Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 6 décembre 2013

  2   [Audience d'appel]

  3   [Audience publique]

  4   [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

  5   [L'Appelant Miletic est absent]

  6   --- L'audience est ouverte à 9 heures 35.

  7   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Donc, nous commençons plus

  8   tôt et, bien entendu, sans porter préjudice aux droits des parties, il se

  9   pourrait que nous terminions cet appel aujourd'hui. Et il se peut également

 10   que nous ayons une pause déjeuner un peu plus courte de ce fait.

 11   Monsieur Kremer.

 12   M. KREMER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'aimerais dire

 13   aux fins du compte rendu d'audience que je m'appelle Peter Kremer et que je

 14   représente l'Accusation et que je suis accompagné ce matin de M. Paul

 15   Rogers et de M. Kyle Wood, que vous avez déjà entendus un peu plus tôt.

 16   Je commencerais dans un premier temps par vous présenter les grandes lignes

 17   des arguments de l'Accusation en appel. Nous allons reprendre l'ordre

 18   utilisé dans nos réponses et nous allons également nous en tenir à la

 19   longueur de nos écritures. En tant que tel, je vais dans un premier temps

 20   présenter quelques idées brièvement à propos de l'acquittement de MM. Beara

 21   et Popovic pour entente en vue de commettre un génocide, et je parlerai

 22   également de l'acquittement de M. Miletic pour meurtre en tant que

 23   violation des lois ou des coutumes de la guerre. Moyens 6 et 9 de notre

 24   appel, respectivement.

 25   M. Rogers va ensuite parler de M. Drago Nikolic et de cet acquittement dont

 26   il a bénéficié à tort pour le chef d'entente en vue de commettre un

 27   génocide, il s'agit du moyen 7 de notre appel, et nous nous intéresserons

 28   également à vos questions à propos de cela. Nous vous renvoyons à nos


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  1   écritures, qui expliquent pourquoi, à notre avis, la peine imposée à M.

  2   Nikolic est notoirement insuffisante, il s'agit du moyen 8 de notre appel.

  3   M. Wood et moi-même concluront ensuite en présentant nos arguments à

  4   propos de Vinko Pandurevic. M. Wood répondra aux questions ii, iii, iv et v

  5   et, ce faisant, vous présentera nos arguments à propos du moyen 2 de notre

  6   appel, à savoir sa responsabilité en tant que supérieur hiérarchique en

  7   application de l'article 7(3). Quant à moi, je m'intéresserai au premier

  8   moyen d'appel, qui conteste les conclusions de la Chambre de première

  9   instance eu égard à sa responsabilité pénale en application de l'article

 10   7(1). Je m'intéresserai aux sous-moyens d'appel 1(A) et 1(B). Pour ce qui

 11   est du moyen d'appel 1(C), nous vous renvoyons à notre mémoire. Si nous en

 12   avons le temps, M. Wood, ensuite, présentera quelques remarques brèves à

 13   propos du moyen 3, qui concerne la peine notoirement insuffisante de M.

 14   Pandurevic.

 15   Vous savez que les moyens 4 et 5 sont nuls et non avenus depuis le

 16   décès de M. Milan Gvero. Pour ce qui est de la mesure sollicitée,

 17   l'Accusation vous renvoie à nos demandes de mesures sollicitées dans notre

 18   mémoire en appel et notre acte d'appel.

 19   Je vais commencer par le moyen d'appel numéro 6, à savoir notre appel

 20   contre l'acquittement de MM. Beara et Popovic pour entente en vue de

 21   commettre un génocide. Nous faisons remarquer que le 9 octobre 2012, la

 22   Chambre d'appel du TPIR dans l'affaire Gatete a pris une décision à propos

 23   du cumul des condamnations imposées pour entente en vue de commettre un

 24   génocide et génocide. Et je vous renvoie aux paragraphes 259 à 264 de

 25   l'arrêt.

 26   Tout comme la Chambre d'appel dans l'affaire Gatete, cette Chambre

 27   d'appel, en l'espèce, a conclu que MM. Popovic et Beara étaient

 28   responsables pénalement de génocide et d'entente en vue de commettre un


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  1   génocide mais ils n'ont été condamnés que pour le chef de génocide. Dans

  2   l'arrêt visant l'affaire Gatete, M. le Juge Agius est en désaccord, cette

  3   Chambre d'appel a conclu que la Chambre de première instance avait commis

  4   une erreur de droit pour ne pas avoir considéré M. Gatete responsable de la

  5   totalité de son comportement criminel, et cela incluait le fait qu'il avait

  6   conclu un accord en vue de commettre un génocide, tout comme l'Accusation

  7   le présente avec son moyen d'appel numéro 6. La Chambre d'appel Gatete a

  8   exprimé son désaccord avec le fait que la Chambre de première instance

  9   s'était appuyée sur le raisonnement utilisé par la Chambre de première

 10   instance dans l'affaire Popovic pour ne pas avoir, en fait, envisagé un

 11   cumul de condamnations. Notamment, la Chambre d'appel a conclu,

 12   premièrement, que le danger représenté par cet accord en vue de commettre

 13   un génocide à proprement parler justifie le fait que la personne soit punie

 14   pour les actes d'entente, même si le crime a été commis; et deuxièmement,

 15   que les éléments juridiques constitutifs de ces deux crimes doivent être

 16   comparés pour déterminer si l'on peut envisager un cumul de condamnations,

 17   il ne faut pas considérer les éléments de preuve sous-jacents. L'arrêt dans

 18   l'affaire Gatete étaye absolument les arguments de l'Accusation visant le

 19   moyen d'appel numéro 6 et confirme que la Chambre de première instance dans

 20   l'affaire Popovic a adopté une approche erronée. La Chambre d'appel dans

 21   l'affaire Gatete a fourni une analyse extrêmement détaillée de cette

 22   question avec moult détails extrêmement persuasifs et cela devrait être

 23   suivi par cette Chambre.

 24   Si vous n'avez pas de questions, je vais maintenant passer au moyen d'appel

 25   numéro 9.

 26   Pour ce qui est du moyen d'appel numéro 9, l'acquittement de M. Miletic

 27   pour meurtre en tant qu'une violation des lois ou coutumes de la guerre,

 28   pour lesquels tous les éléments ont été présentés pour condamner M. Miletic


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  1   de ce crime, ont été déterminés.

  2   La Chambre a condamné M. Miletic pour ces meurtres dans le cadre de

  3   l'entreprise criminelle commune numéro 3, mais seulement pour assassinat en

  4   tant que crime contre l'humanité et en tant qu'acte de persécution sous-

  5   jacent, mais il n'a pas été condamné pour meurtre comme crime de guerre. La

  6   Chambre a présenté son raisonnement au paragraphe 1 727, qui est comme

  7   suit, et je cite, que :

  8   "…au vu des circonstances de meurtres 'opportunistes' émanant d'une

  9   entreprise criminelle commune pour chasser par la force - et cela englobe

 10   le transfert forcé en tant qu'autres actes inhumains qui constituent un

 11   crime contre l'humanité - sa responsabilité pénale est évidente pour le

 12   crime d'assassinat et crime contre l'humanité et non pas en tant que crime

 13   de guerre."

 14   Nous avançons que cette conclusion est erronée, indépendamment du

 15   fait que la Chambre présente une constatation ou une conclusion juridique.

 16   Si la Chambre souhaitait dire que le critère juridique requis est

 17   comme suit, à savoir un crime dans le cadre de l'entreprise criminelle

 18   commune numéro 3 doit appartenir à la même catégorie que le crime commis

 19   dans le cadre de l'entreprise criminelle commune numéro 1, il s'agit d'une

 20   erreur de droit. Comme nous l'avons expliqué dans notre mémoire en appel,

 21   la Chambre d'appel dans Stakic et Martic a confirmé les condamnations pour

 22   meurtre en tant que crime de guerre dans le cadre de l'entreprise

 23   criminelle commune numéro 3, bien que le crime retenu dans le cadre de

 24   l'entreprise criminelle commune numéro 1 était un crime contre l'humanité.

 25   Si la Chambre entendait qu'elle ne pouvait pas dégager des

 26   conclusions factuelles, à savoir que le meurtre considéré en tant que crime

 27   de guerre était une conséquence naturelle et prévisible de l'entreprise

 28   criminelle commune visant le déplacement par la force et que M. Miletic


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  1   pouvait prévoir cela et a pris ce risque de son plein gré, il s'agit d'une

  2   conclusion qui ne peut pas être considérée comme raisonnable. Ce qui fait

  3   la différence entre le meurtre considéré comme crime de guerre en

  4   application de l'article commun numéro 3 de l'assassinat considéré comme

  5   crime contre l'humanité, c'est que le crime doit avoir un lien très étroit

  6   avec le conflit armé et que les victimes doivent être des personnes qui

  7   n'ont pas participé de façon active aux hostilités.

  8   Si l'on prend la globalité des faits présentés en l'espèce, aucune

  9   Chambre de première instance raisonnable n'aurait pu conclure qu'il ne

 10   s'agissait pas d'une conséquence naturelle et prévisible et que le meurtre

 11   n'avait pas des liens étroits avec le conflit armé. Etant donné qu'il y a

 12   quand même eu une contrainte et la force qui ont été utilisées dans le

 13   cadre d'une attaque militaire sur une grande échelle à Srebrenica. De même,

 14   au vu de l'objectif qui était de chasser la population civile de

 15   Srebrenica, il s'agissait d'une conséquence naturelle et prévisible, il

 16   s'agissait de personnes qui ne participaient pas activement aux hostilités,

 17   et la conséquence était que ces personnes pouvaient être tuées et que cela

 18   était prévisible.

 19   Au vu du rôle et de la participation de M. Miletic à l'entreprise

 20   criminelle commune, étant donné qu'il était parfaitement informé des

 21   événements, la seule conclusion raisonnable était qu'il pouvait prévoir

 22   personnellement que des crimes commis pour lesquels un lien a été établi

 23   avec le conflit armé aurait pu toucher des victimes qui ne participaient

 24   pas de façon active aux hostilités.

 25   Si vous n'avez pas de questions, je vais maintenant passer la parole

 26   à M. Rogers, qui va s'intéresser aux moyens suivants.

 27   M. ROGERS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 28   Messieurs les Juges, et bonjour à mes collègues de la Défense et à toutes


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  1   les personnes présentes dans le prétoire.

  2   Madame, Messieurs les Juges, je vais m'intéresser à l'appel relatif à M.

  3   Nikolic, comme l'a indiqué M. Kremer. Pour ce qui est de nos observations

  4   visant l'entente, nous vous renvoyons à notre mémoire et aux arguments qui

  5   ont été avancés jusqu'à présent, puisqu'il s'agit d'arguments que M. Kremer

  6   a énoncés et qui ont trait à M. Gatete, à l'affaire Gatete. Je vais

  7   m'intéresser surtout aux deux questions que vous nous avez posées, que vous

  8   avez posées aux parties, ainsi qu'à la question numéro 2, ainsi qu'à ce que

  9   nous avons avancé à propos la globalité de l'appel. Donc, je vous demande

 10   de tenir compte de cela, et pour le reste, nous nous reposerons sur notre

 11   mémoire.

 12   Alors, pour ce qui est de la première question, qui était comme suit : Il

 13   s'agit de l'allégation de l'Accusation -- votre première question, donc :

 14   Est-ce que l'allégation de l'Accusation suivant laquelle la Chambre de

 15   première instance n'a pas utilisé les facteurs acceptés pour déduire et

 16   conclure qu'il y a eu intention génocidaire aux éléments de preuve

 17   lorsqu'elle a évalué l'élément morale du génocide pour M. Nikolic dépasse

 18   la portée de l'acte d'appel de l'Accusation, et si tel est le cas, est-ce

 19   que l'Accusation souhaite ajouter ou présenter des arguments

 20   supplémentaires à sa requête aux fins de modifier son acte d'appel en

 21   évoquant et en présentant les raisons qui militent en faveur de cette

 22   modification ?

 23   Alors, pour parler simplement, il s'agit des paragraphes que vous avez

 24   identifiés, paragraphes 237 à 243, il ne s'agit pas de nouveaux arguments,

 25   il s'agit en fait d'arguments que l'on retrouve dans l'erreur alléguée au

 26   paragraphe 39 de notre acte d'appel. Cela, parce qu'en fait, l'argument

 27   s'inscrit dans le cadre de l'erreur factuelle que l'on retrouve au moyen 7

 28   de notre acte d'appel et il s'agit également des arguments indiqués à ce


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  1   sujet. Nous avons utilisé des facteurs qui ont été identifiés comme

  2   considérations portant sur les éléments de preuve à partir desquels on peut

  3   déduire qu'il y a eu intention génocidaire. C'est une des façons de montrer

  4   que l'évaluation de la Chambre de première instance, en l'espèce, a été une

  5   évaluation qu'aucune Chambre de première instance raisonnable n'aurait pu

  6   mettre. Donc, il s'agit d'une erreur factuelle. Et effectivement,

  7   l'ensemble du mémoire en appel de l'Accusation est une explication de cette

  8   erreur factuelle. La seule erreur juridique que nous avons reconnue dans

  9   l'acte d'appel vise l'évaluation des considérations juridiques qui ne sont

 10   pas pertinentes, et ces arguments sont énoncés au paragraphe 274 et 285 à

 11   288 de l'appel. Tout le reste, en fait, s'inscrit dans le cadre de l'appel

 12   factuel relatif à l'évaluation des éléments de preuve disponibles ainsi

 13   qu'à la conclusion non raisonnable dégagée par la Chambre de première

 14   instance qui, en fait, constitue un déni de justice.

 15   Les facteurs pertinents sont visés aux paragraphes 237 à 243, ils décrivent

 16   un certain nombre de faits et de circonstances à partir desquelles on peut

 17   justement déduire l'intention génocidaire. Ces facteurs se retrouvent dans

 18   le jugement à proprement parler, au paragraphe 823 ainsi qu'au paragraphe

 19   824. Ce sont des arguments qui font partie de l'erreur d'évaluation

 20   factuelle et se retrouvent dans le mémoire de l'Accusation, et non pas dans

 21   son acte d'appel. Et je vous renvoie à la décision prise lors de l'arrêt

 22   Mrksic en date du 26 août 2008, et plus particulièrement à son paragraphe

 23   8, qui est cité dans notre mémoire en réplique.

 24   Donc, nous avançons qu'en matière d'erreur factuelle et lorsque nous allons

 25   présenter cette erreur factuelle, nous allons ainsi prendre en

 26   considération tous les arguments qui ont été présentés qui étayent la façon

 27   dont l'erreur a été commise. Les arguments présentés par l'Accusation se

 28   retrouvent dans l'acte d'appel, tout comme dans la décision dans l'affaire


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  1   Mrksic au paragraphe 26, parce que, manifestement, cela vise l'aspect de

  2   l'élément morale de la responsabilité de M. Nikolic, qui est véritablement

  3   au cœur des arguments présentés par l'Accusation pour son septième moyen

  4   d'appel. Donc, notre argument fondamental reste le même, à savoir nos

  5   arguments ne dépassent pas la portée de l'acte d'appel. Toutefois, au cas

  6   où vous viendriez à rejeter cet argument et au cas où vous considéreriez

  7   que cet argument aurait dû être présenté comme une erreur juridique, il y a

  8   des raisons motivées, en fait, qui existent et qui expliquent pourquoi cela

  9   n'a pas été inclus comme erreur juridique dans l'acte d'appel.

 10   Premièrement, il n'est pas toujours très facile de faire la part des choses

 11   entre les erreurs juridiques et les erreurs factuelles dans la

 12   jurisprudence. Dans certains cas, l'Accusation a allégué des erreurs

 13   relatives à l'évaluation des circonstances factuelles pertinentes ou des

 14   facteurs qui sont considérés comme des erreurs juridiques, la Chambre

 15   d'arrêt a, par exemple, indiqué que ces erreurs étaient considérées comme

 16   des erreurs factuelles et non pas juridiques. Je vous renvoie à l'affaire

 17   Naletilic et à son arrêt, paragraphes 128, 139 et 140; ainsi qu'à l'arrêt

 18   dans l'affaire Krnojelac, paragraphes 187 et 202. Pour ce qui est de

 19   l'affaire Mrksic, il est tout à fait raisonnable de considérer que

 20   l'argument indiquant quelle a été l'erreur aurait dû être présenté non pas

 21   dans l'acte d'appel mais dans le mémoire en appel.

 22   Qui plus est, en sus des raisons qui ont été fournies et qui expliquent

 23   pourquoi nous souhaitons modifier l'acte d'appel dans notre mémoire en

 24   clôture, l'Accusation indique que jusqu'à présent aucun préjudice injuste

 25   n'en résulterait, parce que M. Nikolic a tout à fait répondu aux arguments

 26   présentés dans le mémoire de l'Accusation dans son mémoire en réplique. Et

 27   il y a des circonstances semblables avec la décision dans l'affaire Mrksic,

 28   paragraphe 37; l'arrêt Nchamihigo, paragraphe 331; et l'arrêt Blagojevic et


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  1   Jokic, arrêt du 20 juillet 2005.

  2   Si vous me le permettez, j'aimerais maintenant passer à la deuxième

  3   question que vous posez. Vous demandez : Sachant quelles sont les erreurs

  4   alléguées qui auraient été commises par la Chambre de première instance

  5   pour déterminer le mens rea de Nikolic pour la commission du génocide, que

  6   son intention spécifique serait établie de façon inéquivoque [phon], et

  7   est-ce que l'intention génocidaire est la seule déduction raisonnable sur

  8   la base des éléments de preuve ?

  9   La réponse à cela est oui, parce que le contexte général et tous les

 10   autres facteurs d'échelle de ciblage systématique montrent qu'un génocide

 11   était en train d'être exécuté. D'ailleurs, le jugement a constaté que

 12   l'opération de meurtre était génocidaire parce que Nikolic faisait partie

 13   du plan visant à commettre le meurtre avec Popovic et Beara et a partagé

 14   l'intention de tuer et d'exterminer; parce que Popovic et Beara exécutaient

 15   le plan visant à commettre le meurtre, ceci afin de commettre un génocide;

 16   parce que Nikolic savait que Popovic et Beara étaient en train de commettre

 17   des meurtres afin de réaliser un génocide, et ici, je me réfère au

 18   jugement, 1 407; parce que la Chambre a constaté que la contribution

 19   principale de Nikolic au plan visant à exécuter des meurtres a été fait en

 20   même temps que et après l'acquisition de ses connaissances, jugement, 1

 21   407; parce que s'étant joint à l'opération de meurtre sachant que c'était

 22   génocidaire, Nikolic était "déterminé et résolu," ici je cite le jugement,

 23   1 408; parce qu'il a fait preuve de détermination, jugement, 1 409; parce

 24   qu'il a recherché un personnel pour les exécutions qui ont eu lieu à

 25   Rocevic, 1 409; parce qu'il a activement participé à plusieurs aspects de

 26   l'opération à Orahovac, 1 409; parce qu'il a organisé la garde des

 27   prisonniers à l'école Kula, 1 409; parce qu'il était aux côtés de Beara

 28   près de l'école Petkovci, 1 498; parce qu'il était un officier discipliné,


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  1   1 413.

  2   La réponse est oui, car la motivation n'a aucune pertinence quant à

  3   la question de l'intention spécifique. Il est clair que la Chambre était

  4   influencée par les considérations de motivation lorsqu'ils ont établi que

  5   le mens rea n'était pas prouvé en 1 414, et lorsqu'ils ont dit que :

  6   "…une autre déduction raisonnable est que Nikolic, dans son

  7   dévouement aveugle au service de sécurité, a fait qu'il a recherché à

  8   exécuter de façon efficace et déterminée ses tâches assignées, malgré le

  9   fait qu'il s'agisse de meurtres et que les objectifs de ses supérieurs

 10   étaient génocidaires."

 11   En d'autres termes, il était motivé par le sentiment du devoir ou le

 12   désir de plaire, et donc, il n'était pas animé d'intention. Il est tout

 13   simplement non pertinent, et ici, je cite Tadic 269 :

 14   "L'existence d'une motivation personnelle n'empêche pas que l'auteur

 15   puisse avoir une intention spécifique visant à commettre un génocide."

 16   Dans le jugement en appel de Tadic, la Chambre d'appel a souligné le

 17   fait que les motivations peuvent être non pertinentes et totalement

 18   indéchiffrables. 

 19   Et il suit dans le jugement de Tadic à 269 une analyse intéressante d'un

 20   reductio ad absurdum. Il est tout à fait édifiant de le regarder, mais je

 21   ne vais pas en donner lecture ici dans le prétoire.

 22   Nous renvoyons également au jugement en appel de Kayishema, paragraphe 61

 23   [comme interprété] et le jugement en appel Niyitegeka en son paragraphe 53,

 24   et le jugement Kvocka en ses paragraphes 367 et 416. Je veux être sûr que

 25   vous puissiez suivre. Donc, dans le jugement en appel Tadic [comme

 26   interprété], la [inaudible] a parlé de la motivation dans le contexte de sa

 27   persécution de façon suivante en disant :

 28   "La motivation spécifique qu'il ait participé à une persécution, à savoir


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  1   qu'il a intégré les objectifs de la CPK dans la politique de persécution ou

  2   voulait se prouver lui-même comme étant un membre efficace et loyal du

  3   parti n'a aucune substantialité pour déterminer qu'il possédait ou qu'il

  4   était animé d'une intention spécifique."

  5   Et dans le jugement en appel de Charles Taylor, en note de bas de

  6   page 1382, on a expliqué cette motivation :

  7   "…ceci concerne les raisons extérieures et les motivations qui ont

  8   fait qu'un accusé ait décidé de participer à une conduite criminelle."

  9   Dans l'affaire Drago Nikolic, la Chambre de première instance s'est

 10   appuyée sur ces raisons externes et ces motivations pour l'acquittement.

 11   La Chambre de première instance a examiné les circonstances

 12   personnelles de Nikolic en 1 412, tel que son rang, disant qu'il n'avait

 13   pas été dans une académie militaire, qu'il était chef de la sécurité, un

 14   poste généralement réservé pour quelqu'un d'un rang supérieur, qu'il avait

 15   peu d'autorité de son propre chef, qu'il avait été importé, en quelque

 16   sorte, par d'autres, et qu'il recevait ses ordres de Mladic.

 17   Mais, Madame, Messieurs les Juges, pour être animé d'une intention

 18   génocidaire, il n'avait pas besoin d'être général ou colonel, d'avoir des

 19   pouvoirs ou d'être indépendant. Il n'avait pas besoin d'avoir accès aux

 20   ressources ou d'être compétent ou efficace ou de participer à tous les

 21   aspects de l'opération, ou même de faire tout ce qui était en son pouvoir.

 22   Madame, Messieurs les Juges, Nikolic n'avait pas besoin d'être un

 23   architecte pour être génocidaire, comme la Chambre de première instance a

 24   semblé le juger en 1 410.

 25   La formation d'une intention génocidaire n'est pas empêchée du fait

 26   qu'on agisse au-delà de ses compétences, comme la Chambre semblait le dire

 27   en 1 413 lorsqu'elle a noté l'avis de Pandurevic que les responsabilités du

 28   service de sécurité étaient trop lourdes pour lui.


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  1   Aucun de ces facteurs identifiés par la Chambre en 1 412 ou 1 413

  2   permettent de dire qu'il n'y a pas eu la formation d'une intention

  3   spécifique.

  4   La position de Nikolic dans la hiérarchie indique simplement qu'il avait

  5   une certaine capacité à agir. Le fait que son rôle n'était pas aussi vaste

  6   que le rôle de Popovic ou de Beara ne l'empêche pas d'être animé d'une

  7   intention génocidaire. Car en se disant, cela voudrait dire que le génocide

  8   se limite ou se borne à ceux qui ont le pouvoir d'agir ou la capacité

  9   d'agir à une grande échelle. Comme la Chambre d'appel dans l'affaire

 10   Kayishema, et je me réfère au paragraphe 170 :

 11   "Le génocide n'est pas un crime qui peut être commis uniquement par une

 12   certaine catégorie de personnes. Comme nous l'enseigne l'histoire, c'est un

 13   crime qui est commis par des bourreaux qui n'ont pas un haut rang ainsi que

 14   par les planificateurs qui ont des haut rangs et qui sont tous les deux des

 15   auteurs."

 16   Pour être génocidaire, tout ce qui est nécessaire, et dans ce cas des

 17   meurtres, qui sont dirigés à des membres d'un groupe protégé, qui sont

 18   exécutés avec l'intention de détruire ce groupe, soit en partie, soit

 19   intégralement. Dans ce cas, ces actions ont été exécutées par Drago Nikolic

 20   avec une froide détermination et une résolution implacable. Il n'avait pas

 21   besoin d'être passionné ou enthousiaste, il était peut être affligé ou en

 22   colère, ou faible, ou souhaitant plaire à ses supérieurs. Mais une fois

 23   qu'il a élu d'agir et de participer, dans ce cas, avec détermination et

 24   fermeté, son intention génocidaire est rendue manifeste du fait de ses

 25   actions. Il savait quel était le sinistre objectif, il avait la même

 26   intention de persécution que Popovic et Beara. Il savait pourquoi ces

 27   meurtres étaient commis, quels en étaient les objectifs ultérieurs, et il

 28   s'est joint à l'opération. Quelle qu'a pu être sa propre motivation n'a


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  1   aucune pertinence, la seule conclusion raisonnable est que Drago Nikolic

  2   était animé d'une intention génocidaire. Et c'est ainsi que nous pouvons

  3   répondre à cette question : oui.

  4   Et sur ce, j'ai terminé avec mes réponses à vos questions, et je vais

  5   maintenant redonner parole à M. Wood, sauf questions de la part des Juges.

  6   M. WOOD : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Sur le

  7   moyen 2 de l'appel formé par l'Accusation, je me bornerai, comme l'a dit M.

  8   Kremer, au deuxième, troisième, quatrième, et cinquième questions qui

  9   apparaissent à la page 3 de l'ordonnance du 6 novembre 2003 [comme

 10   interprété] délivrée en vue de préparer cette audience. Avec une exception

 11   éventuelle pour les questions relatives à la peine. Pour les moyens que je

 12   n'évoque pas aujourd'hui, comme toujours, nous vous renvoyons à nos

 13   écritures.

 14   Sans plus tarder, je vais passer à la question 2 posée par les Juges :

 15   Evoquer la conclusion de la Chambre sur laquelle Pandurevic n'avait pas de

 16   délai suffisant de la participation de la Brigade de Zvornik dans les

 17   éventuelles exterminations à l'heure de minuit le 15 juillet 1995.

 18   Paragraphe 2 079.

 19   Comme nous le disons dans le moyen 2 de notre appel, la Chambre a fait une

 20   erreur de droit en constatant que le devoir de Pandurevic d'empêcher ou n'a

 21   pas été enclenché tant qu'il n'avait pas appris que ses subordonnés avaient

 22   participer à peu près de 3 000 meurtres. Aucune Chambre raisonnable

 23   n'aurait pu conclure que Pandurevic ne savait pas ou n'avait des raisons de

 24   croire, à midi, le 12 [comme interprété] juillet 1995 que ses subordonnés

 25   pourraient participer dans des opérations d'exterminations; article 7(3).

 26   Maintenant, j'aimerais me pencher sur la question de l'erreur de droit. Au

 27   paragraphe 1 038, la norme juridique exacte permettant de déterminer à quel

 28   moment le devoir d'un commandant d'empêcher une action de se produire, et


Page 498

  1   la Chambre a dit que :

  2   "L'information qui est nécessaire pour avertir un supérieur n'est pas

  3   forcément déterminée de façon spécifique. Mais, il faut 'qu'il soit averti

  4   de l'éventualité d'actes éventuellement illicites qui pourraient être

  5   commis par ses subordonnés.'"

  6   En appliquant cette norme, à la question de savoir à quel moment le devoir

  7   de Pandurevic de prévenir le meurtre est entré en vigueur, la Chambre a

  8   constaté que Pandurevic avait des raisons de savoir que ses subordonnés

  9   pourraient commettre des meurtres sur la base de ce qu'il savait, des

 10   connaissances dont il était en possession, vers midi le 15 juillet. Et

 11   quelles sont ces connaissances exactement ? D'après la Chambre, le général

 12   Pandurevic savait qu'un nombre important de prisonniers avait été emmené de

 13   Bratunac au secteur de Zvornik. Le général Pandurevic savait que ces

 14   prisonniers étaient exécutés. Et le général Pandurevic savait d'après ses

 15   subordonnés qu'il y avait "d'énormes problèmes en ce qui concerne la garde,

 16   l'exécution et l'ensevelissement des prisonniers." Jugement, paragraphes 1

 17   861 et 2 037.

 18   La Chambre a également constaté que le général Pandurevic savait que ces

 19   prisonniers étaient tués dans le cadre d'un plan visant à exécuter les

 20   hommes musulmans bosniaques valides de Srebrenica. Jugement, 1 960. Le

 21   général Pandurevic savait également que ceci provoquait "une charge

 22   supplémentaire" pour sa brigade; paragraphes 1 870 et 1 949.

 23   S'agissant de l'extermination, toutefois, la Chambre a constaté que le

 24   devoir de Pandurevic d'empêcher ces actes n'a pas été enclenché tant qu'il

 25   n'avait pas connaissance de détails quant au nombre de prisonniers tués,

 26   plutôt que le fait d'avoir des raisons de croire que ses subordonnés

 27   pourraient commettre le meurtre sur une échelle massive. Ceci ressort très

 28   clairement à la lecture de deux paragraphes spécifiques du jugement. Au


Page 499

  1   paragraphe 2 070 du jugement, la Chambre a constaté que le 18 juillet,

  2   Pandurevic avait "connaissance des meurtres à grande échelle des hommes et

  3   des garçons de Srebrenica…". C'est donc au 18 juillet. La Chambre cite le

  4   rapport intérimaire de combat fait par le général Pandurevic en date du 18

  5   juillet dans lequel il dit que 3 000 hommes musulmans bosniaques ont été

  6   transportés sur place en provenance de Zvornik.

  7   Trois paragraphes plus tard, paragraphe 2 079, la Chambre contraste le

  8   niveau de connaissance avec "les limitations évidentes" des connaissances

  9   qu'avait Pandurevic le 15 juillet. Et a constaté que sa responsabilité au

 10   titre de l'article 73 [comme interprété] ne pouvait être invoqué

 11   "qu'ultérieurement à ce moment".

 12   Madame, Messieurs les Juges, la seule limitation possible que la Chambre

 13   pourrait évoquer ici tient au fait que le 15 juillet, à la différence du 18

 14   juillet, qui était sans aucun doute à un stade ultérieur dans l'opération

 15   de meurtre, Pandurevic ne savait pas que précisément 3 000 avaient été

 16   tués. Ceci est contraire à la norme exacte qui est la raison de savoir que

 17   la Chambre a appliqué en ce qui concerne le meurtre.

 18   En tout état de cause, Madame, Messieurs les Juges, concernant l'erreur de

 19   fait, la caractéristique de l'extermination et ce qui la distingue du

 20   meurtre et de l'assassinat, c'est l'échelle à laquelle elle est commise. Il

 21   s'agit du meurtre d'un grand nombre d'individus. Ceci se trouve au

 22   paragraphe 800 du jugement en première instance. Aucun juge du fait

 23   raisonnable n'aurait pu conclure que Pandurevic ne savait pas ou n'avait

 24   pas des raisons de savoir, et ce, à midi le 15 juillet, que ses subordonnés

 25   étaient susceptibles de participer au meurtre d'un grand nombre

 26   d'individus, à des meurtres de masse. Compte tenu du fait, comme je l'ai

 27   déjà indiqué, qu'il savait qu'il y avait eu participation par eux à une

 28   opération de meurtre systématique portant sur un très grand nombre


Page 500

  1   d'individus, à ce point nombreux que cela a entraîné des problèmes de

  2   sécurisation, d'exécution, d'ensevelissement des corps, et que cela

  3   entraînait une charge supplémentaire pour sa brigade.

  4   De plus, n'oubliez pas que c'est ici l'article 7(3) qui est pertinent.

  5   Pandurevic, s'il avait eu besoin de plus d'information, aurait simplement

  6   pu poser une question le 15 juillet à midi. N'oubliez pas qu'il a reçu des

  7   informations de son chef d'état-major, Obrenovic. A ce moment-là, il aurait

  8   pu se renseigner davantage, il aurait pu interroger Nikolic, il aurait pu

  9   demander à Jokic. Donc, il savait que les informations venaient de lui.

 10   Pandurevic, Madame, Messieurs les Juges, ne devrait pas être acquitté pour

 11   son manquement à la responsabilité de celui qui est à l'exercice du

 12   commandement. Voilà. Ceci conclut mes arguments sur le point numéro 2.

 13   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Haynes.

 14   M. HAYNES : [interprétation] J'ai attendu jusqu'à la fin. Est-ce que je

 15   pourrais simplement revenir sur la référence à un jugement faite par M.

 16   Wood en page 14, ligne 14. Il est indiqué paragraphe 2 070.

 17   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Alors, que convient-il de lire ici ?

 18   M. WOOD : [interprétation] Nous vérifierons, Madame, Messieurs les Juges,

 19   et nous reviendrons avec la bonne information.

 20   Si nous pouvons peut-être passer à la question suivante --

 21   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, un instant, s'il vous plaît. Le

 22   Juge Pocar veux poser une question.

 23   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur Wood, je voudrais que les

 24   choses soient tout à fait claires concernant la norme à laquelle vous vous

 25   référez pour la responsabilité du supérieur hiérarchique. Si je ne m'abuse,

 26   vous vous êtes référé aux raisons de savoir que les soldats étaient

 27   susceptibles de participer à des meurtres, et ensuite, vous avez utilisé

 28   l'expression qui consiste à dire qu'il "était possible" qu'ils aient


Page 501

  1   participé à des crimes. Alors, est-ce que c'est là la norme adéquate pour

  2   la responsabilité du supérieur hiérarchique ? Parce que dans le souvenir

  3   que j'ai de l'affaire Celebici, qui est l'affaire pilote, en quelque sorte,

  4   sur cette question, lorsqu'il s'agit donc de la responsabilité du supérieur

  5   hiérarchique, eh bien la Chambre de première instance a correctement

  6   affirmé, lorsqu'elle a traité cette question de la responsabilité du

  7   supérieur hiérarchique, que celui-ci savait ou avait des raisons de savoir

  8   qu'un de ses subordonnés avait commis un acte criminel ou était sur le

  9   point de le commettre, ou que cet acte criminel était sur le point d'être

 10   commis. Alors, il y a une légère différence par rapport à la formulation

 11   utilisée, à savoir un acte criminel qui était sur le point d'être commis ou

 12   qui pouvait être commis parce que, manifestement, lorsqu'on parle de

 13   possibilités, on est dans un critère qui fonctionne comme un seuil, et avec

 14   un seuil plus bas. Alors, est-ce que vous pourriez nous expliquer si vos

 15   arguments demeurent les mêmes concernant ce critère ?

 16   M. WOOD : [interprétation] La Chambre de première instance s'est référée à

 17   l'arrêt Strugar, je crois, explicitement, et d'après l'Accusation, c'est là

 18   la norme adéquate au titre de l'article 7(3). Il y a au paragraphe 301, je

 19   cite :

 20   "Par conséquent, la Chambre d'appel ne peut conclure avec certitude que la

 21   Chambre de première instance a interprété justement le critère applicable

 22   aux 'raisons de savoir' comme évaluation des circonstances dans lesquelles

 23   on se pose la question de savoir si un supérieur était en possession

 24   d'informations suffisamment alarmantes pour considérer qu'il avait été

 25   ainsi informé d'un risque que des crimes soient ultérieurement commis par

 26   ses subordonnés justifiant une enquête."

 27   Alors, Madame, Messieurs les Juges, l'Accusation affirme que c'est bien là

 28   le critère adéquat au titre de l'article 7(3), tel qu'il a été également


Page 502

  1   articulé par la Chambre d'appel. Ceci est largement repris dans nos propres

  2   arguments, à savoir que l'accusé avait été informé à temps des possibles

  3   actes illégaux de ses subordonnés, et la Chambre de première instance a

  4   peut-être cité la formulation issue de l'arrêt Strugar au lieu de cela,

  5   mais selon nous, cela revient essentiellement au même, et c'est la bonne

  6   interprétation de ce critère.

  7   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci pour ces précisions, bien que je

  8   me réserve le droit d'articuler ma propre position sur ce critère.

  9   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre.

 10   M. WOOD : [interprétation] Excusez-moi. Alors, il convient de lire non pas

 11   "2 070," mais 2076 pour le numéro de paragraphe de jugement auquel je me

 12   suis référé précédemment, en ligne 14 de la page 14 du compte rendu. Merci

 13   pour la correction.

 14   Alors, je passe maintenant, Madame, Messieurs les Juges, au troisième

 15   point, à savoir :

 16   "Examiner les critères appliqués par la Chambre de première instance

 17   lorsqu'elle a conclu que Pandurevic n'avait pas de raison de savoir que des

 18   crimes 'allaient être commis avec une intention discriminatoire' ainsi que

 19   la constatation de la Chambre de première instance consistant à dire que

 20   Pandurevic n'avait pas de raison de savoir que des crimes allaient être

 21   commis par des membres de la Brigade de Zvornik avec une intention

 22   discriminatoire."

 23   Madame, Messieurs les Juges, la Chambre de première instance a ici

 24   commis une erreur dans les preuves qu'elle a considérées comme exigibles

 25   pour conclure que Pandurevic était au courant de la commission future de

 26   crimes avec une intention discriminatoire. En vertu du critère juridique

 27   applicable, l'Accusation doit prouver que Pandurevic savait ou avait des

 28   raisons de savoir que ses subordonnés étaient susceptibles de participer à


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  1   des meurtres avec intention de persécuter. L'Accusation n'a cependant pas

  2   attaqué ce critère inadéquat en appel, nous avons plutôt expliqué le

  3   critère applicable au moyen 2(C) et 2(D) de notre appel, paragraphe 133,

  4   137 et 141.

  5   Je relève que le général Pandurevic explique un critère similaire au

  6   paragraphe de sa réponse.

  7   Ceci cadre également avec la jurisprudence en appel, arrêt Strugar,

  8   paragraphe 302; arrêt Blagojevic et Jokic, paragraphe 282; et arrêt

  9   Krnojelac, paragraphes numéro 52 et 155. Dans l'affaire Krnojelac, la

 10   Chambre d'appel a estimé que ceux qui aident et encouragent ne doivent pas

 11   nécessairement partager l'intention de l'auteur mais doivent être au

 12   courant "du contexte discriminatoire dans lequel le crime doit être

 13   commis." Paragraphe 52 de l'arrêt en question.

 14   Par conséquent, la Chambre de première instance aurait dû se demander si

 15   Pandurevic était en possession d'information suffisamment alarmante pour

 16   que l'on puisse considérer que cela l'informait que ses subordonnés étaient

 17   susceptibles de commettre ou d'aider et d'encourager à la commission de

 18   meurtres et de traitements cruels et inhumains avec une intention de

 19   discriminer ou avec la connaissance du contexte discriminatoire qui

 20   entourait ces crimes. La seule conclusion raisonnable, au vu des éléments

 21   de preuve en l'espèce, c'est qu'à midi, le 15 juillet 1995, Pandurevic

 22   avait au minimum des raisons de savoir que ses subordonnés étaient

 23   susceptibles de participer à des meurtres à caractère de persécution.

 24   J'ai déjà exprimé dans ma réponse à la seconde question que Pandurevic

 25   était au courant du fait que de très nombreuses personnes allaient être

 26   exécutées. Il savait que ces prisonniers avaient été conduits par Beara et

 27   Popovic dans le secteur de la Brigade de Zvornik. Paragraphe 2 088 du

 28   jugement en première instance. Il était également au courant de la


Page 504

  1   possibilité que ses propres subordonnés avaient participé à ce meurtre.

  2   De plus, la Chambre a conclu que Pandurevic était à la tête d'une brigade

  3   dans laquelle il existait "une culture de préjugé ethnique à l'encontre des

  4   Musulmans", paragraphe 2 086. Ceci s'est traduit par des termes péjoratifs

  5   dans le registre ethnique, y compris des documents qui portaient la propre

  6   signature de Pandurevic. Paragraphes 1 398, 1 399 et 2 002 du jugement. Je

  7   voudrais attirer l'attention des Juges également sur la pièce P2920 à cet

  8   égard.

  9   La Chambre a conclu que l'usage banalisé d'un tel langage et de telles

 10   formulations et termes péjoratifs dans des documents pourrait être

 11   considéré comme insuffisant en lui-même pour étayer l'intention génocidaire

 12   ou l'intention de persécuter de Pandurevic, mais que cela reflétait

 13   certainement une culture de préjugé ethnique qui régnait dans la Brigade de

 14   Zvornik au moment où il savait que ses subordonnés étaient susceptibles de

 15   participer à des meurtres avec une intention de persécuter.

 16   La seule conclusion raisonnable au vu des éléments de preuve, Madame et

 17   Messieurs les Juges, c'est que Pandurevic, à tout le moins, avait des

 18   raisons de savoir que ses subordonnés étaient susceptibles de commettre ou

 19   d'aider et d'encourager à la commission avec une intention de persécuter ou

 20   bien qu'il avait la connaissance du contexte de discrimination qui

 21   entourait ces crimes.

 22   Ceci conclut ma réponse à la troisième question posée par la Chambre

 23   d'appel. A moins qu'il n'y ait d'autres questions de la part des Juges, je

 24   suis prêt à passer à la question suivante.

 25   Pour le compte rendu, je cite :

 26   "Examiner les conclusions de la Chambre de première instance consistant à

 27   dire qu'il était impossible pour Pandurevic de faire appel au procureur

 28   militaire à cause de la très grande probabilité d'immixtion par l'état-


Page 505

  1   major principal de la VRS dans toutes enquêtes éventuelles, tout comme la

  2   conclusion consistant à dire que Pandurevic avait pris des mesures pour

  3   résoudre le problème des crimes commis par ses subordonnés."

  4   Ces conclusions de la Chambre de première instance ont ajouté un élément

  5   supplémentaire à l'article 7(3), en exigeant de l'Accusation qu'elle prouve

  6   qu'un accusé avait manqué à son obligation de prendre toutes les mesures

  7   nécessaires raisonnables et raisonnablement efficaces pour punir ses

  8   subordonnés. Plutôt que de juger que le général Pandurevic n'avait pas pris

  9   toutes les mesures nécessaires et raisonnables dont il disposait, la

 10   Chambre de première instance s'est livrée à des spéculations quant aux

 11   échecs ou aux manquements possibles d'autres dans l'exécution des

 12   procédures nécessaires pour qu'une plainte au pénal soit traitée, si jamais

 13   il en avait déposé une. Et c'est pour ce motif que la Chambre l'a exonéré

 14   de toutes mesures qu'il aurait dû sinon prendre.

 15   Mais pourtant, en tant que commandant de subordonnées ayant eu un

 16   comportement criminel, Pandurevic avait l'obligation de prendre les mesures

 17   nécessaires et raisonnables qui étaient à sa disposition pour que des

 18   procédures disciplinaires soient engagées. Arrêt Kvocka, paragraphe 316. Et

 19   il faut démontrer au minimum qu'il avait sincèrement l'intention d'empêcher

 20   la commission de crimes ou de punir leurs auteurs. Ceci figure à l'arrêt

 21   Halilovic, paragraphe 63. Il avait l'obligation de soulever ce problème

 22   jusqu'au point d'éventuellement démissionner de son poste, et ceci se

 23   retrouve également au paragraphe 448 du jugement du tribunal de Tokyo. Par

 24   ailleurs, Madame et Messieurs les Juges, si les tentatives d'un supérieur

 25   hiérarchique sont entravées par qui que ce soit d'autre, il est attendu de

 26   lui qu'il poursuive ses efforts et ses protestations contre la conduite

 27   répréhensible dont il est question. Jugement Strugar, paragraphe 445.

 28   Alors, en l'espèce, plutôt que de prendre en considération comme elle


Page 506

  1   l'aurait dû la question de savoir si Pandurevic aurait pu prendre des

  2   mesures initiales aux fins de sanctions disciplinaires en référant ses

  3   subordonnés au bureau du procureur militaire, la Chambre de première

  4   instance s'est en fait concentrée sur l'efficacité potentielle du bureau du

  5   procureur militaire lui-même. En faisant ceci, elle a commis une erreur de

  6   droit. Si cela avait été une approche appropriée, les conclusions de la

  7   Chambre de première instance relatives à la soi-disant futilité,

  8   l'inutilité de plaintes au pénal auprès du bureau du procureur militaire ne

  9   sont, en tout cas, pas étayées par les éléments de preuve.

 10   Ces éléments de preuve nous ont montré que le système de la justice

 11   militaire, y compris le bureau du procureur, avait été mis en place dès

 12   1992 avant d'être repris en charge par le ministère de la Défense en 1993.

 13   Note de bas de page 6042 du jugement, qui cite le Témoin Butler, pages 19

 14   607 à 19 608 du compte rendu d'audience.

 15   Les éléments de preuve sur lesquels s'appuie la Chambre de première

 16   instance pour essayer de démontrer que le procureur militaire manquait

 17   d'indépendance ne nous montrent en fait qu'une seule chose, c'est que Gvero

 18   a aidé dans la mise en place du bureau du procureur militaire trois ans

 19   auparavant, en 1992. Encore une fois, ceci figure en note de bas de page

 20   numéro 6042 du jugement. Les seuls autres éléments de preuve évoqués par la

 21   Chambre de première instance dans cette note de bas de page 6042 concernent

 22   les tribunaux militaires, et non pas le bureau du procureur. Et même ces

 23   éléments de preuve, en fait, ne montrent rien de plus que la supervision

 24   opérée par Gvero quant aux travaux de ces tribunaux afin de voir combien

 25   d'affaires disciplinaires leur avaient été déférées. Ces données sont

 26   utilisées, en fait, pour estimer le moral au sein des unités. Et comme les

 27   Juges ne sont pas sans le savoir, ce moral fait partie de ses compétences

 28   en tant que commandant. Compte rendu de la déposition Milovanovic, 12 246 à


Page 507

  1   12 247, de nouveau cité en note de bas de page numéro 6042 du jugement.

  2   Comme vous pouvez le voir, Madame et Messieurs les Juges, aucun de ces

  3   éléments de preuve ne suggère que Gvero ait interféré de quelle que façon

  4   que ce soit dans le travail du procureur militaire. Aucun juge du fait

  5   raisonnable n'aurait donc pu conclure sur la base de ces éléments de preuve

  6   que le procureur militaire "n'était en réalité pas indépendant de l'état-

  7   major principal", pourtant c'est ce que la Chambre de première instance a

  8   fait au paragraphe 2 057.

  9   En outre, l'incident avancé dans la note en bas de page 43 [comme

 10   interprété] du jugement pourrait faire apparaître que le MUP a échoué dans

 11   ses obligations à enquêter efficacement sur les événements de Srebrenica

 12   mais montre pas que le bureau du procureur militaire ait manqué à quelle

 13   que obligation que ce soit, et ne dit rien à propos d'une immixtion

 14   éventuelle par l'état-major principal du VRS.

 15   Enfin, Madame, Messieurs les Juges - et c'est d'une importance capitale -

 16   rien ne laisse entendre que le général Pandurevic avait connaissance de

 17   cette prétendue absence d'indépendance du bureau du procureur militaire. En

 18   tant que tel, la Chambre ne doit lui accorder aucun crédit pour le fait

 19   qu'il n'ait pas renvoyé des affaires criminelles à une institution qui,

 20   selon lui, au vu de toutes ces informations que détenait Pandurevic, était

 21   compétente, professionnelle et indépendante.

 22   J'en viens, Madame, Messieurs les Juges, aux mesures que la Chambre a

 23   estimé que Pandurevic avait prises. Comme l'Accusation indique au moyen

 24   2(E), aucun juge du fait raisonnable n'aurait pu conclure que Pandurevic

 25   s'était acquitté de son obligation de sanctionner ses subordonnés en

 26   publiant ces rapports de combat très intéressés des 15 et 18 juillet en

 27   ayant une conversation très brève avec Krstic le 27 juillet. Plutôt que de

 28   constituer de véritables tentatives visant à sanctionner quoi que ce soit,


Page 508

  1   ces communications étaient manifestement des tentatives par le général

  2   Pandurevic à limiter sa propre responsabilité d'avoir laissé passer la

  3   colonne.

  4   Si vous les lisez soigneusement, Madame, Messieurs les Juges, vous verrez

  5   que ces rapports intérimaires de combat, Pandurevic ne parle pas de crimes,

  6   il n'évoque pas de subordonnés, n'était pas adressé à qui que ce soit en

  7   qualité officielle devant enquêter sur des crimes. Pandurevic a avoué qu'il

  8   ne savait même pas si les allusions qu'il faisait aux crimes auraient même

  9   pu être comprises par Krstic, le destinataire, et vous retrouvez ça au

 10   paragraphe 2 060. On ne peut donc aucunement dire qu'il s'agisse d'une

 11   tentative délibérée de la part de Pandurevic à s'acquitter de son devoir de

 12   sanctionner en signalant les crimes de ses subordonnés à une autorité

 13   d'investigation.

 14   Enfin, s'agissant de la conversation du 27 juillet, la réponse de

 15   Krstic indiquant qu'il allait s'occuper du "problème" ne s'acquittait pas

 16   du devoir de Pandurevic de sanctionner, notamment lorsqu'il ne s'en est

 17   ensuivi aucune mesure disciplinaire contre les subordonnés de Pandurevic.

 18   Et j'en ai terminé avec mes remarques s'agissant de cette question,

 19   Madame, Messieurs les Juges.

 20   Je poursuis pour en arriver à la dernière question, point de

 21   discussion numéro 5 :

 22   "Evoquer si, au cas où la Chambre d'appel devait donner droit à

 23   l'argument de Pandurevic indiquant qu'il n'avait pas un contrôle effectif

 24   sur la Brigade de Zvornik pendant la période du 4 au 15 juillet 1995,

 25   Pandurevic pourrait néanmoins être pénalement responsable du fait d'avoir

 26   manqué de sanctionner les membres de la Brigade de Zvornik s'agissant des

 27   crimes commis pendant cette période."

 28   Je voudrais tout d'abord, Madame, Messieurs les Juges, en répétant


Page 509

  1   que la Chambre a raisonnablement constaté qu'entre décembre 1992 et le 3

  2   août 1995, Pandurevic avait à la fois le commandement de jure et le

  3   contrôle effectif sur la Brigade de Zvornik. Pandurevic n'a pas pu

  4   démontrer qu'aucun juge du fait pouvait parvenir à cette conclusion.

  5   En raison de cela, le dossier de Pandurevic est en contradiction

  6   frappante avec l'affaire principale sur cette question, décision du 16

  7   juillet 2003 sur l'appel interlocutoire contestant l'exception

  8   d'incompétence s'agissant de la responsabilité de commandement dans

  9   l'affaire Hadzihasanovic.

 10   Cette décision concerne le cas du co-accusé du général

 11   Hadzihasanovic, accusé de crimes commis par les membres de la 7e Brigade de

 12   Montagne musulmane en janvier 1993, des mois avant qu'il ait assumé un

 13   commandement de jure ou de facto sur cette unité le 1er avril 1993. Sur la

 14   base de ces faits, la Chambre a estimé que :

 15   "Un accusé ne peut être condamné au titre de l'article 7(3) du Statut

 16   pour les crimes commis par un subordonné avant que ledit accusé ait assumé

 17   le commandement de ce subordonné."

 18   Donc, contrairement à Kubura, le général Pandurevic avait pris le

 19   commandement de jure des subordonnés en question bien avant que ces mêmes

 20   subordonnés aient commis, aidé et encouragé le meurtre. Bien sûr, la

 21   Chambre a constaté qu'il avait pris son commandement en décembre 1992, il

 22   est resté à son poste jusqu'au 3 août 1995, à quel moment il a été nommé

 23   commandant d'une brigade chargée de se rendre en Krajina et son chef

 24   d'état-major, Obrenovic, a été officiellement nommé commandant de brigade

 25   par intérim. Le général Obrenovic [comme interprété] a repris ses fonctions

 26   par la suite, mais aux fins des délibérations aujourd'hui, il est important

 27   de constater qu'à aucun moment entre ces deux événements charnière, sa

 28   prise de commandement en décembre 1992 et le moment où il a quitté,


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  1   Pandurevic s'est substitué à lui le 13 [comme interprété] août 1995,

  2   Pandurevic avait-il relevé de son commandement. Donc, la décision de

  3   responsabilité de commandement Hadzihasanovic est inapplicable. Kubura

  4   n'avait aucune autorité de jure ni un contrôle effectif, alors que

  5   Pandurevic avait les deux.

  6   Si l'on doit donc retenir le postulat de votre question, l'Accusation

  7   estime qu'en l'état de droit, la réponse doit être non. Un supérieur qui

  8   n'a pas "assumé le commandement", d'après les termes de Hadzihasanovic, ne

  9   peut être tenu responsable des actes criminels commis par ses subordonnés.

 10   Néanmoins, Madame, Messieurs les Juges, j'ai des raisons convaincantes dans

 11   l'intérêt de la justice de se départir de la décision sur la responsabilité

 12   de commandement de Hadzihasanovic. C'est contraire au droit coutumier

 13   international en ce sens qu'il bat en brèche l'objet et la vocation de la

 14   responsabilité de commandement, Juge Shahabuddeen :

 15   "…d'assurer qu'il y a toujours quelqu'un qui aura la responsabilité

 16   de s'assurer que la commission de crimes de guerre par un subordonné ne

 17   restera pas impunie…"

 18    Ça, c'est dans l'opinion dissidente partielle de Juge Shahabuddeen,

 19   paragraphe 24 de la responsabilité de commandement de Hadzihasanovic.

 20   Cette même décision de responsabilité de commandement va à l'encontre

 21   de cet objectif, car elle tolère l'impunité. Considérer une situation où

 22   les subordonnés du commandant A commettent un massacre de 10 000

 23   prisonniers à midi, à midi 10, avant que le commandant A ait reçu les

 24   informations suffisamment alarmantes concernant le massacre afin qu'il en

 25   soit informé à des fins d'enquête, il est remplacé par le commandant B. Le

 26   commandant B prend connaissance du massacre à midi 20. Les soldats sous son

 27   commandement, qui avaient exécuté 10 000 personnes 20 minutes avant qu'il

 28   ait pris son commandement, ne peut à présent plus être sanctionnés. Au


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  1   titre de la décision de responsabilité de commandement Hadzihasanovic,

  2   aucun commandant n'a responsabilité de sanctionner les auteurs de ce

  3   massacre.

  4   Comme Juge Hunt sur cette dissension, la décision laisse "un vide

  5   béant dans la protection que le droit humanitaire international cherche à

  6   offrir aux victimes des crimes commis et contrairement à cette loi." Donc,

  7   ça, c'est dans l'opinion partiellement dissidente du Juge Hunt au

  8   paragraphe 22.

  9   C'est pourquoi l'Accusation est d'accord avec les 18 Juges du TPIR et

 10   du TPIY, y compris une majorité des Juges dans la Chambre d'appel d'Oric,

 11   qui ont exprimé des points de vue contraires à la décision Hadzihasanovic.

 12   Celle-ci doit être invalidée pour les raisons énoncées, avec une bien plus

 13   grande éloquence que je ne pourrais déployer, par les Juges Shahabuddeen,

 14   Hunt, Liu et Schomburg dans leurs déclarations et leurs opinions

 15   dissidentes dans Hadzihasanovic et Oric.

 16   Outre le fait d'être une erreur en droit et pas très prisée des

 17   Juges, cette même décision de responsabilité de commandement est contraire

 18   au bon sens, comme son application et ces faits le démontrent.

 19   Le général Pandurevic est un commandant qui était sans conteste en

 20   commandement formel de sa brigade pendant sa brève absence de 11 jours de

 21   son bureau aux baraques Standard. C'est un commandant qui dirigeait des

 22   membres de cette même brigade en combat à peine 40 kilomètres de sa

 23   caserne, mais toujours au sein du même corps d'armée, au sein de la même

 24   armée de terre. C'est un commandant qui a appris dès son retour à sa

 25   caserne que ses subordonnés commettaient des actes criminels, commandant

 26   qui a ensuite appris que ses subordonnés avaient participé à l'opération de

 27   meurtre depuis deux jours avant son retour. Cela dépasse la logique et le

 28   bon sens d'estimer que ce commandant n'a aucune espèce d'obligation de


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  1   sanctionner ces troupes.

  2   Et j'en ai donc terminé avec mes remarques sur ce dernier point de débat. A

  3   moins que vous n'ayez d'autres questions, Madame, Messieurs les Juges --

  4   Monsieur le Président, en réponse à la question du Juge Pocar, j'aurais une

  5   autre citation. Le jugement Nahimana en appel, paragraphe 791 :

  6   "Aucun critère n'est satisfait lorsque le supérieur avait des

  7   informations en sa possession qui pourraient donc l'informer d'éventuels

  8   actes illégaux commis par ses subordonnés."

  9   Ce qui donc étaye bien l'argument de l'Accusation selon lequel il

 10   s'agit du bon critère à appliquer. A moins qu'il n'y ait des questions, je

 11   voudrais laisser la parole à M. Kremer, à moins que vous ne préfériez faire

 12   une pause. Je m'en remets à vous.

 13   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Combien de temps faudrait-il ?

 14   M. KREMER : [interprétation] Je pense que ça va prendre environ une heure,

 15   donc il serait peut-être bon de faire la pause pour ne pas interrompre les

 16   arguments. Voilà, donc.

 17   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire la pause, et nous

 18   reprenons à 11 heures 05.

 19   --- L'audience est suspendue à 10 heures 44.

 20   --- L'audience est reprise à 11 heures 08.

 21   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, donc nous avons une

 22   renonciation de la part de M. Miletic s'agissant de son absence de

 23   l'audience aujourd'hui.

 24   M. KREMER : [interprétation] Avant de démarrer la présentation de mes

 25   arguments, je voudrais aborder quelques aspects concernant le compte rendu

 26   de décisions suite aux arguments développés par Me Wood. Ligne 5, page 13,

 27   le compte rendu d'audience indique "déclenché tant qu'il avait l'assurance

 28   complète que ses subordonnés avaient," et M. Wood avait dit "déclenché


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  1   jusqu'à ce qu'il se soit rendu compte concrètement que les subordonnés a."

  2   Ensuite, page 17, ligne 12, M. Wood a indiqué : "la propre norme de la

  3   Chambre de première instance", mais c'est apparu dans le compte rendu de

  4   décision comme étant "la norme que s'applique l'Accusation." Ça, c'est

  5   manifestement inexact.

  6   Ensuite, dernière modification, à la ligne 18, page 29 [comme interprété].

  7   M. Wood a indiqué "6 043" alors que le compte rendu d'audience indique "6

  8   042." Si ces modifications pouvaient être effectuées.

  9   J'en viens maintenant à la présentation des arguments de l'Accusation sur

 10   le moyen d'appel numéro 1, sous-moyens 1(A) et 1(B). Je commencerai par

 11   dire que le fond de l'appel de l'Accusation est que la Chambre a fait

 12   erreur en acquittant Vinko Pandurevic pour les assassinats de masse commis

 13   dans la zone de Zvornik à partir de midi le 15 juillet. Il a été condamné

 14   pour sa participation à ces assassinats, mais les constatations de la

 15   Chambre s'agissant du degré de sa responsabilité ne reflètent pas la

 16   réalité de la situation.

 17   L'Accusation estime que la Chambre de première instance a fait une erreur

 18   de droit et/ou de fait lorsqu'elle a manqué dans sa constatation que

 19   Pandurevic est devenu membre de l'entreprise criminelle commune visant à

 20   assassiner ou devenir une personne qui aidait et contribuait à

 21   l'extermination, le meurtre et les persécutions commises dans la région de

 22   Zvornik avec la participation de ses subordonnés après qu'il ait regagné la

 23   Brigade de Zvornik le 15 juillet.

 24   Il y a un vice manifeste dans le jugement. La Chambre de première

 25   instance n'a offert que des raisons tangentielles et erronées pour ses

 26   conclusions sur les éléments de contribution et intentions partagées la

 27   part de la responsabilité de Pandurevic dans l'entreprise criminelle

 28   commune. Avoir aidé et encouragé le meurtre, l'extermination et les


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  1   persécutions dans le cadre de l'opération de meurtre, la Chambre n'a pas

  2   évoqué ni statué sur la responsabilité criminelle de Pandurevic de quelle

  3   que manière que ce soit. Mais mis à part ces erreurs de droit, la Chambre a

  4   commis des erreurs de fait. Comme nous l'avons exprimé dans notre

  5   soumission, il y avait des éléments de preuve manifestes quant à la

  6   participation de Pandurevic et son soutien à l'opération de meurtre, à la

  7   fois par l'exercice de son commandement et le contrôle de ses troupes qui

  8   participaient à l'opération de meurtre, et le fait qu'il n'ait pas assumé

  9   ses devoirs légaux qu'il avait à assurer la protection des prisonniers

 10   bosno-musulmans qui furent assassinés dans sa zone de responsabilité. Les

 11   constatations factuelles détaillées de la Chambre quant à la connaissance

 12   qu'avait Pandurevic de ses actes et omissions, ses contributions, auraient

 13   dû amener la Chambre à conclure que Pandurevic partageait l'intention et

 14   qu'il était membre de l'entreprise criminelle commune visant au meurtre ou,

 15   à tout le moins, qu'il ait aidé et contribué la réalisation des crimes de

 16   l'opération de meurtre.

 17   Alors, comment est-ce que la Chambre de première instance a commis

 18   une erreur ? Eh bien, tout simplement, elle a fait fi des éléments de

 19   preuve pertinents et de ses propres constatations, d'ailleurs, ce qui fait

 20   que la Chambre a dégagé des conclusions contradictoires et incohérentes

 21   quant à la connaissance qu'avait Pandurevic, ce qui a abouti à des

 22   conclusions que nous contestons en matière de contributions et d'intention

 23   partagée.

 24   La Chambre de première instance a conclu que le 15 juillet,

 25   Pandurevic était informé du plan de tuer les hommes musulmans de Bosnie en

 26   âge de porter les armes de Srebrenica et était informé de la participation

 27   de ses subordonnés dans cette opération de meurtre. Plus précisément, elle

 28   a conclu que le 15 juillet à midi, Pandurevic avait appris quelles étaient


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  1   les grandes caractéristiques de ce plan de meurtre et les grandes

  2   caractéristiques de la participation de la Brigade de Zvornik dans le cadre

  3   de cette exécution.

  4   Et je vais maintenant en venir à ma première diapositive. Vous pouvez

  5   voir la formule pertinente de la Chambre du paragraphe 1 861 du jugement.

  6   C'est une formule qui est surlignée et il est écrit :

  7   "Obrenovic a informé Pandurevic que conformément à l'ordre donné par

  8   Mladic, Beara et Popovic avaient emmené un grand nombre de prisonniers de

  9   Bratunac au secteur de Zvornik, où ils ont été exécutés et que, d'après

 10   Jokic, il y a eu d'énormes problèmes quant à la garde, l'exécution, et

 11   l'ensevelissement de ces prisonniers. Pandurevic a alors demandé pourquoi

 12   la protection civile ne s'était pas chargée de l'enfouissement ou de

 13   l'ensevelissement de ces personnes."

 14   Alors, on a l'impression, ceci étant dit, que la dernière phrase n'a

 15   pas de lien avec ce qui précédait, mais je vais vous expliquer son

 16   importance dans un moment.

 17   Quelques centaines de paragraphes plus tard, la Chambre a confirmé

 18   cette conclusion quant à la connaissance qu'avait Pandurevic, et ce, aux

 19   paragraphes 1 959 et 1 960, et on retrouve cette mention au paragraphe 1

 20   861. Et vous le verrez dans le cliché suivant. J'aimerais, dans un premier

 21   temps, vous renvoyer au paragraphe 1 959, car la Chambre y a conclu qu'elle

 22   était :

 23   "…finalement convaincue au-delà de tout doute raisonnable que le 15

 24   juillet, Obrenovic avait dit à Pandurevic, lui avait parlé de la détention,

 25   de l'exécution et de l'enfouissement des prisonniers dans la zone de

 26   Zvornik, tel que cela a été décrit par le Témoin PW-168."

 27   Puis, au paragraphe 1 960 - et une fois de plus, j'ai surligné le

 28   passage pertinent - la Chambre a conclu que :


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  1   "…Pandurevic, par conséquent, était informé que, conformément à

  2   l'ordre de Mladic, Beara et Popovic avaient emmené un grand nombre de

  3   prisonniers depuis Bratunac dans la zone de Zvornik, où ils ont été

  4   exécutés, et que, d'après Jokic, ils ont eu d'énormes problèmes pour ce qui

  5   était de la garde de ces prisonniers, de leur exécution, et de leur

  6   ensevelissement. Au vu de cette connaissance de Pandurevic, la Chambre de

  7   première instance conclut, par conséquent, qu'à ce moment-là, le 15

  8   juillet," et j'insiste là-dessus, "il était informé du plan qui visait à

  9   tuer les hommes musulmans de Bosnie en âge de porter les armes qui se

 10   trouvaient dans la zone de Srebrenica."

 11   Et ce qui est important, c'est que ces extraits montrent que la

 12   Chambre a rejeté le déni de Pandurevic. D'après lui, lui-même et Obrenovic

 13   n'auraient pas eu cette conversation, tout comme la Chambre a réfuté la

 14   plupart de ce que Pandurevic avait dit ou alors ses explications tout à

 15   fait innocentes qui porteraient sur des éléments de preuve qui tendraient à

 16   l'incriminer. La Chambre a conclu que Pandurevic était informé de cette

 17   opération de meurtre qui était en cours à midi le 15 juillet.

 18   La Chambre a également conclu que Pandurevic était informé de cette

 19   opération de meurtre et il savait, en fait, que cela avait une incidence

 20   sur sa prise de décision puisque quelques heures plus tard le 15 juillet,

 21   on voit ce qu'il écrit dans son rapport de combat intérimaire. Au

 22   paragraphe 4 de ce rapport, qui est reproduit au paragraphe 1 870 du

 23   jugement, Pandurevic indique ce qui suit dans son rapport :

 24   "Alors, nous avons une charge supplémentaire, il s'agit du grand

 25   nombre de prisonniers qui ont été répartis dans les écoles de la zone de la

 26   brigade, et sans oublier les obligations de sécurité et de restauration de

 27   ce terrain."

 28   J'en viens maintenant à ma troisième diapositive. Comme vous le voyez


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  1   surligné sur cette diapositive, au paragraphe 1 948, la Chambre a conclu

  2   que :

  3   "…la première partie de la phrase du paragraphe 4" dont je viens de

  4   vous donner lecture, dans cette première partie de la phrase du paragraphe

  5   4 et il s'agit toujours donc de ce rapport du 15 juillet, "Pandurevic fait

  6   une référence assez sibylline à la charge supplémentaire pour la brigade,

  7   charge supplémentaire puisqu'ils doivent garder les prisonniers et qu'ils

  8   ont des préoccupations en matière de sécurité causées par la présence de

  9   ces prisonniers à Zvornik."

 10   Et la Chambre de première instance a, qui plus est, conclu que :

 11   "…la deuxième partie de", et là je cite la phrase de ce paragraphe,

 12   "dans cette deuxième partie de la phrase, Pandurevic fait référence à la

 13   charge que cela représente pour la brigade, la brigade qui est en train

 14   d'aider à l'ensevelissement des prisonniers qui ont été emmenés par

 15   d'autres personnes dans la zone de Zvornik pour y être exécutées."

 16   Et puis finalement, la Chambre de première instance conclut que le

 17   rapport lui-même :

 18   "…constituait des éléments de preuve particulièrement importants

 19   indiquant que le 15 juillet, Pandurevic était non seulement informé de la

 20   présence des prisonniers, mais également informé des exécutions dans la

 21   zone de Zvornik."

 22   Donc, Madame, Messieurs les Juges, ces conclusions ont leur

 23   importance, parce que lorsqu'on les prend dans leur globalité, cela montre

 24   que la Chambre était absolument convaincue que le 15 juillet, Pandurevic

 25   était informé de cette opération de meurtre et que les ressources de sa

 26   Brigade de Zvornik étaient utilisées. Toutefois, lorsqu'il a fallu évaluer

 27   ses contributions et la façon dont il a partagé cette intention, la

 28   Chambre, de façon assez inexplicable, a fait fi de ces conclusions.


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  1   J'en viens maintenant à ma quatrième diapositive, qui vous montre la

  2   partie pertinente du paragraphe 1 972, et vous voyez le paragraphe

  3   surligné, où la Chambre a conclu que :

  4   "…après avoir considéré les informations précises fournies par

  5   Obrenovic le 15 juillet, la Chambre de première instance n'est pas

  6   convaincue que ces informations soient suffisantes per se ou lorsqu'on les

  7   combine avec les informations fournies par Grujic pour en conclure qu'à ce

  8   moment-là, Pandurevic savait que des membres de la Brigade de Zvornik

  9   étaient en train de commettre des crimes ou aidait et encourageait à la

 10   commission de ces crimes. Il est important de constater qu'on ne lui a pas

 11   dit ou qu'il n'a pas essayé d'obtenir des renseignements à propos de la

 12   participation de la Brigade de Zvornik dans l'opération de meurtre à propos

 13   de ce que savaient les membres de la brigade quant à ces exécutions ou à

 14   propos des responsabilités précises de son chef de sécurité dans le cadre

 15   de cette opération. Alors, il est indubitable que cette information aurait

 16   dû déclencher des obligations pour lui pour ce qui est de la responsabilité

 17   du supérieur hiérarchique, et nous reviendrons là-dessus un peu plus tard,

 18   mais pour ce qui est d'évaluer sa participation aux crimes et ses

 19   contributions à l'entreprise criminelle commune, la Chambre de première

 20   instance n'est pas convaincue que la connaissance requise pour la

 21   commission par omission a été respectée."

 22   Et nous avons un moyen d'appel qui vise justement l'erreur qui a été

 23   commise en utilisant la norme de la commission par omission pour évaluer

 24   les actes et les contributions ou les actes et omissions en tant que

 25   contributions à l'entreprise criminelle commune.

 26   La Chambre se contredit d'ailleurs lorsqu'elle conclut que Pandurevic ne

 27   savait pas que les membres de la Brigade de Zvornik avaient participé aux

 28   crimes à ce moment-là des opérations.


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  1   Il y a le maillon manquant de la connaissance du 15 juillet à midi, et

  2   c'est justement ce que la Chambre a conclu au paragraphe 1 948, il s'agit

  3   du rapport du 15 juillet, rapport établi par Pandurevic lui-même.

  4   Permettez-moi de réitérer et de relire la partie pertinente du paragraphe 1

  5   948 :

  6   "La Chambre de première instance conclut que dans la première partie de la

  7   phrase du paragraphe 4 du rapport de combat intérimaire du 15 juillet,

  8   Pandurevic fait une référence masquée à la charge supplémentaire que cela

  9   représente pour la brigade qui doit garder des prisonniers, brigade pour

 10   laquelle cela représente également des problèmes de sécurité du fait de la

 11   présence de ces prisonniers à Zvornik."

 12   Mais la Chambre de première instance conclut, qui plus est, dans la

 13   deuxième partie de la phrase de ce même paragraphe, que Pandurevic fait

 14   référence à la charge pour la brigade, charge qui consiste à aider à

 15   l'ensevelissement des prisonniers qui ont été emmenés par d'autres dans la

 16   zone de Zvornik pour y être exécutés.

 17   Le paragraphe 1 948 indique de façon très claire que le 15 juillet,

 18   Pandurevic savait que la Brigade de Zvornik, ses hommes et ses ressources,

 19   participait à l'opération de meurtre.

 20   Et si l'on examine d'un peu plus près le paragraphe 1 972, on voit où se

 21   trouve l'erreur et comment cette erreur est survenue. Cette erreur vient du

 22   fait que la Chambre de première instance a limité son évaluation de la

 23   connaissance de Pandurevic quant à la participation de la Brigade de

 24   Zvornik à l'opération de meurtre à ce qu'il a appris lors des conversations

 25   avec Obrenovic et Grujic le 15 juillet. Le paragraphe 1 972 ignore, et cela

 26   est assez révélateur, d'ailleurs : premièrement, que l'information que

 27   Pandurevic lui-même a donnée permet de comprendre ce qu'il savait de

 28   l'opération de meurtre dans son rapport du 15 juillet; et deuxièmement,


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  1   qu'au vu du contexte des faits, au vu de la participation des ressources de

  2   la Brigade de Zvornik à l'opération de meurtre, Pandurevic en était informé

  3   en tant que commandant de la Brigade de Zvornik à son retour.

  4   Et si vous prenez en considération cet élément supplémentaire, alors vous

  5   voyez d'un œil tout à fait différent les conclusions de la Chambre de

  6   première instance, conclusions qui sont décrites aux paragraphes 1 972 et 1

  7   973.

  8   Car à midi le 15 juillet, Pandurevic savait que Jokic avait informé

  9   Obrenovic que lui, Jokic, en d'autres termes, "avait des problèmes de

 10   sécurité importants et des problèmes posés par l'ensevelissement des

 11   prisonniers." Et du fait que Jokic avait d'énormes problèmes de sécurité et

 12   d'énormes problèmes à cause de ces ensevelissements, Pandurevic, lui,

 13   savait que Jokic et d'autres membres de la Brigade de Zvornik étaient en

 14   train de participer à la garde, aux activités d'ensevelissement à la suite

 15   de l'opération de meurtre. Dans ce contexte, l'information qu'il reçoit

 16   montre que Jokic n'était pas seul à avoir ce problème. Les éléments de

 17   preuve montrent que la sécurité de ces prisonniers était une responsabilité

 18   qui, d'ordinaire, relevait de la Brigade de la Police militaire. Et pour ce

 19   qui était des ensevelissements, il fallait y faire participer les membres

 20   de la Compagnie de génie ainsi que leur matériel. Et je vous renvoie,

 21   Madame, Messieurs les Juges, aux paragraphes du jugement 1 935, 2 038, et

 22   aux pages du compte rendu d'audience 15 886, 16 228 à 16 229.

 23   Alors, quelle est la réponse de Pandurevic face au rapport de Jokic,

 24   lorsqu'il reçoit le rapport de Jokic : "Mais pourquoi est-ce que la

 25   protection civile n'est pas en train de s'occuper des ensevelissements,"

 26   paragraphe 1 861. Cela montre qu'il avait compris pour le moins que la

 27   Compagnie du génie de la Brigade de Zvornik participait à l'ensevelissement

 28   des prisonniers. Et vous vous souviendrez, Madame, Messieurs les Juges, que


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  1   Beara avait pris contact avec les autorités civiles à Bratunac ainsi qu'à

  2   Zvornik pour leur demander leur assistance lors de l'ensevelissement des

  3   prisonniers exécutés. Vous trouverez ces références aux paragraphes du

  4   jugement en première instance 1 263 à 1 271 dans le cas de Bratunac, et au

  5   paragraphe 1 278 dans le cas de Zvornik. Obrenovic relate les problèmes

  6   auxquels doit faire face la Brigade de Zvornik lors des opérations de

  7   meurtre, et ces problèmes incluent la garde des prisonniers et leur

  8   exécution. Et les paragraphes idoines étant les paragraphes 1 861, 1 935 et

  9   1 948. Vous connaissez deux de ces trois références. Car, d'après cette

 10   conversation, Pandurevic savait que les membres de la Brigade de Zvornik

 11   avaient participé activement à l'opération de meurtre, était informé de ses

 12   crimes. Rien que cela, en fait, contredit les conclusions de la Chambre au

 13   paragraphe 1 972, conclusions suivant lesquelles Pandurevic ne disposait

 14   pas des renseignements suffisants à propos de la participation de la

 15   Brigade de Zvornik dans le cadre de l'opération de meurtre.

 16   Or, la Chambre de première instance ne s'arrête pas là. La Chambre de

 17   première instance dégage une conclusion supplémentaire au paragraphe 1 973

 18   suivant laquelle Pandurevic savait que les membres de la Brigade de Zvornik

 19   avaient participé à la garde des prisonniers qui avaient été détenus dans

 20   la zone de Zvornik et avaient participé aux ensevelissements des

 21   prisonniers exécutés, et lorsqu'il avance que ces informations, il ne les a

 22   pas eues avant la soirée du 16 juillet, donc après l'opération de meurtre,

 23   quand elle était quasiment terminée, cela est tout à fait fallacieux, c'est

 24   faux, pour la même raison, et je m'appuie également sur les constatations

 25   de la Chambre de première instance, et c'est pour cela que j'avance que

 26   cela est erroné.

 27   Alors que Pandurevic a certainement ou peut-être appris de plus amples

 28   détails les jours suivants à propos de la participation des membres de la


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  1   Brigade de Zvornik, pour ce qui est des nombres exacts des lieux de

  2   détention, des meurtres, des sites d'enfouissement, d'aucuns peuvent

  3   imaginer que ces détails ne lui ont pas forcément été donnés le 15 juillet.

  4   Mais le 15 juillet, il avait été informé et il savait que des meurtres et

  5   des exterminations systématiques étaient en cours dans différents sites de

  6   son secteur. Aucune Chambre de première instance raisonnable n'aurait pu en

  7   conclure autrement.

  8   Et la Chambre de première instance a tiré une conclusion erronée que

  9   l'on retrouve d'ailleurs, cette erreur, lorsqu'il est question de la

 10   Brigade de Zvornik et de la participation importante du commandement de la

 11   Brigade de Zvornik lors de la mise en œuvre de l'opération de meurtre le 15

 12   et le 16 juillet, lorsque Pandurevic repart à Zvornik, et pendant cette

 13   période, il faut savoir que 3 000 prisonniers musulmans de Bosnie sont

 14   exécutés et sont en plus ensevelis dans sa zone de responsabilité.

 15   J'en viens maintenant à la diapositive suivante. Vous verrez sur votre

 16   écran la pièce P1876 qui décrit la zone de responsabilité de la Brigade de

 17   Zvornik, vous voyez que nous avons apposé le titre 14 juillet, donc le jour

 18   qui précède le retour de Pandurevic à la caserne de Standard. Et nous avons

 19   ajouté des informations sur cette carte pour vous montrer comment les

 20   différents effectifs et les différentes ressources de la Brigade de Zvornik

 21   ont été utilisés pendant l'opération de meurtre ce même jour.

 22   Et vous voyez sur la gauche de la carte les zones qui correspondent aux

 23   sept bataillons de la Brigade de Zvornik, au milieu de la carte, et vous

 24   voyez qu'il y a des chiffres qui y correspondent, et cela est divisé par

 25   des lignes en rose. Au bas de la carte, vous pouvez voir Karakaj. C'est là

 26   où se trouvait cantonnée la Brigade de Zvornik, à la caserne de Standard.

 27   Vous voyez ces petites flèches rouges au bas de la carte qui représentent

 28   la colonne des Musulmans de Bosnie qui se rapproche. Et les flèches vont


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  1   dans la direction du 4e et du 7e Bataillons.

  2   Vous avez également les rectangles rouges qui représentent les écoles

  3   qui ont fait office de lieux de détention pour les prisonniers avant qu'ils

  4   ne soient exécutés. Les cercles rouges représentent les lieux d'exécution.

  5   Regardez le coin supérieur gauche, et là, vous avez ces flèches de

  6   différentes couleurs qui représentent les déplacements des différents types

  7   de ressources de la Brigade de Zvornik : le vert correspond au militaire,

  8   le bleu à la sécurité militaire ou à la police militaire, la couleur orange

  9   aux ressources du génie, et le mauve aux ressources logistiques. Les

 10   flèches sont accompagnées de références par rapport à la source

 11   d'information à propos de ce déplacement. Alors, ce que j'aimerais

 12   indiquer, c'est que les flèches ne vous donnent pas l'itinéraire exact qui

 13   a été emprunté par les ressources ou le personnel de la Brigade de Zvornik

 14   mais nous indiquent à partir de quel endroit ou de quelle zone les

 15   ressources et les effectifs de la Brigade de Zvornik ont été envoyés sur

 16   les lieux en question.

 17   Comme vous voyez ici, on a encore deux cartes. Chacune correspond à chacun

 18   des jours, les 15 et 16 juillet, et à commencer avec la carte qui

 19   correspond au 14 juillet. Vous voyez sur cette carte :

 20   La Brigade de Zvornik venait en aide de façon active à l'opération de

 21   meurtre en cours avec des moyens qui convergeaient sur l'école de Grbavci

 22   et d'Orahovac, où les premières exécutions de masse avaient lieu dans la

 23   zone de Zvornik. Et voici les références du procès, à savoir 471 et 489 du

 24   jugement.

 25   Deuxièmement, le déploiement des moyens de la Brigade de Zvornik vers ces

 26   sites ne s'est pas fait de façon spontanée ou arbitraire. Il y a eu des

 27   ordres émis par des membres de haut rang de la Brigade de Zvornik, y

 28   compris venant d'Obrenovic, le chef d'état-major de Pandurevic; et le


Page 524

  1   commandant de la police militaire de la Brigade de Zvornik; ainsi que

  2   Ristic, le commandant du 4e Bataillon par intérim. Je me réfère ici aux

  3   paragraphes 471, 478, 486 et 1 879 du jugement.

  4   Troisième chose à dire, les moyens du 4e Bataillon ont participé à

  5   l'opération de meurtre au moment où la colonne approchait la zone de

  6   responsabilité du 4e Bataillon. Ce fait sera d'une plus grande importance

  7   dans quelques instants. Et maintenant, je me réfère aux paragraphes 479 à

  8   486 du jugement.

  9   Maintenant, je vous propose de regarder le transparent qui illustre les

 10   activités qui se sont déroulées le 15 juillet. Une fois de plus, sur cette

 11   carte, vous voyez la distribution des moyens de la Brigade de Zvornik et du

 12   personnel sur les différents sites concernés par l'opération de meurtre.

 13   Madame, Messieurs les Juges, comme vous le savez et comme vous l'avez

 14   entendu tout au long de la semaine, c'est ce jour que Pandurevic a été

 15   renvoyé à Zvornik avec pour ordre de Krstic de détruire la colonne. La

 16   colonne apparaît ici sur cette carte dans la zone arrière des 4e, 6e et 7e

 17   Bataillons. Ayant reçu les ordres de Krstic, Pandurevic a placé deux appels

 18   téléphoniques à la Brigade de Zvornik, un à 8 heures 55 et un à 9 heures 10

 19   du matin. Je vous renvoie au paragraphe 1 860 du jugement et aux pièces

 20   versées au dossier P1172c et P1174c. J'aimerais faire remarquer que c'est

 21   dans ces appels téléphoniques que Pandurevic a demandé des rapports sur la

 22   situation de combat en insistant particulièrement sur les zones des 4e, 6e

 23   et 7e Bataillons.

 24   Ainsi que vous pouvez le voir sur la carte, le 15 juillet, le 6e Bataillon,

 25   y compris le commandant du 6e Bataillon Stanisic, était impliqué dans

 26   l'opération de meurtre. Plus particulièrement, Stanisic a donné pour ordre

 27   que des camions et des chauffeurs de l'école de Petkovci transportent des

 28   prisonniers au site d'exécution près du barrage et ensuite, suite à


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  1   l'exécution, de déplacer les quelque 800 corps à la fosse commune. Et ici,

  2   je me réfère aux paragraphes 499 à 501 du jugement.

  3   J'aimerais ici dire qu'en outre les moyens du 4e et 6e Bataillons, d'autres

  4   bataillons de la Brigade de Zvornik étaient impliqués dans les opérations

  5   de meurtre. Le 15 juillet, ainsi que vous le voyez sur cette carte, dans la

  6   partie nord de la zone de responsabilité de la Brigade de Zvornik, des

  7   moyens de la brigade et du personnel ont été utilisés à l'école Rocevic et

  8   à Kozluk, y compris des soldats qui ont participé à l'exécution de

  9   prisonniers ainsi que la police militaire qui était impliquée dans la garde

 10   des prisonniers. Des soldats du 1er Bataillon ont été envoyés à l'école de

 11   Kula pour prendre la relève de ceux qui assuraient la garde des prisonniers

 12   depuis le 14. En outre, des moyens du génie étaient toujours engagés à

 13   Orahovac. Ici, je vous renvoie aux paragraphes 490, 501, de 507 à 511, 515,

 14   518 à 520, et 530 et 531 du jugement.

 15   Les membres de haut rang de la Brigade de Zvornik étaient également

 16   impliqués dans ces crimes, y compris le commandant du 2e Bataillon,

 17   Acimovic, le commandant de la police militaire de la Brigade de Zvornik,

 18   Jasikovac, et l'officier de service de la Brigade de Zvornik et chef du

 19   génie, Jokic. Tous ont délivré des ordres à leurs hommes leur assignant des

 20   tâches en ce qui concerne la garde, l'exécution et l'ensevelissement à

 21   Orahovac, à l'école de Rocevic, et à Kozluk. Et ici, je me réfère aux

 22   paragraphes 489, 490, 507 à 511, 515, 517 à 522 du jugement.

 23   Ce transparent ainsi que mes arguments illustrent deux choses : tout

 24   d'abord, l'ampleur de la participation de la Brigade de Zvornik dans tous

 25   les aspects de l'opération de meurtre, tant du point de vue du nombre de

 26   personnes impliquées que des moyens déployés et de la participation des

 27   commandants de haut rang. Les détentions, meurtres, et ensevelissements de

 28   plusieurs milliers de prisonniers musulmans bosniaques n'auraient pas pu


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  1   avoir lieu sans la participation substantielle de la Brigade de Zvornik;

  2   deuxièmement, ceci démontre que les meurtres de masse se déroulaient après

  3   le retour de Pandurevic à midi le 15 juillet. Les meurtres qui ont eu lieu

  4   à Petkovci, au barrage, et à Kozluk faisaient partie des opérations les

  5   plus importantes dans l'opération globale. La première information que

  6   Pandurevic a reçue de son chef d'état-major, Obrenovic, était que ses

  7   troupes participaient aux opérations de meurtre de masse sur les ordres de

  8   Mladic et que, pourtant, il avait décidé de les autoriser à poursuivre, de

  9   laisser faire.

 10   Et c'est donc sachant qu'il y avait eu une participation de ses subordonnés

 11   dans l'opération de meurtre - avec les moyens de la Brigade de Zvornik qui

 12   étaient mis à contribution vu les impératifs de l'opération de meurtre qui

 13   se déroulait - que Pandurevic a rédigé son rapport de combat intérimaire à

 14   19 heures 25. Ici, je me réfère au paragraphe 1 868 du jugement. Ce rapport

 15   est absolument capital pour l'analyse factuelle à laquelle je me livre pour

 16   montrer à quel point la Chambre de première instance s'est trompée ou s'est

 17   fourvoyée dans les paragraphes 1968 [comme interprété] et -73 lorsqu'ils

 18   ont évalué sa connaissance pour évaluer sa contribution et l'évaluation qui

 19   a été faite de l'intention partagée.

 20   Le rapport du 15 juillet de Pandurevic, compris dans son intégralité à la

 21   pièce P329, confirme sa décision de commandement d'avaliser l'opération de

 22   meurtre en autorisant les membres de sa brigade à continuer à y participer.

 23   Après que Pandurevic ait fait rapport comme quoi "toutes les forces de la

 24   brigade sont pleinement engagées et nous n'avons plus de réserves", il rend

 25   compte de l'opération de meurtre. En rendant compte que "toutes les forces

 26   sont engagées", Pandurevic faisait savoir à ses supérieurs qu'il sait que

 27   ses subordonnés du 4e et 6e Bataillons, de pair avec la police militaire et

 28   la Compagnie de génie, participent à l'opération de meurtre à Orahovac,


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  1   Kozluk, et Petkovci.

  2   Pandurevic, dans son rapport, dit que des limitations de matériel et de

  3   moyens ont une incidence sur sa capacité à "régler ces problèmes", ce qui a

  4   mené à la conclusion par la Chambre que la Brigade de Zvornik avait

  5   participé à l'opération de meurtre. L'autorité de commandant de Pandurevic

  6   pour traiter ces problèmes a été démontrée de façon très claire par la

  7   menace qu'il a proférée de laisser partir la colonne. Ceci figure aux

  8   paragraphes 1 962 et 1 963 du jugement.

  9   Mais, cependant, Pandurevic n'a pas menacé de laisser partir les

 10   prisonniers. Alors que les événements se sont déroulés pendant la journée

 11   du 15 et du 16, ses subordonnés ont continué à assurer la garde et le

 12   transport de prisonniers musulmans bosniaques, de fournir du carburant et

 13   des munitions aux sites de détention et d'exécution, de transporter et/ou

 14   d'ensevelir les prisonniers exécutés dans des fosses communes non

 15   identifiées et, dans au moins un cas, à exécuter des prisonniers.

 16   Ce qui m'amène à mon tout dernier transparent, qui correspond à la

 17   situation du 16 juillet et, une fois de plus, vous y voyez la distribution

 18   des moyens de la Brigade de Zvornik ainsi que du personnel de la brigade.

 19   Le 16 juillet, la colonne combattait la Brigade de Zvornik dans la zone

 20   près de Baljkovica, à proximité des zones du 4e et du 6e Bataillons. Le

 21   rapport de Pandurevic du 15 juillet montre que la Brigade de Zvornik avait

 22   désespérément besoin de moyens et avait lancé un appel pour des renforts.

 23   Au même moment, les ordres venant des commandants de la Brigade de Zvornik

 24   ont envoyé des moyens loin des lignes de front, donc les affectant à

 25   l'opération de meurtre.

 26    Des soldats du 6e Bataillon de la Brigade de Zvornik ont quitté les lignes

 27   de front pour se rendre à l'école de Petkovci pour aider avec le

 28   déplacement des corps vers le barrage de Petkovci; paragraphe 1 881 du


Page 528

  1   jugement.

  2   Le commandant du peloton du 1er Bataillon, Lakic, a donné pour ordre à des

  3   hommes à l'école de Kula de monter la garde pendant que les prisonniers

  4   étaient mis à bord de bus qui les ont amenés à la ferme militaire de la

  5   brigade près de Branjevo pour exécution qui a été exécutée par le 10e

  6   Détachement de Sabotage; paragraphes 533 à 535, 537 à 542 du jugement.

  7   Lakic a ensuite donné pour ordre à ses hommes de se rendre au centre

  8   culturel de Pilica, où des soldats de Bratunac avaient exécuté quelque 500

  9   prisonniers. Les hommes de Lakic ont chargé les corps à bord des camions et

 10   les ont transportés à la ferme militaire de Branjevo pour y être ensevelis.

 11   Les ensevelissements à Branjevo ont dû se poursuivre la journée suivante;

 12   paragraphes 542 à 546 du jugement.

 13   Le chef du génie de la Brigade de Zvornik, Jokic, a donné pour ordre au 2e

 14   Peloton de Kozluk de continuer à ensevelir ceux qui avaient été exécutés la

 15   journée d'avant. Et un excavateur a été envoyé sur place. Paragraphes 521

 16   et 522 du jugement, pièce P301.

 17   Le personnel du génie de la Brigade de Zvornik se trouvait à Orahovac cette

 18   journée. Un camion a fait des allers-retours entre les deux sites des

 19   fosses communes; pièces P297 et P298.

 20   Et enfin, sur la carte, vous voyez que la police militaire de la Brigade de

 21   Zvornik a passé toute la journée du 16 juillet sur trois sites essentiels

 22   d'exécution, à savoir Pilica, Rocevic et Kula. Vous trouverez ceci à la

 23   pièce P296.

 24   C'est dans ce cadre que Pandurevic a compris qu'il ne pouvait combattre la

 25   colonne et le 2e Corps de l'ABiH et que ses hommes, ainsi que la ville de

 26   Zvornik, étaient en péril. Il a décidé de négocier un accord pour permettre

 27   à la colonne de passer par le territoire contrôlé par la Brigade de Zvornik

 28   pour rejoindre le territoire de l'ABiH. Son offre d'autoriser les civils à


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  1   passer et à la partie militaire de se rendre a été rejetée et les combats

  2   se sont donc poursuivis. Enfin, un accord en vertu duquel toute la colonne

  3   pouvait passer à travers les lignes de la Brigade de Zvornik a été mis en

  4   œuvre entre 13 et 14 heures. Cet accord comprenait un cessez-le-feu.

  5   Vous pourriez vous demander en quoi est-ce que ce cessez-le-feu a une

  6   importance ? Parce que ceci aurait donné à Pandurevic le temps de s'occuper

  7   de son autre problème qui le confrontait immédiatement, à savoir

  8   l'opération de meurtre, la seule autre charge qui pesait sur ses hommes et

  9   son matériel à ce moment-là.

 10   Que s'est-il passé ? Lorsque le corridor a été ouvert dans l'après-midi du

 11   16 juillet et que la colonne a pu passer, des centaines de prisonniers

 12   musulmans que l'on exécutait à la ferme de Branjevo et 500 Musulmans qui

 13   attendaient d'être exécutés au centre culturel de Pilica plus tard la même

 14   journée. Donc, un nombre important d'hommes et du matériel de la Brigade de

 15   Zvornik ont été utilisés pour mener à bien ces exécutions, ainsi que les

 16   opérations d'ensevelissement qui se poursuivaient à Orahovac, Petkovci et

 17   Kozluk. Et je me réfère ici aux paragraphes 521 à 522, 532 à 547, 1 881 du

 18   jugement, ainsi que les pièces P297, P298 et P301.

 19   Tout comme dans son rapport de combat provisoire du 15 juillet, Pandurevic,

 20   dans son rapport du 16 juillet, rapport de combat provisoire qui porte le

 21   numéro de pièce à conviction 7DP330, confirmait ses décisions en qualité de

 22   commandant. Il rendait compte des attaques lancées par le 2e Corps et les

 23   attaques lancées depuis la colonne. Il rendait compte également de sa

 24   décision de laisser passer la colonne. Ce dont il ne rendait cependant pas

 25   compte, c'était le troisième problème, la charge placée sur sa brigade à

 26   cause de l'opération de meurtre qui se poursuivait sans le moindre incident

 27   et avec le soutien des ressources de la Brigade de Zvornik, et les

 28   décisions de commandement de Pandurevic ont permis de s'assurer de


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  1   l'achèvement réussi de cette opération de meurtre. Le cessez-le-feu visant

  2   à laisser passer la colonne a en fait éliminé tout risque que des forces de

  3   la Brigade de Zvornik qui étaient engagées dans l'opération de meurtre

  4   puissent être nécessaires pour combattre la colonne sur les lignes de

  5   front.

  6   Comme je l'ai déjà indiqué, Pandurevic n'avait pas peur de désobéir aux

  7   ordres de ses supérieurs en laissant passer la colonne à travers les lignes

  8   de la Brigade de Zvornik en direction du territoire tenu par les Musulmans

  9   de Bosnie, Pandurevic a choisi la sécurité de ses hommes et la protection

 10   des positions de la VRS le long des lignes de confrontation plutôt que les

 11   ordres clairs qu'il avait de ses supérieurs lui enjoignant d'écraser et de

 12   détruire la colonne. De même, Pandurevic avait également à sa disposition

 13   matériellement et tout à fait dans le cadre de ses possibilités cette

 14   option qui aurait consisté à protéger les prisonniers qui étaient en train

 15   d'être tués dans la zone de responsabilité de Zvornik. Je réfère les Juges

 16   à notre mémoire en appel, paragraphes 77 à 82.

 17   Si l'on prend en considération ce contexte dans son ensemble, la

 18   connaissance qu'avait Pandurevic et les contributions qu'il a faites sont

 19   tout à fait manifestes et démontrent au-delà de tout doute raisonnable

 20   qu'il partageait l'intention au cœur de l'entreprise criminelle commune

 21   visant à tuer. Une fois qu'il avait appris l'émission de cet ordre

 22   manifestement illégal de Mladic enjoignant d'exécuter l'opération de

 23   meurtre dans sa propre zone de responsabilité, Pandurevic, en tant que

 24   commandant, avait un choix à faire. Il pouvait choisir d'accepter cet ordre

 25   et de commander l'exécution des différentes tâches en lesquelles

 26   consistaient l'opération de meurtre qui avait été attribuée à sa brigade,

 27   ou il pouvait refuser d'exécuter cet ordre, revenir sur le commandement

 28   initialement accordé à Obrenovic, et mettre fin à la participation de sa


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  1   brigade à l'opération de meurtre. Pandurevic a choisi d'endosser et

  2   d'exécuter l'ordre manifestement illégal de Mladic. Il doit accepter la

  3   responsabilité de cette décision.

  4   Et j'ai déjà dit dans mes arguments - et j'espère vous avoir convaincus à

  5   la lumière des faits - que si la Chambre de première instance s'était

  6   penchée sur les rapports de combat provisoires et sur les faits tels qu'ils

  7   prévalaient sur le terrain ainsi que sur la participation de cette brigade

  8   dans l'opération de meurtre ainsi que cela est consigné dans les rapports

  9   de combat, eh bien, la seule conclusion à laquelle il aurait été possible

 10   de parvenir concernant la connaissance qu'avait l'accusé et ses

 11   contributions est qu'il partageait et approuvait cette intention.

 12   Bien que le plan visant à tuer les prisonniers bosno-musulmans ne provienne

 13   pas de Pandurevic à l'origine, son approbation et sa participation a permis

 14   de garantir le succès de l'opération.

 15   La seule conclusion raisonnable est que Pandurevic a décidé que les

 16   différentes tâches afférentes à l'opération de meurtre devaient être

 17   exécutées. L'intention de Pandurevic remplit, par conséquent, les critères

 18   de seuil au titre de l'entreprise criminelle commune de première forme.

 19   Quant à l'aide et l'encouragement concernant la position subsidiaire de

 20   l'Accusation dans ses moyens d'appel, la seule conclusion raisonnable à

 21   laquelle pouvait parvenir la Chambre de première instance si elle avait

 22   correctement analysé les faits et avait conclu de façon adéquate est que

 23   Pandurevic savait que les prisonniers bosno-musulmans étaient emmenés dans

 24   la zone de responsabilité de Zvornik afin d'y être exécutés et qu'en

 25   permettant à sa brigade à continuer à participer à l'opération de meurtre

 26   en assurant la garde de ces prisonniers, l'ensevelissement de leurs corps,

 27   et la fourniture de soutien logistique, il participerait à un meurtre, à

 28   une extermination, et à des persécutions.


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  1   Et je vous réfère à l'arrêt Krstic, qui décrit précisément la

  2   situation dans laquelle nous nous trouvons ici, paragraphe 137 :

  3   "Radislav Krstic savait que l'état-major principal ne disposait pas

  4   de ressources propres suffisantes pour mener à bien les exécutions et que

  5   faute de recourir aux ressources du Corps de la Drina, l'état-major

  6   principal n'aurait pas été en mesure de mettre en œuvre son plan

  7   génocidaire. Krstic savait qu'en autorisant le recours aux ressources du

  8   Corps de la Drina, il faisait une contribution substantielle à l'exécution

  9   des prisonniers bosno-musulmans. Bien que les éléments de preuve suggèrent

 10   que Radislav Krstic n'a pas été l'un de ceux qui a soutenu ce plan, en tant

 11   que commandant du Corps de la Drina, il a en revanche autorisé l'état-major

 12   principal à recourir aux ressources de son corps d'armée et à les utiliser.

 13   La responsabilité pénale de Krstic est, par conséquent, mieux définie et

 14   articulée en tant que celle d'une personne qui a aidé et encouragé…"

 15   De la même manière, nous parlons ici de Krstic dans le contexte de

 16   l'aide et de l'encouragement au génocide ou à la commission du génocide,

 17   une discussion qui s'écarte un tout petit peu de ce qui nous intéresse

 18   concernant Pandurevic, parce qu'on n'a pas conclu à une intention

 19   génocidaire auprès de Pandurevic et ceci n'a pas fait l'objet d'un appel.

 20   Cependant, la même analyse s'applique ainsi que la même conclusion à

 21   titre subsidiaire par rapport à notre position de départ, à savoir que

 22   Pandurevic partageait la même intention que les autres participants à

 23   l'entreprise criminelle commune, à savoir qu'il avait l'intention

 24   d'apporter un soutien plein et entier, une assistance pleine et entière au

 25   moyen de ses ordres à l'exécution de l'opération de meurtre et, ceci, en

 26   pleine de connaissance de cause du fait que ses propres contributions

 27   allaient être des contributions substantielles significatives à

 28   l'entreprise criminelle commune ainsi qu'au fait d'aider et d'encourager.


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  1   Alors, je ne suis pas sûr d'avoir besoin d'entrer dans ces détails,

  2   parce que ceci a déjà été abordé par les arguments de mon collègue, M.

  3   Milaninia, il s'agit de l'élément de visée spécifiquement à. Si les Juges

  4   de la Chambre souhaitent que nous reprenions ce sujet, et notamment

  5   l'argument qui était lié à l'affaire Perisic, eh bien, l'Accusation affirme

  6   que le lien de culpabilité reliant le général Pandurevic aux crimes commis

  7   est tout à fait manifeste sur la base de la participation de ses

  8   subordonnés à l'opération de meurtre sur la base de la connaissance qu'il

  9   en avait, et notamment du fait que leur contribution - dont on trouve la

 10   preuve au paragraphe auquel je me suis référé au moment de la présentation

 11   des schémas - était tout à fait substantielle. Pandurevic était présent

 12   dans la zone de responsabilité pendant la commission des crimes, il avait

 13   connaissance de la commission de ces crimes et de la participation de ses

 14   subordonnés. Son commandement et son contrôle des troupes, tel qu'en

 15   apportent la preuve ses propres actions, ses ordres, les rapports qu'il a

 16   soumis, étayent ce lien de culpabilité.

 17   Et, en définitive, le simple fait que les sites et les lieux de

 18   crime, qu'il s'agisse de sites d'exécution ou d'autres lieux, ainsi que les

 19   centres de détention soient proches, ne fait que confirmer ce lien.

 20   Ceci conclut mes arguments quant à savoir pourquoi la Chambre de

 21   première instance s'est fourvoyée à la fois en droit et en commettant des

 22   erreurs de fait lorsqu'elle a acquitté le général Pandurevic du chef

 23   d'accusation consistant à affirmer qu'il avait participer à l'entreprise

 24   criminelle commune visant à tuer, ou à titre subsidiaire, qu'il avait aidé

 25   et encouragé à la commission de meurtres, d'exterminations et de

 26   persécutions.

 27   Sauf si les Juges ont des questions, ceci met donc fin à ma

 28   présentation. En fonction du temps qui nous reste, je voudrais peut-être


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  1   passer le micro à M. Wood pour de brèves remarques au sujet des peines.

  2   Mais avant cela, peut-être une question qui est plus une question

  3   d'intendance. En page 36, ligne 14, il convient de lire "1 278" et non "1

  4  287". Ainsi qu'en ligne 3 de la page 40, il convient de lire "1er Bataillon"

  5   et non pas "11e Bataillon". En tout cas, pour le moment, je m'en remets aux

  6   Juges de la Chambre d'appel pour la suite.

  7   [La Chambre d'appel se concerte]

  8   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas de questions.

  9   M. WOOD : [interprétation] Pour finir, dans ce cas, Madame et Messieurs les

 10   Juges, quelques mots sur les peines. Le général Pandurevic porte la

 11   responsabilité du transfert forcé de dizaines de milliers d'hommes, de

 12   femmes et d'enfants musulmans de Bosnie, ainsi que du meurtre de près de 2

 13   500 hommes et garçons musulmans. Parmi les tués se trouvaient des jeunes

 14   garçons de 14 ans et des vieillards de 84 ans. Le général Pandurevic a

 15   également remis dix soldats blessés entre les mains d'un homme dont il

 16   savait qu'il les exécuterait. L'écho des crimes qu'il a commis continue de

 17   résonner au sein de la communauté musulmane de Bosnie 18 ans après les

 18   faits, alors même qu'il se prépare à déposer une requête aux fins de

 19   libération anticipée dont on peut s'attendre à ce qu'elle fasse suite aux

 20   présentes audiences. Le général Pandurevic a échoué à chaque moment

 21   décisif, a échoué à faire ce que la communauté internationale exige d'un

 22   commandant qui se trouve dans sa position, à savoir protéger les

 23   prisonniers, alors même qu'il lui aurait suffi d'émettre un simple ordre à

 24   cette fin.

 25   Dans tout tribunal, n'importe quel pays au monde, quels que soient les

 26   critères appliqués, ces crimes seraient considérés comme étant tellement

 27   graves qu'ils mériteraient une peine bien plus importante que 13 ans

 28   d'emprisonnement, une peine manifestement inadéquate, qui montre que la


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  1   Chambre de première instance n'a pas correctement exercé son pouvoir

  2   discrétionnaire.

  3   Premièrement, la peine imposée ne prend pas en considération la gravité

  4   inhérente des manquements du général Pandurevic en qualité de commandement

  5   pour ce qui était d'empêcher les violations du droit international

  6   humanitaire. Plutôt que d'agir pour protéger les soldats, ce qu'il a fait,

  7   Madame et Messieurs les Juges, c'est conduire une brigade dans laquelle

  8   prévalait une culture de parti pris ethnique contre les Musulmans de

  9   Bosnie, une brigade qui a participé à des épisodes de meurtre et de

 10   traitement cruel d'une horreur indescriptible.

 11   Deuxièmement, la peine qui lui a été imposée est complètement décorrélée

 12   [phon] des peines que l'on pourrait s'attendre à voir imposer à ses

 13   subordonnés pour les rôles qu'ils ont joués dans les meurtres et les

 14   transferts forcés. En Bosnie-Herzégovine, la peine maximale prévue pour les

 15   crimes les plus graves est de 45 ans d'emprisonnement. Par comparaison, sa

 16   peine de 13 ans d'emprisonnement est une bagatelle.

 17   Et enfin, Madame et Messieurs les Juges, la Chambre de première instance a

 18   également commis une erreur en accordant des circonstances atténuantes au

 19   titre du rôle que l'accusé avait joué en laissant passer la colonne à

 20   travers ses propres lignes. N'oubliez pas, Madame et Messieurs les Juges,

 21   que les personnes qui faisaient partie de cette colonne étaient des gens

 22   qu'il avait lui-même expulsés par la force de Srebrenica au cours des jours

 23   précédents, il s'agissait de personnes pour lesquelles il avait fait

 24   absolument tout ce qu'il pouvait pour les tuer au cours des 24 heures qui

 25   ont suivi son retour au sein de la Brigade de Zvornik. Il a mis ces

 26   personnes gravement en danger, il a travaillé dur pour les tuer mais, tout

 27   simplement, il n'y est pas arrivé. Il ne faudrait pas récompenser un

 28   preneur d'otage pour le simple fait qu'il a libéré en quelque sorte des

 


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  1   otages qui s'étaient en fait déjà échappés de ses griffes. Le fait qu'il

  2   ait laissé passer cette colonne ne doit en aucun cas être considéré comme

  3   un geste humanitaire. C'est plutôt l'expression de son échec en tant que

  4   commandant, son échec à faire ce qu'on lui avait ordonné de faire, à savoir

  5   écraser et tuer les membres de la colonne.

  6   Pour ces raisons, les crimes de Pandurevic exigent une peine parmi

  7   les plus lourdes. Sa peine de 13 ans d'emprisonnement est un affront aux

  8   victimes en l'espèce et ne correspond pas à l'indignation ressentie par la

  9   communauté internationale. L'Accusation vous demande de revoir la peine et

 10   d'imposer une peine qui soit en rapport avec la gravité des crimes commis

 11   et le comportement de Pandurevic. Ceci conclut les remarques que nous

 12   avions au sujet de la peine.

 13   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

 14   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

 15   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Madame et Messieurs les Juges, la Défense de Popovic maintient que M.

 17   Popovic n'est ni coupable de génocide, ni coupable de conspiration en vue

 18   de commettre le génocide. Ces arguments sont exposés dans notre mémoire en

 19   réponse, notre mémoire de l'intimé, paragraphe 2 à 8, ainsi que dans notre

 20   mémoire de l'appelant, paragraphes 17 à 27, 30 à 35, 41, 49, 54, 65, 67,

 21   863 [sic], 171 à 178, 191, 195, 238 et 239, 255, 303, excusez-moi, 349 et

 22   402, ainsi que dans nos six moyens figurant dans l'acte d'appel,

 23   paragraphes 394 à 397.

 24   Je ne souhaite pas être redondant ici. Je ne répéterai donc pas tous ces

 25   éléments. Je répéterai, en revanche, que la Chambre de première instance a

 26   fabriqué chacun des éléments de preuve qui apparaissent comme étant les

 27   plus dommageables à Popovic, y compris la conclusion consistant à dire

 28   qu'il était coupable de conspiration en vue de commettre le génocide. En


Page 537

  1   effet, il est presque cynique de parler d'équité dans ce contexte.

  2   Je ne répéterai pas nos arguments figurant dans notre mémoire de l'intimé.

  3   Je souhaiterais simplement commenter la référence faite hier par

  4   l'Accusation à l'arrêt Gatete quant aux peines cumulatives, aussi bien au

  5   titre du génocide que de la conspiration en vue de commettre le génocide.

  6   Nous affirmons qu'une telle condamnation, si elle venait de la Chambre

  7   d'appel, constituerait une violation du droit à interjeter appel tel qu'en

  8   dispose l'article 24(2) du Statut. Plus précisément, en cas de

  9   condamnation, M. Popovic se verrait privé de son droit d'interjeter appel,

 10   et nous vous renvoyons à l'opinion dissidente du Juge Pocar dans l'arrêt

 11   Gatete. Chapitre 7-2.

 12   Je vais me contenter de citer cette partie, où il est indiqué :

 13   "L'absence de quelle que forme que ce soit de droit d'interjeter appel

 14   contre une telle condamnation en l'espèce, par exemple, si la question

 15   pouvait être portée devant une Chambre de première instance, cette absence

 16   donc, il convient de s'attendre à ce qu'elle représente une violation du

 17   principe fondamental d'équité reconnue tant en droit international que dans

 18   de nombreux systèmes de droit nationaux."

 19   Dans ce contexte, nous estimons qu'une telle condamnation constituerait une

 20   violation du principe élémentaire de l'équité également.

 21   Voilà, cela termine mes arguments. Merci, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

 23   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

 24   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le conseil pour M. Beara.

 25   M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame,

 26   Monsieur les Juges.

 27   L'actus reus d'une conspiration en vue de commettre un génocide et l'acte

 28   qui constitue le fait d'entrer dans un accord en vue de commettre un

 


Page 538

  1   génocide. Il n'y a aucun élément de preuve présenté lors du procès

  2   indiquant que M. Beara ait conclu un tel accord. L'Accusation n'a pas

  3   démontré au-delà de tout doute raisonnable que M. Beara était présent à

  4   quelle que réunion que ce soit au cours de laquelle la Chambre de première

  5   instance avait déterminé que le plan avait été établi. La Chambre de

  6   première instance a estimé que le comportement de M. Beara - et cela se

  7   trouve au paragraphe 1 318 du jugement de la Chambre - démontrait qu'il

  8   n'était pas animé d'intention génocidaire. Nous avons déjà fait valoir que

  9   M. Beara n'était pas animé d'une intention génocidaire, compte tenu de son

 10   acquittement de l'entreprise criminelle commune visant à assurer le

 11   déplacement de force des femmes et enfants de Srebrenica. Ce qui montre,

 12   une fois de plus, comme nous l'avons fait valoir, que M. Beara n'avait pas

 13   l'intention génocidaire visant à détruire la partie du groupe qui

 14   comprenait les Bosno-Musulmans de la Bosnie orientale. Alors que la Chambre

 15   de première instance a acquitté M. Beara de la charge de transfert forcé,

 16   nous constatons, en outre, que la constatation de la Chambre de première

 17   instance selon laquelle M. Beara avait connaissance du transfert forcé mais

 18   n'a pas apporté une contribution significative envers le transfert forcé

 19   dans son opération. Nous constatons aux fins de précision et pour que cela

 20   soit pertinent, que le cas échéant, même lorsqu'elle a envisagé la charge

 21   de conspiration, que même la conclusion de la Chambre de première instance

 22   qui montrait que M. Beara avait connaissance du forcé - et je souligne le

 23   mot "forcé" - même si la Chambre de première instance dans sa conclusion

 24   que M. Beara avait connaissance du transfert forcé est soumis à un doute

 25   manifeste. Il n'y avait qu'un seul élément dans le dossier qui montrait que

 26   M. Beara avait quelle que connaissance que ce soit du transfert des femmes

 27   et des enfants, et que cela comportait l'élément de témoignage du Témoin

 28   Celanovic, l'officier d'état-major de la Brigade de Bratunac. Celanovic


Page 539

  1   déposait que le soir du 13 juillet, il a rencontré M. Beara, avait informé

  2   M. Beara que lui, Celanovic, avait des préoccupations de sécurité

  3   s'agissant du nombre de prisonniers dans la zone. Et il demandait à M.

  4   Beara s'il pouvait transporter en dehors de la zone de Bratunac. D'après la

  5   déposition de Celanovic - et ça se trouve aux pages 6 640 et 6 641 du

  6   compte rendu d'audience - M. Beara a affirmé qu'il devrait attendre que les

  7   autres véhicules qui avaient transporté les femmes et les enfants étaient

  8   revenus. Et ça apparaît au jugement de la Chambre au paragraphe 1 307.

  9   La déposition de Celanovic montre en effet que M. Beara avait connaissance

 10   du fait que des femmes et des enfants étaient transportés par bus à partir

 11   de Srebrenica, mais où sont les éléments de preuve attestant que M. Beara

 12   savait qu'il s'agissait d'une opération de transfert forcé ? Nous affirmons

 13   qu'il n'y a pas de tels éléments de preuve. C'est la directive 7 et les

 14   directives suivantes qui sont généralement citées par l'Accusation pour

 15   montrer la connaissance qu'en avait l'état-major principal, dont M. Beara

 16   était membre, bien entendu, mais que l'expulsion des Bosno-Musulmans de

 17   l'enclave de Srebrenica était l'objectif ultime. Et comme indiqué dans la

 18   Chambre d'appel dans l'affaire Krstic au paragraphe 90, et je cite :

 19   "Directives 7 et 7.1 sont insuffisamment claires pour démontrer qu'il y

 20   avait une intention génocidaire de la part des membres de l'état-major

 21   principal qui les ont émis. En effet, la Chambre n'a même pas constaté que

 22   ceux qui avaient émis les directives 7 et 7.1 n'étaient animées d'aucune

 23   intention génocidaire. Concluant, à la place, que le plan génocidaire s'est

 24   cristallisé à un stade ultérieur."

 25   S'agissant de l'affaire Krstic, les directives et les réunions allant

 26   jusqu'à la période qui s'étend du 13 et 14 juillet, au cours desquelles M.

 27   Beara n'était pas présent, les seuls éléments de preuve proposés par

 28   l'Accusation ont une prétendue conspiration à commettre un génocide dans le


Page 540

  1   cas de M. Beara. Toutefois, la Chambre n'a même pas fait référence à de

  2   tels éléments de preuve, concluant que M. Beara était coupable de

  3   conspiration, ça se trouve au paragraphe 1 322 du jugement. Au lieu de

  4   cela, la Chambre de première instance a affirmé de façon très générale, je

  5   cite :

  6   "Conspiration à commettre un génocide peut être inféré à partir d'actions

  7   coordonnées menées par des individus qui ont un objectif commun et qui

  8   agissent dans un cadre unifié. Des éléments de preuve ont déjà été étudiés

  9   s'agissant des actions coordonnées dans un cadre unifié de ceux qui ont

 10   participé à l'opération visant à tuer les Bosno-Musulmans valides de

 11   Srebrenica en juillet 1995, y compris Beara."

 12   A ce stade, la Chambre se réfère à la note 4316, qui cite des passages se

 13   rapportant uniquement à l'entreprise criminelle commune au meurtre. Je

 14   poursuis avec ma citation de la Chambre :

 15   "Sur la base de ces éléments, la Chambre conclut que Beara a conclu un

 16   accord visant à participer à un génocide et que lui-même était animé d'une

 17   intention spécifique visant à commettre un génocide."

 18   S'agissant de sa condamnation de M. Beara pour génocide, la Chambre a basé

 19   sa constatation de conspiration à commettre un génocide uniquement sur sa

 20   participation dans une entreprise criminelle commune au meurtre. Notre

 21   argument ici est un analogue à celui sur la condamnation pour intention

 22   génocidaire. Les preuves selon lesquelles M. Beara a participé à

 23   l'opération de meurtre ne suffit pas pour démontrer qu'il est coupable de

 24   l'acte de participation à un accord visant à commettre un génocide,

 25   notamment à la lumière de son absence d'intention génocidaire via son

 26   acquittement sur la charge de transfert forcé. Si M. Beara n'avait pas

 27   d'intention génocidaire, il n'a pas commis de génocide. S'il n'a pas commis

 28   de génocide, la Chambre ne peut pas raisonnablement conclure que le

 


Page 541

  1   prétendu acte génocidaire, qui est seulement de meurtre dans le cas de M.

  2   Beara, démontrait une conspiration à commettre un génocide. Conclure une

  3   conspiration à partir d'actes de meurtre, aussi horrible que cela soit,

  4   mais de conclure une conspiration à partir d'actes de meurtre n'est pas la

  5   seule conclusion raisonnable qui peut être tirée, notamment compte tenu de

  6   l'absence d'éléments de preuve directs de tout acte commis par M. Beara

  7   s'agissant de sa conclusion d'un accord visant à commettre un génocide.

  8   J'en ai terminé, et je me tiens à votre disposition pour répondre à toute

  9   question.

 10   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Nous n'avons pas de

 11   questions.

 12   Mme FAUVEAU : Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, je serai

 13   extrêmement brève. Si l'on considère les arguments du Procureur d'un point

 14   de vue purement juridique, sans se rapporter aux faits, le Procureur a tout

 15   à fait raison. Cependant, la logique du Procureur est renversé, parce que

 16   la Chambre de première instance n'a pas fait une erreur en acquittant

 17   Radivoje Miletic pour le chef d'accusation 5, mais en le condamnant pour le

 18   chef d'accusation 4, c'est la substance de nos arguments pour la base

 19   factuelle sur laquelle reposent nos arguments. Pour l'acquittement du chef

 20   de l'acte d'accusation 4, je me réfère aux arguments que j'ai exposés hier.

 21   Je vous remercie.

 22   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie infiniment. Nous

 23   allons maintenant faire la pause. Bon, nous ne pouvons pas, donc, faire une

 24   pause d'une heure comme je l'avais laissé entendre. Donc, nous allons faire

 25   une pause d'une heure et demie, et nous reprendrons à 13 heures 55.

 26   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 24.

 27   --- L'audience est reprise à 13 heures 57.

 28   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Bourgon, conseil de M.

 


Page 542

  1   Nikolic.

  2   M. BOURGON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

  3   Madame, Messieurs les Juges. Et bonjour à toutes les personnes présentes

  4   dans le prétoire et à l'extérieur du prétoire. Je souhaite présenter mes

  5   excuses, car je vois que l'un des Juges semble absent.

  6   Alors, j'ai le plaisir, ceci étant dit, de répondre à l'appel de

  7   l'Accusation au nom de M. Nikolic. Et ce faisant, je vais répondre aux deux

  8   questions qui ont été posées aux parties par la Chambre d'appel dans

  9   l'ordonnance de la Chambre en date du 6 novembre 2013. L'Accusation avance

 10   deux moyens d'appel, à savoir le moyen d'appel numéro 7, et l'Accusation

 11   avance que la Chambre de première instance a commis une erreur en concluant

 12   que Drago Nikolic n'était pas animé d'intention génocidaire; et par le

 13   moyen d'appel numéro 8, l'Accusation avance que la peine d'emprisonnement

 14   imposée à Drago Nikolic, cette peine de 35 années, est manifestement

 15   insuffisante.

 16   Eu égard au deuxième moyen d'appel, à savoir le moyen d'appel numéro 8, qui

 17   est relatif à la peine, Monsieur le Président, je pense que nous avons

 18   avancé notre point de vue de façon très, très claire dans tout cet appel,

 19   car nous pensons que cette peine est beaucoup trop excessive. Je vous

 20   renvoie aux paragraphes 5 à 45 de notre mémoire en appel, répondant à

 21   l'appel de l'Accusation, et notre argumentation figure aux paragraphes 191

 22   à 259 de notre réplique.

 23   Alors, bien entendu, Monsieur le Président, vous ne serez absolument pas

 24   surpris que nous avancions qu'il faut rejeter catégoriquement les deux

 25   moyens d'appel présentés par l'Accusation. Et avant que je ne commence,

 26   toutefois, je souhaiterais attirer votre attention sur deux questions

 27   liminaires, la première portant sur un élément qui figure dans la réponse

 28   de l'Accusation au paragraphe 254, et j'aimerais attirer l'attention de la


Page 543

  1   Chambre d'appel là-dessus. Car dans son mémoire et dans sa réplique, et une

  2   fois de plus ce matin, Monsieur le Président, à propos du moyen d'appel 7,

  3   l'Accusation revient sur cette question des mesures qui ont été prises par

  4   Drago Nikolic, mesures qu'il aurait dû prendre de façon systématique et

  5   déterminée. Je vous renvoie aux paragraphes 247 à 262.

  6   Et pour ce qui est du paragraphe 254, voilà ce que nous y voyons :

  7   "Le matin du 14 juillet, Nikolic a appelé Slavko Peric, commandant adjoint

  8   chargé du renseignement et de la sécurité du 1er Bataillon de la Brigade de

  9   Zvornik. Nikolic a répété à son intention la teneur d'un télégramme chiffré

 10   qui avait été envoyé un peu plus tôt par le commandement de la Brigade de

 11   Zvornik."

 12   Et j'aimerais attirer l'attention de la Chambre d'appel sur ces deux mots,

 13   "télégramme chiffré". Pourquoi ? Parce que dans ce paragraphe, l'Accusation

 14   fait référence aux paragraphes 1 359 et 1 360 du jugement, et dans ces deux

 15   paragraphes, il n'est absolument pas fait référence à un télégramme

 16   chiffré. Est-ce qu'il s'agit d'un oubli ? Nous ne le pensons pas, Monsieur

 17   le Président. Mais toutefois, il y a quelque chose qui a son importance, à

 18   savoir la seule personne qui a fait référence à un télégramme chiffré en

 19   l'espèce ou qui a fait référence à l'utilisation d'un télégramme chiffré

 20   est le commandant du 2e Bataillon, M. Acimovic. Alors, vous avez, bien

 21   entendu, entendu ce que nous avons déjà dit précédemment, à savoir qu'il a

 22   présenté l'argument des télégrammes chiffrés pour écarter sa

 23   responsabilité, et nous, nous avançons que la Chambre de première instance

 24   a commis une erreur en indiquant que cela était une question tout à fait

 25   secondaire. Ce qui n'est pas le cas, Monsieur le Président.

 26   Parce qu'à propos de ces télégrammes chiffrés, il y a un lien qui a

 27   été établi entre cela et l'intention qui animait Drago Nikolic, et je pense

 28   que cela est important. Et je vais revenir rapidement sur cette question


Page 544

  1   des appels téléphoniques qui ont été présentés en l'espèce parce que Drago

  2   Nikolic a été associé à ces appels téléphoniques. Et dans son paragraphe

  3   509 du jugement, la Chambre de première instance a déclaré qu'il y avait eu

  4   une série d'appels téléphoniques. Et cela, à propos justement du 2e

  5   Bataillon et de M. Acimovic.

  6   Et j'aimerais mentionner très brièvement, Monsieur le Président, que

  7   trois bataillons ont reçu cet appel téléphonique qui portait sur l'arrivée

  8   des prisonniers, ou en tout cas nous sommes informés de trois de ces

  9   bataillons. Le 4e Bataillon, lui, se trouvait à Orahovac, et je vous

 10   renvoie à la page du compte rendu d'audience 10 062, où il est question

 11   d'un télégramme qui arrive le 14 juillet et il s'agit de Lazar Ristic -- en

 12   fait, excusez-moi, il ne s'agit pas d'un télégramme, mais il s'agit d'une

 13   conversation téléphonique. C'est Trbic qui téléphone et qui demande à Lazar

 14   Ristic de lui envoyer des hommes afin qu'ils assurent la sécurité à l'école

 15   parce qu'ils avaient des problèmes du fait que certains prisonniers

 16   souhaitaient s'échapper ou avaient essayé de s'échapper.

 17   Et la deuxième conversation téléphonique dont nous sommes informés a

 18   trait au 6e Bataillon. C'est une conversation téléphonique qui a eu lieu le

 19   14 juillet également, et c'est à propos de la déposition de M. Marko

 20   Milosevic et d'Ostoja Stanisic qu'il est question dans cette conversation

 21   téléphonique. Pages du compte rendu d'audience 13 300, 13 301. Et ils

 22   disent que Jokic, l'officier de permanence, et non pas Nikolic, Jokic

 23   disais-je, les a appelés pour les informer de l'arrivée des prisonniers à

 24   l'école de Petkovci.

 25   Le troisième bataillon qui a reçu à la fois un appel téléphonique et

 26   un télégramme qui, comme je l'ai mentionné il y a quelques minutes, n'était

 27   pas chiffré, est le 1er Bataillon, et cela figure dans la déposition de

 28   Slavko Peric, déposition qui figure aux pages suivantes du compte rendu


Page 545

  1   d'audience, 11 375 et 11 376. Et à la lecture de ce compte rendu

  2   d'audience, ce que vous pouvez constater, c'est que M. Pelemis, le

  3   commandant adjoint du bataillon, a eu une réunion avec son état-major de

  4   commandement au bataillon, et fondamentalement, ce qu'il leur a dit, c'est

  5   qu'il y avait quelqu'un de la brigade qui avait appelé et qu'ils devaient

  6   tous aller à l'école. Un de mes confrères a mentionné cela un peu plus tôt

  7   cette semaine. Je ne vais pas revenir sur ce qui fut mentionné à propos de

  8   cette conversation téléphonique.

  9   Mais le fait est, et c'est à cela que je souhaite en venir, Monsieur

 10   le Président, c'est qu'en matière de conversations téléphoniques

 11   systématiques, il n'y a pas de série. On ne peut pas retrouver de tendance

 12   ou de constante. Il n'y a pas de télégramme chiffré qui permette de

 13   déterminer la question relative à M. Acimovic et au 2e Bataillon. Et puis,

 14   deuxièmement, pour ce qui est de ces appels téléphoniques, lorsqu'on

 15   associe ces appels téléphoniques à Drago Nikolic, ce n'est pas un élément

 16   qui vous sera particulièrement utile et qui vous permettra de déterminer

 17   quelle fut son intention.

 18   L'Accusation - et j'en suis toujours aux question liminaires - a

 19   également mentionné ce matin ce qui s'était passé à Orahovac dans sa

 20   réplique très brève. Et au paragraphe 252 de son mémoire en appel,

 21   l'Accusation soulève justement la question du site de l'exécution, en

 22   disant, et je cite :

 23   "Nikolic et Popovic ont dit aux soldats ce qu'ils devaient faire."

 24   Et là, nous parlons donc du lieu des exécutions. Et à propos de la

 25   conclusion de la Chambre qui figure au paragraphe 252, je souhaiterais que

 26   deux décisions soient consignées au compte rendu d'audience.

 27   Et je souhaiterais que nous passions à huis clos, Monsieur le

 28   Président.

 


Page 546

  1   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

  2    Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

  3   partiel.

  4   [Audience à huis clos partiel]

  5   (expurgé)

  6   (expurgé)

  7   (expurgé)

  8   (expurgé)

  9   (expurgé)

 10   (expurgé)

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 13   (expurgé)

 14   (expurgé)

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 16   (expurgé)

 17   (expurgé)

 18   (expurgé)

 19   (expurgé)

 20   [Audience publique]

 21   M. BOURGON : [interprétation] Je vous remercie.

 22   J'aimerais maintenant en venir à la première question posée par la Chambre

 23   d'appel. Alors, bien entendu, cela concerne ce que nous avons avancé, à

 24   savoir l'Accusation a dépassé le cadre de l'acte d'appel d'accusation en

 25   présentant les arguments présentés dans son mémoire en appel. Et je serai

 26   très bref à ce sujet, Monsieur le Président, car nous pensons que, du point

 27   de vue technique, nous avons tout à fait raison. Nous ne pensons pas que

 28   l'Accusation aurait dû dépasser le cadre de son acte d'appel et nous

 


Page 547

  1   pensons que l'Accusation n'aurait pas dû, dans une réplique, demander la

  2   modification de son acte d'appel en application de l'article 108, puisqu'il

  3   s'agissait d'indiquer que M. Nikolic ne pouvait pas présenter cette idée

  4   dans une réplique.

  5   Mais le fait est, Monsieur le Président, que si nous prenons en

  6   considération ce que la Chambre d'appel devra examiner parmi les facteurs

  7   qui sont acceptés de façon générale afin qu'il soit considéré que

  8   l'Accusation s'est bien acquittée de la charge qui lui revenait et en vertu

  9   de laquelle elle devait prouver qu'aucune autre Chambre de première

 10   instance raisonnable n'aurait pu tirer cette conclusion, la conclusion

 11   suivant laquelle Drago Nikolic avait l'état d'esprit nécessaire pour le

 12   génocide, nous, nous pensons que ce n'est pas la seule conclusion

 13   raisonnable que l'on pouvait dégager. Mais nous n'avons pas l'intention de

 14   poursuivre l'analyse de cette question.

 15   Je vais maintenant passer au moyen d'appel numéro 7 de l'Accusation.

 16   Au paragraphe 1 407, la Chambre de première instance a conclu comme suit, à

 17   savoir :

 18   "Après le début de sa participation à l'opération des meurtres et

 19   très certainement au moment où les exécutions avaient lieu à Orahovac,

 20   Nikolic savait qu'il s'agissait d'une opération de meurtre de masse qui

 21   était exécutée avec une intention génocidaire."

 22   Alors, bien entendu, la Chambre d'appel sait pertinemment que nous

 23   contestons cette conclusion, mais pour le moment, je souhaiterais tout

 24   simplement analyser ce qui suit. Juste après ce paragraphe, la Chambre de

 25   première instance indique ce qui suit :

 26   "Après avoir pris en considération et pondéré tous les facteurs

 27   mentionnés ci-dessus, individuellement et ensemble, la Chambre de première

 28   instance n'est pas convaincue que la seule déduction raisonnable qui puisse


Page 548

  1   être tirée des actes et des actions de Nikolic est qu'il avait partagé

  2   cette intention génocidaire." 

  3   Puis, la Chambre d'appel poursuit dans le même paragraphe un peu plus bas

  4   et indique :

  5   "Dans ces circonstances, le critère très strict utilisé pour

  6   déterminer l'intention spécifique n'est pas respecté, et, par conséquent,

  7   la Chambre de première instance conclut que Nikolic n'a pas participé à

  8   cette entreprise criminelle commune visant le meurtre avec intention

  9   génocidaire."

 10   Alors, bien entendu, Monsieur le Président, les mots essentiels de cette

 11   phrase sont que "l'intention n'est pas la seule déduction raisonnable qui

 12   puisse être dégagée." Et avant que je ne poursuive, j'attire l'attention de

 13   la Chambre d'appel sur le fait que, bien entendu, il revient à l'Accusation

 14   de prouver que ce n'était pas la seule déduction raisonnable qui pouvait

 15   être dégagée. Et au vu de ce qu'ils ont avancé ce matin, nous voyons, entre

 16   autres, que le fait que lorsque Drago Nikolic a choisi d'agir avec

 17   détermination, que cela aurait dû être suffisant d'après l'Accusation,

 18   alors que nous, nous avançons que cela n'est absolument pas suffisant.

 19   Alors, nous savons tous, Monsieur le Président, qu'une déduction tirée

 20   d'élément de preuve indirect et utilisée pour établir un fait, notamment

 21   lorsqu'il s'agit de baser à partir de ce fait une condamnation, que cette

 22   déduction doit être la seule déduction raisonnable qui peut être dégagée de

 23   tous les éléments de preuve présentés. Je vous renvoie à l'appel dans

 24   l'affaire Stakic, paragraphe 219. Cela est important, à notre avis, parce

 25   que, comme l'a indiqué d'ailleurs la Chambre de première instance, en

 26   matière d'élément direct portant sur le génocide, il y a très, très peu

 27   d'éléments de preuve directs prouvant l'intention, et cela doit être déduit

 28   d'après les actes, le comportement, la connaissance de l'accusé, ainsi que


Page 549

  1   d'autres circonstances pertinentes; paragraphe 

  2   1 398 du jugement.

  3   En l'espèce, Monsieur le Président, outre le fait qu'elle ait conclu que

  4   Drago Nikolic n'était pas animé de l'intention génocidaire parce que ce

  5   n'était pas la seule déduction raisonnable qui pouvait être dégagée, la

  6   Chambre de première instance est allée un peu plus loin d'ailleurs et a

  7   même reconnu une autre déduction raisonnable que l'on peut dégager sur la

  8   base de tous les éléments de preuve. Voilà ce que la Chambre de première

  9   instance a conclu :

 10   "Une autre déduction raisonnable est que M. Nikolic était dévoué de façon

 11   quasi aveugle au service de sécurité, ce qui l'a conduit à poursuivre

 12   l'exécution efficace de la tâche qui lui avait été assignée dans cette

 13   opération."

 14   Alors, Monsieur le Président, non seulement cette déduction n'est pas la

 15   seule déduction raisonnable que l'on peut retenir sur la base de la

 16   globalité des éléments de preuve, mais il y a même d'autres déductions

 17   raisonnables que l'on peut dégager, et j'y reviendrai plus tard pendant mon

 18   intervention. Ce que nous avançons, Monsieur le Président, c'est que

 19   l'Accusation n'a pas su démontrer - et c'est, bien entendu, la deuxième

 20   question qui avait été posée par la Chambre d'appel - l'Accusation, disais-

 21   je, n'a pas su démontrer à propos de l'erreur alléguée commise par la

 22   Chambre de première instance si la conclusion de la Chambre de première

 23   instance aurait été différente si l'on dégage comme déduction raisonnable

 24   le fait que Drago Nikolic n'était pas animé d'intention génocidaire.

 25   Mon argumentation se scinde en quatre volets. Dans un premier temps, je

 26   vais commencer par vous parler du fait que la Chambre de première instance

 27   a pris en considération tous les facteurs acceptés relatifs à l'intention

 28   génocidaire. Deuxièmement, la Chambre de première instance a considéré de


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  1   façon tout à fait exacte tous les facteurs appropriés et l'Accusation n'a

  2   pas été à même de montrer l'erreur commise par la Chambre de première

  3   instance. Je passerai également et je présenterai à la Chambre d'appel le

  4   manque de connaissance contextuelle de Drago Nikolic, Drago Nikolic qui ne

  5   disposait pas de cette connaissance contextuelle. Et je conclurai en vous

  6   indiquant quels devraient être à notre avis les critères déterminants.

  7   Concernant les facteurs généralement acceptés concernant l'intention

  8   génocidaire, contrairement à la soumission faite par l'Accusation, la

  9   Chambre a considéré tous les facteurs généralement acceptés. C'est sur

 10   cette base que la Chambre de première instance a trouvé à juste titre que

 11   Drago Nikolic n'avait pas l'état d'esprit requis pour le génocide. Notre

 12   argument détaillé peut être trouvé dans notre mémoire en réponse aux

 13   paragraphes 28 à 34.

 14   L'Accusation n'a pas réussi à démontrer que la Chambre de première instance

 15   avait commis une erreur.

 16   Au paragraphe 823, la Chambre a énoncé de façon précise que les facteurs

 17   généralement acceptés à partir desquels on peut déterminer qu'il y a une

 18   intention de détruire, bien sûr, ceci étant en l'absence d'élément de

 19   preuve direct, ces facteurs, Monsieur le Président, ont été retenus pour

 20   Beara, ils ont été retenus pour Popovic, et ils ont été retenus avec

 21   Nikolic, soit de façon adaptée aux actes sur la base des conclusions de la

 22   Chambre. Deuxièmement, et ce qui est encore plus important, Monsieur le

 23   Président, contrairement à l'argument qu'avance l'Accusation, il découle

 24   des conclusions de la Chambre qu'aucun des facteurs généraux n'a été écarté

 25   ou non invoqué. Et j'aimerais que l'on creuse cela ensemble. La Chambre a

 26   tenu compte de l'ampleur de l'opération de meurtre. Ici, je me réfère au

 27   jugement, 1 405. En fait, la Chambre est allée encore plus loin. Elle a

 28   tenu compte de l'absence de la participation de Drago Nikolic à plusieurs


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  1   aspects de l'opération permettant d'aboutir à la conclusion qu'il n'avait

  2   pas conscience de l'ampleur et de l'étendue de l'opération. Ceci, vous le

  3   trouverez au jugement, 1 402, 1 403, 1 410 et 1 412.

  4   La Chambre a jugé la contribution de Drago Nikolic à l'entreprise

  5   criminelle commune après avoir appris l'intention génocidaire des autres,

  6   et ici je me réfère au paragraphe 1 407 du jugement. Là encore, la Chambre

  7   est allée plus loin. Elle a tenu compte de l'étendue limitée de sa

  8   participation. Vous trouvez ceci au jugement, 1 402, 1 403, et 1 410 à 1

  9   412. La Chambre a également considéré que Drago Nikolic a été témoin du

 10   fait que des Musulmans de Bosnie avaient été pris comme cible; jugement, 1

 11   404. Toutefois, la Chambre a également pris en compte le fait que Drago

 12   Nikolic était convaincu que les prisonniers, c'est-à-dire à la différence

 13   de la description qui pouvait être faite des autres victimes, avaient été

 14   transportés dans la zone de Zvornik, jugement 1 402 et 1 403, et qu'aucun

 15   prisonnier ne serait exécuté. Naturellement, ceci est applicable aux

 16   prisonniers de l'hôpital Milici, et ici je me réfère au jugement,

 17   paragraphe 1 411.

 18   La Chambre a pris en compte le caractère répété des actions prises par

 19   Nikolic, estimant que les actes et la participation de Nikolic

 20   constituaient des éléments de preuve d'une intention génocidaire de sa part

 21   et que l'on pouvait tirer cette conclusion en matière d'intention, et ici

 22   je me réfère au paragraphe 1 409 du jugement. Toutefois, la Chambre a

 23   également considéré l'aspect limité dans le temps de ses actions et le fait

 24   qu'il se soit retiré de ces actes criminels avant qu'ils ne soient

 25   terminés. Ici, je me réfère tout au moins à ce qui s'est passé sur la ferme

 26   de Branjevo et au centre culturel de Pilica, ce que l'on trouve au

 27   jugement, 1 410.

 28   La Chambre considère le fait que Drago Nikolic se soit rendu coupable de


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  1   traitement cruel et inhumain, et ceci, vous le trouverez aux 1 408 et 1 425

  2   du jugement. Mais la Chambre a également pris en compte son absence de

  3   responsabilité pour des aspects très importants de l'opération génocidaire,

  4   notamment les tueries à l'entrepôt de Kravica, les assassinats des patients

  5   de l'hôpital de Milici, les opérations de réensevelissement, entre autres.

  6   Et ceci, vous le trouverez aux paragraphes 1 402, 1 403 et 1 411 du

  7   jugement.

  8   La Chambre considère l'intention de Drago Nikolic pour les crimes sous-

  9   jacents à la lumière de sa participation à l'entreprise criminelle commune

 10   alléguée visant à tuer; jugement, 1 403. Et, en même temps, la Chambre a

 11   également considéré que Drago Nikolic n'était pas impliqué dans le

 12   transfert forcé, et que l'absence d'intention, qui correspond à une partie

 13   importante du génocide. Et sur ce point précis, Monsieur le Président,

 14   j'aimerais attirer l'attention de la Chambre sur l'acte d'accusation, parce

 15   que l'Accusation définit le génocide comme étant composé de quatre

 16   composantes, et nous pensons que c'est important lorsque l'on cherche à

 17   savoir si on peut déduire qu'il y a intention génocidaire sur la base des

 18   quatre composantes quand on prend en compte sa participation dans les actes

 19   génocidaires de façon globale, tels qu'on le trouve dans l'acte

 20   d'accusation.

 21   Le transfert forcé est évoqué au 1 395, 1 402 et 1 403 du jugement.

 22   En ce qui concerne l'utilisation de propos péjoratifs et diffamatoires, la

 23   Chambre, contrairement à ce qu'avance l'Accusation, répond à cette question

 24   et dit qu'alors que l'utilisation de termes péjoratifs peut avoir une

 25   pertinence en ce qui concerne l'intention génocidaire, en soi, ceci ne

 26   constitue pas une preuve de l'intention. Et la Chambre poursuit en disant

 27   que ceci est tout particulièrement vrai, étant donné la culture qui régnait

 28   au sein de la VRS et de la Brigade de Zvornik, où l'emploi de tels termes


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  1   était tout à fait courant.

  2   La Chambre -- et je vous prie de m'excuser, ceci est au paragraphe 1 399 du

  3   jugement.

  4   La Chambre a pris en compte le contexte général dans lequel les actes que

  5   Drago Nikolic a commis se sont déroulés, et ici c'est au paragraphe 1 402

  6   du jugement. La Chambre poursuit encore et prend en compte son entrée

  7   tardive dans l'entreprise criminelle commune et ses connaissances

  8   contextuelles limitées. Je reviendrai sur cette question. Ici, je me réfère

  9   à 1 402 et 1 403 du jugement.

 10   En ce qui concerne l'existence d'un plan, cette question a été prise en

 11   compte par la Chambre; 1 403 et 1 404. Etonnement, la Chambre a également

 12   considéré que Drago Nikolic n'a pas participé à la création et le démarrage

 13   du plan et n'a jamais été complètement informé de cela; jugement, 1 402, 1

 14   404. Il suit donc nécessairement dans nos arguments, Monsieur le Président,

 15   que les neuf facteurs invoqués par l'Accusation ont été pris en compte par

 16   la Chambre et que l'Accusation n'a pas réussi à établir que la Chambre

 17   avait commis des erreurs.

 18   J'en viens à la deuxième partie de mon argument. Contrairement à ce

 19   qu'affirme l'Accusation, la Chambre a appliqué le droit de façon adéquate,

 20   et a bien mesuré et pesé tous les facteurs appropriés se rapportant à

 21   l'intention de Drago Nikolic. Premièrement, il n'est pas juste de dire que

 22   la Chambre a évalué les intentions génocidaires de Drago Nikolic sur la

 23   base de ce qu'il aurait pu faire plutôt que de ce qu'il a fait. Ceci est

 24   incorrect. Tout d'abord, il est accepté que quand on évalue l'intention

 25   génocidaire, la Chambre doit prendre en compte la totalité des éléments de

 26   preuve, y compris la non- participation ou le fait qu'il n'y a pas eu de

 27   participation de la part d'un accusé, et on trouve ceci dans le jugement en

 28   appel de Stakic, dans l'affaire Stakic, paragraphe 5 245. Je vais revenir


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  1   sur cette question.

  2   Ce qui est important ici, c'est le fait que la Chambre a conclu que

  3   Popovic et Beara étaient les architectes, les artisans du plan, alors que

  4   Drago Nikolic, ici je cite, "…avait été sollicité pour mener à bien les

  5   tâches précises qui lui avaient été attribuées dans la mise en œuvre d'un

  6   plan monstrueux qui avait été conçu par d'autres." C'est au jugement, 1

  7   410.

  8   La Chambre a trouvé, à juste titre, ou a considéré à juste titre, que

  9   ces actes étaient limitées, c'est-à-dire que l'acte de Nikolic se bornait à

 10   sa zone de responsabilité, et que donc sa participation et son rôle dans

 11   l'opération n'étaient pas généralisés, ainsi que le démontre sa non-

 12   participation à certains aspects importants du plan. Il suit donc, Monsieur

 13   le Président, que la Chambre a tenu compte de ce que Drago Nikolic a fait

 14   et de ce qu'il aurait pu faire, tout ce qui dans notre argumentation est

 15   très important.

 16   Deuxièmement, il est inexact de dire que la Chambre a exigé de façon

 17   déraisonnable que la participation de Nikolic à des actes criminels soit

 18   terminée avant qu'il n'ait rejoint le plan génocidaire. D'abord, ceci ne

 19   tient pas du tout compte des allégations faites par l'Accusation dans

 20   l'acte d'accusation, qui accuse Nikolic de nombreux actes qui seraient

 21   commis en dehors de Zvornik, y compris le transfert forcé. Nous estimons

 22   que la Chambre a eu raison en estimant que le fait que Drago Nikolic

 23   n'était pas impliqué dans ces actes est un facteur pertinent. Et encore

 24   plus important, l'Accusation méconnaît le fait que sa non-participation, ou

 25   la non-participation de Nikolic aux événements qui ont eu lieu avant

 26   l'entreprise criminelle commune sont directement liés à son absence de

 27   connaissance contextuelle. Et je reviendrais sur ce point ultérieurement.

 28   L'Accusation n'a pas répondu à cela lorsque nous avons nous-mêmes


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  1   répondu à cette question. Aucune réponse donc de l'Accusation.

  2   Troisièmement, il est inexact de dire que la Chambre a contredit ses

  3   propres conclusions. Ici, je serai bref. Il n'y a rien à dire, en fait, car

  4   il n'y a pas de contradictions. Vous pouvez vérifier, Monsieur le

  5   Président, les paragraphes que citent l'Accusation. La Chambre a conclu à

  6   juste titre que Drago Nikolic n'a pas participé au transfert des

  7   prisonniers, car il n'était pas impliqué dans l'entreprise criminelle

  8   commune visant le transfert forcé des prisonniers.

  9   Quatrièmement, il est inexact de dire que la Chambre a commis une

 10   erreur en concluant que la participation de Nikolic dans la détention des

 11   patients de l'hôpital de Milici, ce qui tendrait à contrecarrer l'intention

 12   de Nikolic. Mais, avant de rentrer dans le fond de ses déclarations que

 13   nous estimons être incorrectes, il est important de faire un rappel. Ce

 14   n'est pas à M. Nikolic de montrer qu'il n'est pas animé d'une intention

 15   génocidaire. Il n'est pas question ici d'un facteur qui va contredire son

 16   intention. L'Accusation doit avancer des facteurs qui permettent d'établir

 17   son intention. C'est sur eux que repose la charge de renverser la

 18   conclusion qui a été tirée par la Chambre. Alors, dans le cas précis, dans

 19   le cas d'espèce, à savoir les patients de l'hôpital de Milici, au

 20   paragraphe 1 380, la Chambre a constaté que :

 21   "Il y a très peu de preuves quant aux circonstances exactes de leur

 22   meurtre, et encore moins d'éléments de preuve, voire aucun, quant au fait

 23   que Nikolic aurait joué un rôle dans cette situation."

 24   L'Accusation prétend que Nikolic aurait autorisé les prisonniers à

 25   être emmenés et assassinés. Ceci est tout simplement rejeté. La Chambre a

 26   constaté que Nikolic avait un rôle à jouer en ce qui concerne la garde, et

 27   que donc, il aurait eu la possibilité d'aider le plan génocidaire en

 28   organisant lui-même leur exécution. Et pourtant, ils sont restés sains et


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  1   saufs sous la garde de Nikolic et de la Brigade de Zvornik, et ils ont été

  2   tués seulement après la prise de contrôle Popovic. Ici, je me réfère au

  3   paragraphe 1 411 du jugement.

  4   Lorsque l'Accusation prétend que la participation de Drago Nikolic au

  5   meurtre était le résultat du moment auquel l'ordre supérieur avait été

  6   donné de faire exécuter les prisonniers est une chose qui doit être écartée

  7   également. Le fait est que les prisonniers sont demeurés sains et saufs

  8   sous la garde de Nikolic.

  9   La Chambre, à notre avis, Monsieur le Président, a bien tenu compte

 10   du rôle subordonné de Nikolic; ceci, naturellement, en contradiction des

 11   arguments avancés par l'Accusation. Comme nous l'avons dit tout à l'heure,

 12   Drago Nikolic a agi et ses actes doivent être jugés dans le contexte de

 13   tous les éléments de preuve pris dans leur intégralité. Et pour ce faire,

 14   les circonstances personnelles de Nikolic sont tout à fait pertinentes; le

 15   fait que c'était un deuxième lieutenant; le fait que c'était le plus bas

 16   rang de l'armée; le fait qu'il n'ait pas fait d'études à l'académie

 17   militaire; le fait que le poste qu'il occupait, en fait, correspondait à

 18   quelqu'un qui aurait dû avoir trois rangs de plus que lui, et ceci dans le

 19   contexte d'une opération qui, d'après la Chambre, était dirigée par Popovic

 20   et Beara, lui-même avait très peu d'autorité. Et comme l'a dit la Chambre

 21   spécifiquement, les preuves fournies par Pandurevic, à savoir que Nikolic

 22   portait un uniforme qui était beaucoup trop grand pour lui. Pourquoi ? Eh

 23   bien, parce que la détermination que Nikolic n'était pas animé d'une

 24   intention génocidaire, parce qu'il avait très peu d'autorité, auraient pu

 25   fournir d'autres raisons qui justifieraient de ses actions, c'est-à-dire

 26   autre que le fait qu'il était animé d'une intention génocidaire.

 27   La Chambre, elle n'a pas commis d'erreurs de droit ou de fait en prenant en

 28   compte le dévouement qu'il portait au service de sécurité. Là encore,


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  1   Monsieur le Président, je vais faire une pause, car ce n'est pas une

  2   conclusion en tant que telle, c'est une autre déduction raisonnable, et

  3   ceci, à notre sens, est différent d'une conclusion. La Chambre de première

  4   instance n'a pas confondu intention et motif, elle a plutôt correctement

  5   appliqué les critères en matière de charge de la preuve pour ce qui

  6   concerne la mens rea d'un accusé.

  7   En conclusion, Madame, Messieurs les Juges, sur le second sujet, et ceci

  8   découle de ce qui précède, même si la Chambre d'appel devait prendre en

  9   considération les erreurs dont il est allégué que la Chambre de première

 10   instance les aurait commises en déterminant l'élément morale de Nikolic au

 11   titre du génocide, son intention spécifique en la matière ne pourrait pour

 12   autant être établi sans la moindre équivoque. Pourquoi ? Parce que

 13   l'existence d'une intention génocidaire de la part de Nikolic n'est pas la

 14   seule déduction qu'il est raisonnablement possible de tirer des éléments de

 15   preuve.

 16   Je passe maintenant à la troisième partie, qui est le manque de

 17   connaissance contextuelle, mais avant cela, je voudrais revenir très

 18   rapidement à quelque chose qui a été affirmé par la Chambre de première

 19   instance lorsqu'elle a cité l'arrêt Krstic. La Chambre de première instance

 20   a donc cité l'arrêt Krstic, paragraphe 37 :

 21   "La gravité du génocide se reflète dans les critères rigoureux qui doivent

 22   être satisfaits avant que l'on puisse imposer une telle condamnation. Dans

 23   ce contexte, les preuves exigeantes s'appliquant à l'intention spécifique

 24   sont en fait l'un des garde-fous permettant de s'assurer qu'aucune

 25   condamnation au titre de ce crime ne puisse être imposée à la légère."

 26   Et, Monsieur le Président, ce sont ces exigences, ces critères mêmes, ce

 27   garde-fou, qui nous prémunissent contre le danger de voir imposer à la

 28   légère une condamnation pour ce crime.


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  1   Donc, paragraphe numéro 37 de l'arrêt Krstic cité dans le paragraphe 1 408

  2   du jugement en première instance.

  3   La Chambre de première instance a correctement identifié l'existence de ce

  4   danger au paragraphe 1 408 de son jugement. Elle a donc agi avec prudence

  5   lorsqu'elle a statué quant à l'existence ou non d'une intention génocidaire

  6   de la part de Drago Nikolic, et notamment la question de savoir si c'était

  7   là donc l'existence d'une intention génocidaire de sa part la seule

  8   déduction raisonnable possible. La Chambre de première instance a conclu

  9   que ce n'était pas le cas, et nous estimons que les Juges de la Chambre

 10   d'appel devraient suivre la Chambre de première instance dans son

 11   raisonnement et faire preuve de la même précaution.

 12   Je passe à ma troisième partie, qui concerne le manque de connaissance

 13   contextuelle. J'ai dit au début que selon nous, Drago Nikolic n'était pas

 14   au courant de l'existence d'une intention génocidaire. Cependant, même s'il

 15   l'avait été, la connaissance contextuelle est quelque chose qui doit

 16   également être prise en considération. Au paragraphe 237 de son mémoire de

 17   l'appelant, l'Accusation affirme que les actes de Nikolic et sa

 18   participation au génocide, avec une connaissance pleine et entière des buts

 19   génocidaires de l'opération et des objectifs des autres participants à

 20   l'entreprise criminelle commune, Popovic et Beara, constituent des preuves

 21   de son intention génocidaire. Eh bien, Monsieur le Président, il faut

 22   considérer ceci à la lumière de l'affirmation faite par la Chambre de

 23   première instance consistant à dire que l'intention génocidaire, faute de

 24   preuve directe, doit être déduite des actes, de la conduite, et de la

 25   connaissance, ainsi que d'autres circonstances pertinentes. Paragraphe 1

 26   398 du jugement précédemment cité.

 27   Par conséquent, Monsieur le Président, c'est un critère pertinent que celui

 28   de la connaissance de l'objectif génocidaire d'une opération ou de


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  1   l'objectif génocidaire poursuivi par d'autres. C'est quelque chose de

  2   pertinent lorsqu'on évalue l'intention d'un accusé. Mais la connaissance

  3   contextuelle que cet accusé peut avoir est également un élément pertinent

  4   et la connaissance contextuelle, cela recouvre l'ensemble des éléments de

  5   connaissance que pouvait avoir l'accusé concernant la situation, et cela

  6   influence nécessairement sa propre compréhension de la situation et, par

  7   voie de conséquence, également ses actions. En l'espèce, Drago Nikolic

  8   manquait entièrement de connaissances contextuelles, et c'est tout à fait

  9   déterminant. Rappelons-nous d'abord certaines des conclusions de la Chambre

 10   de première instance. Drago Nikolic a été pour la première fois informé du

 11   plan visant à tuer dans la soirée du 13 juillet. Alors, je dis ces

 12   conclusions, en fait, ceci est sans préjudice de nos arguments et du fait

 13   que certaines de ces conclusions sont remises en question par nous dans

 14   notre appel.

 15   Dans la soirée du 13 juillet, c'est la première fois qu'il reçoit ces

 16   informations et elles sont très lacunaires, il apprend qu'un grand nombre

 17   de prisonniers ont été amenés de Bratunac à Zvornik afin d'y être exécutés.

 18   Et à ce moment-là, l'opération de meurtre était déjà en cours; paragraphe 1

 19   402 du jugement. La grande majorité des victimes avait déjà été placée en

 20   détention. Plus d'un millier de victimes avait déjà été exécuté ou était

 21   sur le point de l'être à l'entrepôt de Kravica et sur le pré de Sandici.

 22   Paragraphe 1 402 du jugement. Nous pourrions ajouter également ce qui s'est

 23   produit sur le site d'exécution de Cerska. Alors, à la lumière des éléments

 24   de preuve présentés à la Chambre de première instance, Nikolic n'avait

 25   aucune connaissance de ces événements, si l'on excepte une compréhension

 26   générale qui pouvait être la sienne, à savoir que ces prisonniers avaient

 27   été placés en détention, capturés suite à l'attaque lancée contre

 28   Srebrenica à la chute de cette enclave. Il n'avait aucune information quant


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  1   aux circonstances dans lesquelles ces hommes s'étaient retrouvés sous la

  2   garde de la VRS. Il ne connaissait pas les séparations qui avaient eu lieu

  3   à Potocari, n'était pas au courant de la poursuite implacable des victimes

  4   sur la route de Konjevic Polje.

  5   Il en résulte, Monsieur le Président, que Drago Nikolic, bien qu'il ait été

  6   probablement au courant de la chute de Srebrenica le 11 juillet, n'était

  7   pas au courant de l'adoption du moindre plan de tuer les hommes en âge de

  8   porter les armes de Srebrenica par qui que ce soit, hommes qui avaient été

  9   séparés de leurs familles; paragraphe 1 051 du jugement. De plus, Drago

 10   Nikolic pouvait avoir certaines informations au sujet de la colonne de

 11   personnes originaires de Srebrenica et qui étaient en route vers Konjevic

 12   Polje et ensuite vers Tuzla. Nous savons ceci à l'aide des éléments de

 13   preuve relatifs à cette colonne de personnes, mais il n'avait aucune

 14   information au sujet de la composition de cette colonne de personnes, et de

 15   façon cruciale, il n'avait aucune information concernant la présence de

 16   civils en son sein, il n'avait pas d'avantage d'information au sujet de

 17   l'opération toujours en cours visant à capturer des membres de cette

 18   colonne. Ce qu'il savait, en revanche, c'était qu'une partie importante de

 19   cette colonne était en chemin pour les environs de Zvornik et que cette

 20   colonne était armée.

 21   De plus, il y a peu d'éléments de preuve, s'il y en a seulement,

 22   attestant de rapport de coopération ou même de rapport de travail tout

 23   court entre Nikolic et Popovic ou Beara avant le 13 juillet 1995. Bien

 24   entendu, Drago Nikolic n'avait aucune participation directe aux activités

 25   concernant les prisonniers avant ce trimestre, paragraphe 1 402. En fait,

 26   le simple fait que Drago Nikolic n'ait eu aucune connaissance de ces

 27   événements est particulièrement éloquent à nos yeux. Même à la lumière de

 28   la conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle Drago


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  1   Nikolic était au courant de l'intention -- des objectifs génocidaires de

  2   l'opération ou de l'intention qui était celle d'autres personnes, même si

  3   cela devait être maintenu par la Chambre d'appel, si l'on examine le manque

  4   de connaissance contextuelle qui caractérise, par ailleurs, Drago Nikolic,

  5   cela rend possible d'autres déductions raisonnables que celle retenue par

  6   la Chambre de première instance.

  7   Par exemple, Monsieur le Président, une autre déduction raisonnable

  8   qui pourrait être retenue sur la base de l'ensemble des éléments de preuve

  9   est que Drago Nikolic, entre autres choses, avait très peu d'influence et

 10   très peu d'autorité en propre, il était d'un grade peu élevé, il avait peu

 11   été formé, et qu'il a été entraîné dans cette opération qui le dépassait

 12   largement sans avoir la moindre autre possibilité que d'y contribuer alors

 13   qu'il avait, malgré tout, la possibilité de s'extraire de tout ceci à la

 14   première occasion qui se serait présentée.

 15   Le facteur le plus important à l'appui de la déduction retenue par la

 16   Chambre de première instance concernant Drago Nikolic, c'est la dernière

 17   partie de ce que je présenterai aujourd'hui. C'est le fait que Drago

 18   Nikolic n'était pas animé par une intention génocidaire, et j'en veux pour

 19   preuve que sa contribution à l'opération de meurtre s'est arrêtée après 36

 20   heures. L'intention génocidaire n'est pas quelque chose que vous pouvez

 21   brancher ou débrancher à loisir, ce n'est pas une intention que vous avez

 22   pendant une journée et puis vous ne l'avez plus la journée suivante. Le

 23   fait est dans la matinée du 15 juillet, Drago Nikolic ne contribuait plus à

 24   l'opération de meurtre, et c'est le critère ou le facteur le plus important

 25   à l'appui du fait qu'il n'aurait jamais pu être animé par une intention

 26   génocidaire. Une intention génocidaire, Monsieur le Président, ne peut pas

 27   être établie par une suite de déductions. Nous ne parlons pas, là, d'une

 28   personne à laquelle on peut appliquer cette étiquette d'une intention

 


Page 562

  1   génocidaire qui serait la sienne. Le seuil à franchir et la charge de la

  2   preuve doivent être placé très haut. C'est pourquoi, comme je l'ai déjà dit

  3   précédemment, la gravité même du crime de génocide se reflète dans les

  4   exigences très élevées qui sont imposées et qui doivent être satisfaites

  5   avant que l'on puisse prononcer une telle condamnation, au-delà de tout

  6   doute raisonnable, s'entend.

  7   Monsieur le Président, je vais m'interrompre ici et je vais achever

  8   ma présentation en disant qu'au vu de la totalité des éléments de preuve en

  9   l'espèce, lorsque les Juges en appel réexamineront l'ensemble des éléments

 10   de preuve ainsi que toutes les conclusions que nous attaquons en appel au

 11   sujet d'Orahovac et de la présence de l'accusé sur le site d'exécution, au

 12   sujet de Rocevic et du fait que cette conversation n'a jamais eu lieu, au

 13   sujet du fait qu'il n'a jamais distribué ou proposé des uniformes, je crois

 14   qu'à la lumière de tout cela, Monsieur le Président, il n'y aura pas le

 15   moindre doute dans votre esprit à savoir que cette déduction que

 16   l'Accusation voudrait certainement vous voir retenir, que Drago Nikolic

 17   était muni de l'intention spécifique, n'est certainement pas la seule

 18   déduction possible et la seule conclusion possible.

 19   Merci beaucoup, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci beaucoup.

 21   Maintenant le conseil pour M. Pandurevic.

 22   M. HAYNES : [interprétation] Voudriez-vous, s'il vous plaît, m'accorder

 23   quelques instants pour que je puisse me préparer.

 24   Merci. Et je vous salue à nouveau.

 25   L'appel de l'Accusation dans le procès contre Vinko Pandurevic ne soulève,

 26   à notre avis, aucune véritable question de droit. En réalité, il s'agit

 27   d'une demande de réexamen des éléments de preuve par la Chambre d'appel, et

 28   l'ironie d'une telle approche retenue par l'Accusation dans l'échange


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  1   d'arguments entre appelants et intimés n'aura certainement pas échappé à

  2   l'attention des Juges en appel. Parce que d'un côté, dans le cas des

  3   accusés qui ont été lourdement condamnés, l'Accusation souhaite que soient

  4   maintenues en tant que raisonnables les conclusions auxquelles est parvenue

  5   la Chambre de première instance. Alors que dans le cas de Pandurevic,

  6   l'Accusation demande une réexamen complet des conclusions principales, non

  7   pas un réexamen qui serait suffisant pour revoir un certain nombre de

  8   constatations et corriger peut-être des erreurs de droit mineures, mais un

  9   réexamen plein et entier de chacun des chefs dont il a été acquitté.

 10   Alors, au nom de Vinko Pandurevic, je souhaiterais rappeler aux Juges de la

 11   Chambre d'appel le critère d'examen particulièrement rigoureux lorsqu'il

 12   s'agit d'examiner les conclusions d'une Chambre de première instance, à

 13   savoir qu'aucune Chambre de première instance n'aurait pu parvenir à de

 14   telles conclusions. Et aujourd'hui je me suis rendu compte pleinement à

 15   quel point c'était là un obstacle important à franchir, parce que ce que

 16   cela signifie, par exemple, c'est qu'il suffit que deux Juges donnent leur

 17   accord à la conclusion retenue par la Chambre de première instance pour que

 18   cet obstacle ne soit pas franchi. Pourquoi dis-je cela ? Comme nous le

 19   savons dans le cas de Vinko Pandurevic, la Chambre de première instance a

 20   été en mesure de prendre une décision à la majorité de deux contre un. Et

 21   donc, si vous vous retrouverez dans une situation dans laquelle vous vous

 22   dites : Eh bien, en réalité, je connais deux Juges qui pourraient tout à

 23   fait être d'accord avec ceci, le critère de réexamen en appel ne sera pas

 24   rempli. Donc cela signifie que si parmi les Juges de la présente Chambre

 25   d'appel il y en a deux pour apporter leur soutien à une conclusion

 26   particulière et trois qui ne sont pas d'accord, à mon avis, il serait assez

 27   extraordinaire de voir la majorité prendre une décision, en dépit d'une

 28   minorité de deux Juges, au sujet d'une conclusion retenue par la Chambre de


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  1   première instance.

  2   Et comme je le dis, c'est un obstacle assez difficile à franchir si l'on

  3   vous demande à vous, Juges de la Chambre d'appel, de réécrire les

  4   constatations de la Chambre de première instance. J'estime que

  5   l'Accusation, dans ce cas, non seulement doit vous convaincre qu'aucune

  6   Chambre de première instance n'aurait pu faire la constatation en question,

  7   elle doit également vous donner la certitude que la constatation

  8   alternative ou inverse doit être celle retenue.

  9   M. Rogers et d'autres se sont livrés à des observations statistiques. Je ne

 10   vais pas revenir là-dessus. Il s'agit d'une affaire qui a pris trois bonnes

 11   années, générant des pages innombrables de compte rendu, avec de très

 12   nombreux témoins et des milliers de pièces à conviction. Et je sais que

 13   parmi les Juges de la Chambre de première instance nous avons eu des Juges

 14   extrêmement expérimentés, la Juge Prost, qui est l'un des juristes les plus

 15   respectés de ce Tribunal, l'actuel Vice-président ainsi que celui de

 16   l'époque. Donc ce procès a été conduit de façon admirable pendant toute sa

 17   durée. Les Juges de première instance ont été très attentifs et ont

 18   soigneusement examiné les éléments de preuve avant de rédiger un jugement

 19   concis, réfléchi et éloquent.

 20   Je voudrais juste faire quelques observations quant à ce que nous

 21   avons déjà entendu. La Chambre de première instance, par exemple, a été en

 22   position de se voir présenter des éléments de preuve beaucoup plus

 23   détaillés quant à l'identité de personnes qui étaient présentes sur les

 24   sites d'exécution et ce qu'elles y faisaient et comment elles s'y étaient

 25   retrouvées. Aujourd'hui je ne me suis pas opposé à l'utilisation des cartes

 26   de l'Accusation montrant des flèches et autres représentations graphiques.

 27   Il est indubitable que c'était une représentation, une synthèse graphique

 28   utile, mais je vous prie de garder à l'esprit ce qui est sous-jacent dans


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  1   une telle représentation graphique synthétique. Caractériser des éléments

  2   comme étant des ressources ou des éléments de la Brigade de Zvornik est

  3   beaucoup trop simplificateur, parce que vous devez pouvoir également savoir

  4   qui ils étaient, comment ils se sont trouvés être présents sur place et ce

  5   qu'ils y ont fait. Juste à titre d'exemple, le paragraphe numéro 1 881 du

  6   jugement que cite l'Accusation à l'appui de l'une des flèches qu'elle vous

  7   a présentées ce matin dans son schéma nous montre, si nous nous penchons

  8   d'un peu plus près sur ce même paragraphe 1 881, qu'il n'y avait là que des

  9   soldats qui ont retiré des corps du bâtiment d'une école parce que des

 10   villageois du cru leur ont demandé de le faire. Il n'y a aucune indication

 11   permettant d'affirmer que ces hommes agissaient là dans le cadre d'un

 12   schéma systématique et en qualité de membres d'un bataillon de la Brigade

 13   de Zvornik.

 14   Deuxièmement, la Chambre de première instance s'est également vu

 15   présenter un très grand nombre d'éléments de preuve relatifs à la capacité

 16   militaire de Pandurevic au sein de la brigade, quelles unités et quels

 17   moyens d'artillerie étaient à sa disposition, notamment l'artillerie lourde

 18   au moyen de laquelle il aurait pu littéralement écraser la colonne, tuer

 19   tous ses membres à mesure qu'elle passait. Et notamment, nous avons à cet

 20   effet la déposition du Témoin PW-168 qui met tout particulièrement en avant

 21   ce sujet. Une telle déposition est tout à fait centrale dans les

 22   conclusions de la Chambre de première instance relatives au passage de la

 23   colonne à Baljkovica et à la façon dont il a été retenu au crédit de

 24   Pandurevic ce qui s'est passé et comment cela a aidé les Juges de la

 25   Chambre de première instance à déterminer son intention de participer à

 26   toute entreprise criminelle commune.

 27   De manière encore plus importante, je dirais, et dans une affaire où la

 28   culpabilité d'un homme dépend d'une seule conversation, la Chambre a


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  1   entendu du Témoin 168 pendant 18 journées entières et Pandurevic pendant 22

  2   jours. Cependant, quelle que soit la manière dont ils aient pu articuler la

  3   connaissance de Pandurevic le 15 juillet dans le jugement et si, oui ou

  4   non, les expressions utilisées étaient conformes ou légèrement différentes,

  5   ils ont articulé -- je suis désolé, les connaissances qu'il avait obtenues

  6   à partir d'une conversation qui a duré pas plus de quelques secondes, ils

  7   étaient très bien placés de façon singulière afin d'apprécier de quelle

  8   manière cela pourrait effectivement être respecté.

  9   Je voudrais juste dire quelques mots à propos de Vinko Pandurevic. Au mois

 10   de juillet de 1995, il était âgé de 35 ans, marié, avait une fille. Il a

 11   assumé le commandement de la Brigade de Zvornik en 1993 à l'âge de 33 ans,

 12   bien en deçà de l'âge auquel on peut généralement s'attendre à devenir

 13   commandant de brigade et bien en deçà du rang auquel on pourrait s'attendre

 14   à ce que le commandant de brigade soit. Il était néanmoins considéré comme

 15   un bon soldat. La Brigade de Zvornik était une unité de 5 500 hommes, deux

 16   ou trois fois plus grande que la taille d'une brigade ordinaire, et, comme

 17   vous l'avez vu d'après les schémas qui vous ont été montrés ce matin,

 18   s'étendait sur une longueur d'environ 40 kilomètres de long. Les soldats

 19   étaient dans l'ensemble des non-professionnels. C'était la première fois

 20   après une période de guerre civile où les groupes ethniques se battaient

 21   les uns contre les autres. Le 1er Bataillon, littéralement, était une unité

 22   composée d'exploitants agricoles. Vous n'aurez peut-être pas la possibilité

 23   comme l'a eu la Chambre de première instance d'entendre les dires de Vinko

 24   Pandurevic, comme ils ont pu le faire pendant une bonne partie de presque

 25   un mois, et au cours de cette période toutes les questions qui lui ont été

 26   posées par moi et cinq autres parties, y compris l'Accusation, ont été

 27   posées. Il est effectivement évident de dire que la détermination de son

 28   affaire était sensiblement modelée par les éléments de preuve qu'il a


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  1   donnés, et je vais donc essayer de mon mieux de faire justice à la thèse

  2   qu'il a présentée et qui a été très largement acceptée. Je vous promets que

  3   ça ne me prendra pas 22 jours.

  4   Nous sommes tous d'accord pour dire que juste avant le 15 juillet 1995,

  5   Vinko Pandurevic n'avait absolument aucune connaissance du plan de meurtre.

  6   Cela semblait donc le point de départ naturel pour tout récit. Il serait

  7   peut-être bon peut-être de faire un léger retour en arrière. Le déplacement

  8   des prisonniers de Bratunac vers Zvornik avait démarré le 13 juillet. Il

  9   est universellement reconnu que le plan d'origine prévoyait de les

 10   assassiner à Bratunac, mais Deronjic souleva des objections. Les

 11   prisonniers furent déplacés à Zvornik au cours de la nuit du 13 juillet et

 12   durant la journée du 14. Ils étaient transportés et gardés par des moyens

 13   substantiels tirés à partir de la Brigade de Bratunac et d'autres unités. A

 14   midi le 15 juillet, Vinko Pandurevic retourna au QG de la brigade à Karakaj

 15   après une absence de deux semaines. Il savait qu'il y avait une grave

 16   situation militaire qui évoluait avec une force militaire ennemie

 17   substantielle qui évoluait derrière sa ligne de front communément appelée

 18   la colonne. Il y avait également des attaques ennemies depuis le front.

 19   Nous sommes tous à peu près d'accord pour dire qu'il n'avait absolument

 20   aucune indication, alors qu'il poussa la porte de la caserne Standard, que

 21   quelqu'un avait amené un nombre de prisonniers à la municipalité de

 22   Zvornik, les avait détenus dans des écoles et dans d'autres bâtiments et

 23   était en train de les tuer.

 24   La première personne qu'il rencontra était son adjoint ou chef d'état-

 25   major, Dragan Obrenovic, avec qui il eut une brève conversation dans le

 26   couloir. Il est présenté pendant tous les arguments de l'Accusation comme

 27   le chef d'état-major, comme si c'était là un élément-clé à ce qu'il savait.

 28   Officiellement, il était le chef d'état-major; toutefois, Obrenovic avait


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  1   également été absent de la brigade pendant toute la journée du 14 juillet

  2   jusqu'à une heure auparavant. En conséquence, les informations dont il

  3   disposait étaient extrêmement limitées et provenaient presque exclusivement

  4   d'un bref échange avec l'officier de permanence, Dragan Jokic. Ce que lui a

  5   dit, en fait, et ce que la Chambre de première instance avait constaté est

  6   que conformément à l'ordre de Mladic, Beara et Popovic avaient emmené un

  7   grand nombre de prisonniers de Bratunac au secteur de Zvornik, où ils

  8   étaient en train de les exécuter, et que Jokic l'avait informé qu'il y

  9   avait d'énormes problèmes pour ce qui était de la garde, de l'exécution et

 10   de l'inhumation des prisonniers.

 11   De manière significative, ce que savait Obrenovic et n'a pas dit était que

 12   Nikolic était impliqué ou que Beara et Popovic prenaient qui ils voulaient,

 13   les amenaient où ils voulaient, ce que Jokic venait de lui dire. Voilà donc

 14   les choses telles qu'elles étaient. Nous ne pouvons pas aller au-delà de ce

 15   que le Témoin 168 nous a dit à propos de cette conversation. Ce sont donc

 16   les seuls éléments de preuve donnés et la Chambre les a acceptés. Cela a dû

 17   choquer Vinko Pandurevic. Il ne savait même pas comment les prisonniers

 18   avaient été pris, encore moins amenés à la zone, et la Chambre de première

 19   instance n'a pas trouvé d'importance particulière dans la réponse qu'il

 20   avait donnée à propos de la protection civile. Egalement connue était sa

 21   préoccupation immédiatement avec les ordres formels visant à bloquer la

 22   colonne et le compte rendu alarmant d'Obrenovic à cet égard lui indiquant

 23   que la situation était grave. Autre élément que le rapport d'Obrenovic

 24   n'aurait pas pu manquer d'indiquer était que l'opération à laquelle il

 25   faisait allusion était conduite par l'état-major principal. Le nom de Beara

 26   l'aurait nécessairement alerté à ce fait.

 27   Peu de temps après, ils arrivèrent dans une pièce où, ensemble avec

 28   la police et d'autres commandants militaires, ils évoquèrent comment au


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  1   mieux donner suite aux ordres qu'ils avaient reçus visant à bloquer et

  2   détruire la colonne de combattants qui était derrière leurs lignes. Est-ce

  3   là la constatation de la Chambre au paragraphe 

  4   1 972 à propos de ce que savait Pandurevic de cette conversation, et donc,

  5   tout à fait raisonnable ? C'est tout ce qu'il a reçu comme information, ses

  6   connaissances peuvent être basées sur ce que Jokic, qui était l'officier de

  7   permanence -- il savait effectivement à partir de son contact avec la

  8   brigade ce matin-là et de son arrivée dans le bâtiment. En effet, il a même

  9   donné des éléments d'information et de preuve à ce propos. La suggestion à

 10   présent que la mention du nom de Jokic aurait dû nécessairement déclencher

 11   chez lui une compréhension du fait que la brigade était impliquée dans des

 12   inhumations n'est pas la seule déduction possible, bien que j'accepte le

 13   contenu du rapport qu'il écrivit par la suite.

 14   On critique Pandurevic pour son inaction à la lumière de ces

 15   informations parcellaires provenant d'une personne qu'il ne connaissait pas

 16   très bien, à savoir Obrenovic. En effet, il est dit que son inaction de ce

 17   point de vue-là en tant que commandant fait de lui quelqu'un qui est

 18   coupable d'un entreprise criminelle commune. Certes, l'Accusation ou

 19   quelqu'un d'autre peut effectivement souligner un acte positif effectué par

 20   Pandurevic à l'époque, peu de temps après midi le 15 juillet. Mais s'il

 21   avait répondu d'une autre façon, à ce moment-là il en aurait eu

 22   connaissance. S'il avait été informé avant ce moment-là, nous l'aurions su.

 23   Un élément de preuve convaincant dont la Chambre a eu connaissance et que

 24   je vous invite à examiner rapidement est une interception de communication,

 25   il s'agit de P1170 [comme interprété], qui est de façon commode énoncée au

 26   paragraphe 1 282 du jugement de la Chambre. Il s'agit d'une longue

 27   interception de communication, elle intervient un peu plus tôt dans la

 28   matinée. Les participants à la conversation sont Beara, qui est quelque


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  1   part dans la région de Zvornik, et Krstic, qui est au PC du front à

  2   proximité de Zepa. Vous vous souviendrez qu'à 9 heures ce matin-là, Krstic

  3   a donné pour ordre à Pandurevic de regagner Zvornik et d'écraser la

  4   colonne. C'est peu de temps après cela que Beara a contacté Krstic au poste

  5   de commandement.

  6   Beara, tout au long de la conversation, souligne bien qu'il rencontre

  7   des difficultés à mettre en œuvre le plan de meurtre, d'exécution dans la

  8   région de Zvornik, et il évoque avec Krstic les différentes possibilités

  9   pour acheminer des hommes et d'autres moyens afin de mener à bien la tâche.

 10   Un certain nombre de possibilités sont évoquées entre les deux hommes, y

 11   compris des hommes provenant d'une unité commandée par Bobo Indic et des

 12   hommes de la Brigade de Bratunac. Ce qui est, bien sûr, notoirement absent

 13   dans cette conversation est toute suggestion que Beara à Zvornik devrait

 14   s'adresser à la Brigade de Zvornik en leur demandant de prêter main-forte.

 15   Cette question n'est tout simplement pas envisagée, et c'est donc une

 16   indication, peut-on dire, de la mesure dans laquelle Pandurevic était

 17   toujours maintenu sans information à propos des opérations de l'état-major

 18   principal et du Corps de la Drina.

 19   Au cours de l'après-midi, Pandurevic a reçu un homme politique local

 20   appelé Branko Grujic au PC avancé, et Grujic lui parla de la présence de

 21   prisonniers à deux établissements scolaires. Ce qui explique son rapport de

 22   combat plus tard qui évoque la mention d'écoles. Il y avait dans cette

 23   conversation des indications que la population locale ne se sentait pas en

 24   sécurité quant à la présence de prisonniers se trouvant sur place, et donc

 25   Pandurevic a décidé de consulter plus avant un homme dénommé Ljubo

 26   Bojanovic qui était présent au PC avant ça afin de savoir ce qu'il pouvait

 27   obtenir comme information concernant les prisonniers.

 28   Bojanovic l'informa que la veille des bus étaient passés par le


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  1   commandement à Karakaj et contenaient des prisonniers. Il affirma qu'il

  2   pensait qu'ils se rendaient à Bijeljina, c'est-à-dire l'endroit où le

  3   centre d'échange de Batkovici se trouve, et la brigade n'avait donc aucune

  4   tâche à mener en rapport avec les prisonniers.

  5   Ce que Pandurevic fit par la suite, nous affirmons, est tout à fait

  6   significatif. Il savait que depuis ce matin-là le commandant des forces

  7   musulmanes à Nezuk, Semso Muminovic, avait essayé d'entrer en contact avec

  8   lui, et c'est à ce moment-là que Pandurevic contacte Muminovic. Il le

  9   contacta plusieurs fois dans le courant de l'après-midi, et la Chambre de

 10   première instance accepta cet élément de preuve au paragraphe 1 867. Le

 11   contact commença à environ 2 heures de l'après-midi, peu de temps après

 12   l'arrivée de Pandurevic au poste de commandement avancé. Il y a en fait un

 13   élément attestant de leur conversation, on va peut-être l'afficher à

 14   l'écran, il s'agit de la pièce 7D00656. Non, simplement le compte rendu

 15   d'audience. Pas la bande-son. Merci.

 16   Donc la version anglaise se trouve dans la partie du bas. Il s'agit

 17   donc de Pandurevic, en début d'après-midi le 15 juillet, qui prend contact

 18   avec Muminovic, auquel il fait référence par le nom de Zukov, son surnom.

 19   Il décrit cela dans la deuxième partie de sa conversation, et vous verrez

 20   que Pandurevic dit :

 21   "A partir de là… il n'y a pas de…"

 22   Zukov : "Bien, bien.

 23   Pandurevic : "Zukov, répondez-moi. Zukov, Zukov, répond-moi."

 24   Zukov : "Je t'entends bien. Je t'entends bien. Parle. Il ne répond

 25   pas."

 26   Pandurevic : "Zukov, envoie les civils à un endroit, décide-le toi-

 27   même. On les transportera jusqu'à Tuzla. Cette fois-ci, ils doivent être

 28   protégés."


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  1   Zukov : "Bien, oui, la colonne entière passe, et tout va bien."

  2   Pandurevic : "Pas avec des armes. Ça doit être rendu. Pas avec des

  3   armes, je répète deux fois, de façon à ce qu'ils aient la possibilité de se

  4   réunir au même endroit. Copie!"

  5   Le besoin militaire auquel l'Accusation s'est toujours fié n'existait

  6   pas au moment de ce contact avec le commandant ennemi et ne s'est pas

  7   présenté avant la matinée du 16 juillet. Et littéralement dans l'espace

  8   d'une heure, grosso modo, après son retour à Zvornik, ayant regagné le PC

  9   avancé, Pandurevic prend contact avec le commandant ABiH à Nezuk, en

 10   entamant des négociations pour le passage d'une colonne vers un territoire

 11   sécurisé. Il est dès lors peu surprenant, selon nous, que la Chambre de

 12   première instance soit arrivée à la conclusion qu'il s'agissait là

 13   d'éléments de preuve convaincants afin de nier toute suggestion que

 14   Pandurevic avait simplement reçu ces informations d'Obrenovic --

 15   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Désolé, nous allons faire la pause

 16   dans cinq minutes.

 17   M. HAYNES : [interprétation] Merci.

 18   Les négociations se sont donc poursuivies, et vous verrez au paragraphe 1

 19   872 du jugement, le lendemain matin, un officier musulman de la colonne au

 20   nom de Selikovic [phon] a été fait prisonnier. Il a été soigné et renvoyé à

 21   son unité. Là encore, un exemple de traitement tout à fait humain et qui

 22   est tout à fait en contradiction avec toute intention ou contribution à une

 23   entreprise criminelle commune visant au meurtre. A 10 heures, Pandurevic et

 24   Muminovic acceptèrent l'ouverture du corridor, et à 1 heure, il a été

 25   ouvert. J'y reviendrai un peu plus tard, mais j'affirme que cet acte

 26   constitue un élément de preuve pour ce qui est de la détermination des

 27   actes et réflexions de Pandurevic, et la déduction qu'en a tirée la Chambre

 28   de première instance est remarquablement convaincante. Il ne faut pas sous-


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  1   estimer, nous affirmons, l'importance de la désobéissance de l'ordre qui

  2   lui avait été donné d'écraser la colonne qui était venu de Mladic via

  3   Krstic. Il s'agissait de la colonne de la 28e Division. Il s'agissait de

  4   l'unité qui avait véritablement constitué un énorme obstacle pour la

  5   totalité de la VRS à Srebrenica. Pandurevic avait les moyens militaires de

  6   l'anéantir s'il le souhaitait.

  7   C'est peut-être un bon moment de faire la pause.

  8   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Nous faisons une pause de 20

  9   minutes, jusqu'à et 35.

 10   --- L'audience est suspendue à 15 heures 15.

 11   --- L'audience est reprise à 15 heures 37.

 12   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Haynes.

 13   M. HAYNES : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   Je vais en terminer avec l'histoire de la colonne. La colonne, en fait, a

 15   été ouverte pendant une période de 24 heures, parce qu'en fait il y avait

 16   des traînards, certains qui restaient à la traîne, et Pandurevic l'avait

 17   gardée ouverte pendant un peu plus longtemps. Il avait envoyé ses hommes

 18   dans la zone de Baljkovica avec des haut-parleurs pour s'assurer qu'autant

 19   de personnes que possible puissent passer par ledit couloir.

 20   La Chambre de première instance a conclu au paragraphe 1 964 que dans

 21   son rapport de combat intérimaire du 15 juillet, Pandurevic se préparait à

 22   ne pas obéir à ces ordres, et je remarque tout simplement que si l'on prend

 23   en considération l'heure à laquelle cela s'est passée, cela s'est passé

 24   quelque cinq heures et demi après son retour à Zvornik, et pas plus que

 25   quatre heures après son arrivée au poste de commandement avancé. La Chambre

 26   de première instance a été convaincue qu'à ce moment-là, c'est ce à quoi il

 27   pensait. Le 16 juillet, il écrit ce que l'on peut décrire seulement comme

 28   un rapport de désobéissance, en fait, il ment à son commandement supérieur.


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  1   Il atteste du fait qu'il est toujours en train de combattre, ce qui n'était

  2   pas le cas à ce moment-là, et il dit que certaines personnes sont passées à

  3   travers les mailles du filet, mais qu'elles n'étaient pas armées. C'est

  4   tout à fait contraire à ce qui s'est passé parce qu'il a laissé toute la

  5   colonne musulmane passer, contrairement aux ordres qu'il avait reçus.

  6   Puis deux jours plus tard, la Chambre de première instance a conclu

  7   qu'il avait une connaissance un peu meilleure de ce qui s'était passé

  8   pendant l'opération de meurtre, et il rédige le rapport de combat

  9   intérimaire du 18 juillet dont je vais vous donner lecture. Voilà ce qui

 10   est écrit :

 11   "Au cours des dix derniers jours environ, la municipalité de Zvornik

 12   a littéralement été envahie par le Turcs de Srebrenica. Pour moi, c'est

 13   absolument inconcevable que quelqu'un ait emmené quelque 3 000 Turcs en âge

 14   militaire et les a placés dans les écoles de la municipalité en plus des 7

 15   000 et quelques qui s'étaient enfuis dans la forêt. Donc, il s'agit d'une

 16   situation extrêmement complexe, avec une occupation totale de Zvornik, et

 17   ce, en conjugaison avec les forces qui se trouvent sur le front. Ces

 18   actions ont provoqué un profond mécontentement parmi la population, et

 19   l'opinion générale est que Zvornik va payer pour la prise de Srebrenica."

 20   En parallèle, il donne l'ordre à la Brigade de Zvornik de faire en

 21   sorte que tous les prisonniers faits sur le terrain soient ramenés à la

 22   caserne; paragraphe 1 893 du jugement. Le rapport dans lequel il indique

 23   cela, dans ce rapport, en fait, il demande à son commandement supérieur de

 24   se préparer pour le passage de la colonne, et puis ensuite il les condamne

 25   pour cette opération de meurtre, et c'est ainsi que le Juge Kwon s'exprime

 26   dans son opinion dissidente. Il écrit :

 27   "Il s'agit du seul cas d'insubordonné qui conteste si ouvertement

 28   Mladic par rapport à cette opération de meurtre. Et j'ajouterais, en fait,


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  1   que c'est le seul cas de document qui consigne l'existence de prisonniers

  2   plutôt que d'y faire référence en utilisant un code plus ou moins secret."

  3   Et je dois dire que la Chambre a conclu à juste titre que cela était

  4   pertinent, et permettait de déterminer l'objectif de ses actes et de ses

  5   actions, ainsi que sa participation à l'opération de meurtre.

  6   Du 20 au 24 juillet, il a pris et échangé des prisonniers avec

  7   d'autres régions, par exemple, avec Bratunac, où les prisonniers étaient

  8   exécutés de façon absolument routinière. Le 27 juillet, il se rend auprès

  9   de son commandant supérieur, à savoir le général Krstic, et la Chambre de

 10   première instance a conclu au paragraphe 1 915, et qu'il demande à Krstic

 11   s'il a des informations beaucoup plus précises à la suite de ces rapports

 12   de combat relatifs aux prisonniers qui ont été exécutés dans la zone de

 13   Zvornik. D'après Pandurevic, Krstic lui dit fondamentalement que ce n'est

 14   pas quelque chose qui le regarde ou dont il devrait se soucier et qu'il va

 15   s'occuper du problème de toute façon.

 16   Donc, au vu de ces faits qui sont décrits dans les différents récits,

 17   au vu de ce que M. Pandurevic a indiqué alors qu'il témoignait après avoir

 18   prononcé la déclaration solennelle, la Chambre de première instance a

 19   conclu de façon tout à fait raisonnable que non seulement les actions de

 20   Pandurevic pendant les 30 heures à partir de midi le 15 juillet ne

 21   correspondent pas à sa participation à l'entreprise criminelle commune et

 22   qu'il n'a pas non plus aidé et encouragé au meurtre de masse. Et

 23   d'ailleurs, ils n'ont pas non plus considéré que ce qu'il a fait lorsqu'il

 24   a rédigé ses rapports ou laissé la colonne passer, devait être perçu avec

 25   le cynisme auquel l'Accusation nous invite maintenant. Bien au contraire,

 26   pour ce qui est de la colonne, voilà ce qu'ils ont constaté et conclu :

 27   "A l'époque où d'autres membres de la VRS chassaient de façon très

 28   active et capturaient et exécutaient les hommes musulmans sans aucune pitié


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  1   et ont poursuivi cet idéal génocidaire, la décision de Pandurevic, qui

  2   décide d'ouvrir le couloir, a permis à des milliers de Musulmans de Bosnie

  3   de passer et d'être sains et saufs. Et cela est assez frappant, en faisant

  4   cela et grâce à cet acte, des milliers d'hommes ont eu la vie sauve. L'acte

  5   de Pandurevic à cet égard constitue un acte de courage et d'humanité en

  6   pleine période symbolisée par la faiblesse humaine, la cruauté et la

  7   dépravité [phon]."

  8   Simplement, la Chambre de première instance n'a pas considéré la chose de

  9   la même façon, même après, d'ailleurs, que l'Accusation ait procédé au

 10   contre-interrogatoire de Pandurevic pendant des heures, parce qu'ils

 11   essayaient, en fait, d'obtenir une corroboration du fait qu'il avait

 12   accepté l'ordre illicite de Mladic. A notre avis, il serait tout à fait

 13   erroné d'annuler ces constatations.

 14   Et vous avez le premier moyen d'appel de l'Accusation, nous avançons

 15   que l'actus reus allégué pour l'entreprise criminelle commune n'est qu'un

 16   détail linguistique. Il n'a pas accepté l'utilisation des ressources et il

 17   ne savait pas à quelles fins elles allaient être utilisées.

 18   Je vais maintenant parler de l'appel vu sous l'optique de l'article 7(3).

 19   Nous avançons que le critère correct de connaissance pour un supérieur est

 20   qu'il doit avoir des raisons de savoir que ses subordonnés ont commis, sont

 21   en train de commettre ou sont sur le point de commettre des crimes. Alors,

 22   nous acceptons que la terminologie peut être un peu floue et vague et qu'il

 23   serait utile de la préciser. Toutefois, si vous êtes prenez le critère

 24   beaucoup moins important qui a été retenu dans Strugar, par exemple, nous

 25   avançons que la Chambre de première instance était tout à fait autorisée à

 26   conclure qu'elle n'était pas sûre que Vinko Pandurevic ait été responsable

 27   en application de l'article 7(3) d'extermination et de persécution, et je

 28   vais vous expliquer pourquoi.


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  1   Parce que l'extermination, et cela m'amène à ma deuxième question.

  2   Essentiellement, ce sont des questions qui reviennent sans cesse lors de la

  3   conversation entre Pandurevic et Obrenovic dans le couloir de la caserne

  4   Standard le 15 juillet, et voilà ce que nous aimerions poser comme question

  5   : Que lui a dit Obrenovic qui aurait dû lui faire penser qu'il s'agissait

  6   d'extermination ou persécution ? Parce que Pandurevic n'avait qu'une idée

  7   de base de la portée des crimes qui étaient en cours au vu de ce que lui

  8   avait dit Obrenovic à ce moment-là. Il n'avait aucune information à propos

  9   du nombre de prisonniers qui avaient été emmenés dans la zone. Il ne savait

 10   même pas où ils se trouvaient plus ou moins. Il ne savait pas non plus

 11   s'ils avaient tous été tués, si certains seulement avaient été tués, ou si

 12   les exécutions étaient terminées ou étaient en cours. Tout cela a été porté

 13   à sa connaissance plus tard. La Chambre de première instance a conclu que

 14   Pandurevic a été informé de la portée totale de l'opération le 18 juillet.

 15   Il ne savait pas qu'à l'époque c'était une extermination qui était en

 16   cours. L'utilisation du mot "énorme" ne nous permet pas ou ne devrait pas

 17   nous permettre de conclure à cela. Alors, il se peut qu'il y ait eu

 18   d'énormes problèmes logistiques pour essayer de faire en sorte que

 19   quelqu'un exécute les tâches, par exemple, mais nous, nous avançons que

 20   cette conversation succincte et brève qu'il a eue avec Obrenovic a été bien

 21   analysée par la Chambre de première instance, comme étant une conversation

 22   qui aurait pu influencer Pandurevic à avoir la connaissance qu'il y avait

 23   des meurtres commis mais pas nécessairement un phénomène d'extermination.

 24   Et je vous invite maintenant à réfléchir à la troisième question que vous

 25   nous avez posée à propos de la persécution. Une fois de plus, je pense

 26   qu'il faut analyser cette information relayée d'Obrenovic à Pandurevic le

 27   15 juillet. Car rien dans cette information n'aurait permis à Pandurevic de

 28   comprendre les raisons pour lesquelles les prisonniers étaient tués. Il ne


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  1   pouvait pas savoir, d'après les propos d'Obrenovic, qu'ils allaient être

  2   tués ou qu'ils étaient tués à cause de leur appartenance ethnique plutôt

  3   que pour une raison tout à fait arbitraire, en d'autres termes, un

  4   phénomène de vengeance, ou tout simplement parce qu'il s'agissait de

  5   soldats ennemis. La conversation avec Obrenovic ne lui transmet pas cette

  6   information.

  7   Il est important également, au vu des informations qui ont été relayées peu

  8   de temps après, de ne pas oublier ce que Pandurevic avait appris de Grujic

  9   et de Bojanovic. En d'autres termes, que des prisonniers étaient détenus

 10   dans des écoles et qu'ils n'étaient pas morts. Et Bojanovic lui a dit

 11   qu'ils se trouvaient dans des autocars en route vers Bijeljina, ce qui,

 12   pour Pandurevic, pouvait signifier qu'ils allaient aller à Batkovic pour y

 13   être échangés et non pas pour y être tués. Je ne sais pas si vous avez des

 14   questions à poser, mais voilà en matière de réponse à deuxième et à la

 15   troisième questions qui ont été posées.

 16   J'aimerais maintenant aborder la question de l'appel eu égard au fait que

 17   Pandurevic n'a pas puni ou sanctionné. A notre avis, la Chambre de première

 18   instance a conclu à juste titre que Vinko Pandurevic s'était acquitté de

 19   ses fonctions qui consistaient à punir en écrivant ses rapports du 15 et du

 20   18 juillet et en ayant cette conversation avec Krstic. Au paragraphe 2 062,

 21   la Chambre analyse ce qui suit :

 22   "Après avoir pris en considération tous les éléments de preuve pertinents,

 23   la Chambre de première instance est convaincue que dans ses rapports de

 24   combat intérimaires du 15 et du 18 juillet, que ces rapports étaient un

 25   moyen, le seul moyen réaliste à la portée de Pandurevic pour qu'il

 26   communique avec les autorités compétentes et leur présente son rapport à

 27   propos des crimes qui étaient commis dans la zone de Zvornik."

 28   La Chambre de première instance rappelle également que Pandurevic a soulevé


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  1   la question de l'exécution des prisonniers à Zvornik auprès de Krstic en

  2   personne le 27 juillet, plus précisément, Pandurevic a demandé à Krstic

  3   s'il disposait de plus amples renseignements en la matière, ce à quoi

  4   Krstic lui a rétorqué que ce n'était pas quelque chose qui devait le

  5   préoccuper lui, Pandurevic, et que, de toute façon, Krstic allait s'occuper

  6   du problème ou régler le problème de façon appropriée.

  7   L'Accusation a contesté cette conclusion en avançant que la Chambre de

  8   première instance avait ajouté un élément à la norme juridique requise pour

  9   que des mesures soient considérées nécessaires, raisonnables, et dans une

 10   certaine mesure effective. Ce n'est pas ce que la Chambre de première

 11   instance a fait, car la norme raisonnable et les mesures nécessaires

 12   signifient les mesures disponibles qui doivent être évaluées au vu des

 13   circonstances de chaque situation. Il s'agit de l'arrêt Blaskic au

 14   paragraphe 417.

 15   "Raisonnable", en ce sens, signifie des mesures qui s'inscrivent dans le

 16   cadre des mesures ou des ressources matérielles, il ne s'agit pas d'une

 17   question de droit matériel, mais plutôt il s'agit d'éléments de preuve

 18   d'après la Chambre d'appel dans l'affaire Halilovic, paragraphe 63.

 19   La capacité matérielle de Pandurevic doit être évaluée en prenant en

 20   considération les circonstances qui prévalaient à l'époque. Vous avez toute

 21   une liste abstraite de toutes les mesures auxquelles peut penser

 22   l'Accusation maintenant, dont certaines, d'ailleurs, n'ont même pas fait

 23   l'objet d'accord pendant le procès, et ce n'est pas la juste norme

 24   juridique. Ce qui m'amène à vous parler de la question numéro 4, à savoir

 25   le procureur militaire et les autres mesures.

 26   La Chambre de première instance a conclu de façon raisonnable que

 27   Pandurevic avait pris les seules mesures nécessaires et raisonnables qu'il

 28   pouvait prendre. Madame, Messieurs les Juges, cette question ne doit pas


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  1   être dissociée de la réalité, car elle doit s'inscrire dans les

  2   circonstances dans lesquelles le commandant s'est trouvé, et je vais peut-

  3   être vous demander de prendre en considération ce qui se passe ici.

  4   Karadzic est en train d'être jugé dans une autre salle d'audience ici pour

  5   des crimes qui portent sur les événements de Srebrenica. Mladic est traduit

  6   en justice dans une salle d'audience au premier étage. Il s'agit des

  7   événements de Srebrenica. Beara, Tolimir, Miletic, Gvero, tout l'état-major

  8   principal a participé aux événements à Srebrenica. Et le 27 juillet,

  9   lorsqu'il se rend auprès de Krstic, et même le 23 juillet, lorsqu'il a

 10   parlé à Dragan Obrenovic - et je suis plus particulièrement intéressé par

 11   le paragraphe 1 910 à propos de cette conversation - Pandurevic était

 12   parfaitement informé que l'ensemble de l'état-major principal avait

 13   participé ou était partie prenante à ces événements. S'il était présent ici

 14   aujourd'hui et qu'il indiquait qu'il avait présenté ses préoccupations au

 15   procureur militaire, un organe de l'état-major de l'armée de la Republika

 16   Srpska, l'Accusation ferait fi de cela, en ferait une boutade et

 17   suggérerait qu'il s'agit d'une mesure qui n'est absolument pas adaptée pour

 18   s'acquitter de ses fonctions en tant que commandant. Ils diraient, en fait,

 19   que ce n'était qu'une façade que de présenter la question au procureur

 20   militaire.

 21   Il faut remarquer que lors des nombreux jours de contre-

 22   interrogatoire de Vinko Pandurevic, Peter McCloskey ne lui a jamais

 23   présenté une suggestion à propos de cette option qu'il aurait dû choisir.

 24   Qui plus est, pendant le procès, l'Accusation n'a pas estimé que cela était

 25   assez important pour présenter des éléments de preuve à propos de ce

 26   procureur militaire, paragraphe 2 057 du jugement en première instance, et

 27   ce sont des éléments de preuve qui ont été présentés par M. Wood seulement

 28   ce matin et, en fait, qui suggèrent l'impartialité de la chose. A notre


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  1   avis, la Chambre de première instance a, à juste titre, pris en

  2   considération toutes les options qui étaient à la disposition de Pandurevic

  3   et a décidé qu'en rédigeant ces rapports destinés à son supérieur immédiat

  4   et en rendant lui-même personnellement visite à son supérieur immédiat, il

  5   avait pris toutes les mesures nécessaires et appropriées. Et cela a été

  6   considéré comme une mesure intelligente au vu de la situation dans laquelle

  7   il se trouvait.

  8   Et nous avons examiné les autres points suggérés ou les autres

  9   mesures suggérées qu'il aurait pu prendre concernant les enquêtes et les

 10   mesures disciplinaires dans notre mémoire en réponse en ses paragraphes 256

 11   et 269, et je ne pense pas avoir le temps de pouvoir les passer en revue

 12   maintenant.

 13   Nous continuons à penser que les rapports des 15 et 18 juillet, ainsi

 14   que la conversation avec Krstic, étaient les seules mesures raisonnables et

 15   nécessaires qu'il aurait pu prendre. Il constitue un compte rendu écrit

 16   pour informer le commandement et qui auraient permis à ses supérieurs

 17   d'agir. Ainsi que notre position sur la question 5 que vous nous avez

 18   posée, le rapport des 15 et 18 juillet invitent une enquête qui n'est pas

 19   limitée dans le temps. Donc, la question de savoir s'il peut être

 20   responsable pour ne pas avoir sanctionné les crimes commis avant qu'il ne

 21   soit retourné à Zvornik est nulle et non avenue, car nous n'avançons pas

 22   l'argument comme quoi la Chambre a bien pris en compte le fait qu'il

 23   s'était acquitté de son devoir en relation au crime avant ou après son

 24   retour. Donc, nous n'avons pas de position sur le principe de savoir s'il

 25   pouvait être tenu responsable pour ne pas avoir sanctionné les crimes qui

 26   se sont produits entre le 13 et le 15 juillet, lorsque nous disons qu'il

 27   n'est pas au commandement de la brigade. Nous notons que dans les arguments

 28   de l'Accusation ce matin quant au droit applicable sur cette question,


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  1   l'affaire à laquelle ils n'ont pas fait référence est celle de Perisic, où

  2   la même norme juridique a été appliquée et l'Accusation n'a pas tenu la

  3   thèse qu'ils ont avancée ce matin, avec pour conséquence nécessaire que

  4   Perisic a pu bénéficier d'un acquittement.

  5   J'ai presque terminé.

  6   Le paragraphe 2 209 du jugement, dans ce paragraphe, la Chambre de

  7   première instance reconnaît l'ensemble de faits tout à fait extraordinaire

  8   qui distingue l'affaire de Vinko Pandurevic. L'une des caractéristiques

  9   tout à fait inhabituelles et extraordinaires est précisément contenue dans

 10   le récit que je vous ai fait, c'est-à-dire c'est le récit d'un jeune

 11   commandant qui, comme l'a constaté la Chambre de première instance, a fait

 12   le travail d'un soldat, et est rentré à son QG pour s'entendre dire que

 13   d'autres avaient fait dans sa zone de responsabilité et que beaucoup de

 14   prisonniers avaient été tués. Comme vous le savez, je ne vais pas parler de

 15   la peine de Pandurevic. L'Accusation l'a fait et a invoqué les droits de la

 16   victime. Je soutiens entièrement les droits des victimes, tout comme Vinko

 17   Pandurevic le fait, et d'ailleurs la Chambre, en l'espèce, a considéré

 18   qu'il y avait un acte d'aide tout à fait extraordinaire qui avait été

 19   exécuté en juillet 1995.

 20   L'un des droits principaux des victimes est le droit à la vérité, et

 21   pour toute la rhétorique sur les chauffeurs et les gardes qui étaient peut-

 22   être formellement les subordonnés de Pandurevic et qui auraient peut-être

 23   aidé et encouragé sans qu'ils ne le sache dans l'entreprise visant à tuer

 24   des gens, l'Accusation a, de façon répétée, nié le droit des victimes de

 25   Srebrenica à cet égard. Nous savons que quelques soldats du 1er Bataillon

 26   se sont rendus à l'école de Kula pour monter la garde, mais qui était

 27   responsable ? Qui était au commandement ? Qui a ordonné l'exécution ? Qui a

 28   dit que cela devait commencer ? Et à Petkovci, qui était responsable sur le

 


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  1   terrain ? Qui a donné l'ordre de tuer ? Et qui a fait cela à Orahovac et à

  2   Kula ? La réponse à cette question centrale a toujours été importante en ce

  3   qui concerne le niveau de culpabilité de Pandurevic et en ce qui concerne

  4   la détermination de sa peine.

  5   Sauf questions de la part des Juges, j'ai terminé.

  6   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

  7   Maintenant, nous allons entendre la réponse de l'Accusation.

  8   M. KREMER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame,

  9   Messieurs les Juges.

 10   J'ai quelques remarques brèves en réponse à tous les arguments, sauf ce qui

 11   a été dit concernant M. Nikolic, et ce sera mon collègue, M. Rogers, qui

 12   répondra à la Défense en ce qui concerne M. Nikolic.

 13   Permettez-moi de commencer avec ce que nous avons entendu sur Popovic et

 14   Beara et plus précisément en rapport avec la condamnation cumulée pour

 15   entente pour commettre le génocide. Je n'ai aucun commentaire sur la

 16   réponse qui a été donnée en ce qui concerne M. Popovic. Mais en ce qui

 17   concerne ce qui a été dit sur M. Beara, je vous invite à ne pas tenir

 18   compte de sa réponse comme ne constituant pas une réponse. C'est-à-dire

 19   qu'il ne répond pas aux questions juridiques qui ont été soulevées dans le

 20   moyen ni dans les mémoires ou arguments. Il se sert de cette occasion pour

 21   simplement reprendre les arguments de l'appelant et pour contester les

 22   conclusions factuelles sous-jacentes sur l'entente pour commettre un

 23   génocide, et avec tout le respect qui est dû, nous pensons que ceci n'est

 24   pas à-propos. Et je note que - et vous le savez sans doute - Beara n'a pas

 25   soumis de réponse suite au mémoire de l'Accusation, et il suit donc que sa

 26   réponse, du moins sa réponse écrite, ne vous est pas disponible en ce sens

 27   qu'elle pourrait jouer un rôle ou être utile pour décider de cette question

 28   juridique qui a été décidée par la Chambre d'appel du Tribunal


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  1   international pénal pour le Rwanda.

  2   En ce qui concerne Miletic, je n'ai pas de commentaires à faire, vu

  3   ce que Mme Faveau a bien vouloir dire sur cette question juridique sous

  4   forme de concession, et donc, je vais passer à M. Pandurevic.

  5   Les arguments et écritures sur les moyens 1 et 2 sont intéressants,

  6   mais de façon générale ne répondent pas aux questions posées, car le

  7   conseil de M. Pandurevic réussi à éviter la question centrale qui a été

  8   avancée par l'Accusation comme constituant le fondement de l'erreur dans le

  9   jugement en ces paragraphes 1 972 et 1 973, à savoir en considérant

 10   l'intention partagée de Pandurevic pour l'entreprise criminelle commune

 11   visant à commettre un meurtre, la Chambre ignore ses propres conclusions,

 12   tout particulièrement les conclusions en ce qui concerne les termes

 13   employés et la signification attribuée aux rapports de combat intérimaires

 14   du 15 juillet.

 15   M. Haynes élude cette question, et c'est une question qui le

 16   contrarie, car la Chambre de première instance a passé beaucoup de temps

 17   dans son analyse des éléments de preuve et pour parvenir à cette

 18   conclusion. Notre position est donc très clairement qu'il y a erreur de

 19   droit, une erreur de droit qui ne peut que contraindre cette Chambre

 20   d'appel à examiner les conclusions et à examiner les faits pour arriver à

 21   sa propre détermination quant à savoir quelle serait la bonne conclusion si

 22   ces conclusions en 1 948 avaient été appliquées et si les circonstances

 23   contextuelles avaient été retenues à ce moment-là pour l'évaluation. Nous

 24   avons toujours dit dans nos écritures et arguments aujourd'hui et dans

 25   notre acte d'appel, nous avons cherché à aider la Chambre de première

 26   instance ou l'appel -- la Chambre d'appel, pardon, pour évaluer, savoir si

 27   le moyen d'appel est bien fondé en droit et factuellement [phon], et nous

 28   avons cherché à vous donner les références nécessaires pour le dossier pour


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  1   vous aider à arriver à la détermination que nous mettons en avant et que

  2   nous pensons que vous devez adopter, avec tout le respect qui est dû.

  3   Nous pensons que la norme retenue pour l'examen et qui est avancée

  4   par le conseil de M. Pandurevic est erronée. Il s'agit de dire qui s'il y

  5   avait une opinion dissidente, alors il n'y a pas de possibilité d'arriver à

  6   une détermination, ou du moins que ce ne serait pas possible pour une

  7   Chambre de première instance raisonnable. Notre position est que cette

  8   Chambre d'appel régulièrement applique la norme pour l'examen des appels,

  9   je ne vais pas vous dire quel est le droit en la matière. Vous le

 10   connaissez, vous l'appliquez. Et cette Chambre d'appel ne craint pas

 11   d'assumer la tâche ardue et complexe d'examiner les conclusions factuelles

 12   ainsi que les éléments de preuve et de changer ses conclusions sur les

 13   faits et sur l'innocence ou la culpabilité en lieu des décisions qui sont

 14   intervenues au niveau des Chambres de première instance.

 15   Dans la réponse de Pandurevic, on insiste sur la conversation entre

 16   Obrenovic et Grujic, mais là encore, sans en venir au problème que créait

 17   le rapport de combat intérimaire du 15 juillet qui indique, comme l'a dit

 18   la Chambre de première instance, que Pandurevic avait en fait beaucoup plus

 19   de connaissances quand on prend en compte le contexte des conversations et

 20   du document.

 21   Dans ses propos, il a parlé des prisonniers, disant que les

 22   prisonniers faisaient l'objet d'un échange régulier dans la période du 20

 23   au 24 juillet. Je vous rappelle qu'il a été condamné pour avoir aidé et

 24   encouragé dans le meurtre des dix patients de l'hôpital de Milici qui ont

 25   été remis à Popovic et dont vous avez entendu parler. Je vous renvoie

 26   également au paragraphe 59 de notre réponse où nous évoquons ce point

 27   précis en réponse.

 28   Je souhaite répéter à l'intention de vous, Madame, Monsieur les


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  1   Juges, que nous avons dans notre mémoire énoncé la position de droit et de

  2   fait de l'Accusation et sur quoi elle se fonde et pourquoi un appel est

  3   ainsi justifié. Et M. Haynes, au nom de M. Pandurevic, a répliqué. Les

  4   arguments qu'il avance ce matin sur ces moyens rajoutent peu de choses à ce

  5   qu'il a dit dans son mémoire. Et nous avons déjà répondu aux points qui

  6   méritent réponses dans notre propre réponse et écritures, et donc, je me

  7   remettrai à votre propre analyse de la réponse et de la réplique, et je ne

  8   vous en tiendrai pas plus longtemps à ce propos aujourd'hui.

  9   Maintenant, je vais donner la parole à M. Rogers pour une brève

 10   réponse concernant ce qui a été dit sur Nikolic. Je vous remercie. Et sauf

 11   questions de la part des Juges, j'ai terminé.

 12   M. ROGERS : [interprétation] Madame, Monsieur les Juges, je souhaite dire

 13   trois choses en réponse à ce que nous avons entendu de mon confrère

 14   concernant Drago Nikolic. La première se rapporte à ce qu'il affirme

 15   concernant le fait d'avoir retiré ou extrait de l'opération. J'aimerais

 16   évoquer la suggestion qu'il s'est retiré de l'entreprise, à savoir que

 17   Drago Nikolic s'est retiré. Mon confrère, en évoquant le compte rendu

 18   d'audience 67 [comme interprété], dit que : La Chambre de première instance

 19   a considéré l'étendue limitée de ses actions et son retrait des actes

 20   criminels avant ses collègues. Et il se réfère ici au paragraphe 1 410,

 21   jugement. Mais ceci semblerait dire que la Chambre a considéré que Drago

 22   Nikolic avait pris une décision positive de se retirer, et comme mon

 23   confrère l'a dit par la suite, ici, au paragraphe 74 du compte rendu

 24   d'audience, que Drago Nikolic a été en mesure de s'extraire le plus

 25   rapidement possible. Et si nous examinons le jugement au paragraphe 1 410,

 26   nous voyons ce qui est dit. On dit :

 27   "Sa participation dans l'opération de meurtre est limitée dans le temps,

 28   c'est-à-dire a commencé dans la nuit du 13 et prend fin vers le milieu de


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  1   la journée le 16 juillet. En conséquence de cela, il n'est pas directement

  2   impliqué dans les meurtres à la ferme de Branjevo ou au centre culturel de

  3   Pilica."

  4   Nous disons que ceci n'est pas une extraction ou un retrait de sa part. Ce

  5   n'est pas du tout l'impression qu'a retenu la Chambre de première instance

  6   quant à ce qu'il avait fait. Ce qu'ils ont dit lorsqu'ils examinaient sa

  7   responsabilité en rapport avec l'entreprise criminelle commune visant le

  8   meurtre, au paragraphe 139 [comme interprété], était comme suit :

  9   "Il a joué un rôle important dans l'organisation de l'opération par

 10   laquelle l'objectif commun a été accompli, et il a contribué de plusieurs

 11   façons à cette entreprise commune par son travail, en coulisses, et sur

 12   divers sites de détention et d'exécution à Zvornik. En particulier, il a

 13   organisé le personnel qui devait monter la garde et permettrait les

 14   exécutions et était personnellement présent à Orahovac et veillait à

 15   l'organisation des sites de détention et d'exécution au moment où les

 16   exécutions avaient lieu. Par ces actes il a contribué de façon

 17   substantielle, et vu la fermeté dont il a fait preuve dans la tâche qui lui

 18   avait été confiée dans l'opération des meurtres il est clair qu'il

 19   partageait l'intention de l'entreprise commune."

 20   J'en viens à un deuxième aspect que je souhaite évoquer qui se

 21   rapporte à la conviction qu'avait Nikolic sur les prisonniers. Au compte

 22   rendu d'audience page 64, mon confrère se réfère au fait que Drago Nikolic

 23   était témoin du fait que les Musulmans de Bosnie avaient été pris en cible

 24   et disait que :

 25   "La Chambre de première instance considérait que Drago Nikolic

 26   pensait que les prisonniers, à la différence des autres victimes décrits,

 27   étaient emmenés dans la zone de Zvornik."

 28   Ici, il se réfère aux paragraphes 1 402 et 1 403 du jugement.


Page 588

  1   Toutefois, cette référence ne doit pas être mal comprise comme indiquant

  2   que Drago Nikolic pensait que ces prisonniers étaient des prisonniers de

  3   guerre. La Chambre de première instance se réfère aux connaissances

  4   qu'avait Drago Nikolic lorsqu'il a quitté la caserne Standard le matin du

  5   14 juillet, et ici je me réfère au 1 404 du jugement, où il est dit que :

  6   "La seule chose que l'on peut déduire d'une telle réunion de planification

  7   est que lorsqu'il quitte la caserne Standard ce matin-là, il sait quels

  8   sont les détails du plan, que les exécutions allaient se dérouler à

  9   plusieurs endroits différents dans la zone de Zvornik, et que les victimes

 10   s'élèveraient en nombre à plusieurs centaines, ou voire plusieurs milliers.

 11   Plus tard dans la même matinée, il voit les convois d'autocars, et il a des

 12   informations de première main par ses observations à Orahovac quant la

 13   composition des victimes, des soldats, des civils, hommes, garçons, et

 14   personnes âgées. Il était aussi évident que ces hommes musulmans de Bosnie

 15   affaiblis sans arme, déjà sous la garde de la VRS, ne constituaient aucune

 16   menace militaire."

 17   Et enfin, je voudrais répondre aux commentaires de mon confrère concernant

 18   les connaissances contextuelles. Au compte rendu d'audience page 72 de

 19   l'audience d'aujourd'hui, mon estimé confrère a parlé de connaissance

 20   contextuelle de l'ensemble du champ de connaissance de l'accusé en

 21   affirmant que ceci avait une influence directe sur sa compréhension de la

 22   situation et sur ses actes.

 23   Alors, Madame et Messieurs les Juges, je voudrais que nous regardions

 24   ensemble certaines des conclusions du jugement qui se réfèrent à cette même

 25   connaissance afin de la replacer dans son contexte. Dans le paragraphe 1

 26   418 du jugement, lorsqu'il se penche sur la question des critères relatifs

 27   à la connaissance au titre de l'article 5, les Juges de la Chambre de

 28   première instance concluent que :


Page 589

  1   "Nikolic, en qualité de chef de la sécurité de la Brigade de Zvornik, dont

  2   le commandant avait pris part à l'attaque lancée contre Srebrenica, savait

  3   qu'il y avait une attaque militaire contre l'enclave protégée de

  4   Srebrenica. Il savait également que les prisonniers bosno-musulmans ont été

  5   transportés de Bratunac à Zvornik, par conséquent, il savait que ces

  6   prisonniers s'étaient retrouvés sous la garde de la VRS suite à l'attaque

  7   lancée contre l'enclave civile de Srebrenica. Nikolic a vu les prisonniers

  8   bosno-musulmans détenus à l'école de Grbavci et exécutés sur le site

  9   d'Orahovac et il n'a pas vu que des soldats mais également des civils dans

 10   cette situation, il a vu qu'aucune distinction n'était opérée par rapport

 11   au choix de ceux qui devaient être exécutés. Les actes de meurtre de

 12   Nikolic sont clairement liés à l'attaque visant Srebrenica et Nikolic

 13   savait que tel était le cas."

 14   Concernant les conclusions relatives à l'extermination, les Juges en

 15   première instance ont conclu que ces meurtres s'inscrivaient soit dans le

 16   cadre de l'entreprise criminelle commune visant à tuer soit en était une

 17   conséquence naturelle et prévisible. Nikolic a participé à l'entreprise

 18   criminelle commune visant à tuer, il a également ordonné et planifié

 19   l'assassinat en tant que crime contre l'humanité. Ces meurtres et

 20   assassinats, connus de Nikolic, ont été exécutés à une échelle massive, ont

 21   causé des milliers de victimes; par conséquent, Nikolic a commis, a

 22   ordonné, et a planifié le meurtre ou l'assassinat à une grande échelle. Sur

 23   la base de l'ensemble de ces circonstances, la Chambre de première instance

 24   a déclaré Nikolic coupable du crime d'extermination.

 25   Comme les circonstances l'ont par ailleurs confirmé et en tenant compte du

 26   contexte dans son ensemble pour ces circonstances, eh bien, les Juges de

 27   première instance, au paragraphe 1 426 du jugement, ont statué concernant

 28   la persécution. Je cite :


Page 590

  1   "Nikolic a participé à l'opération de meurtre avec l'intention spécifique

  2   de procéder à une discrimination pour des raisons politiques raciales ou

  3   religieuses. La Chambre de première instance estime que la participation de

  4   Nikolic à l'organisation et à la coordination de meurtre de masse visant à

  5   un seul et unique groupe ethnique, les Musulmans de Bosnie, démontre son

  6   intention discriminatoire. De plus, sa participation active à la mise en

  7   détention, au meurtre, au réensevelissement, les circonstances et la façon

  8   dont ceci s'est produit manifeste clairement l'intention discriminatoire

  9   telle que la Chambre de première instance y a précédemment conclu et était

 10   plus avant l'intention de Nikolic. La Chambre de première instance conclut,

 11   par conséquent, que Nikolic a participé à l'entreprise criminelle commune

 12   visant à tuer avec l'intention spécifique de procéder à une discrimination

 13   pour des raisons politiques, raciales, ou religieuses, et qu'il a, par là

 14   même, commis le crime de persécution sous la forme de meurtre et de

 15   traitement cruel et inhumain."

 16   Madame, Messieurs les Juges, voilà l'ensemble des circonstances

 17   contextuelles dans lesquelles s'insèrent les actes de Nikolic, et nous

 18   n'avons pas d'autres arguments, à moins que vous n'ayez des questions à

 19   nous poser.

 20   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

 21   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

 22   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Nous allons maintenant

 23   faire une pause, et nous reprendrons nos débats à 16 heures 40.

 24   --- L'audience est suspendue à 16 heures 21.

 25   --- L'audience est reprise à 16 heures 41.

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous en venons à présent aux

 27   déclarations personnelles par les appelants. Et j'informe tous les

 28   appelants qu'ils ont le droit, s'ils le souhaitent l'exercer, de s'adresser

 


Page 591

  1   au Tribunal.

  2   Monsieur Popovic, souhaitez-vous faire une déclaration ? Qui ne doit pas

  3   dépasser les dix minutes.

  4   L'APPELANT POPOVIC : [interprétation] Oui, Madame et Messieurs les Juges,

  5   j'en ai l'intention et je sais que j'ai droit à ce temps-là.

  6   Puis-je commencer, Monsieur le Président ?

  7   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.

  8   L'APPELANT POPOVIC : [interprétation] Merci.

  9   Madame et Messieurs les Juges, je n'ai pas l'intention de répéter les

 10   conclusions du jugement me concernant, les arguments de mon mémoire

 11   d'appelant. Je souhaite simplement mettre en avant un certain nombre de

 12   faits que j'ai relevés. Je souhaite vous dire que je n'ai jamais, ne

 13   serait-ce qu'en pensée, eu l'idée d'éliminer un groupe ou une partie d'un

 14   groupe ennemi. Je n'ai jamais ordonné ni rendu possible que qui que ce soit

 15   soit tué ou à quelqu'un de tuer qui que ce soit. Pendant les hostilités, je

 16   n'ai jamais commandé une unité de guerre. Je n'ai pas remarqué que mes

 17   supérieurs hiérarchiques auraient eu un plan visant à commettre un génocide

 18   ou à tuer quelqu'un. Madame et Messieurs les Juges, est-il possible que ce

 19   soit trois officiers chargés de la sécurité, et je suis l'un d'eux, qui

 20   aient commis un génocide à Srebrenica ? Par ailleurs, 14 personnalités ont

 21   été traduites en justice ici, dont nombre de commandants, qui exerçaient

 22   donc des fonctions de commandement. Dans le secteur de Srebrenica, des

 23   crimes ont été commis en recourant à nombre de ressources qui leur

 24   appartenaient, mais aucun d'entre eux n'a été jugé pour génocide.

 25   Madame et Messieurs les Juges, d'après les conclusions de ce

 26   Tribunal, c'est mon propre commandant qui est censé m'avoir assisté dans la

 27   commission d'un génocide, je parle de Krstic. Les règlements provisoires de

 28   la VRS ont été mis en avant dans cette salle d'audience, notamment


Page 592

  1   l'article 17. C'est pertinent, mais cela n'a pas été correctement expliqué.

  2   Madame et Messieurs les Juges, un officier supérieur d'un commandement

  3   supérieur ne peut pas juste se présenter comme cela sans en avoir la

  4   compétence expresse et faire tout ce qu'il veut sans qu'une vérification ne

  5   soit faite. S'il dispose d'une compétence qui lui a été conférée par écrit,

  6   cela est acceptable; mais si ce n'est pas le cas, il faut en rendre compte

  7   aussi bien au supérieur de sa propre unité qu'au commandement supérieur.

  8   Ceci s'applique également lorsqu'on recourt aux ressources de l'unité

  9   en question, recours pour lequel le commandant peut être tenu pénalement

 10   responsable, il s'agit de l'engagement des effectifs, des ressources en

 11   carburant, des véhicules et engins, ainsi que de la munition et du matériel

 12   en général. Il est absolument exclu que j'aie eu la moindre conversation

 13   avec Momir Nikolic de la façon dont cela a été présenté. Jamais je n'ai

 14   appelé au téléphone Drago Nikolic au sujet d'une arrivée de prisonniers de

 15   guerre. Je ne me suis trouvé sur aucun des sites d'exécution à Orahovac,

 16   contrairement à ce qui est affirmé dans le jugement. Acimovic, je l'ai vu

 17   pour la première fois dans cette salle d'audience, Madame et Messieurs les

 18   Juges. Je n'ai pas conduit les membres du 10e Détachement de Sabotage à

 19   Branjevo, ni ne me suis trouvé à cet endroit, jamais, et certainement pas

 20   au moment des exécutions. Quant à ce qui s'est passé à Pilica en rapport

 21   avec la Brigade de Zvornik, je l'ai découvert et appris lorsque je suis

 22   arrivé ici. Je voudrais attirer l'attention des Juges sur la pièce P1309.

 23   Sur cette base, il est impossible de faire le moindre lien entre les

 24   blessés de Milici et ceci. Le commandant dit : J'ai des blessés. Mais il

 25   n'est quand même pas possible qu'après des combats aussi sanglants, on

 26   n'ait fait prisonniers que les hommes valides. Il y a aussi des blessés

 27   parmi eux. Deuxièmement, l'arrivée de ce document selon lequel j'aurais

 28   envoyé des blessés à l'hôpital de Zvornik, mais cela serait insensé, parce


Page 593

  1   qu'ils y étaient déjà, heureusement. Il n'y a aucune inscription au

  2   registre de l'hôpital de Zvornik confirmant leur séjour et confirmant que

  3   j'y sois venu. Et quatrièmement, j'ignore aujourd'hui encore quel a été le

  4   destin de ces blessés de Milici.

  5   Alors, je voudrais maintenant vous dire pourquoi les éléments de preuve ont

  6   été à ce point déformés de façon absurde. Tout ceux qui ont été jugés dans

  7   le passé se sont trouvés ensemble au même moment au Tribunal, Krstic,

  8   Blagojevic, Obrenovic, le commandant, alors que Jokic, Blagojevic, Momir

  9   Nikolic avaient à leur disposition des déclarations, des éléments de

 10   preuve. Tout ce qui les intéressait à l'époque est qu'ils ont eu le temps

 11   de réfléchir à la façon dont ils pourraient reporter la responsabilité sur

 12   quelqu'un d'autre. Donc c'est le système de la chaise vide qui a fonctionné

 13   à plein. Je dirais que dans le jugement me concernant, chaque élément de

 14   preuve a été déformé pour qu'il ait la pire valeur possible me concernant.

 15   Personne ne me reconnaîtrait sur cette base; c'est les Juges en première

 16   instance qui m'ont identifié. S'il s'agit d'un homme sans moustache, c'est

 17   forcément moi. S'il est avec moustache, c'est également moi. S'il est de

 18   grande taille et dans la cinquantaine, c'est de nouveau moi. S'il

 19   conduisait une voiture de type Golf, il est sous-entendu qu'il s'agisse de

 20   moi. Aucun témoin ne m'a reconnu sur la base d'une photo à cause du

 21   traumatisme subi. Mais une description de moi-même a été faite qui ne me

 22   correspond pas du tout.

 23   Et à un moment donné, on constate que j'aurais dû me trouver à deux

 24   endroits en même temps, à Orahovac et Krivaca, à Dragasevac et Kozluk, et

 25   cetera, alors qu'il y a, par exemple, 80 kilomètres de distance entre ces

 26   deux endroits. Alors, comment est-il possible d'affirmer cela ? On a ici

 27   manipulé toutes sortes de contrevérités, on a sorti des mots de leur

 28   contexte, afin de priver de sa valeur tout élément de preuve à décharge. On

 


Page 594

  1   a exercé des pressions sur des témoins, et les éléments de preuve à charge

  2   et à décharge ont été traités de façon considérablement différente.

  3   Dans aucun cas on ne m'a appliqué le principe in dubio pro reo, à

  4   aucun moment du jugement. Alors, si l'objectif était de me condamner à tout

  5   prix sans déterminer la vérité vraie, alors, véritablement, la Chambre de

  6   première instance y est parvenue. Dans ce cas, le petit carré rouge que

  7   présentait le Procureur, eh bien, cela aurait été interrompu. Non. Pour le

  8   Procureur, il fallait que ceci continue de fonctionner de façon

  9   ininterrompue, la ligne de commandement.

 10   Et je voudrais terminer en disant que je vous remercie d'avoir bien voulu

 11   m'entendre, et je vous appelle à faire comme tout bon juge, à écouter de

 12   vos deux oreilles. Puis-je me rasseoir ?

 13   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, allez-y. Et je vous remercie

 14   pour votre déclaration.

 15   Monsieur Beara, souhaitez-vous faire une déclaration ?

 16   L'APPELANT BEARA : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, je vous

 17   remercie de m'en donner l'occasion, mais je n'ai rien à déclarer. Je vous

 18   remercie.

 19   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci beaucoup.

 20   Monsieur Nikolic, souhaitez-vous dire quelque chose ?

 21   L'APPELANT NIKOLIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et

 22   Messieurs les Juges, c'est la deuxième fois que j'ai l'occasion de

 23   m'adresser à vous. Je l'ai déjà fait à la fin du procès, et je peux vous

 24   dire sans la moindre hésitation que ce que j'ai déclaré à l'époque m'a aidé

 25   à faire face à tous ces événements. Aujourd'hui, à la fin de l'ensemble des

 26   procédures en cours, il y a tant de choses que je souhaiterais pouvoir vous

 27   dire, mais je ne suis pas quelqu'un de très loquace et je n'ai jamais

 28   trouvé très facile d'exprimer ce que je ressens. C'est pourquoi je serai


Page 595

  1   bref.

  2   Dès le début, je souhaiterais remercier mes conseils et mon équipe de la

  3   Défense. Huit années se sont déjà écoulées depuis le début de notre travail

  4   ensemble, et indépendamment du résultat final, je souhaite leur dire merci.

  5   Non seulement parce que mes avocats m'ont beaucoup aidé, mais également

  6   parce que j'en ai beaucoup appris sur moi-même en travaillant avec eux.

  7   Je souhaite également exprimer mes remerciements aux témoins qui sont

  8   venus déposer à décharge sur mon invitation, bien que pour certains cela

  9   ait comporté un grand risque pour eux-mêmes et que certains d'entre eux ne

 10   m'aient même pas connu. Evidemment, je ne suis pas satisfait du jugement,

 11   qui à bien des égards était surprenant. Et j'espère réellement que les

 12   arguments présentés cette semaine auront pu vous convaincre que ce qui a

 13   été déterminé dans le jugement n'est pas ce qui s'est réellement passé.

 14   Cependant, encore une fois, indépendamment du résultat et de la peine qui

 15   me sera finalement imposée, je dois vous dire ce qui me fait le plus de

 16   mal, c'est que je ne suis tout simplement pas l'homme décrit dans le

 17   jugement. Mes avocats m'ont expliqué que quoi que je dise aujourd'hui cela

 18   n'aura aucune influence sur la procédure parce que je n'ai pas déposé. Je

 19   souhaite simplement dire, pour ceux qui suivent le présent procès, que je

 20   n'étais pas au courant de l'arrivée des prisonniers à Orahovac jusqu'à tard

 21   dans la journée correspondante et que je n'ai pas été invité par Popovic et

 22   Beara jusqu'au soir. Et lorsque je les ai rencontrés et je me suis réuni

 23   avec eux, je ne savais pas que ces prisonniers allaient être tués le 13

 24   juillet. C'était une réunion très brève pendant laquelle j'ai été informé

 25   que pour des raisons de sécurité, un groupe très nombreux de prisonniers

 26   allaient arriver à Bratunac et qu'ils allaient être placés dans des écoles

 27   en vue d'un échange. Pour moi, c'était une idée absurde en raison du risque

 28   en termes de sécurité pour la population qui se trouvait près de ces

 


Page 596

  1   écoles, notamment. Ce n'est que plus tard lorsque, à bord de véhicules, des

  2   hommes en armes sont arrivés, ce n'est qu'à ce moment-là que j'ai compris

  3   que les prisonniers allaient être tués. A partir de ce moment-là, il y

  4   avait deux choses cruciales pour moi : je souhaitais protéger les jeunes

  5   policiers militaires de ma brigade afin qu'ils ne soient pas mêlés à ce

  6   cauchemar et je souhaitais me protéger moi-même, et je le regrette

  7   profondément. Compte tenu de tout cela, j'aurais pu en faire davantage,

  8   indépendamment de mon grade relativement subalterne et de mon manque

  9   d'influence. Aujourd'hui je paie le pris lourd de cette erreur que j'ai

 10   commise. Je préfèrerais que cela ne se soit jamais produit et je regrette

 11   sincèrement que toutes ces personnes aient été tuées.

 12   Indépendamment de notre point de vue sur cette guerre, il est

 13   impossible de justifier une telle tragédie.

 14   Je souhaite dire, pour finir, qu'il y a plus de huit ans que je suis

 15   arrivé aux Pays-Bas, que j'ai été bien traité par les gardes du quartier

 16   pénitentiaire, et que j'ai été traité avec respect par tous les Juges et

 17   les avocats, ce pourquoi je leur en suis à tous reconnaissant. Cette fois-

 18   ci, je ne suis véritablement pas en mesure de vous dire quoi que ce soit

 19   d'autre. Je vous remercie.

 20   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Nikolic.

 21   Monsieur Pandurevic.

 22   L'APPELANT PANDUREVIC : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges,

 23   pendant le procès, j'ai utilisé l'opportunité qui m'était donnée de déposer

 24   en tant que témoin pendant 22 jours de façon tout à fait publique sans

 25   aucune mesure de protection, sans hésiter à répondre à toutes les questions

 26   qui m'étaient posées. J'ai dressé le tableau des événements pertinents

 27   pendant la période qui nous intéresse, et je l'ai fait en tout sincérité et

 28   avec les meilleures intentions. J'estime que ma déposition était pour moi


Page 597

  1   la meilleure façon de dire au Tribunal ce que je savais. Cependant, Madame

  2   et Messieurs les Juges, j'estime beaucoup la possibilité qui m'est donnée

  3   aujourd'hui de m'adresser à vous. Ma carrière d'officier, après avoir

  4   terminé mes études à l'académie militaire, je l'ai commencée en Slovénie,

  5   où je me trouvais au début de la guerre. C'était une guerre pour laquelle

  6   les officiers de la JNA n'étaient pas préparés, ils ne s'étaient pas non

  7   plus préparés pour elle. Une guerre qui s'est propagée de Slovénie en

  8   Croatie jusqu'en Bosnie-Herzégovine. Et comme toute guerre civile, celle-ci

  9   a été encore plus atroce, ce pourquoi nous n'étions non plus préparés. En

 10   tant qu'enfant des campagnes, une famille de sept enfants, j'ai toujours eu

 11   à cœur de respecter les paroles de mon cher père : Ne regardez pas la cour

 12   d'autrui, occupez-vous de vos affaires et aidez les autres autant que

 13   possible. J'ai, pendant la guerre, eu toujours un comportement humain

 14   envers les autres. Je me suis occupé de mon unité et j'aidais également

 15   l'ennemi pour autant que les règles de la guerre et le droit le

 16   permettaient. Je n'ai cessé de me perfectionner dans des écoles d'officiers

 17   à Ljubljana, et j'ai achevé des études de troisième cycle en sociologie et

 18   ensuite un doctorat en sociologie des forces armées. Les connaissances que

 19   j'aie acquises, je les ai utilisées dans les fonctions que je devais

 20   accomplir, ainsi que dans une fonction de chargé de cours à l'Université de

 21   Sarajevo Est. Toutes mes fonctions au sein de l'armée étaient des fonctions

 22   de commandant, de commandant de peloton au commandant de brigade, à

 23   l'exception de mes fonctions d'adjoint du chef d'état-major de la VRS.

 24   Comme vous le savez, je suis seul accusé en l'espèce, Madame et

 25   Messieurs les Juges, qui a été commandant pendant la période couverte dans

 26   l'acte d'accusation. J'ai pleinement goûté, et au bon côté, et à l'amertume

 27   du commandant en temps de guerre. C'est une responsabilité très lourde et

 28   une question très délicate. Mais chaque question que l'on se pose doit


Page 598

  1   avoir une réponse qui réaffirme l'étique professionnelle. Discuter de la

  2   responsabilité de commandement -- ou, plutôt, dans le journal "Military

  3   View", janvier/février 2012, sur le sujet de la responsabilité de

  4   commandement, on examine de façon critique un vieux proverbe : Les

  5   commandants sont responsables de tout ce que leurs unités font ou manquent

  6   de faire. Les auteurs américains émettre également une proposition

  7   acceptable à mon avis : Un commandant est responsable, mais très souvent il

  8   n'exerce pas le contrôle.

  9   Une armée est une organisation humaine, mais il se passe malgré tout

 10   de mauvaises choses. On ne peut pas toujours savoir ce qu'il va se passer

 11   ni comment y réagir. Lorsque le chaos apparaît, le commandant essaie de

 12   rétablir l'ordre. Mais nous ne pouvons pas savoir à l'avance quand le chaos

 13   va intervenir. Du point de vue de l'organisation, nous ne pouvons pas

 14   attendre du commandant qu'il soit coupable de toutes les activités

 15   répréhensibles qui ont pu être commises sauf s'il en était au courant, s'il

 16   a ignoré ce qui se passait ou s'il a même créé les conditions qui ont

 17   permis la commission de ces activités criminelles.

 18   La VRS était une armée populaire avec des structures centralisées, et

 19   le commandant ne pouvait pas superviser les choses et en même temps se

 20   livrer à du micro management des éléments de ses unités 24 heures sur 24,

 21   sept jours sur sept. C'était impossible pour lui. Contrôler une brigade

 22   n'est pas la même chose que de contrôler les marins qui se trouvent à bord

 23   d'un bateau. Les commandants ne peuvent pas empêcher tout ce qui peut se

 24   passer de mauvais, mais ils ont la responsabilité de la planification en

 25   général du travail des unités et de la création des conditions rendant ceci

 26   possible. Je cite : "Un commandant est responsable, mais très souvent il

 27   n'exerce pas de contrôle."

 28   Pendant la période pertinente, j'étais absent du commandement de la


Page 599

  1   brigade. J'exerçais le commandement d'une autre unité et je n'avais pas le

  2   contrôle effectif de la Brigade de Zvornik. Pendant cette période, je n'ai

  3   reçu aucun rapport émanant de la Brigade de Zvornik ni n'aie émis le

  4   moindre ordre adressé à la Brigade de Zvornik. Comme les Juges le savent,

  5   après que les soldats de la 28e Division de l'ABiH aient été faits

  6   prisonniers, une partie d'entre eux ont été transportés vers le secteur de

  7   la municipalité de Zvornik et ensuite exécutés. Les prisonniers de guerre

  8   n'étaient pas non plus sous la compétence de la Brigade de Zvornik et ce

  9   n'étaient pas non plus leurs prisonniers. L'exécution de prisonniers de

 10   guerre sur le territoire de Capljina et Zvornik a été le fait d'hommes qui

 11   n'étaient absolument pas des membres de la Brigade de Zvornik mais des

 12   membres d'autres structures de la VRS. Ont également participé à ces

 13   activités criminelles certains membres de la Brigade de Zvornik, mais ils

 14   ne l'ont pas fait sur ordre venant de moi ni avec mon approbation en

 15   qualité de commandant de la brigade. Les Juges de première instance n'ont

 16   conclu à l'existence d'aucun ordre illégal que j'aurais émis concernant ces

 17   prisonniers de guerre. En tant qu'ancien membre de la VRS et en tant

 18   qu'être humain, je condamne avec la plus grande véhémence tous ces crimes

 19   et j'exprime ma plus grande compensation aux victimes et à leurs familles.

 20   Madame et Messieurs les Juges, les combattants de la 28e Division qui

 21   ont été faits prisonniers par des soldats de la Brigade de Zvornik lors de

 22   combat du mois de juillet 1995 étaient des prisonniers de guerre sous la

 23   garde de la Brigade de Zvornik. Ils sont restés en vie et on les a traités

 24   conformément aux dispositions du droit de la guerre. Ils ont été envoyés au

 25   camp de prisonniers de Batkovic, notamment, et ensuite ils ont été

 26   échangés. Il y en a eu 145.

 27   Madame et Messieurs les Juges, comme le dit également M. le Juge

 28   Kwon, j'ai été le seul qui, concernant les événements horribles de Zvornik,


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  1   n'a pas gardé le silence; mais j'ai tout consigné dans mes rapports de

  2   combat réguliers et extraordinaires en fonction des informations que

  3   j'avais reçues. Ce sont là les seuls renseignements officiels émanant de la

  4   VRS où il est question de l'exécution des prisonniers. Ces informations au

  5   sujet des prisonniers qui viennent de mes propres rapports n'ont pas été

  6   reconsignées dans les rapports des commandements supérieurs. Mon rapport de

  7   combat du 18 juillet 1995 que j'avais adressé au commandant du Corps de la

  8   Drina représente les informations finales que j'ai reçues au sujet de

  9   l'exécution des prisonniers sur le territoire de Zvornik. En dehors des

 10   informations que j'ai soumises en personne au commandant du Corps de la

 11   Drina, on y trouve la trace de ce qui était mon obligation légale de rendre

 12   compte de ce qui se passait sur le territoire de la municipalité de

 13   Zvornik.

 14   Y a-t-il eu des mesures d'enquête de ma part concernant les crimes

 15   commis ? Eh bien, cela aurait été illusoire et impossible parce que c'est

 16   précisément par les individus qui avaient organisé et dirigé ces exécutions

 17   que j'en ai été empêché. J'ai également été la cible de pressions en raison

 18   de l'ouverture de ce corridor et du fait d'avoir laissé passer les membres

 19   de la 28e Division qui faisaient partie de la colonne. J'estime que dans de

 20   telles circonstances, en tant que commandant de brigade, j'ai agi en

 21   conformité avec mes obligations de commandant, en conformité avec les

 22   possibilités réelles et avec la certitude et la conviction que ce que je

 23   faisais était juste. Cependant, je voudrais exprimer mon profond regret

 24   pour les crimes qui ont été commis en mon nom propre et au nom de la

 25   Brigade de Zvornik auprès des victimes et de leurs familles.

 26   Je vous remercie, Madame et Messieurs les Juges. Je remercie toutes les

 27   personnes présentes dans le prétoire, également l'Accusation, et je

 28   remercie notamment mon équipe de la Défense.

 


Page 601

  1   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci beaucoup.

  2   Me Zivanovic nous dit qu'il y a une erreur dans le compte rendu.

  3   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'ai relevé

  4   qu'il y a une erreur en page 104, lignes 16 et 17 du compte rendu. On y lit

  5   -- il s'agit des propos de M. Popovic, et je cite :

  6   "J'ai vu Drago Nikolic pour la première fois dans ce prétoire."

  7   Alors, ce que M. Popovic avait dit ne portait pas sur Drago Nikolic.

  8   Il a dit : J'ai vu Srecko Acimovic pour la première fois dans ce

  9   prétoire.Merci.

 10   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Les corrections

 11   nécessaires seront apportées.

 12   Vous avez une observation à ce sujet, Maître Bourgon ?

 13   M. BOURGON : [interprétation] Non, non, non. A propos d'un sujet tout à

 14   fait différent, Monsieur le Président --

 15   M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

 16   M. BOURGON : [interprétation] -- et cela porte sur ce que M. Nikolic a dit

 17   à la Chambre d'appel.

 18   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons maintenant entendre

 19   l'intervention de M. Miletic, qui a demandé à son conseil de lire sa

 20   déclaration personnelle.

 21   Maître Fauveau, vous pouvez lire sa déclaration.

 22   Mme FAUVEAU : Monsieur le Président, je vous remercie énormément pour cette

 23   opportunité. Je vais lire la déclaration de M. Miletic dans la langue dans

 24   laquelle il l'a écrite, en serbo-croate.

 25   [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, tout ce que je pourrais

 26   dire au sujet du jugement, de l'évaluation des éléments de preuve et de la

 27   façon de travailler de la Chambre serait superflu. Je suis sûr qu'à partir

 28   des éléments de preuve présentés par l'équipe des conseils de ma Défense,


Page 602

  1   vous avez été en mesure de relier tous les éléments pertinents concernant

  2   ma personnalité et le poste que j'ai occupé lors des événements de la

  3   guerre sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Je pense ici avant tout aux

  4   fonctions que j'occupais conformément à l'organigramme du secteur de

  5   l'état-major de l'état-major principal qui, ni de facto ni de jure,

  6   n'avaient la moindre responsabilité de commandement, à l'exception des

  7   affaires opérationnelles et des affaires relatives à la formation et à

  8   l'extérieur de ce secteur lorsque le chef d'état-major était absent du

  9   poste de commandement.

 10   Ni aucun des postes de commandement de l'ancienne JNA et de la VRS ne

 11   connaît, d'ailleurs, cette fonction de conseiller. Ici, il apparaît que

 12   j'aurais eu comme supérieurs hiérarchiques directs aussi bien le chef

 13   d'état-major que mon commandant qui était à un échelon au-dessus. D'après

 14   la loi, les règles applicables au combat et les instructions applicables

 15   également, ceci est impossible et inacceptable et contraire à

 16   l'organigramme de l'état-major.

 17   A la différence du chef d'état-major et de l'assistant du commandant

 18   qui avait une responsabilité de commandement relativement à certaines

 19   unités, moi je n'avais pas d'unités subordonnées et je ne pouvais pas

 20   émettre d'ordres directement à l'exception des officiers de

 21   l'administration chargée des affaires opérationnelles. Aucun de mes

 22   subordonnés pas plus que moi-même n'avons été vus sur le territoire de

 23   Srebrenica ni de Zepa en juillet 1995. Dans toutes les armées du monde,

 24   c'est le droit exclusif du commandant de prendre des décisions et

 25   d'exprimer l'intention qui est la sienne et la façon dont il entend

 26   atteindre le but poursuivi, et personne d'autre n'a ce droit, et

 27   certainement pas le chef de l'administration chargée des activités

 28   opérationnelles et de formation.


Page 603

  1   En principe, là où se trouve le commandant se trouve également le

  2   commandement. Personne n'a le droit, pas plus que le commandant ne le lui

  3   permettrait, de coordonner les travaux du commandant et de ses subordonnés.

  4   Personne ne peut être mieux informé que le commandant au sujet de la

  5   situation sur le théâtre de guerre où se trouve le commandant, alors que la

  6   Chambre de première instance a précisément conclu cela. La coordination est

  7   une fonction de direction et de coordination, et les officiers ne peuvent

  8   pas coordonner, ils ne peuvent le faire que sur ordre écrit du commandant

  9   de l'état-major principal.

 10   Mon rôle dans la rédaction de la directive est précisément réglé par

 11   l'instruction de travail portant sur les commandements d'états-majors,

 12   paragraphes 95 à 140 et 95 à 103, où il est indiqué que c'est dans le cadre

 13   d'une équipe que la méthode de prise de décision sera appliquée. Et c'est

 14   également là qu'est précisé le rôle de l'officier opérationnel dans

 15   l'élaboration d'une directive. Ce rôle se définit comme suit : sur la base

 16   des ordres et des instructions du commandant ou du chef d'état-major, il

 17   élabore un plan de travail du commandement pour la prise d'une décision, il

 18   effectue l'évaluation des forces dont il dispose et du terrain, il effectue

 19   une évaluation du temps et fournit au chef d'état-major les conclusions.

 20   La suite du travail de l'organe opérationnel jusqu'à la prise de décision

 21   est consignée sous la forme d'une proposition émise par le chef d'état-

 22   major concernant la partie de la décision qui lui incombe, les tâches

 23   incombant aux unités et l'organisation de la direction et du commandement.

 24   Ensuite, ces propositions sont consignées auprès des armes pertinentes de

 25   l'armée. Ensuite, le commandant communique la décision, il adopte les

 26   propositions qu'il entend adopter avec ou sans amendement et prend sa

 27   propre décision. Le commandant donne pour tâche au chef d'état-major et aux

 28   autres membres de son équipe de formuler la teneur finale des paragraphes


Page 604

  1   qui sont de sa compétence pour la directive et les livre à l'organe

  2   opérationnel. Ce sont les paragraphes 103.3, 493, 502 et 504 des

  3   instructions relatives au travail des commandements et des états-majors qui

  4   sont ici pertinents.

  5   L'organe opérationnel a l'obligation de ne procéder à aucun changement et

  6   de traiter la directive qui lui a été transmise avant de la communiquer au

  7   chef d'état-major, qui procède à une vérification avant de la fournir au

  8   commandant. C'est ainsi qu'ont été également élaborées les directives

  9   numéro 7 et 7.1. Lors de la réunion de la structure collégiale des

 10   commandants qui s'est tenue le 3 mars 1995 et qui est consignée dans le

 11   journal du commandant, le commandant a pris sa décision, et moi j'ai

 12   élaboré la directive d'après la méthode que j'ai déjà décrite.

 13   La directive et la disquette sur laquelle celle-ci a été enregistrée ont

 14   été remises le 4 mars 1995 au chef d'état-major. Celui-ci devait en prendre

 15   connaissance et la livrer au commandant. C'est ainsi que les choses se sont

 16   passées, parce qu'aussi bien moi-même que le chef d'état-major étions

 17   absents de l'état-major les jours suivants. La directive a été tapée sur

 18   ordinateur, si bien que je ne comprends vraiment pas pourquoi il n'y a pas

 19   de numéro de page ni sur la première, ni sur la dernière page, et je ne

 20   comprends pas non plus que la dernière page de la ligne 10 puisse se

 21   répéter en haut de la page 11. Je n'aurais pas pu commettre une telle

 22   erreur parce que Milovanovic l'aurait remarqué et il aurait fait revenir la

 23   directive chez moi. Aucune erreur de ce type n'aurait jamais pu lui

 24   échapper.

 25   Je souhaite attirer votre attention sur certains détails me concernant en

 26   tant qu'être humain, entrant qu'officier et général. Je suis en détention

 27   depuis déjà huit ans et je fréquente des détenus appartenant à différentes

 28   nationalités et je n'ai jamais eu le moindre problème avec qui que ce soit.


Page 605

  1   Je suis né dans un village mixte de Bosnie orientale. Toute ma famille est

  2   multiethnique. Ma femme est Croate et nous sommes convaincus que notre foi

  3   et notre nationalité n'ont aucune importance, c'est une conviction que nous

  4   avons transmise à nos enfants. Mon fils est également marié avec une Croate

  5   et ma fille est mariée à un Macédonien. Nous considérons tous au sein de ma

  6   famille l'appartenance à plusieurs cultures comme une grande richesse. La

  7   foi, l'appartenance nationale, la couleur de peau n'ont jamais été des

  8   critères sur la base desquels nous aurions pu construire notre opinion au

  9   sujet de qui que ce soit, et encore moins une vision du monde.

 10   Au début de la guerre, deux de mes camarades, le Croate Zeljko et le

 11   Musulman Muharem, ont risqué leur vie afin de m'aider à extraire la famille

 12   de mon frère et de ma sœur de Sarajevo. J'ai vécu à Sarajevo dans ma

 13   jeunesse et je ne peux pas vous décrire la tristesse qui a été la mienne

 14   lorsque, en 1967, j'en suis parti pour Zadar, et encore plus difficile pour

 15   moi a été de voir Sarajevo pendant la guerre alors que j'ai tant de beaux

 16   souvenirs liés à cette ville. Je suis à 100 % sûr que la plus grande partie

 17   des officiers, quelle que soit leur appartenance ethnique, nous ne

 18   souhaitions pas cette guerre. Nous savions ce que la guerre signifie, à la

 19   différence de nombreuses têtes brûlées qui n'en avaient pas la moindre

 20   idée. Cette guerre n'a rien apporté de bon à part des victimes innocentes,

 21   des foyers détruits et des familles démembrées et ravagées.

 22   Dans mon système de valeurs, il ne peut y avoir aucune justification pour

 23   le crime. C'est honorablement en tant que soldat, en tant que général, et

 24   avant tout qu'être humain que je peux en toute conscience regarder

 25   n'importe qui dans les yeux parce qu'un homme honnête et honorable n'a pas

 26   de quoi avoir honte.

 27   Ce qui est important ici, ce sont les victimes, et les victimes n'ont ni

 28   couleur, ni foi, ni nationalité. Les victimes innocentes sont tout


Page 606

  1   simplement des victimes innocentes et, rien d'autre, et en tant que tel,

  2   elles méritent la vérité concernant leur destin. Les victimes innocentes de

  3   ce conflit et leurs familles ont toutes ma compassion et mon plus profond

  4   respect, à la fois en tant qu'être humain et en tant qu'officier.

  5   Je n'avais pas l'intention de contribuer par mes actes ou par mes omissions

  6   au destin tragique de qui que ce soit. J'ai traversé la vie honorablement

  7   en travaillant, en faisant mon travail et en étant proche de ma famille.

  8   C'est pourquoi dès la communication de mon acte d'accusation le 15 février

  9   2005, je me suis livré volontairement, sachant qu'un homme innocent n'a pas

 10   à avoir peur de quoi que ce soit.

 11   Madame et Messieurs les Juges, je vous remercie de m'avoir permis de

 12   m'adresser à vous et pour votre patience. Radivoje Miletic, Scheveningen,

 13   le 6 décembre 2013.

 14   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

 15   Maître Bourgon.

 16   M. BOURGON : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais pouvoir

 17   m'adresser à la Chambre. Et je pense qu'il serait peut-être plus judicieux

 18   que M. Nikolic ôte ses écouteurs parce que ce que je vais dire va porter

 19   sur ce qu'il vient de dire.

 20   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Voilà une demande bien étrange.

 21   M. BOURGON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, mais il nous a

 22   informés de ce qu'il allait dire et il y a quelque chose au compte rendu

 23   d'audience qui nous a surpris et nous ne savons pas s'il l'a dit en anglais

 24   ou dans sa langue maternelle.

 25   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Bourgon, j'ai consulté mes

 27   collègues et nous n'allons pas accepter votre demande.

 28   Et j'en viens maintenant à la toute dernière partie de notre ordre du jour,

 


Page 607

  1   à savoir la prochaine Conférence de mise en état qui devra avoir lieu le 22

  2   décembre 2013 ou juste avant le 22 décembre 2013. Donc, je considère qu'il

  3   est judicieux de présenter les questions qui vont être soulevées lors de

  4   cette conférence.

  5   A l'heure actuelle, la Chambre d'appel est saisie de sept requêtes que nous

  6   sommes en train d'étudier et des décisions seront rendues en temps voulu.

  7   Mais avant de lever l'audience, j'aimerais m'adresser à chacun des

  8   appelants et leur demander s'ils ont des questions à soulever à propos de

  9   leur état de santé ou de leurs conditions de détention.

 10   Et je commencerai par M. Popovic. Monsieur Popovic, souhaitez-vous soulever

 11   quelque chose à ce sujet ?

 12   L'APPELANT POPOVIC : [interprétation] Non, Madame et Messieurs les Juges.

 13   Tout va bien pour le moment, en tout cas.

 14   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

 15   Qu'en est-il de vous, Monsieur Beara ?

 16   L'APPELANT BEARA : [interprétation] Tout va comme il faut. Je vous

 17   remercie. Je n'ai aucun problème.

 18   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

 19   Monsieur Nikolic.

 20   L'APPELANT NIKOLIC : [interprétation] Monsieur le Président, non, je ne

 21   rencontre aucun problème de santé. Je vous remercie.

 22   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

 23   Monsieur Pandurevic.

 24   L'APPELANT PANDUREVIC : [interprétation] Les conditions sont bonnes, Madame

 25   et Messieurs les Juges, tout est conforme au règlement intérieur.

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avez-vous des questions

 27   supplémentaires ? Et je m'adresse à l'Accusation ainsi qu'à la Défense

 28   maintenant.

 


Page 608

  1   M. KREMER : [interprétation] Non, pas de la part de l'Accusation, mais je

  2   remarque que Me Faveau ne s'est pas exprimée au nom de son client pour ce

  3   qui est de son état de santé et des conditions de détention.

  4   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien.

  5   Maître Fauveau.

  6   Mme FAUVEAU : Monsieur le Président, est-ce qu'on peut aller brièvement en

  7   huis clos partiel.

  8   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

 10   partiel, Monsieur le Président.

 11   [Audience à huis clos partiel]

 12   (expurgé)

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 26   [Audience publique]

 27   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Avez-vous d'autres questions à

 28   soulever ?

 


Page 609

  1   Mme NIKOLIC : [interprétation] Je respecte la décision que vous avez prise

  2   il y a quelques minutes à propos de ce que vous a demandé Me Bourgon, mais

  3   je vous demanderais de nous donner la possibilité de pouvoir corriger le

  4   compte rendu d'audience parce que j'ai entendu ce qu'a dit M. Nikolic mais

  5   ce qui a été consigné est différent. Et nous allons essayer de corriger le

  6   compte rendu d'audience si vous nous y autorisez. Page 107, lignes 18 à 23,

  7   voilà quelles sont les références en question.

  8   [La Chambre d'appel et la Greffière se concertent] 

  9   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, il y a une procédure au sein du

 10   Greffe qui prévoie une vérification du compte rendu d'audience, et je vous

 11   conseille de suivre ladite procédure.

 12   Nous sommes maintenant arrivés au terme de cette audience en appel. Et

 13   j'aimerais, au nom de la Chambre d'appel, remercier les parties qui ont

 14   présenté leurs différents arguments, j'aimerais exprimer ma reconnaissance

 15   aux interprètes, aux sténotypistes, aux juristes, aux représentants du

 16   Greffe, aux huissiers, au personnel audio-visuel, au personnel chargé de

 17   l'informatique, au personne chargé de la sécurité, et à tout le personnel

 18   qui nous a aidés et a coopéré avec nous cette semaine. Et la Chambre rendra

 19   son appel en temps voulu.

 20   --- L'audience est levée à 17 heures 34.

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