Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 3 décembre 2013

  2   [Audience d'appel]

  3   [Audience publique]

  4   [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

  5   [L'appelant Miletic est absent]

  6   --- L'audience est ouverte à 10 heures 01.

  7   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Ostojic, je vais en appeler

  8   au conseil de M. Miletic tout d'abord pour qu'elle nous fasse le point.

  9   Huis clos partiel.

 10   Mme FAUVEAU : Bonjour, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges.

 11   Donc…

 12   Mme LA GREFFIÈRE : [aucune interprétation]

 13   [Audience à huis clos partiel]

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 15   [Audience publique]

 16   M. OSTOJIC : [interprétation] Merci bien.

 17   Une fois de plus, nous souhaitons poursuivre avec mon assistant et

 18   co-conseil, Norman Sepenuk, afin de présenter la première partie de notre

 19   argument oral et débat. Merci. Et, bien entendu, j'aborderai les autres

 20   points que nous avons évoqués cet après-midi [comme interprété].

 21   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

 22   Monsieur Sepenuk.

 23   M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Et

 24   je salue les Juges de la Chambre. Contrairement aux arguments présentés à

 25   Messieurs et Dame les Juges, je ne vais pas du tout évoquer des faits qui

 26   soient contestés. Je vais simplement développer dans ce prétoire un

 27   argument juridique, et à cette fin je vais donc supposer arguendo que tous

 28   les témoins d'Etat ici ont prononcé la vérité absolue. Et je vais donc

 


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  1   maintenant déployer l'argument juridique.

  2   M. Beara a été accusé et condamné par la Chambre de première instance de

  3   génocide. La charge de génocide étant que M. Beara a participé à une

  4   entreprise criminelle commune visant à éliminer les Musulmans bosniaques de

  5   Srebrenica, en y tuant les hommes et les garçons qui s'y trouvaient et en

  6   enlevant de force de la zone les femmes, les jeunes enfants et les hommes

  7   âgés. La Chambre de première instance a conclu que M. Beara avait

  8   l'intention d'éliminer les Musulmans bosniaques de la Bosnie orientale, qui

  9   comprenait les enclaves de Srebrenica et de Zepa, comme faisant partie du

 10   groupe ethnique des Musulmans de Bosnie.

 11   En condamnant M. Beara de génocide, la Chambre de première instance

 12   l'a acquitté de la charge de transfert forcé. Compte tenu de cet

 13   acquittement, notre argument, en résumé, est que M. Beara doit également

 14   être acquitté de la charge de génocide puisqu'il n'avait pas l'intention

 15   génocidaire d'éliminer les Musulmans bosniaques de la Bosnie orientale dans

 16   le cadre d'un groupe protégé. Mon argument est consacré à la proposition

 17   suivante : que seule une combinaison des convictions pour les assassinats

 18   de masse des hommes et le transfert forcé des femmes et des hommes [comme

 19   interprété] qui permet de conclure à l'intention génocidaire de M. Beara.

 20   Notre argument est fortement soutenu, nous l'estimons, par la jurisprudence

 21   de ce Tribunal, notamment par la détermination de la Chambre de première

 22   instance et de la Chambre d'appel dans l'affaire Krstic, que je

 23   souhaiterais dès à présent aborder.

 24   Il y a dix ans de cela, en novembre 2003, je me suis présenté dans ce

 25   prétoire en tant que co-conseil pour le général Radislav Krstic. Le général

 26   Krstic avait été condamné par la Chambre de première instance de génocide,

 27   de transfert forcé et d'autres crimes découlant des assassinats de masse

 28   dans la région de Srebrenica des hommes en âge de service militaire, ainsi


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  1   que le transfert forcé de la région vers le territoire détenu par les

  2   Musulmans de Bosnie d'environ 25 000 femmes, enfants et hommes âgés. Cela

  3   est acquis -- et en jugeant le général Krstic, qui était donc coupable de

  4   génocide, la Chambre de première instance a affirmé comme suit, et je cite

  5   le paragraphe 595 de l'avis de la Chambre :

  6   "Il est acquis que seuls les hommes en âge militaire étaient

  7   systématiquement massacrés, mais il est significatif de constater que ces

  8   massacres se sont produits au moment où le transfert forcé du reste de la

  9   population musulmane de Bosnie était déjà bien entamé. Les forces serbes de

 10   Bosnie n'auraient pas pu ignorer, au moment où ils ont décidé de tuer tous

 11   les hommes, que cette destruction sélective du groupe aurait un impact

 12   durable sur l'ensemble du groupe. Les forces serbes bosniaques savaient, au

 13   moment où elles ont décidé de tuer tous les hommes en âge de service

 14   militaire, que la conjugaison de ces assassinats assortis du transfert

 15   forcé des femmes, des enfants et des personnes âgées se traduirait

 16   inévitablement par la disparition physique de la population musulmane de

 17   Bosnie à Srebrenica."

 18   Sur appel de cette condamnation, j'avais fait valoir à l'époque que bien

 19   que le général Krstic était clairement impliqué dans l'organisation des

 20   transferts par bus qui ont effectué le transfert des femmes et des enfants,

 21   que cela ne devrait pas être considéré comme un élément pour déterminer

 22   l'intention génocidaire, comme l'avait conclu la Chambre de première

 23   instance. Notre argument à l'époque, largement basé sur une analyse de

 24   l'historique législatif de la convention sur le génocide de 1948, que le

 25   déplacement de la population vers une autre région ne constituait pas en

 26   soi preuve de génocide et ne pouvait pas être considéré légalement comme

 27   tel. Au contraire, nous avons fait valoir que le transfert des femmes, des

 28   enfants et des hommes âgés vers des zones en sécurité sous le contrôle des


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  1   Musulmans de Bosnie démontrait que l'intention du général Krstic n'était

  2   pas l'élimination sans discrimination, comme pour les génocides nazi ou

  3   rwandais, mais visait plutôt une intention d'épargner le groupe de tout

  4   risque supplémentaire.

  5   Eh bien, comme le sait la Chambre de première instance, nous avons perdu

  6   cet argument. Et en rejetant notre argument, la Chambre d'appel a conclu,

  7   et je cite là les conclusions de la Chambre d'appel aux paragraphes 31 --

  8   30, 31 et 33, voilà ce qu'a dit la Chambre d'appel en rejetant notre

  9   argument à l'époque :

 10   "La Défense fait valoir que la décision de la VRS de transférer plutôt que

 11   de tuer les femmes et enfants de Srebrenica dont ils avaient la garde sape

 12   le constat d'intention génocidaire. Cette conduite, estime la Défense, est

 13   incohérente avec la démarche sans discrimination qui a caractérisé tous les

 14   cas précédemment reconnus de génocide moderne. La décision" -- et je

 15   poursuis donc l'affirmation de la Chambre d'appel. "La décision des forces

 16   serbes de Bosnie visant à transférer les femmes, les enfants et les

 17   personnes âgées dans leur contrôle vers d'autres régions de la Bosnie

 18   contrôlées par les Musulmans serait conforme à l'argument de la Défense.

 19   Ces éléments de preuve, bien sûr, peuvent également donner lieu à une autre

 20   interprétation. Comme l'a expliqué la Chambre de première instance, le

 21   transfert forcé pourrait être un moyen supplémentaire visant à assurer

 22   l'élimination physique de la communauté musulmane de Bosnie à Srebrenica.

 23   Le transfert achevé, le déplacement des Musulmans de Bosnie de Srebrenica,

 24   éliminant par là même la possibilité résiduelle que la communauté musulmane

 25   dans la région pourrait se reconstituer."

 26   Et enfin, cette citation de la Chambre d'appel, au paragraphe 33 :

 27   "La Chambre de première instance, en tant que meilleure et la plus apte à

 28   évaluer les éléments de preuve présentés au procès, était fondée à conclure


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  1   que les preuves de transfert étayaient son constat que certains membres de

  2   l'état-major principal de la VRS avaient l'intention de détruire les

  3   Musulmans bosniens à Srebrenica. Le fait que le transfert forcé ne

  4   constitue pas en soi un acte génocidaire n'empêche pas la Chambre de

  5   première instance de s'y fier en tant qu'élément de preuve des intentions

  6   des membres de l'état-major principal de la VRS. L'intention génocidaire

  7   peut être supputée entre d'autres éléments matériels, d'éléments de preuve

  8   'd'actes systématiquement coupables dirigés contre le même groupe.'"

  9   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pouvez-vous nous dire où cet

 10   argument se trouve dans le mémoire d'appel. Quel paragraphe ?

 11   M. SEPENUK : [interprétation] Cela se trouve dans la partie du mémoire

 12   d'appel qui dit que la Chambre de première instance s'est fourvoyée

 13   lorsqu'elle a mal appliqué l'élément de mens rea requis pour le crime de

 14   génocide en constatant que Beara avait une intention génocidaire spécifique

 15   visant à détruire le groupe cible, le groupe cible étant les Musulmans de

 16   Bosnie. Ça, c'est à la page 7 -- 71, je crois. Oui, je crois que c'est 71,

 17   Madame, Messieurs les Juges. C'est donc le motif 19. Et également, le fait

 18   que ce n'était pas la seule conclusion raisonnable qui pouvait être tirée à

 19   partir des preuves indiquant que M. Beara avait une intention génocidaire.

 20   Et plus précisément, au paragraphe 224 du mémoire de la Chambre, où il est

 21   dit que :

 22   "Il est respectueusement présenté que la Défense, dans ce cas,

 23   présentait des éléments de preuve circonstanciés pour étayer son

 24   affirmation que les actions prises dans l'enclave, particulièrement celles

 25   contre la population masculine, n'étaient pas prises avec l'intention de

 26   détruire les Musulmans bosniens de Srebrenica et de Zepa, et que Beara ne

 27   possédait cette intention à aucun moment."

 28   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, poursuivez avec votre argument.


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  1   M. SEPENUK : [interprétation] Merci.

  2   Oui, je voudrais me référer à l'avis dissident partiel du Juge Shahabuddeen

  3   de cette Chambre, un ancien membre très distingué de la Chambre. Le Juge

  4   Shahabuddeen, dans son avis dissident, s'est rangé avec les notions

  5   d'intention génocidaire évoquées par la majorité. Sa dissension partielle

  6   avait -- il pensait, effectivement, qu'il était coupable de génocide, alors

  7   que la majorité l'a jugé coupable -- ils ont donc réduit la charge d'un

  8   auteur principal, mais d'avoir aidé et contribué. Sur la notion

  9   génocidaire, la majorité et le Juge Shahabuddeen étaient d'accord là-

 10   dessus. Et je pense que son affirmation est tellement précise, je voudrais

 11   vous la citer. 

 12   Au paragraphe 35 de son avis, il a indiqué comme suit :

 13   "Donc, à lui seul, le transfert forcé n'équivaut pas à un génocide. Mais

 14   dans ce cas, le transfert n'était pas à lui seul un élément séparé. Donc

 15   c'est sur cette base que la Chambre d'appel a rejeté l'argument de la

 16   Défense montrant qu'il n'y avait pas génocide. C'était donc partie

 17   intégrante d'un seul plan à commettre un génocide impliquant des

 18   assassinats, des transferts forcés et la destruction de logements. En

 19   particulier, ça a montré que l'intention avec laquelle les assassinats

 20   étaient réalisés visait effectivement à détruire la partie de Srebrenica du

 21   groupe musulman de Bosnie. A mon avis, le jugement de la Chambre d'appel

 22   doit être compris comme affirmant qu'en assumant le rôle d'exécuteur en

 23   chef de la politique de transfert forcé," là, le Juge Shahabuddeen se

 24   réfère au général Krstic qui a en quelque sorte organisé l'opération de

 25   transfert par car, "en assumant le rôle d'exécuteur en chef du transfert

 26   forcé, l'appelant partageait l'intention de l'état-major principal visant à

 27   effectuer le crime de génocide."

 28   Et, là encore, très brièvement, le paragraphe 57 de l'opinion dissidente du


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  1   Juge Shahabuddeen, où il a dit :

  2   "Le déplacement en tant que tel ne constitue pas un génocide. Mais ici, il

  3   s'est produit plus qu'un simple déplacement. Les assassinats, de concert

  4   avec un effort déterminé afin de capturer les autres pour les assassiner,

  5   le transport forcé ou pour expulser la population qui restait, ainsi que la

  6   destruction des maisons et des lieux de culte, constituaient une seule

  7   opération qui a été exécutée dans l'intention de détruire le groupe dans sa

  8   totalité ou dans une partie et dans le sens du chapeau du paragraphe 2 de

  9   l'article 4 du Statut."

 10   Et pour continuer, encore une fois, en citant le Juge Shahabuddeen :

 11   "C'était un ensemble de facteurs convergents sur lesquels s'est appuyée la

 12   Chambre de première instance lorsqu'elle affirme au paragraphe 595 de son

 13   jugement que 'les forces serbes de Bosnie savaient, au moment où elles ont

 14   décidé de tuer tous les hommes aptes à combattre, que dans l'ensemble, la

 15   combinaison de ces assassinats avec le transfert forcé des femmes, des

 16   enfants et des personnes âgées, inévitablement, aurait pour résultat la

 17   disparition physique de la population musulmane de Bosnie de Srebrenica.'"

 18   Je pense que l'on peut affirmer en tout équité que le jugement en appel de

 19   Krstic est devenu le cas faisant autorité sur la question de génocide, et

 20   en particulier pour ce qui est de toute conduite génocidaire présumée qui

 21   se serait produite dans la zone de Srebrenica au moment qui nous intéresse.

 22   Suite à l'arrêt en appel Krstic, l'ensemble des affaires relatives à

 23   Srebrenica ont compris des actes d'accusation où il a été reproché une

 24   combinaison d'assassinats et de transfert forcé de Srebrenica. Donc, dans

 25   les affaires Blagojevic et Jokic, Tolimir, Karadzic, et Mladic également.

 26   Le schéma pour l'ensemble de ces affaires qui ont suivi a été, en fait,

 27   préétabli par l'arrêt en appel dans l'affaire Krstic. Dans chacune des

 28   affaires postérieures, dans chacune de ces affaires, l'Accusation a suivi


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  1   le raisonnement du jugement de l'appel Krstic où on reproche la commission

  2   de génocide par une combinaison d'assassinats en masse des hommes valides

  3   et le transfert forcé des femmes et des enfants, qui ont pour résultat la

  4   destruction des Musulmans de Bosnie de Bosnie orientale.

  5   A titre d'exemple, dans l'affaire Tolimir, jugement de première instance,

  6   il s'agit pour l'essentiel des mêmes faits, de meurtres en masse et de

  7   transfert forcé de Srebrenica, et je cite le paragraphe 

  8   1 157 du jugement de première instance : 

  9   "… le groupe protégé - la population musulmane de Bosnie de Bosnie

 10   orientale - a été assassiné et a fait l'objet d'atteintes graves physiques

 11   et psychologiques par des actes de meurtre et d'assassinat et de

 12   déplacement forcé. Des conditions qui ont été les résultats des actions

 13   commises par les forces serbes de Bosnie ont été partie des faits combinés

 14   de déplacement forcé et des opérations de meurtre qui ont été délibérément

 15   infligés et dont l'objectif était d'entraîner la destruction physique des

 16   Musulmans de Bosnie de Bosnie orientale."

 17   Ce qui m'amène à l'affaire en espèce à M. Beara. Ce que j'ai appelé le

 18   schéma de l'arrêt en appel Krstic a été utilisé en l'espèce s'agissant de

 19   M. Beara et il lui a été reproché le génocide. L'Accusation lui a reproché

 20   le génocide avec une combinaison de meurtres en masse des hommes avec le

 21   transfert forcé des femmes et des enfants. Et avant de parler de l'acte

 22   d'accusation en tant que tel, nous allons simplement constater que

 23   l'Accusation a par la suite demandé qu'il y ait jonction d'affaires entre

 24   M. Beara et les autres co-défendants [phon], et je cite :

 25   "L'ensemble de ces actes d'accusation portent sur la même transaction, un

 26   schéma commun dont l'objectif était de nettoyer ethniquement les enclaves

 27   de Bosnie orientale. En particulier, le schéma qui a consisté de deux

 28   entreprises criminelles conjointes qui sont liées mutuellement. L'une 'de


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  1   forcer la population musulmane de Srebrenica et de Zepa de partir', et

  2   l'autre 'd'assassiner l'ensemble des hommes valides capturés dans l'enclave

  3   de Srebrenica.'"

  4   C'était le paragraphe 9 de la requête.

  5   Et maintenant, parlant de l'acte d'accusation qui concerne M. Beara, l'acte

  6   d'accusation allègue que Pandurevic, Beara, Popovic, Nikolic et Borovcanin

  7   ont commis un acte de génocide, et je me penche actuellement sur le

  8   paragraphe 26 de l'acte d'accusation :

  9   "Avec l'intention de détruire une partie de la population musulmane de

 10   Bosnie en tant que groupe ethnique ou religieux.

 11   "(A) d'assassiner les membres du groupe par voie d'exécution sommaire, y

 12   compris des exécutions planifiées et opportunistes, telles que décrites

 13   dans le présent acte d'accusation;

 14   "(B) d'infliger, de porter atteinte à l'intégrité physique ou mentale des

 15   femmes et des enfants faisant partie de la population musulmane de Bosnie

 16   de Srebrenica et de Zepa, ne se limitant pas à la séparation des hommes

 17   valides de leurs familles et le déplacement forcé de la population de leurs

 18   maisons vers les zones se situant à l'extérieur de la Republika Srpska."

 19   Et plus loin, au paragraphe 33 :

 20   "Le transfert forcé de femmes et d'enfants de Srebrenica et de Zepa, tel

 21   que décrit à l'acte d'accusation, a créé des conditions connues de la part

 22   de l'accusé, et il savait que cela allait contribuer à la destruction de la

 23   population musulmane de Bosnie orientale, comprenant mais ne se limitant

 24   pas à l'impossibilité pour cette population de vivre et de se reproduire

 25   normalement."

 26   Sur la base de cet acte d'accusation qui allègue une combinaison de

 27   meurtres et de transfert forcé en tant qu'actes de génocide, la Chambre de

 28   première instance a résumé la théorie de la cause de l'Accusation au


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  1   paragraphe 838, et je cite :

  2   "L'Accusation allègue qu'une décision a été prise, à savoir la décision de

  3   détruire la population musulmane de Bosnie de Bosnie orientale, qui a été

  4   mise en œuvre principalement par voie de séparation, de transfert forcé et,

  5   en fin de compte, l'assassinat des membres de ce groupe."

  6   Ainsi, l'Accusation, en se fondant, je suppose, sur l'arrêt Krstic, a

  7   déterminé que la condamnation pour génocide de M. Beara nécessitait

  8   l'intention génocidaire par rapport à la fois à l'exécution des hommes et

  9   le transfert forcé des femmes et des enfants.

 10   La Chambre de première instance a prononcé un acquittement de M. Beara sur

 11   la question de transfert forcé, et je cite le paragraphe 1 334 du jugement

 12   de la Chambre de première instance :

 13   "La Chambre de première instance a estimé que, bien que Beara ait été au

 14   courant du plan commun afin de déplacer par la force la population

 15   musulmane de Bosnie, il n'a pas contribué de manière importante à cela. De

 16   manière similaire, les éléments de preuve sont insuffisants pour constater

 17   qu'il a aidé et encouragé le transfert forcé, que ce soit à Srebrenica ou à

 18   Zepa, et les éléments de preuve ne démontrent pas non plus qu'il est

 19   responsable de transfert forcé par un autre mode de responsabilité. La

 20   Chambre de première instance, en conséquence, constate que Beara n'est pas

 21   pénalement responsable de transfert forcé en tant que crime contre

 22   l'humanité."

 23   De l'avis de la Chambre, pour l'acquittement du colonel Beara du chef de

 24   transfert forcé, notre argument est, par conséquent, qu'il convient de

 25   prononcer un acquittement à son égard par rapport à la charge de génocide

 26   également, et ce, parce que l'Accusation et la Chambre de première

 27   instance, à la suite du raisonnement de l'arrêt Krstic, ont déterminé que

 28   le groupe pertinent était les Musulmans de Bosnie, à savoir quelque 1 400


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  1   000 personnes. Donc le groupe pertinent c'était les Musulmans de Bosnie, et

  2   une partie de ce groupe pris pour cible pour la destruction était les

  3   Musulmans de Bosnie de Bosnie orientale, y compris les enclaves de

  4   Srebrenica et Zepa, autrement dit, à peu près 40 000 personnes, ce qui ne

  5   constitue que 2,9 % à peu près de la population musulmane de Bosnie. Ce qui

  6   est considéré tant par la Chambre de première instance que par la Chambre

  7   d'arrêt dans l'affaire Krstic comme constituant un nombre suffisamment

  8   substantiel pour répondre aux exigences des dispositions sur le génocide,

  9   en particulier puisque les assassinats et le transfert forcé ont résulté en

 10   l'anéantissement du groupe musulman de Bosnie de Bosnie orientale, comme

 11   cela a été constaté par les deux Chambres, la Chambre de première instance

 12   et la Chambre d'arrêt.

 13   En acquittant le colonel Beara du chef d'accusation de transfert forcé,

 14   seule la conduite génocidaire pour laquelle M. Beara a été déclaré coupable

 15   constitue le meurtre d'à peu près 5 300 personnes, telle est l'estimation,

 16   ce qui est donc le chiffre qui a été utilisé par la Chambre de première

 17   instance en l'espèce. Ces assassinats, certes, sont horribles, comme tout

 18   assassinat; mais l'Accusation et la Chambre de première instance n'ont pas

 19   estimé que les assassinats de ces hommes, qui constituent moins de la

 20   moitié d'un pourcent de la population musulmane de Bosnie, répondent aux

 21   critères de crime de génocide et qu'ils ne constituent pas une partie

 22   juridiquement significative du groupe ciblé. Je vais à présent citer les

 23   paragraphes 861, 862 et 863 de la Chambre de première instance, avec le

 24   raisonnement de la Chambre sur la question de génocide et la responsabilité

 25   de M. Beara là-dessus :

 26   "La Chambre de première instance constate que l'opération de meurtre, à

 27   partir de la séparation jusqu'à la détention et l'exécution ainsi que

 28   l'ensevelissement, a été une stratégie qui a été orchestrée de manière


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  1   précise afin de détruire la population musulmane ciblée de Bosnie

  2   orientale. Comme cela a déjà été constaté par le biais de cette entreprise

  3   d'assassinat, les actes sous-jacents de meurtre et le fait de porter

  4   atteinte à l'intégrité physique et mentale ont été commis. La Chambre de

  5   première instance estime qu'il a été démontré au-delà de tout doute

  6   raisonnable que ces actes ont été perpétrés et constate que l'intention

  7   génocidaire existait."

  8   Et plus loin, au paragraphe 862 :

  9   "La Chambre de première instance s'appuie dans sa conclusion sur 'd'autres

 10   actes répréhensibles qui ont été systématiquement dirigés contre le même

 11   groupe.' Pendant cette même période de temps, en particulier il s'agit de

 12   l'opération de transfert forcé et des circonstances qui l'ont accompagnée,

 13   qui a été dirigée contre la population à Potocari. Les efforts afin de

 14   déplacer par la force le reste de la population avec la prise pour cible

 15   des hommes afin de les assassiner, ce qui fournit de nouveaux moyens de

 16   preuve démontrant que l'intention était celle de détruire."

 17   Et au paragraphe 863, enfin :

 18   "Ainsi, la Chambre de première instance estime que le génocide a été commis

 19   par les membres des forces serbes de Bosnie, y compris les membres d'état-

 20   major de la VRS, la branche de la sécurité de la VRS, Popovic et Beara,

 21   contre les Musulmans de Bosnie orientale en tant que partie des Musulmans

 22   de Bosnie."

 23   Ainsi donc, il est clair que la Chambre de première instance, en

 24   mentionnant ainsi le transfert forcé avec les assassinats, mentionne qu'il

 25   s'agit d'une combinaison de facteurs qui ont eu pour résultat cette

 26   conclusion que M. Beara avait l'intention génocidaire de détruire la

 27   population musulmane de Bosnie orientale. Toutefois, la Chambre de première

 28   instance a prononcé un acquittement à l'égard du colonel Beara pour le chef


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  1   d'accusation de transfert forcé par rapport au déplacement de la population

  2   musulmane de Bosnie des deux enclaves, Srebrenica et Zepa, et elle n'a pas

  3   estimé que les moyens de preuve étaient suffisants pour estimer qu'il y a

  4   eu aide et encouragement de la part de M. Beara. Quelle a été la conclusion

  5   de la Chambre de première instance :

  6   "Que Beara était au courant du plan commun cherchant à déplacer par

  7   la force la population musulmane de Bosnie, mais qu'il n'a pas contribué de

  8   manière importante à cela."

  9   Et, par conséquent, il a été prononcé un acquittement à son égard

 10   pour le chef d'accusation de transfert forcé.

 11   Nous estimons que le fait de constater que l'intention génocidaire

 12   existait n'est pas suffisant pour justifier la déclaration de culpabilité

 13   au titre de génocide contre le colonel Beara parce qu'il aurait su que ce

 14   plan était en place de déplacer par la force la population musulmane de

 15   Bosnie. Le critère d'intention spécifique, le dolus specialis, exigeait

 16   sans aucun doute que l'Accusation devait démontrer au-delà de tout doute

 17   raisonnable que le colonel Beara avait l'intention spécifique non seulement

 18   d'assassiner des hommes, mais de transférer par la force les femmes, les

 19   enfants et les personnes âgées de Srebrenica.

 20   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Excusez-nous, est-ce que vous êtes

 21   en train de dire que l'intention génocidaire ne peut pas être déduite de

 22   seuls les assassinats ?

 23   M. SEPENUK : [interprétation] Exactement, c'est ce que je suis en train de

 24   dire. Cela ne peut pas se faire. Nous avons besoin d'une convergence

 25   d'assassinats et de transfert forcé, parce que si c'était uniquement des

 26   assassinats d'hommes, je ne pense pas que cela démontrerait l'intention de

 27   détruire l'ensemble de la population musulmane de Bosnie de Bosnie

 28   orientale. C'est l'exigence de l'arrêt Krstic -- donc la définition du


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  1   génocide dans ces circonstances c'est d'anéantir, d'éliminer, l'ensemble de

  2   la population des enclaves Srebrenica et Zepa. Cela n'a pas à voir avec

  3   seuls les hommes. Donc, seuls les hommes ne signifie pas l'ensemble de la

  4   population musulmane de Bosnie orientale. Et seuls les hommes valides, cela

  5   ne suffirait pas non plus.

  6   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc vous êtes en train de nous dire

  7   que les 5 300 ne répondraient pas aux critères --

  8   M. SEPENUK : [interprétation] Je ne pense pas cela. Monsieur le Juge, c'est

  9   un argument très délicat, très difficile -- parler de cela de cette

 10   manière-là. Il s'agit d'êtres humains. Mais je suis en train de dire, oui,

 11   qu'un demi-pourcent ne répond pas aux critères de contribution ou d'acte

 12   ayant des conséquences substantielles. Mais ce qui est encore plus

 13   important, cela ne montre pas l'intention de détruire la population

 14   musulmane de Bosnie de Bosnie orientale. C'était l'arrêt Krstic, et c'est,

 15   je pense, le critère sur lequel s'est appuyée la Chambre de première

 16   instance ici. Donc il s'agissait de la destruction de l'enclave de

 17   Srebrenica, et je suis en train de dire : Ce n'était pas suffisant, le fait

 18   de démontrer les assassinats des hommes, bien que ce soit atroce et

 19   horrible.

 20   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous prie, vous pouvez continuer.

 21   M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie.

 22   L'intention génocidaire requise par la Chambre d'arrêt dans l'affaire

 23   Krstic exige de la part de l'Accusation de démontrer au-delà de tout doute

 24   raisonnable que M. Beara avait pour intention de détruire les Musulmans de

 25   Bosnie de Bosnie orientale par une convergence d'assassinats en masse des

 26   hommes et le transfert forcé des femmes et des enfants. Par l'acquittement

 27   qui a été prononcé au titre de chef d'accusation de transfert forcé,

 28   l'Accusation n'a pas démontré l'intention génocidaire requise de détruire


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  1   les Musulmans de Bosnie orientale. Par conséquent, le colonel Beara devrait

  2   bénéficier de l'acquittement au titre de génocide, au moins c'est ce qui

  3   est requis par la règle établie par cette Chambre d'appel, à savoir une

  4   conclusion qu'il y a eu génocide n'est pas la seule conclusion raisonnable

  5   qui peut être déduite des moyens de preuve en l'espèce.

  6   A moins qu'il y ait des questions, j'en ai terminé.

  7   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un argument fort intéressant. Et je

  8   suis sûr que M. Rogers reviendra là-dessus.

  9   M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie.

 10   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

 11   M. OSTOJIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, puis-je ?

 12   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, tout à fait.

 13   M. OSTOJIC : [interprétation] Hier, lorsque je vous ai présenté les grandes

 14   lignes de mon argumentaire, je vous ai indiqué ce sur quoi allait porter

 15   l'intervention de Me Sepenuk. Je vous ai également dit que nous allions

 16   nous intéresser aux erreurs commises par la Chambre de première instance,

 17   erreurs de fait ainsi qu'erreurs de droit, pour ce qui est de leurs

 18   conclusions eu égard à M. Beara, notamment en ce qui concerne l'entreprise

 19   criminelle commune visant à commettre des meurtres et des assassinats ainsi

 20   que l'intention génocidaire qu'il avait. En faisant cela, la Chambre de

 21   première instance a eu recours à certains éléments de preuve qui, comme

 22   nous l'avons dit hier, ne sont pas fiables, ne sont pas véridiques et n'ont

 23   pas été corroborés. Et avant que nous n'entrions dans les détails, comme je

 24   l'ai déjà mis en exergue, le Tribunal et tout tribunal, me semble-t-il,

 25   doit prendre en considération des facteurs extérieurs. Il s'agit

 26   essentiellement de trois choses : déterminer et établir si une personne a

 27   participé à une entreprise criminelle commune visant, en l'espèce, les

 28   meurtres et assassinats; voir quelle fut la contribution importante à


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  1   l'entreprise criminelle commune; et ils doivent également prendre en

  2   considération les mêmes facteurs pour l'intention génocidaire. Ces trois

  3   facteurs, me semble-t-il, ont été d'une certaine façon mis en exergue par

  4   la Chambre de première instance mais n'ont pas été utilisés à bon escient,

  5   puisqu'il a été question de présence physique tout comme d'actions. Il est

  6   absolument incroyable, me semble-t-il, et extrêmement important de bien

  7   faire la part des choses entre ces trois : les mots prononcés, la présence

  8   physique et les actions.

  9   Il me semble que l'Accusation fait l'amalgame entre ces trois pour essayer,

 10   en fait, de rendre la chose nébuleuse. Je pense non seulement qu'il faut

 11   faire le distinguo entre les trois, mais nous devons, qui plus est, faire

 12   un autre distinguo pour ce qui est de M. Beara. Car, au paragraphe 1 299,

 13   la Chambre de première instance a indiqué qu'il n'y avait pas d'élément de

 14   preuve direct de la participation de M. Beara aux opérations de meurtre

 15   avant le 13 juillet.

 16   Ce n'est pas un appel, il s'agit tout simplement d'un fait que nous devons

 17   accepter en tant que tel. Mais ce qui est implicite ici, c'est qu'il y a

 18   des éléments de preuve indirects quant à sa participation aux opérations de

 19   meurtre. Et avant de m'intéresser à cela, nous devrions examiner si le 13

 20   juillet, date à laquelle M. Beara aurait été un participant à cette

 21   entreprise criminelle commune, est-ce que cela s'est véritablement passé.

 22   Car, au vu des dossiers en l'espèce et d'après les conclusions de la

 23   Chambre de première instance, ce que nous suggérons, c'est qu'il n'aurait

 24   pas pu participer à cela avant la réunion alléguée qu'il a eue avec M.

 25   Deronjic. Les éléments de preuve présentés par M. Deronjic soulèvent bien

 26   des soupçons et pour de nombreuses raisons que j'ai déjà évoquées hier.

 27   C'est la seule personne qui avance que M. Beara lui a parlé et a utilisé

 28   les termes suivants "tuez-les tous". C'est sur la base de cette


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  1   conversation, sur la base de ces termes, que la Chambre de première

  2   instance a conclu que M. Beara avait participé à l'entreprise criminelle

  3   commune. Malheureusement, la Chambre de première instance semble s'appuyer

  4   sur d'autres éléments de preuve pour établir la corroboration, mais ils

  5   mélangent, ils font un amalgame, en quelque sorte. Qui d'autre était

  6   présent au côté de M. Beara lorsqu'il aurait apparemment utilisé ces

  7   termes, "tuez-les tous", en faisant référence aux Musulmans de Bosnie ?

  8   Personne. Vous pouvez analyser et disséquer autant de fois que vous le

  9   souhaitez le dossier en l'espèce, la seule conclusion qu'une Chambre de

 10   première instance raisonnable aurait pu dégager est que ces éléments de

 11   preuve n'ont pas été corroborés.

 12   D'ailleurs, lorsque la Chambre de première instance a analysé si elle

 13   allait accepter les éléments de preuve en application de l'article 92

 14   quater, éléments de preuve et déposition de M. Miroslav Deronjic le 21

 15   avril 2008, cette même Chambre de première instance a déclaré ce qui suit,

 16   et je cite :

 17   "La déposition de M. Deronjic comprend des éléments de preuve qui portent

 18   sur la preuve des actes et du comportement des accusés suivants,

 19   Pandurevic, Borovcanin et Beara, et notamment les endroits où s'étaient

 20   trouvés MM. Pandurevic et Borovcanin en juillet 1995, et portent également

 21   sur cette visite alléguée de la part de M. Beara et cette conversation

 22   qu'il aurait eue avec M. Deronjic dans son bureau à Bratunac le soir du 13

 23   juillet 1995."

 24   Citation qui figure au paragraphe 58.

 25   Et puis, ensuite, pour déterminer si elle allait admettre ces éléments de

 26   preuve, elle a déclaré ce qui suit, je cite à nouveau :

 27   "La Chambre de première instance reconnaît que la déposition de M.

 28   Deronjic," 1, "comporte un certain nombre d'erreurs ou de décalages;"


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  1   deuxièmement, "comporte un certain nombre de déclarations erronées;" et

  2   troisièmement, "inclut un certain nombre de choses qui ont été avancées qui

  3   sont fausses.

  4   "Cela n'a pas été réfuté par l'Accusation."

  5   Donc la Chambre de première instance savait pertinemment que l'Accusation

  6   avait accepté cela et n'avait pas remis en question le manque de

  7   crédibilité et de fiabilité de la déposition de M. Deronjic. Toutefois,

  8   dans cette décision, ce qui est absolument frappant, et nous le trouvons au

  9   paragraphe 62, page 15, est que la Chambre de première instance déclare, et

 10   je cite :

 11   "Ce qui n'a pas été étayé dans sa déposition porte sur les détails de la

 12   réunion et de la conversation qu'il a eues avec Beara le 13 juillet."

 13   Paragraphe 62, page 15, de la décision de la Chambre de première instance

 14   rendue le 21 avril 2008.

 15   L'Accusation a déclaré dans les grandes lignes, même hier d'ailleurs, que

 16   nous devons prendre en considération le nombre d'éléments de preuve. Moi,

 17   je pense que nous devrions nous intéresser non seulement à la quantité, au

 18   nombre des éléments de preuve, mais à leur qualité. Car, pour ce qui est du

 19   nombre d'éléments de preuve, il se peut que cela permette d'établir

 20   certaines choses par rapport à la présence physique ou par rapport à

 21   certaines questions eu égard à l'action, mais il n'y a pas d'élément de

 22   preuve qui corrobore ce qu'a avancé M. Deronjic, à savoir que M. Beara

 23   s'était trouvé dans son bureau et qu'il avait utilisé les termes "tuez-les

 24   tous".

 25   La Chambre de première instance a commis une erreur lorsqu'elle a accepté

 26   cet élément de preuve. La Chambre de première instance a commis une erreur

 27   parce qu'elle a fait un amalgame entre ces trois éléments fondamentaux et a

 28   mélangé les questions relatives aux propos tenus, à la présence physique et


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  1   aux actes.

  2   Au paragraphe 1 215 de la décision qui a été citée, la Chambre de première

  3   instance indique qu'ils allaient être extrêmement circonspects lors de

  4   l'évaluation de la déposition de M. Deronjic et pour ce qui était de savoir

  5   le poids qui allait lui être attribuée. Et ils ont déclaré qu'ils ont, et

  6   je cite :

  7   "… examiné s'il pouvait y avoir une corroboration de certains éléments qui

  8   portent sur des questions critiques…"

  9   Au paragraphe 1 215, ils nous disent qu'ils vont essayer de trouver des

 10   éléments de preuve qui corroborent certaines parties qui portent sur des

 11   questions critiques. Alors, qu'est-ce qui peut être plus critique que le

 12   fait d'avoir un homme qui a été accusé et auquel on reproche le crime de

 13   génocide ainsi que d'autres crimes contre l'humanité, et sur le base de ce

 14   chef et de cette allégation indiquée par quelqu'un qui a admis qu'ils

 15   étaient en état d'ébriété, que cela s'était passé fort tard pendant la

 16   soirée, alors que personne d'autre n'était présent : Tuez tous ? J'avance

 17   que la Chambre de première instance a commis une grave erreur et qu'elle

 18   n'aurait pas dû admettre la déposition de M. Deronjic. Aucune Chambre de

 19   première instance raisonnable n'aurait accordé aucun poids à la déposition

 20   de M. Deronjic pour ce qui est de sa conversation avec M. Beara.

 21   J'aimerais maintenant vous indiquer quand la Chambre de première instance a

 22   eu recours à cet élément de preuve pour vous montrer quel fut l'impact de

 23   cela, qui a véritablement eu une incidence toxique sur l'ensemble du

 24   jugement en première instance lorsqu'il s'agit de M. Beara. Eu égard à

 25   l'entreprise criminelle commune visant les meurtres, je vous invite à

 26   analyser les deux paragraphes 1 301 et 1 302, où la Chambre de première

 27   instance déclare, toujours en ce qui concerne M. Beara, et je cite :

 28   "… sa contribution à l'objectif commun ne peut pas être considéré autrement


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  1   que comme une contribution importante, tout comme ses actions," il s'agit

  2   d'élément séparé là, "et tout comme ses mots qui indiquent qu'il n'y a

  3   aucune doute que lui," à savoir M. Beara, "a partagé l'intention de tuer

  4   sur une grande échelle."

  5   Regardez les actions, les mots et la présence physique doivent être

  6   présents. La Chambre de première instance a conclu que les actions et les

  7   mots - de quels termes s'agit-il ? - ont été pris en considération pour

  8   déterminer. Encore faut-il savoir sur quels termes s'est appuyée la Chambre

  9   de première instance lorsqu'elle a déclaré cela aux paragraphes 1 301 et 1

 10   302. Nous devons tout simplement regarder le paragraphe précédent, le

 11   paragraphe 1 300. Au paragraphe 1 300, la Chambre de première instance fait

 12   référence aux seuls termes que nous pouvons trouver, et je cite :

 13   "Le premier acte pour lequel nous avons eu des éléments de preuve pour ce

 14   qui est de M. Beara illustre le rôle de [inaudible] qu'il a joué dans cette

 15   opération de meurtre. Il arrive le 13 juillet dans les bureaux du président

 16   du SDS de Bratunac avec un ordre qui lui vient des 'plus hauts échelons',

 17   l'ordre étant de tuer tous les hommes musulmans de Bosnie qui se trouvent

 18   dans Bratunac et dans les environs de Bratunac."

 19   Si la Chambre de première instance avait exclu en bonne et due forme tous

 20   les éléments de preuve non fiables de M. Deronjic et si elle avait exclu

 21   ces éléments de preuve qui n'ont pas été corroborés, elle n'aurait pas

 22   conclu que M. Beara avait été membre de l'entreprise criminelle commune

 23   visant le meurtre et, de façon quasi-certaine, elle n'aurait pas conclu que

 24   Ljubisa Beara avait contribué de façon importante à l'entreprise criminelle

 25   commune visant à tuer ces personnes.

 26   Alors, bien entendu, il y a d'autres éléments de preuve, autres que ceux

 27   apportés pas M. Deronjic et qui portent sur M. Beara, mais je dirais que

 28   pour ce qui est de ces mots utilisés, la Chambre de première instance s'est


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  1   uniquement et exclusivement appuyée, à notre avis, sur cette déposition de

  2   M. Deronjic. Les éléments de preuve apportés par M. Deronjic dans le cadre

  3   de sa déposition ont été considérés comme constituant des déclarations non

  4   corroborées avec des illogismes dans sa déposition. Il faut prendre en

  5   considération sa situation de criminel de guerre qui avait tout à tirer

  6   d'un accord de plaidoyer. Et dans le cadre de sa déposition contre Beara,

  7   il fait référence aux actes et au comportement de M. Beara.

  8   Il est intéressant de remarquer qu'une autre Chambre de première instance

  9   de ce Tribunal, à savoir dans l'affaire Karadzic, face à une question

 10   semblable, il était question de la déposition de M. Deronjic, qui était

 11   présenté par l'Accusation - cela est indiqué dans le dossier - cela devait

 12   être considéré comme une déposition non fiable à laquelle aucun poids ne

 13   devrait être accordé. Dans ce cas, la Chambre de première instance a réfuté

 14   la demande présentée par l'Accusation qui souhaitait verser au dossier ces

 15   éléments de preuve. Il est curieux de voir que la Chambre de première

 16   instance, lorsqu'elle a rendu sa décision, était parfaitement informée de

 17   la décision rendue par la Chambre de première instance dans notre affaire

 18   et a essayé de faire la part des choses et de faire la différence en

 19   indiquant que la décision qu'elle rendait était rendue à propos de la

 20   déposition de M. Deronjic dans l'affaire Karadzic.

 21   Donc il n'y a pas de norme reconnue en fonction de laquelle un acte

 22   ou plus d'un acte devrait ou ne devrait pas correspondre aux critères qui

 23   permettraient d'accepter ou d'exclure un élément de preuve. La règle et la

 24   jurisprudence consistent à voir si l'élément de preuve en question est

 25   crédible ou non, s'il est fiable. S'il est fiable, et non seulement

 26   pertinent, mais s'il est fiable, encore faut-il savoir quel poids lui

 27   accorder. Etant donné qu'il n'y a pas de corroboration de cet élément de

 28   preuve ou de cette déposition sur laquelle s'est appuyée la Chambre de


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  1   première instance, nous pensons que cela devrait être exclu et que cette

  2   affaire devrait être analysée sans prendre en considération la déposition

  3   de M. Deronjic, car cela annule tout simplement la condamnation prononcée

  4   par la Chambre de première instance à propos de M. Beara.

  5   Mais la Chambre de première instance ne s'est pas arrêtée là -- elle

  6   n'a pas seulement utilisé la déposition de M. Deronjic contre M. Beara pour

  7   déterminer sa participation à l'entreprise criminelle commune, comme je

  8   vous l'ai déjà dit. Elle s'est appuyée en grande partie sur cette

  9   déposition pour déterminer l'intention spéciale requise pour le génocide,

 10   et elle a même utilisé cela lorsqu'elle a prononcé la peine de M. Beara. Je

 11   vous invite à analyser le paragraphe 1 314 de la décision de la Chambre de

 12   première instance à propos du génocide. Voilà ce qui est indiqué, et je

 13   cite :

 14   "… sa détermination sinistre à tuer autant de personnes que possible aussi

 15   rapidement que possible. Ses réunions avec Deronjic pendant la nuit du 13

 16   juillet nous permettent de comprendre de façon glacée quel était son état

 17   d'esprit, un état d'esprit de destruction. Lorsque lui," à savoir Beara, "a

 18   annoncé une intention de 'tous les tuer', il s'agit d'un homme déterminé

 19   qui n'envisage même pas ou ne fait pas de remarque à propos de la nature

 20   absolument atroce de ses 'ordres', il se lance dans une série d'échanges ou

 21   de discussions houleux à propos du meilleur endroit pour cette entreprise

 22   extrêmement répréhensible."

 23   La Chambre de première instance a également indiqué au paragraphe 1

 24   311, comme je l'ai déjà indiqué : 

 25   "Il n'y a pas d'éléments de preuve directs suivant lesquels Beara avait

 26   l'intention spéciale requise pour le génocide…"

 27   Mais si nous regardons les mots qui ont censé avoir été prononcés par M.

 28   Beara, et c'est ce qu'ils font, ils se sont véritablement appuyés en grande


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  1   mesure sur ces mots, comme je l'ai déjà indiqué à propos du paragraphe 1

  2   314, et c'est sur la base de ces mots qu'une personne a été condamnée, la

  3   personne qui a prononcé ces mots a menti à plusieurs reprises, a modifié

  4   son histoire à plusieurs reprises, et pourtant, la Chambre de première

  5   instance s'est appuyée sur cet élément de preuve. Nous continuons à

  6   soulever des objections à ce sujet et nous croyons qu'il ne faudrait

  7   accorder aucun poids à cet élément de preuve et à cette déposition, qu'ils

  8   devraient être exclus.

  9   Nous voyons que la Chambre de première instance indique : Oui, mais

 10   d'autres personnes ont vu Beara au SDS de Bratunac. Il est intéressant que

 11   ces personnes qui sont suggérées par la Chambre de première instance sont

 12   considérées comme crédibles et fiables pour confirmer sa présence physique,

 13   et il s'agit de M. Borovcanin, de M. Simic, du Témoin PW-161 et PW-170. Or,

 14   nous connaissons M. Borovcanin, nous savons pertinemment qu'il n'a pas

 15   témoigné en l'espèce. Et je dirais que son audition avec l'Accusation a été

 16   versée au dossier, en application de l'article 92 ter à nouveau. Une fois

 17   de plus, est-ce que M. Beara ne doit pas bénéficier de certains droits ? Ne

 18   devrait-il pas être présumé innocent ? Est-ce qu'il ne devrait pas au moins

 19   avoir le droit de contre-interroger les témoins qui ont présenté des

 20   allégations à son sujet ?

 21   Et toutefois, la Chambre de première instance a commis une erreur parce

 22   qu'elle a utilisé, justement, la déclaration de M. Borovcanin pour

 23   confirmer les dires de M. Deronjic. Or, M. Borovcanin n'était pas présent

 24   lorsque la discussion -- apparemment, cette discussion alléguée entre M.

 25   Beara et M. Deronjic a eu lieu. Borovcanin ne dit pas qu'il a entendu Beara

 26   utiliser ces mots de "tuez-les tous". La Chambre de première instance dit

 27   tout simplement qu'ils étaient présents et que M. Borovcanin les aurait vus

 28   se disputer.


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  1   De même, la Chambre de première instance utilise en grande partie les

  2   propos d'une autre personne à laquelle il faut accorder encore moins de

  3   crédibilité que M. Deronjic, et il s'agit de Momir Nikolic. Autre personne

  4   particulièrement célèbre pour avoir fait des déclarations illogiques et

  5   incompatibles les unes avec les autres, notoire pour avoir fourni des

  6   déclarations erronées, notoire et connu pour avoir changé ses accords de

  7   plaidoyer toujours à son avantage, et puis, finalement, il a fini par

  8   accepter, sans que cela ne soit corroboré, que M. Beara a, à un moment

  9   donné, prononcé ces mots visant la destruction de tous les hommes musulmans

 10   de Bosnie à Bratunac. Alors, bien entendu, il ne faudrait accorder aucun

 11   poids à cela. Pourquoi, une fois de plus ? Parce que cela vise des

 12   questions critiques relatives aux actes et au comportement de M. Beara et

 13   que cela n'a pas été corroboré.

 14   Nous ne voulons pas, comme le fait l'Accusation, dire que, parce

 15   qu'il y a moult éléments de preuve, cela est une façon de corroborer ce qui

 16   a été dit. Nous avons analysé, et nous disons : A quel moment est-ce qu'une

 17   personne qui bénéficie d'une certaine crédibilité ou d'une certaine

 18   fiabilité a corroboré cette conversation ? Ce que j'avance, c'est que la

 19   Chambre de première instance a commis une erreur lorsqu'elle a utilisé la

 20   déposition de MM. Borovcanin, Momir Nikolic et Deronjic pour déterminer que

 21   M. Beara avait prononcé ces mots et avait été physiquement présent le 13

 22   juillet 1995.

 23   Une fois de plus, il n'y a pas d'autre élément de preuve eu égard à

 24   M. Beara pour ce qui est du 13 juillet 1995. Il arrive assez tard sur les

 25   lieux, il arrive apparemment pendant la nuit, et il semble déambuler tout

 26   seul dans la ville de Bratunac.

 27   Il y a un témoin qu'a utilisé la Chambre qui indique - et cela est

 28   indiqué à la note de bas de page 4 118 du compte rendu d'audience - que


Page 196

  1   quelqu'un lui aurait dit que M. Ljubisa Beara se trouvait dans les bureaux

  2   du SDS. Et puis, ensuite, il poursuit et il dit qu'il s'agissait

  3   probablement de Beara. La déposition de Deronjic, même si elle n'est

  4   absolument pas fiable, a dit que Simic était en train de dormir, donc il ne

  5   pouvait pas le savoir.

  6   Nous ne pouvons pas accepter de telles corroborations de dépositions

  7   même quand on parle seulement de présence, de présence physique, de

  8   l'accusé ou d'un individu alors que le témoin qui en parle est un témoin

  9   qui n'est pas fiable et auquel on ne peut pas faire confiance.

 10   Les Juges de la Chambre se sont aussi appuyés sur la déposition du

 11   Témoin PW-170, et c'est quelque chose qui figure dans le paragraphe 1 268.

 12   Eh bien, c'est illuminant ce que les Juges ont dit au sujet de ce Témoin

 13   PW-170. Les Juges acceptent que PW-170 n'ait pas dit que Beara était

 14   présent au moment de la réunion, mais ils utilisent cela comme un moyen de

 15   preuve qu'il corrobore. Donc la logique qui a été employée par les Juges de

 16   la Chambre de première instance n'a pas été une bonne logique, et ceci,

 17   dans de nombreux aspects, parce que ça se repose sur la théorie du

 18   Procureur à savoir que la quantité est plus importante que la qualité.

 19   Hier, nous avons très brièvement parlé de la présence physique, et là nous

 20   allons parler de la date du 14 juillet, et donc, où se trouvait M. Beara le

 21   14 juillet.

 22   Egbers, c'était un des témoins qui ont déposé en l'espèce. Et M. Egbers

 23   était prétendument présent à la réunion au moment où on lui a présenté M.

 24   Beara. Zoran Malinic était présent à la réunion. Et la Chambre m'a demandé

 25   de vous donner quelques citations. On peut regarder ce qui se trouve dans

 26   le procès-verbal, dans le jugement de la Chambre de première instance,

 27   paragraphe 1 220 et paragraphe 

 28   1 260, où on dit clairement que Zoran Malinic et un interprète étaient


Page 197

  1   présents pendant sa réunion prétendue avec M. Beara et M. Egbers. Aussi,

  2   nous avons le propos liminaire du Procureur du 21 août 2006, où cela

  3   commence clairement à la ligne -- donc, à la page 411, lignes 24 à 25, et

  4   cela se poursuit sur la page 415 -- excusez-moi, 412. Donc, 412, lignes 1 à

  5   5, c'est là où le Procureur dit qu'à peu près le 13 ou le 14 juillet, même

  6   si maintenant on sait que c'était le 14, le Bataillon hollandais -- le

  7   lieutenant-colonel ou soldat Vincent Egbers était à Nova Kasaba, et le

  8   commandant Malinic, même si dans le compte rendu on parle de Malonic, était

  9   avec lui. Et donc, il a introduit son commandant en disant : Voici Beara.

 10   Et plus tard dans la déposition, on voit que Vincent Egbers, le 19 octobre

 11   2006, a dit clairement qu'il était avec Zoran Malinic à Nova Kasaba pendant

 12   deux jours. C'est quelque chose qui se trouve à la page 2 818, et aussi à

 13   la page 2 855. On est le 20 octobre. Voici ce qu'il a dit :

 14   "… je n'ai entendu parler du colonel Beara" --

 15   L'APPELANT POPOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je dois vous

 16   demander de m'accorder une pause, je dois me rendre aux toilettes.

 17   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Eh bien, effectivement, nous allons

 18   prendre une pause à présent, une pause qui va durer 20 minutes.

 19   --- L'audience est suspendue à 11 heures 05.

 20   --- L'audience est reprise à 11 heures 28.

 21   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Ostojic, vous pouvez

 22   continuer.

 23   M. OSTOJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   Avant la pause, j'ai voulu conclure ce que j'avais à dire au sujet de M.

 25   Egbers. Et donc, au mois d'octobre, le 20 octobre 2006, à la page 2 855,

 26   lignes 17 à 22, il dit qu'il n'a jamais entendu parler de Beara. Il n'a

 27   jamais entendu parler de son existence. Il a été là, présent avec

 28   l'interprète et Zoran Malinic, et on lui a parlé du colonel Beara.


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  1   Donc le Procureur a fait beaucoup de déclarations concernant la présence de

  2   M. Beara dans la zone de Bratunac et Zvornik. Mais sa présence est

  3   extrêmement importante. Que vous soyez présent ou non, il faut toujours

  4   établir la culpabilité dans un crime. Karadzic n'était pas à Bratunac ou à

  5   Zvornik, mais il est quand même accusé de crimes similaires. Donc la

  6   présence est importante, mais ce n'est pas d'une importance cruciale. Donc,

  7   quand on dit que la présence est un indice, oui, c'est un facteur

  8   important. Effectivement, il faut en tenir compte, et c'est quelque chose

  9   qui est exigé par la loi, mais c'est un élément corroboratif.

 10   Hier, je vous ai dit que la charge de la preuve quand il s'agit de M.

 11   Egbers, pour savoir s'il a été ou non à Nova Kasaba le 14 juillet 1994,

 12   elle appartient au Procureur. Si M. Beara était là, pourquoi alors ils

 13   n'ont pas cité Zoran Malinic ? Si Beara était présent à Nova Kasaba le 14

 14   juillet, pourquoi ils n'ont pas cité l'interprète d'Egbers ? Si Ljubisa

 15   Beara a été vraiment présent le 14 juillet 1995, pourquoi ils n'ont pas

 16   cité à la barre les membres du Bataillon hollandais qui étaient là,

 17   présents avec M. Egbers ? Il y en avait six ou huit. Chacun de ces

 18   individus aurait pu se rappeler la présence de M. Beara ou aurait pu

 19   déposer. Et je pense que la Chambre s'est trompée quand elle est arrivée --

 20   que M. Beara n'était pas là. Ils auraient dû prendre plus de dépositions

 21   pour l'établir.

 22   Et donc, si nous regardons l'opinion dissidente dans l'affaire Tolimir, où

 23   on voit que la crédibilité de M. Egbers est mise en doute. Un Juge dans une

 24   autre affaire a proposé qu'il ne faudrait pas accorder de poids à la

 25   déposition de M. Egbers, comme il ne faudrait pas accorder de poids à la

 26   déclaration de Momir Nikolic et autres accusés qui ont déposé en l'espèce.

 27   Je pense qu'ici il faudrait faire exactement la même chose. Accepter le

 28   point de vue d'Egbers, si on accepte qu'on ait erré en acceptant sa


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  1   déposition, le jugement serait annulé quant à sa présence physique, vu que

  2   l'on pense que c'est un facteur important.

  3   Nous avons donc complètement contesté l'identification de ce témoin de

  4   Beara, mais nous allons passer à la journée suivante, la journée du 15

  5   juillet 1995, quand la Chambre de première instance s'est encore trompée,

  6   encore une fois. Là, les Juges de la Chambre de première instance se sont

  7   fondés sur la déposition du Témoin PW-165, qui peut être trouvée dans le

  8   jugement de première instance, 1 227 et 1 228. Donc, ici, en ce qui

  9   concerne le Témoin PW-165, on dit que Beara était présent avec Popovic dans

 10   la caserne Standard, comme on dit, à 6 heures 30 le 15 juillet. Je ne sais

 11   pas si vous avez lu cela. Mais dans le dossier de l'affaire, on a analysé

 12   les moyens de preuve qui montrent que ce même témoin avait identifié un

 13   autre accusé en l'espèce, et voici ce qui a été dit concernant M. Beara

 14   dans le paragraphe 1 228 :

 15   "La Chambre de première instance avait au préalable affirmé que le fait que

 16   le Témoin PW-165 ait par la suite identifié Popovic comme une des personnes

 17   qu'il avait vues est suffisant pour que les Juges de la Chambre de première

 18   instance établissent que Popovic était présent…"

 19   Et ensuite, on continue :

 20   "Il n'en va pas de même pour Beara, vu que le Témoin PW-165 ne l'a vu que

 21   de dos et n'a pas pu l'identifier par la suite. De sorte que le Témoin PW-

 22   165 n'a pas identifié directement Beara comme étant présent…"

 23   Avec tout le respect que je vous dois, je pense que nous sommes tous

 24   d'accord là-dessus. Cependant, la Chambre de première instance s'est encore

 25   une fois trompée quand elle a dit dans ce même paragraphe ce qui suit :

 26   "Cependant, le fait est que l'on a dit au Témoin PW-165 qu'il s'agissait là

 27   bien de Beara et de Popovic et que cette information a été en partie

 28   confirmée par les informations données par Popovic…"


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  1   Donc, dans ce paragraphe, on parle de l'identification de Beara. La Chambre

  2   de première instance a pu être convaincue que Popovic était sur place,

  3   qu'elle se trompe ou non. Mais ensuite, ils ont tiré des conclusions en

  4   disant que Beara aussi était présent alors que le témoin n'a pas vu Beara,

  5   et les Juges de la Chambre de première instance l'ont reconnu.

  6   Et c'est la logique que nous contestons. Je cite cela :

  7   "Quand on considère ce fait en combinaison avec d'autres moyens de preuve,

  8   et surtout avec la présence de Beara à l'époque dans la région, les Juges

  9   de la Chambre de première instance sont convaincus que Beara était présent

 10   avec Popovic dans la caserne de Standard au début de la soirée du 15

 11   juillet 1995."

 12   Donc les Juges de la Chambre disent qu'ils sont convaincus. Mais est-ce que

 13   tous les critères ont été satisfaits, est-ce que l'on a réussi à prouver

 14   au-delà de tout doute raisonnable que Beara a été bel et bien présent ?

 15   Parce que si ce critère de présence physique sur place est tellement

 16   important, sur place à cet endroit-là et autres endroits, si les Juges de

 17   la Chambre disent qu'il a été présent alors que l'on n'a pas vraiment

 18   identifié Beara mais seulement Popovic, est-ce un critère qui est suffisant

 19   ? Vu qu'il n'y a pas d'autres moyens de preuve, qu'il n'y a pas d'autres

 20   témoins qui corroborent cela ou d'autres explications.

 21   Ceci aussi relève de l'intention spéciale et des conclusions des Juges à ce

 22   sujet. Dans le paragraphe 1 318, les Juges de la Chambre de première

 23   instance parlent justement des différents critères qui relèvent de

 24   l'intention spéciale de Ljubisa Beara. Là, ils vont se fonder sur les

 25   propos prétendument tenus par M. Beara. Mais il a parlé devant qui ? Devant

 26   Deronjic. Alors que la déposition de Deronjic n'est pas une déposition

 27   fiable. Et donc, ceci devrait être alors la preuve cruciale pour prouver

 28   qu'il avait l'intention de tuer le plus grand nombre de gens possible. On


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  1   cite les propos qui ne se reposent que sur la déposition de Deronjic, à

  2   savoir que Beara avait donné des instructions à Deronjic. Et d'ailleurs,

  3   par rapport à cela, nous n'avons que la déposition de Deronjic.

  4   De plus, on a parlé d'autres actes, et on dit : si on examine toute cette

  5   série de preuves, tout cela n'a pas pu se produire, tous ces meurtres n'ont

  6   pas pu se produire sans que l'appelant soit présent. Mais je vous demande

  7   quelles sont vraiment les preuves dont nous disposons ? Eh bien, ces

  8   preuves sont vraiment manquantes.

  9   Car les Juges de la Chambre de première instance n'ont pas satisfait

 10   tous les critères quand il s'agit d'établir l'existence des actes et de

 11   présence. Ils ont préféré la quantité à la qualité. Et avec tout le respect

 12   que je vous dois, si l'on examine tout ce que Beara a fait, chaque pas,

 13   chaque mesure qu'il a prise, si on examine tout cela et qu'on en arrive à

 14   la conclusion qu'il faut le condamner, c'est uniquement dans ce cas que

 15   nous pouvons vraiment nous dire qu'il s'agissait là d'un procès équitable.

 16   Mais puisque ce n'est pas le cas, je considère que la Chambre de première

 17   instance a erré et qu'il faut annuler ce jugement.

 18   Et maintenant je vais parler de la question du temps, et je vais parler de

 19   Jadar et Trnovo. Moi, je considère que la Chambre de première instance n'a

 20   pas correctement identifié les auteurs dans l'entreprise criminelle

 21   commune, car il faut qu'il existe un lien, un lien qui est indispensable.

 22   Je pense que ce lien est indispensable pour que l'on puisse condamner un

 23   individu des crimes commis par les personnes qui ne faisaient pas partie de

 24   l'entreprise criminelle commune. Dans le jugement, dans les paragraphes 412

 25   à 413, de la Chambre d'appel dans l'affaire Brdjanin, on dit que :

 26   "L'existence de ce lien est quelque chose qu'il faut établir au cas par

 27   cas."

 28   Et les Juges de la Chambre ne l'ont pas fait.


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  1   Dans la décision Martic, ils ont considéré que la Chambre de première

  2   instance n'avait pas trouvé de quelle façon les membres ont été présents.

  3   Ceci se trouve dans le paragraphe 181. Moi, je pense que l'opinion

  4   dissidente du Juge Kwon quand il s'agit de Trnovo est tout à fait

  5   importante, car c'est là qu'on parle de la question de Trnovo. Mais je

  6   pense aussi que la question qui concerne Jadar -- eh bien, que par rapport

  7   à cela, on ne peut pas garder le jugement qui condamne M. Beara.

  8   Et puis, nous avons aussi un arrêt qui dit qu'il est absolument nécessaire

  9   qu'il existe un lien entre les auteurs et les membres de l'ECC. Et dans

 10   l'affaire Krajisnik, on n'a pas établi ce lien en respectant ce principe de

 11   cas par cas comme c'est indiqué dans le paragraphe 235 que je viens de

 12   mentionner. Les Juges dans l'affaire Krajisnik ont rejeté la décision

 13   Krajisnik -- enfin, le jugement Krajisnik quand il s'agit des lieux de

 14   crime et les sites de crime. Dans ce cas précis, je voudrais dire ce qui

 15   suit : si nous acceptons que Ljubisa Beara a été présent à 20 heures à

 16   Bratunac le 13 juillet, ce soir-là, il se serait joint à l'ECC. Il n'y a

 17   pas de preuve, parce que dans le jugement il a été dit qu'il avait déjà

 18   participé. Mais quand les meurtres ont eu lieu à Kravica ? Ce jour-là plus

 19   tôt. Donc nous pensons que dans ce cas-là, il s'agit aussi de rejeter la

 20   conviction par rapport à Kravica.

 21   J'espère que j'ai répondu aux questions qui ont été posées par les Juges.

 22   Maintenant je voudrais vous présenter les arguments oraux quand il s'agit

 23   de rechercher la vérité. Nous avons laissé cela pour la fin parce que nous

 24   nous sommes dit que si nous arrivons à la vérité, que cette vérité va

 25   disculper M. Beara. Car je pense que c'est vraiment le cas.

 26   Tout d'abord, je voudrais parler de la pièce à conviction P886. Moi, je

 27   l'ai présentée aux parties -- et je vais demander que ceci soit présenté

 28   sur les écrans pour que tout le monde puisse examiner cette pièce à


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  1   conviction.

  2   J'invite donc la Chambre à examiner les éléments de preuve du dossier de la

  3   Chambre P886. Il est important de noter la date de cette pièce, le 13

  4   juillet, lorsque l'opération de tuerie alléguée ou l'opération d'assassinat

  5   a, en fait, démarré, que les tueries ont commencé à Bratunac. Curieusement,

  6   le rédacteur de ce mémorandum ou cette note est le chef du centre de la

  7   sécurité publique de Zvornik - voilà, donc, c'est affiché - il s'agit de

  8   Dragomir Vasic.

  9   Le contenu fait froid dans le dos, en effet. Il affirme, ce M. Vasic, qui

 10   fait partie du centre de sécurité du secteur public de Zvornik, et très

 11   différent des affirmations de Ljubisa Beara et d'autres, il affirme qu'il a

 12   tenu une réunion ce jour-là avec Mladic, le 13 juillet 1995. Ils étaient

 13   informés de ce que la VRS poursuivait des opérations vers Zepa, laissant

 14   tout le reste du travail au MUP comme suit :

 15   Primo, le processus d'évacuation. 2, la partie qui fait froid dans le dos.

 16   Je cite :

 17   "Assassiner environ 8 000 soldats musulmans que nous avons bloqués dans les

 18   bois à proximité de Konjevic Polje. Des combats se poursuivent. Ce travail

 19   est effectué uniquement par les unités du MUP…," uniquement par les unités

 20   du MUP.

 21   L'Accusation connaît ce témoin. L'Accusation l'a identifié dans leur

 22   dossier, et ce témoin, je crois, est resté présent ici pendant deux

 23   semaines et demie pour être retiré au bout du compte dans le procès. Dans

 24   quelle mesure a-t-il été tenu compte par la Chambre de première instance du

 25   compte rendu de Dragomir Vasic ? Très peu. Il n'était même pas intéressant

 26   de voir s'il était crédible, fiable. Voir si c'étaient des éléments à

 27   décharge ou la vérité, pour quelque raison que ce soit. Pourquoi pas ?

 28   C'est un aveu. La Chambre de première instance a cherché désespérément à de


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  1   nombreuses occasions de montrer les propos tenus par Ljubisa Beara dans des

  2   écoutes voulant dire autre que leur simple écriture. Là, nous avons un

  3   document qui affirme clairement, un document que ce monsieur -- ou cette

  4   personne, devrais-je dire, n'aurait jamais imaginé serait trouvé ou publié.

  5   Il affirme : "Le MUP était seul responsable." Les unités du MUP faisaient

  6   ce boulot seules. Il identifie ce boulot; point n'est besoin de se livrer à

  7   des conjectures.

  8   Je voudrais maintenant identifier le document suivant et le partager avec

  9   vous. Il s'agit du document D374 [comme interprété], et donc le 1D374 est

 10   un document que nous avons brièvement évoqué hier. Il s'agit d'un rapport

 11   de l'unité Secteur civil des Nations Unies, rédigé par un dénommé Edward

 12   Joseph. Il a déposé dans notre affaire ici. J'attire l'attention de la

 13   Chambre à la deuxième page de ce document. Je ne sais pas s'il est affiché.

 14   Je vous remercie. Il n'apparaît pas à mon écran. C'est pour cela que

 15   j'attendais.

 16   Si les Juges voudraient bien regarder la deuxième page de ce document, sous

 17   l'alinéa 1, sous-section 3 :

 18   "Jusqu'à 3 000 ont été tués en route, par des mines pour la plupart et des

 19   engagements BSA…"

 20   A priori, il pourrait paraître inconvenant de discuter des assassinats. Si

 21   nous parlons de la vérité, nous ne minimisons aucunement les efforts

 22   héroïques des Musulmans de Bosnie qui cherchaient à gagner leur liberté ou

 23   rejoindre leur patrie ou essayant tout simplement de sauver leurs vies.

 24   Mais cette Chambre de première instance doit regarder tous les éléments de

 25   preuve. Le Tribunal et l'Accusation ne tiennent même pas compte de ces

 26   éléments de preuve. Nous avons interrogé leur expert militaire, Richard

 27   Butler, sur cette question. Ses réponses étaient assez singulières. Il a

 28   identifié un terme appelé "des engagements de combat légitimes", et il a


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  1   affirmé que c'était légal, justifié, et c'est acceptable. Nous lui avons

  2   demandé s'il avait passé en revue ou s'il avait considéré ce document dans

  3   son analyse, et il a répondu non. Il ne pensait pas qu'il y avait lieu de

  4   le faire.

  5   Lorsque nous parlons de nombres dans cette affaire, 1 000, qui est un

  6   nombre incroyable, sans parler de 5 000 ou voire plus, un seul est

  7   inacceptable. Mais si on va faire l'histoire et établir au plan historique

  8   ce qui s'est passé, il faudrait que ce document soit à tout le moins pris

  9   en compte. Ecartez-le. Ce serait raisonnable pour autant que c'est un avis

 10   raisonné. Si ce Tribunal estime qu'il n'y a pas eu d'engagements de combat

 11   légitimes et que personne n'a été tué pendant l'attaque sur Srebrenica, et

 12   que tous les morts résultaient d'une opération meurtrière, soit. Mais

 13   j'estime que ce n'est pas le cas. Les éléments de preuve sont clairs,

 14   fiables et corroborés, montrant que 3 000 ont été tués par des mines et des

 15   engagements légitimes de combat, comme le laisse entendre Butler.

 16   J'ai le numéro de la page du document de Butler, s'il le faut, afin que

 17   l'on se penche sur sa déposition. J'invite la Chambre d'appel à se pencher

 18   sur les pages 20 244 ainsi que 20 245, entre autres références.

 19   Nous avons évoqué cette pièce précisément avec lui à la page 20 290 et 20

 20   291, où Butler reconnaît que ce document n'a pas du tout été pris en

 21   compte, ni par lui ou par tout autre membre de son équipe d'enquêteurs.

 22   La Chambre de première instance avait passé un certain temps à analyser les

 23   écoutes téléphoniques et ce que M. Beara avait dit. Ils ont également

 24   évoqué l'écoute téléphonique qui, pour nous, était claire et devait être

 25   acceptée comme étant digne de foi. Il s'agit de la pièce 7D2D64.

 26   La Chambre de première instance -- et je vais essayer de l'afficher.

 27   La Chambre de première instance aborde cette pièce à conviction dans son

 28   jugement et constate étonnamment que celle-ci n'est pas digne de foi. Ils


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  1   affirment, en effet, que M. Beara savait qu'il était sur écoute. Donc M.

  2   Beara aurait, je présume - bon, je sais que ça paraît relever de

  3   conjectures - aurait donc sorti cette écoute téléphonique afin de minimiser

  4   son implication. Toutefois, ils n'ont pas recours à la même logique

  5   lorsqu'ils utilisent des preuves d'écoute contre M. Beara et lorsqu'ils

  6   interprètent ce que certains mots signifient dans une écoute.

  7   Cette pièce 7D2D64 énonce clairement et établit quelle était l'intention et

  8   ce que prévoyait M. Beara le 13 juillet 1995. A tous moments, il ne

  9   s'intéressait qu'au transfert sécurisé des prisonniers vers le camp de

 10   Batkovici, où ils seraient interrogés, comme c'est le cas de tous les

 11   prisonniers de guerre. Cette pièce, je pense, est crédible, n'a pas été

 12   créée. Il s'agit d'une écoute que l'Accusation, dans la somme

 13   impressionnante de preuves qu'ils ont fournies -- il y avait donc une

 14   écoute croate, un tiers a fourni cette écoute interceptée. Cette écoute

 15   interceptée n'a pas été envisagée par la Chambre quant à la participation

 16   de M. Beara dans une entreprise criminelle commune ni dans son intention

 17   spécifique pour crime de génocide. Je pense que la Chambre de première

 18   instance s'est fourvoyée lorsqu'elle n'a pas accordé le poids adéquat à cet

 19   élément de preuve, et donc son jugement est tout simplement erroné et doit

 20   être invalidé.

 21   Je souhaiterais aborder brièvement les questions concernant la

 22   condamnation. Nous estimons que la Chambre a échoué sur le plan du droit à

 23   appliquer et réduire la peine après avoir reconnu et accepté certains

 24   facteurs exténuants comme ayant été établis et raisonnables. Nous avons

 25   apporté des éléments de preuve concernant la bonne personnalité de M.

 26   Beara, sa bonne famille, ses actions montrant comment il avait aidé des

 27   gens avant et pendant la guerre de 1992 et 1995. Nous avons convoqué des

 28   personnes de différentes origines ethniques montrant qu'il avait aidé pas


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  1   simplement les Musulmans de Bosnie, pas simplement les Croates, mais

  2   également la communauté juive de Croatie pendant qu'il y était. Le Tribunal

  3   a estimé, effectivement, qu'il avait une personnalité intègre mais qu'ils

  4   devaient accorder un poids limité à cela. J'estime que la Chambre de

  5   première instance a, de façon erronée, accordé un poids limité à son

  6   caractère intègre.

  7   Il s'est rendu à ce Tribunal, Ljubisa Beara, un des premiers à se rendre.

  8   Pendant la période où il a plaidé, il a incité d'autres à faire de même, et

  9   ils l'ont fait progressivement. Dans les six mois, quatre autres se sont

 10   présentés. La Chambre de première instance reconnaît que sa reddition était

 11   un élément d'atténuation, à juste titre, mais lui a accordé un poids

 12   limité.

 13   Autre facteur atténuant s'agissant de M. Beara, c'est son âge. Il est à un

 14   âge avancé. Et, respectueusement, nous reconnaissons que le Tribunal allait

 15   affirmer qu'il allait en tenir compte.

 16   Autre facteur exténuant, nous avons laissé entendre que la Chambre de

 17   première instance devrait étudier les théories incohérentes du bureau du

 18   Procureur de culpabilité et de modes de responsabilité, tel que cela

 19   concerne M. Beara. A l'ouverture du premier procès, nous avons passé une

 20   bande du bureau du Procureur -- pas simplement une suggestion, que M. Beara

 21   était "un vaisseau vide". La Chambre de première instance l'aborde et pense

 22   que cela n'a pas d'importance. Nous pensons que ça a la plus grande

 23   importance, pas simplement dans la condamnation mais dans les aspects sous-

 24   jacents à la culpabilité pour M. Beara. Si cette Accusation et la même

 25   personne dans une affaire affirment que M. Beara était un vaisseau vide et

 26   n'était nullement impliqué dans aucun des crimes par le simple fait de

 27   recourir à ces termes, comment cette Accusation pourrait-elle dans une

 28   autre affaire affirmer qu'il a une responsabilité directe et entière pour


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  1   ces crimes haineux qui se sont produits ? Nous affirmons respectueusement

  2   que si des éléments de preuve exténuants existent et peuvent être acceptés

  3   par la Chambre, la peine doit être réduite. M. Beara s'est vu infliger la

  4   peine la plus sévère possible : la réclusion à perpétuité. Il n'y a pas eu

  5   de réduction de la peine en raison de circonstances atténuantes.

  6   La Chambre a ensuite abusé de son pouvoir discrétionnaire et s'est

  7   fourvoyée en n'accordant pas un poids suffisant à ces éléments de preuve

  8   atténuants et n'a pas accordé le poids nécessaire à tous ces éléments et

  9   ces autres facteurs. Elle s'est en outre fourvoyée dans son analyse

 10   d'aggravation. Respectueusement, elle aurait dû tenir compte de la conduite

 11   d'aggravation s'agissant d'éléments connexes ou subséquents aux crimes

 12   commis pour déterminer si une personne a des facteurs aggravants qui

 13   entraîneraient une peine plus sévère. Il n'y avait pas d'élément de preuve

 14   autre que le caractère bon et intègre de M. Beara avant ou après.

 15   Je peux comprendre un facteur d'aggravation qui serait utilisé pour

 16   accroître la peine si sa conduite préalable ou subséquente est jugée

 17   immorale, voire illégale, ou même criminelle. Dans ce cas, la Chambre a

 18   utilisé la même condamnation sous-jacente, les mêmes crimes prétendument

 19   commis par M. Beara, en indiquant : C'est pour cela que nous allons le

 20   condamner et nous avons trouvé qu'il y avait une aggravation. J'estime que

 21   ce n'est pas la loi de cette jurisprudence.

 22   D'utiliser les mêmes crimes à des fins d'aggravation est cumulatif, n'est

 23   pas nécessaire et constitue une violation de l'autorité de décision de

 24   cette Chambre.

 25   En outre, nous affirmons, Madame, Messieurs les Juges, que M. Beara n'était

 26   pas présent pendant les périodes alléguées.

 27   Mais, de façon plus importante, nous affirmons que les éléments de preuve,

 28   lorsque décortiqués soigneusement, ne sont pas corroborés, indiquant qu'il

 


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  1   aurait utilisé des mots justifiant le fait qu'il était membre ou qu'il

  2   aurait contribué de façon significative à l'entreprise commune

  3   d'assassinat, et que, en substance, ses mots ne constituaient pas un

  4   constat montrant qu'il avait une intention particulière pour le crime de

  5   génocide. La Chambre a simplement utilisé de façon erronée des éléments de

  6   preuve de l'intention discriminatoire et, en substance, utilise ces

  7   éléments de preuve pour les autres chefs d'inculpation, intention

  8   discriminatoire, crimes contre l'humanité.

  9   Nous pensons que si nous regardons soigneusement le compte rendu et que si

 10   l'on trouve qu'il n'y avait pas d'élément de preuve corroborant, qu'un

 11   verdict juste peut être formulé en faveur de M. Beara, quel qu'il soit.

 12   Mais nous pensons en l'état qu'avec ces erreurs, il y a eu un déni de

 13   justice.

 14   Je vous remercie.

 15   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

 16   [La Chambre d'appel se concerte]

 17   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je donne la parole à l'Accusation.

 18   M. ROGERS : [interprétation] C'est M. Gillett qui s'exprimera surtout à

 19   présent, c'est mon confrère qui est assis derrière moi. Donc nous allons

 20   nous préparer pour pouvoir procéder.

 21   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, tout à fait. Vous allez

 22   répondre à l'affirmation qui a été avancée par Me Sepenuk.

 23   M. ROGERS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. C'est M. Gillett

 24   qui répondra à l'ensemble des points qui ont été soulevés par Me Sepenuk et

 25   également par Me Ostojic, et moi, je me pencherai sur la question à la fin.

 26   Mais il est tout à fait prêt à répondre sur l'ensemble de ces questions.

 27   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

 28   M. GILLETT : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les


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  1   Juges, comme cela vient d'être annoncé, je suis Matthew Gillett, et je

  2   présenterai les arguments en réponse aux arguments de M. Beara présentés

  3   dans son mémoire et que vous avez entendus hier et aujourd'hui.

  4   En juillet 1995, les forces serbes de Bosnie ont systématiquement assassiné

  5   des milliers d'hommes et de garçons musulmans de Bosnie de l'enclave de

  6   Srebrenica. La Chambre a estimé que Ljubisa Beara a joué un rôle-clé dans

  7   la planification et la mise en œuvre de ces assassinats en masse. Il a été

  8   déclaré coupable de ces crimes, y compris l'extermination et le génocide,

  9   et il s'est vu infliger une peine appropriée, à savoir une peine

 10   d'emprisonnement à vie. Cette condamnation a été une condamnation juste.

 11   Dans son appel, Beara conteste quasiment toutes les conclusions qui ont été

 12   prononcées contre lui. Il affirme qu'il n'était pas dans les zones de

 13   Bratunac ni Zvornik les 13 et 14 juillet 1995, et vous venez d'entendre de

 14   la part de son conseil, page 40 du compte rendu d'audience, qu'il affirme

 15   que Beara n'était pas présent.

 16   Madame, Messieurs les Juges, M. Beara affirme que même si son alibi est

 17   faux, s'il s'est trouvé dans ses zones, qu'il n'a pas pour autant pris part

 18   à l'opération de meurtre. Et enfin, il affirme que même s'il a pris part à

 19   l'assassinat de milliers de personnes détenues, de ces hommes et de ces

 20   garçons, on n'aurait pas dû le condamner à une peine d'emprisonnement à

 21   vie. L'ensemble de ses arguments, dans leur ensemble et chacun pris

 22   séparément, sont viciés, et son appel devrait être rejeté dans sa totalité.

 23   Alors, premièrement, permettez-moi de parler des activités principales de

 24   Beara, de sa participation à l'opération de meurtre. Dans la deuxième

 25   partie, je répondrai à certaines contestations exprimées par la Défense sur

 26   la fiabilité des moyens de preuve pris en considération par la Chambre. Et,

 27   dans la troisième partie, je me pencherai sur les arguments qui concernent

 28   l'entreprise criminelle commune et la déclaration de culpabilité pour


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  1   génocide. Je répondrai en particulier aux arguments que vous avez entendus

  2   ce matin.

  3   Et compte tenu du temps limité qui m'est imparti, je ne pourrai pas

  4   répondre à chacun de ces arguments, mais nous maintenons notre position

  5   telle que présentée dans le mémoire en réponse de l'Accusation.

  6   D'emblée, je dois préciser quelques déclarations erronées que j'ai

  7   entendues pendant les arguments de la Défense et que vous pouvez aussi

  8   trouver dans son mémoire et dans sa réplique. Au paragraphe 341, Beara

  9   affirme que :

 10   "La Chambre s'est fourvoyée lorsqu'elle a constaté qu'il a participé

 11   délibérément et lorsque cela a été pris en considération comme un facteur

 12   aggravant…" Il se réfère au paragraphe 2 154 du jugement. Et il a répété

 13   cet argument aujourd'hui.

 14   Si vous vous penchez sur ce paragraphe, vous verrez que c'est exactement à

 15   l'opposé de ce qu'a conclu la Chambre, à savoir que sa participation

 16   délibérée n'a pas constitué un facteur aggravant puisqu'elle avait déjà été

 17   prise en compte. Donc il ne s'agit pas là d'une présentation exacte du

 18   jugement de première instance.

 19   Deuxièmement, il y a clairement une mauvaise compréhension des dispositions

 20   juridiques et de la jurisprudence de ce Tribunal. Vous avez entendu la

 21   Défense affirmer que le Témoin Vincent Egbers, à savoir un officier du

 22   Bataillon néerlandais, est une déposition qui n'aurait pas dû être reçue

 23   sans corroboration; page 28 du compte rendu d'audience. Ils ont dit que le

 24   bureau du Procureur avait l'obligation de présenter des corroborations pour

 25   le témoignage de ce témoin. Ce qui est essentiellement faux. Et je vous

 26   renvoie aux arrêts en appel -- paragraphe 65; Aleksovski, paragraphe 62; et

 27   jugement Kayishema, paragraphe 154.

 28   Les arguments de Beara sur Egbers, simplement, répètent leurs arguments


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  1   déjà entendus. A savoir, la Chambre de première instance les a pris en

  2   considération, les a examinés en détail, et c'est tout à fait un domaine où

  3   la Chambre a le droit d'apprécier les moyens de preuve. Egbers a été

  4   présenté par son nom à Beara, et le lendemain de la réunion, le 15 juillet,

  5   il a noté qu'il avait rencontré Beara la veille. Donc c'est un fondement

  6   tout à fait raisonnable pour la Chambre, elle est tout à fait en droit de

  7   se reposer sur cet élément de preuve, et la Défense n'a pas démontré qu'il

  8   y a eu erreur.

  9   Troisièmement, la Défense n'a absolument pas pris en compte le Règlement de

 10   procédure et de preuve qui s'applique dans ce Tribunal. Ils ont essayé de

 11   faire admettre par des voies contournées la déposition du chauffeur, Milos

 12   Tomovic. Ils ont essayé de faire cela, et je vous réfère au compte rendu

 13   d'audience d'hier, page 101. Si la Défense avait souhaité que cet élément

 14   de preuve fasse partie du dossier, ils auraient dû citer ce témoin à la

 15   barre, il aurait dû être contre-interrogé, et par la suite on aurait pu

 16   voir quel poids doit être accordé à sa déposition. Ils ont choisi de ne pas

 17   le faire. Vous pouvez voir dans le compte rendu d'audience, page 31 967,

 18   qu'il ne figure pas sur la liste des témoins de Défense.

 19   La Défense, et j'en veux pour preuve le compte rendu d'audience d'hier,

 20   présente des éléments de manière erronée lorsqu'elle dit que l'enquêteur du

 21   bureau du Procureur a déclaré que Beara était à Belgrade des 13 au 15

 22   juillet. Ce n'est pas vrai, et ils le savent. Donc c'est une mauvaise

 23   lecture, erronée, d'un document qui n'a même pas été versé au dossier de

 24   l'affaire. Simplement, ne tenez pas compte de cet argument, il n'en vaut

 25   pas la peine.

 26   De manière comparable, les arguments de la Défense concernant Malinic. Il

 27   n'a pas déposé, et point à la barre. Cela ne figure pas au dossier de

 28   l'affaire. Vous avez entendu la Défense se référer au document 1D374 juste


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  1   à l'instant, c'est un rapport, et ils disent que la Chambre ne s'est pas

  2   penchée sur ce rapport. Mais ce n'est pas exact. La note de bas de page 2

  3   256 nous montre clairement que la Chambre l'a pris en considération. C'est

  4   un rapport vague, avec des chiffres très généraux. Et si vous vous penchez

  5   de manière détaillée là-dessus, vous verrez qu'il s'agit de 6 000 Musulmans

  6   de Bosnie qui sont portés disparus. C'est assez proche du nombre de

  7   personnes qui ont été assassinées pendant cette opération. Donc il n'y a

  8   pas d'incohérence par rapport à ce document.

  9   Donc, simplement, je voulais mettre en exergue quelques exemples en réponse

 10   aux arguments de la Défense. Je vous demande de les prendre avec un grain

 11   de sel.

 12   Vous allez également devoir répondre au fait que les arguments de la

 13   Défense sur le génocide qui ont été soulevés ce matin constituent un écart

 14   radical par rapport à leur mémoire écrit. Tout simplement, ils ne s'y

 15   trouvent pas. Aujourd'hui, ils ont déclaré que la Chambre de première

 16   instance a divergé par rapport aux conclusions de la Chambre d'arrêt dans

 17   Krstic. Au paragraphe 221, cependant, de leur mémoire, vous verrez qu'ils

 18   disent que la Chambre de première instance s'est fourvoyée parce qu'elle a

 19   simplement suivi l'arrêt en appel Krstic. Alors, de deux choses l'une.

 20   Madame, Messieurs les Juges, je vais me pencher sur les arguments qui ont

 21   été avancés, mais nous allons peut-être devoir vous demander un peu de

 22   temps supplémentaire pour pouvoir aborder tout cela --

 23   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, vous nous parlez de

 24   revoir le compte rendu d'audience pour voir l'ensemble des arguments ?

 25   M. GILLETT : [interprétation] Nous avons entendu certains arguments pour la

 26   première fois ce matin; ils ne figurent pas dans le mémoire écrit. Donc

 27   nous aurions besoin de relire le compte rendu d'audience d'aujourd'hui pour

 28   pouvoir voir si nous avons bien répondu à l'ensemble des arguments --


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  1   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Et si vous constatez que tout n'a

  2   pas été couvert par vous, quelle serait la mesure à 

  3   prendre ?

  4   M. GILLETT : [interprétation] Nous allions vous adresser une requête à ce

  5   sujet et nous nous en remettrions à vous pour trancher, pour voir si le

  6   fondement existe. Mais il est prématuré d'en parler.

  7   Donc, à cette réserve près, je vous parlerai à présent de quelques

  8   déplacements-clés de Beara et de ses activités dans l'opération de meurtre,

  9   et je vais me servir de quelques diapositives.

 10   Donc la carte de cette zone, Bratunac et Zvornik. Est-ce que vous voyez

 11   bien la carte ?

 12   Je vois l'heure, Madame, Messieurs les Juges. Je ne sais pas si vous

 13   souhaitez peut-être que la pause intervienne avant que je n'aborde mon

 14   chapitre suivant.

 15   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui, tout à fait, nous allons

 16   faire une pause à présent.

 17   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 12.

 18   --- L'audience est reprise à 13 heures 46.

 19   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Gillett, vous avez la

 20   parole.

 21   M. GILLETT : [interprétation] Je vous remercie, Madame, Messieurs les

 22   Juges.

 23   Avant de reprendre, je tiens à dire que pendant la pause déjeuner, nous

 24   avons examiné le compte rendu d'audience et que nous n'aurons pas besoin de

 25   demander davantage de temps. Je pense que ma réponse vous satisfera.

 26   Je reprends.

 27   Madame, Messieurs les Juges, sur vos écrans vous devriez pouvoir voir une

 28   carte, il s'agit de la pièce P2110. C'est une carte qui nous représente les


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  1   zones où l'opération de meurtre a été menée. Et vous la retrouverez à la

  2   fin du volume 2 du jugement.

  3   J'ai surligné Srebrenica en bas à droite. Au-dessus, vous avez Bratunac,

  4   également une case. Et puis, si vous remontez le long de la rivière Drina,

  5   au milieu à peu près de l'écran, vous verrez Zvornik, qui, lui aussi, est

  6   entouré d'un rectangle. Et donc, ce sont les zones-clés où Beara a été

  7   actif pendant l'opération de meurtre. Beara prétend avoir un alibi qui le

  8   couvre pour cette période, mais rien ne pourrait être plus éloigné de la

  9   vérité. En réalité, il s'est trouvé partout pendant l'exécution et la mise

 10   en œuvre de l'opération de meurtre; paragraphes 1 300 et 1 318 du jugement

 11   de première instance.

 12   Et je vais vous donner quelques exemples -- très peu d'exemples, en fait,

 13   des activités le concernant qui sont pertinentes et qui se sont produites à

 14   ces endroits pendant la période qui nous intéresse.

 15   Premièrement, le 11 juillet, Beara était au poste de commandement avancé du

 16   Corps de la Drina, Pribicevac, juste au sud de Srebrenica. Il était là avec

 17   un autre membre de l'entreprise criminelle commune, Vujadin Popovic, et ils

 18   ont rendu compte à Radislav Krstic. Puis, diapositive suivante, le 12

 19   juillet, au centre de Bratunac, on l'a vu avec Miroslav Deronjic. Puis,

 20   dans la matinée de la même journée, le 12 juillet, Popovic et Momir Nikolic

 21   sont au centre de Bratunac, donc la même ville, et ils parlent de

 22   l'opération de meurtre, comme on peut le voir au paragraphe 280 du

 23   jugement. Puis, la journée du 13 juillet, à la diapositive suivante, les

 24   prisonniers arrivent massivement à Bratunac, et on commence à avoir des

 25   meurtres en plus grand nombre, les activités de Beara s'intensifient.

 26   A titre d'exemple, ce soir, il voit Momir Nikolic au centre de Bratunac et

 27   il l'envoie à Zvornik pour qu'il dise à Drago Nikolic qu'on va y envoyer

 28   des prisonniers pour qu'ils soient tués. Et ce même soir, il rencontre dans


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  1   les locaux du SDS de Bratunac un certain nombre de personnes, y compris

  2   Miroslav Deronjic, pour parler de l'opération de meurtre. La Chambre a

  3   constaté que Beara et Deronjic se sont disputés, non pas sur la question

  4   qui était de savoir s'ils allaient tuer des prisonniers, mais sur l'endroit

  5   où ils allaient les tuer. Paragraphe 1 060.

  6   Beara a affirmé que les conclusions de la Chambre à cet égard se fondent

  7   uniquement sur le témoignage de Deronjic, mais cela n'est pas exact.

  8   D'emblée, en répondant à ses contestations à la crédibilité et la fiabilité

  9   du témoignage de Deronjic, je me permets de noter que cela a été confirmé

 10   au niveau de la Chambre d'appel, le témoignage de Deronjic a été accepté.

 11   En outre, en contestant cette conclusion de la Chambre de première

 12   instance, Beara ne tient pas compte du fait que de multiples témoins se

 13   sont trouvés pour corroborer les conclusions de la Chambre ainsi que

 14   d'autres documents qui viennent à l'appui. Alors, Momir Nikolic, PW-161,

 15   ainsi que PW-170, Borovcanin et d'autres. Paragraphes 1 264 à 1 270 du

 16   jugement.

 17   Par exemple, Momir Nikolic a déposé en disant que ce soir-là, il a vu Beara

 18   et Deronjic dans les locaux du SDS de Bratunac, qu'ils étaient en train de

 19   se disputer sur l'endroit où il fallait mener à bien l'opération de

 20   meurtre. Et je vous renvoie aux paragraphes 1 266 à 1 270.

 21   PW-161 a déposé également au sujet des réunions qui se sont tenues dans ces

 22   mêmes locaux du SDS, où il a été question de tuer les prisonniers et de les

 23   enterrer. Et l'objet de ces réunions auxquelles a participé PW-161 était

 24   l'enterrement des prisonniers tués à Kravica. Je vous renvoie aux

 25   paragraphes 438, 1 267 et 1 268 du jugement. Et PW-161 a confirmé que Beara

 26   se trouvait présent à ces réunions. Il connaissait Beara avant ce moment,

 27   donc il a été en mesure de le reconnaître.

 28   Aujourd'hui, Beara a avancé un argument et il s'est surtout concentré sur


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  1   le fait que dans les récits des témoins sur les "détails" portant sur ces

  2   réunions de la soirée du 13 juillet à Bratunac, il y avait beaucoup de

  3   choses qui ne cadraient pas. Toutefois, la Chambre a expressément pris en

  4   considération cela dans la note de bas de page 4 167. Différents témoins

  5   présentent des récits divergents sur ce qu'ils ont remarqué

  6   particulièrement, mais cela n'est pas étonnant. Deronjic, lui-même, a

  7   affirmé qu'il y a eu un va-et-vient pendant ces débats dans la soirée du

  8   13. Pièce P3139, compte rendu d'audience page 6 448.

  9   Beara ne comprend pas le concept même de corroboration. Il est bien établi

 10   que les témoignages ne doivent pas nécessairement être identiques pour se

 11   corroborer. La clé est qu'un poids probant soit donné par un élément de

 12   témoignage à un autre, et je vous renvoie au jugement en appel Munyakazi,

 13   paragraphe 103; arrêt en appel Mrksic, paragraphe 125. L'appréciation de la

 14   corroboration dans l'affaire Limaj, jugement de première instance,

 15   paragraphe 203. Beara s'est polarisé sur des détails spécifiques de ces

 16   réunions en choisissant de ne pas tenir compte du fait qu'il y a un fil

 17   d'Ariane dans les dépositions de l'ensemble de ces témoins, et c'est la

 18   raison pour laquelle il y a eu une série de réunions dans les locaux du SDS

 19   auxquelles Beara a assisté et où il a pris part pendant les débats sur

 20   l'opération de meurtre.

 21   Qui plus est, les activités de Beara dans la soirée correspondent à ce

 22   qu'il a fait le lendemain dans le cadre de ses déplacements. Le 14 juillet,

 23   vous allez le voir à la diapositive suivante, il a rencontré Popovic et

 24   Drago Nikolic à la caserne de Standard. La Chambre de première instance a

 25   constaté qu'ils se sont rencontrés pour parler de l'opération de meurtre.

 26   Et ce même jour, Beara s'est rendu à l'école Grbavci d'Orahovac, près de

 27   Zvornik également. Et à ce moment-là, des centaines de prisonniers ont été

 28   amenés à l'école la nuit précédente et, le 14 juillet, ont été détenus dans


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  1   des conditions atroces. Les prisonniers ont été tués par la suite près de

  2   l'école.

  3   Encore le 14 juillet, Beara était à Petkovci, un autre endroit près de

  4   Zvornik. Il supervise la détention, le transport, l'exécution et

  5   l'enterrement de plus de 800 prisonniers. Paragraphe 1 279 du jugement.

  6   Le 15 juillet, Beara continue à être la force motrice de cette opération de

  7   meurtre. A 10 heures, il a été enregistré, il appelle Radislav Krstic, qui

  8   était le commandant du Corps de la Drina, et lui réclame davantage de

  9   soldats pour l'aider dans cette opération de meurtre. Il utilise un code,

 10   un euphémisme, en faisant référence à des colis qui doivent être

 11   distribués. La Chambre a conclu que ces termes étaient une référence aux

 12   soldats venus assister dans cette opération de meurtre.

 13   Je vais maintenant vous montrer un extrait d'une conversation interceptée,

 14   pièce P1179. Le locuteur nommé B est Beara. Il explique son exaspération

 15   car il ne reçoit pas les soldats supplémentaires dont il a besoin. Et puis,

 16   ensuite, il fait une déclaration particulièrement révélatrice, que j'ai

 17   d'ailleurs surlignée dans l'encadré. Voilà ce qu'il dit, je cite :

 18   "Je ne sais que faire. Non, mais vraiment, crois-moi, Krle. Il y a encore 3

 19   500 'colis' que je dois distribuer et je n'ai pas de solution."

 20   Alors, maintenant, Beara réfute l'authenticité de cette conversation

 21   interceptée; toutefois, elle a été authentifiée par trois opérateurs, trois

 22   agents, qui ont tous identifié Beara et Krstic comme étant les locuteurs de

 23   cette conversation, tel que cela est énoncé au paragraphe 1 236.

 24   Diapositive suivante, vous voyez qu'il s'agit du même jour, jour où cette

 25   conversation a été interceptée, et là, maintenant, il est enregistré comme

 26   parlant de la distribution de plus de 3 000 prisonniers. Effectivement,

 27   leur nombre fluctuait entre 2 000 et 3 000, et ces prisonniers étaient

 28   détenus dans des endroits avoisinants, au centre culturel de Pilica, à


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  1   l'école de Rocevic et de Kula. Et comme cela est indiqué par la Chambre,

  2   aux paragraphes 504 à 550, ces prisonniers ont bel et bien été exécutés ce

  3   jour-là et les jours suivants.

  4   Le 16 juillet, le jour après qu'il demande davantage de soldats pour

  5   l'aider avec cette opération, il se rend personnellement à l'école de Kula,

  6   où se trouvent des centaines de prisonniers détenus. Il les emmène à la

  7   ferme qui se trouve tout près, l'exploitation agricole de Branjevo, et il

  8   les fait exécuter.

  9   Alors, il y a certains éléments qui sont évidents, manifestes, lorsqu'on

 10   voit cette diapositive. D'abord, le fait que l'alibi avancé par M. Beara

 11   est absolument faux. Et cet élément de preuve étaie ces conclusions, comme

 12   je l'ai déjà mentionné, élément de preuve qui émane de différentes sources

 13   et qui a été évalué à sa juste valeur par la Chambre de première instance.

 14   Deuxièmement, et cela a son importance également, les diapositives montrent

 15   comment ses mouvements suivaient en quelque sorte les meurtres au moment où

 16   ils commencent à Bratunac et alors qu'ils se déplacent au nord jusqu'à

 17   Zvornik. Cela nous donne une idée du rôle central qu'il a joué pour

 18   préconiser et mettre en œuvre cette opération.

 19   Troisièmement, il est important qu'il ait été présent à ces lieux de

 20   détention parce que les conditions y étaient absolument atroces. La chaleur

 21   était suffocante pour les prisonniers, il n'y avait pas suffisamment de

 22   place dans les différentes pièces, les passages à tabac étaient fréquents.

 23   Dans de nombreux cas, des prisonniers ont été tués juste dans ces centres,

 24   dans ces lieux de détention. Et le mépris cruel de Beara par rapport à la

 25   souffrance de ces prisonniers musulmans de Bosnie qui se trouvaient dans

 26   ces conditions ainsi que le fait qu'il indique à plusieurs reprises qu'il

 27   faut en tuer autant que possible et aussi rapidement que possible sont

 28   autant de confirmations de son intention de meurtre et de son intention de


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  1   génocide.

  2   Je vais maintenant m'intéresser à certaines des réfutations vis-à-vis de la

  3   fiabilité des éléments de preuve dressés à son encontre. Très brièvement,

  4   je dirais qu'il me faut parler des critères en appel dans cette phase.

  5   Lorsque vous prenez en considération ses arguments, vous verrez que

  6   quasiment tous les arguments en question ont déjà été présentés lors du

  7   procès en première instance. Il fait fi de la jurisprudence pertinente qui

  8   indique qu'un appel n'est pas une possibilité de recommencer un procès.

  9   Et puis, à propos des nombreux témoins qui ont reconnu Beara pendant cette

 10   période et qui l'ont identifié, dans un premier temps, il indique que les

 11   identifications de ces témoins sont entachées d'erreurs; et deuxièmement,

 12   il indique que bon nombre de témoins se sont entendus pour l'identifier de

 13   façon erronée lors de ces événements.

 14   Si j'en viens maintenant aux arguments présentés en matière

 15   d'identification, qui figurent au paragraphe 10 de son mémoire, je dirais

 16   que la Chambre d'appel a énoncé le critère judicieux dans le jugement qui

 17   permet d'évaluer les éléments de preuve relatifs à l'identification au

 18   paragraphe 55 et a analysé ces éléments de preuve et ces arguments aux

 19   paragraphes 1 219 à 1 229, et ce, de façon détaillée. Ses arguments, en

 20   fait, ne sont qu'une façon de dire à la Chambre de première instance qu'il

 21   n'est pas d'accord avec son évaluation. Ses arguments sont parfaitement

 22   erronés. La plupart de ces témoins connaissaient Beara et ont été en mesure

 23   de le reconnaître, notamment le Témoin PW-161, Miroslav Deronjic et Momir

 24   Nikolic, par exemple. D'autres témoins lui ont été présentés et son nom

 25   leur a été dit, tels que le Témoin Egbers qui a été mentionné, le Témoin

 26   PW-162, PW-104 et PW-165.

 27   Beara était une personnalité connue de la VRS. C'était un haut gradé. Il

 28   était le chef de l'administration chargée de la sécurité. Il avait le grade


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  1   de colonel. C'était une personne facilement identifiable physiquement.

  2   Alors, l'idée suivant laquelle quelqu'un déambulait dans ces endroits en se

  3   faisant passer pour le colonel Beara, qui plus est, lors de réunions

  4   organisées avec des officiels de la région, est une idée qui est tout

  5   simplement indéfendable.

  6   Pour en venir maintenant au deuxième argument relatif à la collusion entre

  7   les témoins. Par son moyen d'appel numéro 5, il donne les noms d'un groupe

  8   d'officiers de la région à propos desquels il avance qu'ils ont conspiré

  9   contre lui, et cela inclut Deronjic, le Témoin PW-161, PW-162, M. Simic et

 10   Zlatan --

 11   L'INTERPRÈTE : Un dénommé Zlatan dont l'interprète n'a pas saisi le nom de

 12   famille.

 13   M. GILLETT : [interprétation] La Chambre a analysé cela de façon détaillée,

 14   et comme la Chambre l'a conclu, il n'y a aucune base qui lui permette

 15   d'avancer ce qu'il avance à propos de la déposition de ces témoins.

 16   Parce qu'en fait, il fait un amalgame entre deux choses. Il fait

 17   l'amalgame entre le fait que certains de ces témoins se connaissaient et se

 18   sont parlé avec le fait qu'ils auraient monté de toutes pièces, concocté

 19   ces éléments de preuve, et ce, pour l'impliquer. Qui plus est, ses

 20   arguments sont parfaitement contradictoires, parce qu'il inclut le dénommé

 21   Zlatan Celanovic comme étant l'un des membres de cette soi-disant

 22   conspiration contre lui. Toutefois, par la suite, dans son mémoire en

 23   clôture, il avance que les éléments de preuve présentés par M. Celanovic

 24   sont des éléments à décharge. Comme au paragraphe 211. Donc, là, il y a un

 25   profond illogisme.

 26   Il indique également qu'il y avait une conspiration séparée contre

 27   lui, entente qui aurait réuni plusieurs témoins de la VRS, Marko Milosevic,

 28   par exemple, et Ostoja Stanisic, qui ont présenté des éléments de preuve à


Page 224

  1   propos de sa présence le 14 juillet à l'école de Petkovici. La Chambre a

  2   examiné par le menu ces arguments et a conclu que ces témoins avaient

  3   répondu de façon tout à fait directe et de façon tout à fait franche. Ils

  4   n'avaient aucune raison, en fait, de s'immiscer dans l'exercice raisonnable

  5   mené à bien par la Chambre.

  6   Et puis, en dernier lieu, et cela a son importance à propos des arguments

  7   en matière d'identification et à propos des arguments portant sur la

  8   collusion entre les témoins qui sont au cœur même de son appel, il est

  9   important de remarquer que les éléments de preuve qui corroborent tout cela

 10   proviennent de toute une variété de sources. Par exemple, dans le journal

 11   de bord de l'officier de permanence de la Brigade de Zvornik, et cela est

 12   indiqué au paragraphe 1 276 du jugement, il est indiqué que le 14 juillet,

 13   et je cite :

 14   "Le colonel Beara est arrivé. Il est arrivé et s'est rendu dans les

 15   endroits suivants : Orahovac, Petkovci, Rocevic, Pilica."

 16   La Défense n'a pas mentionné cela, ni hier, ni aujourd'hui, mais je pense

 17   que c'est quelque chose de particulièrement révélateur. Le 14 juillet,

 18   c'est la date qui correspond au milieu de cette entreprise de meurtre sur

 19   grande échelle, et quatre des lieux où les tueries ont eu lieu sont

 20   mentionnés.

 21   Madame, Messieurs les Juges, il y a également les conversations

 22   interceptées, et j'en ai déjà mentionné une. Elles ont été enregistrées à

 23   l'époque des faits et elles continuent en fait à indiquer de façon

 24   véhémente et catégorique quelles étaient son intention de meurtre et son

 25   intention génocidaire. La Chambre a pris cela en considération et a évalué

 26   leur poids. Il faut savoir que M. Beara n'a pas su montrer l'erreur commise

 27   par la Chambre de première instance lorsqu'elle a évalué la fiabilité des

 28   éléments de preuve présentés contre lui.


Page 225

  1   Sans oublier cela, je vais maintenant en venir aux arguments relatifs

  2   aux conclusions portant sur l'entreprise criminelle commune et les

  3   conclusions portant sur le génocide.

  4   Dans un premier temps, à propos des conclusions relatives à

  5   l'entreprise criminelle commune, la Chambre a conclu que Beara était

  6   l'éminence grise derrière l'opération de meurtre visant à tuer les hommes

  7   et les garçons musulmans de Bosnie qui se trouvaient à Srebrenica. Elle a

  8   conclu que cette opération a impliqué du personnel et des unités de l'état-

  9   major principal de la VRS, et ce, depuis le corps jusqu'au niveau de la

 10   brigade, sans oublier l'organe chargé de la sécurité dont Beara était le

 11   chef, puisqu'il était le chef de l'administration de la sécurité, et qu'il

 12   a joué un rôle très important pendant tout ce temps-là.

 13   Les éléments de preuve montrent qu'il a apporté de multiples

 14   contributions à l'entreprise criminelle commune. Comme je l'ai déjà

 15   indiqué, il a repéré les lieux où mettre en œuvre ces meurtres, il a obtenu

 16   le personnel et le matériel pour les meurtres et pour les ensevelissements,

 17   il a supervisé l'exécution sur différents sites où ont eu lieu ces crimes

 18   et il a coordonné avec d'autres participants cette opération, les autres

 19   participants étant notamment Popovic et Drago Nikolic. Il était

 20   omniprésent, pour reprendre le terme utilisé par la Chambre, et ce, pendant

 21   toutes les scènes de meurtre; paragraphe 1 300.

 22   Beara réfute ces conclusions portant sur l'entreprise criminelle

 23   commune, fondamentalement en répétant les arguments qu'il a déjà avancés en

 24   première instance et en essayant de réinterpréter les conclusions de la

 25   Chambre. Plutôt que de reprendre par le menu tous ses arguments, je vais

 26   m'intéresser à trois de ses arguments que l'on retrouve de façon constante

 27   dans tout son mémoire et qu'il a abordés lors de la présentation orale de

 28   ses arguments.


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  1   Premièrement, il a indiqué que la Chambre avait commis une erreur en

  2   concluant qu'il avait participé à cette opération de meurtre à partir du 12

  3   juillet. Il indique que la Chambre n'a pas fourni les raisons et les motifs

  4   pour avancer cela. Et cela, vous le trouvez au paragraphe 178 de son

  5   mémoire en clôture. A cet égard, je dirais que ses arguments ne sont pas

  6   bien fondés.

  7   Car, premièrement, il a été particulièrement bien établi qu'une

  8   Chambre de première instance peut parvenir à une conclusion dans la mesure

  9   où il s'agit de la seule conclusion raisonnable à dégager sur la base de la

 10   globalité des éléments de preuve; et deuxièmement, la Chambre de première

 11   instance a présenté ses raisons, les raisons qui militent en faveur de cet

 12   argument.

 13   La Chambre a expliqué que le matin du 12 juillet, Popovic, qui était

 14   subordonné à Beara et à l'organe de sécurité, a parlé de cette opération de

 15   meurtre à Bratunac. Et comme je l'ai mentionné, Beara se trouvait à

 16   Bratunac ce même jour. A ce moment-là, lors de cette phase, l'ordre pour

 17   l'opération de meurtre provient de M. Mladic, le commandant de la VRS, tel

 18   que cela est énoncé au paragraphe 1 071. Le fait que Mladic, qui était le

 19   supérieur de Beara, et Popovic, qui était son subordonné immédiat, étaient

 20   tous les deux informés de l'opération de meurtre, au vu du rôle qui a été

 21   joué par l'organe de sécurité dans l'opération de meurtre depuis le début,

 22   sont autant d'éléments de preuve particulièrement convaincants qui nous

 23   permettent de comprendre qu'il était informé de cette opération de meurtre

 24   également. Et comme la Chambre l'a expliqué, cela correspond tout à fait au

 25   comportement qu'il a eu au cours des jours suivants. Une fois de plus, il

 26   n'a pas su démontrer qu'il s'agissait d'une conclusion non raisonnable.

 27   Pour en venir maintenant au deuxième argument, concernant toujours les

 28   conclusions en matière d'entreprise criminelle commune, il avance que


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  1   l'assistance logistique qu'il a fournie pour les inhumations ou

  2   ensevelissements ainsi que le personnel était destiné aux Musulmans qui

  3   avaient été tués lors d'opérations de combat. Vous le voyez par ses moyens

  4   d'appel 6, 15 et 19. Donc, ce qu'il avance à propos de cette assistance

  5   fournie lors de combats est tout à fait inexact. En fait, les éléments de

  6   preuve montrent que cette assistance était une assistance qui avait des

  7   liens directs avec le meurtre et l'ensevelissement des Musulmans de Bosnie

  8   détenus. L'exécution de personnes détenues ne peut pas être considérée

  9   comme une activité de combat et ne peut pas être classée en tant que telle.

 10   Par exemple, j'ai mentionné que le 13 juillet Beara avait rencontré le

 11   Témoin PW-161 au bureau du SDS et que le Témoin PW-161 avait participé à

 12   l'ensevelissement des victimes de l'entrepôt de Kravica à Glogova. Par la

 13   suite, Popovic a donné un ordre pour que ces mêmes victimes soient

 14   réinhumées à Glogova; paragraphe 603 ainsi que paragraphes 1 158 à 1 161.

 15   S'il s'agissait de victimes qui étaient mortes lors de combats, pourquoi

 16   alors est-ce que Beara et un autre membre de l'entreprise criminelle

 17   commune ont demandé qu'elles soient réenterrées ?

 18   Et pour étayer la conclusion de la Chambre suivant laquelle son aide

 19   n'avait rien à voir avec des victimes mortes pendant les combats, nous

 20   avons la déposition du Témoin PW-104. Il a témoigné que le 14 juillet, il a

 21   été convoqué pour une séance de briefing avec Beara, à la caserne Standard

 22   de Zvornik. Et voilà ce que Beara a dit au Témoin PW-104 :

 23   "Nous avons beaucoup de prisonniers et il nous est très difficile de les

 24   contrôler. Ils se trouvent dans différents lieux de la municipalité de

 25   Zvornik. Nous devons nous en débarrasser. Et je m'attends à ce que la

 26   municipalité nous aide."

 27   Le Témoin PW-104 a témoigné --

 28   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On vous a demandé de lire un peu


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  1   moins vite.

  2   M. GILLETT : [interprétation] Excusez-moi. Et merci de me le rappeler.

  3   Une fois de plus, le fait que ces prisonniers ont été exécutés n'a rien à

  4   voir avec des activités de combat.

  5   Et pour en venir maintenant au troisième argument présenté par M. Beara,

  6   toujours à propos des conclusions dégagées au regard de l'entreprise

  7   criminelle commune, il avance qu'il avait seulement l'intention d'échanger

  8   les Musulmans de Bosnie détenus et qu'il n'avait absolument pas l'intention

  9   de les exécuter. Et cela, par exemple, est évoqué dans les moyens 6 et 7 de

 10   son mémoire en appel.

 11   Mais cela est contredit par de nombreux éléments de preuve provenant de

 12   nombreuses sources qui montrent qu'il a participé de plein gré aux

 13   opérations de meurtre, tel que cela est énoncé dans le jugement aux

 14   paragraphes 1 255 à 1 288, et je ne vais pas revenir là-dessus. Mais ces

 15   éléments de preuve bien précis qu'il a utilisés pour présenter son argument

 16   à propos de l'échange des prisonniers ne peuvent pas supporter le poids

 17   qu'il a l'intention de leur donner.

 18   Il a parlé du document 7D2D642. Je pense d'ailleurs qu'un peu plus

 19   tôt sur le compte rendu d'audience cela avait été écrit comme suit, 7D 2D62

 20   [comme interprété], alors qu'il s'agit du document 7D2D642. Je le dis pour

 21   la référence. Alors, il s'agit plutôt du résumé d'une conversation

 22   interceptée qui a eu lieu à 11 heures 25 le 13 juillet 1995. On y fait

 23   référence à M. Beara qui a participé au transport de certains prisonniers

 24   musulmans depuis Kasaba jusqu'au camp de détention de Batkovic. La Chambre

 25   s'est intéressée de façon détaillée à cela et a conclu que cela n'altérait

 26   pas les éléments de preuve portant sur sa participation aux opérations de

 27   meurtre.

 28   Il s'agit d'un résumé en deux phrases. Il n'y est pas question à la


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  1   conversation et nous n'avons pas la conversation sous un autre format. Nous

  2   ne savons donc pas qui est l'autre locuteur de la conversation et nous ne

  3   savons pas quels sont les termes précis qui ont été utilisés. Ce que nous

  4   savons, en revanche, c'est que l'opération de meurtre était censée être

  5   exécutée dans le plus grand secret, tel que cela est énoncé aux paragraphes

  6   1 057 et 1 058 du jugement. Et nous savons que M. Beara était informé de la

  7   vulnérabilité des conversations téléphoniques et qu'elles pouvaient être

  8   interceptées. Nous savons également que plutôt que d'échanger des

  9   prisonniers, Beara en a envoyés des milliers à une mort certaine, tel que

 10   cela est énoncé au paragraphe 1 283, par exemple.

 11   Ensuite, et il le répète souvent pour étayer son argument relatif à

 12   l'échange, nous avons la déposition de M. Zlatan Celanovic. Celanovic a

 13   raconté que Beara avait dit le 13 juillet que si les Musulmans de Bosnie

 14   détenus à Bratunac passaient la nuit, alors ils seraient envoyés à Kladanj

 15   le jour suivant.

 16   Beara avance que cela prouve qu'il pensait qu'ils allaient être échangés.

 17   Toutefois, il fait complètement fi des circonstances pertinentes.

 18   Car, dans un premier temps, Beara se trouvait ce même soir, à savoir le

 19   soir du 13 juillet, dans les bureaux du SDS et a préconisé dans ces mêmes

 20   bureaux le meurtre des prisonniers musulmans de Bosnie, et non pas leur

 21   échange. Deuxièmement, comme je l'ai déjà mentionné, il avait été demandé à

 22   la VRS d'effectuer cette opération de meurtre dans le plus grand secret. La

 23   Chambre a pris bonne note de ces considérations dans le jugement. Et dans

 24   ces circonstances, il n'est pas surprenant qu'il n'a pas parlé ouvertement

 25   des opérations de meurtre avec Zlatan Celanovic, qui était juriste, qui

 26   n'avait pas de grade et qui était rattaché à la Brigade de Bratunac.

 27   De plus, Momir Nikolic a dit que ces prétendus envois de certains hommes

 28   musulmans à Kladanj étaient "un exercice de propagande". C'est quelque


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  1   chose qui se trouve dans sa déclaration C00001, à la page 3. Momir Nikolic

  2   a expliqué que certains hommes musulmans étaient même placés dans les

  3   autocars avec des femmes et des enfants à Potocari et envoyés à Kladanj

  4   pour que les troupes hollandaises les voient, ainsi que la télévision

  5   serbe, mais ensuite on les a fait sortir des bus avant qu'ils n'arrivent à

  6   Kladanj. Et cette information se retrouve reprise dans le jugement aux

  7   paragraphes 334 et 336, et 338 également.

  8   Au vu de ces circonstances, cet argument concernant l'échange n'est pas

  9   convaincant. Car ce que ces deux éléments mis ensemble confirment, c'est

 10   que son alibi n'est pas un bon alibi, il est faux. Ils montrent que ses

 11   activités dans la zone étaient en rapport avec les prisonniers musulmans de

 12   Bosnie.

 13   Monsieur le Président, je n'ai touché qu'une toute petite partie des moyens

 14   de preuve qui démontrent sa participation et sa contribution à l'entreprise

 15   criminelle commune, et c'est quelque chose que vous trouvez en détail étayé

 16   dans le jugement. La Chambre de première instance a pris une décision

 17   raisonnable quand elle l'a condamné pour la participation dans ces crimes.

 18   J'ai parlé de cela, mais maintenant je vais parler des contestations de la

 19   condamnation en ce qui concerne le génocide.

 20   Dans le moyen 19, il dit qu'il n'avait pas l'intention génocidaire, et vous

 21   avez entendu ses arguments à ce sujet. Cependant, Beara a omis de montrer

 22   une erreur, qu'il s'agisse d'une erreur de fait ou de droit, dans le

 23   jugement de première instance, et je dois dire que les arguments qu'il

 24   présente sont les arguments qui portent sur des faits et rien d'autre que

 25   sur les faits par rapport à ce moyen d'appel.

 26   Les Juges de la Chambre de première instance ont conclu dans le

 27   paragraphe 856 que :

 28   "L'échelle et la nature de l'opération de meurtre, le fait d'avoir


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  1   ciblé les victimes, la façon systématique et organisée de mener à bien

  2   l'opération et l'intention d'éliminer chaque homme musulman capturé ou qui

  3   s'est rendu montrent au-delà de tout doute raisonnable que les membres des

  4   forces serbes de Bosnie, y compris les membres de l'état-major principal de

  5   la VRS et la branche de sécurité, avaient l'intention de détruire les

  6   Musulmans de la Bosnie orientale en tant que groupe."

  7   Beara a amplement participé à cette opération et dans les aspects-clés de

  8   cette opération. La Chambre l'a résumé de façon assez claire dans le

  9   paragraphe 1 314, où on parle de : 

 10   "Des efforts vigoureux qu'il a fournis pour organiser les localités,

 11   les sites, pour recruter le personnel, pour trouver l'équipement, pour

 12   organiser et contrôler les exécutions, et tout cela montre sa détermination

 13   de tuer le plus rapidement possible autant de gens que possible."

 14   Et quand il s'agit des arguments que vous avez entendus ce matin, par

 15   rapport a cela, la Chambre de première instance a conclu que l'opération de

 16   meurtre de plusieurs milliers de Musulmans de Bosnie, hommes et jeunes

 17   garçons, était menée à bien seulement et exclusivement sur la base de leur

 18   appartenance ethnique et, en tant que telle, elle était suffisante pour

 19   démontrer l'existence de l'intention génocidaire. Ensuite, on a aussi parlé

 20   du transfert par la force, cette opération qui était, pour les Juges de la

 21   Chambre de première instance, cohérente par rapport à cette conclusion. Et

 22   la totalité des moyens de preuve qui témoignent de cela ont poussé la

 23   Chambre à conclure que Beara avait cette intention génocidaire.

 24   La Défense a dit que cela n'est pas cohérent avec le jugement en appel

 25   Krstic, et ceci n'est pas exact. Car la Défense a omis de dire que dans cet

 26   arrêt, on a confirmé que le fait d'avoir tué autant d'hommes musulmans et

 27   des enfants de Srebrenica dans l'enclave était suffisant pour arriver à la

 28   conclusion qu'il y avait bel et bien l'intention génocidaire. Je vais vous


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  1   citer un paragraphe.

  2   Le paragraphe 21 :

  3   "La Chambre de première instance a établi que Radislav Krstic avait

  4   l'intention de tuer les hommes musulmans de Srebrenica en âge de combattre.

  5   Cette conclusion témoigne de l'intention de commettre un acte génocidaire,

  6   en l'espèce le meurtre de membres d'un groupe protégé prohibé par l'article

  7   4(2)(a) du Statut. A partir de cette intention de tuer, la Chambre de

  8   première instance est aussi arrivée à la conclusion que Krstic avait

  9   l'intention génocidaire, qu'il partageait avec d'autres membres de l'état-

 10   major principal, où il s'agissait de détruire une partie substantielle d'un

 11   groupe cible, à savoir les Musulmans de Srebrenica."

 12   Ensuite, ils continuent au paragraphe 26 :

 13   "Les moyens de preuve principaux étayent la conclusion de la Chambre à

 14   savoir que la force de la VRS avait l'intention d'éliminer tous les hommes

 15   musulmans de Srebrenica en commettant le massacre de tous les hommes en âge

 16   de combattre de cette communauté-là."

 17   Ensuite, le paragraphe 27 :

 18   "Le meurtre des hommes en âge de combattre constituait sans doute une

 19   destruction physique, mais vu l'échelle et l'étendue des meurtres, la

 20   Chambre peut de façon tout à fait légitime arriver à la conclusion que leur

 21   extermination était motivée par une intention génocidaire."

 22   Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, la Défense a dit que

 23   ces victimes ne représentent qu'un tout petit pourcentage de la population

 24   musulmane de la Bosnie orientale et de la population musulmane en Bosnie.

 25   La Chambre d'appel dans l'affaire Krstic s'est penchée là-dessus, et ils

 26   ont noté que la Chambre de première instance avait tout à fait raison de

 27   considérer quel était l'impact à long terme de l'élimination de 7- à 8 000

 28   hommes de Srebrenica sur la survie de cette communauté. Et dans le


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  1   paragraphe 28, on dit justement dans l'arrêt :

  2   "… ayant à l'esprit la caractéristique patriarcale de la société musulmane

  3   et le nombre important d'hommes tués, ceci 'résulterait sans faute à la

  4   disparition physique de la population musulmane de Srebrenica.'"

  5   Ensuite, il poursuit :

  6   "La destruction physique des hommes, donc, avait des implications

  7   importantes quand il s'agit de la possibilité de la procréation de la

  8   population…"

  9   Donc, quand on lit l'appel Krstic, on voit que la Chambre d'appel ne

 10   demande pas la participation proprement dite dans le transfert forcé pour

 11   arriver à la conclusion de l'existence d'une intention génocidaire.

 12   Il y a eu la décision dissidente du Juge Shahabuddeen, mais ceci ne reflète

 13   le raisonnement adopté par la majorité des Juges. C'est pour cela que l'on

 14   parle de l'opinion dissidente. Et on ne peut pas, donc, étayer les

 15   arguments de la Défense uniquement par cela.

 16   De toute façon, la Chambre est arrivée à la conclusion que Beara était tout

 17   à fait au courant de cette opération de transfert par la force. Il savait

 18   que ces meurtres se sont produits pour faire partie d'un modèle d'attaque à

 19   grande échelle et systématique.

 20   La Défense, aussi, a proposé l'argument où elle nous demande

 21   d'ignorer une partie importante de sa condamnation. Et là, il s'agit donc

 22   de l'atteinte grave à l'intégrité physique et psychique causée aux

 23   survivants de ces massacres. Les Juges de la Chambre sont arrivés à la

 24   conclusion que les actes de génocide sous-jacents comprenaient le meurtre

 25   et ces attaques sérieuses à l'intégrité physique et psychique, pas

 26   seulement infligées aux victimes de meurtre à proprement dit, mais aussi

 27   aux hommes qui ont survécu, mais aussi aux membres de famille qui ont

 28   survécu, aux proches des victimes. A savoir, les femmes, les enfants et les


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  1   autres personnes. Donc c'est quelque chose qui se trouve dans les

  2   paragraphes 842 à 847.

  3   La Chambre est arrivée à la conclusion que Beara a commis ces actes

  4   sous-jacents au meurtre de membres d'un groupe, et en tuant les membres de

  5   ce groupe, il a infligé des torts physiques et psychiques aux familles des

  6   victimes et aux survivants. C'est quelque chose qui se trouve au paragraphe

  7   1 310. Donc ses activités avaient un impact immédiat sur les familles des

  8   tués.

  9   C'est pour cela que je pense que vous devriez rejeter les arguments

 10   de la Défense, car ceci n'est pas basé sur l'arrêt Krstic. C'est

 11   parfaitement incohérent par rapport à cela.

 12   Ensuite, un autre argument de Beara. Il dit :

 13   "Toute action entreprise par Beara quant aux hommes en âge de

 14   combattre était tout à fait justifiée, elle était légale, et elle était en

 15   activité avec les combats vu qu'ils étaient considérés comme une menace du

 16   point de vue militaire."

 17   Mais là, vraiment, cela n'a rien à voir avec la loi. Suggérer qu'il y

 18   a quoi que ce soit de légitime dans le meurtre systématique de milliers

 19   d'hommes et de jeunes garçons que l'on tue sur base ethnique ne relève pas

 20   du sens commun. Les Juges de la Chambre étaient parfaitement au courant de

 21   cet argument. Dans les paragraphes 860 à 861 du jugement, elle est arrivée

 22   à la conclusion que l'opération de meurtre a dépassé de large une

 23   éventuelle réponse à une menace légitime. La Chambre a noté qu'il n'y a pas

 24   eu d'efforts considérables pour faire la distinction entre les civils et

 25   les soldats.

 26   Ils ont tué des vieillards, parfois des femmes, et des gens qui

 27   marchaient à l'aide de cannes, même des handicapés mentaux. C'est quelque

 28   chose que vous trouvez dans la note de bas de page 3453. Donc, de


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  1   nombreuses victimes n'avaient rien à voir avec les militaires. Mais ce

  2   qu'elles avaient en commun, c'est que c'étaient des Musulmans de Bosnie. Et

  3   c'était la seule cible réelle de ces crimes.

  4   Donc la conclusion de la Chambre qui consiste à dire que leur

  5   objectif dépassait la motivation militaire est parfaitement cohérente avec

  6   l'arrêt Krstic dans les paragraphes 26 à 27. Donc, quand Beara essaie de

  7   contester cela, c'est juste du révisionnisme dont il fait preuve pour

  8   éviter que la justice soit faite par rapport à ses actes.

  9   Il avait tout à fait l'intention de tuer les Musulmans de Bosnie de

 10   la Bosnie orientale, et c'est quelque chose qui se retrouve dans le

 11   jugement sur la base des moyens de preuve présentés.

 12   Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, dans sa réponse,

 13   il parle du jugement Niyitigeka du Tribunal pour le Rwanda. Si vous

 14   examinez ce jugement, ici, on ne peut pas dire que la motivation militaire

 15   empêche de trouver qu'il y ait eu l'intention génocidaire. Au contraire, la

 16   Chambre d'appel a conclu dans les paragraphes 49 à 53 que les motivations

 17   supplémentaires, telles que des motifs personnels ou des motifs militaires,

 18   n'empêchent pas d'arriver à la conclusion qu'il y a eu génocide. Aussi, en

 19   ce qui concerne le TPIY, vous avez l'arrêt Jelisic, où la Chambre d'appel

 20   en est arrivée à la conclusion que le fait qu'il existe des motifs

 21   personnels, tels qu'un gain économique, avantage politique, et cetera, ou

 22   toutes sortes de pouvoirs, n'empêche pas les Juges de constater qu'il y a

 23   eu bel et bien l'intention génocidaire. Et c'est quelque chose que vous

 24   trouvez au paragraphe 49.

 25   Les moyens de preuve montrent que, en réalité, Beara a pris part à

 26   ces meurtres de masse où il a tué les Musulmans de Bosnie sans aucune

 27   défense et il a fait cela avec des calculs froids. Il a organisé ces

 28   meurtres, ces tueries systématiques, en visant à tuer chaque Musulman de


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  1   Bosnie que l'on pouvait attraper.

  2   Il a dit lui-même qu'il avait une intention génocidaire. Vous allez

  3   trouver cela dans la pièce P1103. Vous allez voir que le 13 juillet, quand

  4   il a été informé que les Musulmans de Bosnie se tuaient eux-mêmes, il a dit

  5   :

  6   "Vous voulez dire qu'ils se tuent entre eux ? Eh bien, parfait.

  7   Qu'ils continuent. Qu'est-ce qu'on en a à faire ?"

  8   Et puis, vous avez d'autres exemples, des exemples que je vous ai

  9   déjà cités, quand il a dit qu'il était en train de se débarrasser de

 10   prisonniers et qu'il avait besoin de l'aide des municipalités. Il a dit

 11   qu'il fallait distribuer 3 500 paquets, et les Juges de la Chambre de

 12   première instance ont trouvé que là il s'agissait des hommes Musulmans, des

 13   prisonniers, qu'il fallait exécuter.

 14   La Chambre de première instance a dit dans le paragraphe 1 316 que

 15   ces propos montrent quel était son état d'esprit, l'état d'esprit d'un

 16   homme qui a l'intention de tuer tous les membres d'un groupe ou d'une

 17   communauté dont il peut s'emparer.

 18   Ensuite, le deuxième moyen dont je vais parler, ceci concerne aussi

 19   la condamnation pour génocide, c'est l'argument de Beara qui consiste à

 20   dire que la Chambre de première instance s'est trompée quand elle est

 21   arrivée à la conclusion que les Musulmans de la Bosnie orientale

 22   constituaient une partie substantielle du groupe de Musulmans de Bosnie en

 23   tant que tout. Ils étayent cela dans le moyen 21 de leur mémoire en appel.

 24   Il dit que les Juges de la Chambre de première instance se sont trompés

 25   quant à la taille de ce groupe.

 26   Quand Beara dit que la Chambre de première instance s'est trompée

 27   quand elle a évalué la taille du groupe, ceci n'est pas exact. La Chambre a

 28   évalué la taille du groupe cible et elle a compris qu'il s'agissait là d'un


Page 238

  1   pourcentage assez petit de toute la population des Musulmans de Bosnie. A

  2   la mi-1995, il y avait déjà 

  3   40 000 Musulmans qui étaient dans l'enclave, et dans ce cas on ne peut pas

  4   dire que leur nombre n'était pas significatif.

  5   Cependant, la Chambre d'appel dans l'affaire Krstic en est arrivée à la

  6   conclusion que l'importance de la communauté des Musulmans de Srebrenica ne

  7   réside pas seulement dans sa taille, car il fallait aussi tenir compte de

  8   la concentration des habitants musulmans dans l'enclave. C'est quelque

  9   chose qui se trouve dans le paragraphe 865. L'élimination de cette

 10   population voulait dire qu'on allait éradiquer toute la population

 11   musulmane de la région, donc vider la région de la population musulmane. Et

 12   ceci avait une importance stratégique sur l'enclave car, s'ils purifiaient

 13   cette enclave de ses habitants musulmans, cela leur permettait d'utiliser

 14   cela comme un exemple puissant pour tous les Musulmans de Bosnie pour

 15   montrer à quel point ils étaient vulnérables, sans défense face à la force

 16   militaire serbe.

 17   Au cours de ces événements, des milliers de personnes ont été tuées, des

 18   dizaines de milliers de personnes ont été expulsées, et la communauté des

 19   Musulmans de Bosnie a souffert un préjudice sans précédent. Ceux qui ont

 20   survécu souffrent de troubles physiques et de blessures psychologiques

 21   suite à cette opération de meurtre. Les Juges de la Chambre de première

 22   instance sont correctement arrivés à la conclusion que ces meurtres en

 23   masse, les plus grands qui se soient produits en Europe depuis la Deuxième

 24   Guerre mondiale, constituent un crime de génocide. Et ceci correspond aux

 25   conclusions de l'arrêt Krstic et de la Cour suprême de justice de Bosnie-

 26   Herzégovine dans les paragraphes 290 à 297.

 27   Beara est la personne qui est la plus responsable de ce génocide qui a été

 28   perpétré contre les Musulmans de Bosnie de l'Est. La Chambre l'a condamné


Page 239

  1   après avoir entendu tous les arguments. Sa condamnation, la peine de prison

  2   à vie, eh bien, ce n'est qu'une toute petite réparation pour les victimes,

  3   aussi bien vivantes que décédées, face à ces crimes sans précédent.

  4   Madame, Messieurs les Juges, la Défense a formulé quelques mots à propos de

  5   la condamnation. Nos arguments sont donc fixés dans notre argumentaire à

  6   cet égard. Il suffit de dire que la Chambre de première instance a noté que

  7   ces circonstances atténuantes étaient d'un poids limité et que, face à son

  8   haut degré de culpabilité pour des crimes aussi graves, une peine de

  9   réclusion à perpétuité était parfaitement adaptée. Tout ce qui serait

 10   inférieur à cela serait manifestement insuffisant.

 11   En résumé, Beara a contesté chaque conclusion élevée contre lui. Au centre

 12   de ses arguments, il y a l'affirmation selon laquelle il y a un complot de

 13   grande ampleur qui vise à l'impliquer de façon erronée dans ces événements.

 14   Cette affirmation est totalement discréditée par les éléments de preuve,

 15   discréditée par une variété de témoins, de documents et de ses propres mots

 16   dans les conversations interceptées. Donc, des points aussi convaincants

 17   dans la direction -- c'est-à-dire, la responsabilité de Beara pour les

 18   assassinats de masse et génocide de Musulmans dans la Bosnie orientale.

 19   Madame, Messieurs les Juges, vous devez écarter ces arguments et maintenir

 20   sa condamnation et sa sentence.

 21   S'il n'y a pas d'autres questions, j'en ai terminé. Je cède la parole

 22   à M. Rogers.

 23   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Gillett.

 24   M. ROGERS : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Présidents

 25   [comme interprété]. Je vais donc répondre à la question que Mme et MM. les

 26   Juges ont posée aux parties, et je m'excuse auprès des interprètes pour la

 27   vitesse de mon débit hier. Je mettrai tout en œuvre afin de ralentir mon

 28   débit aujourd'hui. En espérant que ce ne sera pas trop lent.


Page 240

  1   Alors, la question que Mme et MM. les Juges ont posée est de savoir si le

  2   compte rendu d'audience appuie la constatation selon laquelle un lien

  3   nécessaire existe entre les principaux auteurs des assassinats dans la

  4   rivière Jadar et à Trnovo; et deuxièmement, si ce lien existe entre les

  5   principaux auteurs de crimes qui n'étaient pas nécessairement membres de la

  6   VRS et de l'entreprise commune au meurtre. Et nous notons particulièrement

  7   la note en bas de page du point 10, où Mme et MM. les Juges énumèrent un

  8   certain nombre d'aspects du jugement de la Chambre aux paragraphes 794.1,

  9   .2, .7 et .9, et nous les aborderons.

 10   Madame, Messieurs les Juges, il est clair que du point de vue du droit il

 11   est bien établi que les crimes commis par des personnes qui ne sont pas

 12   nécessairement membres ECC, bien sûr, peuvent être attribués aux membres de

 13   l'ECC dès lors que le lien nécessaire -- et l'un ou l'autre des membres de

 14   l'ECC est démontré. Cela se réfère évidemment à Brdjanin, à 413; à Martic,

 15   à 173 [comme interprété]; Krajisnik, à 225, tous des jugements d'appel.

 16   Et les membres non ECC dans ces scénarios sont fréquemment identifiés comme

 17   étant des outils. Des cas passés du Tribunal ont bien montré une liste non

 18   exhaustive permettant d'établir un lien entre les principaux auteurs et les

 19   membres de l'ECC. Là encore, on y trouve mention dans Brdjanin, à 365 et

 20   411; Martic, à 168; et Stakic, à 65, tous des jugements d'appel. Mais, très

 21   largement, il s'agit de moyens où l'un des membres de l'ECC se trouve dans

 22   un rapport hiérarchique avec les principaux auteurs ou où les principaux

 23   auteurs travaillent en étroite collaboration avec des forces placées sous

 24   l'autorité d'un membre de l'ECC. Et vous vous souviendrez d'après le

 25   jugement d'appel de Martic ainsi que celui de Krajisnik, vous vous êtes

 26   penchés soigneusement sur la façon dont ces liens étaient établis, puisque

 27   la Chambre d'appel a estimé que la Chambre de première instance avait en

 28   partie quelques difficultés à établir ce lien. Je pense que c'est là où Mme


Page 241

  1   et MM. les Juges souhaitent en venir avec la question posée aujourd'hui.

  2   Bien sûr, il convient de se rappeler que la question de savoir si un lien

  3   existe dans le cas précis de cette affaire est une question d'ordre

  4   factuel, et il convient donc d'appliquer une certaine déférence à cette

  5   question factuelle là où elle a été appliquée à moins que cela ne soit à

  6   tel point déraisonnable qu'aucune Chambre de première instance ne puisse

  7   parvenir à cette conclusion. Là encore, la jurisprudence est énoncée à

  8   Brdjanin, Martic et Krajisnik, que je ne vais pas répéter.

  9   La Chambre de première instance de Popovic le comprenait puisqu'elle a fait

 10   référence à cette loi applicable aux paragraphes 

 11   1 029 et 1 030 de son jugement. Donc elle savait pertinemment ce qui était

 12   requis.

 13   S'agissant tout d'abord de la rivière Jadar, la Chambre a estimé que le 13

 14   juillet 1995, 15 Musulmans de Bosnie ont été tués à la rivière Jadar. Les

 15   auteurs ont été identifiés comme étant des forces serbes de Bosnie, ce qui

 16   est défini dans le jugement, et comportaient au moins un membre du MUP,

 17   Nenad Deronjic. Cela se trouve au paragraphe 408 du jugement. Au paragraphe

 18   199 du mémoire en appel, Beara reconnaît que les auteurs de l'incident de

 19   l'assassinat comportaient des membres de la police dans son mémoire au

 20   paragraphe 199. S'agissant des assassinats sur les rives de la rivière

 21   Jadar et d'autres tueries qui se sont déroulées à proximité de Bratunac, la

 22   Chambre de première instance a estimé que :

 23   "Des éléments communs comportaient les unités impliquées," la Brigade

 24   de Bratunac, "les moyens et la méthode par laquelle les meurtres furent

 25   effectués et le calendrier dans lequel ceux-ci se sont déroulés inscrivent

 26   ces événements dans le cadre d'un objectif commun."

 27   Ça, c'est au jugement, 1 074.

 28   Donc, autrement dit, ils ont compris la totalité de ce qui se passait


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  1   sur le terrain au moment où ils sont arrivés à leur décision. Et le compte

  2   rendu d'audience, bien sûr, étaye cette constatation et démontre, par

  3   exemple, que la Brigade de Bratunac coopérait étroitement avec les unités

  4   du MUP impliquées dans ces assassinats. Bien sûr, la Brigade de Bratunac et

  5   les autres membres VRS qui étaient placés sous le commandement de Ratko

  6   Mladic, un des autres membres de l'ECC.

  7   Le Témoin de l'Accusation 112, un des survivants des tueries le long

  8   de la rivière Jadar et un élément-clé pour l'incident, était ensemble avec

  9   d'autres membres de la colonne le 13 juillet, lorsqu'il a été arrêté par

 10   les membres du MUP le long de la route Bratunac-Konjevic Polje. C'est ce

 11   qui est indiqué au paragraphe 390.

 12   La Chambre de première instance a estimé qu'il y avait une seule

 13   opération par les forces serbes de Bosnie le 13 juillet le long de cette

 14   route, la route Bratunac-Polje [comme interprété], se traduisant par la

 15   reddition ou la capture de plusieurs centaines de Musulmans bosniens de la

 16   colonne. Les forces serbes de Bosnie impliquées dans les opérations

 17   comprenaient la Brigade de Bratunac et différentes unités du MUP,

 18   mentionnées dans le jugement à 1 458, 365, 376 à 389. Les membres du MUP

 19   impliqués dans les opérations étaient soit sous l'autorité de la VRS ou en

 20   étroite coopération avec eux. Par exemple, vous trouverez référence dans le

 21   témoignage de Mirko Trivic dans le compte rendu à 11 844, qui était le

 22   commandant de Brigade Romanija, témoignant que les Brigades de Bratunac et

 23   Milici, en coopération avec les forces du MUP, avaient reçu l'ordre de

 24   sécuriser la route Bratunac-Konjevic [comme interprété] et la route

 25   Konjevic-Milici [comme interprété]. Ça, c'est dans le jugement au

 26   paragraphe 376.

 27   De la même façon, dans le compte rendu des services de renseignement

 28   du Corps de la Drina, le 12 juillet, signé par Tolimir, note que les


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  1   commandements des Brigades de Bratunac, Zvornik et Milici devaient agir en

  2   coopération avec la police pour ce qui est de sécuriser les routes, y

  3   compris la route de Bratunac-Konjevic Polje.

  4   Conformément à cela, Momir Nikolic a confirmé que, le 12 juillet et

  5   tôt le matin du 13, par des rapports de renseignement ou d'autres

  6   informations, il a été informé que les forces de la VRS et du MUP

  7   capturaient des hommes musulmans dans la région de Konjevic Polje. Ça,

  8   c'est dans la pièce à conviction à C1. Les Musulmans bosniaques capturés au

  9   cours de cette opération furent tués aux alentours de Bratunac ou

 10   transportés vers la région de Zvornik et tués dans ces localisations, comme

 11   cela est mentionné dans le jugement, 1 449 à 53.

 12   La façon dont le Témoin 112 et les autres victimes de l'incident de

 13   Jadar furent appréhendés, interrogés et ensuite transportés par bus pour

 14   être tués par les forces serbes de Bosnie, y compris les forces du MUP,

 15   cadre avec l'opération et les autres incidents de tuerie effectués ce jour-

 16   là, tels les meurtres de l'entrepôt de Kravica, impliquant les forces VRS

 17   et MUP, tuant des hommes de la colonne détenus. Je me réfère au jugement

 18   408 ainsi qu'à 390.

 19   Le PW-112 a été capturé par les membres du MUP, il a été interrogé à

 20   un site utilisé par le 5e Bataillon du Génie VRS, comme montré dans la

 21   pièce P00686, et amené avec d'autres victimes au site d'exécution à la

 22   rivière Jadar par bus. Les auteurs, dont au moins un a été identifié comme

 23   étant un membre du MUP, portaient un uniforme de camouflage militaire.

 24   Il est clair dans notre écriture que la Chambre de première instance

 25   avait accepté que cet incident faisait partie des opérations par les forces

 26   serbes de Bosnie. Dans la totalité des circonstances, il était donc

 27   opportun de lier cela à un des membres de l'ECC, en l'occurrence Ratko

 28   Mladic, en tant que commandant des forces VRS, soit directement ou par le


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  1   mode de coopération étroite, indiquant que par là même l'attribution à un

  2   membre de l'ECC est faite, et donc la responsabilité est établie jusqu'à

  3   Beara en tant que membre de l'ECC.

  4   Bien sûr, une coopération aussi étroite entre les unités et forces

  5   VRS suffit, comme je l'ai déjà indiqué -- établi dans l'affaire Martic.

  6   Madame, Messieurs les Juges, j'en viens maintenant à l'incident de

  7   Trnovo. Il s'agit là d'une affaire légèrement différente. La Chambre a

  8   estimé qu'en juillet 1995, six hommes et garçons bosniaques étaient tués à

  9   proximité de Trnovo, à environ 150 kilomètres de Zvornik, par une unité MUP

 10   serbe au nom des Skorpions. Ça, c'est dans le jugement, 597 à 599, et

 11   également mentionné au 794.18.

 12   Les victimes furent toutes des Musulmans bosniens de Srebrenica -

 13   jugement, 1 080 - et ont été vus pour la dernière fois par leurs familles

 14   dans l'enclave de Srebrenica en juillet 1995. Dans la pièce P03248, ça,

 15   c'est stipulé. Au moins une des victimes faisait partie de la colonne à un

 16   moment donné, mentionné dans la note en bas de page 2 161 [comme

 17   interprété]. La Chambre a estimé que les assassinats à Trnovo relevaient du

 18   champ de l'ECC au meurtre, estimant qu'il serait "déraisonnable de supposer

 19   que dans le même laps de temps, dans une zone adjacente, il y avait une

 20   opération de meurtre séparée, distincte, ciblant exactement les mêmes

 21   victimes." Ça, c'est au paragraphe 1 080 du jugement.

 22    A la lumière des circonstances des victimes, la constatation de la Chambre

 23   était raisonnable. La Chambre a correctement observé que les victimes

 24   provenaient du même groupe que les autres victimes des incidents de meurtre

 25   de l'opération 1 de l'ECC aux alentours de Bratunac et Zvornik.

 26   De plus, des éléments de preuve indiquent que les Bosniens -- c'est-à-dire,

 27   les Skorpions qui faisaient partie des forces serbes du MUP travaillaient

 28   ensemble avec la VRS à Trnovo en juillet 1995, et je vous renvoie à la


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  1   pièce P03794 et à la référence du compte rendu d'audience 26 860, ainsi que

  2   d'autres références concernant la structure des brigades au jugement de la

  3   première Chambre, 185 et 244.

  4   Madame, Messieurs les Juges, la combinaison de victimes en provenance de

  5   Srebrenica et les Skorpions qui fonctionnaient avec les forces du MUP et de

  6   concert avec la VRS est suffisamment puissante pour que l'incident relève

  7   de l'objectif commun de l'ECC et qu'une telle coopération entre les

  8   Skorpions et les unités du MUP avec les forces de VRS est suffisamment pour

  9   attribuer cela à l'ECC, comme énoncé précédemment.

 10   J'en viens à la deuxième partie de la question. Désolé, ça va prendre un

 11   certain temps pour parcourir tous ces incidents.

 12   Les tueries opportunistes, c'est la deuxième partie de votre question se

 13   référant à 794.1 et .7, à l'école Karadzic de Vuk. Dans son paragraphe

 14   794.1, la Chambre a estimé que les 12 et 13 juillet, entre 40 et 80

 15   prisonniers musulmans bosniaques furent emmenés à partir d'un hangar

 16   derrière l'école Karadzic Vuk et tués. Ça, c'est dans le jugement, 452 à

 17   55. Et au paragraphe 794.7, la Chambre a constaté qu'entre le 13 et le 15

 18   juillet, un nombre inconnu de Musulmans de Bosnie furent tués à l'intérieur

 19   et à l'extérieur de cette même école. Encore dans le jugement, 460 à 63,

 20   et, bien sûr, dans le paragraphe référé.

 21   Les membres VRS, bien sûr, étaient directement impliqués dans la protection

 22   et l'exécution de ces prisonniers. Référence au jugement, 406. Au 406, les

 23   prisonniers musulmans à Bratunac, les 12 au 13 juillet, étaient gardés par

 24   les membres des forces serbes de Bosnie, y compris des policiers militaires

 25   de la Brigade de Bratunac. Ils travaillaient ensemble avec les membres du

 26   MUP dans ces activités, et les éléments de preuve étayant cette

 27   constatation incluent celui de Mile Janjic de la police militaire, dans la

 28   note en bas de page 1 424 du jugement; Momir Nikolic explique dans la pièce


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  1   C1 à la page 6 qu'il a été décidé lors d'une réunion le soir du 13 juillet

  2   au QG de la Brigade de Bratunac que les prisonniers à Bratunac devaient

  3   continuer à être surveillés par des éléments de la Brigade militaire de

  4   Bratunac, différentes forces civiles du MUP et les volontaires armés de la

  5   ville de Bratunac. Ça, c'est au paragraphe 406 du jugement.

  6   Il est tout à fait inconcevable que ces activités n'aient pas été menées

  7   ensemble et dans le cadre de l'opération globale. Les auteurs des

  8   assassinats des prisonniers du hangar derrière l'école étaient des forces

  9   serbes de Bosnie, y compris les soldats en uniforme de camouflage, comme

 10   énoncé au PW-169, un exemple dans le compte rendu d'audience 17 324 à 17

 11   326. En effet, Mladic s'est rendu en personne au hangar le matin du 13

 12   juillet, a donné des instructions à dix membres des forces serbes de Bosnie

 13   qui surveillaient les prisonniers sur place, comme énoncé au paragraphe 402

 14   de ce jugement.

 15   Madame, Messieurs les Juges, les auteurs des assassinats des prisonniers

 16   détenus dans l'école Karadzic et à l'extérieur sur des bus étaient un

 17   mélange de soldats et de policiers, comme en avait témoigné Ahmo Hasic, un

 18   des survivants, au compte rendu d'audience 

 19   1 180, 1 181 et 1 188. Et nous vous renvoyons également au jugement de la

 20   Chambre, 461. Beara lui-même est passé devant les bus garés juste devant

 21   l'école de Karadzic le 13 juillet et a vu des prisonniers détenus à

 22   l'intérieur et autour de cette école, basé sur le jugement, 1 262.

 23   Madame, Messieurs les Juges, au vu des moyens de preuve, les tueries dans

 24   l'école Vuk Karadzic et dans les parages sont liées à l'entreprise

 25   criminelle commune de plusieurs manières. Ces tueries ont constitué partie

 26   intégrante de l'opération conjointe menée par la VRS et les forces du MUP à

 27   Bratunac. Les membres de la VRS ont particulièrement participé à cela. Et

 28   les membres de l'entreprise criminelle commune, tels que Mladic et Beara,


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  1   ont supervisé les activités des forces serbes de Bosnie. En conséquence,

  2   ces assassinats ne constituent pas une partie séparée et distincte de

  3   l'opération de la VRS et du MUP consistant à placer en détention les

  4   prisonniers musulmans. La conclusion que ces tueries étaient les

  5   conséquences prévisibles de la mise en œuvre de l'entreprise criminelle

  6   commune afin de tuer est tout à fait raisonnable.

  7   Alors, passant à l'incident suivant, il s'agit d'une autre situation de

  8   meurtre opportuniste, cette fois-ci à Potocari. Des hommes musulmans ont

  9   été tués dans un champ près d'un cours d'eau à 500 mètres de distance de la

 10   base du Bataillon néerlandais de Potocari; jugement. 354 à 359.

 11   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent que le débit soit ralenti.

 12   M. ROGERS : [interprétation] Excusez-moi. Je présente mes excuses.

 13   Madame, Messieurs les Juges, un homme musulman de Bosnie a été emmené

 14   derrière un bâtiment près de la "maison blanche" de Potocari et a été tué;

 15   jugement, paragraphes 354 et 359. La Chambre a conclu de manière

 16   raisonnable que ce sont les forces serbes de Bosnie qui ont tué neuf hommes

 17   retrouvés près de la base du Bataillon néerlandais à Potocari. Potocari a

 18   été pris le 12 juillet par la VRS et les unités du MUP qui ont agi

 19   ensemble, comme cela a été conclu au jugement de première instance,

 20   paragraphe 302. Les unités du MUP qui ont pris part à la prise de Potocari

 21   comprenaient des recrues de Jahorina et la 1ère Compagnie de PJP de

 22   Zvornik, les deux unités étant placées sous le commandement de Borovcanin.

 23   Je vous renvoie au jugement, paragraphe 185.

 24   Borovcanin lui-même était présent à Potocari le 12 juillet, tout comme

 25   Mladic, en se déplaçant constamment dans cette zone. Je vous renvoie encore

 26   une fois au jugement de première instance. Il a été vu en personne en train

 27   de distribuer la nourriture. Dans la matinée du 13 juillet, les forces

 28   serbes de Bosnie contrôlaient déjà entièrement Potocari, et même les


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  1   membres du Bataillon néerlandais n'étaient pas libres de se déplacer comme

  2   ils le souhaitaient. On le voit au jugement, paragraphes 302 à 305, ainsi

  3   que 357. Compte tenu de ces circonstances, il était tout à fait raisonnable

  4   pour que les Juges de la Chambre de première instance constatent que les

  5   assassinats de Potocari ont été commis par les forces serbes de Bosnie et

  6   qu'ils ont constitué les conséquences prévisibles de l'entreprise

  7   criminelle commune visant à tuer. En effet, lorsqu'on se penche sur les

  8   tueries de ces neuf hommes, les officiers du Bataillon néerlandais ont

  9   constaté qu'ils étaient encore chauds quand ils les ont examinés. Ce sont

 10   les forces serbes de Bosnie qui leur ont tiré dessus. Ils ont tiré sur les

 11   membres du Bataillon néerlandais, comme cela figure au jugement,

 12   paragraphes 355 et 356. Et, encore une fois, les auteurs qui ont tué les

 13   hommes musulmans derrière la "maison blanche" ont été vus par les forces du

 14   Bataillon néerlandais, qui les ont identifiés comme étant des soldats

 15   serbes portant des uniformes de camouflage typiques et qui correspondaient

 16   à d'autres forces serbes de Bosnie, ceux qui contrôlaient Potocari à

 17   l'époque. Ils ont vu des hommes emmenés derrière par des soldats en

 18   uniforme, en laissant entendre qu'ils ont vu ces meurtres.

 19   Compte tenu la participation des forces placées sous l'autorité des membres

 20   de l'entreprise criminelle commune tels que Mladic à l'opération conjointe

 21   avec le MUP, et compte tenu de la participation personnelle de Mladic,

 22   qu'il a dirigé les forces serbes de Bosnie par rapport à ces placements en

 23   détention à Potocari, la Chambre a eu raison de constater que ces meurtres

 24   étaient liés à la mise en œuvre de l'entreprise criminelle commune.

 25   Est-ce que je peux avoir encore juste quelques minutes ?

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.

 27   M. ROGERS : [interprétation] Merci.

 28   Et le dernier événement, 794.9, l'école de Petkovci. La Chambre a


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  1   estimé que le 14 juillet 1995, plusieurs hommes musulmans de Bosnie ont été

  2   placés en détention et tués à l'école de Petkovci; jugement, 498. Ceci a

  3   été reproché en tant que meurtre opportuniste parce que le meurtre

  4   principal des prisonniers musulmans détenus à l'école de Petkovci a été

  5   mené au barrage de Petkovci. Même s'il n'y a pas de constatation spécifique

  6   quant à l'identité précise des auteurs des meurtres de l'école de Petkovci,

  7   les Juges de la Chambre ont constaté et ont conclu que les meurtres au

  8   barrage et à d'autres endroits étaient :

  9   "… bien organisés et ont suivi le même schéma : les hommes étaient placés

 10   en détention, transportés à un site approprié et exécutés sommairement. La

 11   Brigade de Zvornik, sa police militaire, a gardé les prisonniers avant leur

 12   exécution, différents bataillons de la Brigade de Zvornik ont pris part à

 13   cela, ainsi que la Compagnie du Génie de la Brigade de Zvornik qui a

 14   enterré les corps."

 15   Jugement, 1 075.

 16   Madame, Messieurs les Juges, d'amples moyens de preuve démontrent que le

 17   placement en détention et le meurtre des Musulmans de Bosnie à l'école de

 18   Petkovci étaient liés à la mise en œuvre de l'opération de meurtre.

 19   Compte tenu de ces circonstances, nous affirmons que la Chambre a eu tout à

 20   fait raison d'associer cet incident à l'entreprise criminelle commune, de

 21   l'attribuer à l'entreprise criminelle commune, y compris à Mladic et à

 22   Beara.

 23   J'en ai terminé par rapport aux arguments de la Défense Beara. Ceci termine

 24   les arguments de l'Accusation, avant que je n'aie complètement perdu ma

 25   voix.

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

 27   Est-ce que vous nous avez dit que vous avez terminé avec l'exposé des

 28   arguments de l'Accusation ?

 


Page 251

  1   M. ROGERS : [interprétation] Oui.

  2   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Alors, reprenons à 15 heures 23

  3   après la pause.

  4   --- L'audience est suspendue à 15 heures 02.

  5   --- L'audience est reprise à 15 heures 25.

  6   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous entendrons la réponse - pendant

  7   combien de temps ? - 30 minutes. Et à partir du moment où ce sera terminé,

  8   conformément à notre planning tel qu'annoncé hier, nous allons passer au

  9   conseil suivant, M. Bourgon. Donc vous ne serez pas surpris.

 10   Je vois que vous êtes déjà prêt. En bon scout.

 11   M. OSTOJIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je vous

 12   remercie.

 13   Ma première observation, si je puis, c'est que je ne suis surpris de voir

 14   que le bureau du Procureur ne prend en considération l'essentiel de nos

 15   arguments présentés oralement et par écrit. Je me serais attendu au moins,

 16   au lieu de répéter les conclusions de la Chambre de première instance et

 17   les conclusions factuelles, qu'ils se penchent au moins sur la question qui

 18   est de savoir pourquoi convient-il d'accorder un poids à la déposition de

 19   Deronjic. Les décisions de la Chambre de première instance par rapport aux

 20   moyens de preuve sont tout à fait cohérentes tout au long de leurs

 21   conclusions contre Beara. Ils m'ont critiqué de ne pas avoir compris les

 22   circonstances aggravantes, mais si vous vous penchez sur le paragraphe 2

 23   166, la Chambre de première instance a utilisé ce témoignage de Deronjic

 24   pour conclure que Beara a agi froidement et que ça n'a été qu'un froid

 25   calcul de sa part. Ils se sont servis des mêmes crimes sous-jacents pour

 26   trouver qu'il s'agissait d'une circonstance aggravante.

 27   Cela ne me déçoit pas qu'ils ne mentionnent même pas le témoignage de

 28   Deronjic, mais que la Chambre d'arrêt a accordé - c'est ça qui m'étonne - a


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  1   accordé que ces éléments soient introduits. Nous savons que le premier pas

  2   consiste à déterminer si un témoignage est fiable et ensuite d'agir par

  3   précaution lorsque le poids y est accordé. Je pense que dans nos arguments,

  4   à la fois exposés oralement et par écrit, nous avons au moins essayé et,

  5   j'espère, réussi à établir que le témoignage de Deronjic comporte de

  6   nombreux éléments qui ne cadrent pas, qui sont contradictoires, des

  7   déclarations intéressées de la part de Deronjic cherchant à impliquer

  8   d'autres personnes.

  9   Et nous affirmons que des membres de l'entreprise criminelle commune, à ce

 10   moment-là, comprenaient Deronjic, Momir Nikolic, M. Borovcanin et Dragomir

 11   Vasic. Mon éminent confrère a dit que notre principale affirmation était

 12   qu'il y a eu connivence. Eh bien, nous avons vu la pièce à conviction qui a

 13   été versée au dossier, la pièce P886, où le MUP déclare expressément que ce

 14   sont eux qui assument la seule responsabilité. J'ai essayé -- en quelques

 15   minutes que j'ai eues, j'ai essayé de parcourir les arguments oraux pour

 16   voir s'ils ont réagi à cela, s'ils y ont répondu. Non, ils ne l'ont pas

 17   fait. Parce qu'ils ne peuvent pas le faire. Ils refusent de le faire. A

 18   chaque fois qu'un élément de preuve cadre parfaitement avec les arguments

 19   de la Défense, l'Accusation le tourne en dérision ou passe outre ou évite

 20   de l'examiner. Malheureusement, la Chambre de première instance s'est

 21   également fourvoyée en ne donnant pas une opinion raisonnée quant à la

 22   question qui est de savoir pourquoi ces éléments de preuve auraient dû se

 23   voir accorder le même poids que les autres.

 24   Connivence. Deronjic, Momir Nikolic, Borovcanin, Vasic. Est-ce que nous

 25   savons de quoi a été déclaré coupable Deronjic ? Oui, nous le savons, c'est

 26   dans le dossier de l'affaire. Nous savons qu'il a été déclaré coupable de

 27   crimes que lui et d'autres membres de la zone de Bratunac, des hommes

 28   politiques, le MUP, nous avons qu'ils ont pris part aux meurtres de


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  1   Bratunac deux ou trois ans avant le massacre de Srebrenica. Nous savons

  2   spécifiquement grâce à sa déclaration de culpabilité et son accord de

  3   plaidoyer qu'il a été condamné pour les meurtres de Glogova. L'Accusation

  4   voudrait que vous croyiez que M. Beara est venu à Bratunac et que c'est lui

  5   qui a cherché les endroits où ils pouvaient enterrer les prisonniers. Tout

  6   ce qu'il avait à faire, et c'est vrai, c'est de demander à Deronjic : Où

  7   est-ce que tu les as enterrés il y a deux ans ? La vérité c'est qu'il y a

  8   eu connivence parce qu'ils ont tous travaillé de concert, il y a eu

  9   entente, et ensemble ils ont commis des crimes deux ou trois ans avant cela

 10   dans la même zone.

 11   Ils affirment que rien ne permet d'établir un lien entre Deronjic et Momir

 12   Nikolic. Bien sûr qu'il y en a. Ils ne disent pas à la Chambre de première

 13   instance que Deronjic et Nikolic étaient liés par mariage. Est-ce que cela

 14   ne constitue pas un fait pertinent ? Note de bas de page de la décision de

 15   la Chambre de première instance 4 134. Connivence, tout à fait.

 16   La note de bas de page de la décision de la Chambre de première instance où

 17   il est question de dire que Deronjic et Nikolic ont été confrontés l'un à

 18   l'autre et qu'il y a eu déni sur la question qui est de savoir si Momir

 19   Nikolic était présent ou non aux réunions du SDS, ce même Momir Nikolic qui

 20   a déposé non seulement de manière incohérente et contradictoire mais qui a

 21   changé sa déposition, qui a reconnu des crimes pour qu'il puisse avoir une

 22   moindre peine et puis qui s'est rétracté lorsqu'il a vu qu'il n'y avait pas

 23   suffisamment d'éléments de preuve. Donc l'Accusation, de bonne foi,

 24   n'aurait même pas pu accepter ses mensonges quand il a dit qu'il a commis

 25   des crimes. Il a menti. Il était prêt à assumer la responsabilité pour

 26   d'autres crimes simplement pour que sa peine soit réduite.

 27   Donc, tout à fait, il y a eu connivence. Je pense que les éléments de

 28   preuve permettent de voir que ça a existé; toutefois, ce n'est pas au cœur


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  1   de notre argument. Notre argument reste que si vous enlevez les éléments

  2   auxquels il ne faut pas accorder de poids et si on n'accorde que très peu

  3   de poids à la déposition de Deronjic, vous verrez que la Chambre de

  4   première instance n'avait pas suffisamment d'éléments de preuve pour

  5   constater que Beara a été membre de l'entreprise criminelle commune visant

  6   à tuer et que Beara n'a pas contribué de manière importante à cette

  7   entreprise criminelle commune.

  8   Donc -- ou subsidiairement, si vous enlevez le témoignage de

  9   Deronjic, il y a suffisamment là, mais ils savent sans le témoignage de

 10   Deronjic qu'il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve. Il y a quelques

 11   éléments de preuve, qui ne sont pas crédibles, d'après nous. Il y a

 12   quelques éléments qu'il était présent. Mais, en fait, ils tournent en

 13   dérision nos arguments lorsqu'ils disent : Eh bien, en partie, ils

 14   acceptent Celanovic, mais nous le faisons en partie, et si cela est vrai et

 15   si la Chambre constate que Celanovic est un témoin crédible, alors qu'est-

 16   ce que Beara lui a dit ? Rien de criminel ? Rien d'illégal ? Rien

 17   d'offensif ? Rien qui pourrait amener la Chambre de première instance à

 18   conclure qu'il a été membre qui a contribué de manière importante à

 19   l'entreprise criminelle commune --

 20   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent que le conseil veuille bien

 21   ralentir.

 22   M. OSTOJIC : [interprétation] L'Accusation, elle, peut présenter des

 23   arguments subsidiaires, mais pas nous.

 24   Mon éminent confrère a déclaré dans ses arguments oraux que Beara prônait

 25   le meurtre. Mais sur la base de quoi ? Sur la base du témoignage de

 26   Deronjic. Il ne vous dit pas que c'est sur ça qu'ils se fondent. J'aurais

 27   espéré qu'ils auraient avancé au moins le fait que la Chambre de première

 28   instance aurait dû accorder le poids qui convenait à ce témoignage ou


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  1   aurait dû limiter le poids accordé à ce témoignage. Mais tout simplement,

  2   ils passent outre.

  3   Et puis, ils affirment que certaines opinions dissidentes n'ont pas

  4   beaucoup de poids. Je vous en ai cité une de l'affaire Tolimir. Mais ce

  5   n'est pas une opinion dissidente, c'est une opinion séparée. Voyons ce que

  6   dit le Juge Nyambe. Elle aborde la question de connivence entre les

  7   témoins, témoins qui pointent du doigt les autres parce qu'ils voudraient

  8   que leur peine soit réduite. Elle a cité Matthew Hale et elle déclare :

  9   "Cette approche de reconnaître l'aide a été longtemps mal servie, et la

 10   vérité est que beaucoup de mal provient de fausses accusations et que cela

 11   ne permet pas véritablement de révéler et de sanctionner les véritables

 12   coupables."

 13   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En quelle année était-ce ?

 14   M. OSTOJIC : [interprétation] C'était Sir Matthew Hale, en 1800,

 15   "L'histoire des plaidoyers devant la Couronne."

 16   M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

 17   M. OSTOJIC : [interprétation] Oui. Et elle continue pour dire que c'est

 18   avec la plus grande précaution que les Chambres ont agi pendant l'histoire

 19   pour éviter justement d'accorder la foi aux déclarations contradictoires.

 20   Et je pense qu'il vous suffit de voir le témoignage de Dragomir Vasic qui

 21   déclare que le MUP a été le seul responsable et que ce sont eux qui ont agi

 22   dans l'objectif de liquider ou de tuer 8 000 hommes et garçons bosniens.

 23   Et très brièvement, je voudrais déclarer qu'ils ont cité deux arrêts

 24   en appel où ils ont déclaré que : Si quelqu'un a un mobile personnel, voire

 25   même un mobile militaire, cela n'empêche pas qu'il y a intention

 26   génocidaire. Toutefois, toutefois, dans certaines circonstances, cela nous

 27   permet d'avoir le doute raisonnable sur l'existence de l'intention

 28   génocidaire. Nous n'affirmons pas que cela l'empêche, mais cela,


Page 256

  1   certainement, permet de replacer cela dans un contexte approprié et

  2   d'invoquer le doute raisonnable.

  3   L'Accusation a répété d'innombrables fois que nous avons échoué, que nous

  4   n'avons pas établi les choses de manière complète, mais la charge de la

  5   preuve ne repose pas sur nous. A aucun moment elle ne repose sur nous.

  6   C'est la raison pour laquelle nous affirmons que la Chambre s'est

  7   fourvoyée, de fait et de droit, et qu'elle n'a pas appliqué le raisonnement

  8   qu'elle aurait dû appliquer à la déposition de Borovcanin, Nikolic et

  9   Miroslav Deronjic. Et nous vous demandons de vous repencher sur les

 10   conclusions de droit et de fait de la Chambre de première instance pour

 11   voir que le témoignage de Deronjic devrait être exclu et qu'il y a très peu

 12   d'éléments de preuve permettant de conclure à la responsabilité de Beara.

 13   Je vous remercie.

 14   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

 15   M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Et

 16   je serai très bref.

 17   Je vous dirai qu'en l'espèce, l'Accusation devait prouver que M.

 18   Beara était animé d'une intention génocidaire pour détruire la communauté

 19   musulmane de Bosnie à Srebrenica, qui était donc la partie importante et

 20   pertinente de ce groupe. M. Beara a été acquitté du chef de transfert

 21   forcé, et cela, en fait, annule également cette intention générale et

 22   génocidaire. C'est ce que nous avançons. C'est ce qui est démontré très

 23   clairement, d'ailleurs, aux paragraphes 31 et 33 de l'opinion de la Chambre

 24   d'appel de Krstic, que j'ai citée à maintes reprises ce matin, et je ne

 25   vais pas réitérer ce que j'ai déjà dit.

 26   Mais ce que j'aimerais répéter, toutefois, très brièvement, c'est une

 27   partie de l'opinion partiellement dissidente de M. le Juge Shahabuddeen. Il

 28   y a quelque chose que je voudrais dire de façon très, très claire. Car


Page 257

  1   l'Accusation nous dit en un mot comme en cent - bon, je veux par souci

  2   d'équité reprendre ce qu'ils ont dit - mais ils nous disent en fait :

  3   N'accordez aucune opinion à cette opinion puisque c'est une opinion

  4   dissidente. C'est une façon de simplifier de façon grossière ce qui a été

  5   dit, et ce n'est pas vrai. Parce que la seule chose à propos de laquelle le

  6   Juge Shahabuddeen a exprimé son opinion dissidente repose sur le fait qu'il

  7   a conclu que le général Krstic devait être condamné pour génocide. Mais la

  8   majorité, en fait, a annulé la conclusion de génocide émise par la Chambre

  9   et l'a considéré coupable pour avoir aidé et encouragé le génocide. Mais

 10   pour ce qui est d'intention génocidaire, et je pense également à

 11   l'acquittement du chef de transfert forcé, le Juge Shahabuddeen est tout à

 12   fait d'accord avec l'opinion majoritaire à ce sujet. Je ne pense pas que

 13   l'Accusation souhaiterait que je cite à nouveau, bien que je cite très

 14   brièvement parce que cela est très convaincant et très logique et

 15   absolument catégorique, puisqu'il dit au paragraphe 5 [comme interprété] :

 16   "Donc, s'il est considéré de façon isolée, le transfert forcé ne constitue

 17   pas un génocide, mais en l'espèce le transfert ne peut pas être considéré

 18   comme un élément séparé, et c'est sur cette base que la Chambre d'appel a

 19   rejeté l'argument présenté par la Défense indiquant qu'il n'y avait pas de

 20   génocide. En fait, il a fait partie intégrante de ce plan visant à

 21   commettre un génocide, et ce, en tuant, en opérant des transferts forcés et

 22   en détruisant des foyers. Notamment, cela a prouvé que c'est avec une

 23   certaine intention que ces personnes ont été tuées, l'intention étant,

 24   effectivement, de détruire la partie à Srebrenica du groupe musulman de

 25   Bosnie."

 26   Donc M. Beara a été acquitté du chef de transfert forcé, et ce, sur la base

 27   de ce que la majorité avait dit en Chambre d'appel et sur la base de

 28   l'opinion de M. le Juge Shahabuddeen. Je pense que c'est clair.


Page 258

  1   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le Procureur a également cité, me

  2   semble-t-il, des passages du jugement dans l'affaire Krstic où il est

  3   indiqué que la Chambre a dit que l'intention génocidaire peut être déduite

  4   des meurtres et assassinats à proprement parler.

  5   M. SEPENUK : [hors micro]

  6   [interprétation] Excusez-moi. Mais je vous dirais qu'aux paragraphes

  7   31 et 33 de l'opinion, cela a été précisé, développé, étoffé, car il est

  8   indiqué qu'il faut également considérer les transferts forcés parce que la

  9   destruction du groupe était en fait toute la communauté musulmane de Bosnie

 10   de Bosnie orientale, à  savoir 40 000 personnes. Donc une partie de ce

 11   groupe de 40 000 était constituée par les 5 300 personnes, 5 300 -- bon,

 12   quel que soit le chiffre que vous souhaitez accepter pour les hommes en âge

 13   de porter les armes. Mais cela n'était pas suffisant pour juste considérer

 14   les hommes en âge de porter les armes dans cette équation. Parce qu'il faut

 15   qu'il y ait un lien avec la destruction et avec la partie pertinente de ce

 16   groupe qui a été acceptée par la Chambre de première instance, à juste

 17   titre d'ailleurs, et cela comprend toute la communauté, dont certains ont

 18   été tués, il s'agissait d'hommes en âge de porter les armes, et nombreux,

 19   quelque 25 000, ont été expulsés. C'est cela la destruction des enclaves de

 20   Srebrenica et de Zepa dont parle la Chambre de première instance.

 21   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Maître, j'essaie de comprendre --

 22   j'essaie de comprendre exactement ce que vous avancez. Est-ce que vous êtes

 23   en train de nous dire que le groupe ciblé, qu'une partie du groupe ciblé,

 24   doit inclure les hommes qui sont ciblés pour être tués et les hommes qui

 25   sont ciblés pour être transférés en même temps ? Et il n'y a pas de groupe

 26   où seulement sont ciblés les hommes qui vont être tués ? C'est cela que

 27   vous nous dites, Maître ?

 28   M. SEPENUK : [aucune interprétation] 


Page 259

  1   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Donc, lorsque la norme fait référence à

  2   une destruction totale ou partielle, cette partie doit comprendre les

  3   hommes en âge de porter les armes qui doivent être tués et l'autre partie

  4   de la population, les femmes, les enfants et les personnes âgées; ou alors,

  5   est-ce que cette partie inclut seulement les hommes qui ont été ciblés pour

  6   être tués ?

  7   M. SEPENUK : [interprétation] Non, non, c'est la première proposition que

  8   vous avez faite.

  9   M. LE JUGE POCAR : [aucune interprétation]

 10   M. SEPENUK : [interprétation] En d'autres termes, vous avez -- donc, dans

 11   ce groupe de Musulmans de Bosnie de Bosnie orientale, vous avez les hommes

 12   et la population qui a été transférée sous la contrainte, les femmes, les

 13   enfants et les personnes âgées. Et ce n'est pas cela qui a été créé par M.

 14   Beara. En fait, c'est l'acte -- cela se trouve dans l'acte d'accusation,

 15   c'est la théorie de l'acte d'accusation. Et nous l'avons cité dans un

 16   paragraphe parce que c'est cela qui résume la théorie de l'Accusation. Et,

 17   en fait, c'est la théorie de l'Accusation et c'est ce qui a été accepté -

 18   et nous pensons à juste titre, d'ailleurs - par la Chambre de première

 19   instance comme correspondant au groupe des Musulmans de Bosnie de la Bosnie

 20   orientale. Ça, c'est la théorie de l'Accusation en l'espèce. Et en

 21   l'acquittant du chef de transfert forcé, cela, en quelque sorte, annule

 22   l'intention génocidaire, parce que l'intention n'était pas de détruire et

 23   d'anéantir tout le groupe musulman de Bosnie. L'intention, en fait -- et

 24   là, je le dis pour présenter un argument, l'intention aurait donc de tuer

 25   les hommes. C'est au niveau de l'intention ce qu'on peut trouver.

 26   Et pour ce qui est du meurtre, de l'extermination, Me Ostojic en a

 27   parlé. Mais moi je suppose arguendo que s'il doit y avoir une condamnation

 28   en l'espèce, cela devrait être pour meurtre et extermination, mais non pas


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  1   pour génocide.

  2   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Est-ce que vous pourriez, je vous prie,

  3   étoffer un peu votre propos pour nous expliquer comment vous réconciliez

  4   cette notion globale du groupe avec le point de vue suivant lequel le

  5   génocide doit passer par la destruction physique du groupe ?

  6   M. SEPENUK : [interprétation] Vous savez, lorsque j'ai présenté mes

  7   arguments dans l'affaire Krstic il y a dix ans -- et d'ailleurs, Monsieur

  8   le Juge, je pense que vous faisiez partie des Juges à l'époque. Il se peut

  9   que je me trompe, mais je pense que je ne me trompe pas.

 10   M. LE JUGE POCAR : [hors micro]

 11   M. SEPENUK : [interprétation] Le fait est que nous avions avancé qu'il

 12   fallait qu'il y ait destruction physique, que cela était nécessaire, et que

 13   ce déplacement de la population ne pouvait pas être considéré par la

 14   Chambre de première instance, et là nous l'avons pas eu gain de cause car

 15   la Chambre d'appel a dit : Non, cela n'est pas le cas. Le transfert forcé

 16   est un élément, et ils en parlent aux paragraphes 31 et 33 de l'opinion,

 17   et, bien sûr, le Juge Shahabuddeen en parle également. Donc c'est une idée

 18   qui a été rejetée. Donc, bien entendu, nous acceptons cela, vous pouvez

 19   avoir une destruction physique si l'on part du principe que la communauté

 20   ne peut pas se reconstituer.

 21   Donc la conclusion de la Chambre d'appel dans l'affaire Krstic a été

 22   critiquée par des universitaires tels que M. Schabas dans son article sur

 23   le génocide dans le magazine, le "Florida Law Review". Mais bon, nous, nous

 24   ne gravitons pas dans ce monde universitaire. Donc je l'accepte, j'accepte

 25   le raisonnement et j'accepte l'arrêt dans l'affaire Krstic comme étant un

 26   précédent absolument contraignant en l'espèce.

 27   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.

 28   M. LE JUGE NIANG : [interprétation] Donc, si je vous ai bien compris,


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  1   Monsieur, il y a trois actions qui déclenchent le génocide en instance, à

  2   savoir les meurtres et assassinats, le transfert forcé et la destruction

  3   des foyers ? Si je vous ai bien compris --

  4   M. SEPENUK : [interprétation] Je ne pense pas, et il va falloir que je

  5   vérifie auprès du conseil principal, qui connaît les faits beaucoup mieux

  6   que ça. Donc nous n'avons pas -- non, non, nous n'avons pas la destruction

  7   des foyers. Ça, c'était dans l'affaire Krstic.

  8   M. LE JUGE NIANG : [aucune interprétation]

  9   M. SEPENUK : [interprétation] Ici, en l'espèce, nous avons les meurtres des

 10   hommes et le transfert forcé.

 11   M. LE JUGE NIANG : [interprétation] Je souhaite juste comprendre ce que

 12   vous avez avancé. Est-ce que vous entendez que si nous avons la preuve que

 13   quelqu'un a participé aux meurtres et si la même personne n'a pas participé

 14   à d'autres actions qui font partie du génocide, cette personne devrait être

 15   acquittée ? C'est bien cela que vous nous dites ?

 16   M. SEPENUK : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Juge. Parce que

 17   lorsque nous lisons l'arrêt Krstic, il est indiqué qu'il faut qu'il y ait

 18   la conjugaison des deux, à savoir les meurtres et le transfert forcé, parce

 19   que la seule façon qui vous permet de conclure qu'il y a eu intention

 20   génocidaire passe par le fait qu'il faut détruire une partie importante des

 21   Musulmans de Bosnie de Bosnie orientale. Donc, tuer ces hommes, cela

 22   correspond à une extermination, à des meurtres et assassinats, mais non pas

 23   un génocide.

 24   M. LE JUGE NIANG : [interprétation] Alors, je vais m'exprimer d'une façon

 25   différente. Supposons que nous sommes dans une situation où vous avez un

 26   accusé qui a participé à certains meurtres mais pas à tous les meurtres,

 27   est-ce que vous continueriez à dire que cette personne devrait être

 28   acquittée ?


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  1   M. SEPENUK : [interprétation] Monsieur le Juge, tout dépendrait du groupe

  2   visé. Encore faut-il définir quel est le groupe visé. Car, en l'espèce, les

  3   Musulmans de Bosnie étaient le groupe.

  4   M. LE JUGE NIANG : [interprétation] Oui.

  5   M. SEPENUK : [interprétation] La partie du groupe, et c'est ce qu'a avancé

  6   la Chambre de première instance ainsi que l'Accusation, la partie du groupe

  7   était les Musulmans de Bosnie de Bosnie orientale. Et, bon, il faudrait que

  8   j'aie davantage de paramètres pour répondre à votre exemple hypothétique.

  9   M. LE JUGE NIANG : [interprétation] Oui, mais je me base sur les faits,

 10   parce qu'il semble que la Chambre de première instance n'a pas dit que le

 11   transfert forcé n'avait pas existé --

 12   M. SEPENUK : [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE NIANG : [interprétation] -- la Chambre de première instance n'a

 14   pas dit qu'il n'y avait pas eu transfert forcé. D'après ce que vous dites,

 15   la Chambre de première instance a dit qu'il a été acquitté, qu'il n'a pas

 16   participé au transfert forcé. Mais il a participé aux meurtres. Et

 17   pourtant, vous avancez qu'il devrait être acquitté ?

 18   M. SEPENUK : [interprétation] C'est ce que nous avançons effectivement.

 19   M. LE JUGE NIANG : [aucune interprétation]

 20   [La Chambre d'appel se concerte]

 21   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que je vais demander à M.

 22   Gillett de nous faire part de ses observations à propos de cet élément,

 23   parce que vous nous dites que d'après ce que vous comprenez, le groupe

 24   ciblé doit représenter toute la communauté, à savoir les hommes de Bosnie

 25   et ceux qui ont été transférés sous la contrainte ?

 26   M. SEPENUK : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Je ne pense pas que vous vous

 28   êtes intéressé à cet élément. Vous avez évoqué certaines parties du


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  1   jugement qui étayent le point de vue suivant lequel les meurtres eux-mêmes

  2   peuvent nous fournir l'intention génocidaire. Mais est-ce que vous pourriez

  3   nous dire ce que vous en pensez ?

  4   M. GILLETT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, de me donner la

  5   possibilité de répondre à cette question et à la présentation de mon estimé

  6   confrère.

  7   A la lecture de l'arrêt Krstic - et d'après moi, il n'y a qu'une seule

  8   façon de l'interpréter, de le lire - à aucun moment on n'y trouve la

  9   demande de prouver le transfert par la force ou la participation à cela

 10   pour arriver à la conclusion de l'intention génocidaire. Au paragraphe 27,

 11   on le dit très clairement, la dernière phrase :

 12   "Le meurtre des hommes en âge de combattre était sûrement une destruction

 13   physique, et vu l'échelle de ces meurtres, la Chambre de première instance

 14   pouvait en toute légitimité arriver à la conclusion que leur extermination

 15   était motivée par l'intention génocidaire."

 16   Le fait est que le transfert forcible était un facteur en plus mais pas

 17   indispensable. Le groupe cible de victimes dans ce cas était les Musulmans

 18   de la Bosnie orientale, et ils en sont arrivés à la conclusion que l'on

 19   pouvait conclure qu'il y avait bien l'intention génocidaire quand ils ont

 20   tué plusieurs milliers d'hommes et de garçons. L'effet de cela, c'est

 21   l'atteinte sérieuse à l'intégrité psychique et physique causée aux

 22   survivants, aux familles qui devaient continuer à vivre dans l'ombre de ces

 23   événements, et c'est pour cela que vous pouvez, sur la base de l'arrêt

 24   Krstic, arriver à la conclusion qu'il y a bien eu l'intention génocidaire.

 25   Et il n'est pas besoin de prouver qu'il y a eu aussi le transfert forcible.

 26   Donc ce sont nos arguments, à moins que vous n'ayez d'autres questions.

 27   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Avec ceci, donc, se terminent

 28   les arguments de la Défense de M. Beara et leurs répliques, ainsi que la

 


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  1   réplique du Procureur. Nous allons passer à présent à l'appel de Drago

  2   Nikolic, et je vais demander aux conseils de nous présenter leurs

  3   arguments.

  4   Mme NIKOLIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

  5   Madame, Messieurs les Juges. Bonjour à toutes les parties présentes dans ce

  6   prétoire.

  7   Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, c'est un honneur pour

  8   moi de m'adresser à vous aujourd'hui et de vous présenter les arguments

  9   constituant la défense de Drago Nikolic.

 10   Nous espérons pouvoir vous prouver que la Chambre de première instance a

 11   commis une série d'erreurs de droit et de fait et qui ont eu une influence,

 12   certaines, sur la sentence et la condamnation qui a contribué à une

 13   sentence très sévère contre notre client. C'est pour cela que nous allons

 14   demander à la Chambre d'appel de corriger les fautes de la Chambre de

 15   première instance et de libérer l'appelant de ses chefs et de diminuer sa

 16   sentence.

 17   Nous avons deux moyens d'appel. Cependant, nous avons construit notre

 18   argument autour de six parties. Et là, nous allons donc aborder plusieurs

 19   moyens d'appel de plusieurs façons. La première partie concerne le fait que

 20   la sentence n'est pas appropriée.

 21   La deuxième partie tient à dire que la Chambre de première instance s'est

 22   trompée quand ils ont trouvé que Drago Nikolic -- ensuite, que Drago

 23   Nikolic a proposé de nouveaux uniformes aux membres du 4e Bataillon pour

 24   les persuader de participer aux exécutions à Orahovac. Là, je parle des

 25   chefs 13, 14, 20 et 26.

 26   Ensuite, partie 3, là, la Chambre a erré quand elle est arrivée à la

 27   conclusion que Drago Nikolic a ordonné à Peric, du 1er Bataillon de

 28   Zvornik, de garder les prisonniers à Kula, dans l'école, où il savait


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  1   qu'ils allaient être exécutés; les moyens 23 et 24.

  2   Ensuite, partie 4, la Chambre de première instance s'est trompée quand elle

  3   est arrivée à la conclusion que Drago Nikolic a appelé Acimovic, le

  4   commandant du 2e Bataillon, pour le forcer d'exécuter l'ordre que l'on

  5   trouve dans les moyens 15, 16 et 18.

  6   Partie 5, la Chambre de première instance s'est trompée quand elle est

  7   arrivée à la conclusion que Drago Nikolic était présent lors des exécutions

  8   qui se sont déroulées à Orahovac dans la soirée du 14 juillet 1995; il

  9   s'agit là des moyens d'appel 19, 22 et 25.

 10   Et puis, partie 6, là il va s'agir de l'erreur commise par la Chambre de

 11   première instance, et la conséquence de cela, c'est la conclusion que les

 12   meurtres en masse qui ont eu lieu ont été menés à bien avec l'intention

 13   génocidaire, avec l'interaction de Beara et de Popovic, et ceci comprend

 14   les moyens 4, 6 et 23 des moyens d'appel de M. Nikolic.

 15   En ce qui concerne les moyens d'appel 2, 3, 4, 5 -- 8, 9, 11 et 12, M.

 16   Nikolic garde et maintient les arguments qu'il a présentés dans son mémoire

 17   d'appel, et nous n'allons pas les aborder aujourd'hui. A présent, je vais

 18   passer la parole à M. Stéphane Bourgon, mon collègue. Je vous remercie de

 19   votre attention.

 20   M. BOURGON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

 21   Madame, Messieurs les Juges de la Chambre d'appel. Et je salue aussi toutes

 22   les personnes présentes dans ce prétoire.

 23   Avant de présenter mes arguments aujourd'hui, Monsieur le Président, je

 24   souhaite dire en guise de préliminaire qu'hier j'ai écouté avec beaucoup

 25   d'attention les arguments présentés par le bureau du Procureur quand ils

 26   ont répondu aux arguments présentés par la Défense Popovic. Il est clair

 27   que le Procureur a répété de façon impressionnante le jugement dans une

 28   narration qui avait pour but d'impressionner les Juges de la Chambre


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  1   d'appel. Mais ce n'est pas ce que je souhaite faire aujourd'hui. Ce que je

  2   souhaite faire aujourd'hui, c'est de dire qu'hier le Procureur, en

  3   présentant ses arguments, il a mentionné le nom de Drago Nikolic 20 fois,

  4   tout en mentionnant aussi les noms de MM. Beara et Popovic.

  5   Monsieur le Président, c'est une question cruciale en l'espèce. Drago

  6   Nikolic n'était pas du tout proche avec Beara et Popovic pendant les

  7   événements qui se sont déroulés au mois de juillet 1995. Il n'a pas été

  8   proche avec eux avant cela, il n'a pas fait de planification, de

  9   coordination de cette opération de meurtre ou de tuerie avec eux. Au mieux,

 10   on pourrait dire que Drago Nikolic a rencontré Beara et Popovic, qu'il a

 11   reçu des instructions de leur part, mais des instructions limitées.

 12   Ceci, Monsieur le Président, est une des erreurs principales commises par

 13   la Chambre de première instance lors du procès en première instance, quand

 14   Drago Nikolic a été déclaré coupable et a été condamné à cause de son

 15   association avec le service de sécurité, et nous souhaitons vous prouver le

 16   contraire au fur et à mesure que nous allons vous présenter nos arguments.

 17   Alors, je vais passer à l'introduction, Monsieur le Président. La semaine

 18   dernière, j'ai assisté à une conférence, à la conférence de l'Association

 19   des avocats de la Défense, et le Juge Moloto s'est adressé à nous et il a

 20   dit qu'une des missions les plus importantes des avocats de la Défense,

 21   c'est de rendre le travail des Juges difficile. Et je suis tout à fait

 22   d'accord avec lui, et j'ai tout à fait cette intention-là, je vais vous

 23   rendre la tâche très difficile car je vais mettre l'accent sur les

 24   questions sous-jacentes, les questions qui vont vous forcer à vous pencher

 25   vraiment sur le cœur de l'affaire, des éléments de preuve qui vont vous

 26   forcer à évaluer la façon dont la Chambre de première instance a réussi à

 27   commettre toute une série d'erreurs en l'espèce.

 28   Mais la tentation est grande de dire que la Chambre de première instance a


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  1   eu raison dans certains aspects. Oui, en effet, la Chambre de première

  2   instance a eu raison de faire certaines choses. Aujourd'hui, à cause de ce

  3   jugement, les victimes savent que les hommes et les combattants de la 12e

  4   Division de l'ABiH, qui étaient à Srebrenica - et je parle des combattants,

  5   hommes qui ne sont pas arrivés jusqu'à la zone du 2e Corps d'armée alors

  6   même qu'ils s'étaient dirigés dans cette direction - les victimes savent

  7   aujourd'hui qu'ils ont été tués dans des embuscades ou qu'ils ont été

  8   arrêtés, capturés pour être tués dans cinq localités différentes. C'est

  9   quelque chose que nous savons à cause du jugement.

 10   Et le résultat de cela, c'est que les victimes savent où ont eu lieu ces

 11   exécutions, ils connaissent les localités d'Orahovac et Lazete, le barrage

 12   de Petkovci. Ils sont au courant de Kozluk, de Rocevic, le foyer culturel

 13   de Pilica, de la ferme de Branjevo. Ils sont au courant de cela. Ils savent

 14   qu'il y a eu même cette opération qui visait à réenterrer les corps de ces

 15   personnes. Ils savent qu'ils existaient des fosses communes secondaires.

 16   Ils sont au courant de toutes ces atrocités. Et la Chambre de première

 17   instance a eu raison de constater tout cela, mais "c'est là que le bât

 18   blesse."

 19   Car, en ce qui concerne la responsabilité criminelle individuelle de Drago

 20   Nikolic, avec tout le respect que je dois aux Juges de la Chambre de

 21   première instance, ils se sont trompés à de nombreuses reprises. Et c'est

 22   de cela que je vais parler dans mes arguments aujourd'hui, car, Monsieur le

 23   Président, les victimes et les familles des victimes méritent mieux, et les

 24   conclusions erronées que l'on a tirées sur la base des dépositions de

 25   certains témoins qui ont menti devant ce Tribunal, il faut les montrer, il

 26   faut jeter la lumière sur ces éléments-là.

 27   La Chambre de première instance est arrivée à la conclusion juste que

 28   Drago Nikolic n'avait pas d'intention génocidaire, et je vais revenir sur

 


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  1   cette conclusion qui est une bonne conclusion. Mais tout de suite après, la

  2   Chambre s'est trompée en disant qu'il était au courant, conscient de

  3   l'existence de l'intention génocidaire des autres et qu'il était conscient

  4   du fait que cette opération de tuerie de grande ampleur s'est déroulée avec

  5   l'existence de cette intention génocidaire. Et je vais parler de cela à la

  6   fin de mon argument.

  7   Mais il est important de se demander comment il se fait que la Chambre

  8   s'est trompée à un tel point sur le plan juridique et sur le plan des

  9   faits, et surtout il s'agit d'une mauvaise évaluation, d'une mauvaise

 10   interprétation des dépositions de témoins-clés.

 11   Et à présent, je vais demander de passer à huis clos.

 12   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

 14   [comme interprété].

 15   [Audience à huis clos partiel]

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 14   [Audience publique]

 15   M. BOURGON : [interprétation] Excusez-moi. Vous avez vu devant vous une

 16   dame âgée regarder les Juges de la Chambre d'arrêt et nous regarder. En

 17   2005, j'ai commencé mon travail dans ce prétoire avec cette diapositive et

 18   je vais terminer avec la même diapositive.

 19   Nous avons invité les Juges de la Chambre de première instance à se pencher

 20   sur ce qui est derrière ce qui saute aux yeux et les Juges ne l'ont pas

 21   fait. Alors, je vous supplie, Monsieur le Président, lorsque vous verrez

 22   les yeux de cette vieille dame, vous comprendrez en fait que ce ne sont pas

 23   les yeux, que c'est une oreille, et le nez qui n'est pas un nez mais c'est

 24   le menton, et vous verrez que cette vieille dame n'en est pas une, que

 25   c'est une jeune femme, et vous verrez que nos arguments sont ceux qui sont

 26   véridiques.

 27   Alors, permettez-moi d'aborder la première partie de mon exposé.

 28   Par où commencerons-nous ? Par la peine. Pourquoi ? Ce n'est pas

 


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  1   habituel. Vous ne le voyez pas souvent. Mais nous souhaitons souligner les

  2   erreurs commises par la Chambre de première instance lorsqu'elle a imposée

  3   cette peine de 35 ans de prison à Drago Nikolic. Monsieur le Président,

  4   rien que cette conclusion-là, cette conclusion-là de la Chambre de première

  5   instance, s'il n'y avait que celle-ci, eh bien, nous faisons valoir qu'il

  6   faudrait la réduire -- donc, que cette peine de prison devrait être réduite

  7   de manière considérable. Et nous avons argumenté cela aux paragraphes 1 à

  8   45 de notre mémoire en appel au moyen d'appel numéro 1. Et nous allons nous

  9   pencher sur trois questions. Premièrement, les erreurs au niveau de

 10   l'appréciation de la gravité des crimes pour lesquels a été déclaré

 11   coupable M. Nikolic. Deuxièmement, l'impact du caractère de Drago Nikolic

 12   sur la peine, ce qui a incité à la Chambre de première instance à tirer

 13   d'autres conclusions. Et le fait que la peine imposée s'écarte de peines

 14   imposées à d'autres accusés dans des circonstances identiques ou

 15   similaires.

 16   Alors, parlant de la gravité, nous aborderons cela en trois parties :

 17   premièrement, la période de temps, la Chambre de première instance s'est

 18   fourvoyée en identifiant la période de temps de l'implication de Drago

 19   Nikolic; elle s'est fourvoyée sur l'importance de la contribution de Drago

 20   Nikolic pendant l'opération de meurtres ainsi que sur son implication

 21   générale aux événements de Srebrenica dans leur ensemble; et enfin, la

 22   Chambre de première instance s'est fourvoyée en appréciant la contribution

 23   de Drago Nikolic par rapport à celle d'autres acteurs participant aux mêmes

 24   événements.

 25   Premièrement, s'agissant de la période de temps, la Chambre de

 26   première instance a commis une erreur lorsqu'elle a constaté que Drago

 27   Nikolic a pris part à l'entreprise criminelle commune aux fins de tuer du

 28   13 juillet dans la soirée jusqu'au 16 juillet dans l'après-midi. Il suffit


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  1   de lire simplement les conclusions de la Chambre de première instance pour

  2   voir que la contribution de Drago Nikolic et sa participation à l'opération

  3   de meurtre s'est terminée dans la matinée du 15 juillet. Cette contribution

  4   s'est terminée -- le dernier événement était la conversation alléguée qu'il

  5   aurait eue avec Acimovic, le commandant du 2e Bataillon, qu'il aurait

  6   appelé pour exercer une pression sur lui. Et nous reparlerons de cette

  7   conversation puisque c'est un de nos arguments en appel. Mais, pour

  8   l'instant, partons de l'hypothèse que cette conversation a eu lieu. Et

  9   après cette conversation, il n'y a plus de participation de Drago Nikolic à

 10   l'opération de meurtre. Tôt le matin, il est de service, il termine sa

 11   relève -- ou, plutôt, il commence, il commence sa tournée de service tôt

 12   dans la matinée du 15 juillet. Donc, ce dont nous sommes certains, il

 13   commence à 11 heures 45, mais d'après la Chambre de première instance, il

 14   aurait pu commencer dès 4 heures 40.

 15   Il n'y a pas de conclusion de la part de la Chambre de première

 16   instance comme quoi il aurait été participant aux événements de Rocevic

 17   pendant la période allant du 15 au 16 juillet. Je vous renvoie au

 18   paragraphe 1 372 du jugement. La Chambre de première instance a constaté

 19   que Nikolic n'était pas à Rocevic, le paragraphe 1 370; et la Chambre de

 20   première instance a conclu que la dernière mention dans le registre écrite

 21   par Drago Nikolic le 16 juillet n'était pas liée à l'entreprise criminelle

 22   commune. L'Accusation a essayé de faire valoir que cette mention dans le

 23   registre - et je vous renvoie à la pièce P377, pages 148 à 149 -

 24   l'Accusation a fait valoir que cette mention signifiait qu'il envoyait des

 25   munitions pour des assassinats probablement à la ferme de Branjevo ou le

 26   centre culturel de Pilica, et la Chambre de première instance a conclu que

 27   ce n'était pas le cas.

 28   Dans la matinée du 16 juillet, il a terminé son service. Il se trouve


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  1   à la caserne Standard, au QG, au commandement de la brigade, mais nous ne

  2   savons pas ce qu'il est en train de faire. Ce que nous savons, c'est qu'un

  3   petit peu plus tard il va aller déjeuner avec sa femme parce que c'est son

  4   anniversaire. Et d'ailleurs, les Juges de la Chambre de première instance

  5   ont omis de constater cela. Je vous renvoie à la déclaration de Vida Vasic,

  6   3D474, ainsi à la page 25 935 du compte rendu d'audience. Et par la suite,

  7   Drago Nikolic a pris part aux préparatifs pour l'enterrement de son cousin,

  8   il était présent à l'enterrement le lendemain et, de ce fait, il s'est

  9   complètement exempté de l'opération de meurtre.

 10   Mais dans la matinée du 16 juillet, il termine son service et il est

 11   relevé, et les éléments de preuve montrent qu'il est relevé ce matin-là par

 12   un autre officier de permanence. Il est à la brigade et il ne participe

 13   pas. Nous savons tous ce qui est en train de se passer à ce moment-là à

 14   l'école Kula, à la ferme de Branjevo, et plus dans l'après-midi au centre

 15   culturel de Pilica. Mais tout simplement, il ne s'y trouve pas. Et cela se

 16   fonde sur les conclusions de la Chambre de première instance.

 17   Alors, un deuxième point s'agissant de la contribution générale de

 18   Drago Nikolic aux événements de Srebrenica et pendant l'opération de

 19   meurtre. Qu'est-ce qu'il a fait ? Nous allons commencer par les événements

 20   de Srebrenica.

 21   Ce procès ne porte pas uniquement sur Zvornik, ça a commencé avant

 22   cela. Ça a commencé au moins avec le lancement de l'opération Krivaja 95,

 23   donc une opération qui avait été planifiée des mois avant cela. L'ordre de

 24   préparation date du 2 juillet. Puis, les brigades ont envoyé les forces au

 25   combat qui va avoir lieu pour capturer Srebrenica. Puis, Srebrenica est

 26   capturée. Puis, nous allons séparer les hommes de leurs familles. Puis,

 27   nous allons transférer de force les femmes, les enfants et les personnes

 28   âgées. Et puis, nous allons faire prisonniers les membres de la colonne.


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  1   Puis, des exécutions vont commencer dans la vallée de la Cerska. Puis,

  2   davantage d'exécutions à l'entrepôt de Kravica, il s'agira de milliers de

  3   personnes. Et puis, le transport de prisonniers pour Bratunac.

  4   Mon confrère, dans le dernier exposé de ses arguments, a fait l'impossible

  5   pour vous montrer comment il y a eu ce risque sur le plan de la sécurité

  6   par la présence des prisonniers à Bratunac et que, à un certain moment, il

  7   a été décidé d'en emmener certains dans le secteur de Zvornik. Puis, nous

  8   avons cinq sites d'exécution : Orahovac, Petkovci, Kozluk, la ferme

  9   militaire de Branjevo, le centre culturel de Pilica. Puis, nous allons

 10   ratisser le secteur pour nous assurer que tous les Musulmans qui sont

 11   encore sur place seront tués. Et puis, nous avons les survivants à la ferme

 12   de Branjevo qui disparaissent. Puis, nous avons les prisonniers de

 13   l'hôpital de Milici qui disparaissent. Et ensuite, nous avons l'opération

 14   de réensevelissement.

 15   Donc, là, j'abrège, mais c'est de ces événements-là que nous parlons

 16   lorsque nous parlons de Srebrenica. Mais où est Drago Nikolic dans tout

 17   cela ? Voilà où il est : il a reçu un appel téléphonique le 13 juillet, et

 18   c'est un appel que nous contestons. Il est présent à l'école d'Orahovac,

 19   nous n'allons pas le nier. Drago Nikolic l'a dit lui-même lorsqu'il a parlé

 20   aux Juges de la Chambre de première instance à la fin de son procès. Il

 21   était présent à un moment de cette journée à l'école d'Orahovac. Puis, bien

 22   sûr, il a pris part à Kozluk et Rocevic -- en fait, je mets de côté Kozluk

 23   et Rocevic parce que ce sont des conversations que nous contestons. Et mis

 24   à part cela, c'est tout ce que nous avons sur Drago Nikolic.

 25   Donc nous disons que la Chambre de première instance s'est fourvoyée parce

 26   qu'elle ne l'a pas vu. Qu'en est-il de sa contribution pendant cette

 27   période ? Donc elle se limite aux dates du 13 au 15. Du 13 au 15, qu'a-t-il

 28   fait ? Un officier de rang inférieur qui a été concerné par des aspects


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  1   spécifiques d'une opération de très grande envergure, il avait une

  2   connaissance très limitée de cette opération, donc c'est un officier de

  3   rang inférieur qui n'a aucune influence sur les ordres qui sont exécutés le

  4   long de la voie hiérarchique, la chaîne de commandement, les ordres émanant

  5   de ses supérieurs, et parfois il s'agit même de personnes qui ne sont pas

  6   ses supérieurs, qui sont -- donc, nous avons un officier de rang inférieur

  7   qui a réussi à s'extraire de ce cauchemar. Et nous voyons que la Chambre de

  8   première instance s'est fourvoyée parce qu'elle n'a pas vu la véritable

  9   contribution de Drago Nikolic à cette opération.

 10   Pour le reste, nous contestons sa présence à Orahovac au site d'exécution.

 11   Nous contestons le point sur l'uniforme et les conversations avec Acimovic.

 12   Alors, pour ce qui est de la gravité. Alors, quelle est la contribution

 13   relative de Drago Nikolic par rapport à la contribution des autres ?

 14   Prenons deux exemples, Borovcanin et Pandurevic.

 15   Borovcanin, commandant adjoint de la brigade de police spéciale du MUP,

 16   impliqué et présent lors de la séparation des hommes de leurs familles, lié

 17   aux exécutions à l'entrepôt de Kravica. D'après la Chambre de première

 18   instance, il aurait vu au moins un car de corps sur le site. Ses actes en

 19   donnant l'instruction à ses hommes de participer, d'après la Chambre de

 20   première instance, ont constitué une contribution substantielle au crime de

 21   transfert forcé. Il est impliqué dans les opérations de bloquer la colonne

 22   et il avait l'autorité et la capacité à influencer ces événements. Et comme

 23   nous le savons, le 15 juillet, à midi, il rencontre Dragan Obrenovic, le

 24   chef d'état-major de la Brigade de Zvornik, et Pandurevic, le commandant de

 25   la Brigade de Zvornik, afin d'évoquer les prochaines opérations visant à

 26   bloquer la colonne. Il est bien plus impliqué que ne l'est Drago Nikolic,

 27   et ça, la Chambre de première instance n'en a pas pris compte, Monsieur le

 28   Président.


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  1   Pandurevic, le commandant de brigade, impliqué dans l'attaque de la brigade

  2   et la capture de Srebrenica, impliqué dans la situation à Zepa. Il a un

  3   accès direct à Mladic. Il a un accès direct à Krstic. Il est impliqué dans

  4   le combat contre la colonne et d'empêcher les Musulmans de Bosnie

  5   d'atteindre le territoire du 2e Corps de l'ABiH. A partir, donc, du 15

  6   juillet le matin, la Chambre de première instance a constaté que cet homme

  7   savait ce qui se passait sur son territoire. Il savait que des milliers de

  8   gens se trouvaient dans la zone de Sarajevo afin d'y être tués. Ensuite, le

  9   récit se poursuit, et je ne vais pas entrer dans le récit de Pandurevic, ce

 10   n'est pas mon affaire. Bien sûr, il est impliqué dans le meurtre des

 11   patients de l'hôpital de Milici, les mêmes personnes qui lorsqu'elles

 12   étaient sous la garde de Drago Nikolic étaient maintenues en sécurité, et

 13   ça, c'est le constat de la Chambre de première instance. Et surtout, le

 14   fait que le commandant de la brigade, si quelqu'un avait l'autorité, la

 15   capacité, la possibilité et le courage d'empêcher cela, c'était bien le

 16   commandant de brigade. Lorsque l'on regarde la contribution de Drago

 17   Nikolic et la contribution d'autres, ceci doit être apprécié, Monsieur le

 18   Président. Et la Chambre de première instance, à notre avis, ne l'a pas

 19   fait.

 20   Je vois qu'il me reste cinq minutes. Je passe au point suivant s'agissant

 21   de l'impact de la personnalité de Drago Nikolic, de son impact s'agissant

 22   de -- je vais essayer d'accélérer afin de terminer cela ce soir.

 23   S'agissant de sa personnalité, eh bien, nous savons que Drago Nikolic

 24   est second lieutenant, je l'ai dit en 2005 et je répète, c'est-à-dire le

 25   rang le plus bas à l'échelle militaire par rapport à tous les autres

 26   généraux qui ont été condamnés et jugés coupables. S'agissant de la

 27   personnalité de Drago Nikolic, nous avons notamment le fait qu'il n'était

 28   pas diplômé de l'académie militaire. Nul ne l'aimait ni ne lui faisait


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  1   confiance car ce n'était pas un véritable "officier". Le fait que c'était

  2   le responsable de la sécurité et qu'il devait enquêter sur ses collègues,

  3   personne ne l'aimait puisque personne n'aime la sécurité, ça fait partie du

  4   jeu lorsque vous devez enquêter sur vos collègues. Le fait que le

  5   commandant de la brigade, Pandurevic, a décrit Drago Nikolic comme portant

  6   un manteau qui était trop grand pour lui. Il a affirmé que le manteau de la

  7   sécurité était beaucoup trop grand pour lui. Et ensuite, Drago Nikolic

  8   était perturbé, et c'est peu dire, par rapport à ce qui lui a été demandé

  9   de faire, même si c'était moins que ce que la Chambre de première instance

 10   pense qu'il a été demandé de faire.

 11   Lorsqu'il sort de la réunion avec Beara et Popovic le 14 juillet au

 12   matin, qu'il parle à son chauffeur, Bircakovic, et il dit que -- Bircakovic

 13   a témoigné qu'il était fou, il ne pouvait pas croire à ce qu'on lui

 14   demandait de faire à toutes ces personnes qui venaient pour un échange.

 15   Pourquoi ne pas croire Bircakovic lorsqu'il dit que c'est ce que Drago

 16   Nikolic a dit ? Bircakovic a été utilisé, son témoignage a été utilisé,

 17   comme dans bon nombre d'autres domaines, la Chambre de première instance

 18   s'est fiée au témoignage de Bircakovic. Mais pour cela, non, il ne l'a pas

 19   dit parce que ça aurait été trop pratique. Bien sûr, il y a un lien avec la

 20   conversation de la nuit précédente, mais nous y reviendrons.

 21   Monsieur le Président, je vais m'arrêter là pour aujourd'hui car je

 22   vois que l'heure avance. J'aurai juste un petit argument à déployer ce

 23   matin [comme interprété] pour terminer sur ce motif d'appel. Le fait

 24   simplement que cette sentence, 35 ans d'emprisonnement, même si tout le

 25   reste est vrai et est maintenu après cet appel, constitue véritablement une

 26   rupture par rapport aux peines imposées à d'autres. Les deux exemples que

 27   je vais citer demain : Krstic, le grand général tout au sommet de

 28   l'opération qui a été condamné d'aider et d'encourager pour 35 ans; mais


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  1   Jokic, quelqu'un qui est encore supérieur de Drago Nikolic mais qui est

  2   plus bas dans la chaîne alimentaire et qui est également impliqué dans

  3   l'envoi de matériel de génie vers les sites de meurtre, et il est également

  4   officier de garde à la brigade. J'y reviendrai demain. Donc, 35 ans, ça

  5   constitue une rupture majeure motivée par une seule chose, tout simplement

  6   parce qu'il était officier de sécurité.

  7   J'en ai terminé pour aujourd'hui, Monsieur le Président. Je vous remercie.

  8   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Donc l'audience est levée.

  9   Nous reprenons demain à 10 heures.

 10   M. ROGERS : [interprétation] Je voudrais juste évoquer une question

 11   concernant l'ordonnance matérielle.

 12   M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

 13   M. ROGERS : [interprétation] Sachant l'ordre des choses demain, je pense

 14   que nous terminerons l'affaire présentée du client de M. Bourgon demain, et

 15   ce qui nous amènera à Pandurevic. Il est tout à fait possible, je m'en suis

 16   entretenu avec M. Haynes, que nous terminerons cela demain après-midi. La

 17   question que je pose à Mme et MM. les Juges : avez-vous l'intention de

 18   démarrer l'appel de l'Accusation avant d'avoir terminé les appels de la

 19   Défense de M. Miletic ? Je suppose que vous n'avez pas l'intention de le

 20   faire, mais je voudrais simplement tirer cela au clair. Ce serait

 21   effectivement très utile si vous pouviez faire ça.

 22   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, nous n'allons pas procéder de

 23   la sorte --

 24   M. ROGERS : [interprétation] Non, je voulais simplement en avoir le cœur

 25   net.

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Donc l'audience est

 27   levée.

 28   --- L'audience est levée à 16 heures 45 et reprendra le mercredi 4 décembre


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  1   2013, à 10 heures 00.

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