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1 Le mardi 3 décembre 2013
2 [Audience d'appel]
3 [Audience publique]
4 [Les appelants sont introduits dans le prétoire]
5 [L'appelant Miletic est absent]
6 --- L'audience est ouverte à 10 heures 01.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Ostojic, je vais en appeler
8 au conseil de M. Miletic tout d'abord pour qu'elle nous fasse le point.
9 Huis clos partiel.
10 Mme FAUVEAU : Bonjour, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges.
11 Donc…
12 Mme LA GREFFIÈRE : [aucune interprétation]
13 [Audience à huis clos partiel]
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15 [Audience publique]
16 M. OSTOJIC : [interprétation] Merci bien.
17 Une fois de plus, nous souhaitons poursuivre avec mon assistant et
18 co-conseil, Norman Sepenuk, afin de présenter la première partie de notre
19 argument oral et débat. Merci. Et, bien entendu, j'aborderai les autres
20 points que nous avons évoqués cet après-midi [comme interprété].
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
22 Monsieur Sepenuk.
23 M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Et
24 je salue les Juges de la Chambre. Contrairement aux arguments présentés à
25 Messieurs et Dame les Juges, je ne vais pas du tout évoquer des faits qui
26 soient contestés. Je vais simplement développer dans ce prétoire un
27 argument juridique, et à cette fin je vais donc supposer arguendo que tous
28 les témoins d'Etat ici ont prononcé la vérité absolue. Et je vais donc
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1 maintenant déployer l'argument juridique.
2 M. Beara a été accusé et condamné par la Chambre de première instance de
3 génocide. La charge de génocide étant que M. Beara a participé à une
4 entreprise criminelle commune visant à éliminer les Musulmans bosniaques de
5 Srebrenica, en y tuant les hommes et les garçons qui s'y trouvaient et en
6 enlevant de force de la zone les femmes, les jeunes enfants et les hommes
7 âgés. La Chambre de première instance a conclu que M. Beara avait
8 l'intention d'éliminer les Musulmans bosniaques de la Bosnie orientale, qui
9 comprenait les enclaves de Srebrenica et de Zepa, comme faisant partie du
10 groupe ethnique des Musulmans de Bosnie.
11 En condamnant M. Beara de génocide, la Chambre de première instance
12 l'a acquitté de la charge de transfert forcé. Compte tenu de cet
13 acquittement, notre argument, en résumé, est que M. Beara doit également
14 être acquitté de la charge de génocide puisqu'il n'avait pas l'intention
15 génocidaire d'éliminer les Musulmans bosniaques de la Bosnie orientale dans
16 le cadre d'un groupe protégé. Mon argument est consacré à la proposition
17 suivante : que seule une combinaison des convictions pour les assassinats
18 de masse des hommes et le transfert forcé des femmes et des hommes [comme
19 interprété] qui permet de conclure à l'intention génocidaire de M. Beara.
20 Notre argument est fortement soutenu, nous l'estimons, par la jurisprudence
21 de ce Tribunal, notamment par la détermination de la Chambre de première
22 instance et de la Chambre d'appel dans l'affaire Krstic, que je
23 souhaiterais dès à présent aborder.
24 Il y a dix ans de cela, en novembre 2003, je me suis présenté dans ce
25 prétoire en tant que co-conseil pour le général Radislav Krstic. Le général
26 Krstic avait été condamné par la Chambre de première instance de génocide,
27 de transfert forcé et d'autres crimes découlant des assassinats de masse
28 dans la région de Srebrenica des hommes en âge de service militaire, ainsi
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1 que le transfert forcé de la région vers le territoire détenu par les
2 Musulmans de Bosnie d'environ 25 000 femmes, enfants et hommes âgés. Cela
3 est acquis -- et en jugeant le général Krstic, qui était donc coupable de
4 génocide, la Chambre de première instance a affirmé comme suit, et je cite
5 le paragraphe 595 de l'avis de la Chambre :
6 "Il est acquis que seuls les hommes en âge militaire étaient
7 systématiquement massacrés, mais il est significatif de constater que ces
8 massacres se sont produits au moment où le transfert forcé du reste de la
9 population musulmane de Bosnie était déjà bien entamé. Les forces serbes de
10 Bosnie n'auraient pas pu ignorer, au moment où ils ont décidé de tuer tous
11 les hommes, que cette destruction sélective du groupe aurait un impact
12 durable sur l'ensemble du groupe. Les forces serbes bosniaques savaient, au
13 moment où elles ont décidé de tuer tous les hommes en âge de service
14 militaire, que la conjugaison de ces assassinats assortis du transfert
15 forcé des femmes, des enfants et des personnes âgées se traduirait
16 inévitablement par la disparition physique de la population musulmane de
17 Bosnie à Srebrenica."
18 Sur appel de cette condamnation, j'avais fait valoir à l'époque que bien
19 que le général Krstic était clairement impliqué dans l'organisation des
20 transferts par bus qui ont effectué le transfert des femmes et des enfants,
21 que cela ne devrait pas être considéré comme un élément pour déterminer
22 l'intention génocidaire, comme l'avait conclu la Chambre de première
23 instance. Notre argument à l'époque, largement basé sur une analyse de
24 l'historique législatif de la convention sur le génocide de 1948, que le
25 déplacement de la population vers une autre région ne constituait pas en
26 soi preuve de génocide et ne pouvait pas être considéré légalement comme
27 tel. Au contraire, nous avons fait valoir que le transfert des femmes, des
28 enfants et des hommes âgés vers des zones en sécurité sous le contrôle des
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1 Musulmans de Bosnie démontrait que l'intention du général Krstic n'était
2 pas l'élimination sans discrimination, comme pour les génocides nazi ou
3 rwandais, mais visait plutôt une intention d'épargner le groupe de tout
4 risque supplémentaire.
5 Eh bien, comme le sait la Chambre de première instance, nous avons perdu
6 cet argument. Et en rejetant notre argument, la Chambre d'appel a conclu,
7 et je cite là les conclusions de la Chambre d'appel aux paragraphes 31 --
8 30, 31 et 33, voilà ce qu'a dit la Chambre d'appel en rejetant notre
9 argument à l'époque :
10 "La Défense fait valoir que la décision de la VRS de transférer plutôt que
11 de tuer les femmes et enfants de Srebrenica dont ils avaient la garde sape
12 le constat d'intention génocidaire. Cette conduite, estime la Défense, est
13 incohérente avec la démarche sans discrimination qui a caractérisé tous les
14 cas précédemment reconnus de génocide moderne. La décision" -- et je
15 poursuis donc l'affirmation de la Chambre d'appel. "La décision des forces
16 serbes de Bosnie visant à transférer les femmes, les enfants et les
17 personnes âgées dans leur contrôle vers d'autres régions de la Bosnie
18 contrôlées par les Musulmans serait conforme à l'argument de la Défense.
19 Ces éléments de preuve, bien sûr, peuvent également donner lieu à une autre
20 interprétation. Comme l'a expliqué la Chambre de première instance, le
21 transfert forcé pourrait être un moyen supplémentaire visant à assurer
22 l'élimination physique de la communauté musulmane de Bosnie à Srebrenica.
23 Le transfert achevé, le déplacement des Musulmans de Bosnie de Srebrenica,
24 éliminant par là même la possibilité résiduelle que la communauté musulmane
25 dans la région pourrait se reconstituer."
26 Et enfin, cette citation de la Chambre d'appel, au paragraphe 33 :
27 "La Chambre de première instance, en tant que meilleure et la plus apte à
28 évaluer les éléments de preuve présentés au procès, était fondée à conclure
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1 que les preuves de transfert étayaient son constat que certains membres de
2 l'état-major principal de la VRS avaient l'intention de détruire les
3 Musulmans bosniens à Srebrenica. Le fait que le transfert forcé ne
4 constitue pas en soi un acte génocidaire n'empêche pas la Chambre de
5 première instance de s'y fier en tant qu'élément de preuve des intentions
6 des membres de l'état-major principal de la VRS. L'intention génocidaire
7 peut être supputée entre d'autres éléments matériels, d'éléments de preuve
8 'd'actes systématiquement coupables dirigés contre le même groupe.'"
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pouvez-vous nous dire où cet
10 argument se trouve dans le mémoire d'appel. Quel paragraphe ?
11 M. SEPENUK : [interprétation] Cela se trouve dans la partie du mémoire
12 d'appel qui dit que la Chambre de première instance s'est fourvoyée
13 lorsqu'elle a mal appliqué l'élément de mens rea requis pour le crime de
14 génocide en constatant que Beara avait une intention génocidaire spécifique
15 visant à détruire le groupe cible, le groupe cible étant les Musulmans de
16 Bosnie. Ça, c'est à la page 7 -- 71, je crois. Oui, je crois que c'est 71,
17 Madame, Messieurs les Juges. C'est donc le motif 19. Et également, le fait
18 que ce n'était pas la seule conclusion raisonnable qui pouvait être tirée à
19 partir des preuves indiquant que M. Beara avait une intention génocidaire.
20 Et plus précisément, au paragraphe 224 du mémoire de la Chambre, où il est
21 dit que :
22 "Il est respectueusement présenté que la Défense, dans ce cas,
23 présentait des éléments de preuve circonstanciés pour étayer son
24 affirmation que les actions prises dans l'enclave, particulièrement celles
25 contre la population masculine, n'étaient pas prises avec l'intention de
26 détruire les Musulmans bosniens de Srebrenica et de Zepa, et que Beara ne
27 possédait cette intention à aucun moment."
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, poursuivez avec votre argument.
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1 M. SEPENUK : [interprétation] Merci.
2 Oui, je voudrais me référer à l'avis dissident partiel du Juge Shahabuddeen
3 de cette Chambre, un ancien membre très distingué de la Chambre. Le Juge
4 Shahabuddeen, dans son avis dissident, s'est rangé avec les notions
5 d'intention génocidaire évoquées par la majorité. Sa dissension partielle
6 avait -- il pensait, effectivement, qu'il était coupable de génocide, alors
7 que la majorité l'a jugé coupable -- ils ont donc réduit la charge d'un
8 auteur principal, mais d'avoir aidé et contribué. Sur la notion
9 génocidaire, la majorité et le Juge Shahabuddeen étaient d'accord là-
10 dessus. Et je pense que son affirmation est tellement précise, je voudrais
11 vous la citer.
12 Au paragraphe 35 de son avis, il a indiqué comme suit :
13 "Donc, à lui seul, le transfert forcé n'équivaut pas à un génocide. Mais
14 dans ce cas, le transfert n'était pas à lui seul un élément séparé. Donc
15 c'est sur cette base que la Chambre d'appel a rejeté l'argument de la
16 Défense montrant qu'il n'y avait pas génocide. C'était donc partie
17 intégrante d'un seul plan à commettre un génocide impliquant des
18 assassinats, des transferts forcés et la destruction de logements. En
19 particulier, ça a montré que l'intention avec laquelle les assassinats
20 étaient réalisés visait effectivement à détruire la partie de Srebrenica du
21 groupe musulman de Bosnie. A mon avis, le jugement de la Chambre d'appel
22 doit être compris comme affirmant qu'en assumant le rôle d'exécuteur en
23 chef de la politique de transfert forcé," là, le Juge Shahabuddeen se
24 réfère au général Krstic qui a en quelque sorte organisé l'opération de
25 transfert par car, "en assumant le rôle d'exécuteur en chef du transfert
26 forcé, l'appelant partageait l'intention de l'état-major principal visant à
27 effectuer le crime de génocide."
28 Et, là encore, très brièvement, le paragraphe 57 de l'opinion dissidente du
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1 Juge Shahabuddeen, où il a dit :
2 "Le déplacement en tant que tel ne constitue pas un génocide. Mais ici, il
3 s'est produit plus qu'un simple déplacement. Les assassinats, de concert
4 avec un effort déterminé afin de capturer les autres pour les assassiner,
5 le transport forcé ou pour expulser la population qui restait, ainsi que la
6 destruction des maisons et des lieux de culte, constituaient une seule
7 opération qui a été exécutée dans l'intention de détruire le groupe dans sa
8 totalité ou dans une partie et dans le sens du chapeau du paragraphe 2 de
9 l'article 4 du Statut."
10 Et pour continuer, encore une fois, en citant le Juge Shahabuddeen :
11 "C'était un ensemble de facteurs convergents sur lesquels s'est appuyée la
12 Chambre de première instance lorsqu'elle affirme au paragraphe 595 de son
13 jugement que 'les forces serbes de Bosnie savaient, au moment où elles ont
14 décidé de tuer tous les hommes aptes à combattre, que dans l'ensemble, la
15 combinaison de ces assassinats avec le transfert forcé des femmes, des
16 enfants et des personnes âgées, inévitablement, aurait pour résultat la
17 disparition physique de la population musulmane de Bosnie de Srebrenica.'"
18 Je pense que l'on peut affirmer en tout équité que le jugement en appel de
19 Krstic est devenu le cas faisant autorité sur la question de génocide, et
20 en particulier pour ce qui est de toute conduite génocidaire présumée qui
21 se serait produite dans la zone de Srebrenica au moment qui nous intéresse.
22 Suite à l'arrêt en appel Krstic, l'ensemble des affaires relatives à
23 Srebrenica ont compris des actes d'accusation où il a été reproché une
24 combinaison d'assassinats et de transfert forcé de Srebrenica. Donc, dans
25 les affaires Blagojevic et Jokic, Tolimir, Karadzic, et Mladic également.
26 Le schéma pour l'ensemble de ces affaires qui ont suivi a été, en fait,
27 préétabli par l'arrêt en appel dans l'affaire Krstic. Dans chacune des
28 affaires postérieures, dans chacune de ces affaires, l'Accusation a suivi
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1 le raisonnement du jugement de l'appel Krstic où on reproche la commission
2 de génocide par une combinaison d'assassinats en masse des hommes valides
3 et le transfert forcé des femmes et des enfants, qui ont pour résultat la
4 destruction des Musulmans de Bosnie de Bosnie orientale.
5 A titre d'exemple, dans l'affaire Tolimir, jugement de première instance,
6 il s'agit pour l'essentiel des mêmes faits, de meurtres en masse et de
7 transfert forcé de Srebrenica, et je cite le paragraphe
8 1 157 du jugement de première instance :
9 "… le groupe protégé - la population musulmane de Bosnie de Bosnie
10 orientale - a été assassiné et a fait l'objet d'atteintes graves physiques
11 et psychologiques par des actes de meurtre et d'assassinat et de
12 déplacement forcé. Des conditions qui ont été les résultats des actions
13 commises par les forces serbes de Bosnie ont été partie des faits combinés
14 de déplacement forcé et des opérations de meurtre qui ont été délibérément
15 infligés et dont l'objectif était d'entraîner la destruction physique des
16 Musulmans de Bosnie de Bosnie orientale."
17 Ce qui m'amène à l'affaire en espèce à M. Beara. Ce que j'ai appelé le
18 schéma de l'arrêt en appel Krstic a été utilisé en l'espèce s'agissant de
19 M. Beara et il lui a été reproché le génocide. L'Accusation lui a reproché
20 le génocide avec une combinaison de meurtres en masse des hommes avec le
21 transfert forcé des femmes et des enfants. Et avant de parler de l'acte
22 d'accusation en tant que tel, nous allons simplement constater que
23 l'Accusation a par la suite demandé qu'il y ait jonction d'affaires entre
24 M. Beara et les autres co-défendants [phon], et je cite :
25 "L'ensemble de ces actes d'accusation portent sur la même transaction, un
26 schéma commun dont l'objectif était de nettoyer ethniquement les enclaves
27 de Bosnie orientale. En particulier, le schéma qui a consisté de deux
28 entreprises criminelles conjointes qui sont liées mutuellement. L'une 'de
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1 forcer la population musulmane de Srebrenica et de Zepa de partir', et
2 l'autre 'd'assassiner l'ensemble des hommes valides capturés dans l'enclave
3 de Srebrenica.'"
4 C'était le paragraphe 9 de la requête.
5 Et maintenant, parlant de l'acte d'accusation qui concerne M. Beara, l'acte
6 d'accusation allègue que Pandurevic, Beara, Popovic, Nikolic et Borovcanin
7 ont commis un acte de génocide, et je me penche actuellement sur le
8 paragraphe 26 de l'acte d'accusation :
9 "Avec l'intention de détruire une partie de la population musulmane de
10 Bosnie en tant que groupe ethnique ou religieux.
11 "(A) d'assassiner les membres du groupe par voie d'exécution sommaire, y
12 compris des exécutions planifiées et opportunistes, telles que décrites
13 dans le présent acte d'accusation;
14 "(B) d'infliger, de porter atteinte à l'intégrité physique ou mentale des
15 femmes et des enfants faisant partie de la population musulmane de Bosnie
16 de Srebrenica et de Zepa, ne se limitant pas à la séparation des hommes
17 valides de leurs familles et le déplacement forcé de la population de leurs
18 maisons vers les zones se situant à l'extérieur de la Republika Srpska."
19 Et plus loin, au paragraphe 33 :
20 "Le transfert forcé de femmes et d'enfants de Srebrenica et de Zepa, tel
21 que décrit à l'acte d'accusation, a créé des conditions connues de la part
22 de l'accusé, et il savait que cela allait contribuer à la destruction de la
23 population musulmane de Bosnie orientale, comprenant mais ne se limitant
24 pas à l'impossibilité pour cette population de vivre et de se reproduire
25 normalement."
26 Sur la base de cet acte d'accusation qui allègue une combinaison de
27 meurtres et de transfert forcé en tant qu'actes de génocide, la Chambre de
28 première instance a résumé la théorie de la cause de l'Accusation au
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1 paragraphe 838, et je cite :
2 "L'Accusation allègue qu'une décision a été prise, à savoir la décision de
3 détruire la population musulmane de Bosnie de Bosnie orientale, qui a été
4 mise en œuvre principalement par voie de séparation, de transfert forcé et,
5 en fin de compte, l'assassinat des membres de ce groupe."
6 Ainsi, l'Accusation, en se fondant, je suppose, sur l'arrêt Krstic, a
7 déterminé que la condamnation pour génocide de M. Beara nécessitait
8 l'intention génocidaire par rapport à la fois à l'exécution des hommes et
9 le transfert forcé des femmes et des enfants.
10 La Chambre de première instance a prononcé un acquittement de M. Beara sur
11 la question de transfert forcé, et je cite le paragraphe 1 334 du jugement
12 de la Chambre de première instance :
13 "La Chambre de première instance a estimé que, bien que Beara ait été au
14 courant du plan commun afin de déplacer par la force la population
15 musulmane de Bosnie, il n'a pas contribué de manière importante à cela. De
16 manière similaire, les éléments de preuve sont insuffisants pour constater
17 qu'il a aidé et encouragé le transfert forcé, que ce soit à Srebrenica ou à
18 Zepa, et les éléments de preuve ne démontrent pas non plus qu'il est
19 responsable de transfert forcé par un autre mode de responsabilité. La
20 Chambre de première instance, en conséquence, constate que Beara n'est pas
21 pénalement responsable de transfert forcé en tant que crime contre
22 l'humanité."
23 De l'avis de la Chambre, pour l'acquittement du colonel Beara du chef de
24 transfert forcé, notre argument est, par conséquent, qu'il convient de
25 prononcer un acquittement à son égard par rapport à la charge de génocide
26 également, et ce, parce que l'Accusation et la Chambre de première
27 instance, à la suite du raisonnement de l'arrêt Krstic, ont déterminé que
28 le groupe pertinent était les Musulmans de Bosnie, à savoir quelque 1 400
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1 000 personnes. Donc le groupe pertinent c'était les Musulmans de Bosnie, et
2 une partie de ce groupe pris pour cible pour la destruction était les
3 Musulmans de Bosnie de Bosnie orientale, y compris les enclaves de
4 Srebrenica et Zepa, autrement dit, à peu près 40 000 personnes, ce qui ne
5 constitue que 2,9 % à peu près de la population musulmane de Bosnie. Ce qui
6 est considéré tant par la Chambre de première instance que par la Chambre
7 d'arrêt dans l'affaire Krstic comme constituant un nombre suffisamment
8 substantiel pour répondre aux exigences des dispositions sur le génocide,
9 en particulier puisque les assassinats et le transfert forcé ont résulté en
10 l'anéantissement du groupe musulman de Bosnie de Bosnie orientale, comme
11 cela a été constaté par les deux Chambres, la Chambre de première instance
12 et la Chambre d'arrêt.
13 En acquittant le colonel Beara du chef d'accusation de transfert forcé,
14 seule la conduite génocidaire pour laquelle M. Beara a été déclaré coupable
15 constitue le meurtre d'à peu près 5 300 personnes, telle est l'estimation,
16 ce qui est donc le chiffre qui a été utilisé par la Chambre de première
17 instance en l'espèce. Ces assassinats, certes, sont horribles, comme tout
18 assassinat; mais l'Accusation et la Chambre de première instance n'ont pas
19 estimé que les assassinats de ces hommes, qui constituent moins de la
20 moitié d'un pourcent de la population musulmane de Bosnie, répondent aux
21 critères de crime de génocide et qu'ils ne constituent pas une partie
22 juridiquement significative du groupe ciblé. Je vais à présent citer les
23 paragraphes 861, 862 et 863 de la Chambre de première instance, avec le
24 raisonnement de la Chambre sur la question de génocide et la responsabilité
25 de M. Beara là-dessus :
26 "La Chambre de première instance constate que l'opération de meurtre, à
27 partir de la séparation jusqu'à la détention et l'exécution ainsi que
28 l'ensevelissement, a été une stratégie qui a été orchestrée de manière
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1 précise afin de détruire la population musulmane ciblée de Bosnie
2 orientale. Comme cela a déjà été constaté par le biais de cette entreprise
3 d'assassinat, les actes sous-jacents de meurtre et le fait de porter
4 atteinte à l'intégrité physique et mentale ont été commis. La Chambre de
5 première instance estime qu'il a été démontré au-delà de tout doute
6 raisonnable que ces actes ont été perpétrés et constate que l'intention
7 génocidaire existait."
8 Et plus loin, au paragraphe 862 :
9 "La Chambre de première instance s'appuie dans sa conclusion sur 'd'autres
10 actes répréhensibles qui ont été systématiquement dirigés contre le même
11 groupe.' Pendant cette même période de temps, en particulier il s'agit de
12 l'opération de transfert forcé et des circonstances qui l'ont accompagnée,
13 qui a été dirigée contre la population à Potocari. Les efforts afin de
14 déplacer par la force le reste de la population avec la prise pour cible
15 des hommes afin de les assassiner, ce qui fournit de nouveaux moyens de
16 preuve démontrant que l'intention était celle de détruire."
17 Et au paragraphe 863, enfin :
18 "Ainsi, la Chambre de première instance estime que le génocide a été commis
19 par les membres des forces serbes de Bosnie, y compris les membres d'état-
20 major de la VRS, la branche de la sécurité de la VRS, Popovic et Beara,
21 contre les Musulmans de Bosnie orientale en tant que partie des Musulmans
22 de Bosnie."
23 Ainsi donc, il est clair que la Chambre de première instance, en
24 mentionnant ainsi le transfert forcé avec les assassinats, mentionne qu'il
25 s'agit d'une combinaison de facteurs qui ont eu pour résultat cette
26 conclusion que M. Beara avait l'intention génocidaire de détruire la
27 population musulmane de Bosnie orientale. Toutefois, la Chambre de première
28 instance a prononcé un acquittement à l'égard du colonel Beara pour le chef
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1 d'accusation de transfert forcé par rapport au déplacement de la population
2 musulmane de Bosnie des deux enclaves, Srebrenica et Zepa, et elle n'a pas
3 estimé que les moyens de preuve étaient suffisants pour estimer qu'il y a
4 eu aide et encouragement de la part de M. Beara. Quelle a été la conclusion
5 de la Chambre de première instance :
6 "Que Beara était au courant du plan commun cherchant à déplacer par
7 la force la population musulmane de Bosnie, mais qu'il n'a pas contribué de
8 manière importante à cela."
9 Et, par conséquent, il a été prononcé un acquittement à son égard
10 pour le chef d'accusation de transfert forcé.
11 Nous estimons que le fait de constater que l'intention génocidaire
12 existait n'est pas suffisant pour justifier la déclaration de culpabilité
13 au titre de génocide contre le colonel Beara parce qu'il aurait su que ce
14 plan était en place de déplacer par la force la population musulmane de
15 Bosnie. Le critère d'intention spécifique, le dolus specialis, exigeait
16 sans aucun doute que l'Accusation devait démontrer au-delà de tout doute
17 raisonnable que le colonel Beara avait l'intention spécifique non seulement
18 d'assassiner des hommes, mais de transférer par la force les femmes, les
19 enfants et les personnes âgées de Srebrenica.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Excusez-nous, est-ce que vous êtes
21 en train de dire que l'intention génocidaire ne peut pas être déduite de
22 seuls les assassinats ?
23 M. SEPENUK : [interprétation] Exactement, c'est ce que je suis en train de
24 dire. Cela ne peut pas se faire. Nous avons besoin d'une convergence
25 d'assassinats et de transfert forcé, parce que si c'était uniquement des
26 assassinats d'hommes, je ne pense pas que cela démontrerait l'intention de
27 détruire l'ensemble de la population musulmane de Bosnie de Bosnie
28 orientale. C'est l'exigence de l'arrêt Krstic -- donc la définition du
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1 génocide dans ces circonstances c'est d'anéantir, d'éliminer, l'ensemble de
2 la population des enclaves Srebrenica et Zepa. Cela n'a pas à voir avec
3 seuls les hommes. Donc, seuls les hommes ne signifie pas l'ensemble de la
4 population musulmane de Bosnie orientale. Et seuls les hommes valides, cela
5 ne suffirait pas non plus.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc vous êtes en train de nous dire
7 que les 5 300 ne répondraient pas aux critères --
8 M. SEPENUK : [interprétation] Je ne pense pas cela. Monsieur le Juge, c'est
9 un argument très délicat, très difficile -- parler de cela de cette
10 manière-là. Il s'agit d'êtres humains. Mais je suis en train de dire, oui,
11 qu'un demi-pourcent ne répond pas aux critères de contribution ou d'acte
12 ayant des conséquences substantielles. Mais ce qui est encore plus
13 important, cela ne montre pas l'intention de détruire la population
14 musulmane de Bosnie de Bosnie orientale. C'était l'arrêt Krstic, et c'est,
15 je pense, le critère sur lequel s'est appuyée la Chambre de première
16 instance ici. Donc il s'agissait de la destruction de l'enclave de
17 Srebrenica, et je suis en train de dire : Ce n'était pas suffisant, le fait
18 de démontrer les assassinats des hommes, bien que ce soit atroce et
19 horrible.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous prie, vous pouvez continuer.
21 M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie.
22 L'intention génocidaire requise par la Chambre d'arrêt dans l'affaire
23 Krstic exige de la part de l'Accusation de démontrer au-delà de tout doute
24 raisonnable que M. Beara avait pour intention de détruire les Musulmans de
25 Bosnie de Bosnie orientale par une convergence d'assassinats en masse des
26 hommes et le transfert forcé des femmes et des enfants. Par l'acquittement
27 qui a été prononcé au titre de chef d'accusation de transfert forcé,
28 l'Accusation n'a pas démontré l'intention génocidaire requise de détruire
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1 les Musulmans de Bosnie orientale. Par conséquent, le colonel Beara devrait
2 bénéficier de l'acquittement au titre de génocide, au moins c'est ce qui
3 est requis par la règle établie par cette Chambre d'appel, à savoir une
4 conclusion qu'il y a eu génocide n'est pas la seule conclusion raisonnable
5 qui peut être déduite des moyens de preuve en l'espèce.
6 A moins qu'il y ait des questions, j'en ai terminé.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un argument fort intéressant. Et je
8 suis sûr que M. Rogers reviendra là-dessus.
9 M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
11 M. OSTOJIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, puis-je ?
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, tout à fait.
13 M. OSTOJIC : [interprétation] Hier, lorsque je vous ai présenté les grandes
14 lignes de mon argumentaire, je vous ai indiqué ce sur quoi allait porter
15 l'intervention de Me Sepenuk. Je vous ai également dit que nous allions
16 nous intéresser aux erreurs commises par la Chambre de première instance,
17 erreurs de fait ainsi qu'erreurs de droit, pour ce qui est de leurs
18 conclusions eu égard à M. Beara, notamment en ce qui concerne l'entreprise
19 criminelle commune visant à commettre des meurtres et des assassinats ainsi
20 que l'intention génocidaire qu'il avait. En faisant cela, la Chambre de
21 première instance a eu recours à certains éléments de preuve qui, comme
22 nous l'avons dit hier, ne sont pas fiables, ne sont pas véridiques et n'ont
23 pas été corroborés. Et avant que nous n'entrions dans les détails, comme je
24 l'ai déjà mis en exergue, le Tribunal et tout tribunal, me semble-t-il,
25 doit prendre en considération des facteurs extérieurs. Il s'agit
26 essentiellement de trois choses : déterminer et établir si une personne a
27 participé à une entreprise criminelle commune visant, en l'espèce, les
28 meurtres et assassinats; voir quelle fut la contribution importante à
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1 l'entreprise criminelle commune; et ils doivent également prendre en
2 considération les mêmes facteurs pour l'intention génocidaire. Ces trois
3 facteurs, me semble-t-il, ont été d'une certaine façon mis en exergue par
4 la Chambre de première instance mais n'ont pas été utilisés à bon escient,
5 puisqu'il a été question de présence physique tout comme d'actions. Il est
6 absolument incroyable, me semble-t-il, et extrêmement important de bien
7 faire la part des choses entre ces trois : les mots prononcés, la présence
8 physique et les actions.
9 Il me semble que l'Accusation fait l'amalgame entre ces trois pour essayer,
10 en fait, de rendre la chose nébuleuse. Je pense non seulement qu'il faut
11 faire le distinguo entre les trois, mais nous devons, qui plus est, faire
12 un autre distinguo pour ce qui est de M. Beara. Car, au paragraphe 1 299,
13 la Chambre de première instance a indiqué qu'il n'y avait pas d'élément de
14 preuve direct de la participation de M. Beara aux opérations de meurtre
15 avant le 13 juillet.
16 Ce n'est pas un appel, il s'agit tout simplement d'un fait que nous devons
17 accepter en tant que tel. Mais ce qui est implicite ici, c'est qu'il y a
18 des éléments de preuve indirects quant à sa participation aux opérations de
19 meurtre. Et avant de m'intéresser à cela, nous devrions examiner si le 13
20 juillet, date à laquelle M. Beara aurait été un participant à cette
21 entreprise criminelle commune, est-ce que cela s'est véritablement passé.
22 Car, au vu des dossiers en l'espèce et d'après les conclusions de la
23 Chambre de première instance, ce que nous suggérons, c'est qu'il n'aurait
24 pas pu participer à cela avant la réunion alléguée qu'il a eue avec M.
25 Deronjic. Les éléments de preuve présentés par M. Deronjic soulèvent bien
26 des soupçons et pour de nombreuses raisons que j'ai déjà évoquées hier.
27 C'est la seule personne qui avance que M. Beara lui a parlé et a utilisé
28 les termes suivants "tuez-les tous". C'est sur la base de cette
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1 conversation, sur la base de ces termes, que la Chambre de première
2 instance a conclu que M. Beara avait participé à l'entreprise criminelle
3 commune. Malheureusement, la Chambre de première instance semble s'appuyer
4 sur d'autres éléments de preuve pour établir la corroboration, mais ils
5 mélangent, ils font un amalgame, en quelque sorte. Qui d'autre était
6 présent au côté de M. Beara lorsqu'il aurait apparemment utilisé ces
7 termes, "tuez-les tous", en faisant référence aux Musulmans de Bosnie ?
8 Personne. Vous pouvez analyser et disséquer autant de fois que vous le
9 souhaitez le dossier en l'espèce, la seule conclusion qu'une Chambre de
10 première instance raisonnable aurait pu dégager est que ces éléments de
11 preuve n'ont pas été corroborés.
12 D'ailleurs, lorsque la Chambre de première instance a analysé si elle
13 allait accepter les éléments de preuve en application de l'article 92
14 quater, éléments de preuve et déposition de M. Miroslav Deronjic le 21
15 avril 2008, cette même Chambre de première instance a déclaré ce qui suit,
16 et je cite :
17 "La déposition de M. Deronjic comprend des éléments de preuve qui portent
18 sur la preuve des actes et du comportement des accusés suivants,
19 Pandurevic, Borovcanin et Beara, et notamment les endroits où s'étaient
20 trouvés MM. Pandurevic et Borovcanin en juillet 1995, et portent également
21 sur cette visite alléguée de la part de M. Beara et cette conversation
22 qu'il aurait eue avec M. Deronjic dans son bureau à Bratunac le soir du 13
23 juillet 1995."
24 Citation qui figure au paragraphe 58.
25 Et puis, ensuite, pour déterminer si elle allait admettre ces éléments de
26 preuve, elle a déclaré ce qui suit, je cite à nouveau :
27 "La Chambre de première instance reconnaît que la déposition de M.
28 Deronjic," 1, "comporte un certain nombre d'erreurs ou de décalages;"
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1 deuxièmement, "comporte un certain nombre de déclarations erronées;" et
2 troisièmement, "inclut un certain nombre de choses qui ont été avancées qui
3 sont fausses.
4 "Cela n'a pas été réfuté par l'Accusation."
5 Donc la Chambre de première instance savait pertinemment que l'Accusation
6 avait accepté cela et n'avait pas remis en question le manque de
7 crédibilité et de fiabilité de la déposition de M. Deronjic. Toutefois,
8 dans cette décision, ce qui est absolument frappant, et nous le trouvons au
9 paragraphe 62, page 15, est que la Chambre de première instance déclare, et
10 je cite :
11 "Ce qui n'a pas été étayé dans sa déposition porte sur les détails de la
12 réunion et de la conversation qu'il a eues avec Beara le 13 juillet."
13 Paragraphe 62, page 15, de la décision de la Chambre de première instance
14 rendue le 21 avril 2008.
15 L'Accusation a déclaré dans les grandes lignes, même hier d'ailleurs, que
16 nous devons prendre en considération le nombre d'éléments de preuve. Moi,
17 je pense que nous devrions nous intéresser non seulement à la quantité, au
18 nombre des éléments de preuve, mais à leur qualité. Car, pour ce qui est du
19 nombre d'éléments de preuve, il se peut que cela permette d'établir
20 certaines choses par rapport à la présence physique ou par rapport à
21 certaines questions eu égard à l'action, mais il n'y a pas d'élément de
22 preuve qui corrobore ce qu'a avancé M. Deronjic, à savoir que M. Beara
23 s'était trouvé dans son bureau et qu'il avait utilisé les termes "tuez-les
24 tous".
25 La Chambre de première instance a commis une erreur lorsqu'elle a accepté
26 cet élément de preuve. La Chambre de première instance a commis une erreur
27 parce qu'elle a fait un amalgame entre ces trois éléments fondamentaux et a
28 mélangé les questions relatives aux propos tenus, à la présence physique et
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1 aux actes.
2 Au paragraphe 1 215 de la décision qui a été citée, la Chambre de première
3 instance indique qu'ils allaient être extrêmement circonspects lors de
4 l'évaluation de la déposition de M. Deronjic et pour ce qui était de savoir
5 le poids qui allait lui être attribuée. Et ils ont déclaré qu'ils ont, et
6 je cite :
7 "… examiné s'il pouvait y avoir une corroboration de certains éléments qui
8 portent sur des questions critiques…"
9 Au paragraphe 1 215, ils nous disent qu'ils vont essayer de trouver des
10 éléments de preuve qui corroborent certaines parties qui portent sur des
11 questions critiques. Alors, qu'est-ce qui peut être plus critique que le
12 fait d'avoir un homme qui a été accusé et auquel on reproche le crime de
13 génocide ainsi que d'autres crimes contre l'humanité, et sur le base de ce
14 chef et de cette allégation indiquée par quelqu'un qui a admis qu'ils
15 étaient en état d'ébriété, que cela s'était passé fort tard pendant la
16 soirée, alors que personne d'autre n'était présent : Tuez tous ? J'avance
17 que la Chambre de première instance a commis une grave erreur et qu'elle
18 n'aurait pas dû admettre la déposition de M. Deronjic. Aucune Chambre de
19 première instance raisonnable n'aurait accordé aucun poids à la déposition
20 de M. Deronjic pour ce qui est de sa conversation avec M. Beara.
21 J'aimerais maintenant vous indiquer quand la Chambre de première instance a
22 eu recours à cet élément de preuve pour vous montrer quel fut l'impact de
23 cela, qui a véritablement eu une incidence toxique sur l'ensemble du
24 jugement en première instance lorsqu'il s'agit de M. Beara. Eu égard à
25 l'entreprise criminelle commune visant les meurtres, je vous invite à
26 analyser les deux paragraphes 1 301 et 1 302, où la Chambre de première
27 instance déclare, toujours en ce qui concerne M. Beara, et je cite :
28 "… sa contribution à l'objectif commun ne peut pas être considéré autrement
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1 que comme une contribution importante, tout comme ses actions," il s'agit
2 d'élément séparé là, "et tout comme ses mots qui indiquent qu'il n'y a
3 aucune doute que lui," à savoir M. Beara, "a partagé l'intention de tuer
4 sur une grande échelle."
5 Regardez les actions, les mots et la présence physique doivent être
6 présents. La Chambre de première instance a conclu que les actions et les
7 mots - de quels termes s'agit-il ? - ont été pris en considération pour
8 déterminer. Encore faut-il savoir sur quels termes s'est appuyée la Chambre
9 de première instance lorsqu'elle a déclaré cela aux paragraphes 1 301 et 1
10 302. Nous devons tout simplement regarder le paragraphe précédent, le
11 paragraphe 1 300. Au paragraphe 1 300, la Chambre de première instance fait
12 référence aux seuls termes que nous pouvons trouver, et je cite :
13 "Le premier acte pour lequel nous avons eu des éléments de preuve pour ce
14 qui est de M. Beara illustre le rôle de [inaudible] qu'il a joué dans cette
15 opération de meurtre. Il arrive le 13 juillet dans les bureaux du président
16 du SDS de Bratunac avec un ordre qui lui vient des 'plus hauts échelons',
17 l'ordre étant de tuer tous les hommes musulmans de Bosnie qui se trouvent
18 dans Bratunac et dans les environs de Bratunac."
19 Si la Chambre de première instance avait exclu en bonne et due forme tous
20 les éléments de preuve non fiables de M. Deronjic et si elle avait exclu
21 ces éléments de preuve qui n'ont pas été corroborés, elle n'aurait pas
22 conclu que M. Beara avait été membre de l'entreprise criminelle commune
23 visant le meurtre et, de façon quasi-certaine, elle n'aurait pas conclu que
24 Ljubisa Beara avait contribué de façon importante à l'entreprise criminelle
25 commune visant à tuer ces personnes.
26 Alors, bien entendu, il y a d'autres éléments de preuve, autres que ceux
27 apportés pas M. Deronjic et qui portent sur M. Beara, mais je dirais que
28 pour ce qui est de ces mots utilisés, la Chambre de première instance s'est
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1 uniquement et exclusivement appuyée, à notre avis, sur cette déposition de
2 M. Deronjic. Les éléments de preuve apportés par M. Deronjic dans le cadre
3 de sa déposition ont été considérés comme constituant des déclarations non
4 corroborées avec des illogismes dans sa déposition. Il faut prendre en
5 considération sa situation de criminel de guerre qui avait tout à tirer
6 d'un accord de plaidoyer. Et dans le cadre de sa déposition contre Beara,
7 il fait référence aux actes et au comportement de M. Beara.
8 Il est intéressant de remarquer qu'une autre Chambre de première instance
9 de ce Tribunal, à savoir dans l'affaire Karadzic, face à une question
10 semblable, il était question de la déposition de M. Deronjic, qui était
11 présenté par l'Accusation - cela est indiqué dans le dossier - cela devait
12 être considéré comme une déposition non fiable à laquelle aucun poids ne
13 devrait être accordé. Dans ce cas, la Chambre de première instance a réfuté
14 la demande présentée par l'Accusation qui souhaitait verser au dossier ces
15 éléments de preuve. Il est curieux de voir que la Chambre de première
16 instance, lorsqu'elle a rendu sa décision, était parfaitement informée de
17 la décision rendue par la Chambre de première instance dans notre affaire
18 et a essayé de faire la part des choses et de faire la différence en
19 indiquant que la décision qu'elle rendait était rendue à propos de la
20 déposition de M. Deronjic dans l'affaire Karadzic.
21 Donc il n'y a pas de norme reconnue en fonction de laquelle un acte
22 ou plus d'un acte devrait ou ne devrait pas correspondre aux critères qui
23 permettraient d'accepter ou d'exclure un élément de preuve. La règle et la
24 jurisprudence consistent à voir si l'élément de preuve en question est
25 crédible ou non, s'il est fiable. S'il est fiable, et non seulement
26 pertinent, mais s'il est fiable, encore faut-il savoir quel poids lui
27 accorder. Etant donné qu'il n'y a pas de corroboration de cet élément de
28 preuve ou de cette déposition sur laquelle s'est appuyée la Chambre de
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1 première instance, nous pensons que cela devrait être exclu et que cette
2 affaire devrait être analysée sans prendre en considération la déposition
3 de M. Deronjic, car cela annule tout simplement la condamnation prononcée
4 par la Chambre de première instance à propos de M. Beara.
5 Mais la Chambre de première instance ne s'est pas arrêtée là -- elle
6 n'a pas seulement utilisé la déposition de M. Deronjic contre M. Beara pour
7 déterminer sa participation à l'entreprise criminelle commune, comme je
8 vous l'ai déjà dit. Elle s'est appuyée en grande partie sur cette
9 déposition pour déterminer l'intention spéciale requise pour le génocide,
10 et elle a même utilisé cela lorsqu'elle a prononcé la peine de M. Beara. Je
11 vous invite à analyser le paragraphe 1 314 de la décision de la Chambre de
12 première instance à propos du génocide. Voilà ce qui est indiqué, et je
13 cite :
14 "… sa détermination sinistre à tuer autant de personnes que possible aussi
15 rapidement que possible. Ses réunions avec Deronjic pendant la nuit du 13
16 juillet nous permettent de comprendre de façon glacée quel était son état
17 d'esprit, un état d'esprit de destruction. Lorsque lui," à savoir Beara, "a
18 annoncé une intention de 'tous les tuer', il s'agit d'un homme déterminé
19 qui n'envisage même pas ou ne fait pas de remarque à propos de la nature
20 absolument atroce de ses 'ordres', il se lance dans une série d'échanges ou
21 de discussions houleux à propos du meilleur endroit pour cette entreprise
22 extrêmement répréhensible."
23 La Chambre de première instance a également indiqué au paragraphe 1
24 311, comme je l'ai déjà indiqué :
25 "Il n'y a pas d'éléments de preuve directs suivant lesquels Beara avait
26 l'intention spéciale requise pour le génocide…"
27 Mais si nous regardons les mots qui ont censé avoir été prononcés par M.
28 Beara, et c'est ce qu'ils font, ils se sont véritablement appuyés en grande
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1 mesure sur ces mots, comme je l'ai déjà indiqué à propos du paragraphe 1
2 314, et c'est sur la base de ces mots qu'une personne a été condamnée, la
3 personne qui a prononcé ces mots a menti à plusieurs reprises, a modifié
4 son histoire à plusieurs reprises, et pourtant, la Chambre de première
5 instance s'est appuyée sur cet élément de preuve. Nous continuons à
6 soulever des objections à ce sujet et nous croyons qu'il ne faudrait
7 accorder aucun poids à cet élément de preuve et à cette déposition, qu'ils
8 devraient être exclus.
9 Nous voyons que la Chambre de première instance indique : Oui, mais
10 d'autres personnes ont vu Beara au SDS de Bratunac. Il est intéressant que
11 ces personnes qui sont suggérées par la Chambre de première instance sont
12 considérées comme crédibles et fiables pour confirmer sa présence physique,
13 et il s'agit de M. Borovcanin, de M. Simic, du Témoin PW-161 et PW-170. Or,
14 nous connaissons M. Borovcanin, nous savons pertinemment qu'il n'a pas
15 témoigné en l'espèce. Et je dirais que son audition avec l'Accusation a été
16 versée au dossier, en application de l'article 92 ter à nouveau. Une fois
17 de plus, est-ce que M. Beara ne doit pas bénéficier de certains droits ? Ne
18 devrait-il pas être présumé innocent ? Est-ce qu'il ne devrait pas au moins
19 avoir le droit de contre-interroger les témoins qui ont présenté des
20 allégations à son sujet ?
21 Et toutefois, la Chambre de première instance a commis une erreur parce
22 qu'elle a utilisé, justement, la déclaration de M. Borovcanin pour
23 confirmer les dires de M. Deronjic. Or, M. Borovcanin n'était pas présent
24 lorsque la discussion -- apparemment, cette discussion alléguée entre M.
25 Beara et M. Deronjic a eu lieu. Borovcanin ne dit pas qu'il a entendu Beara
26 utiliser ces mots de "tuez-les tous". La Chambre de première instance dit
27 tout simplement qu'ils étaient présents et que M. Borovcanin les aurait vus
28 se disputer.
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1 De même, la Chambre de première instance utilise en grande partie les
2 propos d'une autre personne à laquelle il faut accorder encore moins de
3 crédibilité que M. Deronjic, et il s'agit de Momir Nikolic. Autre personne
4 particulièrement célèbre pour avoir fait des déclarations illogiques et
5 incompatibles les unes avec les autres, notoire pour avoir fourni des
6 déclarations erronées, notoire et connu pour avoir changé ses accords de
7 plaidoyer toujours à son avantage, et puis, finalement, il a fini par
8 accepter, sans que cela ne soit corroboré, que M. Beara a, à un moment
9 donné, prononcé ces mots visant la destruction de tous les hommes musulmans
10 de Bosnie à Bratunac. Alors, bien entendu, il ne faudrait accorder aucun
11 poids à cela. Pourquoi, une fois de plus ? Parce que cela vise des
12 questions critiques relatives aux actes et au comportement de M. Beara et
13 que cela n'a pas été corroboré.
14 Nous ne voulons pas, comme le fait l'Accusation, dire que, parce
15 qu'il y a moult éléments de preuve, cela est une façon de corroborer ce qui
16 a été dit. Nous avons analysé, et nous disons : A quel moment est-ce qu'une
17 personne qui bénéficie d'une certaine crédibilité ou d'une certaine
18 fiabilité a corroboré cette conversation ? Ce que j'avance, c'est que la
19 Chambre de première instance a commis une erreur lorsqu'elle a utilisé la
20 déposition de MM. Borovcanin, Momir Nikolic et Deronjic pour déterminer que
21 M. Beara avait prononcé ces mots et avait été physiquement présent le 13
22 juillet 1995.
23 Une fois de plus, il n'y a pas d'autre élément de preuve eu égard à
24 M. Beara pour ce qui est du 13 juillet 1995. Il arrive assez tard sur les
25 lieux, il arrive apparemment pendant la nuit, et il semble déambuler tout
26 seul dans la ville de Bratunac.
27 Il y a un témoin qu'a utilisé la Chambre qui indique - et cela est
28 indiqué à la note de bas de page 4 118 du compte rendu d'audience - que
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1 quelqu'un lui aurait dit que M. Ljubisa Beara se trouvait dans les bureaux
2 du SDS. Et puis, ensuite, il poursuit et il dit qu'il s'agissait
3 probablement de Beara. La déposition de Deronjic, même si elle n'est
4 absolument pas fiable, a dit que Simic était en train de dormir, donc il ne
5 pouvait pas le savoir.
6 Nous ne pouvons pas accepter de telles corroborations de dépositions
7 même quand on parle seulement de présence, de présence physique, de
8 l'accusé ou d'un individu alors que le témoin qui en parle est un témoin
9 qui n'est pas fiable et auquel on ne peut pas faire confiance.
10 Les Juges de la Chambre se sont aussi appuyés sur la déposition du
11 Témoin PW-170, et c'est quelque chose qui figure dans le paragraphe 1 268.
12 Eh bien, c'est illuminant ce que les Juges ont dit au sujet de ce Témoin
13 PW-170. Les Juges acceptent que PW-170 n'ait pas dit que Beara était
14 présent au moment de la réunion, mais ils utilisent cela comme un moyen de
15 preuve qu'il corrobore. Donc la logique qui a été employée par les Juges de
16 la Chambre de première instance n'a pas été une bonne logique, et ceci,
17 dans de nombreux aspects, parce que ça se repose sur la théorie du
18 Procureur à savoir que la quantité est plus importante que la qualité.
19 Hier, nous avons très brièvement parlé de la présence physique, et là nous
20 allons parler de la date du 14 juillet, et donc, où se trouvait M. Beara le
21 14 juillet.
22 Egbers, c'était un des témoins qui ont déposé en l'espèce. Et M. Egbers
23 était prétendument présent à la réunion au moment où on lui a présenté M.
24 Beara. Zoran Malinic était présent à la réunion. Et la Chambre m'a demandé
25 de vous donner quelques citations. On peut regarder ce qui se trouve dans
26 le procès-verbal, dans le jugement de la Chambre de première instance,
27 paragraphe 1 220 et paragraphe
28 1 260, où on dit clairement que Zoran Malinic et un interprète étaient
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1 présents pendant sa réunion prétendue avec M. Beara et M. Egbers. Aussi,
2 nous avons le propos liminaire du Procureur du 21 août 2006, où cela
3 commence clairement à la ligne -- donc, à la page 411, lignes 24 à 25, et
4 cela se poursuit sur la page 415 -- excusez-moi, 412. Donc, 412, lignes 1 à
5 5, c'est là où le Procureur dit qu'à peu près le 13 ou le 14 juillet, même
6 si maintenant on sait que c'était le 14, le Bataillon hollandais -- le
7 lieutenant-colonel ou soldat Vincent Egbers était à Nova Kasaba, et le
8 commandant Malinic, même si dans le compte rendu on parle de Malonic, était
9 avec lui. Et donc, il a introduit son commandant en disant : Voici Beara.
10 Et plus tard dans la déposition, on voit que Vincent Egbers, le 19 octobre
11 2006, a dit clairement qu'il était avec Zoran Malinic à Nova Kasaba pendant
12 deux jours. C'est quelque chose qui se trouve à la page 2 818, et aussi à
13 la page 2 855. On est le 20 octobre. Voici ce qu'il a dit :
14 "… je n'ai entendu parler du colonel Beara" --
15 L'APPELANT POPOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je dois vous
16 demander de m'accorder une pause, je dois me rendre aux toilettes.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Eh bien, effectivement, nous allons
18 prendre une pause à présent, une pause qui va durer 20 minutes.
19 --- L'audience est suspendue à 11 heures 05.
20 --- L'audience est reprise à 11 heures 28.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Ostojic, vous pouvez
22 continuer.
23 M. OSTOJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 Avant la pause, j'ai voulu conclure ce que j'avais à dire au sujet de M.
25 Egbers. Et donc, au mois d'octobre, le 20 octobre 2006, à la page 2 855,
26 lignes 17 à 22, il dit qu'il n'a jamais entendu parler de Beara. Il n'a
27 jamais entendu parler de son existence. Il a été là, présent avec
28 l'interprète et Zoran Malinic, et on lui a parlé du colonel Beara.
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1 Donc le Procureur a fait beaucoup de déclarations concernant la présence de
2 M. Beara dans la zone de Bratunac et Zvornik. Mais sa présence est
3 extrêmement importante. Que vous soyez présent ou non, il faut toujours
4 établir la culpabilité dans un crime. Karadzic n'était pas à Bratunac ou à
5 Zvornik, mais il est quand même accusé de crimes similaires. Donc la
6 présence est importante, mais ce n'est pas d'une importance cruciale. Donc,
7 quand on dit que la présence est un indice, oui, c'est un facteur
8 important. Effectivement, il faut en tenir compte, et c'est quelque chose
9 qui est exigé par la loi, mais c'est un élément corroboratif.
10 Hier, je vous ai dit que la charge de la preuve quand il s'agit de M.
11 Egbers, pour savoir s'il a été ou non à Nova Kasaba le 14 juillet 1994,
12 elle appartient au Procureur. Si M. Beara était là, pourquoi alors ils
13 n'ont pas cité Zoran Malinic ? Si Beara était présent à Nova Kasaba le 14
14 juillet, pourquoi ils n'ont pas cité l'interprète d'Egbers ? Si Ljubisa
15 Beara a été vraiment présent le 14 juillet 1995, pourquoi ils n'ont pas
16 cité à la barre les membres du Bataillon hollandais qui étaient là,
17 présents avec M. Egbers ? Il y en avait six ou huit. Chacun de ces
18 individus aurait pu se rappeler la présence de M. Beara ou aurait pu
19 déposer. Et je pense que la Chambre s'est trompée quand elle est arrivée --
20 que M. Beara n'était pas là. Ils auraient dû prendre plus de dépositions
21 pour l'établir.
22 Et donc, si nous regardons l'opinion dissidente dans l'affaire Tolimir, où
23 on voit que la crédibilité de M. Egbers est mise en doute. Un Juge dans une
24 autre affaire a proposé qu'il ne faudrait pas accorder de poids à la
25 déposition de M. Egbers, comme il ne faudrait pas accorder de poids à la
26 déclaration de Momir Nikolic et autres accusés qui ont déposé en l'espèce.
27 Je pense qu'ici il faudrait faire exactement la même chose. Accepter le
28 point de vue d'Egbers, si on accepte qu'on ait erré en acceptant sa
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1 déposition, le jugement serait annulé quant à sa présence physique, vu que
2 l'on pense que c'est un facteur important.
3 Nous avons donc complètement contesté l'identification de ce témoin de
4 Beara, mais nous allons passer à la journée suivante, la journée du 15
5 juillet 1995, quand la Chambre de première instance s'est encore trompée,
6 encore une fois. Là, les Juges de la Chambre de première instance se sont
7 fondés sur la déposition du Témoin PW-165, qui peut être trouvée dans le
8 jugement de première instance, 1 227 et 1 228. Donc, ici, en ce qui
9 concerne le Témoin PW-165, on dit que Beara était présent avec Popovic dans
10 la caserne Standard, comme on dit, à 6 heures 30 le 15 juillet. Je ne sais
11 pas si vous avez lu cela. Mais dans le dossier de l'affaire, on a analysé
12 les moyens de preuve qui montrent que ce même témoin avait identifié un
13 autre accusé en l'espèce, et voici ce qui a été dit concernant M. Beara
14 dans le paragraphe 1 228 :
15 "La Chambre de première instance avait au préalable affirmé que le fait que
16 le Témoin PW-165 ait par la suite identifié Popovic comme une des personnes
17 qu'il avait vues est suffisant pour que les Juges de la Chambre de première
18 instance établissent que Popovic était présent…"
19 Et ensuite, on continue :
20 "Il n'en va pas de même pour Beara, vu que le Témoin PW-165 ne l'a vu que
21 de dos et n'a pas pu l'identifier par la suite. De sorte que le Témoin PW-
22 165 n'a pas identifié directement Beara comme étant présent…"
23 Avec tout le respect que je vous dois, je pense que nous sommes tous
24 d'accord là-dessus. Cependant, la Chambre de première instance s'est encore
25 une fois trompée quand elle a dit dans ce même paragraphe ce qui suit :
26 "Cependant, le fait est que l'on a dit au Témoin PW-165 qu'il s'agissait là
27 bien de Beara et de Popovic et que cette information a été en partie
28 confirmée par les informations données par Popovic…"
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1 Donc, dans ce paragraphe, on parle de l'identification de Beara. La Chambre
2 de première instance a pu être convaincue que Popovic était sur place,
3 qu'elle se trompe ou non. Mais ensuite, ils ont tiré des conclusions en
4 disant que Beara aussi était présent alors que le témoin n'a pas vu Beara,
5 et les Juges de la Chambre de première instance l'ont reconnu.
6 Et c'est la logique que nous contestons. Je cite cela :
7 "Quand on considère ce fait en combinaison avec d'autres moyens de preuve,
8 et surtout avec la présence de Beara à l'époque dans la région, les Juges
9 de la Chambre de première instance sont convaincus que Beara était présent
10 avec Popovic dans la caserne de Standard au début de la soirée du 15
11 juillet 1995."
12 Donc les Juges de la Chambre disent qu'ils sont convaincus. Mais est-ce que
13 tous les critères ont été satisfaits, est-ce que l'on a réussi à prouver
14 au-delà de tout doute raisonnable que Beara a été bel et bien présent ?
15 Parce que si ce critère de présence physique sur place est tellement
16 important, sur place à cet endroit-là et autres endroits, si les Juges de
17 la Chambre disent qu'il a été présent alors que l'on n'a pas vraiment
18 identifié Beara mais seulement Popovic, est-ce un critère qui est suffisant
19 ? Vu qu'il n'y a pas d'autres moyens de preuve, qu'il n'y a pas d'autres
20 témoins qui corroborent cela ou d'autres explications.
21 Ceci aussi relève de l'intention spéciale et des conclusions des Juges à ce
22 sujet. Dans le paragraphe 1 318, les Juges de la Chambre de première
23 instance parlent justement des différents critères qui relèvent de
24 l'intention spéciale de Ljubisa Beara. Là, ils vont se fonder sur les
25 propos prétendument tenus par M. Beara. Mais il a parlé devant qui ? Devant
26 Deronjic. Alors que la déposition de Deronjic n'est pas une déposition
27 fiable. Et donc, ceci devrait être alors la preuve cruciale pour prouver
28 qu'il avait l'intention de tuer le plus grand nombre de gens possible. On
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1 cite les propos qui ne se reposent que sur la déposition de Deronjic, à
2 savoir que Beara avait donné des instructions à Deronjic. Et d'ailleurs,
3 par rapport à cela, nous n'avons que la déposition de Deronjic.
4 De plus, on a parlé d'autres actes, et on dit : si on examine toute cette
5 série de preuves, tout cela n'a pas pu se produire, tous ces meurtres n'ont
6 pas pu se produire sans que l'appelant soit présent. Mais je vous demande
7 quelles sont vraiment les preuves dont nous disposons ? Eh bien, ces
8 preuves sont vraiment manquantes.
9 Car les Juges de la Chambre de première instance n'ont pas satisfait
10 tous les critères quand il s'agit d'établir l'existence des actes et de
11 présence. Ils ont préféré la quantité à la qualité. Et avec tout le respect
12 que je vous dois, si l'on examine tout ce que Beara a fait, chaque pas,
13 chaque mesure qu'il a prise, si on examine tout cela et qu'on en arrive à
14 la conclusion qu'il faut le condamner, c'est uniquement dans ce cas que
15 nous pouvons vraiment nous dire qu'il s'agissait là d'un procès équitable.
16 Mais puisque ce n'est pas le cas, je considère que la Chambre de première
17 instance a erré et qu'il faut annuler ce jugement.
18 Et maintenant je vais parler de la question du temps, et je vais parler de
19 Jadar et Trnovo. Moi, je considère que la Chambre de première instance n'a
20 pas correctement identifié les auteurs dans l'entreprise criminelle
21 commune, car il faut qu'il existe un lien, un lien qui est indispensable.
22 Je pense que ce lien est indispensable pour que l'on puisse condamner un
23 individu des crimes commis par les personnes qui ne faisaient pas partie de
24 l'entreprise criminelle commune. Dans le jugement, dans les paragraphes 412
25 à 413, de la Chambre d'appel dans l'affaire Brdjanin, on dit que :
26 "L'existence de ce lien est quelque chose qu'il faut établir au cas par
27 cas."
28 Et les Juges de la Chambre ne l'ont pas fait.
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1 Dans la décision Martic, ils ont considéré que la Chambre de première
2 instance n'avait pas trouvé de quelle façon les membres ont été présents.
3 Ceci se trouve dans le paragraphe 181. Moi, je pense que l'opinion
4 dissidente du Juge Kwon quand il s'agit de Trnovo est tout à fait
5 importante, car c'est là qu'on parle de la question de Trnovo. Mais je
6 pense aussi que la question qui concerne Jadar -- eh bien, que par rapport
7 à cela, on ne peut pas garder le jugement qui condamne M. Beara.
8 Et puis, nous avons aussi un arrêt qui dit qu'il est absolument nécessaire
9 qu'il existe un lien entre les auteurs et les membres de l'ECC. Et dans
10 l'affaire Krajisnik, on n'a pas établi ce lien en respectant ce principe de
11 cas par cas comme c'est indiqué dans le paragraphe 235 que je viens de
12 mentionner. Les Juges dans l'affaire Krajisnik ont rejeté la décision
13 Krajisnik -- enfin, le jugement Krajisnik quand il s'agit des lieux de
14 crime et les sites de crime. Dans ce cas précis, je voudrais dire ce qui
15 suit : si nous acceptons que Ljubisa Beara a été présent à 20 heures à
16 Bratunac le 13 juillet, ce soir-là, il se serait joint à l'ECC. Il n'y a
17 pas de preuve, parce que dans le jugement il a été dit qu'il avait déjà
18 participé. Mais quand les meurtres ont eu lieu à Kravica ? Ce jour-là plus
19 tôt. Donc nous pensons que dans ce cas-là, il s'agit aussi de rejeter la
20 conviction par rapport à Kravica.
21 J'espère que j'ai répondu aux questions qui ont été posées par les Juges.
22 Maintenant je voudrais vous présenter les arguments oraux quand il s'agit
23 de rechercher la vérité. Nous avons laissé cela pour la fin parce que nous
24 nous sommes dit que si nous arrivons à la vérité, que cette vérité va
25 disculper M. Beara. Car je pense que c'est vraiment le cas.
26 Tout d'abord, je voudrais parler de la pièce à conviction P886. Moi, je
27 l'ai présentée aux parties -- et je vais demander que ceci soit présenté
28 sur les écrans pour que tout le monde puisse examiner cette pièce à
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1 conviction.
2 J'invite donc la Chambre à examiner les éléments de preuve du dossier de la
3 Chambre P886. Il est important de noter la date de cette pièce, le 13
4 juillet, lorsque l'opération de tuerie alléguée ou l'opération d'assassinat
5 a, en fait, démarré, que les tueries ont commencé à Bratunac. Curieusement,
6 le rédacteur de ce mémorandum ou cette note est le chef du centre de la
7 sécurité publique de Zvornik - voilà, donc, c'est affiché - il s'agit de
8 Dragomir Vasic.
9 Le contenu fait froid dans le dos, en effet. Il affirme, ce M. Vasic, qui
10 fait partie du centre de sécurité du secteur public de Zvornik, et très
11 différent des affirmations de Ljubisa Beara et d'autres, il affirme qu'il a
12 tenu une réunion ce jour-là avec Mladic, le 13 juillet 1995. Ils étaient
13 informés de ce que la VRS poursuivait des opérations vers Zepa, laissant
14 tout le reste du travail au MUP comme suit :
15 Primo, le processus d'évacuation. 2, la partie qui fait froid dans le dos.
16 Je cite :
17 "Assassiner environ 8 000 soldats musulmans que nous avons bloqués dans les
18 bois à proximité de Konjevic Polje. Des combats se poursuivent. Ce travail
19 est effectué uniquement par les unités du MUP…," uniquement par les unités
20 du MUP.
21 L'Accusation connaît ce témoin. L'Accusation l'a identifié dans leur
22 dossier, et ce témoin, je crois, est resté présent ici pendant deux
23 semaines et demie pour être retiré au bout du compte dans le procès. Dans
24 quelle mesure a-t-il été tenu compte par la Chambre de première instance du
25 compte rendu de Dragomir Vasic ? Très peu. Il n'était même pas intéressant
26 de voir s'il était crédible, fiable. Voir si c'étaient des éléments à
27 décharge ou la vérité, pour quelque raison que ce soit. Pourquoi pas ?
28 C'est un aveu. La Chambre de première instance a cherché désespérément à de
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1 nombreuses occasions de montrer les propos tenus par Ljubisa Beara dans des
2 écoutes voulant dire autre que leur simple écriture. Là, nous avons un
3 document qui affirme clairement, un document que ce monsieur -- ou cette
4 personne, devrais-je dire, n'aurait jamais imaginé serait trouvé ou publié.
5 Il affirme : "Le MUP était seul responsable." Les unités du MUP faisaient
6 ce boulot seules. Il identifie ce boulot; point n'est besoin de se livrer à
7 des conjectures.
8 Je voudrais maintenant identifier le document suivant et le partager avec
9 vous. Il s'agit du document D374 [comme interprété], et donc le 1D374 est
10 un document que nous avons brièvement évoqué hier. Il s'agit d'un rapport
11 de l'unité Secteur civil des Nations Unies, rédigé par un dénommé Edward
12 Joseph. Il a déposé dans notre affaire ici. J'attire l'attention de la
13 Chambre à la deuxième page de ce document. Je ne sais pas s'il est affiché.
14 Je vous remercie. Il n'apparaît pas à mon écran. C'est pour cela que
15 j'attendais.
16 Si les Juges voudraient bien regarder la deuxième page de ce document, sous
17 l'alinéa 1, sous-section 3 :
18 "Jusqu'à 3 000 ont été tués en route, par des mines pour la plupart et des
19 engagements BSA…"
20 A priori, il pourrait paraître inconvenant de discuter des assassinats. Si
21 nous parlons de la vérité, nous ne minimisons aucunement les efforts
22 héroïques des Musulmans de Bosnie qui cherchaient à gagner leur liberté ou
23 rejoindre leur patrie ou essayant tout simplement de sauver leurs vies.
24 Mais cette Chambre de première instance doit regarder tous les éléments de
25 preuve. Le Tribunal et l'Accusation ne tiennent même pas compte de ces
26 éléments de preuve. Nous avons interrogé leur expert militaire, Richard
27 Butler, sur cette question. Ses réponses étaient assez singulières. Il a
28 identifié un terme appelé "des engagements de combat légitimes", et il a
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1 affirmé que c'était légal, justifié, et c'est acceptable. Nous lui avons
2 demandé s'il avait passé en revue ou s'il avait considéré ce document dans
3 son analyse, et il a répondu non. Il ne pensait pas qu'il y avait lieu de
4 le faire.
5 Lorsque nous parlons de nombres dans cette affaire, 1 000, qui est un
6 nombre incroyable, sans parler de 5 000 ou voire plus, un seul est
7 inacceptable. Mais si on va faire l'histoire et établir au plan historique
8 ce qui s'est passé, il faudrait que ce document soit à tout le moins pris
9 en compte. Ecartez-le. Ce serait raisonnable pour autant que c'est un avis
10 raisonné. Si ce Tribunal estime qu'il n'y a pas eu d'engagements de combat
11 légitimes et que personne n'a été tué pendant l'attaque sur Srebrenica, et
12 que tous les morts résultaient d'une opération meurtrière, soit. Mais
13 j'estime que ce n'est pas le cas. Les éléments de preuve sont clairs,
14 fiables et corroborés, montrant que 3 000 ont été tués par des mines et des
15 engagements légitimes de combat, comme le laisse entendre Butler.
16 J'ai le numéro de la page du document de Butler, s'il le faut, afin que
17 l'on se penche sur sa déposition. J'invite la Chambre d'appel à se pencher
18 sur les pages 20 244 ainsi que 20 245, entre autres références.
19 Nous avons évoqué cette pièce précisément avec lui à la page 20 290 et 20
20 291, où Butler reconnaît que ce document n'a pas du tout été pris en
21 compte, ni par lui ou par tout autre membre de son équipe d'enquêteurs.
22 La Chambre de première instance avait passé un certain temps à analyser les
23 écoutes téléphoniques et ce que M. Beara avait dit. Ils ont également
24 évoqué l'écoute téléphonique qui, pour nous, était claire et devait être
25 acceptée comme étant digne de foi. Il s'agit de la pièce 7D2D64.
26 La Chambre de première instance -- et je vais essayer de l'afficher.
27 La Chambre de première instance aborde cette pièce à conviction dans son
28 jugement et constate étonnamment que celle-ci n'est pas digne de foi. Ils
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1 affirment, en effet, que M. Beara savait qu'il était sur écoute. Donc M.
2 Beara aurait, je présume - bon, je sais que ça paraît relever de
3 conjectures - aurait donc sorti cette écoute téléphonique afin de minimiser
4 son implication. Toutefois, ils n'ont pas recours à la même logique
5 lorsqu'ils utilisent des preuves d'écoute contre M. Beara et lorsqu'ils
6 interprètent ce que certains mots signifient dans une écoute.
7 Cette pièce 7D2D64 énonce clairement et établit quelle était l'intention et
8 ce que prévoyait M. Beara le 13 juillet 1995. A tous moments, il ne
9 s'intéressait qu'au transfert sécurisé des prisonniers vers le camp de
10 Batkovici, où ils seraient interrogés, comme c'est le cas de tous les
11 prisonniers de guerre. Cette pièce, je pense, est crédible, n'a pas été
12 créée. Il s'agit d'une écoute que l'Accusation, dans la somme
13 impressionnante de preuves qu'ils ont fournies -- il y avait donc une
14 écoute croate, un tiers a fourni cette écoute interceptée. Cette écoute
15 interceptée n'a pas été envisagée par la Chambre quant à la participation
16 de M. Beara dans une entreprise criminelle commune ni dans son intention
17 spécifique pour crime de génocide. Je pense que la Chambre de première
18 instance s'est fourvoyée lorsqu'elle n'a pas accordé le poids adéquat à cet
19 élément de preuve, et donc son jugement est tout simplement erroné et doit
20 être invalidé.
21 Je souhaiterais aborder brièvement les questions concernant la
22 condamnation. Nous estimons que la Chambre a échoué sur le plan du droit à
23 appliquer et réduire la peine après avoir reconnu et accepté certains
24 facteurs exténuants comme ayant été établis et raisonnables. Nous avons
25 apporté des éléments de preuve concernant la bonne personnalité de M.
26 Beara, sa bonne famille, ses actions montrant comment il avait aidé des
27 gens avant et pendant la guerre de 1992 et 1995. Nous avons convoqué des
28 personnes de différentes origines ethniques montrant qu'il avait aidé pas
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1 simplement les Musulmans de Bosnie, pas simplement les Croates, mais
2 également la communauté juive de Croatie pendant qu'il y était. Le Tribunal
3 a estimé, effectivement, qu'il avait une personnalité intègre mais qu'ils
4 devaient accorder un poids limité à cela. J'estime que la Chambre de
5 première instance a, de façon erronée, accordé un poids limité à son
6 caractère intègre.
7 Il s'est rendu à ce Tribunal, Ljubisa Beara, un des premiers à se rendre.
8 Pendant la période où il a plaidé, il a incité d'autres à faire de même, et
9 ils l'ont fait progressivement. Dans les six mois, quatre autres se sont
10 présentés. La Chambre de première instance reconnaît que sa reddition était
11 un élément d'atténuation, à juste titre, mais lui a accordé un poids
12 limité.
13 Autre facteur atténuant s'agissant de M. Beara, c'est son âge. Il est à un
14 âge avancé. Et, respectueusement, nous reconnaissons que le Tribunal allait
15 affirmer qu'il allait en tenir compte.
16 Autre facteur exténuant, nous avons laissé entendre que la Chambre de
17 première instance devrait étudier les théories incohérentes du bureau du
18 Procureur de culpabilité et de modes de responsabilité, tel que cela
19 concerne M. Beara. A l'ouverture du premier procès, nous avons passé une
20 bande du bureau du Procureur -- pas simplement une suggestion, que M. Beara
21 était "un vaisseau vide". La Chambre de première instance l'aborde et pense
22 que cela n'a pas d'importance. Nous pensons que ça a la plus grande
23 importance, pas simplement dans la condamnation mais dans les aspects sous-
24 jacents à la culpabilité pour M. Beara. Si cette Accusation et la même
25 personne dans une affaire affirment que M. Beara était un vaisseau vide et
26 n'était nullement impliqué dans aucun des crimes par le simple fait de
27 recourir à ces termes, comment cette Accusation pourrait-elle dans une
28 autre affaire affirmer qu'il a une responsabilité directe et entière pour
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1 ces crimes haineux qui se sont produits ? Nous affirmons respectueusement
2 que si des éléments de preuve exténuants existent et peuvent être acceptés
3 par la Chambre, la peine doit être réduite. M. Beara s'est vu infliger la
4 peine la plus sévère possible : la réclusion à perpétuité. Il n'y a pas eu
5 de réduction de la peine en raison de circonstances atténuantes.
6 La Chambre a ensuite abusé de son pouvoir discrétionnaire et s'est
7 fourvoyée en n'accordant pas un poids suffisant à ces éléments de preuve
8 atténuants et n'a pas accordé le poids nécessaire à tous ces éléments et
9 ces autres facteurs. Elle s'est en outre fourvoyée dans son analyse
10 d'aggravation. Respectueusement, elle aurait dû tenir compte de la conduite
11 d'aggravation s'agissant d'éléments connexes ou subséquents aux crimes
12 commis pour déterminer si une personne a des facteurs aggravants qui
13 entraîneraient une peine plus sévère. Il n'y avait pas d'élément de preuve
14 autre que le caractère bon et intègre de M. Beara avant ou après.
15 Je peux comprendre un facteur d'aggravation qui serait utilisé pour
16 accroître la peine si sa conduite préalable ou subséquente est jugée
17 immorale, voire illégale, ou même criminelle. Dans ce cas, la Chambre a
18 utilisé la même condamnation sous-jacente, les mêmes crimes prétendument
19 commis par M. Beara, en indiquant : C'est pour cela que nous allons le
20 condamner et nous avons trouvé qu'il y avait une aggravation. J'estime que
21 ce n'est pas la loi de cette jurisprudence.
22 D'utiliser les mêmes crimes à des fins d'aggravation est cumulatif, n'est
23 pas nécessaire et constitue une violation de l'autorité de décision de
24 cette Chambre.
25 En outre, nous affirmons, Madame, Messieurs les Juges, que M. Beara n'était
26 pas présent pendant les périodes alléguées.
27 Mais, de façon plus importante, nous affirmons que les éléments de preuve,
28 lorsque décortiqués soigneusement, ne sont pas corroborés, indiquant qu'il
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1 aurait utilisé des mots justifiant le fait qu'il était membre ou qu'il
2 aurait contribué de façon significative à l'entreprise commune
3 d'assassinat, et que, en substance, ses mots ne constituaient pas un
4 constat montrant qu'il avait une intention particulière pour le crime de
5 génocide. La Chambre a simplement utilisé de façon erronée des éléments de
6 preuve de l'intention discriminatoire et, en substance, utilise ces
7 éléments de preuve pour les autres chefs d'inculpation, intention
8 discriminatoire, crimes contre l'humanité.
9 Nous pensons que si nous regardons soigneusement le compte rendu et que si
10 l'on trouve qu'il n'y avait pas d'élément de preuve corroborant, qu'un
11 verdict juste peut être formulé en faveur de M. Beara, quel qu'il soit.
12 Mais nous pensons en l'état qu'avec ces erreurs, il y a eu un déni de
13 justice.
14 Je vous remercie.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.
16 [La Chambre d'appel se concerte]
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je donne la parole à l'Accusation.
18 M. ROGERS : [interprétation] C'est M. Gillett qui s'exprimera surtout à
19 présent, c'est mon confrère qui est assis derrière moi. Donc nous allons
20 nous préparer pour pouvoir procéder.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, tout à fait. Vous allez
22 répondre à l'affirmation qui a été avancée par Me Sepenuk.
23 M. ROGERS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. C'est M. Gillett
24 qui répondra à l'ensemble des points qui ont été soulevés par Me Sepenuk et
25 également par Me Ostojic, et moi, je me pencherai sur la question à la fin.
26 Mais il est tout à fait prêt à répondre sur l'ensemble de ces questions.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.
28 M. GILLETT : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les
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1 Juges, comme cela vient d'être annoncé, je suis Matthew Gillett, et je
2 présenterai les arguments en réponse aux arguments de M. Beara présentés
3 dans son mémoire et que vous avez entendus hier et aujourd'hui.
4 En juillet 1995, les forces serbes de Bosnie ont systématiquement assassiné
5 des milliers d'hommes et de garçons musulmans de Bosnie de l'enclave de
6 Srebrenica. La Chambre a estimé que Ljubisa Beara a joué un rôle-clé dans
7 la planification et la mise en œuvre de ces assassinats en masse. Il a été
8 déclaré coupable de ces crimes, y compris l'extermination et le génocide,
9 et il s'est vu infliger une peine appropriée, à savoir une peine
10 d'emprisonnement à vie. Cette condamnation a été une condamnation juste.
11 Dans son appel, Beara conteste quasiment toutes les conclusions qui ont été
12 prononcées contre lui. Il affirme qu'il n'était pas dans les zones de
13 Bratunac ni Zvornik les 13 et 14 juillet 1995, et vous venez d'entendre de
14 la part de son conseil, page 40 du compte rendu d'audience, qu'il affirme
15 que Beara n'était pas présent.
16 Madame, Messieurs les Juges, M. Beara affirme que même si son alibi est
17 faux, s'il s'est trouvé dans ses zones, qu'il n'a pas pour autant pris part
18 à l'opération de meurtre. Et enfin, il affirme que même s'il a pris part à
19 l'assassinat de milliers de personnes détenues, de ces hommes et de ces
20 garçons, on n'aurait pas dû le condamner à une peine d'emprisonnement à
21 vie. L'ensemble de ses arguments, dans leur ensemble et chacun pris
22 séparément, sont viciés, et son appel devrait être rejeté dans sa totalité.
23 Alors, premièrement, permettez-moi de parler des activités principales de
24 Beara, de sa participation à l'opération de meurtre. Dans la deuxième
25 partie, je répondrai à certaines contestations exprimées par la Défense sur
26 la fiabilité des moyens de preuve pris en considération par la Chambre. Et,
27 dans la troisième partie, je me pencherai sur les arguments qui concernent
28 l'entreprise criminelle commune et la déclaration de culpabilité pour
Page 212
1 génocide. Je répondrai en particulier aux arguments que vous avez entendus
2 ce matin.
3 Et compte tenu du temps limité qui m'est imparti, je ne pourrai pas
4 répondre à chacun de ces arguments, mais nous maintenons notre position
5 telle que présentée dans le mémoire en réponse de l'Accusation.
6 D'emblée, je dois préciser quelques déclarations erronées que j'ai
7 entendues pendant les arguments de la Défense et que vous pouvez aussi
8 trouver dans son mémoire et dans sa réplique. Au paragraphe 341, Beara
9 affirme que :
10 "La Chambre s'est fourvoyée lorsqu'elle a constaté qu'il a participé
11 délibérément et lorsque cela a été pris en considération comme un facteur
12 aggravant…" Il se réfère au paragraphe 2 154 du jugement. Et il a répété
13 cet argument aujourd'hui.
14 Si vous vous penchez sur ce paragraphe, vous verrez que c'est exactement à
15 l'opposé de ce qu'a conclu la Chambre, à savoir que sa participation
16 délibérée n'a pas constitué un facteur aggravant puisqu'elle avait déjà été
17 prise en compte. Donc il ne s'agit pas là d'une présentation exacte du
18 jugement de première instance.
19 Deuxièmement, il y a clairement une mauvaise compréhension des dispositions
20 juridiques et de la jurisprudence de ce Tribunal. Vous avez entendu la
21 Défense affirmer que le Témoin Vincent Egbers, à savoir un officier du
22 Bataillon néerlandais, est une déposition qui n'aurait pas dû être reçue
23 sans corroboration; page 28 du compte rendu d'audience. Ils ont dit que le
24 bureau du Procureur avait l'obligation de présenter des corroborations pour
25 le témoignage de ce témoin. Ce qui est essentiellement faux. Et je vous
26 renvoie aux arrêts en appel -- paragraphe 65; Aleksovski, paragraphe 62; et
27 jugement Kayishema, paragraphe 154.
28 Les arguments de Beara sur Egbers, simplement, répètent leurs arguments
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1 déjà entendus. A savoir, la Chambre de première instance les a pris en
2 considération, les a examinés en détail, et c'est tout à fait un domaine où
3 la Chambre a le droit d'apprécier les moyens de preuve. Egbers a été
4 présenté par son nom à Beara, et le lendemain de la réunion, le 15 juillet,
5 il a noté qu'il avait rencontré Beara la veille. Donc c'est un fondement
6 tout à fait raisonnable pour la Chambre, elle est tout à fait en droit de
7 se reposer sur cet élément de preuve, et la Défense n'a pas démontré qu'il
8 y a eu erreur.
9 Troisièmement, la Défense n'a absolument pas pris en compte le Règlement de
10 procédure et de preuve qui s'applique dans ce Tribunal. Ils ont essayé de
11 faire admettre par des voies contournées la déposition du chauffeur, Milos
12 Tomovic. Ils ont essayé de faire cela, et je vous réfère au compte rendu
13 d'audience d'hier, page 101. Si la Défense avait souhaité que cet élément
14 de preuve fasse partie du dossier, ils auraient dû citer ce témoin à la
15 barre, il aurait dû être contre-interrogé, et par la suite on aurait pu
16 voir quel poids doit être accordé à sa déposition. Ils ont choisi de ne pas
17 le faire. Vous pouvez voir dans le compte rendu d'audience, page 31 967,
18 qu'il ne figure pas sur la liste des témoins de Défense.
19 La Défense, et j'en veux pour preuve le compte rendu d'audience d'hier,
20 présente des éléments de manière erronée lorsqu'elle dit que l'enquêteur du
21 bureau du Procureur a déclaré que Beara était à Belgrade des 13 au 15
22 juillet. Ce n'est pas vrai, et ils le savent. Donc c'est une mauvaise
23 lecture, erronée, d'un document qui n'a même pas été versé au dossier de
24 l'affaire. Simplement, ne tenez pas compte de cet argument, il n'en vaut
25 pas la peine.
26 De manière comparable, les arguments de la Défense concernant Malinic. Il
27 n'a pas déposé, et point à la barre. Cela ne figure pas au dossier de
28 l'affaire. Vous avez entendu la Défense se référer au document 1D374 juste
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1 à l'instant, c'est un rapport, et ils disent que la Chambre ne s'est pas
2 penchée sur ce rapport. Mais ce n'est pas exact. La note de bas de page 2
3 256 nous montre clairement que la Chambre l'a pris en considération. C'est
4 un rapport vague, avec des chiffres très généraux. Et si vous vous penchez
5 de manière détaillée là-dessus, vous verrez qu'il s'agit de 6 000 Musulmans
6 de Bosnie qui sont portés disparus. C'est assez proche du nombre de
7 personnes qui ont été assassinées pendant cette opération. Donc il n'y a
8 pas d'incohérence par rapport à ce document.
9 Donc, simplement, je voulais mettre en exergue quelques exemples en réponse
10 aux arguments de la Défense. Je vous demande de les prendre avec un grain
11 de sel.
12 Vous allez également devoir répondre au fait que les arguments de la
13 Défense sur le génocide qui ont été soulevés ce matin constituent un écart
14 radical par rapport à leur mémoire écrit. Tout simplement, ils ne s'y
15 trouvent pas. Aujourd'hui, ils ont déclaré que la Chambre de première
16 instance a divergé par rapport aux conclusions de la Chambre d'arrêt dans
17 Krstic. Au paragraphe 221, cependant, de leur mémoire, vous verrez qu'ils
18 disent que la Chambre de première instance s'est fourvoyée parce qu'elle a
19 simplement suivi l'arrêt en appel Krstic. Alors, de deux choses l'une.
20 Madame, Messieurs les Juges, je vais me pencher sur les arguments qui ont
21 été avancés, mais nous allons peut-être devoir vous demander un peu de
22 temps supplémentaire pour pouvoir aborder tout cela --
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, vous nous parlez de
24 revoir le compte rendu d'audience pour voir l'ensemble des arguments ?
25 M. GILLETT : [interprétation] Nous avons entendu certains arguments pour la
26 première fois ce matin; ils ne figurent pas dans le mémoire écrit. Donc
27 nous aurions besoin de relire le compte rendu d'audience d'aujourd'hui pour
28 pouvoir voir si nous avons bien répondu à l'ensemble des arguments --
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Et si vous constatez que tout n'a
2 pas été couvert par vous, quelle serait la mesure à
3 prendre ?
4 M. GILLETT : [interprétation] Nous allions vous adresser une requête à ce
5 sujet et nous nous en remettrions à vous pour trancher, pour voir si le
6 fondement existe. Mais il est prématuré d'en parler.
7 Donc, à cette réserve près, je vous parlerai à présent de quelques
8 déplacements-clés de Beara et de ses activités dans l'opération de meurtre,
9 et je vais me servir de quelques diapositives.
10 Donc la carte de cette zone, Bratunac et Zvornik. Est-ce que vous voyez
11 bien la carte ?
12 Je vois l'heure, Madame, Messieurs les Juges. Je ne sais pas si vous
13 souhaitez peut-être que la pause intervienne avant que je n'aborde mon
14 chapitre suivant.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui, tout à fait, nous allons
16 faire une pause à présent.
17 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 12.
18 --- L'audience est reprise à 13 heures 46.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Gillett, vous avez la
20 parole.
21 M. GILLETT : [interprétation] Je vous remercie, Madame, Messieurs les
22 Juges.
23 Avant de reprendre, je tiens à dire que pendant la pause déjeuner, nous
24 avons examiné le compte rendu d'audience et que nous n'aurons pas besoin de
25 demander davantage de temps. Je pense que ma réponse vous satisfera.
26 Je reprends.
27 Madame, Messieurs les Juges, sur vos écrans vous devriez pouvoir voir une
28 carte, il s'agit de la pièce P2110. C'est une carte qui nous représente les
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1 zones où l'opération de meurtre a été menée. Et vous la retrouverez à la
2 fin du volume 2 du jugement.
3 J'ai surligné Srebrenica en bas à droite. Au-dessus, vous avez Bratunac,
4 également une case. Et puis, si vous remontez le long de la rivière Drina,
5 au milieu à peu près de l'écran, vous verrez Zvornik, qui, lui aussi, est
6 entouré d'un rectangle. Et donc, ce sont les zones-clés où Beara a été
7 actif pendant l'opération de meurtre. Beara prétend avoir un alibi qui le
8 couvre pour cette période, mais rien ne pourrait être plus éloigné de la
9 vérité. En réalité, il s'est trouvé partout pendant l'exécution et la mise
10 en œuvre de l'opération de meurtre; paragraphes 1 300 et 1 318 du jugement
11 de première instance.
12 Et je vais vous donner quelques exemples -- très peu d'exemples, en fait,
13 des activités le concernant qui sont pertinentes et qui se sont produites à
14 ces endroits pendant la période qui nous intéresse.
15 Premièrement, le 11 juillet, Beara était au poste de commandement avancé du
16 Corps de la Drina, Pribicevac, juste au sud de Srebrenica. Il était là avec
17 un autre membre de l'entreprise criminelle commune, Vujadin Popovic, et ils
18 ont rendu compte à Radislav Krstic. Puis, diapositive suivante, le 12
19 juillet, au centre de Bratunac, on l'a vu avec Miroslav Deronjic. Puis,
20 dans la matinée de la même journée, le 12 juillet, Popovic et Momir Nikolic
21 sont au centre de Bratunac, donc la même ville, et ils parlent de
22 l'opération de meurtre, comme on peut le voir au paragraphe 280 du
23 jugement. Puis, la journée du 13 juillet, à la diapositive suivante, les
24 prisonniers arrivent massivement à Bratunac, et on commence à avoir des
25 meurtres en plus grand nombre, les activités de Beara s'intensifient.
26 A titre d'exemple, ce soir, il voit Momir Nikolic au centre de Bratunac et
27 il l'envoie à Zvornik pour qu'il dise à Drago Nikolic qu'on va y envoyer
28 des prisonniers pour qu'ils soient tués. Et ce même soir, il rencontre dans
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1 les locaux du SDS de Bratunac un certain nombre de personnes, y compris
2 Miroslav Deronjic, pour parler de l'opération de meurtre. La Chambre a
3 constaté que Beara et Deronjic se sont disputés, non pas sur la question
4 qui était de savoir s'ils allaient tuer des prisonniers, mais sur l'endroit
5 où ils allaient les tuer. Paragraphe 1 060.
6 Beara a affirmé que les conclusions de la Chambre à cet égard se fondent
7 uniquement sur le témoignage de Deronjic, mais cela n'est pas exact.
8 D'emblée, en répondant à ses contestations à la crédibilité et la fiabilité
9 du témoignage de Deronjic, je me permets de noter que cela a été confirmé
10 au niveau de la Chambre d'appel, le témoignage de Deronjic a été accepté.
11 En outre, en contestant cette conclusion de la Chambre de première
12 instance, Beara ne tient pas compte du fait que de multiples témoins se
13 sont trouvés pour corroborer les conclusions de la Chambre ainsi que
14 d'autres documents qui viennent à l'appui. Alors, Momir Nikolic, PW-161,
15 ainsi que PW-170, Borovcanin et d'autres. Paragraphes 1 264 à 1 270 du
16 jugement.
17 Par exemple, Momir Nikolic a déposé en disant que ce soir-là, il a vu Beara
18 et Deronjic dans les locaux du SDS de Bratunac, qu'ils étaient en train de
19 se disputer sur l'endroit où il fallait mener à bien l'opération de
20 meurtre. Et je vous renvoie aux paragraphes 1 266 à 1 270.
21 PW-161 a déposé également au sujet des réunions qui se sont tenues dans ces
22 mêmes locaux du SDS, où il a été question de tuer les prisonniers et de les
23 enterrer. Et l'objet de ces réunions auxquelles a participé PW-161 était
24 l'enterrement des prisonniers tués à Kravica. Je vous renvoie aux
25 paragraphes 438, 1 267 et 1 268 du jugement. Et PW-161 a confirmé que Beara
26 se trouvait présent à ces réunions. Il connaissait Beara avant ce moment,
27 donc il a été en mesure de le reconnaître.
28 Aujourd'hui, Beara a avancé un argument et il s'est surtout concentré sur
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1 le fait que dans les récits des témoins sur les "détails" portant sur ces
2 réunions de la soirée du 13 juillet à Bratunac, il y avait beaucoup de
3 choses qui ne cadraient pas. Toutefois, la Chambre a expressément pris en
4 considération cela dans la note de bas de page 4 167. Différents témoins
5 présentent des récits divergents sur ce qu'ils ont remarqué
6 particulièrement, mais cela n'est pas étonnant. Deronjic, lui-même, a
7 affirmé qu'il y a eu un va-et-vient pendant ces débats dans la soirée du
8 13. Pièce P3139, compte rendu d'audience page 6 448.
9 Beara ne comprend pas le concept même de corroboration. Il est bien établi
10 que les témoignages ne doivent pas nécessairement être identiques pour se
11 corroborer. La clé est qu'un poids probant soit donné par un élément de
12 témoignage à un autre, et je vous renvoie au jugement en appel Munyakazi,
13 paragraphe 103; arrêt en appel Mrksic, paragraphe 125. L'appréciation de la
14 corroboration dans l'affaire Limaj, jugement de première instance,
15 paragraphe 203. Beara s'est polarisé sur des détails spécifiques de ces
16 réunions en choisissant de ne pas tenir compte du fait qu'il y a un fil
17 d'Ariane dans les dépositions de l'ensemble de ces témoins, et c'est la
18 raison pour laquelle il y a eu une série de réunions dans les locaux du SDS
19 auxquelles Beara a assisté et où il a pris part pendant les débats sur
20 l'opération de meurtre.
21 Qui plus est, les activités de Beara dans la soirée correspondent à ce
22 qu'il a fait le lendemain dans le cadre de ses déplacements. Le 14 juillet,
23 vous allez le voir à la diapositive suivante, il a rencontré Popovic et
24 Drago Nikolic à la caserne de Standard. La Chambre de première instance a
25 constaté qu'ils se sont rencontrés pour parler de l'opération de meurtre.
26 Et ce même jour, Beara s'est rendu à l'école Grbavci d'Orahovac, près de
27 Zvornik également. Et à ce moment-là, des centaines de prisonniers ont été
28 amenés à l'école la nuit précédente et, le 14 juillet, ont été détenus dans
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1 des conditions atroces. Les prisonniers ont été tués par la suite près de
2 l'école.
3 Encore le 14 juillet, Beara était à Petkovci, un autre endroit près de
4 Zvornik. Il supervise la détention, le transport, l'exécution et
5 l'enterrement de plus de 800 prisonniers. Paragraphe 1 279 du jugement.
6 Le 15 juillet, Beara continue à être la force motrice de cette opération de
7 meurtre. A 10 heures, il a été enregistré, il appelle Radislav Krstic, qui
8 était le commandant du Corps de la Drina, et lui réclame davantage de
9 soldats pour l'aider dans cette opération de meurtre. Il utilise un code,
10 un euphémisme, en faisant référence à des colis qui doivent être
11 distribués. La Chambre a conclu que ces termes étaient une référence aux
12 soldats venus assister dans cette opération de meurtre.
13 Je vais maintenant vous montrer un extrait d'une conversation interceptée,
14 pièce P1179. Le locuteur nommé B est Beara. Il explique son exaspération
15 car il ne reçoit pas les soldats supplémentaires dont il a besoin. Et puis,
16 ensuite, il fait une déclaration particulièrement révélatrice, que j'ai
17 d'ailleurs surlignée dans l'encadré. Voilà ce qu'il dit, je cite :
18 "Je ne sais que faire. Non, mais vraiment, crois-moi, Krle. Il y a encore 3
19 500 'colis' que je dois distribuer et je n'ai pas de solution."
20 Alors, maintenant, Beara réfute l'authenticité de cette conversation
21 interceptée; toutefois, elle a été authentifiée par trois opérateurs, trois
22 agents, qui ont tous identifié Beara et Krstic comme étant les locuteurs de
23 cette conversation, tel que cela est énoncé au paragraphe 1 236.
24 Diapositive suivante, vous voyez qu'il s'agit du même jour, jour où cette
25 conversation a été interceptée, et là, maintenant, il est enregistré comme
26 parlant de la distribution de plus de 3 000 prisonniers. Effectivement,
27 leur nombre fluctuait entre 2 000 et 3 000, et ces prisonniers étaient
28 détenus dans des endroits avoisinants, au centre culturel de Pilica, à
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1 l'école de Rocevic et de Kula. Et comme cela est indiqué par la Chambre,
2 aux paragraphes 504 à 550, ces prisonniers ont bel et bien été exécutés ce
3 jour-là et les jours suivants.
4 Le 16 juillet, le jour après qu'il demande davantage de soldats pour
5 l'aider avec cette opération, il se rend personnellement à l'école de Kula,
6 où se trouvent des centaines de prisonniers détenus. Il les emmène à la
7 ferme qui se trouve tout près, l'exploitation agricole de Branjevo, et il
8 les fait exécuter.
9 Alors, il y a certains éléments qui sont évidents, manifestes, lorsqu'on
10 voit cette diapositive. D'abord, le fait que l'alibi avancé par M. Beara
11 est absolument faux. Et cet élément de preuve étaie ces conclusions, comme
12 je l'ai déjà mentionné, élément de preuve qui émane de différentes sources
13 et qui a été évalué à sa juste valeur par la Chambre de première instance.
14 Deuxièmement, et cela a son importance également, les diapositives montrent
15 comment ses mouvements suivaient en quelque sorte les meurtres au moment où
16 ils commencent à Bratunac et alors qu'ils se déplacent au nord jusqu'à
17 Zvornik. Cela nous donne une idée du rôle central qu'il a joué pour
18 préconiser et mettre en œuvre cette opération.
19 Troisièmement, il est important qu'il ait été présent à ces lieux de
20 détention parce que les conditions y étaient absolument atroces. La chaleur
21 était suffocante pour les prisonniers, il n'y avait pas suffisamment de
22 place dans les différentes pièces, les passages à tabac étaient fréquents.
23 Dans de nombreux cas, des prisonniers ont été tués juste dans ces centres,
24 dans ces lieux de détention. Et le mépris cruel de Beara par rapport à la
25 souffrance de ces prisonniers musulmans de Bosnie qui se trouvaient dans
26 ces conditions ainsi que le fait qu'il indique à plusieurs reprises qu'il
27 faut en tuer autant que possible et aussi rapidement que possible sont
28 autant de confirmations de son intention de meurtre et de son intention de
Page 222
1 génocide.
2 Je vais maintenant m'intéresser à certaines des réfutations vis-à-vis de la
3 fiabilité des éléments de preuve dressés à son encontre. Très brièvement,
4 je dirais qu'il me faut parler des critères en appel dans cette phase.
5 Lorsque vous prenez en considération ses arguments, vous verrez que
6 quasiment tous les arguments en question ont déjà été présentés lors du
7 procès en première instance. Il fait fi de la jurisprudence pertinente qui
8 indique qu'un appel n'est pas une possibilité de recommencer un procès.
9 Et puis, à propos des nombreux témoins qui ont reconnu Beara pendant cette
10 période et qui l'ont identifié, dans un premier temps, il indique que les
11 identifications de ces témoins sont entachées d'erreurs; et deuxièmement,
12 il indique que bon nombre de témoins se sont entendus pour l'identifier de
13 façon erronée lors de ces événements.
14 Si j'en viens maintenant aux arguments présentés en matière
15 d'identification, qui figurent au paragraphe 10 de son mémoire, je dirais
16 que la Chambre d'appel a énoncé le critère judicieux dans le jugement qui
17 permet d'évaluer les éléments de preuve relatifs à l'identification au
18 paragraphe 55 et a analysé ces éléments de preuve et ces arguments aux
19 paragraphes 1 219 à 1 229, et ce, de façon détaillée. Ses arguments, en
20 fait, ne sont qu'une façon de dire à la Chambre de première instance qu'il
21 n'est pas d'accord avec son évaluation. Ses arguments sont parfaitement
22 erronés. La plupart de ces témoins connaissaient Beara et ont été en mesure
23 de le reconnaître, notamment le Témoin PW-161, Miroslav Deronjic et Momir
24 Nikolic, par exemple. D'autres témoins lui ont été présentés et son nom
25 leur a été dit, tels que le Témoin Egbers qui a été mentionné, le Témoin
26 PW-162, PW-104 et PW-165.
27 Beara était une personnalité connue de la VRS. C'était un haut gradé. Il
28 était le chef de l'administration chargée de la sécurité. Il avait le grade
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1 de colonel. C'était une personne facilement identifiable physiquement.
2 Alors, l'idée suivant laquelle quelqu'un déambulait dans ces endroits en se
3 faisant passer pour le colonel Beara, qui plus est, lors de réunions
4 organisées avec des officiels de la région, est une idée qui est tout
5 simplement indéfendable.
6 Pour en venir maintenant au deuxième argument relatif à la collusion entre
7 les témoins. Par son moyen d'appel numéro 5, il donne les noms d'un groupe
8 d'officiers de la région à propos desquels il avance qu'ils ont conspiré
9 contre lui, et cela inclut Deronjic, le Témoin PW-161, PW-162, M. Simic et
10 Zlatan --
11 L'INTERPRÈTE : Un dénommé Zlatan dont l'interprète n'a pas saisi le nom de
12 famille.
13 M. GILLETT : [interprétation] La Chambre a analysé cela de façon détaillée,
14 et comme la Chambre l'a conclu, il n'y a aucune base qui lui permette
15 d'avancer ce qu'il avance à propos de la déposition de ces témoins.
16 Parce qu'en fait, il fait un amalgame entre deux choses. Il fait
17 l'amalgame entre le fait que certains de ces témoins se connaissaient et se
18 sont parlé avec le fait qu'ils auraient monté de toutes pièces, concocté
19 ces éléments de preuve, et ce, pour l'impliquer. Qui plus est, ses
20 arguments sont parfaitement contradictoires, parce qu'il inclut le dénommé
21 Zlatan Celanovic comme étant l'un des membres de cette soi-disant
22 conspiration contre lui. Toutefois, par la suite, dans son mémoire en
23 clôture, il avance que les éléments de preuve présentés par M. Celanovic
24 sont des éléments à décharge. Comme au paragraphe 211. Donc, là, il y a un
25 profond illogisme.
26 Il indique également qu'il y avait une conspiration séparée contre
27 lui, entente qui aurait réuni plusieurs témoins de la VRS, Marko Milosevic,
28 par exemple, et Ostoja Stanisic, qui ont présenté des éléments de preuve à
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1 propos de sa présence le 14 juillet à l'école de Petkovici. La Chambre a
2 examiné par le menu ces arguments et a conclu que ces témoins avaient
3 répondu de façon tout à fait directe et de façon tout à fait franche. Ils
4 n'avaient aucune raison, en fait, de s'immiscer dans l'exercice raisonnable
5 mené à bien par la Chambre.
6 Et puis, en dernier lieu, et cela a son importance à propos des arguments
7 en matière d'identification et à propos des arguments portant sur la
8 collusion entre les témoins qui sont au cœur même de son appel, il est
9 important de remarquer que les éléments de preuve qui corroborent tout cela
10 proviennent de toute une variété de sources. Par exemple, dans le journal
11 de bord de l'officier de permanence de la Brigade de Zvornik, et cela est
12 indiqué au paragraphe 1 276 du jugement, il est indiqué que le 14 juillet,
13 et je cite :
14 "Le colonel Beara est arrivé. Il est arrivé et s'est rendu dans les
15 endroits suivants : Orahovac, Petkovci, Rocevic, Pilica."
16 La Défense n'a pas mentionné cela, ni hier, ni aujourd'hui, mais je pense
17 que c'est quelque chose de particulièrement révélateur. Le 14 juillet,
18 c'est la date qui correspond au milieu de cette entreprise de meurtre sur
19 grande échelle, et quatre des lieux où les tueries ont eu lieu sont
20 mentionnés.
21 Madame, Messieurs les Juges, il y a également les conversations
22 interceptées, et j'en ai déjà mentionné une. Elles ont été enregistrées à
23 l'époque des faits et elles continuent en fait à indiquer de façon
24 véhémente et catégorique quelles étaient son intention de meurtre et son
25 intention génocidaire. La Chambre a pris cela en considération et a évalué
26 leur poids. Il faut savoir que M. Beara n'a pas su montrer l'erreur commise
27 par la Chambre de première instance lorsqu'elle a évalué la fiabilité des
28 éléments de preuve présentés contre lui.
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1 Sans oublier cela, je vais maintenant en venir aux arguments relatifs
2 aux conclusions portant sur l'entreprise criminelle commune et les
3 conclusions portant sur le génocide.
4 Dans un premier temps, à propos des conclusions relatives à
5 l'entreprise criminelle commune, la Chambre a conclu que Beara était
6 l'éminence grise derrière l'opération de meurtre visant à tuer les hommes
7 et les garçons musulmans de Bosnie qui se trouvaient à Srebrenica. Elle a
8 conclu que cette opération a impliqué du personnel et des unités de l'état-
9 major principal de la VRS, et ce, depuis le corps jusqu'au niveau de la
10 brigade, sans oublier l'organe chargé de la sécurité dont Beara était le
11 chef, puisqu'il était le chef de l'administration de la sécurité, et qu'il
12 a joué un rôle très important pendant tout ce temps-là.
13 Les éléments de preuve montrent qu'il a apporté de multiples
14 contributions à l'entreprise criminelle commune. Comme je l'ai déjà
15 indiqué, il a repéré les lieux où mettre en œuvre ces meurtres, il a obtenu
16 le personnel et le matériel pour les meurtres et pour les ensevelissements,
17 il a supervisé l'exécution sur différents sites où ont eu lieu ces crimes
18 et il a coordonné avec d'autres participants cette opération, les autres
19 participants étant notamment Popovic et Drago Nikolic. Il était
20 omniprésent, pour reprendre le terme utilisé par la Chambre, et ce, pendant
21 toutes les scènes de meurtre; paragraphe 1 300.
22 Beara réfute ces conclusions portant sur l'entreprise criminelle
23 commune, fondamentalement en répétant les arguments qu'il a déjà avancés en
24 première instance et en essayant de réinterpréter les conclusions de la
25 Chambre. Plutôt que de reprendre par le menu tous ses arguments, je vais
26 m'intéresser à trois de ses arguments que l'on retrouve de façon constante
27 dans tout son mémoire et qu'il a abordés lors de la présentation orale de
28 ses arguments.
Page 226
1 Premièrement, il a indiqué que la Chambre avait commis une erreur en
2 concluant qu'il avait participé à cette opération de meurtre à partir du 12
3 juillet. Il indique que la Chambre n'a pas fourni les raisons et les motifs
4 pour avancer cela. Et cela, vous le trouvez au paragraphe 178 de son
5 mémoire en clôture. A cet égard, je dirais que ses arguments ne sont pas
6 bien fondés.
7 Car, premièrement, il a été particulièrement bien établi qu'une
8 Chambre de première instance peut parvenir à une conclusion dans la mesure
9 où il s'agit de la seule conclusion raisonnable à dégager sur la base de la
10 globalité des éléments de preuve; et deuxièmement, la Chambre de première
11 instance a présenté ses raisons, les raisons qui militent en faveur de cet
12 argument.
13 La Chambre a expliqué que le matin du 12 juillet, Popovic, qui était
14 subordonné à Beara et à l'organe de sécurité, a parlé de cette opération de
15 meurtre à Bratunac. Et comme je l'ai mentionné, Beara se trouvait à
16 Bratunac ce même jour. A ce moment-là, lors de cette phase, l'ordre pour
17 l'opération de meurtre provient de M. Mladic, le commandant de la VRS, tel
18 que cela est énoncé au paragraphe 1 071. Le fait que Mladic, qui était le
19 supérieur de Beara, et Popovic, qui était son subordonné immédiat, étaient
20 tous les deux informés de l'opération de meurtre, au vu du rôle qui a été
21 joué par l'organe de sécurité dans l'opération de meurtre depuis le début,
22 sont autant d'éléments de preuve particulièrement convaincants qui nous
23 permettent de comprendre qu'il était informé de cette opération de meurtre
24 également. Et comme la Chambre l'a expliqué, cela correspond tout à fait au
25 comportement qu'il a eu au cours des jours suivants. Une fois de plus, il
26 n'a pas su démontrer qu'il s'agissait d'une conclusion non raisonnable.
27 Pour en venir maintenant au deuxième argument, concernant toujours les
28 conclusions en matière d'entreprise criminelle commune, il avance que
Page 227
1 l'assistance logistique qu'il a fournie pour les inhumations ou
2 ensevelissements ainsi que le personnel était destiné aux Musulmans qui
3 avaient été tués lors d'opérations de combat. Vous le voyez par ses moyens
4 d'appel 6, 15 et 19. Donc, ce qu'il avance à propos de cette assistance
5 fournie lors de combats est tout à fait inexact. En fait, les éléments de
6 preuve montrent que cette assistance était une assistance qui avait des
7 liens directs avec le meurtre et l'ensevelissement des Musulmans de Bosnie
8 détenus. L'exécution de personnes détenues ne peut pas être considérée
9 comme une activité de combat et ne peut pas être classée en tant que telle.
10 Par exemple, j'ai mentionné que le 13 juillet Beara avait rencontré le
11 Témoin PW-161 au bureau du SDS et que le Témoin PW-161 avait participé à
12 l'ensevelissement des victimes de l'entrepôt de Kravica à Glogova. Par la
13 suite, Popovic a donné un ordre pour que ces mêmes victimes soient
14 réinhumées à Glogova; paragraphe 603 ainsi que paragraphes 1 158 à 1 161.
15 S'il s'agissait de victimes qui étaient mortes lors de combats, pourquoi
16 alors est-ce que Beara et un autre membre de l'entreprise criminelle
17 commune ont demandé qu'elles soient réenterrées ?
18 Et pour étayer la conclusion de la Chambre suivant laquelle son aide
19 n'avait rien à voir avec des victimes mortes pendant les combats, nous
20 avons la déposition du Témoin PW-104. Il a témoigné que le 14 juillet, il a
21 été convoqué pour une séance de briefing avec Beara, à la caserne Standard
22 de Zvornik. Et voilà ce que Beara a dit au Témoin PW-104 :
23 "Nous avons beaucoup de prisonniers et il nous est très difficile de les
24 contrôler. Ils se trouvent dans différents lieux de la municipalité de
25 Zvornik. Nous devons nous en débarrasser. Et je m'attends à ce que la
26 municipalité nous aide."
27 Le Témoin PW-104 a témoigné --
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On vous a demandé de lire un peu
Page 228
1 moins vite.
2 M. GILLETT : [interprétation] Excusez-moi. Et merci de me le rappeler.
3 Une fois de plus, le fait que ces prisonniers ont été exécutés n'a rien à
4 voir avec des activités de combat.
5 Et pour en venir maintenant au troisième argument présenté par M. Beara,
6 toujours à propos des conclusions dégagées au regard de l'entreprise
7 criminelle commune, il avance qu'il avait seulement l'intention d'échanger
8 les Musulmans de Bosnie détenus et qu'il n'avait absolument pas l'intention
9 de les exécuter. Et cela, par exemple, est évoqué dans les moyens 6 et 7 de
10 son mémoire en appel.
11 Mais cela est contredit par de nombreux éléments de preuve provenant de
12 nombreuses sources qui montrent qu'il a participé de plein gré aux
13 opérations de meurtre, tel que cela est énoncé dans le jugement aux
14 paragraphes 1 255 à 1 288, et je ne vais pas revenir là-dessus. Mais ces
15 éléments de preuve bien précis qu'il a utilisés pour présenter son argument
16 à propos de l'échange des prisonniers ne peuvent pas supporter le poids
17 qu'il a l'intention de leur donner.
18 Il a parlé du document 7D2D642. Je pense d'ailleurs qu'un peu plus
19 tôt sur le compte rendu d'audience cela avait été écrit comme suit, 7D 2D62
20 [comme interprété], alors qu'il s'agit du document 7D2D642. Je le dis pour
21 la référence. Alors, il s'agit plutôt du résumé d'une conversation
22 interceptée qui a eu lieu à 11 heures 25 le 13 juillet 1995. On y fait
23 référence à M. Beara qui a participé au transport de certains prisonniers
24 musulmans depuis Kasaba jusqu'au camp de détention de Batkovic. La Chambre
25 s'est intéressée de façon détaillée à cela et a conclu que cela n'altérait
26 pas les éléments de preuve portant sur sa participation aux opérations de
27 meurtre.
28 Il s'agit d'un résumé en deux phrases. Il n'y est pas question à la
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1 conversation et nous n'avons pas la conversation sous un autre format. Nous
2 ne savons donc pas qui est l'autre locuteur de la conversation et nous ne
3 savons pas quels sont les termes précis qui ont été utilisés. Ce que nous
4 savons, en revanche, c'est que l'opération de meurtre était censée être
5 exécutée dans le plus grand secret, tel que cela est énoncé aux paragraphes
6 1 057 et 1 058 du jugement. Et nous savons que M. Beara était informé de la
7 vulnérabilité des conversations téléphoniques et qu'elles pouvaient être
8 interceptées. Nous savons également que plutôt que d'échanger des
9 prisonniers, Beara en a envoyés des milliers à une mort certaine, tel que
10 cela est énoncé au paragraphe 1 283, par exemple.
11 Ensuite, et il le répète souvent pour étayer son argument relatif à
12 l'échange, nous avons la déposition de M. Zlatan Celanovic. Celanovic a
13 raconté que Beara avait dit le 13 juillet que si les Musulmans de Bosnie
14 détenus à Bratunac passaient la nuit, alors ils seraient envoyés à Kladanj
15 le jour suivant.
16 Beara avance que cela prouve qu'il pensait qu'ils allaient être échangés.
17 Toutefois, il fait complètement fi des circonstances pertinentes.
18 Car, dans un premier temps, Beara se trouvait ce même soir, à savoir le
19 soir du 13 juillet, dans les bureaux du SDS et a préconisé dans ces mêmes
20 bureaux le meurtre des prisonniers musulmans de Bosnie, et non pas leur
21 échange. Deuxièmement, comme je l'ai déjà mentionné, il avait été demandé à
22 la VRS d'effectuer cette opération de meurtre dans le plus grand secret. La
23 Chambre a pris bonne note de ces considérations dans le jugement. Et dans
24 ces circonstances, il n'est pas surprenant qu'il n'a pas parlé ouvertement
25 des opérations de meurtre avec Zlatan Celanovic, qui était juriste, qui
26 n'avait pas de grade et qui était rattaché à la Brigade de Bratunac.
27 De plus, Momir Nikolic a dit que ces prétendus envois de certains hommes
28 musulmans à Kladanj étaient "un exercice de propagande". C'est quelque
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1 chose qui se trouve dans sa déclaration C00001, à la page 3. Momir Nikolic
2 a expliqué que certains hommes musulmans étaient même placés dans les
3 autocars avec des femmes et des enfants à Potocari et envoyés à Kladanj
4 pour que les troupes hollandaises les voient, ainsi que la télévision
5 serbe, mais ensuite on les a fait sortir des bus avant qu'ils n'arrivent à
6 Kladanj. Et cette information se retrouve reprise dans le jugement aux
7 paragraphes 334 et 336, et 338 également.
8 Au vu de ces circonstances, cet argument concernant l'échange n'est pas
9 convaincant. Car ce que ces deux éléments mis ensemble confirment, c'est
10 que son alibi n'est pas un bon alibi, il est faux. Ils montrent que ses
11 activités dans la zone étaient en rapport avec les prisonniers musulmans de
12 Bosnie.
13 Monsieur le Président, je n'ai touché qu'une toute petite partie des moyens
14 de preuve qui démontrent sa participation et sa contribution à l'entreprise
15 criminelle commune, et c'est quelque chose que vous trouvez en détail étayé
16 dans le jugement. La Chambre de première instance a pris une décision
17 raisonnable quand elle l'a condamné pour la participation dans ces crimes.
18 J'ai parlé de cela, mais maintenant je vais parler des contestations de la
19 condamnation en ce qui concerne le génocide.
20 Dans le moyen 19, il dit qu'il n'avait pas l'intention génocidaire, et vous
21 avez entendu ses arguments à ce sujet. Cependant, Beara a omis de montrer
22 une erreur, qu'il s'agisse d'une erreur de fait ou de droit, dans le
23 jugement de première instance, et je dois dire que les arguments qu'il
24 présente sont les arguments qui portent sur des faits et rien d'autre que
25 sur les faits par rapport à ce moyen d'appel.
26 Les Juges de la Chambre de première instance ont conclu dans le
27 paragraphe 856 que :
28 "L'échelle et la nature de l'opération de meurtre, le fait d'avoir
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1 ciblé les victimes, la façon systématique et organisée de mener à bien
2 l'opération et l'intention d'éliminer chaque homme musulman capturé ou qui
3 s'est rendu montrent au-delà de tout doute raisonnable que les membres des
4 forces serbes de Bosnie, y compris les membres de l'état-major principal de
5 la VRS et la branche de sécurité, avaient l'intention de détruire les
6 Musulmans de la Bosnie orientale en tant que groupe."
7 Beara a amplement participé à cette opération et dans les aspects-clés de
8 cette opération. La Chambre l'a résumé de façon assez claire dans le
9 paragraphe 1 314, où on parle de :
10 "Des efforts vigoureux qu'il a fournis pour organiser les localités,
11 les sites, pour recruter le personnel, pour trouver l'équipement, pour
12 organiser et contrôler les exécutions, et tout cela montre sa détermination
13 de tuer le plus rapidement possible autant de gens que possible."
14 Et quand il s'agit des arguments que vous avez entendus ce matin, par
15 rapport a cela, la Chambre de première instance a conclu que l'opération de
16 meurtre de plusieurs milliers de Musulmans de Bosnie, hommes et jeunes
17 garçons, était menée à bien seulement et exclusivement sur la base de leur
18 appartenance ethnique et, en tant que telle, elle était suffisante pour
19 démontrer l'existence de l'intention génocidaire. Ensuite, on a aussi parlé
20 du transfert par la force, cette opération qui était, pour les Juges de la
21 Chambre de première instance, cohérente par rapport à cette conclusion. Et
22 la totalité des moyens de preuve qui témoignent de cela ont poussé la
23 Chambre à conclure que Beara avait cette intention génocidaire.
24 La Défense a dit que cela n'est pas cohérent avec le jugement en appel
25 Krstic, et ceci n'est pas exact. Car la Défense a omis de dire que dans cet
26 arrêt, on a confirmé que le fait d'avoir tué autant d'hommes musulmans et
27 des enfants de Srebrenica dans l'enclave était suffisant pour arriver à la
28 conclusion qu'il y avait bel et bien l'intention génocidaire. Je vais vous
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1 citer un paragraphe.
2 Le paragraphe 21 :
3 "La Chambre de première instance a établi que Radislav Krstic avait
4 l'intention de tuer les hommes musulmans de Srebrenica en âge de combattre.
5 Cette conclusion témoigne de l'intention de commettre un acte génocidaire,
6 en l'espèce le meurtre de membres d'un groupe protégé prohibé par l'article
7 4(2)(a) du Statut. A partir de cette intention de tuer, la Chambre de
8 première instance est aussi arrivée à la conclusion que Krstic avait
9 l'intention génocidaire, qu'il partageait avec d'autres membres de l'état-
10 major principal, où il s'agissait de détruire une partie substantielle d'un
11 groupe cible, à savoir les Musulmans de Srebrenica."
12 Ensuite, ils continuent au paragraphe 26 :
13 "Les moyens de preuve principaux étayent la conclusion de la Chambre à
14 savoir que la force de la VRS avait l'intention d'éliminer tous les hommes
15 musulmans de Srebrenica en commettant le massacre de tous les hommes en âge
16 de combattre de cette communauté-là."
17 Ensuite, le paragraphe 27 :
18 "Le meurtre des hommes en âge de combattre constituait sans doute une
19 destruction physique, mais vu l'échelle et l'étendue des meurtres, la
20 Chambre peut de façon tout à fait légitime arriver à la conclusion que leur
21 extermination était motivée par une intention génocidaire."
22 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, la Défense a dit que
23 ces victimes ne représentent qu'un tout petit pourcentage de la population
24 musulmane de la Bosnie orientale et de la population musulmane en Bosnie.
25 La Chambre d'appel dans l'affaire Krstic s'est penchée là-dessus, et ils
26 ont noté que la Chambre de première instance avait tout à fait raison de
27 considérer quel était l'impact à long terme de l'élimination de 7- à 8 000
28 hommes de Srebrenica sur la survie de cette communauté. Et dans le
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1 paragraphe 28, on dit justement dans l'arrêt :
2 "… ayant à l'esprit la caractéristique patriarcale de la société musulmane
3 et le nombre important d'hommes tués, ceci 'résulterait sans faute à la
4 disparition physique de la population musulmane de Srebrenica.'"
5 Ensuite, il poursuit :
6 "La destruction physique des hommes, donc, avait des implications
7 importantes quand il s'agit de la possibilité de la procréation de la
8 population…"
9 Donc, quand on lit l'appel Krstic, on voit que la Chambre d'appel ne
10 demande pas la participation proprement dite dans le transfert forcé pour
11 arriver à la conclusion de l'existence d'une intention génocidaire.
12 Il y a eu la décision dissidente du Juge Shahabuddeen, mais ceci ne reflète
13 le raisonnement adopté par la majorité des Juges. C'est pour cela que l'on
14 parle de l'opinion dissidente. Et on ne peut pas, donc, étayer les
15 arguments de la Défense uniquement par cela.
16 De toute façon, la Chambre est arrivée à la conclusion que Beara était tout
17 à fait au courant de cette opération de transfert par la force. Il savait
18 que ces meurtres se sont produits pour faire partie d'un modèle d'attaque à
19 grande échelle et systématique.
20 La Défense, aussi, a proposé l'argument où elle nous demande
21 d'ignorer une partie importante de sa condamnation. Et là, il s'agit donc
22 de l'atteinte grave à l'intégrité physique et psychique causée aux
23 survivants de ces massacres. Les Juges de la Chambre sont arrivés à la
24 conclusion que les actes de génocide sous-jacents comprenaient le meurtre
25 et ces attaques sérieuses à l'intégrité physique et psychique, pas
26 seulement infligées aux victimes de meurtre à proprement dit, mais aussi
27 aux hommes qui ont survécu, mais aussi aux membres de famille qui ont
28 survécu, aux proches des victimes. A savoir, les femmes, les enfants et les
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1 autres personnes. Donc c'est quelque chose qui se trouve dans les
2 paragraphes 842 à 847.
3 La Chambre est arrivée à la conclusion que Beara a commis ces actes
4 sous-jacents au meurtre de membres d'un groupe, et en tuant les membres de
5 ce groupe, il a infligé des torts physiques et psychiques aux familles des
6 victimes et aux survivants. C'est quelque chose qui se trouve au paragraphe
7 1 310. Donc ses activités avaient un impact immédiat sur les familles des
8 tués.
9 C'est pour cela que je pense que vous devriez rejeter les arguments
10 de la Défense, car ceci n'est pas basé sur l'arrêt Krstic. C'est
11 parfaitement incohérent par rapport à cela.
12 Ensuite, un autre argument de Beara. Il dit :
13 "Toute action entreprise par Beara quant aux hommes en âge de
14 combattre était tout à fait justifiée, elle était légale, et elle était en
15 activité avec les combats vu qu'ils étaient considérés comme une menace du
16 point de vue militaire."
17 Mais là, vraiment, cela n'a rien à voir avec la loi. Suggérer qu'il y
18 a quoi que ce soit de légitime dans le meurtre systématique de milliers
19 d'hommes et de jeunes garçons que l'on tue sur base ethnique ne relève pas
20 du sens commun. Les Juges de la Chambre étaient parfaitement au courant de
21 cet argument. Dans les paragraphes 860 à 861 du jugement, elle est arrivée
22 à la conclusion que l'opération de meurtre a dépassé de large une
23 éventuelle réponse à une menace légitime. La Chambre a noté qu'il n'y a pas
24 eu d'efforts considérables pour faire la distinction entre les civils et
25 les soldats.
26 Ils ont tué des vieillards, parfois des femmes, et des gens qui
27 marchaient à l'aide de cannes, même des handicapés mentaux. C'est quelque
28 chose que vous trouvez dans la note de bas de page 3453. Donc, de
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1 nombreuses victimes n'avaient rien à voir avec les militaires. Mais ce
2 qu'elles avaient en commun, c'est que c'étaient des Musulmans de Bosnie. Et
3 c'était la seule cible réelle de ces crimes.
4 Donc la conclusion de la Chambre qui consiste à dire que leur
5 objectif dépassait la motivation militaire est parfaitement cohérente avec
6 l'arrêt Krstic dans les paragraphes 26 à 27. Donc, quand Beara essaie de
7 contester cela, c'est juste du révisionnisme dont il fait preuve pour
8 éviter que la justice soit faite par rapport à ses actes.
9 Il avait tout à fait l'intention de tuer les Musulmans de Bosnie de
10 la Bosnie orientale, et c'est quelque chose qui se retrouve dans le
11 jugement sur la base des moyens de preuve présentés.
12 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, dans sa réponse,
13 il parle du jugement Niyitigeka du Tribunal pour le Rwanda. Si vous
14 examinez ce jugement, ici, on ne peut pas dire que la motivation militaire
15 empêche de trouver qu'il y ait eu l'intention génocidaire. Au contraire, la
16 Chambre d'appel a conclu dans les paragraphes 49 à 53 que les motivations
17 supplémentaires, telles que des motifs personnels ou des motifs militaires,
18 n'empêchent pas d'arriver à la conclusion qu'il y a eu génocide. Aussi, en
19 ce qui concerne le TPIY, vous avez l'arrêt Jelisic, où la Chambre d'appel
20 en est arrivée à la conclusion que le fait qu'il existe des motifs
21 personnels, tels qu'un gain économique, avantage politique, et cetera, ou
22 toutes sortes de pouvoirs, n'empêche pas les Juges de constater qu'il y a
23 eu bel et bien l'intention génocidaire. Et c'est quelque chose que vous
24 trouvez au paragraphe 49.
25 Les moyens de preuve montrent que, en réalité, Beara a pris part à
26 ces meurtres de masse où il a tué les Musulmans de Bosnie sans aucune
27 défense et il a fait cela avec des calculs froids. Il a organisé ces
28 meurtres, ces tueries systématiques, en visant à tuer chaque Musulman de
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1 Bosnie que l'on pouvait attraper.
2 Il a dit lui-même qu'il avait une intention génocidaire. Vous allez
3 trouver cela dans la pièce P1103. Vous allez voir que le 13 juillet, quand
4 il a été informé que les Musulmans de Bosnie se tuaient eux-mêmes, il a dit
5 :
6 "Vous voulez dire qu'ils se tuent entre eux ? Eh bien, parfait.
7 Qu'ils continuent. Qu'est-ce qu'on en a à faire ?"
8 Et puis, vous avez d'autres exemples, des exemples que je vous ai
9 déjà cités, quand il a dit qu'il était en train de se débarrasser de
10 prisonniers et qu'il avait besoin de l'aide des municipalités. Il a dit
11 qu'il fallait distribuer 3 500 paquets, et les Juges de la Chambre de
12 première instance ont trouvé que là il s'agissait des hommes Musulmans, des
13 prisonniers, qu'il fallait exécuter.
14 La Chambre de première instance a dit dans le paragraphe 1 316 que
15 ces propos montrent quel était son état d'esprit, l'état d'esprit d'un
16 homme qui a l'intention de tuer tous les membres d'un groupe ou d'une
17 communauté dont il peut s'emparer.
18 Ensuite, le deuxième moyen dont je vais parler, ceci concerne aussi
19 la condamnation pour génocide, c'est l'argument de Beara qui consiste à
20 dire que la Chambre de première instance s'est trompée quand elle est
21 arrivée à la conclusion que les Musulmans de la Bosnie orientale
22 constituaient une partie substantielle du groupe de Musulmans de Bosnie en
23 tant que tout. Ils étayent cela dans le moyen 21 de leur mémoire en appel.
24 Il dit que les Juges de la Chambre de première instance se sont trompés
25 quant à la taille de ce groupe.
26 Quand Beara dit que la Chambre de première instance s'est trompée
27 quand elle a évalué la taille du groupe, ceci n'est pas exact. La Chambre a
28 évalué la taille du groupe cible et elle a compris qu'il s'agissait là d'un
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1 pourcentage assez petit de toute la population des Musulmans de Bosnie. A
2 la mi-1995, il y avait déjà
3 40 000 Musulmans qui étaient dans l'enclave, et dans ce cas on ne peut pas
4 dire que leur nombre n'était pas significatif.
5 Cependant, la Chambre d'appel dans l'affaire Krstic en est arrivée à la
6 conclusion que l'importance de la communauté des Musulmans de Srebrenica ne
7 réside pas seulement dans sa taille, car il fallait aussi tenir compte de
8 la concentration des habitants musulmans dans l'enclave. C'est quelque
9 chose qui se trouve dans le paragraphe 865. L'élimination de cette
10 population voulait dire qu'on allait éradiquer toute la population
11 musulmane de la région, donc vider la région de la population musulmane. Et
12 ceci avait une importance stratégique sur l'enclave car, s'ils purifiaient
13 cette enclave de ses habitants musulmans, cela leur permettait d'utiliser
14 cela comme un exemple puissant pour tous les Musulmans de Bosnie pour
15 montrer à quel point ils étaient vulnérables, sans défense face à la force
16 militaire serbe.
17 Au cours de ces événements, des milliers de personnes ont été tuées, des
18 dizaines de milliers de personnes ont été expulsées, et la communauté des
19 Musulmans de Bosnie a souffert un préjudice sans précédent. Ceux qui ont
20 survécu souffrent de troubles physiques et de blessures psychologiques
21 suite à cette opération de meurtre. Les Juges de la Chambre de première
22 instance sont correctement arrivés à la conclusion que ces meurtres en
23 masse, les plus grands qui se soient produits en Europe depuis la Deuxième
24 Guerre mondiale, constituent un crime de génocide. Et ceci correspond aux
25 conclusions de l'arrêt Krstic et de la Cour suprême de justice de Bosnie-
26 Herzégovine dans les paragraphes 290 à 297.
27 Beara est la personne qui est la plus responsable de ce génocide qui a été
28 perpétré contre les Musulmans de Bosnie de l'Est. La Chambre l'a condamné
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1 après avoir entendu tous les arguments. Sa condamnation, la peine de prison
2 à vie, eh bien, ce n'est qu'une toute petite réparation pour les victimes,
3 aussi bien vivantes que décédées, face à ces crimes sans précédent.
4 Madame, Messieurs les Juges, la Défense a formulé quelques mots à propos de
5 la condamnation. Nos arguments sont donc fixés dans notre argumentaire à
6 cet égard. Il suffit de dire que la Chambre de première instance a noté que
7 ces circonstances atténuantes étaient d'un poids limité et que, face à son
8 haut degré de culpabilité pour des crimes aussi graves, une peine de
9 réclusion à perpétuité était parfaitement adaptée. Tout ce qui serait
10 inférieur à cela serait manifestement insuffisant.
11 En résumé, Beara a contesté chaque conclusion élevée contre lui. Au centre
12 de ses arguments, il y a l'affirmation selon laquelle il y a un complot de
13 grande ampleur qui vise à l'impliquer de façon erronée dans ces événements.
14 Cette affirmation est totalement discréditée par les éléments de preuve,
15 discréditée par une variété de témoins, de documents et de ses propres mots
16 dans les conversations interceptées. Donc, des points aussi convaincants
17 dans la direction -- c'est-à-dire, la responsabilité de Beara pour les
18 assassinats de masse et génocide de Musulmans dans la Bosnie orientale.
19 Madame, Messieurs les Juges, vous devez écarter ces arguments et maintenir
20 sa condamnation et sa sentence.
21 S'il n'y a pas d'autres questions, j'en ai terminé. Je cède la parole
22 à M. Rogers.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Gillett.
24 M. ROGERS : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Présidents
25 [comme interprété]. Je vais donc répondre à la question que Mme et MM. les
26 Juges ont posée aux parties, et je m'excuse auprès des interprètes pour la
27 vitesse de mon débit hier. Je mettrai tout en œuvre afin de ralentir mon
28 débit aujourd'hui. En espérant que ce ne sera pas trop lent.
Page 240
1 Alors, la question que Mme et MM. les Juges ont posée est de savoir si le
2 compte rendu d'audience appuie la constatation selon laquelle un lien
3 nécessaire existe entre les principaux auteurs des assassinats dans la
4 rivière Jadar et à Trnovo; et deuxièmement, si ce lien existe entre les
5 principaux auteurs de crimes qui n'étaient pas nécessairement membres de la
6 VRS et de l'entreprise commune au meurtre. Et nous notons particulièrement
7 la note en bas de page du point 10, où Mme et MM. les Juges énumèrent un
8 certain nombre d'aspects du jugement de la Chambre aux paragraphes 794.1,
9 .2, .7 et .9, et nous les aborderons.
10 Madame, Messieurs les Juges, il est clair que du point de vue du droit il
11 est bien établi que les crimes commis par des personnes qui ne sont pas
12 nécessairement membres ECC, bien sûr, peuvent être attribués aux membres de
13 l'ECC dès lors que le lien nécessaire -- et l'un ou l'autre des membres de
14 l'ECC est démontré. Cela se réfère évidemment à Brdjanin, à 413; à Martic,
15 à 173 [comme interprété]; Krajisnik, à 225, tous des jugements d'appel.
16 Et les membres non ECC dans ces scénarios sont fréquemment identifiés comme
17 étant des outils. Des cas passés du Tribunal ont bien montré une liste non
18 exhaustive permettant d'établir un lien entre les principaux auteurs et les
19 membres de l'ECC. Là encore, on y trouve mention dans Brdjanin, à 365 et
20 411; Martic, à 168; et Stakic, à 65, tous des jugements d'appel. Mais, très
21 largement, il s'agit de moyens où l'un des membres de l'ECC se trouve dans
22 un rapport hiérarchique avec les principaux auteurs ou où les principaux
23 auteurs travaillent en étroite collaboration avec des forces placées sous
24 l'autorité d'un membre de l'ECC. Et vous vous souviendrez d'après le
25 jugement d'appel de Martic ainsi que celui de Krajisnik, vous vous êtes
26 penchés soigneusement sur la façon dont ces liens étaient établis, puisque
27 la Chambre d'appel a estimé que la Chambre de première instance avait en
28 partie quelques difficultés à établir ce lien. Je pense que c'est là où Mme
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1 et MM. les Juges souhaitent en venir avec la question posée aujourd'hui.
2 Bien sûr, il convient de se rappeler que la question de savoir si un lien
3 existe dans le cas précis de cette affaire est une question d'ordre
4 factuel, et il convient donc d'appliquer une certaine déférence à cette
5 question factuelle là où elle a été appliquée à moins que cela ne soit à
6 tel point déraisonnable qu'aucune Chambre de première instance ne puisse
7 parvenir à cette conclusion. Là encore, la jurisprudence est énoncée à
8 Brdjanin, Martic et Krajisnik, que je ne vais pas répéter.
9 La Chambre de première instance de Popovic le comprenait puisqu'elle a fait
10 référence à cette loi applicable aux paragraphes
11 1 029 et 1 030 de son jugement. Donc elle savait pertinemment ce qui était
12 requis.
13 S'agissant tout d'abord de la rivière Jadar, la Chambre a estimé que le 13
14 juillet 1995, 15 Musulmans de Bosnie ont été tués à la rivière Jadar. Les
15 auteurs ont été identifiés comme étant des forces serbes de Bosnie, ce qui
16 est défini dans le jugement, et comportaient au moins un membre du MUP,
17 Nenad Deronjic. Cela se trouve au paragraphe 408 du jugement. Au paragraphe
18 199 du mémoire en appel, Beara reconnaît que les auteurs de l'incident de
19 l'assassinat comportaient des membres de la police dans son mémoire au
20 paragraphe 199. S'agissant des assassinats sur les rives de la rivière
21 Jadar et d'autres tueries qui se sont déroulées à proximité de Bratunac, la
22 Chambre de première instance a estimé que :
23 "Des éléments communs comportaient les unités impliquées," la Brigade
24 de Bratunac, "les moyens et la méthode par laquelle les meurtres furent
25 effectués et le calendrier dans lequel ceux-ci se sont déroulés inscrivent
26 ces événements dans le cadre d'un objectif commun."
27 Ça, c'est au jugement, 1 074.
28 Donc, autrement dit, ils ont compris la totalité de ce qui se passait
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1 sur le terrain au moment où ils sont arrivés à leur décision. Et le compte
2 rendu d'audience, bien sûr, étaye cette constatation et démontre, par
3 exemple, que la Brigade de Bratunac coopérait étroitement avec les unités
4 du MUP impliquées dans ces assassinats. Bien sûr, la Brigade de Bratunac et
5 les autres membres VRS qui étaient placés sous le commandement de Ratko
6 Mladic, un des autres membres de l'ECC.
7 Le Témoin de l'Accusation 112, un des survivants des tueries le long
8 de la rivière Jadar et un élément-clé pour l'incident, était ensemble avec
9 d'autres membres de la colonne le 13 juillet, lorsqu'il a été arrêté par
10 les membres du MUP le long de la route Bratunac-Konjevic Polje. C'est ce
11 qui est indiqué au paragraphe 390.
12 La Chambre de première instance a estimé qu'il y avait une seule
13 opération par les forces serbes de Bosnie le 13 juillet le long de cette
14 route, la route Bratunac-Polje [comme interprété], se traduisant par la
15 reddition ou la capture de plusieurs centaines de Musulmans bosniens de la
16 colonne. Les forces serbes de Bosnie impliquées dans les opérations
17 comprenaient la Brigade de Bratunac et différentes unités du MUP,
18 mentionnées dans le jugement à 1 458, 365, 376 à 389. Les membres du MUP
19 impliqués dans les opérations étaient soit sous l'autorité de la VRS ou en
20 étroite coopération avec eux. Par exemple, vous trouverez référence dans le
21 témoignage de Mirko Trivic dans le compte rendu à 11 844, qui était le
22 commandant de Brigade Romanija, témoignant que les Brigades de Bratunac et
23 Milici, en coopération avec les forces du MUP, avaient reçu l'ordre de
24 sécuriser la route Bratunac-Konjevic [comme interprété] et la route
25 Konjevic-Milici [comme interprété]. Ça, c'est dans le jugement au
26 paragraphe 376.
27 De la même façon, dans le compte rendu des services de renseignement
28 du Corps de la Drina, le 12 juillet, signé par Tolimir, note que les
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1 commandements des Brigades de Bratunac, Zvornik et Milici devaient agir en
2 coopération avec la police pour ce qui est de sécuriser les routes, y
3 compris la route de Bratunac-Konjevic Polje.
4 Conformément à cela, Momir Nikolic a confirmé que, le 12 juillet et
5 tôt le matin du 13, par des rapports de renseignement ou d'autres
6 informations, il a été informé que les forces de la VRS et du MUP
7 capturaient des hommes musulmans dans la région de Konjevic Polje. Ça,
8 c'est dans la pièce à conviction à C1. Les Musulmans bosniaques capturés au
9 cours de cette opération furent tués aux alentours de Bratunac ou
10 transportés vers la région de Zvornik et tués dans ces localisations, comme
11 cela est mentionné dans le jugement, 1 449 à 53.
12 La façon dont le Témoin 112 et les autres victimes de l'incident de
13 Jadar furent appréhendés, interrogés et ensuite transportés par bus pour
14 être tués par les forces serbes de Bosnie, y compris les forces du MUP,
15 cadre avec l'opération et les autres incidents de tuerie effectués ce jour-
16 là, tels les meurtres de l'entrepôt de Kravica, impliquant les forces VRS
17 et MUP, tuant des hommes de la colonne détenus. Je me réfère au jugement
18 408 ainsi qu'à 390.
19 Le PW-112 a été capturé par les membres du MUP, il a été interrogé à
20 un site utilisé par le 5e Bataillon du Génie VRS, comme montré dans la
21 pièce P00686, et amené avec d'autres victimes au site d'exécution à la
22 rivière Jadar par bus. Les auteurs, dont au moins un a été identifié comme
23 étant un membre du MUP, portaient un uniforme de camouflage militaire.
24 Il est clair dans notre écriture que la Chambre de première instance
25 avait accepté que cet incident faisait partie des opérations par les forces
26 serbes de Bosnie. Dans la totalité des circonstances, il était donc
27 opportun de lier cela à un des membres de l'ECC, en l'occurrence Ratko
28 Mladic, en tant que commandant des forces VRS, soit directement ou par le
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1 mode de coopération étroite, indiquant que par là même l'attribution à un
2 membre de l'ECC est faite, et donc la responsabilité est établie jusqu'à
3 Beara en tant que membre de l'ECC.
4 Bien sûr, une coopération aussi étroite entre les unités et forces
5 VRS suffit, comme je l'ai déjà indiqué -- établi dans l'affaire Martic.
6 Madame, Messieurs les Juges, j'en viens maintenant à l'incident de
7 Trnovo. Il s'agit là d'une affaire légèrement différente. La Chambre a
8 estimé qu'en juillet 1995, six hommes et garçons bosniaques étaient tués à
9 proximité de Trnovo, à environ 150 kilomètres de Zvornik, par une unité MUP
10 serbe au nom des Skorpions. Ça, c'est dans le jugement, 597 à 599, et
11 également mentionné au 794.18.
12 Les victimes furent toutes des Musulmans bosniens de Srebrenica -
13 jugement, 1 080 - et ont été vus pour la dernière fois par leurs familles
14 dans l'enclave de Srebrenica en juillet 1995. Dans la pièce P03248, ça,
15 c'est stipulé. Au moins une des victimes faisait partie de la colonne à un
16 moment donné, mentionné dans la note en bas de page 2 161 [comme
17 interprété]. La Chambre a estimé que les assassinats à Trnovo relevaient du
18 champ de l'ECC au meurtre, estimant qu'il serait "déraisonnable de supposer
19 que dans le même laps de temps, dans une zone adjacente, il y avait une
20 opération de meurtre séparée, distincte, ciblant exactement les mêmes
21 victimes." Ça, c'est au paragraphe 1 080 du jugement.
22 A la lumière des circonstances des victimes, la constatation de la Chambre
23 était raisonnable. La Chambre a correctement observé que les victimes
24 provenaient du même groupe que les autres victimes des incidents de meurtre
25 de l'opération 1 de l'ECC aux alentours de Bratunac et Zvornik.
26 De plus, des éléments de preuve indiquent que les Bosniens -- c'est-à-dire,
27 les Skorpions qui faisaient partie des forces serbes du MUP travaillaient
28 ensemble avec la VRS à Trnovo en juillet 1995, et je vous renvoie à la
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1 pièce P03794 et à la référence du compte rendu d'audience 26 860, ainsi que
2 d'autres références concernant la structure des brigades au jugement de la
3 première Chambre, 185 et 244.
4 Madame, Messieurs les Juges, la combinaison de victimes en provenance de
5 Srebrenica et les Skorpions qui fonctionnaient avec les forces du MUP et de
6 concert avec la VRS est suffisamment puissante pour que l'incident relève
7 de l'objectif commun de l'ECC et qu'une telle coopération entre les
8 Skorpions et les unités du MUP avec les forces de VRS est suffisamment pour
9 attribuer cela à l'ECC, comme énoncé précédemment.
10 J'en viens à la deuxième partie de la question. Désolé, ça va prendre un
11 certain temps pour parcourir tous ces incidents.
12 Les tueries opportunistes, c'est la deuxième partie de votre question se
13 référant à 794.1 et .7, à l'école Karadzic de Vuk. Dans son paragraphe
14 794.1, la Chambre a estimé que les 12 et 13 juillet, entre 40 et 80
15 prisonniers musulmans bosniaques furent emmenés à partir d'un hangar
16 derrière l'école Karadzic Vuk et tués. Ça, c'est dans le jugement, 452 à
17 55. Et au paragraphe 794.7, la Chambre a constaté qu'entre le 13 et le 15
18 juillet, un nombre inconnu de Musulmans de Bosnie furent tués à l'intérieur
19 et à l'extérieur de cette même école. Encore dans le jugement, 460 à 63,
20 et, bien sûr, dans le paragraphe référé.
21 Les membres VRS, bien sûr, étaient directement impliqués dans la protection
22 et l'exécution de ces prisonniers. Référence au jugement, 406. Au 406, les
23 prisonniers musulmans à Bratunac, les 12 au 13 juillet, étaient gardés par
24 les membres des forces serbes de Bosnie, y compris des policiers militaires
25 de la Brigade de Bratunac. Ils travaillaient ensemble avec les membres du
26 MUP dans ces activités, et les éléments de preuve étayant cette
27 constatation incluent celui de Mile Janjic de la police militaire, dans la
28 note en bas de page 1 424 du jugement; Momir Nikolic explique dans la pièce
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1 C1 à la page 6 qu'il a été décidé lors d'une réunion le soir du 13 juillet
2 au QG de la Brigade de Bratunac que les prisonniers à Bratunac devaient
3 continuer à être surveillés par des éléments de la Brigade militaire de
4 Bratunac, différentes forces civiles du MUP et les volontaires armés de la
5 ville de Bratunac. Ça, c'est au paragraphe 406 du jugement.
6 Il est tout à fait inconcevable que ces activités n'aient pas été menées
7 ensemble et dans le cadre de l'opération globale. Les auteurs des
8 assassinats des prisonniers du hangar derrière l'école étaient des forces
9 serbes de Bosnie, y compris les soldats en uniforme de camouflage, comme
10 énoncé au PW-169, un exemple dans le compte rendu d'audience 17 324 à 17
11 326. En effet, Mladic s'est rendu en personne au hangar le matin du 13
12 juillet, a donné des instructions à dix membres des forces serbes de Bosnie
13 qui surveillaient les prisonniers sur place, comme énoncé au paragraphe 402
14 de ce jugement.
15 Madame, Messieurs les Juges, les auteurs des assassinats des prisonniers
16 détenus dans l'école Karadzic et à l'extérieur sur des bus étaient un
17 mélange de soldats et de policiers, comme en avait témoigné Ahmo Hasic, un
18 des survivants, au compte rendu d'audience
19 1 180, 1 181 et 1 188. Et nous vous renvoyons également au jugement de la
20 Chambre, 461. Beara lui-même est passé devant les bus garés juste devant
21 l'école de Karadzic le 13 juillet et a vu des prisonniers détenus à
22 l'intérieur et autour de cette école, basé sur le jugement, 1 262.
23 Madame, Messieurs les Juges, au vu des moyens de preuve, les tueries dans
24 l'école Vuk Karadzic et dans les parages sont liées à l'entreprise
25 criminelle commune de plusieurs manières. Ces tueries ont constitué partie
26 intégrante de l'opération conjointe menée par la VRS et les forces du MUP à
27 Bratunac. Les membres de la VRS ont particulièrement participé à cela. Et
28 les membres de l'entreprise criminelle commune, tels que Mladic et Beara,
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1 ont supervisé les activités des forces serbes de Bosnie. En conséquence,
2 ces assassinats ne constituent pas une partie séparée et distincte de
3 l'opération de la VRS et du MUP consistant à placer en détention les
4 prisonniers musulmans. La conclusion que ces tueries étaient les
5 conséquences prévisibles de la mise en œuvre de l'entreprise criminelle
6 commune afin de tuer est tout à fait raisonnable.
7 Alors, passant à l'incident suivant, il s'agit d'une autre situation de
8 meurtre opportuniste, cette fois-ci à Potocari. Des hommes musulmans ont
9 été tués dans un champ près d'un cours d'eau à 500 mètres de distance de la
10 base du Bataillon néerlandais de Potocari; jugement. 354 à 359.
11 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent que le débit soit ralenti.
12 M. ROGERS : [interprétation] Excusez-moi. Je présente mes excuses.
13 Madame, Messieurs les Juges, un homme musulman de Bosnie a été emmené
14 derrière un bâtiment près de la "maison blanche" de Potocari et a été tué;
15 jugement, paragraphes 354 et 359. La Chambre a conclu de manière
16 raisonnable que ce sont les forces serbes de Bosnie qui ont tué neuf hommes
17 retrouvés près de la base du Bataillon néerlandais à Potocari. Potocari a
18 été pris le 12 juillet par la VRS et les unités du MUP qui ont agi
19 ensemble, comme cela a été conclu au jugement de première instance,
20 paragraphe 302. Les unités du MUP qui ont pris part à la prise de Potocari
21 comprenaient des recrues de Jahorina et la 1ère Compagnie de PJP de
22 Zvornik, les deux unités étant placées sous le commandement de Borovcanin.
23 Je vous renvoie au jugement, paragraphe 185.
24 Borovcanin lui-même était présent à Potocari le 12 juillet, tout comme
25 Mladic, en se déplaçant constamment dans cette zone. Je vous renvoie encore
26 une fois au jugement de première instance. Il a été vu en personne en train
27 de distribuer la nourriture. Dans la matinée du 13 juillet, les forces
28 serbes de Bosnie contrôlaient déjà entièrement Potocari, et même les
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1 membres du Bataillon néerlandais n'étaient pas libres de se déplacer comme
2 ils le souhaitaient. On le voit au jugement, paragraphes 302 à 305, ainsi
3 que 357. Compte tenu de ces circonstances, il était tout à fait raisonnable
4 pour que les Juges de la Chambre de première instance constatent que les
5 assassinats de Potocari ont été commis par les forces serbes de Bosnie et
6 qu'ils ont constitué les conséquences prévisibles de l'entreprise
7 criminelle commune visant à tuer. En effet, lorsqu'on se penche sur les
8 tueries de ces neuf hommes, les officiers du Bataillon néerlandais ont
9 constaté qu'ils étaient encore chauds quand ils les ont examinés. Ce sont
10 les forces serbes de Bosnie qui leur ont tiré dessus. Ils ont tiré sur les
11 membres du Bataillon néerlandais, comme cela figure au jugement,
12 paragraphes 355 et 356. Et, encore une fois, les auteurs qui ont tué les
13 hommes musulmans derrière la "maison blanche" ont été vus par les forces du
14 Bataillon néerlandais, qui les ont identifiés comme étant des soldats
15 serbes portant des uniformes de camouflage typiques et qui correspondaient
16 à d'autres forces serbes de Bosnie, ceux qui contrôlaient Potocari à
17 l'époque. Ils ont vu des hommes emmenés derrière par des soldats en
18 uniforme, en laissant entendre qu'ils ont vu ces meurtres.
19 Compte tenu la participation des forces placées sous l'autorité des membres
20 de l'entreprise criminelle commune tels que Mladic à l'opération conjointe
21 avec le MUP, et compte tenu de la participation personnelle de Mladic,
22 qu'il a dirigé les forces serbes de Bosnie par rapport à ces placements en
23 détention à Potocari, la Chambre a eu raison de constater que ces meurtres
24 étaient liés à la mise en œuvre de l'entreprise criminelle commune.
25 Est-ce que je peux avoir encore juste quelques minutes ?
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.
27 M. ROGERS : [interprétation] Merci.
28 Et le dernier événement, 794.9, l'école de Petkovci. La Chambre a
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1 estimé que le 14 juillet 1995, plusieurs hommes musulmans de Bosnie ont été
2 placés en détention et tués à l'école de Petkovci; jugement, 498. Ceci a
3 été reproché en tant que meurtre opportuniste parce que le meurtre
4 principal des prisonniers musulmans détenus à l'école de Petkovci a été
5 mené au barrage de Petkovci. Même s'il n'y a pas de constatation spécifique
6 quant à l'identité précise des auteurs des meurtres de l'école de Petkovci,
7 les Juges de la Chambre ont constaté et ont conclu que les meurtres au
8 barrage et à d'autres endroits étaient :
9 "… bien organisés et ont suivi le même schéma : les hommes étaient placés
10 en détention, transportés à un site approprié et exécutés sommairement. La
11 Brigade de Zvornik, sa police militaire, a gardé les prisonniers avant leur
12 exécution, différents bataillons de la Brigade de Zvornik ont pris part à
13 cela, ainsi que la Compagnie du Génie de la Brigade de Zvornik qui a
14 enterré les corps."
15 Jugement, 1 075.
16 Madame, Messieurs les Juges, d'amples moyens de preuve démontrent que le
17 placement en détention et le meurtre des Musulmans de Bosnie à l'école de
18 Petkovci étaient liés à la mise en œuvre de l'opération de meurtre.
19 Compte tenu de ces circonstances, nous affirmons que la Chambre a eu tout à
20 fait raison d'associer cet incident à l'entreprise criminelle commune, de
21 l'attribuer à l'entreprise criminelle commune, y compris à Mladic et à
22 Beara.
23 J'en ai terminé par rapport aux arguments de la Défense Beara. Ceci termine
24 les arguments de l'Accusation, avant que je n'aie complètement perdu ma
25 voix.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
27 Est-ce que vous nous avez dit que vous avez terminé avec l'exposé des
28 arguments de l'Accusation ?
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1 M. ROGERS : [interprétation] Oui.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Alors, reprenons à 15 heures 23
3 après la pause.
4 --- L'audience est suspendue à 15 heures 02.
5 --- L'audience est reprise à 15 heures 25.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous entendrons la réponse - pendant
7 combien de temps ? - 30 minutes. Et à partir du moment où ce sera terminé,
8 conformément à notre planning tel qu'annoncé hier, nous allons passer au
9 conseil suivant, M. Bourgon. Donc vous ne serez pas surpris.
10 Je vois que vous êtes déjà prêt. En bon scout.
11 M. OSTOJIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je vous
12 remercie.
13 Ma première observation, si je puis, c'est que je ne suis surpris de voir
14 que le bureau du Procureur ne prend en considération l'essentiel de nos
15 arguments présentés oralement et par écrit. Je me serais attendu au moins,
16 au lieu de répéter les conclusions de la Chambre de première instance et
17 les conclusions factuelles, qu'ils se penchent au moins sur la question qui
18 est de savoir pourquoi convient-il d'accorder un poids à la déposition de
19 Deronjic. Les décisions de la Chambre de première instance par rapport aux
20 moyens de preuve sont tout à fait cohérentes tout au long de leurs
21 conclusions contre Beara. Ils m'ont critiqué de ne pas avoir compris les
22 circonstances aggravantes, mais si vous vous penchez sur le paragraphe 2
23 166, la Chambre de première instance a utilisé ce témoignage de Deronjic
24 pour conclure que Beara a agi froidement et que ça n'a été qu'un froid
25 calcul de sa part. Ils se sont servis des mêmes crimes sous-jacents pour
26 trouver qu'il s'agissait d'une circonstance aggravante.
27 Cela ne me déçoit pas qu'ils ne mentionnent même pas le témoignage de
28 Deronjic, mais que la Chambre d'arrêt a accordé - c'est ça qui m'étonne - a
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1 accordé que ces éléments soient introduits. Nous savons que le premier pas
2 consiste à déterminer si un témoignage est fiable et ensuite d'agir par
3 précaution lorsque le poids y est accordé. Je pense que dans nos arguments,
4 à la fois exposés oralement et par écrit, nous avons au moins essayé et,
5 j'espère, réussi à établir que le témoignage de Deronjic comporte de
6 nombreux éléments qui ne cadrent pas, qui sont contradictoires, des
7 déclarations intéressées de la part de Deronjic cherchant à impliquer
8 d'autres personnes.
9 Et nous affirmons que des membres de l'entreprise criminelle commune, à ce
10 moment-là, comprenaient Deronjic, Momir Nikolic, M. Borovcanin et Dragomir
11 Vasic. Mon éminent confrère a dit que notre principale affirmation était
12 qu'il y a eu connivence. Eh bien, nous avons vu la pièce à conviction qui a
13 été versée au dossier, la pièce P886, où le MUP déclare expressément que ce
14 sont eux qui assument la seule responsabilité. J'ai essayé -- en quelques
15 minutes que j'ai eues, j'ai essayé de parcourir les arguments oraux pour
16 voir s'ils ont réagi à cela, s'ils y ont répondu. Non, ils ne l'ont pas
17 fait. Parce qu'ils ne peuvent pas le faire. Ils refusent de le faire. A
18 chaque fois qu'un élément de preuve cadre parfaitement avec les arguments
19 de la Défense, l'Accusation le tourne en dérision ou passe outre ou évite
20 de l'examiner. Malheureusement, la Chambre de première instance s'est
21 également fourvoyée en ne donnant pas une opinion raisonnée quant à la
22 question qui est de savoir pourquoi ces éléments de preuve auraient dû se
23 voir accorder le même poids que les autres.
24 Connivence. Deronjic, Momir Nikolic, Borovcanin, Vasic. Est-ce que nous
25 savons de quoi a été déclaré coupable Deronjic ? Oui, nous le savons, c'est
26 dans le dossier de l'affaire. Nous savons qu'il a été déclaré coupable de
27 crimes que lui et d'autres membres de la zone de Bratunac, des hommes
28 politiques, le MUP, nous avons qu'ils ont pris part aux meurtres de
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1 Bratunac deux ou trois ans avant le massacre de Srebrenica. Nous savons
2 spécifiquement grâce à sa déclaration de culpabilité et son accord de
3 plaidoyer qu'il a été condamné pour les meurtres de Glogova. L'Accusation
4 voudrait que vous croyiez que M. Beara est venu à Bratunac et que c'est lui
5 qui a cherché les endroits où ils pouvaient enterrer les prisonniers. Tout
6 ce qu'il avait à faire, et c'est vrai, c'est de demander à Deronjic : Où
7 est-ce que tu les as enterrés il y a deux ans ? La vérité c'est qu'il y a
8 eu connivence parce qu'ils ont tous travaillé de concert, il y a eu
9 entente, et ensemble ils ont commis des crimes deux ou trois ans avant cela
10 dans la même zone.
11 Ils affirment que rien ne permet d'établir un lien entre Deronjic et Momir
12 Nikolic. Bien sûr qu'il y en a. Ils ne disent pas à la Chambre de première
13 instance que Deronjic et Nikolic étaient liés par mariage. Est-ce que cela
14 ne constitue pas un fait pertinent ? Note de bas de page de la décision de
15 la Chambre de première instance 4 134. Connivence, tout à fait.
16 La note de bas de page de la décision de la Chambre de première instance où
17 il est question de dire que Deronjic et Nikolic ont été confrontés l'un à
18 l'autre et qu'il y a eu déni sur la question qui est de savoir si Momir
19 Nikolic était présent ou non aux réunions du SDS, ce même Momir Nikolic qui
20 a déposé non seulement de manière incohérente et contradictoire mais qui a
21 changé sa déposition, qui a reconnu des crimes pour qu'il puisse avoir une
22 moindre peine et puis qui s'est rétracté lorsqu'il a vu qu'il n'y avait pas
23 suffisamment d'éléments de preuve. Donc l'Accusation, de bonne foi,
24 n'aurait même pas pu accepter ses mensonges quand il a dit qu'il a commis
25 des crimes. Il a menti. Il était prêt à assumer la responsabilité pour
26 d'autres crimes simplement pour que sa peine soit réduite.
27 Donc, tout à fait, il y a eu connivence. Je pense que les éléments de
28 preuve permettent de voir que ça a existé; toutefois, ce n'est pas au cœur
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1 de notre argument. Notre argument reste que si vous enlevez les éléments
2 auxquels il ne faut pas accorder de poids et si on n'accorde que très peu
3 de poids à la déposition de Deronjic, vous verrez que la Chambre de
4 première instance n'avait pas suffisamment d'éléments de preuve pour
5 constater que Beara a été membre de l'entreprise criminelle commune visant
6 à tuer et que Beara n'a pas contribué de manière importante à cette
7 entreprise criminelle commune.
8 Donc -- ou subsidiairement, si vous enlevez le témoignage de
9 Deronjic, il y a suffisamment là, mais ils savent sans le témoignage de
10 Deronjic qu'il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve. Il y a quelques
11 éléments de preuve, qui ne sont pas crédibles, d'après nous. Il y a
12 quelques éléments qu'il était présent. Mais, en fait, ils tournent en
13 dérision nos arguments lorsqu'ils disent : Eh bien, en partie, ils
14 acceptent Celanovic, mais nous le faisons en partie, et si cela est vrai et
15 si la Chambre constate que Celanovic est un témoin crédible, alors qu'est-
16 ce que Beara lui a dit ? Rien de criminel ? Rien d'illégal ? Rien
17 d'offensif ? Rien qui pourrait amener la Chambre de première instance à
18 conclure qu'il a été membre qui a contribué de manière importante à
19 l'entreprise criminelle commune --
20 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent que le conseil veuille bien
21 ralentir.
22 M. OSTOJIC : [interprétation] L'Accusation, elle, peut présenter des
23 arguments subsidiaires, mais pas nous.
24 Mon éminent confrère a déclaré dans ses arguments oraux que Beara prônait
25 le meurtre. Mais sur la base de quoi ? Sur la base du témoignage de
26 Deronjic. Il ne vous dit pas que c'est sur ça qu'ils se fondent. J'aurais
27 espéré qu'ils auraient avancé au moins le fait que la Chambre de première
28 instance aurait dû accorder le poids qui convenait à ce témoignage ou
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1 aurait dû limiter le poids accordé à ce témoignage. Mais tout simplement,
2 ils passent outre.
3 Et puis, ils affirment que certaines opinions dissidentes n'ont pas
4 beaucoup de poids. Je vous en ai cité une de l'affaire Tolimir. Mais ce
5 n'est pas une opinion dissidente, c'est une opinion séparée. Voyons ce que
6 dit le Juge Nyambe. Elle aborde la question de connivence entre les
7 témoins, témoins qui pointent du doigt les autres parce qu'ils voudraient
8 que leur peine soit réduite. Elle a cité Matthew Hale et elle déclare :
9 "Cette approche de reconnaître l'aide a été longtemps mal servie, et la
10 vérité est que beaucoup de mal provient de fausses accusations et que cela
11 ne permet pas véritablement de révéler et de sanctionner les véritables
12 coupables."
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En quelle année était-ce ?
14 M. OSTOJIC : [interprétation] C'était Sir Matthew Hale, en 1800,
15 "L'histoire des plaidoyers devant la Couronne."
16 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]
17 M. OSTOJIC : [interprétation] Oui. Et elle continue pour dire que c'est
18 avec la plus grande précaution que les Chambres ont agi pendant l'histoire
19 pour éviter justement d'accorder la foi aux déclarations contradictoires.
20 Et je pense qu'il vous suffit de voir le témoignage de Dragomir Vasic qui
21 déclare que le MUP a été le seul responsable et que ce sont eux qui ont agi
22 dans l'objectif de liquider ou de tuer 8 000 hommes et garçons bosniens.
23 Et très brièvement, je voudrais déclarer qu'ils ont cité deux arrêts
24 en appel où ils ont déclaré que : Si quelqu'un a un mobile personnel, voire
25 même un mobile militaire, cela n'empêche pas qu'il y a intention
26 génocidaire. Toutefois, toutefois, dans certaines circonstances, cela nous
27 permet d'avoir le doute raisonnable sur l'existence de l'intention
28 génocidaire. Nous n'affirmons pas que cela l'empêche, mais cela,
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1 certainement, permet de replacer cela dans un contexte approprié et
2 d'invoquer le doute raisonnable.
3 L'Accusation a répété d'innombrables fois que nous avons échoué, que nous
4 n'avons pas établi les choses de manière complète, mais la charge de la
5 preuve ne repose pas sur nous. A aucun moment elle ne repose sur nous.
6 C'est la raison pour laquelle nous affirmons que la Chambre s'est
7 fourvoyée, de fait et de droit, et qu'elle n'a pas appliqué le raisonnement
8 qu'elle aurait dû appliquer à la déposition de Borovcanin, Nikolic et
9 Miroslav Deronjic. Et nous vous demandons de vous repencher sur les
10 conclusions de droit et de fait de la Chambre de première instance pour
11 voir que le témoignage de Deronjic devrait être exclu et qu'il y a très peu
12 d'éléments de preuve permettant de conclure à la responsabilité de Beara.
13 Je vous remercie.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.
15 M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Et
16 je serai très bref.
17 Je vous dirai qu'en l'espèce, l'Accusation devait prouver que M.
18 Beara était animé d'une intention génocidaire pour détruire la communauté
19 musulmane de Bosnie à Srebrenica, qui était donc la partie importante et
20 pertinente de ce groupe. M. Beara a été acquitté du chef de transfert
21 forcé, et cela, en fait, annule également cette intention générale et
22 génocidaire. C'est ce que nous avançons. C'est ce qui est démontré très
23 clairement, d'ailleurs, aux paragraphes 31 et 33 de l'opinion de la Chambre
24 d'appel de Krstic, que j'ai citée à maintes reprises ce matin, et je ne
25 vais pas réitérer ce que j'ai déjà dit.
26 Mais ce que j'aimerais répéter, toutefois, très brièvement, c'est une
27 partie de l'opinion partiellement dissidente de M. le Juge Shahabuddeen. Il
28 y a quelque chose que je voudrais dire de façon très, très claire. Car
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1 l'Accusation nous dit en un mot comme en cent - bon, je veux par souci
2 d'équité reprendre ce qu'ils ont dit - mais ils nous disent en fait :
3 N'accordez aucune opinion à cette opinion puisque c'est une opinion
4 dissidente. C'est une façon de simplifier de façon grossière ce qui a été
5 dit, et ce n'est pas vrai. Parce que la seule chose à propos de laquelle le
6 Juge Shahabuddeen a exprimé son opinion dissidente repose sur le fait qu'il
7 a conclu que le général Krstic devait être condamné pour génocide. Mais la
8 majorité, en fait, a annulé la conclusion de génocide émise par la Chambre
9 et l'a considéré coupable pour avoir aidé et encouragé le génocide. Mais
10 pour ce qui est d'intention génocidaire, et je pense également à
11 l'acquittement du chef de transfert forcé, le Juge Shahabuddeen est tout à
12 fait d'accord avec l'opinion majoritaire à ce sujet. Je ne pense pas que
13 l'Accusation souhaiterait que je cite à nouveau, bien que je cite très
14 brièvement parce que cela est très convaincant et très logique et
15 absolument catégorique, puisqu'il dit au paragraphe 5 [comme interprété] :
16 "Donc, s'il est considéré de façon isolée, le transfert forcé ne constitue
17 pas un génocide, mais en l'espèce le transfert ne peut pas être considéré
18 comme un élément séparé, et c'est sur cette base que la Chambre d'appel a
19 rejeté l'argument présenté par la Défense indiquant qu'il n'y avait pas de
20 génocide. En fait, il a fait partie intégrante de ce plan visant à
21 commettre un génocide, et ce, en tuant, en opérant des transferts forcés et
22 en détruisant des foyers. Notamment, cela a prouvé que c'est avec une
23 certaine intention que ces personnes ont été tuées, l'intention étant,
24 effectivement, de détruire la partie à Srebrenica du groupe musulman de
25 Bosnie."
26 Donc M. Beara a été acquitté du chef de transfert forcé, et ce, sur la base
27 de ce que la majorité avait dit en Chambre d'appel et sur la base de
28 l'opinion de M. le Juge Shahabuddeen. Je pense que c'est clair.
Page 258
1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le Procureur a également cité, me
2 semble-t-il, des passages du jugement dans l'affaire Krstic où il est
3 indiqué que la Chambre a dit que l'intention génocidaire peut être déduite
4 des meurtres et assassinats à proprement parler.
5 M. SEPENUK : [hors micro]
6 [interprétation] Excusez-moi. Mais je vous dirais qu'aux paragraphes
7 31 et 33 de l'opinion, cela a été précisé, développé, étoffé, car il est
8 indiqué qu'il faut également considérer les transferts forcés parce que la
9 destruction du groupe était en fait toute la communauté musulmane de Bosnie
10 de Bosnie orientale, à savoir 40 000 personnes. Donc une partie de ce
11 groupe de 40 000 était constituée par les 5 300 personnes, 5 300 -- bon,
12 quel que soit le chiffre que vous souhaitez accepter pour les hommes en âge
13 de porter les armes. Mais cela n'était pas suffisant pour juste considérer
14 les hommes en âge de porter les armes dans cette équation. Parce qu'il faut
15 qu'il y ait un lien avec la destruction et avec la partie pertinente de ce
16 groupe qui a été acceptée par la Chambre de première instance, à juste
17 titre d'ailleurs, et cela comprend toute la communauté, dont certains ont
18 été tués, il s'agissait d'hommes en âge de porter les armes, et nombreux,
19 quelque 25 000, ont été expulsés. C'est cela la destruction des enclaves de
20 Srebrenica et de Zepa dont parle la Chambre de première instance.
21 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Maître, j'essaie de comprendre --
22 j'essaie de comprendre exactement ce que vous avancez. Est-ce que vous êtes
23 en train de nous dire que le groupe ciblé, qu'une partie du groupe ciblé,
24 doit inclure les hommes qui sont ciblés pour être tués et les hommes qui
25 sont ciblés pour être transférés en même temps ? Et il n'y a pas de groupe
26 où seulement sont ciblés les hommes qui vont être tués ? C'est cela que
27 vous nous dites, Maître ?
28 M. SEPENUK : [aucune interprétation]
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1 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Donc, lorsque la norme fait référence à
2 une destruction totale ou partielle, cette partie doit comprendre les
3 hommes en âge de porter les armes qui doivent être tués et l'autre partie
4 de la population, les femmes, les enfants et les personnes âgées; ou alors,
5 est-ce que cette partie inclut seulement les hommes qui ont été ciblés pour
6 être tués ?
7 M. SEPENUK : [interprétation] Non, non, c'est la première proposition que
8 vous avez faite.
9 M. LE JUGE POCAR : [aucune interprétation]
10 M. SEPENUK : [interprétation] En d'autres termes, vous avez -- donc, dans
11 ce groupe de Musulmans de Bosnie de Bosnie orientale, vous avez les hommes
12 et la population qui a été transférée sous la contrainte, les femmes, les
13 enfants et les personnes âgées. Et ce n'est pas cela qui a été créé par M.
14 Beara. En fait, c'est l'acte -- cela se trouve dans l'acte d'accusation,
15 c'est la théorie de l'acte d'accusation. Et nous l'avons cité dans un
16 paragraphe parce que c'est cela qui résume la théorie de l'Accusation. Et,
17 en fait, c'est la théorie de l'Accusation et c'est ce qui a été accepté -
18 et nous pensons à juste titre, d'ailleurs - par la Chambre de première
19 instance comme correspondant au groupe des Musulmans de Bosnie de la Bosnie
20 orientale. Ça, c'est la théorie de l'Accusation en l'espèce. Et en
21 l'acquittant du chef de transfert forcé, cela, en quelque sorte, annule
22 l'intention génocidaire, parce que l'intention n'était pas de détruire et
23 d'anéantir tout le groupe musulman de Bosnie. L'intention, en fait -- et
24 là, je le dis pour présenter un argument, l'intention aurait donc de tuer
25 les hommes. C'est au niveau de l'intention ce qu'on peut trouver.
26 Et pour ce qui est du meurtre, de l'extermination, Me Ostojic en a
27 parlé. Mais moi je suppose arguendo que s'il doit y avoir une condamnation
28 en l'espèce, cela devrait être pour meurtre et extermination, mais non pas
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1 pour génocide.
2 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Est-ce que vous pourriez, je vous prie,
3 étoffer un peu votre propos pour nous expliquer comment vous réconciliez
4 cette notion globale du groupe avec le point de vue suivant lequel le
5 génocide doit passer par la destruction physique du groupe ?
6 M. SEPENUK : [interprétation] Vous savez, lorsque j'ai présenté mes
7 arguments dans l'affaire Krstic il y a dix ans -- et d'ailleurs, Monsieur
8 le Juge, je pense que vous faisiez partie des Juges à l'époque. Il se peut
9 que je me trompe, mais je pense que je ne me trompe pas.
10 M. LE JUGE POCAR : [hors micro]
11 M. SEPENUK : [interprétation] Le fait est que nous avions avancé qu'il
12 fallait qu'il y ait destruction physique, que cela était nécessaire, et que
13 ce déplacement de la population ne pouvait pas être considéré par la
14 Chambre de première instance, et là nous l'avons pas eu gain de cause car
15 la Chambre d'appel a dit : Non, cela n'est pas le cas. Le transfert forcé
16 est un élément, et ils en parlent aux paragraphes 31 et 33 de l'opinion,
17 et, bien sûr, le Juge Shahabuddeen en parle également. Donc c'est une idée
18 qui a été rejetée. Donc, bien entendu, nous acceptons cela, vous pouvez
19 avoir une destruction physique si l'on part du principe que la communauté
20 ne peut pas se reconstituer.
21 Donc la conclusion de la Chambre d'appel dans l'affaire Krstic a été
22 critiquée par des universitaires tels que M. Schabas dans son article sur
23 le génocide dans le magazine, le "Florida Law Review". Mais bon, nous, nous
24 ne gravitons pas dans ce monde universitaire. Donc je l'accepte, j'accepte
25 le raisonnement et j'accepte l'arrêt dans l'affaire Krstic comme étant un
26 précédent absolument contraignant en l'espèce.
27 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.
28 M. LE JUGE NIANG : [interprétation] Donc, si je vous ai bien compris,
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1 Monsieur, il y a trois actions qui déclenchent le génocide en instance, à
2 savoir les meurtres et assassinats, le transfert forcé et la destruction
3 des foyers ? Si je vous ai bien compris --
4 M. SEPENUK : [interprétation] Je ne pense pas, et il va falloir que je
5 vérifie auprès du conseil principal, qui connaît les faits beaucoup mieux
6 que ça. Donc nous n'avons pas -- non, non, nous n'avons pas la destruction
7 des foyers. Ça, c'était dans l'affaire Krstic.
8 M. LE JUGE NIANG : [aucune interprétation]
9 M. SEPENUK : [interprétation] Ici, en l'espèce, nous avons les meurtres des
10 hommes et le transfert forcé.
11 M. LE JUGE NIANG : [interprétation] Je souhaite juste comprendre ce que
12 vous avez avancé. Est-ce que vous entendez que si nous avons la preuve que
13 quelqu'un a participé aux meurtres et si la même personne n'a pas participé
14 à d'autres actions qui font partie du génocide, cette personne devrait être
15 acquittée ? C'est bien cela que vous nous dites ?
16 M. SEPENUK : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Juge. Parce que
17 lorsque nous lisons l'arrêt Krstic, il est indiqué qu'il faut qu'il y ait
18 la conjugaison des deux, à savoir les meurtres et le transfert forcé, parce
19 que la seule façon qui vous permet de conclure qu'il y a eu intention
20 génocidaire passe par le fait qu'il faut détruire une partie importante des
21 Musulmans de Bosnie de Bosnie orientale. Donc, tuer ces hommes, cela
22 correspond à une extermination, à des meurtres et assassinats, mais non pas
23 un génocide.
24 M. LE JUGE NIANG : [interprétation] Alors, je vais m'exprimer d'une façon
25 différente. Supposons que nous sommes dans une situation où vous avez un
26 accusé qui a participé à certains meurtres mais pas à tous les meurtres,
27 est-ce que vous continueriez à dire que cette personne devrait être
28 acquittée ?
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1 M. SEPENUK : [interprétation] Monsieur le Juge, tout dépendrait du groupe
2 visé. Encore faut-il définir quel est le groupe visé. Car, en l'espèce, les
3 Musulmans de Bosnie étaient le groupe.
4 M. LE JUGE NIANG : [interprétation] Oui.
5 M. SEPENUK : [interprétation] La partie du groupe, et c'est ce qu'a avancé
6 la Chambre de première instance ainsi que l'Accusation, la partie du groupe
7 était les Musulmans de Bosnie de Bosnie orientale. Et, bon, il faudrait que
8 j'aie davantage de paramètres pour répondre à votre exemple hypothétique.
9 M. LE JUGE NIANG : [interprétation] Oui, mais je me base sur les faits,
10 parce qu'il semble que la Chambre de première instance n'a pas dit que le
11 transfert forcé n'avait pas existé --
12 M. SEPENUK : [aucune interprétation]
13 M. LE JUGE NIANG : [interprétation] -- la Chambre de première instance n'a
14 pas dit qu'il n'y avait pas eu transfert forcé. D'après ce que vous dites,
15 la Chambre de première instance a dit qu'il a été acquitté, qu'il n'a pas
16 participé au transfert forcé. Mais il a participé aux meurtres. Et
17 pourtant, vous avancez qu'il devrait être acquitté ?
18 M. SEPENUK : [interprétation] C'est ce que nous avançons effectivement.
19 M. LE JUGE NIANG : [aucune interprétation]
20 [La Chambre d'appel se concerte]
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que je vais demander à M.
22 Gillett de nous faire part de ses observations à propos de cet élément,
23 parce que vous nous dites que d'après ce que vous comprenez, le groupe
24 ciblé doit représenter toute la communauté, à savoir les hommes de Bosnie
25 et ceux qui ont été transférés sous la contrainte ?
26 M. SEPENUK : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Je ne pense pas que vous vous
28 êtes intéressé à cet élément. Vous avez évoqué certaines parties du
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1 jugement qui étayent le point de vue suivant lequel les meurtres eux-mêmes
2 peuvent nous fournir l'intention génocidaire. Mais est-ce que vous pourriez
3 nous dire ce que vous en pensez ?
4 M. GILLETT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, de me donner la
5 possibilité de répondre à cette question et à la présentation de mon estimé
6 confrère.
7 A la lecture de l'arrêt Krstic - et d'après moi, il n'y a qu'une seule
8 façon de l'interpréter, de le lire - à aucun moment on n'y trouve la
9 demande de prouver le transfert par la force ou la participation à cela
10 pour arriver à la conclusion de l'intention génocidaire. Au paragraphe 27,
11 on le dit très clairement, la dernière phrase :
12 "Le meurtre des hommes en âge de combattre était sûrement une destruction
13 physique, et vu l'échelle de ces meurtres, la Chambre de première instance
14 pouvait en toute légitimité arriver à la conclusion que leur extermination
15 était motivée par l'intention génocidaire."
16 Le fait est que le transfert forcible était un facteur en plus mais pas
17 indispensable. Le groupe cible de victimes dans ce cas était les Musulmans
18 de la Bosnie orientale, et ils en sont arrivés à la conclusion que l'on
19 pouvait conclure qu'il y avait bien l'intention génocidaire quand ils ont
20 tué plusieurs milliers d'hommes et de garçons. L'effet de cela, c'est
21 l'atteinte sérieuse à l'intégrité psychique et physique causée aux
22 survivants, aux familles qui devaient continuer à vivre dans l'ombre de ces
23 événements, et c'est pour cela que vous pouvez, sur la base de l'arrêt
24 Krstic, arriver à la conclusion qu'il y a bien eu l'intention génocidaire.
25 Et il n'est pas besoin de prouver qu'il y a eu aussi le transfert forcible.
26 Donc ce sont nos arguments, à moins que vous n'ayez d'autres questions.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Avec ceci, donc, se terminent
28 les arguments de la Défense de M. Beara et leurs répliques, ainsi que la
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1 réplique du Procureur. Nous allons passer à présent à l'appel de Drago
2 Nikolic, et je vais demander aux conseils de nous présenter leurs
3 arguments.
4 Mme NIKOLIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,
5 Madame, Messieurs les Juges. Bonjour à toutes les parties présentes dans ce
6 prétoire.
7 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, c'est un honneur pour
8 moi de m'adresser à vous aujourd'hui et de vous présenter les arguments
9 constituant la défense de Drago Nikolic.
10 Nous espérons pouvoir vous prouver que la Chambre de première instance a
11 commis une série d'erreurs de droit et de fait et qui ont eu une influence,
12 certaines, sur la sentence et la condamnation qui a contribué à une
13 sentence très sévère contre notre client. C'est pour cela que nous allons
14 demander à la Chambre d'appel de corriger les fautes de la Chambre de
15 première instance et de libérer l'appelant de ses chefs et de diminuer sa
16 sentence.
17 Nous avons deux moyens d'appel. Cependant, nous avons construit notre
18 argument autour de six parties. Et là, nous allons donc aborder plusieurs
19 moyens d'appel de plusieurs façons. La première partie concerne le fait que
20 la sentence n'est pas appropriée.
21 La deuxième partie tient à dire que la Chambre de première instance s'est
22 trompée quand ils ont trouvé que Drago Nikolic -- ensuite, que Drago
23 Nikolic a proposé de nouveaux uniformes aux membres du 4e Bataillon pour
24 les persuader de participer aux exécutions à Orahovac. Là, je parle des
25 chefs 13, 14, 20 et 26.
26 Ensuite, partie 3, là, la Chambre a erré quand elle est arrivée à la
27 conclusion que Drago Nikolic a ordonné à Peric, du 1er Bataillon de
28 Zvornik, de garder les prisonniers à Kula, dans l'école, où il savait
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1 qu'ils allaient être exécutés; les moyens 23 et 24.
2 Ensuite, partie 4, la Chambre de première instance s'est trompée quand elle
3 est arrivée à la conclusion que Drago Nikolic a appelé Acimovic, le
4 commandant du 2e Bataillon, pour le forcer d'exécuter l'ordre que l'on
5 trouve dans les moyens 15, 16 et 18.
6 Partie 5, la Chambre de première instance s'est trompée quand elle est
7 arrivée à la conclusion que Drago Nikolic était présent lors des exécutions
8 qui se sont déroulées à Orahovac dans la soirée du 14 juillet 1995; il
9 s'agit là des moyens d'appel 19, 22 et 25.
10 Et puis, partie 6, là il va s'agir de l'erreur commise par la Chambre de
11 première instance, et la conséquence de cela, c'est la conclusion que les
12 meurtres en masse qui ont eu lieu ont été menés à bien avec l'intention
13 génocidaire, avec l'interaction de Beara et de Popovic, et ceci comprend
14 les moyens 4, 6 et 23 des moyens d'appel de M. Nikolic.
15 En ce qui concerne les moyens d'appel 2, 3, 4, 5 -- 8, 9, 11 et 12, M.
16 Nikolic garde et maintient les arguments qu'il a présentés dans son mémoire
17 d'appel, et nous n'allons pas les aborder aujourd'hui. A présent, je vais
18 passer la parole à M. Stéphane Bourgon, mon collègue. Je vous remercie de
19 votre attention.
20 M. BOURGON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,
21 Madame, Messieurs les Juges de la Chambre d'appel. Et je salue aussi toutes
22 les personnes présentes dans ce prétoire.
23 Avant de présenter mes arguments aujourd'hui, Monsieur le Président, je
24 souhaite dire en guise de préliminaire qu'hier j'ai écouté avec beaucoup
25 d'attention les arguments présentés par le bureau du Procureur quand ils
26 ont répondu aux arguments présentés par la Défense Popovic. Il est clair
27 que le Procureur a répété de façon impressionnante le jugement dans une
28 narration qui avait pour but d'impressionner les Juges de la Chambre
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1 d'appel. Mais ce n'est pas ce que je souhaite faire aujourd'hui. Ce que je
2 souhaite faire aujourd'hui, c'est de dire qu'hier le Procureur, en
3 présentant ses arguments, il a mentionné le nom de Drago Nikolic 20 fois,
4 tout en mentionnant aussi les noms de MM. Beara et Popovic.
5 Monsieur le Président, c'est une question cruciale en l'espèce. Drago
6 Nikolic n'était pas du tout proche avec Beara et Popovic pendant les
7 événements qui se sont déroulés au mois de juillet 1995. Il n'a pas été
8 proche avec eux avant cela, il n'a pas fait de planification, de
9 coordination de cette opération de meurtre ou de tuerie avec eux. Au mieux,
10 on pourrait dire que Drago Nikolic a rencontré Beara et Popovic, qu'il a
11 reçu des instructions de leur part, mais des instructions limitées.
12 Ceci, Monsieur le Président, est une des erreurs principales commises par
13 la Chambre de première instance lors du procès en première instance, quand
14 Drago Nikolic a été déclaré coupable et a été condamné à cause de son
15 association avec le service de sécurité, et nous souhaitons vous prouver le
16 contraire au fur et à mesure que nous allons vous présenter nos arguments.
17 Alors, je vais passer à l'introduction, Monsieur le Président. La semaine
18 dernière, j'ai assisté à une conférence, à la conférence de l'Association
19 des avocats de la Défense, et le Juge Moloto s'est adressé à nous et il a
20 dit qu'une des missions les plus importantes des avocats de la Défense,
21 c'est de rendre le travail des Juges difficile. Et je suis tout à fait
22 d'accord avec lui, et j'ai tout à fait cette intention-là, je vais vous
23 rendre la tâche très difficile car je vais mettre l'accent sur les
24 questions sous-jacentes, les questions qui vont vous forcer à vous pencher
25 vraiment sur le cœur de l'affaire, des éléments de preuve qui vont vous
26 forcer à évaluer la façon dont la Chambre de première instance a réussi à
27 commettre toute une série d'erreurs en l'espèce.
28 Mais la tentation est grande de dire que la Chambre de première instance a
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1 eu raison dans certains aspects. Oui, en effet, la Chambre de première
2 instance a eu raison de faire certaines choses. Aujourd'hui, à cause de ce
3 jugement, les victimes savent que les hommes et les combattants de la 12e
4 Division de l'ABiH, qui étaient à Srebrenica - et je parle des combattants,
5 hommes qui ne sont pas arrivés jusqu'à la zone du 2e Corps d'armée alors
6 même qu'ils s'étaient dirigés dans cette direction - les victimes savent
7 aujourd'hui qu'ils ont été tués dans des embuscades ou qu'ils ont été
8 arrêtés, capturés pour être tués dans cinq localités différentes. C'est
9 quelque chose que nous savons à cause du jugement.
10 Et le résultat de cela, c'est que les victimes savent où ont eu lieu ces
11 exécutions, ils connaissent les localités d'Orahovac et Lazete, le barrage
12 de Petkovci. Ils sont au courant de Kozluk, de Rocevic, le foyer culturel
13 de Pilica, de la ferme de Branjevo. Ils sont au courant de cela. Ils savent
14 qu'il y a eu même cette opération qui visait à réenterrer les corps de ces
15 personnes. Ils savent qu'ils existaient des fosses communes secondaires.
16 Ils sont au courant de toutes ces atrocités. Et la Chambre de première
17 instance a eu raison de constater tout cela, mais "c'est là que le bât
18 blesse."
19 Car, en ce qui concerne la responsabilité criminelle individuelle de Drago
20 Nikolic, avec tout le respect que je dois aux Juges de la Chambre de
21 première instance, ils se sont trompés à de nombreuses reprises. Et c'est
22 de cela que je vais parler dans mes arguments aujourd'hui, car, Monsieur le
23 Président, les victimes et les familles des victimes méritent mieux, et les
24 conclusions erronées que l'on a tirées sur la base des dépositions de
25 certains témoins qui ont menti devant ce Tribunal, il faut les montrer, il
26 faut jeter la lumière sur ces éléments-là.
27 La Chambre de première instance est arrivée à la conclusion juste que
28 Drago Nikolic n'avait pas d'intention génocidaire, et je vais revenir sur
Page 269
1 cette conclusion qui est une bonne conclusion. Mais tout de suite après, la
2 Chambre s'est trompée en disant qu'il était au courant, conscient de
3 l'existence de l'intention génocidaire des autres et qu'il était conscient
4 du fait que cette opération de tuerie de grande ampleur s'est déroulée avec
5 l'existence de cette intention génocidaire. Et je vais parler de cela à la
6 fin de mon argument.
7 Mais il est important de se demander comment il se fait que la Chambre
8 s'est trompée à un tel point sur le plan juridique et sur le plan des
9 faits, et surtout il s'agit d'une mauvaise évaluation, d'une mauvaise
10 interprétation des dépositions de témoins-clés.
11 Et à présent, je vais demander de passer à huis clos.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos
14 [comme interprété].
15 [Audience à huis clos partiel]
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14 [Audience publique]
15 M. BOURGON : [interprétation] Excusez-moi. Vous avez vu devant vous une
16 dame âgée regarder les Juges de la Chambre d'arrêt et nous regarder. En
17 2005, j'ai commencé mon travail dans ce prétoire avec cette diapositive et
18 je vais terminer avec la même diapositive.
19 Nous avons invité les Juges de la Chambre de première instance à se pencher
20 sur ce qui est derrière ce qui saute aux yeux et les Juges ne l'ont pas
21 fait. Alors, je vous supplie, Monsieur le Président, lorsque vous verrez
22 les yeux de cette vieille dame, vous comprendrez en fait que ce ne sont pas
23 les yeux, que c'est une oreille, et le nez qui n'est pas un nez mais c'est
24 le menton, et vous verrez que cette vieille dame n'en est pas une, que
25 c'est une jeune femme, et vous verrez que nos arguments sont ceux qui sont
26 véridiques.
27 Alors, permettez-moi d'aborder la première partie de mon exposé.
28 Par où commencerons-nous ? Par la peine. Pourquoi ? Ce n'est pas
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1 habituel. Vous ne le voyez pas souvent. Mais nous souhaitons souligner les
2 erreurs commises par la Chambre de première instance lorsqu'elle a imposée
3 cette peine de 35 ans de prison à Drago Nikolic. Monsieur le Président,
4 rien que cette conclusion-là, cette conclusion-là de la Chambre de première
5 instance, s'il n'y avait que celle-ci, eh bien, nous faisons valoir qu'il
6 faudrait la réduire -- donc, que cette peine de prison devrait être réduite
7 de manière considérable. Et nous avons argumenté cela aux paragraphes 1 à
8 45 de notre mémoire en appel au moyen d'appel numéro 1. Et nous allons nous
9 pencher sur trois questions. Premièrement, les erreurs au niveau de
10 l'appréciation de la gravité des crimes pour lesquels a été déclaré
11 coupable M. Nikolic. Deuxièmement, l'impact du caractère de Drago Nikolic
12 sur la peine, ce qui a incité à la Chambre de première instance à tirer
13 d'autres conclusions. Et le fait que la peine imposée s'écarte de peines
14 imposées à d'autres accusés dans des circonstances identiques ou
15 similaires.
16 Alors, parlant de la gravité, nous aborderons cela en trois parties :
17 premièrement, la période de temps, la Chambre de première instance s'est
18 fourvoyée en identifiant la période de temps de l'implication de Drago
19 Nikolic; elle s'est fourvoyée sur l'importance de la contribution de Drago
20 Nikolic pendant l'opération de meurtres ainsi que sur son implication
21 générale aux événements de Srebrenica dans leur ensemble; et enfin, la
22 Chambre de première instance s'est fourvoyée en appréciant la contribution
23 de Drago Nikolic par rapport à celle d'autres acteurs participant aux mêmes
24 événements.
25 Premièrement, s'agissant de la période de temps, la Chambre de
26 première instance a commis une erreur lorsqu'elle a constaté que Drago
27 Nikolic a pris part à l'entreprise criminelle commune aux fins de tuer du
28 13 juillet dans la soirée jusqu'au 16 juillet dans l'après-midi. Il suffit
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1 de lire simplement les conclusions de la Chambre de première instance pour
2 voir que la contribution de Drago Nikolic et sa participation à l'opération
3 de meurtre s'est terminée dans la matinée du 15 juillet. Cette contribution
4 s'est terminée -- le dernier événement était la conversation alléguée qu'il
5 aurait eue avec Acimovic, le commandant du 2e Bataillon, qu'il aurait
6 appelé pour exercer une pression sur lui. Et nous reparlerons de cette
7 conversation puisque c'est un de nos arguments en appel. Mais, pour
8 l'instant, partons de l'hypothèse que cette conversation a eu lieu. Et
9 après cette conversation, il n'y a plus de participation de Drago Nikolic à
10 l'opération de meurtre. Tôt le matin, il est de service, il termine sa
11 relève -- ou, plutôt, il commence, il commence sa tournée de service tôt
12 dans la matinée du 15 juillet. Donc, ce dont nous sommes certains, il
13 commence à 11 heures 45, mais d'après la Chambre de première instance, il
14 aurait pu commencer dès 4 heures 40.
15 Il n'y a pas de conclusion de la part de la Chambre de première
16 instance comme quoi il aurait été participant aux événements de Rocevic
17 pendant la période allant du 15 au 16 juillet. Je vous renvoie au
18 paragraphe 1 372 du jugement. La Chambre de première instance a constaté
19 que Nikolic n'était pas à Rocevic, le paragraphe 1 370; et la Chambre de
20 première instance a conclu que la dernière mention dans le registre écrite
21 par Drago Nikolic le 16 juillet n'était pas liée à l'entreprise criminelle
22 commune. L'Accusation a essayé de faire valoir que cette mention dans le
23 registre - et je vous renvoie à la pièce P377, pages 148 à 149 -
24 l'Accusation a fait valoir que cette mention signifiait qu'il envoyait des
25 munitions pour des assassinats probablement à la ferme de Branjevo ou le
26 centre culturel de Pilica, et la Chambre de première instance a conclu que
27 ce n'était pas le cas.
28 Dans la matinée du 16 juillet, il a terminé son service. Il se trouve
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1 à la caserne Standard, au QG, au commandement de la brigade, mais nous ne
2 savons pas ce qu'il est en train de faire. Ce que nous savons, c'est qu'un
3 petit peu plus tard il va aller déjeuner avec sa femme parce que c'est son
4 anniversaire. Et d'ailleurs, les Juges de la Chambre de première instance
5 ont omis de constater cela. Je vous renvoie à la déclaration de Vida Vasic,
6 3D474, ainsi à la page 25 935 du compte rendu d'audience. Et par la suite,
7 Drago Nikolic a pris part aux préparatifs pour l'enterrement de son cousin,
8 il était présent à l'enterrement le lendemain et, de ce fait, il s'est
9 complètement exempté de l'opération de meurtre.
10 Mais dans la matinée du 16 juillet, il termine son service et il est
11 relevé, et les éléments de preuve montrent qu'il est relevé ce matin-là par
12 un autre officier de permanence. Il est à la brigade et il ne participe
13 pas. Nous savons tous ce qui est en train de se passer à ce moment-là à
14 l'école Kula, à la ferme de Branjevo, et plus dans l'après-midi au centre
15 culturel de Pilica. Mais tout simplement, il ne s'y trouve pas. Et cela se
16 fonde sur les conclusions de la Chambre de première instance.
17 Alors, un deuxième point s'agissant de la contribution générale de
18 Drago Nikolic aux événements de Srebrenica et pendant l'opération de
19 meurtre. Qu'est-ce qu'il a fait ? Nous allons commencer par les événements
20 de Srebrenica.
21 Ce procès ne porte pas uniquement sur Zvornik, ça a commencé avant
22 cela. Ça a commencé au moins avec le lancement de l'opération Krivaja 95,
23 donc une opération qui avait été planifiée des mois avant cela. L'ordre de
24 préparation date du 2 juillet. Puis, les brigades ont envoyé les forces au
25 combat qui va avoir lieu pour capturer Srebrenica. Puis, Srebrenica est
26 capturée. Puis, nous allons séparer les hommes de leurs familles. Puis,
27 nous allons transférer de force les femmes, les enfants et les personnes
28 âgées. Et puis, nous allons faire prisonniers les membres de la colonne.
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1 Puis, des exécutions vont commencer dans la vallée de la Cerska. Puis,
2 davantage d'exécutions à l'entrepôt de Kravica, il s'agira de milliers de
3 personnes. Et puis, le transport de prisonniers pour Bratunac.
4 Mon confrère, dans le dernier exposé de ses arguments, a fait l'impossible
5 pour vous montrer comment il y a eu ce risque sur le plan de la sécurité
6 par la présence des prisonniers à Bratunac et que, à un certain moment, il
7 a été décidé d'en emmener certains dans le secteur de Zvornik. Puis, nous
8 avons cinq sites d'exécution : Orahovac, Petkovci, Kozluk, la ferme
9 militaire de Branjevo, le centre culturel de Pilica. Puis, nous allons
10 ratisser le secteur pour nous assurer que tous les Musulmans qui sont
11 encore sur place seront tués. Et puis, nous avons les survivants à la ferme
12 de Branjevo qui disparaissent. Puis, nous avons les prisonniers de
13 l'hôpital de Milici qui disparaissent. Et ensuite, nous avons l'opération
14 de réensevelissement.
15 Donc, là, j'abrège, mais c'est de ces événements-là que nous parlons
16 lorsque nous parlons de Srebrenica. Mais où est Drago Nikolic dans tout
17 cela ? Voilà où il est : il a reçu un appel téléphonique le 13 juillet, et
18 c'est un appel que nous contestons. Il est présent à l'école d'Orahovac,
19 nous n'allons pas le nier. Drago Nikolic l'a dit lui-même lorsqu'il a parlé
20 aux Juges de la Chambre de première instance à la fin de son procès. Il
21 était présent à un moment de cette journée à l'école d'Orahovac. Puis, bien
22 sûr, il a pris part à Kozluk et Rocevic -- en fait, je mets de côté Kozluk
23 et Rocevic parce que ce sont des conversations que nous contestons. Et mis
24 à part cela, c'est tout ce que nous avons sur Drago Nikolic.
25 Donc nous disons que la Chambre de première instance s'est fourvoyée parce
26 qu'elle ne l'a pas vu. Qu'en est-il de sa contribution pendant cette
27 période ? Donc elle se limite aux dates du 13 au 15. Du 13 au 15, qu'a-t-il
28 fait ? Un officier de rang inférieur qui a été concerné par des aspects
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1 spécifiques d'une opération de très grande envergure, il avait une
2 connaissance très limitée de cette opération, donc c'est un officier de
3 rang inférieur qui n'a aucune influence sur les ordres qui sont exécutés le
4 long de la voie hiérarchique, la chaîne de commandement, les ordres émanant
5 de ses supérieurs, et parfois il s'agit même de personnes qui ne sont pas
6 ses supérieurs, qui sont -- donc, nous avons un officier de rang inférieur
7 qui a réussi à s'extraire de ce cauchemar. Et nous voyons que la Chambre de
8 première instance s'est fourvoyée parce qu'elle n'a pas vu la véritable
9 contribution de Drago Nikolic à cette opération.
10 Pour le reste, nous contestons sa présence à Orahovac au site d'exécution.
11 Nous contestons le point sur l'uniforme et les conversations avec Acimovic.
12 Alors, pour ce qui est de la gravité. Alors, quelle est la contribution
13 relative de Drago Nikolic par rapport à la contribution des autres ?
14 Prenons deux exemples, Borovcanin et Pandurevic.
15 Borovcanin, commandant adjoint de la brigade de police spéciale du MUP,
16 impliqué et présent lors de la séparation des hommes de leurs familles, lié
17 aux exécutions à l'entrepôt de Kravica. D'après la Chambre de première
18 instance, il aurait vu au moins un car de corps sur le site. Ses actes en
19 donnant l'instruction à ses hommes de participer, d'après la Chambre de
20 première instance, ont constitué une contribution substantielle au crime de
21 transfert forcé. Il est impliqué dans les opérations de bloquer la colonne
22 et il avait l'autorité et la capacité à influencer ces événements. Et comme
23 nous le savons, le 15 juillet, à midi, il rencontre Dragan Obrenovic, le
24 chef d'état-major de la Brigade de Zvornik, et Pandurevic, le commandant de
25 la Brigade de Zvornik, afin d'évoquer les prochaines opérations visant à
26 bloquer la colonne. Il est bien plus impliqué que ne l'est Drago Nikolic,
27 et ça, la Chambre de première instance n'en a pas pris compte, Monsieur le
28 Président.
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1 Pandurevic, le commandant de brigade, impliqué dans l'attaque de la brigade
2 et la capture de Srebrenica, impliqué dans la situation à Zepa. Il a un
3 accès direct à Mladic. Il a un accès direct à Krstic. Il est impliqué dans
4 le combat contre la colonne et d'empêcher les Musulmans de Bosnie
5 d'atteindre le territoire du 2e Corps de l'ABiH. A partir, donc, du 15
6 juillet le matin, la Chambre de première instance a constaté que cet homme
7 savait ce qui se passait sur son territoire. Il savait que des milliers de
8 gens se trouvaient dans la zone de Sarajevo afin d'y être tués. Ensuite, le
9 récit se poursuit, et je ne vais pas entrer dans le récit de Pandurevic, ce
10 n'est pas mon affaire. Bien sûr, il est impliqué dans le meurtre des
11 patients de l'hôpital de Milici, les mêmes personnes qui lorsqu'elles
12 étaient sous la garde de Drago Nikolic étaient maintenues en sécurité, et
13 ça, c'est le constat de la Chambre de première instance. Et surtout, le
14 fait que le commandant de la brigade, si quelqu'un avait l'autorité, la
15 capacité, la possibilité et le courage d'empêcher cela, c'était bien le
16 commandant de brigade. Lorsque l'on regarde la contribution de Drago
17 Nikolic et la contribution d'autres, ceci doit être apprécié, Monsieur le
18 Président. Et la Chambre de première instance, à notre avis, ne l'a pas
19 fait.
20 Je vois qu'il me reste cinq minutes. Je passe au point suivant s'agissant
21 de l'impact de la personnalité de Drago Nikolic, de son impact s'agissant
22 de -- je vais essayer d'accélérer afin de terminer cela ce soir.
23 S'agissant de sa personnalité, eh bien, nous savons que Drago Nikolic
24 est second lieutenant, je l'ai dit en 2005 et je répète, c'est-à-dire le
25 rang le plus bas à l'échelle militaire par rapport à tous les autres
26 généraux qui ont été condamnés et jugés coupables. S'agissant de la
27 personnalité de Drago Nikolic, nous avons notamment le fait qu'il n'était
28 pas diplômé de l'académie militaire. Nul ne l'aimait ni ne lui faisait
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1 confiance car ce n'était pas un véritable "officier". Le fait que c'était
2 le responsable de la sécurité et qu'il devait enquêter sur ses collègues,
3 personne ne l'aimait puisque personne n'aime la sécurité, ça fait partie du
4 jeu lorsque vous devez enquêter sur vos collègues. Le fait que le
5 commandant de la brigade, Pandurevic, a décrit Drago Nikolic comme portant
6 un manteau qui était trop grand pour lui. Il a affirmé que le manteau de la
7 sécurité était beaucoup trop grand pour lui. Et ensuite, Drago Nikolic
8 était perturbé, et c'est peu dire, par rapport à ce qui lui a été demandé
9 de faire, même si c'était moins que ce que la Chambre de première instance
10 pense qu'il a été demandé de faire.
11 Lorsqu'il sort de la réunion avec Beara et Popovic le 14 juillet au
12 matin, qu'il parle à son chauffeur, Bircakovic, et il dit que -- Bircakovic
13 a témoigné qu'il était fou, il ne pouvait pas croire à ce qu'on lui
14 demandait de faire à toutes ces personnes qui venaient pour un échange.
15 Pourquoi ne pas croire Bircakovic lorsqu'il dit que c'est ce que Drago
16 Nikolic a dit ? Bircakovic a été utilisé, son témoignage a été utilisé,
17 comme dans bon nombre d'autres domaines, la Chambre de première instance
18 s'est fiée au témoignage de Bircakovic. Mais pour cela, non, il ne l'a pas
19 dit parce que ça aurait été trop pratique. Bien sûr, il y a un lien avec la
20 conversation de la nuit précédente, mais nous y reviendrons.
21 Monsieur le Président, je vais m'arrêter là pour aujourd'hui car je
22 vois que l'heure avance. J'aurai juste un petit argument à déployer ce
23 matin [comme interprété] pour terminer sur ce motif d'appel. Le fait
24 simplement que cette sentence, 35 ans d'emprisonnement, même si tout le
25 reste est vrai et est maintenu après cet appel, constitue véritablement une
26 rupture par rapport aux peines imposées à d'autres. Les deux exemples que
27 je vais citer demain : Krstic, le grand général tout au sommet de
28 l'opération qui a été condamné d'aider et d'encourager pour 35 ans; mais
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1 Jokic, quelqu'un qui est encore supérieur de Drago Nikolic mais qui est
2 plus bas dans la chaîne alimentaire et qui est également impliqué dans
3 l'envoi de matériel de génie vers les sites de meurtre, et il est également
4 officier de garde à la brigade. J'y reviendrai demain. Donc, 35 ans, ça
5 constitue une rupture majeure motivée par une seule chose, tout simplement
6 parce qu'il était officier de sécurité.
7 J'en ai terminé pour aujourd'hui, Monsieur le Président. Je vous remercie.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Donc l'audience est levée.
9 Nous reprenons demain à 10 heures.
10 M. ROGERS : [interprétation] Je voudrais juste évoquer une question
11 concernant l'ordonnance matérielle.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]
13 M. ROGERS : [interprétation] Sachant l'ordre des choses demain, je pense
14 que nous terminerons l'affaire présentée du client de M. Bourgon demain, et
15 ce qui nous amènera à Pandurevic. Il est tout à fait possible, je m'en suis
16 entretenu avec M. Haynes, que nous terminerons cela demain après-midi. La
17 question que je pose à Mme et MM. les Juges : avez-vous l'intention de
18 démarrer l'appel de l'Accusation avant d'avoir terminé les appels de la
19 Défense de M. Miletic ? Je suppose que vous n'avez pas l'intention de le
20 faire, mais je voudrais simplement tirer cela au clair. Ce serait
21 effectivement très utile si vous pouviez faire ça.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, nous n'allons pas procéder de
23 la sorte --
24 M. ROGERS : [interprétation] Non, je voulais simplement en avoir le cœur
25 net.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Donc l'audience est
27 levée.
28 --- L'audience est levée à 16 heures 45 et reprendra le mercredi 4 décembre
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1 2013, à 10 heures 00.
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