui est du manuscrit.

 23   J'aimerais vous demander, Professeur, de nous dire ce que cette écoute

 24   électronique, selon votre opinion personnelle, veut dire. En fait, est-ce

 25   que l'on peut attribuer cette écoute électronique à Ljubisa Beara ?

 26   R.  S'agissant de cette conversation téléphonique qu'il est allégué d'avoir

 27   été interceptée, il y a quelques mots qui peuvent être mis en lien avec le

 28   nom de M. Beara. Selon l'opérateur, il ignorait le code 155, ce qui est

Page 24640

  1   assez inhabituel pour un officier haut gradé, il est inhabituel qu'un

  2   officier ne sache pas le code de son unité. De plus, s'agissant de ce

  3   document manuscrit, nous avons également l'affirmation de l'opérateur qui

  4   nous parle de certaines erreurs et certaines omissions, et il parle

  5   également d'une identité erronée. Plus tard, s'agissant de la lettre B, ils

  6   ont ajouté la lettre E, qu'il est assez facile à vérifier puisque nous

  7   pouvons le voir à l'écran. C'est de cette façon-là qu'il voulait indiquer

  8   que l'on pourrait croire qu'il s'agirait de Beara alors qu'il est question

  9   de Badem. C'est le poste Badem, la centrale de Badem. Il est indiqué très

 10   clairement ici, d'après les propos de l'opérateur qui disait : "Un instant,

 11   s'il te plaît, vieux, un instant, vieux." Ils ont attribué un mot erroné à

 12   cette lettre. Et à la fin, l'opérateur mentionne à la main : "A cause d'une

 13   erreur de l'opérateur de la centrale de Badem, nous avons intercepté une

 14   conversation ayant eu lieu entre une personne X et une autre personne Y qui

 15   n'était pas audible." Et pendant l'écoute, la ligne était ouverte pour

 16   Jokic 44.

 17   Q.  Très bien, merci beaucoup, Professeur. Après avoir lu votre rapport et

 18   en examinant ceci, le corps linguistique de cette conversation interceptée

 19   ne vous permettait pas de déterminer s'il s'agissait de M. Beara. Je sais

 20   que vous nous avez parlé d'autres problèmes liés à cette conversation

 21   interceptée, nous l'avons déjà entendu.

 22   Mais hier, je crois vous avoir demandé, à la page 40, de nous parler

 23   du mot "phonologie" et c'était mon erreur et vous m'avez expliqué ce qu'est

 24   la phonologie. Pourriez-vous nous expliquer quelle la différence entre la

 25   phonologie et la phonétique.

 26   R.  La phonétique est une science qui traite des sons acoustiques

 27   physiquement perçus, les caractéristiques physiques de sons.

 28   Q.  Je sais que vous nous avez dit hier que les opérateurs n'étaient pas

Page 24641

  1   nécessairement censés capter ces conversations d'un point de vue

  2   phonologique. Mais permettez-moi maintenant de vous demander: d'un point de

  3   vue phonétique, pourriez-vous nous dire si, phonétiquement, on leur a dit

  4   de capturer cette conversation ?

  5   R.  Oui, je ne me souviens pas tout à fait si on leur a dit d'enregistrer

  6   quoi que ce soit de quelque façon que ce soit. Ce sont des personnes dont

  7   la terminologie -- enfin, la linguistique -- la terminologie linguistique

  8   leur est un peu étrange. Ce ne sont pas des experts en phonétiques ces

  9   personnes qui transcrivaient les conversations.

 10   Q.  Très bien.

 11   M. OSTOJIC : [interprétation] Maintenant, avec la permission du Juge de la

 12   Chambre de première instance, je vais demander un peu de temps

 13   supplémentaire eu égard au fait qu'il y a environ un mois, nous avons parlé

 14   du versement au dossier des conversations audio. Il y avait un

 15   enregistrement qui se trouve en possession du Procureur depuis le 11

 16   octobre 2004. Nous l'avons reçu que le 18 juillet 2008. J'aimerais montrer

 17   quelques -- ou faire entendre quelques enregistrements audio au Pr Remetic

 18   et j'aimerais vous demander votre permission pour ceci. Qu'est-ce que vous

 19   en dites ?

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Professeur, est-ce que vous avez des

 21   objections pour ce qui est de l'Accusation.  Nous avons déjà étiré le temps

 22   que vous nous avez demandé de façon assez importante, n'est-ce pas ? Oui,

 23   Monsieur Vanderpuye.

 24   M. VANDERPUYE : [interprétation] Nous n'avons absolument aucune objection,

 25   Monsieur le Président, mais j'aimerais néanmoins dire que cet entretien est

 26   un document très court. Je crois qu'on a simplement demandé à la personne :

 27   est-ce que vous permettriez de faire l'objet d'un entretien et la personne

 28   ne l'a pas accepté.

Page 24642

  1   M. OSTOJIC : [interprétation] Alors, très bien. J'aimerais maintenant que

  2   l'on passe à la pièce 2D566.

  3   Q.  Professeur, nous avons examiné un entretien que vous avez fait avec

  4   Ljubisa Beara en 2008, et nous avons vu le document de 2004, mais

  5   j'aimerais savoir si nous avons vu le transcript avec

  6   M. Beara. Je n'ai pas suffisamment de temps, de parcourir avec vous toutes

  7   les questions linguistiques. Je vais probablement demander à ce que l'on

  8   vous fasse revenir pour que vous puissiez écouter ces enregistrements

  9   audio. Pour l'instant, je vous demanderais de vous pencher sur la pièce

 10   2D556. Il s'agit à la deuxième page d'une conversation qui aurait été

 11   enregistrée le 6 juin 1995, et temporellement, ceci se rapproche du temps

 12   de l'acte d'accusation et dans la cette conversation, il y a plusieurs

 13   personnes qui prennent la parole. On parle de Beara et de Zdravka ou

 14   Zdravko. Alors prenons la version B/C/S. Dites-moi si vous pouvez lire la

 15   deuxième ligne, là où M. Tolimir dit : "nereseno." Est-ce que vous voyez

 16   cet endroit, où il dit : "nereseno" ? Ce serait peut-être utile de zoomer.

 17   R.  Non, non, ce n'est pas nécessaire. Je vois très bien.

 18   Q.  Très bien, merci. Si vous prenez le texte qui se trouve en bas, il

 19   semblerait que l'on retrouve les mêmes mots utilisés par M. Beara. Est-ce

 20   que c'est les mêmes mots, ou est-ce que c'est deux mots différents,

 21   "nereseno" et "nerjeseno," avec un J ? Est-ce que vous voyez, tout juste en

 22   dessous de "nereseno," le "nerjeseno" ?

 23   R.  Oui, je le vois.

 24   Q.  Dites-moi, s'il vous plaît : quelle est la différence entre les deux

 25   mots, d'abord, y a-t-il une différence quant à la signification des deux

 26   mots ?

 27   R.  Il n'y a pas de différence quant à la signification.

 28   Q.  Alors dites-moi --

Page 24643

  1   R.  Il ne pouvait pas y avoir de différence. Ce n'est pas ceci qui nous

  2   intéresse, mais c'est la façon de prononcer et que si on prononcer ce mot,

  3   qu'il s'agisse de la façon ékavienne, ikavienne ou ijekavienne, il n'y a

  4   absolument aucune différence dans la signification, mais la prononciation

  5   est différente.

  6   Q.  Donc une personne provenant d'une région en employant un certain

  7   dialecte le prononcerait de façon différente qu'une autre personne

  8   provenant d'une autre région avec un autre dialecte ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Très bien. Alors, maintenant, permettez-moi de vous demander la chose

 11   suivante : le mot qu'aurait prononcé M. Tolimir, à l'examen de ce mot, en

 12   fait -- non, je reprends. Alors, si l'on prend les mots qui auraient été

 13   dits par M. Beara, en écoutant la conversation audio enregistrée en 2004,

 14   lors de la conversation qu'il a eue avec le bureau du Procureur. Et si vous

 15   comparez tout ceci avec 1995, est-ce que vous pourriez nous dire, en juin

 16   de 1995, quel était le dialecte employé par M. Beara, de quelle région

 17   pouvait-il provenir ?

 18   R.  Je n'ai pas suffisamment de matériel ou d'indices me permettant de

 19   conclure quoi que ce soit. Je ne peux pas être certain au-delà de tout

 20   doute et de vous répondre avec un très grand degré de certitude. Ici, quand

 21   on voit le mot "nerjeseno," j'ai entendu comme "nereseno" parce que j'ai

 22   cru entendre "nereseno," ce qui ne me surprend pas, donc sans le J.

 23   Q.  Et pourquoi ?

 24   R.  Ici, on voit le mot "nerejeseno" attribué à Ljubisa Beara, un J

 25   derrière le R se perd très souvent. Il est difficile également de le

 26   prononcer. Le mot "vrjeme", v-r-j-e-m-e, si quelqu'un le prononce comme ça,

 27   "vrjeme," il arrive souvent que l'on entende ce mot prononcé comme chez les

 28   Ekaviens, et c'est pourquoi nous savons de quoi il s'agit.

Page 24644

  1   Q.  Très bien. Monsieur, je sais que vous n'avez pas eu énormément de temps

  2   pour examiner ces documents, mais vous allez sans doute pouvoir m'aider. Le

  3   document 2D587, encore une fois, il semblerait qu'il s'agisse d'une

  4   conversation du 13 août 1995, conversation entre deux personnes, une

  5   personne qui s'appelle Brke ou Brko et Ljubisa Beara. Ce que je vais vous

  6   demander de faire, c'est de nous donner d'abord la date, alors à la

  7   première page on voit la date, et ensuite passons à la deuxième page du

  8   document.

  9   R.  Oui, d'accord.

 10   Q.  Et pourriez-vous, je vous prie, zoomer le centre du document. Pourrait-

 11   on voir la partie inférieure. Oui, très bien.

 12   D'accord. Il y a une erreur, en fait. Pour ce qui est de la pièce

 13   précédente, le numéro P qui lui a été attribué est erroné. La pièce que

 14   l'on vient de voir est la pièce 2D556, pour le compte rendu d'audience,

 15   alors que la pièce que nous sommes en train d'examiner maintenant, qui est

 16   affichée à l'écran, est la pièce 2D587.

 17   Monsieur, je remarque au milieu de la page, pour ce qui est des propos

 18   prononcés par M. Beara qui sont attribués à ce dernier, vers le milieu de

 19   la page, on voit "A Sta Se Dogoja." Qu'est-ce qui se passe ?

 20   R.  Oui, on voit "A Sta Se Dogoja," D-o-g-o-j-a.

 21   Q.  Ceci correspond à quel dialecte et à quelle région, cette façon de

 22   prononcer ce mot ?

 23   R.  Ça correspond au chakavien. C'est un dialecte de Split.

 24   Q.  D'accord. Vers la fin de cette page où on voit "Dobro burazer." Est-ce

 25   que vous voyez ceci : "Alors d'accord, mon frère" ? Pourriez-vous nous

 26   donner le troisième mot à partir du début de la phrase, pourriez-vous nous

 27   dire si c'est le dialecte cakavien ou le dialecte de Split ?

 28   R.  Vous voulez dire : "Dobro burazer vidicu." "Demain ou après-demain, je

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  1   vais pouvoir venir." Donc, en serbe [imperceptible].

  2   Q.  Oui.

  3   R.  Alors c'est fort probablement un terme littéraire. Cette forme, chez

  4   les Ekaviens -- chez les Ijekaviens, si c'était à Zagreb cela aurait été

  5   najviro jatne [phon]. Alors que, dans la langue parlée, c'est tout à fait

  6   possible de dire ce mot-là -- enfin, de le prononcer de cette façon-ci, et

  7   on dit "vjerovat" [phon] avec un J, en Bosnie aussi, donc chez les Croates

  8   en Bosnie.

  9   Q.  Très bien. Merci. Une dernière pièce que je souhaiterais montrer au

 10   témoin, c'est la pièce 2D594, il s'agit du court entretien qui a eu lieu au

 11   bureau du Procureur avec M. Beara sans la présence de ses avocats, et qui a

 12   eu lieu le 11 octobre 2004. Je sais que c'est très bref, et je connais

 13   maintenant les limites, vous nous avez expliqué que c'est assez limité,

 14   mais examinons quelques mots qui figurent dans ce document. Prenez la

 15   troisième page, par exemple, de ce document. Les lignes sont numérotées,

 16   nous allons pouvoir suivre assez facilement. En version B/C/S, je voudrais

 17   appeler votre attention sur la page 3, ligne 9. Le mot "razumem" veut dire

 18   "je comprends", et M. Beara emploie ce mot ici tel que transcrit et tel

 19   qu'entendu sur la bande audio "razumim". Voyez-vous cela ?

 20   R.  On voit "razumim". Non, je vois, c'est "razumim", ligne 7. On voit très

 21   clairement "razumim".

 22   Q.  D'accord. En fait, moi, je l'ai à la ligne 9. Je suis désolé. Sur ma

 23   copie à moi, il semblerait que ce mot soit consigné à la ligne 9. Bon

 24   d'accord. Alors je vous concède, c'était à la ligne 7.

 25   Est-ce l'emploi de ce terme "razumim", contrairement à "razumem" ou

 26   "razumijem", est-ce que ceci correspond au dialecte employé par M. Beara en

 27   2008, et est-ce que ceci correspond à l'exemple que vous nous avez donné

 28   s'agissant de M. Beara et de sa façon de parler le cakavien, un dialecte de

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  1   Split, en 1994 [comme interprété] et en 2008 ?

  2   R.  J'ai écouté la bande audio, assez rapidement, je dois l'avouer. Il y a

  3   très peu de mots, il y a très peu de matériel linguistique. La conversation

  4   a eu lieu dans des circonstances très officielles. Une déclaration est

  5   donnée au Procureur, et normalement dans ces cas-là on n'est pas détendu et

  6   on parle de façon très littéraire. Donc le mot "razumim" a été employé par

  7   M. Beara en avril aussi. Je l'ai entendu dire cela en avril, mais je

  8   voudrais vous rappeler que nous avons vu dans les transcripts les versions

  9   "razumim", "razumem" et "razumijem", mais jamais dans cette version-ci

 10   entendue lors de la conversation avec Beara et telle qu'entendue sur cette

 11   bande audio. C'est un élément qui m'est très important personnellement, car

 12   c'est une preuve me permettant de conclure que j'ai fait mon travail de

 13   façon correcte, sans fausse modestie. C'est une confirmation de ce que j'ai

 14   pu conclure, car on entend ce terme en avril prononcé par Beara alors que

 15   dans les transcripts que j'ai examinés on ne rencontre pas cette forme-là.

 16   Q.  Très brièvement -- je n'aurai besoin que de trois minutes - et je vous

 17   remercie énormément, Monsieur le Président, de m'avoir accordé ce temps

 18   supplémentaire. Si l'on prend le mot "lijepa" ou "lejepa" trois lignes plus

 19   bas, à la ligne 12, est-ce que vous pourriez nous dire si ceci correspond à

 20   une région ? Je crois que c'est à la ligne 12. On parle de "lijepa".

 21   R.  Hvala lijepa et hvala ljepa, donc la différence entre l-i-j-e-p-a et l-

 22   j-e-p-a. Le mot l-j-e-p-a correspond plutôt à la variante occidentale d'une

 23   langue qui était notre langue commune à nous tous, mais qui fait partie

 24   maintenant de la langue littéraire croate.

 25   Q.  Je souhaiterais évoquer un autre sujet que j'ai oublié de mentionner.

 26   Je sais que c'est quelque chose qui figure dans votre rapport. Cette

 27   question a trait à l'écoute téléphonique du 13 juillet 1994 à 10 heures 09.

 28   Professeur, est-ce que vous avez vu en examinant les transcripts des

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  1   écoutes électroniques, avez-vous rencontré des traces du dialecte cakavien

  2   de Split telles que nous les avons vues dans les conversations en 1995, en

  3   juin et août de 2004 et 2008 ? J'aimerais que l'on parle de la conversation

  4   interceptée le 13 juillet 1994 à 10 heures 09, et il s'agit de la pièce

  5   P01130B en B/C/S, et en anglais, P01130E. Au début, on voit que Beara parle

  6   -- c'est transcrit, mais ce n'est pas ce que l'on retrouve nécessairement

  7   dans le manuscrit. Alors que veut dire "sjor" ?

  8   R.  C'est un romanisme de "signor". Dans la langue adriatique, c'est une

  9   façon de dire "signor", alors "sjor". Cela dérive du cakavien et cela

 10   n'apparaît qu'une seule fois. Des mots du type "sjor", "gospon", "berazer"

 11   sont des mots qui sont très souvent employés comme des mots -- c'est un mot

 12   qui sert pour accompagner, pour soutenir. Donc le mot "sjor" n'apparaissait

 13   plus dans le texte. En avril, lors des entretiens qu'il y a eu avec M.

 14   Beara, on ne retrouve pas ce type de mots. Cela je le trouve assez

 15   inhabituel, je dois l'avouer.

 16   Q.  Pourriez-vous nous épeler ces mots pour le compte rendu d'audience ?

 17   "Sjor", s - avec accent diacritique - j-o-r pour "sjor" dérivé de "signor".

 18   Est-ce que vous le voyez ? Est-ce que vous pouvez nous dire si c'est bien

 19   épelé pour le compte rendu d'audience ?

 20   R.  Oui, c'est bien épelé.

 21   Q.  Il nous reste encore une minute. Je me penche sur la dernière page de

 22   votre rapport en anglais, à la page 30, avant-dernier paragraphe.

 23   J'aimerais comprendre quelque chose concernant le mot "sjor" et son

 24   contexte. Vous avez dit dans votre rapport - et je suis vraiment désolé si

 25   je le lis rapidement. "En comparant les langues des conversations

 26   interceptées alléguées, la façon dont parle M. Beara maintenant a fait voir

 27   des différences diamétralement opposées. Les transcripts nous montrent des

 28   traits du langage parlé à Split, une variante du cakavien, ékavien, mais il

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  1   n'y a aucun trait morphologique cakavien alors que dans le domaine du

  2   lexique ce n'est que le "sjor", épelé s - accent diacritique - j-o-r --

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Ostojic, j'aimerais retrouver

  4   le passage, s'il vous plaît.

  5   M. OSTOJIC : [interprétation] Oui, page 30 en anglais, avant-dernier

  6   paragraphe.

  7   Mme LE JUGE PROST : [interprétation] C'est 31, c'est à la page 31 en

  8   anglais.

  9   M. OSTOJIC : [interprétation] Excusez-moi, je suis en train de regarder la

 10   page 30 depuis l'avant-dernier paragraphe. Oui, c'est l'avant-dernier

 11   paragraphe.

 12   Mme LE JUGE PROST : [interprétation] Mais chez nous, c'est à la page 31.

 13   M. OSTOJIC : [interprétation] Oui, c'est donc l'avant-dernier paragraphe du

 14   rapport.

 15   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, et nous prendrons une pause

 16   bientôt, n'est-ce pas ? J'espère que vous allez pouvoir clore votre

 17   interrogatoire principal.

 18   M. OSTOJIC : [interprétation] Est-ce que vous l'avez, Juge Kwon ?

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur Ostojic. Très

 20   bien, veuillez poursuivre. 

 21   M. OSTOJIC : [interprétation]

 22   Q.  Monsieur, je vais essayer de vous demander de nouveau ceci : vous dites

 23   qu'il n'y a pas un seul trait qui est une variante du Chakavien, Ikavien,

 24   il n'y a pas un seul trait morphologique dérivant du cakavien, alors que

 25   vous dites que dans le domaine du lexique, il n'y a que le mot "sjor" qui a

 26   été vu en juillet 1995, à 10 heures 09, lorsqu'on a intercepté cette

 27   conversation, c'est là que vous avez rencontré le mot "sjor". C'est la

 28   seule fois que vous avez trouvé ce mot ?

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  1   R.  Oui, c'est le seul exemple. Le seul exemple.

  2   Q.  Ma toute dernière question avant la pause. Est-ce qu'à l'exception du

  3   1er août 1995, s'agissant de la conversation interceptée dont nous avons

  4   parlé qui a eu lieu à 10 heures 02, s'agissant des signes plus que vous

  5   avez mis en réponse aux quatre critères, est-ce que c'est la seule

  6   conversation que l'on pourrait attribuer de façon raisonnable à M. Beara

  7   sur la base d'une certitude linguistique ?

  8   R.  Je n'ai pas trouvé de fondement pour pouvoir attribuer quoi que ce soit

  9   à lui, la seule possibilité la plus rapprochée qui nous permettrait

 10   d'établir un lien et d'attribuer cette conversation à M. Beara, c'est la

 11   troisième version de cette même conversation, et je crois que c'est cette

 12   conversation du 15 juillet qui a eu lieu à 10 heures du matin. Nous avons

 13   là trois versions d'une même conversation interceptée obtenues, selon moi,

 14   en impliquant des interventions ultérieures et en faisant une équivalence

 15   des trois textes enregistrés par trois personnes se trouvant à trois

 16   endroits différents probablement.

 17   Le transcript de cette écoute, c'est-à-dire ces trois transcripts m'ont

 18   occupé le plus, j'ai passé le plus de temps à les examiner. Je les ai

 19   comparés de façon très détaillée et, s'agissant des différences

 20   linguistiques, je les ai comparés. Au tout début des transcripts, j'ai pu

 21   constater qu'il y avait également un manque de correspondance pour ce qui

 22   est des temps d'écoute, donc je n'ai pas pu m'expliquer ces incohérences

 23   autrement que de dire ceci, ma conclusion finale est la suivante : il ne

 24   s'agit pas de trois écoutes distinctes, mais bien d'une seule conversation,

 25   d'une seule écoute dont on a transcrit trois versions différentes en les

 26   peaufinant. Le troisième transcript s'apparente le plus à Beara, correspond

 27   le plus à son dialecte, mais je ne pourrais pas dire que c'est l'écoute qui

 28   pourrait lui être attribuée à 100 %.

Page 24651

  1   Q.  [aucune interprétation]

  2   M. OSTOJIC : [interprétation] Monsieur le Président, il faudrait peut-être

  3   prendre une pause maintenant.

  4   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien, faisons une pause de 25

  5   minutes.

  6   --- L'audience est suspendue à 10 heures 36.

  7   --- L'audience est reprise à 11 heures 04.

  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Ostojic.

  9   M. OSTOJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai donné --

 10   je remercie la Chambre pour vos commentaires et pour votre générosité.

 11   Merci de me laisser aller au-delà du temps qui m'avait été alloué et nous

 12   allons nous arrêter ici et laisser à l'Accusation le soin de poser

 13   d'éventuelles autres questions.

 14   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien.

 15   Dites-moi si c'est le cas, Monsieur Zivanovic.

 16   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je n'ai pas

 17   d'autres questions.

 18   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

 19   Madame Nikolic.

 20   Mme NIKOLIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai pas

 21   d'autres questions, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Lazarevic.

 23   M. LAZAREVIC : [interprétation] Pas de questions.

 24   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation] 

 25   Mme FAUVEAU : [hors micro]

 26   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

 27   M. JOSSE : [interprétation] Pas de questions.

 28   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

Page 24652

  1   Monsieur Sarapa.

  2   M. SARAPA : [interprétation] Pas questions, merci.

  3   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Voilà qui met la balle dans votre camp,

  4   Monsieur Vanderpuye.

  5   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

  6   Bonjour à tous. Bonjour à mes éminents collègues et amis. 

  7   Contre-interrogatoire par M. Vanderpuye : 

  8   Q.  [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur Remetic.

  9   R.  Bonjour.

 10   Q.  Je m'appelle Quekhu Vanderpuye, et au nom de l'Accusation et du bureau

 11   du Procureur, je vais vous poser des questions -- questions

 12   supplémentaires, et je vais vous poser des questions quant à certains

 13   éléments. Si jamais mes questions ne sont pas suffisamment claires,

 14   n'hésitez pas à m'en faire part, je viellerais à les reformuler de manière

 15   à ce que vous les compreniez bien et à ce que nous puissions nous

 16   comprendre vous comme moi.

 17   Vous avez déposé de façon assez complète à propos de l'évolution des

 18   dialectes dans l'espace de l'ancienne Yougoslavie. Vous nous avez parlé des

 19   raisons historiques qui expliquent cette évolution. Vous nous avez parlé

 20   des contacts existants entre les populations, des échanges qui ont existé

 21   également au plan linguistique entre des individus et l'acquisition de

 22   dialecte. Je souhaiterais à présent que nous reportions notre attention, si

 23   vous le permettez sur un aspect plus pratique de votre rapport. J'ai noté

 24   dans votre rapport en page 17, un certain nombre de termes empruntés par

 25   [imperceptible], vous indiquez qu'elle est particulièrement présente cette

 26   langue dans la zone du littoral. Vous dites que

 27   M. Beara y a séjourné un certain temps.

 28   Vous nous parlez de termes tels que "sjor," "gospon," "burazu" et ces

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  1   types de termes, qui apparaissent fréquemment dans le langage parlé de tous

  2   les jours des gens qui les utilisent. Vous dites que ça n'apparaît pas dans

  3   la version au transcript et vous dites que vous ne les avez pas trouvés

  4   même après les avoir cherchés.

  5   Alors, si vous le permettez, dans une des écoutes téléphoniques que

  6   vous avez examinées remonte au 13 juillet à 10 heures 09, et là, je

  7   souhaiterais qu'on nous la présente cette pièce 65 ter sur le prétoire

  8   électronique. Il s'agit du numéro 1130 en version B/C/S,  1130B, et je

  9   pense que le mieux serait que nous portions notre attention sur cette pièce

 10   à conviction.

 11   Alors je propose que vous vous reportiez à la page 4, cote ERN numéro

 12   de page se terminant par 815. Très bien. Alors je vous propose à présent

 13   d'examiner les termes attribués à B si à partir du bas de la page, vous

 14   allez jusqu'à la troisième ligne où on voit apparaître le terme "burazeru."

 15   Monsieur Remetic, voyez-vous ce terme ?

 16   R.  Oui, je le vois.

 17   Q.  Alors je vous propose de revenir à la page numéro 813 à présent. En

 18   fait, avant de faire cela, permettez-moi de vous dire ceci -- la phrase qui

 19   apparaît ici, et je vous demanderais de bien vouloir en faire lecture de

 20   manière à ce que nous sachions que nous parlions tous de la même chose.

 21   Veuillez en faire lecture, Monsieur le Témoin, s'il vous plaît.

 22   R.  "Bien. Excellent. Ecoute, burazer."

 23   Q.  Très bien. Merci. Je vous propose donc de passer à la page se terminant

 24   par - on m'interrompt - on me dit page 6.

 25   M. VANDERPUYE : [interprétation] Page 6, Monsieur le Président. ERN 813 en

 26   principe. Veuillez remonter une page plus haut, 813, s'il vous plaît. La

 27   page s'affiche sur le prétoire électronique. Merci beaucoup.

 28   Q.  Deuxième ligne attribuée à B. Voyez-vous le terme "burazeru" ici,

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  1   également, je vous demanderais d'en faire lecture ?

  2   R.  "Excellent, excellent, burazer, c'est super."

  3   Q.  Je vous demande maintenant de bien vouloir passer à la page ERN 810.

  4   Très bien. Ça me parait bon. En dessous du passage marqué d'une croix dans

  5   le texte manuscrit, vous voyez la référence qui est faite au terme "sjor,"

  6   Sjor Lucic. Voyez-vous ce terme ?

  7   R.  Oui, oui, oui. Je vous dis : "Salut, Sjor Lucic. Comment vas-tu ?"

  8   Q.  Très bien. Alors, ces termes apparaissent tous dans cette écoute

  9   téléphonique, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Je vous demanderais maintenant de bien vouloir porter votre attention

 12   sur l'écoute téléphonique 65 ter 1178. 1178B, C, me semble-t-il, c'est bien

 13   C ? Non, B. Oui, parfait. Merci beaucoup. Je vous demanderais maintenant de

 14   porter votre attention sur la cinquième ligne à partir du bas de la page.

 15   R.  Oui, oui, je vous suis dans le texte, oui.

 16   Q.  Voyez-vous que cette ligne est attribuée à B dans cette conversation,

 17   n'est-ce pas, la ligne qui commence par "Tako" ? Voyez-vous cela ?

 18   R.  Oui. Alors, "Burazer," tu m'entends.

 19   Q.  Très bien. Il s'agit du même terme que celui que nous avions vu lors

 20   des écoutes téléphoniques du 13 juillet, n'est-ce

 21   pas ?

 22   R.  Oui, oui.

 23   Q.  Aux fins de compte rendu, il s'agit de l'écoute téléphonique ici du 15

 24   juillet 1995, 9 heures 54.

 25   Me Ostojic vous a également présenté un certain nombre d'autres

 26   retranscriptions d'écoutes téléphoniques. Pièce 65 ter 3603. Peut-on passer

 27   à la deuxième page, s'il vous plaît ? J'ai un petit problème de numération

 28   de page, je vous demanderais un peu de patience, si vous voulez bien,

Page 24655

  1   voilà, très bien, à peu près au milieu de la page, la page qui apparaît à

  2   la droite de l'écran, vous voyez les propos attribués à M. Beara "Dobro

  3   burazer." Voyez-vous cela ?

  4   R.  "Bien, Broth, mon -- voilà Mrki qui veut t'entendre, qui veut te

  5   parler."

  6   Q.  Très bien. Je souhaiterais passer à présent, si vous le permettez, à la

  7   pièce 65 ter 3607. Désolé, aux fins de compte rendu 3603 correspond à une

  8   écoute téléphonique remontant au 6 juin 1995 entre Tolimir et Beara.

  9   Maintenant, pièce 3607 porte la date du 05/12/1995 entre Mrkovic et Beara.

 10   Et si vous le permettez, je vous demanderais un peu de patience, ERN 7107,

 11   s'il vous plaît. La sixième page à partir du bas de la page termes

 12   attribués à M. Beara : "Neman buraz." Voyez-vous ces termes ?

 13   R.  "Non, je n'ai pas, burazer. Il s'agit de la direction évidemment de

 14   nous dire, de nous rendre. Une seconde, s'il te plaît." Je crois que --

 15   excusez-moi, dans cet enregistrement audio, je crois qu'on devrait le lire

 16   "burazer." Je vous en prie, voulez-vous me renvoyer dans le temps un petit

 17   peu ? Donnez-moi le temps de l'interception et la date ?

 18   Q.  Je peux vous donner la date, il me semble vous avoir signalé qu'il

 19   s'agissait du 5 décembre 1995. Pour ce qui est de l'heure, je ne peux pas

 20   vous la communiquer, mais je peux la chercher si vous en avez besoin. Dans

 21   l'intervalle, je vais confirmer --

 22   R.  Oui, oui, ici dans l'enregistrement audio on peut entendre "burazer."

 23   C'est une faute de frappe qui s'est glissée dans cette version en

 24   transcription, d'ailleurs il y a pas mal d'erreurs qui se sont glissées

 25   comme ça, mais on voit bien "burazer," là-bas. Je vous remercie.

 26   Q.  Très bien. Est-ce cela s'écarte d'un point de vue linguistique des

 27   autres moments où vous avez eu l'occasion d'observer ce terme dans d'autres

 28   écoutes téléphoniques ?

Page 24656

  1   R.  Dans quel sens ? Dites-vous "buraz" et burazer" ? C'est là où vous

  2   cherchez des écarts ? Avec votre permission, puis-je dire que "sjor" et

  3   "burazer" n'ont pas la même signification. "Sjor" représente un chakavisme,

  4   un élément de dialecte chakavien et que l'on ne peut rencontrer ou entendre

  5   que dans les régions littorales. Il s'agit d'un romanisme, ça vient d'une

  6   langue romane. Alors que "burazer" c'est un emprunt au turc, c'est un

  7   turcisme et qui est emprunté dans l'ensemble des régions où vivaient les

  8   Serbes.

  9   Mon frère, il y a cinq jours, m'a appelé et m'a dit comme suit : "Burazer,

 10   quand viendras-tu ?" Le secrétaire de l'Académie serbe des sciences et des

 11   arts, Radisav Boskovic, pendant une période de dix années pendant laquelle

 12   il a rempli la fonction qui est la sienne, des centaines de fois, en me

 13   parlant, a justement emprunté des termes parmi lesquels le terme de

 14   "burazer" figurait. Or, on emprunte ce terme si on veut mettre l'accent sur

 15   tel ou tel élément des propos, mais d'ordinaire pour faire en sorte qu'on

 16   formule un jugement qui tient place d'un autre jugement : ce n'est pas

 17   comme ça, mon cher burazer, mon très cher frère. Cela est présent dans des

 18   émissions de télévision de la station de télévision de Belgrade.

 19   D'ailleurs, on n'a qu'à feuilleter les différents dictionnaires de la

 20   langue serbe. Il y a une formule abrégée, "buraz", de "burazer," qui semble

 21   être plus fréquente en Bosnie qu'en Serbie. Donc le terme de "burazer" n'a

 22   pas été vraiment marqué comme étant dominant.

 23   Q.  Monsieur Remetic, je vous pose ces questions parce que dans votre

 24   rapport vous avez écrit que vous estimiez l'absence des termes "sjor",

 25   "gospon" et "burazer" dans les écoutes téléphoniques que vous avez

 26   examinées. Mais maintenant vous nous dites que ce terme "burazer" n'a

 27   strictement aucun intérêt d'un point de vue linguistique ni aucune

 28   importance. Alors je vous pose la question : pourquoi est-ce que vous avez

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  1   accordé tant d'importance dans votre rapport à ce terme ?

  2   M. OSTOJIC : [interprétation] Je formule une objection. Je crois que le

  3   bureau du Procureur est en train d'essayer de faire une représentation

  4   inexacte du rapport du professeur.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Vanderpuye.

  6   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je peux lire ce qui figure dans le

  7   rapport.

  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Madame Fauveau.

  9   Mme FAUVEAU : -- de cette conversation --

 10   M. VANDERPUYE : [interprétation] -- il s'agit de la page 17 dans le

 11   rapport, deuxième paragraphe de la version anglaise, où il est dit : "Le

 12   nom 'sjor' représente un emprunt typique des langues romanes qui trouvent

 13   ses racines essentiellement dans les zones du littoral et qui indiquent

 14   qu'une personne utilisant ce terme a vécu sur le littoral pendant un

 15   certain temps. Ceci étant dit, dans le texte utilisé dans 18

 16   transcriptions, il n'apparaît qu'une seule fois. C'est là un élément

 17   symptomatique dans la mesure où les termes tels que 'sjor' 'gospon'

 18   'burazer', entre autres, apparaissent fréquemment dans le langage parlé

 19   quotidien de ceux qui utilisent ces langues alors que ces termes

 20   n'apparaissent pas dans les transcriptions d'écoute que j'ai examinées."

 21   Q.  Monsieur le Témoin, j'affirme que, dans les écoutes téléphoniques dont

 22   vous avez pu voir les transcriptions, on voit apparaître le terme "burazer"

 23   et c'est d'ailleurs ce qui figure dans votre rapport.

 24   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Ostojic.

 25   M. OSTOJIC : [interprétation] Non, je crois qu'il y a là une représentation

 26   inexacte --

 27   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Comment peut-il représenter de façon

 28   inexacte ce qui s'est dit s'il fait la lecture du rapport ?

Page 24658

  1   M. OSTOJIC : [interprétation] Parce que, dans sa question --

  2   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous demande de vous arrêter, s'il

  3   vous plaît, Maître Ostojic. Monsieur le Témoin, répondez, s'il vous plaît.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur, ce que vous venez de lire ne

  5   concerne que le terme de "sjor", c'est seulement le terme de "sjor" qui est

  6   intéressant ici, lequel substantif devrait pouvoir être entendu

  7   fréquemment, car d'ordinaire les mots du type "sjor" "gospon" et "burazer"

  8   -- "burazer" est utilisé, mais pas "sjor". Voilà pourquoi j'ai dit que ceci

  9   était insuffisant pour moi. Monsieur, si vous me le permettez, dans le

 10   fragment précédent, nous devons lire pour "burazer" même l'emprunt en turc.

 11   "Burazer" sous forme abrégée "buraz", territorialement parlant, ne se voit

 12   pas limité, encore que ce terme se fait plus fréquent dans les régions

 13   occidentales, par conséquent, celle de Bosnie. Là précisément, dirais-je,

 14   dans la pratique quotidienne peut-on l'entendre à la télévision, à la radio

 15   et dans la communication directe entre les personnes, le terme "burazer"

 16   est entendu également pratiqué en Serbie. Or, "sjor" et "burazer" n'ont pas

 17   la même signification dans l'affaire qui nous concerne de très près ici.

 18   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 19   Q.  Est-ce que vous contestez le fait que M. Beara utilisait le terme

 20   "burazer" ? Est-ce que vous adoptez une position contraire à cette

 21   affirmation ?

 22   R.  Non, je ne conteste pas qu'il ait pu utiliser ce terme, je ne le

 23   conteste pas non plus lorsqu'il s'agit de parler de moi, de mes proches, de

 24   mes parents, cousins et amis. Toutes les fois où mon frère veut me parler,

 25   il m'appelle et me dit : "Burazer." Mais, Monsieur, pour autant, il n'y a

 26   pas de "sjor" chez nous, c'est ça qui semble être significatif, c'est ce

 27   qui indique le fait qu'il y a une répétition de ce terme. Mais ceci n'est

 28   pas le cas pour parler de "sjor".

Page 24659

  1   Q.  Très bien. Le terme "burazer" utilisé dans les écoutes téléphoniques

  2   que vous avez examinées, est-ce que vous vous en êtes servi afin de savoir

  3   si le locuteur en question était M. Beara ou pas ? Ou est-ce qu'au

  4   contraire, vous avez laissé de côté complètement ce terme ?

  5   R.  Monsieur, quant à moi, j'ai tout pris en considération; quand je dis

  6   tout, cela semble insuffisant. Le corpus pris dans son ensemble était petit

  7   quantitativement parlant. C'est ce que je voulais dire à plusieurs

  8   reprises. Du point de vue linguistique, il s'agit de parler d'une

  9   latéralité également et d'un certain appauvrissement, parce que les ordres

 10   sont très courts, les réponses très courtes, les questions elles aussi,

 11   sans que l'on puisse deviner le contexte et le sens. Pris dans son

 12   ensemble, lorsque je traite du terme "burazer" pour les parties

 13   occidentales du pays, c'est le terme de "buraz" qui me semble être plus

 14   près. En Serbie, ce serait "burazer" et en Bosnie, "buraz". Quant à moi,

 15   j'ai considéré ce terme comme étant l'un des éléments pour procéder à un

 16   certain pesage pour voir quels sont les faits qui vont en faveur de ce que

 17   je dis pour supposer qu'il s'agissait là, dans ce temps-là de M. Beara. Or,

 18   dans mon rapport j'ai dit que je me suis occupé de cette besogne de sorte à

 19   chercher d'abord des éléments sous forme de preuve comme étant point

 20   d'appui pour moi, pour bien fonder la chose, pour que le tout dans la

 21   transcription puisse être lié à M. Beara.

 22   Q.  Oui, je comprends bien, mais ce que je souhaiterais, c'est que vous

 23   répondiez à oui ou par non à ma question. Est-ce que vous vous êtes servi

 24   de ce terme pour déterminer s'il s'agissait bien de M. Beara ou pas dans

 25   ces écoutes téléphoniques ?

 26   R.  Oui, j'ai pris cela en considération, c'est-à-dire que j'ai dû

 27   respecter cela comme étant un fait, mais puis-je vous le redire, ce qui me

 28   semble substantiel, c'était de voir la situation pour traiter des variantes

Page 24660

  1   à titre de distinctions à faire, et lesquelles distinctions sont tout à

  2   fait claires.

  3   Q.  Très bien. Donc vous l'avez pondéré de façon différente en termes

  4   d'importance dès lors qu'il s'agissait d'identifier le locuteur. C'est bien

  5   ce que vous êtes en train de nous dire ?

  6   R.  Qu'est-ce que vous voulez dire par là, que j'ai peut-être beaucoup trop

  7   appuyé en apportant trop de poids ou quoi ? Pour moi, aura du poids

  8   beaucoup plus le cas où on dit "podjeliti" ou "podijeliti" sans parler de

  9   "burazer", parce que du point de vue variante territoriale, le terme

 10   "burazer" n'et pas quelque chose de significatif, de révélateur, alors que

 11   ceci est le cas. Si par exemple, "sjor" a été répété autant de reprises que

 12   le terme de "burazer", alors "sjor" aurait vraiment du poids.

 13   Q.  Très bien. Merci beaucoup. Vous êtes linguiste, n'est-ce pas ? Vous

 14   connaissez le terme "dialectijge" [phon], n'est-ce pas ? Vous connaissez ce

 15   terme, n'est-ce pas, Monsieur ?

 16   R.  Mais bien sûr que je connais. Bien sûr, je sais ce que ça veut dire,

 17   idiodialectique.

 18   Q.  Si vous savez ce que c'est, pourriez-vous nous dire ce que signifie le

 19   terme idiodialectal ?

 20   R.  Quand on parle de terme idiodialectal, je considère qu'il s'agit là

 21   d'une expression linguistique propre à un individu, laquelle expression

 22   s'était formée pendant un temps certain et qui fait qu'on peut reconnaître

 23   la personne qui emprunte ce dialecte. C'est un terme qui désigne tel ou tel

 24   individu.

 25   Q.  C'est exact, n'est-ce pas, il peut également correspondre à certains

 26   schémas récurrents dans le parler, n'est-ce pas ?

 27   R.  Bien sûr.

 28   Q.  Moi, je suis anglophone, et j'utilise le terme "man" assez fréquemment

Page 24661

  1   dans mon parler. Et dans les schémas récurrents de mon parler, c'est

  2   quelque chose qui est aisément identifiable. Est-ce que vous vous êtes

  3   penché sur la façon de parler de M. Beara, indépendamment du dialecte dans

  4   lequel il s'exprimait, dès lors qu'il s'agissait d'identifier la personne

  5   dont on entendait la voix dans ces écoutes téléphoniques ?

  6   R.  Pendant sept ou huit heures, sept heures plus précisément, j'ai été en

  7   compagnie de M. Beara. Je l'ai écouté parler. Personnellement, je suis

  8   intervenu dans des conversations. La seule chose que je suis capable de

  9   dire maintenant là-dessus, c'est que ce qui m'en a imposé, c'est que lui en

 10   impose par son calme, le caractère avisé, par sa tenue. J'ai pu me rendre

 11   compte du fait qu'il empruntait le parler de Split, j'ai pu me rendre

 12   compte du fait que pour parler de sa formation littéraire, tout vient

 13   d'ordinaire de la langue littéraire croate; et je n'ai pas eu suffisamment

 14   de temps pour me rendre compte du fait très précisément de mots ou de

 15   phrases ou de certains points d'appui : "Hé, homme", et cetera, ou

 16   "burazer", et cetera. Par conséquent, je n'ai pas pu vraiment me rendre

 17   compte d'une grande fréquence à laquelle il empruntait de tels éléments, il

 18   n'y a pas eu suffisamment de temps. On n'a pas eu vraiment de possibilités.

 19   Si on était dans une conversation beaucoup plus longue, un peu détendue,

 20   j'aurais pu peut-être m'en rendre compte, mais il m'a été tout à fait aisé

 21   de voir que j'avais en face de moi un Cakavien, un Splitois.

 22   Q.  La raison pour laquelle je vous pose la question, et je tiens à être

 23   certain que nous parlions bien de la même chose. Lorsque vous nous avez dit

 24   que vous n'aviez pas eu l'occasion de vous pencher là-dessus, vous parlez

 25   de ces sept à huit heures d'entretien avec

 26   M. Beara au mois d'avril. C'est exact, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Moi, ce dont je vous parle, c'est de la chose suivante, est-ce que vous

Page 24662

  1   avez pu faire des observations s'agissant de cela ayant trait aux écoutes

  2   téléphoniques sur lesquelles on entend la voix qu'on attribue à M. Beara ?

  3   En d'autres termes, y a-t-il des points communs entre la forme

  4   idiodialectale trouvée dans les écoutes téléphoniques que l'on attribue à

  5   M. Beara séparément du point de vue de l'analyse ou logique du dialecte

  6   parlé dans ces écoutes téléphoniques ?

  7   R.  Comme vous avez pu vous rendre compte à la lecture de l'analyse faite

  8   par moi, le bureau du Procureur lui aussi a pu conclure, si je ne m'abuse

  9   pas, que tel est le cas, que dans un certain pourcentage, ces

 10   transcriptions ne sont pas attribuées à Beara. Ensuite, il y a du point de

 11   vue intervention lieu de parler de fragmentation, tout est court, tout est

 12   fragmenté, et on n'est pas en mesure de porter un jugement linguistique

 13   quelconque là-dessus. Et quatrièmement, il a été dit que toutes ces

 14   transcriptions, toutes ces interceptions ne s'accordent pas du point de vue

 15   linguistique. Il a été dit clairement et de façon tout à fait stricte que

 16   souvent il y a des écarts à signaler entre les transcriptions et les textes

 17   retapés.  Je voudrais rappeler à votre attention la date du 1er août, par

 18   exemple, à savoir les conversations qui ont été menées au cours de la

 19   matinée et au cours de l'après-midi du même jour, j'ai dit dans mon texte

 20   qu'il s'agit là d'un mélange. Voyez-vous, Monsieur, un individu, sans faire

 21   des efforts vraiment importants, ne pourrait jamais le faire. Moi, qui suis

 22   dialectologue, spécialiste, je pourrais le faire, après une si longue

 23   carrière, je peux le faire. Secundo, j'ai parlé par exemple du rapport, et

 24   j'ai pu noter la date du 15 juillet, il y a eu un dilemme où il a fallu

 25   trancher, s'agissait-il d'une ou de trois transcriptions. Je l'ai appelé

 26   "la peau de léopard". Que s'est-il passé avec la peau de léopard ? Que

 27   peut-on voir comme étant une particularité à regarder cette peau de léopard

 28   s'il y a tant de distinctions à signaler ?

Page 24663

  1   Bref, je voulais dire que dans les transcriptions, il n'y a pas

  2   suffisamment de texte qui devrait être consistant, cohérent, pour que l'on

  3   puisse faire ressortir une particularité propre au locuteur -- à un

  4   locuteur. Je voudrais rappeler à votre attention comme suit : tous les

  5   termes attribués supposément -- et supposément par l'opérateur, attribués à

  6   Beara, ce que j'ai dû faire entrer dans tout cela, dans mon texte, je n'ai

  7   reçu que deux pages et demie. La moitié de cela aurait pu être rejetée

  8   comme étant évidemment des détails tout à fait anodins, quelque chose de

  9   tout à fait sans importance significative. Pour le reste, il y a évidemment

 10   force et moult, je dirais, distinctions à prendre en considération et à

 11   signaler à votre attention.

 12   Q.  Très bien. Merci beaucoup, Monsieur Remetic.

 13   Je souhaiterais à présent savoir ceci, et ce que j'essayais de vous

 14   demander, c'était la chose suivante. Vous voyez les termes "burazer,"

 15   "buraz," qui apparaissent dans un certain nombre d'écoutes téléphoniques.

 16   J'ai attiré votre attention sur ce fait, et apparemment cela a été attribué

 17   à M. Beara. 65 ter 3607, donc du

 18   5 décembre 1995. Ces termes apparaissent également à une, deux ou trois

 19   autres reprises, et dans cette écoute téléphonique-là ainsi que dans celle

 20   du 6 juin 1995 à une reprise. Le terme apparaît dans l'écoute téléphonique

 21   - un tout petit peu de patience, s'il vous plaît - remontant au 13 août

 22   1995, une, deux fois. Le terme apparaît dans une autre écoute téléphonique.

 23   Il s'agissait de la 3627 65 ter. La 3626 65 ter également est une pièce à

 24   conviction où on trouve ce terme à une, deux, trois, quatre reprises. Et on

 25   retrouve ce terme dans l'écoute téléphonique portant la date du 15 juillet

 26   1995 que nous avons examinée ensemble, Monsieur, ce [imperceptible] une

 27   fois. Le terme apparaît dans l'écoute téléphonique du 13 juillet 1995 deux

 28   fois, comme je vous l'ai dit. Et la cote 65 ter pour cette écoute est 1130.

Page 24664

  1   Par ailleurs, je ne sais pas si vous avez accordé beaucoup

  2   d'attention à la question de savoir si, oui ou non, M. Beara avait tendance

  3   à utiliser des termes empruntés à des langues étrangères dans son parler.

  4   Est-ce que cela est une des caractéristiques de sa façon de parler ? Est-ce

  5   que vous vous y êtes intéressé ? En fait, je souhaiterais attirer votre

  6   attention, si vous le permettez, sur l'écoute téléphonique du 1er août 1995.

  7   Il s'agit de la pièce à conviction 1380 65 ter; c'est exact ? Oui, oui,

  8   c'est bien cela. Ecoute téléphonique à 22 heures 45. Il y a un certain

  9   nombre de termes sur lesquels je souhaiterais attirer votre attention dans

 10   cette écoute téléphonique. Je pense que nous l'avons. Très bien.

 11   Je vous propose de porter votre attention sur la deuxième page de la

 12   version en B/C/S. Très bien. Très bien. Dernier paragraphe de cette écoute

 13   qui se termine par les termes "ceka dalje." Vous le voyez, à droite de

 14   l'écran devant vous, à peu près au milieu de la page, "ceka dalje."

 15   D'accord ?

 16   R.  [aucune interprétation]

 17   Q.  Ensuite, la phrase qui est juste au-dessus de celle-ci --

 18   R.  [aucune interprétation]

 19   M. LE JUGE AGIUS : [hors micro]

 20   [interprétation] Un petit instant, Monsieur le Professeur, un petit

 21   instant, si vous le permettez. Je ne sais pas si je suis le seul à avoir

 22   l'interprétation en français, donc il y a un petit problème. Vous pouvez

 23   poursuivre.

 24   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 25   Q.  Permettez-moi, Monsieur, de manière à être sûr que nous savons bien de

 26   quoi nous parlons. Vous voyez le terme "burazer," numéro 999 au milieu de

 27   la page. Vous voyez cela ? Le paragraphe qui précède cette mention "broj"

 28   [phon] 999, juste au-dessus.

Page 24665

  1   R.  Oui, je vois bien.

  2   Q.  Donc vous voyez "ijerko ova" ?

  3   R.  Encore que non, je ne vous suis pas dans le texte. Oui. Alors, "Oui, je

  4   suis là." Je veux vous donner -- non, non, non. "Alors, je suis là, oui."

  5   Q.  Juste au-dessus de cela.

  6   R.  Oui, maintenant j'y suis. Je vous suis dans le texte maintenant. Encore

  7   celui-là d'Uzice me dit. Oui, d'accord.

  8   Q.  Très bien, nous y sommes. Dans ce paragraphe, vous voyez le terme

  9   "drugi" et ensuite "befel" [phon]. 

 10   R.  "Befel" ? Oui. Le second "befel" c'est "attends" et puis "tu n'as qu'à

 11   attendre," la suite.

 12   Q.  Vous savez ce que signifie le terme "befel" ?

 13   R.  L'ordre. Cela veut dire un ordre, un ordre donné par quelqu'un.

 14   Q.  Est c'est bien un mot d'origine allemande, n'est-ce pas ?

 15   R.  Befel, befel. Non, je ne le sais pas, je dois le reconnaître.

 16   Q.  Très bien.

 17   R.  [aucune interprétation]

 18   Q.  Qu'en est-il du terme "muchachos" ? C'est un terme que vous connaissez

 19   ?

 20   R.  Los muchachos. Non. Pour ce qui est évidemment de mes activités à moi,

 21   cela ne m'est pas très connu.

 22   Q.  Très bien --

 23   R.  Excusez-moi. Vous m'avez posé la question tout à l'heure au sujet du

 24   terme "burazer." Si vous me le permettez, il y a toute une série et une

 25   suite de questions. Essayons de tirer au clair le terme de "burazer," s'il

 26   vous plaît, si cela est possible. Sur la base d'une analyse à faire du

 27   terme de "burazer" et si le terme apparaît fréquemment, je n'ai pas pu

 28   attribuer la transcription telle que dans le texte à Ljubisa Beara. En

Page 24666

  1   premier, je veux que vous compreniez bien : chaque Ljubo des forces armées

  2   en parlant de "burazer" -- en empruntant ce terme-là, voilà, mon frère me

  3   traite de "burazer," moi, tout le long du pays, et voilà où est le

  4   problème.

  5   Q.  Très bien. Mais la question que je vous pose est la suivante : est-ce

  6   que vous vous êtes intéressé à la question de savoir si M. Beara avait

  7   tendance à utiliser des termes empruntés à des langues étrangères qui

  8   n'appartiennent pas à son dialecte et qui ont une influence étrangère dans

  9   sa façon de parler, dans sa façon de parler, lui en tant qu'individu et non

 10   pas lui en tant que membre de la communauté cakavienne, ékavienne, ou

 11   communauté locutrice de cette façon de parler ?

 12   R.  Je n'ai pas pu me rendre compte du fait que lui devrait procéder ainsi

 13   plus que tous les autres hommes avec lesquels lui a communiqué. A titre

 14   d'exemple, avec votre permission, puis-je vous dire que dans telle ou telle

 15   conversation, vous avez la possibilité d'entendre, c'est comme ça, et puis

 16   "schluss." Si on ne connaît pas évidemment la langue allemande, alors là,

 17   on s'y perd, mais c'est comme ça le point, c'est tout. Voyez-vous les gens

 18   qui empruntent d'autres langues étrangères, il n'y a plus de frontière.

 19   Nous sommes tous sans cesse, sujets à des impacts étrangers. On écoute la

 20   radio, la télévision et on est forcément censé utilisé des termes

 21   étrangers. Je n'ai pas pu me rendre compte de fait que Ljubisa Beara aurait

 22   été différent de moi ou d'autres personnes.

 23   Q.  Peut-être ne formulais-je pas ma question de façon suffisamment claire.

 24   Lorsque vous avez examiné le texte des écoutes téléphoniques dont vous avez

 25   fait l'analyse, vous êtes-vous intéressé à la question de savoir s'il y

 26   avait dans ce texte, le texte des propos attribués à M. Beara, des termes

 27   étrangers; et est-ce que vous vous êtes servi de ce critère pour déterminer

 28   si ces propos étaient effectivement tenus par M. Beara ou pas ? C'est la

Page 24667

  1   seule question que je vous pose. Si ce n'est pas le cas, dites non. Si en

  2   fait vous -- vous, vous en êtes servi, alors dites-nous oui.

  3   R.  Oui, mais entendons-nous. Moi, je me suis occupé de dialecte, de

  4   dialectisme, c'est le terme de "sjor" qui a offusqué mon regard et puis

  5   sans plus apparaître. Et je vous ai dit que ce qui n'a pas été marqué,

  6   c'est le terme de "burazer." Et je n'ai pas vraiment prêté une attention

  7   toute particulière à des emprunts de langues étrangères et lesquels

  8   emprunts ne se font pas très fréquents dans toute cette instruction.

  9   Q.  A vrai dire il n'y en a pas vraiment beaucoup des transcriptions

 10   d'écoutes téléphoniques qui sont attribuables à

 11   M. Beara, n'est-ce pas ?

 12   R.  Monsieur, d'après moi, une seule attribution faite mais là aussi il

 13   faut bien se démarquer, il faut prendre des réserves. A mon sens, si pour

 14   autant vous avez des arguments solides pour prouver qu'il s'agit évidemment

 15   de termes à attribuer à Beara, je vous en prie, procéder. Nous sommes en

 16   date du 1er août, la première conversation semble avoir le moins de

 17   décalage, le moins d'écart, semble être le moins en collision avec Ljubisa

 18   Beara d'aujourd'hui que nous avons en face de nous.

 19   Q.  Très bien. A ce moment-là, ma question est la suivante, lorsque vous

 20   avez vu le terme "befel" dans l'écoute téléphonique du 1er août 1995 à 22

 21   heures 45, numéro de pièce à conviction 65 ter 1380, est-ce que vous vous y

 22   êtes intéressé après avoir vu le 65 ter 3626 dans lequel apparaissent les

 23   termes "los muchachos" dans les propos supposés attribuables à M. Beara ?

 24   Est-ce que vous vous y intéressé à cette question ? Est-ce que vous vous y

 25   êtes intéressé dans le contexte de la pièce à conviction 65 ter 3627 où on

 26   voit apparaître le terme "professional," en anglais dans le texte dans les

 27   propos attribués à M. Beara ? Est-ce que vous vous y êtes intéressé, oui ou

 28   non ?

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  1   R.  Monsieur, il y a un dicton serbe -- dicton populaire serbe qui dit

  2   qu'écouter même en présence d'un empereur, une torche, un bout de bois ne

  3   saurait être suffisant pour en faire un grand feu. Je voulais dire qu'un

  4   seul exemple extirpé comme cela ne suffit par pour qu'on puisse formuler un

  5   jugement de principe -- de base. Or, en bavardant avec des gens, vous

  6   pouvez toujours entendre -- dire donc : "Mon vieux" - pour plaisanter -

  7   "est-ce que ta femme t'a envoyé en befel, est-ce qu'elle t'a donné un tel

  8   ou tel ordre pour faire quelque chose dans la vie, la vie de tous les jours

  9   ?" Par conséquent, ce terme n'a pas été vraiment marqué. Il ne sera pas à

 10   titre d'indication, ne suffit pas pour que l'on puisse avec sérieux

 11   identifier le locuteur en question. Pour faire un jugement ne serait-ce que

 12   pour parler de la profession qui est la mienne, les jugements pourraient

 13   porter évidemment doivent être fondés sur des faits, plus de faits vous

 14   avez, vous, votre jugement est mieux fondé. Et qui plus est, il y a des

 15   contre arguments, il y a ces éléments-là qui sont de nature à éliminer ce

 16   que vous avez voulu avancer tout à l'heure.

 17   Q.  Je comprends bien cela; merci beaucoup pour cette réponse. Mais ce qui

 18   est intéressant c'est que vous faites référence à ce proverbe, l'habit ne

 19   fait le moine ou l'équivalent dans votre langue --

 20   R.  Oui, oui, une hirondelle, dirais-je. 

 21   Q.  L'hirondelle ne fait pas le printemps, mais, en fait, vous, vous

 22   analysez non moins de neuf écoutes téléphoniques, supposées être

 23   attribuables à M. Beara, le tout sur une période d'un mois à peu près.

 24   C'est à peu près le laps de temps qui s'est écoulé au cours duquel il y a

 25   eu des écoutes téléphoniques et qui incluait deux pages et demie de texte

 26   que vous avez pu, dont vous n'avez pas tenu compte, que vous pouviez

 27   exclure que M. Beara était le locuteur dans plusieurs de ces écoutes

 28   téléphoniques. Ceci se base sur sept ou huit heures d'entretien initié avec

Page 24669

  1   M. Beara, mais je passerais aux éléments spécifiques dans quelques

  2   instants.

  3   R.  Oui, mais, Monsieur, quant à moi, moi, j'ai consulté toutes les

  4   transcriptions de ces conversations interceptées. Pour certaines d'entre

  5   elles, il n'y a pas suffisamment de faits linguistiques. Moi, je disais

  6   toujours que je n'ai pas sur la base de quoi fait telle ou telle

  7   attribution, attribué tel ou tel propos, partie intégrante de la

  8   transcription faite à M. Beara, notamment dans le contexte des propos qui

  9   sont ceux d'aujourd'hui de M. Beara.

 10   Q.  Très bien. Si vous le permettez, je souhaiterais passer à l'annexe de

 11   votre rapport, 2D551. Alors si on pouvait faire apparaître cela à droite,

 12   ce serait bon peut-être d'avoir la version anglaise également à l'écran,

 13   sur le prétoire électronique, très bien.

 14   Alors je souhaiterais revenir sur les codes que vous utilisés à droite de

 15   votre écran, c'est peut-être en deuxième page dans la version anglaise.

 16   Quoi qu'il en soit vous l'avez décrit au cours du contre-interrogatoire,

 17   mais le zéro indique que vous disposiez de données insuffisantes, donc

 18   j'imagine données insuffisantes pour pouvoir tirer quelques conclusions

 19   quant aux catégories indiquées au haut des différentes colonnes qui sont le

 20   participant s'est révélé être ou a été révélé comme étant Beara. Deuxième

 21   colonne le dialecte révèle-t-il clairement l'origine du locuteur. Troisième

 22   colonne, le dialecte est-il étroitement lié à une certaine région.

 23   Quatrième colonne, le dialecte du locuteur est-il propre de la façon de

 24   parler actuelle de Ljubisa Beara ? Lorsque vous faites apparaître un zéro

 25   dans la rangée qui correspond à la colonne en question, cela signifie que

 26   vous disposiez de trop peu de données pour répondre à la question posée au

 27   haut de la colonne en question, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Très bien. Lorsque vous faites apparaître un signe moins, c'est

  2   évident, cela signifie qu'il n'est pas satisfait au critère en question ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Et un plus, le contraire, qu'il est -- qui satisfait aux critères,

  5   n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Lorsque vous faites apparaître un zéro dans la case, cela n'exclut pas

  8   la possibilité que M. Beara soit un éventuel participant à l'entretien que

  9   vous avez examiné, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui, par le zéro on n'a présenté que les conversations où pratiquement

 11   il n'y a pas de parler, il n'y a pas de mots, il n'y a pas de texte pour

 12   que l'on puisse faire autrement que de façon indirecte attribuer tout cela

 13   à tel ou tel individu.

 14   Q.  Ma question est liée à ceci, l'indication zéro est-elle une désignation

 15   inclusive, exclusive ou neutre ?

 16   R.  Pas inclusive, je dirais, pour attribuer cela à M. Beara, je veux dire

 17   tout simplement qu'il nous manque des éléments ou des données sur la base

 18   desquelles on pourrait peut-être considérer comme inclusives.

 19   Q.  Très bien. Parmi les écoutes téléphoniques que vous avez eu l'occasion

 20   d'examiner, l'écoute téléphonique du 13 juillet 1919, il s'agit de la pièce

 21   à conviction 65 ter 1147, cette écoute téléphonique ne fait pas état de M.

 22   Beara et, par conséquent, vous avez indiqué qu'apparemment elle n'avait

 23   aucun intérêt d'un point de vue linguistique, ou en tout cas ne vous

 24   permettait pas d'établir quelque valeur linguistique pour cette écoute

 25   téléphonique. C'est peut-être plus précis, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Pour ce qui est de l'écoute téléphonique du 13 juillet 1945, il s'agit

 28   de la pièce à conviction 65 ter cote 1148, même conclusion, vous ne pouvez

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  1   pas extrapoler et indiquer que dans cette écoute téléphonique on peut

  2   disposer d'informations suffisantes pour identifier M. Beara; il y a une

  3   référence à M. Beara dans cette écoute téléphonique mais pas en tant que

  4   personne participant à cet entretien, n'est-ce pas ? C'est une référence à

  5   Ljubisa, il faudrait être précis.

  6   R.  On en fait mention, mais je pense que le bureau du Procureur, quant à

  7   lui, pensait à Ljubisa Borovcanin. Monsieur, si je ne me trompe pas,

  8   d'après le bureau du Procureur il s'agit d'un autre Ljubisa, il ne s'agit

  9   plus de Ljubisa Beara.

 10   Q.  Je suis d'accord, Monsieur Remetic, mais j'imagine qu'à la suite de

 11   votre analyse de ces écoutes électroniques, vous avez employé un jugement

 12   indépendant, ce n'est pas ce que nous avancions qui vous intéressait, ni

 13   les conseils de la Défense, j'image ?

 14   R.  Oui, tout à fait.

 15   M. OSTOJIC : [interprétation] Objection quant à la façon dont la question

 16   est posée, c'est une représentation erronée des choses. Je crois que

 17   l'Accusation ne peut pas dire que nous avons interprété ces écoutes

 18   électroniques puisque nous ne l'avons pas fait, donc, c'est une fausse

 19   représentation du type de travail que nous faisons, et le témoin n'a fait

 20   que répondre aux questions qui lui étaient posées.

 21   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Demandons au témoin afin de nous

 22   confirmer qu'il a bien employé un jugement tout à fait indépendant, qu'il a

 23   agi en tant que témoin expert complètement indépendant. C'est tout ce que

 24   M. Vanderpuye voulait dire. Passons, puisque le témoin a déjà répondu.

 25   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 26   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 27   Q.  Passons maintenant à la conversation interceptée du

 28   13 juillet, celle qui a eu lieu à 13 [comme interprété] heures 05 et pour

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  1   ce qui est du compte rendu d'audience, il s'agit de la pièce 65 ter 1153.

  2   Dans ce cas-ci, on fait référence à Ljubo, et ceci ne vous a pas permis de

  3   faire des conclusions, vous n'aviez pas suffisamment d'informations

  4   linguistiques ?

  5   R.  Pour un linguiste, oui, je n'ai pas de travail à effectuer là.

  6   Supposément, c'est un monologue du général Mladic, mais ce n'était pas ma

  7   tâche à moi d'analyser ce monologue.

  8   Q.  Fort bien. Pour ce qui est maintenant de l'écoute électronique du 15

  9   juillet à 9 heures 52, pièce 65 ter portant la cote 1177 pour le compte

 10   rendu d'audience, encore une fois il s'agit d'une entrée indiquant que

 11   Beara cherche le général Zivanovic, et vous n'avez pas pu tirer de valeur

 12   linguistique à la suite de cette écoute électronique, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui. L'opérateur dit ce que dit l'opérateur, moi, j'analyse ce qui est

 14   indiqué sous B, Beara, colonel, dépendamment du code, mais cela n'y figure

 15   pas.

 16   Q.  D'accord. Merci. Ecoute du 16 juillet à 22 heures 33. Vous avez mis des

 17   zéros partout, et c'est une conversation interceptée qui ne vous a pas

 18   permis de tirer de conclusion linguistique, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui, c'est exact.

 20   Q.  Très bien. Passons maintenant à l'écoute du 23 juillet 8 heures 05,

 21   pièce 65 ter 1310. On fait allusion à Ljubo ici, mais non pas en tant que

 22   locuteur. Et donc vous n'avez pas pu tirer de valeur linguistique là non

 23   plus, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, c'est exact. Vous avez raison. Tout à fait. Oui. Oui, je n'ai rien

 25   indiqué. C'est un vide qui y figure.

 26   Q.  Le 2 août, 13 heures. Pièce 65 ter 1394 [comme interprété]. Encore une

 27   fois dans cette conversation interceptée on fait allusion à Beara mais ce

 28   n'est pas le locuteur ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Cette écoute ne vous a pas permis de tirer de conclusion linguistique,

  3   elle ne vous a pas donné d'information suffisante, est-ce que c'est exact ?

  4   R.  Oui, c'est tout à fait juste.

  5   Q.  D'accord. Passons maintenant à l'écoute du 16 juillet, 11 heures 11.

  6   Pièce 65 ter 1187, et vous nous avez dit que même si M. Beara s'identifie à

  7   un endroit en tant que lui-même, vous n'avez pas suffisamment

  8   d'informations linguistiques vous permettant de vous livrer à une analyse,

  9   alors vous avez mis le signe de plus pour la question "le locuteur s'est

 10   identifié", mais par la suite, il y a des zéros partout; est-ce que c'est

 11   exact ?

 12   R.  J'essaie de voir, le 16 juillet à 11 heures 11. Oui, effectivement,

 13   c'est ce qui est écrit.

 14   Q.  D'accord. Et le 25 juillet à 7 heures 09. Document 65 ter 1328. Vous

 15   avez mis des signes négatifs pour indiquer que : "Le locuteur ne s'est pas

 16   identifié comme étant Beara," et ensuite vous avez mis des zéros pour ce

 17   qui est des autres catégories, et en fait, dans cette conversation

 18   interceptée, quelqu'un s'est identifié comme étant Ljubo, mais il n'y avait

 19   aucune valeur linguistique pour vous.

 20   R.  C'est exact. Ce n'est pas suffisamment d'informations.

 21   Q.  Donc lorsqu'on parle d'une écoute électronique pertinente pour votre

 22   analyse, ça aurait été celle du 13 juillet à 10 heures 09; l'écoute du 15

 23   juillet à 9 heures 54, 9 heures 55, 9 heures 57 et

 24   10 heures; ensuite, on parle de l'écoute du 1er août à 10 heures 02; et

 25   ensuite du 1er août à 23 heures 08; et le 2 août, celle qui a eu lieu à 19

 26   heure 57.

 27   M. OSTOJIC : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, je crois

 28   qu'il faudrait également mentionner le 1er août, 10 heures 02.

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  1   M. VANDERPUYE : [interprétation]

  2   Q.  Oui, tout à fait. La conversation qui a eu lieu à 10 heures 02 est une

  3   conversation interceptée qui vous permet d'établir un lien direct avec M.

  4   Beara, vous l'attribuez de façon positive à M. Beara.

  5   M. OSTOJIC : [interprétation] C'est une représentation assez erronée, mais

  6   je vais simplement faire une objection pour le compte rendu d'audience.

  7   M. VANDERPUYE : [interprétation] Très bien.

  8   Q.  Donc les autres écoutes ne peuvent pas être attribuées à M. Beara, ce

  9   n'est que quelques-unes ?

 10   R.  Oui. En fait, pour l'une des conversations, je donne une possibilité à

 11   l'une des conversations comme étant celle-là. Mais pour les autres, je n'ai

 12   pas d'élément.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, pour le compte

 14   rendu d'audience, page précédente, page 52, ligne 25, est-ce que ce chiffre

 15   est exact.

 16   M. VANDERPUYE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Juge. Permettez-

 17   moi de retrouver le passage.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La pièce est la pièce 65 ter,

 19   conversation interceptée le 25 juillet à 7 heures 09.

 20   M. VANDERPUYE : [interprétation] Non, en fait, il faudrait lire 1328. Je me

 21   suis trompé, excusez-moi.

 22   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 23   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 24   Q.  Bien. Vous nous avez dit - et dites-moi si je m'abuse - vous n'avez pas

 25   examiné de témoignage des opérateurs de conversations interceptées qui ont

 26   pris part à l'écoute de ces conversations ?

 27   R.  J'ai lu leurs déclarations, j'ai lu les déclarations des opérateurs. Et

 28   comme je l'ai dit hier, certains d'eux sont de ma municipalité, nous sommes

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  1   originaires de la même région. Et j'ai lu leurs déclarations, j'ai compris,

  2   j'ai vu dans quelles circonstances ils travaillaient, c'était des

  3   circonstances assez difficiles. Et j'ai dit hier que les opérateurs et moi

  4   sommes quelque peu des collègues car jusqu'à ce jour, j'ai enregistré plus

  5   de 1 000 heures de conversations sur le terrain et j'ai pu écouter au moins

  6   2 000 heures de conversations, mais pas de ce type-ci. Il s'agit plutôt de

  7   documents sonores me permettant d'examiner ou d'analyser les dialectes.

  8   Monsieur, j'ai également lu la critique de Nijo [phon] ainsi que son

  9   opinion concernant le travail des opérateurs et les conditions dans

 10   lesquelles ces derniers devaient travailler, et nous sommes pour ce qui est

 11   d'un très grand nombre de points d'accord.

 12   Q.  Très bien. Merci. Je le comprends. Mais ce que je voulais vous

 13   demander, c'est simplement de préciser pour le compte rendu d'audience et

 14   de nous dire qu'est-ce que vous avez analysé et qu'est-ce que vous n'avez

 15   pas vu. Je voulais simplement faire une distinction entre les déclarations

 16   et les témoignages, ma question était de savoir est-ce que vous avez

 17   examiné des témoignages de plus outre les déclarations des opérateurs, ou

 18   est-ce que vous n'avez lu que les déclarations des opérateurs ? Est-ce que

 19   vous avez lu leurs témoignages ainsi que leurs déclarations ?

 20   R.  Je crois que j'avais leurs déclarations dans lesquelles on peut lire

 21   qu'ils sont tout à fait conscients du fait qu'ils pouvaient être appelés à

 22   témoigner devant ce Tribunal. L'un d'eux, lorsqu'on lui a demandé s'il se

 23   souvient d'une conversation ou du transcript, je crois qu'il s'agissait de

 24   l'un de ces opérateurs qui sont en lien avec M. Beara et Konjevic Polje, ce

 25   dernier avait dit que l'écriture ressemblait à la sienne, mais qu'un autre

 26   opérateur – (expurgé)

 27   (expurgé). Il ne se souvenait

 28   pas très bien des interlocuteurs et des conversations. Mais il se souvient

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  1   toutefois d'une conversation dans laquelle on faisait état de problèmes

  2   relatifs à un char.

  3   Q.  Très bien, merci. Je vous demanderais de m'accorder quelques instants,

  4   s'il vous plaît.

  5   R.  Oui.

  6   M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, pourrait-on passer

  7   à huis clos partiel, s'il vous plaît, pour quelques brefs instants ?

  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Huis clos partiel.

 10   [Audience à huis clos partiel]

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 27   [Audience publique]

 28   M. VANDERPUYE : [interprétation]

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  1   Q.  Je ne vais pas m'étaler trop longuement sur cette question, mais les

  2   documents dont vous faites état dans votre rapport, les documents que vous

  3   avez examinés, ils sont tous dans le rapport ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  C'est dans la partie 5 de votre rapport ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Vous ne parlez pas de témoignage dans votre liste ?

  8   R.  Non, je crois que c'est une erreur, à ce moment-là. Ce sont leurs

  9   déclarations. Oui, d'accord, appelons-les déclarations et non pas

 10   témoignages, c'est une erreur de termes.

 11   Q.  Très bien, merci. Vous avez mentionné hier, au compte rendu d'audience

 12   page 11, lignes 15 à 20, je ne sais pas si entre-temps on a changé ou

 13   modifié quelque chose, je ne sais pas si ce sont les mêmes numéros, vous

 14   avez dit : "Le niveau de fiabilité pour déterminer l'identité est

 15   directement proportionnel à la qualité des faits linguistiques et des

 16   capacités du témoin expert qui essaie de déterminer la question. Plus le

 17   corps du texte est riche, plus il y a de chances de succès." Ensuite, vous

 18   parlez "des faits linguistiques…" - il semblerait qu'il y a quelque chose

 19   qui n'a pas été transcrit au compte rendu d'audience - et vous dites :

 20   "…fait en sorte que le travail devient plus difficile."

 21   Comme vous avez dit, le corps du matériel que vous avez employé pour votre

 22   analyse, vous n'aviez que deux pas et demi, n'est-ce

 23   pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Vous avez dit que la moitié de ce matériel ne pouvait pas vous servir,

 26   qu'on pouvait simplement le mettre de côté ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Donc, vous aviez une page et un quart d'informations utiles qui

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  1   pouvaient vous servir à l'analyse ?

  2   R.  Je n'ai pas pris de calculatrice, je n'ai pas mesuré. Il y a certaines

  3   choses qui sont pertinentes et certaines, non, mais c'est un document --

  4   c'est un matériel très pauvre, très restreint. Je n'ai jamais travaillé ou

  5   procédé à aucune analyse de toute ma carrière professionnelle avec si peu

  6   de matériel -- avec un matériel aussi pauvre.

  7   Q.  Mais ne peut-on pas dire que, si vous n'avez pas suffisamment

  8   d'information, les conclusions ne peuvent pas être très concluantes ?

  9   R.  Il est très difficile d'arriver à des conclusions -- d'apporter des

 10   conclusions quelconques lorsque le matériel est pauvre. Les scientifiques

 11   ne souhaitent pas tirer des conclusions lorsqu'ils ont à analyser un texte

 12   très court ne leur permettant pas d'avoir suffisamment d'informations.

 13   Q.  Les scientifiques sont assez réticents à apporter des conclusions pour

 14   des faits qu'ils ne peuvent pas quantifier --

 15   R.  Oui, vous savez, la prudence est un allié important dans notre travail.

 16   Il est certain que les scientifiques sont réticents. Ne parlons de

 17   pourcentages, nous parlons de niveaux de possibilité, de -- nous parlons de

 18   nuances, ici. Vous savez, la science, ce n'est pas un dogme; la

 19   linguistique ne se rapporte pas à un oui ou un nom. Ce n'est pas des kilos

 20   -- des grammes. Vous devez analyser les choses et vous optez pour la

 21   solution qui semble être la plus fiable, la plus réaliste.

 22   Q.  Très bien, merci. Je suis vraiment -- je vous suis reconnaissant que

 23   vous ayez mentionné le mot "science" puisque justement j'allais vous poser

 24   une question relative à cela. Lorsque vous arrivez à des conclusions pour

 25   déterminer si une conversation interceptée ne correspond pas du tout à la

 26   façon dont M. Beara s'exprime, et ce s'agissant du mois d'avril de cette

 27   année, lorsque vous faites une telle conclusion -- vous arrivez à une telle

 28   conclusion, quelle est la probabilité d'erreur lorsque vous adoptez cette

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  1   approche -- lorsque vous arrivez à cette conclusion ? De quelle façon est-

  2   ce que vous pouvez mesurer ou quantifier le tout dans le domaine de la

  3   linguistique ?

  4   R.  Si, pour en arriver à une conclusion, il faut analyser les transcripts,

  5   le langage, les expressions attribuées au nom de

  6   M. Beara, et si tout ceci est analysé dans un contexte du -- de son langage

  7   d'aujourd'hui, ou celui du contexte des 7 et 8 avril, il faudrait à priori

  8   écarter tous les transcripts, d'après la science. J'ai dit hier -- je vous

  9   ai expliqué hier quelle aurait été mon approche -- l'approche que j'aurais

 10   employée pour faire ce travail. Je ne suis pas tout à fait certain -- je ne

 11   peux pas vous dire que mon approche ait été correcte. J'ai demandé

 12   d'obtenir la possibilité de lier quelque chose de sûr à M. Beara - et j'ai

 13   également dit ceci hier, je le répète aujourd'hui - il s'exprime de façon

 14   libre dans le cadre d'une communication libre, lorsqu'il est plus

 15   décontracté, lorsqu'il ne parle pas dans un contexte officiel, il emploie

 16   un dialecte de Split, le Cakavien. Alors que lorsque l'on parle --

 17   lorsqu'il parle la langue littéraire, c'est la variante de Zagreb, du

 18   croate d'antan qu'on avait, qu'on appelait le croate et dont j'ai permis --

 19   j'ai permis -- j'ai accepté cette possibilité-là que d'abord, une personne

 20   ne s'exprime pas toujours en dialecte. Lorsqu'il s'agit d'un officier haut

 21   gradé, il ne peut pas s'exprimer de façon dialectique, il parle de façon

 22   littéraire, et c'est un fait que les transcripts appartiennent à un langage

 23   littéraire relativement correct. Et, lorsqu'il s'agit de langue littéraire,

 24   à ce moment-là, Beara parle avec un dialecte de Zagreb, il parle la langue

 25   croate. Et dans le transcript du 1er août, j'avais le plus d'éléments pour

 26   pouvoir conclure ceci, pour pouvoir attribuer ce dialecte à Beara. Mais je

 27   n'ai jamais dit qu'il s'agissait d'une certitude. Ce n'est pas un dogme. Je

 28   n'ai jamais dit c'est ainsi, c'est ainsi, c'est absolu, c'est une vérité

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  1   absolue à 100 %. Ce n'est pas possible, il y a peu de -- de chances de dire

  2   cela, mais j'ai dit que les facteurs prévalents étaient ceux qui me

  3   permettaient de conclure que ce type de langage était le sien. Donc, Beara,

  4   lorsqu'il s'exprime en dialecte et lorsqu'il parle une langue littéraire,

  5   il s'agit de deux choses différentes, et c'est pour ceci que j'ai accepté

  6   la possibilité qu'il s'agisse de son texte, de son discours à lui.

  7   Malheureusement, il n'y a pas de transcript, nous ne savons pas -- nous

  8   n'avons pas de transcript manuscrit, c'est-à-dire nous n'avons pas les

  9   notes manuscrites de l'opérateur.

 10   Q.  Très bien. Mais il me semble que vous êtes en train de nous dire que

 11   vous avez fait de votre mieux dans les circonstances, et eu égard aux

 12   documents que l'on vous a donnés.

 13   R.  Oui, justement, voilà, c'est -- c'est tout à fait juste votre -- votre

 14   explication est bonne, et j'ai passé énormément de temps à faire ce

 15   travail. C'était un travail difficile et inhabituel, et j'ai fait de mon

 16   mieux car je n'avais pas toujours les données.

 17   Q.  Mais il me semble aussi que vous avez quelques réserves à savoir si

 18   votre approche était la bonne approche, pour ce qui est du domaine de la

 19   linguistique et du domaine scientifique. C'est pour ceci que vous dites que

 20   vous auriez écarté ces transcripts si vous aviez eu plus d'informations, de

 21   documents, de matériel de travail; est-ce que c'est exact ?

 22   R.  Voyez-vous -- excusez-moi, mais je n'ai pas très bien saisi votre

 23   question. Pourriez-vous répéter, s'il vous plaît ?

 24   Q.  Je vais reformuler ma question. Lorsque vous avez dit : "Je ne suis pas

 25   certain si cette approche est la bonne," est-ce que vous vouliez dire par

 26   là si vous n'étiez pas tout à fait certain si la technique employée, car

 27   vous n'aviez pas d'autre choix, que c'était une technique acceptable pour

 28   un linguiste d'un point de vue scientifique ? Est-ce que c'est ceci que

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  1   vous vouliez dire ?

  2   R.  Non, non. Non, je pensais à quelque chose de tout à fait différent.

  3   J'ai adopté la même attitude que vous vis-à-vis ce matériel. J'ai essayé de

  4   voir qu'est-ce que je peux lier s'agissant du transcript de M. Beara, alors

  5   j'ai analysé chaque mot : est-ce que "sjor" est suffisant -- est-ce que

  6   c'est suffisant ? Non, parce que cela n'était pas répéter. Est-ce que

  7   "burazer" est un mot qui est suffisant ? Non, parce que ce terme est

  8   employé sur tout le territoire. Alors vous avez vu, est-ce que l'infinitif

  9   "krnje" [phon] est suffisant, non, cet infinitif n'est pas suffisant car il

 10   y a un autre terme neutre qui vient à l'encontre de ce dernier. Vous avez

 11   vu que j'ai tout analysé en détail, et par la suite, il a fallu évaluer,

 12   peser et soupeser les arguments A et les arguments B -- alors comme je vous

 13   dis, le corps du texte est pauvre.

 14   Q.  D'accord, merci. Je crois qu'il faudrait peut-être prendre une pause,

 15   Monsieur le Président, si vous le souhaitez, c'est peut-être le moment

 16   opportun.

 17   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Alors pause de 25 minutes.

 18   M. VANDERPUYE : [aucune interprétation]

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] De combien de temps vous aurez encore

 20   besoin pour ce témoin ? Croyez-vous pouvoir terminer l'audition de ce

 21   témoin avant la fin de la journée ?

 22   M. VANDERPUYE : [interprétation] Il est possible que oui.

 23   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Je n'essaie pas de vous

 24   pousser à terminer plus rapidement, mais je voulais simplement savoir s'il

 25   fallait appeler un nouveau témoin.

 26   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je crois que j'aurai besoin d'encore une

 27   heure environ.

 28   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Mais nous n'avons pas une heure. Il

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  1   nous restera 45 minutes.

  2   M. VANDERPUYE : [aucune interprétation]

  3   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que vous aurez des questions

  4   supplémentaires ?

  5   M. OSTOJIC : [interprétation] Oui, 15 à 20 minutes, mais il faudrait peut-

  6   être permettre au témoin de revenir demain.

  7   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, justement, je ne voulais pas vous

  8   pousser.

  9   Madame l'Huissière, veuillez, je vous prie, appeler le service des

 10   Victimes et des Témoins et expliquez-leur ce qui est arrivé. Merci.

 11   --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.

 12   --- L'audience est reprise à 12 heures 59.

 13   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Vanderpuye.

 14   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à

 15   vous, bon après-midi à vous, Monsieur le Président --

 16   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Vanderpuye.

 17   M. VANDERPUYE : [interprétation] -- Messieurs, Madame les Juges, toutes mes

 18   excuses pour -- merci.

 19   Q.  Très bien. Merci, Monsieur Remetic. 

 20   Très bien. Lorsque nous nous quittés, je vous posais une question à

 21   propos de l'aspect scientifique de l'analyse à laquelle vous vous êtes

 22   livré s'agissant de ces écoutes téléphoniques. Il y a une question que je

 23   souhaite vous poser. Dans votre analyse de ces écoutes téléphoniques et

 24   s'agissant de la possibilité que vous auriez eue d'identifier M. Beara,

 25   dans ce contexte, donc, vous êtes-vous intéressé à des aspects

 26   linguistiques spécifiques de manière à pouvoir inclure ou ne pas inclure M.

 27   Beara comme étant l'auteur des propos tenus dans ces conversations, ou est-

 28   ce que vous vous êtes intéressé à des éléments linguistiques aux fins

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  1   d'exclusion, afin d'identifier M. Beara comme n'étant pas la personne

  2   s'exprimant ?

  3   R.  Il me semble avoir dit avant la pause, ou en tout cas j'étais sur le

  4   point de le dire, que je cherchais à identifier des caractéristiques qui

  5   potentiellement pourrait identifier M. Beara, c'est-à-dire des faits

  6   linguistiques ayant l'importance nécessaire pour en faire des éléments de

  7   preuve fiables. J'essayais de m'assurer de la présence en quantité

  8   suffisante de ces faits et j'essayais de m'assurer du fait que ces faits

  9   étaient suffisamment distincts. En d'autres termes, j'essayais de m'assurer

 10   du fait que l'on pouvait établir le lien entre ces faits et une zone

 11   géographique spécifique, une variante spécifique du parler et une région

 12   dialectale spécifique. Ce n'est que dans la conversation supposée du 1er

 13   août pour laquelle nous ne disposons pas de version manuscrite, et je le

 14   déplore, j'aurais préféré disposer d'une telle version manuscrite, ce n'est

 15   donc que pour cette conversation que j'ai envisagé la possibilité de voir

 16   ces propos, avoir été tenus par M. Beara, avec un certain degré de

 17   certitude. Je dis Beara dans le contexte de la langue normée dans la région

 18   dans laquelle il a occupé des fonctions pendant 20 ans, langue qu'il a

 19   adoptée comme étant son propre dialecte, un dialecte qu'il avait fait sien.

 20   Il a fait sien le dialecte de Split, mais lorsqu'il utilise la langue

 21   normée, la version commune du Croate, comme je l'ai dit à plusieurs

 22   reprises par le passé, qui maintenant est la langue croate standard.

 23   Q.  Très bien. Il me semble que lors de l'interrogatoire principal, vous

 24   avez fait référence à une discipline spécifique de la linguistique dans

 25   laquelle vous exercez vos activités qui est la dialectologie ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Vous savez qu'il y a d'autres domaines de la linguistique qui

 28   s'appliquent à l'analyse dans le domaine de la police de scientifique, dès

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  1   lors qu'il s'agit d'analyser ce type d'écoute téléphonique, n'est-ce pas,

  2   une sous-discipline ?

  3   R.  Oui, mais il était impossible de faire une analyse phonétique à

  4   proprement parler. Une analyse phonétique à proprement parler nécessiterait

  5   un enregistrement audio d'une meilleure qualité ou un dialectologue

  6   professionnel qui prendrait note dans son carnet des propos tenus. La

  7   meilleure étude serbe de dialectologie serbe a été publiée en 1905.

  8   Q.  Très bien.

  9   R.  Et à cette époque-là, les enregistrements audio n'étaient  pas

 10   disponibles, mais un professionnel de qualité avait pris des notes.

 11   Q.  Donc on ne peut pas faire d'analyse linguistique phonétique sur la base

 12   des informations dont vous disposiez, du matériel dont vous disposiez; est-

 13   ce exact ?

 14   R.  Vous n'avez pas le timbre de la voix; donc vous ne pouvez pas procéder

 15   à une analyse précise. Vous n'avez pas la façon dont sont prononcés les

 16   consonnes. Vous n'avez pas non plus l'accentuation. Vous n'avez pas la

 17   mélodie non plus; éléments qui permettent précisément d'identifier

 18   l'origine de la personne qui s'exprime. L'accent est très révélateur; on ne

 19   peut pas le cacher, notamment certaines caractéristiques spécifiques d'un

 20   accent.

 21   Q.  Il me semble que dans votre rapport, vous indiquiez que vous-même

 22   seriez à même d'identifier la voix de M. Beara si vous l'entendiez si on

 23   l'enregistre sur une cassette audio; est-ce exact ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Outre l'analyse linguistique phonétique, vous pouvez également vous

 26   livrer à une analyse sociolinguistique du matériel qui avait été mis à

 27   votre disposition, n'est-ce pas ?

 28   R.  Dans une certaine mesure. La sociolinguistique peut être une source

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  1   d'influence, et ça a été pris en compte. L'influence de l'environnement,

  2   l'influence de l'environnement professionnel est présente.

  3   Q.  Et tout cela est lié à l'acquisition d'un dialecte donné, les

  4   circonstances dans lesquelles une personne utilise un dialecte secondaire

  5   s'ils en ont un, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Les influences qui sont liées à la possibilité de déterminer si une

  8   personne parle tel dialecte ou tel autre dialecte ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et c'est ce que l'on appelle dans la sociolinguistique, un décalage de

 11   code ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Et les informations, vous en avez tenu compte lorsque vous avez

 14   rencontré M. Beara au mois d'avril et lorsque vous avez examiné le texte,

 15   vous en avez tenu compte également ?

 16   R.  La façon actuelle de parler de M. Beara et son passage d'un code à

 17   l'autre ne peuvent s'expliquer que dans un contexte sociolinguistique. Le

 18   dialecte de Split est un dialecte prestigieux. Les gens de Split sont fiers

 19   de leur dialecte. Ils n'essaient en aucun cas de le refouler ou de

 20   l'atténuer. La population de Split, tant avant que maintenant, jouissait

 21   d'un certain renom, et toute personne souhaitant s'intégrer dans cette

 22   communauté de Split doit accepter le dialecte et adopter cette façon de

 23   communiquer. Ces codes de communication, ils doivent les faire leurs, et

 24   c'est ce qu'a fait M. Beara. A mon sens, il a de façon délibérée adopté le

 25   parler de Split, il a fait sien le dialecte de Split, et même après la

 26   guerre, il n'a pas changé de ce point de vue-là, et ce, même après la

 27   guerre et suite aux conséquences de la guerre. Je pense que c'est clair.

 28   Q.  Très bien. Merci pour cette réponse. Votre analyse de ce matériel se

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  1   fondait essentiellement sur l'analyse dialectologique, n'est-ce pas, une

  2   évaluation dialectologique, n'est-ce pas ?

  3   R.  Non, mon analyse se fondait sur un ensemble de choses. J'ai examiné le

  4   contexte dans lequel s'inscrit le dialecte de la personne en question, mais

  5   j'ai également examiné les versions de la langue littéraire serbe ou

  6   croate. Si je ne m'étais intéressé qu'à l'aspect dialectal, j'aurais tout

  7   rejeté comme étant impertinent pour mon analyse de la conversation de M.

  8   Beara au mois d'avril de cette année. J'ai replacé tout cela dans le

  9   contexte de la langue littéraire serbe-croate.

 10   Q.  Très bien, mais dans votre rapport, vous ne parlez pas de ce passage

 11   d'un code à l'autre, c'est-à-dire une personne bidialectale qui utiliserait

 12   un dialecte ou passerait à un autre dialecte dans d'autres circonstances.

 13   Il n'y a aucune référence faite à ce phénomène sociolinguistique dans votre

 14   rapport, n'est-ce pas ? Donc la question que je vous pose est la suivante :

 15   est-ce que vous avez tenu compte de cet aspect et si c'est le cas, pourquoi

 16   cet aspect sociolinguistique n'apparaît pas dans votre rapport ?

 17   R.  Je crois qu'il y a un malentendu. J'ai dit, et je pense que vous

 18   retrouverez cela dans mon rapport, qu'il était difficile de comprendre et

 19   de déchiffrer les éléments qui permettent d'expliquer pourquoi une personne

 20   née dans la région ékavienne de Sarajevo à devenir une personne chakavienne

 21   et ikavienne. Vous trouverez cela dans mon rapport. Comment peut-on oublier

 22   son dialecte chakavien au cours de la guerre, ou en tout cas pendant les 15

 23   jours au cours desquels les écoutes téléphoniques ont été faites. Et

 24   comment est-il possible que cette même personne soit retournée à ce

 25   dialecte chakavien après la guerre ? Il ne fait aucun doute à mon sens que

 26   c'est ainsi qu'il parlait avant la guerre ou, pour être plus cohérent

 27   encore, sachez que cela figure dans mon rapport. Comme je l'ai dit dans mon

 28   rapport, nous avons là un phénomène qui est le suivant : une personne qui

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  1   noie son identité linguistique dans une identité qui lui est étrangère. Les

  2   membres de son entourage ont dit eux-mêmes qu'ils ne savaient pas qu'il

  3   n'était pas Croate jusqu'à la guerre, et ensuite, lorsqu'il a rejoint les

  4   rangs de l'armée de la Republika Srpska, les membres de son entourage ont

  5   pensé à ce moment-là qu'il était Croate, ce qui veut dire que tel était son

  6   dialecte à l'époque et que ça reste le cas aujourd'hui, et ceci est en

  7   contradiction avec ce que je lis dans les transcriptions écrites des

  8   écoutes.

  9   Q.  Monsieur Remetic, vous avez posé la question vous-même :  comment le

 10   dialecte peut-il changer complètement d'une période à une autre et puis

 11   rechanger à nouveau au cours d'une troisième période ? La réponse, on la

 12   trouve dans la littérature de la sociolinguistique, et on trouve cela tout

 13   particulièrement dans un phénomène tout particulier de la sociolinguistique

 14   qui est le passage d'un code à l'autre, le "code-shifting". Pourquoi est-ce

 15   que contrairement à poser la question, vous n'apportez pas la réponse dans

 16   votre rapport et pourquoi n'en avez-vous pas tenu compte ?

 17   R.  Monsieur, j'ai examiné la retranscription des écoutes. Dans ce

 18   contexte, Chakavien, Ekavien avant la guerre; Chakavien, Ekavien après la

 19   guerre, ce dont on parle, ça n'appartient probablement pas à la personne

 20   chakavienne en question. C'est la seule conséquence logique que je peux en

 21   tirer, sinon, je ne peux pas apporter d'explications. Si l'on peut

 22   attribuer quelque retranscription écrite que ce soit à Ljubisa Beara,

 23   comment cela est-il possible ? Puis il y a autre chose. Il y a des styles

 24   fonctionnels. Des registres différents qui se distinguent l'un de l'autre.

 25   Par exemple, une discussion à bâtons rompus entre amis d'un côté et une

 26   allocution publique de l'autre se distinguent, les façons de parler

 27   s'écartent l'une de l'autre. La langue littéraire est utilisée de façon

 28   plus courante dans des situations officielles telles que des conférences,

Page 24689

  1   lorsque vous êtes à la tribune, lorsque vous rédigez un texte, un rapport.

  2   C'est dans ce contexte-là que j'ai essayé de trouver des liens possibles

  3   entre Beara ou la personne décrite comme étant Beara et la variante

  4   occidentale de la langue littéraire telle qu'elle apparaît dans ces

  5   retranscriptions.

  6   Q.  Merci pour votre réponse. Vous nous avez dit -- enfin, non, je vais

  7   vous poser la question suivante : s'agissant de la question de savoir si

  8   une personne maîtrise ou ne maîtrise pas différentes versions d'un dialecte

  9   ou différents dialectes, dans cet exemple-ci, vous indiquez dans votre

 10   rapport que M. Beara maîtrise de façon infaillible les dialectes ékavien,

 11   ikavien et ijekavien, et c'est ce qui figure en page 14 de votre rapport,

 12   n'est-ce pas ? Je vais vous en faire lecture. C'est à peu près au milieu de

 13   la page 14 --

 14   R.  Monsieur, ça y est, je l'ai trouvé. C'est bon, je l'ai.

 15   Q.  Très bien. C'est bien ce qui est dit dans votre rapport, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Cela permet de déterminer si une personne est capable de modifier son

 18   dialecte, n'est-ce pas, s'il a une maîtrise infaillible des dialectes ?

 19   C'est pertinent, n'est-ce pas ? Vous pouvez répondre par l'affirmative ou

 20   par la négative.

 21   R.  Monsieur, je ne dis pas qu'il maîtrise parfaitement le dialecte, je dis

 22   simplement qu'il connaît très bien les distinctions qui existent. Il n'a

 23   pas utilisé l'Ekavien suivi de l'Ikavien puis de l'Ijekavien, ce n'est pas

 24   cela qui m'a permis de dire qu'il les maîtrisait parfaitement. Simplement,

 25   je lui ai posé la question, je lui ai posé des questions à propos de

 26   certaines formes de mots qu'on trouvait dans la transcription écrite. Et il

 27   a dit de façon très factuelle : "Non, je ne suis pas Serbe, ça n'est pas

 28   moi. Je sais comment les Serbes parlent." Et il sait également comment

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  1   parlent les Monténégrins et il sait également comment les gens parlent dans

  2   les différentes régions, il connaît les différentes distinctions qui

  3   existent. Ceci étant dit, lorsque vous écrivez que quelqu'un maîtrise

  4   parfaitement, il faut que la personne soit à même de démontrer que c'est le

  5   cas. Or, il a démontré qu'il maîtrisait le dialecte chakavien, ikavien de

  6   la région de Split, au cours de l'entretien de sept heures que j'ai eu avec

  7   lui.

  8   Q.  Oui, mais sauf votre respect, sachez, et c'est peut-être une erreur de

  9   traduction, Monsieur, qu'il est dit dans votre rapport, peut-être une

 10   erreur d'interprétation du traducteur, vous indiquez même aujourd'hui :

 11   "Après quelques années -- quelques temps passés à Zagreb, il a" - et c'est

 12   indiqué ici - "une maîtrise infaillible des dialectes, Ekavien, Ikavien et

 13   Ijekavien, et des distinctions qui nous ont été confirmées lorsque nous

 14   avons écouté ses conversations avec les différents individus concernés…" et

 15   cetera, et cetera. Donc, le terme "maîtrise" ou "command" en anglais, ça

 16   n'est pas un terme que j'ai inventé, il apparaît dans votre rapport. Est-ce

 17   exact, Monsieur Remetic ?

 18   R.  Désolé, mais je ne trouve pas où se trouve ce passage. Permettez-moi de

 19   consulter mes notes.

 20   Q.  Vous voyez la partie en caractères gras au milieu du texte, section 7

 21   de votre rapport, et tout de suite après, après les termes en caractères

 22   gras, Ikavien, Ekavien, Ijekavien, Bosnien, Monténégrin, Serbe, il est dit

 23   --

 24   R.  Oui, Monsieur. Oui, oui, ça y est, je l'ai trouvé. Ça y est, je l'ai

 25   trouvé, merci. Il est dit ici "Il maîtrise de façon infaillible les

 26   distinctions entre les dialectes, Ekavien, Ikavien et Ijekavien, ce dont

 27   nous avons pu nous convaincre en écoutant leur conversation avec d'autres

 28   interlocuteurs suite à un contre-interrogatoire," et cetera, et cetera.

Page 24691

  1   Peut-être les choses ont-elles été décrite de façon trop simplistique

  2   [comme interprété], de façon terminologique. Lorsqu'il dit "lipodite"

  3   [phon], il sait lorsque c'est "lipodeta" [phon] et "lijepodijeta" [phon].

  4   Il sait lorsque l'on dit "ditza" [phon], djetza [phon] et dijetza [phon].

  5   Il est capable d'entendre la différence, il est sensible à ces

  6   distinctions. Mais il n'a jamais montré qu'il était à même de maîtriser

  7   l'utilisation de ces termes, je dis simplement qu'il est conscient de leur

  8   existence. Il a d'ailleurs -- il n'aime pas le terme -- les termes Ekavien,

  9   en revanche, l'Ijekavien ne lui pose strictement aucun problème.

 10   Q.  Hier, je vous ai demandé s'il maîtrisait très bien cette langue --

 11   qu'il maîtrisait très bien le dialecte et vous avez répondu par

 12   l'affirmative, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui, il sait très bien de quelle façon on parle dans cette région, il

 14   connaît le dialecte.

 15   Q.  Oui, donc il a la possibilité -- enfin, il a la capacité -- il sait

 16   très bien quels sont ces dialectes. Mais ce que je veux dire c'est : c'est

 17   pertinent, oui ou non ? A savoir si -- je ne dis pas qu'il a la possibilité

 18   de s'en servir, mais il sait très bien en quoi consiste ces dialectes.

 19   R.  Je ne sais pas s'il peut parler en différents dialectes, mais il est

 20   certain qu'il peut parler en employant diverses variantes de la langue

 21   littéraire. Il y a plusieurs dialectes qui sont différents. Moi non plus je

 22   ne peux pas parler tous les dialectes, c'est très différent, vous savez.

 23   Nous sommes -- alors lorsqu'on parle de l'Ekavien, de l'Ikavien, mais je ne

 24   sais pas s'il peut vraiment parler correctement Ijekavien, mais c'est une

 25   variante de la langue littéraire et il y a plusieurs dialectes, plusieurs

 26   dialectes ékaviens, plusieurs dialectes ikaviens et plusieurs dialectes

 27   ijekaviens.

 28   Q.  Merci, Monsieur Remetic. Vous avez également mentionné dans votre

Page 24692

  1   rapport à la page 14, vous indiquez que M. Beara est une personne très

  2   intelligente qui a une grande culture et qu'il est très instruit. Ce sont

  3   des phénomènes sociologiques qui peuvent contribuer lorsqu'on évalue ses

  4   capacités de parler en dialectes, n'est-ce pas, de parler différents

  5   dialectes ?

  6   R.  Oui, il est certain qu'un homme intelligent se débrouille mieux dans

  7   diverses situations -- dans toutes les situations. Et effectivement, c'est

  8   un homme très intelligent.

  9   Q.  Très bien, merci. Pour ce qui est de la fiabilité -- mais avant de

 10   parler de cela, dites-nous, pour ce qui est de votre analyse, vous avez dit

 11   que la fiabilité de vos conclusions sont directement liées aux documents

 12   linguistiques, au matériel linguistique qui était mis à votre disposition.

 13   Est-ce que c'est exactement ?

 14   R.  Oui, bien sûr.

 15   Q.  Et une analyse de ce type -- pour faire une analyse de ce type, est-ce

 16   que vous pourriez nous donner des documents dans la littérature, un

 17   protocole ? Pourriez-vous nous expliquer si vous avez pu trouver une

 18   information linguistique importante pour que l'on conclu quelque chose ? A

 19   combien de reprises doit-on retrouver le même mot afin de pouvoir établir

 20   un lien entre ces mots pour pouvoir -- et pour pouvoir arriver à votre

 21   conclusion ? Est-ce qu'il y a une méthodologie précise ? Pourriez-vous nous

 22   indiquer de la documentation dans le domaine de la méthodologie ou

 23   littérature scientifique ?

 24   R.  Non. Il n'y a pas de chiffres pré-établis, il n'y a pas de pourcentages

 25   non plus. Mais, de façon générale, il est tout à fait clair que, lorsqu'on

 26   a plus d'information, il est plus facile de donner une évaluation fiable.

 27   Mais tous les faits n'ont pas la même importance, toutes les données n'ont

 28   pas la même importance. Il y a des différences nous permettant de

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  1   classifier divers parlers. J'ai dit que chez nous c'était le "jat" et

  2   l'accent ici, nous ne l'avons pas, alors que le "jat," peu.

  3   Q.  Parmi les écoutes électroniques pour lesquelles vous avez indiqué une

  4   valeur négative, de quelle façon est-ce que vous avez pu évaluer, à partir

  5   de ces écoutes, quel était le degré de fiabilité que vous pouviez attribuer

  6   à ces écoutes ? De quelle façon est-ce que la Chambre peut déterminer ou

  7   savoir, lorsque vous mettez un moins ou un zéro, de quelle façon est-ce que

  8   ceci influe votre capacité de quantifier les résultats, ou est-ce que ceci

  9   a une incidence sur votre façon de présenter les résultats ?

 10   R.  Il est certain que certaines conversations ou écoutes où j'avais pu

 11   travailler avec cinq, six, ou sept mots qui n'avaient rien à voir avec le

 12   sujet, il est certain que la possibilité d'établir des liens disparaissait.

 13   Mais dans d'autres écoutes où il y avait plus d'informations, plus de

 14   données, j'essayais d'établir et de voir s'il y a des mots marquants, des

 15   mots qui peuvent être liés aux parties occidentales ou des mots qui sont

 16   liés à la variante occidentale de la langue littéraire, et qui peuvent être

 17   liés avec un dialecte, avec une pratique, avec une langue adoptée dans le

 18   milieu où vivait Beara. Je n'ai pas trouvé si la majorité de données

 19   l'identifient afin que je puisse établir un lien entre ces écoutes et lui.

 20   Q.  Très bien. Donc vous avez dit qu'il n'y a absolument aucune règle, ce

 21   qui veut dire que vous ne pouvez pas faire d'évaluation quantitative quant

 22   au niveau de fiabilité. C'est ce que vous dites dans votre rapport, n'est-

 23   ce pas, outre que de dire c'est probable ou peu probable, cela correspond

 24   ou ne correspond pas; est-ce que c'est exact ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  En réalité, ce n'est pas possible de quantifier, pour ce qui est de

 27   l'importance linguistique, chacun des mots qui contribue aux conclusions

 28   que vous avez faites, à savoir s'il est possible d'exclure ou d'inclure M.

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  1   Beara -- ou d'attribuer ces propos à

  2   M. Beara ? C'est exact aussi, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui, tout à fait.

  4   Q.  Dans l'absence de normes quantitatives de fiabilité des résultats et

  5   pour ce qui est également de la fiabilité de l'information qui vous permet

  6   d'arriver à des conclusions, ce que vous avez fait ici fait en sorte que

  7   votre travail que vous avez fait pour cette affaire en l'espèce fait en

  8   sorte qu'il est absolument impossible qu'une autre personne fasse le même

  9   travail, personne ne peut reproduire ou arriver aux mêmes résultats que

 10   vous en faisant les mêmes évaluations ?

 11   R.  Une autre personne ?

 12   Q.  Un autre linguiste examinant les mêmes documents, le même matériel que

 13   vous pourrait tirer d'autre -- pourrait arriver à d'autre conclusion,

 14   complètement d'autre conclusion quant à la possibilité d'attribuer des

 15   propos étant attribués à M. Beara dans une conversation interceptée ?

 16   R.  Je ne peux pas comparer d'autres avec moi-même. Ceci ne se fait pas,

 17   mais j'aimerais bien voir les arguments si quelqu'un d'autre s'adonnait à

 18   une analyse ou à cette même analyse et arrivait à d'autre conclusion.

 19   J'aimerais bien voir les arguments présentés par cette autre personne, bien

 20   sûr.

 21   Q.  Oui, je sais, mais ce dont je parle, c'est une méthode scientifique.

 22   J'essaie simplement de dire que lorsqu'on emploie une méthode scientifique,

 23   cette dernière porte en soi l'idée de vérification ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  La vérification demande ou exige qu'il y ait une norme qui nous permet

 26   de vérifier les résultats, de comparer les résultats, d'évaluer ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Vous nous dites qu'il n'y a pas de règle, donc il n'y a pas de moyen

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  1   standardisé ou de norme standardisée qui nous permettrait de vérifier ce

  2   que vous avancez ?

  3   R.  Voyez qu'il n'y a pas de norme. On connaît très bien quelles sont les

  4   caractéristiques d'un dialecte. Ensuite, nous savons aussi quelles sont les

  5   caractéristiques pertinentes qui nous permettent d'établir qu'il s'agit de

  6   variantes d'une langue qui jusqu'il n'y ait pas très longtemps était une

  7   langue commune à l'ex-Yougoslavie. Nous avons bien sûr de quoi il s'agit,

  8   de quoi il en est. C'est sur la base de ces caractéristiques que j'ai fait

  9   mon évaluation. J'ai rédigé mon rapport en tenant compte de tous ces

 10   paramètres.

 11   Q.  Monsieur Remetic, s'agissant de votre analyse médico-légale  de cette

 12   analyse, en fait, c'est que vous avez fait une identification découlant du

 13   domaine de la médecine légale ?

 14   R.  Tout se rapporte à l'identification de la personne, c'est-à-dire tout

 15   nous ramène à la même question : est-ce que l'on peut attribuer les

 16   conversations interceptées à M. Beara ?

 17   Q.  L'identification que vous êtes en train de faire est basée sur quelque

 18   chose qui appartient à une personne et qui est inhérente à une personne,

 19   n'est-ce pas ?  

 20   R.  Je n'ai pas pu vérifier. Je n'ai pas pu vérifier sur la base de quelque

 21   chose. Je n'avais que des transcripts. J'ai travaillé avec des transcripts.

 22   On peut vérifier seulement si on a les bandes sonores de tous les

 23   transcripts que j'ai analysés.

 24   Autrement, il n'y a rien d'autre à faire. On ne peut pas faire autre chose.

 25   Q.  Je vais vous donner un exemple. Un dialecte est quelque chose qui peut

 26   changer, n'est-ce pas ? Vous êtes d'accord avec moi ?

 27   R.  Tout change. Tout évolue. Les dialectes aussi. Mais dans quel sens vous

 28   voulez dire que les dialectes changent ? Vous voulez dire que les dialectes

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  1   évoluent ou qu'une personne, un homme peut changer de dialecte, le dialecte

  2   par le système se développe, ou est-ce que vous voulez dire que moi-même je

  3   peux changer mon dialecte ? Qu'est-ce que vous voulez dire ?

  4   Q.  Excellente question. Je suis désolé de vous avoir posé une question si

  5   vague. J'aimerais savoir si lorsqu'une personne déménage, vit ailleurs,

  6   tout ceci peut contribuer au développement du dialecte d'une personne, d'un

  7   individu ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Le dialecte peut changer plus facilement que, par exemple, la taille

 10   d'un adulte ?

 11   R.  Il faut tenir compte de plusieurs facteurs lorsqu'on parle de

 12   changement ou de modification.

 13   Q.  D'accord.

 14   R.  Alors il y a plusieurs facteurs dont il faut tenir compte. D'abord

 15   l'âge. Un jeune homme, un enfant peut changer de dialecte et s'adapter à

 16   son milieu beaucoup plus facilement. Lorsqu'il change de milieu, il peut

 17   prendre les caractéristiques d'un nouveau milieu. Deuxièmement, c'est

 18   l'importance du dialecte, c'est-à-dire est-ce que vous êtes dans un milieu

 19   de prestige, c'est-à-dire le prestige du dialecte ? Lorsque vous arrivez

 20   dans un milieu qui parle de façon prestigieuse, est-ce que vous avez

 21   l'intention, est-ce que c'est utile de modifier son dialecte ? Car vous

 22   allez entrer dans un nouveau milieu qui est plus développé au niveau

 23   culturel et industriel, est-ce qu'une jeune personne veut s'adapter ?

 24   Ensuite, il faut également tenir compte du profil professionnel de la

 25   personne qui change de milieu. Un homme moins instruit pourra plus

 26   facilement accepter un autre dialecte et renoncer au sien. Il y a plusieurs

 27   facteurs.

 28   Il y a également des dialectes qui sont économiquement  inférieurs,

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  1   et ces derniers vont toujours essayer de s'adapter au dialecte

  2   économiquement supérieur. C'est toujours comme ça.

  3   Q.  Très bien. D'accord, mais je ne parle pas à un niveau social, mais je

  4   parle à un niveau individuel, à savoir que l'ADN d'une personne, telle la

  5   couleur des cheveux, la taille est moins susceptible de changer que le

  6   dialecte de cette même personne.

  7   R.  [aucune interprétation]

  8   Q.  Donc lorsqu'on parle du processus d'identification médico-légale, ce

  9   que vous êtes en train de dire, ce que vous avez étudié c'est quelque chose

 10   qui est beaucoup plus malléable, qui est beaucoup plus facile -- enfin, il

 11   est beaucoup plus facile de changer un dialecte que de changer une

 12   empreinte digitale ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Toutes ces activités dérivant de la science médico-légale peuvent

 15   établir quand même un degré d'erreur. On peut quand même arriver à un degré

 16   d'erreur, c'est-à-dire qu'eu égard à ce que vous avez dit aujourd'hui, est-

 17   ce que vous pourriez nous dire s'il y a une possibilité d'erreur ? Quel est

 18   le niveau d'erreur possible qui peut exister quant à l'analyse de ces

 19   conversations interceptées ?

 20   R.  Seule la personne qui ne travaille jamais ne peut faire d'erreur. Moi-

 21   même, je ne vois pas où sont les erreurs. Je ne les décèle pas, et je ne

 22   crois pas avoir pu faire un meilleur travail. Dans le cadre de mon analyse

 23   et au cours des deux dernières journées ici, je dis qu'il y a très peu de

 24   cas où on peut répondre de façon très claire, que l'on peut exclure tout

 25   autre chose. Je parle d'un degré de fiabilité, et j'ai tenté de trouver ce

 26   qui peut être attribué à M. Beara et non pas ce qui ne peut être attribué à

 27   ce dernier ou ce qui existe au premier plan. Alors lorsque je trouve

 28   quelque chose, je cherche immédiatement pour savoir s'il y a un témoin

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  1   négatif. Tout comme ici, vous avez un témoin positif et ensuite vous avez

  2   un témoin négatif. Le négatif exclut le positif. Donc c'est ainsi que je me

  3   suis comporté dans le cadre de mon analyse. Je n'ai rien pu faire d'autre

  4   eu égard au cœur du matériel.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

  6   M. VANDERPUYE : [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] La séance sera levée et nous

  8   reprendrons nos travaux à 9 heures.

  9   --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le mercredi 27 août

 10   2008, à 9 heures 00.

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